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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 2 novembre 2000 - Vol. 36 N° 133

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Table des matières

Affaires du jour

Présence de M. Michel Auger, journaliste au Journal de Montréal,
récipiendaire de la Médaille de l'Assemblée nationale

Affaires courantes

Affaires du jour

Ajournement

Journal des débats

(Dix heures quatre minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Merci. Veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

Affaires du jour

M. Brassard: M. le Président, je vous invite à vous référer à l'article 8 du feuilleton.

Projet de loi n° 144

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 8 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 1er novembre sur l'adoption du principe du projet de loi n° 144, Loi sur La Financière agricole du Québec. Lors de la suspension de nos travaux, le député d'Argenteuil avait terminé son intervention. Alors, je serais prêt maintenant à céder la parole au député de Nicolet. M. le député.

M. Michel Morin

M. Morin: Merci, M. le Président. En tant que député de Nicolet-Yamaska, je suis particulièrement heureux d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 144, Loi sur La Financière agricole du Québec. En fait, il faut se demander quel est le but ultime et quel est le but recherché par ce projet de loi. Il a pour mission de soutenir et de promouvoir, dans une perspective de développement durable ? oui, de développement durable ? le secteur agricole et agroalimentaire du Québec.

Quelle est ou quelle sera la mission de La Financière agricole du Québec, M. le Président? Elle sera d'intégrer l'offre et la gestion de tous les outils financiers sous la même bannière. Les deux organismes qui existaient et qui existent encore de nos jours, jusqu'à l'adoption du projet de loi, sont la Société de financement agricole et la Régie des assurances agricoles du Québec. J'en profite, M. le Président, et je profite de cette tribune pour souligner l'immense contribution et la compétence du personnel et des fonctionnaires de la Société de financement agricole et ceux de la Régie des assurances agricoles. Je parle certainement en connaissance de cause, puisqu'on retrouve à Nicolet, dans mon patelin, les deux organismes. Nous avons et nous bénéficions de leur grande expertise, puisque les mêmes personnes savent et sauront mettre à profit leurs compétences au service des agricultrices et des agriculteurs du Québec, dans la région du Centre-du-Québec et à travers tout le Québec.

Et Dieu sait, si on parle de la Régie des assurances agricoles, je vous dirais, M. le Président, que cette année, vraiment, elle ne chôme pas. Ils méritent toute notre admiration, puisque l'été n'a pas été très clément. Donc, je les félicite et je les remercie pour leur excellent travail.

Quelle est l'origine de ce changement qui nous est proposé, changement majeur, selon moi, qu'est la création de La Financière agricole, qui est selon moi aussi le plus important changement dans le domaine de l'agriculture et de la modernisation de l'agriculture depuis la création de la Loi sur la protection du territoire agricole?

Ce changement, il est né d'un besoin du milieu, c'est-à-dire des productrices et des producteurs agricoles qui, en partenariat, oui, en partenariat avec le gouvernement du Québec, ont voulu se constituer un formidable levier économique pour mieux relever le défi des années 2000. Quel est ce défi? Le défi, c'est de garder le cap sur un modèle de développement qui lui est propre, centré sur des entreprises aux structures et aux dimensions humaines.

Comme nous puis comme vous, je retrouve dans nos régions agricoles du Québec, comme le Centre-du-Québec, ces entreprises qui sont grandes, qui sont immenses et, en même temps, qui sont, certaines entreprises, des petites PME à dimension humaine. Donc, l'origine de ce formidable levier économique provient du milieu, c'est-à-dire des productrices et des producteurs agricoles qui se sont exprimés lors de la Conférence de Saint-Hyacinthe sur l'agriculture et l'agroalimentaire tenue en mars 1998.

En créant La Financière agricole du Québec, nous répondons donc à leur demande, soit la création d'une grande entreprise de modernisation avec des outils financiers pour les productrices et les producteurs agricoles. Ces voeux, M. le Président, ont été renouvelés, si on se souvient bien, le 24 mars 1999, lors du rendez-vous des décideurs du secteur de l'agriculture et de l'agroalimentaire.

n (10 h 10) n

Toutes et tous, soit les productrices et producteurs agricoles étaient présents, les transformateurs, les distributeurs, les détaillants, les consommateurs, les environnementalistes, les chercheurs, tous les représentants des partis politiques, y compris les représentants du Parti libéral. Et d'ailleurs, comme M. le ministre, je me demande la question suivante: Pourquoi les libéraux sont contre les producteurs agricoles du Québec? Pourquoi? Avec la participation de tous les partis politiques du Québec et des intervenants, ils en sont venus à la conclusion qu'il fallait créer une grande organisation financière qui allait intégrer tous les outils financiers modernes pour soutenir et promouvoir le développement durable en agriculture et en agroalimentaire. Ce que M. le ministre a appelé hier, lors de sa présentation, la gestion du risque.

Comment gérer le risque, M. le Président? En agriculture ? parce que je m'y connais un peu, j'ai été élevé sur une terre ? nous savons très bien que nous sommes tributaires de toutes les intempéries: la sécheresse, les verglas, la gelée, les pluies, etc. Comment gérer ce que, chez nous, nous appelons les «au cas où»? Au cas où il pleuvrait, au cas où il y aurait trop de sécheresse, au cas où il y aurait une tempête, au cas où il y aurait du vent. Comment gérer ça? Ah! les agricultrices et les agriculteurs, on dit souvent: Ils se lamentent tout le temps. Ils chialent tout le temps. Mais je vous avoue que, si j'étais à leur place, j'aurais un certain stress s'il pleut trop, s'il ne pleut pas assez, s'il gèle trop; ça dépend aussi de la période de végétation. Bien, je ne sais pas, mais, si mes investissements personnels étaient mis en terre, à la sueur de mon front, bien, j'aurais certaines réticences et certaines inquiétudes. Donc, je me demanderais: Y va-tu faire beau? Est-ce que cet été, on va être bien? Est-ce que cet été, il y aura des tempêtes? Est-ce qu'il y aura des déluges? Est-ce qu'il y aura assez de soleil, juste assez? Bref, M. le Président, je serais inquiet.

Puis, pour se prémunir contre cette inquiétude-là, ils ont décidé, en partenariat avec le gouvernement du Québec et avec tous les intervenants, de créer un outil majeur, que j'appelle un outil «au cas où». Une assurance, ça s'appelle «au cas où»: Au cas où il y aurait des risques, si je réussissais à me prémunir de ces risques, bien, à ce moment-là, il me semble que mon stress diminuerait sensiblement. Et c'est ça que les décideurs se sont dit, au mois de mars 1999: Il faut se sécuriser, il faut gérer les risques.

Ils sont venus nous dire aussi que nous avons des besoins de se rassurer, de se donner ensemble une assurance que notre gagne-pain, dont nous avons besoin, continue à grandir et à progresser, une assurance qui fait en sorte que nous pourrons produire en paix dans toute la quiétude de nos belles régions, de nos belles campagnes, de nos beaux comtés, comme celui de Nicolet-Yamaska, car, ont-ils dit et ont-elles dit, nous avons, M. le Président, chez les agriculteurs et agricultrices du Québec, de très belles PME, petites et moyennes entreprises.

Nous voulons avec eux relever le défi de la croissance, le défi de la modernité, le défi de faire de nos régions des régions dynamiques aux niveaux économique, social, culturel, puisque, nous disent-ils et nous disent-elles, cette belle terre que nous possédons, ces belles terres du Québec, elles nous appartiennent. Donnons-nous donc des outils pour que les 10 % d'emplois régionaux attribuables à des activités bioalimentaires continuent de progresser et que cette industrie joue un rôle considérable dans l'économie du Québec et continue à le jouer, d'au moins 13 régions sur 17, et que ces 13 régions au Québec soient rassurées, tant sur le plan de l'emploi, tant sur le plan du revenu que de l'activité économique qui est générée, et qu'elles donnent naissance à des partenariats avec d'autres activités non agricoles dans nos belles régions.

M. le Président, ces régions ont besoin de support, ont besoin de ce levier économique, ont besoin de La Financière agricole du Québec, et le gouvernement du Québec va répondre à leurs besoins, répondre à l'originalité des projets, à l'originalité aussi des petites entreprises qui se créent dans nos milieux, certains créneaux qui se développent à une vitesse vertigineuse au Québec.

Les gens de chez nous sont inventifs, aidons-nous à les aider. Créons ensemble un compte de banque, un compte de caisse, un compte «au cas où», un guichet unique, comme l'annonçait le ministre hier, de 5 milliards de dollars, une assurance «au cas où», et pas pour un an, pour sept ans, une assurance qui permettrait à nos entrepreneurs agricoles, qui ont mis leurs sueurs, leur coeur, leur argent surtout, au risque des intempéries.... À ce moment-ci, M. le Président, je me pose une question: Pourquoi les libéraux du Québec sont contre les producteurs et productrices agricoles du Québec? Pourquoi?

La création de La Financière agricole du Québec, M. le Président, permettra aux régions de mettre leur potentiel en action et de répondre aux besoins de ces créneaux, des marchés en émergence, tant régional, national qu'international. En économie, nous appelons cela les avantages comparatifs. Je vais vous en donner quelques exemples dans le comté de Nicolet-Yamaska.

Il y a chez nous des productrices de têtes de violon, qu'on appelle Fougères inc. Il y a chez nous des producteurs et des productrices de pommes exceptionnels, connus à travers le Québec. Il y a chez nous des producteurs et des productrices de pommes de terre parmi les plus performants au Québec. Il y a chez nous des producteurs et des productrices d'industries laitières qui sont sûrement les plus performants et les plus performantes du Québec. Il y a chez nous des terres à perte de vue remplies de maïs, de beau maïs-grain, de magnifiques champs dorés à ce temps-ci. Il y a chez nous des producteurs et des productrices qui font le virage vert, qui ont la pousse verte et le pouce vert.

D'ailleurs, on en a été témoin lors de la remise du mérite agricole: un maire d'une municipalité du comté de Nicolet-Yamaska s'est mérité la mention honorable, honoris causa. M. Pierre Gaudet, maire d'Aston-Jonction, il a fait le virage vert. Ces gens de coeur veulent se donner des outils de sécurité, veulent se donner des opportunités modernes telles que La Financière agricole du Québec qui mettra en place un régime de protection du revenu agricole. Toutes les productions agricoles du Québec seront admissibles. Toutes. Elles pourront mieux faire face aux fluctuations du marché et aux fluctuations des intempéries.

En terminant, M. le Président, j'aurais une question à vous poser: Pourquoi pensez-vous que je devais demander aux libéraux pourquoi ils sont contre les productrices et producteurs agricoles du Québec?

Des voix: Pourquoi?

M. Morin: Eh bien, je vais faire l'inverse, M. le Président. Je vais vous demander pourquoi les agricultrices et les agriculteurs du Québec ainsi que les membres du Parti québécois et du gouvernement sont pour La Financière? C'est qu'ils croient tous avec nous en l'avenir, en la force du secteur agricole du Québec, ils croient tous en l'avenir du secteur agricole et agroalimentaire dans toutes les régions du Québec. Et je vous remercie, M. le Président.

Des voix: Bravo!

n (10 h 20) n

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nicolet-Yamaska et également adjoint parlementaire au ministre de la Sécurité publique. Nous allons maintenant céder la parole au député de Verdun. M. le député, vous avez un temps de parole de 20 minutes.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Chez les ministériels, j'aurais espéré entendre un certain nombre d'arguments pour soutenir le projet de loi n° 144 et non pas une espèce de mantra qui sort de n'importe où en disant: Pourquoi les libéraux sont contre les producteurs agricoles? Les libéraux ne sont pas contre les producteurs agricoles, mais ils se posent des questions sur la pertinence du projet de loi qui est devant nous actuellement. Et il faut commencer à voir une distinction entre ce qu'on nous propose actuellement, qui est le projet de loi n° 144 qui propose... une loi sur La Financière agricole ? ça, c'est le titre ? et, après, on lit le projet de loi, et j'invite les ministériels à lire le projet de loi et particulièrement le ministre à m'écouter sur certains articles qui ne sont pas pertinents à l'intérieur de son projet de loi.

Premièrement, M. le Président, l'idée de regrouper à la fois les activités de la Société de financement agricole et les différents programmes d'assurance sous un même chapeau m'apparaît sympathique au départ. Ça permet une meilleure coordination. Ça pourrait avoir augmenté l'efficience de ces programmes.

Il est important quand même de bien comprendre, M. le Président, qu'on ne part pas de rien. On ne part pas de rien, le député d'Argenteuil l'a rappelé hier. La Société de financement agricole existe... Actuellement, je vais vous le dire, dans son dernier rapport, elle totalise des prêts en volume qui dépassent les 2 milliards de dollars.

Vous avez aussi, dans le mécanisme du financement et du soutien aux agriculteurs, deux programmes d'assurance: le programme d'assurance stabilisation et le programme d'assurance récolte. Je pense que les ministériels ici les connaissent. Mais ? et voici où le bât blesse et où il devient particulièrement pertinent, M. le Président, de pouvoir entendre, avant que l'on vote cette loi, un certain nombre de personnes ? il y a un article qui semble banal à l'intérieur de la loi, mais qui est extrêmement pernicieux ? et j'invite le ministre, à l'heure actuelle, à bien m'écouter ? c'est l'article 45 du projet de loi.

Et cet article 45, je vais vous l'expliquer, à moins qu'on veuille cacher des choses, à moins qu'on veuille occulter un certain nombre de problèmes qui ont été relevés au cours des années, est totalement inacceptable, et il est pertinent d'entendre le Vérificateur général pour bien comprendre l'article 45.

C'est un peu technique, M. le Président, mais il s'agit de bien comprendre. À l'heure actuelle, la Société de financement agricole et tous les programmes d'assurance sont soumis au Vérificateur général, non seulement à la vérification des livres, mais aussi à faire une vérification d'optimisation des ressources. Et je vous rappellerai, à l'heure actuelle, tout à l'heure, dans les minutes qui me sont imparties, les questionnements que le Vérificateur général a pu avoir, c'est-à-dire pas seulement une manière de conformité d'établir sur les livres, mais voir aussi à l'efficience des programmes qui sont mis de l'avant, et, dans tout le débat, M. le Président, c'est ce qu'on appelle la vérification intégrée, la vérification d'optimisation des ressources.

Elle est dans un mouvement dans lequel je croyais que le gouvernement adhérait. Je croyais que le gouvernement adhérait à toute cette question d'imputabilité, d'imputabilité envers les parlementaires. On l'avait constituée au début, avec la Loi sur l'imputabilité des hauts fonctionnaires et gestionnaires d'entreprises d'État. Le président du Conseil du trésor avait repris l'ensemble de ces idées dans la loi n° 82. Il y a des livres sur ce qu'on appelle la vérification intégrée et la vérification d'optimisation des ressources. Et j'invite le ministre à l'heure actuelle à les consulter en disant que le rôle du Vérificateur pour informer les parlementaires ne se limite pas strictement à la vérification comptable des livres, mais doit dépasser cette vérification comptable. Il s'agit de s'assurer si l'information circule normalement, s'il y a conformité, lorsqu'un programme est mis de l'avant, entre les objectifs du programme et les moyens qui sont mis en oeuvre et, troisième élément, de vérifier si les moyens mis en oeuvre sont les moyens les plus efficients pour atteindre l'objectif prévu.

M. le Président, dans le passé, le ministère de l'Agriculture, les différentes sociétés de soutien agricole ont fait l'objet de vérifications d'optimisation par le Vérificateur général. Et, je vous le rappellerai ici, il s'est posé un certain nombre de questions, non pas des questions qui étaient à caractère partisan entre libéraux et péquistes. D'ailleurs, je me permettrai de vous dire, la première fois où il l'a fait, c'était en 1995, donc ça portait sur une partie qui était de la gestion faite à l'époque des libéraux. Et il l'a refait après pour voir l'évolution de l'optimisation des ressources, en 1998-1999, donc pour voir s'il y avait évolution, si réellement on s'améliorait quant à l'efficience des programmes qui étaient mis de l'avant.

Or, si je comprends bien l'article 45 actuellement du projet de loi, l'article 45 du projet de loi va limiter l'action du Vérificateur général uniquement ? et je vous le lis ? à la vérification des livres comptables et «ceux des patrimoines fiduciaires qu'elle administre». Ça veut dire que pratiquement tout le travail, tout le questionnement que le Vérificateur général avait pu avoir sur l'ensemble des programmes de soutien au revenu agricole, qui, comprenons-nous bien, sont perfectibles, sont améliorables... Et je veux soulever, par exemple, un certain nombre de questions qu'il avait soulevées en 1994-1995. Un certain nombre de ces questions ont été réglées depuis, ont été améliorées et réglées. Il y en a d'autres qui ne le sont toujours pas.

Mais retirer actuellement, brutalement, par cette loi, la surveillance de l'optimisation des ressources de la juridiction du Vérificateur général, ça me semble vraiment un recul en arrière, M. le Président. C'est un énorme recul, actuellement, que les ministériels sont en train de proposer, avec la création de La Financière agricole du Québec, non pas parce qu'ils veulent regrouper dans un même corps l'ensemble du financement de l'activité agricole, je pense qu'il y a là une idée intéressante, une idée avec laquelle on peut aller de l'avant, non pas lorsqu'ils disent: On veut étendre le programme de stabilisation du revenu à d'autres types de production, il y a là une idée qui peut être intéressante, non pas lorsqu'ils disent: Il faudrait non seulement pouvoir faire des prêts mais étendre l'activité financière d'une société, je pense qu'il peut y avoir une idée qui mérite d'être regardée et qui peut permettre d'avoir un secteur agricole plus efficient, mais l'endroit où il y a un énorme recul, M. le Président, dans ce qui est proposé, c'est dans la fonction d'imputabilité envers les parlementaires et envers l'ensemble de la société, c'est lorsqu'on retire de la juridiction du Vérificateur général cette possibilité de faire la vérification d'optimisation des ressources et on limite l'activité du Vérificateur général, dans l'article 45, uniquement à la vérification purement comptable des livres.

M. le Président, mon collègue le député d'Argenteuil, hier, a plaidé avec beaucoup d'éloquence pour qu'on entende un certain nombre de groupes avant de procéder à l'adoption de cette loi, c'est-à-dire que les gens puissent venir s'exprimer. Et, en particulier, il me semble absolument nécessaire que le Vérificateur général puisse venir s'exprimer et exprimer à quel point, je crois, la rédaction actuelle de l'article 45 du projet de loi n° 144 constitue un recul par rapport à ce qui était, la situation actuelle.

Je me permets, M. le Président, d'illustrer mon propos. Je vais vous le dire en prenant deux exemples: le rapport du Vérificateur général de 1995-1996, donc qui portait sur les années 1994, et le suivi en 1998-1999, pour voir comment l'action du Vérificateur général dans le secteur agricole, mais aussi dans d'autres secteurs, lorsqu'il fait non pas simplement une vérification des livres comptables d'une société mais aussi une vérification intégrée, c'est-à-dire une vérification d'optimisation des ressources, peut être utile, et utile réellement au gouvernement, utile aux parlementaires dans leurs fonctions de surveillance.

n (10 h 30) n

Je reviendrai, par exemple, à un certain nombre de questionnements, le genre de questions que le Vérificateur général avait posées en 1995-1996. Et, comprenez-moi, M. le Président, je tiens réellement ici à défendre une idée et ne pas faire de la petite partisanerie. Parce que, justement lorsque je fais référence au rapport du Vérificateur général, je fais référence même à une époque où les ministériels n'étaient pas au gouvernement. Mais l'importance, c'est que le Vérificateur général puisse avoir la possibilité de porter un jugement éclairé sur ce qui se passe à l'intérieur du gouvernement.

Par exemple, un certain nombre de recommandations, et vous voyez la nature des recommandations qu'il avait faites à l'époque: «Nous recommandons au ministère d'inclure les pratiques culturales respectueuses de l'environnement dans les modèles de coût et production à la base de l'assurance-stabilisation.» L'assurance-stabilisation, c'est celle qui tend à assurer ? à l'époque, c'était pour 15 productions ? le revenu de l'agriculteur. Donc, il recommandait d'inclure les pratiques culturales à l'intérieur pour réellement avoir un respect de l'environnement.

Vous verrez, à l'heure actuelle, que pratiquement, au cours des ans, ça ne s'est pas réellement fait et on se retrouve encore aujourd'hui... Je vous le rappellerai tout à l'heure quand je vais citer le rapport de 1998-1999, ça ne s'est pas non plus fait. Mais il est important d'avoir un corps, quelqu'un qui vient dire: Oui, les pratiques, la manière dont se fait la gestion, vous avez des objectifs, mais est-ce que réellement, lorsque vous mettez en pratique ces objectifs, les mesures que vous avez mises de l'avant sont les mesures les plus efficientes pour atteindre ces objectifs? Et c'est réellement ce que je regrette: que l'article 45 va empêcher dorénavant, pour tout ce qui va toucher la Loi sur La Financière agricole du Québec, de pouvoir faire cette analyse d'optimisation des ressources.

J'en aurais ici, voyez-vous, un paquet, d'exemples. Je vais vous en donner un deuxième simplement pour bien comprendre de quoi on parle. Par exemple, il demandait ? et voyez-vous comment il peut arriver, dans des programmes extrêmement concrets: «Nous recommandons au ministère de combattre la fertilisation excessive des sols. Il devrait notamment exiger que les producteurs tiennent compte des recommandations du guide de pratiques culturales.» Donc, le questionnement du Vérificateur général à l'époque, c'était quant aux problèmes où on surfertilisait les sols.

Vous avez une troisième question qui était, par exemple, sur la question qui était la gestion des engrais: «Nous avons recommandé au ministère de l'Environnement et de la Faune d'apporter des solutions concrètes au problème d'épandage des fumiers. Le ministère devrait notamment s'assurer que l'aide financière est versée à des producteurs agricoles qui respectent les règles du ministère de l'Environnement et de la Faune.» Donc, il y a un problème qui était purement très concret. C'est ça, le genre d'optimisation des ressources. C'est-à-dire, oui, c'est bien beau de mettre des grands principes dans une loi, mais, à un moment, il y a une personne qui est dans notre appareil, qui est une personne neutre, qu'on appelle le Bureau du Vérificateur général, qui à un moment dit: Oui, il y a un certain nombre d'objectifs, mais les mesures concrètes mises de l'avant pour pouvoir atteindre ces objectifs sont oui ou non efficientes, ce sont les mesures appropriées, ce sont celles qui sont celles qui vont nous permettre d'atteindre, d'une manière la plus efficace possible, les objectifs mis de l'avant par tel ou tel programme.

Et, malheureusement, l'article 45, M. le Président, dans le projet de loi ? et je voudrais réellement interpeller le ministre sur cette question-là ? limite actuellement l'action du Vérificateur général uniquement à la vérification des livres comptables, puisque, à partir du moment où on spécifie, dans un projet de loi, quel va être le rôle du Vérificateur général, on limite l'action du Vérificateur général uniquement aux livres comptables et, en quelque sorte, on sort la Société de financement agricole du Québec de ce que je pourrais appeler le périmètre de vérification du Vérificateur général en ce qui touche la vérification intégrée ou la vérification d'optimisation des ressources.

Pour bien vous expliquer comment fonctionne le Vérificateur général, c'est qu'une fois qu'il a fait un certain nombre de recommandations, au bout d'une année, deux années, trois années, il retourne voir, il retourne voir. Et il est retourné en 1998-1999 et il n'a pas dit: Tout est négatif. Il a dit: Il y a des choses qui ont été améliorées, il y a des choses qui ne l'ont pas été. Certains des problèmes de gestion dans les plans de protection agricole que j'avais soulevés en 1995-1996 ont été corrigés, d'autres ne l'ont pas été. Je tiens à signaler aux parlementaires ? que nous sommes ? et au ministre qu'il y a encore des lacunes dans telle et telle chose.

Cette dynamique régulière dans laquelle le Vérificateur général fait un rapport, vient voir les parlementaires, peut, à la nouvelle commission de l'administration publique, être en mesure d'être questionné ou, à la commission de l'administration publique, questionner le président de la Société de financement agricole ou le responsable de la Régie des assurances agricoles, qui est une dynamique extrêmement saine sur le plan de la gestion, on est en train de la perdre actuellement dans la Société de financement agricole. À ce moment-là, la Société de financement agricole, telle que je la comprends et telle que je la lis actuellement dans le projet de loi, serait assimilable à une des grandes sociétés, comme la Caisse de dépôt, par exemple, ou comme la société Hydro-Québec, où le Vérificateur général se limite à ce moment-là à faire une vérification comptable des livres mais oublie ce qu'on appelle la vérification intégrée, c'est-à-dire la vérification de l'optimisation des ressources.

Pour continuer, M. le Président, pour bien comprendre cette dynamique, donc je vous ai rappelé le genre de questionnement qui a été fait en 1995-1996 lorsque le Vérificateur général avait regardé la Société de financement agricole, avait regardé les différents plans d'assurance agricole, et il revenait dans son rapport 1998-1999, et il y avait des éléments qui étaient positifs, il disait: Le ministère et la Régie ont mis en application certaines de nos recommandations, notamment en ce qui concerne, bon, l'implantation d'un nouveau cadre d'établissement des coûts de production. Les prix du marché de bon nombre des produits assurés sont désormais fixés sur une base de méthodes plus raffinées. Donc, il a été dire: Il faut être bien conscient, dans la gestion d'un programme, on n'est pas toujours négatif, il y a une volonté d'amélioration, mais, si on ne vient pas vous dire: Telle chose ne marche pas, telle chose marche, vous n'avez pas de chances de vous améliorer.

n (10 h 40) n

Par contre, il disait: «Au moment de notre suivi, la situation est toujours la même en ce qui concerne l'établissement des modèles de coûts de production, car le ministère n'est toujours pas assuré que les entreprises retenues sont réellement ? dans l'analyse des coûts de production pour l'assurance stabilisation ? performantes.» Ça, c'était donc une critique que le Vérificateur, en 1998-1999, retournait au plan d'assurance stabilisation du revenu.

Sur le nombre d'unités assurées, il se posait aussi des questions: «Quoi qu'il en soit, nous estimons que l'information de gestion dont disposent le ministère et la Régie est insuffisante pour assurer que les modèles de coûts de production attribuent un soutien financier juste et approprié.» Bon, questionnement qui vient du Vérificateur général. Et je suis sûr, M. le Président ? parce que je ne voudrais pas ici dire: Il y a des gens tout bons d'un côté et tout bons de l'autre côté ? qu'il y a aujourd'hui, en 1999-2000, des améliorations qui ont probablement été réapportées par la Régie des assurances agricoles ou la Société de financement agricole suite au rapport du Vérificateur, au rapport d'optimisation des ressources, qui était de 1998-1999.

Mais, M. le Président, si je comprends la loi telle qu'elle est ? si je comprends la loi telle qu'elle est ? on va perdre cet élément important de gestion qui est le rôle du Vérificateur général dans les pratiques d'optimisation des ressources. Et je regrette, M. le Président, je ne peux pas souscrire à cela. C'est contraire à toute la démarche qui a été faite depuis une dizaines d'années dans ce Parlement pour améliorer en quelque sorte les outils de gestion gouvernementaux. Et on ne peut pas, M. le Président, on ne peut pas soustraire la Loi sur la Société de financement agricole, qui, au demeurant ? et je le dis au ministre sans gêne ? m'apparaît sympathique dans ses objectifs, c'est-à-dire, dans ses objectifs, le fait d'étendre à la fois sa juridiction, le fait de pouvoir avoir une meilleure coordination entre les différents plans sont des éléments que j'ai une tendance à regarder d'une manière intéressée. Mais, de grâce ? de grâce ? retirez-moi cet article 45 qui retire la juridiction, retire cette nouvelle société de la juridiction du Vérificateur général! Laissez donc au moins le Vérificateur général pouvoir faire la vérification ? un seul mot, monsieur ? d'optimisation des ressources dans cette nouvelle entité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Verdun. Nous poursuivons le débat en cédant la parole au député d'Orford et critique officiel de l'opposition en matière d'environnement. M. le député.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je prendrai les 20 minutes qu'il m'est permis de prendre devant l'importance d'un projet de loi comme ça et devant le refus du ministre d'écouter les gens, cette arrogance qu'on a vue hier dans cette Chambre, cette arrogance qu'on voit dans les dossiers environnementaux, cette arrogance qu'on voit maintenant en agriculture. Et il me semblait important, comme législateur, de prendre la parole ici ce matin et de demander au ministre... Il n'est pas trop tard pour qu'il revienne sur sa décision.

Vous savez, c'est une importante réforme. Et les gens, dans le milieu, qui s'y connaissent vont vous dire que c'est une des très grandes réformes qu'on connaîtra en agriculture. Que bien soit fait. On n'est pas fondamentalement contre l'amélioration des choses, bien sûr. Nous, ce qu'on veut, de notre côté, c'est entendre des gens qui s'y connaissent et essayer d'éviter au ministre de s'embourber dans des réformes comme ils ont eu l'art de faire récemment. Et je voudrais n'en nommer que deux.

Bien sûr, la réforme de la santé, où là le gouvernement s'est embourbé. Et, comme il n'y a pas beaucoup de temps ici, je ne pourrai pas vous conter toutes les histoires d'horreur, de malheur que nous vivons dans nos circonscriptions respectives, comment nous avons dû, à Magog, sauver un bloc opératoire, organiser des autobus. Et, la magouille aidant, ils ont fait leur assemblée le 23 juin ? imaginez-vous, le soir de la Saint-Jean-Baptiste. Ce n'est pas grave, on est allé là, et finalement les citoyens voulaient tellement sauver leur hôpital qu'on a sauvé en tout cas le bloc opératoire. Les vrais citoyens, je me souviens encore, monseigneur était là, le chef des pompiers, la police, tout le monde était là pour sauver le bloc opératoire. C'était une réforme où le gouvernement était sûr qu'il possédait la vérité.

L'autre réforme où ils étaient sûrs qu'ils possédaient la vérité, et ça nous a pété en pleine face, pas cet été, l'été avant, ça a été celle de tout le secteur de la formation de la main-d'oeuvre. Là aussi, on connaissait tout, on n'avait pas besoin d'écouter personne. Et, moi, j'ai des gens dans mon comté qui ont perdu leur résidence, des histoires épouvantables parce que ce gouvernement, dans sa très grande sagesse, n'a pas voulu écouter le vrai monde, M. le Président.

Le ministre, hier, il a fini son discours... Et il va payer cher pour ça. Je vous le dis tout de suite, il va payer cher, puis il va payer longtemps pour dire des énormités comme il a dites hier, que les libéraux...

Des voix: ...

M. Benoit: Tiens! je viens d'en réveiller quelques-uns, de l'autre bord. C'est bon, ça, ce matin, M. le Président. Je viens d'en réveiller deux, trois qui dormaient, des péquistes, de l'autre bord, là. Le ministre a fini hier en disant, du haut de sa sagesse et de son arrogance, du haut de son arrogance, que les libéraux n'aimaient pas les agriculteurs. Bien, je vais lui parler du comté d'Orford, moi. Je vais lui parler du comté d'Orford, s'il peut arrêter de parler puis écouter.

Sur quatre présidents d'association, en 11 ans où j'ai été député, trois ont été des agriculteurs. Je vais les lui nommer, au cas où il n'aurait pas confiance dans mes paroles. Le premier, c'est un des grands agriculteurs de l'Estrie, qui a été président de l'UPA, qui opère une magnifique opération, il s'appelle Noël Lamontagne. C'est un libéral, il croit dans les valeurs libérales. Il doute, il doute vraiment, quand le ministre dit que les libéraux, on n'aime pas les agriculteurs, qu'il avait raison hier.

Le deuxième qui a été président sur quatre présidents, il s'appelle Norman Benoit. Norman Benoit est d'abord agriculteur. Il est aussi un homme d'affaires, comptable, C.A. reconnu. Il est aussi un pilote d'avion. Ce bonhomme-là, dans la communauté, a une auréole. Partout où il a passé, il a imprégné le milieu, partout il a donné une marque, partout il a défendu les agriculteurs. Et ça, c'est le même ministre de l'Agriculture, hier, qui disait que les libéraux, on n'aimait pas les agriculteurs, on n'aimait pas l'agriculture. Bien, il devra s'excuser, M. le Président, devant ces gens-là.

Et le troisième président que j'ai eu, le président de l'Association libérale du comté d'Orford, c'est un cas extraordinaire: Angus MacKinnon, parlant les deux langues à la merveille; ayant gradué de l'Université McGill; septième génération sur la même ferme, M. le Président; trois enfants, trois jeunes petits bambinos qui étaient d'ailleurs au concours de labour qui a eu lieu il y a quelques semaines. On voyait ces trois petits jeunes se courir un peu partout dans la place; alors, la huitième génération qui est en place.

Vous demanderez à Angus MacKinnon si Robert Benoit, si le comté d'Orford, si le Parti libéral, on n'aime pas, nous, les agriculteurs. Il va répondre au ministre, il va lui dire en pleine face que, s'il y a un parti qui a aidé les agriculteurs, s'il y a un député qui a cru dans les agriculteurs, c'est bien le Parti libéral, le comté d'Orford et Robert Benoit. M. le Président, il devrait retirer des paroles aussi malsaines, aussi peu fondées et aussi mal jugées que celles avec lesquelles il a terminé son discours, hier.

Je lui rappellerai maintenant, au-delà des présidents d'association que j'ai eus, les grandes activités agricoles, où je ne l'ai point vu dans le comté d'Orford, lui qui supposément défend les agriculteurs du haut de son arrogance, M. le Président. A-t-il été à l'Exposition agricole d'Ayer's Cliff depuis qu'il est le ministre de l'Agriculture, la deuxième plus importante exposition agricole du Québec? Il n'y a jamais mis les pieds. Bien sûr, il y a quelques anglophones, peut-être qu'il n'aime pas particulièrement cette exposition-là. C'est la plus belle exposition agricole du Québec. Jamais il n'a daigné sortir de sa limousine ou de son hélicoptère pour venir, avec les agriculteurs, leur parler sur le terrain. Et c'est ce même ministre hier qui disait que les libéraux, nous n'aimions pas les agriculteurs.

A-t-il été présent au Festival du lait de Coaticook? Eh bien, la réponse, c'est non. Le plus grand festival du lait, les plus belles vaches. Vous devriez voir la qualité des fermes que nous avons dans cette région-là du Québec. Jamais le ministre ? et il rit de ça ? n'a daigné débarquer de sa limousine et venir voir ces gens-là au Festival du lait.

A-t-il daigné venir saluer les professeurs au CRIFA, que le Parti libéral du Québec a créé, cette grande école d'agriculture à Coaticook, où nous formons, dans une même polyvalente, des jeunes qui n'ont pas à sortir de leur milieu, et nous en faisons une relève agricole absolument... C'est un «successful story». Ça a été fait sous le Parti libéral. Ça a été fait au moment où je suis devenu député du comté d'Orford. Je ne crois pas que le ministre ait daigné sortir de sa limousine et de son arrogance pour venir saluer le directeur là-bas, et les enseignants, et les étudiants. C'est le même ministre qui nous disait qu'on n'aimait pas l'agriculture.

M. le Président, je crois, d'autre part, qu'il est venu au Festival des vendanges de Magog. Il n'est pas venu? Bon, bien ça confirme ce que je pensais. Alors, il n'est pas venu non plus au grand festival où tous les producteurs de fromages et de vins étaient regroupés depuis deux années. Un magnifique succès, des centaines et des centaines de gens. Ils l'ont invité, il a subventionné bien sûr, on l'a tous fait, mais il n'était pas là. C'est ce même ministre qui dit que les libéraux, on n'a pas confiance dans l'agriculture, etc.

J'espère que les gens qui nous écoutent vont faire la part des choses entre des accusations aussi basses, aussi peu fondées, et un ministre qui essaie de cacher des choses dans un projet de loi. Et j'arrive maintenant à ce projet de loi.

Hier, j'ai appelé les agriculteurs dans mon comté, parce qu'il y a la moitié du comté que c'est de l'agriculture, chez nous. Or, j'en ai appelé un bon nombre. C'est toujours plaisant. Il y en a que c'était leur fête, il y en a d'autres... J'avais plein de raisons pour les appeler, alors j'en ai appelé un certain nombre, hier. On ne siège pas le mercredi soir, on avait du temps, on a appelé les agriculteurs. Alors: Bonjour, bonjour, comment ça va, votre femme, votre épouse, vos enfants? Comment a été la dernière récolte? Et puis: La Financière agricole du Québec, ça vous dit-u quelque chose?

Bien, le ministre qui pense que tout le monde connaît ça... Bien, croyez-le ou non, M. le Président, des sept agriculteurs auxquels j'ai parlé, ou à leur épouse parce que, dans certains cas, il était trop tôt, les hommes étaient encore soit à la ferme, c'est la saison où on rentre les grains, comme vous le savez... Dans le cas de MacKinnon, entre autres, quand je l'ai appelé à 7 heures, hier matin, elle m'a dit: Écoutez, il est après rentrer les grains déjà.

n (10 h 50) n

Ceci dit, quand j'ai parlé à ces gens-là de La Financière agricole du Québec, il n'y en a pas un sur sept qui savait de quoi je parlais. Quand le ministre dit: On n'a pas besoin de consultations, tout le monde connaît ça, c'est bien clair, c'est bien clair dans sa tête à lui, c'est bien clair dans la tête de toute sa gang de fonctionnaires alentour de lui, mais le vrai monde, là, je suis loin d'être sûr qu'il sait exactement qu'est-ce que c'est, La Financière agricole du Québec. Et je vais vous dire franchement, moi qui lis La Terre de chez nous, puis qui lis tous les journaux, puis qui lis le semainier paroissial de toutes mes paroisses et qui me tiens un peu avec le milieu agricole, la première fois que j'ai entendu parler de ça il y a quelques mois, je n'avais aucune idée de ce que c'était, cette histoire-là. Imaginez-vous que les gens dont ce n'est pas la principale préoccupation de savoir quels sont nos débats, ils ne sont peut-être pas tous au courant de ça.

Et puis, quand je vois le ministre qui est associé à un gouvernement qui a passé des réformes puis que ça s'est avéré ensuite des foires épouvantables... Bien, quand on demande au ministre de faire ça dans le milieu de la patinoire avec tous les spotlights dessus, qu'on puisse poser toutes les questions, mon Dieu! que ce serait facile ensuite. Surtout qu'on a du temps, là. Aujourd'hui, c'est le 2 novembre, M. le Président. On va être ici jusqu'à Noël. Le ministre a du temps. Bien sûr, comme ministre, il aimerait mieux, lui, ne pas avoir à rencontrer le vrai peuple, ne pas avoir à expliquer ça, ne pas avoir à parler avec du vrai monde. On les comprend. Son confrère, à côté, en foresterie, il s'est tapé 100 mémoires. Je le félicite. J'ai fait ça, moi aussi, avec lui. Je n'étais pas d'accord avec tout ce qui s'est dit, je n'étais pas d'accord avec tout ce qu'on a entendu, mais le ministre a pas mal une meilleure idée en bout de ligne de ce qu'il a entendu en foresterie.

Ici, en agriculture, on a un ministre qui est au-dessus de tout ça, lui. Il prétend tout savoir, il connaît tout ça. Pas besoin d'écouter le monde, lui. Mais le vrai monde, il va se souvenir de ça, qu'il n'a pas voulu l'entendre, pas plus qu'on a voulu entendre les maires hier. Un gouvernement de fin de mandat: on n'écoute plus le monde, nos fonctionnaires nous disent qu'on a raison. On a vu ça, hein, on a connu ça. Alors, ça sent ça à plein nez.

M. le Président, dans ce projet de loi, il y a des aspects qui sont drôlement préoccupants, et je pense que, si on écoutait des gens, on se le ferait dire, puis on pourrait peut-être l'améliorer. Encore une fois, nous, il y a des aspects très sympathiques ? mon confrère de Verdun le disait. Quand on veut regrouper certains programmes, moi, je trouve ça particulièrement sympathique, surtout que c'est dans des mêmes secteurs, c'est des mêmes clientèles. On parle d'argent, c'est des questions de garanties, d'évaluation de productions agricoles. Moi, je trouve ça tout à fait correct. Fondamentalement, je suis loin d'être sûr que le Parti libéral va voter contre ce projet de loi là ultimement. Mais, nous, ce qu'on veut, c'est entendre des gens qui connaissent ça.

Notre confrère de Verdun a apporté un bon point sur l'article 45. Moi, je veux vous parler de l'article 22. Le ministre est systématiquement après créer une banque, hein. On sait que ce gouvernement-là est un gouvernement interventionniste. Alors, 400 millions d'Hydro-Québec, société d'État, probablement la dernière société d'État en Amérique qui vend de l'électricité, alors 400 millions, on prend ça d'Hydro-Québec puis on envoie ça à la Société générale de financement. Puis on regarde les primes sur l'électricité élevées. La Société générale qui, elle, investit tous azimuts. Quand le monde ne veut pas investir, elle, elle investit. On n'aura jamais vu une affaire comme ça en Amérique du Nord. La Caisse de dépôt est après acheter le centre-ville de Montréal au complet, tous les édifices, la Sun Life, Place Ville-Marie, envoye donc! La Caisse de dépôt qui achète ça avec une filiale. C'est de l'interventionnisme, alors que l'entreprise privée, elle, devrait faire ça.

Bien là on est après créer une banque. La France a fait ça à un moment donné. Ils ont tout défait ça, ils se sont aperçus que ça ne marchait pas. Alors, là, eux, ils sont après s'inspirer d'il y a 20 ans en France. Ils sont comme 20 ans en retard, j'ai l'impression. Je vais vous dire ce que ce projet de loi va donner la permission de faire à cette institution-là qu'ils sont après créer, et si les citoyens du Québec sont d'accord avec ça:

«1° déterminer l'aide qui peut être accordée à une entreprise et imposer les conditions auxquelles cette aide est assujettie ? comme une banque;

«2° déterminer les couvertures de risques par régions, territoires et zones ? si vous parlez à une banque, ils vont vous dire qu'ils déterminent ça, que c'est plus dangereux de prêter dans une région que dans une autre, etc.;

«3° autoriser, aux conditions qu'elle détermine, toute personne à agir comme prêteur ? exactement comme une banque;

«4° prendre, aux frais de l'emprunteur, lorsque ce dernier omet de le faire, les mesures qu'elle juge nécessaires pour assurer le maintien en bon état des biens affectés à la garantie d'un prêt ou le maintien en opération d'une entreprise ? exactement comme une banque;

«5° agir en qualité de mandataire d'un prêteur, en demande ou en défense, pour toute procédure judiciaire relative à un prêt ? là, je ne suis pas sûr qu'ils ne vont pas même plus loin que les banques;

«6° agir comme prêteur;

«7° constituer et administrer tout patrimoine fiduciaire ? comme les banques;

«8° recevoir et administrer, pour le compte d'un déposant, les dépôts versés dans le cadre d'un programme ? exactement comme une banque: Moi, je dépose mon REER à la banque dans un programme, ils vont faire la même chose, comme une banque;

«9° acquérir, administrer, vendre, louer ou autrement aliéner, en son nom ou en qualité de mandataire d'un prêteur, tout bien affecté à la garantie d'un prêt consenti en vertu de la présente loi, d'une autre loi ou relié à un programme dont l'application lui est confiée par le gouvernement ? exactement comme une banque;

«10° rembourser à un prêteur un prêt consenti en vertu de la présente loi, de la Loi sur la Société de financement agricole, de la Loi sur le financement agricole ou d'une loi que cette dernière a remplacée lorsque cet...» Bon, ça, c'est technique.

«Lorsque la société effectue un remboursement en vertu du paragraphe 10°, elle est subrogée dans les droits du prêteur.

«La société», etc.

Mon propos, M. le Président, c'est que, ce n'est pas compliqué, ils sont après créer une banque de toutes pièces. Il y a des gens qui connaissent ça, le système bancaire, hein, qui sont venus au monde avant le ministre dans ce secteur-là. Je pense à l'Association des banquiers canadiens. Ils ont envoyé au ministre un avis, et je le lis, dans une lettre datée du 17 octobre ? tout à fait récemment ? adressée au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, l'Association des banquiers canadiens. C'est comme une grosse association. Ça regroupe bien du monde, ce monde-là. Et ils ont une réputation absolument extraordinaire. Au Canada, l'Association des banquiers, je pense, n'a jamais failli à sa tâche, même dans les pires moments noirs des systèmes bancaires mondiaux. On m'a bien compris? Au moment où, à travers le monde, au Japon et ailleurs, il y a eu des crises dans les systèmes bancaires; jamais au Canada, et en grande partie à cause de l'Association des banquiers canadiens.

Alors, l'Association des banquiers canadiens émettait certaines réserves sur l'opportunité de confier de tels pouvoirs à cet organisme. Elle écrivait notamment, et je la cite au texte: «Il appert tout d'abord que certaines dispositions du projet de loi, notamment celles qui précisent les pouvoirs de La Financière agricole du Québec, vont très loin en faisant de celle-ci une véritable institution financière habilitée à recevoir des dépôts, à faire des placements, à faire des prêts, à constituer et administrer tout patrimoine fiduciaire et même posséder ou acquérir des filiales.» Elle écrivait également, l'Association des banquiers canadiens: «Il est clair que La Financière agricole du Québec fera directement concurrence aux institutions financières en place.» Si ça, ce n'est pas de l'ingérence de l'État dans l'entreprise privée, je ne sais pas ce que c'est, M. le Président.

Mais, un peu plus loin, le ministre, lui, alors qu'il est après ouvrir une banque, systématiquement, il va se permettre de ne pas mettre sous la responsabilité de la Loi sur la distribution de produits et de services financiers cette nouvelle structure. Vous savez que, si vous allez à la banque de votre choix déposer des argents, ils sont liés par des normes, des critères, des règles de distribution de produits et de services financiers. Eh bien, voici ici qu'on est après créer une banque de toutes parts et qu'on va tout simplement éviter ça. C'est questionnable.

M. le Président, je terminerai ? il me reste quatre minutes ? en vous disant qu'il y a un manque de transparence inquiétant et ? c'est tellement évident ce que je vais dire ? que le mémoire qui fut présenté au Conseil des ministres est entièrement confidentiel et ne contient... Confidentiel. Normalement, ces mémoires-là, quand on arrive au niveau du projet de loi, on peut mettre la main sur ces documents-là sur lesquels le Conseil des ministres s'est basé pour approuver le projet de loi. Alors, ici, on nous en refuse l'accès, on dit que c'est confidentiel. Et, nous, ça nous inquiète particulièrement que cette partie de document... Alors, c'est une autre étude, de la part de ce gouvernement, qu'ils veulent garder secrète, et ça fait partie de leur arrogance, M. le Président.

n (11 heures) n

En terminant, dans les deux dernières minutes qui me sont permises, M. le Président, je vous dirai que, dans la liste qu'on a proposée à notre ministre de l'Agriculture, il y a des groupes d'environnement. L'Union québécoise pour la conservation de la nature. Le distingué et dynamique député de Verdun nous a parlé comment le Vérificateur général du Québec a tapé sur les mains du ministre à plusieurs occasions en parlant d'une vérification intégrée qui n'était pas faite au ministère. On permettait pas mal de choses, hein. Je vous rappellerai le débat des porcheries, je vous rappellerai la surfertilisation, je vous rappellerai maintenant les argents que le ministère consent aux piscicultures, les piscicultures qui sont les plus grands pollueurs, en ce moment, après les papetières à une époque, les plus grands pollueurs des lacs au Québec, bien sûr quand il y a une pisciculture. Alors, j'aurais aimé, dans le projet de loi, que le ministre, d'une façon spécifique, donne au Vérificateur général cette permission de regarder dans tous ces programmes-là jusqu'où les aspects environnementaux seraient défendus, seraient supervisés, où on s'assurerait comme citoyens que l'environnement...

C'est bien qu'on aide les agriculteurs. Et nous qui voulons défendre l'agriculture avec force et vigueur, comme nous l'avons toujours fait, comme nous allons continuer à le faire, nous voudrions, avec cette même force, que le ministre aide les agriculteurs à améliorer leur sort en environnement. Et, dans le projet de loi, il n'y a rien là-dessus. Et, dans les gens qu'on a demandé d'entendre, il y a, entre autres, l'Union québécoise pour la conservation de la nature, ce grand regroupement de tous les organismes environnementaux du Québec, qu'on appelle, d'ailleurs qui est présidé ? je le salue ? par l'ancien sous-ministre à l'Environnement, Harvey Mead, des gens extraordinaires. Et on pourrait en ajouter un autre, les CRE provinciaux qui, eux, sont partout sur le terrain et pourraient faire de belles recommandations au ministre, toujours dans un but très positif d'améliorer son projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député d'Orford. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi en cédant la parole à Mme la députée de Sauvé. Mme la députée.

Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que je vais prendre la parole sur le projet de La Financière agricole du Québec.

D'entrée de jeu, vous me permettrez de saluer vraiment les producteurs agricoles du Québec et vous comprendrez sûrement que je voudrais, dans un premier temps, saluer également les productrices agricoles du Québec, les femmes collaboratrices. Je voudrais rappeler que c'est en 1986 qu'un gouvernement du Parti libéral du Québec a reconnu officiellement les femmes collaboratrices dans le milieu agricole et leur a même fait un programme d'aide financière sur mesure pour aider ces femmes du Québec à devenir propriétaires ou copropriétaires d'établissements agricoles au Québec. Et je pense que, lorsqu'on parle du milieu agricole du Québec, on doit se faire un devoir de souligner le rôle et l'apport considérable, appréciable et je dirais même crucial des femmes dans ce secteur.

Et, d'entrée de jeu, je dirais que ça serait intéressant, M. le Président, d'entendre les femmes liées au secteur agricole du Québec, de les entendre ici, en commission parlementaire, parce qu'on connaît également les difficultés des femmes, en règle générale, dans nos sociétés même dites modernes, avec le secteur financier. Trop souvent encore, les femmes en affaires ont des difficultés à obtenir du crédit. Et je pense qu'il serait intéressant de voir comment les femmes agricultrices et les femmes collaboratrices voient l'implantation et l'arrivée de La Financière agricole du Québec, voir si elles n'ont pas des conseils, des attentes qu'elles voudraient exprimer sur le rôle de cette Financière agricole du Québec, si elles n'ont pas des attentes, par exemple, quant à la composition du conseil d'administration de cette société. Y verra-t-on vraiment des femmes membres de ce conseil d'administration? Je crois qu'il faut le souhaiter, M. le Président, parce que ? j'insiste ? les femmes dans le milieu agricole ont une importance cruciale et il ne faudrait pas les négliger lorsqu'on en vient à parler de tout l'aspect financier de ce milieu.

Ceci étant fait, M. le Président, je voudrais également mettre en lumière, j'allais dire... c'est un peu équivoque, mais mettre en lumière certaines zones grises du projet de loi n° 144, certaines zones grises qui font en sorte que je vais plaider, comme tous mes collègues, afin qu'on puisse échanger et discuter avec des représentants du milieu agricole du Québec ici, en commission parlementaire.

M. le Président, je suis une députée de la région de Montréal. Et certains seront peut-être étonnés de voir l'intérêt qu'on accorde à cette question. Mais je voudrais mettre en lumière... Et par mes activités professionnelles antérieures, j'ai eu à m'intéresser à l'importance du secteur bioalimentaire dans l'économie montréalaise. Quelques exemples. Le Grand Montréal regroupe environ 64 % de la valeur ajoutée de la transformation des aliments et boissons du Québec.

J'ai également des chiffres un peu plus précis qui me proviennent, en passant, du nouveau Conseil des industries bioalimentaires de Montréal, que je tiens à souligner. C'est un nouvel organisme qui a été mis en place grâce à l'initiative de Pro-Est, la société de promotion et de concertation socioéconomique de Montréal. Et je pense que la mise en place de ce Conseil des industries bioalimentaires de Montréal témoigne de l'importance de ce secteur dans la région montréalaise. Par exemple, le secteur de la transformation bioalimentaire occupe... le poids relatif par rapport à l'ensemble du Québec, c'est 52 % de l'industrie de la transformation bioalimentaire qu'on retrouve dans la région de Montréal. Et ça, en termes d'emplois, eh bien, c'est 38 % des emplois de l'industrie de transformation bioalimentaire qu'on retrouve sur l'île de Montréal. En chiffres absolus, ça donne 21 500 emplois directement reliés à l'industrie de la transformation bioalimentaire sur l'île de Montréal ? 21 500 emplois, M. le Président. Ce n'est pas un secteur à négliger sur l'île de Montréal.

D'autres chiffres également. Le total de l'industrie bioalimentaire par rapport à la région de Montréal, c'est 94 300 emplois. Et là, M. le Président, je tiens à le préciser, ça comprend tous les secteurs, non seulement le secteur de la transformation bioalimentaire, mais également les secteurs du commerce de gros, commerce de détail et restauration. Mais ça signifie énormément d'emplois reliés à ce secteur sur l'île de Montréal.

Je vous parle de cela, M. le Président, pour bien vous indiquer comment toutes les régions du Québec, que ce soit les régions dites rurales ou les régions urbaines, sont interreliées et sont interdépendantes et que la prospérité de nos agriculteurs et agricultrices, la prospérité de nos régions rurales, de nos régions agricoles ont bien sûr un impact direct sur la prospérité d'industries à Montréal. Je suis donc, comme représentante de la région de Montréal, députée de Sauvé, extrêmement intéressée et à la fois préoccupée par l'avenir du secteur agricole et du secteur bioalimentaire.

Le projet de loi sur La Financière agricole du Québec, selon les dires mêmes du ministre de l'Agriculture lors de son discours d'ouverture hier... il a précisé dans son discours que, selon lui, La Financière agricole du Québec pourra financer des projets dans le domaine de la transformation alimentaire. Mais en même temps nous savons fort bien et nous admettons que le projet de loi précise qu'il y a une priorité de donnée. Lorsque j'arrive aux articles de loi, M. le Président, qui traitent de la mission de ce nouvel organisme, on dit bien que «dans la poursuite de sa mission, la société attache une importance particulière au développement du secteur primaire». J'en suis, M. le Président, aucun problème avec cela. Mais, tout de suite, la question qui se pose, c'est l'équilibre dans la mission de ce nouvel organisme entre ce qu'on appelle ici «une importance particulière au développement du secteur primaire», l'équilibre que le secteur primaire aura vis-à-vis, par exemple, le secteur de la transformation.

Je vous le rappelle, le ministre de l'Agriculture lui-même a souligné que La Financière agricole pourra intervenir, pourra avoir des activités de financement dans le domaine de la transformation. Mais quel sera l'équilibre entre ce secteur, le secteur primaire, et le secteur de la transformation? Je pense que nous sommes en droit vraiment d'accueillir des invités, d'accueillir des experts, d'accueillir des intervenants sur le terrain, là, des intervenants qui vont venir nous exprimer quelles sont leurs attentes vis-à-vis cet équilibre que devra trouver ce nouvel organisme, La Financière agricole, entre le secteur primaire et le secteur de la transformation.

Il y a d'autres questions qui surgissent lorsqu'on lit le projet de loi n° 144. Par exemple: Quel est l'avenir de la SOQUIA, cette filiale de la Société générale de financement, de la SGF, qui intervient nommément en ce moment dans le secteur bioalimentaire? Par exemple, M. le Président, en 1999, la SOQUIA a eu des investissements de l'ordre de 341 millions de dollars dans 11 nouveaux projets. Ça, c'est seulement pour 1999. Il y a ici des projets que je pourrais vous présenter, comme Les Aliments Carrière, les piscicultures, Les Entreprises Champost, Les Composts du Québec, etc., les Canneberges Atoka, par exemple, le groupe Saputo, bien sûr, qui a été le principal investissement de la SGF dans le secteur agroalimentaire.

n (11 h 10) n

M. le Président, on est là devant beaucoup de questions, parce que, si La Financière agricole est mise en place, si cette Financière agricole, tout en accordant une attention que l'on qualifie de particulière pour le secteur primaire, peut intervenir en soutien financier au secteur de la transformation, n'y a-t-il pas dédoublement? Que devient la mission de la SOQUIA? Est-ce qu'on va clarifier les missions des deux?

M. le Président, c'est avec beaucoup d'ouverture que l'on souhaite entendre des intervenants venir nous dire comment ils voient les choses, comment ils voient vraiment cette réforme extrêmement importante pour le secteur agricole. Parce que, encore là, il faut le rappeler, après plusieurs années au pouvoir, où le gouvernement du Parti québécois a été plutôt timide et je pourrais même dire silencieux vis-à-vis le milieu agricole, nous arrivons devant une réforme qui est une réforme vraiment importante, une réforme majeure qui d'ailleurs fait en sorte que La Financière agricole du Québec, ce futur organisme, agira en lieu et place de la Régie des assurances agricoles et de la Société de financement agricole.

Donc, M. le Président, nous voyons que nous sommes devant une transformation vraiment majeure, une réforme majeure du secteur agricole. Et je pense que le ministre de l'Agriculture, tout comme l'a fait son collègue ministre des Ressources naturelles, aurait tout intérêt à faire une démonstration évidente et éclairante de la position de chacun des intervenants dans le milieu. Que l'on vienne nous dire que ce projet de loi est un bon projet de loi, qui mérite tel et tel et tel correctifs, nous sommes prêts à l'entendre. Mais, devant une réforme aussi importante, il serait indécent, à mon sens, que cette Assemblée nationale n'entende aucun des intervenants du secteur agricole.

Et je tiens à le répéter, M. le Président, c'est la réponse que nous avons jusqu'à maintenant du ministre de l'Agriculture, ce n'est pas un «peut-être». On se souviendra qu'au mois de juin dernier, lors du dépôt de son projet, le ministre de l'Agriculture avait dit: Peut-être des consultations particulières. C'était sa réponse. Et, quelques mois plus tard, nous sommes devant une réponse catégorique, qui est un non. Et, je le répète, devant une transformation aussi importante des différents intervenants du milieu agricole, je ne peux pas concevoir que l'Assemblée nationale du Québec ne prendra pas le temps, le temps minimal, minimum, avec tout le respect qu'on leur doit, de venir entendre les intervenants du secteur agricole.

M. le Président, il y a plusieurs intervenants que, je crois, on pourrait entendre avec beaucoup d'intérêt. Je vous faisais part, un peu plus tôt, de mon intérêt à entendre parler les femmes agricultrices et collaboratrices par rapport à ce nouvel instrument financier. Mon collègue d'Orford, un peu plus tôt, a parlé de son intérêt à entendre les groupes environnementaux et leurs attentes vis-à-vis la mission et les règles de conduite que se donnera cette nouvelle société financière par rapport aux enjeux environnementaux importants qui sont liés au secteur agricole.

Bien sûr, il faut parler de toutes les associations et toutes les fédérations représentant les différents secteurs agricoles. Il faut aussi parler du secteur financier. Je pense aux caisses populaires qui se sentent sûrement interpellées dans leur milieu, dans leur patelin, par l'arrivée de ce nouveau joueur financier. Quel rôle réserve-t-on maintenant aux caisses populaires du Québec, par exemple, dans les différentes régions rurales du Québec, vis-à-vis cette nouvelle société?

D'autres éléments, M. le Président, qui font aussi en sorte que je crois qu'on doit prendre le temps de recevoir des gens et de les écouter, c'est des enjeux encore plus majeurs qui sont, par exemple, des enjeux reliés à la mondialisation. En réponse au non catégorique du ministre de l'Agriculture, je vous rappelle que l'opposition officielle a déposé une liste d'au moins 77 associations, intervenants du milieu de l'agriculture que l'on pourrait recevoir. Mais cette liste comporte aussi certains experts qu'on aimerait entendre, certains économistes.

Car, M. le Président, vous savez comme moi que le phénomène de la mondialisation et de la globalisation tel qu'on le connaît, ce phénomène que certains se plairaient à dire qu'il est au-dessus de nos têtes, c'est un phénomène qui fait quand même sortir des jeunes du Québec, des gens ordinaires dans les rues, en ce moment, du Québec. Ce phénomène qui inquiète tant, nous savons jusqu'à quel point le milieu de l'agriculture est un milieu interpellé dans ce contexte de mondialisation. Nous savons comment les grands accords commerciaux internationaux veulent imposer certaines règles, une certaine façon de faire, un certain code de conduite, que ces grands accords commerciaux internationaux veulent imposer aux gouvernements, soit nationaux ou pour qu'une province comme le Québec... par rapport à ses interventions dans le milieu de l'agriculture.

Je vous rappellerai comment, par exemple, en France, c'est souvent le milieu de l'agriculture, ce sont les agriculteurs et agricultrices de la France qui sortent souvent dans les rues lorsqu'il est question de ces grands accords commerciaux internationaux qui remettent en question les façons de faire des gouvernements face au milieu agricole. Bien, moi, je me pose la question: Comment faut-il voir ce nouvel instrument dont veut se doter le Québec, La Financière agricole du Québec? Quelle est la place, quelle sera la réception que l'on fera, dans ce contexte de mondialisation et de globalisation, quelle est la vraie place et le vrai avenir de cette Financière agricole du Québec? Je ne veux présumer de rien, M. le Président, mais je crois que ce serait intéressant d'entendre certains économistes et certains spécialistes de la question de la mondialisation venir nous dire quel est le vrai avenir d'un tel outil dont on veut se doter au Québec.

