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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 23 mai 2000 - Vol. 36 N° 110

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonjour, Mmes, MM. les députés. Nous allons nous recueillir quelques instants.

Alors, si vous voulez prendre place.


Affaires du jour

Nous sommes aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, bonjour, M. le Président. L'article 42 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 93


Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, l'article 42, M. le ministre de l'Environnement propose l'adoption du projet n° 93, Loi sur la sécurité des barrages. M. le ministre de l'Environnement, je vous cède la parole.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 93 a pour objet principal d'accroître la sécurité des barrages et par conséquent de protéger les personnes et les biens contre des risques qui sont associés à la présence de ces ouvrages. Il donne suite à l'une des principales recommandations de la Commission scientifique et technique sur la gestion des barrages mise en place par le premier ministre à la suite des inondations de l'été 1996 au Saguenay. Sa mise en oeuvre permettra de doter le Québec d'outils modernes pour accroître la protection des personnes et des biens contre les risques associés à la présence de barrages un peu partout sur le territoire québécois.

Le projet de loi instaure une série de mesures encadrant la construction, la modification et l'exploitation des barrages à forte contenance. Il prescrit aux propriétaires l'obligation d'assurer une surveillance et un entretien régulier de leurs barrages. Des plans d'urgence devront également être produits de concert avec les municipalités et les MRC concernées. De tels plans sont essentiels, vous comprendrez, M. le Président, dans le cas où il y a des zones habitées à l'aval d'un barrage ou de plusieurs barrages. Une des mesures importantes du projet de loi vise les barrages existants. Il s'agit de l'obligation faite à tous les propriétaires de barrage à forte contenance de faire réaliser par un professionnel du domaine une évaluation de la sécurité de leurs barrages selon un échéancier qui a été établi par règlement.

Cette évaluation permettra de connaître l'état exact des barrages du Québec ainsi que les correctifs requis pour assurer leur sécurité. Ces correctifs devront être apportés par le propriétaire selon le calendrier qui aura été autorisé préalablement. Une telle mesure nous assurera que les barrages du Québec qui ne sont pas en bon état ou qui ne répondent plus aux standards modernes en matière de sécurité seront sécuritaires pour la population et les biens.

Le projet de loi prévoit également que des normes de sécurité seront prescrites relativement aux événements extrêmes qui peuvent affecter un barrage. Je pense particulièrement aux crues et aux séismes auxquels les barrages doivent pouvoir résister en toutes circonstances. Il ne faut pas oublier non plus que certains barrages sont souvent en cascades. Des normes particulières devront être prévues pour assurer que leurs niveaux de sécurité soient cohérents les uns par rapport aux autres.

Le projet de loi comporte également des dispositions requises pour favoriser l'adoption d'une réglementation modulée en fonction du risque que représente chaque barrage. Je n'ai pas l'intention de proposer une réglementation mur à mur qui imposerait les mêmes niveaux d'exigences à tous les propriétaires quel que soit l'importance ou le risque que représentent lesdits barrages. Comme vous le savez, M. le Président, il y a une différence énorme entre un petit barrage qui maintient un plan d'eau à des fins de villégiature et un gros barrage de production d'électricité géré en temps réel par ordinateur. Des règles minimales de sécurité doivent certes être respectées par chacun. On ne peut toutefois leur imposer les mêmes normes, et il n'y aurait aucun gain sur le plan de la sécurité à le faire. De plus, cela entraînerait des dépenses difficilement justifiables pour de petits propriétaires, particulièrement ceux qui ne retirent pas de revenus de l'exploitation de leurs barrages.

Enfin, le projet de loi n° 93 nous permettra de doter le Québec d'une réglementation performante sur le plan de la sécurité du public, tout en respectant la grande diversité du parc de barrages du Québec et leur niveau de risque. M. le Président, je tiens à remercier particulièrement mes collègues du gouvernement de même que l'opposition pour leur collaboration lors de l'étude de ce projet de loi. Leur support et leur présence ont été appréciés.

Alors, en conclusion, M. le Président, je demande à cette Assemblée d'adopter le projet de loi n° 93 intitulé la Loi sur la sécurité des barrages. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement pour ce dossier et député d'Argenteuil. M. le député, je vous écoute.


M. David Whissell

M. Whissell: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, on est rendu à la dernière procédure pour l'adoption du projet de loi n° 93. Vous savez, dans le titre, il y a le mot «sécurité», et je pense que ça résume très bien le travail qui a été fait dans l'élaboration de ce projet de loi. Vous savez qu'en 1996 nous avons connu au Québec un déluge, nous avons reçu des pluies qui avaient une récurrence très élevée, et on s'est aperçu que de nombreux ouvrages ne pouvaient pas supporter de telles récurrences.

Alors, pour faire peut-être un petit historique sur les barrages au Québec, je pense que tout le monde est en d'accord pour dire que le Québec dispose de ressources hydrauliques très importantes. Nous avons plusieurs rivières, plusieurs fleuves, plusieurs lacs, et le réseau hydrique au Québec a fait partie du développement économique québécois. Alors, au début du XVIIIe siècle, on utilisait les cours d'eau pour faire la drave, surtout en bordure des principales agglomérations, Québec et Montréal, et, plus le temps passait, plus les compagnies forestières devaient monter vers le nord pour aller chercher du bois. Alors, vers la fin des années 1800, nous avons commencé à voir apparaître certains barrages sur des rivières plus dans le nord des agglomérations afin de relever le niveau des rivières et de permettre la drave dans des endroits qui étaient impraticables avant la construction de certains barrages. Alors, ces barrages-là ne produisaient pas d'électricité, avaient pour principales fonctions de retenir l'eau et d'élever le niveau de l'eau pour que la drave puisse s'effectuer rapidement. Au début des année 1900, nous avons vu l'apparition de l'électricité. Alors, à l'époque, il y a des compagnies privées, surtout encore les papetières, qui ont commencé à installer des barrages hydroélectriques sur les principales rivières à proximité des agglomérations, et, avec les années, les papetières ont étendu leur réseau. On a également vu des compagnies privées qui ont construit des barrages à des fins publiques, c'est-à-dire pour alimenter en électricité les résidences, les commerces, les municipalités et même le gouvernement.

Alors, au Québec aujourd'hui, on se retrouve avec une panoplie de barrages, certains, comme je vous disais, servent à produire l'électricité, d'autres à retenir de l'eau à des fins d'alimentation, par exemple en eau potable, et il y a également de nombreux barrages qui n'ont plus d'utilité. Quand je vous parlais antérieurement des barrages qui servaient à la drave, bien, aujourd'hui, avec le transport terrestre, on n'utilise plus les cours d'eau pour descendre les billes de bois jusqu'aux usines de papier. Alors, on a des barrages qui sont à l'abandon.

(10 h 10)

Vous savez, M. le Président, dans le projet de loi, on vise à essayer d'atteindre l'ensemble des barrages du Québec, et il y a un travail qui est très important, qui était de constituer un répertoire. Parce qu'on a beau faire une loi qui va viser principalement la sécurité et imposer des normes très précises aux propriétaires de ces barrages, mais encore faut-il savoir à quel endroit ils sont situés. Alors, le ministère de l'Environnement a embauché des techniciens, des ingénieurs qui, à partir de cartes, d'informations obtenues des MRC, des villes, ont constitué un répertoire des barrages. Alors, dans ces barrages, on a les barrages qui appartiennent à des sociétés d'État, telle qu'Hydro-Québec, on a des barrages qui appartiennent à des organismes publics, telles que des municipalités, des régies, et nous avons également des barrages privés. Alors, M. le Président, c'était une étape très importante. Et vous allez voir un peu plus tard qu'au niveau de la loi il y a un mécanisme pour contester l'information qui sera dans le répertoire. Parce que l'objectif du répertoire, il est essentiel, c'est-à-dire que c'est d'établir, en fonction de certains critères, le potentiel de danger du barrage. Alors, si un barrage est en piètre état, il est visité par un technicien, un ingénieur du gouvernement, et, au répertoire, on va le classer d'une certaine façon.

Alors, M. le Président, pour peut-être vous expliquer l'essence même de la loi, comme je vous disais, c'est une question de sécurité. Et, vous savez, la sécurité, on ne l'obtient jamais. Il faut s'arrêter à quelque part, parce que, la sécurité absolue, je pense que c'est impossible, tout le monde en convient. Et il s'agit pour nous de mettre des balises aux propriétaires de barrage afin de s'assurer que la sécurité est maximisée. Alors, la première chose qui est faite dans la loi, c'est qu'une fois que le répertoire est constitué les barrages sont catégorisés.

Alors, le principal type de barrage, c'est un barrage qu'on appelle à forte contenance. C'est les barrages qui sont susceptibles d'être les plus dangereux pour la sécurité publique. Pour vous expliquer, M. le Président, c'est un barrage qui a au moins 1 m de hauteur et dont le volume des eaux de retenue est supérieur à 1 million de m³. Alors, 1 million de m³ en amont d'un barrage, même si le barrage a 1 m de haut, imaginez-vous les dégâts que ça peut faire.

C'est également, au niveau de la loi, tout barrage d'au moins 2,5 m dont les eaux de retenue sont supérieures à 30 000 m³. Alors là, on change un peu le critère de dangerosité, en disant: Si le barrage est plus haut, 7,5 m, mais que le volume est de 30 000 m³ et plus, on le considère comme un barrage à forte contenance. Et également, sont considérés des barrages à forte contenance les barrages de 7,5, sans égard au volume de retenue. Alors, voyez, on commence déjà à caractériser les barrages. Alors, nous avons les barrages à forte contenance.

D'un autre côté, nous avons les barrages à faible contenance. Alors, ces barrages-là, c'est des barrages qui sont de plus petite quantité de volume d'eau, souvent qui ont moins de hauteur, mais qui sont également dangereux.

Alors, la loi, ce qu'elle dit aux propriétaires, dans le fond, c'est: On veut s'assurer de la sécurité du public et des biens publics et privés. Le propriétaire de barrage devra constituer un plan de gestion, c'est-à-dire que, par la loi, le propriétaire devra, suivant une fréquence qui est déterminée par la loi et ses règlements, effectuer une inspection première de sa structure qui constitue le barrage. Et le rapport fera mention des correctifs qui doivent être mis en place pour vraiment assurer l'ouvrage de sa stabilité et s'assurer que, s'il y a un coup d'eau, le barrage n'est pas emporté ou qu'une digue du barrage n'est pas emportée. Parce qu'il ne faut jamais oublier que cette loi-là, ce n'est pas une loi qui force nécessairement les propriétaires de barrage à entretenir de A à Z leurs barrages. C'est vraiment tout ce qui est relatif au niveau de la sécurité. Alors, il y aura une première vérification qui est faite, et les propriétaires devront soumettre au ministre un plan de gestion. Ce plan de gestion là tiendra compte du cadre réglementaire et devra être approuvé par le ministre. Dans le cas où le ministre et ses délégués contestent le plan de gestion ou trouvent que le plan de gestion ne va pas assez loin pour assurer la sécurité, alors il y a un mécanisme de contestation qui est prévu dans la loi.

Également, au niveau de la loi il y a un programme de sécurité qui doit être mis en place par les propriétaires de barrage. Ça, c'est dans le cas surtout de barrages qui sont beaucoup plus gros. Parce que, je vais vous donner un exemple, Hydro-Québec, avec Manic 5, elle est en mesure d'arriver puis d'établir ses propres normes pour définir si le barrage est sécuritaire ou pas. Alors, avec un programme de sécurité, le propriétaire de barrage pourra substituer le cadre réglementaire du ministère de l'Environnement par son propre programme de sécurité. Et, encore là, son propre programme de sécurité devra être approuvé par le ministre, et, en cas de conflit, de non-entente, il y a un mécanisme de médiation qui est prévu.

Il y a également, comme je vous disais, les barrages à faible contenance. C'est des barrages qui sont plus petits, qui sont moins dangereux, mais qui sont quand même inclus dans la loi et qui donnent certaines obligations aux propriétaires. C'est sûr que ces obligations-là sont moins restrictives, moins contraignantes que les propriétaires de gros barrage à forte contenance. Alors, un barrage à faible contenance, c'est un barrage d'une hauteur de plus de deux mètres, qui n'est pas un barrage à forte contenance. Alors, vous voyez, déjà on prend les plus petits barrages. C'est des barrages qui, indépendamment de leur hauteur, de leur ouvrage de retenue et des installations connexes, emmagasinent un certain volume d'eau, assez petit. Alors, les propriétaires de barrage à faible contenance devront se soumettre également à certaines restrictions et à certaines obligations.

Et il y a également que, au niveau de tous les barrages de plus de 1 m, excluant les barrages à forte contenance ou à faible contenance, tous les propriétaires de barrage de plus de 1 m devront obligatoirement s'inscrire sur le registre des barrages. Ça, ça veut dire, M. le Président, que, vous, vous avez une ferme que vous avez acquise, vous avez un petit barrage, au bout de votre terre, qui a 2 m de haut et qui a une petite réserve d'eau avec des poissons, où vous allez à la pêche toute la fin de semaine, et vous avez l'obligation de déclarer que vous avez un barrage sur votre propriété. À défaut de le faire – c'est quand même assez fort, M. le Président – il y a des sanctions pénales qui seront appliquées contre vous si vous ne déclarez pas la présence d'un barrage. Alors, vous voyez que c'est quand même très, très concis, et on veut forcer le public à enregistrer ces barrages.

Alors, comme je vous le disais, au niveau des inspections, il y a tout un mécanisme d'approbation qui est prévu dans la loi. Vous voulez construire un barrage, la première étape, c'est d'engager un ingénieur qui va faire les plans et devis. Les plans et devis sont soumis au ministère de l'Environnement qui va évaluer, suivant ses propres critères, si le barrage sera dangereux ou pas. Alors, il y a une première approbation avant la construction. Et, une fois la construction terminée, avant la mise en eau du barrage – et ça, c'est un débat que nous avons eu au niveau de la commission parlementaire – un autre ingénieur ou le même ingénieur doit faire une dernière vérification pour s'assurer que la construction a été vraiment faite suivant les plans et devis. Et la même chose s'applique, M. le Président, si un propriétaire de barrage déjà construit veut faire une rénovation majeure ou un entretien majeur du barrage. Alors, vous voyez qu'il y a un mécanisme qui vraiment va contrôler toute construction de barrages ou rénovation.

Et ce qui est important dans cette façon de faire là, c'est la notion de l'ingénieur. La notion de l'ingénieur a joué beaucoup dans le projet de loi. Au début, on parlait d'un tiers ingénieur pour faire l'approbation finale. Mais les ingénieurs ont un code de déontologie et ont également des assurances de responsabilité. Alors, le ministre a révisé sa position et a permis que ce soit le même ingénieur qui effectue la première inspection et la dernière inspection.

(10 h 20)

M. le Président, c'est sûr que, comme toute bonne loi, on se doit de sanctionner les gens qui ne suivront pas la loi et les règlements. Dans cette loi, il y a des dispositions pénales qui sont prévues à l'endroit des gens qui ne fourniraient pas leur programme de sécurité, leur plan de gestion ou encore qui refuseraient de s'y conformer en vertu d'un avis du ministre ou de ses délégués. C'est des amendes qui sont quand même très sévères, M. le Président. Ici, vous voyez, pour une offense au niveau des règlements, on parle d'une amende qui peut aller jusqu'à 500 000 $; quelqu'un qui effectue la construction d'un barrage et qui n'a pas obtenu l'autorisation en vertu de ces lois est passible d'une amende entre 2 000 $ et 1 million de dollars. Alors, vous voyez qu'il y a un mécanisme qui est quand même assez sévère pour justement éviter que certains individus puissent construire un barrage sans avoir obtenu au préalable l'autorisation. La loi donne également le pouvoir au ministre, dans le cas où le propriétaire refuserait de se conformer à un avis d'infraction, permet au ministre d'effectuer lui-même les travaux correctifs et d'imposer la facture au propriétaire.

Alors, la loi, M. le Président, pour être vraiment efficace, doit permettre la création de plusieurs règlements. Une fois la loi adoptée... Le ministre nous a déposé en commission parlementaire déjà une série de projets de règlements qui suivront l'application de la loi. Ces règlements, pour peut-être vous dire les principaux, on parle d'un règlement qui servira à effectuer le calcul de la hauteur d'un barrage. Parce que, vous vous souvenez, tantôt, je vous disais que les barrages étaient caractérisés en fonction de leur hauteur et de leur volume de retenue d'eau. Alors, pour vraiment mettre les choses claires, pour ne pas qu'il y ait d'ambiguïté, le ministère aura un règlement qui sera spécifiquement dédié au calcul de la hauteur du barrage. On définira à quel endroit nous commencerons à prendre notre lecture et où finira la hauteur du barrage en vertu de certains critères.

Également, il est possible d'avoir un règlement qui encadrera toutes les questions d'assurance responsabilité des propriétaires envers les tiers. Parce que, vous savez, présentement, il y a plusieurs barrages qui ne sont pas assurés par les propriétaires; alors, si ces barrages-là causent des dégâts, qui va payer la note? Présentement, il n'y a rien de prévu, et possiblement, dans les mois qui vont venir, le gouvernement mettra en application un règlement pour peut-être forcer les propriétaires de barrage qui sont inscrits au répertoire à détenir une assurance responsabilité.

Il y a également la possibilité d'avoir un règlement qui permettra de constituer un fonds en fiducie qui permettra de démolir le barrage lorsqu'il arrivera à terme. Parce que, vous savez, M. le Président, dans notre monde, il n'y a rien d'éternel. Même les plus gros barrages auront une vie utile, et un jour nous devrons les démolir. Alors, ici, on parle d'un fonds spécial qui peut être créé dans lequel le propriétaire verse au cours des années une certaine quantité; la journée que la démolition du barrage est nécessaire, l'argent est disponible et on peut effectuer les travaux.

Puis, vous savez, c'est un point très important, parce que présentement, au nord du fleuve Saint-Laurent, il y a beaucoup, beaucoup de barrages qui sont abandonnés, qui sont sur des terres publiques et dont nous ne connaissons pas nécessairement les propriétaires actuels. Alors, ces barrages-là iront à qui, M. le Président? On a eu un débat en commission parlementaire. Ce qu'on a compris, c'est que les barrages qui sont orphelins et qui sont sur des terres du gouvernement du Québec seront pris en charge par la curatelle publique, et c'est le ministère de l'Environnement qui verra à les entretenir, s'il y a lieu, ou à les démolir, s'il y a lieu.

Il y a également un règlement, M. le Président, qui prévoit les droits qui seront exigibles pour l'application de la présente loi. C'est sûr que ça va prendre une équipe au niveau du ministère de l'Environnement pour analyser les documents qui sont soumis, pour effectuer les inspections. Alors, il y a un règlement qui permettra au ministre et à son ministère d'exiger des droits annuels aux propriétaires de barrage. Et il y a également les règlements pour permettre d'imposer des amendes aux gens qui ne suivent pas la loi.

Alors, vous voyez, M. le Président, ça peut vous sembler complexe, tout ça, mais c'est quand même un projet de loi qui est constitué d'à peine 50 articles. Mais, comme je vous disais, il y a les règlements qui sont très importants, et on espère que le ministre verra à les mettre en application le plus tôt possible. Je vois qu'il me fait signe, oui, de la tête. Alors, possiblement d'ici l'été, le ministre mettra en application ces règlements. Et je pense que c'est essentiel, parce que, à défaut d'avoir les règlements, la loi devient pratiquement sans fondement.

Alors, peut-être pour résumer le tout, M. le Président, on a mis une loi en place qui assure la sécurité, qui force les propriétaires de barrage à avoir un plan d'urgence, à avoir des programmes de gestion, s'il y a lieu, et qui met en place une unité autonome au niveau du ministre de l'Environnement, qui verra à l'application de cette loi.

C'est sûr, M. le Président, quand on met telle loi en place, qu'on veut augmenter la sécurité, il y a des coûts qui sont rattachés à tout ça. La facture sera supportée par le gouvernement du Québec, au niveau du ministère de l'Environnement, pour l'application de la loi. Également, pour le gouvernement du Québec, il y aura un impact au niveau de l'entretien de ses propres barrages, barrages qui appartiennent à Hydro-Québec ou encore qui appartiennent au ministère des Ressources naturelles. Alors, voyez ici, pour le gouvernement du Québec, on parle de dépenses additionnelles récurrentes de quelque 3,6 millions de dollars par année. Également, pour les barrages des tiers, on parle d'une facture annuelle de quelque 52 millions de dollars pour apporter des travaux correctifs à ces structures-là.

Alors, M. le Président, je pense qu'on a fait pas mal le tour du projet de loi. C'est un projet de loi très important. Il y avait un besoin à combler pour assurer la sécurité des citoyens, et je pense que l'opposition a participé de façon très constructive à l'élaboration de la loi, le ministre l'a mentionné tantôt dans son allocution. Je tiens également à mentionner que le ministre a coopéré avec l'opposition. Nous avons proposé deux amendements en cours de travaux, le ministre a donné suite à nos amendements et le tout a été modifié. Alors, en conclusion, M. le Président, nous sommes en faveur de l'adoption du projet de loi sur la sécurité des barrages.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?


Mise aux voix

Le projet de loi n° 93, Loi sur la sécurité des barrages, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article 6 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 110


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 6. L'Assemblée reprend le débat, ajourné le 20 mai 2000, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Je suis prêt à reconnaître une prochaine intervenante, Mme la porte-parole officielle de l'opposition en matière de tourisme et députée de Jean-Talon. Mme la députée, je vous écoute.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. J'interviens ce matin sur le projet de loi n° 110 qui modifie diverses dispositions législatives dans le domaine municipal. Vous me permettrez de m'attarder plus spécifiquement à deux articles de ce projet de loi là qui m'apparaissent absolument odieux.

(10 h 30)

Vous connaissez mon passé, je connais le vôtre aussi, M. le Président. Alors, c'est à titre d'ex-mairesse qui a connu évidemment les hauts et les bas de la gestion municipale que je me permets d'intervenir ce matin pour tenter de faire réfléchir la ministre des Affaires municipales et le gouvernement actuel dans le cadre de ces deux articles de loi là. Alors, je prendrais l'article 1, qui se lit comme suit. Je prends la peine de le lire parce que c'est majeur pour la démocratie au Québec: «Le gouvernement peut, par décret, sur requête du conseil d'une municipalité régie par la présente loi, de la ville de Montréal ou de la ville de Québec, abroger toute disposition de la charte de la municipalité requérante ou toute disposition d'une autre loi qui s'applique exclusivement à cette municipalité.»

M. le Président, ce que ça veut dire, ça, c'est que la ville de Montréal et la ville de Québec, sur demande donc d'une résolution de leur conseil municipal, peuvent demander au gouvernement du Québec d'abroger, donc de retirer, d'annuler – cherchez dans le dictionnaire, le mot «abroger» signifie annuler – tout article de loi qui gouverne ces deux municipalités-là. C'est important de retenir, pour les gens qui nous écoutent et pour les membres de cette Assemblée, ici, qu'il n'y a que deux villes au Québec qui ne sont pas soumises à la consultation publique pour consulter les gens, si vous voulez, sur des amendements aux règlements de zonage et sur les règlements d'emprunt. Toutes les autres villes le sont.

Donc, tous les citoyens du Québec, à l'exception des Montréalais et des gens de la région de Québec, de la ville de Québec, peuvent, s'ils sont en désaccord avec une proposition qui leur vient du conseil municipal, que ce soit pour amender des règlements de zonage, que ce soit pour donner leur approbation ou pas à des immobilisations qui requièrent des règlements d'emprunt, aller signer un registre et peuvent même, si le nombre de signataires est suffisant, exiger que le conseil municipal aille en référendum.

Ce n'est pas le cas pour les deux autres villes, les deux villes de Québec et de Montréal. Mais est-ce que vous avez déjà vu l'épaisseur des chartes de ces deux villes-là? La charte de Montréal, elle est au moins ça d'épaisse. C'est des centaines et des centaines de lois qui se retrouvent dans cette charte-là. C'est la même chose pour la ville de Québec. Ce qui veut dire que, si cette loi-là est adoptée par le gouvernement actuel, cet article-là va autoriser le gouvernement du Québec, par décret, sur demande évidemment des conseils municipaux, à annuler les lois qui sont là-dedans sans consultation aucune, sans que qui que ce soit ait pu intervenir.

Moi, je ne doute pas de la mauvaise foi de personne ici, M. le Président. De la bonne foi, pardon. On me reprend, et il a parfaitement raison: de la bonne foi des gens. Mais vous me permettrez d'être un peu sceptique et méfiante quand on considère que le gouvernement actuel tente par tous les moyens de regrouper les villes qui se retrouvent autour de la capitale, de la ville de Québec, et les villes qui se retrouvent autour de la métropole. Est-ce que c'est une façon de traiter finalement les élus et les citoyens et les citoyennes qui se réveilleront peut-être un jour confrontés à une décision à laquelle ils n'ont pas pu participer?

Imaginons un instant qu'une vingtaine ou une trentaine de villes sur l'île de Montréal sont regroupées de force, se retrouvent donc dans la ville de Montréal et perdent automatiquement leur droit d'être consultées sur les règlements de zonage, les amendements aux règlements de zonage et les règlements d'emprunt. Je trouve ça – j'espère que c'est un mot que je peux utiliser ici – vicieux parce que, M. le Président, on vient un petit peu en cachette, en catimini, par cet article de loi là...

Ce qu'on vient dire au maire de Montréal et au maire de Québec – qui ont tout mon respect d'ailleurs, je n'ai pas de raison de leur en vouloir – c'est: Inquiétez-vous pas, quand vous aurez besoin de faire amender vos chartes, c'est fini, vous n'aurez plus besoin de venir ici, à Québec, vous n'aurez plus besoin de rencontrer les parlementaires qui sont ceux qui doivent déterminer si, oui ou non, il y a raison d'amender ou pas la charte. Bien, moi, j'ai un gros problème avec ça et c'est pour ça ce matin, M. le Président, que je tenais à m'exprimer, entre autres, sur cet article-là.

S'il est vrai qu'il y a beaucoup d'articles qui doivent être abrogés puis s'il est vrai qu'on doit faire le ménage dans les chartes, bien, qu'on vienne ici, en commission parlementaire, qu'on en discute avec les parlementaires. C'est notre rôle à nous. À ce que je sache, les municipalités sont des créatures du gouvernement. Les municipalités n'aiment pas tellement ça, se faire dire ça; malheureusement, c'est vrai. Et, dans les cas où il y a des décisions importantes à prendre, dans les cas où il y a des amendements majeurs à apporter à ces chartes-là, c'est un conseil de ministres qui va déterminer si, oui ou non, on peut abroger un tel article de loi.

Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que, dans ce même paragraphe – parce que je me permets de vous le relire – «le gouvernement peut, par décret, sur requête du conseil d'une municipalité régie par la présente loi, de la ville de Montréal ou de la ville de Québec, abroger toute disposition de la charte de la municipalité requérante – et voici, M. le Président, la partie aussi importante – ou toute disposition d'une autre loi qui s'applique exclusivement à cette municipalité».

J'ai beaucoup de problèmes avec cette deuxième partie de cet article-là. J'espère que ceux et celles qui siègent du côté du gouvernement et qui ont déjà siégé sur ces conseils municipaux seront alertés par mon intervention parce que c'est majeur, ce sera majeur au moment où cet article-là sera adopté, ça va être majeur pour l'ensemble des citoyens et des citoyennes qui vont vivre sur l'île de Montréal, qui risquent un jour d'être regroupés. Et c'est la même chose pour les gens qui vivent dans la région de Québec et qui risquent un jour, si le projet gouvernemental va de l'avant, de se retrouver citoyens et citoyennes de la ville de Québec.

Puis là je ne fais peur à personne, là. Je n'ai pas l'habitude de me lever, moi, pour faire peur aux gens. Ça, c'est majeur, ici, là, c'est dangereux. Et les gens de la région de Québec et de la région de Montréal vont perdre le peu qui leur reste au niveau de la démocratie et du choix qu'ils peuvent faire de s'exprimer.

Si on veut donner au maire de Montréal et au maire de Québec les mêmes pouvoirs que les ministres ont, bien, qu'on le dise. Parce que c'est exactement ce qui va arriver. C'est que le maire de Montréal, quel qu'il soit, le maire de Québec, quel qu'il soit, vont pouvoir aller dans le bureau du premier ministre – on sait comment ca marche – ou dans le bureau de la ministre des Affaires municipales expliquer pourquoi tel article, tel article, tel article doit sauter, M. le Président, et il en sera fait de ces articles-là.

Puis je dois vous dire franchement, je le dis un peu comme je le pense, ceux qui n'ont pas fait de petits séjours au niveau municipal ne comprennent pas très bien comment ça marche. Alors, ça prend des gens comme vous et moi, M. le Président, parce que je sais que vous avez cette expérience-là. Puis il y en a d'autres de l'autre côté. Puis je suis étonnée de ne pas entendre ceux qui sont issus du milieu municipal, de ce côté-là de la Chambre, s'exprimer contre ce projet de loi. J'ai entendu le député de Bertrand, jeudi, non seulement féliciter la ministre sur son projet de loi... Mais je pense qu'il serait intéressant qu'il le relise, ce paragraphe-là. Je vais l'inviter à le faire avant la période de questions aujourd'hui parce que c'est majeur. Donc, j'invite le gouvernement à revoir cet article-là.

Il y a un deuxième article aussi qui nous interpelle, et c'est celui... ce sont ceux, en fait, qui touchent l'abolition de la TGE, les articles 28, 30, 31 et 34 du présent projet de loi. On se rappellera, M. le Président, qu'en 1980 il y a eu ce qu'on appelle communément dans le monde municipal le «pacte fiscal». Il y en a eu un, pacte fiscal, en 1980, où on a revu nos façons de faire, on a revu comment les municipalités pouvaient retirer des revenus pour pouvoir donner des services aux municipalités.

Je résume, là. Très succinctement, les municipalités ont perdu une portion de la taxe de vente qu'elles avaient pour pouvoir dispenser des services, mais en contrepartie le gouvernement s'est mis à payer ces «en lieu» de taxes. Le gouvernement a aussi décidé qu'il était très compliqué d'évaluer les poteaux, les fils, tout ce qui touchait l'émission de... télécommunications, gaz, électricité. Donc, le gouvernement a dit: Ce qu'on va faire, c'est que nous allons imposer les entreprises parce que c'était vraiment trop compliqué d'aller sous terre fouiller tout ça.

Je résume, encore une fois, de la façon la plus simple. C'est une enveloppe qui, depuis 20 ans, était et est toujours en pleine croissance. Au dernier rapport, je crois qu'on parlait de 350 millions de dollars. Ces montants-là étaient perçus par le Conseil du trésor qui, lui, les transférait au ministère des Affaires municipales, et c'est le ministère des Affaires municipales qui, lui, faisait un genre de péréquation et qui retransférait ces fonds-là aux municipalités pour pouvoir dispenser des services aux citoyens.

(10 h 40)

Tout allait très bien jusqu'en 1996, quand le gouvernement actuel a décidé de faire une première ponction dans cette enveloppe-là pour aider les villes-centres et pour compenser certains programmes qu'elles avaient peine à payer. Il y a eu une deuxième ponction qui a été encore plus importante. Et la troisième a été celle qui a fait en sorte que l'UMQ et la défunte UMRCQ mais maintenant la Fédération québécoise des municipalités avaient... Enfin, ces deux organismes-là avaient obtenu du gouvernement du Québec que plus jamais il n'y aurait de ponction dans cette enveloppe-là sans leur autorisation. On se rappellera que, pour payer le 326 millions, la fameuse facture que le gouvernement a imposée aux municipalités depuis trois ans, il y a un montant d'argent qui avait été pris là-dedans aussi pour payer certains programmes.

Mais ne voilà-t-il pas, M. le Président, que, dans le budget du ministre des Finances, le ministre des Finances décide d'abolir la TGE, donc c'est un manque à gagner important pour les municipalités. Et surtout l'obligation qu'avait le gouvernement de consulter les deux unions importantes au Québec, bien, ça, ça a sauté avec la décision du gouvernement du Québec de récupérer ces sommes-là et d'en faire ce qu'il veut. C'est encore un manque de respect à mon avis à l'égard des élus municipaux, manque de respect à l'égard des citoyens également, qui, eux, ne voient pas leurs comptes de taxes diminuer, voient leurs services diminuer et risquent, dans les jours, dans les mois qui viennent, de se retrouver au sein de municipalités qui vont devoir combler ces manques à gagner là.

Parce qu'on a parlé du pacte fiscal de 1980, mais il n'y en a pas, de pacte fiscal, sur la table aujourd'hui. Puis ce qui m'étonne de ce gouvernement-là, c'est qu'on a toujours les mots «pacte fiscal» à la bouche, mais on n'en a pas, de pacte fiscal. Alors, ça fait des années qu'on en parle et on n'en a toujours pas.

Alors, M. le Président, je dois vous dire que je suis très déçue de retrouver ces deux articles-là auxquels j'ai fait référence tout à l'heure en début de présentation. Et, avant que le gouvernement décide d'abolir cette taxe-là, qui est la leur... Parce que c'est une taxe municipale, c'est une taxe qui revenait aux municipalités. L'évaluation municipale, elle est faite justement pour que les municipalités puissent recevoir des revenus.

Autrement dit, l'évaluation municipale permet aux municipalités de percevoir des taxes dans le but évidemment de rendre des services aux citoyens, aux citoyennes. Puis il ne faut jamais oublier que le citoyen qui n'en reçoit pas, de services, il va aller voir le maire, il va aller voir les élus municipaux puis il va exiger de les avoir ou bien il va se faire expliquer pourquoi il ne les a plus.

Alors, ça, c'est à mon avis de l'argent qui appartient aux municipalités. Ce n'est pas de l'argent qui appartient au gouvernement, c'est de l'argent qui appartient aux municipalités. Si le gouvernement veut rapatrier tout ce qui s'appelle évaluation, bien, qu'il le dise mais qu'on cesse de faire croire aux élus et aux citoyens qu'il va y avoir un pacte fiscal, alors qu'il n'y en a pas sur la table.

Je tenais à intervenir ce matin pour démontrer ces contradictions – j'espère que je l'ai bien fait – dans le discours gouvernemental par deux articles de loi qui font en sorte que le citoyen non seulement va être perdant, mais il ne se retrouvera pas, M. le Président, au sein de ces nouvelles structures puis de ces nouvelles façons de faire. Il n'est pas consulté. On ne respecte pas, évidemment, les référendums qui ont été tenus dans l'ensemble des municipalités au Québec. Il y en a partout.

Je vous dirais qu'à mon avis le pire article qu'il y a dans ce projet de loi là, c'est celui qui accorde à la ville de Montréal et à la ville de Québec, par décret, l'abrogation d'articles de loi qui sont dans leur charte. Ça, à mon avis, ça n'a pas de bon sens parce que ça va avoir des conséquences désastreuses pour ces deux villes-là et pour nous qui sommes des citoyens et citoyennes de villes avoisinantes et qui, un jour, risquons peut-être de nous retrouver au sein de ces grandes villes là.

Alors, M. le Président, je joins ma voix à celle de notre porte-parole et de mes collègues qui se sont exprimés sur ce projet de loi là pour dire que nous allons voter contre ce projet de loi là et que nous allons l'exprimer de toutes les façons possibles, en commission parlementaire et là où on pourra nous permettre de le faire. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de Jean-Talon, de votre intervention. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, et je cède la parole maintenant au porte-parole officiel de l'opposition en matière des dossiers du Conseil du trésor et député de Shefford. M. le député, je vous écoute.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Si je suis ici ce matin, M. le Président, c'est pour une raison très évidente. Les maires de mon comté ont presque de façon unanime sollicité mon appui, que je leur donne entièrement, et c'est ce matin ici que je désire retransmettre leur message à l'Assemblée nationale.

Premièrement, M. le Président, on se souviendra qu'avant le dépôt du projet de loi n° 110, ce projet de loi qu'on étudie présentement... Ce projet de loi découle du budget du ministre des Finances, de la rentrée parlementaire, la première journée de rentrée où le ministre des Finances a déposé son budget. On se souviendra, puis vous vous souvenez comme moi, que le ministre des Finances, dans son style habituel, a déclaré qu'il baissait les impôts, dans son budget. Sauf que, après étude du budget et la mise en place de tous les items qui font en sorte qu'on pensait peut-être avoir une baisse d'impôts, il se fait en sorte que ce qu'on a présentement, c'est une baisse d'impôts tout à fait minime.

Là-dedans, je me souviens, M. le Président, vous vous en souviendrez aussi, il disait, suite au dépôt du budget et suite au dépôt aussi des crédits du gouvernement un peu plus tard, au mois de mars, que... On s'est aperçu à ce moment-là que les allocations familiales étaient coupées de 150 millions de dollars, qu'il y aurait une taxe supplémentaire, c'est-à-dire les assurances médicaments, d'une somme très importante, un autre 150 millions. On s'est aperçu aussi que les tables d'impôts n'étaient pas indexées, donc c'était un 250 millions supplémentaire qu'on va chercher dans la poche des citoyens. On a même chargé des frais supplémentaires pour l'entrée dans nos parcs, donc un autre 5 millions supplémentaire.

On s'apercevait aussi que les municipalités allaient perdre leur taxe, la TGE, la taxe des télécommunications et du gaz, pour un total de tout près de 350 millions. Il annonçait du même souffle qu'il enlevait la fameuse facture, comme on dit, entre guillemets, de 356 millions. Donc, on arrive avec un projet de loi, le projet de loi n° 110, qui fait en sorte qu'on envoie encore une taxe aux citoyens, puisque, si on enlève cet argent-là des municipalités, inévitablement c'est le citoyen, le même contribuable qui paie les impôts, qui va subir l'odieux de la facture.

Donc, M. le Président, j'aimerais tout d'abord faire quelques citations prises à même le journal La Voix de l'Est , qui est un quotidien de Granby, comme vous le savez, et qui retransmet en fin de compte l'opinion des élus. J'ai huit municipalités dans mon comté, dont la grande municipalité de Granby, et ces maires-là sont unanimes pour dénoncer cette façon de faire du gouvernement, c'est-à-dire de s'accaparer la taxe sur les télécommunications et le gaz et l'électricité. Donc, j'ai ici en main une copie d'un article du journal La Voix de l'Est et j'aimerais vous en faire quelques citations, parce que ça va retransmettre très bien, je pense, la pensée des maires de mon comté sur le projet de loi n° 110 et sur cette facture qu'on refile aux municipalités.

M. le Président, l'article du journal est intitulé Budget Landry, les villes essuieront d'autres pertes: certains équipements industriels ne seront plus imposables .

Donc, pour le bénéfice du Journal des débats , je vous en fais quelques citations: «C'est une autre saignée dans le budget des villes que le ministre des Finances, Bernard Landry, annonce dans son budget, ont vite calculé plusieurs villes de la région. C'est que la disparition de la facture de 356 millions, maintenant prévue en 2001, ne compensera pas la perte qu'elles subiront en étant à l'avenir privées du produit de la taxe sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité.»

Donc, à ce moment-là, dès le dépôt du budget du gouvernement du Québec, on indiquait que le projet de loi n° 110 était pour être déposé, et, en fin de compte, c'est une taxe directe aux citoyens, puisque les maires n'auront d'autre choix que de taxer leurs citoyens.

«Cette taxe ne génère que 322 millions, mais sa redistribution est inégale et rapporte généralement un peu plus aux villes qu'aux municipalités rurales.»

(10 h 50)

Donc, M. le Président, l'impact est d'autant plus important dans ma région, dans mon comté, puisque 95 % de mon comté est en zone urbaine. Donc, ça fait en sorte que des villes ou des régions comme la mienne, et, j'imagine, des régions comme celle du ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, qui est ici, ça fait en sorte que ces gens-là, ces citoyens-là deviennent plus taxés que les autres encore.

Je continue cette citation: «C'est sûr qu'on est perdant, affirmait, hier, chiffres à l'appui, le directeur général de la ville de Granby, Robert Weemaes. Même si en 2001 la ville de Granby pourra conserver le magot de 1 063 000 $ qu'elle verse depuis trois ans dans le fonds spécial du gouvernement, elle sera d'un autre côté privée à jamais d'un revenu d'environ 1,7 million avec l'abolition du transfert sur la TGE.»

Donc, preuves à l'appui, M. le Président, il est évident que dans ce cas-là la taxe va être plus importante pour cette municipalité-là que pour plusieurs autres municipalités de ma région ou du Québec.

«La ville de Farnham – je continue la citation, M. le Président – censée verser encore 305 000 $ au fonds spécial y perdra aussi au change en 2001, car les TGE lui rapportent présentement 360 000 $. Son fardeau actuel augmentera de 55 000 $.»

Une autre municipalité plus imposée qu'avant. Même scénario à Cowansville, dans le comté du député de Brome-Missisquoi, où une perte de 530 000 $ en TGE effacera totalement une économie de 467 880 $. Et la ville de Waterloo, une autre municipalité de mon comté qui subit une ponction de 181 625 $ depuis 1998, devra mettre 28 000 $ de plus dans la cagnotte gouvernementale à cause d'une perte de 209 960 $ en TGE.

