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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 4 avril 2000 - Vol. 36 N° 92

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Table des matières

Présence des membres du conseil d'administration de la Fondation des parlementaires québécois des cultures à partager, dont Mme Jeanne Blackburn et M. Marcel Parent

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures quatre minutes)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Bien, veuillez vous asseoir.


Présence des membres du conseil d'administration de la Fondation des parlementaires québécois des cultures à partager, dont Mme Jeanne Blackburn et M. Marcel Parent

Alors, pour débuter la séance, je voudrais souligner la présence dans nos tribunes des membres du conseil d'administration de la Fondation des parlementaires québécois des cultures à partager dont la présidente est notre ex-collègue, Mme Jeanne Blackburn, et dont le vice-président est l'ancien député également, notre ancien collègue, Marcel Parent. Et ces deux anciens collègues, par l'entremise des présidents de caucus, vous transmettront aujourd'hui même une communication personnelle à chacun d'entre vous.


Affaires courantes

Alors, pour les affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles ni de présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Entente d'échange de renseignements visant l'affectation des remboursements fiscaux aux dettes dues en vertu de la Loi sur les prestations familiales, et avis de la CAI

Mme Léger: Oui, M. le Président. Je dépose copie de l'entente d'échange de renseignements visant l'affectation des remboursements fiscaux aux dettes dues en vertu de la Loi sur les prestations familiales, ainsi que la copie de l'avis favorable de la Commission d'accès à l'information sur le projet d'entente entre la Régie des rentes du Québec et le ministère du Revenu.


Prévisions budgétaires 2000-2001 et rapport financier préliminaire 1999-2000 du DGE et de la Commission de la représentation électorale

Le Président: Très bien. Ce document est déposé.

Pour ma part, je dépose les prévisions budgétaires du Directeur général des élections pour l'exercice financier 2000-2001 et son rapport financier préliminaire 1999-2000.

Je dépose également les prévisions budgétaires de la Commission de la représentation électorale pour l'exercice financier 2000-2001 et son rapport financier préliminaire pour 1999-2000.


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

Et, finalement, je dépose les décisions 954 et 957 du Bureau de l'Assemblée nationale.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail et députée des Chutes-de-la-Chaudière.


Étude détaillée du projet de loi n° 105

Mme Carrier-Perreault: Alors, M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 4 avril 2000 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 105, Loi régissant les activités d'aménagement forestier de bénéficiaires de contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestier pour les années 2000-2001 et 2001-2002. La commission a adopté le projet de loi.


Dépôt de pétitions

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Au dépôt de pétitions, M. le député de Saint-Maurice et deuxième vice-président de l'Assemblée nationale.

M. Pinard: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de déposer un extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement, M. le vice-président.


Mettre en application les conclusions de la discussion tenue par les scouts lors du Jam des neiges, à Québec

M. Pinard: Merci. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 2 400 pétitionnaires. Ce sont des représentants des Scouts du monde rassemblés à Québec à l'occasion du Jam des neiges.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que 2 400 scouts, garçons et filles, de partout à travers le monde se sont rassemblés à Québec du 27 décembre 1999 au 5 janvier 2000 pour participer au Jam des neiges sous le thème Viens prendre l'ère ;

«Attendu que ces scouts, aux termes d'une discussion, se sont entendus pour prendre les engagements suivants:

«Environnement: promouvoir une journée annuelle pour le reboisement des forêts à l'occasion de laquelle un arbre sera planté par chacun des 25 millions de scouts du monde; sensibiliser leur entourage à l'importance d'utiliser les transports en commun afin de diminuer le taux de pollution atmosphérique;

«Respect des droits démocratiques: s'assurer du respect des scouts entre eux et envers les autres jeunes; encourager la pratique de la B.A. – bonne action – et l'implication des scouts dans les causes humanitaires; favoriser les événements d'échanges culturels comme le Jam des neiges;

«Les droits des jeunes: boycotter les compagnies qui ont recours au travail des enfants; exiger que les médias transmettent davantage de messages d'amour et moins de violence; sensibiliser les dirigeants à l'importance de préserver la santé des jeunes et leur assurer le droit à l'éducation jusqu'à 16 ans; promouvoir un meilleur partage des richesses afin de venir en aide aux jeunes des pays en voie de développement; proposer que le mouvement scout augmente de 1 $ la cotisation annuelle et distribue la somme recueillie aux enfants pauvres.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Il est proposé que l'Assemblée nationale du Québec adopte la résolution suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec, dans les limites de ses responsabilités et de ses compétences, fasse tout en son pouvoir afin de mettre en application, tant par les lois qu'elle adopte que par les positions qu'elle est appelée à prendre à l'égard des autres gouvernements et de la communauté internationale en général, les conclusions émergentes de la discussion tenue lors du Jam des neiges, à Québec, sous le thème Le scoutisme dans la société qui aborde la nouvelle ère . Les jeunes se sont entendus afin que l'on trouve des solutions concrètes aux problèmes suivants:

(14 h 10)

«1° protéger l'environnement en portant une attention particulière aux problèmes liés à la déforestation et à la pollution de l'air et de l'eau;

«2° combattre toute forme de discrimination en favorisant l'égalité entre les femmes et les hommes et en combattant le racisme et l'exclusion;

«3° améliorer les conditions de vie des jeunes, entre autres en dénonçant l'exploitation des enfants par le travail ainsi que la violence faite à leur égard.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci.


Présence de représentants du mouvement scout du Québec

Le Président: Bien. Alors, cette pétition est déposée.

Je voudrais signaler, également, la présence dans nos tribunes de représentants du mouvement scout du Québec. Et, comme on disait quand on était jeune, pour ceux qui sont scouts: Scout un jour, scout toujours . Hein, n'est-ce pas, M. le ministre?

Une voix: ...

Le Président: Alors, en ce qui concerne la motion qui nous est demandée d'être présentée, bien, elle devra l'être de façon réglementaire à une autre étape de nos travaux aujourd'hui ou à une autre séance.

Par ailleurs, je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée le 29 mars dernier par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne concernant le dépistage du cancer du sein.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons immédiatement aborder maintenant la période de questions. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Modification des articles 45 et 46 du Code du travail dans le cadre des fusions de municipalités


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, on apprenait en fin de semaine ce qui à première vue semblait une bonne nouvelle, c'est l'intention du bureau de la ministre des Affaires municipales, en tout cas l'intention de la ministre, telle qu'annoncée par un représentant de son bureau, de réunir les représentants du monde municipal et des représentants, également, syndicaux dans le but de discuter d'amendements potentiels au Code du travail, de discuter de la question des planchers d'emploi dans le cadre des fusions des municipalités.

Or, M. le Président, vous êtes au fait que, depuis plusieurs années, maintenant, les gens qui ont étudié cette question-là ont été à peu près unanimes, que ce soit le rapport Mireault, en 1997, qui suggérait de revoir les articles 45, 46 du Code du travail... Le rapport Bédard, M. le Président, également, recommandait de revoir les articles 45, 46. La Fédération québécoise des municipalités réclame qu'on fasse des amendements. Et, aujourd'hui, Mario Laframboise, qui est le président de l'Union des municipalités du Québec, écrivait une lettre ouverte où il disait justement, M. le Président, qu'il fallait s'attaquer à la question des planchers d'emploi et aux articles 45, 46 si on voulait encourager les municipalités à faire des fusions.