Je me dois donc à nouveau de demander au ministre de l'Agriculture d'avoir cette ouverture. Vous savez, M. le Président, je suis députée depuis le 30 novembre 1998 et je suis assez estomaquée de voir ce qui se passe en ce moment à l'Assemblée nationale du Québec. Pour moi, être une élue, être une députée, je vous dirais que ma première définition de notre rôle, c'est d'être à l'écoute premièrement de nos concitoyens, de nos électeurs, de nos concitoyens et concitoyennes dans nos comtés, mais d'être à l'écoute tout simplement des citoyens et citoyennes du Québec. Je me retrouve devant un gouvernement qui, plus que jamais... Je crois que c'est quelque chose d'assez inédit dans l'histoire de cette Assemblée nationale du Québec. Je me retrouve devant un gouvernement qui, devant des réformes majeures, passe le rouleau compresseur et le fait sans même daigner, en tout respect, entendre les gens en commission parlementaire. Je l'ai vu dans d'autres dossiers. J'ai vu, par exemple, le refus d'entendre les femmes autochtones dans le dossier des sages-femmes, du projet de loi reconnaissant les sages-femmes. Nous le voyons bien sûr en ce moment même dans le dossier des affaires municipales, ce refus que l'on a d'écouter les citoyens et citoyennes du Québec, ce refus que l'on a de consulter.

M. le Président, comme membre de l'opposition officielle en cette Chambre, je vais me devoir encore et encore, et encore, et encore, je me dois de plaider pour qu'on reçoive ici, dans cette maison du peuple, les citoyens et citoyennes du Québec. Ce projet de loi sur La Financière agricole du Québec est une réforme majeure. Et je ne peux pas concevoir et je ne peux pas accepter que nous ferons ça avec le rouleau compresseur, sans même entendre les bons côtés et peut-être de moins bons côtés ? qu'on pourrait améliorer, bonifier ? sans même entendre les intervenants du secteur de l'agriculture.

Le gouvernement en place et certains porte-parole du côté ministériel ont martelé des phrases assez méchantes et bêtes, à mon sens, sur l'attitude de l'opposition officielle face au milieu agricole. Vous savez, M. le Président, en psychologie, une telle attitude, de renvoyer une caractéristique qui nous concerne vers la personne qui est en face, on appelle ça de la projection. Moi, ça me fait vraiment penser à de la projection. Ce gouvernement qui refuse de prendre le temps ici, en cette Assemblée, d'entendre les intervenants du secteur agricole, de les recevoir, de les écouter, cette partie ministérielle, ce ministre, ses collègues et acolytes osent dire que nous manquons de respect au secteur agricole. C'est de la pure projection. Et je crois qu'il faut dénoncer cette attitude du gouvernement.

n (11 h 20) n

Mon collègue d'Orford le rappelait tantôt, et je pense que c'est quelque chose d'extrêmement symbolique, non seulement ce gouvernement en ce moment refuse toute consultation générale ou même toute consultation particulière sur le projet de loi n° 144, mais il ajoute l'injure de rendre inaccessible le mémoire déposé au Conseil des ministres justifiant le projet de loi n° 144, bien sûr, mémoire qui doit décrire certains impacts qu'aura ce projet de loi n° 144. C'est identique à ce qui se passe au niveau de la réforme municipale: c'est la grande cachotterie, c'est les grandes cachettes, c'est des documents qu'on ne rend pas accessibles, bien sûr ni à l'opposition officielle et, du fait même, ni aux citoyens et aux citoyennes qu'on représente.

M. le Président, vous comprendrez que, lorsqu'on voit les grandes réformes menées par ce gouvernement, lorsqu'on se rappelle le gâchis, gâchis total de la réforme de la santé, cette réforme importante ? ...

Des voix: ...

Mme Beauchamp: ...écoutez, allez parler aux gens qui attendent dans les urgences des hôpitaux, entre autres de Montréal, et vous me ramènerez le bon mot qu'il faut dire; moi, j'appelle ça le grand gâchis de la réforme de la santé ? quand je vois la grande catastrophe qui a eu lieu avec la réforme au niveau de l'emploi et la constitution d'Emploi-Québec, quand je vois la grande réforme de l'éducation menée, on le sait, de façon très cavalière, tellement que les professeurs n'ont pas été formés, les parents n'ont pas été informés et les livres, les manuels liés à cette réforme scolaire n'étaient même pas disponibles en septembre, lors de l'entrée scolaire, M. le Président vous comprendrez qu'on ne peut pas confier en toute confiance, désolée, on ne peut vraiment pas confier cette réforme importante du secteur agroalimentaire, du secteur agricole, du secteur de la transformation bioalimentaire, on ne peut pas confier cela au ministre de l'Agriculture en se taisant. Nous souhaitons, et nous le répétons, entendre le milieu agricole, le milieu de la transformation bioalimentaire de toutes les régions du Québec venir se faire entendre sur le projet de loi n° 144.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Sauvé. Nous allons maintenant céder la parole au député de Nelligan. M. le député.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. J'ai pensé que peut-être un député du côté ministériel veut essayer de défendre la décision du ministre, mais malheureusement je pense que lui est déjà isolé devant son caucus... Parce que l'opposition officielle demande une chose tellement simple au moment qu'on parle: de faire une consultation sur le projet de loi n° 144, Loi sur La Financière agricole du Québec, Bill 144, An Act respecting La Financière agricole du Québec.

M. le Président, je demande: Est-ce que c'est le même député de Rouyn-Noranda?Témiscamingue qui est devant nous aujourd'hui? Je me souviens, la première fois que j'ai rencontré ce député, quand lui était de ce côté de la Chambre, il a toujours plaidé l'opportunité pour la population de présenter ses perspectives, d'avoir une chance, ici, dans cette institution québécoise démocratique, de défendre ses intérêts, de présenter des mémoires, d'avoir des consultations publiques ou particulières dans les projets de loi. Quand lui était de ce côté, c'est ça qu'il a demandé; maintenant, lui est un ministre, il ne veut rien savoir de ça.

La réforme de ce secteur... le projet de loi est une réforme majeure. Et, M. le Président, quand ce gouvernement péquiste dit le mot «réforme», souvent, on sait que ça fait mal aux citoyens et citoyennes du Québec, les résidents du Québec, soit dans la réforme désastreuse de la santé, de l'éducation et dans plusieurs autres dossiers.

Le projet de loi crée une société principalement pour une mission de soutenir et de promouvoir, dans une perspective de développement durable, le développement des secteurs agricole et agroalimentaire québécois. Il me semble tout à fait louable, M. le Président. Mais on doit se demander pourquoi le ministre cache son mémoire devant le Conseil des ministres et pourquoi il refuse d'entendre les groupes. Qu'est-ce qu'il cache? Qu'est-ce qu'il cache? Et est-ce que maintenant c'est vraiment la tendance de ce gouvernement de refuser d'entendre les groupes, de prendre les décisions pour la population québécoise, sans information? Je me souviens juste hier, dans cette Chambre, nous avons encore une fois demandé pour les études cachées pour les fusions forcées municipales; le gouvernement refuse ça.

Je pense que la demande que l'opposition officielle est en train de faire est fort simple et directe et j'espère que peut-être avant l'heure du dîner aujourd'hui le ministre va dire oui, effectivement, que nous avons raison, et nous allons entendre ces groupes.

Mais, M. le Président, je voudrais peut-être cibler quelques commentaires sur quelques articles de la loi. J'ai des questions et j'ai hâte d'avoir les réponses avant qu'on procède à cette étude du projet de loi n° 144. M. le Président, peut-être que vous pouvez me demander pourquoi le député de Nelligan se lève dans une question sur l'agricole. Malgré que mon comté soit dans la banlieue de Montréal, j'ai des fermes, j'ai des agriculteurs, j'ai des agricultrices, mais aussi j'ai le Collège Macdonald, de l'Université McGill, dans mon comté, qui est..

M. Trudel: ...

M. Williams: Le ministre est d'accord avec moi, il a pris les mots de ma bouche, c'est un collège de réputation mondiale, de haute qualité, de haute excellence; il nous donne beaucoup d'informations sur cette question, et je pense qu'il rend un service pour le Québec, pour le Canada et pour le monde avec ses recherches dans la question de l'agriculture. Et je suis très heureux de voir la réaction du ministre sur mes commentaires sur ce Collège; j'espère que la prochaine fois qu'il demandera un financement, il va être aussi positif pour le Collège. Je vais certainement sortir les galées de cette conversation, M. le ministre...

M. Trudel: ...

M. Williams: Oui, oui, parce que, vous savez, ils ont manqué de ressources. Avec ça, je vois une réponse positive déjà pour la prochaine demande.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Williams: Je m'excuse, M. le Président. Sans aller trop loin sur ce point-là, j'ai voulu dire que, effectivement, l'agriculture touche tout le monde. Moi-même, j'ai commencé dans le Département de l'agriculture, au Collège Macdonald. Je n'ai pas fini, j'ai fini dans un autre métier, mais finalement j'ai commencé là. Et nous avons, dans le même campus, Québec Farmers' Association et beaucoup de personnes. Avec ça, j'ai une affinité dans ce dossier.

Le secteur de l'agriculture aussi touche beaucoup de Québécois et Québécoises. Dans la documentation que j'ai devant moi, je vois qu'il y a le nombre de producteurs, c'est 45 000. Il y a une superficie exploitable de 3,2 millions d'hectares; cultivée, à peu près 1,8 million d'hectares, un immense territoire. Il y a 124 000 travailleurs, 48 000 de ces travailleurs sont saisonniers, 60 000 emplois; exportations bioalimentaires, plus que 2,5 milliards; et importations bioalimentaires, 2,3 milliards de dollars. Avec ça, une industrie assez importante. C'est pourquoi je pense que c'est important de discuter de cette réforme à l'Assemblée nationale et c'est pourquoi je pense qu'on doit entendre les groupes avant qu'on procède sur cette question.

Mais il y a une question qui m'a frappé beaucoup. Je ne sais pas, M. le Président, si le ministre a une réponse aujourd'hui sur ça, mais ça m'inquiète beaucoup quand je vois ce gouvernement qui commence à faire des échanges d'informations nominatives confidentielles. À l'article 27, et peut-être que ce n'est pas nécessairement quelque chose qu'on pense souvent dans une loi qui touche La Financière agricole du Québec, mais il y a un article qui dit: «Le ministre peut prendre entente avec la société pour recueillir et communiquer des renseignements nominatifs nécessaires à l'application de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, de ses règlements ou de la présente loi... ? pour beaucoup de fins, et la troisième: pour la vérification de l'admissibilité de personnes ou d'entreprises à un avantage ou à un droit accordé en vertu de ces lois, règlements ou programmes ou le maintien de ceux-ci.»

M. le Président, si je continue, ils vont dire: Wow! M. le député de Nelligan, ne vous inquiétez pas, nous allons demander à la Commission d'accès à l'information un avis sur cette entente. Oui, mais, dans chaque projet de loi, j'ai insisté, et je vais insister encore, M. le Président, que ce n'est pas assez bon de juste demander un avis de la Commission, il doit respecter cet avis. Parce que, selon la loi ? et c'est assez drôle de voir, M. le Président ? il y a une obligation de demander un avis de la Commission d'accès à l'information: Est-ce que l'information confidentielle est bel et bien protégée? Mais l'obligation reste là. L'obligation, c'est juste qu'il a le droit de demander l'avis. Il n'y a aucune obligation: Est-ce qu'il doit respecter l'avis?

n(11 h 30)n

Avec ça, M. le Président, il me semble qu'on doit faire toutes les choses, selon notre capacité, pour respecter la vie confidentielle de la population québécoise. N'oubliez pas, M. le Président, que la loi sur la confidentialité a changé depuis les derniers six ans, je pense, si ma mémoire est bonne, à peu près 13 ou 14 fois. Il y a une piste glissante assez dangereuse avec l'échange d'informations, que nous sommes en train de voir, par ce gouvernement-là. N'oubliez pas que ce gouvernement, avec l'ancien ministre du Revenu devant nous qui a fait les grands fichiers, les mégafichiers, avec le jumelage de tous les dossiers, l'échange d'informations... Comme nous avons essayé de changer cette loi, vous avez vu souvent, M. le Président, les éditoriaux sur Big Brother qui est en train de surveiller toutes les choses qui se passent dans la vie confidentielle, la vie privée de la population québécoise.

Il me semble que voilà un point qu'on doit vraiment discuter, et je voudrais entendre la Commission d'accès à l'information avant. Je voudrais entendre les autres groupes. Mais j'ai voulu cibler un commentaire sur ça ce matin. Il me semble que c'est essentiel, quand nous sommes en train de faire des échanges... Avant même de commencer, je voudrais avoir l'avis de la Commission d'accès à l'information et une opportunité en ondes, en public, en toute transparence, d'entendre ce que la Commission d'accès à l'information pense de ça. Mais qu'est-ce que le ministre fait? Il cache son mémoire devant le Conseil des ministres et il refuse de faire une consultation publique.

Une autre instance assez importante, M. le Président, qu'on utilise souvent en cette Chambre, c'est le Vérificateur général. Je voudrais aussi entendre le Vérificateur général parce que, comme mon collègue le député de Verdun l'a mentionné, selon nous ? et on veut entendre le Vérificateur général sur ça ? son rôle est en train d'être changé. Avant, il avait une certaine responsabilité d'étudier et de faire des commentaires sur l'optimalisation des ressources. Selon la nouvelle loi, selon mon interprétation de ça, il va avoir un mandat beaucoup plus limité, un mandat limité qu'il va juste étudier les livres, est-ce qu'ils sont bel et bien balancés. C'est tout à fait un autre rôle, et il me semble qu'on manque une opportunité assez importante d'utiliser l'expertise du Vérificateur général. Encore une fois, qu'est-ce que le ministre a fait? Il a caché son mémoire, le mémoire présenté au Conseil des ministres, et il refuse de faire la consultation.

Il y a une autre section, M. le Président, et il me semble que c'est assez important, et ça commence avec l'article 22. Nous avons reçu ? je pense que vous avez tous reçu ? une lettre de l'Association des banquiers canadiens, signée par Richard Guay, président du comité du Québec. Il me semble que, dans cette lettre datée du 17 octobre, l'Association des banquiers canadiens soulève beaucoup de questions assez importantes. Un, ils disent qu'ils sont très déçus, très déçus de ne pas avoir été consultés. Mais aussi, ils disent: «En effet, il apparaît tout d'abord que certaines des dispositions du projet de loi, notamment celles qui préconisent les pouvoirs de La Financière agricole du Québec, vont très loin en faisant de celle-ci une véritable institution financière habilitée à recevoir des dépôts, à faire des placements, à faire des prêts, à constituer et administrer tout patrimoine ou fiducie et même à posséder ou à créer des filiales. De plus, contrairement aux banques et aux caisses d'épargne et de crédit, cette institution financière ne serait soumise à aucune autorité de surveillance ni à aucune réglementation spécifique.»

Il me semble, M. le Président, ils soulèvent un point tellement important qu'on doit entendre en public cette Association des banquiers canadiens.

La lettre continue et dit enfin: «Il appert que La Financière agricole du Québec a notamment pour objectif de changer les paramètres au niveau de l'assurance stabilisation des revenus agricoles et de remplacer le régime actuel pour les comptes de stabilisation des revenus agricoles, sommes aux comptes de stabilisation des revenus nets actuellement gérées par les institutions financières du reste du Canada. Toutefois, il semble que, à cette instigation de l'UPA, la gestion de ces comptes serait confiée à La Financière agricole de Québec plutôt qu'aux institutions financières, ce qui paraît tout à fait inacceptable pour nos membres», selon l'Association des banquiers canadiens.

M. le Président, il me semble qu'ils soulèvent des questions assez importantes. Nous sommes en train de créer, avec l'article 22, une quasi-banque. Encore une fois, une stratégie interventionniste du gouvernement péquiste. C'est ça qu'ils ont fait avec le SGF, c'est ça qu'ils sont en train de faire avec la Caisse de dépôt. C'est un gouvernement qui pense qu'il peut décider lui-même qu'est-ce qui est le mieux pour vous. Voilà trois exemples, trois questions, soit la confidentialité, le Vérificateur général et aussi la création de nouvelles institutions financières, qu'on veut questionner. On veut en savoir plus avant d'embarquer.

M. le Président, le Parti libéral a toujours supporté le milieu de l'agriculture et le milieu agroalimentaire. On veut faire ça, on veut continuer de faire ça, mais je pense que, comme notre rôle d'opposition, c'est notre rôle de questionner le gouvernement et de demander d'avoir une chance, les groupes, d'expliquer qu'est-ce qu'ils pensent de ce projet de loi.

Mr. Speaker, Bill 144, actually, I think the Minister is beginning to understand our point and beginning to possibly agree with us. I certainly hope, after maybe my colleague speaks, that he will agree to hear of various groups. Because Bill 144 is important. And if he believes in his bill, if he believes in what he is trying to do, he will have the courage to listen to those groups, to listen to them in a parliamentary committee. He can invite the groups that are very favorable to his project, to his bill, other groups who may have a difference of opinion. And I know the PQ doesn't like to accept that there are differences of opinions. They always criticize and try to make fun of groups that have differences of opinions. What we are asking for is: Give these 70 groups ? some of them are world experts ? a chance to present their opinion on this projet de loi, this draft bill, Mr. Speaker.

I highlighted three points which I'd like to just summarize very quickly, Mr. Speaker. One is the exchange of nominative information that you can find in Bill 144, and it starts in article 27 in which «the Minister may make an agreement with the agency to gather and communicate nominative information». This is a government that had lost control of privacy and lost control of confidentiality. And every time I see that there is going to be another exchange of nominative information, my back goes up, I get worried about that.

Maybe in this case the Minister has the right protections in place, maybe in this case he actually doesn't even need to do it. We found that many times it's easier just to exchange information, send it to the Commission d'accès à l'information for an opinion. Maybe he doesn't have to do it. I think we deserve to have that debate before the bill goes forward.

And who is the best expert? I don't pretend to be the best expert in terms of the protection of privacy and confidentiality. I believe in it, I work hard in this National Assembly to protect it, but there are people that are experts, and I believe that we should invite them in to allow for a full and proper debate.

Our Auditor General also plays a very important role, Mr. Speaker, in the day-to-day working of government bodies and government agencies. My understanding with article 45: there is a substantial change of the role of the Auditor General when it comes to following this agency. Before, he had a large role in terms of optimization of resources. My understanding ? and again I'd like to hear him on this, because we benefit from his expertise ? is that there is a limited role confined to just establishing whether the books are balanced or not versus the optimization of resources. It seems to me, Mr. Speaker, an important issue that we have to look at.

n(11 h 40)n

Finally, the third point that I highlighted today is, Mr. Speaker: Are we creating, in fact, another bank? Are we creating a financial institution that will not function in the same rules and parameters as our other financial institutions? It seems to me that, in the world of financial institution, we have to make sure the rules are the same. What we have to do, Mr. Speaker, is to make sure, when we're doing all of this and when we're creating a new institution, is we have to make sure that it's done fairly and equitably.

Mais, d'abord et avant tout, M. le Président, j'espère que nous allons avoir un projet de loi qui va améliorer la situation pour nos agriculteurs et nos agricultrices. Pendant les derniers six ans avec ce gouvernement, ils étaient presque complètement oubliés. Ce n'est pas un gouvernement qui a vraiment aidé ses producteurs. Souvent, dans leurs politiques, ils étaient oubliés et souvent le fait que nous sommes les plus taxés en Amérique du Nord, ça rend leur tâche beaucoup plus intéressante.

Avec ça, M. le Président, s'il y a des choses dans le projet de loi n° 144 qui aident leur vie, qui aident leur façon d'être plus compétitifs, de mettre les investissements, d'être plus compétitifs pas juste au Québec, mais sur le marché mondial... Avec la globalisation qui s'en vient, on doit encourager nos agriculteurs et agricultrices. C'est ça qu'on doit faire. C'est ça que je cherche dans le projet de loi. Et, s'il y a les bonnes choses comme ça, certainement nous allons trouver ça encourageant. Mais il me semble qu'on doit utiliser cette opportunité de s'assurer qu'ici, au Québec, nous avons une vraie politique, une vraie politique qui va donner l'espace, l'énergie et le financement pour ceux et celles qui veulent prendre la prochaine étape dans leur développement économique. Et j'espère que nous allons avoir ça d'une façon transparente, équitable et juste pour tout le monde et qui réponde à leurs vrais besoins et pas juste aux intérêts du ministre.

J'espère que le ministre va nous écouter avec notre demande pour entendre les groupes. Et il peut se lever maintenant, il peut accepter ça tout de suite. On peut commencer les consultations dans les plus brefs délais. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Nelligan. Et nous allons maintenant céder la parole au député de Lotbinière et adjoint parlementaire au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. M. le député.

M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir en cette Assemblée nationale sur le principe du projet de loi n° 144 instituant La Financière agricole du Québec.

D'entrée de jeu, vous savez que je suis le député de Lotbinière. Lotbinière, c'est un comté fort important en agriculture et dont l'agriculture prend au moins la moitié des revenus au niveau de notre produit intérieur brut. Nous sommes troisième producteur au niveau laitier comme comté, troisième producteur au niveau porcin, premier producteur au niveau de la canneberge; on produit 85 % de la canneberge au Québec. Et nous avons le plus important éleveur bovin au Québec dans le comté de Lotbinière, plus de 7 000 têtes.

Donc, vous voyez que le comté de Lotbinière, c'est un comté fortement agricole. Et les gens, nos producteurs reçoivent avec enthousiasme ce projet de loi instituant La Financière agricole du Québec. Pourquoi? Parce que certains d'entre eux, ces producteurs-là, n'ont aucune assurance, n'ont aucune sécurité du revenu. Donc, année après année, ils nous ont demandé d'instituer des programmes de sécurité du revenu pour eux.

Et je suis d'autant plus heureux que ce matin, dans La Terre de chez nous, l'édition d'aujourd'hui... Vous savez qu'à tous les jeudis, dans les terres agricoles de Lotbinière, on lit Terre de chez nous. Et, aujourd'hui, les éleveurs de porc disent oui à La Financière. Donc, je suis très heureux, comme troisième producteur porcin au Québec, que mes producteurs de porc disent oui à La Financière, donc au projet cohérent, au projet concerté du monde agricole au Québec.

Ce n'est pas seulement que le projet du ministre de l'Agriculture, ça, là, c'est un projet qui a regroupé en 1996 tous les intervenants autour de la table du monde agricole: les coopératives, les transformateurs, les producteurs. C'est bien sûr que le gouvernement du Québec était là avec son ministre des Finances, son ministre de l'Agriculture, son premier ministre qui l'animait. Donc, c'était une large concertation. Et il y a eu un consensus. Bien, les libéraux, les consensus, ils ne connaissent pas ça. Donc, nous, on en a fait un, consensus avec le monde agricole. Puis je rappelle à nos amis les libéraux c'est quoi, un consensus. C'est un accord entre les personnes, c'est un consentement. Le consensus se faisait sur les risques inhérents à l'agriculture, pourquoi instituer la sécurité du revenu plus large, parce que quelques productions l'ont, oui, c'est vrai, mais d'autres ne l'ont pas.

Exemple: nos producteurs de canneberges dans le comté de Lotbinière. Vous avez vu, les canneberges étaient à 0,97 $ la livre en 1997; en 1998, elles étaient à 0,69 $ la livre; l'an passé, à 0,25 $ la livre; et, cette année, à 0,21 $ la livre. Donc, nos producteurs n'ont aucun filet de sécurité, et leur coût de production, c'est 0,50 $ la livre. Donc, vous voyez, avec aucun filet, ils en ont besoin. Et ils nous ont envoyé un écrit au ministre, présenté à M. Rémy Trudel, ministre de l'Agriculture du Québec, par l'Association des producteurs de canneberges du Québec. Ils la veulent, La Financière agricole du Québec. Pourquoi les libéraux sont-ils contre les producteurs de canneberges du Québec, M. le Président? Pourquoi? Ils la veulent. Mais on retarde indûment le processus.

Les producteurs de porc, O.K., les producteurs de porc, troisième production la plus importante de mon comté. Aujourd'hui, dans La Terre de chez nous, qu'est-ce qu'on voit? Le président de l'UPA, M. Laurent Pellerin lui-même: «Les éleveurs de porc disent oui à La Financière. L'assemblée générale spéciale des éleveurs de porc du Québec ? pas de Lotbinière, pas de Parisville, du Québec au complet ? a voté à l'unanimité ? c'est plus qu'un consensus, ça, MM. les libéraux, c'est plus qu'un consensus, à l'unanimité ? en faveur de la réforme de la sécurité du revenu et de la création de La Financière agricole du Québec.»

Pourquoi, M. le Président, les libéraux sont-ils contre les producteurs de porc du Québec? Une question large, on attend des réponses depuis... Hier, le ministre les a interpellés là-dessus. Aucune réponse. C'est bien sûr que je vois l'intérêt soudain du député du West Island, le député de Nelligan, de la députée de Bourassa, l'intérêt soudain pour l'agriculture ce matin ? c'est extraordinaire pour nos producteurs agricoles ? la députée de Sauvé, le député de Verdun, tous des grands producteurs agricoles. Pourquoi sont-ils contre les producteurs agricoles, M. le Président, quand justement le président de l'UPA nous dit que La Financière permettrait de donner un poids majeur à l'agroalimentaire sur la place publique?

M. Pellerin a fait le parallèle avec le Fonds de solidarité de la FTQ qui jouit d'une visibilité énorme alors qu'il consent des prêts de 200 millions par an. Or, La Financière consentirait des prêts de 800 millions, de prêts, par an. Pourquoi les libéraux sont-ils contre les producteurs agricoles, M. le Président? Pour le président de l'UPA, il s'agit d'une opportunité à saisir. La proposition sur la table garantit 300 millions par an durant sept ans, pas un an, pas six mois comme les programmes libéraux, sept ans. Ça fait 2,1 milliards, ça, à terme. Les surplus d'opération demeurent à La Financière et peuvent servir au développement de l'agriculture. Ils ne retournent pas au Conseil du trésor, notre ami...

n(11 h 50)n

Par ailleurs, sans entrer dans les détails, M. Pellerin a rappelé que les dépôts à La Financière vont constituer des actifs pour les éleveurs. C'est un compte de banque personnel, pour chacun des éleveurs ou chacun des producteurs. On construit des actifs des éleveurs qui pourraient servir de garanties. Pourquoi les libéraux sont-ils contre les producteurs agricoles, M. le Président? Ces dépôts seraient par ailleurs déductibles d'impôts, en plus, une sorte de REER, et des intérêts compétitifs seraient versés aux producteurs agricoles. Pourquoi, M. le Président, les libéraux sont-ils contre les producteurs agricoles au Québec?

Parce que, vous voyez, comme je vous ai dit, les producteurs de canneberges n'ont aucun filet. Ils veulent l'avoir. Les producteurs de porc veulent l'avoir. Tous les producteurs du Québec veulent l'avoir, parce qu'il y en a certains d'entre eux qui n'ont aucun filet de sécurité. Donc, ils nous demandent d'aller rapidement. Les producteurs de canneberges, c'est cette année, leur problème est cette année, là, donc ils veulent adhérer à La Financière agricole du Québec. Présentement, peine perdue, les libéraux traînent, traînent, jasent. Le ministre a déjà accepté d'entendre 11 groupes ? 11 groupes. Le consensus s'est fait en 1996. Il s'est refait en 1998. Il s'est refait l'an passé, en l'an 2000. Donc, le consensus est là, au monde agricole. Ils veulent avoir ces outils financiers pour eux, donc avoir notre boîte à outils.

Donc, le premier palier, un compte de stabilisation du revenu agricole qui sera accessible à toutes les entreprises agricoles. Le deuxième palier, La Financière développera des programmes complémentaires, lesquels seront accessibles, à certaines conditions, à l'ensemble des producteurs et des productions. Les programmes actuels d'assurance stabilisation du revenu agricole, l'ASRA fera partie de ces programmes. Il y aura un troisième palier au cas de catastrophes et un quatrième au cas où il se passe des choses complètement hors de contrôle de tout le monde. Donc, quatre paliers de sécurité du revenu pour les producteurs agricoles du Québec.

Pourquoi les libéraux sont-ils contre ça, M. le Président? Une enveloppe de 2,1 milliards. Est-ce qu'ils vont être décisionnels? Est-ce qu'ils vont faire partie de la décision de cette Financière? Oui. Sur 11 personnes, cinq proviendront du monde agricole, cinq sur 11. Le président-directeur général sera choisi de concert avec eux. Nos gens seront nommés pour les bienfaits de l'agriculture.

Le Parti québécois, M. le Président, vous savez, n'en est pas à ses premiers bienfaits pour le monde agricole. Qui a fondé l'assurance récolte? Qui a fondé l'assurance stabilisation? Qui a fondé la Société de financement agricole? Bien, c'est le Parti québécois. Seulement l'assurance récolte, en 1968, ça a été Daniel Johnson. Tous les autres outils que le Québec s'est donnés en agriculture, c'est le Parti québécois, sous M. Jean Garon, celui dont on se plaît à dire encore le meilleur ministre de l'Agriculture. Et mon ministre dit souvent: Mais, moi, je suis le plus grand.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paré: Donc, vous voyez que les intérêts, nous, ce n'est pas des intérêts, là, à point nommé, c'est des intérêts que nous avons d'une façon prolongée envers le monde agricole, parce que le monde agricole, c'est les régions du Québec. On le sait, le Parti libéral, les régions, ils ont dit: Bon, bien, écoute... Ce n'est pas important pour eux. Là, ils ont fait un comité. Puis, naïvement, la présidente du comité, elle a dit: Bien, écoute, tout est à faire. Parce qu'il ne s'est jamais rien fait par les libéraux, tout est à faire dans ce comité-là. Parce que, présentement, ils n'ont même pas de politique de développement régional. Nous, on en a une. Et l'agriculture est fort importante pour notre politique de développement rural que nous allons bientôt mettre de l'avant. Donc, nous, on n'en parle pas. On va agir avant les fêtes. Donc, pourquoi les libéraux sont-ils contre le monde agricole? Pourquoi sont-ils contre les producteurs agricoles? Pourquoi sont-ils contre le développement régional au Québec? C'est les questions qu'on se pose, nous, de ce côté-ci de la Chambre.

Ça nous fait dire souvent, M. le Président, que tous ces outils qu'on veut donner au monde agricole, qui sont voulus par eux, qui ont été construits avec eux, le sont à leurs fins, pour leur donner une sécurité du revenu. Vous savez, il faut que ce soit compatible, ces programmes-là, avec l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. On ne peut pas faire n'importe quand, n'importe quoi et n'importe où. Donc, ce qu'on fait au Québec, il faut que ce soit compatible aux règles de l'OMC, de l'Organisation mondiale du commerce, avec les gens où on exporte nos produits, où on importe un certain nombre de produits. Donc, il faut absolument que ce soit compatible. Et tous ces programmes-là qui vont faire partie de la sécurité du revenu, qui vont faire partie de La Financière agricole du Québec le sont, compatibles avec les règles de l'OMC. C'est fort important pour nous.

Donc, c'est important de voir et que... Mes producteurs agricoles me demandent: Qu'est-ce qui se passe? Comment ça que vous ne faites pas ça avant les fêtes, puis ainsi de suite, puis que ce n'est pas fait rapidement? Nous, on voulait annoncer ça, on espérait avoir l'annonce, là, de ceci, de cette Financière-là, à notre congrès annuel qui est au début de décembre. Bien, j'ai dit: Écoutez, présentement, on travaille sur la loi, le ministre, au niveau de la loi, puis on va être en commission, article par article, on va entendre 11 groupes fort importants puis qui vont représenter tout le monde agricole. Parce que, voyez-vous, il y a eu un consensus en 1996, il y a eu un autre consensus en 1998 ? donc on n'en fera pas à tous les ans ? pour travailler, pour développer. Donc, ça a été le rapport Geoffrion qui nous a dit: Bon, bien, écoutez, voici les grands paramètres: oui, tout le monde doit avoir accès à la sécurité du revenu au niveau agricole.

Et mes gens sont extrêmement heureux. Je suis sûr que les gens, les producteurs agricoles du député de Montmagny-L'Islet sont extrêmement heureux aussi de pouvoir compter sur ces aides-là, sur une sécurité du revenu, sur une sorte de REER, de fonds de pension pour nos producteurs agricoles. Parce que, vous savez, ces gens-là travaillent à bras, O.K.? à jus de bras, comme on dit en bon québécois, travaillent très ardemment pour leur production agricole, d'une façon dure puis efficace. Ils ne regardent pas le temps, 12 heures par jour, voyez-vous. Puis, durant les récoltes, bien vous savez que même là les tracteurs se promènent la nuit, maintenant, dans nos champs, partout au Québec. Donc, c'est extrêmement important, M. le Président, que nous donnions ces outils-là, cette sécurité de revenu à nos producteurs et nos productrices agricoles au Québec.

Je ne voudrais pas passer sous silence aussi la grande disponibilité...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...

M. Paré: ... ? merci, M. le Président ? de notre ministre qui a parcouru, depuis deux ans, durant l'été, pas en hélicoptère, pas en limousine, à bicyclette, le comté de Lotbinière, le comté de Bellechasse, le comté de Frontenac, le comté de Deux-Montagnes, a parcouru ces comtés-là, le monde agricole au Québec, a rencontré nos gens pour voir quels étaient leurs problèmes, quelles solutions on pouvait trouver ensemble. On leur parlait de la sécurité du revenu, on leur parlait de revenus. Notre ministre a eu une oreille très, très attentive aux propos de nos gens, de nos commettants, de nos producteurs et productrices agricoles.

Maintenant, il est temps d'agir. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, on aime l'action. On va agir. On les a écoutés. Maintenant, on a mis ça sur papier. On leur propose un certain nombre de choses: une enveloppe de 2,1 milliards de dollars sur sept ans, garantie. Et il va s'ajouter à ces argents-là présentement, avec différents autres programmes, des autres argents qui pourraient monter jusqu'à 2,8 milliards de dollars pour les sept prochaines années. C'est 400 millions de dollars par année, ça. Donc, c'est fort important pour notre monde agricole. C'est fort important pour nos producteurs de canneberges, fort important pour nos producteurs de porc, fort important pour nos producteurs de canola, de grandes cultures qui ne sont pas protégées présentement, et très important pour nos acériculteurs. Vous savez, dans le comté de Lotbinière, il y a beaucoup de producteurs acéricoles, des producteurs de sirop d'érable, M. le Président. Il y en a un, entre autres, qui a 100 000 entailles. Sur le domaine public, il y a 233 000 entailles qui sont réparties à une vingtaine de producteurs. Donc, c'est fort important, le sirop d'érable. Pourquoi les libéraux sont-ils contre les producteurs de sirop d'érable du comté de Lotbinière? Pourquoi sont-ils contre les producteurs laitiers? Pourquoi sont-ils contre les producteurs de porc?

Donc, on ne peut pas comprendre, de ce côté-ci de la Chambre, pourquoi ces gens-là sont contre les producteurs agricoles du Québec, c'est complètement incompréhensible pour nous. Surtout un député, M. le Président... L'importance de l'agriculture dans mon milieu... C'est incompréhensible. J'essaie de comprendre. On a posé la question. Quelques fois, le ministre, hier, a posé la question. Mon collègue Morin de Nicolet-Yamaska a posé la question ce matin. On n'a pas eu de réponse. Pourquoi sont-ils contre les producteurs agricoles au Québec? Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Lotbinière et adjoint parlementaire au ministre de l'Agriculture. Considérant l'heure, je suspends donc nos travaux à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés.

Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien, veuillez vous asseoir.

Présence de M. Michel Auger,
journaliste au Journal de Montréal, récipiendaire
de la Médaille de l'Assemblée nationale

Alors, avant de débuter la séance, chers collègues, j'ai le très grand plaisir de souligner la présence dans nos tribunes du journaliste Michel Auger, à qui j'ai eu l'honneur, en votre nom, de remettre ce matin la Médaille de l'Assemblée nationale.

Alors, je crois qu'à ce propos je vais donner la parole au premier ministre. M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, lorsqu'on m'a informé, en Conseil des ministres, de l'attentat dont avait été victime M. Michel Auger, j'ai été non seulement bouleversé, mais aussi profondément choqué. C'est avec soulagement que j'ai appris par la suite que son état de santé n'inspirait plus de crainte.

Le Québec n'a jamais été une société où règne la violence. Nous avons la chance de vivre dans un endroit où les libertés, et en particulier la liberté d'expression, sont des valeurs reconnues. Nous préférons régler nos problèmes en débattant civilement et en acceptant les différences. Nous refusons de considérer la menace ou l'intimidation comme outil de changement.

Au fil des années, plusieurs ont peut-être pensé que la violence d'opinion à l'égard de citoyens ou de journalistes, observée malheureusement dans d'autres pays, ne pouvait atteindre le Québec. Le mercredi 13 septembre dernier, l'actualité nous a brutalement rappelé que nous n'étions à l'abri de rien. Je suis personnellement très sensible à la présence de Michel Auger parmi nous aujourd'hui. Mes premiers mots seront pour l'homme. Il est rassurant et réconfortant de le voir revenir à la vie normale, de constater qu'il a repris la forme, qu'il a conjuré le mauvais sort. J'ai aussi une pensée pour les membres de sa famille et ses intimes. J'imagine l'angoisse qu'ils ont vécue dans les heures suivant ces événements, où le temps s'égrène trop lentement. À voir M. Auger aujourd'hui, ses proches peuvent sans doute envisager sereinement les années qui viennent.

Bien sûr, on ne peut parler de Michel Auger sans parler de sa passion, son travail de reporter. La qualité première qui a toujours guidé ses actions est le courage. Il lui en a fallu une bonne dose, depuis une trentaine d'années, pour faire son travail. Vous-même, M. le Président, pouvez témoigner des difficultés inhérentes au travail et aux révélations d'un journaliste d'enquête. Michel Auger, lui non plus, n'a jamais fait le choix du silence; sa plume est au service de l'information. Plusieurs ont aussi souligné, avec raison, l'intégrité de Michel Auger. Malgré la sensibilité des dossiers dont il assure la couverture, la nécessité d'obtenir des informations de sources diverses et l'implacable loi du silence, il a conservé une rigueur sans faille. C'est ce sentiment d'admiration qui nous unit aujourd'hui. Même si l'humilité de ce journaliste est bien connue, il symbolise maintenant la lutte incessante que nous devons mener contre le crime organisé, et c'est avec force que je réitère que nul ne nous fera taire, nul ne nous intimidera, nul ne nous empêchera de lutter sans relâche contre ces criminels pour qui la vie d'un homme ou d'une femme n'a aucune valeur.

Il faut réaffirmer haut et fort que les droits fondamentaux des citoyens du Québec ne peuvent être limités ou bafoués par des attaques de cette nature. Si nous devions accepter cette alternative, nous aurions perdu le combat de la liberté. C'est pour cela que, au-delà de la personne à qui un hommage bien mérité est rendu aujourd'hui, je veux rappeler l'importance des droits et libertés acquis au fil des siècles et dont la préservation demande une attention croissante. Des dizaines de collègues de M. Auger et des milliers de gens au Québec ont manifesté dernièrement leur attachement à ces valeurs qui motivent aussi notre engagement politique.

n(14 h 10)n

Je vous souhaite donc la bienvenue, M. Auger, en cette enceinte. Nous sommes heureux de vous voir parmi nous. Votre courage et votre refus du silence nous inspirent et nous incitent à réitérer notre détermination à bâtir une société tolérante et exempte de violence. Merci.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Je veux me joindre à tous les collègues de l'Assemblée nationale aujourd'hui pour dire à quel point la tentative d'assassinat sur la vie de Michel Auger fut pour nous une onde de choc, un frisson d'horreur, alors que nous apprenions qu'une personne, un journaliste réputé, qui faisait son travail et qui le faisait bien, le faisait honorablement, en payait le prix en étant la victime d'une tentative d'assassinat. Pourtant, il ne faisait que dire les choses comme elles étaient, et c'est suite à une série d'articles sur le crime organisé que cette tentative a eu lieu.

Il n'est pas exagéré de dire que le Québec tout entier a été révolté par ce geste et que cela nous a beaucoup inquiétés, que c'est inadmissible, que c'est intolérable et que, s'il y a un fléau que notre société ne doit plus tolérer, c'est bien le crime organisé. Les groupes criminels organisés maintiennent un climat de terreur, d'intimidation et de violence. On estime que, depuis six ans seulement, les activités des bandes de motards ont fait 150 morts au Québec, incluant bien sûr de très innocentes victimes. Pourtant, ces gens-là ne semblent pas avoir aucun remords, ne semblent pas retenir aucune leçon, et aucune autorité, dans les dernières années, ne semble avoir ralenti leur activité. La preuve, c'est que, il y a deux semaines, Francis Laforest, un propriétaire de bar de Terrebonne, a été assassiné parce qu'il s'est tenu debout et parce qu'il a mis les motards à la porte de son bar, a-t-on dit.

M. le Président, il faut le rappeler, l'opposition officielle condamne sans hésitation ces gestes, ces intimidations, ces assassinats. Je veux profiter de l'occasion qui nous est offerte pour saluer tous ceux qui ont à se battre contre ces criminels. Ils méritent notre respect et ils ont droit à ce que la volonté politique accompagne chacune de leurs actions. Je veux en particulier saluer les policiers, qui doivent veiller au bien-être commun. Et je dis à tous nos concitoyens qu'ils ne sont pas seuls, que les députés de l'Assemblée nationale aujourd'hui se lèvent d'une seule voix pour exprimer leur révolte, mais pour dire aussi notre volonté d'agir.

Vous le savez, M. le Président, l'opposition officielle est en faveur d'une loi qui renforcerait les actions contre les gangs criminels. Nous croyons qu'une des façons de vaincre le crime organisé passe par une action concertée des différents corps policiers et une action concertée entre les gouvernements. La lutte au crime organisé, nous la vivons chez nous, mais elle a également des ramifications mondiales.

Les solutions passent non seulement par une plus grande concertation, mais cela passe également par des solutions plus énergiques. On dit souvent que, pour faire mal aux groupes organisés, il faut leur couper les vivres. Tout cela passe par un resserrement des efforts et de la collaboration non seulement ? je le disais il y a une seconde ? par les forces policières au Québec, au Canada, mais également partout dans le monde.

Pourtant, même si cela tombe sous le sens, il semble que la collaboration ne soit pas toujours facile. Parmi les outils que nous devons développer, je parlais d'une loi antigang, mais reconnaissons également que c'est un outil et que ce n'est pas le seul outil, et que les changements à nos lois dépendent directement de notre volonté de les mettre en vigueur et de le faire avec énergie, M. le Président.

À cet effet-là, l'opposition a longtemps plaidé pour un service autonome et indépendant de renseignements criminels ? un autre outil très important ? mais également la mise en place d'un bureau de protection des témoins, une autre mesure très importante si on veut faire en sorte que les citoyens visés et qui sont prêts, eux, à risquer leur propre vie, leur santé, risquer leur famille, puissent, en retour, être protégés par la société québécoise.

Nous souhaiterions voir, à l'école de police de Nicolet, un programme de formation sur le crime organisé, M. le Président. Et le gouvernement du Québec, nous le souhaitons, va travailler de concert avec les municipalités qui souhaitent adopter des règlements pour interdire sur leur territoire les habitations fortifiées qui constituent les repaires des gangs de motards criminalisés.

On pourrait, M. le Président, également suggérer une modification au Code criminel pour renverser le fardeau de la preuve lorsqu'il s'agit des produits de la criminalité et aller directement aux sources.

M. le Président, c'est aujourd'hui une occasion pour nous d'exprimer une volonté claire de l'Assemblée nationale, une volonté très claire de contrer le crime organisé. Mais c'est surtout l'occasion aujourd'hui pour nous de dire à Michel Auger notre admiration et d'accueillir aujourd'hui, dans une enceinte qui est une des plus vieilles démocraties au monde, un des plus vieux Parlements au monde, un héros, un héros qui a eu le courage de dire les choses, de les écrire, de les dénoncer et qui a mis sa vie en péril, et ? que Dieu le bénisse ? qui est encore avec nous aujourd'hui et qui pourra continuer à écrire pour que nous puissions encore une fois nous inspirer de ses informations et de ses textes pour contrer le crime organisé.

Si nous devons une chose aujourd'hui à Michel Auger, M. le Président, c'est de suivre son exemple, suivre l'exemple d'un homme qui a combattu le crime organisé, un exemple qui aujourd'hui doit être marqué dans la mémoire de l'Assemblée nationale pour qu'à l'avenir nous puissions poser les bons gestes dans l'intérêt de l'ensemble de la société québécoise.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, maintenant, je cède la parole au député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, Michel Auger est un colosse de l'information au Québec, dans un secteur de l'information qui est reconnu pour n'être pas le plus facile. La qualité de l'information, la liberté, la pleine liberté d'expression sont à peu près les plus grands gages de la liberté, de la qualité de vie, de la véritable démocratie dans un peuple. Et le monde le sait, la population le sait, combien la liberté d'expression, combien la qualité de l'information sont importantes, et ce n'est pas un hasard si la population, si le monde s'est manifesté d'une façon aussi énergique, d'une façon aussi sentie lorsque les événements qu'on connaît, de mi-septembre dernier, sont arrivés à Michel Auger, à un journaliste dont il respectait le travail.

Partout dans notre société, on met au service de la liberté d'expression des moyens extraordinaires, en commençant par cette enceinte où on donne aux députés l'immunité parlementaire pour faciliter... qui est une mesure extraordinaire, dans le fond, qu'on donne pour faciliter la liberté d'expression, parce qu'on a compris, la société a reconnu la valeur de ça pour faire sortir la vérité, pour le rehaussement des normes démocratiques, pour l'intérêt collectif. Alors, il faut aussi que des mesures extraordinaires soient prises à chaque fois que toute forme de liberté d'expression est menacée, qu'elle soit menacée par la peur, qu'elle soit menacée par la violence, qu'elle soit menacée de toutes façons.

Je suis éminemment heureux que l'Assemblée nationale elle-même ait pu décorer, reconnaître le travail de Michel Auger aujourd'hui. Je suis certain que cette décoration rejaillit d'abord sur une brillante carrière qui est la sienne, qu'elle rejaillit sur une famille et des proches qui ont été éprouvés par les événements des dernières semaines, qu'elle rejaillit à la fois sur ses collègues du Journal de Montréal et à la fois qu'elle rejaillit sur tous les membres de la profession journalistique, qui ont à exercer un travail qui, dans plusieurs circonstances, peut être difficile, comme on l'a vu. Alors, je suis très heureux que ça puisse être souligné et rejaillir sur tous ceux qui sont éminemment concernés.

Le Président

Le Président: Alors, je pourrais simplement ajouter qu'à mon point de vue l'Assemblée nationale avait, à la suite de l'attentat contre Michel Auger, un devoir de solidarité et de leadership, et je crois que nous venons d'exercer ces devoirs de leadership et de solidarité. Et, à cet égard, j'espère que nos concitoyens comprendront le message que leurs élus veulent leur envoyer aujourd'hui.

Affaires courantes

Alors, nous allons maintenant débuter nos affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.

Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

Rapport annuel de la Régie régionale de la santé
et des services sociaux de la Mauricie et du
Centre-du-Québec et rapports sur la procédure
d'examen des plaintes des régies régionales du
Saguenay
?Lac-Saint-Jean et de la Montérégie

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je dépose les rapports annuels 1999-2000 suivants, soit ceux des régies régionales de la santé et des services sociaux sur l'examen des plaintes, pour le Saguenay?Lac-Saint-Jean et la Montérégie, de même que le rapport annuel 1999-2000 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec.

n(14 h 20)n

Le Président: Bien. Alors, ces documents sont déposés.

M. le leader du gouvernement.

Renvoi du rapport annuel à la commission
des affaires sociales pour examen

M. Brassard: Alors, je voudrais solliciter le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 392 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le rapport annuel 1999-2000 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Mauricie et du Centre-du-Québec soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude et que la ministre de la Santé et des Services sociaux soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Bien. Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Elle est adoptée.

Alors, puisqu'il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions, ni de pétitions, ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, nous aborderions la période de questions, mais je crois que M. le député de Westmount?Saint-Louis a une intervention.

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Ce midi, j'ai eu à présider un caucus encore troublé par les événements de la période de questions d'hier, et les membres du caucus m'ont demandé de vous signifier ce qu'ils considèrent comme étant une requête importante pour eux. En bref, ils m'ont demandé que vous invitiez le leader du gouvernement, le leader de l'opposition à une rencontre dans les plus brefs délais pour discuter du chapitre premier des dispositions générales de nos règles de procédure, et particulièrement des articles 1, 2, 3 de ce premier chapitre de nos règles de procédure, c'est-à-dire le rôle, les fonctions et la neutralité de la présidence. Nous avons été secoués hier sur la façon dont les choses se sont passées et nous souhaiterions, M. le Président, que vous puissiez, encore une fois, rencontrer le leader du gouvernement, le leader de l'opposition et vous puissiez discuter de ces questions d'une façon à ce que nos caucus respectifs, entre autres le nôtre, puissent être rassurés quant à l'avenir. Merci.

Le Président: Bien. Alors, avant de répondre, je pense que le leader du gouvernement veut réagir. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Simplement pour vous dire, M. le Président, que je répondrai toujours à votre invitation, moi et le leader de l'opposition, pour toute rencontre portant sur quelque disposition du règlement que ce soit et sur son application. Mais est-ce que je dois comprendre des propos du président du caucus du Parti libéral qu'il remet en cause la confiance que nous devons tous unanimement manifester à l'égard de la présidence?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je suis également disponible pour une rencontre au moment que vous jugerez opportun. À la question du leader du gouvernement, je pense que les discussions que nous aurons à l'occasion de cette rencontre nous permettront d'évoluer vers un meilleur Parlement.

Le Président: Bien, écoutez, puisque nous devions déjà nous rencontrer, d'ailleurs à votre demande, M. le leader de l'opposition, sur des questions de réforme parlementaire, notamment à l'égard de la pétition, moi, je réponds favorablement immédiatement, positivement à votre requête. Et je souhaiterais, tant qu'à faire, que finalement nous invitions à cette rencontre, si les deux leaders l'acceptent, les présidents des deux caucus. Ça leur permettrait, aux uns et aux autres, de participer à l'échange et de pouvoir transmettre à leurs membres respectifs, finalement, la teneur des propos qui seront tenus. Non pas que je n'aie pas confiance aux leaders pour qu'ils fassent ce travail de transmission, mais, puisque la question est intervenue à la suite d'une demande du président du caucus du groupe parlementaire de l'opposition officielle, je pense que ce serait normal que les présidents du caucus soient associés. Alors, M. le leader.

M. Brassard: Oui, je suis tout à fait d'accord pour que le président de notre caucus participe à nos échanges. Mais j'espère que cette invitation ne constitue pas une marque de non-confiance à l'égard des leaders.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Vous savez comment non seulement j'apprécie le travail des leaders... Vous savez, M. le leader, non seulement nous nous connaissons depuis fort longtemps, mais c'est vrai que j'apprécie généralement le travail des leaders, quand ils n'ont pas à intervenir, n'en déplaise à un de nos amis de la tribune parlementaire! 

Mais, ceci étant, je crois que, dans les circonstances, ce n'est ni une marque de non-confiance, mais en même temps je crois que, si nous élargissons le forum de discussion, l'Assemblée ne s'en portera que mieux. Et nous ferons ça dans les meilleurs délais, bien entendu.

Nous allons maintenant aborder la période de questions.

M. député de Westmount?Saint-Louis.

M. Chagnon: Tout simplement vous remercier de l'ouverture que vous manifestez.

Le Président: Et je vous rends cette politesse, et je salue en vous, M. le député de Westmount?Saint-Louis, quelqu'un qui, à l'égard de la présidence, a toujours été d'une courtoisie exemplaire.

Questions et réponses orales

Ceci étant, nous allons aborder la période de questions et de réponses orales.

Je suis prêt à reconnaître un premier intervenant. M. le chef de l'opposition officielle.

Intervention gouvernementale concernant
le conflit de travail au port de Montréal

M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Ce matin, le premier ministre a communiqué avec moi, m'informant de son intention de présenter aujourd'hui un projet de loi spécial concernant la crise au port de Montréal.

D'emblée, je tiens à dire au premier ministre que des communications ont été établies entre le gouvernement et l'opposition officielle, que le projet de loi, semble-t-il, est en rédaction ou c'est presque fini et que, sous réserve d'exercer notre devoir de parlementaires, bien sûr, et de vérifier les dispositions du projet de loi, l'opposition officielle a l'intention de collaborer avec le gouvernement pour que nous puissions justement régler ce problème au port de Montréal.

M. le Président, la question que je veux poser au premier ministre est la suivante. On a soulevé cette affaire-là, nous, dès mardi. Et, dès mardi, le premier ministre a répondu d'une façon très claire en annonçant l'intention du gouvernement de se saisir de cette affaire et d'agir. En fin de journée, son ministre des Transports réagissait en prenant fait et cause pour la CSN et Marc Laviolette et en plaçant le blâme du côté du gouvernement fédéral.

Or, aujourd'hui, l'Assemblée nationale du Québec est saisie d'un projet de loi qui, de toute évidence, confirme que les enjeux sont sur le territoire québécois et donc dans des domaines de juridiction de l'Assemblée nationale du Québec.

Ma question est la suivante: Pourquoi avoir cherché à blâmer les autres? Pourquoi avoir attendu 48 heures, alors que le gouvernement savait très bien qu'il y avait des conséquences pour les travailleurs du Québec, et pour l'économie québécoise, et pour la réputation du port de Montréal, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien, M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je pense que la célérité du gouvernement a été exemplaire dans ce dossier, de même que la coopération que nous avons établie avec le gouvernement fédéral. Cette coopération est nécessaire en l'espèce, parce que la compétence qui est mise en cause par les événements que nous vivons, elle est conjointe.

Il y a une partie de la compétence qui appartient au gouvernement fédéral, notamment dans le processus d'accréditation. Il y en a une autre qui appartient au gouvernement du Québec. Et nous avons, justement au cours des récentes heures, communiqué avec des vis-à-vis à différents niveaux du gouvernement fédéral, ministériels et hauts fonctionnaires, etc., pour nous assurer que le gouvernement fédéral allait déclencher rapidement la convocation d'un conseil spécial qui siégerait à Montréal ou à Ottawa pour se saisir rapidement de la question. Nous avons convenu avec le gouvernement fédéral, en plus, que chaque parti gouvernemental désignerait un mandataire spécial pour faire rapport sur la question.

Nous avons également ? c'est le ministre des Transports qui s'est occupé de cette affaire, comme du reste ? rencontré les dirigeants de la CSN et les employeurs. De nombreuses rencontres pour finalement pouvoir aujourd'hui arriver à la conclusion que, malgré que le gouvernement fédéral ait accepté de faire siéger son Conseil rapidement aujourd'hui, malgré que les deux gouvernements se soient entendus pour nommer des mandataires, ce matin les dirigeants de la CSN ont refusé de faire cesser les gestes qui ont cours présentement, mettant ainsi le gouvernement et l'Assemblée nationale en face de l'obligation d'adopter ce projet de loi, ce qui m'a induit, ce matin, à communiquer directement avec le chef de l'opposition, qui, de façon très responsable et fort gracieusement, a accepté de coopérer à l'adoption d'une loi dans le sens que nous souhaitons. Nous avons également en même temps cherché à rejoindre ? nous l'avons fait il y a peu de temps ? le chef de l'ADQ pour que nous puissions convenir d'un arrangement identique.

n(14 h 30)n

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le premier ministre sait que nous sommes malheureusement dans une situation où les travailleurs et les gens qui travaillent autour du port de Montréal sont victimes d'intimidation dans un contexte de conflit de travail. Et on l'a déploré aujourd'hui dans une affaire tout autre, mais il reste toujours que ces gens-là sont victimes de gestes d'intimidation de la part d'un syndicat et de son leader et que cela reste inacceptable. Et, pour cette raison-là, la loi spéciale est tout à fait justifiée. Mais, si la loi, elle est justifiée, il faudrait que le premier ministre nous assure que les moyens d'appliquer la loi y seront, que le gouvernement va prendre les mesures dans les heures qui suivent pour que le gouvernement, que l'État québécois puisse intervenir avec force, avec détermination afin de faire respecter cette loi, M. le Président.

Est-ce que le premier ministre peut nous rassurer sur ce sujet-là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: En effet, ces mesures d'intimidation, auxquelles beaucoup de gens ont pu assister, sont totalement odieuses et intolérables, et les pouvoirs publics prennent les moyens pour qu'il y soit mis fin et, en particulier, que cette loi spéciale, une fois adoptée, puisse être appliquée avec rigueur. Des opérations de police conjointes sont déclenchées. Du côté de la GRC, elle va, me dit-on, intensifier ses activités à l'intérieur même du port de Montréal, qui est de juridiction, de compétence fédérale, mais, du côté du gouvernement du Québec, nous faisons en sorte également que la Sûreté du Québec et les corps policiers concernés soient mobilisés pour faire en sorte que les gens qui vont devoir respecter la loi, qui vont devoir reprendre le travail soient protégés contre toute espèce d'intimidation.

Le Président: En question principale, maintenant, M. le député de Châteauguay.

Rapport sur la disponibilité actuelle
et future de personnel infirmier

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. La ministre de la Santé et son gouvernement ont incité plus de 3 000 infirmières à quitter, pendant qu'en même temps ils réduisaient l'accès à la formation aux soins infirmiers. Autrement dit, pendant que le gouvernement tenait la porte de sortie grande ouverte, il barrait la porte d'entrée. Résultat, le Québec est en pénurie d'infirmières, avec des effets tragiques pour le système de santé, des effets que la ministre nie.

Hier, elle a déclaré que les urgences s'en étaient bien sorties, à l'été 2000. Pourtant, hier, le Dr Vadboncoeur, de l'Association des médecins d'urgence, déclarait que ça avait été pire qu'en 1998, pire qu'en 1999 en raison de la pénurie d'infirmières. La ministre, M. le Président, nie la réalité parce qu'elle veut nier sa double responsabilité. La réalité, c'est que les acteurs sur le terrain contredisent la ministre, et, pour l'avenir, la réalité, c'est qu'un rapport ministériel dont on nous refuse l'accès mais dont certains passages ont coulé établit, tenez-vous bien, que la pénurie actuelle va s'aggraver pour atteindre un manque de 20 000 infirmières dans 15 ans.

Ma question, M. le Président: Est-ce que la ministre, devant les écarts qu'elle prend avec la réalité, devant la confiance de plus en plus ébranlée des citoyens à son égard, va comprendre l'importance de rendre public ce rapport ou va-t-elle garder pour elle ce rapport, le temps de le réécrire pour dissimuler ses responsabilités et surtout dénaturer un constat auquel tous les Québécois doivent faire face aujourd'hui et demain, jusqu'en 2015?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Ce n'est sans doute pas inutile de rappeler qu'en 1995 l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec avait commandé une étude au groupe SECOR sur les effectifs infirmiers. La conclusion du groupe était claire: si on maintenait le statu quo, il y aurait, en l'an 2000, un surplus de 15 300 infirmières, ce qui a amené des décisions, à ce moment-là, qui étaient appuyées sur des analyses sérieuses.

Quant à la question plus précise du député de Châteauguay, d'abord, je veux en profiter pour souligner le travail extraordinaire du Dr Vadboncoeur, qui est président de l'Association des médecins d'urgence du Québec, avec lequel je travaille depuis plus d'un an maintenant et qui, grâce justement aux analyses que celui-ci nous a fournies, nous a permis de progresser dans l'amélioration de la situation dans les urgences du Québec, M. le Président.

C'est vrai que la situation a été très difficile sur Montréal en particulier, et ce n'est pas négligeable, la moitié de la population vit là. Cependant, la situation a été plus acceptable, plus correcte sur l'ensemble du territoire québécois, y compris dans les grandes villes comme la capitale nationale. Nous avons entrepris plusieurs travaux ? pas seulement un ou deux travaux ? pour corriger la situation, pour rehausser évidemment le nombre d'entrées en sciences et en techniques infirmières. Nous avons des hausses exceptionnelles et remarquables. En 1999, nous avons admis 3 842 étudiantes en techniques infirmières; à l'automne 2000, nous sommes à 4 022 inscriptions, ce qui présage que nous pourrons solutionner ce problème en moyenne période, M. le Président.

Cependant, il faut être capable de passer à travers les moments difficiles, et c'est pour cela que nous avons aidé à former des auxiliaires infirmières, que nous avons demandé que l'ensemble du personnel auxiliaire soit davantage utilisé, que nous avons convenu d'une nouvelle entente avec l'Ordre des infirmières pour permettre à des étudiantes d'être disponibles, M. le Président.

Le Président: M. le député de Châteauguay.

Dépôt d'un rapport sur l'estimation de l'effectif
infirmier à recruter entre 1999 et 2015

M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: En principale, M. le Président, d'abord pour noter que j'ai demandé qu'elle rende public un rapport. Elle me parle d'un vieux rapport désuet qui ne tenait pas compte des mises à la retraite massives, des bonus qu'on a donnés pour que les gens quittent. Je lui parle d'un rapport qui existe; il s'appelle Projection des départs chez les infirmières ? Estimation du nombre à recruter, 1999-2015. Elle veut parler de rapports? Qu'elle dépose celui-là.