Donc, M. le Président, les maires de mon comté étaient outrés. Même, on a demandé à certains maires leur opinion. À ce moment-là, déjà au mois de mars, le maire de Granby, Michel Duchesneau, qui est un maire connu, sûrement très connu aussi de la part des députés ministériels, déclarait: «Si on perd les TGE, c'est-à-dire la taxe de vente sur le gaz et l'électricité, c'est inéquitable pour certaines municipalités, car c'est basé sur l'activité économique.»

Donc, une autre mesure inéquitable dont nous devrons voter... Nous devrons voter contre évidemment. Le gouvernement se spécialise dans des mesures tout à fait inéquitables. Et ça, c'est très vrai pour les municipalités qui ont une activité économique importante.

Le maire de Waterloo, dans mon comté, un homme qui a beaucoup de couleur, n'y allait pas avec le dos de la cuillère, lui. Le titre: De la fumisterie , et je pense que je vais citer tout le petit passage. C'est une citation du maire Paul Masse, maire de Waterloo, C'est de la fumisterie, un gouvernement nous enlève les revenus de la TGE : «Pour Waterloo, ces revenus étaient plus élevés que la facture de la réforme Trudel. La facture nous coûte 181 625 $, et on reçoit 209 960 $ en TGE. On se retrouve avec un manque à gagner de 28 000 $. Et je ne les crois même pas quand ils disent qu'ils vont effacer la facture de 356 millions – vous voyez, M. le Président, le niveau de confiance que les maires de ma région ont, et principalement le maire de Waterloo, et je continue – parce qu'on doit conclure un pacte fiscal. Ils annoncent aussi 175 millions pour les infrastructures, mais il faut que les municipalités investissent. Ce n'est pas un gain, qu'on ne nous fasse pas croire qu'on nous a décroché la lune.» Et c'est une citation du maire Paul Masse de Waterloo. Lui, il n'y va pas avec le dos de la cuillère.

Je peux continuer, M. le Président, les citations des maires de la région. J'y vais d'une autre citation de La Voix de l'Est , du 10 mars dernier: «Reste qu'au lendemain du budget Landry bien des villes s'estiment trahies et ne croient guère aux nouvelles sources de revenus que leur fait miroiter le ministre des Finances. C'est un fin stratège, M. Landry, il est en train de nous faire avaler à la petite cuillère ce qui était dans le projet de pacte fiscal. Tout ça était très bien enveloppé, [...] apprendra peut-être d'autre chose plus tard, se méfie la mairesse de Farnham – de l'époque – Lyse Lafrance-Charlebois.»

Son homologue de Cowansville, une municipalité dans le comté de mon collègue de Brome-Missisquoi, le maire Arthur Fauteux, lui, condamne aussi l'abolition du transfert sur la TGE: «On aurait été aussi bien de continuer à payer la facture. Non seulement il ne nous a pas sortis du trou, mais il ne fait rien pour empêcher qu'on retombe dedans, lance-t-il.» Donc, une autre voix qui s'ajoute aux maires qui sont contre le projet de loi.

Je continue, M. le Président, à l'item surprise, un titre qui est inscrit Surprise : «Le D.G. de Granby, Robert Weemaes, signale que le budget Landry renferme au moins une autre mesure qui n'améliorera pas le sort de bien des villes, dont Granby. Cette mesure, c'est l'abolition du droit des municipalités de percevoir des taxes sur la valeur des équipements antipollution des usines. Ça, ça peut représenter beaucoup d'argent, il déclare, et le service d'évaluation est en train d'analyser le dossier. Juste pour la future usine Circuit Foil America – qui va s'implanter dans mon comté d'ici quelques mois, M. le Président – on estime à 10 millions la valeur imposable des équipements antipollution, mentionne M. Weemaes – donc, encore une perte de revenu pour la municipalité. Cette mesure va aussi toucher la ville de Bromont, dont le parc industriel abrite de grandes usines bien équipées pour le traitement des rejets, mais la mairesse, Pauline Quinlan, ne peut, pour le moment, en évaluer l'impact.»

Donc, M. le Président, le projet de loi n° 110 a un impact excessivement important non seulement pour les municipalités, mais pour les payeurs de taxes. Mais ces payeurs de taxes là, c'est les mêmes qui paient les impôts, et ces gens-là sont les gens les plus imposés d'Amérique. Donc, M. le Président, lorsqu'on a un discours de baisse d'impôts, d'un côté, le vrai discours qu'ils tiennent, dans les faits, tous les jours, ce qui se passe, c'est qu'ils viennent en chercher toujours de plus en plus dans les poches des citoyens.

Donc, M. le Président, j'avais dit que je serais bref pour tout simplement venir transposer les propos que m'ont tenus les maires de ma région. J'écoutais, il y a quelques instants, la députée de Jean-Talon qui exposait sa crainte face à la façon qu'on a ou qu'on aura de modifier à l'avenir les chartes des villes de Montréal et de Québec. On s'inquiète, M. le Président. Vous comme moi, comme l'ensemble des membres de l'Assemblée nationale, ici, on a été élus avec un mandat très clair, soit de représenter l'ensemble des citoyens. Et, lorsque les maires, à leur simple demande personnelle, peuvent modifier et modifier peut-être de façon majeure les chartes des municipalités, je pense qu'on usurpe les pouvoirs de l'Assemblée nationale et qu'on fait en sorte que ces modifications-là soient faites sans consultation avec les citoyens. Donc, M. le Président, pour toutes ces raisons-là et comme tout le reste de mes collègues de l'opposition, on va voter non au projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de Shefford, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. Et je cède maintenant la parole à la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole pour son droit de réplique. Mme la ministre, la parole est à vous.


Mme Louise Harel (réplique)

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je serai brève. J'espère, par mon intervention, rassurer les députés de l'opposition qui sont intervenus ce matin concernant deux points en particulier qu'ils ont traités, soit l'article 3 contenu dans le projet de loi n° 110 qui est présentement à l'étude, lequel article 3 prévoit que «le gouvernement peut, par décret, sur requête du conseil d'une municipalité régie par la présente loi, de la ville de Montréal ou de la ville de Québec, abroger toute disposition de la charte de la municipalité requérante ou toute disposition d'une autre loi qui s'applique exclusivement à cette municipalité».

(11 heures)

Alors, je veux simplement leur faire savoir qu'il ne s'agit pas d'une disposition nouvelle. C'est là une disposition, M. le Président, contenue dans le dispositif des lois municipales depuis aussi loin que les personnes consultées m'ont dit se rappeler qu'une telle disposition ait pu exister. Alors, c'est donc simplement une réécriture de manière à formuler, sur le plan juridique, avec le langage juridique actuel, une disposition qui a toujours existé.

En fait, elle consiste, pour les municipalités qui ont des chartes... Et il n'y a pas simplement Montréal et Québec, il y a d'autres municipalités également qui, en plus d'être assujetties à la Loi des cités et villes, ont aussi leur charte propre. Alors, ça dit simplement ceci. En fait, ces municipalités qui ont des chartes pourront, par adoption à cet effet d'une résolution du conseil de ville, donc sur le mode de la démocratie que l'on connaît, demander au gouvernement d'abroger l'une ou l'autre des dispositions contenues dans cette charte, qui peuvent évidemment, ces dispositions, avoir vieilli, être devenues caduques, archaïques ou vétustes. Donc, les conseils de ville pourront abroger ces dispositions, le demander au gouvernement par un vote du conseil de ville, et le gouvernement pourra procéder par décret. Alors, c'est donc une compétence qui existait déjà et qui simplement continuera de s'appliquer mais cette fois sous une rédaction juridique qui soit plus claire que celle qui existait auparavant.

D'autre part, M. le Président, j'aimerais également déposer, pour le bénéfice des membres de cette Assemblée nationale, je dirais en particulier pour le bénéfice des députés de l'opposition qui semblent ignorer la discussion... qui s'intitule Pacte fiscal pour le monde municipal . Je reprends là le titre même de la résolution adoptée lors du congrès de l'Union des municipalités du Québec. Je rappelle qu'au moment de la clôture du congrès de l'UMQ, qui s'est déroulé à Québec il y a quelque trois semaines maintenant, les congressistes ont adopté les propositions contenues dans ce texte intitulé Pacte fiscal pour le monde municipal .

Je comprends que les députés de l'opposition, y compris le porte-parole de l'opposition, le député de Hull qui, le premier, a fait montre d'une sorte d'ignorance, M. le Président, à l'égard de ce qui est devenu un cadre de proposition fiscale mutuellement convenu entre le monde municipal et le gouvernement... Alors, les mesures financières qui y sont contenues sont les suivantes, j'en fais lecture. C'est un document, je le rappelle, qui émane du congrès de l'Union des municipalités du Québec et qui a été incidemment adopté à l'unanimité du bureau de direction de l'UMQ et à l'unanimité de son conseil d'administration. Alors, les mesures financières qui y sont contenues sont les suivantes.

Récupération graduelle par les municipalités, sur une période de six ans, d'un montant équivalent à une somme de 320 millions. Cette récupération sera d'un montant de 75 millions pour l'année 2000. Donc, réduction du montant exigible avant le 31 décembre 2000, une réduction, je pense, qui a réjoui le monde municipal. Également, le mode de répartition de cette somme demeurera le même pour les six prochaines années. Donc, c'est une récupération de 75 millions, cette année en réduction de leur contribution et, pour les années subséquentes, en ajout finalement qui leur sera versé par le gouvernement.

Les municipalités dites perdantes – et je fais référence à l'intervention du député de Shefford qui faisait part de la situation d'une de ces municipalités dites perdantes, et je cite le texte – suite à la décision gouvernementale de ne plus verser la TGE aux municipalités à compter de 2001 seront compensées pour chacune des six années. Pour l'année 2001, la récupération atteindra un montant de 220 millions et augmentera graduellement à chaque année pour atteindre 320 millions en 2005.

Obtention de recettes provenant de nouvelles sources de revenus pour une somme de 60 millions. Le député de Hull appelait de tous ses voeux une telle diversification des sources de revenus. Bien, elle est convenue, M. le Président; elle est déjà convenue. D'autre part, développement d'un régime de redevances de développement pour une somme à déterminer. Et, finalement, exclusion des sommes ci-avant énumérées, 380 millions au total, plus les sommes générées par les redevances de développement des engagements gouvernementaux actuels et futurs en matière de réfection des infrastructures municipales. Et je me permets de rappeler que le ministre des Finances, dans son discours du budget du 14 mars dernier, a annoncé une somme de 175 millions de dollars dès cette année pour investir dans la réfection des infrastructures municipales.

Le conseil d'administration d'Infrastructures-Québec s'est réuni une première fois il y a 10 jours maintenant et se réunira à nouveau jeudi, cette semaine, pour choisir l'exécutif qui représentera les membres du conseil d'administration d'Infrastructures-Québec. Le conseil d'administration d'Infrastructures-Québec est composé d'un représentant de l'Union des municipalités du Québec, d'un représentant de la Fédération québécoise des municipalités, d'un représentant de l'INRS-Environnement, d'un représentant de Vivre en ville et également d'un représentant du Centre de recherche en développement des nouvelles technologies dans les infrastructures, également de deux de nos collègues membres de cette Assemblée nationale, le député de Bertrand et la députée de Matapédia. Alors, c'est un conseil d'administration qui aura à gérer ce fonds de 175 millions.

Les orientations concernant la répartition du fonds sont déjà convenues, elles l'ont été au sein de la Table Québec-municipalités entre les deux unions et la ministre. C'est donc dire qu'il y a des choses qui sont consensuelles dans le milieu municipal. Alors, les orientations sont les suivantes: 77 millions investis dans la mise à niveau de la réglementation d'eau potable; 78 millions qui seront investis dans la réfection des infrastructures en traitement d'eau ou en eau potable déjà existantes; et 20 millions qui iront pour le développement de nouvelles infrastructures dans des communautés. Comme je l'ai déjà mentionné, 1,5 % de la population vit sur un territoire qui n'est pas couvert par un aqueduc et égout. Alors donc, 20 millions pour compléter le réseau de ces infrastructures pour les communautés qui n'en ont pas encore. Alors, voilà, M. le Président, c'est donc...


Document déposé

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...document auquel se référait la ministre. Alors, votre document est déposé, Mme la ministre.

Mme Harel: Merci, M. le Président. Et je comprends que nous aurons l'occasion, lors de l'étude article par article, de poursuivre cette intéressante discussion. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Ceci met fin au débat. Le principe du projet de loi n° 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, est-il adopté? Adopté sur division. M. le ministre des Régions.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Jolivet: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le ministre des Régions.

M. Jolivet: L'article 24, M. le Président.


Projet de loi n° 132


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 24. Mme la ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les architectes. Mme la ministre, je vous cède la parole.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, j'ai le plaisir aujourd'hui de proposer l'adoption du principe d'un projet de loi qui est fort important. Important, il l'est, et ce, à divers titres, puisqu'il concerne tout un domaine d'activité professionnelle au Québec et qu'il représente, on le verra, un développement et un progrès majeur pour un secteur d'activité considérable.

Ce projet vise à mettre à jour la Loi sur les architectes en regard de l'évolution de la réalité. En effet, la Loi sur les architectes a créé, en 1973, un seuil monétaire qui faisait en sorte qu'au-delà d'un coût de 100 000 $ de travaux les plans et devis des travaux d'architecture devaient être obligatoirement signés et scellés par un architecte. La présence d'un seuil monétaire dans une loi pose la question de son actualisation étant donné l'évolution du coût des biens, et ce, sur une période depuis plus de 25 ans. Nous allons revenir un petit peu plus tard dans le détail, mais retenons pour l'instant que le seuil qui avait pu apparaître raisonnable il y a 25 ans afin d'assurer la protection du public n'est plus adapté, et ce, depuis longtemps.

Avec cette mise à jour, il ne s'agit pas seulement de modifier ce seuil, nous sommes appelés à permettre enfin la modernisation des conditions d'exercice non seulement de la profession d'architecte, mais de tout un domaine. En effet, cette question touche directement ou indirectement plus d'une profession, et en particulier les technologues professionnels.

Il me fait donc plaisir, en passant, de souligner que le projet de loi n° 132 est la première réalisation concrète des efforts que j'ai voulu concentrer, canaliser et accéder avant, et ce, dans le cadre de plan d'action pour la mise à jour du système professionnel québécois qui touche plusieurs questions, au-delà même de celle de la Loi sur les architectes. Et nous allons y revenir un petit peu plus tard.

(11 h 10)

Il faut rappeler que l'article 16 de la Loi sur les architectes et la norme monétaire de 100 000 $ adoptée en 1973 font en sorte que tous les plans et devis de travaux d'architecture pour la construction, l'agrandissement, la reconstruction, la rénovation ou encore la modification d'un édifice doivent être signés et scellés par un membre de l'Ordre des architectes lorsque le coût total de ces travaux excède 100 000 $ ou lorsque encore il s'agit d'un édifice public au sens de la Loi sur la sécurité dans les édifices publics. En choisissant un critère monétaire, le législateur pensait qu'au-delà d'un certain coût l'immeuble avait sans doute une structure plus complexe qui rendait nécessaire le recours à l'expertise d'un architecte. Près de 30 ans plus tard, vous comprendrez aisément que l'inflation a fait son oeuvre et que cette norme monétaire ne correspond plus du tout à la réalité ni aux objectifs qui avaient été fixés en 1973. Cette norme a fini par constituer un facteur de ralentissement qui a créé, disons-le, une limitation non justifiable du champ d'intervention de certaines autres professions qui se sont développées depuis.

Les juristes parmi vous connaissent les inconvénients liés à l'existence d'une norme monétaire dans une loi. En l'occurrence, cela entraîne une application qui n'est pas uniforme selon que les travaux visés s'inscrivent en région urbaine ou rurale. On peut même constater des variations d'une région urbaine à une autre. Bref, ce qu'on pouvait réaliser il y a 30 ans, voire même il y a 15 ans, avec 100 000 $ a bien changé, et il faut en tirer les conséquences. Ce seuil n'avait plus grand-chose à voir avec la protection du public. Ajoutons à cela que la liste des édifices publics visés à la Loi sur la sécurité dans les édifices publics n'a pas été modifiée, elle non plus, depuis 20 ans, et il faut bien concéder que l'énumération des édifices qui est faite ne correspond plus souvent aux constructions actuelles. Et, là encore, il y a donc lieu d'adopter une norme qui soit plus facile d'application tout en permettant que cette loi ne soit pas maintenue en vigueur uniquement aux fins d'un renvoi qui est fait dans une autre loi.

Il est important également de considérer que, en plus du facteur inflationniste, au même moment, les institutions d'enseignement collégial ont formé de plus en plus de techniciens diplômés en architecture. En 1980, le gouvernement du Québec constituait même un Ordre des technologues professionnels, profession à laquelle les diplômes collégiaux de technique en architecture donnent accès.

Rappelons également que, pour compléter le contexte, une controverse est née au sein de nos tribunaux, controverse qui a permis à ces techniciens en architecture d'occuper une place de plus en plus forte, principalement dans le domaine de l'habitation résidentielle et, dans une mesure moindre, dans le domaine commercial. En effet, certains jugements avaient statué que le seuil de 100 000 $ établi par l'article 16 de la Loi sur les architectes renvoyait exclusivement au coût des travaux de l'architecte lui-même et non pas au coût total des travaux.

En 1996, la Cour d'appel tranchait définitivement le débat en indiquant que l'expression «travaux d'architecture» visait l'ensemble des travaux nécessaires à la construction d'un édifice et pas seulement certains d'entre eux. La différence était de taille. La portée de ce jugement rendait désormais inévitable la mise à jour de cette norme monétaire. En effet, si 100 000 $ de travaux d'architecture réalisés par l'architecte lui-même concernent un nombre limité d'édifices, cette même somme appliquée à l'ensemble des coûts de réalisation d'un édifice couvre, à notre époque, un pourcentage élevé de tout ce qui est construit au Québec. On comprend dès lors que la portée de ce jugement avait pour conséquence d'exclure les technologues professionnels d'une grande part de l'activité d'un domaine pour lequel ils avaient été formés et à l'égard duquel ils avaient investi depuis un certain nombre d'années.

Depuis, ce problème a été soulevé à maintes reprises par les deux ordres professionnels, et bien entendu davantage par l'Ordre des technologues professionnels du Québec. Les tentatives n'ont pas manqué d'obtenir un rapprochement des points de vue des deux ordres pour dénouer une problématique déjà ancienne qui venait de cristalliser la jurisprudence de la Cour d'appel. Il me faut signaler que ces tentatives de rapprochement n'ont pas eu tout le succès espéré et qu'il a fallu trouver d'autres moyens pour parvenir à la formule dont je vais vous entretenir dans quelques instants.

Signalons également que des problèmes similaires ont été vécus par d'autres diplômés de niveau collégial, à savoir les designers d'intérieur qui oeuvrent dans le domaine de la rénovation, activité qui est inscrite à l'article 16, et que de ce fait la jurisprudence a également assujettis à la norme du 100 000 $ et de l'article 2 de la Loi sur la sécurité dans les édifices publics.

Je n'insisterai donc pas davantage sur le contexte. Chacun aura compris que la révision de la norme monétaire de l'article 16 de la Loi sur les architectes est devenue incontournable et même urgente, car elle occasionne des difficultés certaines à des entreprises qui, à chaque saison de construction depuis 1996, se voient limitées dans un champ devenu trop restreint en raison des facteurs énumérés plus tôt. À une époque où l'allégement réglementaire est une de nos priorités gouvernementales, on ne saurait laisser subsister plus longtemps une norme qui ne se justifie plus et qui nuit à tout un secteur.

Le 26 novembre dernier, et dans le même esprit, je lançais un plan d'action ministériel pour la mise à jour du système professionnel québécois. Et personne ne s'étonnera de voir que, parmi les six chantiers de cette mise à jour, il a été décidé d'insérer la question de la révision du champ d'exercice des architectes. Quelques mots sur ce plan d'action qui, sans être une réforme à vocation globale ou universelle, cherche à répondre de façon mesurée et réaliste à des questions ou encore à des problèmes que le monde professionnel se pose depuis fort longtemps. Certes, ce plan n'a pas de vocation exhaustive, et j'ai déjà eu l'occasion de le dire en cette Chambre. Cependant, et en particulier dans le projet de loi qui nous occupe, j'en suis certaine... des effets substantiels et bénéfiques pour le monde professionnel mais avant tout et ultimement pour le public qui sera mieux servi par la compétence et le dynamisme des professionnels oeuvrant dans un cadre adapté à nos réalités contemporaines.

Je vais rappeler rapidement les six projets du plan d'action: d'abord, alléger la réglementation et son processus; ensuite, améliorer le rendement des mécanismes de contrôle que sont l'inspection et la discipline; également, trouver et autoriser de nouveaux modes d'exercice professionnel pour permettre des formes modernes de regroupement telle la société par actions; se donner aussi par ailleurs des instruments permettant de mesurer les bénéfices socioéconomiques du système professionnel tel que nous le connaissons depuis 1973; un cinquième projet consiste justement à revoir les champs de pratique des architectes et des ingénieurs pour tenir compte des nouvelles conditions d'exercice; enfin, un sixième projet qui, lui, vise à moderniser toute l'organisation professionnelle du secteur de la santé et des relations humaines. C'est un très gros chantier, M. le Président, que celui du secteur de la santé et des relations humaines.

L'ensemble de ce plan s'inscrit dans un contexte circonscrit, car j'ai fixé des échéances pour chacun de ces projets, qui nous amènent au plus tard dans trois ans. On le voit aujourd'hui, le projet de loi n° 132 est la première réalisation concrète de ce plan d'action. Et je veux croire que cela préfigure l'efficacité et le succès de l'ensemble des projets que je viens de vous énumérer.

En s'attachant à l'architecture, le plan d'action fixait une démarche qui visait d'abord à envisager la possibilité de remplacer la norme financière par certains facteurs plus significatifs pour la protection du public, tels la vocation du bâtiment, sa surface et le nombre d'étages. Il faut également examiner les dispositions de la loi en fonction de ces nouveaux paramètres. Et, enfin, il fallait déterminer pour quel type de bâtiment l'apport de l'architecte est obligatoire, et ce, afin de protéger le public.

Le mandat a été confié à l'Office des professions, qui a fait diligence dans ce dossier. Vous avez devant vous, avec le projet de loi n° 132, un premier résultat des travaux de mise à jour du système professionnel. Le gouvernement non plus que l'Office n'ont voulu agir de façon isolée ou autoritaire. Ce qui vous est proposé aujourd'hui est l'aboutissement d'une longue démarche qui a été ponctuée par de multiples rencontres, échanges et consultations. C'est ce qui me permet d'affirmer aujourd'hui que les mesures que je vais vous décrire à l'instant sont sans doute le meilleur résultat qu'il était possible d'atteindre en respectant les besoins du public, les réalités de notre époque et également les professionnels concernés par cette problématique. Je tiens à préciser également l'importance de ces éléments qui constituent les assises de la solution telle que présentée et insiste sur celui de la protection du public dont je me dois d'assurer l'entier respect.

(11 h 20)

La solution que nous avons retenue, eh bien, peut se décrire de la façon suivante. D'abord, remplacer le seuil monétaire de 100 000 $ par des normes de superficie, de nombre d'étages et de vocation du bâtiment. Le recours à ces normes présente les avantages suivants: il s'agit de normes invariables dans le temps et dans l'espace, ce qui correspond davantage à une réelle protection du public; elles permettent une identification plus claire des limites entre les domaines d'exercice réservés et ceux qui ne le sont pas; il s'agit également de normes plus facilement applicables en ce qu'elles sont objectives et s'énoncent en des termes spécialisés propres à ce secteur de l'activité professionnelle; elles permettent également d'éviter le recours à une liste fermée de bâtiments, ce qui apporte plus de souplesse et permet l'application des règles pertinentes à des édifices qui n'auraient pas été énumérés dans la liste.

Plus précisément, on ne retrouvera plus à l'article 16 de la loi la référence à la norme monétaire du 100 000 $ ainsi qu'à une liste de bâtiments établie dans la Loi sur la sécurité dans les édifices publics. Ainsi, l'article 16 ne s'appliquera plus aux plans et devis de travaux d'architecture pour la construction, l'agrandissement, la reconstruction, la rénovation ou la modification d'une habitation unifamiliale isolée. De même, l'article 16 ne s'appliquera plus aux plans et devis de travaux d'architecture concernant une habitation unifamiliale qui est jumelée ou en rangée ou à une habitation multifamiliale d'au plus quatre unités, d'au plus 300 m² de superficie brute totale des planchers et d'un seul niveau de sous-sol. De la même manière, l'article 16 ne s'appliquera pas non plus à un établissement commercial d'affaires ou industriel ou à une combinaison de ces habitations ou établissements lorsque l'édifice, après la réalisation des travaux, n'excédera pas deux étages et 300 m² de superficie brute totale des planchers, avec un seul niveau de sous-sol. Enfin, l'article 16 ne s'appliquera pas aux plans et devis de travaux d'architecture pour toute modification ou rénovation de l'aménagement intérieur d'un édifice ou d'une partie d'édifice qui n'en affecte pas certains éléments primordiaux pour la protection du public, à savoir l'intégrité structurale, les murs coupe-feu et autres conditions de sécurité, non plus que les sorties et les murs extérieurs.

Voilà donc, sans entrer dans les détails plus techniques, les principaux axes de l'actualisation de l'article 16 de la loi sur l'architecture. Il s'agit, on le voit bien, d'un passage à des critères plus souples, des critères qui sont mieux rattachés à une logique compréhensible et qui assurent toujours la protection du public. Le projet de loi apporte également une grande souplesse en termes d'organisation professionnelle, puisqu'il prévoit un mécanisme réglementaire d'autorisation d'actes réservés aux architectes à des classes de personnes que pourra identifier ce règlement. Voilà qui résume l'ensemble du contenu du projet de loi.

Le système professionnel québécois, rappelons-le, créé en 1973, on le sait, est synonyme de succès, et ce, dans son ensemble. Le projet de loi n° 132 illustre bien les vertus de ce système en ce qu'il apporte des adaptations qui ne nécessitent pas de revenir sur les grands axes qui le caractérisent, c'est-à-dire la préoccupation centrale de la protection du public, l'autogestion et l'autoréglementation des professions.

Un système ou un mécanisme appliqué à une réalité sociale n'a de valeur qu'en ce qu'il aide la société à maintenir de façon harmonieuse son lien utile à la réalité de même que les priorités que cette société s'est données. Il fallait maintenir la nécessité d'une intervention professionnelle compétente dans le domaine de l'architecture. Il fallait également tirer les conséquences et les profits de l'apparition depuis plusieurs décennies de nouvelles compétences dans ce domaine, comme les technologues. En fin de compte, les bénéfices ultimes des mesures proposées dans le projet de loi seront pour le public qui aura à sa disposition un éventail de compétences de tous niveaux, qu'il pourra appliquer à l'ensemble de ses besoins en matière de construction ou de rénovation dans le secteur de l'habitation.

Enfin, M. le Président, ce projet de loi se veut une façon de simplifier pour que chacun et chacune puisse s'y retrouver tout en s'assurant que les services, lorsqu'ils seront requis, seront... par des professionnels compétents. Le citoyen aura la possibilité de choisir un professionnel qui aura été formé dans le champ de pratique. Ainsi, nous permettrons à ce système professionnel de se moderniser pour être le reflet des besoins de notre société. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les architectes, et je reconnais le porte-parole officiel de l'opposition en matière de lois professionnelles et député de D'Arcy-McGee. M. le député, la parole est à vous.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Je m'adresse à vous aujourd'hui pour vous faire part de mes commentaires sur le projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les architectes, un projet de loi qui a été présenté par le gouvernement péquiste par la voix de sa ministre responsable de l'application des lois professionnelles. Ce projet de loi modifie la Loi sur les architectes en vue principalement, comme l'indiquent les notes explicatives du projet de loi, de réviser le champ d'exercice des membres de l'Ordre des architectes.

L'Ordre des architectes du Québec a célébré, en 1990, M. le Président, le premier centenaire de la création d'une association professionnelle qui avait pour but de contrôler l'exercice de la profession, l'Association des architectes de la province de Québec. Incorporée le 30 décembre 1890, l'Association des architectes de la province de Québec était chargée d'agréer les architectes en exercice jugés compétents par leurs pairs, de surveiller la qualité de la formation des aspirants architectes et surtout d'établir la crédibilité de la profession en réservant le droit de pratique à ses seuls membres. Le contrôle de la profession s'est graduellement installé. L'Ordre des architectes est né de la refonte des lois plus anciennes et de l'adoption par cette Assemblée d'un Code des professions, en 1977. Aujourd'hui, c'est la Loi des architectes qui régit la profession et l'utilisation du titre exclusivement réservé aux membres de l'Ordre des architectes du Québec. On peut donc voir que l'architecte a toujours été reconnu dans notre société comme un professionnel doté d'une formation académique poussée et dont le travail était guidé par des hauts standards de qualité.

Pour ces professionnels, l'école et la formation demeurent essentiels. M. le Président, le système professionnel mis en place avec l'adoption du Code des professions et des institutions que cette loi créait était aussi le moment où, nous, législateurs, confiions les responsabilités aux ordres professionnels par l'intermédiaire d'un système largement fondé sur le principe de l'autonomie des professions. Quels étaient vraiment les objectifs du Code des professions? Essentiellement la protection du public, la garantie des droits et recours des citoyens et la rationalisation des tâches professionnelles, ce dernier objectif s'avérant de beaucoup le plus ardu des trois.

Nonobstant le fait que l'État a créé un organisme gouvernemental autonome, soit l'Office des professions, qui dispose d'un pouvoir d'intervention auprès des ordres professionnels et de recommandation auprès du gouvernement, c'est vraiment l'État qui a l'ultime responsabilité, par l'entremise du ministre responsable de l'application des lois professionnelles, de légiférer dans ce domaine. C'est la raison pour laquelle nous sommes réunis ici aujourd'hui pour étudier le projet de loi n° 132, Loi modifiant la Loi sur les architectes, un projet de loi qui est un échec. Ce projet de loi a été mal planifié, mal conçu et ne satisfait pas les intervenants, c'est-à-dire ni les architectes, ni l'Ordre des technologues professionnels du Québec, et ni le public qui sera mal protégé par ce projet de loi.

M. le Président, que justifie cette intervention de la ministre à vouloir si rapidement modifier la Loi sur les architectes? Vous vous rappelez, la ministre a elle-même, ce matin, pris la peine d'inclure un chantier spécifique sur ce sujet dans son plan de réforme du système professionnel de novembre dernier. Est-ce que les conclusions de ce chantier sont maintenant disponibles? La réponse est vraiment non.

Je demande formellement au gouvernement péquiste des consultations publiques sur ce projet de loi. Le gouvernement péquiste ne rencontre aucun des trois principes les plus importants de notre système professionnel: premièrement, la protection du public; deuxièmement, la garantie des droits et recours des citoyens; et, troisièmement, la rationalisation des tâches professionnelles.

(11 h 30)

M. le Président, nous avons examiné la partie publique du mémoire complémentaire présenté au Conseil des ministres par la ministre responsable de l'application des lois professionnelles, daté du 3 mai 2000, et qui a pour objet le projet de loi modifiant la Loi sur les architectes. M. le Président, il y a même des questions qui étaient soulevées dans ce mémoire, qui n'ont pas été répondues par le projet de loi. Le mémoire mentionne que le gouvernement péquiste veut trouver un moyen de déréglementer dans le champ de compétence en question tout en conservant une saine protection du public.

M. le Président, on doit être clair, la moindre déréglementation veut dire qu'on commence à réduire la protection du public et, par le fait même, aussi la protection des professionnels en cause. Alors, on doit être très prudent quand on fait une déréglementation.

M. le Président, comment va-t-on protéger le public si on réduit l'implication des professionnels dans certains domaines? Par exemple, qu'arrive-t-il du concept de surveillance des travaux mentionné dans le mémoire en question et qui n'est nullement traité par le projet de loi? M. le Président, la province d'Ontario applique des mesures de contrôle beaucoup plus sévères que ce que planifie le Québec. M. le Président, si le gouvernement péquiste reconnaît l'importance de surveillance dans le domaine de la construction, qui sera alors le plus compétent pour veiller à cette surveillance? Les architectes, les technologues professionnels, les ingénieurs, ou qui d'autre?

Le mémoire nous informe que, et je cite le mémoire présenté au Conseil des ministres: «L'Ontario rend obligatoire la surveillance par un architecte ou un ingénieur à l'égard des bâtiments pour lesquels ils ont une compétence exclusive. À l'intérieur des zones déréglementées, les municipalités possèdent des pouvoirs larges et les exercent dans les faits.»

M. le Président, l'article 1 du projet de loi n° 132 procède à l'ajout de l'article 5.1 à la Loi sur les architectes du Québec. Cet article 5.1 se lit comme suit, et je cite: «En outre des devoirs prévus aux articles 87 à 93 du Code des professions, le Bureau doit, par règlement, déterminer parmi les actes visés à l'article 16 ceux qui, suivant certaines conditions prescrites, peuvent être posés par des classes de personnes autres que des architectes.»

Cet article constitue une délégation des pouvoirs du gouvernement et de l'Office des professions envers l'Ordre des architectes, qui est vraiment contre l'esprit de notre système professionnel. Je vous ai mentionné que l'un des objectifs de notre système est la rationalisation des tâches professionnelles. Où est-il mentionné dans notre système professionnel qu'on puisse donner un pouvoir si important à un ordre professionnel?

Le projet de loi n° 132 vient également modifier l'article 16 de la Loi sur les architectes qui définit le champ de compétence de l'architecte, la base même de son existence. Cette modification vise l'ajout de l'article 16.1, qui se lit comme suit:

«16.1. L'article 16 ne s'applique pas aux plans et devis des travaux d'architecture:

«1° pour la construction, l'agrandissement, la reconstruction, la rénovation ou la modification de l'un des édifice suivants:

«a) une habitation unifamiliale isolée;

«b) une habitation unifamiliale jumelée ou en rangée, une habitation multifamiliale d'au plus quatre unités, un établissement commercial, un établissement d'affaires, un établissement industriel ou une combinaison de ces habitations ou établissements lorsque, après réalisation des travaux, l'édifice n'excède pas deux étages et 300 m2 de superficie brute totale des planchers et ne compte qu'un seul niveau de sous-sol».

M. le Président, vraiment, quels seraient les effets de cette déréglementation pour la protection du public? Oui, elle permet un champ plus large aux technologues professionnels, mais aussi aux entrepreneurs. Comment est-ce que, avec cette déréglementation totale dans ce domaine ainsi que dans le domaine de modification ou de rénovation, couverts par la section 2° de l'article 16.1 proposé, on peut dire qu'il y a, dans les mots du mémoire même, un équilibre juste entre déréglementation totale dans le domaine de l'habitation unifamiliale isolée et, en plus, dans le domaine de modifications ou rénovations? Et, sur l'autre côté, la question de protection du public? Et, si je peux introduire un troisième côté, celui de la protection des professionnels? Quelles sont les compétences des non-professionnels qui sont appelés à travailler dans ces domaines? Qui sont responsables pour vérifier leurs compétences et la qualité des travaux? Et, plus spécifiquement, qui va être responsable pour la surveillance? Est-ce qu'on va demander que nos municipalités entrent dans ce domaine? Comment et avec quelles ressources financières, au moment où on parle de coupures budgétaires?

M. le Président, toutes des questions avec aucune réponse dans le projet de loi. La question de surveillance des travaux, c'est une question très importante à laquelle nous devons avoir des réponses même dans le projet de loi.

M. le Président, où dans ce projet de loi est-ce qu'on valorise les travaux, la compétence et le champ de pratique des technologues professionnels, qui sont spécifiquement compétents dans certains domaines? Le gouvernement offre des programmes dans nos collèges, dans nos cégeps en science et en technologie auprès de nos jeunes – les usines de savoir auxquelles j'ai fait référence – pour que les étudiants se dirigent vers une carrière en technologies de l'architecture et du bâtiment, des programmes qui requièrent une connaissance approfondie des techniques de conception et de construction de bâtiment. On forme des technologues en architecture, M. le Président, et, après, qu'est-ce qu'ils vont faire? Le projet de loi n'adresse pas ce sujet. Que le gouvernement péquiste nous donne des réponses.

Le président de l'Ordre des technologues professionnels du Québec, dans une lettre adressée au ministre responsable de l'application des lois professionnelles datée du 19 mai 2000, dit, et je le cite: «Il est notamment déplorable de constater que la formation du technologue professionnel en architecture et son appartenance au système professionnel ne semblent pas avoir plus de valeur que celle d'un profane dans le domaine.» Fin de la citation. M. le Président, ce projet de loi va créer des confusions dans notre système professionnel, à moins que nous ayons des réponses précises, des réponses qui ont été demandées par les architectes mêmes et aussi les technologues.

En ce qui concerne le paragraphe b de la section 1° de l'article proposé, 16.1, nous, comme législateurs, avons le devoir d'étudier en profondeur les conséquences des modifications, comme a mentionné la ministre, en termes de valeur en monnaie, à des normes de finalité de bâtiment, de superficie et des étages. Nous devons étudier ces articles du côté des compétences, capacité, patrimoine et sécurité du public.

Le gouvernement doit apporter des clarifications aussi à la section 2° de l'article 16.1 proposé dans le projet de loi. C'est un article de déréglementation, comme j'ai mentionné, avec toutes les conséquences d'une déréglementation, c'est-à-dire équilibre juste et protection du public. Le gouvernement péquiste semble accepter cette déréglementation pourvu qu'elle n'affecte pas l'intégrité structurelle d'une bâtisse, les murs coupe-feu et autres conditions de sécurité et les sorties et les murs d'extérieur. Mais, M. le Président, même si les modifications aux rénovations d'une bâtisse à l'intérieur d'un édifice ou une partie de l'édifice n'affectent pas les items que j'ai mentionnés ci-haut, la sécurité du public est quand même en jeu. Et le gouvernement péquiste doit montrer une lacune sérieuse dans ce projet de loi pour qu'on ne voie pas la question de sécurité du public et la protection du public, avec ces modifications apportées à ce projet de loi. Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons...

Et même, dans ce projet de loi, on ne parle pas des droits exclusifs des architectes pour signer et sceller des plans. C'est un sujet qui doit avoir notre attention. Aussi, le projet de loi semble donner indirectement un espace de compétence aux designers intérieurs, qui ne sont pas dans notre système professionnel mais qui ont fait une demande pour entrer dans le système, une demande, pour le moment, qui a été refusée. Je me demande si le gouvernement péquiste essaie de faire pour eux indirectement ce qu'ils n'ont pas fait pour eux directement. On a le droit d'avoir une réponse et une réponse pour les années antérieures.

(11 h 40)

Alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, et en entendant... La ministre a fait référence à la mise à jour du système professionnel québécois, un plan d'action présenté par le ministre responsable de l'Application des lois professionnelles qu'elle a annoncé, avec six projets dans cette étude. Le cinquième projet avait le titre: Revoir les champs de pratique des architectes et des ingénieurs pour tenir compte des nouvelles conditions d'exercice .

M. le Président, pourquoi est-ce que la ministre n'a pas attendu les résultats finals de ce cinquième projet avant de déposer son projet de loi, étant donné que les sujets d'étude de ce cinquième projet vont affecter les sujets décrits dans le projet de loi n° 132 qui est devant nous? Quelle était l'urgence de déposer le projet de loi n° 132 devant nous avant de recevoir l'étude finale qui est faite à ce moment?

Alors, M. le Président, à ce stade et en conséquence de toutes les problématiques que nous avons soulevées, nous allons voter sur division sur ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Je cède maintenant la parole à M. le ministre des Régions.

M. Jolivet: M. le Président, j'aimerais que l'on fasse motion pour ajourner ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le ministre propose l'ajournement du débat. Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Donc, le débat est ajourné.

M. le ministre des Régions.

M. Jolivet: M. le Président, compte tenu des circonstances, je vous demanderais de suspendre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À la demande de M. le ministre des Régions, je vais suspendre les travaux de cette Assemblée à 14 heures. Et, sur ce, je vous souhaite à tous un bon appétit.

(Suspension de la séance à 11 h 42)

(Reprise à 14 h 4)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter la séance.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous réfère, M. le Président, à l'article c du feuilleton.


Projet de loi n° 227

Le Président: En rapport avec cet article, j'ai reçu du directeur de la législation un rapport sur le projet de loi n° 227, Loi concernant La Société Aéroportuaire de Québec. Alors, le Directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc le rapport.

Des voix: ...

Le Président: Est-ce que je pourrais faire remarquer à certains de nos collègues que la séance a débuté?


Mise aux voix

Alors, M. le député de La Peltrie présente le projet de loi d'intérêt privé n° 227, Loi concernant La Société Aéroportuaire de Québec. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Brassard: Je voudrais faire motion, M. le Président, pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement et pour que le ministre délégué aux Transports en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Bien. La motion est-elle adoptée? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre des Régions.


Rapport annuel du ministère des Régions

M. Jolivet: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1998-1999 du ministère des Régions.


Nouveau diagramme de l'Assemblée

Le Président: Alors, je dépose, de mon côté, le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale qui est daté du 23 mai 2000.


Dépôt de rapports de commissions

Et, au dépôt de rapports de commissions, M. le Président de la commission de la culture et député de Matane.