Or, ce qui semble être un bonne nouvelle... En tout cas, on aura l'occasion d'en savoir davantage aujourd'hui, mais je veux dire d'avance à la ministre des Affaires municipales que l'opposition libérale va l'appuyer dans ses démarches en vue d'amender le Code du travail et de s'attaquer à cette question-là. Alors, je m'attends à ce qu'elle nous annonce une bonne nouvelle aujourd'hui et qu'elle puisse nous confirmer qu'effectivement le gouvernement a l'intention d'amender les articles 45, 46.

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, dans le cadre de la réorganisation municipale en cours, le ministère des Affaires municipales a travaillé en très étroite collaboration avec le ministère du Travail, sous l'autorité de ma collègue la ministre du Travail, de manière à pouvoir en arriver à favoriser des regroupements de services et des regroupements de municipalités, et je laisserai donc à ma collègue la ministre d'État au Travail le soin de répondre à ces questions. Il faut comprendre qu'il s'agit d'un dispositif à mettre en place dans le cadre de regroupements de services et de municipalités, donc un dispositif distinct de celui qui est en vigueur dans l'économie générale de nos lois du travail.

D'autre part, je voudrais rappeler au chef de l'opposition, qui a l'air de l'ignorer ou qui a l'air de l'oublier tout simplement, que le gouvernement a adopté en mars 1998 une loi concernant la négociation d'ententes relatives à la réduction des coûts de main-d'oeuvre dans le secteur municipal. En fait, il s'est agi de la loi n° 414, qui a instauré un régime spécial de règlement de litiges et qui permettait à l'employeur, en fait à la municipalité, d'engager les syndicats dans un processus d'offre finale avec l'intervention d'un tiers et permettant la suspension du droit de grève pendant la durée de l'opération qui s'échelonnait sur 31 jours. Alors, M. le Président, il y a 77 municipalités qui se sont prévalues de cette loi qui était ouverte aux 1 300 municipalités du Québec, et je crois comprendre qu'il y a eu des dispositifs, dans un passé récent, mis à la disposition du monde municipal, qui a plutôt choisi d'y renoncer.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, la ministre nous dit aujourd'hui qu'elle travaille en étroite collaboration avec sa collègue ministre du Travail, on applaudit ça. On aurait aimé ça, entendre la même chose dans ses relations avec les représentants municipaux. M. Laframboise dit aujourd'hui que «l'usage abusif de la raison d'État à l'encontre des municipalités n'aura produit, en définitive, que des déceptions, des frustrations et une pourriture malsaine devenue quasi insurmontable dans les rapports Québec-municipalités. La situation n'a jamais été aussi grave depuis 40 ans.»

Et le président de l'Union des municipalités, qui est bien au fait de la loi qu'elle vient de citer, la même loi qui, si on s'en rappelle correctement, permettait les clauses orphelin, la même loi qui n'a pas livré des conditions préalables pour permettre des fusions, dit très clairement qu'il y a des conditions préalables, qu'il faut s'attaquer aux articles 45, 46, qu'il faut s'attaquer à la question des planchers d'emploi.

Est-ce que le gouvernement a l'intention, oui ou non, de s'attaquer à ces questions-là? Et je veux l'assurer à l'avance que, dès qu'ils auront l'intention de le faire, qu'ils l'annonceront, l'opposition officielle va les seconder puis les appuyer dans ces efforts-là, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, merci, M. le Président. Comme ma collègue l'a signifié, le gouvernement est parfaitement conscient que, dans le cadre d'une réorganisation assez substantielle des municipalités, ça poserait effectivement un certain nombre de problèmes en termes de relations de travail. C'est la raison pour laquelle le projet de loi qui va encadrer cette réorganisation municipale va comporter des dispositions pour faciliter la gestion des relations de travail dans le cadre de ces fusions et ces regroupements de municipalités. Ça, c'est une chose. Ce sera donc un processus qui sera prévu pour que ces regroupements-là puissent se faire de manière ordonnée, en respectant les droits des uns et des autres.

Par ailleurs, en ce qui a trait à la révision du Code du travail, c'est une démarche qui est une autre démarche, qui est indépendante. J'ai eu l'occasion, d'ailleurs, de rencontrer les différentes unions municipales, le patronat, le monde syndical, les principaux acteurs qui sont intéressés par le Code du travail, j'ai soumis un certain nombre d'hypothèses à ces gens-là au sujet de l'application de l'article 45. Je vais donc faire le tour de ces acteurs-là, je vais statuer sur le meilleur scénario à développer pour moderniser l'application de l'article 45, que je soumettrai au gouvernement, et on verra comment ça se dessinera au cours des prochains mois.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, on s'attendait à une réponse plus claire, un oui ou un non, sur les articles 45, 46, d'autant plus que récemment des représentants de l'Assemblée législative de l'Ontario – et le gouvernement a bien cité en exemple l'Ontario, du côté des fusions municipales – relevaient le fait qu'il fallait d'abord changer les lois du travail si on voulait favoriser les fusions. Il semble que leur déclaration ait été bien reçue du côté du gouvernement, puisqu'un député du Parti québécois disait, et je cite: «Le message fondamental que nous donnent nos amis ontariens, c'est qu'il y a des avantages aux fusions, mais c'est beaucoup mieux si ces fusions émanent de la base, résultent d'une volonté de fusion plutôt que d'une imposition par voie légale», M. le Président. C'était le député, ça, de Marguerite-D'Youville qui disait ça, un député de leur propre caucus.

Est-ce que la ministre est en accord ou en désaccord avec sa propre députation sur cette question-là? Et est-ce que, oui ou non, on va amender les articles 45 et 46 du Code du travail?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ma collègue la ministre d'État au Travail et moi-même aurons des propositions à soumettre incessamment au Conseil des ministres dans le cadre de la réorganisation municipale pour favoriser les regroupements de services et les regroupements de municipalités.

(14 h 20)

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis, en question principale.


Participation des maires à la nouvelle Communauté métropolitaine de Montréal


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Oui. M. le Président, la ministre des Affaires municipales a des problèmes, c'est le moins qu'on puisse dire, avec les commissions métropolitaines.

Prenons le cas de la commission métropolitaine de Montréal. Déjà, la moitié des participants ont dit ne pas vouloir participer. Au tout départ, les maires de la couronne nord, qui représentent 500 000 personnes, ont déjà dit: On ne veut pas participer à cette manifestation, à cette activité. Après avoir rencontré les préfets des comtés de la couronne sud, après avoir rencontré les maires de la couronne sud, les maires ont décidé de se retirer de la commission métropolitaine de la ministre parce qu'ils n'ont pas confiance, disent-ils, ils ne veulent pas embarquer dans un train dont ils ne connaissent pas la destination. Il reste, M. le Président, le maire de Montréal, le maire de Laval et les représentants des banlieues sur l'île de Montréal pour discuter des sujets suggérés par la ministre; en fait, on se retrouve avec l'Île-Jésus puis l'île de Montréal. Peut-être est-ce que la ministre veut nous amener un nouveau concept, un concept de deux îles, une ville.

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'ai le plaisir d'annoncer à cette Assemblée, suite à la question du député de Westmount–Saint-Louis, que le maire de Longueuil m'a fait connaître hier son intention de participer au comité aviseur mis en place dans la réorganisation municipale, et je crois comprendre...

