heures trois minutes)Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés!
Nous allons d'abord nous recueillir un moment.
Bien. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes
Alors, nous allons débuter la séance en abordant immédiatement les affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles aujourd'hui ni de présentation de projets de loi.
Dépôt de documents
Au dépôt de documents, Mme la ministre de la Justice et responsable de l'application des lois professionnelles.
Rapport annuel de l'Ordre
des évaluateurs agréés du Québec
Mme Goupil: Alors, M. le Président, je dépose le rapport annuel 1999-2000 de l'Ordre des évaluateurs agréés du Québec.
Le Président: Alors, ce document est déposé.
Alors, il n'y a pas d'autre dépôt de documents aujourd'hui, mais, avant d'aborder immédiatement la période de questions et de réponses orales, je vous avise qu'après celle-ci va être tenu un vote reporté sur la motion du ministre de la Solidarité sociale proposant que le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives, soit maintenant adopté.
Questions et réponses orales
Alors, immédiatement, nous entreprenons la période de questions et de réponses orales. Mme la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne, en première question principale.
Qualité des soins et des services prodigués
aux personnes âgées en centre d'hébergement
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Quand on pense aux personnes âgées vivant en centre d'hébergement public, les journalistes parlent maintenant de honte nationale, de scandaleuse négligence et d'exploitation. Ces personnes âgées vivent des histoires d'horreur: elles sont mal lavées, elles sont mal nourries et parfois même gavées, elles sont parfois violentées, surmédicamentées, attachées à leur lit ou à leur chaise, se voient imposer des couches, et maintenant on en est rendu à sélectionner qui on lève et qui on laisse couché pour la journée. Le personnel de ces établissements est épuisé et vit beaucoup de culpabilité, puisqu'il ne peut plus répondre aux besoins de base des personnes hébergées et qu'il doit, en plus, le personnel, supporter l'odieux de cette situation que tolère impassiblement le gouvernement du Parti québécois. Et la ministre de la Santé, vous avez sûrement remarqué comme moi, évite toujours, toujours de parler des impacts, des conséquences des services non rendus aux personnes âgées vivant dans des centres d'hébergement de soins de longue durée.
Est-ce que le premier ministre du Québec est au courant que, suite aux coupures et au sous-financement des centres d'hébergement, il y a présentement au Québec des personnes âgées concrètement alitées qui ne sont plus hydratées à toutes les 90 minutes, soit 16 fois par jour, comme le prévoit le protocole? Et les impacts de ce manque de services sont les suivants: déshydratation, assèchement des voies respiratoires, limite dans la capacité de respirer et formation de plaies de lit. Est-ce que le premier ministre du Québec est au courant des conséquences de ces services non rendus aux personnes âgées, malades, vulnérables, vivant dans les centres d'hébergement? Et qu'attend-il, M. le Président, pour rectifier dès maintenant ? dès maintenant ? cette situation insupportable?
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. La députée de Saint-Henri?Sainte-Anne ne change pas ses habitudes quant à l'attitude démagogique qu'elle continue d'avoir dans les dossiers qu'elle traite.
Des voix: ...
Le Président: Mme la ministre.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je continue de dire, pour l'avoir constaté, pour pouvoir le voir régulièrement lorsque je visite des centres de soins et d'hébergement de longue durée, que nous y retrouvons un personnel consciencieux, compétent et qui agit auprès des bénéficiaires en tout respect à leur endroit, leur offrant les meilleurs services professionnels que l'on puisse offrir en la matière. Je ne nie pas cependant qu'il y ait du sous-financement dans certains établissements, dont, entre autres, certains établissements de soins de longue durée. Nous avons d'ailleurs, à cet égard, reconnu ce sous-financement, puisque, dans les dernières années, nous avons réinvesti des sommes importantes pour améliorer les services rendus aux personnes en perte d'autonomie. Nous l'avons fait, nous continuerons à le faire et j'espère que nous pourrons agir le plus rapidement en ces matières. Mais ça ne justifie jamais les propos que tient notre collègue d'une façon aussi démagogique, je le répète.
Le Président: Mme la députée.
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que le premier ministre du Québec est au courant que, suite aux coupures et au sous-financement dans les centres d'hébergement de soins de longue durée, le personnel, par manque de temps et de ressources, ne peut plus accompagner les personnes âgées à la toilette, et que la culotte d'incontinence devient une pratique courante, forcée, et que maintenant les deux tiers des personnes âgées hébergées sont obligées, de façon prématurée, de porter une culotte absorbante, accentuant ainsi leur perte d'autonomie et leur perte de dignité? Est-ce que le premier ministre du Québec est au courant des conséquences et des impacts des services non rendus aux personnes âgées malades en centre d'hébergement? Et que va-t-il faire, s'il est vraiment un premier ministre consciencieux et respectueux des personnes âgées malades, que va-t-il faire immédiatement pour leur redonner leur dignité?
Des voix: Bravo!
n(10 h 10)nLe Président: Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Alors, M. le Président, autant le premier ministre que notre gouvernement et que moi-même avons pris des décisions à cet égard et avons réinvesti dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée. Nous l'avons fait pendant toutes les années où nous avons dû faire des efforts budgétaires, c'est vrai, considérables dans nos institutions, mais soit nous avons maintenu les budgets dans les cas des centres d'hébergement, soit nous les avons augmentés, soit nous avons transformé ces centres pour les rendre plus fonctionnels, plus adéquats, qu'on puisse être mieux en mesure de répondre aux besoins des personnes âgées.
Je sais que cela est difficile dans certaines circonstances, mais je n'admets pas, d'aucune espèce de façon, les chiffres et les avancées de la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne qui laisserait entendre que, dans l'ensemble de nos centres, pour ne pas dire dans la majorité, puisqu'elle parle de deux tiers des personnes qui sont reçues dans ces centres, elles n'auraient pas accès à une qualité de services et aux services tout court. C'est faux, ce qu'elle affirme, et ça n'a pas d'allure qu'elle le fasse en faisant de la démagogie sur les personnes âgées, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la députée.
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: M. le Président, qui d'entre nous dans cette enceinte accepterait que nos parents, que nos grands-parents soient traités de la sorte? Soyez honnête, soyez sincère, aucun d'entre nous n'accepterait ça. Est-ce que le premier ministre du Québec a déjà oublié le drame des orphelins de Duplessis? Et ne se rend-il pas compte qu'on s'en va directement vers un autre drame, celui des personnes âgées maltraitées et exploitées du gouvernement Bouchard? Qu'attendez-vous, comme premier ministre, qu'attend le premier ministre pour agir, pour redonner dignité à ces personnes vulnérables, pour leur exprimer un minimum de respect, M. le Président?
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je pense que la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne devrait avoir aussi un peu de respect pour ceux et celles qui dirigent ces centres, qui les animent, pour le personnel qui y oeuvre, parce qu'ils mettent tous leurs talents, toutes leurs énergies et toutes leurs qualités en termes de professionnels, toute la qualité dont ils sont capables dans les soins offerts aux personnes âgées, M. le Président. On sait aussi que se retrouvent dans nos centres ? et c'est vrai que cela fait porter le poids sur ces personnes-là ? des parents, des enfants, des fils, des filles, des gens qui sont là, qui vont donner un coup de pouce, qui vont accompagner les personnes âgées, on sait aussi qu'il y a dans ces établissements du bénévolat qui vient combler, j'en conviens, le fait qu'on devra rehausser les ressources, mais je n'admets pas que la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne affirme ce qu'elle affirme ici, à l'Assemblée nationale, que nous délaissons les personnes âgées, que, à la limite, nous les maltraitions. C'est inacceptable, M. le Président.
Le Président: En question principale, Mme la députée de Saint-François, maintenant.
Relocalisation des bénéficiaires
de la Résidence de l'Estrie, à Sherbrooke
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je pense que ma collègue a reconnu l'importance du travail du personnel et je pense que la ministre aurait avantage peut-être à visiter quelques centres d'hébergement.
M. le Président, c'est dans un autre ordre d'idées, mais c'est quand même un cri d'alarme qu'a lancé récemment, dans le journal La Tribune, le président du Regroupement des centres d'hébergement de la région de l'Estrie quant à l'urgente nécessité de relocaliser les 153 bénéficiaires de la Résidence de l'Estrie dans l'ex-hôpital Saint-Vincent-de-Paul. Je rappelle au gouvernement que la Résidence de l'Estrie est reconnue comme étant le centre d'hébergement de soins de longue durée le plus vétuste au Québec, et, dans une lettre adressée à la ministre le 10 février dernier, le comité des usagers lui démontrait la pertinence d'agir rapidement. On lui soulignait, entre autres, et je cite: «La sécurité est vraiment lamentable. En cas de sinistre majeur, feu ou évacuation rapide, les aînés de trois étages sur quatre seraient condamnés à mourir.» Malgré un engagement du gouvernement, en février dernier, pour le réaménagement de l'ex-hôpital Saint-Vincent-de-Paul, on attend toujours la décision du gouvernement.
Question à la ministre, M. le Président: Va-t-elle donner suite à son engagement et aux demandes répétées de la région? Il en va non seulement de la qualité de vie, mais aussi de la sécurité des patients.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vais d'abord rassurer la députée de Saint-François, je visite régulièrement et systématiquement les centres d'hébergement et de soins de longue durée, autant les centres privés conventionnés que les centres publics, M. le Président, de même que le font aussi mes collègues de ce côté-ci de l'Assemblée nationale. Alors, quand je me lève, ici, et que je parle de cela, je sais de quoi je parle.
Par ailleurs, sur la question des investissements, il y a actuellement des demandes considérables pour que nous puissions investir soit dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée, soit dans le réaménagement de certains hôpitaux, soit dans l'ajout de ressources du côté des CLSC, entre autres, ou ailleurs. D'ici quelques semaines, d'ici très peu de temps, finalement, je vais être en mesure de pouvoir donner suite à un certain nombre des demandes qui nous ont été présentées en ce sens, et, à ce moment-là, on évaluera la possibilité de retenir évidemment cet établissement en particulier qui est, à travers un certain nombre d'autres établissements, oui, reconnu comme une priorité, M. le Président, en termes d'investissement.
Le Président: Mme la députée.
Mme Monique Gagnon-Tremblay
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, comment peut-on croire la ministre? Est-ce qu'elle a véritablement plaidé auprès de ses collègues soit du Conseil du trésor ou des Finances l'urgence de ce dossier? Le ministre des Finances, qui était justement dans l'Estrie la semaine dernière, disait ne pas connaître le dossier. Le député de Johnson, qui est son adjoint parlementaire, lui disait qu'il avait tout fait comme député pour défendre ce dossier mais sans résultat. Il était impuissant, sans résultat. Alors, comment je peux croire la ministre? Même la régie régionale, ce matin, demande une rencontre avec le ministre des Finances. Alors, Mme la ministre, est-ce que vous avez véritablement plaidé l'importance, et l'importance d'avoir aussi les sommes nécessaires pour tous les services dont ont besoin nos personnes âgées?
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Comme j'ai répondu à l'un de vos collègues la semaine dernière, je pense que mes collègues trouvent que je plaide peut-être un peu trop, justement, à l'occasion. Alors, ce que je voulais dire aux membres de cette Assemblée d'abord, c'est que mon collègue le député de Johnson a suivi tous ses dossiers d'une façon très systématique, m'en a fait état, et je crois que, la semaine dernière, lorsque mon collègue le ministre des Finances a été dans la région, c'est plus une erreur quant aux noms qu'on lui avait mentionnés et non pas quant au fond de la question. Je l'ai d'ailleurs constaté avec mon collègue de Johnson.
Je réitère aux membres de cette Assemblée qu'il y a devant nous un nombre important de demandes. Je voudrais rappeler aussi aux membres de notre Assemblée que nous avons réinvesti dans le réseau des sommes considérables l'année dernière, près de 450 millions de dollars, que cette année nous avons annoncé des investissements dans des équipements à hauteur de 200 millions de dollars, auxquels nous rajouterons dans les prochaines semaines des sommes supplémentaires. Effectivement, j'informerai l'ensemble des établissements du réseau de la hauteur des investissements sur lesquels ils pourront consentir d'ici quelques semaines, M. le Président, sûrement avant la fin de l'année de calendrier.
Le Président: M. le député de Châteauguay, en question principale?
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Une courte additionnelle, M. le Président. Est-ce que le premier ministre est au courant que ce qu'on a établi à l'égard des CHSLD, la situation qui se vit en ce moment, c'est de la responsabilité du gouvernement? D'ailleurs, de la même façon qu'il parle des urgences qu'il trouve catastrophiques, c'est sa responsabilité, ce qui se passe dans les urgences. Et la raison pourquoi ça se passe ainsi, c'est que le Québec, qui était, en 1994, en troisième position au Canada en termes d'investissement dans la santé per capita... Nous sommes rendus à la dixième position. Ce qui se passe en ce moment, c'est de votre faute à vous.
n(10 h 20)n Et ce que je veux savoir de la ministre de la Santé, qui nous dit que, d'ici deux, trois semaines, peut-être quatre, elle va nous annoncer les réinvestissements, c'est: Est-ce qu'elle peut s'engager à ce que d'ici la fin de l'année on retrouve la troisième position où nous étions en 1994?
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Il y a une chose que le député de Châteauguay oublie de mentionner, M. le Président, quand il distribue les fautes des uns et des autres: il y en a un premier qui est en faute dans cela, et c'est le gouvernement fédéral qui a sabré dans les transferts aux provinces et particulièrement en matière de santé.
Des voix: ...
Mme Marois: Et le deuxième...
Des voix: ...
Le Président: Mme la ministre.
Mme Marois: On est à l'heure de porter des jugements. Il y a aussi le merveilleux déficit que nous avaient laissé nos amis d'en face lorsque nous sommes arrivés au gouvernement. Il a fallu vivre avec ça. Ils n'aiment pas ça l'entendre, là, parce que ça leur rappelle peut-être des mauvais souvenirs, mais on va le leur rappeler parce que, nous, on a été obligés de le vivre, le redressement. Ça n'a pas été particulièrement facile, M. le Président, au cas où on ne s'en souviendrait pas.
Quant à la comparaison sur les sommes que nous consacrons à la santé et aux services sociaux, M. le Président, d'abord, une première chose, nous consacrons en moyenne la même hauteur que consacrent, au Canada, l'ensemble des autres provinces ? je dis bien en moyenne ? par rapport à leur richesse collective, donc sur l'ensemble de notre production collective. D'autre part, j'ajouterai ceci: nous avons, dans les dernières années, procédé à des réinvestissements majeurs et nous sommes à réviser les chiffres pour tenir compte de ces investissements, puisque, depuis trois ans, nous avons investi 4 milliards de dollars en santé et en services sociaux. Donc, nous sommes à regarder l'ensemble des données pour procéder au réajustement, tenant compte de ces réinvestissements qui nous positionneront sans doute un peu différemment par rapport à ce qui se passe dans les autres provinces, mais tenant compte de notre richesse collective.
M. Fournier: En complémentaire.
Le Président: M. le député de Châteauguay.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Est-ce que la ministre peut arrêter sa cassette? Le premier ministre était d'accord avec les coupures fédérales. Les coupures fédérales ont atteint toutes les provinces. De toutes les provinces canadiennes, il y en a une qui a reculé de façon dramatique de la troisième à la dixième, c'est le Québec, et ça tient compte ? c'est d'ailleurs à partir des chiffres du ministère ? de ce que vous appelez des réinvestissements. Ce n'est pas des réinvestissements, vous avez démoli le système, et ça donne des choses comme on entend par ma collègue de Saint-Henri?Sainte-Anne. Alors, ma question, M. le Président, elle est bien simple. Elle veut nous dire qu'elle va réinvestir. Est-ce qu'elle s'engage à ce que d'ici la fin de l'année nous retrouvions la troisième position que nous avions en 1994? Oui ou non?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, j'ai entendu à quelques reprises et depuis quelques mois l'opposition libérale dire que le chef du gouvernement du Parti québécois a appuyé les coupures fédérales dans la santé. Ils savent très bien, on le sait tous, que nous avons appuyé un programme de rationalisation pour supprimer les déficits aussi bien à Ottawa qu'à Québec. Et nous n'avons pas été hypocrites, nous n'avons pas été incohérents, nous avons dit: Puisque, nous, nous devons supprimer les déficits, nous comprenons qu'Ottawa le fasse aussi. Mais, une fois les déficits réglés, il est inconcevable qu'Ottawa, à même les coupures de la santé, accumule les surplus astronomiques qu'il a présentement sans s'occuper des besoins profonds de la population.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question principale, M. le député de Hull.
Modification des articles 45 et 46
du Code du travail dans le cadre
des fusions municipales
M. Roch Cholette
M. Cholette: Merci, M. le Président. Samedi dernier, le premier ministre a blâmé les élus municipaux du Québec pour le coût élevé de la main-d'oeuvre dans le monde municipal. Il leur a dit que c'était de leur faute si ça coûtait si cher puis qu'ils auraient dû se tenir debout. Ça, c'est ce que le premier ministre a dit. Il a oublié, par contre, le premier ministre, de leur dire que, s'ils sont obligés d'être à genoux devant les syndicats, c'est de la faute du gouvernement parce qu'il ne leur donne pas les outils pour gérer convenablement dans le monde municipal, les outils qui sont réclamés par le monde municipal. Ça fait maintenant des années que le monde municipal réclame notamment des assouplissements au Code du travail pour permettre le recours à la sous-traitance, modifier les articles 45 et 46 pour le recours à la sous-traitance. Il a toujours, le gouvernement, fait la sourde oreille sur cette revendication-là.
Est-ce que la ministre des Affaires municipales peut nous dire aujourd'hui si elle est prête à bouger en ce sens et à donner plus d'outils au monde municipal pour lui permettre de gérer adéquatement le monde municipal?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: Le député de Hull n'a pas bien compris ce que j'ai dit, parce que j'ai bien expliqué, M. le Président, que l'une des raisons, et ce n'est pas la seule, mais que l'une des raisons qui expliquent que les concessions salariales et de rémunération qui ont été faites aux employés municipaux excèdent de 30 % le marché comparable, c'est justement que, très souvent, des maires de petite municipalité, face à des syndicats coordonnés dans l'ensemble du Québec, ne faisaient pas le poids dans des négociations et qu'ils cédaient. Ils faisaient des concessions qui n'avaient d'ailleurs pas beaucoup d'impact sur leurs propres finances municipales, au niveau de la municipalité, mais qui, réparties à l'ensemble du Québec comme modèle ensuite par ces grandes centrales syndicales, ont fait en sorte que les autres municipalités ensuite ont été soumises à une sorte de modèle, ce qui explique un déséquilibre, au fond, qui sera rétabli par les grands regroupements auxquels on procède présentement.
Deuxièmement, je n'accepte pas ce reproche des maires, de certains maires, pas tous les maires, de certains maires qui nous disent: Le gouvernement ne nous a pas pourvus des outils, en particulier le lockout. Voir si, M. le Président, ça aurait du bon sens que, dans le secteur public, les municipalités puissent provoquer des lockout. J'ajouterai, en plus, que, dans beaucoup de cas, parlant de l'article 45, on a vu des municipalités concéder des avantages syndicaux qui ont resserré davantage 45 que le Code du travail, elles se sont donné des contraintes additionnelles à celles du Code du travail.
Au fond, c'est une question de négociation. C'est très difficile de négocier, c'est difficile de prendre la pression. On sait que les libéraux ne la prenaient pas, la pression, qu'ils ne la prennent nulle part et qu'ils voudraient que nous fassions comme eux. Mais la négociation, ça suppose, M. le Président, qu'on puisse tenir le coup dans un rapport de force, et je suis convaincu que, en créant de grands ensembles comme ceux qui seront créés à la suite de la réforme en cours, nous aurons des parties en meilleur état d'équilibre pour négocier des conventions correctes et de meilleures conditions de travail.
Le Président: M. le député.
M. Roch Cholette
M. Cholette: Est-ce que le premier ministre réalise que, en plus de ne pas écouter la population, de ne pas écouter les maires du Québec... Il n'est même pas obligé d'écouter l'opposition officielle. Est-ce qu'il réalise que le Pacte 2000, le rapport Bédard, son étude commandée par lui-même et payée par lui-même, payée par nos deniers publics, dit exactement cela: Donnons des outils au monde municipal? À la recommandation 104, ça dit ceci: «Avant de changer n'importe quelle structure municipale, il faut changer le Code du travail, les articles 45, 46, pour permettre, comme dans le privé et comme en Ontario, aux municipalités d'avoir recours à la sous-traitance.» S'il ne veut écouter personne au Québec, est-ce qu'il peut écouter au moins son expert qui lui dit: Bougez sur le Code du travail, M. le Président?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, s'agissant d'écouter les maires, je pense que le premier maire que devrait écouter le député de Hull, c'est le maire de Hull, le maire de Hull qui fait preuve de vision, d'ouverture d'esprit, et qui est devenu, en fait, un artisan des regroupements positifs dans la région de l'Outaouais. Heureusement que, dans la région de Hull, il y a un maire de Hull qui compense pour la fermeture d'esprit du député!
Le Président: M. le député.
M. Roch Cholette
M. Cholette: En parlant de maires des régions, est-ce que le premier ministre peut parler peut-être des maires dans son coin à qui il a promis qu'il n'y en aurait pas, de fusions forcées? Mais est-ce que le premier ministre peut aussi prendre acte d'un quotidien qu'il aime citer, le journal LeDroit, qui titre en page frontispice, aujourd'hui, et je cite: Le maire Ducharme perd tous ses appuis? Et d'ailleurs le maire Ducharme a toujours réclamé une modification au Code du travail. Est-ce que le premier ministre peut nous dire aujourd'hui s'il va bouger, oui ou non, sur le Code du travail?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, je n'ai pas pu lire LeDroit, ce matin.
Des voix: ...
Une voix: Vous lisez Le Quotidien.
M. Bouchard: Je lis Le Quotidien d'abord.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bouchard: Je lis Le Quotidien, ses éditoriaux, enfin je me fais une idée pour la journée.
Des voix: Ha, ha, ha!
n(10 h 30)nM. Bouchard: Donc, je ne sais pas de quel appui il s'agirait. Mais ce qu'il faut bien reconnaître, c'est qu'il y a, à Hull, un maire courageux qui ne va pas céder aux premières pressions venues et qui, face à l'avenir, face à la population de l'Outaouais, est en train de faire progresser la région. Il faut saluer cela, M. le Président.
Le Président: En complémentaire, M. le député de Marquette? En principale? D'abord, M. le député de Rivière-du-Loup.
Stratégie du gouvernement en matière
de relations fédérales-provinciales à la suite
du résultat de l'élection fédérale
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. La stratégie du premier ministre en matière de défense des intérêts du Québec et de promotion des intérêts du Québec au cours des dernières années a reposé principalement sur l'isolement, minimiser les rapports avec les partenaires des autres provinces, isolement aussi qui se retrouvait dans l'existence d'un parti seulement québécois pour parler au nom des Québécois à Ottawa. À travers ça, il était à la recherche de supposées conditions gagnantes. Finalement, la stratégie, du premier ministre, de l'isolement, c'était de se retrouver sur une banquise, et lundi on a vu que la banquise fond, que l'échec du Bloc québécois de lundi dernier, finalement, c'est l'échec de la stratégie de l'isolement qui a été celle du premier ministre et que le résultat de l'ensemble de la stratégie du gouvernement péquiste et du premier ministre, c'est un affaiblissement du Québec. La plus belle preuve de ça, c'est l'incapacité, face à un projet de loi comme C-20 sur la clarté, de ce gouvernement d'organiser ou d'orchestrer une réplique.
Ma question au premier ministre: Est-ce qu'il reconnaît que l'échec du Bloc québécois de lundi l'oblige à un examen de conscience concernant l'échec de la stratégie de l'isolement? Et est-ce qu'il a l'intention de mettre fin à la stratégie de l'isolement, qui a été celle de son gouvernement, et de recommencer à établir des relations avec nos partenaires des autres provinces?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, je trouverais, en tout respect, que l'intervention du député de Rivière-du-Loup n'est pas du tout conforme à la réalité. Pour peu qu'il examine le parcours du gouvernement dans ses rapports avec les autres provinces du Canada, il va voir que nous avons travaillé en très grande cohésion avec toutes les provinces, que nous avons assisté à toutes les conférences des premiers ministres, que j'ai eu d'ailleurs l'occasion de présider, cette conférence, pendant une année, et que nous avons établi ensemble de très nombreux consensus, M. le Président.
Bien sûr, il y a eu ce déplorable épisode de l'union sociale où nous avons dû, bien sûr, nous exclure d'un consensus que doivent regretter maintenant toutes les provinces, puisqu'il était au désavantage des provinces. Mais, cela étant dit, dans la plupart des cas, nous avons convenu des accords, nous avons présenté des consensus vis-à-vis d'Ottawa et, lors de la dernière conférence sur la santé, nous avons fait une alliance très étroite avec l'Ontario. Le Québec n'a jamais travaillé, en tout cas a rarement travaillé autant avec les provinces que depuis quelques années. Si les résultats ne sont pas à la hauteur du travail et des attentes, c'est à cause de l'intransigeance du gouvernement fédéral qui se braque constamment contre les provinces, contre le Québec aussi bien sûr, d'abord, mais contre les provinces. Et j'inviterais le député de Rivière-du-Loup à faire preuve davantage de nuances lorsqu'il analyse les faits.
Et, parlant de ce qu'il appelle la défaite du Bloc québécois, il devrait se rappeler que le Bloc québécois a 38 députés à Ottawa; c'est 37 de plus que le nombre de députés qu'il a lui-même.
Des voix: Ha, ha, ha!
Des voix: Bravo!
Le Président: Bien. M. le député de Rivière-du-Loup.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut, au nom de son gouvernement, arrêter de vivre dans des rêves, arrêter de vivre dans la nostalgie habituelle du Parti québécois que le vice-premier ministre nous a démontrée face à l'échec du Bloc québécois en disant que c'était une progression pour son option? Est-ce que le premier ministre peut annoncer aujourd'hui qu'il va arrêter de laisser traîner dans le paysage, dans le présent mandat puis dans l'autre mandat, l'idée d'un autre référendum et commencer...
Des voix: ...
Le Président: Alors, je crois que notre collègue de Rivière-du-Loup n'avait pas terminé sa question. J'aimerais bien l'entendre. M. le député.
M. Dumont: Alors, est-ce que le premier ministre va arrêter de laisser traîner dans le paysage l'idée d'un autre référendum, auquel personne ne croit de toute façon, puis encore moins depuis lundi, puis commencer à travailler avec une politique d'affirmation du Québec dans le réel plutôt que dans le rêve?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, encore une fois, le chef de l'ADQ et député de Rivière-du-Loup déforme la réalité, puisque, et c'est un fait incontestable, c'est une donnée quantifiée que celle d'une augmentation de 2 % dans l'appui populaire au Bloc québécois lors de ces élections fédérales par rapport à l'élection précédente, malgré que le taux de participation ait été extrêmement bas, je dirais un niveau historiquement bas, dont on sait qu'il défavorise toujours les souverainistes dans des consultations populaires.
Deuxièmement, M. le Président, j'entends la critique du chef de l'ADQ, mais j'aimerais bien savoir ce qu'il a à proposer comme solution. On est en face, nous, de l'impuissance généralisée, aussi bien l'opposition officielle que dans l'ADQ. Qu'est-ce qu'il propose, M. le Président? L'impuissance. Incapable de formuler le moindre programme constitutionnel; incapable de formuler la moindre façon de briser l'impasse actuelle; incapable de proposer la moindre façon de convaincre le gouvernement fédéral de changer d'attitude.
Et, M. le Président, nous savons très bien que ce résultat, dont a bénéficié M. Jean Chrétien au cours de l'élection d'avant-hier, signifie que la main du père supérieur du quartier général va être extrêmement lourde sur le Parti libéral du Québec qui n'aura plus rien à dire, qui n'est pas capable de formuler aucune plateforme constitutionnelle et qui doit savoir maintenant que, quand il revendique comme nous le transfert des points d'impôt qui nous appartiennent, il va se heurter à une oreille très sourde.
Et je n'ai pas entendu une fois durant la campagne électorale le chef de l'opposition officielle, qui s'est mêlé des réformes municipales, reprocher au gouvernement fédéral de ne pas transférer les points d'impôt. Pourtant, il nous en parle ici, à la Chambre, mais, quand il parle avec le premier ministre du Canada, son chef, il se garde bien d'en parler, M. le Président, c'est l'aplatissement total.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le député.
M. Mario Dumont
M. Dumont: Est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il ne peut pas blâmer les partis qui ne sont pas au pouvoir pour la politique de l'affaiblissement qu'il décrit lui-même comme une impuissance? C'est exactement ce que je lui demande: Est-ce que le premier ministre va se donner une stratégie dans le réel? Parce que l'impuissance dont il parle, la source de cette impuissance-là du Québec, c'est le fait qu'on est gouverné par un parti qui vit dans ses rêves, qui parle d'un référendum qui n'aura pas lieu, qui est incapable de définir une stratégie pour le Québec avec ses partenaires.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lucien Bouchard
M. Bouchard: M. le Président, nous, ce n'est pas une stratégie qu'on a. Nous, c'est la détermination de faire du Québec le pays qu'il doit être, un gouvernement, un État...
Des voix: Bravo!
M. Bouchard: Et les Québécois, ceux qui ont voté pour le Bloc québécois et ceux qui ne sont pas allés voter mais qui sont souverainistes doivent savoir que la jonction sacrée doit se faire, M. le Président, le plus vite possible, que la seule solution à l'impasse actuelle, à une impasse structurelle, à une impasse qui durera toujours si le peuple du Québec ne se lève pas debout, c'est la souveraineté du Québec. Et nous voulons la faire, la souveraineté, nous, et nous la ferons, M. le Président!
Des voix: Bravo!
M. Bouchard: Et j'ai un message pour M. Jean Chrétien.
Des voix: Ah!
M. Bouchard: Vous lui transmettrez, vous lui parlez...
Le Président: M. le premier ministre, un instant, s'il vous plaît. S'il vous plaît! En terminant, M. le premier ministre.
M. Bouchard: M. le Président, j'ai entendu hier M. Jean Chrétien, dans sa conférence de presse, faire preuve encore une fois de cette exquise politesse et courtoisie qui le caractérisent, quand il a eu le front, à la faveur d'un résultat obtenu dans le défaut, dans la démission de voter, de dire que c'est lui qui représentait les Québécois plus que le chef de l'opposition officielle. Il a même dit, il a même eu l'audace de le dire au chef de l'opposition officielle, que, lui, il avait plus de voix de Québécois et que dorénavant c'est lui qui allait les représenter, les Québécois. Alors, je pense que le Parti libéral du Québec doit se poser une question: Est-ce qu'il a encore voix au chapitre, après ce que vient de dire hier le premier ministre du Canada?
n(10 h 40)n Et le message que j'ai à faire, M. le Président, c'est qu'à Ottawa...
Des voix:...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bouchard: M. le Président, au lieu de coasser dans l'Assemblée nationale comme dans un poulailler, ils seraient pas mal mieux de parler au chef du Parti libéral du Canada et lui dire quels sont les intérêts profonds du Québec, ceux qu'ils ont à l'esprit et qu'ils ont dans le coeur, je le sais, mais ils ne le font pas parce qu'ils ont peur, parce qu'ils savent que tout sera reçu par une fin de non-recevoir, M. le Président. Donc, c'est l'impuissance. Et j'ajouterai, M. le Président...
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, en conclusion, M. le premier ministre.
M. Bouchard: Je conclus, je conclus...
Des voix: ...
M. Bouchard: ...parce que je sais qu'à Ottawa il y a des gens qui maintenant croient que c'est réglé et que, à la faveur de cette élection, ils ont rivé son clou à la souveraineté du Québec, M. le Président. Ils ne connaissent pas l'histoire. Ils ne connaissent pas la capacité de rebondissement du peuple du Québec. Ils ne savent pas qu'il y a un ressort de tendu et qu'au bout du chemin actuel il y a la souveraineté du Québec.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question principale, M. le député de Marquette.
Effets des fusions municipales
sur les relations de travail à Montréal
M. François Ouimet
M. Ouimet: M. le Président, ce que les Québécois connaissent, c'est la capacité du premier ministre de se réchauffer avant un Conseil national du Parti québécois.
Des voix: Bravo!
M. Ouimet: Mais revenons, M. le Président, à la réalité. Revenons à la réalité. Le chef des cols bleus de Montréal, Jean Lapierre, et le chef des pompiers de Montréal, Gaston Fauvel, affichent un silence et un sourire qui en disent long depuis le dépôt du projet de loi sur les fusions forcées. Hier, les intervenants sont venus témoigner en commission parlementaire. Ils nous ont clairement exposé leurs craintes pour les Montréalais. Voyez-vous, M. le Président, la grosse ville de Montréal deviendra le seul employeur sur tout le territoire de l'île de Montréal. Grosse ville, gros syndicat, grosses grèves, gros problèmes, grosses dépenses.
M. le Président, la question à la ministre de la Métropole: Peut-elle nous indiquer comment elle peut penser pour un seul instant qu'il sera avantageux pour les Montréalais d'avoir un syndicat encore plus gros et encore plus puissant que celui qui existe déjà à Montréal?
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: Alors, M. le Président, le député n'était certainement pas à ma résidence personnelle la semaine dernière alors qu'il y avait 800 cols bleus devant ma résidence personnelle. Ils n'étaient donc pas silencieux.
M. le Président, nous avons agi de manière responsable. Nous avons, premièrement, identifié l'importance de développer une démarche adaptée à cette réorganisation municipale, qui tienne compte d'un certain nombre de nos pratiques, de nos valeurs, mais qui tienne compte également des défis qui sont posés pour ces nouvelles organisations municipales. Nous avons donné des outils permettant notamment aux municipalités de passer à travers cette nouvelle réalité de relations de travail correctement. Nous avons encadré le processus d'intégration des employés à cette nouvelle ville. Nous avons également donné des indications à la loi sur l'harmonisation des conventions collectives. Nous avons également fait en sorte que, dans le cas où une décision... quand une première négociation de convention collective serait dans les mains d'un arbitre, l'arbitre devrait s'en tenir à un certain nombre de critères. Nous avons donc donné les outils pour que ces démarches se fassent correctement.
Et prenons l'exemple du territoire de l'île de Montréal. C'est à peu près 140 unités d'accréditation. Je pense que c'était la moindre des choses qu'on apporte une cohérence, que les employés soient représentés correctement, mais en même temps que cette nouvelle ville puisse avoir tous les éléments pour être efficace pour les citoyens.
Le Président: M. le député.
M. François Ouimet
M. Ouimet: M. le Président, la ministre réalise-t-elle qu'elle est en train de livrer les Montréalais pieds et poings liés aux intérêts des cols bleus et des pompiers de Montréal ? c'est ça qu'elle est en train de faire avec son projet de loi ? qu'elle ne donne pas des outils aux Montréalais pour éviter que les services soient paralysés sur le territoire de l'ensemble de l'île de Montréal? Si elle en a eu 800 devant sa porte, imaginez-vous tous les cols bleus sur le territoire de l'île de Montréal, dorénavant.
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: M. le Président, nous ne pouvons pas entreprendre une réorganisation municipale et rédiger un projet de loi pour contourner une ou une autre personne. Je pense qu'il faut être un peu plus responsable et mature que ça pour le bien de ces nouvelles villes. Nous savons que ces nouvelles villes ont besoin d'être mieux organisées, que l'éparpillement, que l'effritement des unités d'accréditation, que la non-harmonisation ? le fait que des conventions collectives ne soient pas harmonisées dans des délais acceptables ? pourrissent les relations de travail et ne donnent pas des chances de développer des bons services aux citoyens. C'est l'option que nous avons prise, et ça n'a rien à voir avec les personnes. Nous l'avons fait pour les Montréalais et les Montréalaises, pour que Montréal puisse être sur la carte des meilleures villes au monde.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Vaudreuil.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président.
Une voix: Pas Vaudreuil, Mont-Royal. Vaudreuil, il est là.
Le Président: J'ai confondu avec votre collègue d'à côté, M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Je vous en prie. Vous êtes pardonné, M. le Président.
Le Président: Merci, M. le député de Mont-Royal.
Conflit de travail impliquant les employés
d'entretien de la Société de transport
de la Communauté urbaine de Québec
M. André Tranchemontagne
M. Tranchemontagne: Ce matin, M. le Président, on apprend qu'il n'y aura aucun service d'autobus dans la région de Québec en fin de semaine. On apprend de plus que la semaine prochaine il y aura seulement, pour la région de Québec toujours, quatre circuits d'autobus pour rendre le service à la population. Alors, qu'est-ce que la ministre du Travail attend pour intervenir dans cette grève qui fait souffrir particulièrement les travailleurs, les retraités et les étudiants? Et ça les fait souffrir depuis quatre semaines, M. le Président.
Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: Alors, merci, M. le Président. J'apprécie la question du député de Mont-Royal parce qu'elle me permet de réitérer mon appel aux parties. Et je sais que l'opposition, c'est le genre de chose qu'elle ne veut pas entendre. Mais il reste que les parties ont la responsabilité de régler ce conflit. C'est à elles premièrement qu'appartient cette première responsabilité.
J'ai eu l'occasion ce matin d'entendre à la radio des porte-parole de la partie patronale et de la partie syndicale. Je pense que c'est des gens qui sont articulés et qui doivent maintenant s'installer autour d'une table et régler ce conflit. Ils ont ce qu'il faut. Nous avons mis les meilleures personnes et nous avons mis les meilleures énergies en quantité et en qualité en termes de médiateurs, de conciliateurs. Tous ces gens-là sont à la disposition des parties, et j'en fais appel à l'attitude et au comportement responsable des parties.
Je terminerais, M. le Président, en disant que nous allons évidemment suivre ce dossier. J'ai demandé un rapport de la conciliatrice vendredi, un rapport précis sur la situation. Je termine en disant qu'on ne peut pas réclamer la liberté de négocier et ne pas négocier, qu'on ne peut pas prétendre non plus à l'autonomie de différents milieux de travail et ne pas assumer toutes les responsabilités qui en découlent. Et ça, ça appartient aux parties en présence.
Le Président: M. le député de Mont-Royal.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. En complémentaire.
Le Président: Très bien.
M. André Tranchemontagne
M. Tranchemontagne: Je voudrais rappeler à la ministre que c'est la population qui souffre, la population de Québec, et ça, ça fait quatre semaines qu'elle souffre. Est-ce que la ministre est prête... Cet après-midi même, il y a un Conseil des ministres. Pourquoi la ministre ne dépose pas au Conseil des ministres un projet de décret pour justement forcer le retour au travail des employés d'entretien de la communauté du transport de Québec?
Des voix: Bravo!
Le Président: Mme la ministre.
Mme Diane Lemieux
Mme Lemieux: M. le Président, je suis parfaitement consciente que ce conflit, il est plus que désagréable et qu'il y a là et des employés et des citoyens et des citoyennes de Québec qui sont effectivement coincés dans ce conflit. Et c'est la raison pour laquelle, avant d'imaginer toutes sortes de moyens, nous devons la remettre, la responsabilité des parties à résoudre ces difficultés. Les parties font partie du problème mais également des solutions. Et je pense, je le répète: Nous avons les interventions en quantité et en qualité qu'il faut, il suffit de bonne volonté, d'avoir les attitudes adéquates pour vouloir résoudre un conflit comme celui-là.
n(10 h 50)n Je rappelle également que le Conseil des services essentiels est également actif dans ce dossier-là. Alors, à ce moment-ci, j'ai demandé un rapport à la conciliatrice, précis, pour vendredi, et je compte bien, à partir de là, suivre au fur et à mesure des nouveaux événements qui se dérouleront.
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! La période de questions et de réponses orales est terminée.
M. le député de Limoilou, s'il y a consentement sur la même question, j'ai compris que vous vouliez poser une question additionnelle, puisque vous êtes un député de la région de Québec. Sur la même question, y a-t-il consentement? Il n'y a pas consentement. M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Simplement faire remarquer à la partie ministérielle ainsi qu'à la présidence que l'échange au cours de la période de questions entre le député de Rivière-du-Loup et le premier ministre a duré plus de 11 minutes et que la présidence a toléré une réponse de plus de quatre minutes à une question additionnelle. C'est un précédent à l'Assemblée nationale et c'est inacceptable, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, écoutez, si l'opposition jugeait que cette question et que ce dossier était extrêmement important pour la région de Québec, pourquoi l'avoir placé en dernier?
Le Président: Je voudrais indiquer aux deux leaders et à l'ensemble des membres de l'Assemblée qu'il n'est pas exact de dire qu'une réponse complémentaire du premier ministre a duré quatre minutes, d'une part.
Deuxièmement, je vous ferai remarquer que la première question principale, qui a été posée par un député et non pas par le chef du parti de l'opposition officielle, a duré deux minutes et demie, deux fois plus que normalement un député peut poser comme première question principale.
Une voix: ...
Le Président: Mme la députée de Saint-Henri? Sainte-Anne, s'il vous plaît, la présidence n'a pas à apprécier si vous avez eu la réponse que vous vouliez et que vous souhaitiez. Ce qui est clair, c'est que j'ai continué à faire ce que je fais à chaque jour depuis presque cinq ans, et, une journée, ça peut favoriser un groupe, l'autre, un autre côté, et dans l'ensemble...
Des voix: ...
Le Président: Je m'excuse, ça, c'est le hasard de la période de questions et de réponses. La réalité... Est-ce que j'ai à rappeler à tout le monde que, dans cette Chambre, et le premier ministre et le chef de l'opposition jouissent ? et ça, c'est par tradition parlementaire ? d'un statut particulier qui fait que, même quand c'est une troisième ou quatrième question et qu'elle s'adresse au premier ministre ou que le premier ministre choisit d'y répondre, il a les mêmes privilèges que s'il s'agissait de la première question?
Et c'est la même chose pour le chef de l'opposition. Je vous ferai remarquer qu'à plusieurs reprises le chef de l'opposition peut intervenir non seulement en première question principale, mais quand il le souhaite. Et, à chaque fois qu'il le fait, le président de l'Assemblée a le même comportement à son égard qu'envers le premier ministre, à quelque moment que ce soit durant la période de questions.
Aujourd'hui, ça s'adonne que c'est le premier ministre qui a choisi d'intervenir; dans une autre occasion, ça pourrait être à l'avantage du chef de l'opposition. Je pense que ce qu'il faut voir, c'est l'ensemble d'une saison et non pas une journée en particulier.
Des voix: ...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, M. le Président, strictement au leader du gouvernement. Compte tenu qu'il y aura un Conseil des ministres dans quelques minutes, compte tenu que c'est déjà annoncé qu'il n'y aura pas de service d'autobus pour les étudiants, pour les personnes âgées, puis pour les travailleurs à Québec, est-ce qu'il y a consentement à ce moment-ci à ce que le député de Limoilou adresse une question au ministre responsable de la Capitale-Nationale, qui a occupé ses téléphones en fin de semaine à faire du pointage pour le Bloc plutôt qu'à faire des représentations pour régler la grève, M. le Président?
Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Brassard: M. le Président, loin de moi l'idée de vous donner des conseils, mais je pense que vous devrez constater que le leader de l'opposition a fait ce qu'il ne devait pas faire, ce qu'il ne pouvait pas faire, c'est-à-dire poser une question alors que la période est terminée.
M. Paradis: Il y a consentement à ce moment-ci pour une réponse de la part du gouvernement.
Le Président: Alors, vous avez remarqué, M. le leader de l'opposition officielle, que le gouvernement ne souhaite pas aller plus loin.
M. Brassard: Un conseil à l'opposition: demain, placez-la en tête.
Votes reportés
Adoption du projet de loi n° 102
Le Président: Bien. Maintenant, nous allons procéder...
Alors, pourrions-nous retrouver un certain calme pour procéder au vote reporté? Nous allons maintenant voter sur l'adoption du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives.
Alors, d'abord, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda? Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Simard (Richelieu), M. Bertrand (Portneuf), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Geoffrion (La Prairie), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Bédard (Chicoutimi), M. Côté (Dubuc), Mme Papineau (Prévost), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson).
n(11 heures)nLe Président: Alors, maintenant, que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).
M. Dumont (Rivière-du-Loup).
Le Président: Y a-t-il des abstentions?
Le Secrétaire: Pour: 64
Contre: 42
Abstentions: 0
Le Président: Donc, la motion est adoptée. En conséquence, le projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et d'autres dispositions législatives, est adopté.
Maintenant, nous abordons l'étape des motions sans préavis. Mme la députée de Sauvé.
Mme Beauchamp: Je demande le consentement de cette Chambre pour déposer la motion sans préavis suivante:
«Que la commission de l'aménagement du territoire, qui procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 170, Loi portant réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais, plus communément appelée loi sur les fusions forcées, puisse également entendre les groupes suivants, et ce, à compter du 7 décembre 2000: la ville de Montréal-Nord, la Corporation des bibliothécaires du Québec, l'Association des bibliothèques publiques du Québec, le Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal et le Conseil régional de développement de l'île de Montréal.»Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Il n'y a pas de consentement.
Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?
Avis touchant les travaux des commissions
Nous passons maintenant aux avis touchant les commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Attendez, M. le ministre, on va permettre aux députés d'aller à leurs occupations.
Le Président: Aux avis touchant les travaux des commissions, d'abord.
M. Boisclair: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 170, Loi portant réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à midi, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.
J'avise cette Assemblée que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation poursuivra l'étude du projet de loi n° 144, Loi sur La Financière agricole du Québec, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; et finalement
Que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 164, Loi concernant les partenariats en matière d'infrastructures de transport, aujourd'hui, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée
Le Président: Bien. Alors maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le whip en chef de l'opposition officielle.
M. Fournier: Je voudrais attirer votre attention sur certaines difficultés que peut encourir un whip particulièrement, dont une des responsabilités est de veiller à la discipline.
Vous vous levez régulièrement en cette Chambre, debout, face à la caméra, on ne voit que vous, et, à ce moment-là, vous parlez et rappelez à l'ordre les députés pour s'assurer qu'on entende les personnes qui parlent et qu'il y ait une discipline au sein de cette Chambre. Je veux vous dire que ce qui s'est passé aujourd'hui à la période de questions, la façon dont vous avez décidé de dire au premier ministre «en terminant, en conclusion», en le laissant aller sans cesse et sans cesse pour une réponse qui a dépassé les quatre minutes, quoi que vous en disiez, puisqu'on tient compte des délais, pour une intervention qui, en tout, a duré plus de 11 minutes pour un seul député de cette Chambre, M. le Président, je dois vous dire que, de ce côté-ci, nous considérons qu'il est plus facile de participer aux travaux et d'y assurer un certain décorum lorsque la présidence respecte un de ses mandats premiers. Bien que ça puisse ne pas faire l'affaire de la partie ministérielle, la présidence doit toujours, dans la façon dont elle applique le règlement, protéger la voix de ceux qui sont dans l'opposition puisqu'ils n'ont pas les mêmes outils, les mêmes moyens que la partie gouvernementale.
Je veux vous dire que nous avons ressenti, de ce côté-ci, aujourd'hui, une injustice et que je veux que vous la preniez en considération non seulement pour aujourd'hui, mais pour toutes les fois où vous allez vous lever debout et que vous allez dire à la population du Québec que vous appelez à l'ordre les députés. Je veux vous dire que, si vous voulez avoir plus de chances pour avoir discipline et avoir de l'ordre dans cette Chambre, ça serait de commencer par respecter notamment les députés de l'opposition.
Le Président: Alors, je pense, M. le whip en chef de l'opposition officielle, que vous n'avez pas pris connaissance ou que vous n'avez pas écouté la décision que j'ai rendue la semaine dernière sur la gestion de la période de questions et de réponses orales. Je vous rappelle que finalement, si on en réfère aux statistiques que j'ai données, l'opposition officielle, depuis que j'occupe ce fauteuil et auparavant, a toujours été traitée très correctement par la présidence et quel que soit l'individu qui est au fauteuil. Et, à cet égard, une journée ne peut pas faire le bilan de la façon dont la présidence gère la période de questions et de réponses.
Et je vous rappelle ce que j'ai indiqué tantôt à la suite d'une intervention du leader de l'opposition officielle, c'est qu'il y a deux personnes dans cette Chambre, et n'en déplaise aux membres de l'Assemblée et la frustration peut être plus ou moins importante une journée ou l'autre selon le sujet qu'on aborde et l'intérêt ou l'agacement qu'on peut avoir aux réponses, ou aux répliques, ou aux questions, il y a deux personnes qui jouissent d'un statut particulier: il s'agit du premier ministre et du chef de l'opposition officielle. Et, à cet égard, aujourd'hui, il s'adonne que le premier ministre a choisi lui-même de répondre à certaines questions et que j'ai effectivement fait ce que je fais constamment à l'égard du premier ministre et du chef de l'opposition, c'est-à-dire de lui permettre d'occuper plus d'espace dans l'arène politique et dans l'arène qu'est le salon bleu de l'Assemblée nationale.
À cet égard, je peux très bien comprendre qu'aujourd'hui ça ne faisait pas votre affaire. Mais, une autre journée, je ferai la même chose... Et je l'ai déjà fait à plusieurs reprises pour le chef de l'opposition officielle, et je me rappelle qu'à plusieurs reprises ça ne faisait pas l'affaire de l'autre côté et que j'entendais des remarques, des critiques, très bien, de mon fauteuil en me disant que finalement j'exagérais et que j'en donnais trop à l'opposition officielle. Je pense que de la même façon que dans un... au niveau d'une saison de hockey ou de baseball, finalement c'est le total final qui compte et c'est la moyenne, et je pense que, dans la moyenne, l'opposition officielle a largement sa place à l'égard du comportement à l'Assemblée nationale.
Et encore une fois aujourd'hui, si le chef de l'opposition ? et ce n'est pas un reproche, je pense qu'il a toute la responsabilité, tout le droit de ne pas être à l'Assemblée, je pense qu'on m'avait averti à l'avance qu'il n'y serait pas, le leader de l'opposition officielle, donc ce n'est pas un reproche, il s'agit d'un constat ? si le chef de l'opposition officielle ? et je le connais assez, vous le connaissez très bien ? avait lui-même voulu donner la réplique au premier ministre parce qu'il aurait été ici aujourd'hui pour le faire, bien, je veux dire, il aurait eu cette possibilité. Et je vous rappelle qu'en première question principale aujourd'hui, alors qu'il ne s'agissait pas du chef de l'opposition officielle, j'ai néanmoins donné à la députée de Saint-Henri?Sainte-Anne deux minutes et demie, c'est-à-dire deux fois plus de temps pour poser une question qui, dans l'atmosphère de l'Assemblée aujourd'hui, faisait en sorte que tout le monde la considérait suffisamment importante pour qu'il n'y ait pas de murmures. Elle a pu poser sa question avec plus de temps que normalement je lui en aurais accordé et elle a eu, bon, les réponses qu'elle a eues, et ça, c'est à elle d'apprécier et à vous d'apprécier finalement ces réponses.
Mais je ne peux pas accepter aujourd'hui qu'on indique que la présidence ait traité l'opposition officielle d'une façon injuste, parce que ça voudrait dire qu'à chaque fois que le premier ministre choisit d'intervenir il faudrait que la présidence applique pour lui la même règle que pour les autres députés, et pour le chef de l'opposition également, et je crois que ce n'est pas notre tradition parlementaire. Encore une fois, notre tradition parlementaire veut aussi que ? et ça, la présidence n'y peut rien ? des réponses ou des questions, donc des interventions d'un côté ou de l'autre, ne plaisent pas à l'autre côté. Et je n'ai pas, moi, à me laisser influencer pour savoir si ça fait votre affaire ou pas ou si ça fait l'affaire du gouvernement ou pas, une question ou une réponse. J'ai à gérer selon des principes et non pas finalement selon une atmosphère, ou des idées, ou des contenus. Je n'apprécie pas les contenus, je ne suis pas ici pour les apprécier, les contenus.
Une voix: M. le Président...
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement, si ça ne fait pas votre affaire et si vous avez un comportement qui veut laisser entendre que la présidence a trop parlé, je vous invite à faire attention à ce que vous dites, y compris hors micro, parce que le respect de la présidence, ça vaut des deux côtés.
Ceci étant, j'espère que nous allons maintenant pouvoir passer aux affaires du jour.
M. Dupuis: M. le Président, avec votre permission sur le même sujet.
Le Président: Sur le même sujet.
n(11 h 10)nM. Dupuis: M. le Président, dans les dernières phrases que vous avez prononcées, je n'avais absolument rien à dire, parce que vous avez dit ? et moi, je conçois que c'est ça, le rôle du président, le président n'a pas à apprécier les contenus ? vous avez indiqué: Le président n'a pas à apprécier les contenus ni des questions ni des réponses. Et, moi, je suis d'accord avec ça: le président doit avoir un rôle complet de neutralité.
Là où le raisonnement que vous tenez hérisse, c'est dans les premières phrases que vous avez prononcées lorsque vous dites, M. le Président... Et, dans le fond, c'est ça qu'on constate, nous, c'est que vous choisissez certains moments politiques pour donner plus de latitude au gouvernement, et c'est ça que nous vous reprochons.
M. le Président, je vous donne un exemple récent: lorsque la ministre des Affaires municipales a déposé sa loi n° 170, il y a eu évidemment, dans les galeries, un certain nombre de spectateurs qui se sont manifestés, et je me souviens très bien ce que vous avez dit à ce moment-là dans votre gestion de la période de questions. Vous avez reproché à l'opposition de vouloir faire du millage politique avec cette question-là, qui était une question d'actualité éminente. Aujourd'hui, ça, c'est le premier exemple que je voudrais soumettre à votre entendement.
Le deuxième que je veux soumettre à votre entendement, c'est celui d'aujourd'hui. Vous savez, M. le Président, vous ne la gérez pas, la période de questions, et c'est ça que nous vous reprochons, vous ne la gérez pas en dehors de l'actualité. Il y a une actualité qui se passe à l'extérieur de nos murs. Aujourd'hui, on est au lendemain d'une élection qui a fait mal politiquement au parti au pouvoir, dont les résultats ont directement affecté la crédibilité du gouvernement qui a décidé de mettre sa crédibilité sur la ligne. Vous donnez au premier ministre, vous choisissez ce moment critique là de l'année politique pour donner au premier ministre une latitude que vous ne donnez pas en général.
Le Président: Je m'excuse, je m'excuse, là, mais là, là, ça dépasse les bornes! Parce que ce que vous faites, M. le député de Saint-Laurent, c'est que vous mettez en cause la présidence de l'Assemblée. Si vous voulez le faire, vous pouvez le faire par une motion. Mais là il y a une question grave qui est soulevée, c'est l'honnêteté de la présidence. Et, je m'excuse, ce n'est pas de ma faute s'il y a eu une élection lundi. Et, si le premier ministre veut la commenter, il aurait pu le faire hier, il peut le faire aujourd'hui, il pourrait le faire demain à l'Assemblée. S'il veut choisir des prétextes ou des questions qui lui sont posées pour le faire, c'est son choix, je n'y peux rien. De la même façon que le chef de l'opposition pourrait faire la même chose, et je n'y pourrais rien. Je ne choisis pas les moments où les gens font des interventions sur les contenus. Ce que j'ai à gérer, c'est l'équilibre et le temps qui est accordé aux uns et aux autres.
Aujourd'hui, dans le fond, qu'est-ce que vous reprochez à la présidence? D'avoir donné trop de temps au premier ministre. Dans le fond, ce que vous lui reprochez, c'est d'avoir appliqué la même règle qu'il applique toujours, mais aujourd'hui, ça s'adonne que le sujet était délicat et agaçant, c'est tout ce qui change aujourd'hui par rapport à ce qui se fait normalement. La présidence, aujourd'hui, n'a pas donné plus de chances au premier ministre sur les contenus qu'il ne lui en donne à d'autres occasions.
Le sujet, et ça, la présidence n'y peut rien, l'actualité étant ce qu'elle est, je n'ai pas à limiter le premier ministre parce qu'il y a eu une élection avant-hier, pas plus que j'aurais à limiter le chef de l'opposition parce qu'il y aurait eu un événement politique qui finalement servirait le gouvernement ou son groupe parlementaire. Si on commence ça, là, on n'en finit plus. Ça veut dire que, là, on commence à intervenir dans le sens où la présidence de l'Assemblée, et quels que soient les individus, s'est toujours refusée de le faire.