Étude détaillée du projet de loi n° 114

M. Rioux: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 18 mai 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur le cinéma. La commission a adopté le projet avec un amendement.

Le Président: Très bien. Alors, ce rapport est déposé. Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons aller à la période de questions et de réponses orales, et je donne la parole immédiatement au chef de l'opposition officielle. M. le chef de l'opposition officielle.


Subventions à des entreprises de la Cité du multimédia


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma question est au premier ministre et concerne le projet de son gouvernement pour la cité du commerce électronique à Montréal. Il en ressort, de ce projet, de ce qu'on en connaît, que son gouvernement a l'intention de subventionner à coup de centaines de millions de dollars des compagnies qui sont déjà très profitables dans le but de déménager des emplois d'un édifice à l'autre à Montréal.

Compte tenu du fait que les contribuables québécois sont les plus taxés en Amérique du Nord et que, à l'heure actuelle, au moment même où on se parle, les contribuables continuent chaque semaine de payer des impôts – c'est-à-dire que ce n'est pas avant le mois de juillet qu'ils pourront commencer à garder cet argent-là pour eux si on devait le calculer sur l'espace d'un an – est-ce que le premier ministre n'est pas en mesure de nous dire aujourd'hui que ce projet-là doit être revu à la lumière du fait que ces emplois-là qui seront subventionnés sont en large partie des emplois déjà créés et que les contribuables québécois, à la place, devraient voir une réduction d'impôts immédiate, par exemple avec l'indexation des tables d'impôts, au lieu d'aller subventionner des compagnies qui font déjà, M. le Président, des millions de dollars de profit?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, il arrive des moments dans l'évolution de l'économie où tout devient possible, où des champs nouveaux s'ouvrent et où des possibilités infinies se créent, et ce sont les premiers qui s'engagent dans cette direction qui gagnent et qui créent les fondements de l'économie du savoir, en l'occurrence, qu'il s'agisse du multimédia, du commerce électronique. On est à l'aube de changements radicaux, de mutations profondes dans le domaine du commerce international. Le Québec exporte déjà près de 58 % de ses produits et services en dehors de ses frontières, il a pris une place prépondérante dans le domaine des exportations, il est tout à fait normal et impératif que nous soyons parmi les pionniers de l'implantation de ces fondements de l'économie de demain, en particulier le multimédia et le commerce électronique.

S'agissant du multimédia, on voit avec quel succès on a créé à Montréal la Cité du multimédia. Et, pour ce qui est de cette avenue nouvelle qui s'ouvre dans le domaine international du commerce électronique, il faut qu'on soit présent. Le Québec, encore une fois, sera un pionnier, et j'en suis très fier.

(14 h 10)

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, c'est très inquiétant quand le premier ministre commence sa réponse en nous disant que tout est possible, parce que son affirmation, implicitement, ça veut dire qu'il va avoir les deux mains dans les poches des contribuables québécois qui vont payer la note des projets qu'il nous propose.

Et, justement, si on a eu des succès au Québec avec les accords de libre-échange, pour lesquels on s'est battu, M. le Président, ça s'est fait sous un gouvernement libéral, on en est très fier. Sauf que les succès pour l'avenir, ça ne dépend pas de subventions à coups de centaines de millions de dollars à des compagnies qui n'en ont pas besoin pour créer des emplois qui ont déjà été créés.

Et je veux demander au premier ministre s'il a tenu compte de l'impact qu'aura ce projet sur le marché immobilier à Montréal, qui a déjà un taux d'inoccupation beaucoup plus élevé qu'à Toronto, plus élevé que la moyenne canadienne, alors que l'Institut de développement urbain du Québec constate que l'effet de ce projet, ce sera d'ajouter plus d'espace que la Place Ville-Marie, les tours IBM et le 1000, de la Gauchetière, d'un seul coup, dans le marché immobilier à Montréal.

Et, si le premier ministre pense que ça va avoir un effet si positif que ça, comment se fait-il qu'il n'est pas capable de nous produire une étude qui constate ou qui va du moins nous dire quels seront les impacts sur le marché immobilier à Montréal, M. le Président?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition a fait allusion au traité du libre-échange. Je pense qu'il se souviendra que l'un des combats du gouvernement canadien, à l'époque, dans les négociations du traité de libre-échange, ça a été de maintenir justement des zones à l'intérieur desquelles les gouvernements allaient conserver une latitude d'action, justement, pour tenir compte du développement régional, pour tenir compte du développement d'industries culturelles. Ça a été un grand combat et une grande victoire inégalée dans les négociations que nous avons eues avec les États-Unis. Et on vient nous dire aujourd'hui qu'il n'aurait pas fallu faire ces négociations, qu'il aurait fallu abolir toute espèce de possibilité pour le gouvernement de donner des subventions, alors que c'est très important que les gouvernements, M. le Président, conservent une capacité d'intervenir par des politiques fiscales, par des politiques d'incitation. Tout le monde le fait, dans le monde entier. Tous les pays qui réussissent actuellement dans l'économie, qu'il s'agisse des États américains, qu'il s'agisse des États européens, ont conservé et se battent pour conserver la capacité de déterminer dans leur économie une intervention de l'État pour permettre la création d'emplois.

Et je me permettrai de citer ici en particulier le fait que l'aide fiscale, dans le cas de ce programme de commerce électronique, est accordée en fonction de la création d'emplois. C'est 20 000 emplois d'ici 2010 que nous allons créer à Montréal, M. le Président. Et, quant au taux d'inoccupation des immeubles, je pense que le chef de l'opposition est mal informé, puisque, d'après les plus récentes études de Royal LePage, le taux d'inoccupation des locaux dans les immeubles de classe A est de 5,6 % au premier trimestre 2000. C'est le taux d'inoccupation le plus bas enregistré depuis 10 ans à Montréal.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je ne sais pas où le premier ministre prend sa réponse pour ce qui est du libre-échange, mais c'est faux, ce qu'il vient de dire. S'il pense que le Parti libéral du Québec a pris une position qui allait à l'encontre du libre-échange, ce serait tromper drôlement l'Assemblée nationale puis la population que d'insinuer qu'on était opposé à l'Accord de libre-échange. De toute façon, ça ne répond pas à la question. La question est la suivante: Quel impact ça va avoir sur le marché immobilier à Montréal?

Ce n'est pas une petite affaire, M. le Président, d'un seul coup, on va ajouter l'équivalent de la Place Ville-Marie, les tours IBM et le 1000 de la Place de la Gauchetière dans le marché immobilier à Montréal. Il y a des gens qui ont investi dans le marché immobilier à Montréal, qui l'ont fait en pensant qu'il allait y avoir une vraie compétition, ces gens-là, aujourd'hui, remettent en question les décisions qu'ils ont prises il y a quelques années puis ils vont encore remettre en question les décisions d'investir à l'avenir.

Alors, si le gouvernement sait où il va, est-ce qu'il peut nous dire sur la foi de quelles études il a pris sa décision pour la cité électronique à Montréal?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Je comprends que, dans l'opposition, il faut critiquer, mais il faut parfois, au moins, se réjouir des bonnes nouvelles, parce que je ne sache pas qu'il s'agisse d'une mauvaise nouvelle que, dans la région de Montréal, on assistera à l'agrandissement considérable du Palais des congrès, à la construction d'une grande bibliothèque, à la construction d'un hôpital universitaire, à de nombreuses constructions privées qui s'amorcent et au fait qu'il y aura en plus un investissement considérable dans l'immeuble. On nous dit maintenant: Il ne faut pas construire à Montréal, il faut que ça reste comme du temps des libéraux, qu'il ne se fasse rien, pas de grues, rien, que Montréal reste inactive. Ce n'est pas vrai. Avec nous, Montréal va croître, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, le premier ministre a beau évoquer les accords de libre-échange, je ne pense pas qu'il n'y ait aucun autre endroit où on présente des programmes de subventions similaires à ce qu'on vient de présenter. Mais, si le premier ministre est si sûr que ça de son coup, s'il pense que c'est tellement une bonne chose pour l'économie de Montréal et pour le développement immobilier, est-ce qu'il s'engage aujourd'hui à ce qu'il y ait au moins un débat transparent, ouvert sur l'impact que ça aura sur le marché immobilier à Montréal? Comme ça, on va en avoir le coeur net, M. le Président, on saura exactement à quoi s'en tenir. Les gens qui, d'une part et d'autre, voudront se prononcer sur ce projet-là auront l'occasion de le faire, incluant ceux qui sont les promoteurs du projet. Mais les citoyens du Québec qui, eux, paient la note, eux en auront le coeur net. Ils sauront qui va payer pour ça.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je vois que le chef de l'opposition s'inquiète des programmes d'expansion de la région métropolitaine de Montréal auxquels participe le gouvernement.

Je veux lui dire que, s'il s'agit en particulier d'inquiétudes sur l'évolution du marché des espaces à bureaux à Montréal, il devrait noter, s'il regarde dans ses dossiers de recherche, que, depuis les trois premiers mois de l'année, 400 000 pi² d'espace à bureaux ont été absorbés par le marché et que, depuis trois ans, 1 000 000 pi² par année ont été absorbés, puisque Montréal est en expansion. Peut-être que l'opposition ne le sait pas, mais ça va bien à Montréal puis ça va aller encore mieux à la suite des programmes que nous implantons.

Qu'on vienne nous dire que, parce que le gouvernement du Québec facilite l'implantation à Montréal de la révolution la plus importante dans le domaine du commerce international, qu'on vienne nous dire que c'est mauvais pour Montréal, ça, c'est grave. On voudrait qu'on ne fasse rien, qu'on laisse Toronto, qu'on laisse d'autres villes le faire. Non, M. le Président! Nous serons les premiers et nous allons gagner.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, il y a d'autres personnes qui ont une appréciation très différente du projet qu'il présente. Une appréciation, c'est du P.D.G. de l'Institut de développement urbain qui a dit, et je cite: «C'est de la folie.» C'est exactement ce qu'il disait, lui, au sujet du projet qu'il présente.

Alors, je reviens à ma question, et elle est fort simple: Est-ce que le premier ministre est prêt à s'engager aujourd'hui, puisqu'il y croit tellement, à son projet, à un débat public sur les impacts que ça aura sur le marché immobilier à Montréal, oui ou non?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Bien sûr, tous les gestes que nous posons sont sujets à débats démocratiques et à évaluation. Que je sache, cela est fait de façon très publique, et le chef de l'opposition pose des questions là-dessus aujourd'hui, et on me dit qu'il en a posées la semaine dernière. Oui, le débat est lancé, la population jugera, comme elle peut juger, de ce qui est arrivé à la Cité du multimédia.

On s'est fait dire au début par des gens que ça n'avait pas de bon sens, qu'il ne fallait pas que Montréal se développe aussi vite, que ce n'était pas possible que ça arrive à Montréal, que c'était dangereux. Pourtant, c'est un grand succès. Ça sera encore un grand succès que ce projet, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil.


Mesures pour contrer la pénurie appréhendée de personnel infirmier


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, le réseau de la santé va vivre cet été une pénurie d'infirmières sans précédent, et ce, entièrement par la faute du gouvernement péquiste qui a planifié cette pénurie dans les moindres détails.

(14 h 20)

Premièrement, le gouvernement a payé, en 1997, des millions pour mettre 4 000 infirmières parmi les plus expérimentées à la retraite. Deuxièmement, l'année précédente, la ministre de la Santé, qui était alors ministre de l'Éducation, avait restreint l'accès aux études en sciences infirmières. Donc, encore une fois, en raison de ces décisions tout à fait incongrues et illogiques, nous avons cette année le plus petit groupe de diplômés infirmières et infirmiers depuis 20 ans, et on a un manque criant de ce personnel infirmier dans l'ensemble du réseau au Québec.

La pénurie est à ce point grave, M. le Président, que, d'abord, on fait la chasse aux infirmières en France – donc, on met des infirmières à la retraite ici et on va en chercher à l'extérieur – et, deuxièmement, plusieurs établissements font de la surenchère pour recruter des infirmières. Ainsi, le Centre hospitalier universitaire de Québec s'apprête investir 2,4 millions pour attirer de nouvelles infirmières, le Centre hospitalier de l'Université de Montréal versera un boni de 500 $ à tous ses employés qui seront à l'origine du recrutement d'une infirmière.

Nous sommes donc rendus dans une situation où l'hôpital qui va offrir le plus aura le plus de chances de recruter des infirmières. Cette surenchère, elle est coûteuse, inacceptable, et l'argent qu'on utilise à cette fin ne peut être utilisé pour donner d'autres services aux patients et aux malades.

M. le Président, est-ce que la ministre de la Santé a pris des mesures pour arrêter cette surenchère qui va amplifier l'inéquité entre les régions, surenchère dont elle est responsable à titre de ministre de la Santé et d'ex-ministre de l'Éducation?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis d'accord avec le député de Vaudreuil que cette question est importante. Même si ça fait cinq fois qu'il la pose, je vais lui répondre avec plaisir, bien sûr, ça va de soi.

D'abord, nous savions que cet été serait plus difficile compte tenu, c'est vrai, d'un nombre moins élevé de finissantes et de finissants au cégep. Pour ce faire, nous avons prévu un certain nombre de mesures pour nous permettre de combler des postes et d'assurer un passage relativement plus facile cet été. D'abord, nous avons convenu avec l'Ordre des infirmières – d'ailleurs, c'est une mesure permanente et non temporaire – que les étudiantes de deuxième année pourraient, sous supervision, dans certaines conditions, pratiquer dans les établissements. Nous avons procédé à des rappels auprès des infirmières déjà formées, même si celles-ci ne pratiquaient plus actuellement en milieu hospitalier, mais qui pourraient, soit sous forme de recyclage ou de mise à niveau, être capables de retrouver leur droit de pratique et donc pouvoir pratiquer dans les établissements.

Le député a raison, nous n'avons ménagé aucun moyen pour aller voir, autant à l'étranger qu'autour de nous, s'il était possible de rapatrier ou d'inviter chez nous des professionnels qui accepteraient de prendre la relève, M. le Président. Et j'ai demandé aux établissements de ne pas agir de façon à aller se chercher les uns les autres les infirmières soit par des primes ou d'autres mesures que l'on pourrait ajouter.

D'ailleurs, la preuve en est que nous discutons actuellement, par exemple, d'un cas très précis, c'est celui de l'Outaouais, pour nous permettre d'offrir, oui, des avantages particuliers aux infirmières pour qu'elles demeurent là sans que ces avantages n'aient nécessairement d'effet d'entraînement ailleurs dans le réseau. Je crois qu'avec la bonne volonté de tous et de toutes, avec l'ensemble des mesures qui sont prévues, avec la possibilité d'embaucher aussi du personnel en périphérie des postes d'infirmières – pensons aux infirmiers auxiliaires, aux infirmières auxiliaires, à des préposés aux malades ou à d'autres types de personnel – nous serons capables de rendre adéquatement le service à la population québécoise durant tout l'été, M. le Président.

Le Président: M. le député de Vaudreuil.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, est-ce que je peux rappeler à la ministre que, si nous devons poser la question plus d'une fois, c'est parce que nous n'avons pas les réponses? Et c'est pour ça qu'on doit poser les questions.

Est-ce que la ministre peut me dire si, oui ou non, clairement, elle a mis un arrêt à ces mesures de surenchère? Oui ou non?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, il est évident que je ne souhaite pas que l'on pratique de telles surenchères, et je me suis préoccupée de la question depuis un bon moment en ce qui a trait au recrutement et à la disponibilité de personnel de soins infirmiers pendant l'été.

D'ailleurs, le fait qu'une certaine concentration soit plus grande fera en sorte qu'un certain nombre de professionnels aussi interviendront moins en centre hospitalier, et on pense qu'avec toutes les mesures mises en place, tous les moyens retenus nous pourrons correctement offrir l'ensemble des services de base nécessaires, compte tenu que beaucoup de médecins aussi, de spécialistes prennent les vacances pendant cette même période, nous serons capables de répondre aux besoins de la population québécoise, M. le Président.

Le Président: M. le député, en complémentaire.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, en complémentaire. Est-ce que la ministre est au courant que des établissements songent à offrir des montants de salaire additionnels aux personnels infirmiers qui accepteraient de déplacer leurs vacances en dehors des périodes prévues dans la nouvelle convention collective que la ministre a signée? Ainsi, par exemple, un établissement offrirait 50 $ par jour pour les infirmières ou infirmiers, additionnels, 40 $ par jour pour les infirmières ou infirmiers auxiliaires qui accepteraient justement de déplacer leurs vacances en dehors de ces périodes dans la convention signée par la ministre.

Comment la ministre peut-elle vouloir appliquer sa loi antidéficit alors que les établissements doivent encourir des dépenses additionnelles pour contrecarrer des mauvaises décisions qu'elle a prises et ainsi utiliser de l'argent qui devrait autrement aller aux patients et aux malades?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je rappellerai, parce que je crois qu'il faut le faire, compte tenu que le député revient sans arrêt sur ces questions, que, lorsque nous avons décidé de contingenter dans les soins infirmiers, cela était une demande de l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec, suite à une évaluation de la très sérieuse firme SECOR, M. le Président, et que, de fait, les contingents n'ont même pas été respectés, au sens où on a eu moins d'inscriptions que ce que le contingentement prévoyait.

Par ailleurs, quant à la mise à la retraite, nous avons fait une entente avec l'ensemble des travailleurs et travailleuses du public et du parapublic, de même que les professionnels de la santé et des services sociaux, et nous avons convenu – pour être capable de passer à travers les finances difficiles que le Parti libéral nous avait laissées, M. le Président – d'un commun accord, donc, oui, qu'il y aurait des prises de retraites et que les personnes ne seraient pas pénalisées pour ce faire.

Remarquez bien qu'à cet égard la très sérieuse Ontario, à côté de nous, a procédé exactement de la même façon, possédant exactement les mêmes données pour la même époque. Donc, en ce sens, nous avons agi en gouvernement responsable, ce que nous continuerons de faire, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, est-ce que la ministre peut me dire si ce sont les consultants ou la ministre qui décide dans ce gouvernement-là?

Et est-ce qu'elle est d'accord ou non avec la pratique des établissements de fournir maintenant et de prévoir des montants forfaitaires additionnels pour le personnel infirmier qui est prêt à déplacer ses vacances? Est-ce que c'est une pratique qu'elle va accepter, maintenant, dans l'ensemble des hôpitaux? Et est-ce qu'elle va compenser pour ces coûts additionnels qui sont dûs aux décisions qu'elle a elle-même prises, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Lorsque, comme ministre, je prends des décisions, ou lorsque nous prenons, comme gouvernement, des décisions, je pense qu'il est normal et sain – et heureusement qu'on procède ainsi, d'ailleurs, M. le Président – de consulter, d'avoir des points de vue éclairés de la part de scientifiques qui analysent de telles situations. Et, à la lumière de ces éclairages, nous prenons les décisions les plus adéquates. Mais, en bout de piste, à cet égard, c'est très clair, nous sommes responsables des décisions que nous prenons. Il n'y a personne ici qui en doute d'aucune espèce de façon, M. le Président.

Par ailleurs, il est prévu... Certains hôpitaux ont utilisé différentes avenues pour leur permettre de retenir le personnel infirmier. J'ai demandé aux institutions qu'elles ne fassent pas de surenchère, qu'elles puissent utiliser les moyens normalement disponibles pour retenir leur personnel, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Hull, maintenant.


Pénurie de personnel infirmier en Outaouais


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Le journal Le Droit titrait samedi dernier: Journée d'enfer à l'hôpital de Hull . Les bulletins de nouvelles de la fin de semaine nous montraient des personnes âgées et fragiles en pleurs, en pleurs parce qu'elles devaient être transférées de l'hôpital de Hull en raison de l'incompétence de la ministre à apporter des solutions concrètes au problème de pénurie d'infirmières en Outaouais. On a transféré ces gens-là dans des hôpitaux comme Shawville, Maniwaki, Gatineau et même l'hôpital Montfort en Ontario. Ce matin, M. le Président, j'ai reçu une lettre d'un petit-fils, M. Carl Lavoie, qui a vu sa grand-mère âgée de 79 ans, qui a vécu toute sa vie à Hull, pleurer, paniquée parce qu'on la déplaçait, on la déménageait comme un vulgaire meuble. Cette dame, hospitalisée – et on peut bien crier de l'autre côté, ce n'est pas leur grand-mère – depuis le 20 décembre dernier, est maintenant complètement déracinée.

M. le Président, qu'est-ce que la ministre...

Une voix: ...

(14 h 30)

Le Président: M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, s'il vous plaît.

Une voix: ...

Le Président: Mais je vous invite à poser une question additionnelle, si vous le voulez. En attendant, M. le député de Hull, votre question.

M. Cholette: On voit que la santé préoccupe bien du monde, M. le Président. Qu'est-ce que la ministre répond à ce petit-fils et à cette dame âgée qui doivent subir ce traumatisme en raison de l'incompétence et de l'incurie de cette ministre?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai autant de compassion pour toutes les personnes qui vivent des situations difficiles, dans quelque établissement que ce soit, que le député de Hull, M. le Président. Je n'ai pas de leçon à recevoir à ce sujet de sa part.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Je me préoccupe personnellement de la question de l'hôpital de Hull depuis un bon moment. J'ai demandé à mes principaux collaborateurs, ceux du plus haut niveau, de travailler autant avec l'hôpital, autant avec la régie, autant avec les infirmières pour trouver des solutions à ce problème particulier que vit l'Outaouais, d'une façon bien comprise, il va de soi.

Cependant, peut-être qu'on lit les mêmes journaux, peut-être qu'il pourrait citer aussi d'autres parties des articles qu'il a lus, le député, puisqu'on dit que l'hôpital de Hull s'est donc relevé habilement de la première fin de semaine d'un été qui s'annonce difficile, long et pénible, bien sûr. Les infirmières ont confiance que le comité de redressement mis sur pied récemment donnera de bons résultats, elles sont prêtes à lui donner une chance. Et ce comité de redressement sera en place dès jeudi de cette semaine; dès aujourd'hui, il y a une rencontre entre mon sous-ministre, les gens de la régie et de l'hôpital pour voir à constituer ce comité.

Et je redis aussi, autant au député de Hull qu'à l'ensemble des membres de cette Assemblée, mais surtout à la population de l'Outaouais et à ceux et à celles qui offrent des services à cet hôpital de Hull, que des mesures concrètes et que des propositions ont été faites au personnel infirmier qui, malheureusement, jusqu'à maintenant, a refusé ces propositions qui prévoyaient des bonifications à sa rémunération, en autant, bien sûr, qu'il puisse être disponible pour rendre le service, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Est-ce que je dois rappeler à la ministre qu'il n'y a plus personne qui la croit en Outaouais? M. le Président, le Conseil des services essentiels l'a même rabrouée, en disant que le temps des réunions de placotage est terminé, l'heure de passer à l'action est maintenant arrivée.

Qu'est-ce que la ministre répond à Carl Lavoie qui dit: M. Cholette, c'est inacceptable de croire que de pareilles choses se produisent ici, au Québec? Ma grand-mère est traitée comme une boîte de conserve qu'on peut manipuler sans souci? Comment le gouvernement peut-il laisser une situation comme celle-ci perdurer? Comment la ministre peut-elle rester de glace devant une situation comme celle-là?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: D'abord, M. le Président, je suis profondément persuadée que le personnel professionnel de nos hôpitaux ne traite pas les gens de cette façon, ni la grand-mère de ce jeune homme ni une autre personne. Nous avons proposé un ensemble de mesures portant sur l'organisation du travail, la révision de l'organisation du travail, pour nous permettre de dégager l'infirmière de certaines tâches: l'ajout d'autres catégories de personnel – infirmières auxiliaires, brancardiers, commis, préposés aux bénéficiaires – une stratégie de recrutement d'infirmières hors Québec à l'aide de primes, comme le fait l'Hôpital d'Ottawa – cette prime, dans les unités stratégiques les plus à risque, pourrait également être offerte aux infirmières de l'établissement susceptibles de quitter l'Ontario – dans les unités spécialisées surtout, rehaussement de la formation à l'embauche pour être plus compétitif avec l'Ontario, permettre à l'infirmière d'être mieux intégrée dans son milieu de travail, etc.

Le député ne peut pas me dire, ne peut pas nous dire que nous n'avons rien fait; au contraire, d'une façon systématique, nous avons proposé différentes solutions pour sortir de l'impasse et nous continuerons d'en rechercher tant que nous n'en aurons pas trouvé, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata, maintenant.


Pratiques administratives à la commission scolaire de Chomedey


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Depuis plus d'un an, de nombreuses irrégularités seraient survenues à la commission scolaire de Laval. Des contrats sans appel d'offres auraient été attribués à des employés de la commission scolaire, et divers travaux auraient été faits chez des cadres de la commission scolaire par des employés manuels de la commission scolaire pendant leurs heures de travail. Même s'il était au courant de ce problème depuis quelques mois, le ministre de l'Éducation n'a rien fait pour faire la lumière sur cette histoire.

M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire, maintenant que cette histoire est publique et que de nombreuses personnes semblent être impliquées, s'il entend faire une enquête complète sur la gestion de cette commission scolaire qui, en plus de ces irrégularités, se dirige vers un déficit de 10 millions pour l'année en cours?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui, M. le Président. L'automne dernier, suite à une plainte d'une ex-employée du Centre de développement pédagogique de Laval, j'ai demandé à la commission scolaire de faire une enquête avec un vérificateur. Nous avons reçu, le 10 février dernier, les conclusions de cette enquête qui a été faite par la firme Gagnon, Roy, Brunet et Associés, et, si je vous cite un peu ce qui est dit dans la lettre de transmission de la commission scolaire, on nous dit que, «bien que signalant des améliorations possibles et souhaitables, ça ne laisse entrevoir ni fraude ni népotisme». Elle poursuit aussi en disant: «Nous croyons que le CDP doit apporter des correctifs, mais rien n'indique qu'il nous faille aller plus loin dans cette enquête.» Cependant, j'ai lu, comme le député de Kamouraska-Témiscouata, les nouveaux faits qui sont mentionnés ce matin dans Le Journal de Montréal et j'ai demandé à mon ministère de me faire un rapport complet sur les pratiques qui ont déjà eu lieu non pas à la commission scolaire de Laval mais à la commission scolaire de Chomedey.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation trouve normal que les gens qui ont dénoncé cette situation, comme la présidente du syndicat des employés de soutien, ont été suspendus par la commission scolaire qui, comme son gouvernement, semble être une adepte du «toé, tais-toé»?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, je suggérerais au député de Kamouraska-Témiscouata de bien avoir les faits avant de porter des jugements. C'est ce que je vais faire. Non, la situation qui a été mentionnée ce matin dans le journal n'est pas acceptable. Si c'est le cas, nous allons aller plus loin dans une enquête. Mais on ne portera pas de jugement avant d'avoir tous les faits comme le fait l'opposition.

Le Président: En question principale, M. le député de Marquette.


Dossiers de litiges en assurance automobile devant le Tribunal administratif du Québec


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, le nombre de dossiers en attente devant le Tribunal administratif du Québec en matière d'assurance automobile est passé de 5 000 en avril 1998 à plus de 6 000 en janvier 2000, soit une augmentation de 20 %, ce qui engendre des délais de près de deux ans pour les citoyens. Pourtant, la Loi sur la justice administrative prévoit la conciliation comme moyen de régler un différend et donc de réduire les coûts et les délais d'un procès, en plus de désengorger les rôles du Tribunal. Or, on apprend que, depuis sa création, le Tribunal administratif du Québec n'a pu tenir aucune séance de conciliation en matière d'assurance automobile, car le président de la SAAQ refuse systématiquement de le faire. Ce refus systématique fait en sorte que le nombre de dossiers en attente augmente à un rythme de plus de 100 par mois, selon des données obtenues en vertu de la loi sur l'accès à l'information.

La question que je pose à la ministre de la Justice qui est responsable du Tribunal administratif du Québec: Comment peut-elle expliquer son impuissance à convaincre son collègue des Transports du bénéfice de la conciliation? Parce que, manifestement, devant les faits rapportés, il ne se fait aucune conciliation en matière d'assurance automobile devant le Tribunal administratif du Québec.

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, merci, M. le Président. Le sujet que vient d'aborder le député de Marquette, nous en avons discuté longuement dans le cadre de l'étude des crédits, et, effectivement, au niveau de la conciliation, c'est une façon de faire au Tribunal administratif comme mesure de solution qui a été proposée pour réduire les délais. Effectivement, la conciliation dans divers tribunaux a été abordée d'abord comme un projet-pilote, et on s'attendait à ce que, lorsque nous obtiendrions les résultats de ces projets-pilotes, nous soyons à même de proposer cette façon de faire aux différents ministères qui sont concernés. À cet égard, j'ai moi-même échangé avec des gens au ministère pour les inciter à mieux connaître en quoi consiste cette conciliation, et mon collègue m'a exprimé toute son ouverture à vérifier justement quels étaient les motifs qui pourraient susciter une certaine résistance de la part de la SAAQ.

(14 h 40)

M. le Président, lorsque l'on propose des nouvelles mesures, il est important de se donner le temps nécessaire pour s'assurer qu'elles donneront des résultats positifs. La réalité de la SAAQ n'est pas la même qu'un autre tribunal administratif, mais il reste quand même que, au Tribunal administratif, nous sommes convaincus que c'est une forme de négociation qui pourrait donner des résultats positifs. Et mon collègue m'a démontré toute son ouverture d'esprit pour susciter l'intérêt.

Le Président: M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la ministre réalise-t-elle que ce qu'on nous rapporte plutôt, c'est qu'elle a été impuissante devant son collègue ministre des Transports qui, lui, M. Conciliation, privilégie davantage l'affrontement, d'user les contribuables et de faire en sorte qu'il y ait plus d'argents qui vont rentrer dans les coffres de la SAAQ pour que la SAAQ puisse en faire des remises au gouvernement? C'est ça qui est le problème, ça fait deux ans, ou un an et demi, qu'elle tente de le convaincre sans succès. Comment va-t-elle s'y prendre maintenant pour faire en sorte que la conciliation puisse fonctionner comme dans d'autres matières, y compris en matière d'assurance automobile?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je peux rassurer le député de Marquette, ce n'est pas difficile du tout de discuter avec mon collègue des Transports.

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Goupil: Il en demande beaucoup, là. Ha, ha, ha! Alors, M. le Président, il était impossible pour moi, au moment... parce que le député de Marquette parle d'il y a deux ans. Ça fait à peine un an et demi que j'occupe ces fonctions. Et, comme je l'ai mentionné en cette Chambre, les mesures qui ont été proposées par le Tribunal administratif sont des mesures qui sont nouvelles. La conciliation est quand même un mode alternatif qui est nouveau. Alors, ce que nous attendions, c'était de voir les premiers résultats des projets-pilotes qui ont été mis en place. Et, comme ces projets-pilotes donnent de bons résultats, il est évident que c'est plus facile de convaincre un autre organisme d'utiliser cette forme de règlement, et toujours dans le but premier d'assurer aux citoyens des façons différentes pour que leurs litiges soient entendus et qu'ils puissent être entendus dans les meilleurs délais possible. J'en ai fait part à mon collègue, et soyez assuré que nous allons faire tout ce qui est en notre possible pour mettre en application cette nouvelle façon de faire, soit la conciliation au niveau de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Le Président: M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la ministre réalise-t-elle qu'elle a beau discuter, qu'elle a beau parler de projets-pilotes, mais que la réalité des choses, c'est que les délais sont maintenant rendus de plus de deux ans et que le rythme de dossiers qui augmente, là, c'est de 100 par mois? Au lieu de diminuer, ça augmente de mois en mois. Il est là, le problème, parce que son collègue ministre des Transports ne veut rien savoir.

Le Président: Mme la ministre.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je le répète, il fallait attendre les résultats des projets-pilotes pour savoir s'ils étaient concluants. Le président du Tribunal administratif a confirmé que c'était une façon de faire qui était concluante. Cependant, il faut se donner le temps de mettre en place des outils pour que cela fonctionne.

Et, le député de Marquette, ce qu'il ne dit pas, aussi, c'est qu'au niveau du Tribunal administratif il y a plusieurs raisons qui expliquent les retards: entre autres, il faut que les dossiers soient prêts. Quand on arrive dans un dossier qui interpelle la Société de l'assurance automobile du Québec, il y a souvent des demandes d'expertise, des rapports d'experts qui doivent être produits, et souvent les parties demandent des remises pour que justement leur dossier soit complet pour qu'ils puissent présenter une preuve complète au tribunal. Alors, oui, la conciliation est un mode alternatif, mais ce n'est pas la seule façon de faire. Et soyez assuré, M. le Président, que tous les collègues membres de ce gouvernement ont à coeur de faire en sorte que le Tribunal administratif puisse répondre le mieux possible aux besoins des citoyens.

Le Président: En question principale, M. le député de l'Acadie.


Règlement des litiges à la Société de l'assurance automobile du Québec


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui. Merci, M. le Président. Comme l'a mentionné le député de Marquette, la Société de l'assurance automobile du Québec est malheureusement reconnue pour être un important fournisseur de causes au Tribunal administratif du Québec, soit actuellement plus de 6 000. En plus, quelque 10 000 dossiers seraient présentement en attente aux bureaux de révision de la SAAQ. Or, tous les membres de cette Assemblée, quel que soit le côté où on se trouve, sont à même de constater dans leurs comtés respectifs les nombreuses critiques à l'endroit de la façon dont on traite les cas plus difficiles et des délais importants pour répondre adéquatement aux besoins urgents et essentiels des accidentés de la route. Le nombre de dossiers qui traînent dans les dédales administratifs est malheureusement trop éloquent à ce niveau, et les drames humains vécus par nos concitoyens, trop souvent incroyables et inadmissibles.

M. le Président, est-ce que le ministre des Transports peut nous confirmer les dires de la ministre de la Justice à l'effet que la SAAQ refuse d'utiliser le processus de conciliation pour le règlement des litiges? Et peut-il nous dire pourquoi exactement la SAAQ prive les contribuables des avantages d'un tel processus de conciliation qui serait beaucoup plus flexible et moins lourd pour les citoyens du Québec?

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, la SAAQ attendait carrément les résultats des projets-pilotes avant de donner les réponses définitives, une prise de position claire. Mais je suis surpris, je dirais même très surpris, de voir l'opposition s'inquiéter du Tribunal administratif, parce qu'elle voulait, avec Me Bellemare, abolir le bureau de révision, ce qui aurait eu pour effet d'en remettre encore plus au Tribunal administratif. Choisissez donc le lit dans lequel vous voulez vous coucher.

Le Président: M. le député.

M. Bordeleau: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre des Transports ne reconnaît pas qu'en agissant de la sorte et en maintenant, entre autres, le bureau de révision il oblige les accidentés à assumer des coûts monétaires et psychologiques intolérables, à vivre des délais exagérés parce qu'on fait traîner les choses en longueur, compte tenu de la situation vulnérable, et qu'il imprègne essentiellement son propre style de confrontation plutôt que de conciliation qui est favorisé par à peu près tous les organismes gouvernementaux?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, ce que le député n'ose pas dire très clairement, c'est que le Parti libéral voudrait qu'on abandonne le projet né de Mme Payette en 1978. Il voudrait, avec quelques procureurs au Québec, qu'on revienne à la contestation devant les tribunaux qui prend sept, huit ans et qui coûte des argents énormes. Le gouvernement actuel veut améliorer régulièrement le régime que l'on a, mais il n'est pas question de chambouler tout ce régime qui constitue un acquis social extraordinaire pour l'ensemble des Québécois.

Le Président: M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre des Transports peut nous dire enfin s'il a l'intention d'utiliser un processus de conciliation à la SAAQ ou s'il veut continuer avec la confrontation comme ça existe depuis des années?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, en quelques années, on a amélioré au moins à deux reprises le système, on a bonifié le régime. On a introduit même des indemnités pour souffrances psychologiques, ce qui n'existait pas. Les libéraux ont été neuf ans au pouvoir, ils n'ont changé en rien le régime, en rien le système. Tout ce qu'ils cherchent à faire, c'est d'appuyer quelques amis qui voudraient remettre en question un système qui a fait ses preuves. Et le système a fait tellement ses preuves qu'on ne craint pas...

J'ai demandé à la SAAQ de multiplier les rencontres, d'expliquer le régime, et on va comprendre, M. le Président, que des sondages pipés comme ceux de ce matin... Je peux vous dire qu'on pourrait rendre public et que je vais rendre public cet après-midi un sondage comme quoi...

Des voix: ...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: En conclusion, M. le Président, contrairement à ce qu'on déclare et qu'on veut soutenir de l'autre côté, six personnes sur 10 ne veulent pas qu'on touche au régime actuel, veulent qu'on continue à le bonifier, qu'on continue à l'améliorer. Et j'ai plus confiance aux sondages scientifiques qu'à certains sondages bidon qui constituent des intérêts personnels, comme essaient de le faire certains avocats de Québec.

(14 h 50)

Le Président: M. le député de Papineau, en question principale.


Perte de compensations tenant lieu de taxes dans des municipalités de Papineau


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Plusieurs municipalités du Québec risquent de perdre des compensations tenant lieu de taxes, une fois que la Loi sur la fiscalité municipale va avoir été déposée. Ça veut dire, pour trois des municipalités de la circonscription de Papineau, comme Masson-Angers, des pertes de revenus de 470 000 $, pour la ville de Buckingham, 282 000 $, pour la municipalité de Bowman, 128 355 $.

Ma question s'adresse à la ministre des Affaires municipales: Qu'entend-elle faire pour ne pas adopter cette loi, un projet de loi qui est tout simplement inacceptable?

Le Président: Alors, Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Oui. Merci, M. le Président. J'ai eu l'occasion l'automne dernier de discuter de la transaction qui était intervenue à l'égard des industries James Maclaren qui avaient, en fait, des établissements situés sur les territoires de trois municipalités que l'on retrouve dans le comté de Papineau, soit la municipalité de Bowman, la ville de Buckingham ainsi que la ville de Masson-Angers, et le député doit reconnaître que j'ai fait introduire une disposition dans la loi n° 95 l'automne passé qui assurait un versement à ces trois municipalités pour les compenser entièrement des sommes qu'elles perdaient, vu la vente de ces établissements à des entreprises assujetties à la taxe sur l'électricité et le gaz.

Là, M. le Président, j'ai également demandé au ministère des Affaires municipales et de la Métropole de préparer des dispositions qui vont prévoir que ces municipalités seront compensées pour les trois prochaines années à raison de 100 %, 80 % et 20 %. Alors là je ne comprends pas et je ne sais pas à quoi le député fait référence. Alors, je lui demanderais d'être...

Le Président: M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: M. le Président, au bout de l'année 4, après les trois ans de compensation, pour la municipalité de Bowman, 26 % d'augmentation de taxes, pour la ville de Buckingham, 4 % d'augmentation de taxes et, pour la ville de Masson-Angers, proche de 10 % d'augmentation de taxes. Alors, on va faire quoi pour les payeurs de taxes, Mme la ministre?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, le ministre des Finances a déjà annoncé, le 14 mars dernier, dans le discours du budget, qu'il mettait 10 millions à la disposition du ministre des Affaires municipales et de la Métropole pour compenser les municipalités qui voyaient des équipements portés au rôle d'évaluation. Alors, je vais vérifier si ce cas de figure, en fait, dont me parle le député de Papineau fait partie des dossiers pour lesquels je crois qu'il y a une solution qui est à portée de main.

Le Président: Bien. Alors, la période de questions et de réponses orales est terminée.


Dépôt de rapports de commissions

Avant d'aller aux motions sans préavis, je vous demanderais le consentement pour revenir au dépôt de rapports de commissions parce que j'ai omis de permettre à Mme la députée de Saint-François et présidente de la commission des affaires sociales de déposer le rapport de sa commission.


Étude détaillée du projet de loi n° 128

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 23 mai 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 128, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Très bien. Alors, le rapport de la commission des affaires sociales est déposé.


Motions sans préavis

M. le leader du gouvernement, aux motions sans préavis.

M. Brassard: Aux motions sans préavis, M. le Président, je vous demanderais peut-être quelques minutes de suspension. Il nous reste... Non?

Une voix: ...

M. Brassard: Ah oui. Bon, d'accord. On pourrait faire, peut-être avant, la motion de Mme la...

Le Président: La motion de Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux, pendant que les leaders vont s'entretenir.

M. Brassard: Oui. Voilà.

Le Président: Alors, Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Souligner la Journée mondiale du don de sang

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale du don de sang.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de la motion? Il y a consentement. Bon. Mme la ministre, d'abord.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. La Fédération internationale des organisations du don de sang a proclamé ce 23 mai Journée mondiale du don de sang. Voilà une excellente occasion de rappeler que le système québécois du sang est basé sur l'hémovigilance, une formule qui procure à la population québécoise la meilleure sécurité possible en ce qui a trait aux produits sanguins et à l'acte transfusionnel.

Il reste que ce sont avant tout les bénévoles qui garantissent un approvisionnement sûr et durable en produits sanguins parce qu'ils donnent régulièrement leur sang, et ce, sans contrepartie. Le don de sang est et doit rester un geste bénévole...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, Mme la ministre, s'il vous plaît. Je vous inviterais, ceux qui ont à quitter, à le faire, s'il vous plaît, dans le silence pour que nous puissions poursuivre nos travaux.