Alors, M. le Président, on n'est pas à moitié-moitié, on est, là, aux deux tiers-un tiers, et j'ai toujours confiance que les Rive-Nord et Rive-Sud vont rapidement gagner les rangs de ce comité qui a ce double mandat de faire l'inventaire des équipements, activités et services à vocation métropolitaine et également de faire des recommandations sur les regroupements souhaitables sur le territoire de la région métropolitaine de Montréal.

Je voudrais, en terminant, citer un prédécesseur aux Affaires municipales, M. Claude Ryan, ancien ministre des Affaires municipales, qui, il y a quelques mois à peine, déclarait ce qui suit: «La création d'une autorité régionale est une nécessité. Montréal forme une région. Cette région doit pouvoir penser, parler et agir comme telle. Je trouve, ajoute-t-il, qu'il faut mettre un terme à la dispersion actuelle des énergies. Je souhaite en conséquence la création d'une autorité régionale au sein de laquelle les villes de chaque zone seraient représentées au prorata de leur population.» Je suis contente qu'une voix autorisée comme celle de mon prédécesseur aux Affaires municipales s'ajoute à la mienne pour dire l'urgence d'agir dans ce domaine.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que la ministre exclut les fusions forcées dans le cadre des travaux de la commission métropolitaine?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Encore là, M. le Président, je rappelle au député de Westmount–Saint-Louis le mandat du comité aviseur sur la région métropolitaine de Montréal, d'ailleurs identique au mandat des comités aviseurs de l'Outaouais et de Québec: ils devront en octobre prochain, tel qu'il est prévu dans l'échéancier, faire des recommandations au gouvernement sur la question des regroupements de municipalités.

Ceci dit, je rappellerais cependant que M. Ryan, toujours, il y a quelques mois, et je le cite, croit qu'«il y a trop de municipalités dans l'île de Montréal. Certaines villes, comme Outremont et Westmount, et je le cite, sont des anachronismes politiques et elles devraient disparaître pour être fusionnées à Montréal.» Je ne sais pas si ça va inspirer l'opposition, cette voix autorisée de M. Ryan, mais je souhaiterais que l'opposition cesse de se camper dans le statu quo. Le statu quo, M. le Président, c'est ce qui a présidé aux neuf années de gouvernement de l'opposition libérale...

Une voix: ...

Mme Harel: Sauf pour le déficit, me rappelle mon collègue des Finances. Mais le statu quo, c'est la seule option qui est mise de côté.

Le Président: En question principale, M. le député de Limoilou.


Participation des maires à la nouvelle Communauté métropolitaine de Québec


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Depuis l'annonce de la ministre des Affaires municipales, rien ne va plus non plus, Mme la ministre, dans la région de Québec.

Un journal de ce matin, M. le Président, titrait: Première rencontre quasi fantôme. À peine trois maires y participeront aujourd'hui . Ça va très bien, M. le Président, le comité, dont son mandataire, M. Lapointe, refuse toujours la participation de l'ensemble des maires de la banlieue de la région de Québec. Le problème est simple: les maires n'ont pas confiance au gouvernement, et c'est pour cette raison que tous les maires veulent être à la table afin d'établir un climat de confiance et de nous prouver, Mme la ministre, que la conclusion n'est pas écrite d'avance.

Est-ce que la ministre peut nous confirmer si, oui ou non, les maires qui le désirent peuvent siéger à la table?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, il y a, sur le territoire de la région métropolitaine de Québec, 43 municipalités dont 21 qui comptent moins de 5 000 habitants. Alors, il est bien évident qu'à 43, à part le fait d'avoir bien des complications pour se réunir, ça peut difficilement être efficace. Moi, je crois que la crise de confiance, c'est entre les maires membres de la banlieue de la Communauté urbaine de Québec, eux et elles-mêmes, puisqu'ils refusent, entre eux, de se désigner entre eux, parmi elles et eux, des représentants pour siéger au sein de ce comité aviseur.

Le Président: M. le député.


M. Michel Després

M. Després: M. le Président, la ministre n'a rien compris. Il y a 43 municipalités. Le journal le dit ce matin, il y en a seulement trois sur 43 qui vont siéger. Comment va-t-elle faire pour appliquer les recommandations d'un comité qui est un comité fantôme?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, je pense que, M. le Président, le député oublie qu'un de ces maires est aussi préfet et représente, avec l'appui des préfets des deux autres MRC, à la fois toutes les municipalités de la MRC de La Jacques-Cartier, de La Côte-de-Beaupré et de L'Île-d'Orléans, plus le maire de Québec et plus également le maire de Lévis qui est aussi préfet de la MRC de Desjardins, et c'est plus de la moitié de la population de la région métropolitaine de Québec qui est ainsi représentée. Je souhaite que l'autre moitié le devienne bien évidemment.

Le Président: En question principale, M. le député de Vaudreuil.


Projet de loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Merci, M. le Président. L'an dernier, la ministre de la Santé et des Services sociaux a imposé des ententes de gestion aux établissements du réseau. Cette année, après avoir vu son collègue des Finances lui dire qu'elle avait des problèmes de gérance, la ministre de la Santé arrive avec une autre solution magique. Elle annonce et dépose à la hâte un projet de loi antidéficit pour les établissements de santé et de services sociaux. Pourtant, la loi actuelle sur la santé et les services sociaux contient déjà toutes les dispositions nécessaires à l'obligation d'équilibre budgétaire.

Alors, pourquoi, M. le Président, la ministre propose-t-elle – et peut-elle le dire vraiment – un projet de loi antidéficit, un projet de loi spécial contre le déficit des établissements hospitaliers et de santé alors que la loi actuelle contient déjà toutes les dispositions nécessaires?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. D'abord, à la différence de l'an dernier où nous avons investi 1,7 milliard corrigeant le problème de déficits accumulés, nous ne corrigions pas le risque de déficit structurel. Et, suite aux discussions que nous avons eues avec les différentes institutions, dont les hôpitaux et dont les autres institutions du réseau, nous avons convenu qu'il était nécessaire non seulement de couvrir le déficit accumulé en cours d'année pour cause de services rendus, mais qu'il était aussi nécessaire de revoir la base de financement des établissements, autant les hôpitaux, les centres locaux de services communautaires, les centres d'hébergement ou d'autres types d'institutions. Dans cette perspective-là où nous assainissons la base de financement de nos institutions, il nous apparaissait important de procéder à une entente avec nos institutions de telle sorte que nous puissions mutuellement travailler à éviter que de tels déficits ne se reproduisent et surtout que le ministère puisse avoir des moyens qui n'étaient pas démesurés, compte tenu de la capacité que nous avons d'intervenir à l'heure actuelle.