Et, encore une fois, ce n'est pas parce que le premier ministre a abordé cette question que je lui ai donné plus de temps, c'est parce qu'il était le premier ministre. Si le vice-premier ministre avait voulu faire la même chose, il n'aurait jamais eu la latitude que j'ai accordée au premier ministre. C'est ça qu'il faut qu'on comprenne: ce n'est pas le contenu, c'est le personnage qui a un privilège, et c'est la tradition parlementaire de notre Assemblée depuis toujours qui donne à deux individus à l'Assemblée, deux députés qui sont députés comme les autres, mais qui ont un statut particulier en fonction de nos institutions, un privilège de temps de parole, notamment et particulièrement à l'occasion de la période de questions et de réponses orales. C'est tout.
Et je crois que, si on veut revenir sur l'autre incident, j'ai eu l'occasion à la fois de dire, au moment même, ce qu'il en était, et, par la suite, à la suggestion même du président du caucus de votre groupe parlementaire, j'ai eu une rencontre avec les deux leaders et les deux présidents de caucus, et je pense que cette question a été clairement identifiée.
Et, encore une fois, il faut que ça soit clair. Écoutez, ça fait cinq ans que j'occupe cette fonction, j'ai souvenir qu'il y a eu souvent ce genre de situation, et j'ai souvent entendu des murmures d'un côté ou de l'autre, et parfois des deux côtés en même temps, qui trouvaient que finalement il y avait un trop grand temps de parole accordé à un ou à l'autre.
Mais, à moins qu'on veuille ? et ça, ça a été le choix au début de cette Législature ? cadrer la période de questions et de réponses pour tout le monde, y compris pour les deux principaux personnages de l'Assemblée, et quels que soient les moments et quels que soient les sujets et quelle que soit l'actualité, on va sûrement se retrouver dans une situation où le premier ministre ou le chef de l'opposition, selon leurs choix politiques, utiliseront et voudront utiliser leurs privilèges parlementaires traditionnels. Ce n'est pas inscrit dans notre règlement, mais c'est inscrit dans notre tradition. Et la présidence n'y pourra rien.
Et j'espère que ce rappel sur la nature de notre institution et sur nos règles de fonctionnement est clair pour qu'on n'y revienne pas, parce que n'importe qui au fauteuil sera toujours dans la même situation de vulnérabilité et d'accusation. Et j'ai toujours pensé que finalement, le plus important dans ça, c'est que les uns et les autres aient l'occasion de jouer leur rôle. Et les statistiques indiquent que l'opposition officielle occupe, avec ses questions et les échanges qu'elles provoquent, 94 % du temps de la période de questions et de réponses orales, non seulement depuis le début de cette Législature, mais ce temps et cette proportion pour les questions principales est de 90,9 % pour...
Je m'excuse, M. le leader, c'est peut-être impossible selon votre jugement, mais les statistiques sont prises par des officiers et validées à chaque semaine par la présidence, c'est-à-dire par le président et ses trois collègues de la vice-présidence. À chaque semaine, nous validons les statistiques.
D'abord, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Écoutez, je comprends que vous faites un job qui n'est pas facile, M. le Président, mais, en ce moment, on est en train de créer un nouvel incident. Nous sommes à la période de renseignements sur les travaux de l'Assemblée, et une période de renseignements sur les travaux de l'Assemblée doit porter sur des sujets qui sont inscrits au feuilleton. Et, pendant qu'on débat de questions de règlement qui ne sont pas normalement débattues pendant la période de renseignements sur les travaux de l'Assemblée, on ne fait pas de législation. Puis c'est ici qu'on doit faire ça, puis c'est sur ce temps-là qu'on doit le faire.
M. le Président, on n'est pas du tout dans le sujet, ce n'est pas prévu, puis l'exaspération des ministériels, elle commence à se faire sentir. On doit à ce moment-ci débattre de projets de loi, pas de questions de règlement, ou de questions sur des renseignements de travaux de l'Assemblée qui sont prévus au feuilleton. En ce moment, c'est l'opposition qui est en train de créer un nouvel incident, et je demande qu'on s'en tienne aux questions sur les travaux de l'Assemblée puis que rapidement on puisse faire de la législation parce que, pendant ce temps-là, on contribue... Et on sait très bien ce que l'opposition veut faire, c'est filibuster un projet de loi sur le taxi qu'elle ne veut pas débattre puis qu'ils sont nombreux à discuter, puis pendant ce temps-là ils soulèvent des questions de règlement. Vous comprenez très bien le petit jeu qui est en dessous de ça, M. le Président.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Je voudrais simplement vous rappeler, M. le leader adjoint du gouvernement, que ce genre d'intervention est arrivé à plusieurs reprises à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. J'ai déjà eu l'occasion de répondre à des questions semblables, et c'est l'étape, à mon avis, où cette question peut être soulevée. Alors, je m'excuse, mais...
D'abord, M. le leader de l'opposition officielle, je vais donner la parole au député de Rivière-du-Loup puis je vous redonne la parole par la suite.
M. Dumont: Merci, M. le Président. Je pense que, sur l'intervention, je suis tout à fait d'accord avec la façon que vous venez de décrire, que vous avez appliquée, ce qui est une tradition en regard du droit de parole du premier ministre et du chef de l'opposition officielle. Mais ce qui nous a amenés dans ce débat-là, c'est la première intervention du leader de l'opposition officielle qui finalement a questionné l'utilisation de cette tradition.
Moi, je pense que c'est une réflexion qu'on peut et qu'on doit probablement conduire. Je veux dire que cette élasticité... On a vu plusieurs fois, entre autres, le chef de l'opposition officielle poser des questions complémentaires durant les dernières sessions, questions complémentaires, je dirais, qui étaient presque un roman, qui duraient plusieurs minutes. Alors, je pense que cette latitude-là effectivement, qui est très difficile à apprécier pour vous, si on avait consentement de toutes les parties pour ramener peut-être à une latitude de quelques secondes, mais une latitude qui soit moins élastique, les privilèges du chef de l'opposition et du premier ministre seraient plus simples à administrer pour tout le monde. Et là-dessus, moi, je me rallie très facilement à la proposition du leader de l'opposition officielle.
n(11 h 20)nLe Président: Un instant, M. le leader, si vous voulez bien. Je voudrais aussi donner une autre précision qui est peut-être utile dans les circonstances. Quand vous avez parlé du quatre minutes tantôt, le quatre minutes comprenait le temps où la présidence, dans cet échange, était debout et le chronomètre était arrêté. Alors, la réponse comptabilisée du premier ministre à une question complémentaire de l'un de vos collègues était de 2 min 24 s. Le total de ce moment particulier où il y a eu un peu de brouhaha était de quatre minutes effectivement, mais le quatre minutes n'est pas imputé au premier ministre. Il y a deux minutes virgule 24 qui étaient le temps utilisé par le premier ministre en réponse. Le reste, c'était au moment où je suis debout et le chronomètre est arrêté. Ça veut dire qu'il n'y a pas de pénalité pour un député de quelque côté que ce soit quand la présidence est debout. Par la suite, on repart le chronomètre, à la fois pour une question ou pour une réponse.
M. le leader de l'opposition officielle.
M. Paradis: Oui, simplement, M. le Président, deux éléments. Sur le plan des statistiques comme telles, on peut faire dire aux statistiques ? et je ne suis pas le premier à le dire ? un peu ce qu'on veut. Comme quand vous avez dit tantôt: 90 % du temps de la période de questions, ou 91 %, était à l'opposition, vous incluez là-dedans, pour que les gens nous comprennent bien, les réponses ministérielles qui sont traditionnellement au moins le double de la longueur des questions. Ça fait qu'il faut rediviser ça par deux. Quand on se ramasse dans le net-net, comme vous venez de le faire pour le premier ministre, il en reste très peu pour l'opposition, et c'est ce que le caucus a voulu vous mentionner par la voix du président du caucus, par la voix du whip, par la voix du député de Saint-Laurent.
Deuxième élément, M. le Président, je ne peux pas partager, et je m'en excuse, votre opinion à l'effet que la présidence ne doit pas s'intéresser au contenu. Vous avez une obligation de vous intéresser au contenu. S'il y a des propos antiparlementaires qui sont prononcés, s'il y a des éléments qui peuvent contrevenir à l'article 32 ou à l'article 35, vous devez suivre les débats et vous intéresser aux propos.
Vous avez également ? et c'est dont le député de Saint-Laurent a tenté de vous convaincre ou ce qu'il a tenté de vous faire valoir ? une obligation... Quand vous arbitrez nos débats ? et je le concède, ce n'est pas une job facile, d'arbitrer les débats à l'Assemblée nationale ? vous avez une obligation de prendre connaissance des événements extraparlementaires. L'élection fédérale en était un, événement, qui n'a pas pu vous échapper, M. le Président. La tenue du Conseil national du Parti québécois est un événement qui n'a pas pu vous échapper non plus. D'ailleurs, le député de Marquette, qui a suivi le premier ministre, l'a indiqué très clairement: le premier ministre tentait de se réchauffer pour le Conseil national.
Tout ce qu'on prétend, c'est que vous devez, dans les arbitrages, qui ne sont pas faciles à faire ? nous en convenons tous ? tenir compte de l'ensemble de ces éléments, du contenu, du pourcentage de temps et du climat politique dans lequel nous sommes tous, malheureusement ou heureusement, condamnés à vivre. Merci, M. le Président.
Le Président: Bien, écoutez, pour préciser. Effectivement, quand j'ai parlé d'à peu près 94 % des questions principales et 91 % du temps pour les questions secondaires, ou les questions complémentaires, en fait plutôt que secondaires, il s'agit de l'échange, et c'est ce que j'ai indiqué. Donc, l'échange initié par l'opposition officielle occupe ça. Donc, si on voulait faire la moyenne, 92 % du temps. Et c'est évident que nos règles parlementaires font qu'on donne en général ? et ça, c'est depuis tout le temps ? plus de temps à la partie gouvernementale que de temps alloué à l'opposition officielle pour les réponses. Mais l'un dans l'autre, c'est finalement l'exercice de contrôle parlementaire initié par l'opposition officielle qui doit être apprécié.
Vous avez raison également sur le contenu, et la nuance que vous venez de faire est importante. Quand j'ai dit tantôt que je n'ai pas à intervenir sur les contenus, évidemment que j'interviens sur les contenus d'une autre façon. La preuve, c'est que la députée de Saint-Henri? Sainte-Anne, à qui j'ai accordé plus de temps, j'ai apprécié le sujet, l'importance et la réaction aussi des membres de l'Assemblée qui, je le sentais, souhaitaient entendre cette question qui nous interpelle tous, il s'agit des personnes âgées. Bon.
Par ailleurs, écoutez, je ne contrôle pas le calendrier politique. Les conseils nationaux du Parti québécois ou les conseils généraux ? pour le vocabulaire, différent ? du Parti libéral du Québec, ils arrivent dans le décor et chacun, à un moment donné, essaie de capitaliser sur ces événements, et c'est la règle du jeu, du fonctionnement démocratique de notre vie politique. Le président, lui, qu'est-ce que vous voulez... Si le chef de l'opposition, habilement, marque des points en utilisant son prochain conseil général, bien, il ne peut pas faire autrement que de considérer qu'il aura été habile, mais, finalement, il avait le droit de le faire. Si le premier ministre a choisi ? et je n'ai aucune idée sur ses intentions ? de commenter, comme il a voulu le faire, l'élection en prévision de ou en réaction avec, encore là je n'ai aucun contrôle. Tout ce que je peux faire, c'est de reconnaître qu'il est l'un des deux personnages qui ont le droit de manoeuvrer d'une façon plus large que les autres membres de l'Assemblée. C'est notre tradition parlementaire. Et j'espère que, sur ces précisions, nous pouvons maintenant poursuivre.
Affaires du jour
Nous allons aller aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boisclair: Je vais aller à l'essentiel de nos débats, M. le Président. Prendre en considération l'article 18 du feuilleton de ce jour.
Projet de loi n°163
Reprise du débat sur l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à l'article 18, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 28 novembre 2000, soit hier, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi.
Alors, je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Je reconnais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière du Conseil du trésor et député de Robert-Baldwin. M. le député, la parole est à vous.
M. Pierre Marsan
M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. Nous voici réunis de nouveau pour étudier un projet de loi. Cette fois, c'est la Loi concernant les services de transport par taxi.
À chaque fois qu'on se réunit pour étudier un projet de loi, j'ai toujours beaucoup d'inquiétudes, M. le Président. Il faut d'abord se rappeler le bilan en termes d'improvisation du gouvernement du Parti québécois. Bilan dans le domaine de la santé: on se souvient des difficultés que les patients ont aujourd'hui à se faire traiter. On se souvient également des difficultés ou plutôt le cafouillage dans le domaine de l'emploi, avec Emploi-Québec. On se souvient aussi tout le dossier des villes, des fusions, des fusions forcées particulièrement, et qui font l'objet de l'actualité. On se souvient plus récemment encore... M. le Président, j'écoutais les nouvelles ce matin et j'entendais le premier ministre être en désaccord avec son ministre de l'Éducation quant aux bulletins qui étaient préparés par le ministère de l'Éducation. Alors, c'est une longue série d'improvisations qui nous est présentée par le gouvernement du Parti québécois.
Je poursuis, M. le Président, en rappelant l'excellent travail qui a été fait par le député de Shefford, le député qui est le critique officiel de l'opposition en matière de transport et qui a souligné plusieurs faiblesses du projet de loi. D'abord, il nous a indiqué que c'est vraiment une syndicalisation un peu déguisée qu'on est en train de faire. On veut procéder à une syndicalisation déguisée sans avoir, au préalable, obtenu de consensus de la part de l'ensemble du milieu sur cette question.
Pourquoi imposer une nouvelle structure si une grande partie des intervenants s'y oppose? Et là on pourrait faire rapidement un parallèle encore une fois avec ce qui se passe dans le domaine des fusions forcées. On veut imposer des nouvelles structures. On en a tellement imposé du côté du gouvernement du Parti québécois. Eh bien, c'est toujours le même modèle: on impose des structures, on n'écoute pas les citoyens et on passe le rouleau compresseur.
D'abord, cette nouvelle association permet l'installation d'une cotisation obligatoire, une espèce de formule Rand, mais, en plus, elle créera un forum presque exclusivement dirigé par lui. Ainsi, ce forum des intervenants de l'industrie du taxi sera composé d'un président nommé par le gouvernement, d'au plus neuf membres nommés par le ministre, et ce dernier déterminera le mode de fonctionnement dudit forum. Comme quoi on aura intérêt à être un ami du régime de l'industrie du taxi. Là encore, M. le Président, c'est l'omnipotence des pouvoirs d'un ministre qui veut diriger de son bureau, de sa tour à Québec, vraiment une industrie et qui ne fait pas confiance aux chauffeurs de taxi, qui ne fait pas confiance à ceux qui travaillent dans cette industrie.
On livre donc pieds et mains liés les chauffeurs de taxi à une centrale syndicale avec, en prime, pour le syndicat, 17 000 nouvelles cotisations. On souligne également les conséquences néfastes qu'une telle association entraînera. Les propriétaires et les salariés ont des intérêts fondamentalement divergents qui se refléteront inévitablement dans cette structure unique, un mélange pour le moins explosif.
M. le Président, j'ai eu, avant de faire de la politique, la chance de travailler dans le domaine de la santé. Et on pouvait facilement distinguer lorsqu'on parlait avec des patrons, lorsqu'on parlait avec des syndicats. Ici, le ministre a l'intention de mettre, dans un même syndicat ou une même association, les patrons, les syndicats. On veut à peu près tout mélanger. Alors, comment tout ça, ça va se comporter? Les gens ont des intérêts divergents. Quel va être vraiment le souci de chacun des individus nommés par le ministre dans cette nouvelle structure? Le projet de loi ne présente pas de moyens concrets pour permettre aux chauffeurs propriétaires d'augmenter leurs revenus. Il se contente d'imposer de nouvelles règles de formation et de sécurité, imposant un fardeau supplémentaire également à l'industrie.
n(11 h 30)n Enfin, le ministre des Transports renvoie la balle à l'industrie en forçant la création de cette association regroupant l'ensemble des intervenants qui auront, entre autres mandat, de trouver des solutions à leurs problèmes, une association dont les propriétaires ne veulent pas craignant une syndicalisation déguisée, ce qui prouve encore une fois le manque d'écoute du gouvernement péquiste.
Et vous allez me permettre de le rappeler encore une fois, ça a été fait dans le domaine de la santé lorsqu'on a fermé des hôpitaux, on n'a pas écouté les patients; dans le domaine de l'assurance médicaments, on n'a pas écouté les patients, et particulièrement les personnes aînées; dans le domaine d'Emploi-Québec, toutes les organisations communautaires et tous ceux qui avaient un engagement avec le gouvernement et qui ont été coupés, alors ça a été fait là aussi; et ça se poursuit dans le domaine de l'éducation, on n'écoute même pas les parents lorsqu'on parle des bulletins des enfants.
Alors, il y a de sérieux problèmes avec ce gouvernement, un gouvernement qui n'est pas à l'écoute des citoyens. On le voit aussi dans le domaine des fusions municipales. On sait ce qui est arrivé lundi dernier avec le résultat dans des endroits où ce dossier était plus chaud, qu'on pense à la région de Québec, qu'on pense sur la Rive-Sud de Montréal. Eh bien, je pense qu'il y a des leçons à retenir. Mais le gouvernement refuse de tirer les vraies conclusions qui s'imposent de ce côté.
M. le Président, j'aimerais poser des questions quant au fonctionnement de la nouvelle structure mais aussi au fonctionnement, comment les chauffeurs de taxi vont se retrouver dans tout ce dossier-là. Et je prends pour exemple l'île de Montréal que je connais un peu mieux. Vous savez que l'île est divisée en trois territoires distincts: les groupes A-12, A-11 et A-5. Le groupe A-5 regroupe l'est de Montréal et les villes de Montréal-Nord, Saint-Léonard, Rivière-des-Prairies, Pointe-aux-Trembles et Anjou. Dans le centre, le groupe A-11 regroupe les villes comme Saint-Laurent, Hampstead, Mont-Royal, Côte-Saint-Luc, Montréal-Ouest. Et le groupe A-12, c'est la partie plus à l'ouest de Montréal, et on regroupe les villes actuelles de Lachine, Dorval, Pierrefonds, Roxboro, Dollard-des-Ormeaux, Kirkland, Pointe-Claire.
Qu'est-ce qui va arriver, M. le Président, avec le dossier des fusions forcées? Comment ces territoires-là vont-ils être impliqués dans cette nouvelle structure qui devrait s'appeller une île, une ville? Comment ça va fonctionner, ça, M. le Président? Et, si on va plus loin, si on vient à Québec, par exemple, est-ce que les chauffeurs de taxi de Québec vont pouvoir aller à Sainte-Foy et vice versa? Comment ça va fonctionner?
Moi, je crois que le ministre des Transports n'a pas parlé à sa collègue la ministre des Affaires municipales et qu'on n'a vraiment pas évalué les impacts de la loi n° 170, la loi sur les fusions forcées par le gouvernement du Parti québécois, eh bien, aucun de ses impacts n'a été évalué. Et là encore on va se retrouver avec des grandes difficultés. Si on approuve ce projet de loi en vapeur, comme on semble vouloir le faire, eh bien, qui va payer pour ça? Ce sont les chauffeurs de taxi et ce sont indirectement tous ceux qui prennent les taxis et qui profitent vraiment de cette industrie. C'est un autre exemple important du cafouillage et de l'improvisation qui sont apportés dans ce projet de loi, un autre projet de loi qui nous amène beaucoup de difficultés.
De plus, les opposants au projet croient que cette Association constitue une syndicalisation déguisée imposée par le ministre des Transports, une sorte d'entente entre une centrale syndicale et le gouvernement. De fait ? et là on va parler de la FTQ ? à la fin des années quatre-vingt, elle avait fait signer un millier de cartes d'adhésion aux chauffeurs de taxi et entrepris des démarches afin d'obtenir une accréditation syndicale. La Cour supérieure avait cependant jugé que les chauffeurs de taxi étaient des travailleurs autonomes et non syndicables en vertu de la loi. Le syndicat s'était donc tourné vers la reconnaissance d'une association professionnelle qui pourrait être rattachée à une centrale syndicale en vertu de contrats de services.
Le problème des 57 ligues de taxis au Québec instaurées en 1973, c'est qu'elles ne sont pas toutes suffisamment importantes en nombre de membres pour offrir des services de qualité à leurs adhérents. La région de Montréal n'est pas vraiment touchée par ce problème, mais certaines ligues disposent de grands moyens financiers de même que d'actifs importants, et qu'elles ne sont pas prêtes à céder à la nouvelle Association. Par contre, plusieurs chauffeurs locataires voient plutôt d'un bon oeil cette Association qui leur permettrait de bénéficier de meilleurs avantages et d'un pouvoir de représentation important.
Alors, il faudrait faire la part des choses, M. le Président, et c'est pour ça que nous souhaitons que ce projet de loi puisse être étudié article par article. Et nous savons à l'avance l'immense contribution que le député de Shefford pourrait apporter dans un dossier au moment de l'étude article par article.
Le ministre des Transports fait preuve d'un manque de vision en imposant à cette industrie une association qui est vouée à l'échec et prouve encore une fois que ce gouvernement est déconnecté de la réalité. Il est clair que les propriétaires ne veulent pas d'une association qui ne reconnaît pas leurs investissements économiques.
M. le Président, je pourrais continuer, plusieurs arguments militent contre le projet de loi, et, je pense, le plus important: Pourquoi ne pas écouter tout simplement ceux qui dirigent cette industrie-là, ceux qui participent à cette industrie-là? Pourquoi est-ce qu'on ne pourrait pas écouter vraiment ce que les chauffeurs de taxi ont à nous dire, ce que les propriétaires ont à nous dire, ce que les gens qui prennent les taxis de façon assez régulière auraient à nous dire? Et je pense qu'on apprendrait beaucoup de choses et que le projet de loi pourrait être réécrit d'une meilleure façon.
M. le Président, j'ai reçu une copie d'une correspondance que le président de La Ligue de taxis de Montréal et le porte-parole du Regroupement québécois du taxi adressait au ministre du Transport, et c'est assez éloquent. J'étais même surpris des fois de la teneur des propos qui étaient employés. Je vais vous en donner quelques extraits.
Alors, la lettre s'adresse au ministre des Transports: «Nous avons écouté vos propos diffusés sur les ondes de Radio-Média le 23 novembre dernier et nous avons relevé plusieurs inexactitudes dans votre discours. Nous ne nous attarderons pas maintenant sur les différentes inexactitudes techniques portant sur le transfert de permis, le droit de vote des chauffeurs et les demandes relatives aux bénévoles.
«Ainsi, vous m'imputez l'intention...» C'est le ministre qui impute au président de cette Association l'intention de sauver son poste et de gérer son petit royaume. Ça me fait penser, M. le Président, tellement... J'étais en commission parlementaire hier, dans le domaine des fusions forcées, et la ministre accusait les maires des banlieues de la même chose. Elle disait que ces maires voulaient sauver leur poste et qu'ils ne travaillaient pas pour les citoyens, etc., alors que c'est vraiment tout le contraire, alors que, là encore, il y a un projet qui est déjà tout réglé d'avance, qui a été décidé. Et on continue de faire des commissions parlementaires pour la frime, on continue de faire des consultations pour la frime, M. le Président.
Alors, je poursuis: «Vous laissez également entendre ? on parle toujours au ministre ? que le Regroupement québécois du taxi n'est composé que de quatre personnes qui prétendent parler au nom de la majorité des propriétaires de taxi de la province de Québec. Or, vous savez très bien qu'il y a 18 ligues, présidents et conseils, qui sont membres du Regroupement québécois du taxi et qui partagent la même vision: Maîtres chez nous et unis à travers la province.» Je poursuis, M. le Président: «Il appert que vous comprenez mal les propositions ? on s'adresse toujours au ministre ? et l'existence même du Regroupement. En effet, nous avons toujours prôné que nous voulions une confédération des ligues et un regroupement régional de ses diverses entités. Nous n'avons jamais soutenu que l'on devait maintenir le statu quo à 57 ligues.» Moi, ce que je comprends, c'est que le président de ce Regroupement ouvre la porte à des bonifications du projet de loi, à des améliorations, mais encore faut-il qu'il puisse être écouté.
«Nous sommes en faveur d'un changement mais contre la centralisation du pouvoir entre quelques mains à l'échelle de la province. Nous sommes également contre le fait que les administrateurs provisoires seront nommés par vous ? "vous" étant le ministre ? et la Commission des transports plutôt qu'élus.» Ça aussi, ça commence à prendre un caractère qui ne sent pas bon. C'est toujours le ministre qui nomme. Pourquoi ces gens-là ne sont pas capables de s'élire des gens entre eux? Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas leur faire confiance? Qu'est-ce qu'il y a en arrière de ça? C'est un gouvernement qui est omnipuissant, qui décide de tout et qui ne laisse pas aux citoyens la chance de s'exprimer.
«De plus, il appert que vous faites confiance à des présidents de ligue qui souvent ne parlent même pas au nom de leurs propres membres et qui sont des dissidents par rapport à la position de la majorité des propriétaires. Est-ce que seuls ceux qui pensent comme vous sont vertueux? Ces gens représentent une minorité de propriétaires qui sont en désaccord avec la structure de l'Association professionnelle proposée. Quant à la vaste majorité, souligne-t-il, sachez, M. le ministre, qu'elle est contre votre projet de loi.»n(11 h 40)n Encore une fois, pourquoi le gouvernement du Parti québécois tient-il tant à imposer un projet de loi qui va à l'encontre des intérêts des gens de cette industrie? M. le Président, il faudra qu'on nous explique vraiment un jour le comportement, les vraies raisons qui sous-tendent les projets de loi qui sont présentés ici, à l'Assemblée nationale, les vraies raisons qui sous-tendent les projets de loi du gouvernement du Parti québécois.
Je poursuis la lettre: «Vous vous êtes fait l'écho de certains en mentionnant que les ligues n'ont rien fait. Or, c'est tout à fait faux. En effet, certaines ligues ont multiplié les services à leurs membres et même étendu ces services aux chauffeurs qui se montraient intéressés. Lorsque vous faites référence à des ligues de trois ou quatre personnes, nous sommes d'accord que ces dernières n'ont rien pu accomplir, souvent faute de moyens. Cette situation, M. le ministre, c'est le gouvernement qui l'a créée. Nous voulons éviter qu'une erreur de la part du gouvernement se traduise en 25 années de mauvaises représentations pour les propriétaires de taxi. Nous avons toujours prôné la réduction du nombre de ligues pour en arriver à des organismes fonctionnels et dynamiques.» Et ces propositions ont été transmises, le 10 mai dernier, au bureau du premier ministre. Alors, encore, M. le Président, une ouverture de la part des représentants du Regroupement du taxi. Ils sont prêts à discuter, prêts à négocier avec le ministre des Transports qui refuse toujours d'écouter. Et c'est toujours le rouleau compresseur qui va s'acheminer pour régler, en fin de session, un tel projet de loi.
M. le Président, je pourrais continuer; la lettre est assez longue. Je pourrais peut-être terminer en mentionnant: «Finalement, nous considérons que d'affirmer que l'émission de nouveaux permis de taxi n'affectera pas la valeur marchande des permis actuels», ils considèrent que c'est une pure hérésie. «Vous prétendez que la mise en place de permis à durée limitée et non transférable protégera la valeur marchande des permis actuels. C'est faux et ce n'est que de la démagogie.» Je m'excuse du terme, c'est lui qui l'emprunte et il signe la lettre, Farès Bou Malhab, président de la Ligue de taxis de Montréal et porte-parole du Regroupement québécois du taxi.
M. le Président, je vois que le temps file. En guise de conclusion, c'est avec regret que nous nous voyons ici réunis pour étudier un projet de loi dont l'enseigne est vraiment l'improvisation. Un autre projet de loi à l'enseigne de l'improvisation, un projet de loi qui, en plus d'improviser, refuse d'écouter, refuse la consultation de ceux qui font de cette industrie une industrie qui devrait être prospère. On refuse d'écouter les chauffeurs. On refuse d'écouter les gens qui prennent les taxis de façon assez régulière. On refuse d'écouter les chauffeurs locataires, les chauffeurs propriétaires, on refuse tout le temps d'écouter.
Et, encore une fois, en terminant, simplement rappeler, M. le Président, que le bilan de ce gouvernement, dans le domaine de l'improvisation, dans le domaine du manque d'écoute, eh bien, il commence à être imposant. Dans la santé, on l'a vu: des fermetures d'hôpitaux sans consultation, des mises à la retraite des médecins, des mises à la retraite des infirmières, l'assurance médicaments qui ne cesse d'augmenter. On est parti d'un coût de 125 $, si je me souviens, on est rendu maintenant au triple, et on nous avait tellement promis. Je pourrais vous rappeler là-dessus, M. le Président, que, dans le temps du gouvernement libéral, les personnes aînées ne payaient que 2 $ par prescription jusqu'à un maximum de 100 $. Mais ça, à cause du gouvernement du Parti québécois, c'est de l'histoire ancienne et, malheureusement, ce sont elles, les personnes aînées, qui font les frais de plusieurs augmentations de taxes de ce gouvernement. On l'a vu tantôt, on a voté le projet de loi n° 102, le projet où on aurait voulu apporter des amendements qui auraient permis aux personnes aînées, aux personnes retraitées de pouvoir défendre leurs intérêts dans le cadre d'un régime de retraite. Les gens du gouvernement ont voté contre cette mesure-là, Et c'est nous, de l'opposition, qui avons dû encore une fois défendre les intérêts des personnes retraitées.
M. le Président, je termine en soulignant l'excellent travail qui a été fait par mon collègue le député de Shefford dans ce dossier. Je continue, dans mon bureau de comté, à recevoir les doléances de certains chauffeurs ou même de présidents de regroupement et de les assurer que nous allons continuer de mener ce débat et de défendre l'intérêt des citoyens, en particulier des chauffeurs de taxi, des chauffeurs locataires ou propriétaires ou encore des gens qui prennent le taxi de façon plus régulière. Et, pour cette raison, parce que nous allons continuer de défendre nos concitoyens, eh bien, nous allons voter contre le projet de loi, M. le Président. Je vous remercie beaucoup.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Un simple rappel, nous en sommes à la poursuite du débat sur la présentation du projet de loi n° 163, quant à son adoption de principe, Loi concernant les services de transport par taxi. Et je reconnais la prochaine intervenante. Elle est la porte-parole de l'opposition officielle en matière de régions et députée de Bonaventure. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Nathalie Normandeau
Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Merci. Alors, je suis très heureuse de joindre ma voix à celle de mes collègues, plus particulièrement celle du député de Shefford. Comme mon collègue qui a pris la parole précédemment y a fait référence, il fait un excellent travail dans le dossier des transports et particulièrement dans les arguments qu'il a servis au ministre et sur lesquels évidemment repose notre position, à savoir que nous serons contre l'adoption du principe de ce fameux projet de loi qui, je le rappelle, est le projet de loi n° 163, qui est la Loi concernant les services de transport par taxi.
C'est un projet de loi d'à peu près 140 articles, qui vient, je vous dirais, chambarder de façon importante toute l'industrie du domaine du taxi. En fait, ce que le ministre des Transports nous propose, c'est un nouvel encadrement, un nouvel encadrement de l'ensemble des règles régissant l'industrie du taxi. Alors, le grand ménage auquel nous convie le ministre, selon lui, est nécessaire pour permettre d'améliorer les conditions de travail et les conditions salariales des chauffeurs de taxi. Évidemment, le ministre nous propose toute une série d'articles, donc 140 au total, qui viennent redéfinir un certain nombre d'éléments, qui viennent redéfinir ou repositionner toute la dynamique dans laquelle, jusqu'à maintenant, l'industrie du taxi a évolué.
Alors, on fait référence, dans ce projet de loi, par exemple, à la délivrance, au renouvellement, à la révocation ou encore au transfert des permis. On fait également référence, M. le Président, aux obligations qu'ont les propriétaires, donc les propriétaires qui sont détenteurs de permis. On fait également référence, dans ce projet de loi, à toute la politique de tarification qui sera mise en oeuvre à partir de ce projet de loi. On souligne également les procédures ou les recours, dans le cas des propriétaires évidemment de taxi, des permis de taxi, dans le cas où les décisions de la Commission des transports du Québec leur seraient préjudiciables, donc des décisions qui seraient rendues par la Commission et qui causeraient un préjudice aux chauffeurs de taxi. Donc, voilà, M. le Président, certains éléments qui retiennent notre attention.
Deux autres éléments qui retiennent notre attention, à mon sens et à notre sens, qu'ont démontré mes collègues qui ont parlé précédemment, deux éléments extrêmement importants qui sont contenus dans ce projet de loi, c'est la création d'un forum des intervenants de l'industrie du taxi et c'est également, M. le Président, la création d'une toute nouvelle association qu'on appelle l'Association professionnelle des chauffeurs de taxi. Deux éléments importants qui viennent mettre en lumière la révolution, en fait, à laquelle nous convie le ministre. Et c'est deux éléments importants parce que ces deux éléments-là suscitent énormément de dissension à l'intérieur de l'industrie du taxi; non seulement à l'intérieur de l'industrie du taxi, mais également chez plusieurs intervenants qui gravitent de près ou de loin dans cette industrie.
Prenons le premier élément, celui du forum des intervenants de l'industrie du taxi. Alors, on se souviendra, M. le Président, qu'il n'y a pas si longtemps le ministre des Transports ? puis, de toute évidence, ça semble, pour lui, être un nouveau modèle d'organisation, les forums, hein ? il en a créé dans d'autres industries, notamment le forum au niveau du camionnage. Évidemment, sous prétexte de concertation et de beaux grands principes, en fait, le ministre plutôt y va d'une déresponsabilisation. Et ça, c'est important, parce que, en créant un forum, le ministre se décharge de ses responsabilités sur le dos des intervenants. Et, dans ce sens-là, son message est très clair. Il l'a fait avec l'industrie du camionnage, du transport par camions, et c'est inadmissible et inacceptable que le ministre se déresponsabilise d'un secteur d'activité aussi important.
Alors, M. le Président, on propose une belle grande structure, ce qu'on appelle un forum. C'est intéressant, le concept en soi est intéressant, mais, lorsqu'on regarde de plus près la façon dont ce forum va fonctionner, on se rend compte que le ministre, lui, se déresponsabilise. Il se déresponsabilise parce qu'il s'en remet aux intervenants pour prendre certaines décisions. Mais on peut très bien imaginer, dans une industrie, je vous dirais, aussi particulière que l'industrie du taxi, que, lorsqu'un conflit émergera, bon, on peut très bien imaginer que le premier réflexe du ministre sera de dire à ses intervenants: Écoutez, j'ai créé un forum pour vous permettre de vous concerter, pour vous permettre d'échanger et de discuter. Alors, évidemment, la décision de trouver une solution aux litiges qui se présenteront, bien, tout simplement, M. le Président, le ministre va leur dire que cette responsabilité-là, elle va leur revenir.
n(11 h 50)n Et il y a un danger très grave qui se dessine évidemment, et on peut s'attendre à ce que l'industrie du taxi, sans évidemment vouloir sous-estimer la capacité de concertation de cette industrie, mais, compte tenu des intérêts, souvent, qui sont divergents compte tenu qu'on pratique, par exemple, à Montréal, Québec ou dans les régions, on peut s'attendre, M. le Président, à ce que ce forum, plutôt que de favoriser la concertation, favorise plutôt la dissension et permette donc au ministre de se déresponsabiliser de ses responsabilités.
Un autre élément qui, à notre sens, est extrêmement important et pour lequel, évidemment, nous nous objectons, et je vais vous dire que, si nous avons raison de nous objecter, c'est d'abord et avant tout sur la base de cette nouvelle organisation ou association qui est proposée, et j'y faisais référence tout à l'heure, c'est cette fameuse Association professionnelle des chauffeurs de taxi. C'est un élément majeur qui cloche dans le projet de loi, M. le Président.
Mon collègue le député de Shefford a interpellé le ministre des Transports sur cette question le 21 novembre dernier et mon collègue a très bien illustré, en fait, je vous dirais, le subterfuge qui sous-tend cette fameuse Association professionnelle des chauffeurs de taxi, et le député de Shefford a vu juste en soulignant que cette fameuse Association était tout simplement un syndicat déguisé, M. le Président. C'est un syndicat déguisé, et, dans l'industrie du transport au Québec, c'est du jamais vu qu'un ministre, comme ça, qu'un ministre des Transports offre sur un plateau d'argent à une organisation syndicale, à une grande centrale syndicale donc, et, dans ce cas-ci, ça va représenter 17 000 membres, 17 000 futurs cotisants... Et le ministre, dans sa réponse à la question que posait mon collègue le 21 novembre dernier, évidemment, a pris fait et cause pour la Fédération des travailleurs du Québec, la FTQ, et, dans le fond, il a accusé mon collègue d'errer complètement, de faire le procès de la FTQ, qu'il ne s'agissait pas ici d'un syndicat déguisé mais bien d'une association professionnelle des chauffeurs de taxi.
Alors, M. le Président, j'ai envie de poser une question au ministre des Transports aujourd'hui. Si mon collègue a erré, s'il ne s'agit pas ici de créer un syndicat déguisé, comment le ministre des Transports donc peut expliquer que, le 1er mai 2000, la FTQ a émis un communiqué, et vous me permettrez de vous lire le titre parce qu'il est fort éloquent: La FTQ obtient du ministre Guy Chevrette la création d'une association professionnelle unique pour les 17 000 chauffeurs au Québec? Et vous me permettrez de vous lire un extrait de ce communiqué, M. le Président, qui révèle à quel point la FTQ a été heureuse de cet engagement pris par le ministre, heureuse parce que, évidemment, c'est 17 000 membres et futurs cotisants qui vont s'associer avec cette grande centrale syndicale. Alors, deux extraits du communiqué qui se lisent comme suit:
«La FTQ et son Syndicat des métallos, qui revendiquent depuis plus de 10 ans le droit à la représentation pour les chauffeurs de taxi, viennent d'obtenir un engagement ferme du ministre des Transports, M. Guy Chevrette, en faveur de la création prochaine d'une association professionnelle. Celle-ci regroupera tous les détenteurs de permis de chauffeur de taxi, locataires et propriétaires, soit quelque 17 000 chauffeurs au Québec.» Et d'ajouter, M. le Président: «Le ministre Chevrette a fait part de cet engagement lors d'une rencontre tenue à Montréal avec le président de la FTQ et les représentants du Syndicat des métallos. La nouvelle association professionnelle remplacera les actuelles ligues de taxis.» Alors, M. le Président, cette grande révolution à laquelle nous convie le ministre, en fait, consiste à abolir plus de 50 ligues qui existent au Québec pour, donc, nous proposer une grande association. Alors, si le ministre, aujourd'hui, M. le Président, est sur la défensive, s'il nous dit qu'il est faux que ce projet de loi, cette future Association crée un syndicat déguisé, alors comment explique-t-il que la FTQ se réjouisse à ce point de l'engagement qu'il a pris le 1er mai? Cet engagement, M. le Président, qu'il a pris le 1er mai, a posé les premiers jalons du projet de loi qui a été déposé tout récemment. Alors, évidemment, les orientations du ministre, déjà en mai, étaient arrêtées et elles étaient claires.
Alors, évidemment, c'est une autre raison qui nous convainc, de ce côté-ci de cette Chambre, M. le Président, que cette Association, donc, je pense, sur le plan de l'organisation et de la mécanique, ça sera pratiquement impossible pour une association de défendre les intérêts de 17 000 membres qui sont situés partout, dans toutes les régions du Québec. Alors, évidemment, compte tenu du poids politique ? si on peut appeler ça comme ça ? par exemple, des chauffeurs et des propriétaires de Montréal versus ceux de Québec ou encore ceux qu'on retrouve à Mont-Joli, à Matane ou à Chibougamau, alors on peut très bien imaginer quel genre de conflits ou encore de tiraillements cette future Association aura à gérer.
Il y a également un autre intervenant du domaine, cette fois-ci du domaine journalistique, de la scène journalistique au Québec, un éditorialiste très connu, Jean-Jacques Samson, qui nous a livré sa vision des choses face à ce projet de loi dans un article qu'il a signé, dans un éditorial qu'il a signé le 12 mai dernier et qui s'intitule Manifester pour des taxis libres. Jean-Jacques Samson, donc, y va de quelques remarques qui illustrent à quel point ce projet de loi qui est proposé, la création de cette future Association est loin de servir les intérêts, d'une part, des chauffeurs de taxi, qu'ils soient propriétaires ou locataires, et elle sera loin de servir les intérêts des citoyens partout en région, M. le Président.
Et vous me permettrez donc de lire un extrait de cet éditorial. Alors, Jean-Jacques Samson nous dit la chose suivante et qui fait référence à une manifestation des travailleurs de taxi devant l'Assemblée nationale. On nous dit: «Des travailleurs du taxi ont manifesté mercredi pour exprimer leur opposition à la tentative syndicalo-gouvernementale de les embrigader dans une centrale syndicale. Les travailleurs autonomes sont forcés de protester devant les bureaux du premier ministre ou l'Assemblée nationale pour garder leur liberté.» Garder leur liberté. Alors là, c'est rendu grave. On est en l'an 2000, M. le Président, et on va forcer des travailleurs à faire partie d'une association dont, de toute évidence, ces gens-là ne veulent pas. Et il rajoute la chose suivante: «Le gouvernement veut les livrer, bien ficelés, à une centrale.» Et d'ajouter: «La syndicalisation obligatoire ne fera que créer une force de frappe de plus, capable sur un seul mot d'ordre de paralyser un service à la population et de faire chanter le pouvoir politique. Les associations existantes peuvent fort bien, dans la mesure où elles sont démocratiques, voir aux intérêts de leurs membres et développer plus de protection sociale pour les participants.» Alors, M. le Président, je pense que cet éditorialiste, Jean-Jacques Samson, a mis le doigt sur un problème qui risque de se profiler, qui risque de se dessiner et qui, évidemment, pourrait se traduire par une paralysie complète de tout ce secteur d'activité qu'est la grande industrie du taxi, qui est un service, disons-le, essentiel. Alors, évidemment, on imagine, face à une situation particulière, cette future Association professionnelle de chauffeurs, donc, qui serait totalement en désaccord avec une position gouvernementale, qui ferait du chantage sur la base de ses 17 000 membres. Alors, de toute évidence, il y a un risque qui se profile et qui, dans un futur qui n'est pas si lointain, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, sera loin de servir les intérêts de la population et des citoyens des régions, la population qui utilise ce service d'importance.
Un autre élément qui a retenu notre attention, c'est l'impact d'un projet de loi comme celui-là sur les régions. Alors, quel sera l'impact de ce projet de loi qui vise à chambarder l'organisation et la dynamique actuelles de l'industrie du taxi? Bien, ça, là, M. le Président, le ministre des Transports a été plutôt silencieux. Il serait intéressant de savoir, dans le mémoire qui a été déposé par le Conseil des ministres, si, effectivement, le ministre des Transports a fait une évaluation des impacts sur les régions. Et on sait, et nous en avons fait la démonstration ici, que tous les mémoires qui sont déposés au Conseil des ministres doivent mettre en lumière les impacts du projet de loi, ou du sujet en question qui est contenu dans le mémoire, sur la métropole et sur la capitale.
n(12 heures)n Un projet de loi comme celui-là, M. le Président, devra obligatoirement, donc, mettre en lumière ces fameux impacts sur les régions. Alors, ici, on a 56 ligues de taxis qui sont visées, 56 ligues de taxis dans des villes comme Montréal, bien sûr, Québec. On parle de villes en région: Matane, Mont-Joli, Matagami, Rouyn-Noranda, Val-d'Or, La Tuque, Chibougamau, Amos. Alors là on comprend qu'avec un projet de loi comme celui-là, on se demande si, effectivement, on va réussir à améliorer les conditions de travail, les conditions salariales, si on va améliorer les conditions des chauffeurs de taxi, peu importe où ils sont en région.
Je fais référence ici bien sûr aux chauffeurs qui font partie d'une ligue, mais imaginons tous les chauffeurs de taxi qui sont propriétaires de leur véhicule et qui ne font pas partie d'une ligne de taxi. Je pense notamment chez nous, la Gaspésie, il n'y a pas de ligue, en Gaspésie, de chauffeurs de taxi, si ce n'est à Matane et Mont-Joli. Alors, est-ce qu'il y aura une place pour ces chauffeurs dans le projet de loi qui a été déposé? Je ne pense pas. Le ministre a encore été silencieux de ce côté-là. Et on peut s'imaginer, en cette grande association qui est proposée par le ministre, que le poids que vont représenter les chauffeurs de Montréal et de Québec sera totalement disproportionnel par rapport au poids politique, par exemple, des chauffeurs de Matane, Mont-Joli, Chibougamau, Amos, Val-d'Or, La Tuque, etc.
Alors, M. le Président, sur le plan de la mécanique et de l'efficacité de cette future association, je pense qu'on risque d'avoir des problèmes qui sont extrêmement importants. Et c'est assez intéressant de voir à quel point le gouvernement péquiste parle à la fois des deux côtés de la bouche pour ce qui est notamment de l'importance des régions. Je suis convaincue qu'il n'y a aucune analyse qui a été faite de l'impact de ce projet de loi sur les régions. Et le ministre des Régions, par la voix également de ses collègues ? plusieurs ministres et le premier ministre, même ? nous rappelle à longueur de journée, à longueur de semaine, que les régions, pour eux, c'est important, que les régions, pour le gouvernement péquiste, M. le Président, c'est important.
Mais, nous, ce qu'on constate à chaque jour, c'est que ce gouvernement prend des décisions qui causent un préjudice important aux citoyens et aux citoyennes des régions. Et vous n'êtes pas sans vous rappeler, M. le Président, ce fameux caucus qui a été fort animé du côté de nos amis d'en face, le caucus des députés du Parti québécois, au début octobre, caucus évidemment où on a discuté de l'importance du développement des régions. Il y a plusieurs députés qui ont menacé de quitter le caucus parce qu'ils sont insatisfaits des performances de leur gouvernement ? en fait, il faudrait parler de contre-performance concernant le développement des régions ? la députée de Matapédia, le député d'Abitibi-Est, le député de Duplessis qui ont menacé de claquer la porte parce que le gouvernement péquiste n'en fait pas assez pour le développement des régions.
Alors, évidemment ce qu'on se demande ce matin: Est-ce que ce fameux projet de loi n° 163 va servir les intérêts des citoyens mais également des chauffeurs, qu'on soit en Abitibi, en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, en Mauricie? Il serait intéressant de connaître la vision du ministre des Transports de ce côté-là. Parce que c'est important. Parce que le projet de loi poursuit des objectifs qui sont intéressants. Quand le ministre nous dit qu'on veut améliorer les conditions de travail et qu'on veut améliorer le fonctionnement de cette industrie, c'est intéressant. Mais, dans les faits, sur la base des structures, sur la base des propositions qui sont formulées dans ce projet de loi, je pense qu'on va avoir une industrie qui va être sclérosée. De toute évidence, il y a des problèmes importants qui sont en train de se profiler.
Et un autre réflexe de ce gouvernement, qui fait référence sûrement à cette autre façon de gouverner, hein, dont ils ont fait leurs choux gras il n'y a pas si longtemps, c'est cette manie de vouloir tout contrôler, M. le Président. On parle de fusions municipales, là, ce matin, ce qu'on nous propose, c'est qu'on veut fusionner les taxis. Après les fusions municipales, on veut fusionner les taxis. Les fusions municipales sont un exemple assez éloquent du contrôle, de la main mise du gouvernement, de l'emprise du gouvernement sur les conseils municipaux aux Québec. C'est le rouleau compresseur de la ministre des Affaires municipales, et on dit aux élus municipaux au Québec: Écoutez, taisez-vous; nous, on sait ce qui est bon pour vous autres, on sait ce qui est bon pour les citoyens et pour les contribuables du Québec. Et cet autre rouleau compresseur, bien le ministre des Transports veut le passer sur les chauffeurs de taxi, qu'ils soient propriétaires ou locataires.
Alors, pourquoi, M. le Président, vouloir imposer une nouvelle façon de faire qui risque de causer plus de problèmes que le fonctionnement actuel? Évidemment, un autre exemple de contrôle de ce gouvernement, par exemple, c'est la fameuse Cité du multimédia, hein, où le ministre des Finances dicte sa vision à cette industrie, qui dit: Nous, on sait ce qui est bon dans le domaine du multimédia et, nous, on va vous proposer un modèle qui va régler nos problèmes. Et, de ce côté-ci de cette Chambre, nous avons à maintes reprises illustré à quel point cette fameuse politique, pour ce qui est de favoriser Montréal au niveau du multimédia, a créé des effets pervers.
Alors, en terminant, M. le Président, je suis heureuse de joindre ma voix à celle de mon collègue le député de Shefford pour vous dire à quel point ce projet de loi, contrairement à ce que le ministre des Transports affirme, est loin de servir les intérêts des chauffeurs de taxi et surtout sera loin de servir les intérêts des utilisateurs, des usagers de cette industrie, sera loin de servir les intérêts des citoyens et des citoyennes des régions du Québec. Alors, M. le Président, je réitère notre position, nous serons donc contre l'adoption du principe de ce projet de loi n° 163. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Je reconnais le prochain intervenant. Il est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de services gouvernementaux et député de l'Acadie. M. le député, la parole est à vous.
M. Yvan Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, nous sommes aujourd'hui devant le projet de loi n° 163 au niveau de l'adoption du principe. Il s'agit d'un projet de loi qui est dans l'air depuis plusieurs mois, je dirais même un an. Et c'est un projet de loi qui va avoir des répercussions excessivement importantes chez un grand nombre de concitoyens du Québec, des travailleurs qui gagnent leur vie difficilement, des chauffeurs, des propriétaires de taxi, des locataires de taxi. Alors, c'est des gens qui vont être affectés de façon très importante par ce projet de loi, M. le Président.
C'est un projet de loi qui vise essentiellement à apporter une réforme majeure dans l'industrie du taxi au Québec. Je voudrais juste, M. le Président, dans un premier temps, récapituler un peu certains faits. À l'automne de 1999, il y a exactement un an, le ministre des Transports a tenu une commission parlementaire pour entendre les gens sur un livre vert qui avait été préparé par le gouvernement, qui s'intitulait Réforme du transport par taxi ? Pour des services de taxi de meilleure qualité. Alors, dans ce document, il y avait au-delà d'une cinquantaine de propositions qui étaient mises sur la table et où on demandait aux gens de l'industrie du taxi de se prononcer. L'objectif était essentiellement de consulter les gens du domaine du taxi, de voir les problèmes qui se posaient et de voir où étaient réellement les vrais problèmes et quelles solutions le gouvernement devait apporter à ces problèmes-là.
Je dois vous dire, M. le Président, qu'à ce moment-là j'avais la responsabilité du transport et j'ai assisté à la commission parlementaire, j'ai écouté tous les mémoires qui ont été présentés. Il y a eu au-delà de 83 mémoires qui ont été soumis, et, en commission parlementaire, nous avons entendu environ 55 groupes différents qui sont venus faire des présentations. Alors, c'est une commission parlementaire qui a suscité beaucoup d'intérêt.
Et une des propositions qui était en cause dans ce projet de loi là, M. le Président, je vais vous la rappeler rapidement, c'était la proposition 47 où on mettait trois options sur la table. Abolition des ligues de propriétaires de taxi: «Toutefois, les titulaires de permis pourraient, s'ils le désiraient, se regrouper dans des associations ou des ligues qui ne seraient pas régies par la Loi sur le transport par taxi, comme cela existe dans d'autres modes de transport.» Ça, c'était une option. La deuxième option, c'était l'abolition des ligues et regroupement obligatoire de tous les titulaires de permis de chauffeurs de taxi, qu'ils soient titulaires d'un permis de taxi ou non, au sein d'une association professionnelle chargée du respect d'un code de déontologie, de la promotion du service de taxi, et d'offrir divers services à ses membres. La troisième option était le maintien ou la fusion des ligues de propriétaires de taxi au sein d'une seule ligue à l'échelle du Québec.
M. le Président, je dois vous dire que ce qui a été le moins appuyé en commission parlementaire, quand on regarde le nombre de mémoires qui ont été présentés, c'est justement la seconde option: c'est l'abolition des ligues de taxi et le regroupement obligatoire dans une association professionnelle. Ça, c'est l'option qui a été la moins appuyée au moment de la commission parlementaire. Et je me souviens très bien qu'en conclusion de la commission parlementaire le ministre avait tiré la conclusion que cette option-là devait être sérieusement envisagée.
n(12 h 10)n Alors, je dois vous dire, M. le Président, que la commission parlementaire a eu lieu, on a écouté les gens qui sont venus faire des représentations, mais on ne les a pas compris. Le message qui a été envoyé n'était pas le message que le ministre a retenu à la fin de la commission parlementaire. Et je voudrais vous rappeler que peut-être une des raisons fondamentales pour laquelle le ministre n'a pas tellement compris le message, c'est qu'il avait avant ça un agenda qui était caché. Et je veux vous rappeler qu'en 1998, au moment de la campagne électorale, le conseiller spécial du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, avait, dans une rencontre avec la FTQ ? parce que, à ce moment-là, vous savez, c'était important de créer des alliances, au moment d'une campagne électorale ? promis à la FTQ une association professionnelle.
Et pourquoi on lui promet une association professionnelle, à la FTQ? Vous allez trouver ça curieux peut-être, parce que en quoi une association professionnelle et la FTQ, c'est relié? On aura l'occasion d'en parler un peu plus loin dans ma présentation, M. le Président, mais retenez que c'est quand même bizarre, là. Les ordres professionnels... À ma connaissance, on n'a pas besoin d'aller parler à la FTQ ou à la CSN pour créer des ordres professionnels ou faire fonctionner des ordres professionnels. Alors, voilà, M. le Président, un petit peu ce qu'il y a en arrière-scène dans ce projet de loi.
Ce projet de loi là, M. le Président, je vous disais qu'il est important parce qu'il va affecter au-delà de 17 000 chauffeurs de taxi, soit des propriétaires ou des locataires. Alors, c'est quand même beaucoup de monde. Et je voudrais rappeler... Parce que le ministre, dans ses présentations, dans ses interventions depuis un an sur ce projet-là est continuellement en train de matraquer le Regroupement québécois du taxi. Je dois vous dire que le Regroupement québécois du taxi est venu en commission parlementaire présenter son point de vue. C'était un point de vue qui était très bien articulé, qui regroupait un éventail très large de chauffeurs de taxi et pas seulement des gens de Montréal, contrairement à ce qu'on laissait entendre. Ce regroupement-là est appuyé par un grand nombre de ligues actuelles, et, d'ailleurs, c'était reconnu dans un article du 11 mai dernier, de Mme Hachey, où elle disait que le Regroupement québécois du taxi parle au nom de 75 % des chauffeurs propriétaires de la province. Le Québec compte un total de 5 782 propriétaires et 11 838 locataires de taxi. Alors, c'était quand même une présentation qui était excessivement importante. Voilà, M. le Président, pour l'essentiel de l'arrière-scène.
Maintenant, quel est le vrai problème dans l'industrie du taxi? Je pense que c'est sur ça qu'on doit se poser une question, parce qu'au fond, si le ministre veut apporter des modifications majeures, il doit répondre aux vrais besoins des chauffeurs de taxi. Et les vrais besoins des chauffeurs de taxi, vous le savez aussi bien que moi, d'abord, vous êtes une personne qui avez été en contact avec ce milieu-là de façon constante depuis au-delà de 15 ans et vous êtes en mesure aussi d'évaluer que ces gens-là gagnent leur vie difficilement, ces gens-là font des heures de fous, des 12, 13, 14, 15 heures par jour pour se faire un salaire minimal ? minimal, M. le Président.
Et quelle est la conséquence de ça? C'est d'assurer la sécurité financière de la famille; ce n'est pas facile. Pensons à se mettre de côté des économies, soit dans des REER ou d'une autre façon pour la retraite, évidemment, ce n'est pas possible. On critique le monde du taxi en disant que les voitures de taxi pourraient être plus modernes, plus sécuritaires. J'en conviens, et je pense que le milieu du taxi en convient aussi. Mais, pour faire ça, il faut avoir des revenus raisonnables, pour changer de voiture, avoir des voitures qui sont plus sécuritaires, plus propres.