Alors, Mme la ministre, je vous cède la parole.

Mme Marois: M. le Président, le don de sang est et doit rester un geste bénévole, anonyme et sécuritaire.

Depuis septembre 1998, les donneurs et les bénévoles de toutes les régions du Québec sont représentés par l'Association des bénévoles du don de sang. Cet organisme a pour mission de promouvoir le don de sang et de faire partager les principes et les valeurs liés à ce don. Il soutient également le recrutement de donneurs sécuritaires en partenariat avec Héma-Québec tout en faisant le lien entre les régions et Héma-Québec.

En cette Journée mondiale du don de sang, j'invite les membres de cette Assemblée à souligner avec moi le travail à la fois remarquable et indispensable de cette Association, ainsi qu'à encourager la population québécoise à continuer à donner du sang de manière à garantir à nos concitoyennes et à nos concitoyens un approvisionnement suffisant en produits sanguins. Je sais que l'Association des bénévoles du don de sang tient aujourd'hui son assemblée générale annuelle. Ne pouvant malheureusement pas être parmi eux, je leur souhaite en notre nom, à tous et à toutes, une bonne rencontre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la ministre. Je vais céder la parole à M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Bien sûr, au nom de l'opposition officielle, il nous fait plaisir de nous joindre à Mme la ministre afin de souligner cette Journée internationale du don de sang, car, en effet, s'il y a quelque chose de très fondamental dans notre vie, c'est bien ce don du sang qui est un don de vie, car, en effet, sans ces gens, sans ces citoyens et ces citoyennes qui font ce don, eh bien, un grand nombre d'autres personnes, de Québécois et de Québécoises mais, partout à travers le monde, d'autres citoyens, ne pourraient continuer à vivre ou ne pourraient subir des opérations importantes ou subir, bien sûr, des cures ou des soins qui leur permettraient de continuer à mener une vie, une fois que leur maladie ou que leur opération serait passée.

Alors, M. le Président, ça repose, chez nous, au Québec, comme le disait de manière tout à fait juste Mme la ministre, sur le bénévolat, je dirais plus, moi, sur la générosité des gens, car le mot «bénévole» a une connotation peut-être un peu plus communautaire, un peu plus d'implication, alors que le mot «générosité» rejoint vraiment toute la force et la substance de cet acte qui consiste à faire don d'une partie de soi pour que quelqu'un d'autre puisse en vivre. Alors, c'est quelque chose qui, malheureusement dans notre société, a quelquefois des difficultés à se faire. On voit très souvent des annonces, des campagnes de publicité afin de sensibiliser les Québécois et les Québécoises, les citoyens et citoyennes du Québec, à cet acte de don de sang, et nous ne pouvons faire autrement, en cette journée de sensibilisation, car, en effet, une journée mondiale du don de sang, c'est pour sensibiliser les gens, sensibiliser les gouvernements, mais aussi, bien entendu, pour qu'il mette les moyens, qu'il prenne les mesures nécessaires pour ce faire. Mais nous devons en particulier sensibiliser à la base les citoyens et les citoyennes et leur rappeler que ce don de sang qu'ils font aujourd'hui ou qu'ils feront demain pourra être, après-demain ou demain, quelque chose qui va leur sauver la vie à eux, à quelqu'un de leur famille, à quelqu'un de leurs enfants, et ça, ça doit rester en nous. Ça doit rester quelque chose d'une grande actualité.

(15 heures)

Mais aussi nous ne devons pas oublier que, même si ça ne nous arrive pas à nous, eh bien, c'est la vie de quelqu'un qui est derrière cette décision que nous allons prendre. Bien sûr, on ne peut pas mettre ces choses-là obligatoires parce que, dans notre société, une société moderne, une société démocratique, chacun doit prendre ses responsabilités, et nous en sommes. Mais nous devons tout mettre en oeuvre comme gouvernement, comme gouvernants, et l'opposition en est, au gouvernement, a sa partie à elle... Bien, nous devons donc tout mettre en oeuvre, faire en sorte d'abord de sensibiliser les citoyens, mais aussi que les structures d'accueil soient efficaces, soient sécuritaires afin que les gens soient assurés que ce qu'ils font, eh bien, sera vraiment utile et servira à quelque chose.

Alors, M. le Président, au nom de l'opposition officielle et de tous mes collègues députés, nous nous joignons à Mme la ministre et nous réitérons, et je réitère en dernier lieu cette invitation à tous les Québécois, à toutes les Québécoises de participer le plus souvent qu'ils le peuvent à ces cliniques de sang que l'on voit partout à travers le Québec, dans les CLSC, dans les paroisses, dans les clubs Optimistes, enfin les chambres de commerce et les mairies. Donc, j'invite tous les Québécois et Québécoises à répondre généreusement à ce don de sang, don de la vie. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Y a-t-il un autre intervenant sur cette motion? Alors, la motion de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux est-elle adoptée? Adopté.

Alors, M. le leader du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 124

M. Brassard: Alors, M. le Président, je voudrais solliciter le consentement des membre de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission de l'aménagement du territoire procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 124, Loi modifiant la Loi sur l'organisation territoriale municipale et d'autres dispositions législatives, le mardi 30 mai 2000, le mercredi 31 mai 2000 ainsi que le jeudi 1er juin 2000 et, à cette fin, qu'elle entende les organismes suivants.»

On s'est entendu avec l'opposition sur la liste des organismes, donc c'est une motion unanime. Est-ce qu'on pourrait me dispenser de la lecture?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition, sur cette liste? Oui, très bien.

M. Paradis: Oui, il y aurait dispense de lecture, M. le Président, à ce moment-ci, mais en indiquant que l'opposition est revenue à plusieurs reprises auprès de Mme la ministre, auprès du leader du gouvernement pour que ces audiences soient des audiences générales et publiques. Compte tenu que c'est le gouvernement qui décide dans ces cas-là, surtout en fin de session, c'est une liste qui nous apparaît un minimum dans les circonstances.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci, M. le leader de l'opposition. M. le leader du gouvernement, votre motion est terminée?

M. Brassard: Comme j'ai obtenu ce que je voulais, la dispense de lecture, alors je vous demanderais de...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion présentée par le leader du gouvernement est-elle adoptée? Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, nous sommes rendus maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Alors, je voudrais aviser cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 86, Loi sur la police, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 24 mai 2000, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif; et

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures et, si nécessaire, demain, le mercredi 24 mai, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; et enfin

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 127, Loi modifiant la Loi sur les établissements touristiques, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien. Merci, M. le leader du gouvernement.

Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail demain, mercredi 24 mai 2000, de 8 heures à 9 h 30, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'entendre les conclusions et les recommandations découlant de l'audition par la commission des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics sur leur gestion administrative au cours de l'hiver 2000 et de prendre en considération le projet de rapport de la commission.

Je vous avise également que la commission des finances publiques se réunira en séance de travail demain, mercredi 24 mai 2000, de 8 h 30 à 9 h 30, à la salle 3.33 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de discuter du mandat de surveillance de la Commission des valeurs mobilières du Québec, du mandat d'initiative sur l'examen de l'activité du lobbying au Québec.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Nous sommes maintenant à l'étape des renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, je vous informe, moi, que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Hull. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il renonce à toutes fusions municipales forcées.»

Alors, ceci met fin aux renseignements que j'avais à vous fournir. Il n'y a pas d'autres questions?

Nous allons mettre fin aux affaires courantes et aborder les affaires du jour.

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le leader de l'opposition?

M. Paradis: Seulement quant à une question prise en délibéré par la présidence, jeudi de la semaine dernière. Pouvez-vous nous donner une indication de quand la présidence compte rendre sa décision?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Aux premières heures, demain, nous pourrons rendre la décision. Très bien?


Affaires du jour

Alors, nous sommes aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader.

M. Brassard: Aux affaires du jour, M. le Président, commençons par le projet de loi n° 133, qui est à l'article 25 du feuilleton.


Projet de loi n° 133


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 25, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi n° 133, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach. Alors, je vais céder la parole à Mme la ministre.

Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Nous abordons aujourd'hui l'étude du projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach, ceci afin d'en adopter le principe.

Ce projet de loi a pour objectif d'établir des règles particulières applicables aux établissements publics constitués pour les membres de la nation naskapie de Kawawachikamach et qui sont situés sur le territoire de cette communauté.

Rappelons-nous, M. le Président, qu'en 1979, lors de la mise en oeuvre de la Convention du Nord-Est québécois, la dispensation de services de santé aux membres de la nation naskapie relevait du Centre de santé de Schefferville. Toutefois, une conjoncture économique malheureuse entraîna la fermeture des mines de l'Iron Ore quelques années plus tard. Il s'ensuivit la cessation des activités et la démolition du Centre de santé de Schefferville.

Afin d'assurer la continuité des services auprès de la nation naskapie, une entente fut alors conclue afin que les services de santé soient dispensés par le Centre de santé de l'Hématite de Fermont. C'est la situation qui prévaut encore aujourd'hui. Au fil des années, la nation naskapie a exprimé son espoir et sa volonté de jouer un rôle plus important dans la planification et la prestation des services de santé et des services sociaux. Or, M. le Président, les orientations du gouvernement du Québec à l'égard des nations et communautés autochtones telles qu'adoptées en 1998 ont confirmé définitivement la volonté du Québec de permettre à ces communautés de prendre en main leur développement et d'atteindre une plus grande autonomie.

C'est dans ce contexte que j'ai procédé, le 17 décembre dernier, à la signature d'une entente avec le chef de la nation naskapie, entente par laquelle je convenais du principe de la mise sur pied d'un établissement de type CLSC à Kawawachikamach et des dispositions particulières applicables à cet établissement. Je suis donc heureuse de donner suite à mon engagement en recommandant à l'Assemblée nationale les modifications législatives nécessaires.

M. le Président, le projet de loi dont nous parlons en ce moment définit la structure et le fonctionnement particulier à tout établissement public dont le siège sera situé sur le territoire défini par le projet. Essentiellement, en ce qui concerne la structure de tel établissement, le projet de loi prévoit que le conseil d'administration dudit établissement sera composé majoritairement de personnes qui sont membres de la nation naskapie de Kawawachikamach. En ce qui regarde le fonctionnement, le projet de loi prévoit notamment que les établissements concernés devront demander l'avis du Conseil de la nation naskapie avant d'exercer certains pouvoirs et devront également transmettre certaines informations à ce Conseil.

De plus, le projet de loi prévoit certaines dispositions spécifiques en matière de procédure d'examen des plaintes des usagers membres de cette nation. Enfin, le projet de loi prévoit spécifiquement la constitution, dès l'entrée en vigueur de la loi, d'un centre local de services communautaires ayant pour mission de desservir les membres de cette nation.

M. le Président, l'adoption de ce projet de loi permettra non seulement de bonifier la prestation des services de santé auprès de la nation naskapie, mais surtout donnera à cette communauté une voix au chapitre et une responsabilité qui ne pourront que lui être grandement profitables. Pour ces raisons, M. le Président, je propose donc à l'Assemblée nationale l'adoption de principe du présent projet de loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach. Merci, M. le Président.

(15 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 133, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach, Bill 133, An Act to amend the Act respecting health services and social services concerning the Naskapi Nation of Kawawachikamach.

Je pense qu'un bref rappel historique... la ministre en a fait mention aussi, mais l'entente qui gouverne nos Naskapis est une cousine de la Convention de la Baie James qui a été signée il y a 25 ans, et je pense que, avec l'histoire, il y avait toujours les petits problèmes dans l'application de la Convention de la Baie James, mais, règle générale, ce traité moderne et l'entente sur le Nord-Est du Québec qui gouverne les Naskapis sont la preuve qu'on a mis nos relations avec les autochtones sur une base très solide, et je pense que les progrès qu'on a vus dans les communautés crie, inuite et naskapie sont la preuve du bien-pensé de ce traité moderne.

En 1978, le gouvernement du Canada, le gouvernement du Québec et la nation naskapie ont signé une entente, et il y avait un progrès graduel dans la communauté de Kawawachikamach, qui est une communauté, en passant, de toute beauté, M. le Président. C'est situé à peu près à 15 km nord-est de la ville de Schefferville, et c'est dans le bois, et c'est vraiment une communauté très moderne, et graduellement les Naskapis se sont donné le défi de prendre en charge leurs responsabilités.

I think the agreement today speaks very well of Chief Philip Einish and the community of Kawawachikamach which has slowly taken over in a gradual way many of the very important local self-government concerns. It's another step that we are taking today, and what we are looking at with the adoption of Bill 133 will allow a gradual taking charge of health and social services in the Naskapi community.

Comme la ministre l'a dit, autrefois il y avait un lien entre le CLSC de Fermont, qui est une communauté pas loin, mais assez loin quand même... Il y a de grandes distances dans le Grand Nord du Québec, il y a un dispensaire qui existe à Kawawachikamach et il y a un lien entre ces établissements de santé et la Régie régionale de la Basse-Côte-Nord. Alors, qu'est-ce qu'on est en train de faire aujourd'hui avec le projet de loi, ça va être de créer une nouvelle entité, c'est-à-dire un CLSC pour la communauté de Kawawachikamach, et je pense que c'est la prochaine étape logique d'une prise en charge par les Naskapis de leurs établissements de santé.

Il y a également aussi... Parce qu'on parle d'un établissement existant qui a déjà commencé à faire le partage avec les Innus de Matimekosh et le restant de la population à Schefferville. Alors, il y a les trois communautés, et on fait déjà le partage de certains services de santé. Il y a une clinique dentaire, je pense, qui est dans une communauté, mais les autres y ont accès. Alors, il y a des choses intéressantes, et la création du CLSC ici, ça va être une bonne étape pour assurer ce partage des ressources qui sont assez rare dans ce coin-là. Et également on prévoit que la protection de la jeunesse, qui est faite à partir de Baie-Comeau aujourd'hui, un jour, ça va devenir une des responsabilités du CLSC à Kawawachikamach.

Youth protection is another example of where the community has added in terms of taking more charge of matters. Right now, youth protection is done out of the office in Baie-Comeau, which is hundreds of kilometers away, and with Bill 133 we'll be moving towards the situation. Not for tomorrow, but the Naskapis have very deliberately chosen to go step by step. It's a gradual evolution that they have preferred, to take things under their own wing when they are able to. There is a bill before the House right now, Mr. Speaker, Bill 86, which will allow for the eventual creation of a Naskapi Police Force. Once again, it's not something they are going to do tomorrow morning, but the legislation is before us so that when the community and the Nation feel ready to take in charge police services, they are going to do it.

Et également, qu'est-ce qu'on voit ici, dans le domaine de la santé et des services sociaux, quand ils auront les moyens, quand ils auront les ressources nécessaires dans la communauté, ils vont ajouter d'autres services dans le domaine de la santé et le domaine des services sociaux. Alors, je pense que c'est fort intéressant, l'approche de la nation naskapie qui compte, je pense, à peu près 700 personnes. La façon dont ils ont procédé, je pense que c'est un modèle intéressant.

Alors, aujourd'hui, M. le Président, en conclusion, il n'y a pas de grande manchette ici, mais c'est quand même une très bonne nouvelle. C'est un petit pas pour une communauté qui va prendre une autre étape dans l'optique et dans la recherche de l'autonomie gouvernementale.

So I think it's a very important day, today, for Kawawachikamach and the Naskapi nation as they take one more step towards the creation of a more autonomous self-government. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Il n'y a plus d'autres intervenants? Alors, je vais mettre aux voix le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 133, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux concernant la Nation Naskapi de Kawawachikamach, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Boisclair: Alors, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. L'article 26 du feuilleton de ce jour, M. le Président.


Projet de loi n° 135


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 26, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports.

Alors, M. le ministre, vous êtes prêt? Je vous cède la parole.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir de déposer ce projet de loi proposant la création du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage afin de favoriser la concertation des principaux intervenants de l'industrie du camionnage général au Québec.

Il vise particulièrement les exploitants de véhicules lourds, les intermédiaires en services de transport, les expéditeurs ainsi que les routiers propriétaires d'un seul camion-tracteur et dont la principale activité consiste à conduire ce camion-tracteur.

Un petit peu d'histoire, M. le Président. Tout d'abord, vous vous rappellerez qu'au cours des dernières années plusieurs intervenants de l'industrie du camionnage général au Québec ont fait ressortir certains malaises affectant leur industrie. D'une part, le milieu syndical revendique de meilleures conditions de travail pour les conducteurs propriétaires, alors que les transporteurs, les expéditeurs et les intermédiaires en transport sont d'avis que l'ouverture des marchés et la concurrence nord-américaine nécessitent le plus haut degré d'harmonisation en matière de normes afin de préserver la compétitivité.

On se rappellera qu'à l'automne 1999 plusieurs manifestations de routiers ont eu lieu, en particulier dans les régions du Lac-Saint-Jean et de l'Abitibi. Ces événements faisaient suite à une forte hausse des prix du carburant. Les ministres des Transports et du Travail ont alors décidé de mettre sur pied un forum réunissant les principaux intervenants des milieux syndicaux, les associations de routiers ainsi que des donneurs d'ouvrage.

C'est ainsi qu'entre le 21 octobre 1999 et le 31 janvier 2000, eh bien, les participants se sont réunis à six reprises afin de bien documenter les problèmes que connaissent les routiers et aussi ils ont essayé d'identifier des pistes de solution. Un rapport sur la synthèse des travaux du forum sur le camionnage général a été déposé aux ministres qui ont décidé, en février dernier, de légiférer afin de créer un mécanisme permanent de concertation.

Quels sont les problèmes constatés? Eh bien, tout d'abord, un sondage effectué durant les travaux du forum a démontré les différences notables entre les routiers propriétaires et les conducteurs salariés au profit de ces derniers. Les principales différences ont trait aux revenus, aux heures de travail et à la satisfaction qui en découle.

Ce sondage et les travaux du forum sur le camionnage ont permis de constater les problèmes suivants: tout d'abord l'isolement des routiers vis-à-vis les donneurs d'ouvrage, l'absence de mécanismes de concertation, les problèmes de gestion de plusieurs camionneurs propriétaires et enfin des problèmes de relations avec les intermédiaires en transport.

Si on parle d'isolement des routiers vis-à-vis les donneurs d'ouvrage, eh bien, on se rend bien compte qu'il y a une absence totale de mécanismes de concertation. Plusieurs routiers n'ont pas d'entente contractuelle seulement avec leurs donneurs d'ouvrage. Lorsque des ententes existent, elles sont difficiles à analyser et à comparer entre elles, et plusieurs routiers n'en sont pas satisfaits.

(15 h 20)

Malgré l'existence de plusieurs associations et de syndicats, moins de 40 % des routiers en sont membres. Les camionneurs qui n'ont pas d'entente satisfaisante doivent, pour rentabiliser leur investissement dans un camion, accepter parfois des conditions médiocres où la seule possibilité de ne pas perdre d'argent consiste à déjouer le système de diverses façons: conduire, par exemple, plus longtemps que ce qui leur est prescrit dans une journée, une semaine ou même un mois de travail, ne pas déclarer le temps d'attente dans le registre des heures de conduite – ce qu'on appelle communément le «logbook» – excéder les limites de vitesse permises, excéder les limites de poids pour être plus concurrentiels, etc.

Ces comportements, M. le Président, influent malheureusement de façon négative sur la sécurité publique et la protection du réseau routier. Les heures consacrées à la gestion administrative par les routiers expliquent aussi en bonne partie la durée plus longue de leur semaine de travail comparée à celle des salariés. Ces activités de gestion demandent des connaissances de plus en plus poussées.

Les relations, maintenant, avec les intermédiaires en transport. Eh bien, les intermédiaires qui sont au centre de la chaîne de transport constituent des donneurs d'ouvrage importants pour les routiers. Les centrales syndicales ont dénoncé le fait que de nombreux intermédiaires ne paieraient pas ces routiers pour les services qu'ils ont rendus. Pour sa part, l'Association des intermédiaires en transport du Québec a soutenu qu'il s'agissait plutôt de cas isolés. Quelles sont les solutions que nous voulons apporter?

Le projet de loi prévoit que tous les routiers devront verser une cotisation annuelle au regroupement de routiers reconnu de leur choix, si la majorité des routiers le décident. En d'autres mots, il se prendra un vote au niveau de l'ensemble des routiers et, s'il y a majorité, il y aura une cotisation obligatoire. À défaut de verser cette cotisation, l'inscription du routier au registre des propriétaires et exploitants de véhicules lourds sera suspendue. Les solutions proposées dans la loi ont trait à la création d'un mécanisme de concertation où la reconnaissance de certains regroupements permettra aux routiers de sortir de leur isolement.

Ce forum aura comme mandat de voir à l'élaboration de diverses ententes types et conventions concernant des mesures garantissant le paiement pour les services rendus par les routiers ainsi que le partage de risques financiers dans les transactions entre les intervenants de l'industrie. Il aura également mandat entre autres de se prononcer sur des questions concernant les intervenants de l'industrie du camionnage en général et d'établir un plan stratégique de ces travaux. La mise en place d'une caution pour les intermédiaires diminuera la précarité financière des routiers.

De plus, le forum permanent accréditera et proposera aux routiers et aux donneurs d'ouvrage des procédés afin de régler efficacement les différends et les litiges. Le projet de loi prévoit aussi l'obligation pour les nouveaux routiers de faire la démonstration au ministre de leurs connaissances en gestion ou encore des moyens dont ils disposent afin de mettre en place des mesures administratives assurant le respect de la sécurité des usagers de la route et la préservation de l'intégrité du réseau routier.

En conclusion, M. le Président, l'industrie du transport routier est un des moteurs les plus importants de l'économie québécoise et elle doit continuer de mener ses activités de façon sécuritaire et compétitive. Considérant donc l'acuité des difficultés soulevées et le fait que tous les intervenants ont maintenant une bonne connaissance des problèmes, il était urgent d'agir rapidement afin d'éviter certains gestes spontanés qui ne s'inscriraient pas dans la continuité des solutions durables. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre des Transports, et je vais maintenant céder la parole à M. le député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, en réplique au discours que vient de nous faire le ministre des Transports, je veux aborder le projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports. D'abord, juste pour le bénéfice de ceux qui auront à se pencher sur ce projet de loi, résumer très rapidement le contenu du projet de loi.

Essentiellement, le projet de loi vise à créer le forum des donneurs d'ouvrage et des routiers. Je reviendrai tout à l'heure sur les différents aspects du projet de loi, mais juste énumérer d'abord.

Alors, on constitue un forum des donneurs d'ouvrage et des routiers. On définit le mandat de ce forum. On y fait état également des modalités de représentation à la fois des donneurs d'ouvrage et des routiers au sein du forum. On y parle également, comme y a fait référence le ministre, de l'obligation pour les routiers de cotiser annuellement à un regroupement de routiers.

Il y a également dans le projet de loi des références à certaines clauses qui seront interdites dans les contrats. Et on traite également du pouvoir du gouvernement à l'égard de la mise en application de certaines modalités de fonctionnement ou suite à certaines suggestions du forum comme tel. On y traite enfin de l'obligation, pour les intermédiaires en services de transport, de détenir un cautionnement. Et le dernier item du projet de loi, c'est la question de l'évaluation, qui est prévue en 2003, des effets comme tels du projet de loi n° 135. Alors, voilà, M. le Président, essentiellement résumé, le contenu du projet de loi n° 135.

Maintenant, j'aimerais peut-être aborder le contexte dans lequel ce projet de loi nous a été apporté par le gouvernement. Alors, on se rappelle qu'il y a eu au Québec de nombreuses manifestations sur les routes du Québec depuis octobre 1998 et qui ont affecté l'économie de certaines régions du Québec d'une façon très importante en plus d'incommoder évidemment les citoyens du Québec qui avaient le droit de pouvoir utiliser certaines routes, mais qui ont été empêchés de le faire étant donné les manifestations qui ont eu lieu à ce niveau-là.

Le ministre faisait référence tout à l'heure au blocus des routiers, surtout dans les régions de l'Abitibi et du Lac-Saint-Jean. Il y a également eu, on se rappelle, le blocus de l'autoroute 20 par les producteurs agricoles, au moment où on avait bloqué avec les porcs l'autoroute 20, ce qui n'a pas été sans causer de nombreux inconvénients à de nombreux citoyens du Québec.

M. le Président, l'industrie du camionnage au Québec est une industrie excessivement importante. On évalue au Québec le chiffre d'affaires de l'industrie du camionnage à 6 milliards et plus, le chiffre d'affaires, annuellement. Il y a également, selon des statistiques qui datent de 1997, plus de 43 000 transporteurs dont 31 000 ne possèdent qu'un seul véhicule. Parmi ceux-ci, on estime qu'il y a entre 7 000 et 12 000 transporteurs qui travaillent pour autrui et qui sont propriétaires d'un seul véhicule. Alors, je pense que les problèmes qu'on a observés sur les routes au cours des dernières années concernent surtout cette dernière catégorie de travailleurs.

Il faut également rappeler qu'il y a eu énormément de pressions au cours des dernières années, notamment depuis 1998, de la part des syndicats qui ont voulu mettre en place des moyens visant à améliorer les conditions de travail des routiers. Et on se rappellera, M. le Président, que ces pressions-là avaient donné lieu à la création d'un comité d'experts qui devait se pencher sur l'ensemble de la problématique du camionnage routier, évaluer les conditions de travail des routiers et faire des recommandations au gouvernement. C'est un comité qui est connu comme le comité Bernier, puisqu'il était sous la responsabilité, sous la direction d'un professeur spécialisé en relations industrielles à l'Université Laval, M. Jean Bernier. Alors, ce groupe de travail a remis son rapport le 9 avril 1999 et traitait des problèmes des camionneurs propriétaires et des conditions de travail.

Il faut se rappeler ici que les conditions de travail des routiers sont difficiles, et je pense qu'on en a été témoin par des cris du coeur assez éloquents qui ont été lancés par les gens qui travaillent dans cette industrie. Et il ne faut pas se faire d'illusions, vous savez. Quand les gens sont rendus à bloquer des routes comme ils l'ont fait, c'est qu'il y a des problèmes, des vrais problèmes. Mais ce n'est pas nécessairement une justification pour bloquer les routes du Québec, mais il y a un problème sérieux quand même qui existe au niveau des conditions de travail.

Alors, il faut se rappeler, M. le Président, que la moitié de ces camionneurs routiers gagnent 25 000 $ et moins par année – alors, ce n'est pas beaucoup – que les gens travaillent 3 000 heures par année, sans compter le temps qu'ils consacrent à faire l'administration de leur petite entreprise. Alors, les gens travaillent donc souvent pour un tarif horaire qui varie de 4,75 $ à 8 $ de l'heure. Évidemment, c'est une réalité qui est difficile, sur laquelle le gouvernement est nécessairement appelé à se pencher.

(15 h 30)

Tout ça, ça s'inscrit dans un contexte où il y a eu une déréglementation dans le domaine du camionnage qui a été approuvée par le gouvernement précédent et également par le gouvernement actuel dans le cadre du libre-échange et des accords de commerce entre les provinces canadiennes. Alors, on est dans une ère où on ne peut pas maintenir de façon artificielle des monopoles, on est dans un ère essentiellement de compétition, et, pour survivre... Et je pense que j'ai confiance aux Québécois dans ce sens-là. On est capables de s'adapter et de faire notre place à l'intérieur d'un monde qui est plus compétitif, et c'est dans cet esprit-là aussi que se situe tout le problème des camionneurs propriétaires.

Alors, le comité Bernier, M. le Président, dans les conclusions de son rapport d'avril 1999, faisait ressortir différents éléments, d'abord reconnaissait le droit d'association des gens de l'industrie du camionnage et suggérait même, étant donné la difficulté qui est reliée à tout le problème, au fond, de la façon dont on va gérer les travailleurs autonomes... Parce que les camionneurs propriétaires sont essentiellement des travailleurs autonomes. Alors, la façon dont on va gérer toute cette réalité-là, évidemment ça fait l'objet d'une réflexion actuellement au niveau d'une réforme du Code du travail, et, dans cet esprit-là, le rapport Bernier disait qu'il faudrait peut-être à la limite prévoir une législation spécifique pour régler à court terme le problème des camionneurs routiers. Ça ouvrait aussi la voie, disons, à une représentation des regroupements de camionneurs qui serait à caractère pluraliste et volontaire. Alors, voilà, M. le Président, l'essentiel des conclusions du rapport Bernier.

Il y a également – il faut se le rappeler en termes de contexte historique – les manifestations qui sont survenues au moment de la hausse du prix de l'essence. Alors, ça allait dans le même sens. Les gens travaillent dans des conditions difficiles, se voyaient confrontés à une réalité difficilement acceptable, compte tenu des marges bénéficiaires très, très minces qui existent dans l'industrie, à des hausses du prix du carburant qui sont importantes et qui demeurent encore malheureusement très importantes. Alors, la grogne a effectivement augmenté face à cette réalité, et, en février 2000, le ministre nous a fait part du travail un peu de la table qui avait été créée et faisait ressortir deux éléments, c'est-à-dire la création d'une table permanente et également la possibilité d'avoir un contrat type dans l'industrie qui pourrait mieux encadrer les relations entre les donneurs d'ouvrage et les camionneurs. Il y avait également à ce moment-là un engagement de la part de la ministre du Travail qui avait pris l'engagement de revoir le Code du travail dans les prochaines semaines et de trouver une façon de reconnaître les travailleurs autonomes. Alors, voilà, M. le Président, un peu le contexte dans lequel s'inscrit essentiellement le projet de loi n° 130.

Et il faut rappeler ici que, toute la problématique à laquelle je viens de faire référence, on la retrouve incluse dans le projet de loi n° 135 mais aussi dans le projet de loi n° 130 dont on traitera plus tard. Dans le projet de loi n° 135, effectivement, l'engagement que le ministre prend, c'est de donner suite à la création d'une table permanente. Alors, on l'appellera éventuellement le Forum des donneurs d'ouvrage et des routiers.

Pour ce qui est de l'autre dimension, le problème des blocages de routes et toutes les difficultés que ça peut poser aux citoyens, et au développement économique des régions, et, dans certains cas, à la survie même des individus qui demeurent en région – on l'a vu lors des blocages qui ont eu lieu où les approvisionnements étaient rendus extrêmement difficiles, de sorte que ça posait des problèmes énormes, au fond, de survie des gens qui vivaient en région – alors, évidemment, le ministre décide de mettre en place des mesures qui vont empêcher ces choses-là. Alors, ces mesures coercitives, on les retrouve dans le projet de loi n° 130. Alors, c'est un petit peu les deux éléments. On va mettre des balises plus sévères pour les blocages, et, en même temps, bien, le ministre nous apporte une solution qui se veut un peu plus rassembleuse et qui est celle du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage. Alors, voilà, M. le Président, le contexte dans lequel tout ça s'inscrit.

J'aimerais rependre essentiellement le projet de loi, et aborder ses dimensions particulières, et vous faire part de certains commentaires, de certaines questions qu'on a à l'égard du projet de loi, questions qui devront trouver une réponse en cours d'analyse du projet de loi soit en commission parlementaire ou autrement. Alors, d'abord, il y a la question, au niveau de l'article 1 du projet de loi, de la compétence des routiers. Effectivement, le ministre se donne, par arrêté, la possibilité d'exiger des personnes qui sont inscrites pour la première fois à la liste des propriétaires exploitants de véhicule lourd ou de celles qui sont nouvellement inscrites de prouver qu'elles ont les compétences et les connaissances nécessaires pour pouvoir agir en toute sécurité pour le public et aussi dans le respect des infrastructures qui existent au Québec sur l'ensemble du réseau de façon à conserver l'intégrité du réseau.

Alors, dans les cas où cette démonstration-là ne serait pas faite à la satisfaction du ministre, le ministre se donne, donne la possibilité à la Commission des transports de faire enquête auprès de la personne visée et également de demander à la personne de se soumettre à des tests de connaissances concrètes. Dans la mesure où aucune de ces démonstrations-là n'est faite, à savoir la compétence a priori ou la réussite des tests, bien, à ce moment-là, il pourrait y avoir des mesures qui pourraient aller plus loin et qui permettraient de restreindre l'accès de ces individus aux routes du Québec. Alors, voilà, M. le Président, un premier objectif du projet de loi n° 135 qui vise à garantir – et je pense que là-dessus on ne peut qu'être d'accord – les compétences des gens qui conduisent ces véhicules lourds qui sont quand même des véhicules qui peuvent être dangereux, au fond, pour les citoyens du Québec quand on voit certains accidents qui surviennent.

Le deuxième élément qu'on retrouve dans le projet de loi, c'est la création du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage. Alors, on nous dit: «Ce Forum a pour objet de favoriser la concertation entre les principaux intervenants de l'industrie du camionnage en général au Québec au regard des diverses pratiques commerciales prévalant dans cette industrie dont, notamment, celles affectant le développement des ressources humaines.» Alors, au niveau des intervenants dans l'industrie du camionnage, on fait référence essentiellement aux donneurs d'ouvrage, et, par donneurs d'ouvrage, on entend les exploitants de véhicule lourd, les intermédiaires en services de transport ou toute autre personne qui participe à l'organisation du transport. L'autre intervenant qui est impliqué dans ce Forum des routiers, ce sont les propriétaires d'un seul camion-tracteur immatriculé au Québec, dont la principale activité dans le cadre de leur entreprise consiste à conduire ce camion. Alors, ici, on fait référence, M. le Président, aux chiffres qui sont plus ou moins bien définis actuellement mais qu'on évalue à environ 7 000 à 12 000 personnes au Québec.

Pour ce qui est du mandat comme tel, de façon plus spécifique, que ce Forum-là aurait, il s'agirait de voir à l'élaboration de diverses ententes ou conventions notamment qui concernent le paiement des services, le partage des risques financiers, la conclusion des contrats et les modalités des clauses qui pourraient être incluses dans les contrats, et l'établissement aussi d'un processus efficace de règlement des litiges. Alors, ce Forum aurait aussi la possibilité de proposer au ministre des exigences qui pourraient s'appliquer – c'est essentiellement un pouvoir de proposition au ministre – et également de promouvoir, au niveau des intervenants de l'industrie du camionnage, le respect des ententes et des conventions ou des exigences qui sont décrétées par le ministre, de se prononcer sur les questions dont il se saisit lui-même ou qui lui sont référées par le ministre et d'établir enfin un plan stratégique de ses travaux, d'établir ses priorités, les résultats qu'il s'attend d'atteindre, le tout dans une perspective de développement qui s'étendrait sur une période de trois ans. Et il devra être éventuellement, ce plan stratégique, évalué à chaque année et réajusté au besoin. Alors, voilà, M. le Président, essentiellement le mandat de ce Forum des donneurs d'ouvrage et des routiers.

(15 h 40)

Pour ce qui est de la composition du Forum, on a fait référence au fait qu'il y avait deux parties. Ce Forum, d'abord, sera présidé par un président qui y consacrera son temps plein et qui sera nommé par le gouvernement. Alors, le président sera désigné par le gouvernement et agira à temps plein comme président du Forum des donneurs d'ouvrage et des routiers.

Maintenant, pour ce qui est de la représentation, je vous dis a priori que ça nous semble assez compliqué, et je vais vous l'expliquer. Ça ne semble pas évident pour un comité qui a un peu une forme de comité consultatif qui peut faire des recommandations. D'abord, au niveau des représentants des donneurs d'ouvrage, on dit qu'il va y avoir trois représentants qui seront nommés par le ministre, sur désignation de leur regroupement, afin de représenter les trois principaux regroupements de donneurs d'ouvrage. Alors, le ministre, après avoir consulté ces trois représentants qui viendront des trois principaux regroupements de donneurs d'ouvrage, nommera deux autres personnes qui seront désignées dans les autres regroupements, et, à ce moment-là, on se retrouvera avec cinq représentants des donneurs d'ouvrage qui auront un certain nombre de voix – et je reviendrai sur cette question-là tout à l'heure – à partager entre ces cinq représentants des donneurs d'ouvrage. Pour ce qui est des représentants des routiers, on dit qu'il y aura au plus cinq membres qui seront nommés par le ministre, sur désignation de leur regroupement, afin de représenter les cinq principaux regroupements routiers reconnus par la Commission, et, encore là, ces cinq représentants auront également un certain nombre de voix qui seront partagées entre ces cinq personnes-là.

Le mandat des membres qui siégeront au Forum sera d'une durée de trois ans. Le gouvernement déterminera la rémunération, les avantages sociaux, les conditions de travail du président. Pour ce qui est des membres comme tels, ils auront droit à des remboursements de dépenses, mais ce ne sera pas des personnes qui seront rémunérées comme telles.

Le quorum des assemblées sera de sept membres, dont au moins trois parmi le regroupement des donneurs d'ouvrage et trois parmi les représentants des routiers. Le Forum se réunit au moins une fois par trimestre. Alors, à l'assemblée trimestrielle, le quorum sera constitué des membres présents. Il n'y a pas de nombre comme tel, les membres qui seront là constitueront le quorum pour tenir l'assemblée.

Maintenant, je vous disais, M. le Président, tout à l'heure que c'est assez complexe, la question de la représentation, et, encore là, il ne faut pas perdre de vue qu'il s'agit d'un comité qui se veut plutôt consultatif. Alors, les 15 voix dont je vous ai parlé tout à l'heure – on parlait d'un certain nombre de voix – qui seront données aux représentants des donneurs d'ouvrage, seront données à chaque membre représentant des donneurs d'ouvrage en proportion du nombre de donneurs d'ouvrage qu'il représente. Alors, s'il y a un regroupement de donneurs d'ouvrage qui représente 50 % de l'ensemble des donneurs d'ouvrage, bien, il aura 50 % des 15 voix qui sont prévues. Alors, on voit là un petit peu quand même une certaine complexité, et c'est la même chose du côté des regroupements de routiers, 15 voix aussi qui seront données en proportion de l'importance de chacun des regroupements.

Alors, la première question qu'on peut se poser, M. le Président, c'est: Pourquoi toute cette complexité pour un regroupement qui, en principe, quand on a regardé le mandat tout à l'heure, se veut plutôt consultatif ou avec un pouvoir de recommandation? Je trouve ça, personnellement... En tout cas, on aura l'occasion d'en discuter, mais ça me semble un peu compliqué.

Pour ce qui est, M. le Président, du rôle de la Commission, les regroupements de routiers dont on a parlé seront reconnus, au fond, par la Commission des transports. Et, quand on parle de regroupements de routiers, ça peut prendre différentes formes. Il peut s'agir d'un syndicat, d'une union, d'une fédération, d'une confédération ou d'une personne morale sans but lucratif qui est reconnue par la Commission des transports quand on a fait la démonstration qu'un regroupement représente au moins 10 % des routiers. Alors, c'est de cette façon-là que la Commission va pouvoir déterminer, à l'intérieur des listes qu'elle a la responsabilité de fabriquer, les cinq regroupements les plus importants. Cette liste-là dont on parle, qui va servir à évaluer l'importance de chacun des regroupements, devra être en vigueur le 15 juillet 2000 et sera en vigueur pour trois ans. Alors, voilà essentiellement la question de la représentation.

Ah oui, avant de passer à l'autre point, je voudrais juste signaler une chose aussi. Il faut toujours garder à l'esprit que c'est loin d'être évident que la forme de composition du Forum dont je viens de faire état va nécessairement être représentative de l'ensemble de l'industrie du camionnage. Cinq personnes qui sont là, là, on sait qu'il y a toujours un décalage dans le caractère représentatif, et il faudra réfléchir un peu à toute cette dimension-là.

Maintenant, ce sur quoi je veux attirer l'attention, c'est également le fait que les routiers devront éventuellement payer une cotisation annuelle à un regroupement, d'abord s'ils sont membres d'un regroupement, et, s'ils ne sont pas membres d'un regroupement actuellement, auront l'obligation de payer leurs cotisations à un regroupement de leur choix s'ils veulent conserver leur nom sur les listes de propriétaires et exploitants de véhicule lourd. Alors, vous voyez, M. le Président, que c'est très contraignant, et c'est une façon à peine déguisée d'en arriver à une forme de syndicalisation, avec la mise en place d'une formule Rand, à tout événement. C'est un peu la conclusion qu'on peut en tirer.

Et ce qui me chicote un peu dans ce contexte-là, c'est qu'il y a un certain nombre de routiers qui ne sont pas membres actuellement d'un regroupement, probablement parce qu'ils n'ont pas voulu être membres d'un regroupement. C'est un choix volontaire. Je n'ai pas la proportion des routiers qui sont membres d'un regroupement versus les routiers qui ne sont pas membres d'un regroupement. Alors, les gens qui ne sont pas membres d'un regroupement, c'est un choix, comme je le mentionnais, et maintenant ils seront obligés d'être membres d'un regroupement, ou, s'ils ne veulent pas être membres d'un regroupement, ils seront obligés de payer de toute façon. Dans la mesure où il y aura eu une décision de prise par 51 % des membres d'un regroupement de fixer une cotisation annuelle, bien, ils seront obligés d'y cotiser, même si, dans le passé, ces gens-là n'avaient pas voulu être membres d'un regroupement de routiers. Alors, c'est quand même un changement important, et il faudra évaluer les conséquences de cette réalité, M. le Président.