(14 h 30)

À ce titre, la seule façon pour le ministère d'intervenir d'une façon significative était par la voie de la mise en tutelle. Or, ce n'est pas ce que nous souhaitons. Nous souhaitons pouvoir travailler en collaboration; la loi prévoit donc, d'abord et avant tout, des mécanismes de collaboration, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: M. le Président, est-ce que la ministre réalise qu'en tentant de répondre d'une façon aussi vague elle vient de confirmer la conclusion d'un avis juridique qui circule déjà dans le réseau des établissements de santé et qui a été préparé par la Direction des affaires juridiques de l'Association des hôpitaux du Québec, sous la signature du cabinet Heenan Blaikie, avis qui soutient, entre autres, et je cite: «Dès lors, il faut peut-être conclure que le dépôt du projet répond davantage à des impératifs de nature politique qu'à une véritable nécessité juridique. Si la loi sur les services – donc, c'est la loi actuelle – n'a pas, quels que soient les motifs, été appliquée, rien ne démontre qu'il faille une nouvelle loi qui énonce les mêmes principes pour que son application soit assurée.»?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Le député de Vaudreuil ayant pris connaissance de la loi, il est conscient que, dans la loi, il est prévu que le ministère soit informé de façon régulière de l'état des finances des institutions publiques de santé et de services sociaux. Il est prévu aussi, dans la loi publique, que, suite à la connaissance de ces situations, le ministère puisse procéder à des ententes, à des discussions avec les institutions et puisse même intervenir par voie de directives ou autrement, ce, pour soutenir l'institution ou pour corriger des situations qui sont vécues à l'égard des questions financières, M. le Président, ce qui est nouveau, à ce qu'il me semble, compte tenu de la connaissance que j'ai de l'ensemble du processus. Et c'est en ce sens que c'est une loi qui crée une obligation, entre autres au gouvernement, de rendre disponibles les budgets dès le début de l'année de telle sorte qu'on ne soit pas en cours d'année pris à rattraper le temps perdu alors qu'il est déjà trop tard pour qu'on puisse procéder à une planification adéquate.

Alors, c'est une loi qui crée des obligations au ministère, elle en crée aux établissements, et je pense que nous saurons l'appliquer de façon intelligente, M. le Président.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: En supplémentaire, M. le Président. La ministre de la Santé vient de dire quelque chose de très étonnant, elle vient de nous annoncer que la loi obligerait les hôpitaux, les établissements à l'informer de leur situation budgétaire. À ce que je sache, c'est une affaire courante qui doit être faite dans l'ensemble des relations qu'a son ministère; je présume, du moins. Et c'est peut-être l'explication des déficits, à moins que ce soit l'explication qu'elle nous donne aujourd'hui pour la situation qu'on vit actuellement dans le réseau. Or, le problème, ce n'est pas une loi, ce n'est pas les établissements ou les hôpitaux, le problème, c'est que son gouvernement n'a pas donné les ressources nécessaires. Et là aujourd'hui on nous propose une loi, à l'Assemblée nationale – l'avis juridique nous le dit – qui dit, et je cite l'avis juridique: «Il est clairement établi que les budgets de fonctionnement des établissements publics doivent être en équilibre.» Le texte de l'article 284 ne peut pas être plus clair à cet égard. Alors, le projet de loi est redondant. Ça ne donne rien de présenter ce projet de loi, absolument rien. On connaît la loi qu'elle présente.

Est-ce que la ministre connaît sa propre Loi sur la santé et les services sociaux, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Peut-être que, si nous avions pu disposer des ressources qu'Ottawa accumule, nous aurions pu corriger un certain nombre de problèmes qui sont vécus dans nos institutions.

Des voix: ...

Le Président: Alors, en réponse à la question du chef de l'opposition officielle, Mme la ministre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Si effectivement nous avions pu recevoir les ressources qui devraient normalement revenir au Québec, nous ne nous serions pas retrouvés dans une situation difficile, au plan budgétaire, à l'égard des institutions de santé et de services sociaux. D'ailleurs, il me semble que l'opposition devrait applaudir en ce sens et être d'accord, puisque ce n'est pas seul le Québec qui fait cette réclamation, c'est l'ensemble des ministres de la Santé de toutes les provinces du Canada qui blâment Ottawa à cet égard.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Le problème de la ministre est de son côté de la Chambre, M. le Président. Elle devrait parler à son premier ministre qui a déclaré avoir appuyé le gouvernement fédéral dans ses coupures. Il disait trouver ça correct, en juillet 1998. Alors, après avoir blâmé le fédéral, blâmé le gouvernement précédent, on nous présente un projet de loi qui ne sert absolument à rien.

On veut savoir pourquoi la ministre ne connaît pas le contenu de sa propre loi et si sa loi, ce n'est pas une opération politique plutôt que de s'occuper de la santé des citoyens du Québec.

Une voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, je rappellerai aux membres de cette Assemblée que nous réinvestissons cette année, l'année en cours et l'année qui vient de s'écouler, 2,7 milliards dont environ 800 millions iront dans les établissements de santé et de services sociaux, incluant des investissements dans les équipements, incluant le rehaussement des bases budgétaires et incluant l'ajout de nouveaux services. La loi qui est déposée devant nous est une loi qui permet au ministère d'utiliser des outils plus souples pour corriger les situations dans les établissements, parce que, effectivement, le seul outil dont le ministère peut disposer, si nous voulons pouvoir intervenir dans un établissement, c'est la tutelle, et, pour ce faire, il faut prouver qu'il y a malversation, ce qui n'est pas le cas, bien sûr. C'est souvent, au contraire, des situations difficiles qu'ont eu à rencontrer les institutions. Nous prévoyons donc des mécanismes de support, des mécanismes d'aide, et des discussions auront lieu, donc, avec nos institutions dès le moment où un risque de déficit pourrait se présenter de telle sorte que nous ne perdions pas le contrôle de la situation.

Le Président: Bien. En question principale maintenant, Mme la députée de Bonaventure.


Niveau de la taxe sur l'essence


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Depuis plusieurs semaines, des millions de consommateurs d'essence partout en province réclament une diminution des taxes. Jeudi dernier, le ministre des Finances a évoqué le principe de l'élasticité. Il nous a expliqué que plus les prix montent, moins les gens consomment. Or, la thèse du ministre des Finances ne tient pas, puisque son ministère prévoit une hausse des revenus des taxes sur les carburants de 46 millions de dollars en 2000-2001, et ce, sans tenir compte de la TVQ.

Alors, dans ce contexte, M. le Président, est-ce que le ministre des Ressources naturelles peut ramener son collègue des Finances à un principe de base, à un principe qui est très, très simple, un principe que tout le monde comprend: quand les prix de l'essence grimpent, les taxes augmentent et les consommateurs paient? Alors, est-ce que le ministre des Ressources naturelles va saisir l'offre du ministre fédéral des Finances et baisser les taxes sur l'essence?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Bien, M. le Président, si la thèse de l'élasticité de la demande par rapport aux prix ne tient plus, ça va être un vrai massacre dans les bibliothèques économiques demain matin, parce que c'est une loi archiconnue, vérifiée 1 000 fois plutôt qu'une. Et la question de la députée prouve d'ailleurs que cette loi s'applique. Nous avons prévu, nous, que les prix de l'essence allaient baisser après les accords de Vienne, ce que tous les experts prévoient aussi. Les prix de l'essence baissent, les gens consomment davantage, ce qu'il fallait démontrer.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Richmond.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui. M. le Président, qu'est-ce que le ministre de l'Agriculture entend faire pour les producteurs serricoles du Québec? Plusieurs ont déjà abandonné la production, face à l'augmentation, dans certains cas, de l'ordre de 300 % du prix de l'huile à chauffage. Est-ce que le ministre peut nous indiquer s'il attendra de nombreuses faillites au Québec avant d'intervenir dans ce dossier?