Alors, c'est ça, le vrai problème du milieu du taxi: question de revenu, question de sécurité financière, question de conditions de travail, au niveau de l'horaire, qui soient raisonnables et qui permettent à ces gens-là de faire une vie comme à peu près tout le monde a le droit de faire. Là-dessus, quelles étaient les attentes du milieu? Les attentes du milieu, c'était que le ministre des Transports assume le leadership et trouve des solutions à ces problèmes-là qui sont des vrais problèmes: le revenu, la sécurité financière.
M. le Président, c'est quoi, la solution que le ministre nous apporte? C'est qu'on crée une nouvelle structure. D'abord, on démolit tout ce qui existe: les ligues, on abolit tout ça; 57 ligues, ça, ça n'existe plus. Et là la solution, c'est qu'on crée une structure. On n'en crée pas une, on en crée deux. On va créer une association professionnelle puis on va créer un forum des intervenants de l'industrie du taxi.
M. le Président, c'est la marque de commerce de ce gouvernement. Vous le savez, tous les jours on a l'occasion de questionner la ministre de la Santé sur des problèmes réels qui se posent dans le milieu de la santé, des problèmes qui sautent aux yeux de tout le monde dans la province de Québec, et le gouvernement réfute continuellement ça. Et, quand il se sent coincé, il crée un comité. Alors, on en a vu, des comités, depuis deux ans, qui ont été créés à la tonne. Et aujourd'hui, est-ce que la situation de la santé au Québec est meilleure? Elle est aussi pire qu'elle était depuis le début du mandat du Parti québécois.
Au niveau du camionnage, on sait qu'il y a des problèmes dans le camionnage, des problèmes sérieux. Je vous rappelle qu'il y avait eu une grève à l'automne 1999 où on a bloqué les routes. Il y a eu des difficultés énormes à ce moment-là, parce que les approvisionnements de certaines régions éloignées n'étaient plus possibles, et ça a amené une situation assez critique. La solution du ministre à ce moment-là, ça a été: On va créer un forum sur le camionnage, ça va se régler, là, les problèmes. Au mois d'octobre dernier, il y a à peine un mois, tout sautait dans le port de Montréal, grève encore des camionneurs qui font le transport des conteneurs, M. le Président.
Alors, le ministre, à chaque fois qu'il y a un problème, au lieu de s'attaquer à ce problème-là, d'assumer un leadership, d'assumer ses responsabilités, de proposer des solutions réelles, M. le Président, il crée des comités, puis il crée des forums, puis il crée des associations, puis il repousse le problème dans la cour du voisin, puis il dit: Bien, vous autres, vous trouverez les solutions entre vous autres. Je vous assure, M. le Président, que ce n'est pas tellement exemplaire comme efficacité à ce niveau-là. On voit que cette façon de fonctionner ne règle rien, parce que les problèmes continuent de persister. On l'a vu dans le domaine du camionnage et on va le voir aussi dans le domaine du taxi éventuellement.
M. le Président, le projet de loi n° 163 ne touche en rien... on ne fait absolument directement allusion à rien au niveau du revenu ni au niveau des heures de travail, des conditions de travail des chauffeurs de taxi. Alors, on a devant nous un projet de loi qui ne répond pas aux vrais besoins du milieu du taxi, on a un projet de loi qui est mal fait. Et le ministre a été le premier à le reconnaître hier. Au moment où il a fait la présentation du projet de loi n° 163, il nous a dit à trois ou quatre reprises: Bien, vous savez, tel aspect là, ça, on pourrait en discuter et puis faire des changements là-dessus.
Je veux vous rappeler, pour être plus précis, tout ce qui concerne la saisie et la liquidation des biens actuellement qui appartiennent aux ligues de taxis. Le ministre nous a dit: Oui, mais ça, on pourra regarder ça puis réaménager ça. C'est un problème majeur, ça, actuellement dans le projet de loi.
La constitution du Forum des intervenants de l'industrie du taxi. Ah oui? Non, non, ça, on pourra en discuter, on pourra peut-être spécifier de façon plus précise qui va représenter les divers intervenants qui sont dans le projet de loi. Alors, on n'a rien de précis à ce niveau-là.
Le cas des chauffeurs de taxi qui ont déboursé de l'argent il y a quelques années pour acheter des permis pour éliminer un certain nombre de propriétaires de taxi, par exemple dans la région de Montréal, pour essayer de faire en sorte que la masse de travail soit un peu plus grande pour ceux qui vont rester puis que ça soit peut-être des meilleures conditions pour gagner sa vie, bien, il y a des gens qui ont investi de l'argent là-dedans. Les chauffeurs de taxi, c'est eux qui ont payé pour éliminer un certain nombre de permis qu'ils ont rachetés. Ça, le ministre dit qu'il voit un problème là aussi qui n'a pas été bien adressé dans le projet de loi, mais ça aussi, il est prêt à le revoir.
Alors, pourquoi, M. le Président, le ministre n'a pas utilisé l'année qui s'est écoulée entre la consultation qui s'est terminée en novembre 1999, si j'ai bonne mémoire, et le dépôt du projet de loi le 15 novembre 2000 pour travailler avec les gens de l'industrie du taxi de façon constructive et non pas engueuler les gens de l'industrie du taxi comme il le fait depuis le début, par rapport à la direction, par exemple, du Regroupement québécois du taxi? Le ministre n'a pas travaillé de façon constructive. S'il l'avait fait, s'il l'avait fait d'une façon constructive, en recherchant un certain consensus, en tenant compte de ce que les gens avaient comme vrais problèmes, en tenant compte de leurs suggestions, bien, on en serait arrivé peut-être à un projet de loi qui aurait été mieux fait et où on n'aurait pas, comme le ministre a été obligé de le faire hier, toute une série de problèmes sur lesquels il nous dit: Bien, ça, on n'a pas eu le temps de s'occuper de ça de façon précise, mais on va pouvoir en discuter.
n(12 h 20)n Alors, M. le Président, de plus, un autre élément qui est important, c'est qu'il faut bien se rendre compte que, dans le projet de loi n° 163, il y a toute une série d'actions qui vont découler du projet de loi n° 163, qui vont se retrouver précisées dans les règlements. Et les règlements, on ne les a pas vus. Alors, vous savez, quand on lance un principe comme ça puis on vous dit: Je vais vous dire après de quelle façon tout ça va s'appliquer, bien ce serait intéressant de le savoir tout de suite parce que c'est ça, la vraie vie. Ça va être les règlements qui vont dicter les règles qui vont s'appliquer dans la vraie vie du milieu des chauffeurs de taxi. Mais ça, on ne les connaît pas, M. le Président.
Et je veux juste vous signaler quand même que c'est excessivement important. Parce que le gouvernement se donne énormément de pouvoirs pour dire après qu'est-ce qu'il va faire. Et ça, ça ne reviendra pas après à l'Assemblée nationale, ça ne sera pas rediscuté à l'Assemblée nationale; ça va sortir dans des décrets gouvernementaux et ça va s'appliquer automatiquement. L'opposition n'aura pas la chance de réagir, et les gens du milieu du taxi n'auront pas la chance de réagir aussi, ils devront tout simplement vivre avec les conséquences.
Je veux vous signaler les articles 82 et 83 du projet de loi. Je ne vous les lirai pas au complet parce que c'est des articles qui sont très longs, mais je vais vous donner suffisamment d'indices pour voir l'importance que ces articles-là ont. L'article 82, on dit: Le gouvernement peut par règlement ? donc décret ministériel, point final: déterminer le nombre maximal de permis de propriétaire de taxi dont une même personne peut directement ou indirectement être titulaire; déterminer les conditions d'obtention, de maintien et d'exploitation d'un permis de propriétaire de taxi ? c'est large ça, là; déterminer pour chaque catégorie de services, les exigences auxquelles doivent satisfaire les automobiles; fixer les droits annuels payables pour l'obtention, le maintien ou le renouvellement d'un permis de propriétaire de taxi et prévoir les autres conditions s'y rapportant; fixer les droits payables pour la cession ou le transfert d'un permis de propriétaire de taxi et prévoir les autres conditions s'y rapportant; déterminer les conditions que doit respecter, dans l'offre et l'exécution des services spécialisés, un titulaire de permis de propriétaire de taxi; fixer les droits annuels payables pour l'obtention, le renouvellement ou le maintien d'un permis de chauffeur de taxi et prévoir les autres conditions s'y rapportant; fixer les exigences de formation relatives aux connaissances topographiques et géographiques, les connaissances usuelles, les habilités, les aptitudes, les comportements requis pour exercer le métier de chauffeur de taxi sur un territoire particulier; déterminer les normes de construction, d'identification ainsi que d'entretien de mécanique applicables selon les catégories d'automobiles, ainsi que celles concernant leurs équipements obligatoires, et prévoir les conditions de la vérification mécanique; déterminer d'autres modes de fixation du prix d'une course ? on parle du taximètre, alors, ça rentre là-dedans.
Alors, M. le Président, il y a 22 articles. J'en ai lu seulement quelques-uns. Il y a 22 éléments différents qui sont fixés là-dedans où on nous dit: Le gouvernement va nous dire par règlement, après, comment on va gérer tout ça. Bien, quand on regarde ça, c'est toute l'industrie. Comment ça va être géré? Bien, on le saura par règlement plus tard. Et, en plus: «Le gouvernement peut déléguer ? c'est l'article 83 ? à une autorité municipale ou supramunicipale l'exercice de l'un ou l'autre des pouvoirs qui lui sont attribués[...]. Le cas échéant, un règlement adopté par une autorité habilitée ? ça veut dire municipale ou supramunicipale ? remplace, sur le territoire de compétence de cette autorité, un règlement au même effet édicté par le gouvernement. Une autorité municipale ou supramunicipale peut, par règlement, pour le financement des activités reliées à l'exercice d'un pouvoir qu'elle exerce en vertu du présent article, imposer et percevoir annuellement ? elle aussi ? un droit additionnel payable par chaque titulaire de permis de propriétaire de taxi de son territoire pour chaque permis qu'il obtient ou renouvelle.» Alors, ça, M. le Président, tout ça, on va nous dire plus tard comment ça marche. Vous voyez que ça n'a aucun bon sens. On fait un projet de loi où on met des principes, mais la réalité qui aurait été intéressante... Je ne dis pas que tout devait être dans le projet de loi, mais le ministre aurait dû déposer les règlements au moment où il dépose son projet de loi de sorte qu'on aurait pu voir exactement quelles sont les conséquences d'adopter un article comme 82 ou l'article 83 dans la vraie réalité parce qu'on aurait vu ensuite comment ça va s'appliquer concrètement à tous les jours dans l'industrie du taxi.
M. le Président, vous me faites signe qu'il ne reste qu'une minute. J'ai fait juste quelques remarques générales sur le projet de loi. Je ne suis pas entré dans le détail du projet de loi. Il y a beaucoup d'éléments dans ce projet de loi là qui ont été abordés même par mes collègues et qui vont être abordés encore à d'autres étapes. Je pense à la syndicalisation déguisée. Je pense, M. le Président, au mandat comme tel de l'Association professionnelle qu'on veut créer, à l'impact de ce nouveau projet de loi sur la valeur des permis de taxi, à toute la dynamique qui va viser la saisie et la liquidation des biens et des ligues de taxis, à la constitution du Forum des intervenants de l'industrie du taxi.
M. le Président, on aura d'autres moments pour discuter de ces projets-là. Mais vous voyez clairement qu'avec un projet aussi mal fait, avec aussi autant d'ambiguïté et autant peu de clarté, évidemment on ne sera pas capable d'appuyer un tel projet. J'aurai l'occasion de revenir sur un certain nombre d'aspects dans les étapes ultérieures de l'analyse de ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de l'Acadie, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Et je vais céder la parole au président de la commission de l'environnement et du transport et député de Bellechasse. M. le député, la parole est à vous.
M. Claude Lachance
M. Lachance: Merci, M. le Président. On se rappellera que le 15 novembre dernier, date limite pour la présentation des projets de loi pour adoption d'ici la période des Fêtes, le ministre des Transports et député de Joliette déposait le projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Ce projet de loi propose de moderniser plusieurs des dispositions légales qui encadrent présentement l'industrie du taxi au Québec, parce que, vous allez le reconnaître, et, comme le disait si bien l'un de vos ex-collègues, «il y a un malaise dans le problème» dans le domaine du taxi, c'est évident. Et on se rappellera que cette citation célèbre vient de l'ex-député de Verdun, que vous avez bien connu.
La présentation de ce projet de loi n'est pas l'effet du hasard. C'est en effet l'aboutissement du processus d'actualisation de la législation relative au transport rémunéré de personnes par automobile qui a été entreprise il y a déjà trois ans, soit en 1997. Et ce travail de réflexion de même que les nombreuses consultations menées auprès des principaux partenaires ont conduit le ministre des Transports, en cours de route, à la présentation d'un livre vert, un livre vert qui s'intitulait Réforme du transport par taxi ? Pour des services de taxi de meilleure qualité. Parce que là aussi on constate qu'il y a des problèmes sur diverses parties du territoire québécois.
Ce livre vert, ce document de consultation, rendu public en juillet 1999, faisait des suggestions, entre autres choses, sur un certain nombre d'orientations en vue de répondre plus adéquatement aux besoins d'améliorer la compétitivité de l'industrie du taxi, de simplifier la réglementation, d'assurer un service de meilleure qualité et d'accorder davantage de responsabilités inhérentes au domaine d'activité aux autorités régionales et locales.
La publication de ce livre vert a conduit, quelques mois plus tard, soit à l'automne 1999, il y a un an, à la tenue d'une série d'audiences de la commission parlementaire des transports et de l'environnement qui ont porté spécifiquement sur le transport par taxi. À cette occasion, mes collègues de la commission et moi, nous avons reçu pas moins de 53 groupes ou personnes qui sont venus se faire entendre pour exposer leur vision des problèmes auxquels doit faire face cette industrie et proposer des solutions. La commission avait reçu 83 mémoires. Et, là-dessus, il y en a 53 qui, finalement, ont été entendus, avec lesquels nous avons eu l'occasion d'échanger sur leur perception, et on a constaté, à ce moment-là, que le problème était réellement sérieux.
Au terme de cet examen en profondeur, le ministre des Transports s'était engagé à présenter une réforme substantielle de l'actuel encadrement de l'industrie du taxi au Québec, et c'est justement ce que fait le projet de loi n° 163 en proposant rien de moins que le remplacement de l'actuelle Loi sur le transport par taxi par cette nouvelle législation. J'ai ici une copie, M. le Président, du projet de loi n° 163. Ce projet de loi qui comporte 140 articles va également modifier deux autres lois: le Code de la sécurité routière et la Loi sur les transports. Les deux objectifs ultimes de ce projet de loi sur la réforme du taxi, c'est d'accroître la sécurité des usagers et aussi, deuxièmement, d'améliorer la qualité de l'ensemble des services de transport rémunéré des personnes.
n(12 h 30)n Depuis le début de la séance de ce matin, j'ai entendu plusieurs interventions de la part de députés de l'opposition, et, si on les écoutait, on aurait l'impression qu'il n'y a rien de bon là-dedans, que tout est noir. Il me semble que ce n'est pas la juste réalité. Il y a certainement des aspects importants de ce projet de loi qui méritent d'être retenus, bien qu'il faille accepter, et ça, ça sera le travail des parlementaires un peu plus loin en commission parlementaire, d'amener des amendements ou des modifications pour bonifier le projet de loi.
À ce moment-ci, M. le Président, j'aimerais faire le survol de certaines des dispositions du projet de loi afin d'amener certaines précisions, certaines clarifications par rapport à des éléments qui ont été retenus comme étant des éléments sujets à interprétation ou à clarification.
Concernant le bénévolat, eh bien, la tarification obligatoire du transport bénévole a déjà été abolie, et l'introduction du registre obligatoire viendra mieux encadrer cette activité afin de contrer le travail au noir, parce que c'était un des sujets chauds dont les chauffeurs de taxi nous ont entretenus pendant cette commission parlementaire de l'an dernier.
Concernant le territoire ? et là je fais ici référence à l'article 6 puis à l'article 10 du projet ? la Commission des transports va devoir procéder à une consultation avant d'émettre des permis. Parce qu'il y avait un moratoire auparavant, et là maintenant il y aura émission de nouveaux permis, mais d'autres balises vont être introduites dans le cadre de la réglementation de manière à protéger la valeur des permis existants. Et ça, je pense que c'est un élément extrêmement important pour les propriétaires actuels.
Concernant les véhicules, on sait les problèmes qui existent en ce qui concerne l'âge des véhicules, la qualité, la marque des véhicules. Souvent, on entend des plaintes de la part des usagers concernant justement l'aspect des véhicules ou encore la propreté. La réglementation va venir préciser ces éléments après, bien sûr, discussion avec l'industrie du taxi.
En ce qui concerne les permis à durée limitée, l'objectif des permis à durée limitée est justement de protéger la valeur des permis actuels, et les nouveaux permis seront délivrés pour un maximum de cinq ans, ce qui va protéger la valeur des permis actuels.
En ce qui concerne le Bureau du taxi, les pouvoirs du Bureau du taxi vont demeurer inchangés avec l'introduction de la nouvelle législation. Il semblait y avoir des inquiétudes de ce côté-là, et le ministre nous indique qu'il n'est pas dans son intention de changer ces pouvoirs.
En ce qui concerne maintenant l'obligation de faire un contrat de travail avec les chauffeurs, le projet de loi n'a aucune portée syndicale. Le ministre l'a répété lors de son allocution hier, et il ne faut pas voir là-dedans du syndicalisme déguisé. L'objectif de cette disposition est de protéger à la fois le chauffeur et le propriétaire. Le secteur du taxi, c'est l'un des sous-secteurs où la location n'a pas fait l'objet d'un document écrit. Je pense qu'il n'y a rien de mieux, lorsqu'il y a contestation, que de pouvoir se référer à quelque chose d'écrit plutôt que de faire ça uniquement verbalement.
Un autre aspect qui semblait aussi inquiéter certaines personnes du domaine du taxi, c'est l'examen. Eh bien, en ce qui concerne cette partie-là ? c'est l'article 26.1 du projet de loi ? je pense qu'il y a matière à se poser des questions sur la façon dont l'article est écrit, et certainement qu'il va falloir réécrire cet article pour éviter la confusion qui pourrait s'en dégager. Alors, l'objectif du projet de loi est d'assurer une formation adéquate pour que les usagers se sentent en sécurité.
En ce qui concerne la création de l'association professionnelle, ça a été évoqué à plusieurs reprises, la création de cette association n'est pas une ouverture à la syndicalisation, puisqu'elle fait coexister les titulaires et les chauffeurs. Elle prévoit un comité de discipline aussi, comme dans la majorité des regroupements de cette nature-là, et il s'agit bien d'une association de chauffeurs et non de propriétaires. À titre d'exemple, on peut avoir le propriétaire d'une pharmacie qui n'est pas automatiquement membre de l'Ordre des pharmaciens, il doit être pharmacien d'abord.
Pour ce qui est d'une autre partie, la cotisation, contrairement aux ligues où elle est obligatoire, les membres de l'association professionnelle devront voter si, oui ou non, ils en veulent une, une cotisation.
En ce qui concerne un autre aspect, soit l'inspection mécanique et visuelle, bien, je pense qu'il s'agit d'une disposition qui est vraiment minimale, et ça existe déjà dans d'autres domaines, comme, par exemple, le camionnage, les minibus et les autobus. En ce qui concerne la tarification qui peut être différente d'une agglomération à l'autre, le pouvoir d'établir une tarification distincte, ça vise principalement les zones éloignées du Québec. On ne peut pas avoir la même tarification, par exemple, sur des territoires très vastes comme la Basse-Côte-Nord ou encore certaines réserves qui sont situées sur des territoires où le réseau routier est considérable. Ce n'est pas la même chose que dans les secteurs urbanisés.
Un autre élément qui a retenu l'attention, à l'article 67.1°, c'est le droit d'enquête. Bien, il s'agit d'une disposition générale concernant les agents de la paix et ce n'est pas propre à l'industrie du taxi. Elle permet, par exemple, de consulter les registres des centres d'action bénévole. Et, de toute façon, ça existe déjà dans la loi actuelle à l'article 59.2.
M. le Président, en terminant, je souhaite vivement que les membres de la commission parlementaire fassent leur travail, comme c'est leur devoir. J'entendais tantôt le député de l'Acadie dire que le projet de loi est mal fait. C'est son opinion. Mais, s'il juge que le projet de loi est mal fait, c'est son devoir comme parlementaire, ici, de faire en sorte qu'il amène des suggestions, des recommandations, des amendements au projet de loi afin que, lors de l'étude article par article, à l'étude détaillée du projet de loi, on puisse bonifier le projet de loi de façon à ce qu'il soit le mieux possible à la fois pour les usagers, à la fois pour les propriétaires et pour les chauffeurs de taxi. M. le Président, merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Bellechasse, de votre intervention. Nous poursuivons le débat et nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Et je le vois arriver, il est le porte-parole officiel de l'opposition en matière d'emploi et de travail et député de Mont-Royal. M. le député, la parole est à vous.
M. André Tranchemontagne
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président, de m'avoir donné le temps de m'en venir, pas en taxi, mais... J'aimerais joindre ma voix à celle de mes collègues du Parti libéral et dire que nous sommes contre ce projet de loi là, malheureusement. Nous aimerions être pour. Nous savons que l'opposition libérale travaille conjointement souvent avec le gouvernement, comme, par exemple, récemment dans un autre projet de loi, sur les congés parentaux, où on a manifesté notre accord avec ce projet de loi là, avec certaines restrictions, mais quand même, d'emblée on était d'accord avec le projet de loi. Mais, ici, c'est très difficile d'être pour ce projet de loi.
On sait, M. le Président, que l'industrie du taxi ? et vous en savez quelque chose ? c'est une industrie qui est malmenée depuis de nombreuses années. Des chauffeurs de taxi doivent travailler, pour arriver à à peine joindre les deux bouts, de nombreuses heures de travail par jour. Et il n'est pas rare, quand on prend un taxi, qu'on entende les chauffeurs nous dire qu'ils doivent travailler 12, 13, 15 heures par jour pour arriver à joindre les deux bouts et faire vivre leur famille. Alors, nous sommes donc inquiets face à ce projet de loi, et c'est pour ça que nous serons contre ce projet de loi.
n(12 h 40)n Pourquoi nous sommes inquiets, M. le Président? Nous sommes inquiets parce que l'expérience de ce gouvernement nous inquiète énormément quand il s'agit de réforme. Rappelez-vous, M. le Président, tout le dégât que nous avons eu dans le dossier d'Emploi-Québec, et c'est encore assez récent pour qu'on s'en souvienne suffisamment. Dans le domaine de la santé, toute la réforme au niveau de la santé, encore aujourd'hui on arrive à poser des questions tous les jours en Chambre justement sur le domaine de la santé tellement la situation est malsaine et chronique, que ce soit dans le réseau de la santé proprement dit ou que ce soit, par exemple, dans les CHSLD, c'est-à-dire les soins de longue durée pour les personnes âgées. Alors, quand on regarde une future réforme, quand on regarde, par exemple, la réforme sur les fusions municipales, évidemment qu'on craint et qu'on est justifié de craindre cette nouvelle réforme dont on nous parle, réforme de l'industrie du taxi. Les problèmes de l'industrie du taxi, M. le Président, sont assez simples à reconnaître. Le premier et plus important problème est un problème de revenu pour les gens du taxi. Et, comme je vous le disais tantôt, ces gens-là doivent travailler un nombre innombrable d'heures avant d'obtenir un revenu le moindrement décent, un revenu qui peut leur permettre de faire vivre leur famille.
La réponse que le ministre donne à ces chauffeurs de taxi, bien, c'est de créer une association, une association, comme on vous a dit à plusieurs reprises, dont on n'est pas sûrs si c'est vraiment une association ou si ce n'est pas plutôt un syndicat. Donc, au lieu de parler vraiment du problème fondamental des chauffeurs de taxi, c'est-à-dire le revenu et la sécurité de ce revenu-là et le nombre d'heures qu'ils doivent travailler afin d'obtenir un revenu minimum acceptable, au lieu de répondre à ce problème, le véritable problème de l'industrie du taxi, ce qu'on nous dit, c'est: Inquiétez-vous pas, on va vous créer une association, et cette association-là, comme par magie, va régler vos problèmes.
Deuxième création du ministre, c'est ce qu'on appelle, ce qu'il a appelé, lui, le Forum des intervenants. Alors, le problème est un problème de revenu, un problème de survie pour l'industrie du taxi, et ce qu'on répond: On va créer une association et on va créer un forum des intervenants.
Alors, vous comprendrez donc, M. le Président, que nous sommes très inquiets face au vécu du Parti québécois, face au vécu dans d'autres réformes, et nous sommes, aussi, perplexes. Quand on regarde le projet de loi lui-même, nous nous permettons d'être très perplexes, puisque c'est un projet que j'appellerais, moi, méli-mélo. C'est-à-dire que le ministre groupe dans ce projet de loi là des chauffeurs de taxi, des propriétaires et même des chauffeurs de limousine. C'est une espèce de méli-mélo, et on se permet de questionner le ministre sur la validité de regrouper justement tant de monde qui ont des objectifs différents, des mandats différents dans la vie, dans une même association, en supposant que c'est une association.
Le projet de loi lui-même aussi, à un autre niveau, nous inquiète et nous rend perplexes parce qu'à certains articles on perçoit que ce n'est pas une association mais plutôt un syndicat. Et à d'autres articles, bien, on voit que c'est vraiment une association, c'est-à-dire que c'est là pour essayer de protéger le client, le consommateur. Alors donc, nous sommes inquiets, d'une part, et, deuxièmement, nous sommes perplexes.
Pourtant, M. le Président, nous avions bon espoir, puisque, quand le livre vert sur l'industrie du taxi a été déposé, il y avait dans ce livre vert 51 propositions, et ces 51 propositions visaient essentiellement la modernisation de l'industrie du taxi. On y reconnaissait par exemple que l'industrie souffrait de nombreuses lacunes et aussi qu'une augmentation du revenu des chauffeurs de taxi était absolument essentielle à leur survie.
Alors, déjà, on voyait poindre ? on pensait, en tout cas, voir poindre ? la lumière au bout du tunnel, c'est-à-dire que cette industrie-là... que le ministre s'attaquerait aux véritables problèmes de l'industrie du taxi. Et, comme je vous le disais il y a quelques instants, en réponse, dans son projet de loi, le ministre crée une association et crée le Forum des intervenants.
Ce qui nous inquiète un peu plus, c'est que le projet de loi a des allures de syndicalisation. Et ce qu'on craint, M. le Président, c'est que le ministre, par son projet de loi, livre sur un plateau d'argent 17 000 chauffeurs de taxi à la FTQ et particulièrement aux métallos. Et ce qui nous permet de nous inquiéter à ce niveau-là, c'est les déclarations qu'on a entendues de la part du président de la FTQ et aussi du groupe des métallos à l'égard de ce projet de loi, qu'ils sont très heureux qu'enfin ce soit reconnu, etc.
Pourtant, je vous rappelle, M. le Président, qu'en 1982, la Cour avait reconnu les chauffeurs de taxi et les propriétaires de taxi comme des travailleurs autonomes et donc des travailleurs non syndicables. Alors, en dépit de ça, le ministre essaie de passer par la porte de côté pour essayer de faire entrer ses amis de la FTQ et aussi de leur livrer ? c'est ça qui est le plus grave ? 17 000 chauffeurs de taxi sur un plateau d'argent.
Je vais aller plus loin de ce côté-là: les déclarations des métallos à date sont déjà à cet effet-là. Ils ont déjà déclaré qu'ils étaient prêts à offrir des services aux chauffeurs de taxi. Et, à ce moment-là donc, M. le Président, il nous apparaît, nous, au Parti libéral, impensable... Non pas qu'on soit contre la syndicalisation, mais, quand quelqu'un est un travailleur autonome, je pense qu'il s'agit de créer une association et non pas un syndicat. Et il y a des exemples qui existent, on aurait pu suivre d'autres projets de loi qui ont des associations, qu'on parle des médecins, des avocats, etc. Alors donc, le ministre a pris une option très différente qui nous permet de questionner le but visé par le ministre.
Permettez-moi maintenant de vous parler un petit peu plus du projet de loi spécifiquement. Le chapitre V de ce projet de loi là ? tantôt je vous parlais du méli-mélo, de la confusion ? est particulièrement éloquent au sujet de la confusion et du méli-mélo. Par exemple, on y dit, au chapitre V, que cette association-là aura pour mandat de représenter collectivement et individuellement l'ensemble des titulaires de permis de chauffeur de taxi. Alors, l'ensemble des titulaires de permis de chauffeur, ça, ça couvre, d'une part, les chauffeurs proprement dits, mais aussi les propriétaires de taxi.
Alors, à ce moment-là, M. le Président, c'est le premier méli-mélo dont je veux vous parler. C'est un méli-mélo qui réunit dans un groupe celui, si vous voulez, qui est propriétaire d'une automobile, qui a investi environ 75 000 $ et dont les objectifs sont différents... Il se revire de côté pour essayer de rentabiliser son investissement, engage un chauffeur pour les 12 autres heures par jour, que lui ne travaille pas, pour essayer d'utiliser et d'exploiter au maximum son véhicule, son actif et de lui faire rapporter de l'argent, parce qu'il faut qu'il paie ce permis-là qui coûte environ 75 000 $. Ces deux personnes-là n'ont pas les mêmes objectifs dans la vie: un a un investissement, travaille comme chauffeur de taxi aussi, mais a aussi à coeur de protéger son investissement et d'essayer de le rentabiliser; l'autre doit louer ce taxi-là. Alors donc, de rejoindre dans un même projet de loi une même association ou un même syndicat, et le propriétaire et le chauffeur, est absolument inacceptable, à notre point de vue.
Alors donc, le mandat, c'est de représenter, je voudrais revenir là-dessus. Un syndicat, ce n'est pas une association qui représente ses membres, c'est un syndicat qui représente ses membres, M. le Président. Et ce chapitre V est particulièrement confus à ce sujet-là. Quand on représente des membres, c'est qu'on est un syndicat et on fait la promotion des intérêts des membres, c'est le but de la supposée association, et aussi s'occuper de la diffusion d'information, s'occuper de la formation des membres et aussi de la promotion de l'utilisation des services de taxi. Alors, si ça, ce n'est pas un syndicat, M. le Président, je ne sais pas ce que c'est.
D'autre part, dans ce même chapitre de la loi, le chapitre V, on parle vraiment qu'il s'agit d'une association également. Alors, est-ce une association, est-ce un syndicat? Dieu seul le sait. Peut-être le ministre, mais... Alors, par exemple, on parle d'un code de déontologie, on parle...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement.
Mme Jérôme-Forget: ...qu'on fasse appel au quorum, M. le Président. Vous savez qu'il n'y a pas de commission parlementaire dans le moment, donc le quorum est de 21 personnes.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés, il n'y a pas quorum actuellement.
n(12 h 48 ? 12 h 50)n Alors, si vous voulez prendre place. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Et je vais reconnaître le député de Mont-Royal pour qu'il poursuive son intervention. M. le député, la parole est à vous.
M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Alors, permettez-moi donc de revenir sur l'article 5... pas l'article 5, excusez-moi, le chapitre V, et, comme je vous le disais tantôt, on parle aussi à certains moments, dans le chapitre V, d'une association, par exemple quand on parle d'appliquer un code de déontologie qui régirait les actes et les comportements des titulaires de permis de taxi.
Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que c'est très confus. D'une part, on a des articles qui semblent être dirigés vers un syndicat et, d'autre part, on semble aussi diriger d'autres articles vers un caractère plus d'association. Certains articles donc sont là pour essayer de protéger et régir les chauffeurs de taxi, et d'autres sont là, tel qu'une association devrait le présenter, pour protéger, régir tout le dossier du taxi, mais du point de vue du public et du client consommateur. Alors donc, M. le Président, il y a définitivement de la confusion dans ce projet de loi, et particulièrement au chapitre V.
Certains autres éléments aussi nous inquiètent. Le premier de ces éléments-là, c'est l'association centralisée. Ce que le ministre propose, c'est d'effacer toutes les ligues de taxis qu'il y a et de créer une seule association centrale, centralisée. Tantôt, on entendait mon collègue de l'Acadie, qui a un vécu, comme vous savez, en tant que critique dans le passé au niveau du transport, et il a assisté à la commission parlementaire qui a développé le livre blanc. Et, dans cette commission parlementaire, ce qu'il nous a dit, c'est que la solution la moins retenue de toutes, c'était justement cette espèce d'élimination des ligues de taxis et cette centralisation dans une seule association.
Ce qui nous inquiète dans cette centralisation-là, pour aller d'une façon un peu plus précise, M. le Président, c'est que les problèmes du taxi dans la province de Québec ne sont pas les mêmes dans toutes les régions. On ne peut pas comparer une région comme Montréal avec une région comme la Gaspésie, du point de vue des taxis. Alors, il serait donc important, essentiel, de la part d'un gouvernement qui se dit sensible aux régions que ces régions soient dûment représentées et qu'elles aient voix au chapitre et que leurs particularités, leurs habitudes, leurs besoins soient reconnus à l'intérieur d'un projet de loi. Sans ça, ça va être seulement la région de Montréal qui va être vue et perçue dans cette association provinciale, si on veut. Alors donc, il y a lieu de se questionner sérieusement sur cette centralisation, cette association centralisée.
Le deuxième élément que je voudrais soulever, c'est sur le Forum des intervenants. On nous dit dans le projet de loi que le Forum des intervenants est là pour favoriser la concertation entre les différents groupes dans le domaine du taxi, mais aussi et surtout peut-être pour conseiller le ministre. Or, si on va un peu plus dans ce chapitre IX, on se rend compte que le président du Forum des intervenants est nommé par le gouvernement. Mettons que ça va, mettons que c'est acceptable. Mais, si on va un peu plus loin, on se rend compte que les neuf autres membres du Forum des intervenants sont nommés, eux, par le ministre. Donc, c'est le ministre qui nomme les gens. Bien, c'est sûr que, si le ministre va nommer des gens, il va nommer des gens qui vont lui dire ce qu'il veut bien entendre. Si vraiment le ministre voulait un véritable Forum des intervenants, il n'interviendrait pas au niveau de la nomination des neuf membres additionnels au président de ce Forum des intervenants.
On va même plus loin dans ce chapitre IX, M. le Président. On y dit aussi que c'est le ministre qui décide du mode de fonctionnement du Forum des intervenants. Alors, le ministre est là supposément pour recevoir l'opinion des gens du milieu. C'est lui qui les nomme, puis, en plus de ça, il leur dit comment ils doivent opérer. Alors, on nous permettra, M. le Président, de mettre en doute finalement la validité de ce Forum des intervenants.
Un troisième élément, M. le Président, ce sont les 57 ligues de taxis existantes. On nous dit, dans ce même projet de loi là, au chapitre XIV, qu'à partir du dépôt du projet de loi, pas à partir du moment où le projet de loi sera en force, mais même à partir du dépôt du projet de loi, on gèle les biens de ces 57 ligues de taxis. Je vous rappelle que ces argents-là qui appartiennent aux ligues de taxis viennent des contributions des chauffeurs et viennent aussi de la bonne gestion de chacune de ces ligues-là. Alors, c'est des argents qui appartiennent aux chauffeurs qui font partie de chacune de ces 50 ligues-là. Alors, ce qu'on nous dit, c'est: un, dès le dépôt du projet de loi, on va geler ça et, dans un deuxième temps, non seulement on va les geler, mais, en plus de ça, on va transférer tous ces argents-là à l'association centralisée dont on parle depuis le début. C'est, à mon point de vue, M. le Président, inacceptable, inacceptable qu'on gèle ça, inacceptable qu'on laisse la responsabilité au sein des individus qui constituent les ligues de taxis et inacceptable aussi qu'on transfère ces argents qui ont été mis par les chauffeurs de taxi... Puis je vous rappelle encore une fois, M. le Président, et vous le savez tout aussi bien que moi, que les chauffeurs de taxi, ce ne sont pas des gens riches. Ce sont des gens qui doivent travailler, trimer, comme on dit, durement pour arriver à obtenir un revenu le moindrement décent, pour arriver à faire vivre une famille.
Alors donc, M. le Président, nous sommes extrêmement inquiets de ce projet de loi là, projet de loi qui, comme le député de Shefford nous le mentionnait hier lors de son allocution... c'est un projet de loi brouillon, qui semble être bâclé, et le ministre le reconnaît jusqu'à un certain point, puisque, dans son intervention, qu'est-ce qu'il nous a dit? Il nous a parlé que, oui, c'est vrai, il y aurait moyen de changer ci, puis il faudrait peut-être regarder tel autre chapitre, etc. Alors, clairement donc, M. le Président, ce qu'on veut dire, c'est qu'on nous présente un projet de loi qui est brouillon, et la meilleure chose qui pourrait arriver, c'est que le ministre retire ce projet de loi là et qu'on recommence. D'autant plus qu'il aurait pu se baser sur les recommandations du livre vert, il y avait 57 recommandations, et ça reconnaissait la nécessité de moderniser cette industrie-là, la nécessité aussi de fournir aux chauffeurs de taxi les moyens d'avoir un revenu décent, de travailler et de faire vivre une famille confortablement, pas d'une façon extravagante, mais tout simplement confortablement.
Finalement, M. le Président, toujours pour revenir aux ligues de taxis, certains présidents des ligues de taxis reconnaissent déjà qu'il y a une masse critique à atteindre et qu'il y a certaines ligues de taxis qui, sûrement, devraient être fusionnées avec d'autres. Ils reconnaissent ça. Mais de là à passer d'une certaine rationalisation des ligues de taxis à une totale centralisation, à une seule association, bien, M. le Président, les présidents de ligues de taxis, les membres des ligues de taxis ne sont pas prêts à franchir ce pas. Et je voudrais rappeler que le ministre devrait écouter. Ce sont des gens de leur industrie; il devrait les écouter et respecter leur opinion.
Finalement, M. le Président, je vais terminer en laissant une question au ministre. Si le projet de loi est si bon qu'il dit qu'il est, pourquoi à ce moment-là les gens du milieu, c'est-à-dire les chauffeurs de taxi, les propriétaires de taxi et aussi les chauffeurs de limousine, pourquoi tout ce monde-là est contre son projet de loi? Alors, la seule chose qu'il reste à faire au ministre, c'est de retirer ce projet de loi là, sans ça, nous, nous voterons totalement et complètement contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Mont-Royal, de votre intervention. Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à 15 heures, cet après-midi.
Bon appétit à tous.
(Suspension de la séance à 12 h 59)
(Reprise à 15 h 4)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes et MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît.
Alors, nous étions aux affaires du jour. Nous allons poursuivre nos débats. L'Assemblée reprend le débat ajourné le 28 novembre... Excusez, c'était le débat que nous avons poursuivi ce matin. Alors, nous reprenons le débat que nous avons suspendu ce matin, portant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.
Mme Monique Jérôme-Forget
Mme Jérôme-Forget: Alors, nous continuons, nous poursuivons, M. le Président, notre débat au sujet de ce projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Étant une grande consommatrice de taxi parce que je crois dans ce moyen de transport, j'estime que c'est une façon rapide de se déplacer, et vous imaginez que, pour se déplacer à l'Assemblée nationale et aller à des endroits où nous devons nous déplacer, j'entends souvent les chauffeurs de taxi bien sûr nous rapporter les problèmes qu'ils vivent quotidiennement. Alors, c'est une des raisons pour lesquelles, outre le fait que je sois consommatrice, je pense qu'il y a là des gens qui oeuvrent, qui travaillent et qui ont une vie que je décrirais comme passablement difficile dans bien des cas, passablement difficile parce que, justement, il y avait, la semaine dernière... Parce que je m'informais si on avait entendu parler de ce projet de loi, le monsieur me racontait, qui était chauffeur de taxi, qu'il avait dû travailler 70 heures, cette semaine-là, pour pouvoir retirer une somme suffisamment importante pour être capable de faire vivre, n'est-ce pas, sa famille.
Alors, aujourd'hui, nous avons ce projet de loi, 140 articles, qui a l'air anodin, mais, M. le Président, ce que ce projet de loi nous donne, c'est encore une solution mur à mur à un problème ou à des problèmes qui varient d'une région à l'autre au Québec, qui varient d'un secteur à l'autre du Québec et qu'on essaie de solutionner au moyen d'un projet de loi qui détermine des paramètres et qui, somme toute, n'est autre chose qu'une façon de donner à des amis, la FTQ, les métallos plus particulièrement, sur un plateau d'argent, 17 000, 18 000 personnes qui vont apporter une cotisation annuellement à ce syndicat.
M. le Président, ce n'est pas là quelque chose de nouveau pour le Parti québécois, ça fait partie presque d'une tradition. On a un problème, on va le grossir. On va essayer de le simplifier, de le rendre tellement simple qu'on va avoir une solution, une solution pour tout le monde, la même solution. Or, en procédant de cette façon-là, bien sûr, on régimente, on réglemente, puis une solution qui pourrait être souhaitable dans une partie du Québec auprès de certains, n'est-ce pas, propriétaires de taxi ou de locataires de taxi s'avère être la solution uniforme qu'on propose à tous les propriétaires et à tous les utilisateurs ou locateurs de taxi.
D'ailleurs, M. le Président, ce pour quoi mon collègue le député de Shefford a bien vu l'astuce au niveau de la façon détournée d'aller syndiquer les propriétaires et les locataires de taxi, c'est que, il y a 12 ans, ça avait déjà commencé, cette histoire. Ça fait 12 ans que les métallos essaient précisément d'aller obtenir l'appui de ce groupe de travailleurs, et donc il n'y a pas de nouveau aujourd'hui. Ce qu'on fait aujourd'hui, c'est que, on s'en rappelle, on a dû faire une promesse. Il y a quelqu'un, plus tôt ? je pense que c'est mon collègue le député de l'Acadie ? qui a parlé d'une rencontre, n'est-ce pas, avec le président de la FTQ et M. Boivin à l'effet qu'il y avait eu une promesse.
Quand le syndicat vous donne un appui, généralement, c'est parce qu'il s'attend à quelque chose en retour. Je peux vous garantir que ce ne sont pas des gens qui donnent un appui comme ça, de façon aussi simple et aussi magnanime. Alors, je disais donc, M. le Président, qu'il y a 12 ans la FTQ et en particulier les métallos avaient essayé de syndiquer les chauffeurs de taxi. D'ailleurs, ils ont une longueur d'avance parce qu'ils ont créé déjà une association professionnelle des chauffeurs de taxi, et d'ailleurs ils auraient déjà déposé en commission parlementaire ce regroupement, ce fonctionnement de cette association qui existe déjà à la FTQ.
n(15 h 10)n D'ailleurs, en 1988, la FTQ avait déjà voulu tenter de syndiquer les chauffeurs de taxi, et, si on se rappelle, la Cour supérieure avait décidé, à l'époque, que ce n'était pas possible, que les chauffeurs de taxi étaient des travailleurs autonomes, qu'ils ne pouvaient pas être syndiqués, puisqu'ils travaillaient effectivement pour eux-mêmes, et on a refusé de reconnaître, à l'époque, la possibilité pour les métallos d'aller syndiquer ce groupe de travailleurs. Donc, impossible de syndiquer ce groupe de travailleurs. Les métallos ont opté, alors, pour une voie un peu diminuée, c'est-à-dire une association professionnelle.
Alors, cette association professionnelle qu'on veut créer a toutes les propriétés d'un syndicat, puisqu'il y a déjà dans ce projet de loi l'obligation d'un contrat entre le propriétaire de taxi et le locataire d'un taxi. Alors, si vous avez un contrat entre le propriétaire et le locataire, manifestement, il y a un contrat de supérieur à subalterne, il y a un contrat d'employeur à employé, et c'est la raison pour laquelle on va pouvoir désormais dire qu'il y a des obligations, et des obligations basées sur un contrat signé en bonne et due forme entre le propriétaire, n'est-ce pas, et le locataire. Qu'est-ce que ça veut dire? Qu'est-ce qu'il y a là encore, M. le Président, dans ce projet de loi n° 163? Je disais donc qu'à deux, trois endroits il y a cette idée d'un contrat entre le propriétaire et le locataire, mais qu'il y a également...
On dit, à l'article 39, que «tout titulaire d'un permis de chauffeur de taxi a droit de faire partie de l'Association et de participer à ses activités». Alors, vous croiriez, à lire ça, que le propriétaire ou le locataire de taxi aura le choix, puisqu'on dit, à l'article 39, que le chauffeur de taxi aura le droit de faire partie. On ne dit pas qu'il aura l'obligation de faire partie, mais on dit qu'il aura le droit.
Par ailleurs, vous allez un peu plus loin et vous voyez que, là, à l'article 41, on dit bien que «tout titulaire de permis de chauffeur de taxi doit, le cas échéant, payer la cotisation visée à l'article 40 pour maintenir son permis de chauffeur de taxi». C'est donc dire qu'on a le droit d'adhérer ou de ne pas adhérer, mais on n'a pas le droit de ne pas payer sa cotisation. Bien, écoutez, dans la vie, là, dans le vrai monde, une fois que vous êtes obligé de payer une cotisation pour appartenir à un groupe, pour obtenir votre droit de travailler, votre permis de travail, bien, c'est comme dire que vous êtes obligé d'appartenir à une association professionnelle, vous n'avez pas le choix. D'ailleurs, c'est très pernicieux, M. le Président, parce que tout professionnel n'est pas obligé, ordinairement, d'appartenir à son association professionnelle.
En plus d'être économiste, je suis psychologue de formation, j'ai fait des études de psychologie. J'ai le pouvoir, n'est-ce pas, d'aller m'associer à mon association professionnelle, mais je ne suis pas obligée de le faire, je ne suis pas tenue d'aller faire ça. Or, dans ce cas-ci, bien, on est obligé de payer sa cotisation, et, advenant le cas où on ne paie pas sa cotisation, à l'article, toujours, 41, on vous révoque votre permis de taxi. Bien, écoutez, si vous n'avez plus le droit de fonctionner comme taxi, si vous ne payez pas votre cotisation à l'association professionnelle, bien, moi, je vais vous dire à quoi ça ressemble, ça: c'est de faire par la porte d'en arrière ce qu'on ne veut pas faire par la porte d'en avant. C'est de faire clandestinement ce qu'on n'est pas prêt à avouer ouvertement, c'est qu'on est en train de syndiquer les travailleurs dans le domaine du taxi. Alors, c'est ça qu'on est en train de faire.
Ce que je trouve pernicieux, M. le Président, c'est qu'on ne le dise pas. Qu'on le dise donc ouvertement, qu'on veut créer un syndicat des taxis. Ce n'est pas sorcier. À ce moment-là, tous les gens, tous les citoyens, tous les propriétaires et locataires de taxi sauraient ce qui est en train de leur arriver. Ils sauraient qu'ils sont en train de se faire syndiquer, comme ça, de cette façon-là. Et aujourd'hui, bien, ils ne savent pas trop parce qu'on parle d'une association professionnelle. Une association professionnelle, quand on est tenu puis qu'on perd son permis si on ne la joint pas, bien, moi, je vais vous le dire, ce n'est pas une association professionnelle très conventionnelle.
Alors, M. le Président, je disais donc que le gouvernement est en train de donner sur un plateau d'argent, n'est-ce pas, les 17 000 travailleurs dans ce domaine-là, et, fait très curieux, on va mettre ensemble les propriétaires et les locataires de taxi. Alors, vous avez un contrat avec votre employé, parce que, là, vous allez être tenu d'avoir un contrat avec votre employé. Imaginez qu'il y en a peu qui vont vouloir signer des contrats, parce qu'ils vont avoir des obligations désormais vis-à-vis de ces gens-là. Alors, qu'est-ce que ça va faire dans l'industrie du taxi? Ça peut tout simplement vouloir dire qu'il y a bien des gens qui vont décider que, là, ils risquent d'avoir des problèmes.
Ils risquent d'avoir des problèmes, d'ailleurs, M. le Président, de façon importante. Il y a tellement un contrat qu'un locataire qui trouve qu'il y a un problème avec la mécanique du taxi, alors là il va avertir le propriétaire qu'il y a un problème, et le propriétaire doit, dans les 48 heures, faire faire la réparation par un mécanicien qui est reconnu. Donc, il faut qu'il fasse la correction dans les 48 heures. Ça veut dire que, moi, j'ai signé un contrat avec un employeur comme chauffeur de taxi, et là, bien, dans mon emploi, je suis censée travailler tant d'heures par semaine, tant d'heures par jour, et le propriétaire, lui, va devoir faire la correction. Et, advenant le cas où il ne fait pas la correction dans les 48 heures, il a une pénalité. Il a une pénalité, une infraction passible d'une amende de 175 $ à 525 $. Alors, c'est donc que vous avez un contrat entre l'employeur et la personne qui loue votre taxi pour la journée.
Cette personne-là a le pouvoir de vous dire que votre taxi est défectueux, ce qu'elle devrait faire de toute façon, M. le Président. Quelqu'un qui loue un taxi devrait bien sûr informer le propriétaire qu'il y a un problème avec le taxi, sauf que, là, il y a une infraction, une possibilité d'amende qui va jusqu'à 525 $ si on ne fait pas faire la réparation en dedans des 48 heures par un mécanicien certifié; pas par n'importe qui, par un mécanicien certifié. Je comprends qu'on ne veuille pas qu'une voiture soit réparée, qu'un taxi soit réparé par à peu près n'importe qui, mais il n'en demeure pas moins qu'on voit dans ce document un lien très étroit, une syndicalisation à cause du contrat qu'il y a entre les partenaires, du fait que le pouvoir quand le travailleur qui vient louer votre taxi... les cotisations qui sont obligatoires année après année à débourser même si vous décidez de ne pas vous joindre à cette association professionnelle, et, finalement, bien sûr, la possibilité de forcer un employeur à faire une réparation dans les 48 heures qui suivent la découverte d'un problème dans le véhicule automobile.
Moi, je vous dis, M. le Président, que ça va susciter énormément de problèmes parce que, manifestement, vous regroupez dans la même association des propriétaires de taxi et des locataires, des gens qui louent le taxi pour la journée, des gens qui sont des employés, et là vous allez avoir, n'est-ce pas, une possibilité, à l'occasion, de chantage parce que vous avez une arme entre les mains qui vous permet de forcer un propriétaire ou d'invoquer qu'il y a un problème avec un véhicule, alors qu'il pourrait ne pas y en avoir.
Alors, M. le Président, ce projet de loi d'ailleurs succède à un autre projet de loi qui avait été déposé par la ministre du Travail en 1999, le projet de loi n° 68, qui, lui aussi, à l'article 7, faisait appel à un seul syndicat pour l'ensemble du territoire du Québec, à l'article 32 toujours du projet de loi n° 68 qui prévoit que la cotisation est obligatoire, même pour ceux qui refusent d'être membres de l'association. Donc, on est face à une vision du problème du monde du taxi qui reflète parfaitement l'école du Parti québécois qui est de dire: On va trouver une solution draconienne à un problème qui peut varier d'une région à l'autre, et en particulier, par exemple, à Montréal où il y a des problèmes particuliers. On les connaît, je suis de Montréal et, par conséquent, je suis capable de voir les problèmes du taxi du milieu de Montréal.
D'ailleurs, M. le Président, nous ne sommes pas les seuls à voir le côté pervers de ce projet de loi. Jean-Jacques Samson le dit très bien dans un article qu'il a écrit le 12 mai 2000, n'est-ce pas, dans Le Soleil: «Le gouvernement veut les livrer, bien ficelés, à une centrale. Le Parti québécois ouvre de la sorte depuis un an, par l'entremise de pseudo-associations professionnelles, sur tous les fronts en même temps, taxi, camionnage, fournisseurs de services sous-traitants, sans qu'employeurs et travailleurs réalisent trop ce qui se produit, aient mesuré le changement de dynamique ainsi introduit, les conséquences financières et la modification du statut fiscal du travailleur visé.» Autrement dit, ce que M. Samson dit, c'est que, effectivement, on est en train de poser un geste, un geste important, sans que les gens en soient trop conscients.
D'ailleurs, c'est bien amusant, M. le Président, je vous parlais que, vendredi dernier, quand je retournais chez moi, j'ai pris ce taxi et j'ai demandé au chauffeur de taxi s'il connaissait la loi. Est-ce qu'il croyait qu'il y avait là un effet de syndicalisation? Il était complètement ignorant de ce volet, de ce volet pervers bien caché, bien ficelé, et qui fait qu'on va se retrouver avec une façon de voir, une façon de faire, et c'est de donner à des amis, à un ami, la syndicalisation des 17 000 travailleurs impliqués dans ce secteur-là.
n(15 h 20)n Alors, ça ne veut pas dire que l'industrie du taxi n'a pas besoin de rajeunissement. Manifestement, à Montréal, on a des véhicules vétustes, on a un système de surveillance des taxis qui nécessite absolument que l'on apporte des changements. C'est la raison pour laquelle d'ailleurs il y a eu une commission parlementaire où il y a eu nombre de mémoires qui ont été présentés et nombre de personnes également qui ont été rencontrées. Or, le gouvernement a préféré, a feint de ne pas entendre. Le gouvernement fait semblant que, tous ces gens qui sont venus jour après jour présenter des mémoires, raconter leurs problèmes et exprimer, n'est-ce pas, des souhaits à l'endroit des changements que devrait apporter le gouvernement au secteur du taxi, le gouvernement a feint aujourd'hui de ne pas les avoir entendus; au contraire, il arrive avec une recette encore ficelée, quelque chose qui est fait de façon non réfléchie, et des collègues m'indiquaient d'ailleurs que le ministre a déjà reconnu qu'il y avait des amendements à apporter, des changements, des correctifs à un projet de loi qu'il vient à peine de déposer.
Alors, M. le Président, ce dont on se rend compte, c'est que le monde du taxi, c'est un monde de travailleurs autonomes. Ce sont des gens qui ont des horaires particuliers, ce sont des gens qui ont parfois deux emplois, qui viennent compléter leurs revenus en faisant du taxi. Il y a des étudiants qui parfois font du taxi. Alors, ce n'est pas un monde uniforme, ce n'est pas un monde unanime. Alors, à titre de conclusion ? puisque je vois le temps s'écouler ? je pense qu'on était en droit de s'attendre de ce gouvernement qu'il nous offre une approche beaucoup plus respectueuse des souhaits qui ont été exprimés en commission parlementaire et qu'on peut retrouver d'ailleurs dans le livre vert qui a été déposé encore par ce même gouvernement. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais, à mon tour, intervenir sur ce projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi. Hier, mon collègue le député de Shefford et porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports a fait sa présentation et il a posé, en fait, les jalons de l'argumentation que l'opposition officielle tente d'exprimer devant cette Assemblée par rapport à ce projet de loi, un projet de loi assez inusité parce que, en le lisant ? c'est un projet de loi de 140 articles ? on peut même y déceler trois projets de loi dans un, tellement les objectifs de ce projet de loi sont différents, et je dirais même discordants.
Ce n'est pas juste différent, les objectifs sont discordants, et c'est la première fois que je vois un projet de loi si mal attaché, si mal ficelé, un projet de loi qui ne mérite même pas l'appellation d'«avant-projet de loi», parce que des fois le gouvernement, quand il veut s'essayer sur un sujet qu'il ne connaît pas et qu'il veut, d'une certaine façon, évaluer la froideur de l'eau, il lance un avant-projet de loi puis il consulte les gens sur l'avant-projet de loi pour aller chercher les arguments, les outils, les expertises nécessaires pour présenter devant cette Assemblée un véritable projet de loi. Alors, ce qui est devant nous, M. le Président, c'est moins qu'un avant-projet de loi, c'est un document brouillon qui a été griffonné. Je ne sais pas, peut-être que les légistes n'ont pas eu la chance de terminer leur travail, parce que le ministre était probablement très pressé de vouloir le faire passer, et il a été déposé dans l'état actuel des choses, et c'est fort regrettable.
Alors, pour vous expliquer pourquoi, moi, je vois dans ce projet de loi au moins trois projets de loi... Peut-être que les légistes, et peut-être que les experts, et peut-être si, moi-même, j'ai eu suffisamment de temps, entre hier et aujourd'hui, de l'analyser en profondeur... On aurait pu voir là-dedans d'autres éléments qui auraient pu faire l'objet d'un quatrième projet de loi. Mais toujours est-il, M. le Président, qu'à la lecture des notes explicatives on réalise effectivement l'ampleur de cet amalgame qui est fait dans le projet de loi.