M. le Président, est-ce que la ministre comprend qu'elle a un devoir de reddition de comptes, un devoir de transparence? Et pas juste dans le dossier des urgences d'hiver et d'été, elle le doit aussi aux patients du Québec en attente d'opérations, notamment à ceux du Dr Serge Gagnon, de L'Hôtel-Dieu de Québec, qui déclarait, le 20 septembre, dans Le Journal du médecin, et je vais citer: «Étant donné qu'il manque d'infirmières dans notre centre hospitalier parce que beaucoup d'entre elles sont parties lorsqu'on leur a offert de prendre leur retraite, on ne peut pas opérer certains cas qui nécessitent une hospitalisation postopératoire. On dirait ? c'est lui qui parle ? que cette mauvaise planification a été voulue. À L'Hôtel-Dieu de Québec, environ la moitié des chirurgies exigeant une opération postopératoire ont dû être annulées, et ce, même pour des patients atteints du cancer.»

Pourquoi la ministre refuse-t-elle d'ouvrir ses livres? Quand on pense aux patients, à leurs familles, qui vivent cette situation intenable d'annulations à répétition, comment ne pas dénoncer le refus de transparence de la ministre? Pourquoi ne dépose-t-elle pas ce rapport qui nous permettrait de régler des problèmes au Québec?

n(14 h 40)n

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je suis quand même heureuse de constater que le député de Châteauguay admet le fait que nous travaillons avec un rapport, avec surtout des gens pour nous aider, que nous allons régler ce problème, et, effectivement, nous allons le régler, M. le Président.

Cela étant, je n'ai pas refusé de déposer le rapport, il n'est pas terminé. Nous devons valider un certain nombre des informations qui s'y trouvent avec tous nos partenaires. Peut-être que le député ne sait pas la façon dont je travaille; je peux peut-être lui expliquer. Il devrait le savoir, je travaille avec mes partenaires...

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je travaille avec tous mes partenaires, donc autant l'Ordre, autant la Fédération des infirmières, autant les institutions d'enseignement, autant les associations de médecins d'urgence, et, dès que ce rapport sera terminé, sera validé, il sera déposé ici, à l'Assemblée nationale, sans aucune espèce de réserve, M. le Président, et on pourra y constater que, si nous n'agissons pas, oui, il y a un risque sérieux de pénurie d'infirmières dans cinq, 10, 15 ans. Cependant, c'est justement ce que nous ne faisons pas, nous agissons, au contraire, d'une part pour être capables d'assumer les difficultés auxquelles on est confrontés maintenant, puisqu'il y a une pénurie, et c'est pour ça que nous avons une série de mesures, qu'il s'agisse des étudiantes infirmières, qu'il s'agisse du personnel auxiliaire, qu'il s'agisse du temps supplémentaire ? j'en ai une série ici ? mais nous travaillons aussi sur de la moyenne et de la longue période.

Et, quant à ce qui a trait aux listes d'attente, M. le Président, le député devrait savoir aussi que nous avons mis une priorité sur les listes d'attente des personnes atteintes de cancer et qui ont des problèmes au plan cardiovasculaire parce que nous savons qu'il s'agit de la vie des gens qui est en cause et...

Le Président: En question principale, M. le député de Chapleau.

Démissions massives au Centre hospitalier
des Vallées de l'Outaouais

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Le journal LeDroit nous apprenait ce matin que, une semaine après la démission du directeur des services professionnels du Centre hospitalier des Vallées de l'Outaouais et deux jours après celle de son directeur général, c'est maintenant au tour de 16 des 17 membres du conseil d'administration du CHVO de claquer la porte. Parmi les personnes qui ont démissionné se trouve même le président du conseil d'administration du CHVO. La situation est telle que le CHVO, qui est issu de la fusion des hôpitaux de Hull et de Gatineau, doit maintenant être mis sous la tutelle de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de l'Outaouais.

En conséquence, j'aimerais savoir ce que le gouvernement entend faire, face à une situation aussi critique, et comment il entend régler ce problème majeur dans les plus brefs délais.

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Le député de Hull sait très bien que nous travaillons depuis un long moment avec le CHVO, avec l'hôpital des Vallées de l'Outaouais, compte tenu qu'il est confronté à un certain nombre de problèmes soit en termes de ressources humaines soit en termes budgétaires. En fait, nous avions nommé M. Claude Desjardins comme personne-ressource extérieure à l'institution pour conseiller le conseil d'administration. Nous l'avions nommé d'ailleurs de concert avec le conseil d'administration. M. Desjardins a remis un rapport au conseil d'administration il y a de cela un mois, lui recommandant un certain nombre de changements dans l'institution, et c'est dans ce contexte d'ailleurs que tant le directeur général que le directeur des services administratifs ont remis leur démission il y a quelques jours. Cependant, le conseil d'administration a décidé, suite à la prise de connaissance, j'imagine, et à l'analyse de ce rapport, les membres du conseil ont décidé de remettre leur démission.

Je n'ai pas hésité, cela va de soi, M. le Président, à ce moment-là, pour nommer immédiatement un tuteur. Il s'agit de M. Claude Desjardins, qui est, je crois, avantageusement connu pour avoir pris en charge des situations difficiles dans beaucoup d'autres institutions. Dès ce soir, en plus de sa nomination, je puis rassurer le député et surtout les gens de l'institution que des représentants de mon ministère de même que de la Régie régionale auront une rencontre avec M. Desjardins pour bien cerner le mandat de ce dernier et les gestes à poser pour la suite des choses.

Le Président: M. le député.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, en complémentaire, est-ce que je pourrais préciser à la ministre que je suis le député de Chapleau et non pas le député de Hull, que Chapleau est le deuxième comté le plus populeux du Québec, et est situé en Outaouais, Mme la ministre, et couvre la ville de Gatineau, avec une population de 110 000 personnes, une ville qui est sans doute aussi belle que la ville de Hull, une ville dont je suis fier?

Cette précision-là étant apportée, j'aimerais dire ceci à Mme la ministre...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Chapleau, je crois qu'il était normal que la précision géographique soit donnée, mais je vous indique que vous êtes en question complémentaire.

M. Pelletier (Chapleau): Je comprends, M. le Président, mais j'aimerais savoir: Est-ce que la ministre réalise que c'est justement suite au rapport Desjardins, dont ont pris connaissance hier les membres du conseil d'administration du CHVO, qu'ils ont remis leur démission? Est-ce que la ministre réalise par ailleurs que le vrai problème, dans le fond, c'est que la fusion des hôpitaux de Hull et de Gatineau, c'est une fusion qui a été bâclée, c'est une fusion qui a été ordonnée de Québec sans même consulter les principaux intervenants dans le domaine médical, sans même demander aux instances locales quels étaient leurs besoins, sans même donner aux personnes en place les outils nécessaires pour assurer une saine gestion et, encore une fois, sans même consulter les citoyens concernés?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, le député de Chapleau acceptera bien sûr mes excuses, et c'est inexcusable dans mon cas, puisque je connais particulièrement bien la région de l'Outaouais. Et, comme CHVO sert et le comté de Chapleau, et le comté de Hull, et l'ensemble des comtés, dont le Pontiac, entre autres, l'ensemble des comtés de l'Outaouais, il comprendra que j'aie pu faire cette erreur, mais je m'en excuse à son endroit. C'était très clair dans ma tête, et je savais qu'il est bien le député de Chapleau.

En ce qui a trait à la fusion, c'est vrai qu'elle a été difficile, comme d'autres fusions l'ont été, parce que ce sont deux institutions majeures ? l'une à Gatineau, l'autre à Hull ? avec leurs traditions, avec leur culture, avec leurs façons de faire, et ça ne s'est pas fait très facilement, si on veut. Donc, c'est un peu normal. Cependant, je crois que le député lui-même a reconnu que ce n'était pas nécessairement une bonne idée de défusionner ces institutions parce qu'il y avait des gains significatifs et intéressants quant à l'accessibilité aux services, à la concentration de certains services. Je pense que c'est normal qu'il en soit ainsi dans des institutions aussi importantes et dont les mandats sont aussi importants au plan régional.

M. Desjardins est quelqu'un qui est particulièrement reconnu dans le réseau pour être capable de gérer des situations difficiles comme celle-là. Je lui fais confiance et je suis persuadée qu'il trouvera les solutions les plus adéquates pour s'assurer que l'institution continue de répondre aux besoins de la population.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bonaventure et, après, M. le député de Rivière-du-Loup.

Politique de soutien au développement
local et régional

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Avant même d'avoir vu le jour, la politique de la ruralité est déjà morte au feuilleton. C'est depuis trois ans maintenant, trois ans que le premier ministre et le ministre des Régions promettent aux citoyens du monde rural une politique gouvernementale sur cette question d'importance. Aujourd'hui, force est de constater que le gouvernement péquiste a été incapable de livrer la marchandise. Résultat, l'Union des producteurs agricoles du Québec, la Fédération québécoise des municipalités et son propre organisme-conseil, Solidarité rurale, dénoncent l'inaction du gouvernement. Mais le pire, c'est que, malgré une croissance économique exceptionnelle partout en Amérique du Nord, 57 des 83 MRC rurales au Québec sont en grave difficulté. Ça, c'est cinq de plus qu'en 1991.

Dans ce contexte, est-ce que le ministre des Régions, qui s'est écrasé devant la ministre des Affaires municipales, devant le ministre des Finances et devant le président du Conseil du trésor, peut réaliser que son manque de leadership cause un tort irréparable aux régions du Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le ministre des Régions.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de féliciter la députée de Bonaventure pour sa nomination comme responsable d'un comité de neuf personnes, l'incluant, concernant l'ensemble des régions du Québec.

Il est faux de prétendre que le Québec de ces régions est en difficulté, comme la députée semble vouloir le dire, dans la mesure où ce que l'on a comme politique de développement local et régional a porté ses fruits. On regarde partout à travers le Québec: dans l'ensemble des régions, diminution quant au taux de chômage, diminution quant au taux de personnes sur l'assistance sociale, augmentation de la productivité dans le milieu.

Mme la députée, je dois vous dire que la politique de soutien au développement local et régional, dans une de ses parties qui est le chapitre 4 prévu par la politique, qui s'appelle La stratégie rurale, verra le jour quand les décisions finales seront prises. Mais je peux l'assurer que le travail que nous faisons, au gouvernement du Québec, dans le plan d'action que nous avons en marche actuellement, pour lequel nous avons consulté du monde et nous continuons, comme ce matin avec la Table Québec-régions, de faire les consultations qui s'imposent... Je vous dirai qu'il y aura une politique de soutien au développement local et régional dans laquelle une politique de la ruralité, qu'on appelle La stratégie rurale, verra le jour, Mme la députée.n(14 h 50)n

Le Président: Mme la députée.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: De toute évidence, M. le Président, on ne vit pas sur la même planète. On ne vit pas sur la même planète en voulant mettre de l'avant un plan stratégique plutôt qu'une véritable politique de la ruralité.

Est-ce que le ministre des Régions réalise qu'il abandonne le monde rural? Il vient de confirmer les propos du président de Solidarité rurale, Jacques Proulx, qui, dans une lettre qu'il a été obligé d'envoyer à tous les députés de l'Assemblée nationale, affirme que ce plan stratégique que le ministre veut mettre de l'avant trahira la promesse gouvernementale de doter la province de sa première politique de développement rural.

Le Président: M. le ministre des Régions.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Jamais le gouvernement du Québec et le ministère des Régions ne laisseront tomber cette stratégie de développement au niveau rural, d'autant plus que, contrairement à ce que votre chef disait lorsqu'il était en campagne électorale, qu'il ferait sauter les centres locaux de développement... Alors, actuellement, beaucoup de représentants libéraux se trouvent sur les conseils de centres locaux de développement et disent qu'ils sont très satisfaits, très contents des actions que le gouvernement pose.

Quant à la politique de la ruralité, la stratégie rurale à l'intérieur du plan d'action, la députée sera à même de constater, quand elle sera déposée, que, oui, le gouvernement du Québec a pris une décision, qu'il a pris un engagement et qu'il va tenir son engagement.

Le Président: Mme la députée de Bonaventure.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, puisque le ministre des Régions ne comprend pas ma question, je m'adresse au premier ministre: Qu'est-ce que le premier ministre a à répondre à la Fédération québécoise des municipalités qui lui a écrit le 23 octobre dernier et qui affirme, et vous me permettrez de citer: «Les élus municipaux ont clairement affirmé qu'ils ne se sentent plus du tout appuyés par votre gouvernement et qu'ils ont l'impression que le renforcement des agglomérations urbaines se fait à leur détriment»? Alors, le message est clair, le monde rural est abandonné par le gouvernement péquiste.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, vous me permettrez de joindre ma voix à celle du ministre des Régions pour offrir mes plus chaleureuses félicitations au porte-parole de l'opposition dans le domaine des régions parce qu'elle a beaucoup de mérite d'accepter cette fonction, compte tenu que son parti ne s'est jamais occupé des régions.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Je crois qu'il convient de saluer son courage, surtout quand on note une déclaration, un aveu, en fait, qu'on doit au chef de l'opposition officielle qui, au début d'octobre dernier, lorsqu'il a vu la Gazette et qu'il rentrait d'une tournée dans les régions, a dit, et je le cite au texte: «I kind of got the impression, touring the province, that in a lot of cases we were introducing ourselves for the first time.» Fin de la citation. Alors, ils ont beaucoup de travail à faire, du côté de l'opposition, parce que le chef de l'opposition lui-même confiait à la Gazette, au début du mois d'octobre, qu'il avait l'impression, quand il allait dans les régions, d'y aller pour la première fois. Enfin, c'est un peu ça que ça veut dire.

Alors, nous, ça fait longtemps qu'on va dans les régions, puis on y travaille, dans les régions, M. le Président. Il n'y a pas une région au Québec qui n'a pas profité de l'embellie économique. Tous les taux d'emploi ont augmenté dans les régions, alors que le Parti libéral, lui, a formé un comité à son congrès et que le porte-parole a dit: Tout reste à faire, tout est à faire parce qu'on part de zéro, au Parti libéral.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.

M. Jean J. Charest

M. Charest: En additionnelle, M. le Président, est-ce que le premier ministre est au courant de la réalité des régions? Il faudrait se le demander. Ça fait quatre fois que je fais le tour des régions, justement, et je peux dire au premier ministre que, s'il prenait la peine d'aller en Gaspésie, dans le Bas-Saint-Laurent, sur la Côte-Nord, dans le Saguenay?Lac-Saint-Jean, qu'il doit bien connaître, en Mauricie, en Abitibi-Témiscamingue, ce qu'il entendrait de la part des citoyens qui habitent les régions, c'est ce que les maires ont écrit à son gouvernement, c'est ce que les gens comme Jacques Proulx lui demandent de faire: Quand est-ce qu'ils vont s'occuper des régions du Québec, M. le Président, au lieu d'essayer de blâmer les autres?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, chose certaine, les gens ont bien raison de ne rien demander au Parti libéral, parce qu'il n'a jamais rien fait, alors que nous... Et je cite les chiffres: 1994, taux de chômage en Gaspésie et les Îles, 21,6 %, actuellement, 15,7 % ? c'est beaucoup trop, mais ça a baissé de cinq notes; en Estrie, 1994, 9,6 %, actuellement, 6,2 %; Saguenay, 1994, 14,9 %, présentement, 8,5 %; Bas-Saint-Laurent, 15,3 %, présentement, 8,6 %; Côte-Nord, 14,5 %, présentement, 10,8 %; Abitibi-Témiscamingue, 12,9 % à 11,6 %; Outaouais, 11,1 % à 6,4 %; Laurentides, 13,5 % à 6,6 %; Lanaudière, 12,2 % à 6,6 %; Chaudière-Appalaches, 8,5 % à 6,6 %; Montérégie, 10,3 % à 6,8 %; Mauricie, 13 % à 10,9 %; Laval, 12,4 % à 6,1 %. Ça, c'est le travail du Parti québécois.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Jean J. Charest

M. Charest: Est-ce que le premier ministre a une réponse à une interrogation que son ministre de l'Industrie, député de Trois-Rivières, se posait publiquement lorsque j'étais justement à Trois-Rivières, au mois d'août, et qu'on publiait les chiffres de chômage, et que les chiffres augmentaient, et qu'il disait que c'était, si je me rappelle bien, un mystère, un paradoxe? Le propre député ? ministre de l'Industrie ? de la Mauricie ne savait pas pourquoi, dans sa région, le chômage augmentait, à ce moment-là, M. le Président.

Est-ce que le premier ministre a une réponse à donner au maire de La Tuque, Gaston Fortin, qui, lorsque je l'ai visité, me disait que c'est non seulement les jeunes de la région de La Tuque qui quittent, c'est les parents? Et c'est exactement ce qu'on m'a dit lorsque je suis allé à Baie-Comeau, M. le Président. Les chiffres de chômage peuvent bien baisser, ce n'est pas juste les jeunes qui partent, c'est leurs parents qui suivent.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je ne voudrais pas blesser la langue française, parce qu'elle est suffisamment blessée comme cela, mais, comme on dit souvent, le chef de l'opposition, il est dû pour une cinquième tournée dans les régions parce qu'il ne sait pas que, dans les régions du Québec, il y a un progrès extraordinaire qui a été fait, qu'il y a un gouvernement qui a créé des instruments pour développer avec une concertation. Le gouvernement ne le fait pas tout seul, il travaille avec le milieu. On a créé des CLD qui fonctionnent partout merveilleusement bien, alors que le seul engagement connu...

Des voix: ...

Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, alors que les CLD fonctionnent très bien, le seul engagement que nous ayons du Parti libéral, c'est de supprimer les CLD, si jamais ils prennent le pouvoir. Puis c'est pour ça qu'ils ne le prendront jamais, parce que les gens y tiennent, aux CLD, ils tiennent à participer à leur développement, ils tiennent à leurs carrefours sur la nouvelle économie, parce que nous croyons, nous, que les régions ont un rôle à jouer dans la nouvelle économie, contrairement au chef du Parti libéral qui, lui, alors qu'il était à Chicoutimi, dans cette belle ville de Chicoutimi, aussi belle que Jonquière, et vice versa, déclarait au Quotidien, en date du 8 septembre: «Le chef libéral ? je cite au texte ? reconnaît que les régions n'ont pas l'avenir des grands centres au chapitre de la nouvelle économie du savoir.» L'économie du savoir, ce n'est pas pour les régions, ça. Ce n'est pas pour les régions. Nous croyons, nous, que l'économie du savoir, c'est aussi pour les régions, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.

Déménagement des détenus de Québec
en vue du Sommet des Amériques

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Merci, M. le Président. Alors, le bilan du ministre de la Sécurité publique en matière de gestion de la détention n'est pas très rose, au cours des dernières années: on a inventé un code dans le système informatique pour sortir des détenus illégalement, l'échec de sa politique de détention a été constaté, entre autres, par le Vérificateur général qui lui a donné un blâme sévère, on a eu des détenus remis en liberté qui ont posé des gestes graves. Plus récemment, il était pris, le ministre, à répondre à l'existence de quotas, donc de minimums de détenus qu'on forçait finalement les établissements à sortir. Ce n'est pas très rassurant de voir qu'hier il annonçait que des centaines de places allaient être libérées ? en fait, 600 places allaient être libérées ? en vue du Sommet des Amériques.

n(15 heures)n

Compte tenu que les prisons du Québec débordent déjà, à l'heure actuelle, ma question au ministre est très simple: Où est-ce qu'il va mettre les détenus durant cette période-là? Est-ce que ça ne va pas encore conduire à une obligation de son ministère de mettre des quotas, de forcer les directeurs de prison à sortir des détenus qui ne devraient pas être dehors?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Serge Ménard

M. Ménard: Le député de Rivière-du-Loup est bien mal informé sur la situation des prisons. Je peux lui dire d'abord que les reproches qu'il fait datent d'avant et que justement nous nous sommes attaqués à tous ces problèmes. Mais, quant à prévoir, je pense que les événements importants qui vont avoir lieu en avril prochain à Québec exigent que nous soyons préparés. Je vous signale qu'à Seattle on a arrêté 600 individus, à Washington 1 300, à Prague, qui voulait donner au monde le visage démocratique qu'ils avaient depuis qu'ils avaient échappé au régime communiste, on en a arrêté 650. Nous n'espérons pas en arrêter autant, mais il est certain que, si nous devons être préparés et si cet événement, que nous ne souhaitons pas, arrivait, il y a 65 cellules dans la région de Québec en dehors des prisons. Alors, c'est normal que nous soyons prêts à accueillir ces gens.

D'autant plus que, quand on arrête des gens dans des manifestations, comme le prouvent les accusations qui sont portées par la suite, il y a parfois des innocents, et il est important que nous puissions les détenir conformément à notre Charte, c'est-à-dire comme des gens qui bénéficient de la présomption d'innocence. Il est important que nous nous préparions pour montrer que Québec, qui sera une des capitales les plus importantes des Amériques, soit perçue comme une ville dans laquelle on peut discuter intelligemment, pacifiquement et de façon positive des grands enjeux auxquels nous devons faire face au XXIe siècle, et c'est pourquoi les policiers seront aussi entraînés à respecter les manifestants pacifiques et à aller chercher chez eux le plus proprement possible les casseurs qui ne partagent pas les opinions des autres manifestants et qui discréditent leur position.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que le ministre peut répondre à la question précise? Est-ce qu'il peut assurer la population que pas un seul détenu va sortir sans en avoir l'autorisation normale, que son ministère ne fera pas comme il a déjà fait, utiliser d'une façon indue les absences temporaires pour sortir des détenus de prison pour faire de la place pour l'événement? En d'autres termes, est-ce que le ministre peut répondre à la question puis assurer la population que ce n'est pas la sécurité des citoyens de la région de Québec qui va être compromise pour assurer l'image de sécurité dont il vient de nous parler?

Le Président: M. le ministre.

M. Serge Ménard

M. Ménard: Mais c'est absolument certain, et d'ailleurs c'est ce que nous faisons présentement, n'est-ce pas? Actuellement, non seulement je suis en révision des systèmes de remise en liberté, mais ce que vous dénonciez dans votre premier préambule, ce sont des choses qui ont été utilisées ad nauseam avant que nous prenions le pouvoir. Et il n'y a pas actuellement de situation de surpopulation dans les prisons québécoises, je peux vous le garantir. D'ailleurs, ce code dont vous parlez, ce code abusif, n'est pas utilisé de façon abusive. À un moment donné, j'ai remarqué qu'il avait été utilisé alors que la personne qui avait ordonné la libération ne connaissait, hélas, pas tout le dossier. Cela est corrigé depuis, et donc il n'y a pas de danger que la population soit mise en péril.

Le Président: Dernière question.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Si on n'est pas en surpopulation, est-ce que le ministre peut nous expliquer pourquoi, il y a quelques mois à peine, les gens de son ministère proposaient aux directeurs des établissements des quotas, fixaient des objectifs de sortie de détenus, dans son ministère, chose que le ministre a commencé par nier, pour finir par la reconnaître puis dire qu'il l'avait changée après? Mais, si on parle de quotas dans son ministère, probablement, c'est qu'il y a de la surpopulation, puis les gens de la région de Québec sont en droit de comprendre que, si dans un contexte de surpopulation on libère 600 places, il va y avoir des décisions qui risquent d'être tordues qui vont se prendre pour protéger l'image dont il nous a parlé tantôt.

Le Président: M. le ministre.

M. Serge Ménard

M. Ménard: L'événement auquel réfère le député de Rivière-du-Loup...

Des voix: ...

Le Président: Bien. M. le ministre.

M. Ménard: C'est vrai que des grognements d'ours, ça dérange, mais... Alors, l'événement auquel réfère... est justement une illustration. Je n'ai pas cru qu'il pouvait y avoir des quotas dans les prisons québécoises, parce que, justement, c'est tellement contraire à la politique que j'ai voulu instaurer, et c'était contraire à la politique du sous-ministre aux affaires correctionnelles, que j'avais nommé également, mais cet incident, justement, démontre... Oui, il y a quelqu'un qui a émis une directive, et, dès que le sous-ministre aux affaires correctionnelles a vu cette directive, soit quelques heures après, il lui a immédiatement ordonné de la canceller, parce qu'il n'y a pas de politique de quotas de libérations. Les libérations qui sont accordées le sont pour des motifs de réinsertion sociale, après une évaluation de la dangerosité des personnes qui nous sont confiées. Et je vous signale quand même que l'immense majorité des personnes qui nous sont confiées le sont pour un temps très court.

En fait, la durée est de 45 jours, en moyenne. Il s'agit donc de personnes que les juges estiment qu'ils doivent passer un certain temps en prison pour être réorientées dans le bon chemin, mais qu'elles ne sont pas, en soi, dangereuses. Les personnes les plus dangereuses sont condamnées à plus de deux ans d'emprisonnement et vont donc dans les pénitenciers fédéraux.

Le Président: M. le député d'Orford. Alors, en complémentaire, M. le député de Saint-Laurent.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: En additionnelle. Le ministre admettra-t-il au moins que, dans le cas particulier, par exemple, de Mario Bastien, la population a raison de craindre que sa sécurité est mise en péril? Le ministre lui-même ayant déclaré il y a plusieurs semaines qu'à la vue du seul dossier cette personne-là n'aurait dû jamais être admise à la liberté.

Les questions sont donc pertinentes, et on est en droit de se demander si effectivement le Sommet des Amériques ne servira pas de prétexte à ce gouvernement-là pour remettre des gens en liberté, des gens qui doivent être en prison parce qu'ils ont été sentencés par des juges.

Le Président: M. le ministre.

M. Serge Ménard

M. Ménard: L'objectif du gouvernement, ce n'est pas de contredire les sentences des juges. C'est, au contraire, d'offrir aux juges tous les moyens pour que notre système porte véritablement son nom, c'est-à-dire un système correctionnel, un système par lequel une série de mesures, dont l'incarcération, d'ailleurs, n'en est qu'une, ramènent les délinquants à une conduite plus socialement acceptable.

Maintenant, mon confrère m'invite ? très habilement, n'est-ce pas ? à parler d'une cause qui est actuellement devant les tribunaux. Je m'abstiendrai d'en parler plus abondamment, sinon pour exprimer toute ma compassion à l'égard de la mère. Je pense bien que la perte d'un enfant est la tragédie la plus épouvantable qui peut arriver à des parents, et, dans ces circonstances, ça doit être encore pire, et certainement qu'elle peut être assurée que toute mon action vise à ce que, s'il y a eu erreur dans ce cas, ce genre d'erreur ne se répète jamais.

Mais, enfin, dans le cas en question, vous comprenez les limites auxquelles je suis tenu par la loi. Et le fait qu'un ancien procureur de la couronne m'invite à les briser donne une idée de la profondeur de ses convictions.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député d'Orford.

Conformité environnementale du projet
d'usine d'éthanol à Varennes

M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, M. le Président. Après trois ans de tergiversations, l'usine d'éthanol verra le jour, et commenceront des travaux au début de l'hiver.

Le projet, qui est parrainé par le vice-premier ministre, a certains avantages mais aussi de très nombreuses conséquences négatives pour l'environnement.

Nous apprenons du directeur général de Varennes, M. Mario Lamarre, que les bulldozers commenceront à aménager le terrain dans 15 jours. D'autre part, Mme Caroline Drouin, attachée de presse du ministre de l'Environnement, déclarait hier, et je la cite: «Le ministre de l'Environnement n'a pas encore reçu le moindre avis de projet et encore moins l'étude de répercussions environnementales.»

Est-ce que le ministre de l'Environnement croit possible que les étapes suivantes puissent être franchies: le dépôt du projet, les audiences publiques du BAPE, le rapport du BAPE, la sanction du Conseil des ministres, tout ça, d'ici 15 jours?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, vous savez que nous nous sommes donné des règles de fonctionnement relativement à des projets représentant possiblement des impacts sur l'environnement.

Nous avons décidé qu'il y avait deux types de projets: ceux qui étaient soumis à des évaluations environnementales, qui impliquent, entre autres, des études d'impact et également des études par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. C'est une première catégorie, comme on la qualifie, de l'article 31.

Il y a d'autres projets, et c'est tous les autres projets qui ne requièrent pas ce type d'enquête, et ce sont les articles 22.

M. le Président, lorsqu'il s'agit de certains projets, il faut regarder si, oui ou non, ils sont assujettis à l'une ou l'autre des deux mesures. Dans le cas d'une usine d'éthanol, lorsque l'on dépasse le seuil de 100 000 unités, nous devons à ce moment-là aller devant le BAPE. Si nous sommes à l'intérieur de 100 000, nous ne devons pas aller devant le BAPE, mais c'est plutôt un 22.

n(15 h 10)n

Alors, la première question qui se pose: Est-ce que, oui ou non, un projet comme celui-là est assujetti? L'an dernier, il y a un an et demi environ, l'entreprise a demandé, sur une base qui était à ce moment-là hypothétique: Si nous présentions un projet de telle manière, est-ce que, oui ou non, il serait soumis? Nous avons regardé attentivement la question, et, si le projet était tel que défini, il n'était pas soumis aux audiences du BAPE, mais à un 22.

Cependant, au moment où nous nous parlons, il n'y a pas eu de demande formelle de certificat d'autorisation. Il faudrait que le projet soit déposé, et il sera regardé. Mais, s'il est semblable à celui qui a été déposé, nous sommes en présence d'un article 22, tout le processus dont vient de parler le député d'Orford n'existe pas, et c'est beaucoup plus restreint, beaucoup plus court à prendre une décision. Maintenant, on devra l'étudier et l'évaluer au mérite, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Le projet connu et déposé par le vice-premier ministre est de 120 000 tonnes?

Des voix: ...

Le Président: J'ai compris qu'il y avait un point d'interrogation. Alors, M. le ministre.

M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, M. le Président, je comprends quand même la question, malgré qu'elle ne soit pas formulée.

Lorsque l'on produit de l'éthanol, il y a deux ingrédients qui sont produits: il y a l'éthanol lui-même, mais il y a aussi un alcool qui sert à la fabrication de spiritueux. Alors, lorsque l'on a une telle fabrication, il y a les deux. Or...

Des voix: ...

Le Président: Il n'y a pourtant, dans l'enceinte, aucune odeur d'alcool ou d'éthanol. Alors, peut-on laisser le ministre répondre?

M. Bégin: Comme vous l'avez bien dit, M. le Président, il y a de l'éthanol, mais il y a de l'alcool aussi dans ce procédé-là. Et ce que nous avons vu jusqu'à présent, sujet à vérification... il y avait moins de 100 000 tonnes de production d'éthanol, mais il y avait au-delà de 25 000 tonnes de production qui servaient aux spiritueux... de l'alcool. Donc, on est en bas de la barre de 100 000. Mais, toujours, je le répète, quand nous aurons le projet, nous serons capables de répondre, mais nous avons l'encadrement dans lequel nous devrons travailler.

Le Président: Très bien. Alors, cela termine la période de questions et de réponses orales pour aujourd'hui.

Il n'y a pas de réponses différées et non plus de votes qui doivent être enregistrés.

Nous allons maintenant aller aux motions sans préavis. Alors, aux motions sans préavis...

Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas de motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions.

M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui, M. le Président, je voudrais aviser cette Assemblée d'abord que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations générales sur le projet de loi n° 140, Loi sur l'assurance parentale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 115, Loi modifiant le Code civil et d'autres dispositions législatives relativement à la publicité foncière, le mardi 7 novembre 2000, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; et

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 138, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, le mardi 7 novembre 2000, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Bien. Merci, M. le leader du gouvernement.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, nous allons aller aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Dans le cadre de cette rubrique, je vous rappelle d'abord... À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix: ...

Le Président: Alors, je vous rappelle que l'interpellation prévue pour demain, le vendredi 3 novembre, portera sur le sujet suivant: La violence au hockey. À cette occasion, M. le député de Papineau s'adressera au ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse et responsable des Loisirs et des Sports.

Je vous avise également que l'interpellation prévue pour le vendredi suivant, c'est-à-dire le 10 novembre, portera, celle-là, sur le sujet suivant: Les effets négatifs...

Des voix:...

Le Président: Alors, l'interpellation du vendredi 10 novembre portera sur les effets négatifs de la réorganisation municipale pour les citoyens et citoyennes du Québec. À cette occasion, M. le député de Hull s'adressera à Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.

Alors, cela complète les renseignements sur les travaux de l'Assemblée, à moins qu'il y ait d'autres interventions.

Affaires du jour

Nous allons passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

Motions du gouvernement

Motion d'urgence proposant la suspension
de certaines règles de l'Assemblée afin de
permettre l'adoption d'une loi ordonnant la reprise
des services de camionnage au port de Montréal

M. Brassard: M. le Président, je voudrais, par une motion, entériner une entente intervenue entre les leaders et le député de Rivière-du-Loup, qui se lit comme suit:

«Que, dès l'adoption de la présente motion, l'Assemblée ajourne le débat sur l'article 8 du feuilleton de ce jour sur l'adoption du principe du projet de loi n° 144, Loi sur La Financière agricole du Québec;

«Qu'il soit permis au ministre des Transports de présenter un projet de loi malgré les articles 53, 54 et 232 du règlement de l'Assemblée nationale;

«Qu'il soit permis de procéder à l'ensemble des étapes législatives du projet de loi présenté par le ministre des Transports, et ce, dans la même séance malgré les articles 230, 236 et 237 entre autres;

«Que l'adoption du projet de loi présenté par le ministre des Transports soit terminée à 21 h 30; et

«Que les dispositions du règlement de l'Assemblée inconciliables avec l'objectif de la motion, soit "l'adoption du projet de loi présenté par le ministre des Transports pour 21 h 30", ne puissent s'appliquer.»

Le Président: Est-ce qu'il y a d'abord consentement pour la présentation de cette motion? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président. Comme le chef de l'opposition l'a indiqué au moment de la période de questions, il y a consentement pour que cette motion soit présentée et adoptée par l'Assemblée nationale du Québec.

Maintenant, M. le Président, vous comprendrez que nous ne voulons pas que ce texte de motion serve de précédent à l'Assemblée nationale du Québec. C'est compte tenu de la gravité du conflit sur le plan économique et social que nous consentons. Nous n'invoquerons aucune procédure parlementaire, nous ne requérons aucune décision de la présidence dans les circonstances.

De même, M. le Président, je comprends également que les dispositions des articles 308 à 312 de notre règlement, qui concernent les débats de fin de séance, vont continuer de s'appliquer et que, s'il y a lieu, à 21 h 30, des débats de fin de séance pourront avoir lieu.

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je sais très bien qu'il ne s'agit pas d'un précédent ? je m'en doute fort ? même si je le souhaiterais peut-être pour la suite des choses. Mais je voudrais quand même remercier l'opposition officielle de même que le député de Rivière-du-Loup pour leur collaboration, compte tenu évidemment de la situation économique d'une extrême gravité que nous vivons présentement. Alors, je les en remercie.

Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends qu'il y a donc consentement pour la présentation de cette motion.

Projet de loi n° 157

Présentation

Alors, dans ce cas-là, nous allons donner la parole au ministre des Transports pour la présentation du projet de loi. M. le ministre des Transports.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Ce projet de loi ordonne à tout conducteur qu'il vise de cesser et de s'abstenir de participer à toute action concertée qui est en cours et qui a pour objet d'empêcher, d'entraver ou de diminuer de quelque manière la prestation, sur le territoire du Québec, des services de transport routier de marchandises par conteneur en provenance ou à destination du port de Montréal ou d'une gare intermodale au Québec.

Le projet de loi prévoit également les obligations du Syndicat national du transport routier?CSN, de la Confédération des syndicats nationaux, des propriétaires et exploitants de véhicules lourds et des intermédiaires en services de transport afin d'assurer la reprise de ces services de transport routier.

Le projet de loi édicte en outre diverses mesures de nature pénale, administrative et civile afin d'assurer l'application de la loi.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Peut-être que, à ce moment-ci, je pourrais requérir du leader du gouvernement ou du ministre porte-parole de même que du député de Rivière-du-Loup qu'ils consentent à une suspension de 30 minutes de nos travaux de façon à ce que l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale puissent prendre connaissance du contenu du projet de loi qui nous a été distribué pendant la période de questions. Maintenant, ma demande s'adresse également aux commissions parlementaires, pour que l'ensemble des députés puissent prendre connaissance du libellé du projet de loi.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je suis tout à fait d'accord. Ça me semble être une demande parfaitement légitime.

Le Président: Très bien. Alors, nous allons donc suspendre nos travaux pendant 30 minutes et nous reviendrons par la suite pour poursuivre la discussion.

(Suspension de la séance à 15 h 20)

(Reprise à 16 h 1)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, nous débutons les affaires du jour en vous annonçant, tout d'abord, qu'il y aura ce soir trois débats de fin de séance immédiatement après le vote qui sera pris à 21 h 30. Le premier aura lieu entre le député de Saint-Laurent et M. le ministre de la Sécurité publique concernant la sécurité du public lors du Sommet des Amériques.

Le second débat de fin de séance aura lieu entre le député de Chapleau et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la crise qui sévit au Centre hospitalier des Vallées de l'Outaouais.

Et le troisième débat de fin de séance aura lieu entre la députée de Bonaventure et M. le ministre des Régions concernant les politiques de développement économique des régions du Québec.

Adoption du principe

Alors, ceci étant annoncé, nous allons maintenant attaquer l'adoption du principe. Conformément à la motion qui vient d'être adoptée aux affaires courantes, nous allons procéder au débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 157 ordonnant la reprise des services de camionnage au port de Montréal et aux gares intermodales de la région de Montréal, en vous rappelant que ce projet de loi devra être adopté avant 21 h 30 aujourd'hui même.

Alors, y a-t-il des intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 157? M. le ministre des Transports et député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, s'il y a une chose que peu de ministres, en tout cas, aiment à faire, c'est de présenter dans cette enceinte une loi spéciale. Il n'y a personne qui en raffole, il n'y a personne qui court après ça. Je peux vous dire une chose, c'est que, quand on se lève et qu'on le fait, c'est par devoir.

Mais, depuis déjà 14 jours, M. le Président, un conflit sévit au port de Montréal, un conflit qui affecte la libre circulation des marchandises, un conflit qui risque et qui non seulement présente des risques, mais compromet carrément l'économie de Montréal, l'économie des régions, l'économie du Québec tout entier.

Notre gouvernement a tenté, au cours des derniers jours, M. le Président, de faire démarrer le processus de règlement, et je vous dirai que c'est un conflit plutôt complexe, que des gens ont de la difficulté à percevoir, mais je vais essayer du mieux que je peux d'en présenter la nature après vous avoir dit que bien sûr le gouvernement se refuse, et ce, depuis cet avant-midi, de tolérer plus longtemps ce conflit qui risque autant d'affecter notre économie.

M. le Président, le port de Montréal, dois-je le rappeler au départ, est un des plus importants sinon le plus important port de toute la côte est américaine, et ce port-là est sans doute le plus grand en termes de manutention de conteneurs. Je pourrais bien sûr vous donner quelques chiffres qui sont éloquents: par exemple, 400 camions par jour au port de Montréal; sept trains d'une longueur de 8 000 pieds par jour passent par le port de Montréal; de 1 000 à 1 200 conteneurs contenant chacun 50 000 livres de marchandises sont traités normalement chaque jour au port de Montréal; 8 000 conteneurs qui sont expédiés par camion par semaine, ce qui équivaut à 80 000 tonnes de marchandises; donc, des pertes économiques évaluées, croyez-le ou non, entre 350 et 500 millions par semaine.

Depuis le début, M. le Président, ce sont 13 000 conteneurs qui n'ont pas été envoyés à travers le Québec, ou à travers les États-Unis, ou à travers d'autres provinces, 13 000 conteneurs en attente, alors que, normalement, dans une situation normale, un conteneur ne demeure pas plus que 48 heures au port de Montréal. Donc, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de plaider l'urgence de façon excessive pour démontrer qu'on se devait d'agir. On se devait d'agir d'autant plus parce qu'il y a beaucoup d'entreprises qui n'ont rien à voir avec le port de Montréal et qui sont touchées ou qui risquent de subir des préjudices extrêmement importants. Je pourrais vous en donner une série, ça va pouvoir vous faire comprendre que, sans vouloir être très exhaustif, vous allez voir que ça touche les régions du Québec.

Je pense, par exemple, à Waterloo où une compagnie, Raleigh Industries of Canada, naturellement serait touchée, aux mines Lab Chrysotile, à Asbestos, qui ont près de 500 emplois, à Safdie. Alcan peut être touchée très prochainement, les mines Jeffrey, Intral, Argentor, Agropur, Pro-Vac, Seagram, difficulté d'approvisionnement. Et je peux continuer: les magasins La Baie et les magasins Wal-Mart, etc. Donc, M. le Président, dans bien des endroits, à part ça, ce sont des travailleurs syndiqués qui voient leur travail suspendu parce que ou bien on est privé de denrées d'approvisionnement pour pouvoir opérer... Donc, il y a beaucoup d'entreprises qui n'ont rien à voir et qui risquent carrément de subir des préjudices extrêmement importants.

Imaginez une entreprise québécoise qui est incapable d'importer ses matières pour alimenter sa chaîne de production ou qui est incapable d'exporter ses produits finis parce que sa marchandise est bloquée au port de Montréal. On doit rappeler que le Québec vit dans une large mesure, M. le Président, de ses exportations, et la fiabilité d'approvisionnement est essentielle.

Plusieurs secteurs de notre économie sont touchés, mais les plus touchés sont les secteurs du textile, de l'amiante, du commerce au détail, de l'alimentation, du minier et du manufacturier. Ce sont les plus affectés, et ces vérifications ont été faites auprès des entreprises, M. le Président. De plus, ce conflit risque de ternir l'aspect international du port. Le ralentissement et même l'arrêt complet de la circulation de marchandises à une époque, vous le savez, où on parle du juste-à-temps, ou du just-in- time, en anglais, eh bien, laisse croire que les expéditeurs victimes de cette situation pourraient se tourner vers d'autres ports. Donc, il n'était plus question qu'on tolère davantage.

Cependant, M. le Président, le gouvernement, avant d'agir, a pris la peine d'écouter, de vérifier, de consulter parce que c'est un conflit qui nous apparaît tout à fait difficile à comprendre. Pour le commun des mortels, c'est quoi, un organisme en processus d'accréditation? Donc, on se retrouve devant un conflit où une centrale syndicale et son syndicat ont décidé d'arrêter de travailler, de cesser le travail, de ralentir ou d'empêcher même des camionneurs de travailler, avec les conséquences que l'on connaît. Est-ce que c'est un syndicat reconnu, est-ce que c'est un syndicat accrédité, est-ce que c'est un syndicat qui est en train de négocier une convention collective et qui a acquis le droit de grève légalement? Il n'en est rien de cela. C'est un syndicat qui est en instance d'accréditation. Il est en instance devant deux ministères du Travail pour se faire accréditer, pour être reconnu légalement comme syndicat qui a déclenché une grève illégale. Ce n'est même pas une grève, dans le fin fond; c'est un arrêt de travail pour obtenir quelque chose qui leur permettrait, par la suite, de négocier légalement.

n(16 h 10)n

Donc, M. le Président, je vais essayer de décrire un peu ce qui s'est passé. Dans un premier temps, on a rencontré à plusieurs reprises... Et j'écoutais le chef de l'opposition, durant la période de questions, qui voulait s'attribuer le fait qu'il avait posé une question pour s'en occuper. Je dois vous dire que, dès la première semaine, avec les avocats, nous avons cherché à clarifier, d'abord, les fameuses juridictions, parce que, au port de Montréal, il peut y avoir deux juridictions. Si c'est une entreprise exclusivement de juridiction québécoise et qui n'oeuvre que sur le territoire québécois, ça tombe sous le Code du travail du Québec. Mais, si c'est une entreprise qui fait à la fois du territoire québécois, ou du territoire interprovincial, ou de l'international, elle tombe sous la juridiction du Code canadien du travail. Donc, il n'est pas facile de voir les pourcentages, quel est le pourcentage des compagnies qui sont de juridiction exclusive fédérale, ou exclusive provinciale, ou les deux. Mais, à cause de la complexité de la jurisprudence, d'autre part, sur l'indivisibilité des structures de compagnies, nous avons reconnu que les deux paliers de gouvernement pouvaient être courtisés, si vous me permettez l'expression, par leurs codes respectifs pour être accrédité.

Le 27 juin dernier, la CSN déposait des demandes d'accréditation dans une lettre adressée à M. Gilles Villeneuve, agent d'accréditation au Bureau du Commissaire général du travail, ministère du Travail, Montréal, et c'était signé par un conseiller syndical, M. Jean-Marc Courtemanche. Voici ce que disait le conseiller syndical, M. le Président: «Le 1er juin 2000, le Syndicat national de transport routier (CSN) a procédé au dépôt de plusieurs requêtes en accréditation au Bureau du Commissaire général du travail. Nous avons simultanément déposé ? écoutez bien la lettre ? les mêmes requêtes des mêmes employeurs au Conseil canadien des relations industrielles.» Parce que c'est vrai que c'est embêtant. Est-ce qu'on relève du Code du travail du Canada ou du Code du travail du Québec? C'est lui-même qui l'a dit, qu'il a déposé aux mêmes places, le 1er juin.

Mais, le 27 juin, voici ce qu'il nous dit: «Nos prétentions de départ sont à l'effet que la totalité des entreprises de transport visées par les requêtes sont de juridiction fédérale et relèvent du Code canadien du travail. Nous allons donc procéder devant le CCRI, le Conseil canadien des relations industrielles, pour la totalité des dossiers. Il est cependant possible que des informations supplémentaires nous amènent à conclure que certains employeurs relèvent de la juridiction provinciale, de même qu'il est possible qu'à la suite d'un débat sur la juridiction le Conseil canadien décide qu'il n'y a pas juridiction dans un ou plusieurs dossiers.» Donc, ils nous demandaient à toutes fins pratiques de suspendre leur demande, le temps qu'ils discutaient avec le ministère du Travail canadien. On se comprend, jusque-là? Donc, devant nous, au Tribunal du travail du Québec, on a des demandes d'accréditation mais en suspens. Le débat se fait du côté du Conseil du travail du Canada.

M. le Président, il faut bien expliquer ce que c'est qu'une demande d'accréditation, là. C'est un syndicat qui s'en va devant le ministère du Travail puis qui dit: Je veux être reconnu comme syndicat pour représenter du monde, puis ça prend un certain nombre et certaines normes. Ordinairement, il faut qu'il représente plus de 50 % des employés de telle compagnie pour pouvoir la représenter. C'est ça qui est en demande, et ça l'est, en demande, au niveau canadien, sauf que le ministère du Travail du Canada n'a pas rendu de sentence ou de décision encore, et, tout d'un coup, une grève éclate. Une grève éclate non pas parce qu'on ne s'entend pas sur des conditions de travail, non pas parce qu'on est en train de négocier une convention collective, on ne s'entend pas parce qu'on veut faire pression pour obtenir une accréditation de fait.

Parce que, dans le Code canadien, contrairement au Code du travail du Québec, le fait qu'un employeur s'assoie avec un syndicat, de facto c'est une reconnaissance de fait. Et on peut comprendre, à ce moment-là, pourquoi les employeurs ne voulaient pas aller s'asseoir, parce qu'ils ne voulaient pas donner une accréditation de fait à un syndicat avec lequel ils ne voulaient pas négocier. On se comprend bien, jusque-là? Et la grève perdure, M. le Président.

Quand on a vu cela, on a travaillé avec les avocats des patrons, on s'est tenus en perpétuelle liaison avec eux depuis la première semaine du conflit. La deuxième semaine du conflit ? c'est encore avant, mardi, qu'on ait une question en Chambre, là ? j'ai rencontré personnellement les représentants du regroupement des industries, qui nous ont dit: Bien, on ne le sait pas trop, nous autres non plus, si on va laisser faire une accréditation au fédéral, ou si on va attendre plutôt l'accréditation au provincial, ou si nos avocats vont se battre pour l'un ou pour l'autre ou en faveur de l'un ou de l'autre. On a engagé des conseillers juridiques. Mais cette rencontre a eu lieu à Joliette, M. le Président, avant même que le chef de l'opposition se lève en Chambre pour poser une question. On suivait le dossier, on travaillait sur ce dossier-là, on cherchait à trouver des issues.

Qu'est-ce qu'on a fait? On a communiqué. Plusieurs ministres ont communiqué. Ma collègue avec qui j'ai travaillé depuis une semaine de façon très intensive, a communiqué avec la ministre du Travail du Canada, disant: Comment il se fait que ça prend autant de temps? Est-ce qu'il y a possibilité d'accélérer? J'ai personnellement tenté à plusieurs reprises de communiquer avec M. Collenette, le ministre des Transports fédéral. En fin du compte, je comprends qu'il est en élection, mais je lui ai écrit, je lui ai dit: Écoutez, il faut faire quelque chose, il faut nommer des personnes pour essayer au moins de trouver où sont les lacunes, pourquoi ça ne sort pas. On est en conflit de travail, et notre économie en est affectée. Il y a eu des contacts entre le bureau du premier ministre et le bureau du premier ministre canadien aussi, et on a conclu qu'il serait peut-être intéressant de trouver non pas des médiateurs, non pas des conciliateurs, parce qu'on n'en est pas sur un contenu de convention collective, on en est sur un processus d'accréditation. On s'est dit: Donc, un mandataire pourrait débroussailler cela de part et d'autre et nous donner qu'est-ce qui accroche, qu'est-ce qui ne va pas dans ce processus-là.

Nous, il a été nommé, c'est M. Gilles Lavoie. Pour le fédéral, il doit être nommé dans les heures qui suivent. Mais, déjà aujourd'hui, le Conseil canadien des relations industrielles siégeait sur ces cas-là. On avait réussi à accélérer le processus. Et, quand on a vu cela, qu'il siégeait ce matin et que peut-être que des décisions sortiront dans quelques heures ou dans quelques jours, on a communiqué, on a fait communiquer formellement avec la CSN à deux reprises. On a demandé à la CSN: Si le Conseil canadien siège puis qu'il trouve des issues, si le processus s'accélère au niveau de l'accréditation, consentez-vous à mettre fin à vos moyens de pression, à votre grève illégale, à votre arrêt de travail illégal? La réponse reçue à 9 heures ? puis j'étais témoin du téléphone ? ça a été non. Il y a eu d'autres tentatives de voir si les moyens de pression cesseraient ou pas; ça a été non. Et, à 10 heures, avant que ne se termine le Conseil des ministres, M. le Président, on a décidé de voter ce projet de loi qui est déposé devant vous.

n(16 h 20)n

Je comprends personnellement très difficilement ? et je le dis comme je le pense ? qu'on puisse faire un arrêt de travail illégal et quasi indéfini non pas, je le répète, pour obtenir des conditions de travail, pour obtenir un certificat d'accréditation qui me permettrait de négocier légalement les conventions collectives. M. le Président, c'est difficile de s'imaginer les raisons. Et, de toute façon, je ne voudrais pas me laisser entraîner dans un procès d'intention, mais, quand on sait, quand on connaît un peu les lois du travail ? et ça, je les connais un petit peu pour avoir été négociateur et pour même avoir enseigné le Code du travail à l'Université du Québec à Montréal pendant un an ? je peux comprendre.

Quand les codes du travail laissent percevoir qu'il peut y avoir des accréditations de fait, c'est passablement plus facile que d'aller récolter 50 %. Quand un code du travail ou un tribunal du travail peut sanctionner un geste de fait, on peut comprendre qu'il peut se poser des gestes du genre. Mais, quand ces gestes-là contribuent cependant à créer des problèmes majeurs sur l'économie du Québec, à créer des problèmes majeurs sur des emplois syndiqués aussi, est-ce qu'on peut laisser une centrale ou un syndicat tenter de se faire justice pour aller chercher une autorisation de représenter du monde puis en même temps brimer les droits légaux de ceux qui, eux, sont accrédités correctement, qui, eux, sont reconnus pour représenter des centaines et des dizaines de travailleurs et qui, eux, ont négocié des conventions collectives dans le respect du code du travail, qu'il soit canadien ou qu'il soit québécois? Et c'est là tout l'imbroglio.

Je sais que ce n'est pas facile de dire à des citoyens: Tantôt ça relève du Code canadien, tantôt ça relève du Code québécois. Je sais que ce n'est pas facile. On sait, par exemple, que, dans le domaine de la farine, les boulangeries relèvent du Code canadien, les sucres relèvent du Code canadien, les télécommunications, les communications relèvent du Code canadien, puis il y a des camionneurs qui peuvent être accrédités selon le Code canadien, puis d'autres selon le Code québécois, si c'est des salariés. Mais ici, dans le Code québécois, il y a une nuance fondamentale. J'en ai donné une tantôt sur la reconnaissance ou l'accréditation de fait, mais prenons l'entrepreneur dépendant. Dans le Code canadien, un artisan, un propriétaire de son camion, qui est lié exclusivement à une compagnie de transport... Supposons qu'il est lié exclusivement à la compagnie Besner ou à la compagnie, je ne sais pas quelle autre je pourrais vous donner, Robert, etc. S'il se lie entièrement et exclusivement, en vertu du Code canadien, il peut être syndiqué ? c'est une possibilité ? ce qu'on ne retrouve pas dans le Code québécois.

Donc, quand on essaie d'expliquer ça au commun des mortels, il se dit: Pourquoi ils sont en grève? Ça, par exemple, c'est la question qu'il nous pose. Pourquoi sont-ils en grève? Pourquoi mon usine est menacée de fermer parce qu'un groupe est en grève? Pourquoi ils m'empêchent d'aller chercher un voyage pour gagner ma vie alors que je suis un artisan? On est obligé de répondre: C'est parce qu'ils veulent se faire reconnaître comme syndicat. Ils ne sont pas en négociation, là; ils sont en arrêt de travail illégal pour essayer de se faire reconnaître comme syndicat. Mais, M. le Président, ça ne peut pas fonctionner, sinon, pensez-y 30 secondes, tout groupe qui désirerait s'accréditer, qui désirerait devenir un syndicat, déclencherait un arrêt de travail spontané qui durerait des semaines et des semaines.

M. le Président, je pense même qu'on a été patients, je pense même qu'on a été corrects de faire des démarches pour au moins accélérer le processus, mais qu'assez, c'est assez. Et j'espère, je souhaite que les actions entreprises par le Québec vont contribuer à accélérer le processus d'accréditation, si accréditation il doit y avoir. Ça doit répondre à des critères, ça. On ne peut pas signer 10 cartes, puis déposer ça, puis espérer recevoir une accréditation. On est sérieux quand on veut représenter des travailleurs. On doit déposer une accréditation avec le nombre requis de travailleurs qui veulent un syndicat, et je ne pense pas que le processus d'accréditation doit avoir un effet de couper des emplois ou de suspendre le travail d'autres travailleurs qui, eux, légalement, qui, eux, correctement, ont suivi la procédure d'accréditation, qui se sont négocié des conditions de travail et qui ont signé des conventions collectives.

Si la grève, M. le Président, s'était produite suite à une mésentente au cours d'une négociation par un syndicat accrédité, on aurait probablement pris d'autres moyens. On aurait, dès le premier jour de la grève, nommé un médiateur spécial. On aurait pu nommer un conciliateur spécial. Mais là on n'en est pas dans un processus de négociation, il n'y a pas de mésentente. On connaît à peu près les grands enjeux d'une éventuelle convention collective. On sait que ça pourra être... Sans doute qu'on parlera du tarif horaire, qu'on parlera de la gazoline, qu'on parlera des temps de déplacement à l'intérieur du port, etc. Mais ce n'est pas ça qui est en cause, là. Ils ne peuvent pas dire qu'on grève pour le prix du carburant, ils ne peuvent pas affirmer qu'on grève pour des conditions de travail. On n'est pas accrédité pour négocier, seulement. Et, en passant, il y a d'autres groupes de syndiqués ou de syndicats ? il y en a au moins un ? qui cherchent à accréditer le même monde ou des travailleurs de ces mêmes employés là.

Le Québec et son économie... Doit-il, comme gouvernement... Ou, comme coin de pays, le Québec doit-il tolérer ça plus longtemps? Le Québec doit-il laisser faire ces choses? Non, M. le Président. Et je dois vous dire que nous avons pourtant pris des précautions, nous avons pris des informations. Mes employés politiques ont parlé à je ne sais pas combien de reprises aux gens impliqués. Même mes sous-ministres et mes directeurs ont parlé je ne sais pas combien de fois à des employeurs pour essayer de voir qu'est-ce qui pourrait être fait pour dénouer l'impasse. Mais, quand l'impasse est dans le processus même de la reconnaissance, je m'excuse, on n'avait pas d'autre mandat à donner à quelqu'un qui est un mandataire que: Va voir ce qui se passe, va voir ce qui accroche puis essaie d'accélérer le processus d'accréditation. Mais on n'est pas là pour juger des contenus.

Il se peut qu'il y ait des problèmes majeurs. À ce moment-là, M. le Président, je voudrais rappeler à cette Chambre, qui a voté unanimement, l'an dernier, un forum sur le camionnage... Vous vous rappellerez de ça, on a créé une loi ici parce qu'on savait que, dans ces secteurs-là, dans ces domaines-là, il n'était pas facile de transiger au niveau syndical. Il y a des gens qui partent avec leur camion, qui sont une semaine sur la route. Rappelez-vous qu'on a dit: On va essayer de définir un contrat type. Tous les parlementaires, unanimement, ont voté pour ça ici, en cette Chambre, au complet.

Et on a nommé, il y a à peine 15 jours, le président de ce Forum, qui est M. Paul-Émile Thellend, un homme d'expérience en relations de travail. Quel est le mandat de ce Forum? C'est de s'asseoir, employeurs, employés de tout le domaine du transport. Et puis qu'est-ce qu'ils ont à faire? C'est de bâtir un genre de contrat type avec des points bien précis sur lesquels il y aura concertation puis pour éviter justement les confrontations. C'est ça qu'on a voulu faire, l'an passé, en créant le Forum sur le camionnage. Et, au moment où démarrent les travaux de ce Forum, on fait face à quoi? À un arrêt de travail totalement illégal depuis 14 jours déjà, un arrêt de travail qui vise non pas à aller chercher un contrat type, un arrêt de travail qui vise à obtenir une accréditation syndicale.

Donc, je ne voudrais pas m'étirer davantage sur le sujet. Je pense que j'ai essayé de la façon la plus transparente d'expliquer le conflit, d'expliquer un peu les enjeux du conflit, mais de faire comprendre, par exemple, que l'intérêt premier de cette loi d'exception... Et je suis convaincu que l'opposition va voter avec nous, j'en suis convaincu, parce que l'intérêt premier, c'est un intérêt économique. Ce n'est pas de dire qu'on veut s'en prendre à un groupe de travailleurs, ce n'est pas de dire qu'on ne veut pas que ces gens-là se syndiquent un jour, ce n'est pas de dire qu'on veut trancher, à la place des ministères du Travail, des conditions à venir, c'est de dire à ces travailleurs: Écoutez, c'est peut-être très long, le processus d'accréditation, on n'en disconvient pas, mais l'économie du Québec ne saurait souffrir plus longtemps de cet arrêt illégal. Et on les invite à rentrer dans le rang dans le sens de respecter le processus d'accréditation, de suivre les démarches, et, au besoin, on va aider à accélérer le processus d'analyse des demandes. Mais on leur demande aussi de cesser immédiatement ce qu'ils font, de cesser.

n(16 h 30)n

Cette loi-là vient créer des obligations aux conducteurs. Parce qu'il y en a quatre types, de conducteurs: il y a des conducteurs d'agences de camionnage, il y a des salariés, dans cela, qui sans doute ont le droit à la syndicalisation; il y a des artisans, qui, en vertu du Code québécois... des propriétaires artisans qui n'ont pas le droit à la syndicalisation au Québec, qui pourraient avoir le droit au fédéral; puis il y a également des salariés routiers; puis des salariés autonomes, à part de ça. Donc, c'est une panoplie de types de travailleurs qui doivent se conformer au Code du travail.

Donc, M. le Président, la loi vient donc leur dire de mettre fin à cette grève illégale au plus tard demain matin, 8 heures. Elle vient dire aussi à la centrale syndicale et au syndicat, qui tente d'obtenir une accréditation... on l'enjoint par la loi spéciale à inciter ses gens à reprendre les activités de camionnage. Et on vient édicter aussi, M. le Président, à des employeurs qui auraient un rôle à jouer de faire la même chose, d'inciter les gens à retourner au travail. Et on vient édicter, au niveau pénal, des amendes et des pénalités qui sont assez fortes. On vient dire même, par exemple ? je donne un exemple ou deux, on le reverra plus en détail au niveau de la plénière ? aux gens: Il est possible, si vous n'acceptez pas de vous conformer à la loi, que vous soyez rayés du registre pour deux mois. Oui, c'est sévère. Oui, c'est sévère, M. le Président, parce qu'on veut le retour au travail. Et on donne un pouvoir aussi de considérer comme un bris de contrat si un individu ne se présente pas au travail alors qu'on lui ordonne d'y aller.

Je ne vous dis pas que c'est de gaieté de coeur, mais, M. le Président, je pense que, indépendamment du fait que l'économie du Québec va bien, indépendamment du fait que le taux de chômage a baissé de façon faramineuse, indépendamment du fait qu'on peut, tous ensemble, se réjouir de ce fait-là, on ne peut tolérer qu'il y ait des entraves aussi majeures à notre économie dans des points aussi stratégiques qu'au port de Montréal.

Donc, M. le Président, je dis aux salariés: Conformez-vous à cette loi, elle se veut davantage un outil de développement pour le Québec, et on pourra vous soutenir dans vos démarches de façon intelligente, respectueuse et légale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre d'État aux Transports et député de Joliette. Nous allons maintenant céder la parole au critique de l'opposition, M. le député de Mont-Royal. M. le député.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, moi aussi, d'intervenir sur ce projet de loi n° 157, loi qui ordonne la reprise de certains services de transport routier de marchandises au port de Montréal.