(14 h 40)

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, en ce qui concerne la production serricole du Québec, qui est particulièrement développée dans la Montérégie et également dans la région des Laurentides déjà, et aussi en Estrie, bien sûr – il y en a beaucoup – la Société de financement agricole du Québec a informé les producteurs que nous pouvons adopter des mesures afin que ces producteurs et ces productrices puissent mettre en terre les semis du printemps pour fournir les différentes catégories. Nous avons des dispositions financières qui nous permettent de faire cela. Parce que, que je sache, là, le prix du mazout et de l'essence est augmenté en Ontario, puis ailleurs partout, aux États-Unis aussi. Donc, on va récupérer, à la fin de la saison, dans les prix du marché. Dans les prix du marché, nous devrions recouvrer les coûts qui ont été investis au niveau des semences printanières.

Deuxièmement, M. le Président, nous avons également, avec Gaz Métropolitain, débuté des travaux qui sont rendus à un point tel que nous pourrons offrir très bientôt des solutions alternatives, en termes de prix, qui vont permettre d'arriver, avec le 25 millions qui a été mis dans le budget pour l'extension du réseau gazier, à offrir des sources alternatives d'énergie qui permettront, je le souhaite vivement, aux producteurs en serre du Québec de faire face à la compétition et de continuer leur développement.

Le Président: En question principale, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En complémentaire? Très bien. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Est-ce que le ministre des Régions réalise que le principe d'élasticité du ministre des Finances – et, dans son cas, c'est beaucoup plus un élastique qui vient vers lui et qui retourne vers les citoyens – a pour effet d'éloigner les villages des villes, M. le Président, que les contribuables des régions doivent parcourir de grandes distances chaque jour soit pour aller à l'école, pour aller au travail, pour visiter des parents et des amis ou pour aller à l'hôpital, dans certains cas? Si le ministre des Régions comprend cette réalité, il devrait être le premier à intervenir auprès du ministre des Finances et à essayer de vérifier sa sensibilité pour pouvoir baisser les taxes sur l'essence pour les régions.

Le Président: M. le ministre des Régions.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, je n'ai pas attendu, de la part du député, sa question pour intervenir et voir ce qu'il était possible de faire, et je fais confiance au ministre des Finances dans ces circonstances.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Donc, ce que je dois comprendre, c'est que le ministre des Finances a placé le ministre des Régions sous tutelle sur recommandation du premier ministre.

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: C'est vrai qu'il y a beaucoup de thèses farfelues qui traînent, ces jours-ci, dans toutes sortes de publications, mais l'élasticité des routes par rapport aux villages, celle-là, je ne la connaissais pas. Le député en a l'originalité.

Le Président: Mme la députée de Beauce-Sud, en question principale?


Projet de loi concernant le recouvrement d'un montant en vertu d'une loi fiscale


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: En principale, M. le Président. Alors, un journaliste de La Presse a déjà écrit, et je le cite: «Quand le fisc québécois décide d'avoir votre peau, vous êtes fait à l'os. Le gros bon sens, ça n'existe pas. Tous les moyens sont bons pour saigner à blanc le contribuable qui n'a pas les moyens financiers de se payer les services d'une batterie de fiscalistes et d'avocats.» Malheureusement, c'est la triste réalité, car, bien que la contestation du contribuable soit fondée, les moyens de perception auxquels a recours Revenu Québec empêchent bien souvent le contribuable d'assumer sa défense. D'ailleurs, quel petit contribuable a les moyens de se battre contre l'armée de fonctionnaires de Revenu Québec?

Est-ce que le ministre du Revenu est en mesure de réaliser qu'il est le seul à croire que sa loi correspond, est conforme à la Charte des droits des contribuables et des mandataires, puisque, l'automne dernier, le Barreau du Québec, puis, le mois dernier, le Protecteur du citoyen du Québec, et, encore aujourd'hui, l'Ordre des comptables en management accrédités du Québec dénoncent la façon de faire de Revenu Québec et réclament du gouvernement qu'il appelle pour étude le projet de loi n° 390?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre du Revenu.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. La députée de Beauce-Sud réclame l'adoption du projet de loi n° 390 qui a pour effet de faire en sorte qu'une personne qui fait une opposition est obligée de payer immédiatement la somme qui lui est réclamée, et elle dit que le gouvernement du Québec ne fait pas sa part. J'ai lu avec attention la lettre que le Protecteur du citoyen a fait parvenir à Mme Leblanc le 17 mars 2000. Un petit paragraphe est très, très intéressant, et il se lit comme suit: «En 1993-1994, le Protecteur du citoyen s'était déjà prononcé en faveur de cette mesure – celle qu'elle préconise – et avait émis des commentaires en ce sens au ministre à l'occasion de l'étude du projet de loi n° 71, Loi visant l'amélioration des relations entre le ministère du Revenu et sa clientèle.» Fin de la citation. Ces commentaires n'ont cependant pas été retenus. Alors, en 1994 le ministre du Revenu de l'époque a été saisi de la chose, il a reçu les avis du Protecteur du citoyen et il a passé outre à ce que demande la députée maintenant. C'est le parti qui est là qui a refusé de faire cette chose-là, et aujourd'hui il vient nous dire que nous devrions le faire. Alors...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Saint-Laurent. M. le député de Saint-Laurent, s'il vous plaît! Merci de votre collaboration. M. le ministre.

M. Bégin: Alors, M. le Président, j'ai quand même demandé au ministère d'aller au fond des choses dans toute cette question-là, d'aller scruter chacun des points qui ont été soulevés par la députée de Beauce-Sud. J'ai reçu un premier rapport à l'effet que, d'ici trois semaines environ, j'aurais une réponse finale quant aux impacts qu'aurait un changement, une modification à la loi, et, dès que j'aurai ces recommandations finales, ça me fera plaisir d'en faire connaître l'issue à cette Assemblée.

Le Président: Bien. En question complémentaire?

M. Paradis: Oui.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: En vertu de 214, M. le Président, est-ce que le ministre peut à ce moment-ci déposer le premier rapport dont il vient de citer un extrait?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, je n'ai pas de rapport écrit de quelque manière. J'ai suivi l'évolution du travail, et on me dit qu'on va être en mesure de me donner des réponses d'ici trois semaines. Alors, ça me fera plaisir, à ce moment-là, lorsque j'aurai un rapport, qui ne sera peut-être pas par écrit, de le faire partager à cette Assemblée.

Le Président: Mme la députée de Mégantic-Compton, en question principale.


Indemnisation des orphelins de Duplessis


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Après que le Protecteur du citoyen a qualifié l'offre du gouvernement aux orphelins de Duplessis d'humiliante et injuste, que l'ex-ministre Denis Lazure a affirmé qu'elle était nettement insuffisante et que le Comité des orphelins a estimé que c'est l'ultime humiliation, c'est maintenant au tour de la Commission du droit du Canada de demander au gouvernement de rendre justice aux orphelins de Duplessis. En effet, dans un rapport portant sur les sévices infligés aux enfants, la Commission du droit du Canada, et je cite, «invite le gouvernement à se montrer attentif aux besoins des victimes en adoptant les mesures qui s'imposent pour négocier des programmes complets de réparation».