Alors, on nous dit que ce projet de loi propose un nouvel encadrement du transport par taxi au Québec et a pour objet d'accroître la sécurité des usagers et d'améliorer la qualité des services offerts. Sur cet objectif-là, M. le Président, nous sommes entièrement d'accord, il faut améliorer la qualité des services dans les taxis. Le projet de loi vise l'ensemble du transport rémunéré des personnes par taxi, limousine et limousine de grand luxe. Il s'adresse plus particulièrement aux titulaires de permis de propriétaire de taxi, aux titulaires de permis de chauffeur de taxi ainsi qu'aux intermédiaires en services de transport par taxi. Entre autres, il introduit un système de permis pour ces derniers, dans le cas de certains territoires déterminés par décret.
Plus loin, M. le Président, dans les notes explicatives, on lit ceci: Ce projet de loi institue une association professionnelle des chauffeurs de taxi ayant pour objet de les regrouper et de promouvoir leurs intérêts. Tous les titulaires de permis de chauffeur de taxi devront y verser une cotisation si la majorité d'entre eux le décide. Il institue également un forum des intervenants de l'industrie du taxi ayant pour objet de favoriser la concertation entre les principaux intervenants de l'industrie du taxi au regard des diverses pratiques commerciales prévalant dans cette industrie. Quant aux ligues de taxis reconnues par la loi actuelle, elles sont dissoutes, et leurs actifs, après paiement de leur passif, sont transférés à la nouvelle association professionnelle. Voilà, M. le Président, par le simple dépôt de ce projet de loi, on décide de disposer des actifs accumulés pendant des années par les chauffeurs de taxi.
Alors, M. le Président, le projet de loi n° 163 prétend vouloir encadrer l'ensemble du transport rémunéré des personnes par taxi au Québec. Il s'applique à des clientèles qui sont différentes, notamment les détenteurs de permis de propriétaire de taxi, les détenteurs de permis de chauffeur de taxi ? donc, dans la même association, on va retrouver et les propriétaires et les chauffeurs ? et également aux intermédiaires en services de transport par taxi, et cet amalgame nous amène à constater qu'il y a minimalement au moins trois objectifs principaux qui se dégagent de ce projet de loi. Par la notion d'association professionnelle, on fait une sorte de confusion avec l'ordre professionnel.
n(15 h 30)n Et d'ailleurs le ministre, dans sa présentation, a parlé de l'Ordre des pharmaciens, qui regroupe à la fois les pharmaciens propriétaires et les pharmaciens travailleurs, et il ne voyait pas d'inconvénient là-dedans. Sauf que, dans ce cas précis, on parle d'un ordre professionnel dont la raison d'être est d'abord et avant tout la protection du public. Ensuite, l'autre objectif qui se dégage de ce projet de loi n° 163, c'est la protection des droits des chauffeurs de taxi, c'est une autre game, comme on peut dire, qui est dessinée dans le projet de loi, et finalement la représentation des titulaires de permis.
Pour bien comprendre l'enjeu derrière ce projet de loi, il est utile de rappeler le contexte dans lequel le débat sur l'industrie du taxi se fait au Québec depuis au moins les 10, 12 dernières années. En 1988, M. le Président, le Syndicat des métallos a tenté de syndiquer les chauffeurs de taxi au Québec. Il y a eu une vaste opération à la grandeur du Québec qui a été menée, une tournée de faite auprès des chauffeurs de taxi au Québec. On a mis sur pied un réseau pour vendre les cartes syndicales pour les métallos. Et toute cette démarche, cette démarche qui est largement d'ailleurs documentée, n'a pas pu aboutir et la cause s'est retrouvée devant les tribunaux. Et le Syndicat des métallos, après avoir épuisé toutes les procédures d'appel, s'est fait dire par la Cour supérieure que les chauffeurs de taxi étaient des travailleurs autonomes ? les chauffeurs de taxi étaient des travailleurs autonomes. Donc, le Syndicat des métallos n'a pas pu obtenir son accréditation. Il a été débouté par la Cour supérieure.
Et il est utile ici d'ouvrir une parenthèse, quand la Cour supérieure dit que les chauffeurs de taxi sont des travailleurs autonomes. La parenthèse que je veux ouvrir ici, c'est que les travailleurs autonomes, ce qui les distingue particulièrement des autres travailleurs, c'est précisément qu'ils sont autonomes, et ils sont tellement autonomes qu'ils tiennent énormément à leur statut. Moi, M. le Président, je me suis fait expliquer cette notion de façon claire et précise lors du Forum sur les travailleurs autonomes que j'ai organisé sur la Rive-Sud de Montréal. Et, dans la même salle, il y avait parmi les personnes-ressources les représentants des travailleurs autonomes, les représentants de la FTQ et les représentants de la CSN. Et les travailleurs autonomes qui étaient présents dans cette assemblée ont clairement indiqué aux représentants des syndicats qu'ils n'avaient pas l'intention, qu'ils ne voulaient pas et qu'ils ne cherchaient pas, d'aucune manière, à être syndiqués. Et pourtant, les représentants syndicaux sont venus à ce Forum pour expliquer aux travailleurs autonomes présents l'importance qu'il y avait d'avoir une protection, d'avoir un encadrement à l'intérieur d'un syndicat. Et j'ai vu, en toute humilité, les représentants syndicaux se retirer de ce débat en disant: Nous avons été édifiés, les travailleurs autonomes, effectivement, tiennent énormément à leur autonomie. Et c'est un peu ce que la Cour supérieure a dit au Syndicat des métallos lorsqu'il a fait appel pour vouloir obtenir son accréditation pour syndiquer les chauffeurs de taxi.
Les travailleurs autonomes, et plus particulièrement les chauffeurs de taxi, sont des personnes qui ne représentent pas un groupe monolithique. Ils viennent de différents horizons: il y a des gens qui travaillent à temps plein; il y a des gens qui travaillent à temps partiel; il y a des gens qui font du taxi comme deuxième emploi; il y a des gens qui travaillent la nuit; il y a des gens qui travaillent le jour. Donc, ils ont des réalités complètement, complètement différentes. Et, chose certaine, les travailleurs autonomes ne veulent pas perdre leur avantage premier, qui est celui de l'autonomie.
Or, ce que le projet de loi n° 163 fait, ce que ce projet de loi fait, c'est qu'il permet par voie de législation ce qui n'a pas pu être fait par voie judiciaire. C'est ça que le projet de loi tente de faire. Pas étonnant alors que, lors de la dernière campagne électorale, on se rappellera, les ténors du Parti québécois, pour s'assurer de l'appui des alliés de la souveraineté, ont promis à la FTQ de trouver un accommodement en lieu et place de la syndicalisation pure et simple. La FTQ s'est fait dire que la syndicalisation, elle l'aura, mais par voie détournée, et cette syndicalisation détournée s'appelle, dans le projet de loi, l'association professionnelle.
On joue sur les mots, M. le Président, car, lorsqu'on lit l'objet de cette association professionnelle, elle a toutes les caractéristiques de ce qu'on peut appeler un syndicat. Si le gouvernement voulait vraiment offrir une association professionnelle aux chauffeurs de taxi du Québec, bien, il s'inspirerait des lois que nous avons, des pratiques que nous avons dans le domaine des associations professionnelles ? nous en avons, M. le Président ? et qui correspondraient éventuellement aux besoins recherchés même par les chauffeurs de taxi. Mais, dans le cas présent, on est face à un syndicat déguisé pour les chauffeurs de taxi. D'ailleurs, dans un communiqué émis le 1er mai 2000 par la FTQ, justement, le titre est très parlant en soi, le titre du communiqué se lit comme suit: La FTQ obtient du ministre Guy Chevrette la création d'une association professionnelle unique pour les 17 000 chauffeurs au Québec.
Pourquoi, M. le Président, la FTQ se réjouirait-elle de la création d'une structure unique à la grandeur du Québec, si elle n'y voit pas d'intérêt pour elle-même, pour son propre syndicat? Pourquoi c'est la FTQ qui crie victoire et non les chauffeurs de taxi ou les propriétaires de taxi, qui sont concernés au premier chef? C'est légitime, comme question. Comment justifier la création d'une association unique à la grandeur du Québec, alors que l'industrie du taxi a ceci de particulier, c'est qu'elle est différente selon les régions qui sont desservies par cette industrie? Montréal est différente de Québec, l'industrie du taxi à Québec est différente des autres municipalités. Ça, c'est une réalité.
Il y a certainement lieu de rationaliser les 57 ligues de taxis. Et là, même les chauffeurs de taxi, les propriétaires de taxi, M. le Président, pensent effectivement qu'il y a lieu de faire une certaine rationalisation, de travailler plus efficacement. Mais, de là jusqu'à faire disparaître au grand complet toutes les ligues du Québec et de créer une seule association sous le vocable «professionnelle», il y a lieu de s'interroger sur la nature des intérêts qu'on veut défendre; certainement pas ceux des propriétaires et des chauffeurs de taxi.
Et permettez-moi, M. le Président, de vous citer quelques extraits de ce communiqué de la FTQ du 1er mai 2000: «La FTQ et son Syndicat des métallos, qui revendiquent depuis plus de 10 ans le droit à la représentation pour les chauffeurs de taxi, viennent d'obtenir un engagement ferme du ministre des Transports, M. Guy Chevrette, en faveur de la création prochaine d'une association professionnelle. Celle-ci regroupera tous les détenteurs de permis de chauffeur de taxi, locataires et propriétaires, soit quelque 17 000 chauffeurs au Québec. Le ministre Chevrette a fait part de cet engagement lors d'une rencontre tenue à Montréal avec le président de la FTQ et le représentant du Syndicat des métallos.» Donc, M. le Président, c'est suite à la représentation intense et soutenue qui a été faite par le Syndicat des métallos, par la FTQ, que le ministre des Transports a cédé aux pressions et qu'il a donné cette bébelle qu'il appelle l'«Association professionnelle» à la place d'un syndicat, parce qu'il n'est pas capable de livrer un syndicat comme tel.
n(15 h 40)n Et le communiqué de la FTQ continue comme ceci: «La nouvelle association professionnelle remplacera les actuelles ligues de taxis. C'est une grande victoire pour les chauffeurs de taxi», dit la FTQ. Et le communiqué de poursuivre: «Le ministre a également fait part aux dirigeants syndicaux de la mise sur pied prochaine d'une table permanente de concertation qui réunira tous les intervenants de l'industrie du taxi. Il a aussi annoncé des mesures législatives pour contrer la pratique du taxi déguisée, assurée par de faux bénévoles. Il a de plus indiqué que l'implantation du taximètre électronique est prématurée et qu'elle ne ferait pas partie de la réforme du taxi qui sera adoptée au cours de l'année qui vient.» M. le Président, c'est assez étonnant de voir, comme parlementaires, indépendamment de nos allégeances, que c'est la FTQ, le 1er mai 2000, qui annonce le contenu du projet de loi n° 163, qui a été déposé devant cette Assemblée le 15 novembre dernier. C'est quand même assez étonnant.
Il faut dire, M. le Président, toujours en rappelant le contexte, qu'au début du mois de mai dernier il y a eu des manifestations des chauffeurs de taxi précisément pour exprimer leur désaccord avec le gouvernement et avec le ministre des Transports particulièrement concernant cette fameuse idée d'association professionnelle. Ils étaient plus de 1 000 chauffeurs de taxi, M. le Président, devant le bureau du premier ministre à Montréal à scander non à cette association. Les premiers concernés par ce projet de loi sont montés aux barricades pour exprimer leur opposition.
Cette association professionnelle est tellement croche que le directeur adjoint du Syndicat des métallos, affilié à la FTQ, a répondu à un journaliste du Soleil qui l'a questionné sur la fameuse association professionnelle introduite par le projet de loi n° 163, et le directeur adjoint des métallos a répondu ceci: «L'association professionnelle ? M. le Président, je le cite ? pourrait être rattachée aux métallos en vertu d'un contrat de services.» Et voilà qu'on vient de coller un cordon ombilical à l'association professionnelle pour la relier organiquement aux métallos, affiliés à la FTQ. Ainsi, M. le Président, le gouvernement du Parti québécois livre 17 000 cotisations de chauffeurs de taxi à la FTQ et propose une association professionnelle qui n'est en réalité qu'une forme de syndicalisation déguisée. C'est ça, la réalité.
À la lecture du communiqué que je viens de vous lire, M. le Président, on comprend pourquoi la FTQ est si heureuse de la solution proposée par le ministre des Transports. On le comprend très bien, car c'est bien d'une syndicalisation qu'il s'agit.
M. le Président, si le ministre veut doter les chauffeurs de taxi d'une association professionnelle, qu'il le fasse par un projet de loi qui tienne compte de nos lois existantes et de nos pratiques professionnelles. Pour ce faire, il faut qu'il accepte de retirer son projet de loi n° 163, parce que, tel que libellé, nous, de l'opposition officielle, on va voter contre. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Laurier-Dorion. M. le député.
M. Christos Sirros
M. Sirros: M. le Président, manifestement, il y a quelque chose qui ne va pas droit dans cette affaire. Normalement, quand on crée une association professionnelle, c'est parce que les gens qui sont dans la profession voient quelque chose de bien dans cette affaire-là, et ils y adhèrent, normalement.
Alors là, vous avez la situation, M. le Président, où une grande partie de ces professionnels qui sont visés par ce projet de loi qui est là, présenté pour les aider et pour leur mieux-être, s'objectent. Ils se disent: On n'en veut pas. Même, ils descendent en manifestation. Au mois de mai, M. le Président, à Montréal, il y avait une manifestation d'une bonne partie de ceux qui sont visés par ce projet de loi qui est supposé les aider.
M. le Président, il y a quelque chose qui sonne faux dans ce débat. Et, pour comprendre ce qui sonne faux, il faut retourner un petit peu en arrière et il faut comprendre que nous avons devant nous non pas un projet de loi pour créer une association professionnelle des chauffeurs de taxi, mais une façon pour que le gouvernement évite de faire ce qu'il veut faire par la grande porte en avant, c'est-à-dire promouvoir la syndicalisation des locataires de permis de taxi, en créant par la porte d'à côté cette association qui va être quelque chose qui sera ni chair ni poisson, M. le Président. Il s'agit de quelque chose qui est assez inique et assez étrange dans son fondement: vous allez regrouper dans une association professionnelle des intérêts divergents et même conflictuels.
M. le Président, il faut se rappeler qu'il y a une douzaine d'années il y avait eu effectivement une tentative de la part de la FTQ pour la syndicalisation des locataires de taxi, des gens qui louent un taxi qui appartient à quelqu'un d'autre. Ils lui paient un certain montant et ils ont droit, par la suite, d'utiliser le taxi pour un certain nombre d'heures durant la journée, pour qu'ils aillent faire leur boulot et travailler. La FTQ métallos, comme c'est son droit, a fait signer des cartes à ces gens-là, a donc demandé la syndicalisation de ces gens-là. L'affaire s'est retrouvée en cour, et les tribunaux ont statué qu'il ne s'agit pas d'une situation de syndicalisables parce qu'il s'agit surtout de travailleurs autonomes.
Parce qu'il faut bien comprendre aussi que, dans l'industrie du taxi, il y a un très grand nombre de personnes qui sont non pas locataires de taxi mais qui sont propriétaires d'un permis de taxi, qu'ils utilisent le véhicule qui est rattaché à ce permis eux-mêmes pour faire exactement ce que les locataires font, c'est-à-dire passer la journée sur la route en essayant de trouver des gens qui veulent aller d'un endroit à l'autre, afin de gagner leur pain, M. le Président. Il ne s'agit pas de grands capitalistes riches, il s'agit surtout de gens de petits moyens qui ont réussi par la force de leur travail à se ramasser quelques sous, acheter un permis de taxi, acheter un véhicule et se trouver une façon de gagner leur vie, libres d'autres contraintes que certains ont quand ils travaillent dans des industries de services ou autres, c'est-à-dire, ils peuvent décider de leur propre horaire, ils ont la liberté d'être seuls dans leur travail. Et ces gens-là, M. le Président, n'ont pas les mêmes intérêts que ceux qui louent des taxis.
Il y a aussi dans l'industrie un certain nombre qui sont des propriétaires de plusieurs véhicules ou de plusieurs permis de taxi. Mais vous avez ces trois types de personnes qui sont les travailleurs dans le domaine du taxi. Et, comme l'effort de syndicalisation s'est buté à un refus de la part des tribunaux il y a 12 ans, les métallos, dans ce temps-là, ont décidé de contourner la situation en prônant la création d'une association professionnelle de taxi. Ils ont même déposé des lettres patentes, etc., d'une telle association et ont entrepris une campagne de lobbying, si vous voulez, auprès des intervenants gouvernementaux. Et, avec l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, ils ont trouvé effectivement une oreille plus attentive, et vous avez aujourd'hui le résultat de tout ce lobbying.
n(15 h 50)n Permettez-moi d'abord de dire deux choses. Nous ne sommes pas contre le principe de la syndicalisation. Au contraire, nous croyons que tous les travailleurs ont le droit de se syndicaliser et d'agir librement pour améliorer leur qualité de vie et leurs conditions de vie, M. le Président, par l'action syndicale. C'est un droit fondamental dans la démocratie dans laquelle nous croyons vivre. Mais, M. le Président, il n'y a rien qui empêcherait le gouvernement de prendre la question de front, de dire: Nous y croyons que, dans l'industrie du taxi, on va viser spécifiquement les locataires de taxi et on va adopter de la législation ici qui va permettre la syndicalisation de ces gens-là. Ça serait clair, net, honnête, je dirais, et précis. Ça viserait un groupe qui a des intérêts communs, qui oeuvrerait à l'intérieur des lois du travail par l'adoption non pas d'une loi pour créer une association professionnelle, mais l'adoption d'une loi pour permettre la syndicalisation des locataires de taxi, M. le Président. Ça serait clair et net, ça serait permissible et on pourrait au moins avoir un débat sur l'enjeu que ça pourrait représenter. On pourrait voir quel écho ça trouverait dans le milieu, parmi les personnes les plus affectées, mais on pourrait au moins cibler et encadrer le débat en fonction de l'objectif recherché. Parce que, ce que nous avons ici, c'est une loi qui vise non pas l'objectif de la syndicalisation, mais elle nous met de l'avant deux objectifs: assurer la sécurité des usagers du taxi et améliorer la qualité du service. C'est sous ce prétexte qu'on a une association de taxi qui est mise de l'avant, et, encore une fois, ce sont là deux objectifs extrêmement valables.
Mais là il faut se poser la question: Est-ce que la façon d'atteindre ces objectifs, qui sont d'assurer la sécurité des usagers de l'industrie du taxi, ou des taxis, et d'améliorer la qualité du service, est-ce que ces objectifs, est-ce que le meilleur moyen de les atteindre, c'est cette association qui met tout le monde dans le même panier, les propriétaires et les locataires? Manifestement, M. le Président... Et non seulement ça, mais ça s'applique sur l'ensemble du territoire québécois, un genre de tapis mur à mur qui s'applique à l'ensemble du territoire québécois. Mais poser la question, c'est y répondre. Je pense qu'il est clair qu'il y a d'autres façons de faire. N'eût été le fait que le but véritable recherché, c'est de donner à la FTQ... Parce qu'on connaît bien les liens qui existent entre le gouvernement actuel et les syndicats, et plus particulièrement la FTQ.
On se rappellera de certaines campagnes électorales où des chefs de ce parti se trouvaient sur des tribunes pour faire des alliés de bras, lors des campagnes électorales. On se rappelle de ces choses-là et on comprend que le but recherché véritablement n'est pas ce qui est mis de l'avant. C'est un prétexte qui nous est présenté, ces deux éléments-là, peut-être un genre d'à-côté qu'on visera. Mais le but véritable recherché, c'est d'ouvrir et de faire par la porte d'à côté ce qu'on n'a pas pu faire et ce qu'on n'a pas le courage, de l'autre côté, de faire par la porte d'en avant, c'est-à-dire ouvrir la porte à la syndicalisation dans le domaine du taxi. Pourquoi on n'a pas le courage de le faire? Probablement parce qu'ils savent que ce n'est pas quelque chose qui aura des effets bénéfiques sur la vie des gens qui sont concernés, parce que ça ne répond pas au profil qu'ont ces gens-là qui sont effectivement et qui se voient eux-mêmes, même plusieurs locataires de taxi, comme des vrais travailleurs autonomes. C'est un domaine où il y a des gens qui choisissent d'être libres de toute attache comme ça, qui veulent travailler de façon autonome.
S'il faut faire plus d'heures que d'autres pour gagner un peu plus d'argent, ils vont le faire. Ils vont le faire pour eux-mêmes, M. le Président. Il faut connaître un peu le milieu, il faut fréquenter ces gens-là, il faut les connaître de près pour voir et comprendre qu'il s'agit là surtout de gens qui ont un attachement féroce à leur liberté individuelle, ont souvent trouvé cette façon de vivre parce qu'ils ne cadraient pas ailleurs dans la société. Et ils ont trouvé que, là, ils avaient la possibilité de gagner leur vie en offrant un service spécifique comme le taxi.
Mais pourquoi donc le gouvernement s'entête à procéder de cette façon si ce qu'il cherche, c'est ces deux objectifs qu'il a mis de l'avant: améliorer la qualité de service et assurer la sécurité des usagers? Il y a actuellement des propriétaires qui se regroupent en ligues de taxis, M. le Président, et qui sont là pour supposément aider leurs membres à améliorer leur situation et surveiller un peu le fonctionnement de l'industrie. De l'aveu de tous, il y a des problèmes de fonctionnement avec cette façon de faire, mais il n'y a rien qui ferait en sorte que ça serait impossible de reformuler des solutions en fonction véritablement des objectifs recherchés. Parce que le ministre nous dit que, avec cette association, il va y avoir maintenant des possibilités pour tous ces gens que sont les propriétaires et les locataires de taxi d'avoir des régimes de retraite, d'avoir des assurances collectives, d'avoir toutes sortes de services de cette nature-là, et incidemment il s'avère que le seul qui va se présenter pour offrir ce service à cette association professionnelle, ça serait, oh! comme par hasard, le Syndicat des métallos de la FTQ, qui est déjà sur le comité consultatif du ministre, qui a tout préparé le terrain dans ce sens-là, M. le Président.
Mais, si l'objectif recherché, c'est de permettre aux chauffeurs et aux propriétaires et aux locataires de taxi d'avoir accès à des régimes de retraite, d'avoir accès à des assurances collectives, pourquoi ça prend une association de cette nature? Pourquoi il ne pourrait pas y avoir une législation qui créerait ce genre de régime qui permettrait à tous de se donner des assurances collectives, de se donner un régime de pension? D'ailleurs, ça serait quelque chose qu'on pourrait envisager pour l'ensemble des travailleurs autonomes, comme on l'avait envisagé lors de la dernière campagne électorale, M. le Président, où on voulait voir ? et on veut toujours voir ? pour les travailleurs autonomes la possibilité d'avoir accès à des régimes de retraite, au-delà de ce qui existe pour tout le monde au niveau du Régime de rentes du Québec, M. le Président, et d'avoir aussi possiblement des assurances collectives, etc., en créant, comme société, un fonds qui permettrait d'assurer ces gens-là. On pourrait avoir la même chose au niveau de l'industrie du taxi.
Mais il devient clair qu'à partir du moment où on regroupe dans une même association des intérêts divergents et conflictuels de par la force de leur situation, bien on se donne une formule pour du trouble, M. le Président. C'est pour ça que j'ai commencé en disant: Si on vous dit, à vous, M. le Président, qu'on fera quelque chose qui est pour votre bien, mais que, vous, vous résistez, vous dites: Ce n'est pas vrai que c'est pour mon bien, c'est peut-être pour le bien de celui qui est à côté de moi, mais ce n'est pas pour mon bien à moi, pourquoi je vais insister pour vous imposer cette façon de faire? Pourquoi je vais insister pour vous imposer, à vous, d'appartenir à une association, laquelle, je vous dis, est pour votre bien, et que vous, en adulte que vous êtes, vous ne reconnaissez pas, vous dites: Ce n'est pas vrai? Et pourtant, «moi, je connais mieux que vous ce qui est pour votre bien», c'est une attitude un peu paternaliste, M. le Président. Je dis «un peu» juste par gentillesse, parce que ce n'est pas vrai que c'est un peu paternaliste, c'est très paternaliste. Et c'est une façon de faire qui est aussi imbue d'une approche autoritaire qui d'ailleurs caractérise beaucoup des interventions de ce gouvernement: Moi, je sais mieux que d'autres ce qui est bon pour vous autres.
Une voix: Je veux ton bien puis je vais l'avoir.
M. Sirros: Oui, je veux ton bien puis je vais l'avoir. Effectivement, M. le Président, ça ressemble à quelque chose comme ça.
Alors, voilà une association professionnelle des chauffeurs de taxi et, à côté de ça, la création d'un forum des gens de l'industrie du taxi qui sera là pour consulter et guider le ministre dans ses décisions qu'il aura à prendre pour cette industrie. D'ailleurs, c'est assez cocasse ? et on en parlera plus longuement, j'en suis convaincu, d'ici peu ? parce que le ministre va se créer un comité pour le consulter, et c'est lui qui va décider qui sera président et qui sera sur le conseil d'administration de cette association, M. le Président, pour le consulter. Alors, bon, si je veux être consulté sur quelque chose, le minimum que je peux faire, c'est d'aller retourner vers l'industrie, lui demander de choisir ceux qu'elle pense qui sont les mieux placés pour me conseiller, et au moins je vais savoir que j'aurai l'heure juste, M. le Président. Si, moi, je décide déjà qui je veux pour qu'ils me disent ce qu'il faut que je fasse, bien c'est un peu devenir juge et partie dans la situation. Mais, ça aussi, on le retrouve, dans ce projet de loi, un peu mélangé à l'association professionnelle du taxi, un peu comme à l'intérieur de cette association on retrouve à la fois les propriétaires et les locataires. Donc, il y a un genre de méli-mélo qui caractérise ce projet de loi.
n(16 heures)n Le ministre se lève de temps en temps pour nous dire que ce n'est pas vrai, on n'a rien compris, que ce n'est pas un syndicat qu'il est en train de créer, c'est véritablement une association professionnelle, parce que, voyez-vous, un syndicat, bien, ça ne serait pas une association. On sait ça, M. le Président. On dit que c'est une façon déviée et déguisée d'atteindre le même
parce qu'il n'a pas le courage de le faire clairement, ouvertement, à visière levée.
Si on veut syndicaliser et donner le droit à la syndicalisation aux locataires de taxi, leur permettre d'avoir un rapport de force avec certains propriétaires ou les propriétaires de taxi... Parce qu'il y a effectivement quelques propriétaires qui sont des propriétaires de multiples permis. Ils ont peut-être 30 ou 40 véhicules qu'ils louent à des personnes. Et peut-être que ce serait dans l'intérêt de ces gens-là, qui louent de ce même propriétaire, d'être syndiqués ensemble pour avoir un rapport de force pour réclamer, je ne sais pas, moi, de meilleurs véhicules, des prix de location plus bas, des conditions de travail, etc. Faisons-le par l'adoption de lois qui permettraient ce genre de syndicalisation. Mais, au lieu de ça, on va mettre là-dedans aussi tous les petits propriétaires de taxi.
Il y a un autre élément pernicieux, dans les quelques minutes qu'il me reste, que je veux soulever, c'est l'opportunité, ou l'occasion, qui est prise par le ministre, sous la guise d'améliorer la qualité des services, de resoumettre tous ces petits travailleurs et propriétaires de taxi à un processus d'examen pour maintenir leur permis. C'est-à-dire, après toutes les années que ces gens-là ont travaillé, après les examens qu'ils ont déjà donnés pour acquérir leur permis, on va resoumettre tout le monde à des examens pour qu'il maintienne son permis. On ne parle pas ici des nouveaux titulaires qui veulent arriver sur le marché, M. le Président; ce ne serait que normal qu'on puisse les soumettre à des examens au niveau de la connaissance topographique, au niveau de la capacité de dealer avec des gens au niveau de la connaissance de la langue française. C'est normal. Mais pourquoi est-ce qu'on va le faire pour tous ceux qui ont déjà leur permis de taxi? Il faudrait voir, dans les amendements qu'on espère que le ministre apportera, minimalement un amendement qui permettra à tous ceux qui sont déjà détenteurs d'un permis de taxi, disons depuis au moins une couple d'années, d'être exemptés de cette nécessité et qu'on leur reconnaisse les droits acquis qu'ils ont. Ça, c'est minimal.
Mais maintenant, M. le Président, dans les deux minutes qu'il me reste, je vais soulever la question du Forum de l'industrie du taxi et le fait aussi qu'on retrouve dans ce projet de loi toutes sortes d'éléments qui seraient probablement beaucoup mieux s'ils avaient chacun leur propre loi. On s'est inspirés un petit peu d'autres lois, d'autres législations dans des industries du transport similaires où on a effectivement un forum aussi. Par exemple, je pense aux camionneurs, il y a un forum du monde du camionnage. Mais ça a été créé par une loi à part, une loi distincte, et on aurait peut-être avantage, ici, à examiner cette question-là afin qu'on puisse permettre à l'Assemblée d'être saisie de cette possibilité-là puis d'en débattre et, on l'espère bien, une fois que vous aurez jugé de la recevabilité de cette motion que je vais vous présenter, qu'on puisse aussi adopter une loi spécifique pour cet objectif qui n'est pas mauvais en soi. C'est un objectif qu'on pourrait se donner d'avoir un forum de l'industrie du taxi pour conseiller le ministre sur ces choses-là.
Motion de scission
Alors, je vous déposerais cette motion, M. le Président:
«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi, soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi concernant les services de transport par taxi, comprenant les articles 1 à 70 et 74 à 140; un second intitulé Loi instituant le Forum des intervenants de l'industrie du taxi, comprenant les articles 71 à 73, 133, 137, 139 et l'article 140 jusqu'au mot "gouvernement", à la deuxième ligne dudit article.»Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laurier-Dorion. Le texte de la motion de scission est déposé, alors je m'en vais prendre quelques minutes pour...
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Shefford, vous voulez intervenir immédiatement?
M. Brodeur: Conformément au règlement, M. le Président, j'aimerais faire certaines représentations concernant la motion qui vient d'être déposée par le...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur la recevabilité?
M. Brodeur: Sur la recevabilité.
Débat sur la recevabilité
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien.
M. Bernard Brodeur
M. Brodeur: Donc, sur la recevabilité de la motion déposée par le député de Laurier-Dorion, la motion, M. le Président, je vous le rappelle, se lit ainsi:
«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi, soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi concernant les services de transport par taxi, comprenant les articles 1 à 70 et 74 à 140; un second intitulé Loi instituant le Forum des intervenants de l'industrie du taxi, comprenant les articles 71 à 73, 133, 137, 139 et l'article 140 jusqu'au mot "gouvernement", à la deuxième ligne dudit article.» M. le Président, on a entendu parler du projet de loi concernant les taxis abondamment depuis hier. On a aussi vu qu'il y a plusieurs principes dans ce projet de loi là. On en parlé hier, mais il y a deux grands principes en particulier qui font d'ailleurs l'objet de la motion, soit le premier principe sur lequel on se base sur une amélioration du service de taxi, l'amélioration de la propreté des taxis, donc sur le service de taxi lui-même, et un deuxième principe ? et le député de Laurier-Dorion vient justement de le souligner ? soit la formation d'un forum de l'industrie du taxi. Donc, si on prend tout simplement le projet de loi n° 163, à lecture même du projet de loi n° 163, on voit nettement qu'il y a plusieurs principes, incluant les deux principes qui sont soulignés à cette motion du député de Laurier-Dorion, et, à l'appui de cette motion-là...
M. Boulerice: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le député de Shefford. Sur une question de règlement, M. le député Boulerice?
M. Boulerice: Absolument, M. le Président. Il est de toute évidence que le député de Shefford plaide sur le fond de la chose. Nous devons d'abord plaider sur la pertinence d'avoir cette motion-là. Personnellement, je...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le leader adjoint, ce n'est pas sur la pertinence... La pertinence d'avoir présenté la motion, ce n'est pas sur ça que porte le débat, c'est sur la recevabilité. Ça, la pertinence de présenter une motion, c'est un droit reconnu par le règlement. Alors, simplement, vous pouvez plaider en référence à l'idée qu'il y a deux principes. On sait que ce qui justifie la recevabilité, si vous voulez, d'une motion de scission, c'est la pluralité des principes. Alors, quand on plaide sur la recevabilité, on peut faire référence, démontrer qu'il y a deux principes, et je vous inviterais à le faire dans le temps qu'il faut, mais sans trop étirer le temps non plus. J'aurai à délibérer, par la suite, sur la recevabilité.
M. Brodeur: Oui. M. le Président, tout simplement, j'allais vous citer les notes explicatives qui indiquent clairement que ce projet de loi là a deux principes. La première partie des notes explicatives... Et je pense que, pour être clair, il faudrait la lire, surtout pour le bénéfice des gens qui nous écoutent. On dit, dans la première partie des notes explicatives:
Ce projet de loi propose un nouvel encadrement du transport par taxi au Québec et a pour objet d'accroître la sécurité des usagers et d'améliorer la qualité des services offerts. Le projet de loi vise l'ensemble du transport rémunéré des personnes par taxi, limousine et limousine de grand luxe. Il s'adresse plus particulièrement aux titulaires de permis de propriétaire de taxi, aux titulaires de permis de chauffeur de taxi ainsi qu'aux intermédiaires en services de transport par taxi. Entre autres, il introduit un système de permis pour ces derniers, dans les cas de certains territoires déterminés par décret.
D'autre part, certaines autorités municipales et supramunicipales pourront exercer des pouvoirs plus étendus au regard de l'application de la loi. Le Bureau du taxi de la Communauté urbaine de Montréal conserve tous ses pouvoirs en l'espèce.
Par ailleurs, ce projet de loi institue une association professionnelle des chauffeurs de taxi ayant pour objet de les regrouper et de promouvoir leurs intérêts. Tous les titulaires de permis de chauffeur de taxi devront y verser une cotisation si la majorité d'entre eux le décide.
M. le Président, c'est la première partie des notes explicatives. Et la deuxième partie dit: Il institue également ? donc, signifiant qu'il s'agit d'une deuxième chose, donc un deuxième principe ? un forum des intervenants de l'industrie du taxi ayant pour objet de favoriser la concertation entre les principaux intervenants de l'industrie du taxi, etc.
n(16 h 10)n Donc, M. le Président, il est évident, à la lecture même des notes explicatives, que le projet de loi contient deux principes, soit, dans un premier temps, les services de taxi et, deuxièmement, la création d'un forum de l'industrie du taxi qui a pour but de conseiller le ministre. Donc, de toute évidence, il y a deux principes. Et, pour éclairer votre décision, on n'a qu'à s'inspirer du projet de loi qui est en cause.
Lorsqu'on prend les articles 71 à 73, ceux qui instituent le Forum du taxi ? et on y arrive, M. le Président ? donc, au chapitre IX de la loi, qui est un chapitre distinct, intitulé «Forum des intervenants de l'industrie du taxi», on peut y lire... Je vais vous faire la lecture du paragraphe, et, à la suite de cette lecture-là, je vais vous lire la même partie d'une autre loi qui a été adoptée le 16 juin 2000, la loi n° 135, qui a créé le Forum du camionnage, et vous allez voir que, dans la loi n° 135, il n'y a qu'un seul principe, soit celui que l'on crée un forum du camionnage au Québec. Et vous allez voir, à la lecture même du projet de loi n° 163, que le chapitre IX ne s'adresse qu'à la création d'un forum des intervenants de l'industrie du taxi. M. le Président, vous allez voir que les mots choisis sont les mêmes.
L'article 71 nous dit: «Est institué le "Forum des intervenants de l'industrie du taxi".
«Ce Forum a pour objet de favoriser la concertation entre les principaux intervenants de l'industrie du taxi au regard des diverses pratiques commerciales prévalant dans cette industrie dont, notamment, celles affectant le développement des ressources humaines, et de conseiller le ministre sur les mesures destinées au développement de cette industrie.
«Le Forum se compose d'un président, nommé par le gouvernement, et d'au plus neuf autres membres nommés par le ministre.» Je vous lis l'article au complet parce que vous allez voir que, dans l'autre loi, les mots se répètent presque intégralement, on reprend les mêmes termes du projet de loi. «Le Forum se compose d'un président, nommé par le gouvernement, et d'au plus neuf autres membres nommés par le ministre afin de représenter les titulaires de permis de chauffeur de taxi, les intermédiaires en services de transport par taxi, les titulaires de permis de propriétaire de taxis, y compris ceux dont les services de transport par taxi sont spécialisés, et les clients.»Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Shefford, je comprends, là, mais, pour nous faire voir qu'il y a vraiment deux principes, ce n'est pas nécessaire de lire tout le texte comme vous le faites dans le détail. Je pense que je vous inviterais, s'il vous plaît, à conclure votre argumentation sur l'idée qu'il y a deux principes.
M. Brodeur: Oui. Merci, M. le Président. Tout simplement, dans votre décision, vous aurez à vous référer au projet de loi n° 135 ? ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est noté. Nous avons noté.
M. Brodeur: ...vous l'avez noté? ? et qui dit, même à ses notes explicatives, qui reprend, en fin de compte... Je vais vous lire juste la première phrase, juste pour être bien certain que les gens qui nous écoutent, particulièrement à la maison, auront bien compris le sens de mes propos: «Ce projet de loi propose l'institution du Forum des intervenants de l'industrie du camionnage ? donc, on change le "taxi" par le "camionnage" ? afin de favoriser la concertation des principaux intervenants de cette industrie. Il vise plus particulièrement les exploitants d'un véhicule lourd, les intermédiaires de services de transport», etc. Et là on voit que, dans le projet de loi n° 135, il n'y avait qu'un seul principe, soit celui de créer un forum des intervenants dans l'industrie du camionnage. Ce qu'on a présentement dans la loi, on a deux principes: un principe qui fait en sorte d'améliorer les services de taxi et un deuxième principe qui permet de créer un forum de l'industrie du taxi.
En terminant, M. le Président, j'aimerais tout simplement vous souligner les décisions qui ont été prises par la présidence sur le même sujet, et j'ai une décision ici qui a été prise le 3 juin 1998 par votre collègue député de Saint-Maurice, et sa décision se lisait ainsi: «Selon l'article 241, lorsqu'un projet de loi contient plusieurs principes, il peut, avant son adoption, faire l'objet d'une motion de scission. Déterminer les principes d'un projet de loi est un exercice qui souvent peut s'avérer fort complexe. Toutefois, en cette matière, une chose est certaine, un principe est un élément essentiel du projet de loi par rapport à une simple modalité, qui, elle, est un accessoire à un principe.» Et il continue un peu plus loin, M. le Président. «Chaque partie du projet de loi scindé doit pouvoir être considérée distinctement», ce qui est le cas présentement. «Chaque partie du projet de loi scindé doit constituer plus qu'une modalité.» De toute évidence, ici, la création d'un forum sur le taxi est la même modalité qu'on a vue dans le projet de loi n° 135, qui n'avait qu'un seul principe, soit de créer le Forum du camionnage.
Donc, il continue: «Les projets de loi qui résulteraient de la scission doivent constituer des projets de loi cohérents en eux-mêmes.» Donc, M. le Président, on est devant une situation où on aurait la possibilité de scinder un projet de loi, et les deux projets de loi seraient cohérents. Je viens d'avoir des conservations avec le milieu du taxi qui m'a demandé de proposer au ministre de scinder le projet de loi.
La décision du député de Saint-Maurice continue, il nous dit: «...des parties qui pourraient avoir une existence tout à fait indépendantes des autres et qui constituent plus que de simples modalités[...]. La présidence n'a pas, lorsqu'elle identifie les principes d'un projet de loi, à se questionner sur l'importance qu'accorde l'auteur à certaines parties du projet de loi ou à se demander si l'auteur considère qu'une partie du projet de loi est accessoire à une autre. Agir autrement ferait en sorte que l'article 241 de notre règlement serait inapplicable et qu'aucun projet de loi ne pourrait faire l'objet d'une scission, puisqu'il serait très étonnant que l'auteur d'un projet de loi ne considère pas que toutes les parties de son projet de loi forment un tout absolument essentiel.» Il continue, M. le Président, plus loin: «...des projets de loi cohérents qui pourraient exister de façon autonome.»Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Shefford, je vous ferais remarquer que c'est très bien, mais ce sont des décisions que nous possédons. Y faire référence, ç'aurait été suffisant. Nous connaissons la décision, nous connaissons pourquoi finalement la décision a été rendue. Alors, les principes pour reconnaître s'il y a possibilité de scission, c'est nous qui les avons dressés, et vous venez de les lire. Alors, on les connaît, on va s'y référer. Alors, tout simplement pour vous dire ça. À l'occasion, quand vous avez à plaider sur la recevabilité de la scission, vous pouvez nous référer aux décisions antérieures, que l'on connaît, par ailleurs, mais c'est bon de nous attirer l'attention sur ça. Très bien.
M. Brodeur: Je comprends bien votre intervention et je suis très au fait que vous êtes bien au courant du règlement, que vous êtes au courant aussi des décisions qui ont été prises. L'objectif de l'Assemblée nationale, c'est de permettre à nos concitoyens de comprendre pourquoi on demande telle chose ou telle chose. Et, dans le cas qui nous occupe, M. le Président, il y a des milliers de citoyens à la maison qui se demandent pourquoi. Pourquoi on demande une scission au projet de loi? Je pense que c'est important, c'est important...
M. Boulerice: M. le Président, c'est une question de règlement.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader adjoint du gouvernement, question de règlement.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. M. le député de Shefford sait fort bien que j'ai horreur de la procédure, et ce n'est pas moi qui en abuse dans cette Assemblée. Donc, je lui demanderais de faire la même chose, et il aura toute l'occasion loisible, d'ailleurs, et même avec l'aide de son leader adjoint, qui, en procédure, s'y connaît également beaucoup... Il sait fort bien que, durant les deux prochaines heures, il y aura un débat restreint. Il pourra aller sur les questions de fond comme celles qu'il soulève depuis le début.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Monsieur, écoutez, je n'ai pas mis en cause son intervention en disant qu'il intervient sur la question de fond, son intervention a pour but d'établir la recevabilité. Mais ce que je luis dis, c'est qu'il y a des éléments à l'intérieur de ça auxquels il peut nous référer, des décisions antérieures, et tout, sans être obligé de les relire au complet ici. C'est ça que je lui dis. Mais, au niveau de la pertinence, disons, du contenu de ce que vous dites en fonction de la recevabilité, je l'ai reconnu. Alors, je vous prierais, s'il vous plaît, de terminer assez rapidement, là.
M. Brodeur: Oui, rapidement, M. le Président. Je constate que le leader adjoint du gouvernement, en admettant qu'il y aura un débat de deux heures sur la motion de scission, vient d'admettre que la motion doit être reçue de votre part et devrait être débattue durant deux heures ici. Donc, il y a admission. Je le remercie.
Juste souligner aussi que, dans votre décision, vous devriez tenir compte aussi de deux autres décisions, une du 12 juin 1985, de Richard Guay, qui va absolument dans le même sens, et une autre du 3 décembre 1992, décision de Roger Lefebvre, qui va exactement aussi dans le même sens. Donc, M. le Président, vous pouvez vous inspirer du projet de loi n° 135 qui a été adopté il y a quelques mois ici et qui faisait en sorte qu'on créait un forum du camionnage.
Nous sommes devant une loi qui crée un forum de l'industrie du taxi à l'intérieur d'une loi. Donc, il est évident, suivant les décisions rendues, suivant le processus d'adoption des lois qu'on connaît ici, à l'Assemblée nationale, et suivant l'admission du leader adjoint, que cette motion est recevable. On se fera un plaisir, M. le Président, de pouvoir en débattre ici, à l'Assemblée nationale.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Shefford. Oui, s'il vous plaît, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Alors, très évidemment, le député de Shefford a commis deux erreurs monumentales: la première, une méconnaissance de toutes les subtilités de la langue française, et la deuxième, de m'avoir prêté des intentions quant à mon énoncé de tantôt. Il y aura, si votre décision... Alors, il sait fort bien que, dans un phrase, ce qui n'est pas dit a autant d'importance que ce qui a été dit.
n(16 h 20)nLe Vice-Président (M. Brouillet): Cependant, je dois vous dire, M. le leader adjoint du gouvernement, que, pour débattre du fond, comme on le fera en deux heures, il faut d'abord que je décide de la recevabilité.
Une voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, le débat doit se faire sur la recevabilité d'abord, et non pas attendre le débat sur la motion pour savoir si elle est recevable ou non. Alors, ceci dit, nous allons suspendre quelques instants pour aller voir la motion et décider de la recevabilité.
(Suspension de la séance à 16 h 21)
(Reprise à 16 h 56)
Décision du président sur la recevabilité
Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Je vais maintenant rendre ma décision concernant la recevabilité de la motion de scission présentée par M. le député de Laurier-Dorion.
En vertu de cette motion, le député désire scinder le projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi, en deux projets de loi: le premier, intitulé Loi concernant les services de transport par taxi, qui comprendrait les articles 1 à 70 et 74 à 140; le deuxième, intitulé Loi instituant le Forum des intervenants de l'industrie du taxi, qui comprendrait les articles 71 à 73, 133, 137, 139 et 140 jusqu'au mot «gouvernement».
Après analyse de cette motion, je la déclare recevable. En effet, le projet de loi n° 163 comprend au moins les deux principes identifiés dans la motion de scission. Le premier principe découle des articles 1 à 70 et 74 à 140, il a trait à l'établissement des règles applicables au transport rémunéré de personnes par automobile, ou plus particulièrement aux services de transport par taxi. Le deuxième principe découle des articles 71 à 73, il concerne l'institution du Forum des intervenants de l'industrie du taxi, qui a pour objet de favoriser la concertation des principaux intervenants de l'industrie du taxi et de conseiller le ministre sur les mesures destinées à développer cette industrie.
Cette motion satisfait aux principaux critères de recevabilité d'une motion de scission établis par la présidence de l'Assemblée au fil du temps. En effet, chacun des deux principes identifiés antérieurement constitue plus que de simples modalités et peut être considéré séparément. En outre, le projet de loi peut être scindé de façon à former deux projets de loi distincts, cohérents en eux-mêmes, complets et autonomes.
Le fait que quatre articles se retrouvent dans les deux projets de loi n'a pas pour effet de rendre la motion irrecevable. Ces articles peuvent sans problème se retrouver dans les deux projets de loi, puisqu'ils concernent des modalités compatibles avec les deux principes qui se retrouvent dans chacune des parties scindées.
Alors, nous aurons donc, si vous le souhaitez, un débat... Enfin, le règlement prévoit un débat de deux heures, un débat restreint, et on pourrait suspendre quelques minutes pour s'entendre sur le partage du temps.
(Suspension de la séance à 16 h 58)
(Reprise à 17 h 8)
Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.
Alors, la décision concernant la motion de scission a été rendue par le vice-président. Je vous informe de la répartition du temps de parole pour ce débat restreint: cinq minutes sont allouées au député indépendant; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste du temps consacré à ce débat. Le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par le député indépendant pourra être redistribué équitablement entre les deux groupes parlementaires, et je vous informe également que les interventions ne seront soumises à aucune limite de temps. Le débat restreint est de deux heures.
Alors, je reconnais immédiatement le critique officiel de l'opposition en matière de transports, M. le député de Shefford. M. le député.
Débat sur la motion de scission
M. Bernard Brodeur
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Le député de Laurier-Dorion a déposé une motion de scission conformément à l'article 241 de notre règlement. La motion se lit ainsi, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison:
«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi, soit scindé en deux projets de loi: un premier intitulé Loi concernant les services de transport par taxi, comprenant les articles 1 à 70 et 74 à 140; un second, intitulé Loi instituant le Forum des intervenants de l'industrie du taxi, comprenant les articles 71 à 73, 133, 137, 139 et l'article 140 jusqu'au mot "gouvernement", à la deuxième ligne dudit article.»n(17 h 10)n M. le Président, nous sommes devant une motion qui est faite à la demande des gens de l'industrie du taxi. Je discutais encore aujourd'hui avec des chauffeurs de taxi de la région de Québec. J'ai discuté ce matin avec des chauffeurs de taxi de ma région et de la région de Montréal. Ces gens-là sont tout à fait inconfortables avec plusieurs parties du projet de loi, et entre autres, M. le Président, la partie où on parle de la création d'un forum dans l'industrie du taxi. Donc, cette motion-là n'est pas déposée pour rien. Elle est déposée en demande à ce qu'on perçoit sur le terrain et des gens qui seront touchés par le projet de loi n° 163.
Donc, on est devant une situation, je crois, où le gouvernement devrait, du moins, surseoir à l'étude du projet de loi afin, comme je le disais hier, M. le Président ? je ne me souviens pas si c'est vous qui étiez ici, là ? de refaire son projet de loi, qui est, somme toute, un brouillon.
Donc, M. le Président, ce qu'on demande dans un premier temps au parti ministériel, c'est de retirer ou de scinder en deux projets de loi, premièrement, dans un projet de loi a, un projet de loi qui fait en sorte d'améliorer les services de taxi, les services que l'on donne à la population. Ça, M. le Président, l'opposition est d'accord avec ça, le gouvernement est d'accord et les chauffeurs de taxi aussi sont d'accord. Donc, si on pouvait retirer, à elle seule, cette partie-là, ça ferait en sorte qu'on pourrait peut-être s'entendre très facilement sur l'objectif du projet de loi qui a été déposé.
M. le Président, nous avons demandé de faire un autre projet de loi concernant l'industrie du taxi. On trouve curieux que le ministre des Transports ait inclus dans un projet de loi qui a pour but d'améliorer le service de taxi un autre projet, de créer un forum de l'industrie du taxi. Vous vous souviendrez que, le printemps dernier, nous avons voté ici, à l'Assemblée nationale, le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports, dans lequel on a créé un forum du camionnage, donc une loi, une seule loi d'un seul principe qui créait le forum du camionnage. M. le Président, je ne voudrais pas aujourd'hui critiquer le projet de loi n° 135, ça a déjà été fait, ça a été débattu, ça a été adopté ici. Tout simplement pour vous dire que le forum concernant l'industrie du taxi qu'on a devant nous est questionnable. D'ailleurs, je pense que le ministre... Hier, j'ai eu quelques conversations avec le ministre et j'ai senti une certaine ouverture à des amendements concernant le forum dans l'industrie du taxi.
Donc, M. le Président, à la lumière de la conversation que j'ai eue avec le ministre des Transports hier, à la lumière des conversations que j'ai eues avec des chauffeurs de taxi de la région de Québec, à la lumière des conversations que j'ai eues avec des chauffeurs de taxi de ma région, à la lumière des conversations que j'ai eues avec des chauffeurs de taxi de la région de Montréal, nous avons déposé cette motion de scission qui va nous permettre et qui va permettre aussi au ministre des Transports, plutôt que d'apporter des amendements sur le tas, ce qui ferait en sorte qu'on aurait un projet de loi qui serait, disons, boiteux... de permettre au ministre de déposer un autre projet de loi à la prochaine session, concernant le forum de l'industrie du taxi, mais un projet de loi qui serait adapté aux besoins de l'industrie et qui serait doublé d'un processus de nomination de ses membres qui serait plus conforme à ce que demandent les chauffeurs de taxi particulièrement.
M. le Président, on aurait pu demander de scinder le projet en quatre. On aurait pu le demander. D'ailleurs, j'ai eu une demande, une demande officielle de l'Association des limousines de Montréal. Vous savez, le projet de loi ne concerne pas seulement les chauffeurs de taxi, mais il concerne aussi les propriétaires de limousine. Donc, M. le Président, hier, vous vous souvenez, je vous ai lu une lettre qui m'était adressée, de l'Association des limousines de Montréal, ALM inc. Ces gens-là sont rentrés en contact avec moi la semaine dernière, me soulignant que le projet de loi qui devait toucher les taxis touchait également les chauffeurs de limousine. Ça semble banal de parler de ça, mais vous devez savoir qu'un permis pour conduire votre fille aux noces ? par exemple, vous êtes dans une limousine que vous avez louée ? ça coûte 5 500 $ par année, alors qu'un permis de chauffeur de taxi... ça peut coûter jusqu'à 75 000 $, obtenir un permis de chauffeur de taxi.
Donc, M. le Président, ces propriétaires de limousine là étaient inquiets. Puis, je les comprends d'être inquiets, ça mettait en péril... ça met en péril l'industrie de la limousine au Québec. M. le Président, pire que ça, il y a un constructeur de limousines à Sherbrooke qui m'a signifié que toutes ses commandes avaient été annulées. Vous pouvez facilement vous imaginer que le propriétaire de limousine à qui on dit: Ça va te coûter 75 000 $ avoir un permis pour conduire une limousine, la commande qu'il avait placée pour acheter une limousine à 100 000 $, il y repense à deux fois. Donc, les commandes ont été annulées.
Et, à partir de ces faits-là, M. le Président, le vice-président de l'Association, M. Steve Lorenzi, à qui j'ai encore parlé ce matin, dans sa lettre qui m'a été adressée hier, me disait, dans son cinquième paragraphe: «Le but des membres de notre Association serait bien sûr de voir l'industrie de la limousine de grand luxe se dissocier de la loi.» M. le Président, se dissocier de la loi. Je sais que le règlement nous permet de demander seulement une scission lors de l'étude d'un projet de loi, on aurait pu en demander quatre, parce qu'il y a plusieurs principes là-dedans.
On crée, premièrement, un forum sur l'industrie du taxi. On crée, entre guillemets, M. le Président, une association professionnelle. Vous le savez, on en a parlé hier. On crée aussi un projet de loi qui fait en sorte d'améliorer le service de taxi. Et on pourrait dire aussi que le projet de loi touche aussi les limousines, ce qui a moins rapport avec les chauffeurs de taxi.
Donc, M. le Président, je vous le répète, il demande au gouvernement du Québec, il demande aux députés de l'Assemblée nationale de dissocier de la Loi concernant les services de transport par taxi les limousines. «Nous croyons qu'il serait dans notre intérêt ainsi que dans l'intérêt public d'adopter une nouvelle réglementation régissant l'industrie de la limousine grand luxe d'une façon distincte.»«D'une façon distincte», j'en fais part au ministre. Le ministre pourrait juger également de l'opportunité de retirer, en ce qui concerne l'industrie de la limousine, du projet de loi... Je sais, M. le Président, vous me direz que je ne pourrai faire une autre motion de scission, mais je profite de l'occasion quand même pour souligner au ministre qu'il y aurait des aménagements encore à faire à ce projet de loi là qui, comme je le disais hier, devrait être carrément retiré pour être réimprimé en deux, ou trois, ou quatre projets de loi. Je pense que ça serait la façon la plus intelligente d'aborder le problème de l'industrie du taxi au Québec.
Donc, M. le Président, ce qui a amené le dépôt de ce projet de loi là, c'est pour une raison très simple, et, comme je le disais hier, il y a des raisons historiques. Des raisons historiques. Vous vous souviendrez, en 1988, le Syndicat des métallos, associé à la FTQ, a fait signer des cartes à des chauffeurs locataires afin de créer un syndicat. Donc, ce groupe-là de la FTQ a été actif dans plusieurs régions du Québec, particulièrement à Montréal. Ils ont obtenu certaines signatures de chauffeurs locataires de taxi. La FTQ s'est présentée devant les autorités compétentes pour accréditation. La première chose qui est arrivée, c'est qu'on a refusé l'accréditation à la FTQ, pour des raisons évidentes, c'est que les chauffeurs de taxi, c'est des travailleurs autonomes. Donc, en première instance, immédiatement, on a refusé cette accréditation-là. M. le Président, ils sont allés en appel, d'appel en appel, d'appel en appel, pour en arriver à la conclusion qu'on ne pouvait pas syndiquer les chauffeurs de taxi, toujours pour la même raison, c'est que les chauffeurs de taxi, ce sont des travailleurs autonomes. C'était clair dans chacune des décisions, et particulièrement dans la décision de la Cour supérieure du Québec.
n(17 h 20)n Donc, M. le Président, à partir de ces événements-là de 1988, la FTQ, le Syndicat des métallos, a fait de nombreuses demandes au gouvernement du Québec afin de créer, entre guillemets, une association professionnelle, association professionnelle qui, on le voit bien à la lecture du projet de loi, n'est qu'une façon détournée de donner la possibilité au Syndicat des métallos, par contrat de services ? parce que ce n'est pas moi qui le dis, c'est le Syndicat des métallos ? de pouvoir embarquer avec eux les chauffeurs de taxi, comprenant les chauffeurs propriétaires et les chauffeurs locataires, ce que la Cour supérieure avait déjà déclaré illégal. Donc, à prime abord, ce que voulait faire la FTQ, c'était de faire indirectement ce qu'ils n'avaient pas le droit de faire directement. Et ils ont demandé au gouvernement du Québec de cautionner cette illégalité.