La première chose que je voudrais vous dire, M. le Président, c'est que ce conflit de travail du port de Montréal a des conséquences énormes et sérieuses au plan économique, comme le ministre vient de le souligner, mais aussi ce conflit de travail a énormément de conséquences au niveau social. Vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que des gens, des employés ont perdu leur emploi au cours de cette période de deux semaines que nous venons de traverser, et que plusieurs de ces emplois-là ne se retrouveront pas nécessairement le lendemain matin, dès que le port commencera à refonctionner, comme il devrait à partir de demain matin, 8 heures, suite au projet de loi. Alors, M. le Président, donc, des conséquences économiques importantes et des conséquences sociales tout aussi importantes, sinon plus.

Je me permettrai de vous rappeler que, contrairement à ce que le ministre vient de nous dire, c'est grâce à l'intervention du chef du Parti libéral du Québec, du chef de l'opposition, en cette Chambre mardi dernier, par une question qui portait justement sur le conflit de travail qui perdure au port de Montréal et qui durait à ce moment-là déjà depuis presque deux semaines... Et le chef de l'opposition a demandé l'intervention, dès mardi dernier, du gouvernement face à cet arrêt de travail qui, je vous le rappelle, est illégal, puisque ces gens-là qui sont en arrêt de travail dans le moment, ce sont des gens qui n'ont, pour le moment, aucune accréditation syndicale. Ils sont en demande ou en instance de recevoir peut-être une accréditation syndicale si le nombre de gens qui auront signé des cartes d'allégeance syndicale est suffisant, par rapport à l'ensemble du groupe de travail. Alors, ils sont donc en instance d'avoir une demande d'accréditation, elle n'est pas encore reçue. Et, déjà, ces gens-là décident de se faire justice eux-mêmes en arrêtant de travailler, et non seulement en arrêtant de travailler, mais en mettant le port de Montréal dans une situation où il met à risque toute l'économie du Québec.

L'autre chose que je voudrais vous faire remarquer, M. le Président, c'est le sérieux de la situation, puisque le port de Montréal, contrairement au ministre des Transports, a pris ses responsabilités. Le port de Montréal a fait émettre par la Cour supérieure une injonction enjoignant ces gens-là de retourner au travail, puisqu'ils étaient, comme je vous ai dit, dans ? si on peut appeler ça une grève ? une grève illégale ou un arrêt de travail qui est totalement illégal. Alors, le port de Montréal a posé les gestes qui étaient nécessaires et qu'il était normal qu'il fasse en demandant à la Cour supérieure d'émettre une injonction, injonction qui a été émise, d'ailleurs. Et ces gens-là ont malgré tout continué le travail, ils ont respecté l'injonction, si vous voulez, ils se sont mis à l'extérieur du nombre de mètres qui était requis par l'injonction, mais ils ont continué leurs moyens de pression, leurs moyens d'empêcher les gens de faire le transport vers le port ou à partir du port vers d'autres destinations.

Alors, M. le Président, je veux rappeler à cette Chambre que le chef de l'opposition, du Parti libéral du Québec, c'est le premier à avoir soulevé cette question, et nous mettons en doute la parole du ministre quand il dit qu'il a travaillé sur ce sujet depuis la semaine passée.

Une voix: M. le Président, il n'a pas le droit.

M. Paquin: M. le Président, article 35. Le député dit qu'il met en doute la parole du ministre. Je crois que c'est absolument inacceptable.

Une voix: C'est contraire aux règles.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Saint-Jean, vous avez tout à fait raison, on n'a pas le droit en cette Chambre de prêter des intentions. Alors, M. le député de Mont-Royal, je vous prierais de bien vouloir continuer tout en respectant, comme vous le faites si bien habituellement, notre règlement.

M. Tranchemontagne: Alors, je vais reformuler, M. le Président, mon commentaire à cet effet. Je me permets de dire que je ne suis pas d'accord avec le ministre quand il dit qu'il a travaillé sur le conflit au port de Montréal depuis la semaine dernière. Je vous rappelle encore une fois que c'est une situation qui est totalement inacceptable, et nous n'acceptons pas du gouvernement du Parti québécois qu'il n'ait pas agi plus tôt dans cette situation. On a perdu deux journées complètes et, de ces deux journées-là, il y a des gens qui vont en souffrir, il y a des entreprises qui vont en souffrir, puisque la liste des entreprises est très longue.

Mardi dernier toujours, mon confrère le député de Shefford posait, à l'occasion d'un débat de fin de séance, au ministre des Transports des questions où manifestement, dans ses réponses, il tentait de ne pas déplaire à ses amis syndiqués et essayait de lancer la balle dans le camp du fédéral. Ce qui m'inquiète le plus dans la conversation ou dans les commentaires du ministre, c'est que, suite aux questions du député de Shefford et aussi du chef de l'opposition, le ministre des Transports nous parle d'une demande d'accréditation potentiellement québécoise, d'une demande d'accréditation fédérale aussi, il nous parle de sa loi, de son Forum sur le camionnage et aussi de la loi n° 135. Alors, depuis mardi passé, il nous parle de tous ces sujets pour essayer de rendre la population du Québec confuse à son égard et essayer de nous donner l'impression tout au moins qu'il a travaillé très fort sur le sujet.

Je vous rappellerai, M. le Président, que, après des questions du chef de l'opposition et du député de Shefford, seulement à partir de la réponse du premier ministre lui-même, seulement à partir de ce moment-là, on a senti que le gouvernement commençait à comprendre la gravité de la situation. Et je vous rappellerai ce que M. Bouchard a dit à ce moment-là, et je cite M. Bouchard, je cite le premier ministre: «Je pense que le chef de l'opposition a raison de s'émouvoir et que la situation actuelle est totalement inacceptable.» Et il poursuit: «Le gouvernement fera le point d'ici la fin de la journée pour évaluer quels sont les moyens que nous avons à notre disposition pour intervenir.»

n(16 h 40)n

Suite à cette intervention du premier ministre, c'est alors seulement que le ministre des Transports a déclaré, toujours à une réponse à une question du Parti libéral, que, d'ici 17 heures cette journée même, il reviendrait à une recommandation au premier ministre pour les moyens d'action à prendre. Malheureusement, c'est un éléphant qui aura accouché d'une souris, M. le Président, puisque le lendemain les journaux titraient, et je vous cite: Port de Montréal, Bouchard réclame d'Ottawa une loi d'exception. Alors, la réponse qu'on a eue du ministre des Transports et aussi du premier ministre, c'est: Ce n'est pas de ma faute, ce n'est pas ma responsabilité, ça appartient à Ottawa, etc. Achalez-moi plus avec ça. Alors, ça, c'est le genre de réponse qu'on a obtenu, et on essaie de nous dire qu'on a travaillé sur ce problème depuis deux semaines.

Je me permets, M. le Président, de vous dire que c'est seulement et seulement à la suite d'une question du chef de l'opposition que le ministre des Transports s'est mis sur le dossier. Nous-mêmes, on était sur ce dossier-là depuis la semaine dernière, et, après avoir parlé aux autorités du port de Montréal, je peux vous assurer que, en fin de semaine dernière, les autorités du port de Montréal n'avaient jamais entendu parler M. le ministre des Transports du sujet du port de Montréal. Il n'avait jamais daigné communiquer avec les autorités du port de Montréal.

Et quand j'écoute, il y a quelques instants, le ministre des Transports, je vous dis que ça m'apparaît, moi, en tout cas à mes yeux, comme une série d'excuses. Je vous rappelle encore une fois qu'on nous parle de la loi n° 135, on nous parle: Est-ce que la demande d'accréditation est provinciale ou fédérale? Peu importe, l'important était de réaliser que Montréal était en situation d'urgence. Il y avait des effets économiquement dévastateurs pour Montréal et des effets aussi au niveau social, des pertes d'emplois. Temporaires, me direz-vous, mais des pertes d'emplois quand même. Et ce n'est pas nécessairement parce que le port va rouvrir demain matin, à 8 heures, que ces emplois-là vont recommencer demain matin. Il y a toujours, à ce moment-là, un délai entre le moment où le port recommencera... mais il ne peut pas aller livrer tous ses conteneurs dans un seul instant. Alors donc, il y aura un délai, non seulement le délai qui est passé, mais le délai qui sera à venir aussi au niveau de la reprise des opérations normales du port.

Alors, M. le Président, on a des questions, oui, on a des questions pour le Parti québécois, parce que comment il se fait qu'on a attendu deux jours de plus après la question du chef de l'opposition avant de commencer à travailler sur ce dossier, ce dossier important? Parce que j'aimerais vous rappeler, M. le Président ? et vous avez sûrement eu des téléphones, vous aussi, à vos comtés ? qu'il y a un grand nombre d'entreprises qui ont été affectées. J'en ai quelques-unes ici: la compagnie Raleigh ? le ministre y faisait allusion tantôt ? la compagnie d'Asbestos, cette compagnie est en difficulté suite à l'arrêt du port de Montréal; la compagnie Montab, de Pointe-Claire; les Vins Dumont; la compagnie Norsk Hydro; les produits Hardee; Canada-Wide, une entreprise de produits de consommation. Alors, des produits de consommation qui ont passé deux semaines ici, sur le port de Montréal, dans quel état seront-ils? C'est sûrement des produits... en tout cas, en particulier des périssables. Alors, à ce moment-là, il y aura des pertes énormes pour ces entreprises-là, sans compter que ça a un effet sur les utilisateurs de ces produits-là.

M. le Président, vous n'êtes pas sans savoir qu'aujourd'hui de plus en plus les entreprises fonctionnent dans le concept de ce qu'on appelle du juste-à-temps, et le port de Montréal est le port d'entrée principal pour les marchandises qui viennent d'Europe en particulier, et ces gens-là aujourd'hui... Dans le juste-à-temps, dans le concept du juste-à-temps, l'entreprise qui doit recevoir de la marchandise n'a pas d'inventaire ou à peu près pas, a peut-être de l'inventaire pour une journée, juste pour opérer la journée, et compte justement sur le remplissage qui provient des transporteurs, quels qu'ils soient, pour justement remplir son inventaire pour faire face à la journée de demain. Alors, ces entreprises-là, M. le Président, dans le concept du juste-à-temps, sont énormément affectées. Autrefois, ce n'était peut-être pas le cas, puisque, à ce moment-là, les entreprises avaient des inventaires et étaient capables de faire face à un arrêt de travail peut-être d'une semaine, pas très long, mais quand même mieux qu'aujourd'hui.

Le concept du juste-à-temps qui a permis aux entreprises d'augmenter leur productivité et par conséquent leur rentabilité, ces entreprises-là, M. le Président, font face à une pression énorme. Je vous parlais de quelques entreprises... on a parlé de Raleigh. Il y a 650 travailleurs, par exemple, qui, à la mine de Black Lake, ont été mis à pied. Alors, le lendemain matin, ils ne recommenceront pas à travailler immédiatement. Alors, M. le Président, quand j'écoute le ministre des Transports, il m'apparaît que les informations qu'il nous donne sont pour le moins questionnables de notre part.

Alors, juste deux minutes, je voudrais vous parler de l'importance du port de Montréal. Le port de Montréal embauche, directement et indirectement, 17 000 employés. Il transite pour 1,7 milliard de dollars dans le port de Montréal. C'est donc vous dire que, si vous prenez 1,7 milliards, puis divisez-le par 52 semaines, ça vous donne une idée de l'envergure du port de Montréal, et il est arrêté depuis deux semaines. Alors, vous comprendrez sûrement. Souvent, on entend les ministres péquistes nous parler de l'importance de Montréal pour eux. Bien, dans cette situation-là, on n'a pas senti que Montréal était une ville importante pour le ministre des Transports, puisqu'il a pris du temps avant de réagir.

Le port de Montréal transite 20 millions de tonnes de marchandises. C'est énorme, ça, 20 millions de tonnes de marchandises, et le transport par conteneurs compte pour à peu près 50 % de ça. Ce transport-là s'est accru de 5,3 %, au cours des cinq dernières années, en moyenne, par année. C'est donc dire que Montréal est une plaque tournante importante pour le transport par conteneurs.

Pour une fois, M. le Président, on avait vu à Montréal une concertation totale de tous les intervenants qui a fait que le port de Montréal est devenu une plaque tournante, la plus importante en Amérique du Nord ? dans l'Est, en tout cas, de l'Amérique du Nord. Alors, ce port de Montréal sert non seulement pour le Québec et l'Ontario, c'est 50 % de la marchandise qui transite par le port de Montréal qui aboutit soit au Québec ou en Ontario, mais l'autre 50 % aboutit un peu partout aux États-Unis.

Juste pour vous donner une autre idée de l'envergure du port de Montréal, le port de Montréal, au cours des neuf dernières années, a accru son volume de trafic en conteneurs de 60 %. C'est énorme. On est passé de 5,8 millions de tonnes à 9,2 millions de tonnes par année. C'est énorme et très important.

C'est ces choses-là, qu'on met à risque, puisqu'une entreprise qui fonctionne dans le juste-à-temps, bien, elle a besoin de sa marchandise demain matin, et si elle ne peut pas l'avoir par le port de Montréal, bien, elle va essayer de l'avoir par le port de New York ou ailleurs. Alors donc, on mettait à risque non seulement la business d'aujourd'hui, les affaires d'aujourd'hui, mais on mettait aussi à risque, à plus long terme, les relations du port de Montréal avec ses nombreux destinataires. Alors, c'est donc très important.

Tantôt, je vous parlais que le port de Montréal est un port d'entrée au niveau de l'Europe, par exemple, entre l'Europe et l'Amérique du Nord. Bien, je peux vous dire qu'il y a des bateaux qui arrivent d'un peu partout en Europe. La Belgique, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et le Portugal sont tous des endroits d'où proviennent des marchandises et qui transitent uniquement par le port de Montréal. Le port de Montréal est reconnu pour son taux de productivité, puisque ses terminaux à conteneurs sont vraiment du XXIe siècle.

Le port de Montréal est non seulement important au niveau des affaires qu'il représente, mais aussi il est important au niveau de l'image qu'il projette du Québec et du Canada sur l'Amérique du Nord. Et quand vous dites que 50 % des affaires qui transitent par le port de Montréal s'en vont vers les États-Unis, bien, si les États-Unis sont pris en situation qu'ils sont en souffrance de recevoir leur marchandise ou de pouvoir l'expédier, c'est sûr que ça ne jette pas une image favorable sur Montréal, sur le Québec et sur le Canada. Et, comme je vous dis, ça peut avoir des incidences à long terme, parce que, ces entreprises-là, il n'est pas sûr qu'elles vont continuer à transiter leurs marchandises par le port de Montréal. Elles peuvent décider d'autres options, puisqu'il y a en Amérique du Nord d'autres options.

n(16 h 50)n

Le juste-à-temps, M. le Président, je vous en parlais tantôt, le port de Montréal est à être félicité parce qu'on a fait intervenir... Par exemple, ils ont investi énormément d'argent au niveau ferroviaire. Il y a un réseau ferroviaire interne, au port de Montréal, qui permet de transiter la marchandise directement vers les États-Unis. Et, par exemple, ça prenait autrefois 72 heures pour se rendre de Montréal à Chicago; aujourd'hui, la marchandise se rend en 34 heures. Alors, c'est très rapide et c'est comme ça que le port de Montréal a réussi à progresser et prendre des parts de marché aux autres ports de l'Amérique du Nord qui servent, eux aussi, ou qui pourraient servir aussi de points d'entrée.

Finalement, M. le Président, vous me permettrez aussi de questionner l'attitude du gouvernement face au port de Montréal dans deux occasions. Celle qu'on vient de vivre, c'est-à-dire le délai que ça a pris avant qu'on nous dépose le projet de loi n° 157 pour forcer ces gens-là qui sont en arrêt de travail, je vous le rappelle, illégal et qui font face à une injonction et qui font fi de l'injonction, et ces gens-là, c'est important qu'on arrête, et on aurait dû les arrêter il y a deux jours. On aurait dû faire cette séance-ci il y a deux jours, suite aux questions du chef de l'opposition. Alors, je questionne donc l'attitude du gouvernement du Parti québécois face au port de Montréal sur ce sujet-là. Mais aussi, rappelez-vous, il y a quelques mois, ce même gouvernement péquiste a essayé de tasser le port de Montréal pour y installer ce qu'on a appelé le Technodôme, c'est-à-dire un projet récréotouristique, alors que le port de Montréal est reconnu pour créer 17 000 emplois. Le Technodôme, c'était une aventure risquée, et à ce moment-là c'est le gouvernement du Parti québécois qui a essayé de tasser le port de Montréal, avec des données connues de rentabilité de ce port-là et d'effets économiques connus.

Alors, pour terminer, je voudrais vous dire que nous sommes d'accord avec le projet de loi au niveau du principe, puisque, depuis mardi, on désire avoir ce projet de loi là, et, depuis mardi, le gouvernement n'a rien fait pour déposer ce projet de loi. Alors, nous sommes d'accord avec le projet de loi, mais nous regrettons amèrement que le ministre des Transports ait pris deux jours de plus qu'il aurait dû avant de déposer ce projet de loi. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Mont-Royal. Nous allons maintenant céder la parole au député de Rivière-du-Loup. M. le député.

M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Alors, je vais moi aussi intervenir en faveur du principe du projet de loi n° 157, parce que tout le monde, dans des questions comme celles-là qui touchent directement la vie de plusieurs entreprises, lorsqu'on parle de la paralysie d'un organe de transport aussi important qu'un port de mer et que celui d'une grande ville comme Montréal, on a une responsabilité comme parlementaires, comme élus, de s'assurer du bon fonctionnement des choses, de s'assurer du respect aussi des travailleurs, de s'assurer du respect des lois. Et, dans le cas qui nous occupe, j'ai l'impression que, depuis déjà un petit moment, il y a une obligation qui s'est créée pour le gouvernement du Québec de prendre cette responsabilité et de poser des gestes.

Le problème qui s'est présenté depuis quelques jours ? ça a été dit et redit ? est en train d'avoir pour plusieurs entreprises des conséquences économiques très lourdes. Les pertes de revenus à chaque jour sont considérables, les pertes potentielles de revenus à plus long terme. Parce que, quand on n'est pas capable de faire ses livraisons, il n'y a rien de pire dans le domaine des affaires que de forcer ses clients à se chercher d'autres fournisseurs. Si tu n'es pas capable de livrer ta marchandise à tes clients, tu places tes clients dans une position où eux doivent chercher d'autres fournisseurs. Et c'est ce qu'on craint le plus dans le monde des affaires, que de forcer ses clients à faire ça. C'est parce que ce serait de placer, sur le plan de la compétitivité des entreprises québécoises, les placer en bas de l'échelle que de les laisser moisir dans une situation comme celle-là.

Par ailleurs, le secteur manufacturier, surtout dans le secteur de la production, le député de Mont-Royal a bien exprimé tout à l'heure la façon de fonctionner d'aujourd'hui, le «Just-in-Time», qui fait qu'on n'est plus à l'époque des inventaires où on pouvait fonctionner six mois avec les communications coupées. Aujourd'hui, ça exige qu'on compte souvent en jours, des fois en pas beaucoup de jours, pour assurer que toutes les étapes, tous les éléments de la production soient là au moment opportun. Et les systèmes de transport, dans un contexte comme celui-là, revêtent une importance de premier plan.

Le projet de loi... par ailleurs, on aura l'occasion... en appuyant son dépôt, en appuyant son principe, je pense que notre formation politique, l'ADQ, exprime clairement sa volonté que les travailleurs, que les camionneurs, que les activités reprennent dès demain matin. Probablement comme tous les autres collègues de l'Assemblée, on adopte un projet de loi dont on espère qu'il n'aura jamais à être appliqué, qu'aucune de ses dispositions ne va devoir être exécutoire, particulièrement tout ce qui touche les mesures punitives. Mais je pense qu'on doit quand même poser le geste pour la santé de l'économie, la réputation du port de mer de Montréal et pour le droit au travail, qui est quand même, je pense, une valeur dans notre société. Et on va avoir, cependant, à regarder les articles du projet de loi, être certain qu'il n'y a pas dans le projet de loi des articles, des mesures qui iraient trop loin, qui brimeraient des libertés individuelles, des droits fondamentaux, d'une façon qui serait exagérée par rapport à l'objectif qu'on poursuit. Et c'est dans cette optique-là que, dans l'étude article par article, nous, on va regarder ce qu'il en est du projet de loi.

Mais je dois aussi souligner que... formuler un souhait, souligner que, moi, j'aimerais que, dans la suite des événements, on mette, à partir de demain, des mesures pour le retour au travail, mais que, dans la suite des événements, on ait quand même un regard, que ce soit le ministère de la Sécurité publique, les corps policiers, d'enquête, sur l'intimidation au sens large. Parce qu'on a parlé tout à l'heure, en faisant un hommage à Michel Auger, de l'intimidation par rapport au journalisme, par rapport à la qualité de l'information puis à la liberté d'expression de ceux qui font l'information, et on a décrié, comme Assemblée, comment l'intimidation, combien l'intimidation est à bannir, à combattre dans des cas comme ceux-là.

Par contre, l'intimidation des gens qui veulent gagner leur vie, à mon avis, elle se situe un peu dans le même champ d'action. Et, dans ce dossier-ci sur lequel on passe une loi ce soir, on entend toutes sortes de choses, incluant que les pratiques d'intimidation, de menaces avaient pris une certaine ampleur et que, dans la mesure où une action... Et on a, au Québec, des lois qui organisent, qui régissent les relations de travail, qui régissent aussi, qui encadrent, même si on ne les souhaite pas, les conflits de travail, mais que, dans le cas d'une action qui est illégale et où donc les gens qui sont dans la légalité sont ceux qui veulent faire leur travail, bien, ils devraient être en mesure de le faire en sécurité, ils devraient être en mesure de le faire sans qu'eux-mêmes ou leur famille se retrouvent avec la moindre menace qui soit à leur sécurité directe, indirecte, par allusion ou autrement.

n(17 heures)n

Pour moi, c'est une valeur de société que les gens qui ont une paie à ramener à la maison puissent le faire en toute quiétude tant qu'ils sont à l'intérieur du respect des lois. Je pense que c'est quelque chose qu'on doit poursuivre comme société, de la même façon qu'on s'est dit un peu plus tôt qu'on voulait poursuivre cet objectif que la liberté d'expression soit protégée, qu'il n'y ait pas de menace aux gens qui travaillent dans le domaine de l'information. Il ne devrait pas y avoir de menaces qui pèsent sur les gens qui travaillent à l'intérieur du cadre des lois, de toute façon.

Donc, on est à la première étape de cette étude du projet de loi n° 157, où je réitère cet appui au principe, ce souhait que le projet de loi n'ait pas à s'appliquer comme tel, que la bonne volonté de chacun, le sens de la responsabilité des uns et des autres par rapport au port de Montréal...

Parce que, dans le fond, l'emploi de tout le monde, la prospérité, le caractère de long terme des emplois qui sont là, tout ça dépend de ce que le port de Montréal a comme réputation, comme force, comme vigueur, et je pense que c'est dans l'intérêt de tout le monde de la maintenir. Et je fais appel au sens de la responsabilité de chacun des intervenants, à partir des prochaines heures, pour s'assurer que tout puisse rentrer dans l'ordre et que le projet de loi que l'Assemblée est dans l'obligation d'adopter et qu'elle adoptera ? de toute évidence, de façon très probable ? à l'unanimité, que les sanctions qui sont dans ce projet de loi n'aient pas à s'appliquer et que le sens de la responsabilité de chacun fasse le travail à la place. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Rivière-du-Loup.

Nous poursuivons ce débat. Nous en sommes, je le rappelle, à l'adoption du principe du projet de loi n° 157, et je cède la parole à Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.

Mme la ministre, la parole est à vous.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. D'abord, je voudrais saluer l'intervention du député de Rivière-du-Loup, qui a ramené cette situation à une question de droit au travail et à une question de valeurs. Puis, effectivement, je pense que c'est de ça qu'il s'agit.

Je voudrais également, avant de procéder à mon intervention, clarifier une information de base que, visiblement, l'opposition officielle ne saisit pas bien. Le Code canadien du travail, il existe, et c'est un peu inutile de nous accuser, d'accuser ce gouvernement d'avoir interpellé le gouvernement fédéral, puisque le gouvernement fédéral a des responsabilités.

Je rappellerais notamment au député de Mont-Royal que l'article 2 du Code canadien du travail définit un certain nombre de concepts qui sont présents dans cette loi et que la première définition dont il est question dans ce Code canadien du travail concerne les entreprises fédérales. Et je me permettrai, M. le Président, de la lire.

Alors: «Est donc considérée une entreprise fédérale: les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d'activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment ceux qui se rapportent à la navigation et au transport par eau, entre autres à ce que touche l'exploitation de navires et le transport par navire partout au Canada».

Alors, M. le Président, je suis un peu étonnée d'entendre un certain nombre d'interventions depuis quelques jours où on reproche au gouvernement du Québec d'avoir rappelé ses responsabilités, dans le dossier du port de Montréal, au gouvernement fédéral. Et ce n'est pas d'essayer de se défiler. Au contraire, c'est de faire en sorte que tout le monde prenne les responsabilités qui lui reviennent pour régler la situation à laquelle nous faisons face au port de Montréal.

Je rappellerais aussi à cette Assemblée et aux gens qui nous écoutent que, heureusement ? heureusement ? nous avons alerté le gouvernement fédéral dans ce dossier, parce que, jusqu'à hier, il n'avait pris aucune initiative pour exercer ses responsabilités quant à ce conflit au port de Montréal. Et c'est parce que nous sommes intervenus à différents niveaux... j'indiquerais d'ailleurs aux membres de cette Assemblée qu'il m'a fallu un bon 24 heures à rejoindre la ministre du Travail, ma vis-à-vis, Claudette Bradshaw, et que c'est parce que je lui ai demandé de faire en sorte que, par exemple, les requêtes en accréditation, qui sont actuellement déposées au Conseil canadien des relations industrielles, devraient être traitées avec beaucoup de diligence que des mesures ont été prises.

C'est parce qu'il y a eu des communications entre le sous-ministre du Travail, le sous-ministre des Transports, avec leurs vis-à-vis fédéraux qu'il y a eu des gestes et qu'il y aura, j'imagine, d'autres gestes posés par le gouvernement fédéral. Et, d'aucune manière, dans ce dossier-ci, le gouvernement fédéral a pris l'initiative, alors qu'il a une très large part de responsabilité dans la résolution de cette situation.

Ceci étant dit, M. le Président, je voudrais également rappeler qu'il s'agit bien sûr ? et je pense que tous les membres de cette Assemblée le constatent ? d'une situation qui est intolérable, qui met en cause la sécurité des gens, qui met en cause le droit de travailler des gens, qui met en cause aussi les possibilités pour les entreprises de continuer leurs activités normalement, qui, donc, perturbe l'économie québécoise, mais également les relations entre les personnes qui sont concernées dans cette situation.

Je conviens tout à fait que cette situation nous ramène à des problèmes qui sont identifiés depuis un certain temps dans l'industrie du camionnage et je voudrais rappeler aux gens... Oui?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! À ma droite, là, ça m'incommode un peu. Si vous voulez porter attention au discours que Mme la ministre prononce actuellement. À ma gauche, au fond, et sur le côté, pour être plus juste.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. J'avoue que j'étais incommodée moi-même, et je vous en remercie.

Donc, je disais que le gouvernement est préoccupé par un certain nombre de problématiques qui sont vécues dans l'industrie du camionnage et qui se sont exprimées de toutes sortes de manières au cours des dernières années. C'est la raison pour laquelle mon collègue ministre d'État aux Transports a initié, et avec ma collaboration entière, un certain nombre de travaux pour résoudre les problèmes auxquels l'industrie du camionnage est confrontée, et ces travaux ont donné lieu à un forum sur le camionnage, ont donné lieu également à l'adoption d'une loi qui permet donc de créer un lieu permanent où les gens de l'industrie, quels qu'ils soient, que ce soit du côté des entreprises ou alors du côté des travailleurs de l'industrie du camionnage... donc, un lieu permanent pour tenter de résoudre un certain nombre de difficultés nouvelles, plus modernes, qui sont vécues dans l'industrie du camionnage.

C'est donc un élément extrêmement important qu'il nous faut rappeler, il y a donc eu beaucoup d'efforts de la part du gouvernement du Québec pour essayer de pallier aux difficultés qui sont vécues dans le secteur. Parce que, j'en conviens, je conviens que le secteur du camionnage a été particulièrement bouleversé ces dernières années. C'est un secteur qui est extrêmement sollicité par notre économie; nous faisons beaucoup plus d'exportations, nous faisons beaucoup plus de transport à l'extérieur de nos frontières, les exigences envers cette industrie-là sont extrêmement importantes, et ça crée un certain nombre de difficultés, notamment en lien avec les conditions de travail, et le gouvernement du Québec s'y est attardé.

Et d'ailleurs, lors d'une rencontre avec les membres de ce forum sur l'industrie du camionnage en présence de mon collègue ministre d'État aux Transports et de moi-même, en février dernier, j'avais pris l'engagement ? et c'est un engagement que je vais réaliser bientôt ? de clarifier, au niveau du Code du travail du Québec, le concept d'«entrepreneur dépendant», parce que nous en convenons, qu'un salarié tel que défini par le Code du travail du Québec depuis un très grand nombre d'années ne correspond pas aussi bien à la réalité que nous voudrions couvrir par ce Code du travail en l'an 2000. Et ça, je m'y suis engagée.

D'ailleurs, c'est un problème que j'ai exposé dans les orientations au sujet d'une éventuelle réforme du Code du travail, où il est dit ? et je vais en citer quelques extraits ? qu'il y a eu, donc, des travaux récents sur les conditions de travail des camionneurs propriétaires, du secteur du transport en général, qui ont été réalisés dans le cadre du Forum sur le camionnage qui démontrent, d'une part, que ceux qui travaillent en exclusivité pour un donneur d'ouvrage ? des travailleurs ou des travailleuses autonomes ? à prime abord, bénéficient d'un revenu déclaré sensiblement inférieur à des camionneurs salariés, qu'à peu près 44 % des travailleurs travaillant en exclusivité pour un donneur d'ouvrage gagnent moins de 25 000 $ par année et que... Donc, je termine un extrait de ce document où nous disions, comme hypothèse de solution, que le concept de «salarié», qui est la porte d'entrée au régime des rapports collectifs du travail, qui est prévu au Code, devrait être élargi pour couvrir les entrepreneurs dépendants, comme le fait d'ailleurs le Code canadien du travail depuis 1973.

Donc, l'hypothèse qui est émise dans ce document, c'est d'assimiler aux salariés toute personne qui fournit ses services ou exécute un ouvrage selon des modalités telles qu'elle est placée en situation de dépendance économique vis-à-vis celle qui l'emploie. Alors, il s'agit donc d'un autre enjeu, d'une autre réalité sur laquelle nous allons intervenir au cours des prochaines semaines et au cours des prochains mois.

n(17 h 10)n

Dans ce conflit... Enfin, nous utilisons le mot «conflit», mais je me permets de préciser qu'il ne s'agit pas d'un conflit de travail au sens du Code canadien du travail et même du Code québécois du travail, mais plutôt d'un bris de contrat de travail entre deux parties. C'est une situation très particulière, certains de mes collègues de l'Assemblée nationale l'ont exprimé, il ne s'agit pas d'associations syndicales dûment accréditées. Je rappellerai que le Syndicat national du transport routier, SNTR-CSN, a déposé plus de 50 requêtes en accréditation au cours des derniers mois auprès du ministère du Travail du Québec, mais également auprès du Conseil canadien des relations de travail, et que c'est un peu normal que ces demandes d'accréditation soient traitées et que nous exigions qu'elles soient traitées avec beaucoup de diligence, puisque, à ce moment-ci, on peut présumer que la majorité des entreprises qui sont interpellées par ces requêtes d'accréditation sont sous la juridiction fédérale.

Alors, je disais donc que cette situation m'interpelle comme membre du gouvernement et m'interpelle à titre, évidemment, de ministre du Travail. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, je suis intervenue de manière très ferme, sereine mais ferme, auprès de ma vis-à-vis fédérale pour faire en sorte qu'elle prenne toutes les mesures à sa disposition permettant donc que le Conseil canadien des relations du travail prenne les décisions qu'il faut quant aux requêtes d'accréditation qui sont devant ce Conseil canadien des relations industrielles.

Nous sommes également interpellés quant à nos valeurs au sujet du travail. Je pense que nous avons, au Québec, acquis un certain nombre de droits et de pratiques que les gens, les hommes et les femmes du Québec, acceptent très bien. Une de ces valeurs, c'est le droit de s'associer pour négocier collectivement ses conditions de travail. C'est plus qu'une valeur, c'est inscrit dans nos lois, et d'aucune manière ? je pense que les gens savent que nous sommes en démarche actuellement pour moderniser le Code du travail du Québec ? nous ne voulons reculer sur ce droit important que les gens ont de se regrouper, de se mettre ensemble pour négocier collectivement leurs relations de travail.

Nous avons également une histoire, au Québec, quant à notre droit d'expression, quant à nos manières de manifester nos désaccords, et je pense qu'il y a une très grande ouverture des hommes et des femmes et des autorités publiques également, lorsque des citoyens, des citoyennes, des travailleurs, des travailleuses ? en fait, peu importe les gens... que ces gens puissent exprimer leur désaccord par rapport à des pratiques dans les milieux de travail, par rapport à des politiques gouvernementales, par rapport à des législations.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Écoutez, là, quand quelqu'un parle, il n'y a rien de plus déplaisant que d'entendre des gens qui parlent entre eux. S'il vous plaît! Mme la ministre.

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Curieusement, j'en étais au droit d'expression!

Alors donc, je pense que les hommes et les femmes du Québec et les autorités publiques savent très bien et vivent très bien avec le fait que nous ayons, à des moments, des concitoyens, des concitoyennes qui expriment leur désaccord dans des milieux de travail, dans des milieux de vie, dans des communautés, dans des villes, devant le parlement du Québec, devant nos bureaux de comté, de députés. Je pense que c'est une réalité avec laquelle nous acceptons de vivre, parce que nous acceptons le fait que les gens ont le droit de s'exprimer et d'exprimer, de toutes sortes de manières, leur désaccord. Quelquefois, ils le font plus fermement, quelquefois avec une certaine capacité d'image, quelquefois ils le font avec humour, ils le font en déposant des pétitions à l'Assemblée nationale. C'est une réalité, et c'est ce qui nous distingue et c'est ce qui fait que nous sommes véritablement une société démocratique.

Maintenant, ce droit d'exprimer un inconfort, un désaccord, des revendications, des demandes, des réalités qui sont difficiles à vivre, il a des limites, et ce droit de s'exprimer, ce droit de manifester cohabite avec d'autres droits. Et je pense que c'est ça actuellement qui, tant qu'à moi, nous heurte énormément. Il y a des camionneurs, donc, qui travaillent dans des entreprises qui sont dans le port de Montréal, qui ne sont pas satisfaits d'un certain nombre de choses, qui ont décidé de prendre des procédures pour se regrouper, s'accréditer, qui veulent exprimer au public leur inconfort par rapport à certains éléments de leur vie et de leur travail, c'est une chose. Mais, à ce moment-ci, ils sont en train de poser des problèmes à d'autres personnes, et je pense qu'il y a là une question éthique fondamentale. Je ne ferai pas la liste des entreprises qui sont actuellement... des entreprises, mais également des hommes et des femmes, des hommes et des femmes qui travaillent dans des entreprises et qui se demandent si on va les retourner chez eux parce que l'entreprise n'a pas le matériel qu'il faut pour poursuivre sa production. Alors, on est en train de jouer avec le droit des autres d'exploiter une entreprise et de gagner leur vie. Et là on a donc deux droits qui s'affrontent et deux droits qui cohabitent mal ensemble.

Alors, je pense que, comme ministre du Travail, j'ai la responsabilité, c'est la loi qui me la confère, de voir à ce que les relations de travail au Québec soient harmonieuses, et nous avons, comme membres de ce Parlement, la responsabilité de faire des arbitrages lorsqu'il y a des droits qui s'affrontent. Malheureusement, j'en suis vraiment désolée... parce qu'il y a beaucoup d'organisations syndicales qui vivent des situations difficiles mais qui trouvent des moyens corrects, adéquats et qui ne contreviennent pas aux droits des autres. Ça contrevient beaucoup au syndicalisme québécois, ce type de moyen de pression qui fait en sorte que d'autres sont affectés dans leur quotidien. Et il y a là pour moi une question fondamentale qui est posée par ces moyens de pression qui sont utilisés actuellement au port de Montréal.

Je dirais qu'il y a un autre élément, comme ministre du Travail, qui m'interpelle. Nous savons tous que la plupart des gens, actuellement, qui exercent ces moyens de pression ne sont pas dans des associations syndicales dûment accréditées. On ne peut pas demander le respect des procédures en matière d'accréditation de la part des employeurs et ne pas les respecter nous-mêmes. Il y a là un problème de fond. M. le Président, je vous rappelle que la CSN, dans ce cas-ci, a déposé une bonne cinquantaine de demandes d'accréditation. Ces procédures-là ne sont pas terminées. Nous avons initié des démarches auprès du gouvernement fédéral pour que le gouvernement fédéral procède correctement mais dans les meilleurs délais. Mais ces associations-là ne sont pas encore accréditées et ces associations-là décident de contourner cette manière que nous avons de négocier collectivement des conditions de travail. Et ces mêmes personnes ? et je connais de ces représentants ? nous font des reproches et font des reproches à des employeurs qui mettent des oppositions à une requête d'accréditation. Alors, on ne peut pas, d'un côté, ne pas respecter ces procédures minimales de requête en accréditation et demander à d'autres de les respecter intégralement. Alors, ça pose pour moi un deuxième problème comme ministre responsable du Travail.

Je suis également interpellée à titre de ministre responsable de l'Emploi. Vous savez que j'ai la chance non seulement d'être ministre responsable de l'Emploi, mais la chance d'être à la tête d'une organisation qui s'appelle Emploi-Québec, qui, soit dit en passant, a des résultats de plus en plus intéressants qui font la différence pour les entreprises québécoises et pour les personnes quant à leurs besoins sur le marché du travail. Et j'ai récemment pris connaissance d'un certain nombre de travaux qui ont été supportés par Emploi-Québec, des travaux qui ont été menés par le Comité interrégional pour le transport des marchandises. Ce Comité est composé de conseils régionaux de développement, trois, qui sont donc dans la grande région métropolitaine: celui de l'île de Montréal, le CRD de Laval-Laurentides-Lanaudière et également le CRD de la Montérégie. Emploi-Québec donc supporte ce Comité-là, parce que les enjeux de transport pour Montréal, pour la métropole et pour le Québec, ils sont fondamentaux. Et c'est ça qui va nous permettre de demeurer dans le peloton de tête en termes économiques.

C'est donc un élément sur lequel ce Comité s'est penché et qu'Emploi-Québec a supporté. Et ce Comité vient très récemment, au printemps dernier, de déposer un diagnostic sur la question du transport des marchandises dans le territoire de la métropole, un diagnostic qui est extrêmement intéressant et qui nous rappelle ? et certains d'entre nous l'ont rappelé également ici ? que Montréal, d'abord la grande région de Montréal, comporte les trois quarts des entreprises qui font de l'exportation, par rapport à tout l'ensemble du territoire québécois, qui nous rappelle également que nous avons un atout extrêmement important par ce port de Montréal, un port qui est donc polyvalent, qui permet le transport de marchandises générales, de céréales, de produits pétroliers, du vrac solide, liquide, etc., que ce port, évidemment, il est à la frontière... ce n'est pas l'expression appropriée, mais qui donne vraiment un accès rapide pour le continent américain, mais également qui est d'un intérêt très grand pour l'Europe, que le port de Montréal, en termes de croissance, se compare très avantageusement par rapport aux ports du continent nord-américain. On parle d'une croissance d'à peu près 7 % à chaque année de ce port de Montréal. C'est donc un moteur de développement extrêmement important qu'il nous faut traiter avec beaucoup de soins.

n(17 h 20)n

Je pense que la situation que nous vivons actuellement n'est vraiment pas dans le sens de donner toutes les possibilités au port de Montréal de faire en sorte que les entreprises puissent y avoir accès, et je pense également que les entreprises ont le droit actuellement de recevoir et de pouvoir expédier leurs marchandises.

Je termine simplement en rappelant que, heureusement ? heureusement ? le gouvernement du Québec, par l'entremise de sa fonction publique, par l'entremise de ses ministres, est intervenu auprès du gouvernement fédéral pour qu'il assume, lui également, ses responsabilités.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la ministre, de votre intervention. Nous poursuivons le débat, et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de transports et député de Shefford. M. le député, la parole est à vous.

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Ce qu'on vient d'entendre, de l'autre côté de la Chambre, de la part des deux ministres ? ministre des Transports et ministre du Travail ? c'est de longues minutes de justification de la raison pour laquelle ils ne sont pas intervenus. En fin de compte, ils disent: Oui, nous sommes intervenus de telle façon, de telle façon. M. le Président, ce qu'on essaie de faire de l'autre côté, c'est tout simplement de noyer le poisson.

Puis je pense, M. le Président, pour bien se comprendre, qu'il faut refaire l'agenda depuis la semaine dernière. Cette grève-là a commencé lundi, il y a 10 jours environ, et on a pris connaissance, vous et moi, M. le Président, dans quelques articles de journaux, par exemple dans le Journal de Montréal et dans le journal La Presse, des manifestations... On peut appeler ça une manifestation et non une grève, M. le Président, parce que c'est des gens qui ne sont pas syndiqués. Donc, ce n'est pas une grève, c'est plutôt une manifestation. Donc, ça rentre plutôt dans la catégorie d'ordre public plus que négociation syndicale.

Donc, lundi, il y a 10 jours, la grève a commencé. On en a entendu parler durant la semaine. Moi, j'ai eu un premier appel, M. le Président, jeudi dernier concernant ce dossier-là. La compagnie Raleigh, qui fait des bicyclettes dans mon comté, M. Edwards m'appelle et me signifie le danger pour les emplois de la compagnie, qu'elle ne peut s'approvisionner étant donné que le port de Montréal était bloqué.

La même journée, M. le Président, une autre compagnie, une compagnie du comté du chef de l'opposition, la compagnie Amecci, par l'entremise du bureau du chef de l'opposition, me signifie également qu'elle a des difficultés d'approvisionnement à partir du port de Montréal.

Donc, à partir de ce moment-là, M. le Président, j'appelle le ministre des Transports. Le ministre des Transports, j'attends encore son appel à ce sujet-là, et je pense qu'il ne s'en est pas occupé. Tantôt, la ministre du Travail disait que ça avait pris 24 heures, avoir communication avec le fédéral. On s'aperçoit que les communications sont plus vites entre le provincial puis le fédéral, parce que, au provincial, ici, on dirait qu'il n'y a aucune communication. Donc, j'attends toujours un retour d'appel de la part du ministre. J'ai aussi laissé le message à l'attaché politique, qui, lui aussi, ne me rappelle pas. Peut-être qu'il me rappellera durant mon discours.

Vendredi dernier, M. le Président, étant donné que j'étais sans nouvelles du gouvernement du Québec dans la crise au port de Montréal, j'ai pris communication avec les gens du syndicat, les gens du syndicat qui m'ont fait un portrait à peu près de ce qui se passait là-bas, me soulignant toujours que le ministre des Transports, jamais entendu parler.

J'ai communiqué aussi avec les gens du port de Montréal, avec des donneurs d'ouvrage, avec des camionneurs. Ces gens-là m'ont tous signifié qu'ils attendaient une réponse du ministre des Transports; ils n'avaient pas entendu parler de lui. Pas un mot du ministre des Transports, M. le Président.

À partir de ce moment-là, moi, je suis intervenu. J'entendais tantôt le ministre du Transport disant qu'il était intervenu, il avait dit telle chose, telle chose, telle chose au fédéral, au syndicat. Il n'a pas dit la date qu'il est intervenu, M. le Président, mais je peux vous dire que ce n'était pas la semaine passée, c'est à partir de la question du chef de l'opposition de mardi.

Et, M. le Président, c'était déjà public, l'intervention de l'opposition dans ce cas-là. J'ai un article du journal La Voix de l'Est ? il s'adonne que c'est dans mon comté ? suite à une entrevue que j'avais donnée vendredi de la semaine passée, et je peux vous citer un petit passage pour vous mettre en situation: Des milliers d'emplois. «Le nouveau porte-parole des transports au Parti libéral, le député Bernard Brodeur, déplore vivement l'attitude du ministre des Transports, Guy Chevrette, dans ce dossier. Selon lui, il n'y a pas que Raleigh dans cette situation, il y a, entre autres, une mine à Asbestos qui pourrait être contrainte d'effectuer 500 mises à pied si le conflit n'est pas réglé d'ici la fin de semaine.» Donc, faute de retourner l'appel, faute de m'écouter, j'espérais qu'il lise le journal ou peut-être qu'il écoute un poste de radio où j'avais donné une entrevue.

Mais donc, M. le Président, toujours aucun signe de vie de la part du ministre. On se retrouve mardi, à la période de questions, et là le chef de l'opposition pose la question au ministre des Transports, voir ce qu'il faisait avec ce conflit-là. M. le Président, vous étiez là, puis je pense que tous les collègues, ici, étaient présents. Ils ont été surpris, je pense qu'ils ne savaient même pas qu'il y avait un conflit dans le port de Montréal. À ce moment-là, on en a entendu des bonnes, là. Par exemple, à tout hasard, j'ai sorti les galées de la période de questions, et là on en a entendu quelques-unes, une bonne. Là, il disaient: «Bien, on fera rapport au premier ministre et on vous arrivera demain avec une solution.» Ça, ils ont dit ça vers 14 heures, l'après-midi, que demain ils étaient pour nous arriver avec une solution. Ça, c'était hier. Et, ensuite de ça, ils ont même dit autre chose: «Mais il est vrai que, si ça ne règle pas le problème, il y aura d'autres solutions de présentées au premier ministre d'ici 17 heures.» Tout ça, ça s'est dit vers 14 h 15, l'après-midi. On attendait la solution peut-être à 17 heures, peut-être le lendemain.

M. le Président, ce qui est arrivé... C'est assez simple, ce qui est arrivé. À 17 heures, ils ont convoqué un point de presse, le ministre des Transports s'est présenté là, et la réponse a été... Il y avait quelqu'un de notre parti qui était présent à la conférence de presse du ministre des Transports, et j'ai le résumé ici. Premièrement: «Ce n'est pas de nos affaires, c'est de juridiction fédérale. Donc, on ne s'en occupe pas.» Deuxièmement: «On m'a demandé de ne pas se mêler de ce conflit-là.» Le syndicat lui avait demandé de ne pas se mêler de ce conflit-là. Ensuite de ça, il a dit... Bien, il interpelle Jean Chrétien. Il a interpellé Jean Chrétien pour convoquer un conseil des ministres pour régler le problème du port de Montréal, et ça, c'était sa réponse, c'était la solution, là, qu'il était censé nous amener à 14 heures.

Un peu plus tard, M. le Président, aux débats de fin de séance, le ministre des Transports, en réplique au député de l'opposition, nous disait encore une fois... Puis je vais vous résumer ça en deux phrases. Premièrement: C'est la faute du fédéral. Deuxièmement: On ne nous a pas demandé de s'occuper de ça.

M. le Président, je comprends qu'il ne s'en est pas occupé puis qu'il ne voulait pas s'en occuper. Puis, quand il nous disait, tantôt, que c'est depuis la semaine passée qu'il donnait des coups de téléphone là-dessus, je vais vous citer le journal de la CSN de cette semaine ? pas de la semaine passée, là, cette semaine ? et je vous lis un passage, une citation du président du syndicat, Mario Thibeault, celui qui s'occupe du conflit. «Chevrette a dit qu'il n'interviendrait pas. Je lui réponds qu'on n'a pas besoin de lui. Dans le meilleur des cas, c'est à la ministre du Travail de faire les changements nécessaires.»

Donc, M. le Président, là, on s'adresse à des ministres très provinciaux, là, on n'interpelle pas le fédéral. En fin de compte, il avoue, et puis il a avoué, mardi, qu'il ne voulait pas s'occuper de ce conflit-là, puis il ne s'en est pas occupé, peu importe ce qu'il a dit tantôt. Donc, tout simplement pour vous dire que ce conflit-là, on sait qu'il y a une accréditation fédérale qui était demandée, mais aussi, c'est un conflit qui est de compétence du gouvernement du Québec.

Vous le savez, M. le Président, vous avez une formation juridique, c'est quoi, l'ordre public. Présentement, on a un groupe de gens au port de Montréal qui troublent l'ordre public, qui empêchent des entreprises de fonctionner, ce qui fait en sorte que des travailleurs du Québec sont mis à pied, et tout ce qu'on a trouvé à dire: C'était la faute du fédéral. Si je prends un exemple au hasard, s'il y avait une auto d'Agriculture Canada qui circule sur la 20, qu'il y a un accident, la Sûreté du Québec, si on se fie aux propos du gouvernement, ne pourrait pas intervenir, il faudrait que ça soit la GRC.

n(17 h 30)n

Donc, ça n'a pas de bon sens, M. le Président, c'est des compétences du gouvernement du Québec. L'ordre public, c'est de compétence du gouvernement du Québec. On se souviendra de la loi n° 130, qui a été adoptée le printemps passé, qui interdit à des gens de bloquer des routes. Ça, c'est une loi qui a été faite suite au blocus des camionneurs. Donc, cette loi-là s'applique toujours, et c'était d'intérêt public. On oublie le côté syndical, on oublie le côté accréditation, c'était le devoir du gouvernement du Québec de s'en occuper, pas deux semaines après, dans les plus brefs délais, parce qu'il y avait des conséquences et des torts irréparables qui étaient pour survenir.

Donc, M. le Président, pendant que le gouvernement, là, disait que c'était la faute du fédéral, puis on avait demandé de ne pas intervenir, pendant ce temps-là, à Montréal, le port était bloqué. Encore hier et encore ce matin, en fin de compte, les gens qui voulaient entrer au port de Montréal et prendre possession des conteneurs recevaient des injures, des menaces. On a même pris des photos, des vidéos. En fin de compte, les camionneurs étaient excessivement intimidés.

Donc, M. le Président, je veux rajouter autre chose aussi. Tantôt, j'ai entendu le ministre des Transports nous dire: Oui, mais il y avait le Forum sur le camionnage. Je parlais justement à des gens de la CSN durant la semaine, à Montréal, qui me disaient: Oui, mais son Forum sur le camionnage, c'est parce que la première réunion a eu lieu il y a deux semaines. En fin de compte, pour ainsi dire, il n'avait pas convoqué personne, il n'avait pas pris les devants pour prévenir ce genre de choses là. Donc, en plus de ne pas avoir convoqué le Forum sur le camionnage dans un temps que je pourrais qualifier de raisonnable, en plus, il y a le problème de l'essence, aussi, qui ne semble pas tellement préoccuper le gouvernement mais qui préoccupe aussi les camionneurs.

M. le Président, donc, à la suite de ça, les conséquences ont été énormes sur l'économie du Québec. Pour faire une image un peu de ce qui se produit présentement au port de Montréal ? vous savez, M. le Président, que le port de Montréal, c'est un port important, surtout dans le domaine des conteneurs ? juste pour faire un exemple, on entendait le ministre des Transports, il y a quelques minutes, nous dire qu'il y avait 13 000 conteneurs d'accumulés dans le port de Montréal. Juste pour vous imager un peu, il y a présentement à Montréal des trains de 2 mi de long, autant du CN, du CP, plein de conteneurs qui bloquent les voies. On sait aussi même que, souvent, des conteneurs venant du Japon ou d'ailleurs, de la Chine... Tous les pays qui entourent cette section-là du monde envoient leurs conteneurs à Vancouver. On est en train de remplir le port de Vancouver aussi de conteneurs. Donc, ça a une importance, là, ça a un effet domino partout en Amérique du Nord, le fait qu'on bloque le port de Montréal.

Donc, il y a ce côté-là. Le port est complètement congestionné. Ça a des effets surtout sur les entreprises. Je vous l'ai dit tantôt, M. le Président, et je l'ai posé ici à la période de questions, mardi dernier, l'effet est énorme. Je parlais de Raleigh, dans mon comté, dans la ville de Waterloo, qui a été obligée de mettre 60 personnes à pied dès vendredi dernier. Agropur aussi, dans mon comté, qui importe des fromages fins d'Europe, a des millions de dollars de fromage dans les conteneurs. Ce n'est pas toujours agréable à des compagnies d'avouer ça, mais c'est un peu un hasard, puis je vous le raconte juste pour le plaisir de le raconter. J'étais en train de travailler ce dossier-là du port de Montréal. Et, moi, en fin de semaine, j'ai une activité-bénéfice, une dégustation de vins et fromages, et figurez-vous, M. le Président, que, lundi soir, à 17 heures, on m'appelle chez moi d'Agropur et on dit: M. Brodeur, on a un problème. Vos fromages sont dans un conteneur dans le port de Montréal, puis on ne peut pas aller les chercher. Ça fait que c'est comme ça que j'ai appris qu'il y avait énormément de produits périssables qui sont encore pris dans le port de Montréal.

M. le Président, ce n'est pas tout. On a entendu le député de Richmond, à la période de questions de mardi, poser sa question sur les mines Jeffrey, par exemple, à Asbestos, où des centaines d'employés ont été mis à pied. La même chose est arrivée hier à Black Lake, à Thetford Mines, et c'est des milliers d'emplois qui ont été, du moins pour un certain temps, perdus. Pire que ça, en plus, en ce qui concerne ce genre de commerce là, on sait que les compétiteurs de ces compagnies-là, la mine Jeffrey, par exemple, c'est des compagnies qui sont en Russie ou au Brésil, et, pendant ce temps-là, c'est des compétiteurs qui prennent le marché. Et ça, ça a un effet direct sur la conservation des emplois dans les secteurs de Richmond, Asbestos, Thetford Mines, Black Lake. Donc, c'est excessivement important.

M. le Président, déjà, moi, hier... Le ministre a nommé certains noms de compagnies qui étaient affectées, mais c'est des centaines de compagnies qui sont affectées. Déjà hier matin, j'avais une information déjà que des compagnies n'en pouvaient plus, où leurs opérations étaient excessivement dérangées par ce conflit-là. On parle des compagnies Montab, de Pointe-Claire, Infasco, les Vins Dumont, QIT, à Tracy, Norsk Hydro ? ça, c'était hier matin, je n'ai pas la liste de celles qui se sont rajoutées aujourd'hui, là ? les produits Hardee, Komatsu ? vous vous souvenez, les pelles mécaniques, là, puis les produits... machinerie lourde ? Canada-Wide, Sears, Brooks, à Magog, Neuman Aluminium, Kruger, à Bromptonville, Orica, à Brownsburg, le Groupe Noranda, Catelli, à Montréal, Oceanex, le Transport Rolex, de Varennes, dans le comté du vice-premier ministre, qui a un chiffre d'affaires, une compagnie qui a un chiffre d'affaires de 12 à 13 millions par année, qui est paralysée, à Varennes. Puis j'imagine... je ne sais pas si on a fait signe, on a donné signe de vie au ministre des Finances, on n'a pas entendu parler de lui. C'est une entreprise très importante de ce comté-là. On n'a pas entendu parler le ministre des Finances. On sait qu'il est responsable de la SAQ. À la SAQ, c'est la panique présentement. On a stocké des bouteilles à Montréal, il fallait absolument que ça bouge.

Donc, M. le Président, ce n'est pas seulement... ce n'est pas un petit conflit, c'est un conflit qui a un impact majeur sur l'économie du Québec, sur les emplois du Québec. Ça va plus loin que ça. Le port de Montréal, vous le savez, vous êtes un résident de Montréal, c'est un port excessivement important en Amérique du Nord, surtout dans le transport de conteneurs. Montréal est situé dans un endroit stratégique en Amérique. Dans le Saint-Laurent, on passe par Montréal pour aller à Toronto, pour aller à Chicago, pour aller à Détroit. On prend même les conteneurs qui viennent de l'Orient, on les amène par le chemin de fer venant de Vancouver. Donc, jusqu'à date, le port de Montréal jouissait d'une réputation enviable au niveau international. On entache cette réputation-là. On entache cette réputation-là parce qu'on a attendu trop longtemps. C'est souvent la méthode du gouvernement d'attendre jusqu'à l'extrême limite. Pour ne pas faire de jeu de mots, on l'a vu dans la crise du porc, p-o-r-c, puis c'est la même chose dans la crise du port, p-o-r-t, on attend qu'il y ait des torts irréparables.

Le port de Montréal reçoit 39 % des conteneurs provenant d'Europe qui s'en vont en Amérique. M. le Président, c'est excessivement important, et il y a d'autres ports de mer d'Amérique du Nord qui sont jaloux, qui sont jaloux. Le port de New York, par exemple, doit se taper dans les mains du conflit qu'il y a à Montréal. Je parlais à des gens qui sont dans l'importation-exportation, naturellement qui utilisent le port de Montréal, et je parlais à un commerçant connu dans la région chez moi qui était à Paris la semaine dernière, et il y avait du lobby de la part du port de New York, qui disait: Bien, n'allez pas à Montréal, ça ne marche pas là-bas, ça n'a pas de bon sens, il y a des conflits de travail. N'allez plus là, allez à New York. Même Agropur se disait: Bien, les fromages, à l'avenir, on va les faire venir par New York, on va les faire venir ailleurs. C'est très grave, ce qui se passe. C'est la réputation du port de Montréal qui est entachée, ça va être des emplois qui seront perdus, ça sera la réputation de Montréal, la réputation du Québec qui sera entachée dans ce dossier-là.

Donc, M. le Président, je pense que, d'un autre côté aussi, c'est malheureux que ces gens-là se servent de ces moyens-là pour faire valoir des points. Après avoir écouté les propos de la ministre du Travail, qui nous a élaboré son point de vue sur le Code du travail du Canada, du Québec, l'accréditation, les propos de l'opposition vont plus loin que ça, c'est de l'ordre public. Donc, là, on n'insiste pas pour entendre parler de Code du travail, on connaît ça, le Code du travail, celui de... fédéral, le provincial. Ce qu'on aurait voulu entendre du gouvernement du Québec, c'est, lorsqu'il arrive des conflits dans ce genre-là qui affectent le Québec en entier, que c'est un conflit d'ordre public et qu'on se doit de réagir immédiatement... Le chef de l'opposition a demandé au gouvernement du Québec, a demandé au premier ministre, au ministre des Transports, il y a 48 heures, de réagir. Depuis 48 heures, il y a d'autres torts irréparables qui se sont faits au Québec, et la réaction a tardé. Je sais qu'il ne me reste que quelques minutes. Il s'agit aussi de demander à ces gens-là qui font le blocus à Montréal de bien vouloir obtempérer à cette loi-là. Quant à moi, ils auraient dû le faire il y a déjà deux semaines. On aurait pu se servir de la loi n° 130 aussi et la faire appliquer pour les arrêter, parce que, si on vote des lois, c'est pour les faire appliquer. Malheureusement, cette loi-là tombe, elle devra être acceptée et suivie... je ne dirais pas par les syndiqués, ce ne sont pas des syndiqués, ce sont des manifestants, et c'est pourquoi, à ce moment-là, il n'était pas question de rejeter la faute sur le fédéral, il n'était pas question de dire: On m'a demandé de ne pas intervenir. M. le Président, ça va plus loin qu'un débat syndical, c'est un débat d'ordre public. Il s'agit de se poser la question: Quel genre de sécurité publique que nous voulons, au Québec? Est-ce que c'est le laisser-aller, ou on intervient dans des cas qui sont aussi patents que celui-là?

n(17 h 40)n

Donc, il nous reste à demander à ces gens-là d'accepter le verdict de l'Assemblée nationale, soit l'adoption d'une loi d'exception, d'une loi extraordinaire, afin que tous les citoyens du Québec aient les mêmes droits. Ça, je parle des travailleurs partout au Québec, je parle des gens qui fournissent des emplois, je parle des gens aussi qui ont des camions, parce que ce n'est pas tout le monde qui est prêt à aller jusqu'à un tel point pour faire observer la loi et la justice. Donc, M. le Président, nous allons voter cette loi-là, et j'espère que, dès demain matin, 8 heures, les gens de la CSN vont observer la loi. Et, je le répète encore, pour la prochaine fois, j'espère que le gouvernement n'attendra pas qu'il y ait des torts irréparables de faits, j'espère qu'il va agir bien avant ça. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Shefford. Nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 157, loi ordonnant la reprise des services de camionnage au port de Montréal et aux gares intermodales de la région de Montréal, et je cède la parole à M. le député de Chicoutimi. M. le député, la parole est à vous.

M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aussi... C'est pour moi un devoir, évidemment, de prendre la parole aujourd'hui sur un sujet aussi important et aussi urgent que celui de l'adoption d'une loi spéciale.

En guise d'introduction, je vous dirais tout d'abord, en réponse un peu aux commentaires du député de Shefford, qu'il est toujours malheureux de tenter de récupérer de façon politique des situations comme ça qui sont navrantes pour tous. Vous savez, il n'y aura pas de gagnants de ce litige-là, ni les travailleurs qui sont en cause dans le conflit ni ceux qui subissent les conséquences de ce conflit-là. Alors, il est bien malheureux, là, qu'on tente de façon... Et mon collègue le député de Shefford le fait, celui de Mont-Royal le fait aussi, et je trouve ça un peu malheureux de tenter de démontrer ou de dire: On aurait dû agir de telle façon, quand on sait que tout a été fait de façon à tout d'abord responsabiliser les parties et de façon à éviter qu'on arrive à la situation qui se présente devant nous aujourd'hui.