La Commission peut également, à la demande du président, faire enquête sur un regroupement de routiers s'il y a quelque chose qui semble anormal, et les gens qui auront à faire enquête à ce moment-là seront pourvus des mêmes droits et immunités qu'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête.

Il y a également un autre élément qui est important, c'est le fait de déterminer que, dans les contrats, il y aura un certain nombre de clauses qui seront nulles ou interdites même si elles se retrouvaient dans un contrat. Et on dit dans le projet de loi: «...est nulle toute disposition ayant pour effet qu'un routier qui effectue en partie le mouvement de transport assume seul les risques, le fret et les frais du transport.

«Est également nulle dans tel contrat toute disposition ayant pour effet de contraindre matériellement un routier à enfreindre une disposition législative ou réglementaire.»

(15 h 50)

Alors, évidemment, il y a des choses qui vont de soi, il y en a d'autres qui sont moins évidentes, et, à ce moment-là, le gouvernement peut, par décret, entériner tout projet de contrat qui sera proposé par le Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage. Et, dans les cas où il n'y aurait pas une conclusion formelle entre les principaux intervenants membres du Forum des routiers et des donneurs d'ouvrage, le gouvernement peut, à compter du 1er octobre 2000, par règlement proposé par le ministre et après consultation du ministre du Travail, édicter des exigences au regard de tous et chacun des objets visés au paragraphe 1° de l'article 48.11.02. Alors, au fond, si les gens ne s'entendent pas entre eux, le ministre peut imposer des conditions de travail.

Maintenant, ce qui nous préoccupe, M. le Président, c'est qu'on craint que le gouvernement puisse éventuellement peut-être se déresponsabiliser de certaines de ses obligations en se référant à une recommandation du Forum où on pourrait nous dire: Bien, écoutez, c'est le Forum qui l'a proposé, et puis mettre ça sur le dos du Forum. Il y a eu un vote – avec toute la mécanique compliquée que j'ai mentionnée tout à l'heure – et les gens se sont entendus à plus de 51 %, donc c'est la proposition du Forum, on va l'entériner. Je pense que la responsabilité... On ne doit pas, en tout cas, voir, à l'avenir, de façons comme ça pour le ministre ou le gouvernement de s'échapper en justifiant certaines décisions par les recommandations du Forum des routiers. Le gouvernement est toujours responsable et le ministre est toujours responsable. Alors, il y a une certaine crainte, et je vous dis ça pour avoir consulté des gens dans le milieu qui nous ont également fait part de cette crainte-là.

L'autre élément qui nous inquiète un peu quand on joue dans des clauses contractuelles et qu'on fait des contrats types, c'est le respect des conséquences de la déréglementation. On a signé des accords de commerce intérieur au Canada et on sait qu'il y a des obligations à ce genre d'accords là qui visent essentiellement à mettre concrètement en action la déréglementation qui était prévue à l'origine. Alors, évidemment, ça a posé certains problèmes à l'industrie du camionnage, mais il y a un engagement que les gouvernements ont pris à l'égard de la déréglementation. Alors, il faudra s'assurer éventuellement que, dans le projet de loi ou dans les contrats types qui seront mis en place, il n'y aura pas d'éléments qui pourront être contestés en vertu des accords de commerce intérieur mais également en vertu des accords de commerce inclus dans l'Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique. Alors, c'est un élément qu'il faudra surveiller.

Également, il faudra, M. le Président, prendre en considération que les accords qui pourront être mis en place à l'intérieur de ce Forum pourront s'appliquer tant que le routier demeurera au Québec. Mais, quand le routier sortira du Québec pour aller faire du travail aux États-Unis, évidemment, qu'est-ce qui va se produire exactement avec ces accords-là? Ces accords-là ne seront pas nécessairement respectés aux États-Unis. Alors, il faudra regarder ça d'une façon plus précise, exactement qu'est-ce qui se passe de ce côté-là. Ça peut fonctionner à l'intérieur du Québec, mais ça peut peut-être ne pas fonctionner aussi bien à l'extérieur du Québec. Et, quand je parle des États-Unis, je parle également des autres provinces canadiennes où il pourrait y avoir des problèmes. Ces accords-là aussi peuvent s'appliquer dans le cas de sous-traitants, mais c'est peut-être limité au niveau du nombre de camionneurs qui pourront être affectés par ce type d'accords.

Et l'autre question qu'on peut se poser, M. le Président, c'est: Qu'est-ce qui arrive au niveau des contraintes que pourraient avoir ces contrats types chez les camionneurs qui viennent de l'extérieur du Québec livrer ou faire du commerce au Québec? Est-ce que ces gens-là, en traversant la frontière du Canada ou en traversant la frontière des autres provinces, seront assujettis aux exigences fixées, disons, par le gouvernement à l'intérieur des contrats types? Alors, on voit qu'il y a toute une série de problèmes qui ne sont pas éclaircis à ce niveau-là, et il faudra les regarder sérieusement, sinon le gouvernement risque de voir son projet de loi contesté très rapidement par les tribunaux.

Il ne faut pas perdre de vue également, M. le Président, que, dans la mesure où on complique la vie à des camionneurs qui viennent de l'extérieur travailler au Québec pour des délais relativement courts, si on leur complique la vie trop, c'est les camionneurs du Québec qui vont travailler à l'extérieur du Québec qui seront peut-être victimes de certains gestes qui pourront manifester une certaine frustration de la part des gens de l'extérieur. Alors, je ne suis pas un expert dans le domaine du camionnage, mais on aura l'occasion d'aborder cette question-là et de fouiller un peu plus les problèmes qui pourront survenir. Au niveau du projet de loi, il y a également une obligation de cautionnement qui sera faite aux intermédiaires en services de transport.

Il y a par la suite une évaluation qui est prévue à la fin du projet de loi. On adopte ce projet de loi pour une période de trois ans. En fait, il n'y a pas de clause crépusculaire comme telle qui dit que le projet de loi tombe dans trois ans systématiquement s'il n'y a pas une décision ou une volonté de le reporter, mais il y a une obligation qui entre en vigueur au plus tard le 1er janvier 2003 qui dit que le ministre doit faire au gouvernement un rapport sur la mise en oeuvre de la présente loi ainsi que sur l'opportunité de maintenir ces dispositions en vigueur ou, le cas échéant, de les modifier. Alors, il y a au moins un élément qui est positif à ce niveau-là, c'est-à-dire qu'on a prévu dans la loi l'obligation d'évaluer la pertinence de la mise en place de ce Forum de donneurs d'ouvrage et de routiers. Alors, voilà, M. le Président, l'essentiel du projet de loi et certaines interrogations que nous avons actuellement et que nous ferons valoir aux autres étapes.

Comme il semblerait qu'il s'agisse là d'un certain consensus, que le ministre avait mis en place une table temporaire, là, qui regroupait à la fois des donneurs d'ouvrage et des routiers, ces sujets-là ont été discutés. Le ministre nous amène le projet de loi qui est issu essentiellement des éléments ou des recommandations qui ont pu se dégager, et je parle ici, M. le Président, d'un certain consensus. Il n'y a pas un consensus parfait, suite à certaines vérifications qu'on a faites, mais on perçoit peut-être la situation comme un moindre mal, et c'est peut-être la meilleure solution qu'on peut prévoir actuellement pour essayer d'éviter de se retrouver dans les crises qu'on a connues dans le passé. Donc, ce n'est pas parfait, mais je pense qu'au niveau du principe nous allons quand même respecter le consensus qui semble s'être dégagé.

Comme j'ai mentionné, M. le Président, nous avons quand même plusieurs questions à soulever, plusieurs interrogations, et nous allons tenter de voir également dans quelle mesure le projet de loi n° 135 répond effectivement aux vrais besoins du milieu et quels sont les limites aussi que le milieu voit à la mise en place de ce Forum. Le ministre nous a promis des consultations particulières sur le sujet, alors on aura l'occasion de discuter avec les personnes du milieu qui vont venir nous dire dans quelle mesure le projet de loi n° 135 répond bien ou moins bien à leurs attentes. Elles pourront possiblement nous faire des recommandations aussi, des modifications. Maintenant que le projet est rendu public, qu'il est connu, ces gens du milieu, soit des donneurs d'ouvrage soit des routiers, auront possiblement des recommandations à nous faire pour améliorer, bonifier le projet de loi. Alors, c'est un peu l'esprit dans lequel on se trouve actuellement par rapport au projet de loi n° 135.

(16 heures)

Alors, au niveau du principe, à cette étape-ci du processus législatif, nous allons approuver le projet de loi n° 135 et nous verrons en cours de route. Si c'est nécessaire, nous serons toujours prêts à modifier notre position qui est actuellement un appui au projet de loi, mais, tout dépendant des informations qui nous seront apportées par les gens du milieu, des réponses qu'on obtiendra du ministre, on réévaluera en cours de route si on continue à maintenir notre appui ou si on devrait à ce moment-là prendre d'autres positions. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de l'Acadie. Le prochain intervenant sera M. le député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Dans le cadre du projet de loi n° 135, comme on vient de le mentionner, je souhaite apporter quelques commentaires, ma contribution à la compréhension des besoins de ce projet de loi là. On reconnaît – mon collègue de l'Acadie vient de le faire – qu'il y avait un besoin de revoir certaines règles pour sécuriser un secteur de cette industrie. L'industrie du camionnage au Québec joue un rôle très important dans l'économie du Québec, dans le transport de la marchandise et dans le développement de plusieurs industries, pour ne pas dire la plupart de nos industries ici, au Québec, et surtout celles qui sont en développement, qui n'ont pas d'autre moyen de transport développé pour assumer la livraison des produits fabriqués. Donc, ça, c'est une chose qui est acquise. L'industrie du transport joue un rôle très important à tous les niveaux dans la vie économique ici, au Québec, comme dans plusieurs provinces, mais particulièrement au Québec, et la preuve en est faite par l'augmentation justement du trafic par transport depuis plusieurs années, depuis au moins une dizaine d'années, une augmentation marquée et sensible.

Nous avons vécu au Québec des problèmes, certains problèmes qui ont été identifiés tantôt par ceux qui ont pris la parole avant moi mais dont la population en général a eu connaissance, auxquels elle a eu à faire face. Il y a certains secteurs de cette industrie, soit les routiers, par exemple, qui ont vécu des périodes très difficiles, qui vivent encore des périodes très difficiles, soit aux contrats difficiles à négocier en rapport avec leurs coûts d'opération et plus récemment l'augmentation du prix de l'essence.

M. le Président, ma réaction à ce moment-ci: Pourquoi devons-nous légiférer? Je pense que le ministre l'a exposé, mon collègue de l'Acadie l'a aussi exposé, c'est d'essayer de trouver des solutions pour un certain nombre, un pourcentage assez élevé de camionneurs au Québec, de routiers, de donneurs d'ouvrage, dans certains cas, et d'assumer une certaine régularité dans le service du transport de marchandises: de marchandises périssables, d'une part, et de marchandises essentielles pour plusieurs régions au Québec. On se rappelle, à un moment donné, il y a quelques mois, l'arrêt de livraison de produits nécessaires pour plusieurs régions, et ça avait failli... Je félicite à ce moment-ci les représentants du secteur du transport, à un moment donné, d'avoir compris que bloquer les routes trop longtemps pouvait poser des problèmes à des gens qui en étaient les victimes innocentes, devrais-je dire, et qu'il n'y avait aucun moyen pour les aider à régler leurs problèmes. C'était plutôt à des niveaux plus hauts, soit aux représentants du gouvernement ou aux associations elles-mêmes, à faire des propositions.

Dans le projet de loi, M. le Président, on doit déjà reconnaître que la formation d'un forum pourrait être, dépendamment de quelle façon il va recevoir un mandat très clair, de quelle façon il va être formé, une solution pour apporter une concertation dans le domaine du transport, on doit le reconnaître, demander une caution aux intermédiaires de transport, ce qu'on appelle communément en langage connu les «brokers en transport», ceux qui donnent à partir d'un bureau et qui font le lien entre le producteur, le manufacturier qui a de la marchandise à livrer et le camionneur qui est disponible pour faire le travail. Ces gens-là font le lien, et il y a peut-être lieu de sécuriser le camionneur propriétaire d'un seul camion pour s'assurer qu'il va recevoir le paiement des services qu'il a donnés dans les meilleurs délais, de la façon la plus assidue, la plus régulière possible. Donc, ça, c'est des points, je pense, qui sont importants, et on se doit de reconnaître que le projet de loi, tel que présenté, après que le ministre aura répondu en commission parlementaire à un certain nombre de questions, va pouvoir sécuriser l'opposition et plusieurs transporteurs qui sont aujourd'hui à se questionner.

L'autre partie de mon intervention, M. le Président, est à savoir: Pourquoi on doit, au Québec, aussi souvent légiférer? J'ai mentionné déjà dans cette Chambre, ici, et je l'ai mentionné brièvement au début de mon intervention, que c'est un secteur de l'industrie avec lequel je suis assez familier, et nous sommes encore à nous demander pourquoi, au Québec, comme je vous le mentionnais, on doit aussi fréquemment légiférer dans ce secteur de l'économie. Il y a une certaine mise en garde qu'on doit tous se faire, et on va devoir, je pense, essayer d'avoir des réponses à ces questions, dans des situations spécifiques, de quelle façon, avec l'application de ce projet de loi, nous allons pouvoir, au Québec, être reconnus comme transporteurs extraprovinciaux ou transporteurs internationaux dans d'autres régions, en Amérique du Nord, et de quelle façon nous allons pouvoir accueillir des transporteurs d'une autre région. J'y reviendrai, au niveau de ce questionnement.

Dans le projet de loi, on parle des nouveaux routiers. M. le Président, je porte à votre attention le fait qu'on va reconnaître les routiers actuels, que la Commission des transports va reconnaître sur une liste, et qu'on va les identifier comme des gens qui ont des droits acquis, reconnus comme camionneurs, routiers, interpellés dans le cadre de cette loi. Et il y a une réglementation, ou une disposition particulière, qui est prévue pour les nouveaux routiers. À mon avis, ça s'appelle réglementer pour faire en sorte qu'il y ait un contingentement au niveau du nombre de camionneurs au Québec, et ça, il y a une mise en garde à se faire, comme je vous disais, d'une part parce que les camionneurs du Québec qui parcourent toute l'Amérique du Nord... Si on n'est pas en mesure de démontrer, au Québec, que nous sommes en mesure d'accueillir des camionneurs d'autres provinces et d'autres États américains dans des conditions déréglementées à un certain niveau comme on le connaît aujourd'hui, les camionneurs québécois devront répondre à l'occasion de vérifications dans d'autres régions de l'Amérique du Nord, et c'est cette partie-là qui m'inquiète. On va devoir vraiment s'arrêter et approfondir les conséquences qu'elle pourrait avoir pour des camionneurs du Québec qui circulent en dehors du Québec, qu'ils n'aient pas à répondre à des privilèges que nous nous sommes donnés ici, au Québec.

Quand je dis «des privilèges», je reviens à l'article auquel j'ai fait allusion tantôt où il y aura un contrôle beaucoup plus sévère pour les nouveaux camionneurs qui veulent joindre l'industrie du camionnage. Ça, M. le Président, je pense que ça s'appelle – et je me répète carrément, et on devra nous faire la démonstration du contraire – de la réglementation dans l'industrie du camionnage.

(16 h 10)

Un autre questionnement – je pense que mon collègue de l'Acadie l'a abordé aussi – la formation et le mandat du Forum. On a reconnu tantôt que la structure, un forum où les gens pouvaient se parler, se concerter et essayer de régler les problèmes qu'ont connus les camionneurs dans le passé, c'était probablement une solution à condition que la formation et le mandat que cette structure-là va avoir soient définis de façon très claire. Il est très clair, M. le Président – on le voit déjà aujourd'hui – que, dans le projet de loi, il est prévu que le président de cette formation-là va être un mandataire du gouvernement, ou un fonctionnaire du gouvernement, ou un représentant du ministère des Transports, de la Commission des transports, pour ne pas dire un représentant du ministre des Transports. Donc, il va avoir un rôle à jouer très important. Et de quelle façon ce haut fonctionnaire, qui sera connu sous le nom de président du forum du camionnage au Québec, il va pouvoir continuer à vraiment remplir le mandat qui lui aura été donné dans les circonstances qu'on souhaite, c'est-à-dire pouvoir concerter le secteur du camionnage, s'assurer qu'il y a suffisamment d'équité pour tous les groupes représentés?

Tantôt, M. le Président, je dois l'admettre, j'avais à écouter M. le ministre. J'avais retenu que le ministre exigerait, quand il y aurait au moins 40 % des camionneurs, une cotisation. On vient de me confirmer que j'avais eu une mauvaise compréhension de la représentante de M. le ministre, c'est vraiment 50 %. O.K. On reconnaît que c'est 50 % d'un groupe de camionneurs qui sont déjà membres d'une association. Si 50 % – une majorité – plus un souhaitent qu'il y ait une cotisation à payer, ils devront se conformer. La majorité devra se conformer, et tous les nouveaux membres.

M. le ministre, je porte à votre attention aussi que ces camionneurs paient déjà des cotisations à un niveau qu'ils se sont donné. Évidemment, il va falloir clarifier cette partie-là aussi. Est-ce qu'ils vont devoir continuer à payer une cotisation au niveau qu'ils se sont donné, payer une autre cotisation à la table du Forum et toutes les cotisations, tous les frais – pas nécessairement des cotisations – que la Commission et le ministère des Transports chargent à titre d'administration des dossiers, plus tous les frais que les camionneurs ont à payer? Donc, il va falloir s'assurer que la charge du camionnage au Québec n'augmente pas de façon sensible, dû à cette... On reconnaît que la table, le Forum, cette table-là pourrait régler bien des problèmes qu'on connaît, pourrait jouer un rôle important, mais, M. le Président, s'il faut qu'on ajoute une charge fiscale ou une charge, comme je dirais, administrative aux camionneurs qui pourrait être considérée trop élevée dans le cas de ceux qui ne sont pas en mesure de faire un chiffre d'affaires ou un chiffre de transport annuel aussi important que bien d'autres...

Donc, c'est toutes des questions qu'on va devoir se poser, et ça va être des questions au bénéfice de l'industrie du camionnage. Ce n'est pas des questions pour essayer de voir qu'est-ce qu'il y a en dessous du projet du ministre, et du ministère des Transports, et de la Commission, c'est surtout des questions qui vont être posées pour clarifier, pour une meilleure compréhension de tous ceux et celles qui font partie de cette industrie.

Donc, je pense, M. le Président, que je m'arrêterai à ce moment-ci pour revenir en commission parlementaire avec nos collègues de l'opposition en collaboration avec le ministre et tenter de clarifier ce que je viens de vous mentionner comme questionnement au niveau du projet de loi n° 135 qui s'appelle justement un projet de loi modifiant la Loi sur les transports – comme titre, ça peut paraître très simple – mais qui vient régulariser, concerter et régler certains problèmes dans le transport. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Montmagny-L'Islet. Il n'y a pas d'autres intervenants? Peut-être M. le ministre pour quelques mots de réplique? M. le ministre.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Oui. M. le Président, je pense qu'on s'entendra ensemble pour voir quels sont les groupes qu'on pourrait inviter, parce que j'ai effectivement accepté de faire ce qu'on appelle des consultations spécifiques, particulières. Donc, on se rencontrera dans les prochains jours pour définir cela et on clarifiera les questions qui ont été soulevées. Je pense qu'elles sont d'intérêt général. On sait qu'est-ce qui s'est passé dans ce dossier et on a un objectif, c'est d'essayer de rendre service à ces gens-là. Donc, avec leur présence, on verra à clarifier certains points qui sont soulevés présentement, et je suis heureux de voir qu'on aborde ce dossier-là de façon constructive des deux côtés de la Chambre.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Le principe du projet de loi n° 135, Loi modifiant la Loi sur les transports, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Avant de poursuivre, excusez-moi, M. le leader du gouvernement, j'ai quelques bonnes nouvelles.

Une voix: ...le référer en commission d'abord.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah oui, c'est vrai. Oui, nous allons procéder à ça. On aurait pu y revenir, mais aussi bien de faire ça tout de suite – ha, ha, ha! – je peux l'oublier.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté? Très bien. Alors, j'ai à vous annoncer la tenue de débats de fin de séance, le premier débat à la demande du député de Marquette. La question sera adressée à la ministre de la Justice concernant le refus par la SAAQ d'aller en conciliation dans les causes prévues devant le TAQ. Le deuxième débat de séance, à la demande du député de l'Acadie. Le député de l'Acadie interrogera le ministre des Transports concernant les raisons qui motivent la SAAQ à refuser le processus de conciliation prévu pour les causes devant la TAQ. Et le troisième débat de fin de séance, à la demande du député de Vaudreuil. Celui-ci interrogera la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la pénurie d'infirmières pour cet été. Alors, M. le leader du gouvernement, pour la suite de l'ordre du jour.

M. Brassard: Alors, je vous réfère maintenant, M. le Président, à l'article 22 du feuilleton.


Projet de loi n° 130


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 22 du feuilleton, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 130, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le transport par taxi. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 130, qui est intitulé Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le transport par taxi, vise dans un premier temps à apporter un correctif, d'abord une correction de la version anglaise de l'article 344 du Code. Vous vous rappellerez, il y a à peine quelques semaines, on avait eu une infraction devant les tribunaux, et il y a eu un jugement qui relatait une transcription anglaise différente de la version française. Donc, ce projet de loi vient corriger le texte anglais de l'article 344 du Code de la sécurité routière de manière à éliminer une erreur de traduction, comme je le disais tantôt. On se souviendra donc de cette coquille qui a récemment servi à la base d'une contestation devant les tribunaux d'une contravention donnée en infraction au Code de la sécurité routière. Nous désirons éviter que d'autres personnes n'invoquent cette même ambiguïté pour mettre la sécurité des autres usagers de la route en péril. La modification proposée ne laissera désormais aucun doute quant à l'intention première du législateur qui était de limiter le dépassement d'un véhicule sur une ligne continue à un ensemble de conditions biens spécifiques. Le seul langage qui prévaudra sera donc celui de la sécurité.

Le virage à droite sur feu rouge, maintenant. M. le Président, dans un autre ordre d'idées, ce projet de loi, donc, fait suite aux travaux de la commission parlementaire sur le contenu du livre vert intitulé La sécurité routière: un défi collectif . Il propose de modifier l'article 359.1 du Code de la sécurité routière de manière à permettre le virage à droite sur un feu rouge dans certaines municipalités désignées par arrêté publié dans la Gazette officielle du Québec . Parmi les arguments invoqués en faveur du virage à droite sur feu rouge lors de la commission parlementaire, j'ai été particulièrement sensible à la volonté d'harmonisation du Code de la sécurité routière québécois avec les pratiques nord-américaines.

Les démarches envisagées sont les suivantes: tout d'abord, mettre en place quatre projets-pilotes dans des endroits bien déterminés, et ça, on pourrait même en discuter lors de l'étude article par article, voir les suggestions qui peuvent venir autant d'un bord que de l'autre de la Chambre, et peut-être même de groupes, des milieux; procéder, deuxièmement, à l'élaboration d'un guide contenant des critères permettant de définir les intersections où le virage à droite devrait être interdit; veiller au perfectionnement d'une signalisation routière intelligente afin de rendre les déplacements encore plus sécuritaires; et assurer le maintien et l'intensification des mesures de protection dans les zones à risque, telles les zones scolaires.

(16 h 20)

On comprendra, M. le Président, que la modification proposée à l'article 359.1 du Code de la sécurité routière ne concerne que la première de ces orientations, puisque les trois autres relèvent du domaine administratif ou réglementaire. Je crois nécessaire cependant de rappeler que ces projets-pilotes sont d'une durée prévue d'un an et ne toucheront que certaines municipalités qui seront désignées ultérieurement, et après concertation avec les autorités locales, bien entendu. Il se peut qu'on ait des propositions pour des sous-régions complètes ou bien pour une région, et ça, je suis prêt à le discuter parce que déjà un député de l'opposition m'a fait valoir un point de vue là-dessus. Une évaluation du projet suivra par la suite. Nous déciderons alors s'il y a lieu d'étendre le virage à droite sur un feu rouge avec interdictions spécifiques à l'ensemble du territoire québécois.

Le projet de loi n° 130 introduit une autre modification au Code de la sécurité routière qui concerne, cette fois, l'occupation illégale de la chaussée et des accotements d'un chemin public. Parmi ces changements proposés, M. le Président, le projet de loi prévoit que les libellés de certains articles actuels du Code seront modifiés. De même, de nouveaux articles introduisent des dispositions en vue de décourager toute action concertée destinée à entraver la libre circulation des véhicules routiers. Je tiens à préciser que les modifications du Code de la sécurité routière n'ont pas pour but d'empêcher les manifestations et les défilés préalablement autorisés. Il s'agit essentiellement d'empêcher que la population ne soit prise en otage par des groupes d'intérêts. Or, le meilleur moyen d'assurer la libre circulation des personnes et des marchandises consiste à interdire toute occupation non autorisée de la chaussée et des accotements d'un chemin public.

Pour y parvenir, il nous apparaît justifié d'utiliser un moyen fortement dissuasif. Ainsi, nous proposons de hausser le montant des amendes imposées aux contrevenants et de permettre aux agents de la paix de procéder à la saisie et à la confiscation des biens ayant servi à l'occupation. Donc, selon les mesures proposées, M. le Président, toute personne contrevenant aux dispositions législatives sans y être autorisée légalement se verra imposer une amende de 300 $ à 600 $ et, en cas de récidive, de 3 000 $ à 6 000 $. Et, s'il est démontré que cette personne a participé à la planification ou à l'organisation de la manifestation, l'amende serait alors de 3 000 $ à 9 000 $ et, en cas de récidive, de 9 000 $ à 27 000 $.

Vous me direz sans doute: C'est gros, c'est grave, mais l'approvisionnement d'une population de toute une région, c'est grand et c'est grave et on ne peut jouer avec ça. Donc, c'est les raisons pour lesquelles, oui, il y a du sérieux, oui, il y a du poids au niveau de la coercition, oui, mais c'est pour un objectif bien précis. Ce n'est pas d'empêcher les manifs autorisées, les manifs qui ont obtenu des autorisations préalables, c'est véritablement pour contrer des actions concertées qui mettent en jeu possiblement même l'alimentation de toute une région ou encore une économie régionale qui pourrait être fortement affectée comme ce fut le cas, par exemple – je regarde mon adjoint parlementaire – dans la région de l'Abitibi lors de certaines manifestations.

Enfin, le projet de loi n° 130 propose de modifier la Loi sur le transport par taxi de manière à permettre l'indemnisation d'un conducteur bénévole dans le cadre d'une initiative de bienfaisance soutenue par un organisme humanitaire reconnu à certaines conditions. Actuellement, l'indemnisation totale versée pour un tel transport ne doit constituer qu'une contribution aux frais d'utilisation d'une automobile et ne doit pas excéder le maximum fixé par la Commission des transports du Québec. Eh bien, rappelons que, dès son adoption en 1983, la loi reconnaissait le travail effectué par les bénévoles en déréglementant ce type de services. En 1996, la CTQ a établi à 0,24 $ par kilomètre le maximum de frais d'utilisation d'une automobile dans le cadre du transport bénévole. En 1997, ce montant a été augmenté à 0,29 $ le kilomètre. Le virage ambulatoire et les restrictions budgétaires ont cependant augmenté la demande pour ce type de services. Or, l'industrie du taxi y voit une concurrence déloyale et voudrait que les frais soient les plus bas possible. De plus, il y a eu des cas où les bénévoles profitaient de la situation pour offrir leurs services directement à des personnes en dehors du cadre de l'organisme humanitaire.

La fixation à la hausse des frais d'utilisation par la Commission des transports a entraîné des effets indésirables dans certaines régions du Québec pour une clientèle aux moyens limités. On se rappellera qu'à l'automne 1999 la commission parlementaire sur le projet de réforme du transport par taxi a reçu 83 mémoires et entendu 53 groupes ou personnes dont plusieurs ont abordé la question du transport bénévole. En raison du manque d'encadrement, le transport bénévole a été identifié comme une des causes du déclin de l'industrie du taxi dans plusieurs régions. Les transporteurs bénévoles devront désormais oeuvrer pour des organismes reconnus par le ministère de la Santé et des Services sociaux, reconnaissance que la plupart de ces organismes ont déjà. Les organismes devront accréditer les bénévoles et consigner dans un registre les transports qu'ils organisent. La fixation des frais d'utilisation par la CTQ sera remplacée par une contribution aux frais d'utilisation d'un véhicule, comme c'est le cas pour le covoiturage. Les modifications suggérées à la Loi sur le transport par taxi respectent les propositions mises de l'avant dans le livre vert publié l'an dernier.

Ici, je me permets de faire une digression à mon texte pour bien expliquer que la Fédération des organismes bénévoles est venue nous dire que, elle aussi, elle était en faveur de déréglementer la tarification de la Commission des transports pour les taxis ou les soutiens bénévoles. Écoutez, faire du bénévolat, c'est d'offrir spontanément tes services. Faire du bénévolat, c'est de peut-être ne pas avoir les moyens de payer ta gazoline. Mais ce n'est pas par décret qu'on fait du bénévolat, ce n'est pas par législation qu'on fait du bénévolat. On fait du bénévolat parce qu'on a le goût d'en faire, parce qu'on a le goût d'aider. Mais on peut exiger, par exemple, le paiement de l'essence, on peut être indemnisé pour les frais réels. Mais c'était rendu à 0,29 $ le kilomètre, décidé par la Commission des transports du Québec, et ça constituait quasi une règle où il y aurait eu des poursuites potentielles. Minute! ce n'est pas ça, l'esprit du bénévolat.

Faire du bénévolat, c'est donner de soi dans la capacité, avec les moyens que tu as. Mais ce n'est sûrement pas en arrivant avec un décret de la Commission des transports du Québec qu'on va susciter du bénévolat spontané. Moi, je ne crois pas à ça, et la Commission des transports du Québec se voit donc enlever à toutes fins pratiques le pouvoir de décréter la tarification pour le kilométrage dans ce type de transport. Donc, une personne ne pourra, sous le couvert du bénévolat, offrir des services de transport illégaux. Ça deviendra illégal, justement. On pourra mieux mesurer les effets des transports autorisés et on permettra de donner à la clientèle des services qui répondent adéquatement aux nombreux besoins.

Donc, M. le Président, vous aurez remarqué que, dans cette loi, il manque quand même des pièces, des morceaux que je croyais pouvoir mettre, par exemple les patins à roues alignées. Ça va être peut-être en amendement, si jamais c'est prêt, ou dans un autre projet de loi, mais je trouve que, ces points-là étant prêts, il s'agit de passer à l'action et de pouvoir avancer, de progresser dans des dossiers qui, je l'espère, feront l'unanimité. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Transports. Alors, nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en matière de transports, M. le député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je veux intervenir dans le cadre du projet de loi n° 130 que vient de nous présenter le ministre, qui s'intitule Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le transport par taxi. Tout d'abord, juste résumer rapidement le contenu du projet de loi. Il y a trois objets principaux: permettre le virage à droite sur feu rouge dans les municipalités qui seront désignées par le ministre des Transports, introduire de nouvelles mesures en matière d'entrave à la circulation – alors, ces deux premières mesures, je vous signale, affectent le Code de la sécurité routière – et le troisième objet concerne la Loi sur le transport par taxi qui est modifiée afin de préciser qu'elle ne s'applique pas au transport effectué par un conducteur bénévole oeuvrant pour un organisme humanitaire reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux aux conditions que la loi détermine. Alors, il s'agit d'un troisième objet qui n'est pas relié, d'aucune façon, au Code de la sécurité routière comme c'est le cas pour les deux premiers objets mais à une tout autre réalité qui est celle de la Loi sur le transport par taxi.

(16 h 30)

Alors, M. le Président, je vais reprendre les articles principaux pour essayer d'en faire ressortir les éléments essentiels. D'abord, la question du virage à droite. Comme l'a mentionné le ministre, c'est un sujet qui a été largement débattu l'automne dernier lors d'une consultation sur la sécurité routière, et je pense que cette question-là a été abordée par de nombreuses personnes qui ont présenté des mémoires. Et voilà que le ministre nous apporte sa réponse, la réponse à la discussion que nous avions eue.

Et, essentiellement, si on regarde l'article 2 du projet de loi, on dit: «Malgré l'article 359 – qui interdit essentiellement les virages à droite – et à moins d'une signalisation contraire ou de feux de piétons, le conducteur d'un véhicule routier, dans une municipalité désignée par arrêté publié à la Gazette officielle par le ministre, peut face à un feu rouge effectuer un virage à droite après avoir immobilisé son véhicule avant le passage pour piétons ou la ligne d'arrêt ou, s'il n'y en a pas, avant la ligne latérale de la chaussée sur laquelle il veut s'engager et après avoir cédé le passage aux véhicules routiers, aux cyclistes et aux piétons déjà engagés dans l'intersection.»

Je pense que c'est important, M. le Président, de relire l'article en question parce que ça réfère à beaucoup d'interrogations ou de craintes qui ont été manifestées par les gens qui sont venus en commission. Vous savez, dans toute la question du virage à droite, quand il y a des réticences, c'est des questions de sécurité qui sont en cause. On craint pour la sécurité des piétons, des personnes handicapées, des cyclistes. Et ce qu'il ne faut surtout pas oublier, c'est qu'un virage à droite se fait après un arrêt. Et c'est la même chose actuellement: on arrive à une intersection où il n'y a pas de feux de circulation, les personnes doivent faire un arrêt aussi avant de s'engager vers la droite.

Donc, c'est quand même une réalité qu'on vit sur la très grande majorité des intersections au Québec. Et on peut certainement en conclure que les conducteurs québécois n'ont pas été moins disciplinés ou plus aventureux que n'importe quels autres conducteurs à travers l'Amérique du Nord. Les gens arrêtent, font leur arrêt, vérifient, regardent et s'enlignent ensuite vers la direction droite. Alors, quand on parle d'un virage à droite, c'est un virage à droite, mais après avoir fait un arrêt. Et, dans le cas d'un feu rouge, bien, c'est évidemment le cas. On n'arrive pas sur un feu rouge pour glisser immédiatement, sans aucun arrêt, vers la droite. Les gens ont l'obligation d'arrêter. Alors, M. le Président, c'est l'essentiel du projet de loi.

Maintenant, ce que le ministre nous dit, c'est qu'il va faire ça dans des municipalités qu'il va désigner. Il nous a parlé tout à l'heure de quatre municipalités, qui seront déterminées ultérieurement. La position du ministre, je dois vous avouer, M. le Président, qu'elle nous surprend un peu. En commission parlementaire, je pense que c'était clair qu'il y avait des craintes d'émises, mais que globalement les citoyens du Québec étaient prêts pour qu'on règle cette question-là une fois pour toutes et pour qu'on permette à l'ensemble du Québec le virage à droite sur feu rouge.

Encore ici, M. le Président, je veux signaler un autre élément important qui est ressorti des discussions que nous avons eues à ce sujet-là, c'est que, quand on parle d'un virage à droite au feu rouge, ça ne veut pas dire que, dans une ville comme Montréal, Québec, Sherbrooke ou Trois-Rivières, ça va exister à toutes les intersections. Les municipalités ont toujours la liberté de déterminer – et le pouvoir de le faire – qu'une intersection ou une autre représente un danger potentiel pour les piétons, compte tenu de toute une série de facteurs, et elles vont l'empêcher à ce niveau-là en indiquant clairement que ce n'est pas permis, comme ça se fait en Ontario sur certaines intersections ou dans d'autres pays. On indique à ce moment-là que c'est généralement permis, mais là, pour des raisons x, y, z, la municipalité indique clairement que ce n'est pas permis à cette intersection-là.

Alors, quand on parle du virage à droite, c'est tout ça qu'il faut prendre en considération, c'est-à-dire que la municipalité a le pouvoir de restreindre à certaines intersections cette alternative et également l'obligation, par une campagne de sensibilisation, de rappeler aux gens que, un virage à droite, ça se fait après avoir fait un arrêt et avoir donné priorité aux piétons, aux cyclistes, aux personnes handicapées. Et, je pense, M. le Président, quand les gens de la région de Hull vont du côté de l'Outaouais, qu'ils ne sont pas plus dangereux que les gens de l'Outaouais qui vivent de ce côté-là, et ça existe comme ça depuis quand même plusieurs années.

Et, quand je vous dis, M. le Président, que notre impression, c'était que les gens du Québec, malgré certaines réticences justifiées, mais qu'on peut, je pense, atténuer en expliquant par une campagne de sensibilisation des citoyens, ces craintes-là... Nous, on avait perçu que la population était prête globalement pour ce changement-là. Là, on arrive avec une autre étape intermédiaire qui a ses avantages mais qui a ses inconvénients.

Et je veux juste vous signaler, M. le Président, que, dans un communiqué émis par le ministère des Transports au moment où le ministre a déposé les trois projets de loi, dont celui dont on traite aujourd'hui, dans ce communiqué, qui a été émis le 11 mai, on parle du virage à droite sur feu rouge, et le ministère nous dit: «Lors de la commission parlementaire sur la sécurité routière, une majorité de participants se sont prononcés en faveur du virage à droite sur feu rouge.» Et on a eu également, M. le Président, dans le livre qui a servi à la consultation sur la sécurité routière au Québec, des éléments qui démontraient qu'au-delà de 65 % de la population, dans des sondages, était favorable au virage à droite sur feu rouge. Alors, on est un peu surpris de voir que le ministre arrive avec des projets-pilotes dans quatre régions.

Je veux juste rappeler – puis c'est peut-être important de le faire ici parce que c'est quand même un sujet qui alimente les discussions au Québec depuis 1970, la question du virage à droite sur feu rouge – mentionner quand même certaines réalités. Et, pour ceux de mes collègues qui sont ici et qui n'ont pas participé parce qu'ils n'étaient pas membres de la commission des transports et de l'environnement, c'est toutes les provinces canadiennes et l'ensemble des États américains qui ont approuvé depuis de nombreuses années le virage à droite sur feu rouge, excepté la ville de New York. Mais, sur l'ensemble du territoire nord-américain, ça existe.

Pourquoi ça ne pourrait pas fonctionner au Québec? Pourquoi les Québécois seraient plus indisciplinés que d'autres ailleurs? Et je dois vous dire, pour être allé dans certaines régions, que les Québécois sont très disciplinés. Dans certaines régions, quand un piéton se pointe pour traverser un passage qui est déterminé, les automobilistes arrêtent parce qu'ils ont été éduqués, ils ont été sensibilisés à ça, et c'est la même chose au niveau du virage à droite. Alors, M. le Président, on est les seuls en Amérique du Nord où ce n'est pas possible. Il y a quand même quelque chose là qui est un peu aberrant. Alors, c'est un premier problème.

Il y a des arguments, M. le Président, qui ont été apportés en commission parlementaire. On nous dit: Oui, mais ce n'est pas nécessaire. Parce que, vous savez, pourquoi on parle de ça? Il y a toutes sortes de raisons, puis c'est des raisons qui ont été prises en compte à l'extérieur, aux États-Unis ou dans d'autres provinces canadiennes. Il y a une question d'économie d'énergie, il y a une question de sauver du temps. Et on sait qu'une automobile qui prend plus de temps que nécessaire, qui roule dans la circulation pour rien, c'est de la pollution et ça ne favorise pas le respect des ententes de Kyoto qui ont été signées par le gouvernement canadien et auxquelles le gouvernement du Québec est également assujetti. C'est un premier point, M. le Président.

Deuxième point, c'est que, si on accélère la circulation d'une façon raisonnable, c'est l'ensemble des citoyens qui sont en arrière, qui attendent dans les bouchons, qui vont en être les bénéficiaires. Au coin des rues, M. le Président – c'est paru évident, ça, au moment de la consultation – quand on a des autos qui sont arrêtées sur le coin de la rue et qui veulent tourner à droite, mais qui sont arrêtées parce que le feu est rouge, bien, si ces gens-là avaient la possibilité de tourner, l'autobus qui attend peut-être 100 pieds plus loin ou 50 pieds plus loin aurait la chance d'arriver au coin de la rue et d'embarquer plus rapidement les citoyens qui sont sur le coin de la rue, qui attendent, puis souvent dans des conditions atmosphériques, au Québec, qui ne sont pas toujours favorables.

(16 h 40)

Alors, il y a tous ces éléments-là, M. le Président, qu'il faut prendre en compte et il y a également l'harmonisation. L'harmonisation, au fond, des règles qui existent au Québec avec ce qui se fait partout en Amérique du Nord. Il y a des touristes qui viennent ici qui sont un peu surpris, et ça risque d'amener de la confusion et d'être peut-être possiblement dangereux. Parce que les gens, pas par mauvaise volonté, ils arrivent ici, ils sont habitués à fonctionner d'une certaine façon dans leur pays ou dans leur province et peuvent poser des gestes, parfois, qui peuvent s'avérer... Alors, je pense que la question de l'harmonisation est aussi un élément qui est important, et on sait qu'à ce niveau-là la circulation qui vient maintenant des États-Unis ou qui vient d'autres provinces canadiennes est en croissance continue. Alors, il y aurait certainement avantage à harmoniser nos règles.