Est-ce que le ministre des Relations avec les citoyens va bientôt comprendre que lui et son premier ministre sont les seuls à croire que le dossier est réglé et enfin accepter d'indemniser les victimes de sévices parmi les orphelins de Duplessis?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Alors, M. le Président, je pense que, dans ce dossier, le gouvernement a pris quand même un certain nombre de positions très claires au cours de la dernière année. C'est le 4 mars dernier qu'en cette Assemblée le premier ministre, au nom de l'ensemble des Québécoises et des Québécois, a présenté, au sujet des orphelins et des orphelines de Duplessis, des excuses à la population du Québec, et je pense qu'il l'a fait de façon très claire, très ferme. C'était la première des préoccupations et des demandes du Comité. Nous avons également répondu à un ensemble d'autres demandes. Ce qui effectivement nous sépare toujours, c'est que le Comité des orphelins et orphelines de Duplessis souhaiterait avoir en quelque sorte une compensation généralisée, universelle à tous ceux et à toutes celles qu'il considère comme ayant séjourné dans des orphelinats au Québec. Ça n'a pas été la position retenue par le gouvernement du Québec jusqu'à maintenant.

(14 h 50)

Je tiens à signaler que j'ai eu l'occasion de rencontrer à plusieurs reprises le Comité, que nous avons toujours un fonds de 3 millions de dollars, qu'il est là pour venir en aide – un fonds de 3 millions de dollars – à tous ceux, parmi les orphelins et les orphelines, qui auraient des besoins spécifiques, et je constate malheureusement, M. le Président, que, pour l'instant, cette main tendue est toujours restée sans réponse. Nous sommes toujours disposés à aller de l'avant dans le sens des mesures. Je reçois encore à mon bureau des téléphones de gens qui souhaiteraient avoir accès à ces mesures et je suis disposé n'importe quand à donner suite aux décisions et aux orientations qu'a prises le gouvernement du Québec.

Le Président: Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: M. le Président, comment le ministre peut-il prétendre que son maigre fonds annoncé l'an dernier est suffisant, alors que la Commission du droit du Canada affirme dans son rapport qu'un programme complet de réparations constitue la réponse officielle la plus apte à atteindre les objectifs? Est-ce que le gouvernement péquiste attend que le film américain sur le sort des orphelins de Duplessis sorte partout dans le monde avant d'agir?

Le Président: M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Alors, M. le Président, nous n'attendons ni un film ni d'ailleurs nous n'avons pas attendu, comme l'opposition d'en face a attendu pendant des années dans ce dossier, pour faire ce qu'il nous apparaissait nécessaire de faire, c'est-à-dire, par une déclaration solennelle de cette Assemblée, redonner aux orphelins et aux orphelines de Duplessis la dignité qu'ils souhaitaient avoir aux yeux de l'histoire. Nous l'avons fait. Nous avons annoncé une série de mesures, concernant les registres de l'état civil, concernant les dossiers médicaux, auxquelles nous sommes prêts à donner suite, avec la collaboration notamment du Collège des médecins. Nous avons également créé ce fonds pour ceux et celles d'entre eux qui ont justement des problèmes. C'est un choix que nous avons fait. Nous pensons que ce choix se défend. Il se défend dans un contexte global de ce qu'est l'histoire, de ce que sont les obligations de ce gouvernement. Encore une fois, j'ai eu l'occasion de dire et je redis aux représentants des orphelins et orphelines de Duplessis que nous sommes prêts à aller de l'avant pour la mise en place des mesures annoncées.

Le Président: En question principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Sécurité en matière de transport scolaire


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. M. le Président, on se souvient, l'automne dernier, le ministre des Transports avait laissé entendre que les commissions scolaires étaient incapables de gérer le transport scolaire et qu'il fallait le transférer aux MRC. Cependant, dans son propre Règlement sur le transport des écoliers, le ministre permet, aux articles 46 et 47, que trois élèves s'entassent sur un banc, pour un total de 72 élèves dans un autobus prévu pour en transporter 48 de façon sécuritaire, et on apprenait dernièrement que cette situation arrive de plus en plus souvent en raison des compressions budgétaires, ce qui provoque aussi qu'il arrive que des étudiants, lorsqu'un chauffeur a à freiner brusquement, tombent dans l'allée de l'autobus ou, en tout cas, qu'il y ait des problèmes de sécurité.

La question est simple, M. le Président: Est-ce que le ministre des Transports envisage de modifier son règlement pour revoir le maximum d'élèves permis par banquette afin de rendre le transport écolier plus sécuritaire, et ce, avant qu'il arrive un accident?

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, le transport le plus sécuritaire au Québec, c'est le transport écolier. Au cours des cinq dernières années, aucun accident grave seulement. Encore là, c'est le prototype du drame, on veut essayer d'amener le drame au Québec. Depuis toujours, dans les tout-petits, ils sont trois sur chaque banc. Depuis toujours. C'est dès qu'ils tombent au secondaire que, là, le chiffre de 72 passe à 48, et il y a une sécurité totale. Et, si tous les modes de transport se comportaient exactement comme le transport scolaire, on applaudirait très haut et très fort au Québec.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre des Transports est en train de nous dire qu'il va attendre qu'il y ait un accident pour mettre fin à une situation qui, comme le disait une chauffeuse d'autobus dernièrement dans La Presse , depuis quelques années, est de plus en plus fréquente? Et elle dit qu'à partir de la deuxième année c'est trop, trois par banc. Elle dit que, quand elle freine, les élèves tombent dans l'allée, et elle dit que, en cas d'accident, l'autobus n'est pas prévu pour évacuer 70 élèves. La question n'est pas de paniquer, la question est d'agir au lieu de réagir.

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je n'ai jamais dit qu'on ne réviserait pas les normes de transport scolaire, je n'ai jamais dit ça, sauf que ce que j'ai dénoncé dans ma première réponse, c'est le fait que l'opposition, et plus particulièrement certains d'entre eux, essaie de faire paniquer toujours la population, alors que, dans les faits, le transport le plus sécuritaire présentement, celui qui ne comporte aucun accident grave, majeur au cours des dernières années – depuis cinq ans, aucun décès – c'est le transport scolaire.

Le Président: M. le député.

M. Béchard: En additionnelle. Oui?

Le Président: Allez-y.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre se rend compte que la conductrice d'autobus scolaire indique: On dirait qu'on prend les enfants pour des animaux? Est-ce qu'il faut absolument qu'il y ait un accident pour que vous réagissiez, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je dois vous dire ceci: au niveau du transport scolaire, il y a beaucoup de formation, au niveau du transport scolaire, il y a une vérification mécanique constante, régulière, au niveau du transport scolaire, il y a un souci permanent de sécurité, et ce n'est pas parce que l'opposition a été neuf ans sans faire quoi que ce soit au niveau de la sécurité dans le transport scolaire que, nous, du gouvernement actuel, on doit laisser dire n'importe quoi parce qu'on a besoin d'une question additionnelle.

Je dois vous dire, M. le Président, que, oui, on veille au grain, oui, régulièrement, nous avons un comité qui se penche quotidiennement sur la sécurité routière. Et, plus particulièrement dans le transport scolaire, on associe l'ATTAQ, on associe l'Association des propriétaires également de transport écolier, on regarde concrètement qu'est-ce qui peut être fait, qu'est-ce qui peut être amélioré. On transige avec le gouvernement fédéral sur les normes de sécurité quant aux véhicules neufs qui sont achetés, que ce soit par...

Des voix: ...

M. Chevrette: Qu'est-ce qu'il y a? Ça crie, là.

Des voix: ...

Le Président: M. le député d'Orford, en question principale?

M. Benoit: Oui, en principale, M. le Président.

M. Chevrette: Aïe! M. le Président, je n'ai pas fini.

Des voix: ...