Deuxièmement, je vous dirais que c'est une situation qui est fort complexe. Étant moi-même quelqu'un qui a été formé en droit du travail, qui a pratiqué le domaine, vous savez, on fait appel à des notions juridiques qui sont parfois peu évidentes, soit celles relativement à l'accréditation des deux côtés... qui sont prévues dans les deux lois, soit le Code canadien du travail et notre Code du travail. Donc, vous savez, c'est un problème qui était complexe tant par la nature du conflit qu'au niveau juridique, et il fallait arriver avec une solution, et c'est ce que nous présentons aujourd'hui.

Comme je vous disais tantôt, effectivement, une loi spéciale, c'est le moyen ultime. Et nous savons très bien ? vous sûrement plus que moi parce que vous avez encore plus d'expérience que moi en cette Chambre ? qu'une loi spéciale doit être utilisée avec beaucoup de parcimonie, parce que c'est une loi d'exception, utilisée dans des circonstances extraordinaires, donc que le gouvernement, à ce moment-là, doit évaluer toutes les conséquences de son geste et utiliser ce moyen qu'en dernier et ultime recours. Et c'est malheureusement la situation devant laquelle nous sommes actuellement.

Force nous est de constater, M. le Président, que tout a été tenté dans ce dossier pour ramener les parties à l'ordre, et principalement ceux qui actuellement agissent de façon illégale. On fait état que le gouvernement... Certains des collègues de l'opposition ont fait état que le gouvernement s'est saisi tard de la question. Or, il n'en est rien. Et je tiens à rassurer tant l'opposition que tous les citoyens du Québec, que le gouvernement du Québec et le ministre des Transports ont agi dès le début du litige. Et je vous dirais que j'en suis convaincu d'autant plus que moi-même... des entreprises de mon comté ont été et sont encore touchées par ce litige, et j'ai eu effectivement à faire des démarches afin de vérifier les solutions qui s'offraient au gouvernement et si on pouvait dénouer la situation qui se présentait à nous à ce moment-là.

Je vous rappellerai tout d'abord que, dès le début du conflit, des contacts ont été établis avec le CN et le Canadien Pacifique, et ça, de façon quotidienne, afin de vérifier l'étendue des dommages qui étaient causés et de la problématique, de façon à voir évoluer la situation de façon quotidienne. Des contacts aussi ont été établis avec le vice-président des ressources humaines.

J'entendais mes collègues dire que le port n'avait pas été contacté. Or, au contraire, la vice-présidente des ressources humaines a été contactée, dû au fait, entre autres, que le président était effectivement à l'extérieur du pays. Donc, il y a eu des contacts avec la vice-présidente des ressources humaines du port de Montréal de façon à évaluer très précisément l'étendue de la problématique. D'ailleurs, le sous-ministre aussi est intervenu auprès de la CSN, et divers contacts ont été établis de façon administrative entre le sous-ministre, les employés du ministère et ceux de la CSN.

Lundi de cette semaine, une rencontre a eu lieu entre le ministre Chevrette et l'Association des transporteurs de Montréal ? lundi de cette semaine, M. le Président ? et, mardi, une autre rencontre a été tenue entre le ministre et les représentants de la CSN afin d'amener les parties à se responsabiliser. Alors, on ne pourra jamais reprocher au gouvernement de ne pas avoir agi de façon responsable; il a tenté de provoquer des rapprochements.

Et vous me permettrez de saluer le travail du ministre des Transports, des Affaires autochtones et de la Faune ? le ministre du comté de Joliette ? du travail qu'il a fait dans ce dossier. Mais, vous savez, c'est un ministre, au cours de la dernière année, qui a vu plusieurs situations litigieuses se dérouler et qui a agi toujours avec responsabilité et avec détermination. Une, entre autres, on le sait bien ? on se le rappellera ? touchait celle des transporteurs, et personne au Québec ne reprochera au ministre de ne pas avoir agi de façon responsable, tout en...

Évidemment, c'est des situations où il faut bien évaluer, bien peser et doser nos interventions de façon à arriver à un règlement quand c'est possible. Souvent, le gouvernement, vous savez, a toujours cherché à arriver à des consensus avec les personnes ou les groupes avec lesquels il arrive parfois que nous ayons des litiges. Cette recherche du consensus a toujours guidé les actions, et c'est ce qui fait actuellement le succès de notre gouvernement, M. le Président. Vous le savez, nous cherchons toujours à tenter de trouver les solutions possibles qui vont satisfaire aux deux parties, et c'est ce qui a été tenté dans ce cas-là. Malheureusement ? malheureusement ? tous les avis ont été donnés, tous les efforts ont été faits, et il semble que le mouvement illégal s'est poursuivi et que rien ne peut y faire.

Donc, M. le Président, pourquoi une loi spéciale? À l'évidence, nous le savons bien, c'est une situation d'urgence qui a des impacts partout au Québec. Évidemment, ça touche le port de Montréal. Plusieurs de mes collègues rappelaient l'importance du port de Montréal, qui est une véritable plaque tournante au niveau du transport dans l'ensemble de l'Amérique.

Je vous rappellerai que c'est le plus important à l'Est de l'Amérique en termes de manutention de conteneurs: on parle de 1 000 à 1 200 conteneurs par jour, de tout près de 400 camions par jour qui font le transport. Donc, c'est un important port pour Montréal évidemment, parce qu'il a des retombées à Montréal et dans ses environs, mais pour toutes les régions du Québec, car plusieurs entreprises soit envoient ou reçoivent des marchandises à partir du port de Montréal. Et je vous dirais que, dans mon cas, effectivement, j'ai des entreprises dans mon comté ? le comté de Chicoutimi ? qui sont prises avec ce problème et qui se retrouvent dans une situation telle que l'ensemble de leurs opérations sont menacées actuellement.

On dit que c'est tout près de 13 000 conteneurs qui sont en attente au port. Donc, vous imaginez l'impact que ça peut causer à l'économie du Québec. D'autant plus qu'une des forces de notre économie est l'exportation, et c'est ce que nous avons été appelés à développer au cours des 30 dernières années, et parfois avec beaucoup de difficultés, mais maintenant, disons-le, avec grand succès.

Une grande partie de la réussite du Québec au plan économique est due à nos exportations, à la force de nos entreprises du Québec à l'extérieur du Québec. Donc, le fait que actuellement plusieurs marchandises sont bloquées dans le port, évidemment, cause un tort irréparable à ces entreprises. Et d'ailleurs, les gens responsables auront sûrement à répondre de la situation.

n(17 h 50)n

Vous savez, plusieurs entreprises ont été touchées, rappelons-le, M. le Président. Oui, les entreprises sont touchées, mais, avant tout, ce sont les travailleurs, car, malheureusement, le délai que cela a pris et les dommages qui ont été causés ont fait en sorte que plusieurs entreprises ont dû mettre à pied des employés. Je vous rappellerai ? on les citait tantôt ? Agropur ? on parle de plusieurs employés, une dizaine ? Argentor, Harnex, C.A. Spencer, Foresbec, Travel, beaucoup d'employés ont dû être mis à pied. Dans mon comté, on est actuellement dans une situation extrême qui fait en sorte qu'effectivement nous pourrions ? et même, on parlait d'Alcan un peu plus tôt, le ministre a parlé d'Alcan... donc, on est rendu dans une situation extrême qui peut effectivement conduire à des mises à pied.

Donc, vous savez, pour moi, le mouvement que font ces travailleurs est incohérent, parce que, tout d'abord, il est illégal, mais il cause un dommage aux entreprises, mais surtout aux travailleurs, à ces travailleurs qui seront mis à pied et à leur famille. Alors, vous savez, il y a des termes qu'on invoque souvent, soit le terme de solidarité. Eh bien, malheureusement, dans ce cas-ci, je crois qu'on ne peut que constater l'absence de solidarité envers ces autres travailleurs. Et, M. le Président, malgré toute la légitimité, tout le bon sens, je vous dirais, de certaines revendications qui peuvent être revendiquées par ces groupes, or, le moyen utilisé discrédite totalement la fin qu'ils recherchent. Donc, aujourd'hui, de la façon dont nous intervenons, nous intervenons pour ces entreprises, mais surtout pour ces travailleurs qui sont victimes de ces illégalités.

Je parlais d'incohérence, M. le Président, je vous dirais aussi que c'est encore plus étonnant, parce que ces employés ont utilisé le processus d'accréditation, processus qui a été mis en place pour protéger leur droit d'association d'ailleurs et pour faire en sorte qu'ils puissent s'associer collectivement et que leur droit de s'associer ne soit pas bafoué. Et seul Dieu sait que le Code du travail, à ce niveau-là, tant le Code canadien que notre Code du travail, est très progressiste et permet effectivement, d'une façon tout à fait correcte et tout en maintenant la paix industrielle, à ces employés de pouvoir s'associer collectivement.

Or, on bafoue, pendant ce processus, le droit que le processus cherche à reconnaître ? et c'est pour ça, M. le Président, que je vous parlais d'incohérence ? et c'est tout à fait illégitime, c'est tout à fait incohérent d'aller jusqu'à bafouer ce principe-là, parce que, de la façon dont ils agissent, ils contreviennent même, justement, à ce droit d'association en bafouant les règles qui balisent le droit d'association. Alors, M. le Président, évidemment, le gouvernement ne pourra en aucun cas tolérer cette irresponsabilité, cette provocation, ces illégalités. Il devra protéger les travailleurs du Québec, protéger les entreprises et s'assurer que la situation redevienne normale.

Comme gouvernement, M. le Président, comme citoyens du Québec, nous ne pouvons tolérer plus longtemps ces illégalités, et il est de notre devoir à titre de parlementaires en cette Chambre d'assurer la primauté du droit. La primauté du droit fait en sorte, M. le Président ? je vous le rappelle, mais je suis convaincu que vous le savez tout autant que moi ? que nous pouvons oeuvrer dans une société où on ne peut utiliser la violence et fait en sorte que la justice et le droit triomphent dans chaque occasion. Et, malheureusement, dans ce cas-ci, on bafoue ces règles-là, et il est de notre devoir à titre de parlementaires effectivement de ramener les principes qui assurent cette primauté du droit, tout en rappelant ? et je tiens à le dire, M. le Président ? que tout a été utilisé. Et il était du devoir du gouvernement et de son ministre d'utiliser tous les moyens qui étaient en leur pouvoir pour ramener les parties à la responsabilité et à la légalité, évidemment.

Or, toutes les discussions, toutes les rencontres, tous les rappels à l'ordre n'ont servi à rien, malheureusement, et nous sommes pris devant une situation où nous ne pouvons faire autrement qu'employer le moyen ultime, soit celui d'adopter une loi spéciale, une mesure d'exception.

Alors, j'inviterais aussi, en terminant, M. le Président, tous ceux qui auraient une influence ou un impact sur le débat actuel, auprès des gens qui sont concernés et qui agissent dans ce dossier, à la responsabilité. Et ça, c'est un devoir de citoyen d'inviter ces gens à... Évidemment, ils auront à respecter la loi spéciale, mais, auparavant, de toute façon, il existait, le Code du travail, il existe encore, le Code du travail qui fait en sorte que leurs droits sont respectés, et ils doivent s'en tenir au processus reconnu d'accréditation. Donc, j'invite les gens à la responsabilité.

Il en va évidemment de notre intérêt et de celui de l'ensemble de la nation, parce que plusieurs entreprises sont touchées, et, si on laissait continuer cette situation, à l'évidence nous serions devant une situation qui pourrait faire en sorte que l'ensemble des entreprises qui exportent et importent subiraient des conséquences qui sont irréparables. Alors, d'autres moyens sont entrepris justement par ces entreprises-là. Nous, actuellement, comme gouvernement, nous devons prendre une position énergique qui manifeste notre intolérance à cette irresponsabilité, à cette illégalité. Alors, M. le Président, il me fait plaisir d'appuyer cette loi spéciale.

Je suis heureux aussi de constater que mes collègues de l'opposition et le député de Rivière-du-Loup appuient aussi cette démarche, tout en souhaitant que ceux-ci ne tentent pas de récupérer de façon politique et plutôt de voir l'intérêt commun au-delà de tout ça, soit l'intérêt du citoyen, l'intérêt des travailleurs du Québec et l'intérêt de l'ensemble de notre nation. Alors, M. le Président, je vous remercie, et souhaitons que, dès demain matin, la situation redeviendra à la normale dans le port de Montréal. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chicoutimi, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 157, et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de tourisme et en matière de transport métropolitain. M. le député de LaFontaine, la parole est à vous.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. C'est en cette situation malheureuse que je vais donc faire ma première intervention à titre de nouveau porte-parole, en effet, non seulement du tourisme, mais du transport métropolitain, qui est, comme chacun le sait, la grande zone du Grand Montréal, ce qu'on appelle la CMM maintenant. Et, M. le Président, j'aurais préféré devoir faire une intervention dans des circonstances différentes de celle-là pour une première fois, car, en effet, de nombreux problèmes de la situation du transport, à Montréal en particulier, nous interpellent dans de nombreux autres dossiers... qu'être obligé de rester en Chambre ce soir pour régler ce genre de situation qui découle uniquement de l'inaction du gouvernement dans ce dossier.

Et je vais m'expliquer et je vais le dire, pourquoi. Les citoyens vont comprendre ainsi que les collègues, je l'espère. M. le Président, ce n'est pas un conflit qui est arrivé hier ou il y a 48 heures, c'est un conflit qui perdure depuis plusieurs mois. Il y a plusieurs mois, en effet, et presque une année qu'il y a un conflit latent dans le transport au Québec, le transport routier, à un tel point que le ministre nous disait précédemment qu'il avait cru nécessaire de créer le forum sur le transport, qui, selon lui, à l'époque, était la panacée de tous les maux, de tous les problèmes que connaissait le transport, il allait tout régler. Force est de constater, M. le Président, que là, à l'époque, c'étaient des voeux pieux, c'était rêver en couleur que croire qu'une structure créée par lui était pour régler un problème beaucoup plus profond.

Et, M. le Président, pourquoi je dis que c'est une situation qui date depuis très longtemps et que le gouvernement a manqué son coup, a manqué par son inaction d'éviter cette crise? Parce que tout le monde sait, la ministre du Travail le sait elle-même, qu'il y a eu, déposées au bureau du Commissaire général du travail, plusieurs dizaines de requêtes en accréditation venant de transporteurs camionneurs oeuvrant sur le transport de conteneurs et oeuvrant à partir du port de Montréal ou les ports intermodaux du Québec, y compris ferroviaires, à un point tel que même un commissaire du travail s'est penché sur un des cas en particulier et a reconnu que ces travailleurs, ces chauffeurs artisans étaient des employeurs au sens du Code du travail du Québec et, à ce titre-là, pouvaient être reconnus pour leur accréditation syndicale.

Alors, pourquoi ne pas avoir agi à ce moment-là? Et là on parle de 1999. On ne parle pas d'il y a 48 heures, on ne parle pas d'il y a 15 jours, on parle d'il y a presque une année. Donc, on se rend compte que le gouvernement a négligé son devoir de prévention à ce moment-là, son devoir d'action. Il le savait, qu'il y avait un problème, il savait qu'il y avait une situation probablement conflictuelle qui dégénérerait à un moment donné. S'il ne le savait pas, il n'a pas de vision, et là on devrait les changer, M. le Président, rapidement, le ministre des Transports et la ministre du Travail. Et, s'ils le savaient et qu'ils n'ont pas agi, c'est encore plus grave, c'est encore plus coupable.

n(18 heures)n

Et, M. le Président, ils nous disent maintenant: Bien, ça dépend du Code du travail du Canada. Alors là, vraiment, ça nous démontre qu'ils ne savaient pas ce qui se passait dans le port, ils ne savaient pas qu'il y avait des demandes d'accréditation. Pour justifier, par la suite, le ministre des Transports vient nous dire: Bien, écoutez, le syndicat est venu me voir puis il m'a dit: Touches-y pas pour l'instant, on va s'essayer avec le fédéral. Voyons donc! Devant une situation aussi explosive, aussi difficile, aussi porteuse du germe d'une crise de société, d'une crise de défi de l'ordre public et avec les implications, les conséquences économiques que ça peut avoir non seulement sur l'économie du Québec, mais sur l'emploi et sur le travail d'un grand nombre d'autres travailleurs québécois qui, eux, oeuvrent dans les entreprises qui ont besoin de ces transporteurs-là, eh bien, il n'a pas agi, il a préféré se cacher derrière le Code du travail canadien en laissant entendre que c'était un problème récent et qu'il n'y avait rien à faire avant. Il nous disait même tout à l'heure: J'aurais pensé que le forum que j'avais créé aurait pu régler ça. Belle affaire! Belle excuse!

Nous sommes devant une crise, une situation de crise, encore une fois, et ce que le gouvernement trouve comme solution, c'est encore la loi spéciale. Ah! bien sûr, c'est la règle, c'est la loi spéciale, c'est le sirop qu'on fait avaler à la dernière minute au malade en disant qu'il va arrêter de tousser. C'est vrai, M. le Président. Mais je pense qu'avant on aurait pu prendre des mesures préventives, le gouvernement étant au courant qu'il y avait des requêtes qui avaient été déposées ? parce qu'il était au courant, ça a été déposé au Bureau du Commissaire général du travail ? pour accréditation, qu'une requête au moins avait été entendue par un commissaire du travail. Eh bien, il aurait dû tout de suite nommer quelqu'un en charge de ce dossier-là, particulièrement pour voir à faire en sorte de régler cette situation.

Et là il y a un autre problème, M. le Président. Pourquoi les syndicats préfèrent aller vers le Code du travail du Canada plutôt que celui du Québec? Moi, je vais vous le dire, c'est très simple, la ministre elle-même nous l'a dit. La ministre du Travail nous disait tout à l'heure: Il suffit de faire une grève ou un arrêt de travail illégal bien sûr et que le patron, l'employeur s'assoie avec le syndicat et, de facto, on reconnaît l'unité de négociations. Eh bien, là c'est l'aveu même du problème de l'échec du gouvernement du Québec en relations de travail. Il y a plusieurs années que les principaux intervenants dans le monde du travail demandent à ce gouvernement de réformer le Code du travail du Québec, et particulièrement l'article 25 du Code du travail. Et pourquoi l'article 25 du Code du travail? Parce que c'est les articles 25, 26, 27 qui sont les articles qui font en sorte de réglementer, de réguler les accréditations syndicales. Et on a vu dans beaucoup de cas, particulièrement un cas qui a eu lieu entre les travailleurs d'un McDonald et leur employeur il y a quelques années, qu'au Québec, à cause de l'imprécision et à cause de la mauvaise formulation ou de la non-modernisation de la formulation de l'article 25, on pouvait avoir toutes sortes de mesures dilatoires d'un côté comme de l'autre, toutes sortes de manoeuvres afin de retarder ou de forcer une accréditation syndicale, ce qui amène inévitablement ou très souvent un conflit.

M. le Président, tout le monde demande au gouvernement de modifier l'article 25 du Code du travail, de changer le processus d'accréditation, et c'est même dans l'énoncé déposé par la ministre, le 28 février, ici, en cette Chambre, lorsqu'elle disait: Pour un Code du travail renouvelé. Alors, elle devait bien sûr, dans les mois de mars, avril, mai, juin, en discuter. On devait l'adopter avant la fin de la session. Tout ce qu'elle a trouvé le moyen de faire, c'est non seulement de ne pas l'adopter, mais de faire annoncer par un coulage dans un journal qu'elle reportait ça à plus tard. Nous sommes en session, bientôt à Noël, et elle n'a encore rien déposé dans ce qui concerne la réforme du Code du travail.

Et voilà un des effets pervers de cette inaction du gouvernement dans la réforme du Code du travail. Parce que, si l'article 25 était clair, clarifié et correspondait à la réalité du marché du travail au Québec, y compris des travailleurs salariés, des travailleurs artisans, eh bien, nous n'aurions pas ce problème-là sur le port de Montréal avec les transporteurs routiers ici, au Québec, parce que les gens préféreraient, à ce moment-là, faire affaire avec le Code du travail du Québec et ne diraient pas: J'ai déposé 22 requêtes ou 24 requêtes au ministère, mais touches-y pas pour l'instant, je vais m'essayer avec le fédéral, parce que c'est plus rapide. Je fais un arrêt de travail, l'entrepreneur s'assoit avec nous et, de facto, nous sommes reconnus. Voilà une des failles et un des problèmes, un des effets pernicieux de la non-action de la ministre du Travail et de son gouvernement dans la réforme.

M. le Président, aujourd'hui nous nous retrouvons devant cette situation où tout le monde ici, en cette Chambre, va devoir se lever pour voter une loi spéciale. Le public va dire: Bien, c'est normal, parce qu'il faut retourner au travail. C'est vrai, mais est-ce qu'il n'y aurait pas une autre manière au Québec d'agir avec plus de civilité, de faire en sorte qu'on n'oblige pas les travailleurs à se mettre dans ces situations-là? Après tout, ces travailleurs, ce sont des pères de famille, ce sont des gens qui honorablement gagnent leur vie, et très durement, qui font des grandes heures à conduire leurs camions, qui ont un métier difficile, dangereux sur la route. Ils sont poussés à bout. On les pousse à bout et, par la suite, M. le Président, on tombe dessus pour avoir l'air de sauver la population. Voilà ce que le gouvernement, il fait. Ils en font des boucs émissaires.

Mais ce n'est pas les travailleurs qui sont les coupables, c'est l'inaction du gouvernement, c'est l'inaction de la ministre du Travail, c'est l'incompétence du ministre des Transports dans ce dossier-là. Ce n'est même pas la ministre du Travail qui dépose un projet de loi sur les relations de travail, c'est le ministre des Transports. Il nous dit que, dans le temps, il enseignait à l'université le Code du travail ou je ne sais trop quoi. Il y a 22 ans, 23 ans que je le vois ici, en cette Chambre, M. le Président. Il me semble qu'il y a bien longtemps qu'il a dû enseigner ça, puis je crois qu'il a oublié de moderniser sa pensée, à ce moment-là.

M. le Président, il aurait été normal que ce soit la ministre du Travail qui dépose ce projet de loi là. C'est un projet de loi de relations de travail. Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait? Peut-être parce qu'elle n'est pas tout à fait d'accord, non plus, avec son collègue. Peut-être, je ne le sais pas. Mais il me semble que, normalement... Moi, si j'étais ministre du Travail, j'aurais au moins la responsabilité, dans les gestes qui concernent mon ministère et ma juridiction, de les faire moi-même.

Alors, M. le Président, voilà déjà, au départ, des éléments qui nous démontrent hors de tout doute que le gouvernement s'est traîné les pieds, que le gouvernement n'a rien fait. Ça fait un an que ça dure, et aujourd'hui, et hier, et avant-hier, et depuis 14 jours on fait payer à la population du Québec, on fait payer aux entrepreneurs du Québec, eh bien, le poids et la charge de ces problèmes.

Ça peut mettre l'économie du Québec en grand péril, M. le Président, ça peut ralentir des entreprises, en faire fermer d'autres. Avons-nous besoin de ça? Nous avons le ministre de l'Industrie et du Commerce ? et du... il a trois, quatre, cinq titres qu'il se donne ? qui se promène dans les entreprises, coupe des rubans, nous parle d'exportation, nous parle de toutes sortes de choses comme ça: Le Québec grandit. Tant mieux! J'en suis, nous en sommes, mais ils font tout pour le ralentir. Ils ne sont même pas capables de régler un problème de conflit de travail avant qu'il arrive.

M. le Président, c'est vrai que nous allons bien sûr, nous, comme parti politique, voter ce projet de loi là. Il est vrai que nous aurions préféré ne jamais avoir à voter un projet de loi comme ça. Parce que le Parti libéral, ce n'est pas un parti antisyndical, ça; c'est un parti où il y a des travailleurs. Le Parti libéral, c'est un parti qui est à l'origine des grandes réformes sociales au Québec. Le Parti libéral, M. le Président, c'est un parti dont le principal n'est pas de réduire les droits des travailleurs et des travailleuses du Québec. Au contraire, c'est un parti politique qui veut la concertation, qui veut travailler avec les travailleuses et les travailleurs à une meilleure coexistence, à une amélioration des relations de travail, à faire en sorte que, tous ensemble, eh bien, nous puissions oeuvrer dans le meilleur intérêt du Québec sans qu'une partie ou une autre en soit lésée, sans que ces travailleurs ne se sentent laissés pour compte dans la nouvelle richesse qui est en train de se créer ici, au Québec, qu'ils soient syndiqués, qu'ils ne soient pas syndiqués.

Il y a des gens sur les normes du travail. Le Parti libéral n'est pas contre les gens sur les normes du travail. Au contraire, nous pensons qu'on doit les encourager, leur donner des avantages, leur donner des facilités pour que non seulement ils soient fiers de travailler, même s'ils ne sont pas payés tellement cher, mais qu'en plus de ça ils en retirent un gain suffisamment intéressant pour les encourager à rester sur le marché du travail. On n'est pas là pour les bafouer, battre les travailleurs ou les travailleuses. Au contraire, notre vision à nous, c'est de faire en sorte qu'ils puissent être heureux d'avoir du travail, puis veulent y rester, puis soient fiers de pouvoir, eux-mêmes, prendre en main leur vie en travaillant, en gagnant suffisamment et en ayant une bonne sécurité, fiers d'élever leurs enfants et de le faire par eux-mêmes.

Pareil pour les travailleurs syndiqués. Le Parti libéral n'est pas l'ennemi des travailleurs syndiqués. Puis il n'aime pas ça, le Parti libéral... Les députés du Parti libéral qui ont vu ce projet de loi là, certes ils l'acceptent, parce qu'on n'a pas le choix, le PQ a laissé créer une situation qui cause problème à l'ensemble de la population, mais, au fond d'eux-mêmes, les travailleurs contre qui on va voter cette loi-là, ce n'est pas les ennemis des députés. Puis les députés ici, en cette Chambre, du Parti libéral, ils ne sont pas les ennemis de ces travailleurs-là. Ils en connaissent tous un, ils en connaissent tous 10. Tout le monde connaît des agents syndicaux, tout le monde a des travailleurs dans sa famille, qui sont syndiqués.

C'est désolant d'être obligé d'arriver à cette situation-là. Nous voudrions ne pas être obligés, mais ce gouvernement nous amène constamment... Rappelons-nous la loi pour les infirmières. Ils ont fait la même affaire ? ils ont fait la même affaire. C'étaient même leurs alliées politiques, les infirmières, du moins les dirigeantes des infirmières, les dirigeantes syndicales. Je ne parle pas des infirmières. C'étaient leurs alliées politiques au dernier référendum, à la dernière élection. Ils leur disaient: Votez pour nous, aidez-nous. Nous sommes avec vous; nous sommes là pour vous défendre. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils les ont pris comme boucs émissaires, en otages, pour régler leurs négociations et puis ils leur ont tapé dessus, des travailleuses du Québec. Voilà ce qu'ils ont fait.

n(18 h 10)n

M. le Président, cette fois-ci, une autre situation certes différente mais qui requiert un peu la même chose. Là, ce n'est pas pour faire un exemple qu'ils font ça, ce n'est pas pour casser les autres; ils font ça parce qu'ils n'ont pas eu l'intelligence politique, ils n'ont pas eu le nez, ils n'ont pas eu la vision qu'ils devaient régler ce dossier-là chez les camionneurs.

Et, après ça, qu'est-ce qu'on fait? Ah! faute du gouvernement du Canada, le premier ministre est en campagne électorale. M. Collenette nous a rappelés, disait la ministre du Travail. Il n'a même pas rappelé. Elle a dit: Mme Bradshaw, ma collègue fédérale, a pris deux jours pour me rappeler. La belle affaire! Ils savent très bien de leur côté qu'il y a une campagne électorale fédérale. Voyons donc! Nous-mêmes, des fois, lorsqu'on appelle dans les bureaux de ministre, ça nous prend plus de 24 heures pour avoir des réponses. On envoie des questions écrites ici, au feuilleton, des fois, des mois après, on n'a pas reçu la réponse. Ils prennent un avis des questions ici, et ça prend des fois une semaine, 10 jours pour avoir la réponse. Et des questions importantes! Alors, M. le Président, arrêtons donc, là! Qu'ils reconnaissent donc que c'est par la négligence du ministre des Transports qui n'a pas bien saisi la situation et par l'inaction de la ministre du Travail quant à ses réformes du Code du travail du Québec que nous nous retrouvons dans cette situation.

Alors, on va passer la loi. Une fois qu'elle va être passée, M. le Président, il va falloir rebâtir. On ne les mettra pas dans un camp, ces chauffeurs-là. Il va falloir les ramener. On a besoin encore de gens qui conduisent des camions. C'est toujours des pères de famille. Ce n'est pas des parias de la société, parce que le gouvernement, par son inaction ou par sa non-action, les a poussés dans cette situation. On n'est pas là pour les battre, ce soir, on n'est pas là pour leur taper sur la tête.

Non seulement, M. le Président, il y a ça, mais il y a aussi encore plus grave, c'est que, par cette situation créée de toutes pièces par le gouvernement du Parti québécois, par la ministre du Travail, par le ministre des Transports, des entreprises ont pris des millions de dollars de poursuites contre ces travailleurs, ces artisans chauffeurs qui maintenant font l'objet de poursuites au civil, de poursuites pour dommages et intérêts. Des gens qui ont un petit bungalow pour lequel ils travaillent depuis 15 ans, 20 ans, qui paient ce petit bungalow là de peine et de misère, qui sont pères de famille, qui ont des femmes à la maison ou qui travaillent ou même qui sont soutien de famille monoparentale, parce que dans ce métier-là aussi, comme dans d'autres secteurs de la population, ça arrive, eh bien, ces gens-là se retrouvent avec des millions de dollars au-dessus de leur tête, l'épée de Damoclès, de poursuites. Et pour faire quoi? Pour faire quoi?

M. le Président, tout ce que ce gouvernement fait, c'est réagir par coups de crise. À chaque fois qu'il y a une crise, eh bien, on agit ou on rencontre les gens d'urgence, comme les maires des municipalités, ou alors, lorsqu'il y a une manifestation, dans un hôpital à Chicoutimi, par exemple, ou à Jonquière, eh bien, là on y va puis on leur donne des millions. Lorsqu'il y a des infirmières qui sont poussées dans la rue comme elles l'ont été par l'action du gouvernement, bien on leur casse les jambes, on leur tape dessus, on casse leur affiliation syndicale, du moins on casse la formule Rand, on leur met des amendes, on leur met des pénalités et on fait en sorte qu'on compromette grandement leur droit d'association.

Et, lorsqu'il y a des chauffeurs de camion qui sont poussés à cette situation-là, eh bien, M. le Président, on arrive avec une loi, une loi matraque. Parce qu'on aurait pu ne pas avoir cette loi. Il y a 15 jours, on aurait encore pu le régler, ce dossier-là. Tous les journaux en parlaient. Moi, je l'ai lu, je l'ai lu dans le journal. M. le Président, vous l'avez lu? Tout le monde l'a vu, qu'il y avait un problème dans le port de Montréal.

Lorsque le commissaire à l'accréditation a rendu sa décision à l'effet que ces travailleurs-là... dans un cas en particulier d'un chauffeur vis-à-vis d'une entreprise, qu'il était reconnu, au sens du Code québécois du travail, comme un travailleur qui pouvait donc être syndiqué, pourquoi on n'a pas agi? C'est ça, la question. Pourquoi? M. le Président, lorsque le premier ministre a appris ça, il a dit: Je convoque mon gouvernement d'urgence. Ce n'était pas là qu'il fallait le convoquer, le feu était déjà pris dans la cabane, comme on dit ici. C'était avant qu'il aurait dû convoquer sa ministre du Travail, son ministre des Transports puis dire: Qu'est-ce que c'est qui se passe? Qu'est-ce que c'est, cette situation? Ils ne l'ont pas fait, c'est visible. Et on le voit, c'est tellement lamentable de voir la ministre essayer de justifier: Tel jour, j'ai appelé un tel, tel autre jour, une telle, une telle. Mais, M. le Président, si vraiment elle l'avait fait, elle aurait réglé le problème, premièrement, puis elle ne serait pas obligée aujourd'hui de justifier, d'essayer de nous dire: Bien, voilà mon agenda. Vous avez vu, Mme Bradshaw ne m'a pas rappelée. Puis le ministre ne serait pas obligé de nous parler de ses cours en relations de travail qu'il donnait, je ne sais pas en quelle année, mais ça fait au moins 22, 23 ans qu'il est ici. Donc, c'est lamentable, c'est une fuite en avant, ils cherchent à se camoufler, et ils font porter sur toute l'Assemblée le poids de ça.

M. le Président, j'espère que les Québécois et les Québécoises vont se souvenir de la manière dont ce gouvernement gouverne, qu'ils vont se souvenir de ça, j'espère, à la prochaine élection. Et j'espère qu'ils vont en tenir compte lorsqu'ils vont aller dans les bureaux de député. J'espère qu'ils vont dire, dans la campagne électorale: Mme la députée du Parti québécois ou M. le député, vous avez agi pour régler des crises. Vous avez créé vous-mêmes bien souvent les crises. Mais qu'avez-vous fait pour gouverner dans le meilleur des intérêts de tout le monde? Vous avez agi en poussant un clan contre un autre clan, un groupe contre un autre groupe.

Aujourd'hui, on pousse des travailleurs contre la population et la population contre des travailleurs. Voilà ce que l'on fait. Eh bien, M. le Président, c'est sûr que j'écoutais mon collègue de Chicoutimi, pour qui j'ai beaucoup de respect d'ailleurs, c'est un jeune député d'un certain talent. Mais, lorsqu'il a dit tout à l'heure: C'est avec plaisir que je vais adopter cette loi, bien, moi, je vous dis que ce n'est pas avec plaisir, c'est avec regret. J'aurais préféré ne pas avoir à l'adopter et j'aurais préféré qu'on ne soit pas ici ce soir pour ça. Il y a d'autres dossiers, il y a d'autres problèmes au Québec qui nous interpellent que de laisser faire des problèmes comme celui-là et être obligés de rester ici pour les régler.

Alors, M. le Président, moi, je vais voter pour la loi parce qu'on n'a plus le choix que de voter pour la loi, c'est le seul moyen qu'on a de régler actuellement. Mais c'est un problème qui a été créé par le gouvernement, par son inaction, par sa négligence dans le transport, dans la réforme du Code du travail, et c'est avec déplaisir que je vais le faire, mais mon devoir, malgré tout, dans cette situation-là est d'aller au plus pressé. Mais je souhaite que, par la suite, on rétablisse les ponts avec ces chauffeurs de camion, avec ces travailleurs, et que le gouvernement agisse rapidement pour régler le problème du Code du travail, qu'on change l'article 25 et qu'on règle cette situation en permettant aux gens de se prononcer rapidement sur une accréditation vis-à-vis d'une centrale syndicale, quelle qu'elle soit. Et, s'ils le désirent, ils iront, s'ils ne le désirent pas, ils n'iront pas. C'est comme ça que ça doit être au Québec et c'est comme ça que nous le voyons, nous, les libéraux. Et, malheureusement, ce n'est pas comme ça que le gouvernement du PQ le voit. Donc, il faut le changer rapidement, mettre un gouvernement plus responsable, plus respectueux des travailleurs et plus respectueux des Québécois, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 157, loi ordonnant la reprise des services de camionnage au port de Montréal et aux gares intermodales de la région de Montréal. Je cède maintenant la parole à la porte-parole officielle de l'opposition, à titre de présidente du Comité des régions et des pêcheries, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci beaucoup, M. le Président. Il me fait très plaisir de joindre ma voix à celle de mes collègues. Je pense qu'à titre de porte-parole de l'opposition en matière de régions il est opportun et pertinent pour moi d'intervenir sur cette question d'importance, sur ce projet de loi spécial qui a été déposé cet après-midi même par le gouvernement du Québec, un projet de loi bien sûr qui vise à répondre à une situation urgente, à une situation particulière qui, de toute évidence, commande une action musclée comme le dépôt de ce projet de loi spécial.

Mais j'aimerais souligner, M. le Président, comme l'a fait mon collègue tout à l'heure, le député de LaFontaine, que ce n'est pas de gaieté de coeur que nous débattons et que nous donnerons notre appui, notre aval à ce projet de loi. Pourquoi? Parce que je pense que le gouvernement aurait pu prendre ses responsabilités bien avant cet après-midi compte tenu de toutes les informations qu'il avait à sa disposition pour entreprendre une action immédiate.

M. le Président, la paralysie au port de Montréal, à l'heure actuelle, frappe évidemment plusieurs régions au Québec. C'est une paralysie qui a des impacts majeurs pour des dizaines et des dizaines d'entreprises partout, partout en région, partout sur le territoire du Québec. Et cette paralysie qui perdure cause un préjudice non seulement aux régions, aux entreprises, mais également aux travailleurs et aux travailleuses. Je pense que les grands perdants à l'heure actuelle dans ce conflit au port de Montréal, ce sont ces hommes et ces femmes qui, malheureusement, ont perdu ? nous le souhaitons, temporairement ? leur emploi. Ces impacts, ils sont à plusieurs niveaux. J'y faisais référence il y a quelques instants, les nombreuses pertes d'emplois qu'on constate dans les entreprises partout dans les régions au Québec sont importantes, M. le Président. Je pense que, sur le plan économique, nous aurions très bien pu nous passer ? très bien pu nous passer ? des impacts qui sont liés au conflit qui perdure au port de Montréal.

Un autre élément extrêmement important et qui cause un préjudice aux gens, aux hommes et aux femmes, aux citoyens, aux familles qui habitent en région, c'est le fait qu'on ne peut plus, à l'heure actuelle, expédier des marchandises, expédier des biens de consommation, souvent de première nécessité, dans les régions du Québec.

n(18 h 20)n

Et un troisième impact majeur pour les entreprises, surtout celles qui évoluent dans le domaine de l'exportation, M. le Président, c'est celui qui fait référence aux pertes de contrats. Et certains de mes collègues l'ont démontré. Des entreprises qui évoluent dans le domaine de l'exportation, souvent, ont des concurrents de taille, des concurrents féroces, ce qui fait en sorte que, lorsque le port de Montréal est paralysé, comme il l'est depuis maintenant plus de 48 heures, bien, évidemment, c'est peut-être des contrats que ces entreprises-là perdent au profit justement de compétiteurs qui sont en Russie, qui sont en Amérique du Sud.

Alors, évidemment, M. le Président, je pense que la situation actuelle est dramatique. Effectivement, elle commande une intervention musclée, une intervention majeure. Mais, je le répète, parce que c'est important de le répéter, le gouvernement, compte tenu de la responsabilité du ministre des Transports et de la ministre du Travail, et on se doute bien que ces gens-là sont en contact avec le terrain, avec ce qui se passe... Et on s'interroge encore sur le fait que le ministre des Transports ait tardé si longtemps avant de réagir. Et l'opposition officielle a soulevé cette question en Chambre, ici, mardi. Nous sommes jeudi. Quarante-huit heures plus tard, le gouvernement dépose son projet de loi spécial.

Alors, il y a lieu de s'interroger, M. le Président, sur qu'est-ce qui s'est passé depuis 48 heures. Qu'est-ce qui s'est passé? Le ministre des Transports pourrait peut-être répondre à cette question. Mais ce que nous retenons de notre côté, c'est, d'une part, le laxisme du gouvernement dans ce dossier et, d'autre part, l'impact dans les régions, l'impact pour les travailleurs et travailleuses. Encore une fois, ce sont ces hommes et ces femmes qui vont faire les frais d'un conflit qui aurait pu se régler bien avant aujourd'hui.

Mon collègue le député de LaFontaine y a fait mention tout à l'heure, il nous a dit que le problème qu'on vit actuellement est peut-être l'aboutissement de tensions qui perdurent depuis plusieurs mois dans le port de Montréal. Alors, si le ministre des Transports est à l'écoute de ce qui se passe sur le terrain, M. le Président, il aurait peut-être pu prendre les mesures nécessaires pour être un peu plus proactif. Un peu plus proactif, pourquoi? Pour éviter que ce soir l'Assemblée nationale, que les parlementaires débattent d'un projet de loi spécial, d'un projet de loi extraordinaire pour régler une situation de crise qui perdure déjà depuis plusieurs heures.

M. le Président, si le port de Montréal est une plaque tournante majeure en Amérique du Nord pour la réception des marchandises en provenance de l'extérieur ? il y a plusieurs centaines de milliers de conteneurs qui transitent à chaque jour et à chaque semaine au port de Montréal ? le port de Montréal est aussi une plaque tournante pour la délivrance de marchandises et de biens de consommation, souvent de première nécessité, pour l'ensemble des régions du Québec.

Alors, M. le Président, lorsqu'on parle de biens de consommation de première nécessité, on parle, par exemple, de produits pétroliers, de céréales, de bois, de biens de consommation. Bref, imaginez à peu près tout ce que vous pouvez en termes de biens de consommation, en termes de produits manufacturiers, en termes de produits de première nécessité. Alors, lorsqu'on s'imagine qu'au port de Montréal transitent toutes ces marchandises, ces biens de consommation, on comprend que les régions, certaines régions, et je vous dirais peut-être de façon plus extensive, toutes les régions du Québec sont extrêmement sensibles et vulnérables à la situation qui perdure à l'heure actuelle dans le port de Montréal. Alors, je soulignais tout à l'heure, à juste titre, c'est plus de 13 000 conteneurs qui transitent à chaque semaine au port de Montréal. On parle de marchandises qui sont évaluées à entre 350 et 500 millions de dollars, M. le Président, qui passent à chaque semaine au port de Montréal.

Alors, il y a des centaines et des centaines d'emplois qui sont reliés non seulement à l'activité directe du port, mais également auprès des entreprises qui se servent de cette infrastructure majeure pour le Québec pour faire des affaires au Québec mais également partout à travers l'Amérique du Nord, également à travers le monde, M. le Président. Alors, face à une paralysie comme celle-là, qui est majeure, il y a plusieurs entreprises, M. le Président, qui ont sonné l'alarme pour signifier au gouvernement qu'il y avait un problème majeur. Et, si ce problème-là ne se règle pas au cours des prochaines heures, au cours des prochains jours, ces entreprises vont vivre des situations extrêmement pénibles. Et vous me permettrez d'en citer quelques-unes parce que ce sont, pour la plupart, des entreprises d'importance dans différentes régions du Québec.

Alors, on parle d'entreprises comme Montab qui est située à Pointe-Claire. On parle d'entreprises comme Infasco, comme Vins Dumont, comme QIT, une entreprise de Tracy, une entreprise comme Norsk Hydro également qui est touchée par le conflit, les Produits Hardee, Komatsu, Canada-Wide, C.S. Brooks, de Magog ? mon collègue va probablement y faire référence tout à l'heure lorsqu'il va intervenir après mon intervention ? Neuman Aluminium, Kruger, de Bromptonville.

Alors, évidemment il y a des biens de consommation, mais il y a toute une entreprise liée au bois, liée au secteur minier qui dépend de l'efficacité des activités au port de Montréal. On parle d'une autre entreprise, du nom d'Orica, de Brownsburg; on parle du Groupe Noranda, qui est une entreprise évidemment qui fait des affaires partout à travers le monde, dans le secteur minier. Alors, on comprend que le conflit qui perdure à l'heure actuelle doit affecter grandement une entreprise comme Noranda qui fait des affaires partout à travers le monde mais qui également crée des emplois ici, partout au Québec. Alors, on parle d'une entreprise comme Catelli, une entreprise qu'on connaît tous très bien qui donc se sert du port de Montréal pour expédier sa marchandise à l'intérieur du Québec mais également à l'extérieur du Québec.

Alors, lorsque j'ai souligné tout à l'heure l'importance de régler le conflit à court terme pour assurer aux populations de toutes les régions du Québec l'accès à des biens de consommation de première nécessité, je pense, M. le Président, qu'on a des entreprises ici qui témoignent de l'urgence d'agir dans ce dossier. On parle d'une autre entreprise, comme Oceanex ou encore Transport Rolex, qui est située à Varennes, dans le comté du ministre des Finances, ou encore une entreprise comme la Société des alcools du Québec.

Il y a d'autres entreprises qui sont également touchées par ce conflit. Mon collègue et député de Shefford y a fait référence tout à l'heure. Il nous donnait l'exemple d'une entreprise de son comté, l'entreprise Raleigh, qui est située à Waterloo, qui a congédié vendredi dernier une soixantaine de travailleurs. Et vous me permettrez de citer, via un article qui a paru dans La Voix de l'Est du 31 octobre dernier, donc c'est un article qui a paru tout récemment, vous me permettrez de citer le propos du vice-président administration de cette entreprise, M. Edwards, qui dit la chose suivante. Il nous dit, suite évidemment à la soixantaine de travailleurs qui ont été mis à pied: «Et on n'est pas les seuls comme ça. Les trois fabricants de vélos du Québec sont dans la même situation.» Il a ajouté: «Chaque mise à pied est dramatique. Tous les inconvénients de la situation vont aux travailleurs.»

Donc, les grands perdants dans la situation actuelle, M. le Président, ce sont les travailleurs et les travailleuses. Et je tiens à le souligner, si le ministre des Transports et son gouvernement avaient agi avec plus de prudence, également s'ils avaient été plus proactifs, je pense que ces travailleurs n'auraient pas eu la nouvelle qu'ils ont eue, c'est-à-dire une mise à pied. Et on peut comprendre aussi, M. le Président, l'état de panique dans ces entreprises, des dirigeants qui se voient donc obligés d'annoncer à ces 60 travailleurs d'une entreprise de Waterloo: Écoutez, les gars, les filles, on est désolé, mais le port de Montréal est paralysé, alors on devra vous congédier, vous mettre à pied. Alors, c'est des situations qui touchent des hommes, des femmes, également qui touchent des familles.

Une autre entreprise, et ça va probablement intéresser le député de Frontenac, c'est une entreprise qui est située à Black Lake, l'entreprise Lab Chrysotile. Mon collègue également, le député de Richmond y faisait référence cette semaine à la période de questions, et on a appris via La Tribune, qui est un journal de cette région, de la région de Sherbrooke, le 2 novembre, donc aujourd'hui même, nous apprenons que Lab Chrysotile a procédé à 600 mises à pied, 600 mises à pied, M. le Président. On parle de 600 mises à pied directes, alors imaginez l'impact sur les emplois indirects. Alors, l'entreprise a mis le gouvernement en garde: si la grève continue au cours des semaines à venir, il va de soi que quelques centaines d'autres employés de la mine risquent aussi d'être poussés au chômage.

Alors, évidemment, c'est un conflit qui pose des problèmes pour tous, non seulement pour les travailleurs, mais, comme l'entreprise a souligné, qui pose un problème au niveau de la production. Alors, cette entreprise qui évolue dans un domaine... Vous le savez comme moi, l'amiante, c'est un domaine extrêmement fragile. C'est une industrie qui a connu des difficultés énormes au cours des dernières années, des difficultés énormes, mais qui tente tant bien que mal, depuis plusieurs mois, de se refaire une crédibilité, de conquérir d'autres marchés et de reconquérir certains marchés qu'elle a perdus, je pense notamment à la France et à certains pays d'Europe. Alors, ce conflit, donc, au port de Montréal, M. le Président, c'est une catastrophe pour une entreprise comme Lab Chrysotile. C'est une catastrophe parce qu'on se demande bien si cette entreprise pourra se remettre d'une décision ou d'un impact comme celui-là.

n(18 h 30)n

Il y a mon collègue le député de Richmond, et je le soulignais tout à l'heure, qui a posé une question en Chambre cette semaine sur la situation, qui commente justement le problème dans le journal La Tribune. Et vous me permettrez de le citer, M. le Président, parce que je pense que mon collègue le député de Richmond est à même de mesurer tout l'impact et les conséquences liés à la mise à pied, une mise à pied massive comme celle-là. Et, à ma connaissance, il n'y a aucune entreprise au Québec, depuis le conflit qui perdure au port de Montréal, qui a dû procéder à une mise à pied aussi massive. Alors, lorsque le ministre des Transports tente de nous convaincre, finalement, que la situation n'est pas si grave, bien, évidemment, il faut lui rappeler que c'est une entreprise comme Lab Chrysotile qui a congédié 600 personnes, 600 travailleurs; l'impact est majeur.

Alors, qu'a dit mon collègue de Richmond dans le journal La Tribune du 2 novembre? Il a dit plusieurs choses. La première, et vous me permettrez de le citer: «Dans l'amiante, ça a double conséquence. C'est catastrophique pour les travailleurs mais aussi sur la clientèle. En raison du conflit, les entreprises peuvent perdre des clients. Ça prend des années à retrouver une clientèle. Lab Chrysotile expédie plus de 90 % de sa production par conteneur.» Et d'ajouter: «L'amiante n'avait pas besoin de ça. Les gens se fendent en quatre pour développer cette industrie. Ces entreprises ne peuvent pas se tourner vers un autre port pour expédier leur production, car le conflit a aussi pour conséquence de créer une pénurie de conteneurs vides, disponibles au Québec», s'offusque M. Vallières. Alors, c'est donc dire qu'une entreprise, qu'une industrie comme celle de l'amiante, vit de façon très concrète les impacts liés à la paralysie qui règne au port de Montréal.

Alors, M. le Président, je pense sincèrement, et là-dessus je rejoins la plupart de mes collègues qui ont pris la parole, que le gouvernement aurait dû prendre ses responsabilités, être beaucoup plus proactif. Qu'est-ce qui s'est passé au cours des dernières 48 heures? Ce que je retiens, moi, c'est le fait que le ministre des Transports, plutôt que de se questionner sur sa responsabilité après que le chef de l'opposition officielle l'ait interpellé mardi, tout de suite il a interpellé le fédéral. Il a interpellé le fédéral pourquoi? Parce que, dans sa tête ? et probablement qu'il a erré quelques heures avant que quelqu'un le ramène dans le droit chemin ? le ministre pensait que cette responsabilité revenait au fédéral. Alors, aujourd'hui, deux jours plus tard ? depuis mardi ? on est jeudi, 48 heures après cette déclaration, le ministre des Transports nous propose un projet de loi, ici, qui est déposé à l'Assemblée nationale. Alors, pourquoi, M. le Président, ce virage à 180 degrés?

Lorsque le député de Chicoutimi a affirmé tout à l'heure que son gouvernement a pris ses responsabilités dans ce dossier, moi, j'ai envie de vous dire, M. le Président, et j'ai envie de dire au ministre des Transports: Si lui et son gouvernement avaient pris leurs responsabilités, tout de suite ils auraient admis que cette responsabilité de trouver une solution au conflit au port de Montréal revient au gouvernement du Québec et non pas au gouvernement fédéral. Alors, de toute évidence, le ministre des Transports a perdu du temps, du temps précieux pour les entreprises qui sont affectées par la situation, pour les travailleurs et les travailleuses également qui sont affectés par cette situation.

Alors, le réflexe du ministre des Transports, quel est-il? Il blâme tout le monde. Il blâme tout le monde, il blâme l'opposition, il blâme le fédéral, il blâme même les travailleurs, M. le Président. Mais je pense que, si le ministre des Transports ? qui m'écoute attentivement, j'en suis persuadée ? était responsable, lui, il se questionnerait aujourd'hui sur sa responsabilité comme ministre des Transports, sur sa responsabilité comme ministre responsable d'un dossier d'envergure comme celui du port de Montréal.

Alors, le temps file, M. le Président. Et, en terminant, j'aimerais évidemment souligner le travail qui a été fait dans ce dossier par certains de mes collègues, notamment mon collègue le député de Shefford, qui a interpellé le gouvernement, également souligner le travail qui a été fait par notre chef, le chef de l'opposition officielle, qui lui également a sonné l'alarme mardi et a mis en garde le gouvernement par rapport à une dégénération possible de ce conflit au port de Montréal.

Et je me souviens très bien, lorsque le chef de l'opposition a posé sa question, il a donné des exemples concrets de la paralysie qui régnait à ce moment-là au port de Montréal. Et je me souviens également de la réaction du ministre des Transports et du premier ministre qui semblaient très surpris d'apprendre que le niveau de paralysie était tel qu'aujourd'hui le gouvernement est obligé de déposer un projet de loi spécial, un projet de loi d'urgence, un projet de loi d'exception, un projet de loi extraordinaire pour régler ce conflit au port de Montréal.

Alors, M. le Président, encore une fois, l'opposition aura vu juste. Nous avons mis le gouvernement en garde, mais ce que nous aurions souhaité, c'est une intervention beaucoup plus rapide, parce que, si le ministre des Transports se défend d'avoir pris ses responsabilités, je l'invite à aller s'expliquer devant les 600 travailleurs, par exemple, de la compagnie Lab Chrysotile, à Black Lake, leur dire qu'est-ce qui s'est passé au cours des 48 heures qui viennent de s'écouler pour que ces gens-là perdent aujourd'hui leur emploi.

Alors, comme mes collègues l'ont fait depuis le début, évidemment je joins ma voix à l'opposition officielle, bien sûr, et nous joignons notre voix au gouvernement pour l'adoption de ce projet de loi spécial, mais, M. le Président, je pense que je ne peux pas terminer mon intervention sans vous dire que j'espère fortement que le gouvernement péquiste et que le ministre des Transports vont tirer une leçon de l'expérience que nous vivons à l'heure actuelle avec ce conflit au port de Montréal, pour éviter qu'une situation comme celle-là puisse se reproduire au Québec, pour évidemment le bénéfice des travailleurs et des travailleuses qui sont en région, pour permettre à nos entreprises de prospérer, de continuer de prospérer, pour également faire en sorte que les parlementaires de cette Assemblée, qui ont bien d'autres chats à fouetter, M. le Président, ne se retrouvent plus à débattre et à statuer sur un projet de loi de cette envergure. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Je vous rappelle que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 157, et je cède la parole à M. le député de Frontenac.

M. Marc Boulianne

M. Boulianne: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je suis très heureux d'intervenir sur le projet de loi n° 157, Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises.

D'abord, je veux remercier la députée responsable des régions d'avoir mentionné L'Amiante. Je pense que le Parti libéral se préoccupe beaucoup de L'Amiante, et c'est heureux, mais je peux dire, M. le Président, que ça fait plus de 50 ans que les travailleurs de la région de L'Amiante et d'Asbestos se mobilisent pour défendre l'industrie de l'amiante. Et, si aujourd'hui nous parlons encore d'amiante, c'est dû à ces femmes et à ces hommes et non pas au Parti libéral, parce que, lorsqu'on a commencé à bannir l'amiante en Europe, en Allemagne, vers les années quatre-vingt-dix, il n'y a pas eu d'intervention très musclée, ou très peu, pour défendre ce produit. Les premières interventions ont été faites par le gouvernement du Parti québécois, par le premier ministre lui-même, avec un plan d'action très précis et très bien étoffé pour l'utilisation sécuritaire de l'amiante.

En ce qui concerne actuellement l'arrêt de travail à Lake Asbestos ou à Lab Chrysotile, qui est d'ailleurs dans la région de Thetford Mines, c'est un drame, et j'en suis conscient, et je pense que c'est dû effectivement à la grève du port de Montréal. Mais je veux féliciter le ministre pour la célérité avec laquelle il a agi dans ce dossier. Moi, je l'ai rencontré hier matin, on a discuté évidemment de ce problème, on a discuté des 650 travailleurs. Dans l'après-midi, j'ai rencontré encore le ministre et, ce midi, il me confirmait qu'il y aurait une loi spéciale pour régler ce problème-là.

Vous savez, dans la région de Thetford Mines, dans L'Amiante, on a effectivement des problèmes. Il y a trois ans, une mine fermait. Encore là, le gouvernement du Québec est intervenu d'une façon très importante. Aujourd'hui, j'écoutais, tout à l'heure, les députés d'opposition parler, bon, de délais, ou encore de temps, ou qu'on avait pris du temps pour intervenir, je pense, M. le Président, que c'est tout simplement faire de la politique. Ce qui est important, c'est le principe. On disait, bon, que, nous autres, on votait par plaisir pour le projet de loi; eux disent qu'ils votent par déplaisir. De toute façon, ce qui est important, c'est de voter pour le projet de loi, pour le principe.

D'ailleurs, on n'est pas la seule région qui est touchée, il y en a plusieurs qui ont été énumérées, et je pense que le premier ministre, hier, en point de presse, a été très clair, il a dit qu'il ne tolérerait pas de situation qui pouvait affecter l'économie du Québec. Et le ministre, aussi, des Transports a été très clair à ce chapitre-là, c'était, si vous voulez, qu'on ne perdrait pas de temps, on réglerait le conflit.

n(18 h 40)n

Alors, je pense que c'est important de le mentionner, d'autant plus, M. le Président, que je pense que ça va donner des résultats. On a eu l'assurance du ministre, tout à l'heure, que la loi serait observée, qu'il prendrait tous les moyens nécessaires pour que la loi soit observée.

Évidemment, on n'a pas eu le choix d'arriver à ça. Les mécanismes de négociation n'ont rien donné; c'est malheureux. Mais, pour pas que les autres travailleurs, qui n'ont rien à voir avec le conflit, puissent subir des effets négatifs, je pense qu'on a pris la bonne décision, et c'est avec plaisir ? pour justement régler le conflit de la région de L'Amiante ? que je vais voter pour cette loi, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Frontenac.

Nous poursuivons le débat, et je vais reconnaître le prochain intervenant. Il est le porte-parole officiel de l'opposition en matière d'environnement et député du comté d'Orford. M. le député d'Orford, la parole est à vous.

M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Vous savez, la situation perdure depuis longtemps, là. Je suis un peu surpris qu'on nous ait rappelé ici, en ce jeudi soir. Cette situation-là, elle est connue depuis longtemps.

Mardi, le chef du Parti libéral a posé des questions au premier ministre, a posé des questions au ministre des Transports, et on s'est fait répondre de façon plutôt cavalière, du haut de l'arrogance de ce gouvernement, que c'était le fédéral. Vous savez, c'est dans leur catéchisme; quand il y a quelque chose qui ne marche pas, c'est la faute au fédéral. Alors, comme le catéchisme dit toujours ça, ils se sont levés tous les deux, mardi, à la période de questions, et ils ont répondu au chef de l'opposition que c'était la faute au fédéral.

Alors, on s'est dit: Bon! Bien, c'est-u vrai ou c'est-u dans le catéchisme? Ce soir, on a la vraie réponse: ce n'était pas dans le catéchisme puis ce n'était pas vrai. La vraie réponse, c'est qu'on est après légiférer ici, au Québec, ce soir, un projet de loi pour que les travailleurs du port de Montréal, ceux qui travaillent à l'entour du port de Montréal, reviennent au travail.

Quand je dis que ce n'est pas récent, ce problème-là, je vous parle de mardi, mais je pourrais vous parler aussi de 1999. Il y a eu des dizaines de demandes d'accréditation depuis 1999. Un an plus tard, il n'y a rien qui s'est passé, on n'a pas trouvé la solution. Le ministre a créé un autre comité... On ne sait pas où ça commence, ces comités-là, on ne sait pas trop où ça s'en va puis on ne sait pas non plus où ça finit. Alors, on a la preuve, à soir, qu'on ne sait pas où est-ce qu'ils sont puis qu'on ne sait pas où est-ce que ça va finir, parce qu'on est obligé de légiférer.

Bien sûr, c'est facile de dire que c'est la faute au fédéral, c'est tellement facile. Et souvent aussi, quand ce n'est pas la faute au fédéral ? parce qu'il y a des secteurs où le fédéral n'a rien à faire à ça ? normalement, ils disent que c'est la faute aux gens qui étaient là avant qu'ils arrivent. Je vais en parler tantôt sur le chômage, je vais en parler quelques minutes tantôt.

Alors, c'est bien facile de gérer pour ce gouvernement-là. C'est toujours la faute aux autres et c'est rarement leur faute. Mais les dizaines d'accréditations qui sont rentrées au gouvernement, c'est à eux d'en décider la validité ? la validité ? et ils ne l'ont pas fait, M. le Président. Alors, ils peuvent bien blâmer le gouvernement d'avant puis même peut-être celui d'après puis blâmer le fédéral, mais ces gens-là n'ont pas pris leurs responsabilités qu'ils devaient prendre.

Ce soir, je vais vous parler de trois entreprises qui m'ont interpellé personnellement, comme député, pour me dire que, eux, ça urgeait et ça pressait, parce qu'il y avait des gens qui ne recevraient pas leur chèque de paie cette semaine.

La première, c'est une belle petite entreprise de Rock Forest, ville du comté d'Orford, et eux... On a toujours l'impression, quand on parle du port de Montréal, qu'on ne fait qu'exporter des biens. Mais il ne faut pas oublier qu'un bon nombre d'entreprises importent des biens, les transforment et les distribuent sur le continent. Alors, c'est le cas de cette entreprise-là. Eux, ils importent des biens ? ils sont dans la haute technologie ? et ils les transforment, les améliorent et ils en revendent à travers le pays, à travers le continent.

Le propriétaire m'expliquait que c'est un marché très compétitif dans lequel il est et que, de ne pouvoir opérer pendant quelques jours, avec le «just in time» ? cette livraison qui doit se faire à tous les jours dans les entreprises ? tous ses acheteurs devraient trouver d'autres fournisseurs, et que lui, il serait déclassé très rapidement dans un marché qui est féroce, et particulièrement aux États-Unis. Alors, lui, il m'implorait d'aider le gouvernement ? et c'est ce qu'on fait ce soir ? à passer une législation. Et, de là, le chef de l'opposition, mardi, a demandé au premier ministre de passer du mode regard au mode action.