Ce qui est arrivé, M. le Président, lors de la dernière campagne électorale... on a vu le chef de cabinet, M. Boivin à l'époque, promettre à Henri Massé, de la FTQ, que, oui, un gouvernement formé par le Parti québécois pourrait livrer à la FTQ pieds et mains liés 17 000 chauffeurs de taxi à leur syndicat. On l'a vu, on le voit depuis longtemps, on l'a vu encore dans la dernière campagne électorale provinciale. Je vois encore Gilles Duceppe se promener avec Henri Massé, avec un casque sur la tête, pour visiter des usines. Il est évident que c'est des parents proches, la FTQ, le Bloc québécois puis le Parti québécois. On a juste à regarder qui est directeur général de la SGF au Québec, puis on s'aperçoit que c'est de la parenté proche.
Donc, on avait, pour renvoyer l'ascenseur, à la FTQ... et à ce moment-là, oui, on a dit, le ministre des Transports a dit: Oui, nous allons créer une association professionnelle des chauffeurs de taxi. Ça, ça s'est dit le printemps dernier. Ce qu'on a vu: la réponse de la FTQ à cette déclaration-là du ministre des Transports a été immédiate. Je vous la lis, M. le Président, au bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison, à l'appui de mes propos. C'est le 1er mai de l'an 2000.
«Taxi. La FTQ obtient du ministre Guy Chevrette la création d'une association professionnelle unique pour les 17 000 chauffeurs de taxi.» Je continue: «La FTQ et son Syndicat des métallos, qui revendiquent depuis plus de 10 ans le droit à la représentation pour les chauffeurs de taxi, viennent d'obtenir un engagement ferme du ministre des Transports, M. Guy Chevrette, en faveur de la création prochaine d'une association professionnelle. Celle-ci regroupera tous les détenteurs de permis de chauffeur de taxi, locataires et propriétaires, soit quelque 17 000 chauffeurs au Québec. Le ministre Chevrette a fait part de cet engagement lors d'une rencontre tenue à Montréal avec le président de la FTQ et des représentants du Syndicat des métallos. La nouvelle association professionnelle remplacera les actuelles ligues de taxis.» M. le Président, en passant, lorsque, par exemple, le Collège des médecins a été formé, je ne pense pas que le ministre de la Santé et des Services sociaux de l'époque est allé voir le syndicat de la FTQ pour leur apprendre qu'il créait une association professionnelle. C'est évident que, si la FTQ puis le Syndicat des métallos se réjouissent tant que ça, c'est qu'il y a un certain rapport entre la FTQ et puis l'organisation que le ministre nous met sur la table présentement, cette fameuse association professionnelle.
On continue, M. le Président: «"C'est une grande victoire pour les chauffeurs de taxi ? entre parenthèses, il faut lire surtout FTQ ? qui tentent depuis longtemps de se regrouper au sein d'une association qui détiendra leurs droits", ont fait savoir ? un certain ? M. Henri Massé, président de la FTQ, et Arnold Dugas, vice-président de la FTQ et directeur québécois du Syndicat des Métallos. Le ministre a également fait part aux dirigeants syndicaux de la mise sur pied prochaine d'une table permanente de concertation qui réunira tous les intervenants de l'industrie du taxi. Il a aussi annoncé des mesures législatives pour contrer la pratique du taxi déguisée, assurée par de faux bénévoles. Il a de plus indiqué que l'implantation du taximètre électronique est prématurée et qu'elle ne ferait pas partie de la réforme du taxi qui sera adoptée au cours de l'année qui vient. Enfin, le ministre Chevrette s'est engagé à proposer au gouvernement des mesures économiques de nature à améliorer les conditions d'exercice de la profession pour les chauffeurs et l'industrie du taxi en général. Le Syndicat des métallos compte quelque 50 000 membres au Québec ? j'imagine qu'ils veulent en compter 17 000 de plus. La FTQ, la plus grande centrale syndicale québécoise, représente près d'un demi-million de membres.» Donc, M. le Président, ce n'est pas l'opposition qui le dit, ce n'est pas les chauffeurs de taxi qui le disent, ce n'est pas les opposants au gouvernement, quelque groupe quelconque, c'est la FTQ elle-même qui dit: Oui, on va gérer la patente, nous autres, puis, les chauffeurs de taxi, on va s'organiser pour que, en fin de compte, on puisse les représenter comme un syndicat. Peu importe qu'ils soient des patrons, peu importe qu'ils soient des non-patrons, en fin de compte, ce qui est important, c'est qu'on va avoir 17 000 cotisations, et puis, le gouvernement, on lui dira merci, il nous aura retourné l'ascenseur pour les services qu'on leur aura rendus.
Le ministre, je me souviens, à la période de questions la semaine dernière, me disait: Bien non, ce n'est pas un syndicat! Vous ne lisez pas votre loi! M. le Président, on a très bien lu la loi, puis il devrait peut-être consulter M. André Tremblay, qui est le directeur adjoint du Syndicat des métallos. Lui, il est allé un petit peu plus loin, dans un article de journal. Des fois, on dit des choses qu'on pourrait regretter à des journalistes, lorsqu'on veut cacher quelque chose, mais, lui, le 10 mai de cette année, il a dit, ce M. André Tremblay là ? et, je le répète, il est directeur adjoint du Syndicat des métallos, affilié à la FTQ: «Elle pourrait ? parlant de l'association professionnelle ? être rattachée aux métallos en vertu d'un contrat de services.» Donc, de toute évidence, la FTQ se réjouit le 1er mai. Quelques jours plus tard, le directeur général, André Tremblay, se réjouit lui aussi parce que cette fameuse association professionnelle ? parce que le ministre n'aime pas qu'on emploie le mot «syndicat» ? cette association professionnelle sera livrée au Syndicat des métallos, qui pourra, en fin de compte, récolter les 17 000 cotisations. Au point de départ, c'est l'historique du dossier. Pourquoi nous sommes rendus ici aujourd'hui? C'est tout simplement pour des promesses faites à la FTQ.
Donc, on se retrouve devant le projet de loi n° 163, que l'on veut scinder, un projet de loi qui, dans un premier temps, veut améliorer les services de taxi, faire en sorte que les taxis soient plus sécuritaires, qu'ils soient plus propres. Même, le ministre hier disait: Peut-être qu'on pourrait rajouter une clause dans le projet de loi qui ferait en sorte qu'il y aurait tolérance zéro concernant l'alcool au volant pour les chauffeurs de taxi. M. le Président, oui, on est prêt à voter une loi de ce genre. D'ailleurs, en passant, on a offert au ministre d'améliorer la loi et de faire en sorte d'être beaucoup plus sévère pour les gens qui prennent de l'alcool au volant.
Ceci étant dit, M. le Président, on est tous pour la vertu, on est pour l'amélioration des services, d'un côté. Ça, il n'y a pas de problème, et c'est la première partie de la loi. C'est pour ça qu'on veut scinder le fameux projet de loi, pour faire en sorte que la première partie améliore les services. Mais, par contre, dans la deuxième partie... Et là il y a un problème, et on vous l'a dit hier. Il y a plusieurs de mes collègues, d'ailleurs, qui sont intervenus aujourd'hui pour le dire. Je vois le député de Laurier-Dorion ? j'étais pour dire «Laurier Station», mais Laurier-Dorion ? qui a lui-même déposé la motion de scission, il l'a dit à plusieurs reprises, M. le Président, que nous sommes d'accord pour l'amélioration du service, un. Et, deux, par contre, concernant le fameux forum de l'industrie du taxi, là, il y a des questions à se poser, tellement que, moi, en sept ans ici... Le député de Laurier-Dorion a une plus grande expérience. Je pense que lui non plus n'a jamais vu un projet de loi où on pouvait nommer un comité, qui devrait normalement être indépendant, un comité qui serait nommé par le gouvernement du Québec de la façon suivante, c'est-à-dire que le Conseil des ministres, le gouvernement nomme le président du comité du forum de l'industrie du taxi, et il serait composé d'au plus neuf autres membres. Neuf autres membres nommés par qui? Par le ministre des Transports. On s'aperçoit que, lorsqu'on procède de cette façon-là dans une industrie, on a intérêt à être un ami du régime si on veut se faire écouter.
M. le Président, je pense que ça mérite que les citoyens puissent comprendre de quelle façon se fait le projet de loi, et puis la meilleure façon de le faire, c'est de vous lire les quelques articles qui en parlent. Parce que je me souviens, à la période de questions il y a une semaine... puis c'est l'habitude du ministre, lorsqu'il y a une question ici, à l'Assemblée nationale, c'est toujours pareil: L'opposition a mal lu le projet; s'il connaissait son dossier, il n'aurait pas dit ça. Moi, j'ai des petites nouvelles pour le ministre. J'ai rencontré des chauffeurs de taxi, la semaine dernière, qui avaient rencontré le ministre durant la semaine, et puis ils expliquaient au ministre que le Forum des intervenants de l'industrie du taxi, puis l'association professionnelle, puis un paquet d'autres choses, c'était questionnable. À ce moment-là, on m'a dit, c'est peut-être des mauvaises langues, là, mais on m'a dit que, après les explications qu'on a données au ministre, il s'est reviré à côté, vers son attaché politique Frédéric Dubé, il lui a dit: C'est-u vraiment ça que ça dit, le projet de loi? Pour moi, on a des choses à corriger.
n(17 h 30)n M. le Président, on peut en profiter présentement pour corriger le projet de loi, puis la première chose à faire, ce serait de scinder le projet de loi en deux, c'est de voter en faveur de cette motion de scission puis faire en sorte qu'on ait un projet de loi qui se tienne debout. Puis, pour vous démontrer que, particulièrement au chapitre IX, le Forum des intervenants de l'industrie du taxi, on a vraiment des problèmes de démocratie au Québec, je vous lis juste deux petits articles pour vous démontrer de quelle façon on fait les nominations dans le Forum des intervenants de l'industrie du taxi. L'article 71: «Est institué le "Forum des intervenants de l'industrie du taxi".
«Ce Forum a pour objet de favoriser la concertation entre les principaux intervenants de l'industrie du taxi au regard des diverses pratiques commerciales prévalant dans cette industrie dont, notamment, celles affectant le développement des ressources humaines, et de conseiller le ministre ? donc, M. le Président, la loi est claire, le Forum de l'industrie du taxi a comme objectif de conseiller le ministre ? sur les mesures destinées au développement de cette industrie.» M. le Président, je veux saluer ça en partant, ça a l'air très démocratique. On fait un forum des intervenants de l'industrie du taxi. On peut s'imaginer que c'est tous des gens qui vont connaître ça, des gens spécialisés dans chacun de leurs domaines respectifs dans le domaine du taxi qui vont s'asseoir alentour d'une table puis qui vont conseiller le ministre sur les meilleures façons d'agir dans le domaine du taxi. Jusque-là, on était très heureux, mais on commence, à la ligne suivante...
«Le Forum se compose d'un président ? jusque-là, pas de problème ? nommé par le gouvernement ? bon, disons que, si le président est nommé par le gouvernement, ça peut avoir un certain sens; on va aller voir les autres, quelle est la façon de procéder ? et d'au plus neuf autres membres nommés par le ministre ? donc, M. le Président, on est devant un forum de l'industrie du taxi d'au plus 10 personnes, une nommée par le gouvernement et neuf autres nommées par le ministre, donc 10 de la même gang ? afin de représenter les titulaires de permis de chauffeur de taxi, les intermédiaires en services de transport de taxi, les titulaires de permis de propriétaire de taxis, y compris ceux dont les services de transport par taxi sont spécialisés, et les clients.» Donc, M. le Président, dans le projet de loi, on ne dit pas qu'on va avoir un représentant des titulaires de permis, un représentant des clients, un représentant d'un autre groupe. Non. On nomme ces neuf personnes-là, puis elles vont représenter tous ces groupes-là. Mais où est-ce qu'on les prend? Il n'y a aucune indication si on va choisir des gens qui sont compétents, si ce n'est pas juste des gens qui sont des amis du régime. Il n'y a aucune garantie là-dessus.
L'article 72, M. le Président: «Le ministre détermine, par arrêté publié à la Gazette officielle du Québec, le mode de fonctionnement du Forum.» Là, en plus de nommer le président, de nommer les neuf membres, le mode de fonctionnement du Forum est déterminé par le ministre lui-même. Donc, il nomme son monde, puis il lui dit quoi dire, puis il lui dit comment ça va marcher, puis, en plus, il désigne parmi les employés de son ministère un secrétaire. Donc, ce n'est pas un triomphe de la démocratie, ce genre de loi là.
Malheureusement, je peux vous dire que je suis déçu, je suis excessivement déçu de voir que seulement ici, au Québec, on puisse penser à rédiger un projet de loi de cette façon. J'espère que ça ne deviendra pas une habitude, une habitude de rédiger de cette façon. Et je discutais avec des gens du Barreau, hier. D'ailleurs, j'aurai probablement, dans le courant des débats, à vous présenter cette opinion-là, que je pense que oui, ça devient une habitude. Dans la loi n° 170, on nous parle d'un fonctionnement semblable, celui sur les fusions forcées. Donc, on nomme notre gang, à laquelle on indique de quelle façon elle va fonctionner. Indirectement, on lui dit aussi quoi penser, puis on lui dit aussi quel rapport elle devrait nous faire, et puis on s'inspire du rapport qu'on nous donne, qui est dicté par le ministre lui-même, pour donner ça au grand public. Donc, ce fameux Forum là est pour le moins douteux.
M. le Président, il y a autre chose aussi dans le projet de loi qui est totalement inacceptable. Le projet de loi en question, qui crée l'Association professionnelle de l'industrie du taxi, des chauffeurs de taxi, fait en sorte aussi qu'on abolit les ligues. On abolit les ligues actuelles, les 57 ligues. Soit! Mais il s'agit de voir de quelle façon on va remplacer ces ligues-là. On s'aperçoit que, lorsqu'on regarde bien le projet de loi, premièrement, la représentation régionale est éliminée. Ça va être tout central. C'est tout dirigé par une seule association. Le ministre nous disait, hier: Non, ça ne sera pas comme ça, il va y avoir des voix régionales. Il faudrait l'écrire dans le projet de loi. Donc, on pourrait profiter de la situation d'aujourd'hui, où le député de Laurier-Dorion a demandé une scission du projet de loi, pour revoir les deux bords du projet: le bord qui se tient debout puis le bord qui ne se tient pas debout. Je pense qu'il y a des améliorations à faire, puis il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de place à amélioration.
Donc, cette association professionnelle là n'a pas de représentation régionale, du moins non indiquée dans le projet de loi. Pire que ça, M. le Président, vous savez qu'il y a 57 ligues de taxis au Québec. Il y en a ici, dans la région de Québec, peut-être qu'il y en a chez vous, dans la région du Saint-Maurice, il y en a à Montréal, il y en a partout au Québec, 57 ligues, il y en a une dans ma ville. Ce que l'on voit, c'est que le projet de loi fait en sorte qu'on gèle les biens des ligues de taxis. Vous me direz: Oui, quand le projet de loi sera adopté, probablement qu'il rentrera en vigueur et, à ce moment-là, que les dispositions de la loi vont entrer en vigueur. Non. Le projet de loi nous dit que les biens des ligues de taxis vont être gelés à partir du moment non de l'adoption, non de la sanction du projet de loi, mais de son dépôt, le dépôt le 15 novembre, la semaine passée. Depuis ce temps-là, le liquidateur nommé a la saisine des biens.
Entre-temps, le temps que le liquidateur arrive là puis qu'il s'empare de ces biens-là, les administrateurs des ligues de taxis sont tenus responsables des biens en possession des ligues de taxi. Donc, M. le Président, pour vous donner un exemple ? puis je le donnais hier ? je prends la Ligue de taxis de Montréal parce que, évidemment, elle est plus importante en nombre que les autres ligues. La Ligue de taxis de Montréal a environ un demi-million de dollars en valeurs. Ils ont amassé une bâtisse sur la rue Lajeunesse, une bâtisse qui vaut plus ou moins 250 000 $. Suite à la saine administration des dirigeants de la Ligue de taxis de Montréal, ils ont aussi accumulé environ 250 000 $ en biens liquides, donc pour un total d'environ 500 000 $, un demi-million de dollars. Donc, la loi, telle que formulée, fait en sorte qu'on gèle les biens de 500 000 $, par exemple, et qu'on dit aux administrateurs: S'il vous prend l'idée de remettre l'argent aux propriétaires de taxi qui ont cotisé à même leurs deniers: Vous allez être responsables de ça. Donc, ce que l'on dit, c'est: Gardez ça, là; ne touchez pas à ça, on va vous dire ce qui va arriver. Et, plus loin dans la loi, M. le Président, on leur dit ce qui arrive, c'est que le liquidateur nommé va prendre possession des biens des ligues de taxis, dont le 500 000 $ de la Ligue de taxis de Montréal, et va les remettre à l'association professionnelle.
M. le Président, vous savez, l'association professionnelle, ce que c'est ? la FTQ le disait tantôt ? c'est une organisation qui va être gérée par le Syndicat des métallos du Québec. Donc, on prend l'argent des propriétaires de taxi qui ont cotisé volontairement, qui ont donné cette administration-là à des gens responsables, qui ont accumulé des biens, qui ont donné des services aux chauffeurs de taxi, on prend cet argent-là puis on donne ça au Syndicat des métallos. C'est la première fois que je vois ça. Il y a des députés qui ont peut-être plus d'expérience que moi ici, à l'Assemblée nationale, mais, moi, c'est la première fois que je vois un projet de loi qui implique une chose qui est totalement inacceptable. Donc, je pense qu'on pourrait en profiter, par cette motion de scission, pour faire en sorte de retirer ce genre de principe là qui est, à notre avis, totalement inacceptable.
n(17 h 40)n M. le Président, l'an dernier, mon prédécesseur, le député de l'Acadie, et le ministre des Transports ont tenu une commission parlementaire dans le but d'entendre des groupes. Je pense qu'il y a des dizaines sinon une centaine de groupes qui sont passés en commission parlementaire, et aujourd'hui on est devant un projet de loi qui ne reflète pas du tout, pas du tout ce qui a été entendu en commission parlementaire. Souvent, on se demande pourquoi le gouvernement convoque des groupes si on ne veut pas les écouter. Je pense que le problème, c'est qu'on peut les entendre, on peut peut-être les écouter, mais je pense qu'on ne comprend pas. Parce qu'il y a des distinctions à faire. Je pense qu'on devrait comprendre des groupes. Donc, ce que fait le gouvernement, c'est de faire des commissions parlementaires juste pour en faire, faire venir des gens juste pour les faire venir en commission parlementaire, et peu importe ce qu'ils vont dire, on ne les écoutera pas, sauf peut-être si le groupe qui est entendu, c'est le Syndicat des métallos ou de la FTQ. Là, à ce moment-là, on va les écouter. À force de talonner le ministre... Le ministre, pas plus tard qu'hier ou avant-hier, me disait: Oui, on va encore écouter des groupes en commission parlementaire. Bien. Soit! Mais j'espère qu'on va vouloir les comprendre aussi, ces groupes-là.
M. le Président, on m'a envoyé la liste des organismes qui seront invités à comparaître en commission parlementaire, j'imagine, la semaine prochaine pour donner leur opinion sur la loi n° 163, la loi sur l'industrie du taxi. De prime abord, moi, j'ai parlé à beaucoup de chauffeurs de taxi, j'en ai rencontré des dizaines et des dizaines. Je n'en ai pas rencontré beaucoup qui m'ont dit qu'ils étaient d'accord avec le projet de loi, sauf exception. Et, je dois le dire, j'ai rencontré un M. Couture de Québec qui, lui ? je l'ai rencontré ici, dans le corridor ? m'a dit: Moi, je suis chauffeur de taxi puis je suis d'accord. Bien, je respecte ça. Il m'a aussi donné sa carte du Syndicat des métallos. Ça fait qu'on peut comprendre pourquoi celui-là, il est d'accord avec le projet de loi.
Alors, M. le Président, on va écouter ces groupes-là la semaine prochaine, mais je demanderais aussi au ministre peut-être d'écouter les chauffeurs de taxi. Les chauffeurs de taxi, on le sait, ça parle beaucoup, on en prend régulièrement ? j'en ai pris encore un, taxi, hier ? puis je n'en ai pas encore rencontré, des gens qui étaient d'accord avec le projet de loi. Plutôt que d'envoyer les gens se faire cuir un oeuf, je l'inviterais plutôt à prendre un taxi puis à poser des questions. Donc, on sera, la semaine prochaine, devant la commission, et le ministre m'a donné une liste de gens que nous allons rencontrer, des gens que nous allons écouter et, j'espère, des gens que nous allons comprendre. J'invite le ministre à écouter attentivement aux fins de comprendre, comprendre quels sont les besoins de l'industrie du taxi.
Donc, nous allons entendre l'Association du transport urbain du Québec; le Bureau du taxi de la Communauté urbaine de Montréal; le Comité provincial de concertation et de développement de l'industrie du taxi; la Confédération des organismes de personnes handicapées du Québec; la Coopérative des limousines de la Communauté urbaine de Montréal; la Ligue de taxi de Québec; l'Office des personnes handicapées du Québec; le Regroupement québécois du taxi. M. le Président, j'ai fait ajouter quelques noms...
Une voix: C'est tout?
M. Brodeur: C'est tout pour l'instant, oui. Il n'y en a pas. J'ai fait rajouter... Je suis curieux d'entendre le Barreau du Québec parce que, lorsqu'on rédige des lois de cette façon-là ? et, M. le Président, vous avez aussi des études de juriste ? lorsqu'on est devant un projet de loi rédigé de cette façon-là, ce qu'on veut entendre... On pourrait entendre aussi la Chambre des notaires du Québec, on pourrait aussi entendre le Barreau.
Une voix: ...
M. Brodeur: Oui, ça pourrait être intéressant. On pourrait entendre, comme je disais, les gens qui sont habitués de lire des lois et de voir quel type de rédaction on fait en pays démocratique, et j'ai l'impression, moi, qu'on va entendre des choses intéressantes si on entend le Barreau du Québec.
Je vous ai parlé tantôt de l'Association des limousines de Montréal, ALM inc. On devrait aussi entendre ces gens-là. On va entendre ces groupes-là la semaine prochaine. J'espère qu'ils seront bien compris, parce que ce qui règne présentement dans l'industrie du taxi... Le climat est malsain. Je pense que le grand responsable de ça, c'est le ministre des Transports. Je l'ai vu ici à quelques reprises insinuer des choses sur, par exemple, le président de la Ligue de taxis de Montréal qui n'est pas de son avis. Mais, quand vous n'êtes pas de l'avis du ministre des Transports, naturellement, vous n'êtes pas bien, bien fin, hein?
Une voix: ...
M. Brodeur: Ça fait que, comme j'entends ici, on les traite souvent de gosseux de poils de grenouille et d'autres qualificatifs de ce genre-là, M. le Président. Donc, le ministre insulte régulièrement les gens qui ne sont pas d'accord avec le projet de loi sur les taxis. Il l'a fait encore la semaine passée. Je l'entendais à l'émission de Jean Lapierre, à CKAC, à Montréal. Il a été une heure à l'émission. J'ai bien écouté l'émission, puis il s'est mis, durant une heure... Naturellement, il a donné sa version des faits, pas celle que je raconte aujourd'hui, hein, parce que c'est certain que, à la radio, le projet de loi, c'est pour améliorer les services de taxi. Mais tout le monde est pour ça, tout le monde est pour la vertu, sauf que, en passant, c'était plus fort que lui, il a fallu qu'il frappe une fois de temps en temps sur le président de la Ligue de taxis de Montréal. Il l'a brassé un peu.
Donc, j'ai reçu une lettre du Regroupement québécois du taxi qui dénonce l'attitude du ministre des Transports dans le dossier du taxi. Je pense que ces gens-là sont prêts à négocier un projet de loi intelligent. Ils sont venus s'exprimer en commission parlementaire, mais ils n'ont pas été compris. Depuis ce temps-là, le ministre des Transports s'acharne à essayer de détruire la crédibilité des gens qui ne partagent pas son opinion, et, comme je le disais hier, j'ai reçu cette lettre du Regroupement québécois du taxi, datée du 27 novembre, adressée au ministre des Transports. «Objet: Correction des inexactitudes mentionnées en ondes le 23 novembre dernier.» Ce sont des gens qui ont été profondément blessés des propos du ministre. Le ministre a insinué toutes sortes de choses sur ces gens-là. Donc, M. le Président, je vais vous en lire un bout pour permettre à nos collègues, ici, d'éclairer leur opinion, pour permettre aussi aux gens à la maison de connaître de quelle façon le ministre des Transports traite ses concitoyens.
La lettre commence ainsi: «M. le ministre ? si vous me permettez, M. le Président ? nous avons écouté vos propos diffusés sur les ondes de Radio-Média le 23 novembre dernier et nous avons relevé plusieurs inexactitudes dans votre discours. Nous ne nous attarderons pas maintenant sur les différentes inexactitudes techniques portant sur le transfert de permis, le droit de vote des chauffeurs et les demandes relatives aux bénévoles. Ainsi, vous m'imputez l'intention de sauver mon poste et de gérer mon petit royaume.» On connaît l'expression du ministre, M. le Président, celui qui est contre lui ou qui s'exprime plus fortement que les autres, qui est le président du Regroupement québécois du taxi qui regroupe toutes les ligues de taxis au Québec, on lui dit que, lui, s'il est contre le projet de loi, c'est parce qu'il veut sauver sa job puis son petit royaume. Ça s'adonne que le petit royaume, c'est toutes les ligues de taxis du Québec.
Une voix: Comme si le ministre n'en avait pas un, petit royaume.
M. Brodeur: Oui.
Une voix: Le roi de Joliette.
M. Brodeur: M. le Président, justement, le ministre a, lui aussi, son petit royaume de Joliette, mais ça, c'est autre chose.
«Vous laissez également entendre ? je continue ma lettre, M. le Président ? que le RQT n'est composé que de quatre personnes qui prétendent parler au nom de la majorité des propriétaires de taxi de la province de Québec. Or, vous savez très bien qu'il y a 18 ligues, présidents et conseils qui sont membres du RQT et qui partagent la même vision: maîtres chez nous et unis à travers la province.» En passant, M. le Président, j'ai rencontré tous les présidents de ces ligues-là, il y a quelques jours: le président de la Ligue de Sainte-Foy, le président de la Ligue de Saint-Hyacinthe, le président de la Ligue de Drummondville, le président de la Ligue de Saint-Eustache, le président de la Ligue de Laval, les présidents de ligue partout au Québec, et le ministre continue à dire que c'est un groupuscule, obscur probablement, qui est contre le ministre.
n(17 h 50)n M. le Président, le président du Regroupement québécois du taxi continue. À la page 2, il dit: «Il appert que vous comprenez mal les propositions et l'existence même du RQT. En effet, nous avons toujours prôné que nous voulions une confédération des ligues et un regroupement régional de ces diverses entités. Nous n'avons jamais soutenu que l'on devait maintenir le statu quo à 57 ligues.» M. le Président, de toute évidence, les ligues de taxis, l'industrie du taxi est prête à un changement, mais pas n'importe quel changement. «Nous sommes en faveur d'un changement mais contre la centralisation du pouvoir entre quelques mains à l'échelle de la province. Nous sommes également contre le fait que les administrateurs provisoires seront nommés par vous et la Commission des transports plutôt qu'élus. De plus, il appert que vous faites confiance à des présidents de ligue qui souvent ne parlent même pas au nom de leurs propres membres et qui sont des dissidents par rapport à la position de la majorité des propriétaires.» M. le Président, le président de la Ligue faisait allusion au président de la Ligue de taxi de Québec, un M. Dumais, et à celui de Longueuil, M. Lévesque ? M. Lévesque, on sait, qui est un fervent admirateur de la FTQ aussi. Donc, le ministre s'est trouvé deux émissaires dans l'industrie du taxi pour faire la promotion des services du Syndicat des métallos, et essaie de faire croire à la population que le groupe qui conteste le projet de loi, c'est un tout petit groupe obscur, peut-être quatre personnes, puis, à part ça, tout le reste est en faveur de son projet de loi. Il y a un miracle qui s'est produit au printemps, là, ces quatre personnes-là ont pu conduire 1 000 autos de taxi devant le bureau du premier ministre du Québec à Montréal.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brodeur: Donc, il y a des choses très mystérieuses qui peuvent se passer, parfois. Mais il semble que les chauffeurs de taxi de même que l'opposition et sûrement plusieurs députés, ici, du parti ministériel ne sont pas dupes de ce genre de propos, et sûrement, M. le Président ? j'espère et je pense ? que ces gens-là devraient voter en faveur de la motion de scission afin de faire en sorte qu'on puisse éventuellement améliorer le projet de loi.
Je continue la lecture de la lettre, M. le Président, parce que c'est très éloquent: «Seuls ceux qui pensent comme vous sont vertueux?» Donc, je pense que le président du Regroupement des taxis du Québec a tout compris, ceux qui ne pensent pas comme le ministre ne sont pas vertueux. C'est ce qui est écrit, ici: «Ces gens représentent une minorité de propriétaires qui sont en accord avec la structure d'association professionnelle proposée. Quant à la vaste majorité, sachez, M. le ministre, qu'elle est contre.» Donc, ces quatre personnes-là, dont le ministre a dit qu'elles étaient quatre, ça représente la vaste majorité des gens. J'imagine qu'il n'y a pas beaucoup de taxis au Québec, mais ça, c'est un autre mystère. Probablement que le ministre interviendra pour résoudre cette situation.
«Vous vous êtes fait écho de certains en mentionnant que les ligues n'ont rien fait. Or, vous avez tout faux. En effet, certaines ligues ont multiplié les services à leurs membres et ont même étendu ces services aux chauffeurs qui se montraient intéressés. Lorsque vous faites référence à des ligues de trois ou quatre personnes, nous sommes d'accord que ces dernières n'ont rien pu accomplir, faute de moyens.» M. le Président, pour avoir discuté avec les chauffeurs de taxi, il est vrai que nous pouvons améliorer le système. C'est vrai qu'une ligue de taxi qui a un, deux ou trois chauffeurs ne peut se donner les moyens, par exemple, de prendre une assurance collective. Ça, nous sommes d'accord avec ça. Mais une vraie association professionnelle, si on formait une vraie association professionnelle indépendante au lieu d'un syndicat, elle aussi pourrait se donner le moyen, pour tous les chauffeurs de taxi du Québec, de donner ces services-là qui seraient aussi valables que n'importe quelle autre association professionnelle. On pense au Barreau, à l'Association des optométristes, des dentistes, etc., qui offrent les mêmes services, et ce n'est pas des syndicats. Donc, on aurait pu rédiger un projet de loi qui aurait permis à l'association professionnelle d'être une vraie association professionnelle, pas un syndicat, et qui pourrait offrir les services à ses membres.
Je continue la lecture: «Cette situation, M. le ministre, c'est le gouvernement qui l'a créée. Nous voulons éviter qu'une erreur de la part du gouvernement se traduise en 25 années de mauvaises représentations pour les propriétaires de taxi.» M. le Président, c'est le président du Regroupement des taxis québécois qui implore le gouvernement de ne pas adopter un projet de loi comme celui que l'on connaît présentement parce que ce serait une erreur. C'est une réforme qui est une erreur. On a eu des réformes... Je n'ose pas dire ce mot-là, «réforme», c'est rendu péjoratif. On se souvient de la réforme de la santé, c'est une catastrophe totale. La réforme de l'éducation, je ne sais pas comment la qualifier, avec les nouveaux types de bulletins, mais pour moi c'est un échec. Et on y va d'une réforme qui semble pire dans l'industrie du taxi, et les chauffeurs de taxi du Québec implorent le gouvernement de ne pas adopter le projet de loi tel quel, qui ne satisfait pas les besoins de l'industrie du taxi au Québec.
Donc, M. le Président, je continue la lecture de la lettre: «Nous avons toujours prôné la réduction de nombre de ligues pour en arriver à des organismes fonctionnels et dynamiques. Ces propositions ont été remises, le 10 mai dernier, au bureau du premier ministre.» Donc, j'invite le ministre des Transports peut-être à passer au bureau du premier ministre et à ramasser les recommandations des chauffeurs de taxi, ça pourrait peut-être l'éclairer.
Quant aux déboires qu'a connus la Ligue de Montréal, sachez que c'est l'actuel M. Farès Bou Malhab qui, à la tête de plusieurs mécontents, a demandé à la Commission des transports du Québec de faire enquête sur les pratiques qui prévalaient dans l'administration de la Ligue de taxis de Montréal. Donc, M. le Président, il y a des choses qui se sont passées dans l'industrie du taxi, qui n'étaient pas recommandables, et il fallait absolument mettre de l'ordre là-dedans, il fallait absolument mettre de l'ordre dans l'industrie du taxi. Il y a eu rapport, à la demande même du président de la Ligue de taxis de Montréal, pour faire le point sur l'industrie du taxi, pour faire en sorte que l'on puisse procéder à la rédaction d'un projet de loi qui pourrait contrecarrer les mauvaises pratiques dans l'industrie du taxi. On s'attendait donc, de la part des présidents de ligue de taxis du Québec, que le gouvernement du Québec était pour déposer un projet de loi intelligent pour améliorer les services de taxi.
M. le Président, chaque fois qu'on dépose un projet de loi ici, il faut toujours en passer une petite vite au travers. Dans ce projet de loi là, on en passe, des petites vites, en masse: un forum qui est totalement antidémocratique, une association professionnelle qui est un syndicat, on s'approprie les biens des ligues, des centaines de milliers de dollars, pour les repasser au syndicat. Donc, je pense qu'on est devant un projet de loi qui est totalement inacceptable.
Vous me dites qu'il me reste quelques minutes, M. le Président. Je vais continuer la lecture de cette lettre-là avant de conclure: «Depuis la tutelle, j'occupe le poste de président, et, en toute humilité, j'ai réussi, de concert avec mon conseil, à rétablir les finances de cette Ligue et à multiplier les services aux membres et, dans certains cas, aux chauffeurs. Cessez donc vos attaques personnelles et purement revanchardes et concentrez-vous sur le débat.» Le président de la Ligue de taxis de Montréal, le président du Regroupement du taxi québécois est clair, et puis je pense... Vous connaissez le ministre des Transports, on le connaît tous, il y va d'attaques personnelles. Donc, je pense que, dans une démocratie moderne, il est important de concentrer le débat sur la loi, sur les faits et non pas sur le messager.
Ce que fait le ministre des Transports, c'est d'attaquer le messager. On attaque le messager, on essaie de discréditer le messager pour faire en sorte qu'on puisse passer le projet de loi pour satisfaire la FTQ et particulièrement le Syndicat des métallos qui est une filiale de la FTQ. Donc, les gens à la maison qui nous écoutent, lorsqu'on parle du Syndicat des métallos puis lorsqu'on parle de la FTQ, il faut savoir que c'est la même gang. Donc, on retourne l'ascenseur à la FTQ et, pendant ce temps-là, on essaie de faire croire que les mauvais garnements, ce sont les présidents des ligues de taxis et que tous les chauffeurs de taxi que le ministre connaît sont pour. Mais il en connaît deux.
Des voix: C'est un groupuscule.
M. Brodeur: Oui, il les appelle justement... On me souligne qu'il appelle les chauffeurs de taxi des groupuscules.
M. le Président, je continue la lecture de cette lettre-là parce qu'il y a un tas de choses intéressantes qui ont été découvertes par nos concitoyens chauffeurs de taxi au sujet du ministre... Pardon?
Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Shefford, excusez-moi. M. le leader adjoint.
M. Boulerice: M. le Président, il est 17 h 58.
Une voix: Non, 17 h 57 min 30 s.
Le Vice-Président (M. Pinard): Oh! Alors, je m'excuse, M. le leader adjoint du gouvernement. Je m'excuse. Et également permettez-moi, M. le député de Shefford, de vous mentionner qu'il vous reste encore environ une minute pour terminer pour 18 heures. Mais, si vous désirez poursuivre votre allocution ce soir à 20 heures, il vous restera un temps de parole de six minutes ou huit minutes, dépendamment de la présence ou non du député indépendant. Alors, M. le député, si vous voulez bien poursuivre encore 10 secondes.
n(18 heures)nM. Brodeur: Merci, M. le Président. Je tiens à souligner que je vais continuer mon discours ce soir, et ça me fera plaisir, à ce moment-là, d'écouter les arguments ou bien la décision du ministre des Transports de retirer son projet de loi ou, du moins, minimalement, d'accepter la scission du projet de loi.
Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. Alors, merci infiniment. Il est maintenant 18 heures... Il est 18 heures. Alors, le député de Shefford n'a point terminé son allocution, et je suspends nos travaux à ce soir, 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 2)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez-vous asseoir, s'il vous plaît.
Alors, nous allons poursuivre le débat sur la motion de scission, et je vais céder la parole à M. le député de Shefford, qui a déjà parlé 51 min 18 s. Il vous reste quelque six minutes.
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je peux vous dire d'entrée de jeu que je suis impressionné de voir le groupe de députés du parti ministériel ici présents. Je vois que le sujet les intéresse énormément.
M. le Président, nous sommes sur le débat concernant la motion de scission, suivant l'article 241, la motion de scission, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent à la maison, qui se lit ainsi:
«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 163, Loi concernant les services de transport par taxi, soit scindé en deux projets de loi: un premier, intitulé Loi concernant les services de transport par taxi, comprenant les articles 1 à 70 et 74 à 140; un second, intitulé Loi instituant le Forum des intervenants de l'industrie du taxi, comprenant les articles 71 à 73, 133, 137, 139 et l'article 140 jusqu'au mot "gouvernement", à la deuxième ligne dudit article.» Donc, M. le Président, comme nous le disions cet après-midi, le projet de loi qui nous est présenté ? le projet de loi n° 163 ? a plus d'un principe. On aurait pu, comme je l'ai dit tantôt, diviser le projet de loi en quatre principes. Peut-être que nous pourrons le faire avec le consentement du ministre des Transports et le consentement du parti ministériel.
Mais il appert que, dans un premier temps, nous sommes d'accord à accepter un projet de loi sur l'industrie du taxi qui permettrait d'améliorer les services, d'avoir des autos plus propres, plus sécuritaires et qui pourrait permettre, en fin de compte, d'aller de l'avant avec un projet sur lequel l'opposition et les chauffeurs de taxi sont d'accord.
Deuxième partie du projet de loi, M. le Président, et c'est sur cette deuxième partie que nous fondons notre motion afin de scinder le projet en deux, c'est-à-dire la partie qui forme le forum de l'industrie du taxi. Donc, M. le Président, on peut s'inspirer du projet de loi n° 135, comme nous le disions cet après-midi, qui a été déposé au printemps dernier. On se souviendra que le ministre a créé le forum du camionnage dans un seul projet de loi, et on peut s'en inspirer. Je suis convaincu que le ministre va acquiescer à cette demande afin de déposer un projet de loi qui pourra permettre un forum de l'industrie du taxi, mais dans un cadre qui serait acceptable par tous.
Pas plus tard qu'hier, lors du premier discours sur l'adoption du principe du projet de loi n° 163, le ministre a été le premier à laisser entendre qu'il était pour déposer, en fin de compte, des amendements qui pourraient permettre à un projet de loi sur un forum de l'industrie du taxi d'être cohérent. Puis, pour être cohérent, de toute évidence, à la lecture du projet de loi, il est nécessaire ? pas utile, M. le Président, nécessaire ? de scinder le projet de loi en deux pour faire en sorte que tout le monde retourne faire ses devoirs, peut-être aussi s'inspirer de la commission parlementaire qui aura lieu la semaine prochaine, à laquelle nous entendrons des groupes qui pourront nous suggérer de quelle façon gérer ce forum du taxi. Je le rappelle, le forum actuel, c'est-à-dire celui qui est présenté dans le projet de loi n° 163, nous laisse entendre que ce forum-là sera composé d'environ 10 personnes, dont une nommée par le gouvernement et neuf autres personnes nommées par le ministre, et devra fonctionner suivant le mode de fonctionnement choisi par le ministre. Donc, au sens de l'opposition et au sens de la majorité des chauffeurs de taxi... Et j'espère que le ministre aussi en a pris conscience. Il a donné des signaux, sur lesquels on pourrait peut-être en venir à une entente, sur un éventuel projet de loi sur le forum de l'industrie du taxi qui pourrait faire en sorte que tout le monde s'entende.
M. le Président, vous me signifiez qu'il ne me reste peut-être qu'une minute. Tout simplement pour vous dire que j'espère, on espère de ce côté-ci que le ministre des Transports aura compris le message, aura non seulement compris le message de l'opposition, mais aussi le message de l'industrie du taxi, que, lorsque l'on veut créer un organisme ou une structure qui permettra de conseiller le ministre dans une industrie aussi importante, je pense que l'on se doit absolument, absolument d'avoir une loi-cadre qui va nous permettre de donner les services que les chauffeurs de taxi s'attendent de recevoir.
Donc, M. le Président ? je vois au cadran qu'il ne me reste que très, très peu de temps ? tout ce qu'on demande ici, de ce côté-ci, c'est que le ministre scinde le projet de loi en deux, que ça lui permette de refaire le projet de loi pour lequel... Ce que l'on voit présentement, c'est un brouillon, M. le Président. On a parlé de ligue de taxis, sur laquelle, en fin de compte, on s'approprie des biens pour les remettre à cette fameuse association-là. On voit aussi que l'association professionnelle n'est pas une vraie association professionnelle. On aurait à retoucher énormément à ce projet de loi pour que ça soit conforme à la volonté de l'industrie du taxi; on aurait aussi à refaire le principe sur lequel on s'approprie des biens des ligues de taxis pour les remettre à l'éventuelle association.
Donc, M. le Président, dans les quelques secondes qu'il me reste, je demande tout simplement au ministre... nous lui tendons la main, pour ainsi dire, du côté de l'opposition, pour qu'il scinde le projet en deux et, ultimement, peut-être retire le projet de loi pour une étude subséquente à la prochaine session. Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Shefford. M. le leader adjoint du gouvernement.
Motion d'ajournement du débat
M. Boulerice: Oui. M. le Président, je fais motion, en vertu de l'article 100 de notre règlement, pour ajourner le débat.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Laurent.
M. Dupuis: La motion est prématurée, M. le Président.
Une voix: Non.
M. Dupuis: La motion est prématurée, je ne vois pas le député de Rivière-du-Loup en Chambre. Évidemment, il y avait une enveloppe qui était réservée au député de Rivière-du-Loup. La moitié de l'enveloppe qui était dévolue au député de Rivière-du-Loup peut être utilisée par l'opposition, M. le Président, et nous le réclamons.
n(20 h 10)nLe Vice-Président (M. Brouillet): Et vous l'aurez en temps et lieu, mon cher ami. Le débat ne prend pas fin par une motion d'ajournement. Il se poursuivra en temps et lieu, et je réserve le cinq minutes pour le député indépendant, parce qu'il pourra se présenter quand on reprendra le débat. J'attends pour voir s'il sera là à ce moment-là. Vous comprenez? Très bien. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boulerice: Alors, M. le Président, je crois que vous avez répondu sagement. Vous ne décidez pas en fonction d'un degré ou d'un angle de vision, mais en fonction des règlements que vous avez promulgués.
Alors, M. le Président, je fais motion, comme je vous le disais, en vertu de l'article 100, d'ajourner le débat. Nous l'avions d'ailleurs proposé à l'opposition, qui a refusé, mais que voulez-vous?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, vous savez comme moi que l'article 101... vous pourrez le prendre: «L'auteur de la motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de 10 minutes. L'auteur de la motion a droit à une réplique de cinq minutes.» Alors, si vous n'acceptez pas, à ce moment-là vous réclamez le débat, je crois? Bon. Alors, l'auteur du débat a 10 minutes. Vous ne parlez pas? Donc, un représentant de l'opposition a 10 minutes, et nous reviendrons pour un 10 minutes, si vous l'utilisez, et deux minutes de réplique. Alors, M. le député de Shefford.
M. Bernard Brodeur
M. Brodeur: Merci, M. le Président. Ça fait toujours plaisir de prendre la parole en cette Chambre. Nous avons...
M. le Président, nous discutons du projet de loi n° 163 depuis hier. J'ai eu l'occasion durant quelques minutes de m'exprimer sur le projet. Ce qu'on se pose comme question ici, à la veille d'un ajournement de débat, c'est que nous avons probablement convaincu le gouvernement de la justesse des arguments de l'opposition. M. le Président, nous comprenons que le leader adjoint de l'opposition se fait le porte-parole des députés ministériels pour nous dire, en fin de compte, qu'ils ont compris le message et qu'ils vont ajourner le débat concernant la loi sur l'industrie du taxi. Ça va leur permettre de réfléchir ? je crois qu'ils ont compris le message ? et, à ce moment-là, nous serons heureux de travailler, à la prochaine session peut-être, sur un nouveau projet de loi, probablement scindé en deux, en trois ou en quatre, comme on l'a mentionné tantôt, et qui va nous permettre de donner un meilleur service non seulement à l'industrie du taxi, mais aux utilisateurs des services de taxi partout au Québec.
M. le Président, le gouvernement aura, j'espère, compris que nous sommes d'accord avec l'amélioration du service de taxi, l'amélioration de la qualité du service, et, je suis convaincu, je me fais le porte-parole des chauffeurs de taxi, qui, eux aussi, sont d'accord avec ce grand principe de loi là. Nous aurons aussi compris que les chauffeurs de taxi partout au Québec ainsi que l'opposition se sont montrés en désaccord avec le principe de cette association professionnelle là, M. le Président.
Vous devez comprendre, et probablement que le ministre des Transports aura compris aussi... et le communiqué de presse de la FTQ, du 1er mai, qui indiquait: La FTQ obtient du ministre Guy Chevrette la création d'une association professionnelle unique pour les 17 000 chauffeurs au Québec... lui aura permis de se poser des questions sur l'objectif de la création d'une telle «association professionnelle», entre guillemets, qui pourrait signifier en définitive la création de, plus ou moins, un syndicat à la solde du Syndicat des métallos et affilié à la FTQ. Donc, M. le Président, nous sommes heureux de constater que le gouvernement propose lui-même ? propose lui-même ? un ajournement du débat.
Donc, M. le Président, il y a un tas de choses dont le gouvernement et le ministre des Transports pourront profiter pour corriger, particulièrement le fait que l'on prenne, à même le projet de loi n° 163... que l'on saisisse immédiatement les biens des ligues de taxis au Québec.
Je l'ai répété à quelques reprises, M. le Président ? et j'ai toujours pris l'exemple de la ligue de Montréal tout simplement parce qu'elle est plus grosse que les autres ligues ? il y a 57 ligues de taxis au Québec, et la ligue de Montréal a des biens importants: environ un demi-million de dollars, une bâtisse de 250 000 $ et des biens amassés à la suite de la saine administration des gens qui ont gravité autour de la ligue de Montréal.
Donc, M. le Président, le projet de loi en question permettait, en fin de compte, de saisir les biens immédiatement. Quand je dis «immédiatement», c'est rétroactivement au 15 novembre de l'an 2000, pour, ensuite, rendre responsables les administrateurs de ces biens-là, pour faire en sorte qu'ils ne puissent remettre l'argent, les deniers ramassés à même les poches des propriétaires, à ces propriétaires-là, afin de conserver cet argent-là pour le remettre ultimement à l'association professionnelle, entre guillemets, contrôlée par la FTQ et donc par son Syndicat des métallos.
Donc, M. le Président, le temps permettra au ministre de refaire ses devoirs, de refaire un projet de loi qui sera conforme à la volonté de l'industrie du taxi. Donc, aussi, ça permettra également de revoir la façon dont le ministre a déposé les mesures pour créer le forum de l'industrie du taxi. Malheureusement, je pense que ça devient peut-être une habitude de la part du gouvernement, et j'espère que cette motion-là de la part du leader adjoint du gouvernement est un signe avant-coureur que ça ne se reproduira plus.
M. le Président, on sait que la nomination des gens qui font partie du forum de l'industrie du taxi est pour le moins douteuse.
Une voix: C'est ce qu'on... le minimum.
M. Brodeur: Le minimum. Donc, M. le Président, lorsque vous nommez un comité qui va conseiller le ministre, on saurait imaginer que c'est un comité qui est composé de chauffeurs de taxi, de gens qui vont représenter la clientèle, de gens qui vont graviter alentour de cette industrie-là, des gens qui connaissent l'industrie du taxi. La loi est faite de telle sorte qu'il n'est pas nécessaire que les gens qui vont former le comité soient des connaisseurs. Lorsqu'on lit l'article de la loi n° 163 sur lequel on se base pour former le comité, on l'a répété à maintes reprises, mais je pense que c'est important de le répéter à nouveau... le président est nommé par le gouvernement. Premièrement, ça, on peut toujours accepter que le président soit nommé par le gouvernement. De ce côté-là, ça peut aller. On dit également que ce comité sera composé de neuf autres membres qui seront nommés par le ministre seul.
Donc, je pense que c'est inacceptable dans une démocratie moderne de fonctionner de cette façon-là, d'autant plus que, plus loin dans le projet de loi, on peut lire que le fonctionnement du comité est, en fin de compte, suggéré ou imposé par le ministre des Transports. Donc, à partir de ce moment-là, M. le Président, on ne peut pas dire que le forum de l'industrie du taxi est composé de gens crédibles. Le ministre pourra peut-être me dire: Mais oui, ces gens-là vont représenter tel domaine, tel domaine ou tel domaine. Nous n'avons aucune espèce de garantie dans le projet de loi qui fait en sorte que ces gens-là ne seront pas des amis du régime. On ne peut accepter telle façon de procéder dans une démocratie moderne.
n(20 h 20)n M. le Président, l'ajournement du débat, j'espère, ne signifie pas non plus que nous n'écouterons pas en commission parlementaire les groupes que le ministre se propose de recevoir. Ce que l'on pense ici, de ce côté-ci, c'est que naturellement nous sommes d'accord sur l'ajournement du débat sur l'industrie du taxi; et, pendant ce temps, nous pouvons garantir au ministre que nous pouvons quand même écouter les groupes en commission parlementaire. Nous ferons des suggestions, probablement dans les 24 prochaines heures, sur d'autres groupes à écouter, et j'espère qu'on va se baser sur les opinions de ces groupes-là que nous aurons en commission parlementaire afin que le ministre des Transports puisse déposer éventuellement un projet de loi qui saura se tenir autant du côté du service dans le domaine du taxi, autant du côté d'une association professionnelle qui sera vraiment une association professionnelle autonome et à la charge de personne, un forum de l'industrie du taxi neutre qui va vraiment représenter les gens de toute l'industrie du taxi.
On a aussi souligné le fait que le projet de loi touche également l'industrie des limousines, on en a quelque peu parlé tantôt. Je pense que le ministre a montré une certaine ouverture hier, lorsqu'il m'a dit qu'on ne devrait pas toucher à l'industrie des limousines avec les mêmes conditions que l'on touche à l'industrie du taxi. Donc, on aurait pu aussi déposer une motion de scission pour retrancher cette partie-là de la loi. Donc, on ne l'a pas fait, mais je suis convaincu que le ministre aura compris le message de l'opposition. Nous comprenons ici, et c'est le message lancé par le leader adjoint du gouvernement, que nous allons arrêter le débat sur ce projet de loi là, nous allons suspendre le débat sur un projet de loi qui est inadéquat, et on comprend bien que le gouvernement retournera faire ses devoirs.
Donc, M. le Président, pour nous, il est inacceptable... Vous me dites cinq minutes?
Le Vice-Président (M. Brouillet): Cinq secondes.
M. Brodeur: Cinq secondes. C'est très court, M. le Président. Donc...
Une voix: C'est trop court.
M. Brodeur: C'est trop court. Donc, ce que l'on dit de ce côté-ci, c'est qu'on votera sûrement, cette fois-ci, avec le gouvernement pour ajourner les travaux sur le projet de loi concernant l'industrie du taxi. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.
Des voix: Vote nominal.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! Vote nominal. Alors, tout est prêt pour ça. Alors, que l'on appelle les députés, nous procéderons à un vote par appel nominal. Alors, je vais suspendre quelques minutes pour permettre aux députés de se rendre à l'Assemblée.
n(20 h 23 ? 20 h 31)nMise aux voix
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes et MM. les députés, je vous inviterais à prendre vos places. Alors, nous allons procéder au vote sur la motion d'ajournement du débat.
Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda?Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Gendron (d'Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie?Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Geoffrion (La Prairie), M. Paré (Lotbinière), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Côté (Dubuc), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson).
Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les... Très bien.
Le Secrétaire adjoint: M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. MacMillan (Papineau), M. Cholette (Hull), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Limoilou, si vous voulez vous...
Le Secrétaire adjoint: M. Després (Limoilou).
Le Secrétaire: Pour: 94
Contre: 00
Abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, la motion est adoptée à l'unanimité. Alors... Nous allons poursuivre dans quelques instants. Je sais que plusieurs députés ont des occupations ailleurs. Alors, pour leur permettre d'y vaquer, je vais suspendre quelques instants.
(Suspension de la séance à 20 h 36)
(Reprise à 20 h 37)
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mmes et MM. les députés, je vous inviterais à reprendre vos places. Nous allons poursuivre nos débats. Et je donnerai la parole à M. le leader adjoint du gouvernement pour nous indiquer l'item à l'ordre du jour.
M. Boulerice: Oui. M. le Président, vous comprendrez que c'est quand même avec un certain intérêt et beaucoup de plaisir que je vous réfère à l'article 15 du feuilleton de ce jour.
Projet de loi n° 160
Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 15, Mme la ministre de la Culture et des Communications propose l'adoption du principe du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives. Mme la ministre, je vous cède la parole.
Mme Agnès Maltais
Mme Maltais: Merci, M. le Président. C'est avec une grande fierté que j'ai déposé ici même, à l'Assemblée nationale, le 14 novembre dernier, le projet de loi n° 160 concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives. Une grande fierté parce que, même si, d'un point de vue juridique, les modifications apparaissent techniques, d'un point de vue social, il s'agit d'un grand jour pour le Québec. Nous allons créer une grande institution culturelle, un navire amiral de la lecture publique au Québec. Certes, cette idée n'est pas nouvelle, mais c'est aujourd'hui qu'elle se matérialise. Elle n'est pas nouvelle, parce que les projets antérieurs de relocalisation de la Bibliothèque nationale du Québec avaient souvent évoqué la solution que je vous propose, c'est-à-dire consacrer un lieu pour la conservation et un autre pour la diffusion, le site de la rue Holt et celui de la rue Berri.
En proposant à cette Assemblée de fusionner la Grande Bibliothèque du Québec et la Bibliothèque nationale pour en faire une nouvelle Bibliothèque nationale du Québec, j'avais à l'esprit trois préoccupations majeures: celle de réunir les conditions les meilleures à la fois pour les activités de conservation et celles de diffusion, reprenant ainsi à mon compte les projets antérieurs de la Bibliothèque nationale; ma deuxième préoccupation, produire un effet de synergie tel qu'il puisse agir comme une vague de fond sur l'ensemble du réseau de bibliothèques publiques du Québec, y compris les bibliothèques de quartier de la ville de Montréal; et enfin se doter d'un équipement capable d'assumer un leadership puissant sur la compréhension des habitudes de lecture, sur la stimulation du développement du savoir chez les jeunes Québécois et Québécoises. Voilà les raisons profondes qui ont motivé la décision de mon gouvernement.
n(20 h 40)n Permettez-moi, M. le Président, de m'expliquer davantage. Je vais reprendre un à un les éléments précédents. D'abord, concernant les meilleures conditions de conservation et de diffusion. Lorsque, par le passé, M. Philippe Sauvageau, ex-directeur de l'ancienne Bibliothèque nationale, évoquait le développement de son institution, il insistait constamment sur l'opportunité de consacrer deux lieux aux fonctions spécifiques de conservation et de diffusion. En effet, on se rappellera que, depuis sa création en 1967, la Bibliothèque nationale a constamment affronté des problèmes d'espace et de locaux. Plusieurs édifices ont été occupés, de nombreux services ont été déménagés à maintes reprises. La Bibliothèque nationale occupait, jusqu'à la construction du Centre de conservation, rue Holt, quatre édifices dispersés sur le territoire de Montréal. Les collections n'y étaient pas accessibles. La nécessité d'offrir des services efficaces ainsi qu'un meilleur accès au patrimoine publié soulevait des difficultés grandissantes. La dispersion était devenue un obstacle majeur à la réalisation du mandat de cette institution culturelle. C'est ainsi qu'en 1991, dans un article traitant du rôle et de la mission de la bibliothèque nationale d'un pays, M. Sauvageau s'exprimait ainsi: «Les activités de la Bibliothèque nationale seront regroupées dans deux bâtiments distincts, l'un destiné à la conservation et l'autre à la diffusion. La conception et l'aménagement du bâtiment de diffusion visent à décupler la fréquentation actuelle. La Bibliothèque nationale s'inscrit dans un courant adopté par les sociétés modernes qui favorise la démocratisation culturelle.» Fin de la citation.