Le Président: Justement, M. le ministre, vous me faites signe. J'avais reconnu, avant que le temps soit écoulé, le député d'Orford pour une question principale. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, vous pourriez au moins laisser au ministre le soin, le souci aussi, d'ajouter le complément à son verbe.

Des voix: ...

Le Président: Le problème, c'est que j'avais demandé – et je crois que le ministre, qui est un vétéran de l'Assemblée, sait très bien comment les choses se déroulent – de conclure déjà depuis un moment. M. le député d'Orford, dernière question principale.


Entrée en vigueur des modifications à la Loi sur la qualité de l'environnement concernant la gestion des matières résiduelles


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Le Réseau québécois des groupes écologiques déposait son bulletin à ce gouvernement et au ministre de l'Environnement au cours de la fin de semaine. Vous n'aurez pas de surprise, pas plus que nous, de savoir qu'ils ont été recalés pour une deuxième année, avec un C. Et, dans le cas des relations avec les groupes d'environnement, ils ont eu un F. Le ministre a, dans les dernières années, écouté le BAPE qui a fait une grande consultation sur l'eau. Ils ont par la suite écouté 60 mémoires – on a participé – et finalement une loi fut adoptée au début du mois de décembre.

Nous nous demandons maintenant, ainsi que les maires, les préfets, les industries, à quel moment le décret de la loi ainsi que la réglementation vont être mis en place. Tout ce beau monde est prêt à nettoyer le Québec, à mettre en place une vraie politique environnementale. Faudrait-il maintenant que le ministre en revienne, de son bulletin, et qu'on procède avec l'action, au Québec?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, si j'ai bien compris la question du député d'Orford, c'était de savoir quand est-ce que le décret mettant en vigueur les modifications à la Loi sur la qualité de l'environnement... Alors, je dois vous dire que la loi entrera en vigueur le 2 mai 2000 et que le décret qui fait les modifications au Règlement sur la gestion des matières résiduelles, parce que partout on y trouve le mot «déchet», tel qu'on l'a modifié au mois de décembre, entrera en vigueur dans les prochains jours pour que la loi puisse entrer en vigueur le 2 mai 2000. Donc, c'est une question de jours et nous ne sommes pas en retard, même si le député trouve que ça prend un peu de temps.


Réponses différées


Frais imposés pour une mammographie de dépistage

Le Président: Bien. Alors, comme je l'avais indiqué au préalable, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux va maintenant répondre à une question qui a été posée le 29 mars dernier par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne concernant le dépistage du cancer du sein. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je veux simplement informer les membres de cette Assemblée que le Programme québécois du dépistage du cancer du sein s'adresse aux femmes qui ont entre 50 et 69 ans et celles-ci sont invitées à passer une mammographie de dépistage une fois tous les deux ans. Pour le moment, les femmes en dessous de 50 ans ne sont pas retenues dans le programme de dépistage systématique, et il y a à cet égard un débat international. Nous connaissons la situation de l'ensemble des autres provinces canadiennes de même que de la plupart des États américains qui procèdent de la même façon. D'ailleurs, c'est actuellement la position du National Health Institute des États-Unis.

(15 heures)

Par ailleurs, au Québec – parce que je ne crois pas qu'il faille se contenter de cela – un avis a été demandé au Comité d'évaluation des technologies de la santé sur l'évaluation des avantages et des inconvénients de ramener à 40 ans l'âge à partir duquel il y aurait un programme de dépistage systématique. J'attends cet avis très prochainement. Cela pourrait donc venir influencer nos politiques.

La question plus précise de la députée était la suivante: Est-ce qu'il est normal que l'on charge 85 $ à des femmes âgées de moins de 50 ans pour une mammographie même si celles-ci, ces femmes, ont en main une prescription médicale pour une mammographie de dépistage?

À cela, je dis: Non, M. le Président, ce n'est pas normal, puisque, dans les faits, lorsqu'il y a une mammographie de dépistage qui est recommandée sur prescription médicale, toutes les femmes y ont accès si elles ont moins de 50 ans ou plus de 70 ans, puisque, dans les autres cas, c'est automatiquement gratuit.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, étant donné que le cancer du sein est le tueur numéro un pour les femmes de 35 à 54 ans – et plusieurs groupes sont venus nous en parler en commission parlementaire – est-ce que la ministre peut intervenir auprès de la Régie de l'assurance maladie pour faire modifier l'article 22 afin que les prescriptions médicales pour mammographies de dépistage puissent être assumées de la même façon, à même titre que la prescription médicale pour mammographie de diagnostic?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: C'est exactement ce que je souhaite, M. le Président. Je peux vous dire que nous avons non seulement des avis qui ont été demandés, mais des discussions sont actuellement en cours avec le Collège des médecins pour qu'il n'y ait pas d'interprétation inadéquate des directives et orientations prises par la Régie à cet égard.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui. Jeudi passé...

Le Président: Non, non, non. M. le député de Nelligan, il y a une question complémentaire à une réponse différée, pas deux. Alors, je vous invite...

M. Paradis: M. le Président, tout simplement, la ministre avait pris avis la même journée d'une autre question du député de Nelligan. Il n'y a pas de complément de réponse. Ça touchait le centre La Triade. Il y a eu un débat de fin de séance. Le gouvernement a tenté d'éviter le débat de fin de séance. Maintenant, l'Assemblée nationale n'a pas été informée d'une réponse de la part de Mme la ministre.

À ce moment-là, est-ce qu'elle préfère le faire tout de suite ou prendre quelques minutes pour vérifier et informer l'Assemblée nationale? Il s'agissait de gens qui sont dans le besoin.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, c'est vrai que nous avons pris avis de la question, mon collègue le ministre délégué à la Santé et moi-même. Nous avons pris avis de la question, et il y a eu un débat de fin de séance. J'ai demandé une clarification réglementaire, et le président a décidé que le débat de fin de séance aurait lieu. Il était recevable et il a eu lieu, et j'ai donné une réponse au nom du gouvernement.

Alors là ça supprime automatiquement l'avis de la question, évidemment, puisqu'il y a eu réponse au moment du débat de fin de séance.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. À ce moment-ci, je pense que la ministre qui a pris avis de la question, une question qui touche des gens qui sont très démunis, elle est en train de s'en entretenir avec l'ancien ministre de la Santé, et je souhaite une réponse à cette question de façon complète. C'est le but de l'intervention. Compte tenu qu'elle n'a pas donné avis une heure avant la période des questions, nous consentons, à ce moment-ci, à ce que Mme la ministre donne une réponse complète. Elle m'indique qu'elle est prête à le faire demain. À ce moment-là, M. le Président, ce sera demain.

Le Président: Bien, écoutez, le leader du gouvernement vient d'indiquer que, à l'occasion d'un débat de fin de séance, il considérait que la réponse avait été donnée. C'est la responsabilité du gouvernement. Le gouvernement pourrait décider que, outre le débat de fin de séance, il souhaite ajouter ou répondre à la question qui avait été posée, qui avait été en préavis, mais le gouvernement n'est pas obligé de le faire.

Alors, ce que je comprends de l'intervention du leader du gouvernement qui vient de nous être communiquée, c'est qu'au nom du gouvernement il indique qu'il considère que la réponse qui a été... en fait la question qui a été posée par le député de Nelligan a obtenu réponse à l'occasion du débat de fin de séance.