L'autre entreprise, c'est celle de Magog, qui est le plus gros employeur de la ville de Magog, dont je suis l'humble représentant, C.S. Brooks, une entreprise dans le textile qui a fait un succès extraordinaire de cette entreprise-là. Il y a plusieurs années, ils se sont aperçus que le textile était en difficulté, ils ont mis en tête des hommes et des femmes de très grande qualité ? je pense à leur premier vice-président, M. Jacques Juby, un gars extraordinaire qui s'est positionné dans un marché pointu ? et ont fait un succès extraordinaire. Ils sont dans tout le secteur des draps, des taies d'oreiller et ils exportent en ce moment à travers les États-Unis, à travers le monde effectivement, et ils reçoivent des biens, ils en exportent. Et eux, c'est 800 emplois. Et, vous savez que, le secteur du textile, encore là, c'est un secteur qui est de plus en plus dynamique et ces entreprises-là ne peuvent pas attendre.

La troisième, elle n'est pas dans mon comté, elle est tout près, on a été interpellé, c'est à Bromptonville, la Kruger qui, elle, est dans le papier et, elle aussi, c'est des centaines et des centaines d'emplois de pères, de mères de famille qui ont besoin de ces sous qui rentrent à toutes les semaines. Là, ces entreprises-là étaient à toutes fins pratiques prêtes à fermer, le temps que ce conflit se règle. Donc, si, nous, du Parti libéral, allons appuyer le gouvernement, ce n'est certainement pas parce que nous pensons que le premier ministre ou que le ministre a fait une bonne job, et ce n'est vraiment pas ça. Nous, ce qui nous préoccupe ici... et j'écoutais la très bonne députée de Bonaventure, une femme extraordinaire qui s'occupe des régions pour notre formation politique, qui, en ce moment, avec notre chef qui est partout au Québec, qui vient de faire un discours passionné défendant les régions. Elle a parlé de toutes les régions du Québec, de tous ces patelins un peu partout, M. le Président, où il se perd des emplois à cause de l'inaction du gouvernement. Et ça me frappait combien d'entreprises elle a mentionné, dans les Cantons-de-l'Est, qui effectivement perdaient des emplois et... Bien, c'est ça. Ce n'est pas vraiment parce qu'on pense qu'ils ont fait une bonne job, ce n'est pas parce qu'on pense qu'ils ont été dynamiques de l'autre côté, c'est vraiment parce qu'il y a des employeurs, des employés qui ont besoin de ces salaires-là, et il faut, nous, de l'opposition, aider le gouvernement.

Ce projet de loi là, pour ceux qui viennent d'arriver, va obliger les camionneurs, les chefs syndicaux et les propriétaires d'entreprise à rentrer au travail. Et, s'ils ne le faisaient pas, il y aurait des pénalités très importantes. Et je pense qu'on doit saluer la difficulté d'être un trucker, un camionneur. C'est un très dur métier. J'ai eu le grand honneur de partager, les quatre premières années où j'ai été député dans cette Assemblée nationale, de partager mon bureau avec un ex-trucker qui était député et qui, de connaissance, je dirai, a été le meilleur député que j'ai connu dans cette Chambre. Malheureusement, il a été battu lors d'une élection, et nous avons longuement conversé sur la difficulté de ce métier de trucker, de camionneur. Que vous soyez en ville, pris dans des délais sur les ponts, pris dans les embouteillages constamment ou que vous soyez des conducteurs de longue distance, que vous deviez... telle qu'une compagnie à Magog dont les conducteurs doivent descendre en Californie une fois semaine. Une fois semaine, une dizaine de camionneurs de Magog partent le dimanche soir et descendent en Californie et reviennent. Vous imaginez traverser en diagonale les États-Unis et revenir à Magog avec des camions chargés d'hydrogène. Alors, c'est un dur métier, on doit le reconnaître. Et, ces gens-là, je comprends qu'ils veulent s'organiser, qu'ils veulent organiser leur mode de vie, leur mode de représentation syndicale. Faudrait-il encore que les ministres responsables du transport, de la syndicalisation, les écoutent. Eh bien, là, ça n'a pas été fait.

n(18 h 50)n

J'invite les gens qui se demandent si le gouvernement a raison et si l'opposition a raison d'appuyer le gouvernement dans ce projet de loi, je les invite à passer alentour du port de Montréal, que ce soit dans le bout de la rue Pie IX, que ce soit sur la jetée McKay ou que ce soit près du casino de Montréal ou le long de l'autoroute Bonaventure, il y a des centaines et des centaines de conteneurs qui sont empilés là depuis des semaines, et ça ne peut plus durer. Malheureusement, ce gouvernement a pris bien trop de temps. Cette inaction du gouvernement fut bien trop longue. Vous savez, s'il n'y avait qu'un seul emploi de perdu au Québec à cause de ce conflit-là, ce serait déjà un drame. Et, au Québec, on voit le vice-premier ministre se promener à travers le Québec en nous disant que ça va très bien. Vous savez, quand t'es tout seul dans la classe, t'es normalement le premier de classe...

Une voix: Ou le dernier.

M. Benoit: Ou le dernier. Alors, le ministre, lui, quand il nous dit que ça va bien au Québec, il compare le Québec avec le Québec. Puis, effectivement, j'espère que ça va mieux aujourd'hui, M. le Président, que ça allait il y a quatre, cinq ans. On a eu la plus grande reprise économique depuis la Deuxième Guerre mondiale. S'il fallait que ça n'aille pas un peu mieux à Montréal, je veux dire, là ça serait épouvantable.

Mais si on veut savoir si ça va vraiment mieux, il faut peut-être se comparer avec les autres dans la classe: la petite blonde avec les couettes, puis le petit rouquin, et puis celui qui est à la première rangée, puis celui qui est sur la dernière rangée. Puis là on va finir par se dire: Je me pensais bien bon, mais peut-être que, finalement, je suis dans la moyenne ou je suis dans les derniers. Et quand le ministre des Finances nous dit que ça va très bien au Québec puis qu'il crée bien des emplois, bien, quand je me compare avec tout le monde, là, sur le continent, j'arrive à la conclusion qu'au Québec il y a aujourd'hui 661 300 personnes sur l'aide sociale. C'est beaucoup de monde. Je comprends que là-dedans il y a des gens qui, pour toutes sortes de raisons, doivent être sur l'aide sociale, qu'on aime ça ou pas, des gens qui sont handicapés, des gens qui ont eu des malheurs dans leur vie, mais il y a aussi des gens qui, si l'économie était plus forte, pourraient se trouver de l'emploi.

Alors, quand on regarde ça, je vous donne des exemples, en Ontario, entre 1994 et 1999, les gens sur l'aide sociale ont baissé de 5 %; c'est beaucoup, 5 %, en Ontario. Si je prends la Colombie-Britannique qui a connu ses problèmes, elle, elle a eu une baisse de gens sur l'aide sociale de 3 %. L'Alberta, elle, ses gens passeront de 5,2 % à 2,5 %, des gens sur l'aide sociale. Si je prends la Nouvelle-Écosse, les gens vont passer de 11,3 % à 8,6 %, des gens sur l'aide sociale. Et au Québec, nous, on ne pourrait pas faire mieux que 2 %. Nous étions 787 000 sur l'aide sociale en 1994, nous sommes 661 000. Et il n'y a pas une province qui a pris autant de nos poches, la poche droite, la poche gauche, la poche d'en haut, la petite poche ici, la poche en arrière, M. le Président, qui a pigé dans toutes nos poches, qui nous a taxés comme ce n'est pas possible, qui est venue nous chercher un 3 $ sur les pneus. Ils parlent d'un 2 $ pour rentrer dans les parcs puis envoyez donc par là. C'est de l'euphorie collective, les niveaux de taxation du Québec.

M. le Président, alors que nous sommes les plus taxés, alors qu'on a donné à l'entreprise comme pas une province ou un État nord-américain n'a donné, on est les derniers en création d'emplois, sauf depuis quelques mois. Et là le ministre se pète les bretelles, là il nous dit que ça va très bien. Bien, oui, aux États-Unis, il n'y a plus de chômage. Une entreprise américaine qui voudrait créer une entreprise avec 1 000 emplois, au Vermont, demain matin, n'est pas capable de l'ouvrir. Les restaurants ferment dans le Vermont, dans le Maine, dans le New Hampshire parce qu'il n'y a plus de main-d'oeuvre. Toutes les entreprises de ce qu'on appelle les «labor contents», là, ferment aux États-Unis ou sont en difficulté. Alors, c'est bien sûr qu'il y a un effet sur le Québec.

Nous, on est les derniers des derniers des derniers à créer ces emplois-là. Et je suis le premier à me réjouir. Je voyais à Coaticook, dans le journal de la place, en fin de semaine, qu'on a créé 3 000 emplois. On est juste sur le bord de la barrière américaine. On produit des armoires de cuisine qu'on envoie aux États-Unis. Toute la conjoncture est là: le dollar canadien à 0,80 $, il n'y a plus de main-d'oeuvre dans le Vermont. Toute la conjoncture est là pour nous aider.

Quand je vois le ministre prendre tout le mérite de ça, j'ai bien des doutes là-dessus, de un, et, de deux, quand je me compare aux autres dans la classe, que je sois Américain, que je sois à Terre-Neuve, que je sois dans les Maritimes ou dans l'Ouest canadien, je traîne de la patte constamment. Il aurait beau me dire qu'il fait une job extraordinaire, j'ai mes doutes. On a encore au Québec 661 000 personnes qui sont sur l'aide sociale et, de ces gens-là, il y en a un grand nombre qui veulent travailler.

Donc, on n'a pas été capable de les former, ces gens-là. On se souvient de la cacophonie, M. le Président, que ces gens-là ont été capables d'émettre au ministère de la Formation de la main-d'oeuvre et on n'a pas été capable de les employer non plus. C'est un drame. Alors, si, nous du Parti libéral, avec une conscience sociale très élevée, nous avons décidé d'appuyer ce gouvernement, c'est pour éviter qu'un seul emploi se perde. Ça serait déjà trop.

On ne votera pas pour le gouvernement, on se comprend bien, hein? On ne votera pas avec le gouvernement, M. le Président. On va voter en respect des travailleurs du Québec, en respect des travailleurs, hommes et femmes du Québec, qui ont été maltraités, parce que c'était plus difficile de se trouver un emploi, parce que les salaires, historiquement, au Québec, ont été moins élevés, parce que les impôts sont les plus élevés.

Juste avant de descendre lire ce discours, je parlais à un jeune enseignant de mon comté dont l'épouse est physiothérapeute, deux jeunes qui, finalement, se sont trouvé un premier emploi. Il me disait ? et tout ça s'est passé vers 17 heures, ce soir ? combien, lui et son épouse, eux, qui viennent d'avoir un jeune enfant, ils payaient de l'impôt. Et il me disait: Ça n'a pas, entre guillemets, «de bon sens». Il me donnait les chiffres, M. le Président; c'est assez pour décourager n'importe quel couple. Il dit: Je rêve encore du temps où j'étais aux études, où je ne payais pas d'impôts. Ce qu'il vient de réaliser, après un an, c'est que lui et son épouse paient plus d'impôts que tout le monde en Amérique du Nord, ce que, nous, on leur dit constamment. Et ce qu'ils me disaient, dans ce même appel, ce jeune de Magog et sa charmante épouse: Si, au moins, les routes étaient meilleures. Mais, il dit: Ce n'est pas le cas. Nous, vous savez, on est juste à côté des États-Unis, puis il me parlait de l'autoroute 10; c'est un désastre. Il faut que tu tiennes ton volant à deux mains, tellement ça brasse, là-dedans, M. le Président. Donc, nos routes ne sont certainement pas meilleures, même si on paie plus d'impôts.

Il dit: Si les écoles étaient meilleures ? lui, c'est un enseignant ? je comprendrais que je paie un peu plus d'impôts. Quand tu vas acheter une auto puis tu paies plus cher, bien, tu as un meilleur char, puis quand tu vas, je ne le sais pas, moi, acheter d'autre chose puis tu paies plus, tu en as un meilleur. Il dit: Je paie plus que tous les autres sur le continent nord-américain, puis je n'en ai pas plus.

Son épouse est physiothérapeute, elle connaît le système de santé, bien sûr. Qu'est-ce que vous pensez qu'elle m'a dit au téléphone? Je suis la plus taxée en Amérique du Nord, puis vous devriez voir dans notre institution de santé, ce que ça a l'air. Elle n'avait pas besoin de me le dire, j'ai assez d'appels à mon bureau pour me le dire. Je vais vous dire qu'on est au courant de ce qui se passe dans les institutions de santé, hein.

Alors, M. le Président, avec 661 000 personnes sur l'aide sociale, avec les derniers qui ont bénéficié de la reprise économique sur le continent nord-américain, avec tous ces travailleurs qui travaillent tellement fort pour essayer d'arriver au bout du mois, à rencontrer la fin du mois, avec tous ces impôts directs et indirects... Tous ceux qui, à soir, sont allés faire installer leurs pneus d'hiver, là, ils ont tous payé 3 $ de plus par pneu. Ça, ce n'est pas dans le calcul des taxes, ça, là. C'est un autre impôt indirect qu'on est allé leur chercher. Il y en a comme ça partout, constamment, à tous les jours.

Alors, M. le Président, nous, on se dit, de notre côté: On ne votera pas pour le gouvernement, on ne votera pas avec le gouvernement, mais on va voter avec les travailleurs et travailleuses du Québec. On va inviter ceux qui ont bloqué le port de Montréal à avoir la même conscience sociale, et demain, de permettre à tous ces travailleurs qui sont après perdre leur emploi de ne pas perdre leur emploi, finalement, et que ces gens, demain, lèvent les piquets de grève un peu partout. Et rappelons aussi que cette grève-là, elle était illégale; elle n'était pas selon le Code du travail. Alors, c'est pour ça que, plus tard ce soir, nous voterons avec les travailleurs du Québec pour que ce projet de loi passe, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Je vous remercie, M. le Président. Il y a trois points que je voudrais aborder dans les minutes qui me sont allouées. Le premier point va toucher le port de Montréal; le deuxième point touchera la situation des camionneurs, et enfin, le troisième point va toucher la loi spéciale qui est devant nous.

n(19 heures)n

Premier point, M. le Président, le port de Montréal. Je crois qu'il y a lieu de se réjouir. Et vous avez trouvé ça... mais il y a quand même lieu de se réjouir qu'avec le conflit qui a lieu dans le port de Montréal on réalise aujourd'hui l'importance du port de Montréal pour l'économie québécoise.

On a réussi, au port de Montréal, à se doter, dans une situation extrêmement concurrentielle, M. le Président, d'un organisme qui nous permet de pouvoir compétitionner avec les grands ports du monde. Le port de Montréal, je crois, l'ensemble des personnes dans cette salle vont le reconnaître, depuis 1990, a connu une expansion phénoménale. De 5 564 276 t qui transitaient par le port de Montréal, M. le Président, en 1990, en 1999 on avait 9 147 687 t qui transitaient par le port de Montréal. Une augmentation de 60 %. Le port de Montréal est devenu maintenant un élément fondamental dans l'économie du Québec, et on remarque... Et tous mes collègues l'ont dit dans les interventions qu'ils ont faites, que ça soit le député d'Orford, la députée de Bonaventure, le député de Shefford ou le député de LaFontaine, ils ont rappelé qu'aujourd'hui, lorsque le port de Montréal est paralysé, l'économie du Québec est paralysée, et ça a été reconnu d'ailleurs aussi par mon collègue le député de Frontenac, même s'il ne fait pas partie de notre formation politique.

Nous reconnaissons ici l'importance du port de Montréal, et vous me permettrez de voir à quel point pouvaient être ridicules, ridicules, les projets de technodôme sur les quais du port de Montréal de ceux qui voulaient diminuer l'importance du port de Montréal pour en faire des zones récréatives, alors qu'on vient de démontrer clairement que le port de Montréal est un élément absolument incontournable de la croissance économique du Québec.

Et, vous le voyez, M. le Président, clairement, depuis que le port de Montréal est bloqué, depuis que les conteneurs ne peuvent plus circuler dans le port de Montréal, l'économie du Québec est mise en difficulté, il y a des fermetures d'usines, des pertes d'emplois dans la majeure partie des régions du Québec. De plus, M. le Président, le port de Montréal a réussi à se hisser dans les premiers en Amérique du Nord sur le trafic de conteneurs, et on ne peut pas perdre, dans une situation aussi compétitive, cet avantage comparatif.

Mais qu'en est-il? Que se passe-t-il aujourd'hui, M. le Président? Essayons de voir. Vous avez l'exemple aujourd'hui d'un conflit qui n'est pas un conflit de travail habituel. Habituellement, dans un conflit de travail, vous avez un employeur, vous avez des employés syndiqués qui, dans les mécanismes du Code du travail, sont reconnus pour négocier. Un syndicat est là pour négocier au nom de ceux qui l'ont mandaté et pour lesquels il a obtenu un certificat d'accréditation, et il négocie une convention collective, et, lorsqu'il y a de la difficulté dans les négociations d'une convention collective, un des moyens de pression qui peut être mis de l'avant, c'est les arrêts de travail, c'est-à-dire la grève.

Nous ne sommes plus dans cette situation, et vous avez là, M. le Président, un des premiers exemples de la mutation du marché du travail. Les camionneurs du port de Montréal ne sont pas des éléments qui sont des travailleurs syndiqués, ce sont des travailleurs autonomes, propriétaires, en général, de leur camion ou de leur petite entreprise, et ce qu'ils demandent dans ce nouveau mécanisme, dans ce nouveau type de relations de travail, c'est de pouvoir se regrouper collectivement pour pouvoir négocier collectivement certaines conditions de travail, tout en étant conscients que le Code du travail, actuellement, ne fait pas place à ce type de travailleurs. Et vous savez parfaitement que ce type de travailleurs qu'on appelle les travailleurs autonomes sont ceux qui ont connu la plus grande croissance au Québec depuis les cinq ou six dernières années.

Leur revendication ? et je ne voudrais pas me pencher sur le bien-fondé de leurs revendications ? à l'heure actuelle, à savoir de pouvoir avoir la possibilité de s'exprimer collectivement dans une situation qui n'est pas une situation traditionnelle de rapport du travail, c'est une revendication nouvelle. Et on ne peut seulement que regretter que le gouvernement en place n'ait pas commencé à mettre sur pied des mécanismes pour permettre, dans ces nouveaux rapports, le nouveau monde du travail, qui est le monde du travail où sont les travailleurs autonomes, pour pouvoir permettre une expression collective des désirs et des besoins.

Alors, M. le Président, il ne faut pas ici dire qu'on ne comprend pas, de ce côté-ci de la Chambre, la problématique et les problèmes que rencontrent actuellement les camionneurs et les gens qui font du camionnage. Par contre, le moyen de pression qui est utilisé est fondamentalement inacceptable.

Ce n'est pas parce que le gouvernement n'a pas mis de l'avant les mécanismes qui auraient permis ou qui permettront peut-être de tenir compte de ce nouveau type de relations de travail qu'il faut bloquer un des poumons vitaux de l'économie du Québec. Et ce chantage, cette espèce de pression indue qui est mise sur l'ensemble de l'économie du Québec, et particulièrement, bien sûr, sur une bonne partie des travailleurs des autres entreprises du Québec, est fondamentalement quelque chose que nous ne pouvons accepter ni d'un côté ni de l'autre de la Chambre. Le débat démocratique, M. le Président, demande que les lois soient passées, que les problèmes puissent être considérés, mais on ne peut pas fonctionner sur une base de chantage.

Je critique virulemment ? virulemment ? aujourd'hui, le gouvernement de ne pas avoir commencé la réflexion sur ces nouveaux rapports qui doivent s'établir avec les travailleurs autonomes, ce qui a donné le conflit que nous avons aujourd'hui.

Mais, simultanément, nous ne pouvons pas accepter cette mécanique où un groupe va bloquer, va empêcher le fonctionnement, premièrement, d'un des fleurons de l'économie québécoise ? je l'ai rappelé au début de mon intervention ? le port de Montréal, mais, deuxièmement, tout ce qui dépend de la circulation des marchandises ? et mes collègues l'ont rappelé ? aussi bien les exportations de matières premières en provenance du Québec que les importations de pièces qui sont nécessaires au fonctionnement de l'économie. On ne peut pas, en tant que législateurs, aujourd'hui, accepter que ce poumon de l'économie québécoise soit bloqué et soit fermé.

Donc, si tant est qu'on puisse comprendre la dynamique, les problèmes à l'heure actuelle que vivent l'ensemble des camionneurs qui transportent les conteneurs du port de Montréal, si on comprend qu'il est nécessaire, rapidement, que le gouvernement agisse pour tenir compte, dans les lois du travail, de cette nouvelle réalité, on ne peut pas, d'un autre côté, accepter une situation où l'économie québécoise va être virtuellement paralysée et où de nombreux travailleurs vont être amenés à perdre aussi leur emploi, soit parce que leur entreprise va fermer, elle ne pourra plus exporter les biens qui sont produits ou pouvoir obtenir les matières premières ou les pièces détachées qui lui permet de continuer à fonctionner. Le moyen de pression qui est choisi par ce groupe est à mon sens totalement inapproprié, M. le Président.

n(19 h 10)n

Je me permettrai néanmoins de soulever ? et je voudrais le soulever au ministre, ici ? à l'heure actuelle, dans la loi... Parce qu'il faut quand même comprendre qu'on est ici dans le débat autour d'un projet de loi, et ce projet de loi a un certain nombre d'articles. Parmi ces articles, je voudrais quand même soulever un mot et un élément qui, à mon sens, mérite réflexion, et je fais référence plus spécifiquement à l'article 6 du projet de loi.

L'article 6 du projet de loi amène le syndicat à prendre les mesures ? et on parle de «mesures appropriées» ? pour amener les conducteurs à se conformer aux articles 3 et 4. Et vous remarquez ensuite que, suite à l'article 6, vous avez l'article qui va être l'article 12 qui dit: Si le syndicat contrevient à l'article 5 et à l'article 6, il commet une infraction et il est passible d'une amende de 25 000 $ à 125 000 $ par jour. Le problème pour moi, M. le Président, c'est le vague, le flou qui est laissé derrière le terme «mesures appropriées», parce que quelles sont les mesures appropriées pour amener ces conducteurs à se conformer à l'article 3? Est-ce qu'une déclaration sera suffisante?

Comprenez-moi bien, M. le Président, il faut bien que vous compreniez, ce sont, à l'heure actuelle, des travailleurs qui sont autonomes, qui se sont regroupés dans une association, une association qui est patronnée, en quelque sorte, par une centrale syndicale, mais il n'y a pas formellement un lien d'emploi, et je me pose des questions actuellement sur quel sens il faudra attribuer au terme «mesures appropriées» lorsque viendra la question d'appliquer ou non l'article 12, c'est-à-dire quelles seront les mesures? Est-ce que les mesures qui auront été prises par le syndicat, si tant est qu'une partie des camionneurs, au sens de la loi, n'aient pas respecté les articles 3 et 4, soient amenés à... Comment on jugera si les mesures qui ont été prises étaient les mesures réellement appropriées?

On pourrait même arriver au principe suivant. S'il existe un seul ou quelques camionneurs qui, individuellement, ne répondent pas à la loi, ipso facto, même si le syndicat ? ce qu'on appelle le syndicat ici au sens de la loi, qui n'est pas un vrai syndicat ? a tout fait ce qu'il pouvait faire pour essayer de les amener à respecter la loi, il deviendrait coupable, puisqu'on pourrait dire: Il n'a pas pris l'ensemble des mesures appropriées, puisqu'il y a des gens qui n'ont pas respecté la loi. Je me permets de soulever au ministre, à l'heure actuelle, qu'il y a à mon sens un besoin, peut-être, d'une certaine clarification pour éviter que l'on tombe dans des abus d'un côté ou de l'autre ou qu'on puisse savoir qui va évaluer ou mesurer si telle ou telle mesure était réellement une mesure appropriée, M. le Président.

Alors, en conclusion ? parce que le temps passe, il est important quand même d'arriver à aboutir ? il est important de se rappeler que nous vivons probablement, dans le port de Montréal et avec la volonté qu'ont les camionneurs de se regrouper, un des... ce que j'appellerais des conflits de travail du nouveau type, c'est-à-dire les conflits de travail où il n'y a pas de lien réellement salarial entre les personnes employées, il y a un lien de type contractuel. Mais, malgré tout, ce lien de type contractuel, ce type de travailleurs qu'on appelle des travailleurs autonomes a le droit aussi à un certain filet de protection sociale, à un certain mécanisme qui régulariserait les relations dans son champ de travail.

Alors, on ne peut que déplorer aujourd'hui, M. le Président ? et je voudrais vous rappeler un certain nombre de faits ? que, deux ans après leur réélection, deux ans après le discours inaugural de ce gouvernement, alors que, dans le discours inaugural de ce gouvernement, ils rappelaient que la question des travailleurs autonomes allait être une question qui allait être une question de priorité, deux ans après qu'il y ait eu un vote unanime de cette Assemblée après le discours inaugural du premier ministre qui rappelait l'importance... Et on avait voté ? M. le Président, je vous rappellerai, vous le savez, vous étiez sur le trône à cette époque-là ? dans cette Chambre pour rappeler qu'il fallait prendre ensemble, tout de suite, des mesures pour régler la question des travailleurs autonomes ou être en mesure d'établir un nouveau filet de sécurité sociale, un nouveau filet de protection pour s'occuper des travailleurs autonomes.

On se retrouve au bout de deux ans où rien n'a été fait, je m'excuse de le dire, M. le Président, c'est malheureux, alors que ça avait été dans le discours inaugural, alors que de part et d'autre on est conscient qu'il y a une mutation profonde dans le marché du travail. Rien n'a été fait, et on se trouve aujourd'hui avec un conflit de nature nouvelle qui est le conflit où les personnes qui sont en présence ne sont pas des gens qui ont un lien direct d'emploi les uns avec les autres, mais qui regroupe des personnes qui font la même fonction, qui sont sur une base contractuelle et pour lesquelles les lois du travail, actuellement, sont absolument inadaptées, M. le Président, absolument inadaptées. Et, si ce gouvernement ne bouge pas, si ce gouvernement ne fait rien, comme il n'a rien fait depuis les deux dernières années, ce genre de conflit...

M. Paré: ...

M. Gautrin: Non, je m'excuse, M. le député de Lotbinière, je vous rappellerai, vous avez voté avec nous pour dire: C'est une des priorités qu'on doit actuellement s'occuper des travailleurs autonomes. Et, deux ans après, vous n'avez rien fait, et, parce que vous n'avez rien fait au bout de deux ans, vous vous retrouvez aujourd'hui avec le conflit que vous avez au port de Montréal. C'est ça, la réalité, je m'excuse de vous le dire, je ne pouvais pas le dire autrement, cette question-là. Parce que vous n'avez rien fait actuellement pour vous occuper de cette nouvelle réalité qu'était l'émergence, dans le marché du travail, des travailleurs autonomes, dont les camionneurs sont, en particulier, un exemple des plus probants, on va multiplier ce genre de conflit où la seule possibilité qui est laissée aux travailleurs, c'est cette possibilité de fonctionner hors les lois ou hors la loi, ce qui est totalement inacceptable, M. le Président, de fonctionner hors la loi. On ne peut pas accepter une question comme ça, mais on doit être en mesure aussi de pouvoir comprendre la problématique des travailleurs autonomes et, en particulier, dans ce cas-ci, la problématique des camionneurs.

Alors, nous allons bien sûr ? bien sûr ? voter en faveur de la loi. Nous l'avons dit, nous allons voter en faveur de la loi, mais nous le faisons avec réticence et en rappelant que, si vous ne bougez pas, si rien n'est fait, ce genre de loi va aller en se multipliant. Et il est urgent de très rapidement commencer à aborder cette nouvelle réalité du marché du travail qui est l'émergence sur le marché du travail du nouveau type de rapports qui est représenté par les travailleurs autonomes.

Alors, ce n'est pas de gaieté de coeur, M. le Président, aujourd'hui, qu'on va se lever pour voter en faveur de la loi. On vote en faveur de cette loi qui est le résultat de l'inaction du gouvernement d'en face. C'est parce qu'ils n'ont rien fait qu'il se trouve que le feu est pris dans la maison et qu'on est obligé de se trouver avec des lois aussi drastiques. Mais une fois que... Je me permettrais de le rappeler. Si vous ne faites rien, si rien n'est fait dans les révisions du monde du travail et si rien n'est fait pour tenir compte des travailleurs autonomes, ce genre de loi, vous allez en avoir régulièrement à passer. Donc, de grâce, de grâce, de grâce, si vous avez été inactifs pendant deux ans, il faut faire quelque chose, M. le Président, le plus rapidement possible pour tenir compte de cette nouvelle réalité du marché du travail que sont les travailleurs autonomes. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, j'aimerais prononcer quelques mots concernant le projet de loi extraordinaire qu'on a devant nous ce soir, le projet de loi n° 157, Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises; Bill 157, An Act to order the resumption of certain road freight transport services.

n(19 h 20)n

M. le Président, mon collègue, le député de Verdun, vient de le dire avec beaucoup d'éloquence, ce n'est vraiment pas de gaieté de coeur que, comme députés, on se lève puis on vote une loi dans un conflit particulier. La raison est fort évidente. Normalement, les lois adoptées par l'Assemblée nationale sont d'application générale, s'appliquent également à tout le monde, et évidemment on s'attend à ce que ces mêmes lois soient respectées par tout le monde. Au fil des ans, notamment dans le domaine des conflits de travail, on a eu des exemples où, malgré les lois, on avait des syndicats, ou des fédérations, ou des regroupements qui refusaient de suivre les prescriptions de la loi. C'est, dans certaines circonstances, assez facile de comprendre comment une situation a dégénéré et on en arrive là, et parfois justement ça appelle l'intervention spontanée, ponctuelle de l'Assemblée nationale.

Mais, dans le cas qui nous occupe, M. le Président, il y a quelque chose qui cloche. Comme mon collègue de Verdun et les autres collègues de notre côté ont dit, on va voter pour le projet de loi, mais on se pose quand même la question suivante: Comment ça se fait que ce gouvernement, il y a encore deux jours, a tenté de pelleter la responsabilité dans la cour du fédéral? J'étais ici, ce n'est pas une illusion d'optique ou un problème auditif, on a entendu le ministre des Transports se lever dans un débat de fin de séance, un débat qui portait spécifiquement sur ce sujet-là, et il l'a dit clairement. Ils ont utilisé la réponse numéro un de tout ministre péquiste qui se respecte: Ce n'est pas ma faute à moé, c'est la faute du fédéral. Ils ont joué cette toune-là il y a deux jours, on a perdu 48 heures.

Alors, les gens peuvent bien dire: Bien, 48 heures, et alors? Mais je vais vous donner un exemple concret que mon collègue le député de Mont-Royal a aussi cité plus tôt, aujourd'hui. Il y a des compagnies ? le propriétaire d'une d'entre elles nous avait contactés, c'est un bon exemple ? qui ont des marchandises périssables, des fruits, des légumes, des choses qui sont d'importation et qui attendent sur les quais, il y a une date définitive, là. Et on a tendance à penser que, parce qu'on a une entreprise, on a des ressources illimitées; c'est faux. De plus en plus, les gens marchent avec un arrivage qui doit être écoulé assez rapidement, la marge de profit est très mince. Perdre deux, trois jours ? là, ça fait une semaine dans certains cas ? dans ces conditions-là, le propriétaire de l'entreprise risque évidemment de perdre sa mise, mais, bien entendu ? et c'est là où je trouve tellement désolante l'attitude du syndicat dans le cas qui nous occupe ? évidemment, ça va vouloir dire que d'autres travailleurs vont être pénalisés. C'est ça, le résultat net.

Plusieurs de nos collègues ont donné des exemples. Dans le domaine minier, dans le domaine agricole, il y a exemple après exemple d'usines, de fabricants, de toutes sortes d'industries au Québec où les gens étaient déjà en voie de perdre leur emploi, l'entreprise risquait carrément d'être obligée de fermer si on n'utilisait pas les moyens qui étaient à notre disposition pour rouvrir les portes au port de Montréal.

M. le Président, quelqu'un qui nous entend ce soir en train d'adopter une loi spéciale peut bien se demander: Mais, coudon, il n'y avait pas déjà une loi qui disait que tu n'as pas le droit de proférer des menaces à d'autres travailleurs? Coudon, il n'y a pas une loi qui existe déjà, disant que tu n'as pas le droit de bloquer l'entrée du port de Montréal? Il y a des lois, M. le Président, il y a déjà des lois, mais le problème, c'est que, quand on ne les applique pas, quand on ne met pas les ressources, évidemment on est obligé de dire et de créer la situation de crise qu'on a ce soir. Plutôt que d'y aller avec les moyens qui existaient déjà, ce qu'ils auraient pu facilement faire si on voulait appliquer la loi, voilà que le gouvernement du Parti québécois arrive aujourd'hui comme s'il venait de découvrir quelque chose de nouveau, disant: Aïe! vous savez quoi? Le port de Montréal est bloqué, on va adopter une loi spéciale.

Quand on dit, de notre côté, M. le Président, que ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on va voter pour cette loi-là, ce n'est pas parce qu'on ne souhaite pas que le port soit rouvert ? je viens de donner des exemples, nous, on a compris depuis le début qu'il y avait quelque chose qui clochait ? mais ce n'est pas de gaieté de coeur parce que, normalement, les lois d'application générale qui existent bel et bien déjà auraient dû suffire. On a l'impression, en lisant cette loi-là puis en regardant la situation évoluer au cours des derniers jours, que ça va, quelque part, aider même le syndicat en question et certains de ses dirigeants vis-à-vis de leurs membres: Écoutez, les gars, on est allés jusqu'au bout, on a fait tout ce qu'on a pu. Mais, regarde, là, ils ont voté une loi spéciale, les risques sont trop gros. Puis c'est vrai, d'ailleurs, les risques sont très gros, et il y a des choses qui sont écrites dans cette loi-là qui risquent d'avoir des échos pour des semaines et des mois à venir.

Laissez-moi vous donner un seul exemple, M. le Président. L'article 20 du projet de loi prévoit ce qui suit: «Une personne peut mettre fin unilatéralement, sans avis ni indemnité, à un contrat qui la lie avec un conducteur qui contrevient à l'article 3 ou à l'article 4, que ce conducteur fasse l'objet ou non d'une poursuite pour cette contravention ? imaginez les problèmes d'application qu'on va avoir ? à moins que ce dernier n'ait pris tous les moyens raisonnables pour se conformer à ces articles et que le fait de ne pas s'y être conformé n'était partie à aucune action concertée.»

M. le Président, en clair, ce que ça veut dire, c'est que le contrat de travail liant le camionneur artisan avec son employeur peut être unilatéralement coupé si l'employeur décide qu'il y a contravention, même si la personne n'est jamais poursuivie en vertu de la loi.

Au plan juridique, ça ouvre bien des défis. Mais, au plan réel, c'est en train de nous montrer qu'encore une fois ce geste inconsidéré, mal réfléchi, de la part du syndicat en question, est en train de compromettre non seulement les ouvriers dont les usines, les industries vont être affectées par l'arrêt du transport au cours de la dernière semaine, mais leurs propres membres.

Un syndicat existe pour protéger les intérêts socioéconomiques de ses membres. Mais les propres membres de ce syndicat, maintenant, vont avoir cette épée de Damoclès au-dessus de leur tête. L'interprétation et l'application de cette clause-là vont être extrêmement difficiles en pratique. Et, pourtant, c'est ce que le gouvernement a décidé de nous mettre sur la table, pour la raison qu'on connaît.

Ils disent: Ça va prendre une loi qui va jusqu'au bout. Alors, évidemment, si, dans les circonstances, le syndicat, faisant fi des lois qui existent déjà, démontre clairement son intention de passer outre à la volonté de cette Assemblée nationale légalement exprimée, il faut avoir recours à des choses exceptionnelles comme ça. Mais ça ne fait que nous renvoyer à la case départ.

Ça ne prend pas beaucoup de réflexion pour se rendre compte qu'on n'en serait pas rendu là si le syndicat en question n'avait pas sciemment organisé cette activité concertée qui visait à empêcher le port de Montréal, un des éléments essentiels de l'économie de notre métropole, de fonctionner correctement et normalement. C'était une décision prise intentionnellement. Et, maintenant, ce n'est pas juste le syndicat qui risque de vivre avec les conséquences, parce que le syndicat s'en tire un peu mieux que les ouvriers mêmes là-dedans.

Parce que, quand je parle des échos, quand on regarde l'article 20, l'article 20 est un coup de canon, mais qui va avoir des échos pendant des semaines et des mois. Ça va avoir un long effet dans le temps, ça, parce que la question de décider s'il y a contravention, même en l'absence de poursuite, relèverait de qui? Mais ça relèverait de l'employeur, c'est ça qui est écrit à l'article 20.

M. le Président, on aurait vraiment, de notre côté, souhaité ne pas en arriver là. On a vu mardi, à la période des questions, le chef de l'opposition se lever, en cette Chambre, et poser la question clairement au gouvernement. Ça avait l'air un peu de sortir du champ gauche pour eux autres. C'était comme s'ils étaient vaguement au courant qu'il y avait des petits problèmes à Montréal.

Lorsqu'on habite dans la région de Montréal, on sait qu'il y a des problèmes depuis au-delà d'une semaine: les routes sont bloquées, les entrées pour certains services, notamment en matière de conteneurs, sont bloquées, et effectivement on recevait beaucoup d'appels de compagnies dont la vie de la compagnie et tous les emplois que ça implique étaient menacés par cette action-là.

n(19 h 30)n

On ne reprocherait jamais à des travailleurs et des travailleuses d'utiliser les moyens légaux qui sont à leur disposition pour faire valoir leurs droits. Jamais. Le domaine des relations du travail a connu trop de soubresauts au cours des dernières décennies pour qu'on prenne à la légère une situation comme celle-ci. On est rendu avec des situations où la stagnation, devant les tribunaux, de certaines demandes prouve au-delà d'un doute qu'il y a des choses qui doivent être résolues correctement puis en se parlant.

Mais ce qu'on a aujourd'hui comme tâche nous déplaît. Comme élu, ma première préoccupation, c'est le monde qui habite dans le comté où j'ai l'honneur de travailler et que j'ai l'honneur de représenter ici, à l'Assemblée nationale, et à Laval. Chomedey est un comté qui ressemble à beaucoup d'autres au Québec. Beaucoup de gens de moyens modestes, beaucoup de gens qui travaillent justement dans ces mêmes usines, dans ces mêmes industries qui sont menacées par le blocage du port. Et c'est quand je les vois inquiets, quand je réponds à leurs appels, de ces petits entrepreneurs qui me disent: Hé, si je n'ai pas mes livraisons, je ne peux pas fonctionner, j'ai tant d'emplois qui vont être perdus, puis mon entreprise, je vais la perdre... eh bien, on se rend compte qu'il y a de l'égoïsme là-dedans.

Je ne dis pas qu'il n'y a pas de point valable à être fait concernant l'organisation du travail. Mon collègue le député de Verdun a rappelé au gouvernement ses promesses, ce même gouvernement qui lors de la dernière campagne électorale avait pour thème J'ai confiance. Ça, c'est le gouvernement du Parti québécois. Ils ont promis de donner priorité au dossier des travailleurs autonomes. Ça, c'était un des dossiers dans lesquels ils n'avaient rien fait pendant quatre ans. Quand le Parti libéral a mis le dossier des travailleurs autonomes sur la table, lors de la dernière campagne électorale, comme ils avaient fait dans tant d'autres dossiers, ils nous accotaient, tenaient une conférence de presse dans les 12 heures qui suivaient et disaient: Nous autres aussi, on va s'en occuper. Ils n'avaient rien fait pendant quatre ans, mais ils disaient: Faites-moi confiance! Même si je n'ai jamais vu qu'il y avait un dossier qui concernait les travailleurs autonomes, fais-moi confiance, je vais m'en occuper. Ils commencent, ce mois-ci, leur troisième année du mandat courant. Ils n'ont encore rien fait dans le dossier des travailleurs autonomes.

Alors, nous voilà pris avec un conflit de travail qui met en péril l'économie de notre métropole et, par conséquence, l'économie de la province. Le gouvernement a refusé ou n'a pas su appliquer les lois existantes, et voilà que, histoire de montrer qu'il bouge, qu'il fait quelque chose, il utilise la voie d'une loi spéciale. M. le Président, tantôt, quand on va être en session plénière, on va avoir l'occasion de regarder un peu plus en détail cette loi-là. On va avoir sans doute des observations à faire de part et d'autre concernant son libellé et sa rédaction. Ça, c'est au plan relativement technique, parce qu'il y a accord des deux côtés de cette Chambre, qu'on va être obligé de l'adopter, la loi.

Mais je le dis aussi, comme mon collègue de Verdun tantôt, M. le Président, ce n'est pas comme ça que ça doit être, normalement. Une partie de la faute, évidemment, revient au gouvernement par son inaction depuis les derniers jours. Ça leur est tombé du ciel mardi, quand on s'est mis à parler de ça ici à la période de questions. Ils ne savaient même pas qu'il y avait ce problème-là. Deux jours plus tard, après nous avoir dit que c'est la faute du fédéral, que ce n'était pas leur problème à eux autres, ils viennent avec une loi spéciale. Il y a une contradiction flagrante là-dedans.

Puis, j'ai entendu le premier ministre tenter encore cet après-midi de s'en sortir là-dedans, essayer de nous convaincre qu'ils n'avaient vraiment jamais dit ça. M. le Président, c'était clair comme l'eau de roche. Quand le ministre des Transports s'est levé en débat de fin de séance, mardi, c'était, on ne serait plus clair, c'était déterminé, leur ligne allait être: C'est la faute du fédéral.

Ce qui est intéressant, c'est qu'ils l'ont tellement «spinnée» fort que, le lendemain, mercredi, à peu près tous les journaux et les médias électroniques retenaient cette même ligne-là. Le ministre des Transports nous dit: C'est la faute du fédéral; le gouvernement du Parti québécois nous dit: C'est la faute du fédéral.

Là, aujourd'hui, le premier ministre se lève ? il faut bien qu'il s'en sorte un peu ? il met un peu de miel autour de tout ça. Il ne laisse pas le ministre des Transports se lever, mais il va enrober ça un tout petit peu. Il se lève, il dit: En fin de compte, on a une excellente collaboration avec le fédéral, puis ça, c'est le bout qui nous appartient.

Le bout qui nous appartient, M. le Président, c'est à partir du port. Le port lui-même, oui, en matière constitutionnelle, c'est prévu depuis 1867. C'est un des chapitres qui n'ont jamais eu besoin d'interprétation, les ports relèvent du fédéral, c'est sûr. Mais tout ce qui entoure, les rues qui mènent au port, le trafic qui y circule, les gens qui profèrent des menaces, ça, ça relève de notre police à nous autres, ça relève de nos lois à nous autres, ici, à l'Assemblée nationale. Pas besoin d'une loi spéciale pour dire qu'on n'a pas le droit de proférer des menaces. Pas besoin d'une loi spéciale pour dire qu'on doit obtempérer à une injonction, comme ça a été le cas. Il y avait une injonction interdisant ce genre d'attroupement, mais on n'appliquait pas la loi. Elle était où, la police? Pourquoi elle n'était pas là-dedans? Je les ai vus, ils suivaient. Ils suivaient les caravanes de camions qui allaient de place en place sur l'île de Montréal, bloquant tout. Ça mettait le bordel dans le trafic à Montréal. Mais il y a moyen d'arrêter. Bon.

Le gouvernement a décidé d'utiliser cette arme. Nous, on comprend l'urgence, la nécessité d'ouvrir le port de Montréal, on va le suivre dans la démarche, mais, comme on l'a dit, on ne le fait pas de gaieté de coeur, on n'est pas heureux d'être obligés de suivre ce modèle-là et on croit que, si le gouvernement avait pris la peine, avait assez de ressources et assez de vision, on aurait pu éviter ce résultat.

M. le Président, le projet de loi n° 157 sera adopté ce soir, nous l'avons dit depuis le début de la journée, mais on aurait vraiment préféré qu'il en soit autrement. Le gouvernement du Parti québécois n'a rien fait dans le dossier des travailleurs autonomes, n'a rien fait avec le dossier du port de Montréal, sauf encore une fois blâmer les autres. C'est un leitmotiv chez eux. Le ministre des Transports, en débat de fin de séance mardi, j'étais ici, le verbatim de son intervention ne saurait être plus clair: C'était la faute du fédéral. Il l'a dit, il l'a répété.

Aujourd'hui, le premier ministre a tenté de le changer un petit peu: On l'a dit, mais ce n'était pas tout à fait ça, puis on a une bonne collaboration avec le fédéral. C'est extraordinaire, parce qu'ils nous avaient dit lors de la période de questions qu'ils étaient pour faire un conseil des ministres là-dessus, ils étaient en réunion spéciale à la fin de la journée mardi là-dessus. Et il est venu en Chambre, donc ce n'était pas une invention du ministre des Transports.

En jargon politique et journalistique et en termes de communications, leur ligne était décidée, leur approche édictée, ils allaient blâmer le fédéral, ils allaient garrocher ça comme si ça avait une place dans la campagne électorale actuelle. Le lendemain, c'était dans tous les journaux, c'était dans tous les médias électroniques, c'était le ministre des Transports en train de blâmer le fédéral. Il reste là puis il dit: C'est bon, ça. Il est fier de son coup, il est en train de sourire à ses voisins. Il comprend ce qu'il a fait. Et le fait que son gouvernement soit obligé de lui demander de s'asseoir et de faire une loi qui dit exactement le contraire de ce qu'il prétendu en Chambre, ça devrait le gêner plutôt. C'est lui-même.... C'est ironique, M. le Président, c'est lui-même qui préside le Comité de législation, où ce document-là a été préparé aujourd'hui, le même qui il y a deux jours nous disait: On ne peut rien faire avec ça, c'est la faute d'Ottawa.

M. le Président, en terminant, nous tenons à dire que, ça, c'est la dernière chose qu'il faut faire dans une démocratie: réagir avec une loi pour un cas particulier. Mais, ça, ça ne les dérange plus. Il y a déjà eu des principes de ce côté-là, il n'y en a plus. Il n'y a plus de gêne, il n'y a plus d'embarras, ça ne les dérange plus. De notre côté, M. le Président, on va travailler dans le dossier des travailleurs autonomes, on va travailler au renouvellement de nos lois pour qu'elles soient faciles d'application pour les deux côtés et équitables, et on va surtout, M. le Président, faire notre travail pour éviter que ce genre de situation perverse se reproduise dans l'avenir. Merci, M. le Président.

n(19 h 40)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Transports pour sa réplique. M. le ministre.

M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, tout d'abord, vous me permettrez de souligner certaines incohérences, pour ne pas dire plus. Il y en a qui d'entrée de jeu ont dit qu'ils voteraient spontanément avec le gouvernement, il y en a un autre qui a dit qu'il voterait avec réticence, puis l'autre, c'est rendu que sa gaieté de coeur n'est plus là. À les écouter, je vous avoue franchement, M. le Président, qu'ils ont manqué de jus, ils ne connaissent pas le dossier, manifestement. D'abord, il n'y a pas seulement que le port, il y a aussi deux grandes gares intermodales CNCP. Il n'y en a pas un qui a osé prononcer un mot de ça seulement. Ça fait partie du décor puis du conflit puis du problème.

M. le Président, le plus fort de leurs arguments, c'est qu'on aurait dû prévenir ce conflit. Quels devins! Il y en a qui parlent puis qui se croient, en plus: on pourrait prévenir un conflit. Qui peut prédire qu'il peut y avoir une grève sur un processus d'accréditation? Seul le député de Chomedey peut penser à ça, il peut entrevoir ça puis peut croire à ça puis peut prévenir ça. Voyons!

Voyons! Un peu de sérieux, s'il vous plaît, dans l'Assemblée nationale du Québec, un petit peu de sérieux, M. le député. Ça, c'est risible et c'est pour ça que, durant que vous parliez, c'est exactement pour ça que je riais, M. le Président. Je ne suis pas intervenu une fois, moi, malgré toutes ses conneries...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, s'il vous plaît, je vous inviterais à respecter le droit de parole, là. M. le ministre a son 20 minutes. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Donc, M. le Président, on doit prévenir les conflits comme si on était devins, comme si on s'imaginait qu'un groupe peut prendre une tangente à un moment donné. Voyons! soyez un petit peu sérieux. Vous savez comment ça se passe dans les relations de travail. Quand deux groupes sont en opposition, en instance d'accréditation, tout peut arriver, et il n'y a pas un député de cette Chambre qui peut deviner ce qui peut se produire. C'est faux, ça. Ça, c'est tout simplement de la petite politique et ça frise le ridicule. Ça frise le ridicule.

M. le Président, on n'a rien fait. Bien, j'ai décidé de vous faire un petit bilan de ce qu'on a de fait. Depuis deux semaines, il y a un paquet de monde qui est intervenu, et on va vous le dire. Tout d'abord, il y a eu une intervention de mon chef de cabinet à tous les jours ? à tous les jours. À tous les jours, M. Pierre Châteauvert est intervenu, a parlé à des employeurs, a parlé à des entreprises, a parlé aux gens des ports.

Jean Couture, directeur de la sécurité en transport routier et ferroviaire, tous les jours, a parlé à des représentants, depuis le début du conflit, a parlé à tous les jours. Vous allez les voir tantôt, ils vont rentrer en plénière, je vous les présenterai. Vous irez dire qu'ils n'ont rien fait, vous irez dire qu'on n'est pas intervenu.

M. le Président, je continue. M. André Meloche, un de mes directeurs, à ma demande, est intervenu auprès de CN, est intervenu auprès de CP et s'est fait décrire ce qui se passait. On est intervenu également... mon sous-ministre, André Trudeau, est intervenu auprès des deux parties; M. Normand Gauthier, sous-ministre au Travail, à la demande de la ministre du Travail et de moi-même, est intervenu auprès de la CSN pour savoir où est-ce qu'ils voulaient aller avec ça. Ça en fait un autre qui est intervenu. On a fait le point à tous les deux jours ? ministre du Travail et ministre des Transports ? pour savoir exactement ce qui se passait, à quoi ça menait, ça. Est-ce que ça met l'économie en danger?

Quotidiennement, j'ai rencontré personnellement la CSN, j'ai rencontré personnellement le groupe des représentants patronaux, et savez-vous ce qu'ils m'ont demandé ? écoutez bien ça, vous autres ? ils m'ont demandé: Est-ce que ça vaut la peine, d'après toi, Guy Chevrette, de mettre l'opposition dans le coup, de leur dire qu'ils devraient collaborer? Je leur ai dit: Risquez-vous, ça va être bien dur. Et ils sont intervenus lundi.

Mardi, le chef de l'opposition, l'homme invisible dont The Economist parle, se lève et pose la question: Que faites-vous avec le conflit des ports? Voyons, le conflit des ports, on s'en est occupé même avant que vous nous en parliez en cette Chambre, bien avant. Si bien que c'est nous qui avons dit aux groupes d'employeurs: Communiquez avec eux autres, peut-être qu'ils seront moins partisans dans le contexte, peut-être qu'ils se comporteront de façon un peu correcte. Ça n'a pas été long, on a vu le sprigne, là, tu sais. Boing! Le ressort. Hé, «vous ne faites rien»! Ça faisait une semaine et demie qu'on se fendait en quatre pour essayer d'éviter le conflit. Franchement!

Puis, vous n'avez pas écouté toutes les interventions, vous autres; il y en a qui sont allés prendre une bouchée, je comprends. Mais c'est le député de LaFontaine. Et là, je ne veux pas vous faire pleurer, je veux être réaliste: «M. le Président, le Parti libéral est le parti des travailleurs», quasiment des sanglots dans la voix.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Rappelez-vous la construction. «Le parti des travailleurs»! Franchement, M. le député, on peut rigoler. Il y a des heures pour rigoler puis des heures pour être sérieux. Un parti social-démocrate, le Parti libéral. J'ai dit: De qui il parle, lui, là? Le parti qui prévoyait les conflits. Seigneur, Jésus! Sortez les statistiques, Mme la ministre, il n'y a jamais eu autant de grèves que sous le Parti libéral, voyons, le parti qui prévenait les conflits. S'il vous plaît, si le ridicule tuait, vous savez ce qui serait arrivé à vous autres, là. Ça n'a pas bon sens.

Je n'ai pas fini. Il y en a d'autres qui sont intervenus, à part de ça. Il y a eu des contacts au plus haut niveau. Mme la ministre du Travail a appelé sa vis-à-vis, Mme Bradshaw, et c'est grâce précisément à ses interventions si le Conseil canadien des relations du travail est intervenu. Même aujourd'hui, il travaillait sur le dossier. M. Noël de Tilly, notre secrétaire général, a communiqué avec M. Metcalfe. Le chef de cabinet de M. Bouchard a communiqué avec Jean Pelletier ? que vous devez connaître un petit peu ? on leur a demandé de bouger pour essayer d'éviter ce conflit-là puis ne pas être obligé de passer une loi d'exception.

C'est à 9 heures ce matin, quand M. Hubert Thibault a appelé la CSN ? j'ai assisté à la conversation ? et lui a demandé ceci: Voulez-vous retirer votre arrêt de travail? Voulez-vous recommencer à travailler? On a fait suffisamment de chemin avec vous autres, là. Il va y avoir des décisions plus rapides qui vont se prendre. Vous êtes dans un processus d'accréditation et non pas de convention collective. Vous savez que votre grève, votre arrêt de travail est tout à fait illégal et il brime les droits d'autres salariés, même syndiqués, peut-être de votre propre centrale, en plus. Ça a été une fin de non-recevoir. Et le gouvernement a pris sa décision. Ça, c'est sérieux, c'est responsable, ce n'est pas de la bouffonnerie, ce n'est pas 56 folies dans une discussion, c'est quelque chose de sérieux. Quand vous n'avez pas d'autres arguments, vaut mieux se taire, parce qu'il y a un principe qui dit: Vaut mieux passer pour pas trop brillant en se fermant la boîte que de l'ouvrir pour le prouver. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au débat sur l'adoption...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le ministre. Alors, s'il vous plaît, le débat est terminé, là. Je vais mettre aux voix le principe du projet de loi n° 157.

Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 157, loi ordonnant la reprise des services de camionnage au port de Montréal et aux gares intermodales de la région de Montréal, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré en commission plénière pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader.

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous allons suspendre les travaux quelques minutes pour permettre à l'Assemblée de se constituer en commission plénière.

(Suspension de la séance à 19 h 49)

 

(Reprise à 19 h 54)

Commission plénière

M. Brouillet (président de la commission plénière): Alors, mesdames, messieurs, nous sommes réunis pour faire l'étude détaillée du projet de loi, dont je m'en vais vous lire le titre: projet de loi n° 157, Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises.

Remarques préliminaires

Comme d'habitude, nous avons la possibilité d'avoir des remarques préliminaires de part et d'autre, de la part du ministre et du porte-parole de l'opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: ...le peu de temps qu'il nous reste d'ici 21 h 30, je vais prendre à peine quatre, cinq minutes pour situer le projet de loi dans son contexte.

Je pense que nous avons tenté, au cours des dernières 72 heures puis même avant, de faire en sorte qu'on puisse, ce qu'on appelle communément, déboguer le problème. Mais il n'était pas, à notre point de vue, facile, parce que, au niveau du Québec, il n'y a aucune demande d'accréditation de faite, celles qui ont été faites étaient en suspens. Le reste a été déposé au fédéral, et c'est ce qui nous faisait dire que c'était au fédéral d'agir. C'est clair de même, là, il n'y a pas d'entourloupette dans ça.

Et, à partir du fait qu'on a eu des discussions qui ont semblé, je pense, des discussions de bonne foi effectivement, comme l'a dit le premier ministre, qui ont semblé vouloir ouvrir des portes à une plus grande célérité dans l'adoption du processus, eh bien, on a demandé carrément, à ce moment-là, à la CSN, ce matin, si, compte tenu des nouveaux développements, de la nomination de deux mandataires, de l'accélération du Conseil canadien des relations industrielles, qui siégeait aujourd'hui même et qui, espérons-le, pourra rendre des décisions dans les prochaines heures ou les prochains jours... Je pense que c'était de nature à avoir prouvé la bonne foi des deux paliers de gouvernement en cause et faire en sorte qu'on puisse véritablement mettre fin à cet arrêt de travail totalement illégal et qui ne s'inscrit même pas dans la foulée d'une convention, la réalisation d'une convention collective, mais dans un processus d'accréditation seulement syndicale, la reconnaissance d'un agent représentatif de ces travailleurs-là.

Je voudrais dire, en passant, qu'on a évolué dans le sens des nouvelles relations dans ce domaine. Contrairement à ce qui a été affirmé, vous vous rappellerez qu'au niveau de l'ANCAI on a créé une loi qui permet à l'ANCAI, au niveau des agrégats et au niveau de la forêt, d'avoir un mécanisme, d'avoir un type d'un contrat type. On a créé le Forum sur le camionnage, l'an dernier, qui a pour mandat précisément de travailler sur un contrat type, et, le 22 novembre, avec Paul-Émile Thellend comme nouveau président, ils auront la chance d'élaborer un contrat type.

Je comprends que ce n'est pas facile, des relations de travail dans ce domaine bien précis, parce qu'il y a beaucoup de catégories de travailleurs. Il y a des travailleurs qui travaillent pour des agences. Il y a des travailleurs qui sont autonomes ou entrepreneurs indépendants. Il y a des travailleurs, tout simplement, qui sont des employés, des salariés qui, eux, peuvent être syndiqués selon le Code qui est le plus approprié pour leurs fonctions, soit canadien ou bien Québec. Donc, à partir de là, je dois vous dire que je suis content de ces progrès que nous avons faits, puisque l'Ontario, même, ces dernières semaines, nous a demandé beaucoup d'informations et veut calquer un peu la nouvelle façon d'aborder les problèmes dans le domaine, justement, des relations de travail dans le camionnage, entre autres.

Donc, cette loi que nous avons dû... Parce qu'on a reçu un non catégorique de la CSN, donc, cette loi, on a été forcé de la bâtir, de l'adopter au niveau du Conseil des ministres ce matin et de la soumettre à l'Assemblée nationale ce soir. Donc, je suis prêt, M. le Président, à entamer l'étude article par article de ce projet de loi.

Le Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Mont-Royal pour ses remarques préliminaires.

M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Nous sommes ici ce soir, malgré nous, en train de regarder ce projet de loi, projet de loi avec lequel, on a dit tantôt, on est plusieurs à l'avoir dit, nous sommes en accord. Nous sommes en accord parce qu'il s'agit d'un conflit de travail qui est important, un conflit de travail qui a dégénéré au cours des deux dernières semaines à cause de l'inaction du gouvernement et en particulier du ministre du Transport qui, dès mardi passé, tout au moins, s'il avait écouté le chef de l'opposition, ici même dans cette salle, lors de la période de questions, qui a soulevé justement le problème de ce conflit de travail au port de Montréal... Conflit de travail qui, je vous rappelle, M. le Président, est totalement dans l'illégalité, puisque ces gens-là ne sont pas accrédités présentement et ont essayé de détourner le processus d'accréditation pour essayer d'accélérer cette accréditation, ou de mettre des pressions pour accélérer l'accréditation.

Alors donc, c'est un problème qui existe depuis presque bientôt deux semaines, et la ministre du Travail n'a pas accompli la tâche qu'elle aurait dû accomplir dès la semaine dernière. Et, mardi dernier, il a fallu une question de la part du chef de l'opposition en cette Chambre pour justement éveiller la ministre du Travail au problème majeur que représentait et que représente toujours ce conflit de travail au port de Montréal, car, comme on vous l'a dit, M. le Président, ça a des incidences énormes sur la ville de Montréal et sur toute la région du Québec et du Canada, même, et aussi même des incidences internationales, au niveau des Américains, des incidences qui peuvent avoir des répercussions à plus ou moins long terme. Si, par exemple, c'est pour l'entrée de matières premières, vous privez, vous sevrez des entreprises du Québec ou des États-Unis de produits qui sont essentiels à la fabrication de leurs produits à eux. Si c'est pour l'exportation, ces entreprises-là risquent de perdre leurs clients, et peut-être de les perdre à tout jamais. Et le port de Montréal lui-même risque de perdre, à long terme, des clients qui peuvent diriger leurs marchandises sur d'autres ports, comme le port de New York, par exemple.

Alors, M. le Président, nous ne pouvons que déplorer le délai que ça a pris avant de s'asseoir, ce soir, avec cette loi. Alors, c'est tout. Merci.

n(20 heures)n

Le Président (M. Brouillet): Bien. Merci, M. le député de Mont-Royal. Alors, nous allons procéder maintenant à l'étude article par article.

M. Gobé: J'ai des remarques préliminaires à faire, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Ah! M. le député de LaFontaine, oui.

M. Gobé: ...mon collègue avait à faire avant moi, je pense.

Une voix: Vas-y.

M. Gobé: Vas-y, Bernard.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Shefford d'abord. Oui, très bien.

M. Brodeur: Oui, juste pour...

M. Chevrette: ...côté. On va demander à madame...

Une voix: Non, non.

Le Président (M. Brouillet): Immédiatement ou après les deux, comme vous voulez. On peut alterner, aussi. Alors, Mme la...

M. Chevrette: Allez-y, elle finira.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Shefford, et on pourra vous donner l'occasion...