En commission parlementaire, M. le Président, les gens nous ont dit: Oui, mais il y a d'autres solutions à ça: les îlots. Vous savez, un îlot déviateur, quand on arrive au coin de quatre voies, à un croisement de routes, il y a un embranchement qui permet à un conducteur de l'utiliser, de glisser et d'avoir un signe «cédez». Il doit surveiller si quelqu'un qui est sur sa lumière verte en sens opposé est sur la voie, mais après ça il peut glisser puis continuer. Alors, on a fait ça, M. le Président, des îlots déviateurs, à plusieurs endroits, notamment dans la région québécoise de l'Outaouais. On en a fait beaucoup, puis ça coûte énormément cher, et ce qui s'est avéré, c'est que, loin d'être un avantage, c'était excessivement compliqué pour les personnes âgées et les handicapés.

Il faut réaliser que, quand on met un embranchement, une déviation, la personne qui veut traverser, elle va avoir trois rues à traverser. Elle doit d'abord descendre du trottoir et traverser l'embranchement de déviation, embarquer sur l'îlot qui est là, débarquer de là et traverser la rue, monter sur l'autre îlot de l'autre côté de la rue, redescendre et traverser la voie d'embranchement et enfin accéder au trottoir de l'autre côté complètement. Alors, imaginez le travail que ça représente et les difficultés que ça représente pour des personnes handicapées et des personnes âgées. Et on sait qu'au Québec la population, la moyenne d'âge augmente très rapidement, et les gens, sans être handicapés, ont des difficultés de mobilité.

Donc, c'est excessivement compliqué, et les gens l'ont très bien perçu. Je dois vous dire – et ça nous a été mentionné en commission – que les gens de la région de l'Outaouais dont je parlais les enlèvent actuellement, les îlots déviateurs, parce qu'il y a plus d'inconvénients que d'avantages. On a payé pour faire ça et maintenant on les défait. Alors, c'est une solution, je pense, qui ne s'est pas avérée très, très fructueuse.

Maintenant, quand on parle du virage à droite, il faut penser qu'il y a toutes sortes de possibilités. Il y a beaucoup d'émotion autour de ça, mais il faut réaliser qu'actuellement ça existe quand même à plusieurs endroits. Vous arrivez à un croisement de routes où il n'y a pas de lumières, il y a des stops, des arrêts; bien, vous faites l'arrêt puis, après ça, vous tournez, s'il n'y a personne qui vient dans le sens opposé; s'il y a quelqu'un qui vient, bien, il y a une priorité qu'on donne. On le vit, ça, quotidiennement sur l'ensemble du territoire du Québec, ce n'est pas plus dangereux qu'ailleurs. Il existe actuellement au Québec des feux rouges avec des flèches jaunes à l'intérieur, et c'est utilisé. Ça veut dire: Vous arrêtez, vous surveillez, puis vous pouvez vous glisser vers la droite après avoir fait un arrêt. C'est ça, l'esprit du virage à droite sur feu rouge, M. le Président.

Alors, il y a toute une série de possibilités. Il y a des feux clignotants. Les feux clignotants, qu'est-ce que ça veut dire? Bien, vous arrivez à un feu clignotant, vous faites un arrêt, vous regardez, il n'y a pas de circulation, vous repartez. Alors, on le vit. Et il y a comme beaucoup – je vous le mentionnais – d'émotion attachée à cette question-là et beaucoup de sensibilité, mais il faut faire la part des choses et dégager, au fond, peut-être les craintes justifiées et penser qu'on peut réussir à convaincre les citoyens en les informant mieux de cette réalité-là.

Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, je vous le dis, on a été surpris de la proposition du ministre qui fait une étape intermédiaire qui, à notre avis, est inutile. Et, d'ailleurs, je veux juste vous signaler que, dans le livre de consultation sur la sécurité routière, le ministre avait avancé trois hypothèses. En fait, il avait ouvert un débat, il avait avancé trois hypothèses. Une première hypothèse: pas de changement, ce qu'il appelait le statu quo. Bon, c'était une hypothèse.

Deuxième hypothèse, c'était le virage à droite sur feu rouge généralement permis. On le permet partout, excepté que, dans les cas où une municipalité y voit des dangers, etc., il y a possibilité de restreindre en indiquant clairement que, dans ce cas-là, ce n'est pas permis – dans le coeur de la ville de Montréal, de la ville de Québec ou ailleurs – pour des raisons de sécurité. Alors, c'était une deuxième alternative: généralement permis avec des restrictions possibles dans certains cas.

Ou, la troisième possibilité, c'était le virage à droite permis seulement dans des endroits spécifiques. Dans des endroits spécifiques, ça veut dire: à certaines intersections, on va le permettre – ça peut être à certaines heures aussi – alors, on ne le permet pas de façon générale mais, par exception, on va le permettre à certains endroits. C'était ça, les trois hypothèses que le ministre nous a mis sur la table. Il n'a jamais parlé d'une hypothèse où il arriverait avec des projets-pilotes dans quatre régions du Québec. Ce n'était même pas dans les projets. Donc, compte tenu de l'ensemble de ce contexte-là, on est surpris de la proposition que le ministre nous apporte.

Je veux également mentionner qu'il y a des désavantages à procéder comme le ministre veut le faire. On va choisir quatre régions au Québec et on va faire un bilan à la fin de l'année, une évaluation de tout ça avant de décider si on généralise ou non. Bon. D'abord, dans quelle mesure les quatre régions qu'on va choisir représentent bien l'ensemble du Québec et les conclusions qu'on pourra en tirer, au niveau de ces trois régions-là, seront représentatives de la situation québécoise dans son ensemble de façon à ce qu'on justifie une décision, par la suite, de continuer ou d'arrêter et de revenir en arrière? Ce n'est pas évident.

L'autre élément, M. le Président, c'est que, en choisissant quatre zones ou quatre municipalités, on amplifie la confusion. Actuellement, il existe une confusion dans les zones frontalières, dans les zones comme celles de l'Outaouais avec Hull ou les zones près des frontières américaines ou près de la frontière ontarienne. Évidemment, il faut que la personne qui passe de l'autre côté réalise que, là, ce n'est pas les mêmes règles et qu'elle doit se comporter différemment. Mais là, en plus de cette confusion-là, on va ajouter de la confusion un peu partout au Québec parce qu'il y aura quatre municipalités qui seront choisies, et les gens devront savoir que, dans cette municipalité-là, c'est permis, mais pas dans celle d'à côté, puis ça, ça va être vrai dans quatre grandes régions du Québec. Alors, moi, M. le Président, je ne pense pas qu'on facilite la compréhension et qu'on élimine la confusion qui existait déjà dans certaines zones. On l'amplifie tout simplement.

Alors, nous, M. le Président, nous aurions souhaité qu'on fasse le pas de façon définitive et qu'on permette le virage à droite sur feu rouge. La population était prête pour ça, les sondages, la conclusion même du ministre nous dit qu'il a conclu, à la suite de la consultation, que la majorité des partisans s'étaient prononcés pour ça. Alors, évidemment, on ne sera pas contre le fait qu'on l'applique dans certaines régions; on est pour le principe du virage à droite. Alors, c'est un petit peu... On n'est pas pour dire: On va s'objecter définitivement à ce que ça existe dans quatre régions que le ministre va déterminer, mais on aurait souhaité que ça se fasse puis qu'on règle ce dossier-là une fois pour toutes plutôt que de le reprendre dans un an puis avec, encore là, possiblement les mêmes craintes qui vont être véhiculées. Et d'autant plus que les conclusions qu'on pourra tirer des quatre expériences ou des quatre projets-pilotes ne seront pas nécessairement concluantes. Alors, voilà, M. le Président, pour la première partie du projet de loi qui traite du virage à droite.

La deuxième partie du projet de loi concerne les articles 3 à 7, et, comme y a fait référence le ministre tout à l'heure, il s'agit essentiellement de faire en sorte que des blocus comme on en a connus sur les routes du Québec ne puissent pas exister. Je rappelle encore une fois, à ce niveau-là, M. le Président, que nous sommes évidemment d'accord pour qu'on prenne des mesures coercitives pour empêcher ce genre d'événements qui ont eu des effets importants sur l'ensemble du Québec en termes de développement économique, en termes de frustrations pour les citoyens qui n'avaient pas à vivre ce genre de situations là parce qu'un groupe particulier de travailleurs ont des problèmes. Là, on faisait payer à tout le monde au Québec.

Des blocages, on en a vus sur la 20 avec les producteurs agricoles, on en a vus dans la région du Lac-Saint-Jean et de l'Abitibi avec les blocus de routiers et, dans certains cas, c'était même rendu dangereux. Les approvisionnements ne se rendaient plus; il y avait aussi, dans les approvisionnements, du matériel médical qui devait nécessairement être... Alors, à un moment donné, il faut arrêter, là, de jouer avec ces éléments-là qui font payer la population pour des problèmes qui ne sont pas les problèmes de la population en général. Donc, il faut apprendre, M. le Président, à régler nos problèmes d'une autre façon, d'une façon plus civilisée.

(16 h 50)

Et, dans ce sens-là, je pense que le ministre a apporté l'autre projet de loi dont on vient de discuter tout à l'heure, le projet de loi n° 135, qui va créer un forum de donneurs d'ouvrage et de routiers, alors c'est un élément, là, pour dire: Bien, voilà, avec les avantages et les inconvénients, mais voilà quand même une façon de régler nos problèmes où on va s'asseoir, on va en discuter puis on va essayer de trouver des solutions. Mais pas prendre la population des différentes régions du Québec en otage, comme on l'a fait dans le cas. Alors, évidemment, on ne peut pas ne pas être d'accord avec les mesures qui sont annoncées dans le projet de loi. Alors, nous serions portés à appuyer évidemment cette partie-là du projet de loi.

Alors, M. le Président, les trois derniers articles du projet de loi, les articles 8 à 10, traitent d'un autre sujet, dans le sens où ça ne concerne pas la sécurité routière, ça ne modifie pas le Code de sécurité routière, ça va impliquer la Loi sur le transport par taxi, et là ça nous pose certains problèmes. J'ai écouté le ministre tout à l'heure dans sa présentation, et j'ai assisté à la consultation sur le taxi, et effectivement je confirme ce que le ministre nous a dit, que les gens du taxi étaient venus nous sensibiliser au fait que, dans certains cas, c'était peut-être exagéré, abusif et que ça devenait peut-être une compétition un peu déloyale par rapport à leur industrie et au fait qu'eux paient des permis de taxi, doivent faire des rapports au gouvernement, doivent payer des impôts sur les revenus qu'ils récoltent, et, à ce moment-là, bien, ça posait certaines difficultés. Je pense qu'il faut être conscient de ça, les gens nous en ont parlé, on doit avoir une certaine préoccupation d'une recherche d'une meilleure équité.

Par contre, M. le Président, il faut quand même être conscient de l'autre point de vue, et l'autre point de vue, c'est la difficulté qui est vécue par un très grand nombre de citoyens du Québec dans toutes les régions du Québec. Et la difficulté à laquelle je fais référence découle, entre autres, des décisions qu'a prises le gouvernement actuel, je pense, au niveau de la santé et des services sociaux. On a fait des modifications drastiques dans le domaine de la santé, on nous a annoncé des virages ambulatoires, des soins à domicile, toutes sortes de belles choses qui devaient entrer en vigueur avec la fermeture des hôpitaux qui s'est faite, par exemple, dans la région de Montréal.

Et, je le sais pour l'avoir vécu moi-même – je vois le ministre, actuellement, qui était le ministre de la Santé à ce moment-là – l'hôpital de Saint-Laurent, qui était dans mon comté, a été fermé. Alors, ça veut dire que les personnes du comté qui avaient accès à cet hôpital-là doivent se rendre à Sacré-Coeur, et ce n'est pas toutes des personnes qui ont les moyens financiers de se payer des taxis et puis elles n'ont pas toutes, non plus, de la famille pour les véhiculer. On sait aujourd'hui que, dans les familles, les gens travaillent plus, les couples travaillent plus les deux en même temps, donc il y a une certaine disponibilité qui est limitée au niveau des membres de la famille. Alors, le transport bénévole, dans le cas des personnes âgées, qui sont de plus en plus nombreuses, qui ont malheureusement à se déplacer encore beaucoup pour avoir accès à des soins de santé... Et ça, ça découle en bonne partie des virages qu'a fait subir le gouvernement actuel au système de santé, alors ces gens-là vont être affectés par ça.

Il y a également aussi le fait que la population du Québec s'est appauvrie au cours des dernières années et notamment les personnes âgées aussi. On sait que les dernières années ont été difficiles. On a des statistiques qui démontrent clairement qu'il y a eu un appauvrissement plutôt général, au cours des dernières années, de la population du Québec. Donc, le problème du transport bénévole dans ces contextes-là de réforme de la santé et d'appauvrissement de la population revêt un certain caractère important et essentiel pour certaines personnes.

Alors, le ministre nous disait tout à l'heure: On fait du bénévolat parce qu'on le veut et on ne s'attend pas à avoir une rémunération pour faire ça. C'est vrai. C'est vrai que les gens peuvent donner de leur temps. Ça, c'est du bénévolat, M. le Président. Mais est-ce qu'ils doivent payer de leur poche des frais occasionnés par ces services qu'ils rendent volontairement? Bien, je pense qu'il y a une limite, aussi, à un moment donné, qu'il faut réaliser.

Et il faut être bien conscient – tous les députés qui sont ici vont en entendre parler – dans nos régions, tous les organismes communautaires qui utilisent le transport bénévole, à un moment donné, ils vont réagir tout à l'heure puis ils vont venir nous dire les difficultés que ça leur pose. Parce que ça, c'est d'autres réalités. Le monde du taxi, c'est une réalité, oui, dont il faut tenir compte, mais l'autre réalité, je me souviens, pour avoir rencontré récemment des gens des organismes communautaires qui nous disaient que c'est très difficile d'avoir des gens pour faire du transport bénévole et ça va être encore plus difficile à l'avenir...

Donc, il y a un juste milieu à trouver dans tout ça. Et là on nous arrive avec une mesure qu'on veut appliquer partout à travers le Québec. C'est un peu la marque du gouvernement, quand on applique une mesure, on l'applique partout, c'est la même solution qui est bonne pour tout le monde. Mais les réalités ne sont pas les mêmes partout au Québec, et peut-être que ça, on devrait y réfléchir aussi. À Montréal, il existe du transport en commun. Alors, les gens peuvent toujours prendre du transport en commun, il est facile d'accès, il existe, il est là, il existe à un coût abordable. Il existe aussi, à Montréal, pour ceux qui ont le moyen de prendre un taxi à l'occasion, il y a beaucoup de taxis disponibles, il y en a à tous les coins de rue. Alors, ça, c'est une autre réalité.

En région, M. le Président, le transport bénévole, ce n'est pas fort, ça. Ça n'existe pas facilement, et les gens ne peuvent pas dire: Bien, écoutez, si le transport bénévole n'existe plus, je vais prendre... le transport en commun, c'est-à-dire. Si le transport bénévole n'existe plus, je vais prendre le transport en commun, il n'en existe pratiquement pas, de transport en commun, ou les services sont dispensés avec des contraintes et des limites tellement grandes que ça devient très difficile à utiliser. Alors, ces gens-là en région vont faire quoi?

Prendre un taxi en région, ce n'est pas toujours évident parce qu'on a très bien compris, au niveau de la consultation sur l'industrie du taxi, que, dans les régions, il y a un grand nombre de gens qui faisaient du taxi qui ont laissé tomber au cours des dernières années, qui n'ont plus de permis et qui sont sortis du marché. Et il existe de moins en moins de taxis en région, contrairement à Montréal, Québec ou les grands centres. Alors, les taxis ne sont pas toujours facilement accessibles aussi.

Alors, là, M. le Président, on nous dit: Il faut encadrer un peu cette réalité-là. J'en suis, excepté qu'il faut quand même être conscient de ce qu'on fait et voir dans quelle mesure on n'est pas en train de créer certaines erreurs à ce niveau-là, et j'aimerais... en tout cas, on aura l'occasion d'en discuter avec le ministre. Mais est-ce que le ministère de la Santé et des Services sociaux a été consulté dans les changements que veut apporter actuellement le ministre au niveau de la Loi sur le transport par taxi qui affecte directement le transport bénévole?

Ça va être certainement approprié, M. le Président, de demander des consultations particulières sur ce sujet-là. Ça n'a jamais été abordé de front au niveau de la consultation sur l'industrie du taxi, c'est arrivé de façon incidente, dans les mémoires ou dans les représentations des gens de l'industrie du taxi, de nous faire état un peu du problème que posait le transport bénévole dans leur industrie. Mais il faudrait peut-être qu'on pense, avant d'aller plus loin dans le projet de loi, à des consultations particulières qui permettront aux gens du milieu communautaire de faire valoir concrètement les conséquences que ça pourrait avoir auprès des personnes qui sont les bénéficiaires du transport bénévole et qui le sont parce qu'ils n'ont pas les moyens de faire autrement, il faut bien réaliser ça. Ce n'est pas des personnes riches qui utilisent le transport bénévole. Les personnes riches ont le moyen de prendre des taxis ou elles ont d'autres moyens à ce moment-là pour se déplacer.

(17 heures)

Ce qu'il est important de retenir ici – le ministre y a fait référence tout à l'heure, mais je veux quand même revenir là-dessus parce que j'aimerais bien qu'on ait la réaction des personnes qui sont impliquées et qui vont être affectées, dans la Loi actuelle sur le transport par taxi, on dit, quand on parle du transport bénévole: «La rémunération totale pour un tel transport ne constitue qu'une contribution ne pouvant excéder le montant calculé selon le maximum des frais d'utilisation d'une automobile fixé par la Commission des transports.» Ça a été 0,24 $, c'est maintenant 0,29 $ du kilomètre. Ça, c'était le maximum puis ça avait été fixé par la CTQ. Que ce ne soit plus fixé par la CTQ ou par un autre organisme, ça, on peut en discuter, mais il y avait un maximum qui était fixé, qui était un peu la norme ou un barème qui servait de base pour rémunérer le transport bénévole, 0,29 $ du kilomètre.

Dans la loi aussi, actuelle, on dit que «la Commission des transports peut, dans le cadre des règlements, fixer, pour la période et sur les territoires qu'elle indique et selon les facteurs et les critères qu'elle établit, le montant maximum des frais d'utilisation d'une automobile conduite par un conducteur bénévole dans le cadre d'une initiative de bienfaisance soutenue par un organisme humanitaire reconnu». Alors, le montant maximum, M. le Président, auquel on fait référence ici, 0,29 $ du kilomètre, c'était la réalité, c'était ça qui était payé. Ce n'était pas le maximum, c'était devenu la norme. Là, on fait disparaître le pouvoir de la CTQ de fixer ce montant-là, donc la CTQ ne fixera plus de montant pour le transport bénévole.

Et, quand on lit le projet de loi... M. le Président, je vais vous lire l'article 8: «au transport effectué par un conducteur bénévole dans le cadre d'une initiative de bienfaisance soutenue par un organisme humanitaire reconnu par le ministère de la Santé et des Services sociaux, à la condition que ce transport soit consigné dans un registre des courses tenu par cet organisme humanitaire et que la rémunération pour ce transport ne constitue qu'une contribution aux frais d'utilisation d'une automobile.»

Alors, M. le Président, je veux d'abord signaler une première chose. Les organismes bénévoles auront l'obligation... D'abord, ils devront être reconnus. Les organismes qui font le transport bénévole, les organismes humanitaires ou de bienfaisance, devront d'abord être reconnus comme tels par le ministère de la Santé et des Services sociaux. Ce n'est pas un problème en tant que tel.

Deuxièmement, ils devront garder un registre de toutes les courses qu'ils font faire par des transporteurs bénévoles. Alors, ils devront avoir un registre qui sera, je suppose, accessible aux autorités gouvernementales ou à toute personne qui pourrait avoir un besoin justifié... y avoir accès.

Troisièmement, l'autre point, c'est qu'on dit que «la rémunération pour ce transport ne constitue qu'une contribution aux frais d'utilisation d'une automobile». Ce n'est pas mauvais en soi, une contribution aux frais d'utilisation, mais c'est combien? Qui va fixer ça? Comment ça va se fixer? Avant ça, c'était la CTQ. Disons que la CTQ, ce n'est peut-être pas son mandat, de faire ça. Mais qui va fixer ça? Est-ce que ça va être chaque organisme qui va déterminer, lui, la contribution qu'il veut donner? Puis est-ce qu'à la limite la contribution qu'éventuellement les organismes donneraient pourrait excéder ce qui est la situation actuelle de 0,29 $... Il n'y a plus de maximum, ça n'existe plus. Est-ce que ça pourrait excéder le 0,29 $ du kilomètre? Dans les régions, par exemple, où le bénévolat est plus difficile, où il y a moins de personnes, est-ce que les gens vont devoir payer plus cher pour attirer des bénévoles?

Or, M. le Président, cette dimension-là, elle est loin d'être claire, puis elle est cruciale. On sait que l'esprit du ministre... puis la réaction qu'il fait suite à la consultation sur le taxi, c'est de diminuer ce montant-là, puisque les gens du taxi ont dit qu'il y en avait qui leur faisaient une compétition déloyale, c'était payant et ils en faisaient beaucoup, et même qu'il se développait, dans certains cas qui peuvent être peut-être marginaux mais inacceptables, une espèce de transport au noir qui se faisait en dehors du transport qui passait par les organismes qui les commandaient. Mais là on n'a plus de règles. On ne sait pas combien, on ne sait pas qui va les fixer. Est-ce que c'est le ministère de la Santé? Parce que, au bout de la ligne, c'est l'organisme bénévole qui paie une partie de ça dans certains cas, puis, dans d'autres cas, ce sont les personnes elles-mêmes qui paient pour ces transports-là.

Alors, M. le Président, c'est loin d'être clair, et, sur ce point-là, je vous avoue qu'actuellement on va réserver notre position. On a beaucoup d'interrogations. Et on est pour la recherche d'une certaine équité à l'égard des gens qui sont dans l'industrie du taxi, mais on est aussi pour analyser d'une façon très concrète l'effet que ça va avoir auprès d'une population qui a des moyens limités. Et c'est une clientèle qui n'est pas financièrement aisée qui est affectée par cette réalité-là.

Alors, M. le Président, dans ce contexte-là, je vous avoue que le commentaire, moi, que je pourrais faire au ministre à cette étape-ci, c'est peut-être de penser à scinder son projet de loi. De toute façon, on touche à deux réalités totalement différentes – totalement différentes – qui n'ont rien à voir l'une avec l'autre. Je pense que j'ai fait état clairement que, quand on parle des réformes au Code de la sécurité routière, qu'il s'agisse du virage à droite ou des mesures qu'on va mettre en place pour empêcher les blocages sur les routes du Québec, on est d'accord avec ces mesures-là, avec les réserves que j'ai mentionnées.

Dans le cas du virage à droite sur feu rouge, on serait porté à être d'accord avec cette partie-là qui a une unité, qui forme une certaine homogénéité, c'est-à-dire, ça touche au Code de la sécurité routière. Mais l'autre élément qui est dans ce projet de loi là, ça n'a rien à voir avec la sécurité routière et ça soulève plus de réserves. Je pense que, sur ce point-là en particulier, on devra avoir des consultations particulières, notamment avec les organismes communautaires qui font du transport bénévole.

Alors, compte tenu de cette réalité-là, M. le Président, moi, je pense que le ministre devrait scinder, au fond, les deux éléments, ce serait plus clair pour tout le monde, et je pense qu'on serait peut-être plus à l'aise pour avancer dans les étapes ultérieures de l'étude du projet de loi, au niveau de l'étude du projet de loi article par article et éventuellement au niveau de l'adoption en dernière lecture. Je pense que les commentaires aussi qu'on pourra avoir au moment des consultations particulières sur le volet transport bénévole ne devraient pas affecter notre position par rapport aux réformes qu'on veut faire de la sécurité routière. Mais, quand on met les trois ensemble, évidemment ça peut poser des problèmes au niveau des votes éventuels qu'on aurait à prendre.

Alors, M. le Président, je vais conclure là-dessus et je demande sérieusement au ministre de réfléchir à la proposition que je lui fais, de scinder le projet de loi en deux, les deux premiers objets qui traitent du Code de la sécurité dans un projet de loi et les modifications à la Loi sur le transport par taxi dans un autre projet de loi, et là ce sera clair, ce sera beaucoup plus facile pour aborder l'étude du projet de loi.

Alors, M. le Président, j'ai fait part de mes interrogations, on va y revenir au moment de l'étude en commission parlementaire, mais je trouve important quand même à ce moment-ci de faire le tour et d'expliquer clairement les réserves qu'on pouvait avoir et où on se positionnait par rapport aux trois objets principaux du projet de loi n° 130. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Est-ce qu'à ce stade-ci il y a dépôt d'une motion de scission? Non. Alors, nous cédons maintenant la parole au député d'Abitibi-Est. Alors, M. le député d'Abitibi-Est.


M. André Pelletier

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 130, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et – plus particulièrement – la Loi sur le transport par taxi, et autres amendements. Je viens d'écouter avec intérêt le député de l'Acadie qui, au cours de la dernière heure, a touché l'ensemble du projet de loi n° 130 qui a fait aussi l'objet d'une longue commission parlementaire. Le député de l'Acadie, dans ce que j'ai pu comprendre, avait certaines suggestions, mais, dans l'ensemble, j'ai bien l'impression que le critique de l'opposition en matière de transport est d'accord avec le fond du projet de loi n° 130.

(17 h 10)

Maintenant, je dois souligner que, entre autres, j'ai remarqué que, dans une phrase, il a dit une chose et son contraire concernant, entre autres, le virage à droite sur un feu rouge. Il a dit que le ministre devrait aller de l'avant et faire en sorte que ça s'applique tous azimuts à travers tout le Québec, et de ne pas retarder, d'y aller tout de suite, alors que, dans la même phrase, changeant de sujet et touchant la santé, il nous reprochait d'avoir été trop vite dans certains domaines. Ce n'était pas une phrase au début et à la fin de l'heure, c'était les deux phrases dans la même minute.

Je trouve ça un petit peu bizarre parce que ce qui milite le ministre dans cette loi sur le virage à droite à y aller d'une manière prudente, c'est justement la sécurité. On est ici en matière de sécurité routière, et le ministre, comprenant que cette modification de virage à droite est une question historique dans le sens que ça fait longtemps que plusieurs générations sont habituées à poser le même geste, c'est-à-dire, au Québec, ne pas tourner à droite, même si je crois que la plupart des citoyens et des citoyennes du Québec sont favorables à une telle politique...

Il y a plusieurs organismes, en commission parlementaire, qui sont venus nous démontrer – surtout à la ville de Montréal – qu'il y avait certains risques d'accroître le niveau d'accidents parce que notre structure routière, au Québec, n'est pas nécessairement faite pour faire comme l'Ontario et la plupart des États américains, c'est-à-dire virer à droite. Ça ne veut pas dire que ce n'est pas faisable. Mais ça veut dire que, si on le fait trop vite, il peut y avoir des risques. Donc, je pense que le ministre est sage dans sa décision de procéder par projet-pilote, un projet-pilote qui va nous démontrer, dans certaines villes ou dans certaines régions du Québec, comment y aller, à quel rythme, et aussi comment doser l'information aux citoyens, une information collée à ce changement-là.

Donc, je pense que le gouvernement, dans cette matière comme dans d'autres, lorsqu'il est question de sécurité, y va d'une manière prudente, d'une manière réaliste et d'une manière qui marque la démonstration que le gouvernement du Québec procède d'abord par intérêt du public, sachant que peut-être, dans le moment, la population pourrait dire: Allez-y tout de suite, mais, si, dans un an, ça ne marche pas comme on a prévu, à ce moment-là l'opposition et la population pourraient, avec raison, nous taxer d'y être allés trop vite. Et, dans ce sens-là, je suis tout à fait d'accord avec la démarche proposée par le ministre des Transports.

J'aimerais, M. le Président, y aller d'un autre sujet concernant toujours cette loi n° 130 sur la sécurité routière et aborder la question du taxi en général, mais aussi, d'une manière plus spécifique, la question du transport par des bénévoles. On a commencé une commission parlementaire, à l'automne dernier, et il nous est arrivé, en commission parlementaire, des sujets dont on ne s'attendait pas vraiment qu'ils fassent surface comme sujets d'importance, je dirais, majeurs, entre autres le transport par des bénévoles.

Moi, je viens d'une région. Pour chez nous, ça n'avait jamais fait de problème. Mais, rendu ici, en commission parlementaire, je pense qu'on a entendu... pas je pense, on a entendu 83 mémoires avant les Fêtes. Ça a été une longue, longue commission parlementaire, où ce sujet-là est revenu d'une manière presque quotidienne. Comme parlementaire, moi, ça a été une surprise, de découvrir une problématique qui, à première vue, ne semblait pas aussi importante. Puis, en entendant les gens de taxi, on a pu comprendre qu'il y avait là un problème.

Souvent, dans notre vie de tous les jours, il se part des activités, des activités tout à fait correctes la plupart du temps, assez souvent bénévoles. Quelqu'un a une idée. Je pense à Nez rouge. L'idée est bonne. Ça part. Et puis, au fil des ans, tout le monde essaie d'améliorer l'idée, puis, des fois, en l'améliorant, bien, il arrive ce qui est arrivé avec le transport par des bénévoles. Le transport par des bénévoles, ça a parti d'une bonne idée, surtout avec le virage ambulatoire. Il y a quelqu'un qui doit aller à l'hôpital, et le mécanisme des taxis n'était pas adapté à ce genre de problématique. Pour certaines personnes, la difficulté monétaire fait en sorte que tu ne peux pas te prendre un taxi, te faire conduire à l'hôpital, te faire attendre une demi-heure, une heure, et te faire ramener chez toi, puis même chose pour aller à une clinique.

Donc, il s'est développé des services de bénévoles qui, à leur face même, à leur base, c'est tout à fait correct. Il y a un bénévole qui accepte d'aller te conduire à la clinique et puis qui t'attend, il t'attend une demi-heure, des fois ça peut être une heure, ou chez ton médecin, au CLSC, et il te ramène chez toi moyennant... Ça a commencé bénévole, puis, après ça, bien, c'est venu que, bon, si je faisais payer mon gaz, puis là, bien, c'était tout à fait normal. Entre faire payer son carburant et payer une course de taxi, des fois il pouvait y avoir une différence entre 5 $ puis 50 $.

Donc, le citoyen – c'est tout à fait normal – il prend le bon service, la bonne personne bénévole compatissante, patiente, qui l'amène chez son médecin, et puis, en plus d'avoir du bon service, ça coûte juste 5 $ au lieu de 40 $ ou 50 $. Donc, c'est évident que ce service-là s'est développé. Puis je pense que ce service-là s'est développé puis doit demeurer.

Sauf que les organisations de taxis nous ont démontré que cette bonne idée là, de générosité, a bifurqué à des places. On a eu toutes sortes d'exemples, entre autres à des gros HLM à Montréal. Chaque HLM, presque, a son taxi, que je pourrais appeler son taxi en dessous de la table. Ce n'est pas un taxi régulier, c'est un taxi bénévole, qui fait du bénévolat dans le jour, il va reconduire la bonne madame à l'hôpital. Mais la bonne madame le trouve tellement gentil que, le soir, si elle veut aller au théâtre puis que le gars est là, c'est facile de retourner au théâtre avec le même monsieur ou la même madame. Et là, bien, c'est le chauffeur de taxi, lui, si ça se répète des milliers, des milliers et des milliers de fois, qui, en bout de ligne, perd ses affaires. Et aussi il y a une question de sécurité. Les chauffeurs bénévoles, ce n'est pas tout le monde qui a une voiture en ordre, et donc il y a une question de sécurité que, en tant qu'administrateurs publics, je pense, on doit vérifier.

Donc, ce projet de loi là vise à permettre un vrai bénévolat, en respectant les prérogatives des gens qui investissent dans le taxi, puis de trouver une manière de faire en sorte que les organisations de santé, entre autres, puissent sélectionner ou retenir certains bénévoles – ce que je pourrais appeler des vrais – avec certaines mesures de sécurité qui feraient en sorte que tout le monde pourrait avoir son compte.

Donc, d'une commission parlementaire qui voulait aller dans le genre virage à droite ou des mesures de sécurité semblables, on est arrivé sur ce problème de bénévoles. Je pense que c'était rendu loin, là, c'était rendu qu'il se signe des ententes entre hôpitaux, entre CLSC, il se signe des ententes en bonne et due forme chez le notaire. C'est rendu une business, là, ce n'est pas juste du bénévolat. Je pense que les chauffeurs de taxi ont signalé une problématique. Et puis, en même temps, nous autres, je pense qu'il faut préserver la liberté de quelqu'un qui veut faire du bénévolat et qu'il ne se fasse pas arrêter parce qu'il veut faire du bénévolat.

J'aimerais traiter un dernier sujet qui concerne l'occupation de la chaussée et des accotements d'un chemin public. On a vécu, ces dernières années, puis même l'an passé, des problèmes, je dirais, majeurs. Au cours des dernières années, c'est devenu un petit peu comme une mode: n'importe qui qui avait un problème barrait la route. On a vu ça sur la 20 avec les cochons puis on a vu ça dans tous les domaines. Je pense qu'il n'y a pas personne, à quelque part, qui n'a pas essayé de bloquer une route. Dans le nord, chez nous, il y a eu à l'occasion certains autochtones, et puis les Blancs ont vite appris la manière puis ils ont fait la même chose.

(17 h 20)

Il y a eu malheureusement des situations critiques qui nous ont démontré la faiblesse de nos lois puis qu'il fallait faire quelque chose. L'automne passé, vous vous rappelez toute la question des camionneurs. Certains voulaient faire valoir leurs droits, dans certains cas tout à fait corrects, mais, en voulant faire valoir leurs droits, ils ont brimé les droits des autres. Mais pas juste brimé: ils ont mis la santé des gens à risque. Et l'exemple de l'Abitibi est le meilleur. On a une seule route, la 117, pour aller ailleurs au Québec. Si tu bloques cette route-là, bien, tu bloques l'Abitibi. Et, parce que notre loi n'avait pas les dents nécessaires pour faire respecter la loi d'une manière spontanée, il a fallu presquement attendre que la population soit à risque au niveau de la santé.

Et ce n'est pas juste des petits risques, là. J'ai personnellement dû aller me chercher du lait au dépanneur pour un petit-fils, et puis j'arrive au dépanneur puis il n'y a pas de lait. Et le petit-fils, à la dernière minute, je ne sais pas, de deux ans ou de 18 mois, tu ne lui changes pas son lait 3,25 % par du lait en contenant, du lait en canne.

Donc, on était rendu aussi loin que ça, là, après trois, quatre jours, on manquait de lait et de pain. Là, il a fallu, par l'absurde, attendre pratiquement une situation illogique pour démontrer au juge qu'il y avait matière à danger public, et là le gouvernement a eu une injonction pour arrêter ce blocage de route là. Et le projet de loi vient faire en sorte que: Vous voulez faire une manifestation, démontrer quelque chose? Oui, c'est permis dans notre société, il y a des manières de faire, mais, dans l'avenir, ça ne sera pas en bloquant les routes et en mettant des centaines et des milliers... Chez nous, c'étaient 160 000 personnes dont la santé était mise à risque d'une manière très importante.

Donc, ce projet de loi là vient tout simplement donner des pouvoirs, aux policiers, entres autres, pour agir d'une manière spontanée pour régler un problème. Je pense, là, que tout le monde y a son compte, je pense que tous ceux qui veulent faire des manifestations pourront le faire à l'intérieur de modalités et de règlements tout à fait connus et tout à fait corrects. Et c'est dans ce sens-là que ce projet de loi là vise à améliorer la sécurité des gens, la sécurité routière mais aussi la sécurité tout court, au niveau de la vie et de la santé des personnes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Abitibi-Est et également adjoint parlementaire au ministre d'État aux transports. Nous cédons maintenant la parole au député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Toujours dans le cadre du projet de loi n° 130, Loi qui modifie le Code de la sécurité routière et la Loi sur le transport par taxi, ce projet de loi là vient modifier, interpelle deux projets de loi: celui sur la sécurité routière, comme on vient de le mentionner, et la loi sur les taxis. J'aborderai dans un premier temps les articles qui touchent le virage à droite sur les feux rouges au Québec.

M. le Président, j'interpelle le ministre des Transports, j'interpelle tous les collègues de cette Assemblée. Nous n'avons pas besoin de projets-pilotes, au Québec, pour faire la démonstration qu'il est grand temps qu'on ait ce pouvoir-là, que la réglementation nous permet. Et je m'explique. Ça fait des années et des dizaines d'années qu'en Amérique du Nord vous avez ce pouvoir-là, en fait, cette réglementation-là qui permet aux citoyens des États américains, de la plupart des provinces canadiennes de virer à droite.

Notre comportement, comme Québécois, quand nous allons à l'étranger, c'est celui d'hésiter. Parce qu'on n'est pas familier avec le virage à droite, les gens se questionnent: Qu'est-ce qui leur arrive, à ces gens-là, d'hésiter à l'occasion d'une intersection où on nous indique qu'on peut virer à droite? Comme je vous le mentionnais, nous sommes hésitants. Donc, on fait la démonstration qu'en fait depuis toujours on a douté de notre capacité à apprécier justement la sécurité routière, à être capable de faire ce virage à droite.

Donc, j'aimerais apporter ce commentaire pour dire au ministre des Transports et à nos collègues de l'Assemblée nationale: Qu'est-ce qu'on attend pour procéder et donner le pouvoir aux municipalités, qui ont elles aussi à revoir constamment leur plan de sécurité routière, la réglementation pour le comportement des automobilistes? Moi, je suis intéressé à entendre à nouveau les réserves que peut avoir le ministre. Qui lui conseille d'en faire encore, des projets-pilotes, dans certaines régions au Québec? Vous voyez, d'ici quelques mois, on va identifier quelques régions au Québec pour des projets-pilotes.

Je vais prendre comme exemples la ville de Sherbrooke, la ville de Hull, la ville de Chicoutimi, et on pourrait en nommer peut-être d'autres. Vous allez aller vous promener, M. le Président, vous qui venez d'une région, au Québec, où il n'y a pas de grand centre, excepté peut-être la ville de Trois-Rivières, que j'aurais peut-être pu identifier aussi comme projet-pilote possible... Le ministre va sûrement nous confirmer dans les meilleurs délais qu'est-ce qu'il a en tête comme projets-pilotes ou régions.

Vous allez arriver dans ces villes-là où on pratique le virage à droite à titre expérimental. Vous allez avoir cette même hésitation-là. Déjà, les citoyens de ces mêmes villes vont dire: Bien, ce conducteur-là vient de quelle région? Il n'est pas au courant que... Et vous voyez justement jusqu'où ça peut aller. En fait, cette expérience-là peut avoir même des effets néfastes sur la sécurité routière pour un certain nombre d'automobilistes.

Je répète ma question au ministre des Transports: Qu'est-ce qu'on attend? Qu'est-ce que nous avons, nous, Québécois, de particulier pour être encore hésitants à donner, à permettre d'abord aux villes de l'appliquer, comme mon collègue de l'Acadie le démontrait tantôt, à des intersections spécifiques prévues dans leur plan de sécurité routière? Je pense que, s'il y a des villes qui prétendent qu'il y a des axes routiers où on ne peut pas le permettre pour des attitudes, ou des comportements de conducteurs, ou la densité de trafic, ou pour toute autre raison...

Donc, M. le Président, moi, personnellement... Et j'espère que d'autres de nos collègues des deux côtés de la Chambre vont demander au ministre de nous faire la démonstration, qui le conseille dans ce sens-là, de réserver à des endroits spécifiques, dans le cadre de projets-pilotes, l'expérience du tournage à droite. En autant que je suis concerné, en autant que les commentaires que nous avons reçus, que j'ai reçus et que d'autres de mes collègues ont reçus, il y a très longtemps que nous vivons des projets-pilotes sur une grande échelle en Amérique du Nord. Ça, c'est un point que je voulais faire.

L'autre point, je n'y reviendrai pas parce que ça fait l'unanimité. Le blocage des routes, là, je pense, M. le Président, qu'on n'a plus à faire la démonstration, on n'a plus à consulter personne. Il n'y a plus grand Québécois et Québécoises qui ont bien du fun à voir de leurs concitoyens bloquer des routes, pour des bonnes causes, on le reconnaît, mais il va falloir trouver d'autres moyens de faire la démonstration publique qu'on est insatisfait de certaines situations. On va laisser les routes ouvertes pour le bénéfice de tous ceux et celles qui en ont besoin, incluant les services publics et les services de sécurité de toutes sortes.

Le dernier point que je voudrais apporter, c'est sensibiliser cette Assemblée au niveau de la réforme qu'on veut faire sur le service de bénévolat dans le transport. M. le Président, les régions du Québec sont assez différentes à plusieurs égards des grands centres urbains. Je reconnais d'abord d'emblée que, quand vous êtes dans de grands centres, vous avez des services, transport en commun, service de taxis, métro, etc., vous avez suffisamment de services à la disposition des citoyens.