Cette vision de l'articulation des deux missions fondamentales de la Bibliothèque nationale, soit la conservation et la diffusion, était reprise en 1997 dans la publication de la Bibliothèque nationale présentant le nouveau Centre de conservation de la rue Holt: «La conservation exige de protéger les documents de la manipulation et des changements atmosphériques ainsi que de les entreposer dans des conditions optimales. La diffusion demande plutôt une accessibilité favorisée par les divers modes de transport, une très grande visibilité et, par conséquent, une intégration au coeur des activités économiques, culturelles et de loisir de la population.» Fin de la citation, toujours, de M. Sauvageau. On constate facilement, M. le Président, que c'est justement ce que le projet de loi n° 160 permet de faire: maintenir et développer, la mission première de conservation de notre patrimoine documentaire national, rue Holt, dans un édifice climatisé et humidifié conformément aux normes internationales de conservation, hautement sécuritaire, et offrir un accès grand public, tout en prévoyant des espaces et des services réservés aux chercheurs dans un édifice situé au centre-ville.
Le concept, développé d'ailleurs à l'aide d'un concours international d'architecture ? je voudrais souligner en passant que les résultats de ce concours ont été salués par l'ensemble tant de la population de Montréal que des spécialistes en architecture ? prévoit la mise en valeur spécifique de la collection patrimoniale nationale de consultation sur place. L'adoption par l'Assemblée nationale, en 1998, de la Loi sur la Grande bibliothèque du Québec prévoyait déjà le transfert de la collection de diffusion de la Bibliothèque nationale à la Grande Bibliothèque. Aujourd'hui, nous sommes prêts, au Québec, à aller plus loin et à valoriser la symbiose nécessaire entre la conservation et la diffusion de notre patrimoine documentaire au sein d'une seule et même institution nationale.
De plus, M. le Président, en fusionnant les missions de l'actuelle Bibliothèque nationale et de la Grande Bibliothèque ? je dis bien «fusionnant», c'est-à-dire que les deux missions seront complètement intégrées, il n'y a aucun abandon de quelque partie de la mission, soit de la Grande Bibliothèque, soit de la Bibliothèque nationale, qui soit laissée de côté; on fusionne les deux missions ? pour donner naissance à la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec, le Québec s'inspire de formules déjà utilisées avec succès en Espagne, en Angleterre, en Suède ou en Israël, par exemple, où la mixité des mandats est la règle.
Mon deuxième argument: un navire amiral de la lecture publique. M. le Président, nous savons tous et toutes que les bibliothèques publiques du Québec, bien que de bonne qualité, ont un certain rattrapage à effectuer pour atteindre le degré d'excellence que nous connaissons dans les autres provinces et à l'étranger. Notons, par exemple, qu'en 1998 le Québec comptait 2,28 livres par habitant dans son réseau de bibliothèques, tandis que, pour la même année, l'Ontario en comptait 2,75. Retard, donc.
Les municipalités québécoises ont beaucoup investi ces dernières années et le Québec a effectué un rattrapage remarquable quant à l'accessibilité des services de lecture publique pour les citoyens, mais ces services de lecture publics pourraient être encore meilleurs. C'est ce que nous avons compris en faisant une place privilégiée aux acquisitions de livres dans la politique de la lecture et du livre de 1998. Ainsi, au cours des deux dernières années, le gouvernement a alloué près de 35 millions de dollars aux bibliothèques publiques et aux CRSBP par le biais des programmes de développement des collections du ministère de la Culture et des Communications.
M. le Président, lorsque nous avons développé le projet de Grande Bibliothèque, nous avions également à l'esprit l'importance de doter la ville de Montréal d'une bibliothèque centrale de grande qualité capable de desservir le réseau des bibliothèques de quartier et de s'adapter au nouveau contexte urbain. Le programme des besoins élaboré par les experts a bien pris en compte ces dimensions. Du reste, les fonctionnaires de la ville de Montréal et ceux de mon ministère viennent de compléter les travaux de concertation requis pour faire en sorte que l'institution joue le rôle qu'on attendait d'elle, et ce, à la satisfaction des deux parties. Un accord sera signé sous peu avec la ville de Montréal en ce sens.
Nous avons eu également l'occasion de nous entretenir avec la ville, son maire et ses représentants de ce projet de fusion de la Grande Bibliothèque du Québec et de la Bibliothèque nationale du Québec. Nos entretiens à cet égard ont été des plus positifs et des plus cordiaux. Il m'apparaît que la ville a compris tous les avantages que comportait une association à une institution destinée à assumer un leadership important en matière de conservation et de lecture publique au Québec, comme cela se fait également à l'étranger. En 1991, la Bibliothèque nationale rappelait à cet égard, je cite: «Outre sa mission de conservation, une bibliothèque nationale doit se préoccuper de la diffusion du patrimoine national publié, et, dans plusieurs pays, la Bibliothèque nationale s'est trouvée au coeur d'une politique de lecture publique. On oublie trop souvent que le mandat d'ouverture à l'ensemble de la population est inscrit dans les obligations de la plupart des bibliothèques nationales à travers le monde.» Fin de la citation.
Par ailleurs, en réunissant ces deux institutions en une seule, nous allons à coup sûr simplifier les rapports avec le réseau des bibliothèques, que ce soit en matière de catalogage, de soutien et d'expertise à l'égard de ce réseau, de promotion de l'édition québécoise, d'animation et de sensibilisation ou encore de bibliothèques virtuelles et de prêts entre bibliothèques. Je pense également à l'avantage pour le Québec de continuer à parler d'une seule voix en matière de patrimoine documentaire national auprès de nos partenaires étrangers. M. le Président, le rayonnement de l'expertise et du patrimoine québécois à l'extérieur du Québec, et particulièrement dans les pays de la francophonie, déjà bien établi par l'ancienne Bibliothèque nationale, en sera renforcé.
Mon troisième argument concernait la stimulation du développement du savoir. M. le Président, je vous ai dit d'entrée de jeu que j'avais trois raisons profondes de souhaiter cette fusion des deux institutions. Je veux maintenant évoquer la troisième, la stimulation du développement du savoir. Cette responsabilité, elle est collective tellement elle est majeure pour l'avenir de la société québécoise. Elle fonde la capacité de la société québécoise de se renouveler et d'entrer dans la modernité sans y perdre son âme. Elle appartient au premier chef au ministère de l'Éducation, elle appartient au ministère de la Culture et des Communications, elle appartient également au ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie. Nos trois ministères sont les premiers concernés par la stimulation du savoir par les jeunes Québécois et les jeunes Québécoises.
Le ministre des Finances, M. Bernard Landry, notre collègue, a beaucoup fait pour nous aider à entrer, d'un point de vue économique, bien sûr, dans l'économie du savoir. Les nombreux investissements ciblés, l'ouverture sur la nouvelle économie du multimédia, qui placent désormais le Québec parmi les joueurs qui comptent en ces matières, voilà autant de gestes salutaires qui ouvrent l'horizon. Mais il y a plus. Il y va d'un côté de la nécessaire stimulation de la créativité chez les jeunes. C'est ce que nous nous employons à faire, aux ministères de la Culture et des Communications et à celui de l'Éducation. Le nouveau curriculum d'enseignement ainsi que le nouveau programme culture-éducation cherchent à mettre en contact les jeunes Québécois avec les repères de la créativité en cotoyant des artistes, en fréquentant à la fois des oeuvres et des lieux culturels. La stimulation de la créativité nous conduit naturellement sur les chemins de l'innovation où, là, le ministère de la Recherche, de la Science et de la Technologie prend le relais.
n(20 h 50)n Mais, me direz-vous, que vient faire la nouvelle Bibliothèque nationale en ces matières? Mais elle est au coeur du dispositif social attendu. En amont, nous intervenons par le développement de la créativité à l'école et, en aval, par des services de lecture publics de meilleure qualité. Le savoir s'acquiert largement par la lecture, par la découverte, par la compréhension des phénomènes et par l'assimilation des concepts, que ce soit par des voies pratiques ou par des voies livresques. Or, nous sommes engagés, en Occident, dans des virages majeurs en matière de lecture publique. Les supports de lecture publique que sont les livres, les quotidiens et les magazines ne sont plus les seuls.
Ce que j'appellerai «la page redressée», dans l'espace que constitue l'écran d'ordinateur, est également une voie d'accès au savoir, à tout le moins, aux connaissances documentaires. Le cédérom et le DVD sont également de nouveaux supports de lecture et d'accès au savoir; les nouvelles bibliothèques intègrent ces dimensions. Elles développent également des programmes d'activité et d'animation propres à stimuler non seulement l'accès, mais surtout l'intérêt au savoir. Ces fonctions sont de plus en plus recherchées et souvent spécialisées. Elles font appel à de nouvelles expertises professionnelles.
En outre, bien que certaines équipes de recherche se préoccupent, dans les universités québécoises et ailleurs dans le monde, de la compréhension des phénomènes de lecture, une institution comme la nouvelle Bibliothèque nationale, qui est en contact direct à la fois avec les chercheurs, avec les bibliothécaires, avec les animateurs et avec les lecteurs, est sans aucun doute fort bien placée pour contribuer à l'avancement des connaissances pratiques en matière de comportement de lecture publique.
Voilà, M. le Président, un exposé sommaire des enjeux à l'intérieur desquels doit se mouvoir la Bibliothèque nationale du Québec. En fait, si je voulais donner une image, je dirais que ce qu'on veut faire, c'est faire de la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec un navire amiral, comme en sont devenus nos grands musées d'État, qui ont ramassé dans de grandes institutions notre savoir et qui sont devenus des centres d'expertise, de savoir-faire et de partage de cette expertise. C'est un choix qui a, d'abord et avant tout, une finalité sociale. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre de la Culture et des Communications. Je vais céder la parole maintenant à Mme la députée de Sauvé. Mme la députée.
Mme Line Beauchamp
Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Il me fait très plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 160 qui porte sur la Bibliothèque nationale du Québec. À tout le moins, je dois d'emblée indiquer que le principe de ce projet de loi pose plusieurs questions. Nous sommes à l'étape de l'adoption du principe, et parlons-en, du principe, puisqu'il pose plusieurs questions.
Si vous permettez, M. le Président, je pense qu'il faut faire un brin d'historique. Parce que j'ai pu constater, à travers les discussions que j'ai tenues avec plusieurs intervenants du milieu mais également avec des citoyens, que l'histoire de la Bibliothèque nationale du Québec et sa fonction sont méconnues, et également l'histoire qui a mené à la mise en place de la Grande Bibliothèque du Québec.
Donc, M. le Président, je voudrais vous rappeler que la Bibliothèque nationale du Québec, ce projet a été préparé sous un gouvernement libéral de Jean Lesage, dans les années soixante, mais que c'est revenu à l'Union nationale de Daniel Johnson père d'en proposer l'adoption le 11 août 1967. À ce moment-là, donc, on adoptait le projet de loi 91.
Le ministre aux Affaires culturelles de l'époque, Jean-Noël Tremblay, député de Chicoutimi, avait fait un ardent plaidoyer en faveur d'une bibliothèque d'État qui se consacrerait à la préservation, la conservation et au dépôt légal des documents publiés. Et c'est Pierre Laporte, député libéral de Chambly, qui avait pris la parole pour l'opposition officielle lors de ces débats et qui avait été très clair dans ses commentaires, et je le cite: «Il est évident que non seulement nous sommes en faveur, mais nous sommes très heureux que ce projet de loi nous soit apporté.» Effectivement, M. le Président, nous avons alors assisté à la naissance d'une unité administrative, sous le ministère des Affaires culturelles, consacrée à l'aspect qu'on pourrait qualifier de patrimonial pour tout ce qui est des documents publiés au Québec. Et c'est en 1989 que la ministre des Affaires culturelles du gouvernement libéral de Robert Bourassa, Mme Lise Bacon, fit adopter le projet de loi 43 pour mettre en place vraiment la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec comme on la connaît, c'est-à-dire qu'elle lui a donné un statut corporatif. Et, comme le disait alors Mme Bacon: «Ce mode de fonctionnement assurera davantage la prise en compte des besoins du milieu, tout en conférant une crédibilité majeure à l'action de la Bibliothèque nationale.» Effectivement, M. le Président, le Québec s'est doté, comme toute société dans l'univers occidental ou dans le monde civilisé, d'un outil pour préserver son patrimoine de documents publiés et a reconnu d'emblée l'importance d'une telle institution dans sa société. M. le Président, pour bien comprendre un peu le contexte historique qui entoure le projet de loi n° 160 déposé par le gouvernement du Parti québécois en cette année 2000, il faut aussi faire un saut dans le temps et nous rappeler un éditorial publié par Mme Lise Bissonnette dans le journal Le Devoir. Nous sommes le 10 février 1996, et c'est un éditorial titré La TGBQ, et c'était un anagramme pour, vous le reconnaîtrez: Très Grande Bibliothèque du Québec, et je vais citer Mme Bissonnette dans le texte, dans le cadre de cet éditorial.
Elle écrivait: «Le Parti québécois déteste qu'on lui rappelle son dossier culturel. Neuf ans de pouvoir et pas l'ombre d'un grand équipement qui porte sa marque. Neuf ans d'opposition et pas l'ombre d'une réflexion sur les arts. Tandis que le Parti libéral du Québec n'a cessé, au cours de son dernier mandat, de signer théâtres, musées et monuments, en plus de produire en deux temps une politique culturelle qui a chambardé le rapport d'État à la création et que l'opposition péquiste a adoptée la mine basse et l'inspiration en panne, incapable de formuler l'alternative.» C'était l'introduction de l'éditorial de Mme Bissonnette, qui proposait alors au gouvernement du Parti québécois de procéder à l'établissement d'une très grande bibliothèque du Québec. Et, déjà dans ce premier éditorial, Mme Bissonnette proposait des fusions: la fusion de la Bibliothèque centrale de la ville de Montréal, en manque d'espace, avec la fusion de la Bibliothèque nationale du Québec ? on y retrouve donc déjà cette idée ? qui manquait également d'espace, mais également les bibliothèques universitaires de l'UQAM et la bibliothèque scolaire du cégep du Vieux-Montréal.
M. le Président, le premier ministre, M. Bouchard, à ce moment-là a relevé le défi, sûrement ressentant le besoin impérieux de, enfin, avoir une réalisation au niveau culturel, et il a, en 1997, formé un comité qui allait se pencher sur la création d'une très grande bibliothèque. Ce comité a été présidé par M. Clément Richard. Ce comité a procédé à des consultations, a tenu de longs débats, pour en arriver à une recommandation claire, à savoir qu'on établisse une grande bibliothèque du Québec sur le territoire de la ville de Montréal, que cette grande bibliothèque incorpore la collection de la Bibliothèque centrale de Montréal et que, par entente, par protocole, elle mette également pour consultation une des deux copies du dépôt légal de la Bibliothèque nationale du Québec.
M. le Président, dans le cadre du rapport du comité Richard ? c'est ce rapport dont il s'agit ? il était également clairement indiqué que l'on souhaitait conserver toute la mission à la Bibliothèque nationale du Québec. On y disait: La Bibliothèque nationale du Québec conserve l'ensemble de ses fonctions, notamment en matière d'acquisition, de traitement et de conservation du patrimoine documentaire québécois ainsi que celles liées à la publication de bibliographies et aux relations internationales.
Ce rapport, M. le Président, a fait l'objet d'une entente, d'un consensus au sein de cette Chambre, puisqu'on a procédé à l'adoption ? qu'on se replace dans le temps, je crois qu'on est toujours en 1997 ou 1998 ? de la loi formant la Grande bibliothèque du Québec, loi donc adoptée à l'unanimité en cette Chambre, puisque nous avons suivi les recommandations du comité Richard qui, en fait, distinguait clairement les missions de la Bibliothèque nationale du Québec de celle de la Grande bibliothèque, également, du Québec.
n(21 heures)n Continuons un peu d'histoire, M. le Président. Après l'adoption du projet de loi ? nous sommes devant un autre commentaire de Mme Bissonnette, publié toujours dans Le Devoir ? elle écrira, en décembre 1997: «Le projet de loi porte la marque de cette timidité qui fut celle de M. Richard quand il était ministre. La mission de la future Grande bibliothèque du Québec manque d'ambition, et les perspectives de développement supplémentaire sont inexistantes.» Déjà, on voit un peu ce que dessine le cadre historique devant lequel est déposé aujourd'hui le projet de loi n° 160.
On y va également d'autres commentaires. Puisque nous avons assisté, peu de temps après, à la nomination de Mme Bissonnette à qui on reconnaissait l'idée, la maternité du projet de Grande Bibliothèque du Québec, donc on a procédé à sa nomination comme présidente-directrice générale au début du mois d'août 1998. Et permettez-moi ici de citer quelques réactions publiques face à cette nomination et, entre autres, un éditorial signé par Agnès Gruda, dans le journal La Presse du 22 août 1998, qui écrivait ceci: «Cette nomination n'est ni aussi naturelle, ni aussi avisée qu'elle ne le paraît au premier coup d'oeil, et elle laisse dans son sillage un profond malaise ainsi qu'un lourd parfum de favoritisme. Maintenant que la Bibliothèque est sur ses rails, il y a de fortes chances pour que sa P.D.G. pousse de toutes ses forces pour lui insuffler la grandeur dont elle n'a jamais cessé de rêver. Pas sûr que la démocratisation de la culture, objectif officiel du projet, pas sûr que c'est cela qui y gagne.» M. le Président, continuons un peu l'histoire. Donc, Mme Bissonnette prend les rênes de la Grande Bibliothèque du Québec; elle a à y remplir une tâche colossale, puisqu'il faut développer le programme de besoins, puisqu'il faut voir à la construction de la Grande Bibliothèque, mais aussi parce qu'il faut mettre la Grande Bibliothèque sur ses rails, dans sa mission qui est clairement une mission publique. Il faut donc penser à tout, penser à respecter la mission de la Grande Bibliothèque du Québec, penser à rejoindre, entre autres, les plus démunis, penser à rejoindre les gens qui ont besoin de procéder à l'apprentissage de la lecture, rejoindre également les nouveaux arrivants. Admettons que cette Grande Bibliothèque, la réussite de la démocratisation de la culture et la réussite de ce projet de Grande Bibliothèque du Québec, est en soi un mandat vraiment colossal.
Mais survient dans l'air, semble-t-il, quelques démêlés; certains diront plus familièrement des chicanes, des chicanes de famille, M. le Président, qui ont donné certains articles très percutants. On se souviendra également d'un reportage télévisé à l'émission Le Point sur les ondes de Radio-Canada ou, par exemple, de cet article, dans la revue L'actualité, intitulé Tempête pour une bibliothèque où on nous fait vraiment rapport sur les difficultés qu'entretient la Grande Bibliothèque du Québec à vraiment établir des ponts, entre autres, avec la Bibliothèque nationale du Québec.
M. le Président, il faut se rappeler que la Grande Bibliothèque du Québec avait le défi, ainsi que la Bibliothèque nationale du Québec, de gérer un protocole d'entente, protocole qui voyait au transfert d'un exemplaire du dépôt légal vers la Grande Bibliothèque du Québec, qui devait assurer la communication au grand public de cette copie. Or, il y a eu d'énormes démêlés entre les membres du conseil d'administration de la Grande Bibiliothèque et notamment entre les membres faisant partie de la corporation professionnelle des bibliothécaires, donc les membres professionnels bibliothécaires, qui ont été contre certaines initiatives proposées, à ce moment-là, par la P.D.G., par Mme Bissonnette. Je pense, entre autres, au fait qu'on a décidé d'isoler la collection de la Bibliothèque nationale dans l'enceinte de la Grande Bibliothèque. Les bibliothécaires se sont longtemps battus contre cela, estimant que la personne qui entre dans une bibliothèque publique ne veut pas aller dans deux endroits différents, deux salles différentes, pour tenter de trouver l'exemplaire de son volume; elle veut aller à un endroit et trouver son exemplaire. C'est un exemple, M. le Président.
Et également ce protocole, le protocole qui faisait en sorte que l'exemplaire qu'on donnait à la Grande Bibliothèque du Québec du dépôt légal, ce protocole qui exigeait que cet exemplaire du dépôt légal soit traité selon les normes, selon les attentes, selon les exigences d'une bibliothèque nationale, c'est-à-dire selon des exigences devant assurer le caractère patrimonial du document. Par exemple, bien sûr, il était prévu dans ce protocole que le document en question, un des exemplaires du dépôt légal, ne pouvait pas sortir des murs de l'institution; c'est pour consultation sur place. C'est les principes qui guident habituellement une Bibliothèque nationale du Québec.
M. le Président, non seulement il y a eu des démêlés entre la Grande Bibliothèque du Québec et la Bibliothèque nationale du Québec. On le sait, même, ces démêlés, et peut-être à tort, peut-être malheureusement, ont été personnalisés. On a eu tendance, dans les médias, à traiter ça comme une opposition entre le leadership de Mme Bissonnette, P.D.G. de la Grande Bibliothèque, et le leadership de M. Philippe Sauvageau, alors P.D.G., depuis, d'ailleurs, l'adoption de la loi en 1989, de la Bibliothèque nationale du Québec. Mais la Grande Bibliothèque a également eu des démêlés, carrément, avec la ministre de la Culture.
Vous vous rappellerez, sans doute, d'un article publié le 6 novembre 1999, toujours dans La Presse, sous la signature de Suzanne Colpron, intitulé Les hauts et les bas de la Grande Bibliothèque du Québec, où, entre autres, on nous rappelle les idées de grandeur qui animent la P.D.G. de la Grande Bibliothèque. Mme la ministre de la Culture répondait alors ? nous sommes le 6 novembre 1999 ? ceci à la journaliste, et je cite: «Le travail de la P.D.G., c'est de rêver pour sa société. Mais il faut valider les choix chaque fois qu'on désire sortir d'un budget. Mme la P.D.G. va se plier au budget disponible.» J'ai oublié de le mentionner, il faut dire qu'il y avait à ce moment-là des pourparlers et une forte pression de la P.D.G. de la Grande Bibliothèque pour augmenter le budget de construction de la Grande Bibliothèque, et on sait maintenant, bien sûr, que la P.D.G. a gagné, on est sorti du budget disponible malgré les propos de la ministre à ce moment-là.
Mais je poursuis, si vous permettez, la citation de cet article. La journaliste écrit: «L'important pour Mme Maltais, c'est de créer une bibliothèque animée.» Et là, je cite la ministre: «Il ne faut pas que ça soit une grande bibliothèque de chercheurs, mais une bibliothèque contemporaine pour les jeunes dans laquelle on pourrait retrouver une section calme qui favorise la réflexion et un côté vivant. Gabrielle-Roy est un bon modèle de ce que sera la Grande Bibliothèque du Québec, c'est bourré de jeunes et d'ordinateurs. C'est ça que je veux, insiste la ministre, je veux que les jeunes et les retraités aient le goût d'y aller.» Et la journaliste conclut ainsi: «Le message est clair. Mais l'est-il pour Mme Bissonnette? La volonté ministérielle semble être à mille lieues des préoccupations moins prosaïques de la P.D.G.» Et la journaliste conclut ainsi: «Le débat entre l'élitisme et l'accessibilité sera-t-il au coeur d'un prochain conflit?» Mais, M. le Président, je pense qu'à la lumière du dépôt du projet de loi n° 160 fusionnant la Bibliothèque nationale à la Grande Bibliothèque du Québec, on s'aperçoit qu'on peut ici tout à fait répondre à la journaliste et vraiment savoir qui a gagné ce grand débat.
M. le Président, on en arrive à une autre date fatidique qui permet de jeter un éclairage sur le projet de loi n° 160. On en arrive au 25 octobre dernier, lorsque le P.D.G. de la Bibliothèque nationale du Québec, M. Philippe Sauvageau, démissionnait et, on doit le mentionner, au grand désarroi du conseil d'administration de la Bibliothèque nationale du Québec. Permettez-moi de citer des extraits du communiqué émis alors par le conseil d'administration de la Bibliothèque nationale du Québec. Je cite: «Les membres du conseil d'administration de la Bibliothèque nationale du Québec ont appris avec consternation la démission de leur président et directeur général, qu'il a remise à la ministre de la Culture et des Communications, Mme Agnès Maltais, le 25 octobre dernier. Les membres du conseil d'administration considèrent le départ de M. Sauvageau comme une grande perte pour la Bibliothèque nationale du Québec et le Québec entier.» Et le communiqué se termine ainsi: «M. Sauvageau met fin à son mandat, qui devait se terminer en 2004, car il ne partage pas les orientations que le ministère de la Culture et des Communications envisage de donner à la Bibliothèque nationale du Québec.»n(21 h 10)n M. le Président, on peut se demander pourquoi un communiqué aussi clair en défaveur des orientations de la ministre, qu'elle entend donner à la Bibliothèque nationale du Québec. Mais parlons un peu, peut-être, de l'expertise développée par M. Sauvageau. Si vous le permettez, je vais citer des extraits d'un article que lui avait consacré le journal La Presse en 1997. Il a été personnalité de la semaine, à ce moment-là, de ce grand quotidien québécois, et ça commençait ainsi: «Le cercle planétaire des bâtisseurs de bibliothèques nationales est très sélect. N'en est pas membre qui veut, il faut avoir fait ses preuves. Philippe Sauvageau, la personnalité de la semaine de La Presse, est un de ces bibliothécaires d'élite mondialement reconnus.» On y parle de M. Sauvageau comme un vendeur mondial de culture, consulté tant par les Français que par les Africains. Et ça se termine ainsi: «Philippe Sauvageau fait rayonner le savoir-faire québécois partout dans le monde. Il rentre du Tchad, il était avant au Togo, et, partout où de nouveaux pays veulent asseoir les bases de leur culture, de l'ex-URSS aux pays scandinaves et à l'Orient, on réclame et on suit ses conseils.» C'est comme cela qu'on décrit M. Philippe Sauvageau qui vient tout juste, il y a un mois, de remettre sa démission à la ministre de la Culture ici, au Québec, parce qu'il est en désaccord avec l'orientation donnée à la Bibliothèque nationale du Québec par le projet de loi n° 160. Ça nous fait dire, M. le Président, qu'il semble bien que nul n'est prophète dans son pays.
M. le Président, à titre de porte-parole de l'opposition officielle en cette Chambre en matière de culture et de communications, j'ai adressé à la ministre, le 31 octobre dernier... En fait, je la lui ai adressée quelques jours avant, malheureusement elle a dû répondre quelques jours plus tard à cette question où je lui demandais ce qu'il en était de l'avenir de la Bibliothèque nationale du Québec et si on compromettait l'avenir de cette bibliothèque. À ce moment-là, la ministre de la Culture nous a répondu ceci: «Vous comprendrez que je ne commenterai pas ce qui ne sont jusqu'ici que des hypothèses de travail. Mais, si toutefois une de ces hypothèses se concrétisait, elle serait évidemment rendue publique.» Nous sommes le 31 octobre. Le 14 novembre, l'hypothèse de travail qui semblait si éphémère s'est concrétisée dans le projet de loi n° 160, et nous savons, M. le Président ? et c'est ce qui jette beaucoup, beaucoup d'ironie et de cynisme dans la réponse que nous a servie en cette Chambre, à l'ensemble des parlementaires présents en cette Chambre, la ministre le 31 octobre ? nous savons, par l'intermédiaire de la section publique des mémoires déposés au Conseil des ministres, que dès le 19 janvier de l'an 2000 la ministre avait eu la commande par le Conseil des ministres... on avait adopté le principe de la fusion des deux institutions, et elle avait eu la commande par le Conseil des ministres de préparer le projet de loi n° 160. Moi, je n'appelle pas ça de simples hypothèses de travail lorsqu'on sait que, le 19 janvier de l'an 2000, le Conseil des ministres s'était déjà prononcé sur le principe.
M. le Président, c'était un peu l'historique pour nous amener à mieux situer le projet de loi n° 160 qui, habilement, il faut le concéder, parle d'un projet de loi sur la Bibliothèque nationale, alors que, entendons-nous bien, tous les articles sont plutôt intégrés à la loi constituant la Grande Bibliothèque du Québec. Mais, habilement, par un tour de passe-passe, on a décidé de tout simplement changer le titre. Mais il faut voir comment le processus s'est déroulé.
Et je reparlerai aussi des deux autres sections publiques des mémoires déposés au Conseil des ministres les 21 septembre et 30 octobre derniers, M. le Président, mais, juste avant d'aller plus loin, je pense que, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, il faut refaire un peu la lumière sur les mandats que nos sociétés modernes confient habituellement aux différents types de bibliothèques. Permettez-moi de vous présenter le mandat habituellement reconnu et dévolu à une bibliothèque nationale. Une bibliothèque nationale a pour mandat de rassembler, de conserver de manière permanente le patrimoine documentaire publié. Les activités spécifiques de la Bibliothèque nationale découlent bien sûr de ces grandes fonctions.
En voici quelques exemples: gestion, bien sûr, du dépôt légal, acquisition de documents, traitement des documents. Et ce mot est lourd de sens. Les gens spécialisés en bibliothéconomie le savent, c'est un travail spécialisé et gigantesque, le traitement des documents, qui est entre autres l'attribution de la cote ISBN que tout le monde utilise pour s'y retrouver à travers le monde au niveau des documents publiés. Bien sûr, la conservation du patrimoine culturel, du patrimoine publié, l'information, la référence, la recherche, la restauration des documents, la numérisation des documents, leur microreproduction lorsqu'ils sont trop fragiles, le catalogage avant publication qu'utilisent toutes les grandes maisons d'édition, les publications spécialisées et, bien sûr, également le développement d'une expertise internationale, puisque les bibliothèques nationales forment, à l'échelle de notre planète, une confrérie vraiment spécialisée dans la préservation du patrimoine publié de cette planète.
M. le Président, je me dois ici de vous préciser ce qu'est le mandat d'une bibliothèque publique. Je pense qu'on a vu par la définition de ce que c'est qu'une bibliothèque nationale que c'est un mandat gigantesque, important, spécialisé, mais au coeur du patrimoine culturel d'une société. Voici maintenant la définition d'une bibliothèque publique. Et je vais vous faire part de la définition telle qu'énoncée dans le Manifeste de l'UNESCO sur la bibliothèque publique, paru en 1994. Les buts sont la démocratisation de l'accès à l'information et à la culture ainsi que l'éducation continue et l'alphabétisation.
Je cite, M. le Président: «Le champ d'intervention de la bibliothèque publique concerne prioritairement la diffusion et l'information par le biais des médias culturels: le livre, le film, le disque, le spectacle. La bibliothèque publique est tout naturellement le centre culturel de la communauté où se réunissent des gens avec des intérêts semblables. Elle doit donc disposer de locaux, du matériel nécessaire pour organiser, à l'intention des adultes et des enfants, des expositions, des discussions, des conférences, des projections de films, etc.» Je pense qu'à la lumière de ces deux définitions vous avez pu constater, M. le Président, jusqu'à quel point les missions, les mandats, les attentes, l'importance des deux types d'institutions, bibliothèque nationale et bibliothèque publique, jusqu'à quel point les missions de ces institutions sont différentes. Et ici, au Québec, les deux institutions dont nous nous sommes dotés, la Bibliothèque nationale du Québec et la Grande Bibliothèque du Québec, qui a le défi d'être une réussite, qui n'a pas encore vu vraiment le jour dans des locaux, ces deux institutions sont extrêmement importantes.
Nous sommes donc devant deux missions très différentes. Il y a un point de recoupement ici, au Québec, entre la mission de la Grande Bibliothèque du Québec et la mission de la Bibliothèque nationale, c'est le fait que, par protocole d'entente et prévu dans la loi constituant la Grande Bibliothèque, on a dit: La Bibliothèque nationale va prêter ou, si vous voulez, disposer, à la faveur de la Grande Bibliothèque, une copie du dépôt légal que la Grande Bibliothèque mettra pour communication à la disposition du public. Ce volet est le seul point de convergence entre les deux institutions. Par la suite, à la lecture des définitions que je viens de vous faire, vous voyez bien que ces missions, par la suite, se déploient dans deux sens opposés.
Afin de faciliter la compréhension de cette démonstration que j'essaie de faire, j'aimerais faire un parallèle avec le milieu de la santé. Prenez, par exemple, le CLSC par rapport à un centre hospitalier universitaire. Nous savons tous que le défi du CLSC, c'est d'être l'entrée grand public, c'est d'être la première ligne, c'est d'être accessible à toutes les couches de la population du Québec. Et on souhaite bien sûr régler le plus de problèmes possible pour désengorger nos hôpitaux. Mais le point que je veux faire, c'est que nous savons bien que le CLSC, c'est l'endroit grand public qui devrait être notre service de première ligne pour toutes les couches de la population du Québec.
Par contre, le centre hospitalier universitaire non seulement offre, bien sûr, des services de soins à la population, mais a aussi un mandat de recherche, un mandat spécialisé. Et je pense que, dans la tête de tous les citoyens du Québec, on fait bien la différence entre un CLSC et un centre hospitalier universitaire, avec les missions. Il y a un point de recoupement, c'est le traitement, c'est les soins apportés à la population du Québec. Mais, par la suite, leur mission est \des missions de déploiement qui vont dans des sens opposés. Et on adhère à ça, on comprend ça et on s'attend à ça.
C'est exactement la même chose au niveau de nos bibliothèques. La Grande Bibliothèque du Québec a le grand défi ? puis on lui souhaite bonne chance ? d'être accessible à toutes les couches de la population de la région de Montréal, plus particulièrement d'offrir un service de qualité aux citoyens de Montréal, d'être accessible aux nouveaux immigrants, d'être accessible aux personnes qui souffrent d'analphabétisme. Et même, la P.D.G. le mentionnait, elle souhaite même ouvrir ses portes aux itinérants qui sont dans le secteur de la Grande Bibliothèque du Québec.
n(21 h 20)n La Bibliothèque nationale du Québec, c'est une bibliothèque spécialisée qui, entre autres, rejoint une clientèle plus particulièrement de chercheurs. Encore une fois, pour illustrer mon propos, M. le Président, je vous dirais: Mettez-vous à la place d'un dirigeant qui doit relever le défi que propose la loi n° 160, qui veut fondre les deux organismes. En fait, il a deux clientèles. La clientèle de la Grande Bibliothèque du Québec, c'est le citoyen et la citoyenne, les enfants, les adultes, les différents publics que je vous ai décrits il y a quelques instants. Donc, sa clientèle, c'est le public, et bien sûr aussi, sa clientèle, si j'étais PDG de la Grande bibliothèque, c'est bien sûr aussi, le maire de Montréal, les conseillers municipaux qui, au nom de leurs citoyens et citoyennes, vont faire pression sur moi pour que j'exerce, que je donne la meilleure qualité de services possible, les plus accessibles possible, etc.
Pour le président-directeur général d'une bibliothèque nationale, son client, qu'est-ce qu'il devrait être, son client, M. le Président? Bien, son client, lui, c'est le livre, c'est le patrimoine que constitue le document publié. De qui il doit prendre soin? C'est du livre, c'est du document publié, sa conservation, sa mise en valeur, sa restauration, et bien sûr sa mise à la disposition d'un public qui est habituellement un public spécialisé.
M. le Président, nous savons tous que les citoyens et les citoyennes et leurs représentants élus, les maires, les conseillers municipaux, ce sont des gens qui sont capables de se faire entendre, qui sont capables de demander des comptes, qui sont capables d'exercer des pressions, et grand bien leur fasse. Il faut que la Grande Bibliothèque du Québec assure une qualité de services. Tant mieux s'ils le font, tant mieux si les citoyens exigent et sont exigeants; il faut qu'ils le soient, et pour toutes les couches également de la population. Mais, malheureusement, le client de la Bibliothèque nationale du Québec, le livre, lui, même s'il contient plein de choses intéressantes et importantes, le livre, lui, ne sait pas crier; le livre ne criera jamais. Le patrimoine du Québec publié ne criera jamais pour se faire entendre dans la mission de cette nouvelle bibliothèque du Québec que l'on propose.
On exige du dirigeant de la nouvelle bibliothèque du Québec, où on veut fondre les missions de la Grande Bibliothèque du Québec et de la Bibliothèque nationale, on exige de lui pratiquement une mission impossible. C'est qu'on s'attend de lui à ce qu'il saura établir un équilibre entre les deux missions. Mais, M. le Président, cette volonté de fondre les deux fusions suscite une inquiétude bien légitime et bien pragmatique. Un projet de loi peut s'écrire et peut avoir l'air presque insignifiant, puisqu'on dit: On fond les deux missions. Mais il y a une réalité pratico-pratique, il y a une réalité pour le gestionnaire, le dirigeant de ce vaisseau amiral, comme le qualifie la ministre de la Culture. Il y a une réalité pratico-pratique, c'est: saurons-nous vraiment conjuguer les deux missions, ces deux clientèles si différentes? Est-ce que l'une des deux missions ? aussi importantes l'une que l'autre ? ne risque pas de l'emporter sur l'autre? Si c'était le cas, le Québec en entier vit une perte, soit la perte de la démocratisation de la culture par la Grande Bibliothèque du Québec qui va restreindre sa mission, soit la perte de l'aspect patrimonial que gère la Bibliothèque nationale du Québec.
Je rappelle, M. le Président, que ces deux missions sont exigeantes. Déjà, juste pour la mission de la Grande Bibliothèque du Québec ? c'est tiré de l'article de L'actualité, vous savez, dans le dossier Controverse: une tempête pour une bibliothèque ? déjà, on citait Mme Diane Mittermeyer, de l'Université McGill, qui parlait ainsi de la mission de la Grande Bibliothèque du Québec, elle la qualifiait de «bouquet de promesses dont plusieurs sont irréalisables». Il faut voir comment les attentes sont grandes pour chacune des institutions.
M. le Président, dans le mémoire déposé auprès du Conseil des ministres par la ministre de la Culture, on y fait des comparaisons ? et d'ailleurs, elle les cite dans son communiqué annonçant le dépôt du projet de loi. Elle fait des comparaisons en disant qu'il y a d'autres pays ou d'autres États qui se sont dotés de bibliothèques nationales qui conjuguaient différentes missions. Elle nous dit: Donc, notre modèle, c'est un modèle québécois mais ce n'est pas un modèle unique, puisqu'il y a d'autres bibliothèques nationales qui ont également une deuxième mission. Elle nous donne l'exemple de l'Islande, d'Israël, de la Finlande, du Danemark, de la Macédoine, de la Slovénie, de la Croatie. Mais, là, il faut être honnête et dire les choses comme elles sont; dans ces exemples, les bibliothèques nationales de ces contrées conjuguent la mission spécialisée d'une bibliothèque nationale avec la mission spécialisée d'une bibliothèque universitaire. Pas une bibliothèque publique, là, où je vais retrouver des bouts de choux, et tout ça, c'étaient les missions d'une bibliothèque nationale et d'une bibliothèque universitaire.
Vous comprendrez, j'en suis sûre, que ça signifie qu'on s'adresse à une même sorte de clientèle, en premier lieu, vraiment, le livre, la conservation du livre, et également, bien sûr, une clientèle, un public spécialisé de chercheurs. Tellement spécialisé que, dans plusieurs de ces bibliothèques nationales et universitaires que cite la ministre en exemple, bien on exige d'avoir 16, 17 ou 18 ans pour y entrer et même, parfois, d'avoir un diplôme en poche pour pouvoir avoir accès à ces collections. C'est comme ça qu'on traite les collections des bibliothèques nationales dans d'autres pays.
Prenons l'exemple de la Library of Congress aux États-Unis. C'est un autre exemple qu'on nous donne, deux missions conjuguées. M. le Président, soyons honnêtes, ce n'est pas une mission publique avec une mission nationale. Cet exemple aux États-Unis, c'est une bibliothèque nationale qui conjugue également une mission de bibliothèque parlementaire. Deux missions spécialisées destinées à des clientèles spécialisées et, habituellement, des clientèles de chercheurs.
M. le Président, le ministère, la ministre de la Culture et des Communications a réussi à trouver un exemple, un seul exemple d'une bibliothèque nationale qui conjugue également une mission publique, c'est l'exemple, paraît-il, de Singapour. La ministre comprendra qu'on va lui demander de documenter cet exemple. Il faut savoir. Il a bien beau exister un exemple, un exemple sur la planète, là, un exemple, il va falloir qu'elle nous dise quelle est la réussite de cette bibliothèque publique et nationale, quelle est son efficacité puis, surtout, quelle est la satisfaction de sa clientèle. Un exemple.
M. le Président, moi, ça m'amène à dire que le modèle d'une bibliothèque à la fois nationale et publique, c'est un modèle que pratiquement l'ensemble de nos sociétés modernes ont refusé de se donner. À peu près tout le monde a compris que c'est un exemple qui ne pouvait pas fonctionner, tout simplement parce que les missions se déploient dans des directions trop différentes et vers des clientèles trop différentes.
M. le Président, je vais vous donner un autre exemple qui me semble très probant et que, pourtant, la ministre de la Culture a choisi de taire dans les mémoires déposés au Conseil des ministres, et c'est l'exemple de la démarche qu'a faite le gouvernement fédéral. Eh oui, le gouvernement fédéral a procédé, en 1999, à une consultation qu'il a confiée à des consultants. Une grande consultation, il y a des dizaines d'intervenants et des dizaines d'intervenants qui ont été consultés parce que, à ce moment-là, le gouvernement fédéral avait un projet qui était de fusionner les Archives nationales du Canada et la Bibliothèque nationale du Canada. Ça semblait un projet qui faisait tellement de sens, puisqu'il y avait comme un argument tellement évident: les deux institutions sont dans le même bâtiment à Ottawa. Donc, ça semblait évident, le gouvernement fédéral s'est dit: Pourquoi est-ce que je ne vais pas fusionner ces deux institutions? D'autant plus évident, que vous admettrez avec moi que des archives nationales qui, vraiment, jouent dans le domaine des archives tous azimuts, entre autres des archives privées, la conservation des archives privées de notre société... que les Archives nationales et une bibliothèque nationale ont déjà des missions un peu plus proches, destinées, entre autres... qui atteignent, entre autres, une clientèle sûrement un peu plus proche... dont le client est un peu plus proche.
n(21 h 30)n Eh bien, suite à cette grande consultation qui a été menée pour la fusion de la Bibliothèque nationale du Canada et des Archives nationales du Canada, voici la recommandation des chercheurs, j'ai ce rapport: «Nous recommandons que la Bibliothèque nationale et les Archives nationales demeurent des organismes séparés, à directions distinctes.» Ça, c'est suite à une vraie consultation, c'est quand on a pris le temps de parler au monde publiquement dans une consultation publique, puis ça donne place à un rapport public, M. le Président. Voici ce que ça donne. Et, moi, quand je lis ça, quand je vois que deux institutions qui sont déjà dans le même édifice, qui ont déjà des missions si proches l'une de l'autre, on choisit, après consultation, de dire: Non, non, non, les missions qu'on croit si proches sont déjà bien différentes, et on doit garder des directions séparées à ces deux institutions à Ottawa, je pense que ça fait réfléchir lorsqu'on est devant le projet de loi déposé par le gouvernement du Parti québécois qui nous propose de nous doter d'une Bibliothèque nationale qui aurait à la fois un rôle non seulement public, mais, il faut se le rappeler, un rôle municipal.
M. le Président, je voudrais aussi souligner qu'en France on a assisté à la mise en chantier et à la mise sur pied de la très grande bibliothèque de France avec tous les inconvénients qui l'ont accompagnée et les dépassements de coûts. Mais je veux juste souligner que, lorsqu'il a été question en France de la très grande bibliothèque de France, personne, aucun intervenant n'a eu l'idée, l'audace de penser qu'une telle grande institution publique pouvait être conjuguée avec la Bibliothèque nationale de France.
Donc, M. le Président, le projet de loi n° 160 nous amène dans une direction où on est devant un phénomène, une institution extrêmement hybride qui va être à la fois une bibliothèque grande, municipale, nationale et publique. Ça commence à faire beaucoup, beaucoup de missions à conjuguer.
M. le Président, l'opposition officielle a proposé d'entendre, par la voix du leader du gouvernement, des intervenants dans le dossier. On a proposé 23 intervenants. Vous comprendrez que derechef on souhaitait entendre bien sûr la P.D.G. actuelle de la Grande Bibliothèque du Québec ? nous souhaitons toujours d'ailleurs l'entendre ? également le P.D.G. sortant de la Bibliothèque nationale du Québec, M. Philippe Sauvageau. On voulait également entendre la Bibliothèque de l'Assemblée nationale. C'en est un, modèle possible, bibliothèque nationale avec bibliothèque parlementaire. On voulait entendre l'Association des bibliothèques publiques de l'île de Montréal, l'Académie des lettres du Québec, Les Amis de la Bibliothèque de Montréal, l'Association des libraires du Québec et plusieurs autres. Mais, malheureusement, la ministre a choisi d'en retenir huit. Nous entendrons la ville de Montréal, l'Association des éditeurs de livres, l'Association des bibliothèques publiques, l'Association pour l'avancement des sciences et des techniques de documentation, l'Union des écrivains du Québec, le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec, le Syndicat de la fonction publique du Québec et M. Yvon Lamonde, professeur à la Faculté des lettres de l'Université McGill.
M. le Président, in extremis, le gouvernement a accepté d'inviter la Corporation des bibliothécaires. Ce n'est quand même pas rien, hein. On est devant un projet de loi que la ministre a qualifié de majeur ? majeur ? faisant la fusion de la Bibliothèque nationale du Québec et de la Grande Bibliothèque et, in extremis, on a finalement eu une acceptation pour entendre la Corporation professionnelle des bibliothécaires du Québec. On a aussi refusé d'entendre des universités qui sont des leaders dans le domaine de la bibliothéconomie actuellement, pas juste au Québec, là, qui sont des leaders mondiaux dans ce domaine, soit l'Université de Montréal et l'Université McGill.
M. le Président, ici, je profite de l'occasion pour réitérer la demande qu'on entende des intervenants et plus particulièrement d'entendre la P.D.G. de la Grande Bibliothèque du Québec et le président sortant qui a veillé à l'avenir de la Bibliothèque nationale du Québec depuis 1989, M. Sauvageau. Les deux acteurs ont été au coeur, sont en train de gérer, là, les missions de ces deux institutions.
Et, M. le Président, vous me permettrez de citer M. Jean-Paul L'Allier, maire de Québec ? c'est une citation que je tire de la revue L'actualité que je vous présentais tantôt ? qui mentionnait, lui, lorsqu'il a été question des consultations pour l'adoption de la Loi sur la Grande bibliothèque du Québec, qui disait alors: «Tant que Philippe Sauvageau fera partie du projet, je ne serai pas inquiet.» Bien, M. le Président, M. Sauvageau ne fait plus partie du projet. Comme M. L'Allier, nous sommes maintenant inquiets, et on souhaite entendre M. Sauvageau et Mme Bissonnette, les deux, venir expliquer comment ils voient le développement de ces missions de nos institutions importantes que sont la Bibliothèque nationale du Québec et la Grande Bibliothèque du Québec.
M. le Président, je voudrais maintenant parler un peu des mémoires qui ont été communiqués aux membres du Conseil des ministres, de l'autre côté, par la ministre de la Culture. Je vais dire les choses comme elles sont, comme je les pense. Ces mémoires semblent avoir été rédigés par du personnel de la Grande Bibliothèque du Québec. Il y a un verbatim utilisé dans ces mémoires qui en témoigne. Je vais commencer par le titre du mémoire. Le premier mémoire, déposé le 21 septembre 2000, le titre du mémoire, c'est Fusion de la Bibliothèque nationale du Québec à la Grande Bibliothèque du Québec. Vous m'avez bien entendue, c'est Fusion de la Bibliothèque nationale à la Grande Bibliothèque du Québec. J'avoue qu'on s'est repris un peu plus tard, le 30 octobre. Là, on l'a changé, Fusion de la Bibliothèque nationale du Québec et de la Grande Bibliothèque. J'imagine que la ministre a été un peu gênée de ce titre-là qui révélait les vraies intentions.
M. le Président, également, toujours dans le mémoire du 21 septembre, on indique... Tout le mémoire est truffé d'expressions. Par exemple, on parle maintenant d'un projet de loi pour créer... Là, je vous rappelle, c'est pour créer une bibliothèque nationale du Québec, une nouvelle bibliothèque nationale du Québec. Pourtant, le mémoire, ce que ça dit, c'est: «Cette option ? parlant du projet de loi ? aurait l'avantage d'augmenter la visibilité de la Grande Bibliothèque.» On voit bien qu'il y a comme une espèce d'orientation, là. C'est un mémoire pour défendre un projet de loi créant une bibliothèque nationale, mais on dit: Ça va permettre d'augmenter la visibilité de la Grande Bibliothèque du Québec.
M. le Président, autre fait assez troublant contenu dans ce mémoire qui témoigne selon moi de beaucoup de choses, le même mémoire prévoit, au niveau du conseil d'administration, que les membres actuels du conseil d'administration de la Grande Bibliothèque du Québec termineront leur mandat. On justifie ça en disant: Ah oui, mais parce que les mandats sont échus pour les membres du conseil d'administration de la Bibliothèque nationale du Québec. Mais est-ce qu'on constitue ou pas une nouvelle entité? Est-ce qu'on veut ou pas conjuguer deux missions que je considère vraiment très difficilement conjugables? Mais ça, c'est très révélateur lorsqu'on va confier la nouvelle mission de la Bibliothèque nationale du Québec aux membres actuels de la Grande Bibliothèque du Québec.
Parlons également, M. le Président, de l'aspect... Un autre exemple de ce que je veux dire quand je dis que le mémoire est bien tendancieux et met vraiment la Grande Bibliothèque en avant, on y dit ici en toutes lettres, par exemple, qu'on transfère les employés de la Bibliothèque nationale à la Grande Bibliothèque. On voit bien que le mémoire portait bien son titre, c'est bien Fusion de la Bibliothèque nationale à la Grande Bibliothèque.
M. le Président, selon nos informations également, la Bibliothèque nationale du Québec n'a pas eu accès au mémoire déposé au Conseil des ministres, n'a pas pu le commenter, ni les mémoires déposés au Conseil des ministres et ni le projet de loi. Est-ce que ce Conseil des ministres a vraiment été bien informé ou est-ce qu'il n'a pas eu un éclairage partiel sur la question? Moi, je pose la question.
M. le Président, abordons maintenant certains arguments avancés dans le mémoire. On y fait allusion nommément à des possibilités d'économies d'échelle, et c'est un des arguments amenés. D'ailleurs, c'est assez intéressant de constater que la ministre, dans son allocution pour présenter son projet de loi n° 160, n'a fait aucune mention du fait qu'il y aurait des économies d'échelle. Bien, c'est peut-être aussi révélateur de ce qu'on voit dans les mémoires.
M. le Président, on nous dit ? je le cite, ce mémoire du 21 septembre: «Cette solution ? la fusion des deux institutions ? est susceptible de susciter certaines économies d'échelle dont l'ampleur reste à mesurer, mais qui, notamment, pourraient concerner le plan d'effectifs.» Or, maintenant nous savons que la ministre a pris l'engagement devant le personnel de la Bibliothèque nationale du Québec et de la Grande Bibliothèque de ne procéder à aucune coupure de poste.
M. le Président, lorsqu'on va voir le point 7 du mémoire sur les implications financières, on nous dit: «En ce qui a trait plus précisément à l'évaluation de l'impact du projet de loi sur les économies de gestion et le calendrier d'implantation, et ce ? je vous le cite, je vous le rappelle ? conformément à la décision gouvernementale du 26 juillet dernier ? c'était une exigence du gouvernement, du Conseil des ministres, d'évaluer cela, l'impact financier et le calendrier d'implantation ? ces aspects seront abordés de façon plus détaillée dans le mémoire du Conseil des ministres portant sur le budget de fonctionnement de la Grande Bibliothèque du Québec.» Vous voyez encore le style, là, quand je vous disais... On ne parle pas du budget de fonctionnement de la nouvelle Bibliothèque nationale, on dit bien «portant sur le budget de fonctionnement de la Grande Bibliothèque du Québec et sur son plan de développement détaillé».
n(21 h 40)n On dit qu'on va tout soumettre ça au gouvernement au plus tard le 31 octobre. Or, M. le Président, j'arrive au mémoire du 31 octobre. Lorsque j'arrive dans ce mémoire puis que je m'en vais voir Implications financières, je suis intéressée d'entendre les arguments des économies d'échelle et de l'implication financière. Implications financières: ne s'applique pas. Pourtant, dans l'autre mémoire, on disait bel et bien que les études sont en cours. «Les travaux pour réaliser les analyses requises sont en cours sous la coordination du ministère de la Culture et des Communications de concert avec la BNQ et la GBQ.»
M. le Président, dans le mémoire du 30 octobre, nous n'avons pas réponse à ces analyses, qui sont sûrement existantes mais pas publiques. Ça vous rappelle une autre histoire, n'est-ce pas, M. le Président? Ça rappelle l'histoire du projet de loi n° 170 sur les fusions forcées. On commence à être habitués. Des analyses financières qui ne sont pas rendues publiques. Permettez-moi d'insister pour que la ministre rende publics ces budgets de fonctionnement révisés, les économies d'échelle qu'elle prévoit, puisque nous aurons là des réponses quant au maintien des deux missions qu'elle tente d'imposer à ces deux institutions.
M. le Président, le mémoire, toujours du 21 septembre, disait aussi, et je le cite, là: «Cette dynamique ? on parlait de la dynamique du fait qu'il existait deux institutions ? a pour effet de générer une certaine hausse des coûts de fonctionnement.» C'est écrit en toutes lettres dans le mémoire que, ça, ça génère une hausse des coûts de fonctionnement des deux institutions. Comment peut-on affirmer cela quand le budget de la Bibliothèque nationale du Québec est passé de 12 millions en 1994-1995 à 9 millions en 2000-2001 puis qu'il est prévu qu'on devra transférer 2 millions supplémentaires de la Bibliothèque nationale vers la Grande Bibliothèque pour réaliser le protocole d'entente qui a été signé entre la Grande Bibliothèque et la Bibliothèque nationale du Québec, ce qui amène le budget de la Bibliothèque nationale du Québec à 7 millions de dollars? M. le Président, devant ces chiffres ? ça nous fait penser à d'autres secteurs, comme la santé ? en décroissance, comment peut-on affirmer en toutes lettres dans le mémoire déposé au Conseil des ministres que l'existence de la Grande Bibliothèque et de la Bibliothèque nationale du Québec semble engendrer une certaine hausse des coûts de fonctionnement? Ça ne se tient pas.