M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. On répète depuis des heures que, en fin de compte, l'intervention arrive des jours et même des semaines en retard. Et, de ce côté-ci, on se pose toutes sortes de questions. On se pose toutes sortes de questions, pourquoi on n'est pas intervenu, parce qu'on avait les moyens, les moyens d'intervenir.

M. le Président, à titre d'exemple, et c'est le ministre lui-même, le ministre des Transports, qui a fait adopter une loi au printemps dernier, la loi n° 130, puis je me permets de lui citer des articles de loi, qui ont été adoptés, qui permettent aujourd'hui, là, pas à 8 heures demain matin, là, ce soir, d'intervenir. Et puis je veux lui renouveler la mémoire et je veux faire ces citations; l'article 500 qui dit: «Nul ne peut, sans y être autorisé légalement, occuper la chaussée, l'accotement, une autre partie de l'emprise ou les abords d'un chemin public, ou y placer un véhicule ou un obstacle de manière à entraver la circulation des véhicules routiers sur ce chemin ou l'accès à un tel chemin.

«Un agent de la paix peut enlever ou faire enlever, aux frais du propriétaire, toute chose utilisée en contravention au présent article; il peut aussi saisir une telle chose. Les dispositions du Code de procédure pénale relatives aux choses saisies s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires aux choses ainsi saisies.

«Aux fins du présent article, un chemin public comprend un chemin servant de déviation à un chemin public, même si ce chemin est situé sur une propriété privée, ainsi qu'un chemin soumis à l'administration du ministère des Ressources naturelles ou entretenu par celui-ci.»

Encore pire que ça, M. le Président, l'article 500.1 dit: «Nul ne peut, au cours d'une action concertée destinée à entraver de quelque manière la circulation des véhicules routiers sur un chemin public, en occuper la chaussée, l'accotement, une autre partie de l'emprise ou les abords ou y placer un véhicule ou un obstacle de manière à entraver la circulation des véhicules routiers sur ce chemin ou l'accès à un tel chemin.» Et ça continue ainsi de suite, M. le Président.

Ça veut dire que, présentement, la loi n° 130 s'applique. On pourrait, M. le Président, là, aujourd'hui, ce soir, même on aurait pu, la semaine dernière, appliquer la loi n° 130 ou appliquer plusieurs autres lois qui permettent au Québec d'intervenir immédiatement, parce que, comme je l'ai dit tantôt, c'est une question d'ordre public.

On sait que la ministre du Travail et le ministre des Transports nous parlent d'accréditation. Nous sommes dans un cas où il y a des gens qui contreviennent à l'ordre public, et ce sont des lois, M. le Président, comme la loi n° 130 qui a été adoptée le printemps dernier, c'est une loi... Lorsqu'on fait des lois, c'est pour les faire appliquer. M. le Président, on se souviendra des propos du député de Joliette, là, dans la crise d'Oka. Il était le premier à dire que ça prenait une intervention armée. Aujourd'hui, il va jouer du tam-tam dans les mêmes circonstances.

Une voix: Il fume le calumet de la paix.

M. Brodeur: Donc, M. le Président, je pense que ? en tout cas, dans le cas qui nous occupe ? ça va donner une arme supplémentaire au ministre pour faire observer la loi. Sauf que, présentement, les lois du Québec puis le Code pénal lui permettent d'agir, lui auraient permis d'agir la semaine dernière. Donc, on peut se poser des questions. Puis j'ai hâte de voir le ministre répondre à cette théorie-là. Et je pense que, si on adopte des lois, c'est pour les faire respecter, tout simplement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Shefford. Il y a M. le député de LaFontaine qui a demandé...

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Oui. Alors, merci, M. le Président. En effet, quelques remarques préliminaires. Nous sommes ici, aujourd'hui, pour servir de caution au gouvernement, servir de caution à l'inaction du gouvernement. Parce que, si le gouvernement avait vraiment voulu, aujourd'hui, nous ne serions pas ici à voter une loi comme celle-là, parce qu'on pouvait très bien éviter cette situation.

M. le Président, c'est un problème tout à fait de relations de travail, un problème syndical, dont la ministre du Travail ne s'est pas occupée ou s'est désintéressée au profit de son collègue... ou s'est déchargée sur son collègue du Transport. Et on voit qu'est-ce que ça a donné. Car, en effet, on me reprendra si je me trompe, mais, depuis 1999, au-delà de 20 demandes, requêtes d'accréditation, ont été déposées venant de chauffeurs, de camionneurs artisans qui sont impliqués dans ce conflit-là actuellement pour pouvoir être reconnus au sens du Code du travail du Québec.

Et qu'est-ce qui a été fait? Il n'y a rien qui a été fait. Il y a un commissaire qui s'est penché sur un cas en particulier ? un commissaire du travail ? et qui a statué qu'en effet un des camionneurs était reconnu au sens du Code du travail du Québec. Alors, à partir de ce moment-là et même avant, le gouvernement du Québec savait... La ministre du Travail pourra trouver toutes sortes d'échappatoires, mais le gouvernement savait qu'il y avait un problème, il savait qu'il y avait une situation qui était potentiellement conflictuelle, il savait qu'il y avait là quelque chose qui était en gestation. Il savait qu'il y avait des gens qui n'étaient pas satisfaits du statut dans lequel ils étaient et qui cherchaient à se faire reconnaître, il savait qu'il y avait des requêtes qui étaient déposées.

Bon, le ministre des Transports, il nous a dit tout à l'heure: Les syndicats nous ont dit de ne plus y toucher. Mais depuis quand c'est le syndicat qui mène au ministère du Travail? Est-ce que c'est les travailleurs, est-ce que c'est les gens qui font des requêtes ou c'est le syndicat? Moi, il me semble qu'à partir de ce moment-là le gouvernement aurait dû analyser, aurait dû comprendre qu'il y avait là les germes d'une situation potentiellement délicate, potentiellement, dangereuse et que ça allait probablement, si on n'y portait pas attention, dégénérer vers un conflit qui serait dommageable pour l'ensemble de la société québécoise, mais aussi pour les travailleurs qui sont impliqués là-dedans. Et ils n'ont rien fait, ils se sont dégagés.

Et je vois le ministre qui nous lit son agenda, moi, j'aime bien que le ministre lise son agenda: Mon chef de cabinet a rencontré un tel, le sous-ministre a rencontré une telle, la ministre du Travail a vu un tel. C'est comme si... C'en est rendu quasiment lamentable, M. le Président, on voit les lamentations des deux ministres qui essaient de justifier qu'ils ont parlé à du monde pour du monde. Mais, moi, ce n'est pas ça qu'on leur demande. Il y a neuf mois, depuis 1999, ce problème existait, ils n'ont rien fait, ils s'en sont désintéressés. La preuve, c'est qu'on arrive à un conflit aujourd'hui. S'ils s'y étaient intéressés, le conflit n'aurait pas éclaté parce qu'ils auraient pris les moyens pour aider les gens à le régler. Et on ne l'a pas fait.

Alors, M. le Président, aujourd'hui, le problème, on va étudier ça article par article, mais ce qu'ils font, c'est... Ils ont créé, ils sont les gens qui sont les principaux incubateurs de ce problème. C'est à cause de leur inaction, du désintéressement de la ministre du Travail qui a laissé le dossier à son ministre des Transports, qui, peut-être, a connu les relations de travail il y a quelque 20 années. C'est vrai qu'il était un bon vice-président syndical dans le temps, mais, depuis 22 ou 25 ans qu'il est en politique, peut-être qu'il a pris d'autres habiletés. Je ne sais pas, je ne veux pas porter de jugement, mais il n'en reste pas moins qu'aujourd'hui on a le problème. Et, si les gens s'étaient occupés du problème, qui était en gestation depuis 1999 et un peu avant, on ne l'aurait pas aujourd'hui. Alors, ça veut dire qu'ils n'ont rien fait, qu'ils ne s'en sont pas occupés, puis aujourd'hui ils vont essayer de justifier, par toutes sortes d'artifices, de déclarations de fonctionnaires, ou autres, qu'ils avaient raison puis que ce n'est pas de leur faute, que c'est la faute des autres. Mais la vraie réalité, c'est qu'il y a un problème ? aujourd'hui, on nous demande de légiférer sur la tête des travailleurs ? un problème qu'ils ont créé eux-mêmes, puisqu'ils sont au gouvernement, ils en sont les responsables, puis c'est leur responsabilité de voir plus loin que le bout de leur nez.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de LaFontaine, si...

M. Gobé: J'ai terminé, M. le Président, pour l'instant.

n(20 h 10)n

Le Président (M. Brouillet): Alors, Mme la ministre. Mais vous avez, au niveau des remarques... droit à une intervention dans le cadre des remarques préliminaires. Alors, je vous cède la parole.

Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, je voudrais reprendre un certain nombre d'éléments d'information, parce que, visiblement, l'opposition s'y perd. Je voudrais d'abord redire qu'il est assez simple de comprendre que des activités portuaires, des activités commerciales qui s'exercent dans un lieu qui s'appelle le port de Montréal, sont évidemment de compétence fédérale et que nous sommes aujourd'hui, et je pense que c'est les derniers jours... Nous avons cherché toutes sortes de solutions pour assumer nos propres responsabilités, mais qu'il y a aussi des responsabilités du côté de nos vis-à-vis du gouvernement fédéral, et, écoutez, je ne comprends pas que l'opposition ne comprenne pas cela. Le fédéral a des responsabilités, et je l'ai identifié également un peu plus tôt au cours de cette séance, que j'ai fait une intervention auprès de ma vis-à-vis, Mme Claudette Bradshaw, qui est ministre du Travail, et, si on n'avait pas fait cette intervention-là aujourd'hui, le Conseil canadien des relations de travail n'aurait pas siégé de manière plus rapide pour disposer des requêtes, d'une cinquantaine de requêtes d'accréditation qui étaient déposées au Conseil canadien des relations de travail.

J'indiquerais également à l'opposition que, puisqu'il y a donc sur la table des requêtes en accréditation, mais qu'il ne s'agit pas de conflit au sens ni du Code canadien ni du Code québécois, mais davantage de moyen de pression, d'arrêt de travail, de gens qui ne se présentent pas au travail, on devait donc imaginer des solutions qui étaient complémentaires à des interventions au niveau du travail, des relations de travail. Et c'est la raison pour laquelle on a pensé qu'il était intéressant que le gouvernement fédéral nomme un mandataire pour que cette personne puisse voir et puisse décortiquer les problèmes qui sont vécus actuellement au port de Montréal et pour trouver les solutions les plus appropriées.

Nous avons fait cette suggestion au gouvernement fédéral hier. Nous avons par la suite ajouté que nous étions prêts, nous aussi, à désigner quelqu'un, bien que nos responsabilités soient un peu plus limitées, mais que nous voulions exercer entièrement les possibilités que nous avions. Nous avons désigné notre mandataire. Mais, à l'heure où on se parle, c'est-à-dire 20 h 10, le gouvernement fédéral n'a donné aucune indication, à ce moment-ci, sur le choix d'un mandataire. Et il me semble qu'il y a là une clé qui est fondamentale.

Alors, moi, je pense que... Ce soir, ce que nous examinons, nous examinons ce qui est dans notre cour ? permettez-moi l'expression ? nous examinons des moyens pour pouvoir exercer l'ensemble de nos responsabilités. Nos possibilités sont beaucoup plus limitées, mais nous le faisons. Et je terminerais également en disant que, si nous n'avions rien fait, même si c'était extrêmement limité, les possibilités que nous avions, si nous n'avions rien fait, nous serions effectivement dans une situation embarrassante. Or, ce n'est pas le cas.

Mon collègue le député de Joliette et ministre des Transports en a fait la liste tout à l'heure de manière très éloquente, et avec conviction, et notamment avec également ce sentiment que nous avons agi de bonne foi et que, à chaque fois que nous avons établi des contacts avec l'une ou l'autre des parties concernées par cette situation-là, nous avons cru que nous pourrions dénouer, en partie à tout le moins, l'impasse. Ça ne s'est pas passé.

Et je rappelle que plusieurs gestes ont été posés. Le directeur de cabinet du ministre des Transports est intervenu. Plusieurs personnes au niveau du ministère des Transports et du ministère du Travail, nos sous-ministres respectifs sont intervenus auprès de leurs vis-à-vis et du côté des Transports au fédéral et du côté du ministère du Travail. Le directeur de cabinet du premier ministre est intervenu auprès du directeur de cabinet du premier ministre du Canada. Le secrétaire général du Québec est également intervenu. Finalement, nous avons également complété ces interventions auprès de nos vis-à-vis respectifs. Alors, nous avons posé les gestes qu'il faut. Le ministre des Transports a même été jusqu'à provoquer des rencontres avec l'Association du camionnage, avec des représentants des centrales syndicales impliquées. Nous avons posé tous les gestes qu'il faut, mais maintenant il faut en poser un supplémentaire, c'est-à-dire l'adoption de ce projet de loi.

Alors, vous savez, M. le Président, c'est une situation qui n'est pas idéale. Je pense qu'il n'y a personne qui a envie d'adopter des projets de loi spéciaux et qu'en général, lorsqu'il y a des situations dans les milieux de travail qui se vivent, qui sont difficiles, nous cherchons à avoir des solutions qui sont beaucoup plus constructives. Mais, à ce moment-ci, nous n'avons pas le choix, nous avons épuisé les ressources et les moyens à notre disposition, nous avons posé tous les gestes. Maintenant, il faut en poser un supplémentaire.

Je terminerais en disant que l'opposition officielle joue avec le feu. D'abord, elle, visiblement, montre une méconnaissance de la complexité de cette situation et de ce dossier, une méconnaissance de base de qu'est-ce que c'est, une entreprise fédérale, et de ce que c'est, une entreprise provinciale, et quelles sont les juridictions du gouvernement fédéral et quelles sont les responsabilités du gouvernement provincial. Alors, j'espère que, pour la suite des choses, l'opposition officielle fera preuve de davantage de bonne foi, parce que nous devons résoudre cette situation.

Le Président (M. Brouillet): Merci, Mme la ministre du Travail. Alors, je vais céder la parole, encore en remarques préliminaires, à M. le député de Chomedey.

M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. C'était vraiment inattendu que la ministre du Travail prenne une telle approche; on ne s'y attendait vraiment pas de sa part. Il y a des bouts de ce qu'elle nous a dit qui ne nous ont pas surpris; elle a confirmé ce que nous avons dit tantôt, que c'est vraiment depuis que le chef de l'opposition officielle a soulevé cette question en Chambre mardi qu'ils ont commencé à agir. Ça, elle vient de nous le confirmer, et on la remercie pour sa franchise.

Mais il y a une confusion dans l'esprit de la ministre que nous allons tenter de dissiper. La confusion est la suivante. Le projet de loi qu'on a devant nous ne vise pas l'accréditation d'un syndicat, le projet de loi qu'on a devant nous ne change strictement rien au partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. Ça ne change strictement rien. C'est sûr que le port de Montréal, en vertu de la Constitution de 1867, on l'a dit tantôt, ça relève du fédéral. Il y a des questions compliquées justement de savoir si on fait du transport interprovincial, si on doit être syndiqué sous l'égide du Code canadien du travail ou de la loi provinciale. Ça, c'est une série de considérations.

Mais la loi qu'on a devant nous ce soir ? juste pour éclaircir la question pour la ministre ? s'intitule Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises; pas en accréditation syndicale, ici. Ce qu'on veut, c'est appliquer la loi qui existe déjà, c'était notre point tantôt. On n'avait pas besoin d'une nouvelle loi interdisant aux gens de faire des menaces, on n'avait pas besoin d'une nouvelle loi disant que c'était illégal de bloquer les routes au Québec, mon collègue le député de Shefford vient de le montrer, tantôt. On les avait. Les lois existent, les lois d'application générale existent. Mais le mot «application» est la clé de voûte ici. Est-ce qu'effectivement ce gouvernement a fait son travail d'appliquer la loi? La réponse, c'est non.

Les choses se sont gâtées, la situation s'est rendue à un point tel, justement, que c'est du «face saving» un peu pour tout le monde, ça. Évidemment, on va être pour un projet de loi qui vise à s'assurer que ce transport se fasse, c'est une évidence. On l'a dit à la période des questions, ça a été confirmé ici, en cette Chambre, et tous les membres de l'opposition qui en ont parlé, sans exception, ont dit la même chose: On va voter pour le projet de loi parce qu'on veut que cet élément crucial de la vie économique de notre métropole et de notre province, qui est le port de Montréal, que ça puisse fonctionner normalement.

Mais, M. le Président, si le gouvernement avait assumé ses responsabilités pour appliquer les lois existantes ? la question est valable et on a le droit dans une société démocratique, ici, dans cette Chambre, ce soir, de la poser ? est-ce qu'on serait ici avec une loi spéciale, une loi d'application spécifique à une situation individuelle, si on avait pris la peine d'appliquer les lois qui existaient déjà? Alors, que l'on ne confonde pas deux choses complètement distinctes qui n'ont aucun rapport l'une avec l'autre.

C'est vrai qu'il y a un conflit illégal avec des menaces, avec toutes sortes d'activités illégales, des gens qui sont bloqués, des entreprises qui sont menacées de fermeture, des gens qui vont perdre leur emploi, et ça, c'est le bout qui nous occupe ce soir. Mais on est en train de régler une situation qui aurait pu au moins faire l'objet d'une attention sérieuse de la part du gouvernement avec les lois existantes. À ne pas confondre avec si le Canada Labour Relations Board va s'asseoir aujourd'hui ou demain ou si elle a parlé à Mme Bradshaw puis si cette accréditation va avoir tel effet. Ce sont deux choses totalement distinctes, et je crois que la ministre le sait. Merci, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Merci, M. le député de Chomedey. M. le député de Saint-Laurent, pour vos remarques préliminaires.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: M. le Président, le premier ministre a fait un aveu il y a quelques semaines, il a avoué qu'il était fatigué et, dans le fond, les ministres qui sont présents devant nous autres ce soir prouvent que, eux aussi, ils sont fatigués. Ils sont fatigués parce que cette situation-là dans laquelle on est placé ce soir, on y est placé parce qu'ils n'ont pas été en mesure de voir de quelle façon ils pouvaient agir avant que le chef de l'opposition officielle ne se lève pour le leur reprocher, tout simplement.

n(20 h 20)n

Il y a des lois qui existent actuellement au Québec, il y a des lois d'application générale au Québec, mon collègue de Chomedey l'a dit, et, entre autres, il y a le Code criminel qui s'applique au Québec et qui s'applique toujours au Québec, le Code criminel. Or, le Code criminel, M. le ministre des Transports, Mme la ministre du Travail ? votre tuteur doit le savoir ? le Code criminel s'applique. L'article 423 du Code criminel prévoit l'intimidation. Or, il y avait de l'intimidation. C'est clair, on l'a vu. On en a entendu parler. Et vous auriez pu agir. Il y a de la police au Québec. Le ministre de la Sécurité publique n'a pas l'air à le savoir souvent, mais il y a une police, il y a des policiers qui sont là pour faire appliquer les lois qui existent. Le Code criminel est en force. Et l'intimidation, ce n'est pas permis. Pourquoi avoir attendu d'agir que le chef de l'opposition officielle se lève pour vous dire d'agir? Pourquoi avoir attendu? Pourquoi ne pas avoir agi?

Je vais vous le dire pourquoi, moi. Parce que vos gens de la CSN... Vous ne vouliez pas agir plus rapidement parce que vous... vous ne vouliez pas agir plus rapidement. Et vous le faites ce soir, bien sûr, à contrecoeur. La ministre l'a dit: Nous le faisons tous à contrecoeur, parce qu'une loi spéciale, on la fait toujours à contrecoeur. Mais vous avez tardé à agir et vous n'avez pas fait appliquer les lois qui existent. Et c'est ça qu'on vous reproche. C'est la même chose partout, toujours, dans ce gouvernement-là, il faut toujours qu'il y ait une pression qui soit exercée sur vous autres pour que vous agissiez. Jamais vous êtes en avant des problèmes; vous êtes toujours à la remorque des problèmes, toujours. La ministre du Travail, dans son cas, était tellement à la remorque des problèmes dans Emploi-Québec qu'il a fallu y nommer un tuteur pour qu'elle agisse. Vous êtes tellement en retard dans tous les problèmes qu'il faut donner des contrats à des gens qui ne sont pas élus pour vous permettre de régler les problèmes. C'est ça qu'on vous reproche. Et on a raison de vous le reprocher. Et vous allez voir tantôt, la population aussi va vous le reprocher amèrement.

Le Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent. À l'occasion de l'étude article par article, vous pourrez, selon la teneur des articles, et tout, puis des échanges pendant l'étude des articles... Parce que, au niveau des remarques préliminaires, chaque député intervient une fois.

Étude détaillée

Et nous allons aborder, si vous voulez, le premier article. Oui, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Une question simple mais relativement technique. C'est notre habitude de procéder à l'adoption du titre à la toute fin, sauf que mon collègue le porte-parole en matière de travail et député de Mont-Royal avait une question sur le titre. Donc, j'imagine que, de consentement, on pourrait aborder cette question plutôt que de la garder pour la fin. C'est une question vraiment technique sur le choix d'un terme dans le titre. Alors, avec l'accord du gouvernement, on pourrait aborder cette question tout de suite.

Le Président (M. Brouillet): S'il y a accord, il n'y a pas de problème.

M. Mulcair: O.K.

Le Président (M. Brouillet): On a l'habitude de commencer par... Normalement, les titres ne posent pas problème, mais, si...

M. Mulcair: Celui-ci est une exception alors.

Le Président (M. Brouillet): Bon. Alors, écoutez, je n'ai pas d'objection à ce qu'on puisse aborder cette question tout de suite avec M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: Je trouvais que le titre, un mot dans le titre a une incidence à certains articles. Le titre dit: «Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises». Ma question au ministre, c'est: Pourquoi avoir mis le mot «certains» là et non pas juste «Loi ordonnant la reprise des services de transport routier de marchandises»?

M. Chevrette: Tout simplement parce que ce n'étaient pas tous les services routiers au Québec, mais bien les types de services de transport habituels au port de Montréal, aux activités portuaires et aux gares intermodales.

M. Tranchemontagne: L'ensemble des services au port de Montréal, pas juste certains?

M. Chevrette: C'est «conteneur»... Vous allez le retrouver dans un des articles un peu plus loin, à l'article 3, je crois, où on parle: «Tout conducteur doit, à compter de 08 h 00 º? et là vous voyez la précision ? cesser de participer à toute action concertée en cours qui a pour effet d'empêcher, d'entraver ou de diminuer [...] sur le territoire du Québec, des services de transport routier de marchandises par conteneur en provenance ou à destination...» Vous l'avez comme défini là. Donc, le titre se retrouve défini dans l'article 3.

M. Tranchemontagne: J'aimerais juste reprendre. Ici, on parle de la loi sur... Évidemment, on parle du port de Montréal seulement. On ne parle pas d'autres services de transport. On parle des services de transport reliés au port de Montréal. Et c'est ça que je ne comprends pas, pourquoi on a mis le mot «certains». Parce qu'on semble limiter seulement certains services de transport au port de Montréal. Si le mot «certains» n'est pas là, je n'ai pas de problème.

M. Chevrette: Je vais demander à Me Sormany de vous répondre. Mais, comme légiste, il nous a expliqué ce matin que le terme «certains», le mot «certains», défini dans l'article 3, décrivait exactement les activités routières au port de Montréal. Mais je vais lui laisser la parole.

M. Sormany (Louis): Louis Sormany, du Secrétariat à la législation, au Conseil exécutif. En fait, le mot «certains» est employé parce que, si on avait mis «Loi ordonnant la reprise des services de transport routier de marchandises», on aurait lesquels? On aurait eu l'impression que c'est tous les services de transport routier de marchandises au Québec, que ça soit en vrac par container, que ça soit concernant le port de Montréal ou le port de Sept-Îles ou n'importe quoi. Alors, il fallait restreindre ça dans le titre. C'est sûr qu'on aurait pu faire un titre, employer tout ce qu'on a dans l'article 3, «la reprise des services de transport routier de marchandises par conteneurs en provenance ou à destination du port de Montréal, d'une gare intermodale de Québec», mais ça aurait fait un titre énorme.

Alors, dans un titre, on essaie de donner un peu l'objet essentiel. C'est évident qu'un titre ne donne jamais au complet le contenu de la loi. Alors, c'est pour ça qu'on emploie le mot «certains», parce que ce n'est pas tous les services.

Une voix: Ça va.

Le Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, on va l'adopter tout d'abord, tiens. Le titre est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Bien, c'est vrai. Paraît-il qu'il peut y avoir des modifications en cours qui peuvent revenir, avoir une influence sur le titre par rétroaction. C'est pour ça que, habituellement... On attendra à la fin, comme d'habitude, pour l'adopter officiellement.

Alors, l'article premier. Bien, écoutez, si vous voulez, je peux vous les lire rapidement, un après l'autre. Ce n'est pas nécessaire. Si...

M. Chevrette: C'est peut-être mieux de...

Le Président (M. Brouillet): Bon, ce n'est pas nécessaire, bien, tant mieux. Tant mieux si ce n'est pas nécessaire. Alors, très bien.

Alors donc, sur l'article 1, y a-t-il des commentaires et réflexions? Vous ne sentez pas le besoin de le présenter? Non.

Alors, M. le député de Chomedey, vous avez des commentaires ou des questions?

M. Mulcair: Mr. Chairman, in the English version of the section, the definition of «driver» contains a reference to something called the «registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds».

Now, it's become customary in Québec to use only the French version of government agencies, and indeed, most of those don't have an official translation. But this isn't a government agency, this is just a simple register and it's not translated. And our concern is that, under section 1.33 of the Constitution Act 1867, the failure to translate might be successfully argued by a lawyer ? of the union perhaps ? to say that it wasn't translated, that this is not a fully translated version.

I think it's a mistake. In a bill where both sides of the House are working together to try to achieve a result, I think that it's a mistake to leave that sort of thing open. So it should have been translated. It's a mistake to have had this in the English version left in French. And we ask that it be translated.

M. Chevrette: It's not an error, it's not a mistake. C'est traduit textuellement dans la loi. Concernant le registre, vous allez le retrouver exactement écrit de même, autant dans la version française créant le registre que dans la version anglaise, dans les statuts officiels...

M. Mulcair: We'll try it again.

M. Chevrette: C'est à l'article... Je n'ai pas fini, s'il vous plaît. C'est dans le registre des propriétaires et des exploitants des véhicules lourds, article 4: «Est constitué à la Commission des transports [...] registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds.»

M. Mulcair: M. le Président, je dois dire, pour que tout le monde me comprenne, on a une obligation constitutionnelle d'avoir une version française et une version anglaise. Comme l'avait dit un de mes collègues au Manitoba, dans le temps où on faisait les lois dans les deux langues là-bas: Whatever else this is, it's not an English-language statute.

Qu'une autre loi ait été adoptée en utilisant cette expression-là en français dans la version anglaise m'importe peu aujourd'hui. Ça ne nous intéresse pas pour les fins de nos travaux. Ce que nous sommes en train de demander, parce que, peut-être, personne l'a demandé lorsque l'autre loi a été adoptée, mais, nous, on est en train de dire que si on ne veut pas avoir un problème, par ailleurs, prévisible et évitable, un problème où un avocat connaissant bien ces questions-là va pouvoir le soulever, ce défaut de traduction, nous demandons, comme députés... La loi est claire, la Constitution est claire, la décision de la Cour suprême dans le renvoi sur le Manitoba est claire. Ça doit être dans les deux langues et pas juste des bouts qui nous concernent ou qu'on veut bien traduire.

Je le suggère. Si le ministre ne veut pas le faire, avec ses services, refuse de le faire, il prend une chance qui est inutile. C'est facile de le traduire. C'est ce que nous lui suggérons de faire. Et s'il ne veut pas le faire, il prend un risque sur l'applicabilité de sa loi.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, nous allons vérifier dans les statuts, dans la version anglaise, et on pourrait revenir dans trois ou quatre minutes pour répondre à cette question, mais continuer les autres questions.

Le Président (M. Brouillet): Alors, est-ce qu'il y a d'autres remarques sur l'article premier? Ce sont des définitions et tout. Alors, l'article premier est donc adopté?

Des voix: Adopté.

n(20 h 30)n

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, l'article 2.

Une voix: ...

M. Gobé: On demande la suspension de l'article 1.

Le Président (M. Brouillet): On peut le suspendre et le voir tantôt. Très bien. Alors, l'article 2, M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: M. le Président, l'article 2 se lit ainsi, vu que le ministre ne le présente pas: «La présente loi s'applique, conformément aux dispositions de la partie II de la Loi de 1987 sur les transports routiers (Lois révisées du Canada (1985), chapitre 29, 3° supplément), même à l'égard d'une personne engagée dans une entreprise de camionnage extraprovinciale.»

Est-ce qu'on fait là référence à une loi fédérale?

M. Chevrette: Je vais demander à Me Vigneault, du ministère des Transports, de vous répondre. C'est l'assise même de notre Loi sur les transports que nous présentons.

M. Vigneault (Pierre-Paul): Oui, nous faisons référence à une loi du Parlement du Canada.

M. Gobé: C'est une loi du Parlement du Canada. Est-ce que, M. le ministre, vous pourriez, à ce moment-là, nous dire si vous avez un avis juridique à l'effet que notre loi va s'appliquer à une loi du Canada?

M. Vigneault (Pierre-Paul): Non, c'est à l'inverse, c'est une loi du Parlement du Canada qui adoptait, par renvoi, les dispositions provinciales applicables aux entreprises locales pour les appliquer aux entreprises de compétence fédérale. C'est à l'inverse, c'est une loi qui faisait un renvoi aux lois provinciales pour les appliquer aux entreprises fédérales.

M. Chevrette: Et l'avis juridique... on a avec nous un spécialiste du ministère de la Justice en constitutionnel, on a avec nous des aviseurs légaux et les juristes du ministère du Travail, et on a avec nous les juristes du ministère des Transports.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Sur le même sujet, avec votre permission, M. le Président, toujours en permettant à Me Vigneault de répondre à la question, est-ce que je dois comprendre que ce que vous cherchez, c'est que votre loi s'applique aux entreprises de camionnage qui font du commerce extraprovincial, d'une part, et que vous voulez que votre loi s'applique également aux entreprises de camionnage qui font du commerce provincial strictement? C'est-à-dire, il y a des entreprises qui ne sortent pas du territoire de la province de Québec, et vous cherchez à ce que cette loi-là s'applique à toutes ces entreprises-là. C'est exact?

M. Vigneault (Pierre-Paul): Tout à fait.

M. Dupuis: Bon.

Le Président (M. Brouillet): M. Vigneault.

M. Vigneault (Pierre-Paul): Tout à fait. La loi s'applique de façon principale aux entreprises locales de camionnage. Ces entreprises sont de juridiction du Québec, sans faire référence et sans avoir besoin d'un renvoi d'une loi du Parlement. Mais, pour la rendre applicable, pour qu'elle soit applicable à des entreprises extraprovinciales, des entreprises qui ont des exploitations de camionnage hors Québec, on a besoin d'un renvoi, qu'on retrouve dans la partie II de la loi fédérale.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Le fait étant que votre loi, si vous n'aviez pas ce renvoi-là, ne pourrait pas s'appliquer à une entreprise qui fait du commerce extraprovincial, si vous n'aviez pas cet article 2, c'est exact?

M. Vigneault (Pierre-Paul): Tout à fait. Dans le transport, la compétence est partagée entre le Parlement canadien....

M. Dupuis: C'est beau.

M. Chevrette: C'est la raison pour laquelle je vous disais que c'est la pierre d'assise du projet de loi.

Le Président (M. Brouillet): Très bien pour l'article 2. Alors, l'article 2 est-il adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 3. M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, à l'article 3, je voudrais faire une certaine présentation, pour répondre au député de Shefford d'une certaine façon, parce qu'il a dit qu'on n'avait pas besoin de loi, qu'on avait des lois existantes, comme l'article 500 de la loi 135, je crois...

Une voix: ...

M. Chevrette: En tout cas, peu importe, c'est l'article 500, je m'en rappelle, l'article qui disait qu'on ne peut pas avoir d'action concertée. Le problème, c'est le suivant, dans le présent conflit. Ce n'est pas qu'on bloque nécessairement les routes, c'est que les gens sont intimidés puis ils ne peuvent pas venir au travail. La police ne va pas chercher quelqu'un chez lui dans sa maison pour venir travailler. C'est vrai qu'il y a de l'intimidation, ça, je le reconnais, mais l'intimidation n'est pas plus acceptable, puis ça, je le comprends, puis c'est un acte criminel, puis il y a la police, puis je reconnais ça, puis il y a l'identification à ce moment-là qui n'est pas toujours facile, le député même de Saint-Laurent sait ça.

Mais le gros, l'important de cet article-là, c'est de dire qu'on va vous assurer toute la sécurité maximale nécessaire pour vous donner l'occasion de venir travailler. On vous enjoint de venir travailler, on va prendre les moyens nécessaires pour vous en assurer. C'est très différent. Parce que, quand bien même on aurait utilisé l'article 500, ils ne bloquaient pas de rues complètement, ils ne bloquaient pas le port, il y a même eu des injonctions les refoulant, puis ils se sont refoulés de 50 mètres, etc. C'est très différent. C'était pour répondre à une objection qui disait: Oui, mais servez-vous de l'article 500. Ce n'est pas l'article 500 qui va chercher les travailleurs dans la maison pour venir travailler. On se comprend bien?

Le Président (M. Brouillet): Alors, pour l'article 3, est-ce qu'il y aurait des commentaires? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Si je comprends ce que vous avez écrit, M. le ministre, c'est qu'entre deux gares intermodales, l'une à Rimouski et l'autre à Québec, la loi s'appliquerait aussi, puisque... Et, actuellement... Non, je m'excuse, si je lis ce que vous écrivez, le transport routier de marchandises par container en provenance ou à destination du port de Montréal ou d'une gare intermodale, est-ce que, entre deux gares intermodales, quelque part au Québec, ça s'appliquerait aussi?

M. Chevrette: Oui.

M. Gautrin: Donc, vous avez une portée extrêmement large, vous auriez pu dire: Absolument partout au Québec.

M. Chevrette: Oui, mais, dans le cas des gares intermodales, vous le savez très, très bien, on peut, par ricochet, influencer la gare intermodale de Montréal à partir d'une autre gare, alors que les activités sur le port pour les conteneurs, c'est vraiment réservé au port. On se comprend?

M. Gautrin: ...vous comprenez que vous en ratissez très large pour régler un problème qui est un...

M. Chevrette: On en ratisse pour prévenir. Vous nous dites depuis avant le souper qu'il faut prévenir, on prévient.

M. Gautrin: Il y a d'autres manières, M. le Président, de prévenir que ça, là. Je tente de comprendre ce que vous dites. Donc, vous ratissez «at large», complètement...

M. Chevrette: Au niveau des gares intermodales, oui.

Le Président (M. Brouillet): Alors...

M. Gautrin: Qu'est-ce que vous vouliez dire?

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de LaFontaine, l'article 3?

M. Gobé: Oui, bien sûr, M. le Président, l'article 3. Non seulement j'abonde dans le sens de mon collègue de Verdun, l'article 3 me semble assez large, mais qu'est-ce qui arrive dans le cas... J'aimerais ça savoir peut-être cette précision, on parle du territoire du Québec à destination de gares intermodales ou du port, mais prenons l'exemple d'un bateau-container qui arrive dans le port de Montréal, et on sait très bien que bien souvent des camions peuvent prendre des conteneurs et les emmener à Plattsburgh, à New York. Ils ne sont pas couverts, eux autres, dans la loi, donc ils ont droit de bloquer le port.

M. Chevrette: Ce n'est pas couvert...

M. Gobé: Bien, ce n'est pas couvert, parce que là, si je comprends bien le projet de loi, tel qu'il est écrit, on parle... Je vais le lire pour que les gens, peut-être, nous comprennent, hein? «Tout conducteur doit, à compter de 8 heures le 3 novembre 2000, cesser de participer à toute action concertée en cours qui a pour effet d'empêcher, d'entraver ou de diminuer de quelque manière la prestation, sur le territoire du Québec...

M. Chevrette: Sur le territoire du Québec.

M. Gobé: ...des services de transport ? je n'ai pas fini ? routier de marchandises par conteneur en provenance ou à destination du port de Montréal ou d'une gare intermodale du Québec.»

M. Chevrette: Si vous voulez les lire, les mots-clés, c'est «sur le territoire du Québec».

M. Gobé: Bien oui, mais à destination du Québec.

M. Chevrette: Pardon?

M. Gobé: À destination du Québec. Mais là, à destination des États-Unis, ce n'est pas du Québec, là.

M. Chevrette: Non, non. À destination des États-Unis sur le territoire du Québec, c'est clair, ça. C'est en provenance ou à destination. Par exemple, on sait que l'intimidation, ce n'est pas fait nécessairement à l'entrée du port, elle peut se faire sur la 40. À l'entrée de Trois-Rivières, par exemple, il peut y avoir de l'intimidation qui se fait là, il peut s'en faire à Thetford Mines.

M. Gobé: ...

M. Chevrette: C'est plutôt rare, là, les gens sont très civilisés à Joliette.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de LaFontaine, encore, oui.

M. Gobé: C'est parce qu'il dit le «transport routier de marchandises par conteneur en provenance ou à destination du port de Montréal ou d'une gare intermodale du Québec».

M. Chevrette: ...donner un exemple.

M. Gobé:«Ou à destination». On dit «en provenance ou à destination». Et là la destination n'est plus une gare intermodale, la destination est peut-être une gare de transbordement à Plattsburgh, ou en Ontario, ou je ne sais pas où. Et là je pense que le projet de loi, peut-être, vous, dans votre tête à vous, ça veut dire ça, M. le ministre, mais, tel qu'il est écrit, ce n'est pas clair et ça peut porter à interprétation. Il me semble qu'on devrait peut-être clarifier cette chose-là.

M. Chevrette: D'abord, ce n'est pas «et», c'est «ou». C'est «en provenance ou à destination». Donc, tu ne peux pas t'en aller dans les deux sens en même temps, là. Tu proviens de quelque part puis tu peux avoir de l'obstruction. Ou tu t'en vas vers une destination puis tu peux être empêché aussi. Les deux sont couverts. Sur le territoire québécois, on n'a pas d'affaire... C'est bien sûr que, si l'intimidation se fait à Plattsburgh, ce n'est plus sur notre territoire.

M. Gobé: ...à ce moment-là, le projet de loi ne s'applique pas pour les gens qui vont à destination du territoire américain.

M. Chevrette: S'il part de Montréal...

M. Gobé: Non...

M. Chevrette: ...puis tant et aussi longtemps qu'il roule sur le territoire québécois... Relisez comme il faut, là, j'ai enseigné un petit peu le français, là, puis, quand que ça se lit comme suit, là, entraver ou diminuer de quelque manière sur le territoire québécois des services de transport routier de marchandises par container en provenance ou à destination... tant et aussi longtemps que vous êtes sur le territoire québécois, que vous soyez en provenance ou à destination, c'est couvert.

Une voix: C'est ça.

M. Chevrette: Et je suis sûr que le député de Verdun, un grand universitaire, abonde dans mon sens.

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gobé: ...M. le Président, mais ce n'est pas ça que je veux dire. Ce que je veux dire...

Le Président (M. Brouillet): S'il vous plaît...

M. Gobé: M. le ministre a très bien...

Le Président (M. Brouillet): Écoutez, monsieur...

n(20 h 40)n

M. Gobé: ...fait la nuance, «en provenance ou à destination du port de Montréal ou d'une gare intermodale». Bien, d'un ou l'autre, mais on ne parle pas en provenance ou à destination d'une destination étrangère. Ce n'est pas clair, ça ne veut pas dire ce que ça veut dire. C'est encore un projet de loi, comme on en connaît depuis 15 ans que je suis ici, qui est mal écrit puis qui est mal ficelé.

M. Chevrette: M. le député, en provenance du port vers Plattsburgh, c'est couvert.

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, non, c'est couvert. Mais, de toute façon, je ne peux pas vous faire accepter ce que vous ne voulez pas accepter. Mais c'est couvert.

Le Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, là, est-ce qu'il y aurait d'autres interventions? Chacun s'est exprimé sur cet aspect-là? M. le député de Mont-Royal.

M. Tranchemontagne: J'avais une question pour le ministre, s'il vous plaît. M. le ministre, toujours sur l'article 3, pourquoi contraignez-vous le transport routier de marchandises par conteneur en provenance ou à destination... Je ne veux pas reprendre la discussion sur la provenance. Mais pourquoi spécifier «par conteneur» et non pas le laisser plus général? Parce que ce n'est pas juste par container.

M. Chevrette: Écoutez, j'ai de la misère à suivre les débats. Vous nous dites qu'il ne faut pas en ratisser trop large. Vous nous dites, sur certains aspects...

Une voix: ...

M. Chevrette: Non, non, mais il faut se comprendre. On veut régler un problème, puis il est spécifique à cela. C'est pour ça qu'on le met. Si vous voulez qu'on en ratisse plus large, je pense que ce n'est pas nécessaire en l'occurrence, on le sait...

Une voix: ...

M. Chevrette: Oui, je sais. Oui, mais on pourrait-u s'entendre sur un corridor moyen? On veut régler un problème, puis c'est ça qui est le problème, puis on veut spécifiquement le régler. Donc, moi, je pense qu'on se comprend, dans le fond, là. N'est-ce pas?

Le Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que l'article 3 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Je me permets ici de rappeler qu'on a un ordre de la Chambre pour terminer le tout à 21 h 30. Après l'article par article, il y a la possibilité d'aller pour l'adoption du projet de loi. Alors, c'est à vous à...

Une voix: ...

Le Président (M. Brouillet): Peut-être une petite minute, je termine ceci. C'est à vous à décider, là, de l'organisation du temps pour qu'on puisse, si vous le désirez, réserver du temps pour l'adoption du projet tantôt. Réglez ça entre vous. Moi, je règle selon les...

M. Chevrette: La version anglaise telle que...

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Non, c'est parce qu'on voudrait régler...

Le Président (M. Brouillet): Oui, très bien.

M. Chevrette: Bien, je pense que la question valait la peine. À l'article 1, dans la version anglaise, c'est: Under the name «Registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourd». Il est en français dans la version anglaise.

M. Mulcair: M. le Président, je savais ça. Mon point était autre, et je voudrais vraiment qu'on soit compris.

On veut tous atteindre un résultat. Nous soumettons que le résultat risque d'être compromis. C'est sûr que la loi que le ministre vient de nous lire parle et utilise même le terme «something that will be named», puis on donne la version française. Ce n'est pas ça qui nous intéresse. Si on lit le jugement de la Cour suprême, notamment dans le renvoi sur le Manitoba, c'est éminemment clair que le législateur manitobain francophone a le droit de lire une version française complète, tout comme le législateur québécois, en théorie. Parce que, évidemment, tout se passe tellement en français que c'est très peu probable d'avoir un unilingue. Mais, veux veux pas, la théorie constitutionnelle en arrière de ça ? vous avez dit qu'il y avait quelqu'un du ministère de la Justice ? c'est que le législateur a le droit d'avoir une version complète dans sa langue.

Le fait que le ministre me dise que, dans l'autre loi, on dit «something that will be named», puis on l'appelle «registre whatever», ça ne change strictement rien à notre propos ce soir. Nous sommes en train d'adopter une loi complète. Quelqu'un qui lit en anglais: «"Driver" means any driver who, on 2 November 2000, is, personally or through a legal person controlled by the driver, an owner or operator registered in the Registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds.» What does that mean? C'est ça, la théorie.

Je sais qu'en pratique il n'y a personne dans cette Chambre qui a du mal à comprendre ça. Mais la vérité, c'est qu'en vertu de la loi on est obligé d'avoir une version anglaise complète et une version française complète. Je le soumets amicalement à mon collègue le député de Joliette et ministre des Transports pour la raison qu'il connaît, qu'il est un des seuls à connaître, parce que, la dernière fois que ça a eu lieu dans une convention collective forcée par législation et qu'on avait oublié de traduire, c'est monté jusqu'à la Cour suprême, et toutes les peines qui avaient été imposées lorsque le gouvernement péquiste, dans le temps, avait coupé de 20 %, ils ont été obligés de tout scraper ça. C'est le risque auquel on s'expose aujourd'hui. Si le gouvernement ne veut pas nous suivre là-dedans, cet article-là va être adopté sur division, puis on va continuer avec le reste. On veut que la loi soit adoptée, mais on veut faire notre point aussi.

M. Chevrette: M. le Président, je reçois votre point amicalement, moi aussi. Mais je dois dire qu'on a toujours agi de cette façon au niveau des Statuts. Et, si le débat avait à être fait, c'est lorsqu'on a adopté P-30. Le P-30 a été adopté comme on vient de vous le lire. Et, à partir de là, nous, on n'a pas d'autre choix que de référer à la lettre d'une loi existante qui est votée.

M. Mulcair: M. le Président, vous pouvez appeler l'article, et mon collègue et moi, nos collègues, on va voter ça sur division, cet article premier.

Le Président (M. Brouillet): Alors donc, l'article premier est adopté sur division. Ça va? Très bien. Alors, nous sommes à l'article 4. Y a-t-il des intervenants?

M. Brodeur: Oui, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. L'article 4, et je peux dire l'article 4 et les articles suivants... Tantôt, je faisais une relation avec la loi n° 130, le ministre vient de nous faire une autre relation avec la loi n° 130. Je vais vous relire trois phrases dans l'article 4 du projet de loi actuel et les mêmes trois, quatre phrases de l'article 5 de la loi n° 130 et je vais demander au ministre de nous faire la différence.

L'article 4 de la loi qui nous occupe ce soir dit: «Tout conducteur doit en outre, à compter de 8 heures le 3 novembre 2000, cesser de participer à toute action concertée en cours qui a pour effet d'empêcher, d'entraver ou de diminuer de quelque manière la circulation sur un chemin public ou l'accès de véhicules lourds à un endroit où sont destinées des marchandises, ou qui est susceptible de produire l'un ou l'autre de ces effets.»

L'autre loi, qui est déjà en vigueur, M. le Président, dit: «Nul ne peut, au cours d'une action concertée destinée à entraver de quelque manière la circulation des véhicules routiers sur un chemin public, en occuper la chaussée, l'accotement, une autre partie de l'emprise ou les abords ou y placer un véhicule ou un obstacle, de manière à entraver la circulation des véhicules routiers sur ce chemin ou l'accès à un tel chemin.»

Je vous dis, M. le Président, que la loi qui est déjà en vigueur lui ressemble pas mal. Puis, si on continue plus loin, même les amendes se ressemblent.

Ça fait que, moi, quand j'ai fait mon droit, j'ai appris que le législateur ne parle pas pour rien dire. Je pense que le législateur se répète. Je comprends que le ministre a déjà été professeur, que répéter, en fin de compte, c'est excellent, sauf qu'on a l'impression qu'on est en train de réadopter une loi qui existe déjà. Si on combine la loi n° 130 avec le Code criminel, tout ça, ça existe. Juste pour imager que le ministre aurait dû tout simplement prendre les mesures des lois qui sont déjà applicables, déjà en vigueur, on va réadopter une loi qui ressemble étrangement à l'autre, en y rajoutant les mesures du Code criminel. Donc, M. le Président, moi, il m'apparaît que ce soir ? les gens qui nous écoutent, là ? on réadopte une loi qui existe déjà, je ne sais pas, pour démontrer que le gouvernement s'occupe de la chose, mais deux semaines plus tard.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: C'est moi-même qui ai insisté auprès des légistes, ce matin, pour qu'ils répètent en partie un article de la loi qu'on a votée au mois de mai. Mais vous remarquerez qu'il y a deux distinctions dans la loi. La première distinction, c'est que les amendes sont plus fortes, les amendes individuelles sont plus fortes. Et, deuxièmement, il fallait aussi rejoindre le syndicat. De sorte que c'est deux raisons additionnelles pour répéter, quant à l'esprit, l'essentiel de la loi que nous avons votée, mais dans cette loi spéciale et avec deux dimensions différentes.

Le Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que l'article 4... M. le député de Verdun, sur l'article 4.

M. Gautrin: Si vous me permettez, je voudrais soulever la question... Je sais que les mots «action concertée» font partie du langage commun. Mais, moi, j'essaie de voir l'application de la loi. Est-ce que ça veut dire que, si, par exemple, vous avez 10 camionneurs qui prétendent individuellement avoir laissé leur camion à tel endroit, il faudra démontrer devant une cour qu'il y a eu une action qui a été concertée? Est-ce qu'il ne serait pas mieux ou préférable de supprimer le mot «concertée» et de dire: «toute action en cours qui a pour effet»? Parce que, si vous laissez le mot «concertée», vous êtes obligé, après, de prouver que l'action de laisser votre camion était concertée entre 10 personnes qui laissent leur camion arrêté sur la route. Alors, je vous soumets très respectueusement, M. le ministre, que le mot «concertée», ici, même s'il est dans le langage courant, n'amène rien et risque d'amener les procureurs à démontrer, si jamais il y a non-respect de la loi bien sûr, que l'action avait été concertée et non pas prise individuellement par 10 personnes.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

n(20 h 50)n

M. Chevrette: On a vécu les barrages de routes, vous vous rappellerez, en particulier vers l'Abitibi. Et puis des camions abandonnés dans des cours de restaurant en bordure de la route où l'intimidation se faisait... Je peux bien ne pas être dans mon camion, moi, puis je peux être à un autre endroit pour être dans le lieu privilégié pour faire de l'intimidation. Et on n'arrête pas là pour regarder la couleur des yeux de celui qui veut passer avec un chargement.

Donc, l'action concertée... tout le long, toute la trame du projet de loi, c'est sur l'action concertée. Et c'est utilisé de plus en plus dans la législation, parce qu'on ne peut pas dire une action syndicale, parce qu'ils sont en demande d'accréditation. Théoriquement, ce n'est même pas un syndicat accrédité. Donc, ce qu'on trouve de mieux dans nos législations, en tout cas, au cours des derniers mois et des dernières années, c'est que ça devient une action qui est décidée en groupe, une action concertée. Puis je pense que ça a fait sa force de loi, cette définition-là: c'est un groupe d'individus qui décident de poser un même geste pour une même fin.

Des voix: ...

M. Gautrin: ...mais je comprends, et on poursuit le même but de part et d'autre ici. Mais le mot «concertée» n'ajoute rien. Si vous utilisiez «à toute action en cours qui a pour fin... pour effet d'empêcher», vous obtiendriez le même effet et vous n'auriez pas nécessairement la lourdeur de devoir prouver, le cas échéant, qu'il y a eu une concertation.

M. Chevrette: ...encore plus large. Si je disais que c'est «toute action». C'est bien l'action...

Une voix: Le gars en panne...

M. Chevrette: Le type en panne, il est en panne sur le bord de la route puis il est vraiment en panne. Et puis on vit dans un climat de tension et puis il se verrait poser une contravention ou bien il aurait le fardeau de la preuve de prouver que ce n'est pas concerté. Moi, je pense que la notion de concertation oblige le poursuivant à être sérieux dans les gestes qu'il pose.

Le Président (M. Brouillet): Mme la ministre, et après M. le député de LaFontaine.

Mme Lemieux: M. le Président, une simple remarque, le concept d'action concertée n'est pas un concept nouveau, utilisé depuis quelques mois dans quelques législations ici et là, c'est bien campé dans le droit du travail. Je vous réfère à l'article 111.18 du Code du travail, des dispositions qui concernent donc le Conseil des services essentiels. C'est donc un concept qui existe depuis longtemps, qui est bien connu des parties, dont les paramètres sont bien établis également par la jurisprudence.

Alors, je pense que ce serait une erreur, à la limite, le qualificatif «concertée». On introduirait un nouveau vocabulaire, de strictement parler d'«action d'enlever». Alors, je pense que c'est beaucoup plus prudent, c'est bien testé, tout le monde est au clair sur cette expression.

Le Président (M. Brouillet): M. le député LaFontaine.

Une voix: ...

Le Président (M. Brouillet): M. le député de LaFontaine avait demandé tantôt.

M. Gobé: Oui, rapidement, peut-être, M. le Président. Il est vrai, comme dit Mme la ministre, que, dans le Conseil des services essentiels, la loi sur les services essentiels, on parle d'«action concertée». Par contre, ici, peut-être on pourrait... mon collègue de Verdun soulève un excellent point, et peut-être pourrions-nous amender pour dire «participer à toute action volontaire ou préméditée en cours», ce qui à ce moment-là ciblerait plus le genre de situation que vous voulez prévenir et permettrait... C'est une manière, ce serait peut-être plus facile d'en faire la preuve, là. Parce que «concertée», c'est difficile de faire la preuve. Puis, comme vous dites, Mme la ministre ou M. le ministre, quelqu'un qui tombe en panne ou qui, pour une raison ou une autre, doit s'arrêter pourrait être pris dans la masse lui aussi. Alors, peut-être que «volontaire ou préméditée» serait quelque chose de plus facile.

Le Président (M. Brouillet): Alors, Mme la ministre.

Mme Lemieux: M. le Président, je reconnais l'esprit des remarques du député de LaFontaine, ayant eu quand même un certain nombre de mois comme critique officiel au dossier du travail, et je lui fais une remarque et je lui réponds la même chose que je lui répondais à l'époque lorsqu'il faisait des efforts incroyables pour essayer de modifier ou d'améliorer une législation: Le législateur ne doit pas parler pour rien. Et d'introduire des concepts comme «l'action préméditée et volontaire», ce ne sont pas des concepts qui sont campés dans nos législations actuellement. «Action préméditée», il faudra prouver qu'elle est préméditée. «Action volontaire», qu'est-ce que c'est, ça, une action volontaire? L'action, une action concertée, c'est un concept qui est bien connu des parties, qui est bien campé par la jurisprudence.

Alors, je pense qu'on a besoin d'avoir une loi qui est claire, qui est transparente pour les parties qui y seront confrontées, et ce n'est pas utile donc d'ajouter des concepts qui vont brouiller les cartes.

M. Chevrette: Puis plus que ça, là.

Le Président (M. Brouillet): M. le ministre, puis après ça M. le député de Saint-Laurent.

M. Chevrette:«Concertée» veut dire groupe; «préméditée», ça peut être seul, ça. Donc, je pense qu'on se comprend, c'est vraiment pour une action de groupe.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Laurent, vous avez demandé...

M. Dupuis: En fait, ça veut donc dire ? et, moi, je veux comprendre comme il faut ? qu'un conducteur pourrait avoir une défense s'il venait prétendre qu'il a agi de son propre chef, sans consultation de personne, sans que personne ne lui ait donné d'ordre et sans que personne ne l'ait enjoint, ne l'ait enquis de laisser son camion, par exemple, en travers de la route. Il aurait une défense, et je pense que vous voulez... Mon, mais, honnêtement, je pense que vous voulez empêcher ça. C'est-à-dire que, dans les faits, ce que vous voulez empêcher... ou ce que vous voulez favoriser, c'est la libre circulation des camionneurs. C'est ça que vous voulez faire, et donc, en introduisant le concept d'action concertée, vous vous obligez à faire la preuve contre les infractaires qu'ils ont agi de concert avec d'autres personnes. Vous excluez donc du projet de loi complètement toute espèce d'action individuelle qui peut être prise par un conducteur.

Et là je ne fais pas de la sémantique puis je ne suis pas en train de perdre contact avec la réalité, au contraire j'essaie de vous rebrancher, vous autres, sur la réalité des choses, il est tout à fait possible et il est tout à fait plausible de croire que ces gens-là pourraient ne pas être très heureux de la législation, pourraient ne pas être très heureux de ce qui va se passer suite à la législation et décider de leur propre chef, individuellement, d'avoir des actions qui soient contraires à ce que vous souhaitez, et ils auraient une défense. Et, dans le fond, là, vous auriez légiféré pour rien dire, et je pense qu'il faut éviter ça. Moi, je vous le soumets. Moi, je vous le soumets, d'autant plus que les faits me permettent de penser qu'il pourrait y avoir des agissements de cette nature-là.

Le Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: Je suis sûr que vous ne le souhaitez pas, d'abord. Je suis sûr de ça. Et, deuxièmement, vous savez très, très bien que, comme par hasard, 100 personnes qui se retrouveraient au même endroit, avec une idée personnelle d'agir, il y a des preuves circonstancielles. Vous êtes avocat, vous savez plus que moi qu'on ferait une preuve circonstancielle puis on définirait que c'est vraiment une action concertée, voyons.

M. Dupuis: Je ne veux pas...

M. Chevrette: Bien, voyons!

M. Dupuis: Moi, je ne veux pas être un empêcheur de tourner en rond, je ne souhaite pas l'être non plus, mais j'ai assez pratiqué longtemps devant les tribunaux avec ce genre de preuves là pour savoir qu'une multitude de conducteurs pourraient, oui, très certainement, invoquer devant un tribunal qu'ils ont, seuls, en leur âme et conscience, décidé d'abandonner leur camion au milieu d'une route et ils auraient une défense. Ils auraient une défense parce qu'il y a la présomption d'innocence puis qu'il y a le doute raisonnable. Et, dans le fond, vous allez avoir l'air fou encore une fois. C'est ça que je suis en train de vous dire.

M. Chevrette: Encore une fois, ça dépend par qui on est jugé. Mais, deuxièmement, là ? oublions les bêtises de part et d'autre à ce stade-ci ? je peux-tu vous dire que l'individu qui ferait ça, qui dirait que c'est de son propre chef malgré ce que sa centrale lui a dit, il sauverait peut-être sa centrale, mais l'obligation lui est faite à lui. Donc, de toute façon, il serait incorrect. Voyons, lisez la loi. Non, non, je ne suis pas avocat, mais je suis sûr que j'ai raison puis je suis sûr que vous reconnaissez...

M. Dupuis: Je veux juste terminer là-dessus...

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Saint-Laurent, oui.

M. Dupuis: ...en disant que je n'avais pas du tout l'intention d'insulter le ministre, là.

M. Chevrette: Non, non.

M. Dupuis: O.K. C'est correct, c'est beau.

Le Président (M. Brouillet): Alors, est-ce que l'article 4 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 5, y a-t-il des interventions? L'article 5 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 6. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, comme je l'ai fait dans mes remarques, j'ai beaucoup de questionnement sur le mot «appropriées» et je vais m'expliquer si vous me permettez. Ce qui peut être approprié aux yeux de quelqu'un ne l'est peut-être pas aux yeux d'une autre personne. Et, vous voyez, vous utilisez deux fois le terme «mesures appropriées», et à l'article 6 et à l'article 7. À l'article 7, vous dites: «La centrale doit [...] recommander au syndicat de prendre les mesures appropriées.» Et là vous dites «les mesures appropriées». Le terme «mesures appropriées»... Une mesure appropriée qui n'atteint pas son but peut quand même être une mesure appropriée même si elle n'a pas l'effet escompté. Et je me permets de souligner que, là, à ce moment-là, vous ouvrez toute une boîte importante. Et je ne le soulèverais pas, M. le ministre, s'il n'y avait pas des pénalités importantes que vous retrouvez à l'article 12.

n(21 heures)n

À l'article 12, je me permettrai de vous le dire, le syndicat qui contrevient aux articles 5 et 6, c'est-à-dire un syndicat qui ne prend pas les mesures appropriées ? sans qu'on puisse savoir exactement quelles sont les mesures appropriées ? est passible d'une amende de 25 000 $ à 125 000 $. Je me permets de soulever ici, d'après moi, le terme «appropriées» va être laissé à l'appréciation de qui? C'est-à-dire, le syndicat peut penser qu'il a pris les mesures appropriées, vous pouvez penser qu'il n'a pris les mesures appropriées, un juge va être pris là-dedans, sur: Qu'est-ce qui est réellement approprié? et vous rentrez dans une situation ou dans un élément extrêmement difficile.

Je pense ? et je ne voudrais pas retarder indûment le débat ici ? que le mot n'est justement pas approprié... d'utiliser le terme «appropriées» ? sans vouloir faire de jeu de mots ? et qu'il aurait été préférable de même ne pas le mettre «prendre des mesures pour». Si je disais, par exemple: Le syndicat doit prendre les mesures pour amener les conducteurs, je n'aurais pas dit «appropriées», c'est-à-dire, c'est le fait de prendre certaines mesures. Je me permets de vous soulever la difficulté que je vois.

M. Chevrette: C'est la terminologie vraiment que l'on connaît dans toutes les lois que j'ai vu voter ces dernières années dans le Parlement. On a dit «appropriées» parce qu'on ne veut pas définir les moyens, parce que chaque syndicat ou chaque centrale syndicale, chaque groupement de travailleurs a sa façon de rejoindre son monde, mais il faut qu'ils aient un moyen d'avoir rejoint leur monde. C'est ça qui est l'objectif visé. Puis on dit «appropriées». Pour certains, c'est une chaîne téléphonique, pour certains, c'est une convocation immédiate dans les deux heures, pour d'autres, c'est d'autres moyens.

M. Gautrin: Si c'était la recherche de souplesse, je partagerais tout à fait l'argument du ministre. Mais, comprenez-moi bien, cette loi-là, elle est une loi qu'il faut voir d'une manière négative. C'est-à-dire que quelqu'un pourra dire: Vous n'avez pas pris les moyens appropriés, donc vous êtes susceptible d'une amende de 25 000 $ à 125 000 $. Si vous me permettez, M. le ministre, ce n'est pas à prendre d'une manière positive, que vous prenez, c'est le contraire qu'il faut voir. Parce que, à un moment ou l'autre, vous affirmez que les gens doivent prendre les moyens appropriés, ça, j'en suis, laissons la souplesse, etc., mais à un moment vous avez l'article 12, qui viendra plus tard, et vous direz: Si vous n'avez pas pris des moyens appropriés? qu'on n'a pas définis actuellement ? là, à ce moment-là, vous êtes passible de 25 000 $ à 125 000 $ d'amende. Et je pourrais très bien plaider, moi, que la chaîne téléphonique en question, ce n'était pas le moyen approprié pour ça.