Mais il y a des gens qui ont besoin d'attentions particulières, de services particuliers et assez souvent de leurs proches. Mais ces mêmes services, qui ont été introduits il y a quelques années dans le cadre d'une loi, permettent à des transporteurs bénévoles de bénéficier d'un montant jusqu'à 0,29 $ du kilomètre. On l'a mentionné tantôt, c'est devenu la règle. Donc, le transport par des bénévoles était accepté et rémunéré à un montant aussi élevé... aussi élevé, je ne vous dis pas que c'est des montants exagérés, mais, pour du transport bénévole, ça pouvait être considéré comme des montants acceptables, d'une part.

(17 h 30)

Vous avez les régions, M. le Président, où on se doit de préciser de quelle façon nous allons reconnaître, par cette législation, le transport par bénévoles. Le projet de loi dit tout simplement: La Commission des transports n'a plus à légiférer, à contrôler et à déterminer le montant qui serait acceptable pour un dédommagement pour du transport fait par des bénévoles. Je vais vous citer des exemples en région. Nous avons reconnu que ce service-là en milieu urbain pouvait être une compétition déloyale envers le service de taxi. C'est fort probable. Donc, le débat, la démonstration a été faite à certains égards et on va avoir la chance d'y revenir dans le cadre du projet de loi. Mais, pour les régions, M. le Président, et je vais vous citer des exemples que vous allez sûrement reconnaître pour votre région, celle que vous représentez. Vous avez un citoyen qui accepte de transporter son voisin, sa voisine, un proche parent à une institution de santé pour un examen ou toute autre raison. Il va devoir accepter le montant qu'ils vont bien vouloir lui offrir si on ne le précise pas dans le cadre du projet de loi, ne serait-ce que mentionner un critère entre tel montant et tel montant ou entre tel pourcentage de frais reconnus et tel pourcentage, et il va devenir probablement un serviteur au service du gouvernement ou du ministère de la Santé et des Services sociaux. Mais il faut reconnaître que ces gens-là ont besoin de services. Nous n'avons pas de taxi en région. La région que je représente, Montmagny-L'Islet, sans trop me tromper, je peux vous dire qu'il y a quatre ou cinq localités – et peut-être j'en ai oublié quelques-unes mais pas beaucoup – qui ont des services de taxi; les autres, il est nécessaire de faire appel à des bénévoles pour rendre de ces services-là.

Mais là, dans la loi, j'aimerais bien que le ministre des Transports nous précise ses intentions via les établissements de santé. Ce ne sont que les organismes humanitaires reconnus par le ministère de la Santé. Mais qu'est-ce qu'on fait, avec les autres services, des besoins de la population? Vous avez une personne qui a des problèmes à se déplacer, elle fait appel à son voisin ou à un ami pour aller faire son épicerie, qui est un élément essentiel à sa survie et à sa vie de tous les jours. Est-ce qu'on va le préciser dans le projet de loi ou est-ce que cette personne-là, si elle va reconduire ce citoyen, cette citoyenne à l'épicerie ou à d'autres services nécessaires pour sa survie, va être en contravention avec la loi de la Commission des Transports? Il va falloir le préciser.

Et c'est pour ça que je veux – je vous explique, M. le Président – tout simplement expliquer ma position. Oui, il y a une problématique dans les grands centres urbains et il y en a une pour les régions. Et le ministre aura l'obligation de nous faire la démonstration que... Dans des situations comme celle que je viens de vous décrire, où il n'y a pas de services de transport en commun, où il n'y a pas de services de taxi, on va devoir préciser de quelle façon le service de bénévoles va pouvoir s'effectuer sans que ces gens-là soient toujours inquiets d'être en contravention avec la loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Nous allons maintenant céder la parole au député de Saguenay. Alors, M. le député.


M. Gabriel-Yvan Gagnon

M. Gagnon: Merci, M. le Président. Nous sommes à étudier le projet de loi n° 130, qui est le résultat des consultations qui ont été tenues en commission parlementaire sur différentes problématiques qui sont vécues dans le domaine du transport. Les trois items majeurs qui composent ce projet-là sont le résultat des préoccupations qui ont été exprimées.

Principalement en ce qui concerne d'abord la question du virage à droite sur un feu rouge, nous avons entendu des commentaires intéressants convergeant vers la nécessité d'introduire davantage ce virage, d'introduire davantage parce qu'actuellement dans nos façons de faire un peu partout au Québec le virage à droite est permis. Prenez un feu rouge, lorsqu'il y a une flèche jaune, vous pouvez faire ce virage. Ou d'autres ont parlé, ont rappelé la présence d'îlots déviateurs qui font en sorte que la circulation peut se faire avec plus de fluidité, plus de mobilité.

En même temps, ce qui a été entendu lors des consultations, il y a, il faut le noter, une large préoccupation en matière de sécurité des usagers de la route. Il y a les automobilistes et il y a aussi les piétons, il y a les cyclistes. Et force est de constater que, pour chacun de ces usagers, il y a des habiletés qui doivent être, je dirais, développées davantage. Le savoir-vivre en société ou les règles de bienséance sur la route ont besoin d'être mieux connues, mieux développées. Et la proposition qui est faite d'introduire le virage à droite sur feu rouge, avec des projets-pilotes, fait en sorte que ça va continuer cette introduction progressive et également l'adapter à nos diverses réalités.

J'écoutais avec beaucoup d'attention ce que M. le député de l'Acadie mentionnait en ce qu'il rappelait certaines expériences qui sont vécues dans l'Outaouais, où des îlots déviateurs qui avaient été aménagés à grands frais, aux frais des contribuables, sont maintenant remplacés. Bien, on constate, juste avec ces observations, qu'il y a des réalités qui sont vécues dans chacun de nos territoires, qui sont différentes et qui requièrent une adaptation modulée en fonction de nos réalités. Et, à ce niveau-là, je pense que la proposition qui est faite de faire le virage à droite sur le feu rouge de façon progressive, adapté selon certains projets-pilotes, est tout à fait conforme aux souhaits qui ont été exprimés par les différents groupes qui sont venus s'exprimer en commission parlementaire. Dans le fond, une telle mesure permet de concilier les objectifs de sécurité des usagers et les objectifs de mobilité et de fluidité de la circulation. Dans ce contexte, la proposition qui est faite est, à mon point de vue, tout à fait raisonnable.

Un autre aspect qui est traité par le projet de loi n° 130 concerne la mise à l'ordre de nos chaussées. On a pu constater dans les récentes années, avec maintenant une certaine progression, plusieurs groupes qui, faisant valoir des points de vue qui sont dans certains cas – on pourrait estimer – justifiés, utilisent des moyens tellement drastiques qu'ils en viennent à mettre en péril la sécurité de la population. Et là ça fait partie des limites que l'on atteint sur le plan de la société où on doit ensemble fixer ou se rappeler les règles pour s'assurer que nos propositions et les propositions des uns et des autres puissent se faire valoir correctement, sans prendre en otage la population.

Les dispositions qui sont introduites dans le projet de loi n° 130, à ce chapitre-là, c'est tout simplement pour corriger dès maintenant une situation qui semble vouloir prendre de plus en plus d'ampleur. Chaque groupe qui, pouvant avoir des motifs justifiés de faire valoir certaines préoccupations, utilise des moyens excessifs qui mettent en péril la santé publique, la santé de la population, la sécurité de la population, bien je pense qu'il faut mettre un terme à ça. On a fait état de certaines régions où il peut y avoir une seule artère principale, une seule route principale pour alimenter une région. Je pense qu'on ne peut pas se permettre d'étouffer – si vous me passez l'expression – une région pour satisfaire des préoccupations des uns. Écoutez, l'époque des westerns est révolue. Il faut se donner des moyens civilisés pour résoudre nos conflits et il faut remercier M. le ministre d'avoir introduit ces dispositions-là dans cette loi-là.

(17 h 40)

Le troisième item qui est traité dans ce projet de loi concerne le transport par bénévoles de diverses clientèles qui utilisent notre réseau de la santé ou qui sont reconnues par différents groupes humanitaires. Dans les consultations qui ont été tenues, je pense que c'est un aspect qui est ressorti rapidement de la part des gens qui oeuvrent dans l'industrie du taxi, tout le volet de cette concurrence déloyale qui résulte dans certains cas de la mise à profit progressive, constante mais qui s'est largement répandue dans tout le Québec, du transport par bénévoles, certains y ayant vu la possibilité d'avoir un petit revenu d'appoint. Et ça, bien je pense que ça a été mis en évidence largement par les gens qui sont dans l'industrie du taxi.

Tout en ayant mentionné ça, maintenant ce qu'il ne faut pas perdre de vue, c'est l'objet même du transport par bénévoles. Et il faut s'assurer que, peu importe dans quelle région on se retrouve au Québec, ce transport par bénévoles puisse continuer de se faire. Et il y a des transports que, malheureusement, nos transports collectifs, ou les transports habituels, ou traditionnels, les transports par taxi, ne peuvent faire, et les gens qui oeuvrent dans l'industrie du taxi sont généralement les premiers à le reconnaître aussi. Quand la personne a besoin d'être reconduite au centre hospitalier ou à n'importe quel autre établissement de santé pour recevoir des soins et qu'il y a une période d'attente de deux, trois heures – des fois, c'est plus court – pendant ce temps-là, si vous me passez l'expression, c'est le «meter» qui continuerait de tourner. Enfin, on évite ça et ça permet à la personne qui fait le transport de se voir compensée pour les frais encourus pour ce déplacement. Et l'intention, à l'origine, était intéressante, louable, tous y souscrivent. Mais force est de constater que certaines personnes malheureusement en ont abusé, de telle sorte qu'il y a cette préoccupation-là.

Maintenant, qu'est-ce qui est proposé devant nous? Qu'est-ce qui est proposé dans le projet de loi? C'est d'y référer. Je pense qu'on peut le lire. On parle du «transport effectué par un conducteur bénévole dans le cadre d'une initiative de bienfaisance soutenue par un organisme communautaire reconnu par le ministre de la Santé et des Services sociaux, à la condition que ce transport soit consigné dans un registre des courses tenu par cet organisme humanitaire et que la rémunération de ce transport ne constitue qu'une contribution aux frais d'utilisation d'une automobile».

Le libellé est suffisamment souple pour permettre l'adaptation à chacune de nos réalités régionales. Souvent, on va entendre des oppositions disant que les décisions qui doivent se prendre, ça ne doit pas être du mur-à-mur. On y souscrit, et c'est effectivement ce qui se passe. On se garde la possibilité d'adapter les décisions en fonction des réalités que nous avons dans chacune de nos régions. Voilà, M. le Président, les quelques commentaires que je voulais vous livrer à ce stade-ci sur le projet de loi n° 130. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saguenay. Nous céderons maintenant la parole au député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir concernant le projet de loi n° 130, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et la Loi sur le transport par taxi. Les gens qui m'ont précédé ont sûrement expliqué que ce projet de loi visait trois genres de rubriques. Premièrement, concernant la sécurité. Alors, je lis les notes explicatives.

«Ce projet de loi modifie le Code de la sécurité routière afin de permettre le virage à droite sur feu rouge dans les municipalités désignées par le ministre des Transports.» Et le deuxième aspect, M. le Président, traite de la libre circulation sur les chaussées publiques, soit le «projet de loi introduit également des nouvelles mesures en matière d'entrave à la circulation». Finalement, le projet de loi porte également «sur le transport par taxi afin de préciser qu'elle ne s'applique pas au transport effectué par un conducteur bénévole».

Je vais particulièrement m'attarder aux deux premiers aspects, M. le Président, du projet de loi n° 130. C'est un projet de loi qui essentiellement ne regroupe que 10 articles. Le projet de loi a aussi fait l'objet de consultations en commission parlementaire, où plusieurs groupes sont venus expliquer leur point de vue sur les dispositions prévues au projet de loi n° 130. En ce qui me concerne, je dois vous dire que je me réjouis de l'ouverture du ministre concernant le virage à droite sur feu rouge. Je me réjouis d'un côté. D'un autre côté, je trouve ça un peu dommage qu'on n'ait pas étendu cette mesure à l'ensemble du Québec, puisqu'on me dit qu'il y a un large consensus qui s'est manifesté lors des commissions parlementaires.

Mais, pour ce qui est de mon comté en particulier, M. le Président, et en particulier pour l'Outaouais, et ce que je dis vaut aussi pour l'ensemble des collègues de l'Outaouais, soit les cinq comtés, on doit se réjouir d'une position comme celle-ci. On se réjouit parce que, évidemment, le Québec était le seul endroit en Amérique du Nord, mis à part la ville de New York, où le virage à droite était interdit sur feu rouge. On le vivait de façon très directe et même péniblement, M. le Président, dans mon comté, puisque nous sommes limitrophes, nous sommes voisins de la province de l'Ontario. Par l'entremise de cinq ponts, l'Outaouais transige quotidiennement avec l'Ontario où c'est permis, le virage à droite.

Or, les citoyens de mon comté qui notamment travaillent de l'autre côté de la rive, particulièrement au gouvernement fédéral, sont assujettis à deux genres de règlement, deux genres de loi. Alors, quand ils partent le matin, sur un feu rouge, au Québec, ils ne peuvent pas tourner à droite; ils traversent le pont et, tout à coup, quelques minutes plus tard – ce n'est pas des kilomètres, c'est quelques minutes plus tard – de l'autre côté du pont, eux, à ce moment-là, ils peuvent tourner à droite. Alors, il y a belle lurette maintenant que l'Outaouais réclame ce statut où on peut tourner à droite. Avec le projet de loi d'aujourd'hui, bien qu'il ne soit pas spécifié quelles sont les régions visées par le projet de loi, j'ai bon espoir, suite aux discussions qu'on a pu avoir avec le côté ministériel, de voir l'Outaouais désigné comme une des zones, si vous voulez, essais ou pilotes pour ce genre de projet.

Mais vous savez que la question de la frontalité était une des questions. On a eu aussi la chance d'avoir une présentation très étoffée de la part de la Société de transport de l'Outaouais, la STO, qui est venue démontrer par quatre combien il était beaucoup plus efficient et beaucoup plus efficace pour une société de transport de pouvoir tourner à droite: les économies sont substantielles en termes de temps, en termes d'essence, en termes d'impact environnemental. Alors, pour eux, pour la Société de transport, il était, de façon manifeste, très bienvenu de voir que, finalement, l'Outaouais se verrait accorder une permission de tourner à droite. Je ne vais pas étendre ce constat sur l'ensemble de la province, je ne sais pas si les autres sociétés de transport ont fait le même constat, mais je peux vous dire que les discussions que j'ai eues avec notre Société de transport, notamment son président, M. Claude Bonhomme, et le directeur général, m'ont convaincu du bien-fondé de ces mesures. On parlait tantôt pourquoi ces mesures sont bien fondées. Je vous l'expliquais tantôt, notamment avec une économie de temps, une économie d'essence et, évidemment, une économie environnementale.

Mais, plus loin de là, il faut comprendre que, chez nous, on a instauré des mesures préférentielles, M. le Président, où on a des voies désignées pour le covoiturage et aussi pour le transport en commun. Bien, en faisant cela, on s'est aperçu qu'on devait réaménager certaines intersections, certains carrefours, justement pour enlever ce qu'on avait jugé bon de faire auparavant, c'est-à-dire des îlots – on en a parlé tantôt – où est-ce que, de façon un peu imagée, les autorités municipales tentaient de voir comment accélérer le flux de circulation et décidaient à une intersection donnée de faire un îlot de virage à droite qui, si vous voulez, leur épargnait le feu de circulation. Avec un cédez, ils pouvaient passer directement dans la voie. Mais, en faisant cela, évidemment on venait contrecarrer toutes les mesures préférentielles possibles.

Alors, le résultat de tout ça, et je prends, par exemple, le boulevard Maisonneuve. Les gens qui viennent de notre coin vont bien savoir de quoi je parle. Le boulevard Maisonneuve, un boulevard très important qui transige du sud au nord...

Une voix: ...

M. Cholette: ...oui, qui transite du sud au nord et qui s'en va notamment sur le pont du Portage, ce boulevard justement avait des carrefours avec îlots, et ils se sont vus maintenant éliminés. On a dû éliminer les îlots pour permettre la voie préférentielle, ce qui fait en sorte que ça retarde évidemment la circulation d'est en ouest, puisque, maintenant, il n'y a plus d'îlots pour tourner à droite.

Avec, donc, l'annonce du ministre, avec le projet de loi n° 130, on sera capable de pallier à ce genre d'inconvénient sans pour autant dépenser des deniers publics pour faire et défaire ce genre d'îlots, parce que le législateur municipal avait dû imaginer des façons d'accélérer le flot de circulation. Alors, il est clair que, par mesure d'efficacité, nous réclamions ce genre de mesure. Efficacité non seulement pour le transport en commun, mais pour l'ensemble des citoyens qui utilisent ces artères.

(17 h 50)

Mais où sont les piétons là-dedans, M. le Président? Et c'est la question qui a le plus suscité, je pense, de débats et d'interrogations sur une telle mesure. Et, lorsqu'on fait l'analyse de tout cela, moi, je dois vous dire que, par expérience, par expérience dans ma ville, les îlots, les carrefours où il y a îlots justement pour protéger le virage à droite étaient dangereux, très dangereux même pour les piétons, puisque justement il n'y avait pas la sécurité d'un feu à ce moment-là, et les piétons devaient donc traverser du trottoir sur l'îlot protecteur mais sans aucune protection. Ça donnait donc une fausse sécurité pour ces piétons qui devaient traverser, malgré le fait que le feu soit rouge ou vert, sans aucune protection.

Alors, il y a beaucoup de gens qui sont venus en commission parlementaire nous exprimer, j'imagine, des réticences par rapport aux piétons. Nous en avons eu lorsque j'étais au conseil municipal de la ville de Hull, des revendications, à l'effet que: Ah, il faut protéger, il faut trouver des façons. Et je pense que ce qui est proposé va justement permettre une protection optimale du piéton qui doit traverser à ces intersections. L'expérience d'Ottawa-Carleton nous démontre qu'il n'y a pas de problèmes énormes vraiment. C'est une question d'habitude. Et, bien au contraire, les piétons se sentent en sécurité.

Mais je tiens aussi à vous souligner, M. le Président, qu'il y a eu une annonce la semaine dernière concernant finalement le parachèvement de l'axe McConnell–Laramée, un bout de route qui date de 30 ans, qu'on attend depuis 30 ans. Et ça va compléter le réseau pour relier notamment Hull, Aylmer et Gatineau. Ce bout de route, qui sera une aventure conjointe provinciale-fédérale, où les coûts sont partagés à parts égales, eh bien, va innover – avec la proposition que l'on a vue la semaine dernière, ce sera une première au Québec de façon aussi manifeste – avec des carrefours giratoires. Il y a une proposition pour faire quatre carrefours giratoires à différentes intersections, parce qu'on ne peut pas faire un carrefour giratoire et briser ce cycle avec un feu de circulation.

Alors, la proposition qui a été faite, c'est à l'effet qu'on mette des carrefours giratoires. Et, à la blague, on disait justement que c'était sûrement une façon d'éviter tout le débat du virage à droite parce que le carrefour giratoire avait plusieurs avantages, notamment la question du flot de circulation en est un, mais aussi la réduction de la sévérité des impacts. Il n'y a plus d'impacts à 90 degrés, M. le Président, avec un carrefour giratoire. S'il y a des accrochages, c'est évidemment côte à côte. Alors, c'est un banc d'essai, je pense, également – puisqu'on va le tester dans le comté que je représente – prometteur.

Encore là, nous avions la préoccupation du piéton. Et on a trouvé des mesures de mitigation justement pour protéger certains passages de façon bien particulière. Il y aura un éclairage particulier, une signalisation particulière et même probablement une peinture au sol un peu différente. Alors, je pense que, avec les progrès, avec la technologie puis le recul, on est capable d'arriver à des choses bien intéressantes justement pour permettre le flux de circulation et aussi protéger les gens qui utilisent l'intersection et aussi les piétons.

Par contre, M. le Président, là où je dois vous exprimer certaines réserves, c'est concernant le deuxième item, c'est concernant la question du barrage de routes. Tous, je pense, à l'Assemblée doivent souscrire au principe qu'on veut assurer une meilleure sécurité de nos routes et qu'on doit condamner l'utilisation de nos routes comme moyen de pression, que des barrages, ce n'est pas la façon de faire avancer les débats et que ces barrages-là ne contribuent pas vraiment à l'amélioration de notre société.

Par contre, le fait que l'on doive l'inscrire dans un projet de loi, ça doit questionner les élus. On doit se questionner à savoir: Pourquoi en sommes-nous rendus là? Pourquoi est-ce que ça prend un règlement, une loi qui dit: Ah, on va vous punir si vous le faites? C'est sûrement parce qu'avec l'usure, la pratique ça a été un moyen utilisé. Mais pourquoi c'est un moyen utilisé? La réponse, elle est simple. Peut-être parce que simplement le gouvernement a arrêté d'écouter le processus normal, démocratique qu'un citoyen peut avoir pour faire comprendre son point de vue aux élus du Québec.

Et, à témoin, je vous citerai, M. le Président, la question du monde municipal. Nous sommes dans une réforme importante du monde municipal. Nous sommes dans une réforme qui fait en sorte que le citoyen se sent un peu démuni face à ce qui est proposé. Nous avons toutes sortes de sujets mis en parallèle, que ça soit la réforme, que ça soit le livre blanc, que ça soit les conseils métropolitains, que ça soit le projet de loi n° 124 que nous avons devant nous. Alors, tout est un peu sur la table en même temps. Mais le gouvernement dit haut et fort: Écoutez, citoyens du Québec, nous avons fait notre lit, il y aura des fusions municipales forcées. Peu importent les méthodes pour vous faire valoir, peu importe si vous votez démocratiquement lors de consultations populaires, peu importe si vous allez voter à un référendum, peu importe si vous prenez les moyens normaux pour faire valoir votre point de vue, notre idée est faite, on va procéder – et c'est le gouvernement qui parle – de façon un peu totalitaire.

Alors, quand on met les deux projets de loi côte à côte, comment peut-on blâmer des citoyens qui disent: Bien, coudon, là, on fait tout selon les règles démocratiques, l'hôtel de ville est ouvert, je vais m'exprimer en votant, en mettant mon x sur un bulletin de vote, sur un bulletin référendaire, en disant: Est-ce que je veux changer mes structures municipales ou je ne veux pas? Est-ce que je veux payer plus de taxes municipales ou je ne veux pas? Est-ce que je vais avoir un mot à dire, M. le Président, dans l'avenir de ma municipalité? Et, quand les citoyens du Québec prennent cette initiative-là, prennent leur auto, prennent leur vélo, prennent leurs pieds et vont voter, on leur dit: Je ne veux pas vous entendre.

Et aujourd'hui on dépose un projet de loi qui dit: Et puis je vous avertis, là, vous êtes bien mieux de ne pas bloquer de routes pour vous faire entendre non plus. Bien, moi, je suis d'accord avec ça, ne pas bloquer de routes. Ça n'a pas de bon sens qu'on marche comme ça, au Québec. Puis on ne devrait pas être obligé de bloquer une route pour faire comprendre notre point de vue au gouvernement ou à l'Assemblée nationale. Mais, en même temps, on est en train de dire aux citoyens: Quand vous prendrez des moyens démocratiques, on ne vous écoutera pas plus.

Alors, M. le Président, je vous demande: On dit quoi aux citoyens, aujourd'hui, qui nous écoutent, là, on leur dit quoi pour s'exprimer? Moi, je ne l'ai pas, la réponse. Peut-être que le gouvernement l'a, la réponse, mais, moi, je ne l'ai pas. Le gouvernement a décidé de dire: On va vous mettre à l'amende, on va saisir vos véhicules, on va faire tout en sorte pour réouvrir la chaussée. On souscrit à ça. Mais, diable! lorsque les gens utilisent le moyen le plus efficace qui existe, l'expression démocratique via notamment un référendum, une consultation populaire, lorsque les gens prennent la peine d'aller voter pour exprimer leur point de vue, ça ne peut pas être plus démocratique que ça, là, ça ne peut pas être mieux que ça dans la démocratie, ça ne peut pas être mieux que ça pour un Parlement.

Alors, les gens, dans la région de Québec particulièrement, ont pris la peine d'aller voter, et puis là on leur dit deux choses. Un, avant qu'ils y aillent: Déplacez-vous pas parce que je ne respecterai pas ce que vous allez dire sur le bulletin de vote, jamais le gouvernement ne sera tenu de respecter votre opinion, jamais on ne va respecter ce que vous pensez comme citoyens. Ça, c'est la première chose qu'on leur dit. Puis, le lendemain du vote, on leur dit: Ah! bien là vous n'avez voté qu'à 10 %, vous n'avez voté qu'à 30 %, ça ne vaut pas grand-chose. Bien, moi, j'ai demandé à la ministre: Bien, c'est quoi, un seuil, là, c'est quoi, le chiffre qu'il faut atteindre? Parce que, à Mont-Tremblant, ils ont voté à plus que 50 %; on ne les a pas plus écoutés. Dans la région de Québec, il y a bien de villes qui ont voté à plus que 30 %, ce qui est plus qu'un commissaire scolaire, en passant, le taux de participation, et on ne les a pas plus écoutés.

Alors, quand on dit, M. le Président – et on me fait signe qu'il me reste une seule minute – à une population: Écoutez, nous, comme législateurs, on pense que ce n'est pas correct de bloquer des routes – et je tiens à vous dire que l'opinion de l'opposition officielle souscrit à cette thèse – pour faire valoir votre opinion, moi, je vous dis, M. le Président, que ce qui est l'ultime pour faire valoir votre opinion, c'est un vote démocratique bien tenu, c'est un vote qui représente la position d'un peuple, d'une population, d'une communauté sur l'avenir de ses municipalités, de ses villes, au Québec. Et, pour ça, M. le Président, il est un peu ironique de voir qu'un projet de loi aujourd'hui déposé nous parle d'une sanction parce qu'on bloque des routes, mais, d'un autre côté, on bafoue l'opinion démocratique quand les gens décident de l'avenir de leurs municipalités. Merci, M. le Président.

(18 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Hull. Avant l'ajournement de nos travaux à mercredi 24 mai, 10 heures, nous allons maintenant procéder à nos débats de fin de séance. Alors, le premier débat de fin de séance aura lieu entre le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière de justice et Mme la ministre de la Justice et députée de Lévis, concernant le refus par la SAAQ de se rendre en conciliation dans les causes prévues devant le Tribunal administratif du Québec. Le second débat de fin de séance aura lieu entre M. le député de l'Acadie et M. le ministre d'État aux Transports, concernant les raisons qui motivent la Société de l'assurance automobile du Québec à refuser le processus de conciliation prévu pour les causes devant le Tribunal administratif du Québec. Et, enfin, le troisième débat de fin de séance aura lieu entre M. le député de Vaudreuil et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la pénurie d'infirmières prévue pour cet été.

Alors, nous allons maintenant suspendre quelques instants pour permettre à Mme la ministre de la Justice de venir nous rejoindre.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 18 h 6)


Débats de fin de séance


Dossiers de litiges en assurance automobile devant le Tribunal administratif du Québec

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, notre premier débat de fin de séance aura lieu entre M. le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière de justice et Mme la ministre de la Justice et également députée de Lévis. Le sujet, c'est le refus par la Société de l'assurance automobile du Québec d'aller en conciliation dans les causes prévues devant le Tribunal administratif du Québec.

Alors, vous connaissez les règles: cinq minutes chacun, et vous avez, en fin, une réplique de deux minutes. Alors, M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, voilà maintenant la deuxième fois en moins de sept jours que je dois venir à la rescousse de la ministre de la Justice. Dans un premier temps, c'était face au leader du gouvernement et ministre des Ressources naturelles qui tente d'aller s'accaparer d'une partie du dossier de la ministre de la Justice. Et voilà aujourd'hui que la ministre a de la difficulté à faire entendre raison au ministre responsable des Transports.

Le problème, M. le Président, il est pour les citoyens. Il y a un problème bien connu, bien identifié, documenté, il y a une solution qui est à portée de la main, que la ministre de la Justice voudrait bien voir être mise en application, mais il y a un refus de la part du ministre responsable.

Le dossier, M. le Président, c'est le suivant. Il y a plus de 6 000 cas qui sont en attente devant le Tribunal administratif du Québec en matière d'assurance automobile; c'est une augmentation de 20 % depuis le mois d'avril 1998, c'est-à-dire lorsque le Tribunal administratif du Québec a été créé. On a bien vu aujourd'hui – je relisais le transcript de nos débats de cet après-midi lors de la période de questions – les divergences de points de vue entre la ministre de la Justice et son collègue le ministre des Transports. Malgré les apparences, malgré le fait que la ministre dise: Moi et mon collègue, on s'entend fort bien, c'est l'harmonie la plus totale, on sait cependant que c'est loin d'être le cas.

La ministre nous disait ceci dans sa première réponse: «Et mon collègue m'a exprimé toute son ouverture à vérifier justement quels étaient les motifs qui pourraient susciter une certaine résistance de la part de la SAAQ.» La ministre le sait fort bien, le problème, c'est qu'il y a de la résistance de la part de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Par la suite, le ministre responsable des Transports, lui, donne la réponse suivante à mon collègue député de l'Acadie, il dit: «Écoutez, on est en train d'attendre les résultats des projets-pilotes.» Or, les résultats des projets-pilotes sont bien connus depuis belle lurette, fort concluants, fort positifs. D'ailleurs, la ministre l'a dit dans sa troisième réponse. Elle dit dans les faits que «le président du Tribunal administratif – et là je la cite, – a confirmé que c'était une façon de faire qui était concluante.» Alors, si c'est concluant, si la ministre sait que c'est concluant, si le président du Tribunal administratif du Québec sait que c'est concluant, si tout le monde sait que c'est une façon de réduire les délais, les coûts et le rôle du Tribunal administratif du Québec, c'est-à-dire d'y aller par la voie de la conciliation, comment se fait-il que le ministre des Transports, lui, dise: J'attends après les résultats des projets-pilotes?

(18 h 10)

M. le Président, manifestement, la ministre de la Justice a de la difficulté à faire passer son message auprès de son collègue le ministre responsable des Transports. Il est quand même étonnant, M. le Président, que la ministre de la Justice, il soit plus facile pour elle de s'entendre avec l'opposition que de s'entendre avec son propre collègue, hein? C'est vraiment ça, M. le Président. Nous sommes sur la même longueur d'onde sur ce dossier-là, nous sommes sur la même longueur d'onde sur le projet de loi n° 115, nous sommes sur la même longueur d'onde concernant le projet de loi des jeunes contrevenants, au fédéral, et je suis obligé d'être ici, au salon bleu, en train de prendre la défense de la ministre de la Justice pour faire entendre raison à son collègue le ministre responsable des Transports.

Le problème, M. le Président, c'est que, lorsque ça ne va pas entre deux ministres, la ministre de la Justice devrait aller voir le premier ministre du Québec et dire: Nous avons voté une loi à l'Assemblée nationale qui prévoit que la conciliation est une mesure qui vise à réduire les délais et les coûts dans l'intérêt des contribuables. M. le premier ministre, vous avez un ministre qui ne veut pas entendre raison. Je vous demande de le rappeler à l'ordre pour faire en sorte que la loi puisse trouver son application. Moi, j'ai bien tenté tant bien que mal, j'ai tous les chiffres à l'appui, j'ai le président du Tribunal administratif du Québec qui est d'accord avec moi, même l'opposition est d'accord avec la ministre de la Justice. Cependant, le ministre responsable des Transports, lui, fait la sourde oreille, et ça, c'est un problème pour les citoyens. Nous lui disons, à la ministre: Il y a un problème, il y a une solution à portée de la main. Qu'elle prenne le problème, qu'elle aille voir le premier ministre, qu'elle lui dise: Là, ça suffit.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Marquette. Mme la ministre de la Justice, votre temps de parole, cinq minutes.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, c'est intéressant, la question qui a été posée aujourd'hui...

(Applaudissements)

Mme Goupil: Alors, je suis heureuse de constater que j'ai un fan club de l'autre côté aussi. C'est agréable. Alors, j'étais heureuse de la question qui était posée aujourd'hui, du député de Marquette, concernant le Tribunal administratif. Parce qu'effectivement, lorsqu'on fait l'étude des crédits, on a l'occasion d'échanger pendant près de 10 heures de temps sur la façon de faire au Tribunal administratif et on a eu de longues discussions où j'ai exprimé au député de Marquette quels étaient les éléments que le président du Tribunal administratif m'avait soumis pour s'assurer qu'on mette en place tout mécanisme nécessaire pour que les délais soient réduits. Et nous avons eu l'occasion également à ce moment-là, lors de l'étude des crédits, d'échanger aussi de façon plus précise sur quelles étaient les mesures que le Tribunal administratif voulait apporter pour réduire le nombre de dossiers. Alors, évidemment, nous avons parlé de la conciliation. Alors, si vous me permettez, M. le Président, je profiterais de ce débat de fin de séance pour parler un petit peu en quoi consiste la conciliation, principalement pour les gens qui nous écoutent.

D'abord, la conciliation, c'est une procédure de règlement de litige qui a été introduite par la Loi sur la justice administrative, à l'article 120, et en vue de permettre un traitement beaucoup plus rapide des dossiers et une plus grande célérité dans le traitement des dossiers. Il faut également se rappeler, M. le Président, que, lorsque l'on propose la conciliation, il faut que les parties soient en accord toutes les deux, c'est-à-dire qu'elles acceptent de s'engager dans ce processus-là, et ce, de façon volontaire. Alors, c'est une méthode alternative de règlement de conflits, et elle permet aussi aux gens qui sont un peu moins familiers avec les tribunaux d'être entendus dans un forum qui est moins stressant, où les parties peuvent, de façon libre, exprimer leur point de vue dans un cadre où il y a beaucoup moins de procédure.

Alors, évidemment, la conciliation favorise dans plusieurs dossiers la communication entre les parties. Elle favorise également des règlements puis elle favorise aussi des règlements qui, dans bien des cas, ont plus de chances de durer, considérant que les parties ont convenu d'un commun accord d'une entente. Alors, la conciliation qui a été mise en place, elle fait suite, elle, à une phase d'implantation graduelle qui a débuté à l'automne 1998. Évidemment, il y a un travail de sensibilisation qui a été entrepris tant auprès des principaux intervenants, soit le MSSS, que l'on appelle, la Régie des rentes du Québec, la Société de l'assurance automobile du Québec et finalement l'IVAC, qu'auprès des avocats qui représentent les gens. Il fallait prendre le temps de leur expliquer en quoi consistait la conciliation.

Au printemps 1999, le ministère de la Solidarité sociale a été le premier à consentir à l'implantation d'un projet-pilote. Et ces projets-là ont été d'abord instaurés dans la Montérégie, à Laval, à Québec et à Montréal, et il y a cinq conciliateurs qui ont été désignés. Les résultats sont fort encourageants, comme je l'ai dit cet après-midi. De façon plus précise, il y a 803 dossiers qui ont été traités en conciliation. Sur 553 dossiers dont on connaît les résultats, 375 dossiers ont été fermés; 266 par entente et 109 par désistement. Nous sommes en attente actuellement de 250 dossiers. Évidemment, la conciliation a été à même de nous démontrer qu'elle donnait des résultats positifs. Alors, après avoir sensibilisé les gens, après que des projets-pilotes aient été instaurés, après qu'on ait eu des résultats concluants, maintenant force est d'admettre que c'est un mode alternatif fort intéressant et qu'il serait intéressant que d'autres organismes puissent également s'en approprier.

Alors, ce que j'ai fait, c'est qu'il y a eu, dès la fin de l'année, des discussions entre le ministère de la Justice et la Société de l'assurance automobile du Québec. Des échanges ont eu lieu pour leur expliquer en quoi consiste exactement le processus de conciliation. Également, ce qui était intéressant, c'était que l'on puisse bien expliquer en quoi consistait cette forme de conciliation là et est-ce qu'elle pouvait être adaptée à la Société automobile du Québec. Je l'ai dit en cette Chambre cet après-midi et je le redis encore une fois, nous sommes en discussions. Mon collègue a exprimé qu'il était très ouvert à cette forme de règlement de conflit, c'est un mode alternatif fort intéressant, il faut que la Société de l'assurance automobile du Québec se l'approprie également, qu'elle puisse informer correctement les gens qui utilisent la Société automobile du Québec pour que les gens aient la possibilité de choisir librement ce mode alternatif comme un autre. Et je suis convaincue, M. le Président, que le député de Marquette m'accordera, lui, toujours son appui.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme la ministre de la Justice. Alors, votre droit de réplique de deux minutes, M. le député de Marquette.


M. François Ouimet (réplique)

M. Ouimet: M. le Président, la ministre a bien parlé de la conciliation, nous a très peu parlé du conciliateur en chef, le grand conciliateur, le député de Joliette qui fait son entrée dans ce salon bleu, lui qui bloque les dossiers. Je ne sais pas s'il a pris la peine d'entendre le plaidoyer qu'a fait sa collègue ministre de la Justice au niveau du mérite de la conciliation, mais les échos que nous avons, c'est que le ministre, lui, ne semble pas être très confiant par rapport à ce processus-là. Très réfractaire; on sait que c'est un homme qui privilégie beaucoup plus l'affrontement, la confrontation que la conciliation. Ça semble être le cas au Conseil des ministres, et peut-être le leader, même, s'en inspire à l'occasion.

Mais, cela étant dit, M. le Président, avec le discours que vient de nous faire la ministre de la Justice, moi, je m'attends à ce que, demain matin ou dans les prochains jours, le ministre responsable des Transports aille prendre le téléphone, appelle son bon ami, M. Gagnon, qui est président de la Société de l'assurance automobile du Québec, pour lui dire: Écoute, on a tenu le phare tant qu'on pouvait, mais maintenant l'opposition est après nous, et le temps est venu de favoriser la conciliation, d'arrêter de freiner ça, parce qu'il en va de l'intérêt des contribuables. Et c'est pour eux que nous agissons dans ce sens-là.

Maintenant, j'ai hâte d'entendre ce que va nous dire le député de Joliette, ministre responsable des Transports. On va le voir dans les prochains jours. Si ça a eu un impact, nous allons être assez rapidement informés des gestes qu'aura posés le ministre des Transports.

Mais, M. le Président, j'ai l'intention de soumettre à votre attention une motion pour suspendre nos travaux, pour permettre au député de Joliette d'aller discuter avec la ministre de la Justice, pour qu'il nous revienne et nous indique la bonne nouvelle aujourd'hui en cette Chambre.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Marquette et critique officiel de l'opposition en matière de justice. Merci également à Mme la ministre de la Justice. Ceci termine le premier débat de fin de séance. M. le leader officiel de l'opposition.

Demande de directive


Recevabilité de motions et de questions de règlement lors de débats de fin de séance


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Sauf erreur, vous êtes saisi d'une motion du député de Marquette pour suspendre afin que les deux ministres puissent se parler. Est-ce que cette motion est recevable, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, la motion n'est pas recevable, M. le leader de l'opposition, vous le savez très bien. Les débats de fin de séance sont d'une durée limitée dans le temps, et on n'a pas à suspendre les travaux pour vérifier si effectivement la ministre de la Justice qui a son débat de fin de séance doit aller discuter avec le ministre des Transports pour établir un processus à venir. Alors, M. le leader de l'opposition.

(18 h 20)

M. Paradis: Oui, simplement une précision. Vous référez à une décision qui avait été rendue par le vice-président Bissonnet à l'époque, à l'effet que les questions de règlement n'étaient pas soulevables au moment des débats de fin de séance, compte tenu de l'argumentaire que vous venez de nous présenter.

Maintenant, je vous rappelle, et je le cite de mémoire, que le président Charbonneau avait décidé de renverser cette décision du président Bissonnet, et maintenant les questions de règlement sont permises à ce moment-ci. Est-ce que je dois comprendre de votre décision que vous renversez le président Charbonneau pour revenir à la jurisprudence établie par le président Bissonnet? Ce qui serait très correct, M. le Président, dans les circonstances.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est que vous savez très bien, M. le leader de l'opposition, qu'une motion de suspension à l'intérieur d'un débat de fin de séance... Je vais vous demander de me donner le numéro de l'article afin que je l'applique, si tel est votre désir. Parce que, selon moi, dans notre règlement actuel qui fait en sorte de gouverner nos travaux, le débat de fin de séance a lieu, d'une durée de 12 minutes, et, à l'intérieur même d'un débat de fin de séance, aucun des deux interlocuteurs, autant le ministre que le député de l'opposition, ne peut demander, à l'intérieur de son temps de parole, une motion pour suspendre son temps de parole.

Et, actuellement, ce que vous me demandez, c'est, alors qu'il reste trois secondes au député de Marquette à son intervention de deux minutes, de suspendre mes travaux pour permettre à un ministre qui était ici en direct avec le député de Marquette d'aller de son chef se rendre au cabinet du ministre des Transports ou à l'extérieur pour communiquer avec lui et revenir ici, ce qui veut dire que le temps de suspension pourrait être d'une façon indéterminée. Je veux dire, on pourrait rester ici jusqu'à demain matin ou à demain à la reprise des travaux. M. le leader du gouvernement.