Un autre argument, M. le Président, c'est qu'on fait référence au rapport Facal, vous savez, le rapport Facal qui faisait une revue des institutions gouvernementales et qui voyait à leur pertinence dans notre société. On y dit que la fusion des deux organismes, c'est dans l'esprit du rapport Facal. Premièrement, permettez-moi de rappeler que le rapport Facal insistait pour qu'on conserve intacte la mission de la Bibliothèque nationale du Québec. Le rapport Facal ? je vous en cite un extrait ? dit: «La Bibliothèque ? parlant de la Bibliothèque nationale du Québec ? a pour mandat de rassembler, de conserver de manière permanente et de diffuser le patrimoine documentaire québécois publié et tout document présentant un intérêt culturel. Le groupe de travail juge nécessaire et essentiel que le Québec puisse compter sur une institution d'envergure nationale ayant pour mandat d'assurer la protection et la pérennité du patrimoine documentaire.» Le même rapport Facal, dans le domaine de la culture, par exemple, proposait qu'on conserve des missions, par exemple de la Place des Arts et du Grand Théâtre de Québec, des missions distinctes pour les deux sociétés, alors que, nous le savons, c'est le même projet de loi avec les même articles qui les constituent. Ça, c'est deux missions très semblables. On aurait peut-être pu se poser la question: Ça prend peut-être une même entité organisationnelle pour gérer ces deux entités? On a choisi que non, dans le rapport Facal. Le rapport Facal conserve aussi un ensemble de musées: le Musée d'art contemporain, le Musée du Québec, le Musée de la civilisation. Si l'argument tient qu'une bibliothèque nationale et une bibliothèque publique ont des mandats assez proches pour être fusionnées, comment ça se fait que des musées n'ont pas des mandats assez proches pour être fusionnés? M. le Président, les arguments de la ministre reliés au rapport Facal ne tiennent pas la route non plus.
Je voudrais, justement pendant que je parle de musées, vous signaler le cynisme de la comparaison de la ministre lorsqu'elle dit: «Cette nouvelle institution va être un navire amiral ? dans son communiqué, elle parlait d'institution phare ? comme le sont les grands musées québécois pour stimuler le réseau muséal québécois.» Je considère que la ministre fait preuve ici de beaucoup d'ironie lorsqu'on sait qu'elle n'a pas réussi à aller chercher un financement récurrent dans le cadre de sa politique muséale pour les musées du Québec, lorsqu'on sait que le Musée des arts et traditions populaires de Trois-Rivières est toujours fermé même si le milieu local demande des signaux à la ministre sur le financement de ce musée. Et, M. le Président, il existe plusieurs grands musées québécois. S'ils jouent le rôle d'institution phare, de navire amiral, il n'y en a pas un seul, on ne les a pas tous fusionnés, il en existe plusieurs. M. Facal, dans son rapport, considérait qu'il fallait les conserver en tant que tels.
Donc, M. le Président, permettez-moi de rappeler à la ministre que, pour assurer... Parce qu'elle disait que son projet ferait en sorte qu'on aurait une institution phare, un navire amiral pour assurer le développement des bibliothèques publiques au Québec. Mais, M. le Président, permettez-moi de lui rappeler qu'on n'a pas besoin d'une institution phare pour assurer le développement des bibliothèques publiques du Québec. Ce dont on a besoin, c'est de volonté politique puis aussi de respect de ses engagements, parce que je vous rappelle que, en ce moment, des bibliothèques publiques ne sont pas construites. Entre autres dans le comté de mon collègue de Châteauguay, entre autres plusieurs projets dans le comté de mon collègue de Richmond, plusieurs bibliothèques publiques, en ce moment, ne sont pas construites.
Des citoyens et des citoyennes n'ont pas accès à la lecture parce que ce gouvernement et ce premier ministre qui a pourtant pris l'engagement, en pleine campagne électorale, lors de la dernière campagne électorale, de lever le moratoire sur les équipements culturels dès qu'on aura atteint le déficit zéro... Vous vous souvenez de ça, M. le Président? Dès qu'on aura atteint le déficit zéro... Mme la ministre de la Culture, M. le Président, dénie de signes de la tête. Je me ferai un plaisir de lui faire parvenir le communiqué de presse qu'a émis le premier ministre à cette époque, qui disait que le moratoire serait levé dès l'atteinte du déficit zéro. Ça fait en sorte, M. le Président, qu'on n'a pas besoin d'un navire amiral, on a besoin d'une ministre puis d'un premier ministre qui respectent leurs engagements envers les bibliothèques publiques au Québec.
M. le Président, vous comprendrez que nous sommes ici ? et la ministre l'a souligné ? devant un projet qui pourrait sembler anodin et technique: fondre les missions de deux entités qui s'appellent «bibliothèques». Mais, M. le Président, la ministre l'a souligné, puis elle a raison là-dessus, c'est le fait qu'on est devant un projet de loi beaucoup plus majeur que ça. La ministre de la Culture, elle est la gardienne de la culture au Québec, la gardienne du patrimoine du Québec qui est une société distincte en Amérique du Nord caractérisée par sa majorité francophone. Elle a ce devoir, cette lourde tâche, ce défi à relever. Selon moi, elle ne doit pas jouer avec les missions d'institutions nationales comme l'est, par exemple, la Bibliothèque nationale du Québec qui assure la conservation du patrimoine publié du Québec. Elle ne doit pas tenter de jouer à l'apprenti sorcier, tenter de nous concocter une bibliothèque qui serait à la fois grande, publique, nationale et municipale; ça, c'est un modèle qui n'existe nulle part. Elle ne doit pas jouer avec nos institutions nationales. Elle ne doit pas demander l'impossible à des dirigeants d'institutions publiques, qui seront pris en étau, leurs administrateurs également, devant deux missions se déployant dans des directions complètement différentes. Le milieu des bibliothèques publiques ne mérite pas un navire amiral, une institution phare, il en mérite deux: la Bibliothèque nationale du Québec et la Grande Bibliothèque du Québec.
M. le Président, j'entends d'ici la ministre dire: Ah! l'opposition n'est pas d'accord. L'opposition n'est pas d'accord avec le principe derrière ce projet de loi, mais je tiens à dire ici, à cette Assemblée, que nous en sommes très déçus. La ministre de la Culture sait sûrement qu'il y a une tradition ici, au Québec, une tradition qui fait en sorte que, pour les projets culturels du Québec assurant le développement culturel du Québec, l'affirmation culturelle du Québec, la conservation du patrimoine du Québec ? je vois ici le député de Sainte-Marie?Saint-Jacques qui écoute attentivement; il a été un acteur important dans ces dossiers avec plusieurs collègues ici représentant le Parti libéral du Québec ? il y a toujours eu grandes tentatives pour en arriver à des consensus qui ont pratiquement toujours été atteints au nom du développement culturel du Québec. J'implore la ministre de la Culture de revoir son projet de loi, parce que, ici, du côté de l'opposition officielle, ce qu'on veut, c'est des institutions culturelles fortes et surtout la conservation, la protection des missions qu'on a données ? encore récemment, le projet de Grande Bibliothèque était en 1998 ? ces missions fort importantes qu'on a confiées à la Grande Bibliothèque du Québec et à la Bibliothèque nationale du Québec.
Nous espérons qu'elle entendra nos remarques, que nous écouterons ensemble les intervenants qui sont invités à venir devant nous le 6 décembre prochain et que nous saurons apporter des correctifs nécessaires à ce projet de loi. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
n(21 h 50)nLe Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Sauvé. Y a-t-il d'autres intervenants? Oui, M. le député de Châteauguay. Je vous cède la parole.
M. Jean-Marc Fournier
M. Fournier: Merci, M. le Président. Je voudrais, d'entrée de jeu, saluer ma collègue de Sauvé. C'est toujours un plaisir d'être inspiré par un exposé aussi magistral. Je vais vous dire, je suis fier d'appartenir au Parti libéral du Québec composé de personnes comme la députée de Sauvé qui a fait cet exposé et qui est capable de démontrer combien la culture est importante pour nous et combien la démarche ? et elle l'a dit dans ses derniers mots d'ailleurs ? de la ministre pourrait être corrigée pour faire en sorte que tout le Québec y gagne. Entre l'exposé que j'ai entendu de la ministre un peu plus tôt, le court exposé de quelques minutes, et l'exposé étendu, étayé qu'on vient d'entendre, il me semble qu'il y a là matière à réflexion pour l'ensemble des membres de cette Assemblée et, je dirais, probablement pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises.
La question qui se pose aujourd'hui, M. le Président, c'est tout simplement ? c'est la première question que, moi, je me pose, en tout cas: Pourquoi ce projet de loi et pourquoi aujourd'hui? Il semble que la décision a été prise en janvier dernier au Conseil des ministres, il y a donc une dizaine de mois, et rien n'en a filtré. On se demande même qu'est-ce qui s'est passé à l'automne 1999 pour qu'il y ait une décision qui soit prise en janvier. Qui a été consulté à l'automne pour amener la décision de janvier, et qui a été consulté depuis janvier, et comment ça se fait qu'on en parle aujourd'hui, le 29 novembre, et que c'est à l'agenda depuis, quoi, 15 jours? Première question, c'est: Pourquoi on en est rendu là? Qui a demandé ça au Québec? Qui s'est levé et a dit: Je veux la fusion? Première question. La ministre n'a pas eu l'occasion de nous le dire dans son très court exposé. Probablement qu'elle aura l'occasion de nous le dire un peu plus tard.
Je dirais aussi: Pourquoi cette fusion au moment où on vient de se donner la Grande Bibliothèque et au moment où on a voté pour cette Grande Bibliothèque? On a tous voté pour cette Grande Bibliothèque. Et, moi, la question que je me pose, c'est: Puisqu'on vient de la faire, la Loi sur la Grande bibliothèque, et qu'à ce moment-là on avait décidé consciemment, de façon délibérée ? c'est écrit ? de ne pas fusionner ? j'occupais le même siège ? j'ai l'impression qu'on me demande de remettre en question mon vote que j'ai donné à l'époque sur la Grande Bibliothèque et que tous les membres de cette Assemblée de tous les comtés du Québec ont donné, qu'on leur demande de remettre en cause ce vote que nous avons donné à la Grande Bibliothèque du Québec en arrivant avec une proposition de fusion.
Remise en cause. D'abord, pourquoi la remise en cause? La Grande Bibliothèque, comme telle, n'est pas en fonctionnement. La Grande Bibliothèque, comme telle, jusqu'ici, c'est un concours d'architectes. Bon. Alors, on ne peut pas dire que, dans le fonctionnement de la Grande Bibliothèque, on a assisté jusqu'ici à des dédoublements, à des débordements d'une mission sur l'autre. Jusqu'à ce moment-ci, là, même la mission phare de la Grande Bibliothèque, c'est mon opinion personnelle, je ne demande pas à tout le monde de la partager, mais, quant à moi, elle se fait attendre. J'aurais aimé d'une institution phare notamment qu'elle se fasse entendre sur la levée du moratoire. Ça, malheureusement, l'institution phare n'a pas eu l'occasion de le faire. Mais, déjà, pourquoi remettre en cause, donc, ce vote sur la Grande Bibliothèque, puisqu'elle n'est pas encore en opération, qu'elle n'est pas encore vivante? Qu'est-ce qui s'est passé pour qu'aujourd'hui on dise: Il faut faire une fusion?
J'irais plus loin. Je me souviens du débat sur la création de la Grande Bibliothèque. Il y a eu Clément Richard et son groupe qui ont amené cette institution, cette proposition-là, et qui ont insisté à l'époque ? alors là c'est assez important parce que ça fait partie du contexte dans lequel nous avons pris un vote ici, tous ensemble ? pour que les deux institutions, Bibliothèque nationale et Grande Bibliothèque, ne soient justement pas fusionnées l'une dans l'autre, pour que chacune puisse conserver sa mission. Ma collègue de Sauvé a très bien expliqué tantôt l'importance de préserver ces deux missions: la mission de conservation, d'une part, et celle de diffusion, d'autre part. Le risque qu'il y avait dans la fusion de ces deux institutions ensemble a amené Clément Richard à dire: Non, il ne faut pas procéder ainsi. C'est comme ça qu'on a pris un vote. Aujourd'hui, on nous demande de remettre en question ce vote-là, que nous avons pris à l'unanimité, basé sur ces concepts-là, ces conditions préexistantes là. Je suis mal à l'aise aujourd'hui qu'on nous demande de remettre en cause ce vote sans nous donner aucune autre raison pour laquelle on devrait le faire.
Il y a des questions qui se posent comme il y a des risques qui découlent de cette fusion. Ma collègue l'a dit tantôt, il y a, entre autres, le risque... Et je pense qu'elle l'a bien dit, dans la terminologie des mémoires qui ont été présentés au Conseil des ministres, combien cette fusion a plutôt l'air d'une saisie. Dans le fond, c'est la Grande Bibliothèque qui saisit la Bibliothèque nationale. C'est un peu comme ça que ça se voit. Et c'est assez inquiétant, parce que, si c'est comme ça que ça se présente dans les mémoires, si c'est la philosophie qui habite les dirigeants de cette GBQ, qui deviennent les dirigeants de la Bibliothèque nationale, là on peut se poser la question: Mais le mandat de conservation de la Bibliothèque nationale sera-t-il préservé?
Ma collègue l'a dit tantôt, et c'est assez important, à la page 3 du mémoire au Conseil des ministres, il est écrit: «Cette dynamique à deux institutions a pour effet de générer une certaine hausse des coûts de fonctionnement.» Et elle a précisé d'ailleurs tantôt combien déjà les budgets de la BNQ avaient été modifiés, de 12 à 9 et bientôt de 9 à 7, avec une entente ? il y avait déjà des ententes entre les deux institutions ? qui l'amenait à revoir son budget de fonctionnement. Mais là, selon le mémoire, on croit comprendre qu'une des raisons pour la fusion, c'est d'aller chercher dans la poche de la BNQ, dans son mandat de conservation, des sommes d'argent pour les amener dans l'autre mandat, dans l'autre mission. M. le Président, ici, qu'on soit bien compris, il ne s'agit pas pour nous de dire qu'une mission doit prévaloir sur l'autre. Il s'agit de dire que les deux missions sont essentielles au Québec. Et la ministre peut bien dire qu'elle entend les protéger, les faits qui sont inclus dans le mémoire disent le contraire de ses propos. Et c'est pour ça qu'on a des inquiétudes. Et les doutes, ils ne sont pas sur la page 3.
À la page 4 du mémoire, on peut lire ceci: «Cette solution ? de fusion ? est susceptible de susciter des économies d'échelle dont l'ampleur reste à mesurer, mais qui, notamment, pourront concerner le plan d'effectifs.» Bon. Alors, la ministre dit: Il n'y aura pas de coupures d'emplois. Bien, s'il n'y a pas de coupures dans les emplois, comment expliquer le passage qu'on vient de lire au Conseil des ministres, dans le mémoire, qui dit: Oui, dans les plans d'effectifs, ça, ça va changer, ça va bouger? Alors là il y a un petit problème là-dessus, les paroles ne sont pas concordantes avec la planification qui est contenue dans le mémoire au Conseil des ministres.
J'ajouterais ceci, parce que c'est une chose de regarder quels sont les emplois existants, de dire au monde: On ne vous touchera pas, puis, par la porte d'en arrière, dire: C'est sûr qu'en faisant la fusion on va pouvoir mettre du monde dehors ? c'est comme ça que ça se passe... Ça, c'est une chose. Mais la Grande Bibliothèque, quand on l'a votée ici, il n'y avait pas juste d'avoir deux institutions puis de préserver, il y avait aussi des engagements. La Grande Bibliothèque, c'était d'engager, entre autres, des professionnels. C'était les 50 professionnels qui devaient être engagés. Qu'est-ce qu'on fait avec ceux-là? Est-ce qu'il y a toujours cet engagement d'embauche qui a été pris, qui accompagnait l'institution phare pour qu'elle vive, cette institution phare là? Est-ce qu'ils vont aussi exister? Moi, je regarde le mémoire puis je me dis: Imaginez, si le mémoire nous annonce à l'avance qu'il va y en avoir qui existent qui vont perdre leur emploi, il y a des gros risques que les engagements que ce gouvernement a pris à l'égard de l'embauche de nouveaux professionnels pour créer cette institution phare risquent de ne pas se concrétiser.
Bien sûr, la ministre nous dit que le mandat de conservation et de diffusion ne sera pas touché. Mais comment la croire quand on voit, M. le Président, que le but n'est rien d'autre ici qu'une opération de saisie par la Grande Bibliothèque des budgets de la Bibliothèque nationale? Et, même si elle hoche la tête que non, M. le Président, ma collègue de Sauvé l'a posée, la bonne question. Elle a dit: Quand on va avoir fusionné les deux institutions, lequel des deux mandats va le mieux survivre, je dirais, en cas d'insuffisance de fonds?
n(22 heures)n Et tantôt il y a eu des analogies avec la santé. Je pense que ça vaut la peine d'en faire. Lorsqu'on regarde dans le réseau de première ligne dans la santé, notamment les CLSC, combien de fois les CLSC nous disent: Voyez-vous, notre problème, nous, la première ligne, c'est que, à la caméra, les urgences, ça parle, alors ça crée une pression publique terrible qui amène le gouvernement toujours à aller vers l'hôpital, toujours à aller vers l'urgence, et la première ligne, elle, n'a pas ces moyens-là. La même chose avec une rencontre que j'avais eue avec le recteur de l'UQTR, M. le Président, qui nous disait: Vous, les libéraux, vous parlez beaucoup de la santé, vous devriez parler de l'éducation; ce qui se passe dans les universités, c'est la santé dans 10 ans; c'est terrible, ce qui se passe; mais, évidemment, à la télévision, ça paraît moins, tu comprends, une salle de cours, ce n'est pas comme une salle d'urgence. Mais les coupures qui étaient faites massacraient les systèmes, et où on s'en va dans ce temps-là quand il y a insuffisance? On s'en va vers celui qui crie le plus.
Or, ma collègue nous démontre, dans les deux missions, quelles sont les clientèles qui parlent. Ah! bien, il y en a une, c'est la diffusion; bien, c'est le public, c'est les lecteurs et leurs représentants. Bon, c'est une bibliothèque en plus qui est municipale, alors il y a les autorités municipales, éventuellement, de l'île de Montréal. Alors, ça, c'est du monde qui parle, c'est du monde qui bouge, c'est du monde qui manifeste avec des pancartes. Je veux dire, on les entend, on les voit. Mais, dans le cas de la conservation, M. le Président, la clientèle, c'est le livre, et le livre, vous ne le verrez pas dans la rue en train de manifester. Le patrimoine imprimé, l'héritage, notre histoire, il ne sera pas dans la rue. Il demande cependant, cet héritage, ce patrimoine, il demande un gardien, il demande quelqu'un pour le défendre. Il demandait et il demande encore une institution, et il aurait espéré une ministre. C'est bien pourquoi on veut protéger l'institution, parce qu'il n'y a pas de ministre en plus.
Alors, il y a des questions. On ne peut pas nous en vouloir, dans l'opposition, de poser un certain nombre de questions parce que c'est inquiétant, non seulement le projet lui-même, mais l'absence de justification et, je dirais, le paysage dans lequel il s'inscrit: inattendu, demandé par... Je posais la question tantôt: Mais qui s'est levé au Québec pour demander cette fusion-là? Qui on a vu à la télévision dernièrement, qui on a vu manifester dans les rues pour dire: Je veux la fusion de la BNQ avec la GBQ? On n'a pas vu personne. Peut-être qu'il existe une personne au Québec, peut-être, M. le Président...
M. Gautrin: Ah! Mme Bissonnette.
M. Fournier: ...qu'il existe une personne au Québec. Mon collègue de Verdun prétend qu'elle s'appelle Mme Bissonnette. C'est possible, M. le Président, c'est possible que ce soit Mme Bissonnette. Notre collègue de Sauvé nous a déjà fait état de ses visées, de sa vision. Elle a le droit, M. le Président, elle a le droit à son opinion, et nous respectons les opinions de tous. Mais nous souhaiterions que ces visions, ces visées soient exposées au grand public, qu'elles puissent faire l'objet d'un débat, qui n'arrive pas en catastrophe à la dernière minute. Déjà, à l'époque de sa nomination à la Grande Bibliothèque comme P.D.G., déjà, il y avait eu des remarques, à l'époque, un, sur le fait qu'on se retrouvait avec une institution phare, donc qui envoie le modèle à tout le monde, qui était dotée d'une P.D.G. qui n'était pas bibliothécaire. Un beau modèle que vous envoyez à l'ensemble des bibliothèques. Bon, c'est une chose. On nous a dit qu'elle aimait beaucoup lire. Bon. Gérald Larose aussi, paraît-il. Alors donc, elle devient P.D.G., n'est pas bibliothécaire.
Et déjà, à ce moment-là, les gens soulignent un deuxième point: ce serait mieux d'avoir une présidence et une direction générale, pour avoir une meilleure approche de gestion et avoir une ouverture plus large. Avoir plus de vues, des fois, ça aide. Puis, moi, je ne suis pas contre ça, puis, même, j'apprécie quand, de l'autre côté, il y a des gens qui ne partagent pas mon point de vue, qui le défendent, par exemple, puis qu'on entend les justificatifs. J'aime ça, je trouve que ça fait avancer le débat quand, sur la table, on met des vues qui sont contradictoires au début, mais souvent, quand on commence à se parler, on finit par se comprendre.
Et c'est bien ce qu'on reproche ici, dans ce projet de loi là, il n'y a rien, il n'y a rien à part un grand silence, à part des études qui sont cachées, il n'y a rien sur un justificatif. On n'entend même pas, on n'a même pas eu un écrit de la seule personne qu'on pense qui est impliquée dans le projet, qui l'a demandé, Mme Bissonnette, aucun écrit. Il n'y a rien sur la table. Puis là, nous, on nous demande, à nous: Bien, passez donc ça comme une lettre à la poste; dans le fond, vous autres, les libéraux, posez-vous donc pas de questions.
Bien, malheureusement pour le Parti québécois, on va s'en poser, des questions, et on pense qu'on est légitimés d'en poser parce que, pour nous, la culture au Québec, c'est important; pour nous, le livre, la lecture, le public lecteur, les professionnels, le patrimoine imprimé, pour nous, c'est important; pour nous, cet héritage, cette histoire mérite d'être préservée, parce que c'est comme ça qu'on va pouvoir se refléter, se projeter dans l'avenir, et on ne veut pas que cette mission de base de la Bibliothèque nationale soit touchée.
Alors, M. le Président, je vous disais tantôt qu'à l'époque où elle a été nommée P.D.G. de la Grande bibliothèque il y avait déjà eu des questions. Est-ce normal qu'une personne soit en même temps présidente et directrice générale? Est-ce normal que, dans une grande bibliothèque et institution phare, elle ne soit pas bibliothécaire? Bien, je pense que les questions qui ont été soulevées à l'époque risquent d'être resoulevées avec encore plus d'importance, parce que là il s'agira d'une P.D.G. de GBQ-BNQ. Ça fait beaucoup de lettres, M. le Président.
Mais tout ça pour dire qu'il y a beaucoup de lettres parce qu'il va y avoir encore plus d'importance à une personne qui va cumuler des fonctions dans des missions qui doivent être protégées et pas fusionnées les unes dans les autres pour qu'on en oublie une. Moi, j'ai l'impression qu'il y a beaucoup de monde qui vont poser des questions à la ministre et qui vont lui dire qu'il y a un problème d'avoir une présidence et en même temps une direction générale dans la même personne pour une institution qui va incorporer deux mandats qui doivent pourtant être à une distance importante.
Le moins qu'on puisse dire, M. le Président, à l'égard de ce projet de loi là, c'est que, en ce moment, au moment où on se parle, ce n'est certainement pas les cinq minutes de l'exposé de la ministre de la Culture tantôt qui nous ont éclairés sur les justificatifs de ce projet de loi là.
Mme Maltais: Vingt minutes.
M. Fournier: Elle dit qu'elle a parlé 20 minutes. M. le Président.
Une voix: Treize.
M. Fournier: On me dit 13, ici. Je suis même prêt à lui dire qu'elle a peut-être parlé 15 minutes, M. le Président. J'en ai surtout contre ce qu'elle n'a pas dit. Nous ne savons pas aujourd'hui, en ce moment, en discutant de ce projet de loi, quels sont les motifs intimes du gouvernement. Qui plus est ? et c'est l'argumentation majeure ? on ne sait pas pourquoi on voterait ça. On ne sait pas pourquoi c'est sur la table, on ne sait pas qui, au Québec, réclame ça. Et, quand il y a un projet de loi que personne n'a demandé qui arrive d'un gouvernement, c'est notre rôle à nous de poser la question et d'espérer une réponse.
La ministre va sûrement avoir l'occasion de faire de nombreux exposés. J'espère qu'elle pourra relire l'exposé de ma collègue de Sauvé qui lui a posé de nombreuses questions, lui a demandé le dépôt de nombreux documents, qu'elle pourra peut-être nous dire en même temps quels sont donc tous ces groupes de pression, tous ces Québécois qui ont souhaité cette fusion, qu'elle pourra nous dire si vraiment c'est elle, aujourd'hui, qui a raison lorsqu'elle nous dit qu'il n'y aura pas de postes qui seront coupés, ou le mémoire au Conseil des ministres qui a amené le Conseil des ministres à dire: Oui pour la fusion parce qu'on va économiser sur les postes.
Est-ce que c'est encore elle qui a raison quand elle nous dit aujourd'hui: Les budgets, il n'y aura pas de problème; les missions, il n'y a pas de problème, ou si c'est le mémoire, M. le Président, qui nous annonce à l'avance que l'objectif de la fusion, c'est d'aller chercher des fonds de l'un pour servir l'autre? Ce n'est pas une fusion, c'est une saisie. Et, si j'ai tort ? et je demande juste à avoir tort ? j'aimerais juste qu'on me le dise autrement que par: Vous avez tort. J'aimerais qu'on me dise: Je vais mettre sur la table tout ce que j'ai; je vais mettre sur la table toutes les interventions qui ont été faites; je vais mettre sur la table tous les rapports qui ont été écrits; je vais mettre sur la table toutes les études qui ont été faites; je vais vous prouver que nous faisons bien. Mais, sans ça, toutes les paroles, M. le Président, de la ministre de la Culture ne seront que du vent.
Son mandat à elle, c'est de garder, de protéger, de promouvoir la culture au Québec, de protéger, dans ce cas-ci, la diffusion et la conservation, et, comme ministre, certainement, lorsqu'elle amène un projet de loi, de justifier les actes législatifs qu'elle nous demande de poser. Nous ne voulons pas le faire au péril de l'avenir de la culture au Québec. Merci, M. le Président.
n(22 h 10)nLe Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, et je reconnais maintenant le prochain intervenant. Il est l'adjoint parlementaire de la ministre de la Culture et des Communications et député de Saint-Hyacinthe. M. le député, la parole est à vous.
M. Léandre Dion
M. Dion: Merci, M. le Président. Vous savez c'est toujours un défi que de parler d'un bâtiment comme celui de la Grande Bibliothèque du Québec, surtout si on le regarde du point de vue du bâtiment et si on suppute théoriquement: Est-ce qu'il vaut mieux que ça soit placé dans le même bâtiment que la Bibliothèque nationale ou non? On peut parler longuement là-dessus, M. le Président, mais je ne suis pas sûr que ça soulève bien des passions, je ne suis pas sûr que ça soulève beaucoup, beaucoup d'intérêt.
Évidemment, la question de fond en elle-même est très intéressante et très importante. Parce qu'il s'agit en fait de la question de savoir: Doit-on regrouper au même endroit, pour le bénéfice de la population, les missions de diffusion et de conservation de la culture, de la pensée et de la littérature, donc de la pensée humaine? Bon. Mettons que, premièrement, on peut trouver certains intérêts, par exemple au plan économique: l'intérêt de pouvoir regrouper une administration, c'est intéressant, c'est valorisant et c'est important; l'intérêt pour coordonner les deux missions aussi. Il y a beaucoup de choses qu'on peut trouver là-dedans.
Mais, en réfléchissant à tout cela, savez-vous qu'est-ce qu'il m'est venu à l'esprit, M. le Président, en pensant à la Bibliothèque et à tout ça? Il m'est venu à l'esprit un souvenir tout récent, qui date d'à peine un an et demi, alors que je me retrouvais à Londres avec mon épouse, et puis nous nous sommes dit comme ça: On va aller visiter le British Museum. Parce que personne ne peut aller à Londres sans visiter le British Museum. Alors, je ne veux pas retourner chez moi et qu'on me dise: Es-tu allé voir le British Museum? et que je dise: Non, je ne suis pas allé. Alors, j'ai dit: Je vais aller voir le British Museum, hein, c'est une bonne idée. Alors, je suis arrivé, et puis c'est un immense bâtiment avec plusieurs salles. J'ai regardé le prospectus du musée et je me suis rendu compte que j'en avais pour un mois à visiter; or, j'avais seulement une journée pour le faire.
Alors, j'ai choisi et j'ai pensé, comme je venais de lire la vie de Ramsès II, visiter la salle égyptienne. Et là je suis entré, j'ai vu les colosses assyriens, la grande statue de Ramsès II, et puis ce qui a attiré mon attention, M. le Président, c'est là, sur un mur, une pierre noire, qui doit avoir plus ou moins un mètre de hauteur ? de souvenir ? avec un peu moins de un mètre de largeur, la pierre noire. Je me suis approché, une pierre noire comme ça sur le mur, et j'ai vu qu'elle était toute gravée, écriture cunéiforme. Vous savez, c'est comme des clous, mais j'imagine qu'à l'époque il n'y avait pas de clous, mais c'étaient peut-être des pointes de flèche, ou ces choses-là. Donc, une écrite cunéiforme. Évidemment, inutile de vous dire, M. le Président, que je n'ai pas réussi à lire ce qu'il y avait là-dessus. Mais j'ai lu quand même les explications, et on disait que cette pierre venait de la Bibliothèque d'Assurbanipal, roi du royaume de Ninive, et datait d'au moins 700 ans avant Jésus-Christ.
Alors, quand je suis revenu tout à l'heure, en réfléchissant à tout ça, j'ai demandé l'aide de la Bibliothèque ici, parce qu'on a une belle bibliothèque à l'Assemblée nationale, hein, avec des bibliothécaires extraordinaires, toujours prêts à nous rendre service, et ils m'ont fait une photocopie de trois pages du dictionnaire où on parle de la culture des Assyriens. Ça m'a rappelé quelques souvenirs, que j'avais déjà appris, mais beaucoup de choses que je n'avais jamais apprises sur la culture de ces gens. Et on sait que ça remonte à 3 000 ans avant Jésus-Christ, la culture des Assyriens, M. le Président. Ce n'est pas d'hier, ça. Bon. Mais la fameuse pierre serait d'à peu près 1 000 ans avant Jésus-Christ, entre 700 et 1 000 ans avant Jésus-Christ. Vous savez, à cette distance de nous, on peut se tromper un peu. On peut se permettre ça, puis je pense que ça ne blessera personne. N'est-ce pas, M. le député de Verdun? Vous acceptez que je me trompe un peu sur les dates quand...
M. Gautrin: ...avec difficulté.
M. Dion: Avec difficulté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Saint-Hyacinthe, continuez à vous adresser à la présidence.
M. Dion: Oui, M. le Président. Alors donc, à peu près à 3 000 ans de chez nous, cette pierre. Et que nous raconte-t-elle, la pierre? Elle nous raconte la version des Babyloniens de l'histoire du Déluge. Nous connaissions la version sémite des Araméens, des Israéliens. Alors, on a deux versions différentes d'un même phénomène. On peut penser qu'il est vrai, qu'il existe réellement, sauf que ce qu'on sait, c'est que les gens qui ont eu connaissance du Déluge ne l'ont pas écrite, l'histoire du Déluge. C'est beaucoup plus tard, des centaines d'années plus tard que, dans la mémoire collective, les gens ont écrit ça.
Alors, on a là la version des Assyriens de l'histoire du Déluge. Évidemment, je ne veux pas en rester au Déluge. Vous voulez que je passe à autre chose. Mais il reste que, des grandes bibliothèques, il y en a eu de tous les temps. Les grands peuples ont eu de grandes bibliothèques. Ramsès II avait ses grandes bibliothèques à Luxor, par exemple, en Égypte. La grande bibliothèque de Constantinople, la grande bibliothèque d'Alexandrie, les grandes bibliothèques grecques, n'est-ce pas, c'est extraordinaire.
Non, mais c'est extraordinaire parce qu'on voit qu'à travers tout cela il y a quelque chose d'extraordinaire qui se passe, M. le Président, et nous sommes en train de le découvrir. À l'époque d'Assurbanipal, on écrivait de préférence sur des pierres. C'était le support pour eux, n'est-ce pas. Et, ensuite, on a écrit par la suite sur des pots puis on a réussi à faire du papyrus, n'est-ce pas, cette espèce de papier un peu primitif avec du tissu et des fibres quelconques. Mais c'était précieux, et on enroulait les grandes feuilles de papier et on mettait ça dans un casier, et c'étaient les grandes bibliothèques de l'époque.
Vous savez, vous connaissez les grands auteurs grecs qui ont écrit des choses extraordinaires qui ont pu, grâce à ce procédé, venir jusqu'à nous: Homère, Socrate, Platon, Aristote ? Aristote, le grand philosophe grec qui a fait la jonction entre la pensée logique et la pensée mathématique, une chose absolument extraordinaire. Pour nous, ça nous semble simple aujourd'hui, mais ça a pris des milliers d'années à découvrir ça, M. le Président. C'est une chose extraordinaire.
Et tout ça, il y avait les empereurs romains d'Orient ? parce que l'empire romain s'était divisé en deux ? qui s'étaient installés à Alexandrie ? non pas à Alexandrie, à Constantinople; c'est ça, à Constantinople ? qui avaient ramassé dans une immense bibliothèque à peu près tout ce que l'humanité savait à l'époque. Mais, malheureusement, M. le Président, il y a eu une guerre, une guerre féroce, et des barbares sont entrés et ont brûlé la bibliothèque de Constantinople. Rien que d'y penser encore aujourd'hui, ça nous fait de la peine: toutes ces collections de science, et de connaissances, et de pensées acquises par l'humanité qui venaient de s'envoler en fumée. Heureusement, M. le Président, beaucoup de petites bibliothèques ont été sauvées et, par la suite, on a tenté de reconstituer le savoir de l'humanité et de reconstituer de grandes bibliothèques.
Pour penser à de grandes bibliothèques, il faut avoir de grandes pensées, pas des petites pensées mesquines, de grandes pensées.
Et c'est comme ça, M. le Président, qu'à l'époque, au Moyen Âge, après la conquête de Constantinople, la paix s'est installée en Orient et puis les Arabes ont développé la culture et la pensée de l'humanité. Et ils ont mis au point quelque chose d'extraordinaire, qui est quelque chose que nous utilisons tous les jours, et nous n'y pensons pas la plupart du temps, ce sont les chiffres arabes. C'est vrai, ça? Ce sont les arabes. Et grâce à cet... Vous savez, ça en prend seulement 10 chiffres ? 0, 1 jusqu'à 9 ? et, avec ça, on fait toutes les mathématiques du monde. Quel génie! Quel génie!
Des voix: ...
M. Dion: Bien, évidemment il y a certains scientifiques qui veulent en rajouter. C'est tant mieux s'ils en rajoutent, M. le Président. Mais une chose qui est certaine, c'est que, vers le XIIe siècle, le XIe siècle, les Arabes envahissent le sud de l'Espagne, amenant avec eux leur science...
Une voix: ...les Maures.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, Mme la députée.
M. Dion: Les Maures...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Une minute, on va mettre les choses au clair, là. Il y a une personne qui parle. Je permettrai à ceux qui veulent s'exprimer à leur tour de le faire. Et je demanderais votre collaboration.
Des voix: ...
n(22 h 20)nLe Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun, vous avez une voix qui porte beaucoup. Alors, je vous demanderais d'être plus attentif et d'être plus prudent. Alors, M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Dion: C'est vrai que les Maures apportaient la mort dans le sud de l'Espagne, c'est vrai. Mais ils apportaient aussi la vie, parce que le grand médecin Averroès, lui, il disait: Premier principe de la médecine, surtout ne pas nuire; et, deuxième principe, il y a d'abord la parole, ensuite l'herbe, ensuite le bistouri. La parole, évidemment, on sait très bien à quel point la psychologie joue beaucoup dans la guérison et dans la santé humaine. L'herbe, ce sont les médicaments d'aujourd'hui. Et le bistouri, il est resté le même.
Mais Averroès a influencé un grand penseur de la même époque qui s'appelait Thomas. Il vivait au monastère d'Aquin. Thomas d'Aquin, un grand philosophe, saint Thomas d'Aquin. Vous savez, les gens de chez nous connaissent bien saint Thomas d'Aquin. J'ai une petite paroisse tout près de Saint-Hyacinthe qui s'appelle Saint-Thomas-d'Aquin. Ils connaissent bien ça. Alors, c'est un grand philosophe, un grand savant du XIIe siècle. Et, lui, il a développé la logique, une logique qui a été reprise quelques centaines d'années plus tard par les encyclopédistes et Descartes qui ont vraiment établi, en faisant la somme des connaissances de l'humanité de l'époque, la pensée mathématique moderne.
Et, après Descartes, qu'est-ce qu'on voit apparaître? L'importance donnée à la mécanique, mathématique mécanique, et la révolution industrielle de la fin du siècle dernier ? tout ça, c'est la pensée de l'humanité qui a donné ça ? et, au début de notre siècle, l'industrialisation rapide, la production à la chaîne. Et la pensée mathématique, qu'est-ce qu'elle a donné? Elle a donné l'informatique, le système binaire. C'est plus ou c'est moins, ça passe ou ça ne passe pas. Et, à travers ce système binaire, toute la pensée de l'humanité depuis le début qui passe. Et tout ça nous est venu à travers des grandes bibliothèques, des livres qui ont traduit la pensée et, après avoir traduit la pensée, nous ont permis les uns après les autres, génération après génération, d'assimiler cette pensée-là et de créer une pensée nouvelle.
C'est ça, M. le Président, qu'il est important de comprendre. C'est comme ça qu'on voit que la pensée humaine a évolué, la pensée qui est au service de la vie en société, la pensée qui a été traduite dans les livres, n'est-ce pas, dans des écrits consignés dans des livres, des livres rendus disponibles dans des bibliothèques, petites et grandes, petites pour être au service de tout le monde ? services de proximité ? mais grandes pour jouer ce rôle extraordinaire qui est celui de porter la pensée humaine, la vie humaine, porter l'âme de l'humanité. Et on voudrait faire juste des petites choses pour cette pensée humaine? Non, il faut faire de grandes choses quand on est un grand peuple.
M. le Président, le livre, on l'a vu, permet à la pensée humaine de dominer le temps, de transcender le temps. Grâce au livre, nous avons tout le passé de l'humanité rendu présent devant nous. Quelque chose d'extraordinaire! Et là on peut passer du temps d'Assurbanipal à Aristote, à Saint Thomas d'Aquin, à Lafrenière, à Marie-Claire Blais, à Anne Hébert, Victor-Lévy Beaulieu, Hubert Reeves et beaucoup d'autres. C'est la pensée humaine rendue disponible pour nous.
Mais le livre, aussi, M. le Président, il ne doit pas seulement transcender le temps, il doit aussi transcender l'espace. Il doit rendre la pensée, rendre la production humaine à son plus haut niveau, rendre la pensée ? ce qu'il y a de plus beau qu'un être humain puisse produire, c'est une pensée nouvelle ? disponible partout, mais en la rendant disponible d'abord là où est la bibliothèque. À quoi sert que la grande bibliothèque de Montréal, ou la Grande Bibliothèque du Québec, rende la pensée et la création québécoise disponibles à Tombouctou si les gens de la rue Saint-Denis, si l'Université du Québec à Montréal ne peuvent même pas y aller?
Alors, ce sera une bibliothèque disponible. Elle rendra disponible, elle a une mission de diffusion de la pensée, disponible sur son territoire immédiat, disponible pour le Québec tout entier, disponible pour faire rayonner partout dans le monde la pensée du Québec, M. le Président.
Alors, je pense que ça vaut la peine, ça vaut la peine de laisser de côté les petits intérêts individuels ou collectifs un peu mesquins et de s'élever un petit peu au niveau de l'intérêt commun, au niveau du bien commun, au niveau de l'intérêt du peuple québécois, un peuple qui est grand. Et, à ce moment-là, si on s'élève un peu, on va comprendre qu'il y a intérêt à conjuguer la conservation et la diffusion au même endroit. C'est la pensée humaine, la pensée du peuple québécois, la culture québécoise, produit d'une histoire extraordinaire qui a commencé il y a très longtemps, qui a retrouvé ses spécificités dans notre climat, dans notre territoire et qui a produit des choses extraordinaires. On sait à quel point nos auteurs sont prolifiques et à quel point ils sont traduits dans toutes sortes de langues.
Alors, M. le Président, moi, je vous dis: Si la conservation, c'est la dimension qui transcende le temps, la pensée humaine à travers le temps, elle se construit avec le temps, elle se conserve par-delà le temps grâce aux livres et grâce aux grandes bibliothèques, eh bien, la diffusion, c'est la dimension qui transcende l'espace, qui rend donc la pensée du peuple québécois présente à l'ensemble du peuple québécois, disponible pour tous ici au Québec, ici à Montréal, ici au Québec, ici à Québec, ici partout, et qui la rend, en fin de compte, disponible pour tout le monde. Alors, moi, je trouve que c'est là un choix judicieux.
Bien sûr, bien sûr, il y aura différentes dimensions à la Bibliothèque, hein, différentes dimensions. On sait très bien que certains objets, certains produits, certains documents, certaines archives, dont l'objet c'est plus les conserver pour plus tard, seront disposés ailleurs, mais sous le contrôle de la Grande Bibliothèque, de la Bibliothèque nationale, qui était, qui est... C'est Mme la ministre qui vient de me souffler ça. Voyez-vous, elle connaît bien son dossier, beaucoup mieux que moi. Et c'est pour ça que je m'inspire d'elle, hein.
Alors donc, on aura conservé ce qu'on a produit de meilleur, on l'aura rendu disponible à travers le monde. Je pense qu'il s'agit là d'un choix judicieux, d'un choix inspiré, d'un choix porté par la mémoire du temps et d'un choix qui voit loin dans l'espace. C'est une vision du rôle et de la mission historique du peuple québécois. Alors, je félicite Mme la ministre pour avoir vu grand, vu à la dimension du peuple québécois. Et j'invite les gens de l'opposition à voir un peu plus grand. Le peuple québécois d'aujourd'hui et de demain nous regarde; faisons en sorte qu'il soit fier de nous comme nous sommes fiers de lui. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, un simple rappel, que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives. Et je reconnais le prochain intervenant, il est président de la commission de l'administration publique et député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.
M. Geoffrey Kelley
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir d'intervenir dans le débat sur le principe du projet de loi n° 160, la Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives; Bill 160, An Act respecting the Bibliothèque nationale du Québec and amending various legislative provisions.
n(22 h 30)n Et je m'adresse à vous, M. le Président, comme parlementaire expérimenté. Et une des choses que je suis en train de réaliser comme parlementaire, c'est que ce n'est pas toujours un avantage d'avoir une bonne mémoire. Parce que, moi, il y a trois ans, comme parlementaire, j'ai participé au débat sur le projet de loi n° 403, qui était le projet de loi qui avait été amené en Chambre par la ministre de la Culture de l'époque et députée de Chambly pour la création d'une grande bibliothèque. Et on a eu beaucoup de débats qui sont soulevés ce soir; nous avons regardé ces mêmes sujets il y a trois ans. Et, moi, j'ai en tête, en mémoire, les engagements solennels qui ont été pris par ce gouvernement pour dire que qu'est-ce qu'on est en train de faire ne met aucunement en danger, en péril, le mandat essentiel de la Bibliothèque nationale du Québec.
Alors, ça fait trois ans de ça. Mais j'ai trouvé mon dossier pour le projet de loi n° 403. Je suis allé aux sources pour voir... Parce qu'il y avait déjà, dès le départ, une très grande préoccupation du mélange des mandats, ici. Et même, prendre la Bibliothèque centrale de Montréal et la mettre avec juste le volet diffusion du rôle de la Bibliothèque nationale du Québec, il y avait des préoccupations. Nous avons discuté longuement, en commission parlementaire, comment est-ce qu'on peut arrimer ces rôles, parce qu'ils sont très différents. Parce que les enjeux pour avoir un accès démocratique à la lecture et aux livres, moi, j'y souscris entièrement.
Et, moi, j'ai insisté, malheureusement ça n'a pas été retenu par la ministre de l'époque, qu'il faut mettre le mot «public» dans cet établissement, parce que, moi, je crois fermement... Et on regarde à travers l'Amérique du Nord, the New York Public Library, the Vancouver Public Library, the San Francisco Public Library, the Boston Public Library, on met dans leur titre que leur rôle essentiel, leur rôle avant tout, c'est un lieu pour aller consulter les livres, c'est un lieu public, un lieu démocratique. Ils ont mis ça dans le titre. Mais on a jugé bon, à l'époque, que Grande Bibliothèque du Québec est suffisant. On laisse de côté le débat, mais, moi, je crois fermement dans le rôle de nos bibliothèques publiques.
Mais nous avons dit à l'époque qu'une bibliothèque nationale est une vocation tout autre. Le député de Saint-Hyacinthe vient de parler de la grandeur. Ça, c'est bon pour une bibliothèque publique, mais son discours ne tient pas quand on parle d'une bibliothèque nationale, qui a un rôle essentiel de conservation. Presque la mémoire collective de la société québécoise est une bibliothèque nationale. C'est plutôt réservé pour les chercheurs, c'est plutôt réservé pour les experts, parce que souvent on utilise la seule et unique copie d'un livre ou d'un texte, d'un dépliant, d'un pamphlet public ou politique du XIXe siècle. Alors, c'est vraiment les trésors de notre collectivité qui sont dans les bibliothèques nationales.
On a soulevé le problème dès le départ, avec la loi 403, de fusionner ces deux mandats. Ce n'est pas évident, c'est très, très difficile. Mais on a consulté, entre autres, Clément Richard, qui était l'auteur du rapport Une grande bibliothèque pour le Québec, et je le cite, parce que c'est une question qui a été soulevée par les députés de l'opposition à l'époque, sur la page 51, il a suggéré, et c'était la recommandation qui était retenue par le gouvernement, «que la Bibliothèque nationale du Québec conserve l'ensemble de ses fonctions, notamment en matière d'acquisition, de traitement et de conservation du patrimoine documentaire québécois, ainsi que celles liées à la publication de bibliographies et aux relations internationales».
Alors, ça, c'était la proposition. On a écouté M. Richard, qui a fait une présentation devant la commission de la culture, et on a dit: Oui, ces vocations sont différentes, ces mandats sont très différents. Alors, nous avons eu l'assurance du comité qu'a présidé M. Richard qu'on va remettre en question qu'il y a deux vocations distinctes et deux établissements distincts.
Et pour le confirmer, Mme la ministre de l'époque et députée de Chambly a fait, à l'Assemblée nationale, une allocution en commission parlementaire sur le projet de la Grande Bibliothèque du Québec, et je la cite, ce n'est pas loin, c'est le 11 novembre 1997: «J'insiste sur le fait que le concept de grande bibliothèque n'abolit aucune des deux institutions. En adhérant au concept de la GBQ, la BNQ conserve tous ses mandats et ses activités, à l'exception de la communication au public de son patrimoine. En effet, la Bibliothèque nationale du Québec continuera à développer une expertise et à exporter au plan international: dépôt légal, bibliographies nationales courantes et rétrospectives, partenariats avec diverses institutions, numérisation d'une partie de ses collections, catalogage avant publication, attribution du numéro ISBN, statistiques de l'édition, traitement normalisé, dépistage des publications québécoises et acquisitions par dons, échanges ou achats, édition de publications.» Des vocations, M. le Président, vous convenez avec moi, très spécialisées.
Ça, ce n'est pas les lectures publiques ou populaires. Ça, c'est vraiment les choses, les outils essentiels à la fois pour nos étudiants, pour nos bibliothécaires, pour les personnes qui se spécialisent dans le domaine de l'histoire et d'autres volets de la société. Mais ce n'est pas là ? et j'insiste sur ça ? qu'on va trouver les bibliothèques de vocation publique et populaire.
Alors, nous avons eu l'assurance de la ministre de l'époque, avant d'adopter le 403, que le mandat, le rôle essentiel de la Bibliothèque nationale du Québec serait distinct. On va conserver ça dans un établissement distinct et on va mettre dans la bibliothèque, la Grande Bibliothèque du Québec, une vocation autre, c'est-à-dire la promotion de la lecture, rendre accessible le livre aux Québécois et Québécoises, être un soutien aux bibliothèques de quartier et à l'ensemble du réseau des bibliothèques au Québec. Alors, c'est de ça que nous avons convenu.
Nous avons adopté à l'unanimité le projet de loi n° 403 malgré nos hésitations parce que nous avons eu l'assurance qu'on va conserver distincts les mandats de la Bibliothèque nationale du Québec et de la Grande Bibliothèque du Québec, parce qu'elles ont une vocation complètement différente. Essentielles les deux. Essentielles les deux, je ne peux pas dire qu'une est plus important que l'autre, mais c'est très important de ne pas les mélanger. Et ça, c'était l'entente que nous avons convenue il y a trois ans. Maintenant, on arrive aujourd'hui et...
Et juste peut-être comme aide-mémoire pour la distinction entre les deux, moi, je me rappelle, comme étudiant à McGill, à la bibliothèque McLennan, à McGill, ils ont fait un exposé incroyable sur les dégâts que les étudiants peuvent faire dans les livres de nos bibliothèques, et c'était formidable. Les pages jaunies avec nos crayons, toutes les pages jaunies au complet. Il y avait des personnes qui avaient coupé les pages, coupé l'ensemble d'un livre. Alors, on voit le livre et on voit que l'extérieur existait, mais tout l'intérieur du livre était complètement enlevé. Alors, il y avait beaucoup de ces exemples, des dommages que des étudiants, sous le stress de la fin du semestre, ou quelque chose comme ça, peuvent faire à nos livres. Mais je cite ça juste comme preuve que la vocation publique et la vocation de conservation, il faut garder ça distinct.
Alors, qu'est-ce qu'on est en train de dire aujourd'hui? Malgré les assurances de ce gouvernement, malgré les assurances de la ministre, malgré l'assurance de M. Richard, qui à l'époque était la personne qui avait fait la conception, le design de cette Grande Bibliothèque, ce soir on assiste... je pense qu'on ne peut pas le qualifier qu'un «hostile takeover». C'est-à-dire qu'on va prendre la Bibliothèque nationale, on va éliminer son conseil d'administration. Déjà, on a vu que son directeur général a démissionné. Alors, c'est vraiment la fin aujourd'hui.
Et, sur ça, je pense, il y a des personnes qui avaient déjà compris ça il y a trois ans. Et je suis heureux de voir au moins, sur la liste des témoins qui étaient retenus, le professeur Yvan Lamonde de la Faculté des lettres de l'Université McGill, parce qu'il était très, très préoccupé à l'époque du mélange des mandats, le mélange des choses. Il a publié dans Le Devoir une analyse sous le titre La Grande Bibliothèque du Québec, un concept qui ne résiste pas à l'analyse. Mais c'est fort intéressant de voir qu'est-ce qu'il a dit sur la Bibliothèque nationale du Québec. Le professeur Lamonde a dit: «Grâce à son personnel ? travailler à la Nationale est une référence ? et à ses conservateurs, la Bibliothèque nationale du Québec a construit une expertise remarquable et remarquée qui commence à donner tous ses fruits et est reconnue sur le plan international.» Alors, il a dit: Notre Bibliothèque nationale est vraiment quelque chose. Toute la société québécoise, tous les Québécois et Québécoises peuvent être fiers de notre Bibliothèque nationale existante, avant le «hostile takeover». Mais qu'est-ce qu'on a aujourd'hui, c'est vraiment un bijou, c'est vraiment quelque chose de très, très important.
n(22 h 40)n Mais qu'est-ce que le professeur Lamonde avait prévu à l'époque, c'est: «Ce concept original ? qui était la très Grande Bibliothèque ? ne résiste pas à l'analyse d'abord et avant tout parce que, ficelé trop rapidement, il constitue un amalgame des fonctions diverses et hétéroclites et qu'il convient plutôt de distinguer et parce qu'il met précisément en péril l'institution la plus solide qu'on risque de noyer en lui faisant sauver les institutions à renforcer.» Alors, il a déjà vu qu'est-ce qui va arriver, qu'on va mettre en péril la Bibliothèque nationale du Québec pour la Grande Bibliothèque, qui a un mandat tout autre, une mission tout autre. Alors, sa prévision était un petit peu... le professeur Lamonde, est un peu plus optimiste, il dit: «Mais, voilà, on songe à lui amputer le poumon de sa clientèle pour lui préparer une agonie plus ou moins longue qui durera le temps qu'un autre comité qui, dans cinq ou 10 ans, invoquera sa faible clientèle pour l'amputer de nouveau ou...»(Panne d'électricité)
n(22 h 41 ? 22 h 42)nLe Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place.
Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives. Et je permets maintenant au député de Jacques-Cartier de poursuivre son intervention.
M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux juste revenir sur les prévisions plutôt sombres, à l'époque, que le professeur Lamonde a faites. Il a dit qu'en faisant déjà une menace au mandat spécifique et distinct de la Bibliothèque nationale du Québec on risque de mettre en péril une institution qui est reconnue mondialement comme parmi les meilleures bibliothèques nationales au monde. Alors, c'est vraiment une expertise que nous avons développée ici, c'est vraiment différent de la vocation d'une bibliothèque publique. Alors, comme j'ai dit, je l'ai traité un petit peu comme optimiste, mais qu'est-ce que le professeur Lamonde a dit à l'époque, c'est: Mais, voilà, on songe à amputer la Bibliothèque nationale du Québec du poumon de sa clientèle, «pour lui préparer une agonie plus ou moins longue qui durera le temps d'un autre comité qui, dans cinq ou 10 ans, invoquera sa faible clientèle pour l'amputer à nouveau ou l'inhumer». Alors, cinq ou 10 ans, et ça n'a même pas duré trois ans, et on est aussi, ce soir, à assister aux funérailles de la Bibliothèque nationale du Québec.
Parce que qu'est-ce que nous avons vu et ce dont nous avons parlé à maintes reprises, c'est qu'il y aura des problèmes budgétaires. Et on a prévu juste la question, en 1997, du partage de la collection entre la Bibliothèque nationale du Québec et le nouvel établissement, la Grande Bibliothèque du Québec, il y aura des problèmes. La ministre, à l'époque, a dit: Oh! ce n'est pas vrai du tout, il n'y aura pas de problème. Mais on a vu, en 1999, les problèmes, les difficultés d'arriver à une entente pour le partage de la collection entre la Bibliothèque nationale du Québec et la Grande Bibliothèque: il y avait les reportages à Radio-Canada, il y avait un échange de lettres, alors il y avait un problème déjà. Alors, nous avions prévu ça, parce que les mandats sont différents. Et, oui, on peut fusionner, on peut fusionner beaucoup de choses, mais il faut voir dans tout ça: Est-ce qu'il y a une raison pour le faire? Est-ce qu'il y a une vocation qui rejoint les deux? Et, dans ce cas, ce n'est pas vrai. Alors, en faisant la lecture des prévisions de l'opposition à l'époque, on a vu que plusieurs des problèmes qui ont été soulevés ont été réalisés. Et nous avons insisté aussi, et la ministre de l'époque avait deux propositions: Est-ce qu'il faut avoir pour la Grande Bibliothèque un président-directeur général ou est-ce que ce serait mieux d'avoir un président du conseil d'administration et un directeur général? Et, à l'époque, la ministre a demandé au professeur Louis Borgeat, de l'École nationale d'administration publique, ses opinions. Et il a dit que probablement le modèle de diviser ça en deux et d'avoir un président du conseil d'administration qui peut faire la promotion de la Grande Bibliothèque, qui sera quelqu'un probablement bénévole, qui agira comme président du conseil d'administration, et d'avoir un directeur général qui gère l'administration, ce sera le meilleur modèle. Ça n'a pas été retenu par la ministre de l'époque. Mais, encore une fois, le professeur était assez précis dans sa vision des choses, parce qu'il a dit, et c'est une lettre qu'il a adressée à Mme la ministre, le 3 juin 1998: «En termes de désavantages, il va de soi que la concentration de l'autorité dans les mains d'une seule personne peut avoir pour effet d'amener la complaisance ou la démobilisation du conseil d'administration, privant ainsi l'organisme de son apport en termes de forum d'orientation. Elle comporte aussi des risques de vision réductrice des problèmes et des enjeux et, à la limite, de dérapage de l'organisme trop centré sur les visions d'une seule personne ou sur les seules problématiques internes de la structure administrative.» Alors, trois ans après, la Bibliothèque n'existe pas encore, et on a déjà deux ans d'expérience avec des problématiques internes de la structure administrative.