Vous comprenez ce que je veux dire sur ça? Parce que, si uniquement votre approche était de créer une souplesse, pour permettre plus de souplesse, on n'aurait même pas d'intervention de notre côté. Mais vous avez aussi cet article qui dit: Si vous n'avez pas pris les moyens appropriés, là vous êtes passible d'amendes importantes, et sans avoir dit quels étaient, à vos yeux, les moyens appropriés. Je ne sais pas si vous comprenez ma préoccupation?

M. Chevrette: Vous connaissez la loi n° 160, votée en 1986? Je vais demander à ma collègue ministre du Travail de vous lire l'article...

M. Gautrin: Dans chaque législation, il y a une loi n° 160. Alors, depuis 1986, il y a eu beaucoup de lois n° 160.

M. Chevrette: ...vous lire l'article 6 de la loi de 1986.

Mme Lemieux: Alors, loi n° 160, adoptée, la ministre responsable était Thérèse Lavoie-Roux, article 6: «Un groupement d'associations de salariés doit prendre les moyens appropriés pour amener toute association de salariés qui adhère, appartient, est affiliée ou liée par ce contrat à ce groupement à se conformer à l'article 4.»

Alors, c'est une expression qui est vieille comme la terre et que le gouvernement libéral a utilisée aussi abondamment, là. On ne va pas passer une demi-heure à se...

M. Gautrin: Je me permets de vous dire que, dans votre loi, vous n'avez pas non plus ce phénomène de dire: Si vous n'utilisez pas les moyens appropriés, vous êtes passible de... Comprenez-moi donc, bon Dieu! Ce qui est actuellement, c'est de dire ce qui n'est pas approprié. Vous comprenez bien? Actuellement, c'est que votre article 12 se lit d'une manière miroir par rapport à l'article 6, et l'article 12 va dire: Si vous ne prenez pas des moyens appropriés, vous êtes passible de... sans réellement avoir précisé ce que c'étaient que les moyens appropriés. Si vous aviez une vision qui est une vision large et souple, qui est une vision déclaratoire, il n'y aurait pas de problème, mais là vous avez des pénalités si vous n'êtes pas «approprié».

Le Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin aux discussions sur l'article 6. Alors, est-ce que l'article 6 est adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Est-ce que l'article 7 est adopté?

Des voix: Adopté.

M. Gautrin: Sur division, M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Article 7, même raison. Est-ce que l'article 8 est adopté? M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Je pense que les gens qui accompagnent le ministre ne vont avoir aucune difficulté à comprendre la remarque et à saisir l'importance de notre remarque de départ pour l'article 1, parce qu'on va la reformuler ici. Et, cette fois-ci, c'est vraiment facile de comprendre pourquoi c'est inacceptable de ne pas avoir une version anglaise qui soit en anglais.

L'article 8, version française: «Un propriétaire ou un exploitant de véhicules lourds inscrit au Registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds»... en vertu de la Loi concernant les propriétaires et les exploitants de véhicules lourds. Version anglaise: «Every owner or operator of a heavy vehicle registered in the Registre des propriétaires et des exploitants de véhicules lourds»... under the Act respecting owners and operators of heavy vehicles.

Le titre de la loi renferme exactement les mêmes termes. On les met là-dedans en anglais. L'article 8 va être jugé anticonstitutionnel à sa face même par un tribunal. C'est l'enfance de l'art. Ils le savent.

M. Chevrette: Je vais demander à Me Gingras, de la Justice, spécialiste en constitutionnel.

M. Gingras (Alain): L'esprit de l'article 133, pour ce qui est du bilinguisme de la législation, à notre avis, ne vise pas une seule expression comme celle-là, qui est un phénomène isolé, et cela, on pourrait le plaider. La Cour d'appel du Québec, il y a quelques années, avait déjà renversé une objection sur une norme de sécurité du travail qui portait un nom anglophone, en disant: Bon, c'est purement accessoire, ça; il n'y a pas d'atteinte à l'article 133 pour ce simple motif. Donc, c'est le même raisonnement ici que nous soutenons.

M. Mulcair: M. le Président, je ne saurais être plus en désaccord. Je ne sais pas d'où mon collègue en face, mon confrère, sort son interprétation, mais ce n'est certainement pas dans l'une ou l'autre des décisions de la Cour suprême traitant de ce sujet-là. Je le réfère notamment au renvoi sur le Manitoba. C'est une jurisprudence qu'il doit connaître très bien, et toute la jurisprudence qui s'en est suivie.

Il y a deux choses qui sont essentielles. Chaque étape de l'adoption doit être faite dans les deux langues; un principe qui est souvent plié en quatre ici, à l'Assemblée nationale, parce que très souvent le gouvernement ne dépose pas ses amendements. Et on n'a pas une version anglaise au fur et à mesure, j'ai déjà eu l'occasion de le soulever.

Mais, cette fois-ci, regardez les enjeux et regardez l'historique des relations du travail au Québec. J'étais le secrétaire de section du Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec au début des années quatre-vingt ici, à Québec. Je me souviens du débat houleux, parce qu'il y avait plusieurs membres du Syndicat qui ne voulaient pas qu'on utilise l'article 133 pour infirmer la législation que le Parti québécois d'alors avait fait adopter. Sauf que les intérêts socioéconomiques des membres ont primé, ils sont allés en cour, il y avait eu défaut. À ce moment-là, c'étaient les documents sessionnels qui accompagnaient les lois-cadres qui avaient dû être tous traduits. C'est dire qu'il y a de la jurisprudence en termes de l'attitude des syndicats qui n'hésitent pas à utiliser cette arme pour infirmer une législation.

Maintenant, si, basé sur une impression personnelle sur ce que devraient être la loi et la jurisprudence et pas sur ce qui est écrit dans les jugements de la Cour suprême, on va passer outre à l'article 8 comme on a fait à l'article 1, tout ce que, nous, on peut faire, c'est de faire notre job de législateurs. On l'a fait. Si le ministre veut l'adopter tel quel, ça va être sur division, puis on passera au prochain article, M. le Président.

M. Gautrin: Sur division.

M. Mulcair: Sur division.

Le Président (M. Brouillet): Adopté sur division, article 8. Article 9. Pas de remarques, et tout. Adopté? Article 9, adopté. Article 10. Adopté. Article 11.

M. Gobé: M. le Président, peut-être que vous allez un peu vite, parce que le ministre, d'abord, ne lit pas les articles, et puis là, vous, vous adoptez ça à la vapeur. Je pense que c'est quand même un projet de loi assez important. C'est pour ça que...

Le Président (M. Brouillet): On m'a dit qu'on visait à finir vers 21 heures. Alors, si vous voulez aller jusqu'à 21 h 30 ici, il ne restera plus de temps pour débattre tantôt. On passera à l'adoption un après l'autre, là.

J'ai offert pour lire tantôt, et de part et d'autre on a dit: Non, non, on ne lit pas, on connaît assez le texte. Alors, moi, je...

n(21 h 10)n

Une voix: L'article 11.

Le Président (M. Brouillet): Alors, l'article 11. Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 12.

M. Gautrin: ...parce que c'est l'article miroir de l'article 6. Donc, les mêmes objections s'appliqueraient de la même manière.

Le Président (M. Brouillet): Est-ce que vous faites référence à 12 ou 11, là?

M. Gautrin: Non, à l'article 12, M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): À12.

M. Gautrin: L'article 12 est le miroir de l'article 6. Je pense que j'ai fait valoir mes points tout à l'heure.

Le Président (M. Brouillet): Oui.

M. Gautrin: Si vous me permettez, je suggérerais qu'on l'adopte sur division.

Le Président (M. Brouillet): Adopté sur division, 12. L'article 13. Est-il adopté?

M. Gautrin: Même remarque que dans le cas de l'article 10, ici, c'est la référence à l'article 6. Sur division.

Le Président (M. Brouillet): Adopté sur division, donc?

Une voix: Oui.

Le Président (M. Brouillet): Adopté sur division. L'article 14. Adopté. L'article 15. Adopté. L'article 16.

M. Dupuis: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, M. le député de Saint-Laurent.

M. Dupuis: Sur l'article 16, M. le Président, y a-t-il une raison pour laquelle vous avez choisi qu'un agent de la paix peut faire enlever un objet qui sert à la commission d'une infraction, plutôt que de donner une obligation d'enlever une chose qui a servi à la commission d'une infraction? Et la même question s'appliquerait, Me Sormany... je vois que Me Sormany souhaite peut-être répondre à la question. Non? Je m'excuse.

Et, dans le même ordre d'idées, pourquoi, lorsque la chose a servi à la commission en contravention de la loi, un agent de la paix ne devrait pas la saisir? Dans le fond, là, le message que vous voulez donner, c'est: N'empêchez pas la libre circulation des camions, et, les objets qui servent à empêcher la libre circulation des camions, c'est le camion lui-même. Ce que vous voulez faire en sorte, dans le fond, c'est que, s'il y a des gens qui s'interposent, vous voulez qu'un agent de la paix le fasse enlever tout simplement pour que la circulation se fasse. Alors, pourquoi, plutôt que d'employer le terme «doit», avez-vous employé le terme «peut», ce qui donne un mauvais message ? je vous le soumets bien respectueusement ? ce qui ne donne pas le message que vous voulez donner aux gens? Moi, là, si vous avez décidé de légiférer plutôt que de faire observer le Code criminel, vous avez décidé de légiférer ce soir plutôt que de faire observer les lois qui existent, vous voulez donc lancer un message quelconque, soit celui que vous voulez permettre la libre circulation des biens. Ayez le courage de vos convictions.

M. Chevrette: On a le courage de nos convictions puis on est cohérents avec nos convictions, parce que, au mois de mai, quand on a adopté 500.1, «un agent de la paix peut enlever ou faire enlever aux frais du propriétaire», et, ici, «un agent de la paix peut» également, c'est qu'on veut qu'il y ait un jugement de porté. Il y a des situations où on peut se servir de son jugement pour poser un acte. Et ça, vous êtes souvent un de ceux, puis à juste titre, qui disent qu'il faut valoriser les gens qui posent des gestes. Ça en est une, question de faire appel au jugement de nos agents de la paix. Et je pense qu'il y a place au jugement, et vous comprenez le sens qu'on veut y mettre. Ce n'est pas une question de faux message. C'est vraiment d'inclure la notion de jugement à porter face à des événements.

M. Dupuis: O.K. Alors, dans le fond, ce que vous ne voulez pas faire... c'est que vous voulez donner, sur le terrain, la possibilité aux agents de la paix de juger de la situation. C'est ça que vous vouliez faire?

M. Chevrette: Exact.

M. Dupuis: Ça va.

Le Président (M. Brouillet): L'article 16 est adopté? Adopté. L'article 17. Adopté.

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): L'article 18 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 19 est-il adopté?

Des voix: ...

Le Président (M. Brouillet): Adopté. L'article 20 est-il adopté? L'article 20, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Ça vaut la peine de s'attarder quelques instants sur l'article 20, on l'a soulevé tantôt dans notre discours en Chambre. «Une personne peut mettre fin unilatéralement ? drôle de mot dans la bouche d'un péquiste ? sans avis ni indemnité, à un contrat qui la lie avec un conducteur qui contrevient à l'article 3 ou à l'article 4...» Donc, jusque-là, on peut suivre, on dit: O.K., il a un employé, avec qui il est lié par un contrat de travail, qui contrevient à la loi, il a été trouvé coupable, et il peut rompre le contrat de travail. Ça, c'est facile à suivre. Mais là ça se complique un peu, ça continue. Alors, je reprends: «Une personne peut mettre fin unilatéralement, sans avis ni indemnité, à un contrat qui la lie avec un conducteur qui contrevient à l'article 3 ou à l'article 4, que ce conducteur fasse l'objet ou non d'une poursuite pour cette contravention, à moins que ce dernier n'ait pris tous les moyens raisonnables pour se conformer...»

On veut savoir si notre compréhension est bonne; ça se peut qu'on le comprenne mal. Mais est-ce que ça se peut que le gouvernement soit en train de déposer une proposition de loi où, même en l'absence d'un iota de preuve devant un juge, même en l'absence d'une condamnation, c'est l'employeur... Et c'est là où prennent toute leur importance les remarques de mon collègue le député de LaFontaine et mon collègue le député de Verdun, tantôt, concernant les articles 3 et 4. Est-ce que notre compréhension est bonne, que le gouvernement nous propose une loi, que c'est l'employeur qui dit: Toi, ton camion sur le bord de la route, là, ça, pour moi, c'est une contravention à l'article 3? Pas besoin d'aller devant un juge, pas besoin de faire quoi que ce soit, puis il casse son contrat de travail? Est-ce que c'est ça que ça dit, l'article 20, ou est-ce qu'on a manqué quelque chose?

Mme Lemieux: M. le Président.

Le Président (M. Brouillet): Oui, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Écoutez, l'esprit de l'article 20...

Une voix: Et la lettre.

Mme Lemieux: ... ? oui, et la lettre également ? est assez simple finalement, puis je pense qu'il faut le lire dans son entier. Évidemment, qu'est-ce qui se passe dans ce cas-ci, dans le cas du port? Il se passe que les gens refusent de donner leur prestation de travail. C'est parmi les événements qui sont vécus actuellement au port. Il y a des blocages de routes, etc., mais il y a aussi ça. Ce que cet article-là... c'est un article évidemment qu'on a soupesé avec beaucoup de soin. Cet article-là dit: Si un conducteur... Alors, ce n'est pas un conducteur, qui est visé, là, qui fait n'importe quoi, là, c'est un conducteur qui contrevient aux articles 3 et 4 de cette loi-ci, c'est ces gestes-là qui feront en sorte...

Des voix: ...

Mme Lemieux: Est-ce qu'on peut éviter le vocabulaire que j'entends, M. le Président? On peut discuter? Bon.

Alors, cet article-là fait en sorte que, quand on rompt un contrat, habituellement... Et puis là je me réfère notamment au Code civil du Québec, je ne veux pas reprendre l'article. Mais, quelqu'un qui ne remplit pas sa part de contrat, il peut y avoir une rupture de ce contrat, mais, en général, il peut y avoir des indemnités, il peut y avoir toute une procédure. Là, on dit, écoutez, les choses sont sérieuses: Une personne peut donc mettre fin, sans avis ni indemnité, à un contrat qui la lie avec un conducteur qui contrevient aux articles 3 et 4. Pas qui fait n'importe quoi, qui contrevient à ces articles-là. Et, la deuxième partie de l'article, on a pris soin... Évidemment, il faut que les événements qui amènent à la rupture de ce contrat-là soient des événements en lien avec ce qui est vécu actuellement. Évidemment, une personne qui aurait donc pris des motifs raisonnables pour respecter sa part de contrat n'est pas visée par cet article-là. Alors, je pense qu'on a pris soin de le doser.

Et là il va falloir que l'opposition se branche. On veut rétablir les activités portuaires au port de Montréal, on veut que le transport se fasse, on veut pouvoir recevoir de la marchandise et expédier de la marchandise. Il y a eu des gestes d'obstruction graves qui ont été portés. Si on veut rétablir les activités portuaires, bien là il faut se donner les instruments pour le faire. Alors, l'opposition s'est offusquée pendant des heures et des heures, a identifié beaucoup d'entreprises qui ont été prises avec la situation qui est vécue actuellement au port de Montréal, alors ça fait partie d'un des moyens pour permettre que les gens travaillent et que les activités portuaires reprennent leur cours.

Le Président (M. Brouillet): Bon, alors... Oui, encore une dernière intervention, parce que, bien, nous devons terminer vers et demie et il faut faire rapport. C'est un ordre de la Chambre, alors je suis obligé de m'y conformer.

n(21 h 20)n

M. Mulcair: M. le Président, il n'y a aucun précédent que nous connaissons où une loi édicte qu'il y a contravention sans contravention. C'est ça que la ministre vient de nous dire. À l'intérieur de tout ce mur de mots qu'elle vient d'ériger devant nous pour nous parler de plein d'affaires sauf de la question qu'on avait posée, elle nous confirme que c'est l'employeur, unilatéralement, qui ne va pas seulement mettre fin au contrat, mais qui va décider s'il y a eu contravention. C'est ça que l'article 20 dit. L'article 20 dit: Il peut avoir une contravention aux articles 3 et 4, sans jamais aller devant un juge, sans jamais que les deux côtés soient entendus, sans le début de l'ombre d'une notion d'équité procédurale ou de justesse.

C'est quoi, cette affaire-là? Ça sort d'où? On veut, comme elle, que le port de Montréal reprenne, tout le reste de la loi s'y attarde. Si elle veut dire qu'une personne trouvée coupable d'une infraction en vertu des articles 3 ou 4 peut faire l'objet d'un renvoi sans compensation, on va la backer là-dessus.

Mais on n'est pas, comme parlementaires... Ce n'est pas vrai que le Parti québécois, qui se targue d'être social-démocrate, va arriver et dire: Mais, vous savez quoi? À bien y penser, là, on vient d'inventer quelque chose de nouveau, nous, on va avoir des contraventions sans preuve qu'il y ait eu contravention. Nous, on va avoir des «star chamber» dorénavant. Pas besoin d'amener un début de preuve, c'est juste unilatéralement. Tu dis: Toé, là, pour moi, là, quand tu t'es stationné là-bas, c'était en flagrante contravention de l'article 3 ou 4. Ce n'est pas un juge, ça, qui va dire ça, c'est l'employeur. Ça ne va pas, non? Ça n'a tellement pas d'allure que je n'en reviens pas. Tantôt, quand on posait la question, on s'est dit: Il doit y avoir quelque chose qu'on a loupé, ça ne se peut pas que ça soit ça qu'ils sont en train de faire.

Le Président (M. Brouillet): M. le député de Chomedey, je dois vous interrompre ici, je crois que vous avez exposé votre point de vue. Je vais donner à Mme la ministre une réplique, là, une réponse, finalement.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, le député de Chomedey a un sens du spectacle extraordinaire, mais, je m'excuse...

M. Mulcair:...

Mme Lemieux: ...non, un sens du spectacle.

M. Mulcair: ...

Mme Lemieux: Ha, ha, ha! C'est bon, c'est bon, c'est bon. Vas-y...

Le Président (M. Brouillet): Bon, s'il vous plaît, là! Venez-en au contenu, là...

Mme Lemieux: Oui, j'en viens au contenu.

Le Président (M. Brouillet): ...parce que, moi, je dois arrêter toute les interventions dans la seconde qui suit.

Mme Lemieux: J'en viens au contenu, M. le Président, mais je constatais les capacités théâtrales...

Le Président (M. Brouillet): Alors, allez directement au fait, là, pour qu'on...

Mme Lemieux: M. le Président, il y a beaucoup...

M. Mulcair: ...

Le Président (M. Brouillet): Il n'y a pas... S'il vous plaît! Allez, Mme la ministre.

Mme Lemieux: La jurisprudence, elle est claire. Il y a plusieurs législations, notamment des législations qui ont été adoptées par le gouvernement libéral dans toutes sortes de termes, mais qui sont vraiment dans la même foulée, qui considèrent que, dès que quelqu'un constate qu'une contravention est faite à une loi, il peut y avoir des sanctions civiles. Et, je reprends les termes de l'article 20 du projet de loi n° 160, c'est exactement la même chose. Je pourrais reprendre cet article-ci, l'article 20, troisième alinéa: «Chaque employeur doit, s'il constate une contravention...»

Une voix: ...

Mme Lemieux: Alors, M. le Président...

Le Président (M. Brouillet): ...interrompre ici. Alors, je mets aux voix l'article 20. Est-ce que l'article 20 est adopté?

Une voix: Sur division.

Le Président (M. Brouillet): Sur division.

L'article 21, adopté?

Une voix: ...

Le Président (M. Brouillet): L'article 22 est-il adopté? Adopté.

Une voix: ...

Le Président (M. Brouillet): J'ai un ordre de la Chambre, je dois suivre l'ordre de la Chambre.

Des voix: ...

Le Président (M. Brouillet): Les droits ne sont pas suspendus, mais il y a un ordre de la Chambre qui dit qu'on doit terminer à 21 h 30.

Des voix: ...

Le Président (M. Brouillet): Écoutez, ça va être plus simple si vous me donnez le consentement pour aller au-delà de 21 h 30.

Une voix: Bien oui.

Le Président (M. Brouillet): Bon, bien, c'est ça, par exemple. On ne me reprochera pas d'avoir dépassé 21 h 30, après, s'il n'y a pas de consentement avant.

Une voix: ...

Le Président (M. Brouillet): Il y a un consentement de part et d'autre? Ça va. Allez, parlez, M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: C'est le député de Verdun qui demandait la parole.

M. Gautrin: Simplement, je trouve bizarre que, dans une loi qui est une loi du Parlement, elle cesse d'avoir effet par décret, parce que la présente loi cesse d'avoir effet à la date que détermine le gouvernement.

Une voix: ...

M. Gautrin: Mais non, d'habitude, ce n'est pas ça que...

M. Chevrette: ...vous savez très bien qu'on n'a pas besoin de revenir devant le Parlement puis présenter une loi pour y mettre fin.

M. Gautrin: Non, non, mais, écoutez, mettez une période dans laquelle elle va cesser d'avoir effet, mettez une date où elle va cesser d'avoir effet, mais...

M. Chevrette: Dans les circonstances, là, on va attendre que le problème soit vraiment réglé. Et on fera un décret et ça prendra fin. C'est bien plus simple de même que d'essayer par une motion.

M. Gautrin: C'est la première fois que je vois ça dans une législation.

M. Chevrette: Non, ce n'est pas la première fois, ça a été très souvent...

M. Gautrin: C'est la première fois que je vois ça dans une législation, depuis 10 ans que je suis ici, je me permettrai de vous le dire, et j'en ai fait beaucoup, de législations. Je n'ai jamais vu une loi qui cessait d'avoir effet...

Le Président (M. Brouillet): Alors donc, l'article 21 est adopté, à la suite des interventions?

Une voix: Sur division.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté sur division, l'article 21. L'article 22.

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Adopté. Le titre... D'abord, on va commencer par adopter les titres de sections. Ils sont adoptés?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Maintenant, le titre du projet de loi est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin aux travaux de la commission.

Afin de permettre aux personnes qui accompagnent le ministre de quitter la salle, je vais suspendre quelques instants, et nous allons revenir en assemblée plénière.

(Suspension de la séance à 21 h 26)

 

(Reprise à 21 h 28)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, l'Assemblée reprend ses travaux. Et j'inviterais le député de Frontenac à présenter le rapport de la commission, s'il vous plaît.

M. Boulianne (président de la commission plénière): Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a procédé à l'étude détaillée du projet de loi n° 157, Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises, et qu'elle en a adopté les éléments consécutifs sans amendement.

Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que le rapport de la commission est adopté?

Des voix: Adopté.

Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Nous allons maintenant procéder à l'adoption du projet de loi n° 157, Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises. Alors, est-ce que...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le vote nominal? Oui. Alors, que l'on appelle les députés, et nous procéderons...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, c'est ça. Alors, nous allons suspendre, nous allons appeler les députés.

n(21 h 29 ? 21 h 37)n

Mise aux voix

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons reprendre la séance. Alors, je mets donc aux voix la motion de M. le ministre des Transports proposant l'adoption du projet de loi n° 157, Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), M. Rochon (Charlesbourg), M. Trudel (Rouyn-Noranda? Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Bertrand (Portneuf), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), M. Lelièvre (Gaspé), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. Désilets (Maskinongé), Mme Signori (Blainville), M. St-André (L'Assomption), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount?Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri?Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Est-ce qu'il y a des députés qui veulent s'opposer à la motion?

Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour: 93

Contre: 0

Abstentions: 0

Le Président: Alors, en conséquence, la motion est adoptée et donc le projet de loi n° 157, Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier... À l'ordre, s'il vous plaît! Donc, la Loi ordonnant la reprise de certains services de transport routier de marchandises est adoptée.

Je rappelle que nous avons maintenant trois débats de fin de séance. Nous allons immédiatement débuter.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre quelques minutes ? nous reviendrons ? pour permettre aux députés de quitter.

(Suspension de la séance à 21 h 43)

(Reprise à 21 h 44)

Débats de fin de séance

Déménagement des détenus de Québec
en vue du Sommet des Amériques

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons poursuivre nos travaux à l'étape des débats de fin de séance. M. le député de Saint-Laurent, pour le premier débat, questionnera le ministre de la Sécurité publique concernant la sécurité du public lors du Sommet des Amériques. Alors, je cède la parole à M. le député de Saint-Laurent pour une intervention de cinq minutes.

M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Pour le bénéfice des gens qui pourraient avoir eu la patience de suivre nos travaux ce soir et qui nous honoreraient de leur patience en continuant de suivre les débats, je voudrais dire que le débat de fin de séance est commandé par l'opposition officielle lorsque, dans le cours de la journée, le ministre à qui on a posé une question n'a pas satisfait l'opposition par sa réponse.

Alors, aujourd'hui nous avons demandé au ministre, suite à une manchette qui avait cours dans les journaux sur le Sommet des Amériques, une déclaration que le ministre de la Sécurité a faite hier à l'effet que la prison d'Orsainville, le centre de détention provincial d'Orsainville serait fermé ou enfin qu'on viderait la prison d'Orsainville pendant la durée du Sommet des Amériques pour permettre d'y incarcérer d'éventuels manifestants qui contreviendraient aux lois ayant cours sur le territoire.

D'abord, constatez que le ministre de la Sécurité publique va réaliser un rêve qu'il caresse depuis plusieurs années, celui de vider une prison. Et, M. le Président, nous avons demandé au ministre de nous assurer que personne ne profitera indirectement du Sommet des Amériques pour recouvrer une liberté non méritée. Et le ministre nous a répondu dans sa réponse, devant l'Assemblée nationale, que les lois et les règlements concernant la libération des détenus seraient respectés comme ils l'ont toujours été sous ce gouvernement-là.

Bien sûr, les gens qui nous écoutent comprendront que la réponse n'a pas satisfait l'opposition officielle parce que, ça, c'est des paroles, mais tous les actes que ce gouvernement-là a accomplis au cours des dernières années, tous les actes qui ont été accomplis sous ce particulier ministre de la Sécurité publique tendent à prouver exactement le contraire, M. le Président, particulièrement en ce qui concerne les absences temporaires.

Et nous avons raison de nous inquiéter, M. le Président, de la remise en liberté de certains individus lors du Sommet des Amériques. Suivez le raisonnement. Le gouvernement veut vider une prison, faire de la place dans une prison pour y incarcérer éventuellement des manifestants qui contreviendraient aux lois du Québec. Il y a 618 places à Orsainville, M. le Président. Il devrait normalement trouver dans d'autres prisons des places équivalentes pour placer ces gens-là. Ça va être compliqué et ça va entraîner des coûts, le ministre n'est pas sans le savoir.

Dans son quotidien, M. le Président, la question des absences temporaires, la question des remises en liberté pour tout autre motif que ceux qui sont prévus par la loi sont exercées quotidiennement. Récemment, M. le Président, les membres du public ont compris qu'il y avait des quotas aux services correctionnels en vertu desquels 83 % des gens qui purgent des sentences de six mois et moins devaient être mis en liberté, 60 % des gens purgeant des sentences d'emprisonnement de six mois et plus devaient être mis en liberté. Ces quotas-là ont été opposés au ministre, M. le Président. Le ministre a admis à l'époque qu'il pouvait exister une telle directive, mais qu'il n'était pas d'accord avec cette directive-là. Je lui rappellerai que, dès 1999, c'est-à-dire il y a deux ans, il y avait déjà une directive semblable qui circulait au ministère de la Sécurité publique. Ça avait d'ailleurs été publicisé dans un article du Journal de Montréal en 1999, et je pourrai le lui apporter. Alors, il ne peut pas feindre l'ignorance, de telle sorte que...

Et je lui ai rappelé personnellement aussi aujourd'hui, M. le Président, à la période de questions, la remise en liberté de Mario Bastien, cette personne qui est maintenant accusée du meurtre d'Alexandre Livernoche et au sujet de laquelle le ministre de la Sécurité publique lui-même avait dit à l'époque, lorsque l'affaire a éclaté au grand jour: En regardant le dossier, moi, je constate que cette personne-là n'aurait pas dû être remise en liberté. Alors, je lui ai rappelé cette affaire-là. Je ne lui ai pas demandé de la commenter, je ne lui ai pas demandé de nous déposer le rapport, je lui ai demandé la question: de savoir si son jugement de l'époque avait été révélé dans le rapport qui lui a été soumis et que je ne lui demande pas de déposer publiquement.

Alors donc, M. le Président, nous nous sommes inquiétés du fait que, voulant rendre une prison disponible au cas où il y aurait des gens qui devraient y être incarcérés, ces personnes-là qui sont actuellement détenues à Orsainville soient remises en liberté alors qu'elles ne devraient pas l'être. Et j'attends toujours une réponse satisfaisante du ministre de la Sécurité publique à ce sujet-là.

n(21 h 50)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais céder la parole maintenant à M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, la réponse est simple, elle s'exprime en trois lettres: Non. Non, il n'y aura pas de personnes qui seront indûment remises en liberté pour faire de la place aux gens que nous ne souhaitons pas arrêter, mais qui pourraient être arrêtées au cours du Sommet des Amériques. Il y a plusieurs façons de placer les détenus de la prison d'Orsainville. Il y a des places, effectivement, il y a des cellules actuellement au Québec, il y a des ailes de prisons qui sont fermées, que l'on peut rouvrir.

Justement, j'avoue que j'ai été assez étonné de l'émoi que semble avoir causé l'une des explications que j'ai données à la demande que j'annonçais hier: que le gouvernement du Québec avait décidé d'avertir le gouvernement fédéral que, avec les frais considérables qui seraient encourus pour assurer la sécurité au Sommet des Amériques, le gouvernement fédéral devrait non seulement songer, mais se préparer à traiter le Québec comme il l'a fait pour les autres provinces et à assumer ces coûts. Et, dans la lettre que j'avais adressée à M. Lawrence MacAulay, Solliciteur général du Canada, je disais, entre autres: «De plus, en sus des responsabilités que le Québec devra assumer pour les services d'ordre et de sécurité, il devra par ailleurs voir à la planification d'autres mesures dont celles portant notamment sur la sécurité civile, les soins de santé, les services de justice et d'hébergement en milieu carcéral qui occasionneront aussi des coûts importants.»

Je réalise peut-être un peu par la suite que peut-être étais-je moi-même trop concentré dans le dossier. Ayant été très prudent, et voyant à préparer la sécurité depuis de longue date, et m'étant renseigné, comme ayant été renseigné aussi par les policiers de ce qui s'était passé ailleurs, je croyais que tous les journalistes savaient que, dans les autres endroits où des sommets semblables ont été tenus, des manifestations ont été tenues et qu'ils avaient pris bonne note du nombre d'incarcérations qui avaient été faites, et qui, dans presque tous les cas, étaient supérieures aux places que nous avions libérées, 600 à Seattle, 650 à Prague, 1 300 à Washington.

Comme je l'ai dit, nous serions irresponsables de ne pas prendre les mesures, des mesures que nous ne souhaitons pas appliquer. Parce que l'entraînement que nous donnons actuellement aux corps policiers est un entraînement qui devrait permettre à tous ceux qui veulent manifester quelque opinion que ce soit de façon pacifique, de façon raisonnée, de pouvoir effectivement le faire et empêcher justement que leurs idéaux, que leurs idées structurées qu'ils peuvent présenter à l'opinion mondiale soient discréditées par quelques casseurs, n'est-ce pas, qui ne cherchent qu'à avoir du plaisir ou à se manifester au cours d'événements semblables.

Je signale, par exemple, qu'à Montréal, sur les 32 personnes qui ont été arrêtées le premier jour des manifestations, aucune d'entre elles ne savaient ce qu'était le G 20. Elles manifestaient à l'occasion d'une réunion du G 20. Alors, on sait que, dans des manifestations semblables, il y a des groupes qui sont là pour se payer une traite et qu'il faut aller chercher. Et les trouver, c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin, ça prend bien du monde, ça prend beaucoup de monde bien entraîné. Et cela va coûter un certain prix.

Mais je pense que nous avons déjà réalisé, montrant bien notre ouverture d'esprit à cet égard, une excellent collaboration entre quatre corps de police différents, la Gendarmerie royale du Canada, la Sûreté du Québec, le corps de police de la ville de Québec, le corps de police de la ville de Sainte-Foy, qui travaillent en harmonie, qui ont étudié toutes les méthodes de ces casseurs, qui se préparent justement ensemble à assurer non seulement la sécurité de nos invités, mais à assurer que tout se fera de façon propre, de façon civilisée et que l'image du Québec en sortira grandie.

Mais c'est évident que ça m'apparaissait que, si nous devions faire des nombres d'arrestations aussi importants que d'autres villes qui ont poursuivi les mêmes objectifs ? peut-être pas avec autant d'acharnement que nous ? eh bien, nous devions nous assurer de recevoir ces gens de façon civilisée aussi. Et, si ce n'était pas le cas, si nous n'avions pas pris ces précautions et que nous aurions dû faire ce nombre d'arrestations, bien les gens auraient été paquetés dans des cellules inadéquates et dans des conditions d'hygiène... Il n'y a rien de pire que d'improviser ces mesures-là. Alors, je pense qu'on devrait nous féliciter pour les précautions que nous avons prises.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. M. le député de Saint-Laurent, pour votre réplique de deux minutes.

M. Jacques Dupuis (réplique)

M. Dupuis: M. le Président, l'opposition officielle n'a pas le bénéfice d'avoir les rapports qui ont été faits, j'imagine, confidentiellement au ministre de la Sécurité publique sur les dangers appréhendés des manifestations qui pourraient avoir lieu au Sommet des Amériques. Nous ne pouvons donc juger de la pertinence, de la justesse de la décision du ministre de la Sécurité publique de vouloir que la prison d'Orsainvile soit à sa disposition s'il devait y avoir des arrestations lors du Sommet des Amériques.

Ce que nous lui disons ce soir, c'est: De grâce, M. le ministre, de grâce, agissez donc contrairement à vos agissements depuis plusieurs mois au sujet des remises en liberté possibles. Ce que nous vous disons, c'est: Ne cherchez pas dans le Sommet des Amériques un prétexte supplémentaire à ceux que vous trouvez déjà pour remettre en liberté des individus qui devraient être en prison.

M. le Président, ce que nous disons au ministre de la Sécurité publique, c'est la chose suivante, et le ministre est parfaitement au courant de cet état de droit et de cet état de fait: Les juges au Québec doivent envisager toute autre possibilité, au moment où ils prononcent une sentence contre un individu, que l'emprisonnement. Une fois qu'ils ont passé à travers toutes ces étapes d'envisager toutes les solutions possibles, toutes les alternatives à l'emprisonnement, il arrive que des juges décident qu'un individu doive purger une sentence d'emprisonnement. Et le juge rend une sentence d'emprisonnement.

Il faut qu'au Québec, une fois pour toutes, les sentences des juges soient respectées par les gens du ministère de la Sécurité publique, par les agents des services correctionnels, mais d'abord et avant tout par le responsable ultime de ces personnes-là: le gouvernement du Québec. Et c'est le ministre de la Sécurité publique qui a la responsabilité de faire respecter ces décisions des juges. Et on doit respecter ces décisions-là. Il en va de la crédibilité du système judiciaire, il en va de la crédibilité des services correctionnels. Malheureusement, à cet égard-là, le ministre est en déficit.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le député de Saint-Laurent. Ceci met fin au premier débat.

Démissions massives au Centre hospitalier
des Vallées de l'Outaouais

Le deuxième débat de fin de séance, M. le député de Chapleau questionnera le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse concernant la crise qui sévit au Centre hospitalier des Vallées de l'Outaouais. M. le député de Chapleau.

M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Ce qui m'amène à faire cette interpellation, c'est l'annonce qui a été faite aujourd'hui, dans le journal Le Droit, que 16 des 17 membres du conseil d'administration du Centre hospitalier des Vallées de l'Outaouais ont démissionné. Je dois vous dire que ça inclut, ça, le président du conseil d'administration dans un premier temps, je dois vous dire par ailleurs qu'il y a quelques jours c'était le directeur de l'hôpital qui démissionnait lui aussi et, avant lui, le directeur des services professionnels du CHVO, qui tous, donc, ont remis leur démission, qui tous ont claqué la porte.

Pourquoi? Parce que, depuis la fusion des hôpitaux de Hull et de Gatineau ? une fusion qui a été bâclée, une fusion qui a été mal conduite, mal effectuée ? nos hôpitaux dans la région de l'Outaouais connaissent des problèmes qui sont des problèmes majeurs, connaissent des problèmes en ce qui concerne la rétention et le recrutement des médecins, connaissent également des problèmes en ce qui concerne la rétention et le recrutement des infirmiers et des infirmières. Il y a l'abolition de lits. Il y a la diminution des services. Il y a de longues filées pour les cliniques externes. Et il y a de très, très longues filées aussi au niveau des urgences.

n(22 heures)n

M. le Président, pour vous donner une idée des problèmes qu'ont connus les hôpitaux de Hull et de Gatineau depuis la fusion, qu'a connus le CHVO en quelque sorte depuis la fusion, je pense qu'il est important que je vous dise que les médecins se sont maintes fois plaints contre l'administration de l'hôpital, se sont maintes fois plaints de la situation tout à fait désagréable qu'ils vivaient à longueur de journée. Les infirmiers et infirmières ont fait état du fait qu'ils étaient fatigués, qu'ils en avaient assez de vivre dans de telles conditions. Je dois même vous dire que le directeur des finances, en juillet 2000 ? donc ça ne fait pas si longtemps, M. le Président ? a lui aussi remis sa démission, et savez-vous pour quelle raison? Parce qu'il y avait un trou, un trou financier qu'on n'arrivait pas à expliquer, figurez-vous, de 3,4 millions de dollars, au CHVO. Ça, c'est ce qu'on appelle, hein, la bonne administration du gouvernement d'en face, ça, c'est ce qu'on appelle la bonne administration du gouvernement du Québec, 3,4 millions de dollars qu'on n'arrivait plus à expliquer, un trou, donc, qui a amené la démission du directeur des finances.

En quelque sorte, c'est une situation qui est intenable. C'est ce qui explique que les membres du conseil d'administration ont remis leur démission, 16 membres, je répète, qui ont remis leur démission. Il ne reste qu'une personne sur le conseil d'administration, ce qui a amené la mise sous tutelle aujourd'hui du CHVO et la nomination d'un chargé de pouvoir, M. Claude Desjardins.

Je dois dire, M. le Président, ceci. Je dois dire d'abord que, à mon avis, le grand responsable de la situation, ce n'est pas l'administration de l'hôpital du CHVO, ce n'est pas la régie régionale de la santé et des services sociaux. Tout le monde fait son possible avec les moyens qu'il a à sa disposition. Le grand responsable de la situation catastrophique qu'on vit dans le domaine hospitalier et médical dans l'Outaouais, c'est le gouvernement du Québec, et en particulier c'est la ministre de la Santé et c'est le ministre délégué qui n'assument pas leurs responsabilités comme ils devraient le faire.

Je dois ajouter ceci par ailleurs, que j'ai fait des représentations qui ont obtenu une certaine couverture dans les médias de la région de l'Outaouais. J'ai fait des représentations au tout début de l'été 2000, donc il y a de cela quelques mois, pour que Gatineau ait un hôpital de grande envergure. Et j'inviterai donc le ministre délégué à prendre connaissance du contenu de mes recommandations. D'ailleurs, je vais demander la permission au ministre pour que mes recommandations soient déposées en cette Assemblée. J'ai donc formulé un bon nombre de recommandations, une quinzaine de recommandations au total, afin que Gatineau ait vraiment un hôpital de grande envergure, que Gatineau ait vraiment un hôpital qui se respecte.

Bien entendu, M. le Président, devant la situation alarmante en face de laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, je suis obligé de dire au chargé de pouvoir, je suis obligé de dire au nouveau mandataire, M. Claude Desjardins, qu'il pourra compter sur toute ma collaboration, qu'il pourra compter sur tout mon appui pour essayer de rétablir l'ordre dans l'Outaouais. Mais le mal est fait, et le mal est fait par ce gouvernement et par la fusion bâclée des deux hôpitaux, qu'il a effectuée.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie M. le député de Chapleau. Je vais céder la parole à M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse.

M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, je comprends l'importance que revêt ce dossier pour le député de Chapleau. Pour nous resituer dans le contexte, il est d'abord important de signaler que le centre hospitalier de l'Outaouais est issu d'une importante réforme dans la santé, initiée par notre gouvernement, réforme qui était incontournable d'ailleurs, une réforme, je le répète, qui était devenue urgente étant donné l'inertie de ceux qui nous avaient précédés, c'est-à-dire les gens d'en face, incapables de faire des réformes à l'époque puis plutôt spécialisés à dépenser et à gaspiller l'argent des contribuables québécois.

Le Centre hospitalier des Vallées de l'Outaouais, M. le Président, a donc été créé en avril 1998 à la suite de la fusion de deux établissements, le Centre hospitalier régional de l'Outaouais et le Centre hospitalier de Gatineau. Cette fusion visait des économies d'échelle, une meilleure intégration des services, une meilleure coordination des actions et une vision globale des clientèles à desservir. Ce centre régional, avec sa gamme de services spécialisés et ultraspécialisés, doit aussi permettre d'offrir à la population de la région de l'Outaouais des services de qualité, c'est important, tout en rapatriant la clientèle québécoise qui consomme actuellement des services en Ontario.

Depuis cette fusion, différentes actions semblent avoir donné de bons résultats, surtout au niveau de la réorganisation des services administratifs. C'est le point de vue exprimé par M. Claude Desjardins, nommé par le conseil d'administration pour agir comme personne-ressource extérieure à la fin du mois d'août dernier. Son mandat était d'analyser le processus de gestion de l'établissement dans les domaines suivants: gestion globale de l'organisation, gestion médico-administrative, gestion des soins infirmiers, la gestion financière. M. Desjardins devait également dégager un état de situation global et présenter des recommandations au conseil d'administration. La nomination de M. Desjardins s'est d'ailleurs réalisée avec l'accord de la régie régionale, du conseil d'administration de l'hôpital et du ministère de la Santé et des Services sociaux. Le mandataire, M. Desjardins, a déposé son rapport, et diverses pistes de solution y ont été énumérées.

Dès le début, le ministère a suivi de très près la situation de manière à ce que, d'abord et avant tout, les patients ne subissent pas de préjudice face aux problèmes constatés par le mandataire. Et c'est là bien entendu le point essentiel: les patients ne doivent pas en subir les conséquences; l'intérêt public d'abord, M. le Président, l'intérêt des patients. De fait, ma collègue, Mme Marois, ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, a annoncé aujourd'hui que le Centre hospitalier des Vallées de l'Outaouais a été placé sous administration provisoire. Il n'y a rien de plus logique, puisque la quasi-totalité des membres du conseil d'administration ont remis leur démission. Et M. Desjardins, qui connaît particulièrement bien le dossier pour y avoir oeuvré efficacement, a été nommé chargé de pouvoir.

Je trouvais curieux, M. le Président, tantôt d'entendre le député de Chapleau dire que le directeur financier de l'hôpital ne connaissait pas ses propres budgets, il ne savait pas pourquoi il y avait un trou de trois points et quelques millions de dollars. Alors, M. le Président, à un moment donné, il faut que les gens dans le réseau se responsabilisent. Et M. Desjardins, pour l'avoir connu il y a 20 ans, puisqu'il a déjà été mandataire pour le gouvernement à l'époque du gouvernement Lévesque, a déjà été administrateur provisoire pour un hôpital dans le comté de Rouyn-Noranda?Témiscamingue, et c'est probablement un des administrateurs les plus chevronnés, les plus aguerris au Québec sur toutes les questions hospitalières et particulièrement sur la gestion dans ces circonstances, M. le Président. Alors, je pense que l'arrivée de M. Desjardins va permettre de remettre en place, de redonner un élan à l'hôpital, de rebâtir une équipe puis être en mesure qu'on puisse desservir, donner des services d'une façon adéquate à l'ensemble de la population de l'Outaouais. Et ce qui importe au plus haut point, c'est que le centre hospitalier soit en mesure de poursuivre ses activités et de s'acquitter de sa mission auprès des usagers. C'est ça, son mandat, c'est ça, sa responsabilité.

Alors, M. le Président, nous avons agi dans ce dossier avec la plus grande diligence. Il ne faut jamais oublier que des gens, des fois, se comportent comme s'ils étaient à la direction d'une entreprise privée avec un financement qui vient du public. C'est l'argent des contribuables, ça, alors il faut se responsabiliser par rapport à ça. Dans la santé, je pense qu'il faut être plus sensible et il faut être d'autant plus responsable, puisque, effectivement, on s'occupe de gens qui sont confrontés, qui sont éprouvés par la souffrance et la maladie. Alors, M. le Président, nous avons agi dans ce dossier avec la plus grande diligence puis nous travaillons en étroite collaboration avec nos partenaires et avec la régie régionale dans le but que toutes les activités et les services soient offerts à la population. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse. Je vais céder la parole à M. le député de Chapleau pour sa réplique de deux minutes.

M. Benoît Pelletier (réplique)

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Il faut savoir qu'en démissionnant le président du conseil d'administration du CHVO a dit que sa démission devait être perçue comme un cri d'alarme au gouvernement du Québec. Lui aussi a identifié qui était responsable dans le dossier. Le responsable dans le dossier, c'est le gouvernement du Québec qui a fait une fusion qui a été bâclée puis qui n'a pas réussi à rétablir la situation depuis lors.

Je dois vous dire, M. le Président, que j'aurais aimé ce soir entendre la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux nous dire pourquoi elle a nommé M. Claude Desjardins comme chargé de pouvoir, alors que c'est suite au rapport Desjardins, dont ils ont pris connaissance hier, que les membres du conseil d'administration du CHVO ont remis leur démission. Alors, d'abord j'aimerais bien savoir ce qu'il y a dans le rapport Desjardins qui a amené la démission des membres du conseil d'administration du CHVO et qu'est-ce qui explique que c'est ce même Desjardins, donc, qui a déjà établi un rapport qui amène la démission des membres du conseil d'administration du CHVO, c'est ce même Desjardins qui aujourd'hui est nommé chargé de pouvoir, est nommé mandataire. J'aurais aimé avoir les explications de la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux elle-même ce soir. Malheureusement, ce midi elle ne savait pas où était Chapleau, il a fallu que je le lui rappelle, et ce soir elle ne daigne pas être présente ici, en cette Assemblée, démontrant ainsi, M. le Président, le peu de respect qu'elle a pour la population de la ville de Gatineau et le peu d'importance par ailleurs qu'elle accorde à cette population.

Je dois dire par ailleurs, M. le Président, que...

n(22 h 10)n

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Chapleau...

M. Pelletier (Chapleau): Pardon?

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...il n'est pas dans nos coutumes de signaler des absences, parce que finalement vous savez très bien qu'il peut y avoir des raisons très motivées. Alors, à ce moment-là, c'est par délicatesse, un peu, qu'on ne mentionne pas les absences, parce que la personne a certainement, peut-être une très bonne raison de ne pas être ici. Alors, je vous cède la parole.

M. Pelletier (Chapleau): Je dirais simplement en conclusion, M. le Président, que j'aurais aimé l'entendre me dire pourquoi c'est Claude Desjardins qu'elle a choisi comme mandataire et qu'est-ce que contenait ce fameux rapport Desjardins qui a amené la démission en bloc de 16 des 17 membres du conseil d'administration du CHVO aujourd'hui même. Malheureusement, nous n'aurons pas droit, la population de Gatineau n'aura pas droit à cette réponse.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chapleau. Alors, ceci met fin au deuxième débat de fin de séance.

Politique de soutien au développement
local et régional

Nous abordons le troisième, et c'est Mme la députée de Bonaventure qui questionnera le ministre des Régions concernant l'échec des politiques de développement économique des régions du Québec. Alors, Mme la députée de Bonaventure, pour une intervention de cinq minutes.

Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. En 1997, le premier ministre prenait un engagement à l'endroit du monde rural. Le premier ministre s'engageait à déposer dans un très court délai une politique de la ruralité, une politique de la ruralité pour permettre au monde rural au Québec de prendre son essor. Le constat que nous devons faire après trois ans, c'est que le premier ministre a failli à son engagement, le ministre des Régions a abdiqué, le ministre des Régions a capitulé, le ministre des Régions s'est écrasé devant la ministre des Affaires municipales, devant le ministre des Finances et également devant le président du Conseil du trésor, M. le Président.

Cet après-midi, je lui ai demandé: Qu'est-ce qui explique ce retard? Pourquoi, après trois ans, le gouvernement péquiste n'a pas répondu à son engagement de déposer une politique sur la ruralité, une politique sur la ruralité, M. le Président, je tiens à le rappeler, qui est très attendue par le monde rural, et en particulier par Solidarité rurale, qui est l'organisme-conseil du gouvernement, un organisme subventionné par le gouvernement?

Je relisais la réponse du ministre dans la transcription qui nous a été fournie et j'ai été à même de constater à quel point le ministre des Régions est mélangé. Premièrement, je lui parle de politique de la ruralité, il me répond par sa politique de soutien au développement local et régional. Je lui parle de la politique de la ruralité, il me répond par une stratégie de la ruralité. Et, chose encore plus importante, M. le Président, et vous me permettrez de le citer, il nous a dit cet après-midi: «Il est faux de prétendre que le Québec de ces régions est en difficulté.»

M. le Président, c'est le ministre des Régions qui me dit qu'il est faux de prétendre que les régions du Québec sont en difficulté. Pourtant, 57 MRC sur 83 qui sont situées en milieu rural vivent de très grandes difficultés, tellement que le gouvernement a déposé, via le ministre des Régions, un cadre de référence sur la politique de la ruralité. C'est un cadre de référence qui a été déposé en octobre 1999 et qui s'intitulait Pour une occupation dynamique du territoire rural. Ce cadre de référence qui mettait la table pour ce qu'on pouvait espérer voir être déposé, la politique de la ruralité, malheureusement ne verra pas le jour parce que le ministre des Régions a décidé de prendre une autre tangente et a décidé, donc, par l'action qu'il va entreprendre au cours des prochaines semaines en déposant un plan stratégique plutôt qu'une véritable politique sur la ruralité, de dénaturer complètement ce cadre de référence qui a été déposé.

Cet après-midi, je faisais également référence à deux organismes qui sont très inquiets, la Fédération québécoise des municipalités du Québec qui attend, avec une hâte qu'ils ne peuvent dissimuler, cette fameuse politique de la ruralité. Devant le laxisme du gouvernement, devant l'inaction du ministre des Régions, ils ont été obligés d'écrire au premier ministre le 23 octobre dernier. Ils ont même fait de cette question un point majeur à leur dernier congrès des membres, M. le Président, au début d'octobre, qui a débouché sur l'adoption de deux résolutions majeures.

Vous me permettrez de lire très rapidement un passage qui est contenu dans cette lettre qui est adressée au premier ministre, M. le Président, que j'ai interpellé cet après-midi et qui a préféré me répondre par des statistiques au niveau du taux de chômage sur les régions, hein, en me citant des statistiques comme la Gaspésie, 15 %, d'autres régions, en insistant sur le fait que le taux de chômage a diminué dans ces régions depuis un an, comme si 15 % de taux de chômage en Gaspésie, c'était une bonne nouvelle. Alors, c'est un faux débat que de nous mener sur le terrain des taux de chômage qu'on retrouve en région.

Mais je reviens à la Fédération québécoise des municipalités, M. le Président, qui dit ceci, via la voix de son président, sur le fait que la politique de la ruralité n'est pas encore déposée: «Tous ces délais permettent aux élus des municipalités rurales de douter de la réelle volonté de votre gouvernement de doter le Québec des régions d'outils structurants lui permettant d'assurer son développement, voire sa survie dans le contexte actuel d'urbanisation favorisé de façon très concrète par votre gouvernement.» On parle de survie, ici, à la Fédération québécoise des municipalités, et le ministre des Régions nous répond que, dans le monde rural au Québec, il n'y a pas de problème.

Alors, un autre organisme qui est très important et auquel je faisais référence tout à l'heure, M. le Président, c'est Solidarité rurale du Québec, qui est toujours en attente de cette fameuse politique sur la ruralité. Le président de Solidarité rurale, dernièrement, a commenté les fameux contrats d'initiative rurale que veut mettre en place le ministre des Régions, qui viennent complètement édulcorer et dénaturer cette future politique de la ruralité. Et voici ce que nous dit Jacques Proulx, M. le Président: «Il faut plus qu'un plan d'action, il faut une politique, une manière différente de gouverner.» Une manière différente de gouverner, c'est justement le défi sur lequel le ministre des Régions et le gouvernement péquiste sont interpellés aujourd'hui, une nouvelle façon de gouverner pour permettre aux régions du Québec, au monde rural de prendre une fois pour toutes son véritable envol et son véritable essor. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Bonaventure. Je vais céder la parole maintenant au ministre des Régions. M. le ministre.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. De prime abord, je devrais remercier la députée de me donner une deuxième occasion d'indiquer que jamais un gouvernement du Québec n'a autant fait pour ses régions que le gouvernement actuel. Pendant que l'opposition officielle continue de réfléchir sur ce qu'elle pourrait bien faire pour gagner des votes en région, pendant qu'elle met sur pied des comités, nous, du gouvernement du Québec, nous travaillons sur du concret.

Et je voudrais attirer votre attention sur quelques-uns des gestes que nous avons posés. Je me réfère aux annonces qui ont été faites lors du discours du budget et j'aimerais en rappeler quelques-unes pour le bénéfice de la députée de Bonaventure: 77 millions pour la diversification économique des régions; des mesures particulières pour la région de la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine; 100 millions pour moderniser une usine de pâtes et papiers; 25 millions pour l'extension du réseau de gaz naturel; 9 millions pour les milieux ruraux; soutien accru aux centres locaux de développement; 21 millions pour appuyer la diversification économique de la région de Sorel?Tracy; des mesures pour favoriser le développement de la vallée de l'aluminium, au Saguenay?Lac-Saint-Jean; des crédits de 30 millions à la Société des établissements de plein air du Québec pour améliorer ses infrastructures et ses services. Le gouvernement accroît donc en même temps aussi son aide à l'exploitation minière, et ça, bien, bien entendu, ce n'est pas à Montréal que ça se passe, ça se passe dans la région en particulier de l'Abitibi-Témiscamingue. Ce sont donc des régions qui profitent de ce que l'État a mis en place.

Mais qu'est-ce que nous récoltons aujourd'hui? Et ça, c'est un constat que je voudrais faire. L'économie québécoise est en santé. Une croissance de 4,7 % en 1999, du jamais vu en 15 ans. La croissance est supérieure à celle du Canada. Le nombre de prestataires à l'aide sociale est à son plus bas niveau. Le taux de chômage se situe à 8,2 %, et le chômage, dans toutes les régions du Québec, a diminué, le premier ministre en a fait mention cet après-midi. Que l'on prenne la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, alors que le gouvernement libéral était au pouvoir, en 1994, je les cite, de 21,6 % à 15,7 %, une diminution de 5,9 %; en Estrie, 9,6 % à 6,2 %, 3,4 % de moins; dans le Bas-Saint-Laurent, 15,3 %, 8,6 % maintenant, 6,7 %; même chose dans la Côte-Nord et Nord-du-Québec; même chose dans Laurentides, Lanaudière, Montérégie; je finirais par Laval pour indiquer ? c'est une des régions du Québec ? 12,4 % à 6,1 %, c'est-à-dire 6,3 %. Donc, nous avons une diminution quant au taux de chômage.

Depuis 1994, à la fin du régime du Parti libéral, toutes les régions du Québec ont connu depuis ce temps une augmentation du nombre d'emplois ainsi qu'une baisse des prestataires de l'aide sociale. Donc, en cette année, selon même Statistique Canada, les investissements privés devraient augmenter dans toutes les régions du Québec.

n(22 h 20)n

Le chef de l'opposition déclarait récemment, lors d'une de ses nombreuses tournées, que les CLD, ça ne marchait pas. Pourtant, les médias régionaux... puis je cite des médias de sa propre région: Le CLD Saint-François bat des records, dans La Tribune de Sherbrooke; encore dans La Tribune, le 3 octobre dernier, je cite: Sherbrooke vit un boom industriel. Puis on me dit que ça va mal. Je vais vous dire que, dans Le Soleil, à l'édition du 3 août dernier, on écrivait ceci, et je cite: Une manne inespérée pour le village de Bergeronnes: construction d'une usine de 157 millions dans un village de 770 habitants de la Haute-Côte-Nord. Citation dans Le Soleil.

M. le Président, il faut arrêter de faire accroire au monde que tout va mal, que rien ne se passe dans les régions. C'est faux. C'est faux. On peut faire mieux, c'est vrai, on le sait et on travaille dans ce sens-là, on y travaille à tous les jours. On veut le bien de nos régions, et nous le faisons avec nos partenaires du milieu, que j'ai rencontrés d'ailleurs ce matin à la Table Québec-régions. L'avenir du Québec est dans nos villes bien sûr mais aussi dans les régions, que ce soit dans le Bas-Saint-Laurent, l'Abitibi, la Mauricie, et j'en passe. Donc, nous construisons l'avenir de nos régions et nous allons le construire dans nos milieux ruraux.

Nous sommes cependant rendus à un tournant important. Maintenant que nous nous sommes débarrassé du lourd héritage des déficits libéraux, nous allons poursuivre le travail et nous allons le faire avec des moyens de plus en plus sur des bases solides. Le plan d'action sur lequel nous travaillons, c'est de ça que j'ai parlé à la députée cet après-midi, dans nos régions-ressources va nous permettre de poursuivre sur notre lancée. Nous allons faire tout ce qu'il faut pour que ça croisse davantage dans les régions.

Et là je vous dis: Ce que propose l'opposition, c'est encore des comités. D'ailleurs, dans le journal, Michel C. Auger le dit: «C'est tout de même étonnant que ce qui constitue le plus grand défi du PLQ d'ici la prochaine élection ne sera même pas examiné en profondeur lors du seul congrès d'orientation du parti avant les prochaines élections. Tout au plus M. Charest parle-t-il de la création d'un supercomité chargé de lui faire des propositions en cette matière avant les prochaines élections.»

M. Paradis: M. le Président...

M. Jolivet: Donc, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Finissez.

M. Paradis: M. le Président...

M. Jolivet: ...je le répète, jamais un gouvernement n'aura tant fait pour les régions.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Alors, je ferai remarquer à M. le leader de l'opposition que j'ai permis une certaine tolérance ce soir, de quelque 10 à 15 secondes de part et d'autre. Alors, c'est pour ça que j'ai permis de dépasser un peu. Et je serai aussi indulgent pour Mme la députée de Bonaventure si elle dépasse de quelques secondes.

M. Paradis: Vous êtes toujours tolérant, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée.

Mme Nathalie Normandeau (réplique)

Mme Normandeau: M. le Président, si le gouvernement péquiste et le ministre des Régions travaillent sur du concret pour les régions, comment le ministre des Régions peut expliquer la grogne à l'intérieur de son caucus? Dans un article paru dans La Presse du 5 octobre: Les députés régionaux font des étincelles au caucus du Parti québécois. Les députés du Parti québécois en ont marre. Marre de quoi? De voir le ministre des Finances concentrer ses millions à Montréal plutôt que dans les régions du Québec. Et, plutôt que de nous servir les statistiques du ministre des Finances ? parce que, de toute évidence, il y a un échange de petits cartons entre le ministre des Régions et le ministre des Finances ? le ministre des Régions a intérêt à nous dire pourquoi lui, comme ministre des Régions qui a pris un engagement de doter le Québec d'une politique de la ruralité, pourquoi le ministre des Régions recule aujourd'hui, pourquoi il abdique, pourquoi il a capitulé. Devant qui il a capitulé? Devant les pressions du ministre des Finances, devant les pressions de la ministre des Affaires municipales, devant les pressions du président du Conseil du trésor.

Là, il s'est fait le porteur d'un gouvernement qui s'occupe des régions en nous citant plusieurs statistiques faisant état des interventions du gouvernement péquiste en région. Ce que j'aurais envie de lui dire, M. le Président, c'est que ce qu'il vient de nous énumérer, c'est rien comparé à tous les millions qu'a investis son gouvernement dans la Cité du multimédia, dans ce qu'il s'apprête également à faire du côté de Mosel Vitelic.

Alors, on a, de toute évidence, un manque de volonté de la part du gouvernement péquiste de prendre un véritable virage. Ce à quoi le gouvernement péquiste est interpellé, c'est une véritable révolution, une révolution pour permettre aux régions du Québec d'avoir une fois tous les outils en main pour leur permettre de se développer une fois pour toutes, d'avoir les outils qui leur permettent aussi d'assumer leur autonomie. Alors, le ministre des Régions nous propose un plan stratégique plutôt qu'une véritable politique de la ruralité. Il s'agit là d'une vision à court terme pour répondre à des impératifs purement politiques, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée Bonaventure. Et ceci met fin aux débats de fin de séance de ce soir. Et je vais ajourner à mardi ? c'est bien jeudi aujourd'hui ? prochain, 10 heures. Alors, bonne fin de semaine.

Ajournement

(Fin de la séance à 22 h 25)