Le Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Je ne sais pas quel est l'intérêt de manger du temps, comme le souhaite l'opposition officielle. Le débat de fin de séance demandé par le député de Marquette est terminé, on passe à un autre. Si vous acceptez de suspendre, je vous annonce tout de suite que la suspension va durer longtemps, parce que les échanges entre mes deux collègues, pour être approfondis, vont nécessiter beaucoup de temps.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je me rends compte que le leader du gouvernement est au courant du fossé qui divise les deux ministres sur cette question-là. Ce n'était pas le but de mon intervention, M. le Président. Et ce n'est pas une question de temps non plus. Les deux ministres sont ici, mais il pourrait arriver, comme vous l'avez indiqué, M. le Président, qu'il y en ait un qui soit ici et que l'autre soit au cabinet, etc. Ça peut tout se produire.

La question est une question de fond, M. le Président. À un moment donné, la présidence a décidé qu'à l'occasion de ces débats... Et on ne parle pas d'une question de temps, on parle d'une question de pouvoir intervenir. Est-ce que le reste du règlement s'applique aux débats de fin de séance? Le président Bissonnet avait rendu une décision à l'effet que les débats de fin de séance sont régis strictement par les articles qui régissent les débats de fin de séance et qu'il n'est pas question ni de questions de règlement ni de suspensions. C'est un débat qui est prévu, c'est restreint, les ministres doivent savoir à quoi s'en tenir, et les critiques de l'opposition également. Et ça, c'est une décision qui a prévalu.

Le président Charbonneau n'était pas d'accord, pour des raisons qui lui appartiennent, avec cette décision du président Bissonnet. Il a choisi dans un premier temps de la rayer...

Ça va, si vous avez des consultations, je reviendrai, M. le Président.

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, je vous écoute.

M. Paradis: Oui, strictement, M. le Président, le président Charbonneau, dans un premier temps, a fait disparaître du cahier de la jurisprudence, comme c'est son droit de le faire comme président, cette décision du président Bissonnet. Ça a été la première étape de ce qu'on appelle l'effacement des antécédents, des précédents et de la jurisprudence. Dans un deuxième temps, sauf erreur, c'est le président Charbonneau lui-même qui a réadmis les questions de règlement. Si les questions de règlement sont réadmises – c'est là, M. le Président, le but de mon intervention – à ce moment-là, le reste du règlement s'applique, dans les circonstances. Le reste du règlement s'applique, ça veut dire que les questions de règlement s'appliquent, puis les questions de règlement impliquent les questions de motion également, M. le Président.

Ma question est bien simple: Est-ce qu'à ce moment-ci vous décidez de revenir, comme président, et c'est votre droit de le faire, à la jurisprudence Bissonnet ou si vous choisissez de vous ranger à la jurisprudence que j'appellerais, avec toute déférence, la jurisprudence Charbonneau? Moi, M. le Président, je vous dirai que l'économie du règlement et des précédents nous indique qu'on devrait revenir à la jurisprudence Bissonnet, mais je souhaiterais que ce soit clarifié une fois pour toutes pour ne pas que ça serve simplement, les décisions de la présidence, les intérêts d'une des parties en cette Chambre, mais qu'on sache sur quoi se fier. Et, quand on revient dans un débat de fin de séance, qu'on sache qu'il n'est pas question de question de règlement, qu'il n'est pas question de motion de scission, qu'il n'est pas question de motion de suspension, qu'il n'est pas question de ces choses-là. Maintenant, ça demande de la présidence une consistance, et, moi, j'aimerais que la présidence m'indique clairement quelle est la jurisprudence à laquelle on peut se fier.

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, à première vue, j'aurais presque le goût de la prendre en délibéré, mais, à ce stade-ci...

Une voix: ...je peux peut-être vous faciliter le travail...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, M. le leader de l'opposition, c'est que, actuellement, on a une décision avec laquelle on vit, qui est le fait que les questions de règlement peuvent être soulevées en tout temps lors des débats de fin de séance. Par contre, la question de motion de suspension du débat de fin de séance...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Je ne crois pas qu'on puisse, dans les débats de fin de séance, commencer à accepter des motions de suspension, ou des motions de scission, ou peu importent les autres motions que vous mentionnez. Mais les motions concernant le règlement, la décision du président Charbonneau, moi, je suis d'opinion qu'on doit la maintenir.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Une dernière intervention là-dessus.

M. Paradis: Peut-être, si on s'entend, peut-être que, étant donné que c'est la dernière fois qu'il y a des débats de fin de séance à l'occasion de la fin de nos travaux, peut-être que la présidence pourrait la prendre en délibéré. Parce que ce que vous venez de me dire, c'est que vous êtes d'accord avec la décision du président Charbonneau, que les questions de règlement, on peut les soulever, mais qu'on ne peut pas présenter une motion. Ça, ça nous indique que, pour la présidence, il y a certains articles du règlement qui s'appliquent puis il y a certains autres articles du règlement qui ne s'appliquent pas. Le moins qu'on puisse souhaiter pour représenter la population correctement, c'est de savoir lesquels. Parce que, si on en fait un cas à toutes les fois qu'il y a des débats de fin de séance, ce n'est pas bien, bien clair. Moi, je trouvais que la décision Bissonnet, personnellement, était très claire, il n'y avait pas de questions de règlement, quelles qu'elles soient. Le président Charbonneau a décidé – puis c'était son droit – que maintenant on peut soulever des questions de règlement. Maintenant, vous, ce soir, vous nous dites: Oui, mais pas n'importe quelles. On peut-u savoir lesquelles? Puis, pour que vous preniez le temps...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bien, à ce moment-là, je vais prendre la question en délibéré si vous désirez qu'on fasse une étude exhaustive là-dessus, parce que les débats de fin de séance ne peuvent pas et ne pourront jamais être traités de la même façon que nos travaux réguliers. Il est bien entendu, c'est un débat qui est limité dans le temps, qui ne dure que 12 minutes. Et, à ce moment-là, si, par le biais de certaines motions, on peut étirer, on peut allonger, alors, comme je le mentionnais tout à l'heure... Si j'acceptais, par exemple, la motion du député de Marquette à l'effet de suspendre nos travaux, vous allez convenir avec moi que les travaux pourraient être suspendus toute la nuit, demain, et ainsi de suite, jusqu'à temps qu'il y ait effectivement une réunion entre les ministres, et ainsi de suite.

Et, à ce moment-là, c'est qu'on vient de dénaturer effectivement le débat de fin de séance, qui est un débat qui doit être limité dans le temps, il me semble. Il est très précis: cinq minutes accordées de part et d'autre et un deux minutes de réplique. Donc, à ce moment-là, concernant certaines motions, je crois que c'est inévitable que certaines motions ne peuvent pas s'appliquer aux débats de fin de séance. Mais, par contre, concernant les appels au règlement, je vais seulement vous parler, par exemple, des motifs injurieux, des motifs qui sont antiparlementaires, la question du décorum, et ainsi de suite; donc, à ce moment-là le règlement à mon sens peut s'appliquer en certaines matières concernant le débat de fin de séance.

(18 h 30)

Donc, je comprends l'interrogation que vous portez. Et ce que je vous dis en terminant, c'est que, oui, je vais prendre votre question en délibéré et, oui, je vais vous revenir avec des explications qui seront beaucoup plus approfondies et beaucoup plus claires dans l'ensemble de notre règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Bien, M. le Président, je ne sais pas si mon collègue le leader de l'opposition est entré dans une période de clarification du règlement. Il vous a demandé il y a quelque temps une clarification d'une disposition du règlement, que vous avez prise en délibéré. Là, voilà un autre point qu'il souhaite clarifier. On peut à ce moment-là multiplier les séances en dehors de la Chambre pour accélérer le processus de réforme parlementaire et en même temps de clarification du règlement plutôt que de faire languir ses propres collègues qui ont demandé des débats de fin de séance. On peut bien suspendre jusqu'à 10 heures demain matin aussi; ça va permettre à mes deux collègues de se parler jusqu'aux petites heures du matin.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, mais, avant de vous céder la parole, permettez-moi de vous mentionner... Notre secrétaire vient de me sortir deux décisions. La première, c'est une motion d'ajournement du débat: Est-ce qu'il est possible pour un député de proposer une motion de suspension des travaux de l'Assemblée? C'est une décision qui a été rendue par Jean-Noël Lavoie, le 14 novembre 1972. Et la décision, c'est: «Cette motion est irrégulière. Le règlement ne prévoit aucune motion de suspension des travaux de l'Assemblée. Tout au plus pouvons-nous assimiler cette motion à une motion d'ajournement du débat qui serait recevable si l'article 77 n'avait pas été suspendu à la suite de l'adoption d'une motion de suspension des...»

Suspension ou levée de la séance. Motion de suspension de la séance. Bon. Alors, l'autre, c'est la décision de Jean-Pierre Charbonneau, notre président, que vous connaissez très bien.

Donc, en conclusion, pour moi, en ce qui me concerne, je vais définitivement approfondir la question que vous m'avez soulevée, et nous allons nous revoir, et nous allons vous livrer nos commentaires.

M. Paradis: Trois éléments, rapidement, M. le Président. Sauf erreur, à l'époque de la décision de M. Lavoie, je ne me souviens pas qu'il y ait eu des débats de fin de séance. Mais c'est seulement de mémoire, ça pourrait être corrigé plus tard. Donc, ce que vous venez de me citer là ne s'applique pas dans le cadre des discussions que nous avons présentement.

Deuxième élément. Oui, on est soucieux de clarté, de ce côté-ci. Je pense que le leader du gouvernement nous accompagne là-dedans. Qu'il s'agisse de questions réglementaires à l'Assemblée nationale ou d'avenir constitutionnel du peuple québécois, tout le monde a avantage à être très clair dans les propos qu'il exprime et les questions qu'il adresse à la nation.

Et, M. le Président, troisième élément, vous avez mentionné dans votre décision que la question du temps était déjà décidée. Moi, je pense que votre réflexion devrait également porter sur la question du temps. Parce que, à partir du moment où vous adhérez à ce que j'appelle la doctrine Charbonneau, une question de règlement peut être soulevée. Si elle n'est pas prise sur le temps ministériel, elle est prise sur le temps de l'opposition. Et c'est une façon de bâillonner l'opposition qui pourrait être très dangereuse pour la présidence, M. le Président, alors que le rôle premier de la présidence est de protéger le temps de parole de l'opposition. Donc, la décision que vous allez rendre touche également le temps, la notion du temps en fait partie. Si on l'ignore, à ce moment-là, M. le Président, on se fait l'allier du gouvernement contre l'opposition, ce qui n'est absolument pas le rôle défini par le règlement ni la tradition à l'Assemblée nationale, du président de l'Assemblée nationale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Compte tenu du caractère fondamental et même constitutionnel, pour ne pas dire cosmique de la question soulevée par le leader de l'opposition, je vous suggère de prendre beaucoup de temps pour délibérer.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. Alors, ceci met fin à cette question.


Débats de fin de séance


Règlement des litiges à la Société de l'assurance automobile du Québec

Nous passons maintenant au deuxième débat de fin de séance, entre le député de l'Acadie et M. le ministre des Transports, concernant les raisons qui motivent la Société de l'assurance automobile du Québec à refuser le processus de conciliation prévu pour les causes devant le Tribunal administratif du Québec. Alors, M. le député de l'Acadie, un temps de parole de cinq minutes.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, effectivement, M. le Président, à la période de questions de cet après-midi, nous avons abordé la question du traitement des causes à la Société de l'assurance automobile du Québec et plus particulièrement de la nécessité d'avoir un processus de conciliation qui est inclus dans la loi sur les tribunaux administratifs. Alors, malheureusement, M. le Président, on n'a pas eu des réponses très claires, surtout de la part du ministre des Transports, et c'est la raison pour laquelle on se retrouve aujourd'hui en débat de fin de séance.

Tout d'abord, M. le Président, la ministre de la Justice nous parle de projets-pilotes. Il faut rappeler que la loi sur les tribunaux administratifs, elle existe, elle a été adoptée en 1997, et c'était dans l'esprit de cette loi-là. Ça fait trois ans de ça. Alors, dans trois ans, on a le temps de s'apercevoir si la conciliation, c'est un bon processus ou non. Deuxièmement, comment peut-on imaginer que la conciliation ne serait pas un bon mécanisme à mettre en place au gouvernement pour régler de façon plus souple, plus flexible des problèmes qui impliquent des organismes gouvernementaux et des citoyens? À ma connaissance, on n'a jamais démontré que la conciliation, à quelque part, pouvait faire du mal. Alors, c'était l'esprit de la loi sur les tribunaux administratifs. On parle de conciliation puis on parle de rendre plus souple, plus flexible, de déjudiciariser certains conflits qui...

Et, dans le cas de la Société de l'assurance automobile du Québec, on connaît les problèmes qui existent présentement concernant le traitement des causes à ce niveau-là. Alors, M. le Président, on prive essentiellement, à la Société de l'assurance automobile du Québec, les citoyens d'avoir un mécanisme qui permettrait de la conciliation. Il faut rappeler qu'on est dans un dossier qui est chaud et qui fait l'objet de critiques nombreuses depuis plusieurs années, et je veux juste rappeler des données que j'ai mentionnées cet après-midi. Au bureau de révision, il y avait 8 800 causes en novembre 1999; on en a actuellement 10 000 depuis novembre 1999. Ça fait quelques mois. Aux tribunaux administratifs, il y avait 5 000 causes en attente qui venaient de la SAAQ en avril 1998; en janvier 2000, il y en a 6 000. Et on continue à augmenter les causes, qui se retrouvent en attente au bureau de révision ou aux tribunaux administratifs.

Et, dans le cas, au fond, du traitement des cas difficiles, il faut être bien conscient qu'on a affaire à des citoyens qui se retrouvent dans une situation très vulnérable. Ces gens-là ont des moyens physiques amoindris, souvent ils sont moralement détruits, ils ont des moyens financiers limités, et on leur demande, pour défendre leurs droits, d'embarquer dans un système judiciaire auquel ils ne sont pas capables, au fond, de répondre. Et souvent qu'est-ce que ça fait concrètement? C'est que ça décourage les citoyens et les gens abandonnent tout simplement parce qu'ils n'en peuvent plus de se retrouver dans un système comme ça, où on a le bureau de révision, on a le Tribunal administratif, où ils n'ont pas les moyens financiers pour continuer.

Et le ministre me disait après-midi: Le bureau de révision, il faudrait que vous vous fassiez une idée. Le bureau de révision, ça a été demandé, M. le Président, en 1994 par les groupes de travail sur les relations de la Société de l'assurance automobile du Québec avec la clientèle accidentée, on a demandé de l'abolir, le Barreau a demandé de l'abolir. Essentiellement, le bureau de révision, c'est une étape où on perd son temps et où il ne peut pas y avoir de justice vraie parce que les gens sont à la fois juges et parties. On a des gens qui sont des employés de la SAAQ qui gèrent ça, et on confirme à peu près la très, très, très grande majorité des jugements qui ont été rendus en première instance par les agents. Alors, M. le Président, c'est inutile. On met les gens devant une situation où les gens qui les jugent sont en conflit d'intérêts et on étire, comme ça, les délais d'un an avant d'arriver au Tribunal administratif.

M. le Président, c'est une guerre d'usure entre la SAAQ, les autorités de la SAAQ, et les citoyens. Et ce n'est pas surprenant que, dans ce cas-là... On sait les conséquences financières que ça a de reconnaître, par exemple, qu'on devra verser une indemnité à des citoyens qui sont devant la Société de l'assurance automobile du Québec. M. le Président, quand on use, qu'on fait en sorte que les gens ont réussi à en faire tomber un bon paquet, qui est le bénéficiaire de ça? Est-ce que c'est le citoyen? Non, c'est la SAAQ qui sauve de l'argent. C'est ça, la réalité, et c'est ça que les gens pensent.

Alors, si on mettait en place un processus de conciliation, on accélérerait le processus et ça serait plus équitable pour les citoyens, ça serait plus rapide aussi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Je cède maintenant la parole au ministre des Transports et député de Joliette.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, M. le Président, je voudrais relever des faussetés flagrantes.

Des voix: Oh! Oh!

M. Chevrette: Je voudrais tout d'abord... Excusez.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. leader de l'opposition.

(18 h 40)

M. Paradis: Oui, simplement pour s'assurer que, quant au mot «faussetés» qui a été banni depuis au moins un quart de siècle du lexique, qui faisait partie du lexique des termes antiparlementaires, vous n'êtes pas, à ce moment-ci, M. le Président, en train de le réhabiliter, ou, s'il est réhabilité, il l'est pour les deux côtés de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Transports.

M. Chevrette: Oui, merci, M. le Président. Tout d'abord, je dois vous dire qu'il y a des faits tout à fait inexacts et qui sont contraires à la vérité. Je n'ai pas l'intention de me battre sur les mots puis sur le règlement, je veux juste vous dire qu'il est complètement faux – il est complètement faux – d'affirmer que le président de la SAAQ ou de la Société de l'assurance automobile est contre la conciliation. Et je vais vous donner les détails, et les mois exactement, et les gestes qu'on a posés.

Tout d'abord, non seulement M. Jean-Yves Gagnon, président, n'a pas refusé la conciliation, mais, au contraire, la Société de l'assurance automobile a lancé, en mars dernier, les travaux nécessaires à la conception et la mise en place rapide d'un projet-pilote en ce qui a trait à la conciliation. Ça, ce sont des faits.

Deuxièmement, le directeur du Service juridique de la Société de l'assurance automobile du Québec a été mandaté pour procéder dans ce sens-là.

Troisièmement, ce projet-pilote obligera l'embauche du personnel additionnel, dont des avocats, ce qui démontre le sérieux de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Quatrièmement, des contacts sont établis présentement pour en arriver à faire l'embauche de trois avocats qui, sur une trentaine de dossiers, bâtiront le projet-pilote.

Je pense, M. le Président, que ça prend un certain temps pour bien faire les choses. Mais je voudrais en profiter pour donner de l'information également. Ça permettra à l'opposition de dire: On apprend; on apprend de qui puis on apprend quoi. On apprend que ce ne sont pas des dossiers qui sont en attente au Tribunal administratif, M. le Président, mais bien des décisions. Il peut y avoir plusieurs décisions différentes dans un même dossier. Il peut y avoir cinq décisions à prendre dans un dossier. Donc, le nombre de décisions à prendre est très différent du nombre de dossiers. Parce que, dans un dossier, il peut y avoir cinq ou six décisions. Il y en a qui peuvent être contestées, d'autres qui ne le sont pas. Ça fait deux fois que je dis ça à l'opposition, puis ils ne s'en rappellent pas. Je dois donc le répéter, M. le Président.

29,8 % des décisions du Tribunal administratif touchent la Société de l'assurance automobile du Québec. En 1998-1999, l'année de référence, le Tribunal a renversé 34 % des décisions de la Société de l'assurance automobile du Québec, 1 414 demandes, ce qui équivaut à 1 %. Parce que savez-vous combien il y a de décisions qui se prennent par année, M. le Président? 260 000 décisions dans la première instance. On essaie de faire une montagne avec les 5 000 décisions qui sont devant le Tribunal administratif.

Le même parti politique qu'est le Parti libéral, je suis sûr que cette manoeuvre présente à l'Assemblée nationale, c'est pour camoufler son erreur d'avoir voulu l'abolition du bureau de révision. En commission parlementaire, lorsque leurs petits amis sont venus témoigner, ils se sont prononcés en faveur de l'abolition du bureau de révision, alors que c'est là qu'il se règle beaucoup, beaucoup de problèmes. Donc, M. le Président, je comprends qu'ils en ont des regrets d'avoir fait ça puis qu'aujourd'hui ils clament à la conciliation. Mais il y en a déjà beaucoup qui se font, des incompréhensions qui se corrigent, même au niveau du bureau de révision.

Et à toutes fins pratiques, de ce nombre-là, de 1 %, là... M. le Président, voici les chiffres. De ce nombre de 1 414 demandes, qui équivaut à 1 %, 63 % des demandes sont confirmées en faveur de la Société de l'assurance automobile, 25 % sont accueillies en faveur de l'accidenté. De ce 25 %, il y en a 15,3 % qui sont accueillies en totalité et 9,4 % accueillies partiellement, 12 % d'ententes hors cours. Voilà les faits, M. le Président, voilà la réalité, voilà la vérité. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Transports et député de Joliette.

Une voix: En vertu de l'article 212...

Le Vice-Président (M. Pinard): Article 212. Excusez-moi, M. le député de Marquette, mais 212, c'est que vous repermettez au ministre d'expliquer...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): «Propos mal compris ou déformés. Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé.» Alors, écoutez, là, le discours qui a été prononcé a été prononcé par M. le ministre des Transports.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, moi... Là, là, écoutez. Là, on va jouer sérieusement, là. Tout d'abord, M. le député de l'Acadie a fait une intervention de cinq minutes et, par la suite, M. le ministre des Transports fait une intervention de cinq minutes. Alors, je ne comprends pas, là, votre intervention, M. le député de Marquette.

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, d'abord, ça fait longtemps qu'on n'est plus sérieux. Là, ça fait un sacré bout de temps qu'on a quitté le sérieux. Mais je veux simplement vous dire que mon collègue ministre des Transports n'a fait aucune citation. Il a parlé de l'opposition, mais il n'a fait aucune citation. Alors, je ne vois pas en quoi le député de Marquette se sent concerné. En plus, ce n'est pas lui qui a demandé le débat de fin de séance, c'est son...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ça va. À ce stade-ci, M. le député de l'Acadie, vous avez un droit de parole de deux minutes, réplique. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Vous avez très bien lu le premier alinéa de l'article 212, M. le Président, mais vous avez omis de lire le deuxième alinéa. Et, pris isolément, le premier alinéa ne mène à rien, mais l'ensemble de l'article mène à quelque chose sur le plan du règlement. C'est ce que les gens qui ont rédigé le règlement ont voulu: «Propos mal compris ou déformés. Tout député estimant que ses propos ont été mal compris ou déformés – je pense que le député de Marquette est un député – peut donner de très brèves explications sur le discours qu'il a prononcé.» Le député de Marquette...

Le Vice-Président (M. Pinard): Le député de Marquette n'a pas prononcé de discours. Je regrette, M. le leader de l'opposition, mais je crois qu'on en est rendu au deuxième débat de fin de séance et que le premier est clos. Le premier débat de fin de séance est clos en ce qui me concerne. Actuellement, je procède au deuxième débat de fin de séance, qui a lieu entre le député de l'Acadie et M. le ministre des Transports. Donc, à partir de ce moment-là, si M. le député de l'Acadie considère qu'il y a des propos du ministre des Transports qui ne lui conviennent pas, là, il peut intervenir. Alors, M. le député de l'Acadie, il vous reste un temps de parole de deux minutes.

M. Paradis: M. le Président, je comprends que vous avez pris en délibéré la question.

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, non, non, non.

M. Paradis: Vous avez dit: Les motions, ça ne s'applique pas...

Le Vice-Président (M. Pinard): Écoutez, M. le leader de l'opposition, on va traiter les débats de fin de séance en ordre. Le premier débat, quant à moi, il est complété et avait lieu entre Mme la ministre de la Justice et M. le député de Marquette. Le second débat de fin de séance a lieu entre le député de l'Acadie et M. le ministre des Transports. Et, à ce stade-ci, je demande au député de l'Acadie de bien vouloir compléter son intervention avec sa réplique de deux minutes.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bien, il ne peut pas y avoir de jurisprudence là-dessus, M. le leader adjoint de l'opposition, puisque 212, en l'occurrence, ne s'applique pas. Allez!

M. Mulcair: M. le Président, le deuxième alinéa de 212 permet à un député qui croit que ses propos ont été mal compris ou déformés de donner des explications. Quand? Immédiatement après l'intervention, ce qui est maintenant. Prenons un exemple que vous comprenez très bien. Au cours des quatre prochaines semaines, on va être en séance intensive. On va avoir, le soir, des discours de 20 minutes-20 minutes, gouvernement-opposition. Très souvent, vu le nombre différent, il va y avoir deux discours par des députés ministériels et un discours de l'opposition.

(18 h 50)

Prenons un exemple concret. Le leader du gouvernement prononce un discours de 20 minutes sur le projet de loi n° 1, la ministre de la Santé se prononce 20 minutes sur le même projet de loi, ensuite se lève un membre de l'opposition pour parler sur le même projet de loi. Lui, il se lève et il dit: Le leader du gouvernement nous a dit telle affaire, telle affaire, telle affaire. Le leader du gouvernement trouve que ses propos ont été déformés, que ce n'est pas correct, il se lève, il cite l'article 212, deuxième alinéa. Est-ce que vous êtes en train de nous dire que le président pourrait alors dire: Écoutez, son discours à lui est fini, la ministre de la Santé vient de donner un discours, on ne peut plus revenir sur l'article 212? Est-ce que c'est ça?

Le Vice-Président (M. Pinard): Exactement, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, parce que, en ce qui me concerne, chacun des débats de fin de séance doit être traité d'une façon distincte, et tout à fait distincte. Par exemple, on aurait pu avoir le premier débat de fin de séance entre Mme la ministre de la Justice et le député de Marquette, le deuxième débat de fin de séance entre Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et M. le député de Vaudreuil et le troisième entre M. le député de l'Acadie et M. le ministre des Transports. Et, à ce compte-là, quant à moi, je maintiens que les trois débats sont autonomes les uns vis-à-vis des autres. Donc, il n'y a pas de rétroactivité ou il n'y a pas d'interférence d'un débat à l'autre, sinon ça ne devient plus des débats de fin de séance de 12 minutes, ça devient un débat qui pourrait être, par exemple, sur la même question, et ça pourrait être trois débats en ligne de 12 minutes chacun qui feraient un débat global de 36 minutes.

Alors, moi, je considère que les débats de fin de séance ont lieu, et chacun des débats se doit d'être particulier et doit être traité d'une façon indépendante l'un vis-à-vis de l'autre. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, vous êtes en train de me dire que le ministre des Transports, qui était dans un débat sur un sujet interrelié mais un autre débat, je vous le concède, peut à ce moment-là déformer les propos d'un député de l'opposition impunément et que l'article 212 de notre règlement ne s'applique absolument pas. Il a la liberté de faire tout ce qu'il veut, de déformer tous les propos dans des débats qui sont interreliés, et ça, c'est votre jurisprudence.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: En aucun temps le ministre des Transports, dans son intervention de cinq minutes, il n'a fait référence de façon explicite aux propos tenus par le député de Marquette dans le débat de fin de séance précédent, en aucun temps. Donc, 212 ne s'applique d'aucune façon.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, si c'est ça, la version, je ne veux pas que votre décision soit rendue là-dessus sans que vous vérifiiez le transcript du débat qui a été prononcé. Si votre décision est basée sur le fait que c'est carrément isolé, qu'un ministre peut impunément déformer les propos qui viennent d'être prononcés même si le débat est interrelié, même si tout le monde était présent en Chambre et que c'est la jurisprudence qui doit s'appliquer, ça sera clair, mais pas sur la base de ce que vient de dire le leader du gouvernement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'ai rendu ma décision tout à l'heure et je la maintiens. Chacun des débats est séparé. À ce stade-ci, M. le député de l'Acadie, vous avez deux minutes et vous pouvez rectifier des choses si vous jugez bon de le faire. M. le député de l'Acadie.


M. Yvan Bordeleau (réplique)

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, j'ai écouté tout à l'heure la réplique du ministre concernant le débat qui est en cours et je dois vous dire que je n'ai pas été convaincu par la réponse du ministre. Le ministre nous a donné une réponse toute écrite, toute faite, où on parle de mettre en place des processus de conciliation à la SAAQ. Mais je vous rappelle que la loi sur les tribunaux administratifs existe depuis 1997. Ça fait longtemps que, dans plusieurs organismes gouvernementaux, on a mis en place la conciliation et on en fait bénéficier les citoyens du Québec alors que ce n'est pas le cas dans un organisme qui est fortement critiqué et qui affecte plusieurs milliers de citoyens au Québec qui sont parmi les plus démunis de la société, qui ont des moyens très limités pour se défendre.

D'ailleurs, M. le Président, je voudrais juste vous signaler qu'il y a une espèce de contradiction à partir de ce que nous a dit le ministre. Le ministre nous a dit: On a pris les mesures, puis là il nous a fait toute une liste de mesures qui auraient été prises pour mettre en place la conciliation. Et je veux vous référer à ce que la ministre de la Justice a dit cet après-midi. À la question, elle a dit: À cet égard, j'ai moi-même échangé avec des gens du ministère pour les inciter à mieux connaître en quoi consiste cette conciliation. Et mon collègue m'a exprimé toute son ouverture à vérifier justement quels étaient les motifs qui pourraient susciter une telle résistance de la part de la SAAQ. Alors, M. le Président, si la ministre parle de résistance puis qu'elle n'a pas réussi à convaincre les gens de la Société de l'assurance automobile du Québec, comment il se fait qu'actuellement la Société aurait mis en place toute une série de mesures pour en arriver à implanter la conciliation? Il y a quelque chose qui ne roule pas rond là-dedans. Qui dit vrai? La ministre de la Justice ou le ministre des Transports?

Mais ce qui est déplorable, M. le Président, c'est que le ministre des Transports tout à l'heure nous a fait une lecture préparée par les fonctionnaires de la SAAQ. C'est malheureux parce qu'on connaît le ministre des Transports. Au début de sa carrière, il s'occupait des citoyens, des vrais cas, il se faisait l'écho des citoyens du Québec, et là, maintenant, il se fait l'écho du président de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de l'Acadie, merci, M. le ministre des Transports. Ceci complète le deuxième débat de fin de séance.


Mesures pour contrer la pénurie appréhendée de personnel infirmier

Nous poursuivons maintenant entre M. le député de Vaudreuil et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Le sujet traité: la pénurie d'infirmières pour cet été. Alors, M. le député de Vaudreuil, vous avez un temps de parole de cinq minutes.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. Alors, aujourd'hui, j'ai dénoncé la pénurie d'infirmières sans précédent qu'allaient vivre le Québec, les patients et les malades au cours de l'été qui s'en vient. La Conférence des régies régionales prévoit un manque à gagner d'environ 2 500 infirmières cet été, une fois les finissantes placées. Simplement à Montréal, on pourrait fermer jusqu'à 1 500 lits cet été, soit deux fois plus que pendant la grève des infirmières l'été dernier.

Je pense qu'il est important que la population du Québec sache pourquoi nous en sommes rendus dans cette situation catastrophique. La responsabilité de cette situation, M. le Président, c'est le gouvernement péquiste qui doit l'assumer. La pénurie, elle a été créée, planifiée dans les moindres détails par le gouvernement péquiste, et je vais vous donner deux explications.

Vous savez, en 1997, on a mis à la retraite, on a payé des millions de dollars pour que 4 000 infirmières au Québec, parmi les plus expérimentées, prennent leur retraite. Une année auparavant, la ministre de la Santé, qui était alors ministre de l'Éducation, avait restreint les entrées au cégep en sciences infirmières. Donc, en raison de ces décisions tout à fait incongrues et illogiques, cette année, nous allons avoir le plus petit groupe de diplômés en sciences infirmières depuis 20 ans. Et la pénurie est à ce point grave, M. le Président, vous savez, qu'on se lance à la chasse aux infirmières en Europe. Donc, on met des infirmières à la retraite ici, on restreint l'entrée au cégep puis on dit: Après, bien on va payer pour aller chercher des infirmières à l'extérieur.

Deuxièmement, les centres hospitaliers font de la surenchère entre eux pour recruter des infirmières. Par exemple, le Centre hospitalier universitaire de Québec va investir 2,4 millions pour attirer de nouvelles infirmières. Le CHUM, à Montréal, verse des bonis de 500 $ à tous ses employés qui sont à l'origine du recrutement d'une infirmière. Donc, nous sommes dans une situation où l'établissement hospitalier qui va être en mesure d'offrir le plus aura le plus de chances de recruter des infirmières. Cette situation a été dénoncée par d'autres hôpitaux dans la région. Par exemple, la Conférence régionale des hôpitaux de la Montérégie déplore que des établissements du même réseau viennent à briser des règles qui garantissent une certaine équité dans les offres qui sont faites par les différents hôpitaux.

Un autre exemple. Une institution a décidé, vous savez, d'offrir des montants forfaitaires, des salaires additionnels à des infirmiers et des infirmières pour que ces derniers puissent déplacer leurs vacances en dehors de la période raccourcie qui a été négociée par la ministre dans la nouvelle convention collective, donc 50 $ par jour, 40 $ par jour, etc. Cette surenchère, M. le Président, et ces pratiques sont extrêmement coûteuses, très coûteuses, vous savez, pour les établissements, sont inacceptables, vont amplifier des inéquités entre les établissements et sur le plan des régions. En plus, vous savez, ça va permettre... on va obliger des établissements à couper dans des services, d'autres services qu'on pourrait donner à la population.

Cet après-midi, vous savez, la ministre, encore une fois, elle m'a répondu de façon très vague et évasive. Elle a dit: Vous savez, certains hôpitaux ont utilisé différentes avenues pour leur permettre de retenir leur personnel infirmier. J'ai demandé aux institutions qu'elles ne fassent pas de surenchère, qu'elles puissent utiliser les moyens normalement disponibles pour retenir leur personnel. Quels sont ces moyens, M. le Président? On doit conclure, je pense, si je comprends, que la ministre ferme les yeux sur ces pratiques, cette surenchère que font les établissements, que la ministre ferme les yeux également sur les coûts additionnels que génèrent les établissements avec ces pratiques, pratiques, semble-t-il, qu'ils mettent en place pour réparer les pots cassés par les mauvaises décisions planifiées du gouvernement.

(19 heures)

Donc, d'un côté, on ferme les yeux et on dit aux hôpitaux, semble-t-il: Vous pouvez dépenser de l'argent pour faire de la surenchère, mettre en place des pratiques pour retenir, des primes, du temps supplémentaire, etc., argent qui n'est pas prévu dans les budgets qui ont été donnés aux établissements. Et, d'un autre, on va dire: Il y a la loi antidéficit; donc, si vous dépensez plus, bien vous devrez couper dans d'autres services directs aux patients et à la population.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Vaudreuil. Nous cédons maintenant la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. En fait, nos débats de fin de séance devraient normalement nous permettre d'éclairer davantage la situation. Mais je comprends que le député de Vaudreuil n'avait pas un iota de plus à ajouter à ce qu'il avait déjà posé comme question cet après-midi. Je vais cependant, malgré tout, essayer de l'éclairer encore davantage que je n'ai pu le faire.

Mais je croyais qu'il allait d'abord, dans un premier temps, se lever pour féliciter le gouvernement du fait que nous avons convenu d'une entente avec les médecins spécialistes qui satisfait, cette entente, les deux parties et qui améliore les conditions de travail de l'ensemble des médecins spécialistes du Québec, particulièrement, entre autres, de ceux et celles qui travailleront dans les régions éloignées, ce qui était l'objet d'une grande préoccupation de notre collègue le député de Vaudreuil. Alors, j'imaginais que ce soir il allait avoir un bon mot pour reconnaître l'excellent travail qui a été accompli pendant les derniers mois de négociation avec notre partenaire qu'est la Fédération des médecins spécialistes du Québec.

Alors, M. le Président, je reviens sur cette question de la disponibilité des infirmières pendant la période estivale. Je répéterai très clairement que les décisions prises dans le passé quant à la possibilité soit d'établir des quotas dans les cégeps – qui d'ailleurs n'ont même pas été rencontrés – soit cette décision par voie d'entente de permettre à des infirmières de prendre une retraite plus tôt que prévu étaient des décisions qui s'inscrivaient, dans leur contexte, dans une période où il n'y avait pas de pénurie en vue, M. le Président. Et, quant au deuxième aspect, l'entente entre les infirmières et le gouvernement a été à ce point populaire qu'effectivement un plus grand nombre d'infirmières ont quitté que ce qui avait été initialement prévu. Il faut convenir de tout cela ensemble.

Cela étant, M. le Président, nous avons convenu, pour l'été, de mettre en place un certain nombre de mesures, ce qu'on appelle dans le jargon, là, un plan de contingence. Ce que ça veut dire, c'est que c'est un plan de travail, d'organisation du travail pour nous permettre de répondre aux besoins dans tous les hôpitaux du Québec. Il y a donc un ensemble de gestes qui ont été jusqu'ici posés pour nous permettre de répondre à cette demande, compte tenu, oui, que nous avons un problème de pénurie, il faut bien convenir de cela ensemble, M. le Président, qui devrait cependant se résorber dès la prochaine année, dès le prochain été et dans les années subséquentes, où, progressivement, nous devrions revenir à un rythme normal, d'une part, de formation et, d'autre part, d'offres de service.

Là où on peut peut-être rassurer davantage les gens, c'est aussi sur le fait que, dans certains hôpitaux, là où on sait que la situation risque d'être un petit peu plus difficile, on a reconcentré sur une plus courte période la prise des vacances, ce qui a amené aussi un certain nombre de médecins, de professionnels – on compte sur des équipes infirmières – à prendre aussi leur congé annuel à la même période, ce qui fait qu'on a essayé de minimiser l'impact sur les services à la population, particulièrement les services qui sont soit les services d'urgence ou soit des services de soins de courte durée dans les hôpitaux, où on n'a pas le choix à cause d'interventions qui apparaissaient nécessaires dans le temps prévu.

Nous avons donc toute une série de mesures, que ce soit le rappel d'infirmières qui avaient quitté la profession, que ce soit la formation d'infirmières auxiliaires qui ont pu obtenir leur diplôme, on fait, oui, du recrutement à l'étranger, je n'en disconviens pas, M. le Président, puis, si on pouvait en faire davantage puis en recruter davantage, on continuerait à le faire. Et il y a eu une lettre, une circulaire très claire qui a été envoyée aux directeurs généraux des établissements et des régies régionales.

Je peux mentionner à notre collègue le député de Verchères que, dans cette lettre, effectivement, ce que l'on demande, c'est: qu'on respecte les conventions collectives en vigueur; l'équité entre les conditions offertes aux salariés recrutés et celles consenties aux salariés déjà en poste; l'analyse de l'impact des conditions et avantages offerts sur les autres établissements; la rémunération octroyée doit correspondre aux tâches effectuées et aux règles établies; et l'utilisation maximale des compétences des diverses catégories de personnels déjà à l'emploi de l'établissement.

Et nous mentionnions, mon sous-ministre adjoint mentionnait, entre autres, que nous favorisions sans réserve toute mesure ayant pour effet d'abord de diminuer la précarité de l'emploi chez notre personnel, nous permettant d'offrir ainsi...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Sur le temps de la ministre, il restait quelques secondes quand je me suis levé. En vertu de l'article 214, je demanderais à la ministre de déposer le document qu'elle a cité. Il y a consentement pour qu'elle complète son temps, M. le Président.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, vous déposez votre document, Mme la ministre. Le document est déposé. M. le député de Vaudreuil, votre réplique, un temps de parole de deux minutes.


M. Yvon Marcoux (réplique)

M. Marcoux: Merci, M. le Président. La pénurie que nous vivons présentement, je voudrais simplement le rappeler, elle a été créée par le gouvernement. Quand la ministre nous dit: Nous avons signé les ententes, ce n'est pas le voisin qui a signé les ententes, ce n'est pas le voisin qui a signé les ententes, c'est la ministre des Affaires sociales qui a signé les ententes de mises à la retraite de façon improvisée.

Vous savez, en 1996, quand le ministre de la Santé, avec le président du Conseil du trésor, avait évoqué cette possibilité de mises à la retraite massives, des dirigeants d'hôpitaux leur avaient dit: Ne faites pas ça de cette façon-là, vous allez massacrer le réseau de la santé.

Mais non, vous savez, le président du Conseil du trésor, lui, connaît les choses beaucoup mieux que tout le monde, que tous les gens qui travaillent sur le terrain, à tous les jours, qui soignent les malades. Il a dit: Non, non, ça ne marchera pas, là, on y va avec les mises à la retraite. Quatre mille infirmières ont pris leur retraite parmi les plus expérimentées, dans les soins intensifs, le bloc opératoire et l'urgence. Et c'est avec ça, M. le Président, qu'on a massacré le réseau, et aujourd'hui on doit payer pour réparer les pots cassés, pour être en mesure d'offrir les services aux malades et aux patients.

Ce n'est certainement pas moi qui vais venir féliciter le gouvernement d'avoir pris des décisions aussi improvisées qui ont coûté, vous savez, ce plan de mises à la retraite, dans le gouvernement, et c'est le Vérificateur général lui-même qui l'a dit, en pure perte 2,3 milliards. Pouvez-vous imaginer qu'est-ce qu'on aurait pu faire de bien dans le réseau de la santé et des services sociaux et dans l'éducation si nous avions utilisé de façon judicieuse ce 2,3 milliards qu'on a dépensé en pure perte?

Je voudrais simplement rappeler à la ministre, vous savez, qui aujourd'hui semblait dire: Vous posez beaucoup de questions sur le même sujet ou sur des sujets en Chambre, simplement lui dire qu'aussi longtemps qu'on n'aura pas de réponses on va poser des questions. S'il est facile peut-être pour elle et pour le premier ministre de faire taire des dirigeants d'hôpitaux qui veulent dire la vérité, on ne fera pas taire, vous savez, les représentants de la population en cette Chambre pour poser des questions au gouvernement et le rendre responsable.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Vaudreuil. Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Ceci termine nos trois débats de fin de séance, et nous ajournons donc nos travaux au mercredi 24 mai, 10 heures.

(Fin de la séance à 19 h 9)