Alors, je pense qu'on a tout intérêt, M. le Président, à revenir au point de départ, aux assurances que ce gouvernement nous a données qu'on va conserver d'une façon distincte le rôle essentiel de la Bibliothèque nationale du Québec. Moi, je pense qu'on a tout intérêt à revenir à ce modèle parce que, comme j'ai dit, la mission de la Bibliothèque nationale du Québec est fort différente de qu'est-ce qu'on veut de la Grande Bibliothèque du Québec, qui sera en partenariat avec la ville de Montréal pour faire la promotion de la lecture.
Et, sur ça, j'ai toujours des réserves. Moi, j'ai voté pour le projet de loi n° 403. Moi, j'ai visité la Grande Bibliothèque à Vancouver et, malgré les assurances des élus à l'époque, en Colombie-Britannique, une des conséquences directes de construire une bibliothèque magnifique, qui est au centre-ville de Vancouver, c'étaient les coupures dans les budgets des bibliothèques de quartier. On a dû réduire les heures des bibliothèques de quartier, faute d'argent. Des chicanes de budget qui, la ministre prétend, n'existeraient pas dans le nouveau modèle qu'elle propose ce soir dans le projet de loi n° 160.
Alors, moi, j'ai énormément d'inquiétudes, trois ans après l'adoption de la loi n° 403. C'est une bibliothèque, son histoire se résume à des chicanes administratives. Elle n'existe pas encore, alors j'ai trouvé ça un petit peu curieux quand le député de Saint-Hyacinthe a parlé de bâtiment. Il n'y a pas de bâtiment en question, ici, ça n'existe pas. La Grande Bibliothèque n'existe pas encore.
Je pense que tout le monde qui aime la lecture aimerait visiter un jour la Grande Bibliothèque, mais, en attendant, les problèmes pour nos bibliothèques sont réels et on a juste à faire un survol des manchettes des journaux des dernières couples d'années. Un article assez triste de l'écrivain Claude Jasmin sous le titre Les très petites bibliothèques mal garnies. Comme écrivain, il est allé visiter les bibliothèques de quartier un petit peu partout dans les quartiers. Seul petit problème dans nos bibliothèques, il n'y a pas de livres.
Un autre article sous un titre Classes bondées et bibliothèques dégarnies, sur nos bibliothèques à l'université. Dans nos écoles, les services aux bibliothèques réduits à presque rien. Un autre article signé par plusieurs bibliothécaires: Un moratoire qui constitue un obstacle à la politique de la lecture. La Grande Bibliothèque: beaucoup de questions sans réponses. Les compressions font très mal aux bibliothèques. Quand les bibliothèques n'ont plus les moyens d'acheter des livres.n(22 h 50)n Alors, c'est ça, la réalité, de nos jours, que nos bibliothèques de quartier, nos petites bibliothèques où c'est essentiel pour donner accès à nos enfants, à nos étudiants, aux personnes qui veulent améliorer leur connaissance des langues, la langue française, la langue anglaise, entre autres, c'est le lieu privilégié pour le faire, et ça demeure toujours le lieu privilégié pour le faire. Ils crèvent de faim. En aide ce soir, la ministre arrive, elle va prendre la seule chose qui marche bien dans tout l'ensemble, qui est la Bibliothèque nationale du Québec avec sa vocation très spécifique, on va noyer ça dans un projet qui était improvisé dès le départ, qui n'a pas encore vu le jour.
Et, de ce côté de la Chambre, on insiste beaucoup; nos bibliothèques sont importantes, et je pense que la ministre doit prendre un temps d'arrêt pour vraiment voir comment est-ce qu'on va remplir les mandats très différents. Parce que le projet de loi, ce soir, va nous amener encore une fois à d'autres chicanes entre les divers mandats de ces établissements, et je pense qu'on risque, dans l'échange, de perdre quelque chose qui est très important pour la société québécoise, c'est-à-dire la vocation initiale de la Bibliothèque nationale du Québec. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Jacques-Cartier, pour votre intervention. Nous poursuivons les débats sur l'adoption du principe du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, et je reconnais la porte-parole officielle de l'opposition en matière d'autoroute de l'information et d'habitation et députée de La Pinière. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais intervenir à cette étape de l'étude du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives.
Ce projet de loi a pour objet de modifier la Loi sur la Grande Bibliothèque du Québec en fusionnant la Bibliothèque nationale du Québec et la Grande Bibliothèque du Québec en une nouvelle institution appelée Bibliothèque nationale du Québec. Alors, comme ma collègue la députée de Sauvé et porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications, l'a si bien démontré dans sa présentation, ce projet de loi, qui, à prime abord, peut paraître anodin, parce qu'il est technique, et c'est un petit projet de loi de 26 articles, pourrait, mine de rien, ne pas signifier, à prime abord, tous les enjeux qu'il cache.
Mais, en fait, il s'agit là d'une fusion qui est imposée par le gouvernement entre deux institutions qui ont deux missions et deux objectifs complètement différents. La Grande Bibliothèque du Québec, qui, soit dit en passant, n'existe pas encore, elle existe dans une loi, le projet de loi n° 403, sur lequel nous avons eu à travailler et que nous avons adopté à l'unanimité de cette Assemblée... Ce projet de loi devait se concrétiser par la création de la Grande Bibliothèque du Québec, qui n'a toujours pas vu le jour depuis trois ans et demi que ce projet-là est sur la table. Il s'agit en fait d'une institution virtuelle actuellement qui va absorber une grande institution, la Bibliothèque nationale du Québec.
Il faut rappeler d'entrée de jeu, M. le Président, qu'il y a une différence marquante entre la Grande Bibliothèque et la Bibliothèque nationale du Québec. La Grande Bibliothèque, c'est une bibliothèque publique, et une bibliothèque publique a pour mission de diffuser l'information, de diffuser la culture. C'est un instrument de diffusion. La Bibliothèque nationale a pour mission de conserver les documents publiés, de conserver le patrimoine d'un pays, d'un peuple, d'une nation, etc. Alors, voilà la différence qui est extrêmement importante à souligner, et là le gouvernement veut fusionner une institution virtuelle, qui devrait être une bibliothèque publique, avec une institution qui existe depuis 33 ans, la Bibliothèque nationale du Québec.
Et je voudrais rappeler que, lorsque nous avons entamé l'étude du projet de loi n° 403 créant la Grande Bibliothèque du Québec, nous avons, de ce côté de la Chambre, exprimé des inquiétudes à l'effet justement qu'il y avait un risque que le gouvernement puisse se hasarder à vouloir absorber, happer la Bibliothèque nationale du Québec et nous avons eu des assurances fermes de la part de la députée de Chambly, qui était à l'époque ministre de la Culture, que jamais cela n'arriverait, que la Bibliothèque nationale va sauvegarder sa mission, elle va continuer à se développer parallèlement à la Grande Bibliothèque du Québec.
Nous avons également exprimé des inquiétudes parce que la Grande Bibliothèque du Québec, à l'origine, le projet de la construction était estimé à 75 millions de dollars. Et on se demandait, dans une période de coupures sévères dans le domaine de la santé et dans différents secteurs névralgiques comme l'éducation, si le 75 millions de dollars était bien utilisé dans le béton au lieu de soutenir les bibliothèques publiques, les bibliothèques scolaires et les bibliothèques en région. Et la ministre de l'époque nous a rassurés qu'il n'y aurait pas nécessairement de coupures dans les bibliothèques. Malheureusement, M. le Président, la situation des bibliothèques publiques scolaires au Québec est assez dramatique: il y a un sous-financement chronique, il y a une détérioration des collections, il y a un manque de livres et, bien entendu, il y a le moratoire du gouvernement sur les équipements culturels qui affecte douloureusement les bibliothèques, et particulièrement les bibliothèques publiques.
Le 10 juin 1997, nous avons entamé l'étude article par article du projet de loi n° 403 créant la Grande Bibliothèque du Québec. Et, à ce moment-là, je me rappelle, pour y avoir participé, avoir fait des amendements pour pouvoir notamment inclure dans le conseil d'administration de la Grande Bibliothèque du Québec, dans le conseil d'administration, parmi les sept personnes qui devaient être nommées par le gouvernement, une bibliothécaire ou un bibliothécaire professionnel. On était passé à côté de cette réalité. On a oublié les artisans, les acteurs principaux du traitement du livre et des documents qui sont les bibliothécaires professionnels. Et je m'étais réjouie de voir que la ministre s'était rendue à la suggestion qu'on lui avait faite pour intégrer les professionnels du livre dans cette Grande Bibliothèque.
M. le Président, le projet de loi n° 160 qui est devant nous, ce n'est rien de moins qu'un élargissement du mandat de la Grande Bibliothèque du Québec. Et ça démontre une chose. Le signal que ça m'envoie, c'est l'incapacité du gouvernement à réaliser le projet de la Grande Bibliothèque du Québec. Et, parce qu'il est incapable de le réaliser, il fait main basse sur une institution qui existe, qui a fait ses preuves et qui est reconnue aussi bien au Québec qu'à travers le reste du monde. On fait main basse sur la Bibliothèque nationale du Québec par ce projet de loi n° 160 et, du même coup, on fait main basse sur les ressources de la Bibliothèque nationale du Québec, car c'est ça, l'enjeu. Le gouvernement est incapable de livrer la Grande Bibliothèque du Québec parce que c'est un projet trop ambitieux; alors, il fait main basse sur la Bibliothèque nationale du Québec, sur ses ressources matérielles, sur ses ressources humaines, et plus particulièrement sur ses ressources documentaires, sur sa collection qui, elle, est extrêmement importante. Et le gouvernement, par ce projet de loi, vient de s'approprier tout ce que la Bibliothèque nationale du Québec possède à ce jour.
Jusqu'au titre du projet de loi, M. le Président, jusqu'au titre. On ne parle plus de Grande Bibliothèque du Québec, c'est un projet enterré; on parle de Bibliothèque nationale. On s'approprie jusqu'au symbole de la Bibliothèque nationale parce qu'on sait qu'il est signifiant et qu'il est significatif. La Grande Bibliothèque du Québec, c'est fini. C'est un projet mort et enterré. Le projet de loi, c'est la preuve concrète de l'échec du projet de la Grande Bibliothèque du Québec dans la facture que le gouvernement nous a présentée. Le navire amiral dont on nous a parlé tantôt n'est même pas capable de se rendre à destination, car la Grande Bibliothèque du Québec, après trois ans et demi de tergiversations, n'a toujours pas vu le jour. Et c'est pour camoufler cet échec face à l'ampleur du projet de la Grande Bibliothèque du Québec que la ministre de la Culture introduit aujourd'hui le projet de loi n° 160.
Le projet de loi n° 160, M. le Président, veut intégrer l'ensemble des dispositions législatives qui régissent l'actuelle Bibliothèque nationale du Québec, notamment celles qui concernent le dépôt légal des documents publiés. Et ça, c'est une erreur majeure parce que, s'il y a une distinction fondamentale entre une bibliothèque publique, qu'elle soit de l'ampleur de la Grande Bibliothèque du Québec ou d'une simple bibliothèque publique, c'est que sa mission, c'est pour diffuser la culture, alors que la Bibliothèque nationale a une mission de conservation, notamment par le dépôt légal.
n(23 heures)n Il est utile, pour comprendre l'importance de cette Bibliothèque nationale, de rappeler le contexte historique dans lequel elle s'est développée. Le projet de la Bibliothèque nationale du Québec, M. le Président, a été mis de l'avant par le gouvernement libéral de Jean Lesage dans les années soixante. Le premier projet de loi créant la Bibliothèque nationale, le projet de loi 91, a été adopté par l'Assemblée nationale le 11 août 1967 sous le gouvernement de l'Union nationale de Daniel Johnson, père. Vingt-deux ans plus tard, en 1989, Lise Bacon, alors ministre des Affaires culturelles du gouvernement Bourassa, a proposé le projet de loi 43 qui a créé la nouvelle Loi sur la Bibliothèque nationale. Et je me permets de citer, M. le Président, la ministre de l'époque qui disait: «Ce mode de fonctionnement assurera davantage la prise en compte des besoins du milieu tout en conférant une crédibilité majeure à l'action de la Bibliothèque nationale.» Dans ce temps-là, M. le Président, on se souciait de la crédibilité de cette institution considérée comme majeure. Aujourd'hui, le gouvernement du Parti québécois sabre dans la Bibliothèque nationale.
L'idée de la Grande Bibliothèque, issue du modèle français de la très grande bibliothèque de France, a été portée haut et fort par l'ancienne éditorialiste du Devoir, Lise Bissonnette, qui a signé d'ailleurs un article dans Le Devoir, le 10 février 1996. Et vous me permettrez de citer quelques extraits de cet article. Elle disait ceci: «Le Parti québécois déteste qu'on lui rappelle son dossier culturel. Neuf ans de pouvoir et pas l'ombre d'un grand équipement qui porte sa marque. Neuf ans d'opposition et pas l'ombre d'une réflexion sur les arts. Tandis que le Parti libéral du Québec, qui passe pour assez mal dégrossi, n'a cessé au cours de son dernier mandat de signer théâtres, musées et monuments, en plus de produire en deux temps une politique culturelle qui a chambardé le rapport de l'État à la création et que l'opposition péquiste a adoptée, la mine basse et l'inspiration en panne, incapable de formuler l'alternative.» C'était Lise Bissonnette, dans Le Devoir du 10 février 1996.
L'idée de la Grande Bibliothèque, donc, a cheminé, et Mme Bissonnette a proposé alors au premier ministre d'entrer dans l'histoire en créant la très Grande Bibliothèque du Québec. Et elle suggérait initialement la fusion des bibliothèques dans le quadrilatère de l'UQAM, c'est-à-dire la bibliothèque de l'Université du Québec, celle du cégep du Vieux-Montréal, la Bibliothèque centrale de la ville de Montréal et la Bibliothèque nationale du Québec. Soit dit en passant, c'est des bibliothèques qui ont des missions complètement différentes, M. le Président. Moi, j'ai fait mes études à l'Université McGill en bibliothéconomie-sciences de l'information. Si, par hasard, je m'étais aventurée, dans un de mes examens, à suggérer de fusionner une bibliothèque publique avec une bibliothèque nationale, j'aurais eu un échec, et je l'aurais mérité. Et c'est le cas qui arrive actuellement avec la ministre de la Culture.
Le premier ministre a donc acheté l'idée de la très Grande Bibliothèque du Québec et il a proposé la création d'un comité qui a été présidé par Clément Richard, et qui, dans son rapport, d'ailleurs a recommandé rien de moins que le maintien de la Bibliothèque nationale du Québec dans le mandat qui lui est conféré, et je cite: «La Bibliothèque nationale conserve l'ensemble de ses fonctions, notamment en matière d'acquisition, de traitement et de conservation du patrimoine documentaire québécois.» Ça, c'était la recommandation de Clément Richard, M. le Président, dans son rapport. Évidemment, ce n'était pas une recommandation qui plaisait beaucoup à Lise Bissonnette qui, elle, voyait beaucoup plus grand et qui trouvait que la recommandation du comité Richard était très timide.
Mais, quoi qu'il en soit, M. le Président, on connaît la suite. Mme Lise Bissonnette a été nommée présidente-directrice générale de la Grande Bibliothèque du Québec, et on connaît aussi les péripéties que ce projet-là a vécu depuis. Et je me permettrais de vous citer des extraits de textes publiés à ce sujet-là, notamment celui qui a été signé par Suzanne Colpron dans La Presse du 6 novembre 1999. Elle écrivait ceci: «Mme Bissonnette rêvait d'une institution qui aurait regroupé non seulement la Bibliothèque du Québec et la Bibliothèque centrale de Montréal, mais aussi les bibliothèques des établissements collégiaux et universitaires de proximité. Malgré cela, elle a accepté le mandat que lui confiait la ministre Louise Beaudoin. Mais elle n'a peut-être pas perdu ses idées de grandeur, comme on a pu le voir quand elle a, chose rare pour une fonctionnaire, contesté publiquement le budget de construction prévu par Québec, de 85 millions, ce qui lui a d'ailleurs valu une mise au point de sa ministre. Pourtant, Mme Bissonnette continue à réclamer plus d'argent. Obtiendra-t-elle les millions demandés?» On le sait, M. le Président, et on ne peut pas reprocher à Mme Bissonnette d'avoir de l'ambition, de voir grand, de vouloir un projet qui soit magnifique, mais la responsabilité ultime incombe au gouvernement et incombe à la ministre de la Culture plus particulièrement.
Nous assistons, par ce projet de loi, à un mariage forcé, contre nature, parce que la Bibliothèque nationale et la Grande Bibliothèque, c'est deux institutions ayant des objectifs différents, des missions différentes, desservant des clientèles différentes, et aujourd'hui je ne comprends vraiment pas la logique derrière ce projet de loi.
Également, toujours dans les péripéties de ce projet de Grande Bibliothèque, M. le Président, Agnès Gruda a publié un article début août 1998, et je voudrais vous citer... En fait, l'article a été publié le 22 août 1998. Elle écrivait ceci concernant la nomination de Mme Lise Bissonnette: «Cette nomination n'est ni aussi naturelle ni aussi avisée qu'il ne le paraît au premier coup d'oeil. Elle laisse dans son sillage un profond malaise ainsi qu'un lourd parfum de favoritisme. Maintenant que la Bibliothèque est sur ses rails, il y a de fortes chances pour que sa P.D.G. pousse de toutes ses forces pour lui insuffler la grandeur dont elle n'a jamais cessé de rêver. Pas sûr que ça soit la démocratisation de la culture, objectif officiel du projet, qui y gagne.» Il faut dire, M. le Président, que et la nomination de Mme Bissonnette et les péripéties qui ont suivi ont donné lieu à plusieurs commentaires qui sont sortis et dans les journaux et dans les médias électroniques, et qui démontrent finalement qu'il y a véritablement un malaise autour de ce projet de Grande Bibliothèque du Québec, projet auquel nous avons adhéré parce que nous croyions aux objectifs que le projet de loi proposait, mais, de la manière dont le gouvernement l'a mené et de la façon dont il atterri aujourd'hui avec ce projet de loi, il y a lieu de se poser de sérieuses questions.
Ma collègue la députée de Sauvé a bien argumenté, elle a exposé tous les points utiles et nécessaires pour expliquer à la ministre que son projet de loi est irrecevable. À la lumière de la logique la plus élémentaire, son projet de loi est irrecevable. Voici un gouvernement qui nous a présenté, il y a trois ans et demi, un projet de loi, le projet de loi n° 403 créant la Grande Bibliothèque du Québec, et qui nous a dit à ce moment-là, la main sur le coeur, que jamais il ne toucherait à la Bibliothèque nationale du Québec, que sa mission serait sauvegardée. Et aujourd'hui, avant même que la Grande Bibliothèque ne voie le jour ? elle est toujours virtuelle à ce jour ? on fait main basse sur la Bibliothèque nationale, on s'approprie tous les acquis de cette Bibliothèque et on les donne à la Grande Bibliothèque du Québec qui n'existe même pas. Dans cette décision-là, il n'y a rien de logique, il n'y a rien de compréhensible, il n'y a rien de défendable.
n(23 h 10)n Alors, à titre de députée de La Pinière, à titre de bibliothécaire aussi, M. le Président, je conteste cette décision-là. Et la ministre qui a consenti à faire une consultation, même si la liste des organismes qui vont être entendus a été réduite, va se le faire dire par les groupes qui vont se faire entendre en commission parlementaire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 160. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le vice-président de la commission des institutions et député de Verdun.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: Ah! M. le Président, je me dois d'intervenir.
Une voix: ...
M. Gautrin: Bien, le député intervient: Je ne suis pas obligé d'intervenir. Malheureusement, oui. Malheureusement, oui. Je me sens obligé d'intervenir sur ce projet de loi, M. le Président, parce que de facto il va sonner la fin de la Bibliothèque nationale du Québec. C'est ça qu'on est en train de présenter. Ne dites pas non, ne dites pas non, là. Toutes les personnes, écoutez, là, c'est ce que vous faites. Vous êtes en train, M. le Président, de dire qu'une institution vénérable va être... Et on utilise les euphémismes «fusionnée avec»; la députée de Sauvé a bien utilisé d'abord le terme «fusionnée à», qui était le terme initialement utilisé par les mémoires soumis au Conseil des ministres, ensuite on arrive à «fusionnée avec». Mais la réalité, M. le Président, c'est qu'une institution aussi importante qu'une Bibliothèque nationale va être amenée à disparaître dans sa spécificité propre. Le mandat, parce que le mandat existera encore, qui était le mandat propre à la Bibliothèque nationale pourra être réparti dans une nouvelle structure ou dans une structure qui est encore à voir le jour et qui s'appelle la Grande Bibliothèque. Mais pratiquement la Bibliothèque nationale du Québec, comme entité autonome, va disparaître.
Et, lorsqu'on est en train de nous dire qu'on est en train de faire un pas en avant, je suis désolé de vous dire, M. le Président: Aujourd'hui, ce projet de loi, pour des raisons que je ne comprends pas, est un immense pas en arrière dans le domaine de la culture. Il est malheureux que ce gouvernement, qui bien souvent se targue d'être celui qui veut être le gouvernement qui défend la culture québécoise, va être en partie, si on adopte ce projet de loi, le fossoyeur d'un élément qui est un des fleurons de la culture québécoise.
M. le Président, il est important de rappeler, et je voudrais le rappeler à la ministre de la Culture, qui au demeurant m'a toujours projeté l'image d'une personne sensée et relativement ouverte, et je ne comprends toujours pas comment elle peut nous pondre un tel projet de loi, alors je rappellerai, M. le Président, pour ceux qui nous écoutent que, dans une bibliothèque, il y a plusieurs fonctions. Il y a une fonction de conservation, un peu comme un musée. Autrement dit, il y a une fonction de dire: On va conserver tout ce qui se publie, tout ce qui se publie sur le support papier bien sûr mais tout ce qui se publie aussi sous les supports plus modernes que peuvent être les disques compacts, les DVD, et autres choses. Alors, ça, c'est une fonction de conservation.
La Bibliothèque nationale du Québec avait ce mandat de conserver une copie de tout ce qui se publie au Québec, M. le Président. Vous ne pouviez pas publier, éditer un document sans devoir le déposer à la Bibliothèque nationale. Et, au fil des temps, la Bibliothèque nationale du Québec a conservé l'ensemble de tout ce qui a pu être publié au Québec. Alors, ça, c'est une première fonction, une fonction extrêmement importante que les bibliothèques ou la Bibliothèque nationale a, celle de conserver un exemplaire de tout ce qui s'est publié et de pouvoir, le cas échéant, le rendre disponible.
Autre fonction des bibliothèques qui est complètement différente, complètement différente, c'est de permettre et de donner accès à la culture, non pas uniquement à la culture des éléments qui ont été publiés ici, au Québec, mais ce que je pourrais appeler la culture mondiale. Bien sûr, dans nos bibliothèques, on retrouve des livres édités et publiés au Québec, mais, dans nos bibliothèques, on retrouve des livres édités un peu partout dans le monde. Alors, ça, c'est le deuxième élément, la bibliothèque est un dépositaire de la culture et elle doit la rendre accessible aux citoyens, fonction totalement différente, M. le Président. Et, de surcroît, vous avez aussi les bibliothèques de quartier, qui ont une fonction encore de rendre plus accessible ce qui est directement non pas un besoin pour les chercheurs, pour répondre aux besoins des chercheurs mais pour répondre aux besoins ludiques d'une population. Il y a trois fonctions.
Chaque fois que j'interviens, je trouve que ce gouvernement a le syndrome du chameau à trois bosses. Et c'est bizarre, ce syndrome de vouloir toujours essayer d'avoir un seul organisme, une seule structure pour répondre à des besoins différents. C'est le syndrome qui est apparu hier lorsque nous avons débattu de la loi sur le taxi. Vous vous rappelez, chers collègues, lorsqu'on créait cette Association du taxi qui était à la fois un ordre professionnel, un organisme de défense des propriétaires, c'est-à-dire des titulaires de permis, et un organisme de défense des chauffeurs, on mettait tout ça dans le même paquet et on disait: On peut aller de l'avant, on va créer, on va fonctionner avec cette espèce de chameau à trois bosses.
Ici encore, on avait des dromadaires qui fonctionnaient bien, qui étaient en mesure de rendre les services à la population. On avait une bibliothèque nationale qui avait une fonction très précise de conserver les documents. On avait une grande bibliothèque ou une très grande bibliothèque qui, elle, avait la fonction différente de rendre accessible l'ensemble des livres qui se publiaient non pas seulement au Québec, mais dans l'ensemble du monde ou du moins du monde francophone pour la plupart. Et vous aviez aussi une troisième fonction, un troisième organisme qui était ces bibliothèques de quartier, de municipalité qui permettent de donner le goût de lire aux enfants.
Alors, malheureusement, je ne sais pas pour quelle raison, on essaie de tout fusionner ensemble, de tout mêler et d'avoir un organisme qui va faire à peu près tout. Et vous savez, M. le Président, que, lorsqu'on veut utiliser le même organisme pour faire des fonctions différentes, on les fait mal. J'avais parlé hier, toujours lorsque je parlais sur la loi du taxi, lorsque je prenais l'exemple des chameaux à trois bosses, qu'il était difficile à la fois de manger et de travailler. Et je prenais l'exemple de notre collègue de Gouin à qui ça avait créé des ulcères d'estomac de vouloir faire deux fonctions, deux choses en même temps. Je ne sais pas pourquoi la ministre veut, elle aussi, rentrer dans cette famille des gens qui veulent faire deux choses à la fois, utiliser deux choses différentes au même moment et être en mesure, à l'heure actuelle, de vouloir à la fois prendre cette fonction de conservation qui est éminemment importante, cette fonction de diffusion de la culture qui est éminemment importante et les mêler ensemble.
n(23 h 20)n Alors, dans son intervention ? et je vais répondre à la ministre ? elle est intervenue sur trois points. Elle a dit: Ça pourra même être un meilleur élément de conservation, c'est-à-dire qu'elle a plaidé qu'il y aura une meilleure conservation. Elle a dit: Ça faciliterait la diffusion. Et, en dernier lieu, elle est rentrée sur un thème qui n'était pas tout à fait relié au document mais qui me tient profondément à coeur, qui est celui de l'importance de la créativité et de l'innovation dans notre société. Je suis de ceux qui croient que nous ne serons, comme société, capables de nous développer et de concurrencer les marchés mondiaux que si nous sommes capables de stimuler au maximum et la créativité et l'innovation, qu'il y ait un lien direct entre l'un et l'autre.
Bien sûr, la politique du livre, la politique des bibliothèques, la politique de la recherche scientifique, qu'on attend avec désespoir depuis maintenant plus d'un an et demi, sont des éléments importants dans cette culture de l'innovation. Mais c'est d'abord et avant tout un choix, un choix de valoriser dans une société les éléments de créativité, les éléments d'innovation. Et, lorsqu'on plaide dans ce sens-là, je dois dire qu'on a tout de suite mon adhésion parce que je suis profondément convaincu, M. le Président, qu'il faut être en mesure d'avoir une société et que notre société ne sera forte que si elle est capable de stimuler et de soutenir au maximum son potentiel de créativité.
Alors, je me pose la question: Une fois que la ministre a dit ça... Et là, lorsqu'elle veut soutenir les questions reliées à la créativité ? et je dois vous dire que sur ce discours-là elle a mon adhésion tout de suite ? je ne vois pas le lien entre cet élément, qui est le soutien à la créativité, et un élément purement technique où on arrive à fusionner la Grande Bibliothèque avec la Bibliothèque nationale. Pour moi, il n'y aucun élément dans cette fusion qui va stimuler la créativité.
Si la ministre nous avait fait un discours aujourd'hui en disant: J'investis dans la bibliothèque de quartier, j'investis dans une politique du livre, j'investis aujourd'hui pour faire en sorte que l'accès à la connaissance va être maximisé... Si ce gouvernement, entre son ministre de l'Éducation, le ministre de la Recherche, de la Science et de la Technologie et sa collègue de la Culture, avait fait un discours en disant: Voici, nous allons faire en sorte que, chez les jeunes, nos programmes vont commencer à stimuler la créativité, je dois dire qu'au minimum, de mon côté, j'aurais adhéré tout de suite à un tel discours. Le discours était là en termes des objectifs, mais le moyen qui était proposé pour les atteindre, eh bien, il avait l'air tellement ? sans vouloir faire de basse politique ? tellement ridicule... Autrement dit, je ne pense pas que la fusion entre la Grande Bibliothèque et la Bibliothèque nationale ait quoi que ce soit à voir avec une politique de soutien à la créativité.
Deuxième point ? alors je les remonte dans le sens contraire ? la ministre a insisté sur l'importance que cette fusion pourrait avoir quant aux politiques de diffusion du livre et de soutien aux bibliothèques publiques. Je dois dire que je suis en désaccord avec elle à ce niveau-là. Il me semble, au contraire, que la Grande Bibliothèque ? et j'ai adhéré, moi, à ce discours sur la Grande Bibliothèque ? doit rendre accessible aux jeunes Québécois et à l'ensemble de la population québécoise la culture mondiale, c'est-à-dire l'ensemble du patrimoine écrit et l'ensemble de ce qui peut exister pour soutenir chez nous la connaissance, permettre d'aller de l'avant, de connaître les auteurs, connaître ce qui s'est publié, faire des pas en avant dans le domaine scientifique. Ça n'a rien à voir, M. le Président, d'après moi, avec la fonction de conservation. Ça n'a rien à voir avec la fonction de conservation.
Dans ma vision personnelle, je verrais la Grande Bibliothèque être un organisme dynamique, de soutien à la culture, un organisme qui fait en sorte que, demain, le nombre de personnes qui auraient été intéressées à lire aurait augmenté, parce qu'il y aurait eu des politiques pour stimuler la lecture, faire en sorte que, chez nos jeunes, on augmente cette passion pour l'écrit, pour la connaissance, pour le connu. J'aurais adhéré à une telle politique.
Ce n'est pas ça qu'on nous met de l'avant. On nous dit: Parce qu'il y aura une fusion organisationnelle entre deux organismes, un des organismes, qui est la Grande Bibliothèque, va pouvoir mieux remplir son rôle. Je m'excuse de dire, avec tout le respect que je dois à la ministre, que je ne crois pas que cette fusion va permettre à la Grande Bibliothèque de mieux remplir son rôle. Ce n'est pas parce qu'on lui a donné une responsabilité accrue d'avoir aussi une responsabilité de conserver les documents ? où je vais arriver dans un instant ? qu'elle pourra remplir ce rôle essentiel, et, faites attention, ce rôle essentiel, essentiel, M. le Président, qui est celui d'être le vaisseau amiral ? et j'aimais l'image du vaisseau amiral qui avait été utilisée par notre collègue tout à l'heure ? de diffusion de la culture.
Laissons donc à la Grande Bibliothèque sa mission initiale. Laissez donc à la Grande Bibliothèque sa mission initiale. Il n'y a pas de raison aujourd'hui de la changer. Il n'y a pas de raison de la changer. Et, lorsque vous la changez, vous hypothéquez en quelque sorte sa potentialité de réaliser cette mission. Et, de grâce, ne l'hypothéquez pas en lui donnant une responsabilité accrue pour laquelle elle n'a pas été conçue et pour laquelle elle n'a pas réellement les moyens de pouvoir remplir cette fonction.
Et je termine, M. le Président, par un troisième élément. La ministre a insisté sur l'importance de la conservation des documents. Je pense qu'il n'y a personne dans cette Assemblée qui remet en question l'importance de conserver tout ce qui s'est publié, tout ce qui fait partie du patrimoine collectif, qui constitue en quelque sorte notre société. On est absolument d'accord, il faut avoir un lieu, un lieu qui va être le témoin de notre histoire. Et le député de Saint-Hyacinthe tout à l'heure avait insisté sur ces éléments qui étaient les témoins de l'histoire. Il faut bien sûr avoir un lieu qui est le témoin de cette histoire et dans lequel on va conserver chaque élément. Même s'ils ne sont pas sujets à être une grande diffusion, même s'ils ne sont pas voués à avoir une large diffusion, ils sont là, et on saura que, quel que soit le type de documents dont vous pourriez avoir besoin dans le futur, il existe un endroit où, là, ces document se trouvent.
Alors, M. le Président, je ne vois pas l'intérêt ni l'utilité de venir changer cette mission qu'a la Bibliothèque nationale et de dire: Bon, la Bibliothèque nationale, on met plus ou moins une croix dessus, et la Grande Bibliothèque va remplir dorénavant cette fonction que la Bibliothèque nationale avait remplie jusqu'à maintenant. Vous me permettez de dire que je trouve extrêmement malheureux, pour le développement de la culture au Québec, alors qu'on est en train d'avoir deux véhicules importants, la Grande Bibliothèque et la Bibliothèque nationale, avec deux fonctions différentes, l'une ayant une charge d'augmenter la diffusion de la connaissance, l'autre de la conservation de ce qui a été proprement québécois, de vouloir mêler le tout et d'avoir une espèce d'organisme hybride qui ne pourra malheureusement pas remplir aussi adéquatement les fonctions que et la Grande Bibliothèque et la Bibliothèque nationale avaient remplies jusqu'à maintenant.
n(23 h 30)n Je dois le dire, avec tout le respect que je dois à la ministre, on est en train, par ce projet de loi, de faire reculer actuellement la marche lente vers l'augmentation de la culture au Québec, et je dois dire que je le regrette. Je pense qu'on est beaucoup mieux équipé en ayant des organismes qui soient mieux adaptés pour chacune des fonctions ? diffusion, conservation ? qu'en ayant un organisme hybride qui, malheureusement, ne saura pas ce qu'il doit faire dans sa mission. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Verdun, de votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Droit de réplique à Mme la ministre de la Culture et des Communications. La parole est à vous.
Mme Agnès Maltais (réplique)
Mme Maltais: Merci, M. le Président. Étant donné l'heure, vous me permettrez, une fois de plus, d'être assez brève, puisque, de toute façon, nous aurons une commission où nous pourrons non seulement discuter entre nous et où, j'espère, je pourrai apaiser les craintes de l'opposition ? parce que c'est effectivement de craintes dont j'entends parler ? mais où nous pourrons rencontrer des experts qui viendront. Et il sera assez étonnant, à ce moment, je crois, d'écouter ces experts qui, comme nous, ont évolué avec la naissance de la Grande Bibliothèque, avec sa croissance, avec son avènement.
Non, elle n'existe toujours pas, mais elle est en train d'arriver. On a vu le magnifique résultat du concours d'architecture. On sait que les travaux vont commencer bientôt, les appels d'offres ont été lancés. Donc, elle va se concrétiser, elle va se réaliser. Elle va se réaliser toutefois sous une nouvelle appellation qui exprime bien ce que nous désirons comme symbole et comme présence sur le territoire, une bibliothèque nationale.
Pourquoi maintenant? C'est une des grandes craintes. Qu'est-ce qui se passe? Mais comme certains des experts qui vont se présenter, je crois, leur pensée a évolué ? ce sera très intéressant de les entendre ? nous avons, nous aussi, évolué. Nous n'aurions pas pu imaginer cette fusion il y a deux ans. Mais aujourd'hui, au moment où on est en train de bâtir la Grande Bibliothèque, au moment où on est en train de fusionner les équipes ? puisque, rappelons-le, le mandat diffusion de la collection nationale était déjà à l'intérieur de ce qu'était la Grande Bibliothèque, alors il y avait déjà fusion des équipes ? et on est en train de travailler à l'avènement des deux équipes, au déplacement des équipes de la diffusion de la Bibliothèque nationale qui travaillaient sur Saint-Sulpice, on est en train de les déplacer sur Berry, et là on voit les chevauchements, là on voit les dédoublements: dédoublements de personnels, dédoublements de mandats. Là, ça arrive. Là, les complexités arrivent. Et là on a réalisé à quel point il était important...
Et c'était le moment. C'est là qu'il faut le saisir, ce moment. C'est maintenant que ça se passe. Dans deux ans, il va être trop tard. Même dans un an, il va être trop tard. C'est en ce moment que ça se passe. Les employés de la Bibliothèque nationale qui sont affectés à la diffusion sont de toute façon affectés à la rue Berry. Il n'y a pas de pertes d'emplois, les employés affectés à la conservation rue Holt vont toujours faire la conservation rue Holt. Il n'y a pas de perte d'emplois, c'est ce dont on va discuter, et je l'assure encore. Et le sous-ministre est allé rencontrer les employés, il le leur a assuré. Je vois des dénégations, de l'autre côté, mais il n'y aura pas de perte d'emplois. On aura le temps d'en parler.
Des modèles à travers le monde: Islande, Israël, Finlande, Danemark, Macédoine, Slovanie, Croatie, même administration, les bibliothèques nationales et universitaires; oui, Singapour, nationale et publique; Library of Congress, de nos voisins américains, est avant tout une bibliothèque parlementaire qui assume également le rôle d'une bibliothèque nationale; Espagne, bibliothèque nationale qui joue à la fois le rôle de bibliothèque publique et de bibliothèque universitaire. Autant de pays, autant de modèles. À chacun sa culture, à chacun son originalité; nous allons créer la nôtre. Voilà ce dont on va parler.
Mais ce qui est important, trois missions fondamentales: l'accessibilité, ce qu'était la Bibliothèque centrale de Montréal, elle est là; la conservation, elle est sur la rue Holt, elle est intouchée; et la mission de diffusion, déjà fusionnée sur le site de la rue Berry, on la renforce, on met une entité. Et on retrouve ce grand nom, symbole pour un État: Bibliothèque nationale du Québec. C'est ça qu'on va faire.
Des voix: ...
Mme Maltais: Merci. Nous avons donc un volet conservation qui est intouchable et qui sera intouché, tout simplement. Il y a une chose que je veux dire. Les gens de l'opposition m'ont dit ceci: Le client, c'est le livre, pour la Bibliothèque nationale. Je m'excuse, le client, la cliente, c'est le Québécois, c'est la Québécoise, pour qui on doit conserver ce corpus documentaire et qui doit y avoir accès et aujourd'hui et demain. Le client d'une véritable bibliothèque nationale vivante, ce n'est pas le livre, c'est le Québec, c'est ses citoyens et ses citoyennes, c'est l'accessibilité, c'est la conservation pour demain et c'est l'accessibilité pour aujourd'hui, comme pour les chercheurs, et c'est à ça qu'on va voir. Mon véritable client à moi, c'est le Québécois et c'est la Québécoise, et c'est à eux qu'on va parler, et c'est d'eux dont on va parler lors de la commission parlementaire. Merci beaucoup, M. le Président.
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Le principe du projet de loi n° 160, Loi concernant la Bibliothèque nationale du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Des voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de la culture
M. Boulerice: Alors, je fais motion, M. le Président, pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture et des communications pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?
Des voix: ...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Boulerice: M. le Président, la soirée est encore jeune, profitons-en. Alors, je vous réfère à l'article 18 du feuilleton.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 18, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 22 novembre 2000, sur l'adoption du principe...
M. Boulerice: M. le Président, je suis désolé, ce n'est pas l'article 18...
Une voix: C'est l'article 16.
M. Boulerice: Effectivement. J'étais deux numéros au-dessus.
Projet de loi n° 161
Reprise du débat sur l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): J'ai eu la même, j'ai eu cette idée-là. Alors, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 22 novembre 2000, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 161, Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information.
M. le ministre délégué à l'Autoroute de l'information et aux Services gouvernementaux avait terminé son intervention. Je suis prêt à reconnaître un autre intervenant. Alors, je reconnais la porte-parole de l'opposition officielle en matière d'autoroute de l'information et de l'habitation et députée de La Pinière. Mme la députée, la parole est à vous.
Mme Fatima Houda-Pepin
Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, mon premier mot, c'est «enfin». Enfin, un projet de loi n° 161, Loi concernant le cadre juridique des technologies de l'information. En fait, c'est un projet de loi sur la sécurisation des transactions électroniques, qui devait être déposé il y a quelque temps déjà, mais, finalement, le ministre responsable de l'Autoroute de l'information l'a déposé le 14 novembre dernier avec deux ans de retard et des promesses sans cesse reportées.
Rappelons le contexte, M. le Président. En avril 1998, le gouvernement du Québec a adopté une politique de l'autoroute de l'information portant sur une cinquantaine de mesures devant être mises en place par différents ministères et organismes gouvernementaux. Au nombre de ces mesures, l'adoption dès décembre 1998 d'une loi visant à sécuriser les transactions électroniques. Cette législation devait favoriser le développement du commerce électronique et inciter les citoyens et les consommateurs québécois à s'engager dans la voie du cybercommerce. Or, non seulement cette mesure législative annoncée pour décembre 1998 n'a pas été tenue, mais le ministre délégué à l'Autoroute de l'information est allé encore plus loin dans ses promesses en déclarant, devant un forum public sur les inforoutes, que le projet de loi sur la sécurisation des transactions électroniques allait être non seulement déposé, mais adopté par l'Assemblée nationale en décembre 1999. Si on devait se fier aux paroles du ministre délégué, le Québec aurait eu sa législation il y a un an.
À deux reprises, M. le Président, j'ai inscrit à l'ordre du jour de nos travaux une interpellation sur les enjeux de l'autoroute de l'information et du commerce électronique. La première a eu lieu le 19 mars 1999 et la deuxième, le 7 avril 2000. Les deux ministres qui se sont présentés pour répondre à ces deux interpellations, soit le ministre délégué à l'Autoroute de l'information et le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, n'ont apporté aucune précision quant à cette problématique spécifique de la sécurisation des transactions électroniques.
n(23 h 40)n J'ai même profité de l'étude des crédits en commission parlementaire pour questionner la ministre de la Justice sur l'état d'avancement de la rédaction de ce projet de loi, sachant que ce sont les légistes du ministère de la Justice qui le préparaient. La ministre de la Justice, à son tour, n'a pas été en mesure de nous donner une idée précise sur l'échéancier du dépôt de ce projet de loi. Le gouvernement, M. le Président, s'est traîné les pieds dans ce dossier considéré comme étant névralgique pour les entreprises et les consommateurs du Québec. Pourtant, le gouvernement dispose depuis longtemps d'études et d'analyses qui démontrent le retard du Québec en matière de branchement sur Internet et plus particulièrement en ce qui a trait au commerce électronique et au paiement en ligne. C'est ainsi qu'une étude de ScienceTech Communications de juin 1999, intitulée Les Québécois face aux inforoutes, tendances et perceptions dans un contexte de transactions électroniques et d'identification, a révélé que les obstacles qui retardent le décollage du commerce électronique au Québec sont nombreux. Dans cette étude comme dans bien d'autres, l'enjeu de la sécurité a été identifié comme étant l'une des principales barrières à franchir. En effet, dans un sondage effectué en 1999, on apprenait que 75 % des Québécois n'étaient pas disposés à donner leur numéro de carte de crédit par Internet pour acheter et payer en ligne un produit ou un service, et ce, même quand il s'agissait d'une entreprise bien connue.
Alors, M. le Président, pendant que nous, au Québec, on se traîne les pieds, il y a eu d'autres pays et d'autres instances qui, eux, n'ont pas tardé à réagir sur le plan législatif. Depuis quelques années déjà, on assiste dans différentes juridictions à l'adoption de législations offrant aux commerçants et aux consommateurs un encadrement juridique permettant de conférer aux transactions qui s'opèrent par voie électronique une plus grande certitude sur le plan des droits et obligations des parties contractantes. Alors, c'est ainsi qu'un certain nombre d'obstacles ont été levés, et de nombreux gouvernements et organismes internationaux ont adopté des mesures législatives en cette matière.
En novembre 1996, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté la loi type sur le commerce électronique préparée par la Commission des Nations unies pour le droit commercial international. La Conférence pour l'harmonisation des lois au Canada a adopté, en 1998, la Loi uniforme sur la preuve électronique et la Loi uniforme sur le commerce électronique, en 1999. Puis il y a eu l'adoption du projet de loi C-6, Loi visant à faciliter et à promouvoir le commerce électronique en protégeant les renseignements personnels recueillis. Ce projet de loi a été adopté en avril 2000. Aux États-Unis, le président Clinton a signé, le 30 juin 2000, la loi portant le titre Electronic Signatures in Global and National Commerce Act.
Par ailleurs, plusieurs provinces ont présenté ou adopté des projets de loi en cette matière. Le 21 juin 2000, la Saskatchewan a sanctionné le bill 32 intitulé An Act respecting electronic information and documents. L'Ontario sanctionnait, le 16 octobre dernier, le projet de loi n° 88, Loi visant à promouvoir l'utilisation des technologies de l'information dans les opérations commerciales et autres, éliminant les incertitudes juridiques et les obstacles législatifs qui ont une incidence sur les communications électroniques. Le Manitoba sanctionnait le projet de loi n° 31, le 18 août dernier. Donc, de nombreuses provinces canadiennes se sont déjà engagées sur la voie de la législation.
On le voit, M. le Président, le gouvernement du Québec s'est traîné les pieds dans ce dossier alors que le commerce électronique est un facteur déterminant pour notre économie et pour l'avenir du Québec. Il a fallu attendre la fin de la dernière session, en juin 2000, pour que le ministre délégué à l'Autoroute de l'information dépose non pas un projet de loi, mais un avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information. Il s'en est suivi une consultation restreinte qui a eu lieu les 29 et 30 août dernier. De nombreux groupes qui sont concernés au premier chef par ce projet de loi n'ont pas pu se faire entendre à cause des courts délais suivant la rentrée des vacances. C'est le cas notamment pour la Chambre de commerce du Québec et pour le Conseil du patronat du Québec. À peine neuf groupes ont donc pu présenter des mémoires et se faire entendre en commission, privant ainsi la commission de l'éclairage de plusieurs groupes et experts, et non les moindres. Et ça, c'est fort regrettable.
Alors, pour bien comprendre le sens de ce projet de loi, sa portée et ses implications, il faut faire le lien avec l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information. On constate qu'au plan terminologique, le nouveau projet de loi a changé de titre par rapport à l'avant-projet de loi. Et pour cause, il y a une grande différence entre le cadre juridique et la normalisation juridique. Entre le dépôt de l'avant-projet de loi et le projet de loi n° 161, le ministre délégué à l'Autoroute de l'information prétend avoir tenu des consultations «étendues». C'est le terme qu'il a utilisé le 22 novembre dernier lors de son intervention à l'adoption du principe. Il a également dit que la commission de l'économie et du travail a reçu 16 mémoires. Il a oublié de préciser qu'après, neuf groupes se sont effectivement présentés devant la commission et ont effectivement fait des présentations.
Il a par ailleurs passé sous silence les lettres qu'il a reçues de différents organismes qui dénonçaient le fait que cette consultation éclair ait été tenue en plein été, ne leur laissant pas suffisamment de temps pour se préparer et analyser adéquatement le fameux avant-projet de loi. J'ai entendu le ministre délégué à l'Autoroute de l'information dire que le projet de loi n° 161, qu'il a déposé le 14 novembre dernier, avait un caractère d'urgence et que tout retard dans son adoption défavoriserait le Québec. Il faut avoir un certain front, M. le Président, pour tenir de tels propos dans cette Assemblée. Voilà un ministre délégué qui a dormi sur la switch pendant deux ans et qui se lève aujourd'hui pour crier au feu, pour plaider l'urgence d'agir.
Depuis que cette législation relative à la sécurisation des transactions électroniques a été annoncée par ce gouvernement en avril 1998, le ministre délégué a raté des occasions en or pour déposer son fameux projet de loi: il a raté la session parlementaire de l'automne 1998, il a raté la session parlementaire du printemps 1999, il a raté la session parlementaire de l'automne 1999 et il a raté la session parlementaire du printemps 2000. Et ce n'est qu'à la fin de cette session parlementaire de l'automne 2000 qu'il a enfin déposé le projet de loi proprement dit. Cinq sessions parlementaires se sont écoulées depuis que ce gouvernement a annoncé le dépôt de cette législation. Et voilà qu'aujourd'hui, deux ans et demi plus tard, le ministre délégué à l'Autoroute de l'information tente de plaider l'urgence pour se soustraire à un examen complet et minutieux du projet de loi n° 161, juste à la fin d'une session parlementaire marquée d'ailleurs, comme on le sait, par les manifestations populaires contre les fusions forcées des municipalités.
M. le Président, que ce gouvernement ne se méprenne pas, l'opposition officielle a la ferme intention de faire son travail législatif correctement. Ce projet de loi est du domaine du droit nouveau, il a des implications considérables sur le plan économique, social et culturel. Il vise à encadrer toutes les communications entre les individus, les entreprises, les associations et l'État. Il vise également à régir tous les supports d'information du domaine public et privé. La portée générale de ce projet de loi a des conséquences qu'on ne peut mesurer si le gouvernement décidait de procéder, comme c'est souvent son habitude, dans la hâte et l'improvisation.
n(23 h 50)n Le ministre délégué à l'Autoroute de l'information nous a dit, le 22 novembre dernier, qu'il a fait des consultations téléphoniques qui l'ont rassuré sur son projet de loi. Grand bien lui fasse, M. le Président, mais ce que l'opposition officielle a réclamé, c'est une véritable consultation avec des groupes concernés par les implications de ce projet de loi quant à la transmission des renseignements confidentiels et au respect de la vie privée notamment. Il est impératif que les parlementaires et les citoyens concernés par les enjeux de la sécurisation des transactions électroniques puissent en saisir toute la portée et les implications.
Pour comprendre la raison qui a mené à insister sur la nécessité de tenir des consultations préalablement à l'étude du projet de loi n° 161, il faut se rappeler que les enjeux dont nous discutons aujourd'hui sont considérables, tant aux plans économique ou social qu'au plan des obligations entre les citoyens. Il en va de la stabilité des relations contractuelles, de la sécurité des transactions et du respect des droits fondamentaux en matière de protection de la vie privée et de renseignements personnels. À la lumière des mémoires qui nous ont été présentés au mois d'août dernier en rapport avec l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information, un certain nombre de constats se sont dégagés.
Premièrement, sur les neuf groupes qui ont pu se faire entendre, un large consensus s'est établi en faveur d'une législation pour sécuriser les transactions électroniques au Québec.
Deuxièmement, les intervenants qui se sont présentés devant nous s'entendent sur la nécessité d'adapter et d'actualiser notre législation de façon à se mettre au diapason des changements technologiques qui ont modifié nos pratiques commerciales ainsi que nos modes de gestion, d'organisation, de conservation, de traitement et de diffusion de l'information.
Troisièmement, tous les groupes ont souligné le caractère nébuleux, complexe et confus de l'avant-projet de loi. Ils ont insisté sur la nécessité d'avoir une législation claire, flexible et opérationnelle dans la mesure où nous sommes appelés à encadrer un champ d'activité en perpétuel mouvement. En effet, il est généralement admis que, dans le domaine des technologies de l'information, une génération d'ordinateurs est déjà dépassée avant même son implantation. La rapidité avec laquelle s'opèrent ces changements et leurs implications sur l'ensemble de nos activités personnelles, professionnelles et organisationnelles est considérable et, dans bien des cas, imprévisible, d'où l'importance de bien cerner les enjeux sur lesquels le législateur a une certaine prise.
Quatrièmement, l'un des constats que les groupes ont dégagés lors de cette consultation éclair, c'est la nécessité d'harmoniser notre législation avec celle des instances internationales, nationales et provinciales. En effet, bien que l'on soit dans un domaine du droit nouveau, il existe déjà un cadre juridique au niveau des instances des Nations unies, de l'OCDE, de la Communauté européenne. De plus, plusieurs gouvernements ont adopté ou sont sur le point d'adopter des législations en cette matière. Au Québec, M. le Président, on est liés par des obligations envers l'ALENA, l'Organisation mondiale du commerce et l'Accord canadien sur le commerce intérieur. Toute législation québécoise qui viendrait baliser la sécurité des transactions électroniques doit tenir compte de ces engagements et faire en sorte de lever les obstacles au commerce électronique au lieu de l'entraver. Il en va de même de la survie et du rayonnement de nos entreprises face à la concurrence du marché canadien et de la compétition internationale.
Cinquièmement, comme législateurs, nous devons faire preuve d'un certain réalisme, car Internet est un réseau de réseaux dont les ramifications croissantes se déploient à l'échelle internationale, ce qui n'est pas le cas pour la législation du Québec sur les transactions électroniques, dont la portée et l'application ne dépassent pas nos limites territoriales. Nous sommes donc face à un phénomène nouveau qui pose un défi considérable à toutes les législations du monde et nous commençons à peine à en apercevoir les implications. C'est pourquoi j'estime qu'il est important que le projet de loi n° 161 s'inscrive dans cette démarche d'harmonisation qui est déjà entamée au niveau de plusieurs États et gouvernements, tant en Amérique qu'en Europe. À ce chapitre, il est essentiel, tout en gardant notre spécificité linguistique et culturelle, de nous engager dans la voie de la coopération au lieu de nous isoler dans des solutions uniques qui auraient pour conséquence de freiner le commerce électronique au lieu de l'encourager.
Voilà, M. le Président, quelques éléments que j'ai retenus de la consultation des 29 et 30 août dernier sur l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information.
Maintenant, le projet de loi n° 161 qui est devant nous est un nouveau projet de loi qui n'a encore fait l'objet d'aucun examen de la part des experts ou des groupes concernés. C'est pourquoi l'opposition officielle tient absolument à avoir une consultation préalable afin de trouver des réponses à un certain nombre de questions que soulève ce projet de loi. Est-ce que le projet de loi n° 161, dans sa forme actuelle et dans son contenu, répond raisonnablement aux attentes, aux commentaires et au consensus atteints lors de nos travaux sur l'avant-projet de loi sur la normalisation juridique des nouvelles technologies de l'information? La question se pose. Pour répondre convenablement à cette question, nous devons faire appel aux experts, aux groupes, aux associations qui ont développé une expertise dans le domaine des nouvelles technologies.
M. le Président, on me fait signe que peut-être on est rendu à terme du temps ou il reste encore quelques minutes.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est-à-dire que vous avez encore 40 minutes à votre droit de parole, mais nous allons terminer à minuit.
Mme Houda-Pepin: D'accord.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et il reste trois minutes. À minuit, je vais ajourner à demain.
Mme Houda-Pepin: D'accord, M. le Président, vous me ferez signe. Merci beaucoup.
Alors, à prime abord, lorsqu'on compare les deux textes, celui de l'avant-projet de loi et le projet de loi n° 161, force est de constater que ce dernier conserve une portée très large qui couvre à la fois les aspects privé et public des communications, puisqu'il encadre tous les échanges d'information, sous quelque support que ce soit, entre les individus, les associations, les sociétés et l'État. C'est un vaste chantier qu'il faut délimiter soigneusement pour éviter de sacrifier les droits fondamentaux que nous avons balisés par d'autres lois en vigueur au Québec, particulièrement en ce qui a trait au respect de la vie privée et des renseignements confidentiels.
Plusieurs questions se posent donc quant aux effets et quant à la portée de ce projet de loi. Par exemple, est-ce que les communications des entreprises avec leurs employés seront couvertes par les dispositions du projet de loi n° 161? Est-ce que le projet de loi n° 161 encadre le fonctionnement interne des entreprises? Est-ce que toutes les communications privées entre les citoyens par le biais des nouvelles technologies de l'information sont couvertes par ce projet de loi? De toute évidence, l'approche proposée par le gouvernement va dans ce sens. Alors, quelles sont les implications d'une telle législation? Est-ce que le gouvernement qui a fait ce choix en a mesuré les impacts?
Le projet de loi n° 161 vise aussi la cohérence des règles de droit et leur application aux communications effectuées au moyen de documents qui sont sur des supports faisant appel aux nouvelles technologies de l'information, d'où l'importance d'analyser soigneusement le nouveau vocabulaire introduit par le projet de loi. On cherchera à comprendre le sens du mot «document». En soi, cette notion soulève de nombreuses questions, M. le Président. On parlera également de la valeur juridique et de l'intégrité des documents, de l'équivalence des documents, du maintien de l'intégrité d'un document dans l'espace virtuel et du cycle de vie des documents. Ce sont des notions qui sont introduites dans le projet de loi et qui nécessitent une analyse approfondie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, Mme la députée, je m'excuse de vous interrompre, mais je vous indique qu'il vous restera un temps de parole de 37 minutes lorsque le projet de loi sera rappelé par le leader du gouvernement.
Et, compte tenu de l'heure, je voudrais ajourner les travaux de cette Assemblée à demain, le jeudi 30 novembre, à 10 heures. Je vous souhaite à tous une bonne fin de soirée.
Ajournement
(Fin de la séance à minuit)