M. Paradis: Et, M. le Président, pour donner suite, par la suite Mme la ministre de la Santé nous a indiqué qu'elle ne partageait pas l'avis de son leader et qu'elle donnerait un complément de réponse demain, et on accepte.

M. Brassard: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: On ne sèmera pas la zizanie dans nos rangs, M. le Président. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: M. le Président, non, non, la ministre a simplement indiqué ou laissé voir – parce qu'elle ne s'est pas levée, elle n'avait pas droit de parole – elle a laissé voir que, si l'opposition souhaitait poser d'autres questions sur le sujet, bien elle n'avait qu'à le faire en période de questions et de réponses orales.

Le Président: Bien. Alors, nous avons compris que le gouvernement protège son intégrité.


Motions sans préavis

Nous allons maintenant passer à l'étape des motions sans préavis. Alors, je cède maintenant la parole au ministre de la Solidarité sociale.


Souligner la Semaine de l'action bénévole du Québec

M. Boisclair: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Semaine de l'action bénévole du Québec qui aura lieu du 9 au 15 avril 2000 sous le thème, cette année, Bâtir demain ensemble: l'action bénévole, un coup de main qui fait du bien

Le Président: Bien. Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion, d'abord? Alors, j'avais compris...

Des voix: Un, un.

Le Président: ...MM. les leaders, une intervention de chaque côté. Ça va? Alors, très bien. M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Alors, M. le Président, au nom du gouvernement du Québec, au nom de mes collègues députés du Parti québécois, il me fait grandement plaisir de présenter cette motion qui vise à souligner, encore cette année, la Semaine de l'action bénévole qui aura lieu du 9 au 15 avril 2000.

Cette semaine vise à reconnaître et à souligner l'apport inestimable de milliers de femmes et d'hommes qui participent à des activités bénévoles partout au Québec. Le travail bénévole, vous le savez, représente des milliers d'heures de dévouement et contribue à d'indispensables liens de solidarité qui enrichissent nos vies à tous et toutes.

L'action bénévole représente non seulement un engagement personnel envers les diverses communautés, mais également un geste concret de solidarité. Nous sommes donc extrêmement heureux, M. le Président, à l'occasion de cette semaine, de nous associer aux nombreux centres d'action bénévole, à la promotion de l'action bénévole dans toutes les régions du Québec. D'ailleurs, le gouvernement du Québec a l'intention d'accentuer son partenariat avec la Fédération des centres d'action bénévole du Québec afin de promouvoir les bienfaits de l'action bénévole et de valoriser la contribution de nos concitoyennes et de nos concitoyens.

Au Québec, M. le Président, nous comptons plus de 3 millions de bénévoles de tous âges, qui n'hésitent pas à donner de leur temps, à donner de leurs énergies pour venir en aide à d'autres de leurs concitoyens et concitoyennes. Le nombre de bénévoles ne cesse d'augmenter depuis ces dernières années, et l'énergie et le temps consacrés par ces personnes constituent une ressource inestimable pour le soutien et l'essor social des collectivités au Québec. C'est là une autre illustration bien concrète de la solidarité qui caractérise le peuple québécois.

Cette solidarité, M. le Président, ne s'illustre pas uniquement dans les moments de crises, comme par exemple celle du verglas, mais aussi quotidiennement dans toutes sortes de milieux et de toutes sortes de façons. Ces milliers de personnes s'engagent à chaque jour pour faire en sorte que le monde dans lequel ils vivent soit un peu plus fraternel.

Je veux donc saluer toutes celles et ceux qui, dans l'ensemble des régions du Québec, ont décidé de faire en sorte que leur milieu de vie soit stimulant. Ces femmes et ces hommes qui, au jour le jour, ou quelquefois par mois, posent des gestes bénévoles ont décidé de ne pas baisser les bras devant les difficultés que vivent de nos concitoyens ou de nos concitoyennes. Ils ont décidé bien concrètement de donner un coup de pouce, de donner aux autres ce qu'ils ont de plus précieux: du temps, de l'énergie et de l'enthousiasme.

(15 h 10)

Les bénévoles décident, par leur voix, par leurs gestes, de faire la différence dans la vie de quelqu'un. Chacun des membres de cette Assemblée connaît dans son comté des gens qui, par leurs actions bénévoles, ont changé la vie d'une autre personne. Ce sont là de belles histoires de coeur, ce sont de beaux élans de passion que nous devons souligner dans notre Assemblée. C'est donc, M. le Président, à ces gens qu'il nous faut rendre hommage dans le cadre de la Semaine de l'action bénévole du Québec.

Concrètement, à l'occasion de cette semaine, se tiendra demain, le 5 avril, à la salle du Conseil législatif du Parlement, la troisième édition du prix Hommage Bénévolat-Québec. Ce prix a été créé conjointement par le gouvernement du Québec et la Fédération des centres d'action bénévole du Québec afin de reconnaître la contribution importante du travail bénévole des milliers de Québécois et de Québécoises dont je parlais tout à l'heure.

Nous voulons, par la création de ce prix, souligner l'importance de la volonté du gouvernement du Québec de poursuivre les efforts visant à encourager les actions bénévoles de l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. L'événement, aussi, M. le Président, rend hommage aux bénévoles qui travaillent dans des secteurs d'activités d'aide, de soutien, d'entraide et d'accompagnement auprès des individus, auprès des familles, des malades et des personnes démunies. J'aurai donc l'honneur, M. le Président, de remettre, à des personnes et des organismes communautaires qui représentent un peu partout les régions du Québec, un prix pour souligner leur engagement bénévole.

D'ailleurs, M. le Président, vous me permettrez de profiter de cette occasion pour inviter l'ensemble des députés de cette Assemblée à être présents à cette cérémonie qui sera, nous en convenons tous, une occasion unique de souligner, de façon fraternelle et chaleureuse, ces personnes qui, à chaque jour, bâtissent le Québec que nous aimons tant. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Je vais céder maintenant la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de famille et d'enfance. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous écoute.

M. Copeman: Merci, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): J'espère que vous allez l'écouter, vous autres aussi, parce qu'il y a des murmures un peu partout, c'est fatiguant. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Je vous remercie, M. le Président. Évidemment, si nos collègues écoutaient attentivement le ministre de la Solidarité sociale, ils auraient été capables de retrouver, presque mot à mot, certains paragraphes de son discours de l'année passée. Alors, il est très clair que le ministre aime beaucoup ses discours et tente, à certaines occasions, de les répéter presque verbatim.

M. le Président, au nom de ma formation politique, de l'aile parlementaire libérale et, en l'absence de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, la porte-parole en matière de solidarité sociale qui, malheureusement...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, vous ne pouvez pas souligner l'absence d'un député ici, et vous le savez très bien. Je vous fais un rappel au règlement à cet effet-là.

M. Copeman: Alors, au nom également de ma collègue, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, M. le Président, qui est porte-parole en matière de solidarité sociale, il me fait grand plaisir d'associer l'aile parlementaire libérale à la motion du ministre de la Solidarité sociale:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Semaine de l'action bénévole du Québec qui aura lieu du 9 au 15 avril 2000 sous le thème, cette année, Bâtir demain ensemble: l'action bénévole, un coup de main qui fait du bien. »

M. le Président, il y a facilement à peu près un tiers des Québécois et Québécoises de tous les âges qui font du bénévolat, au Québec. Ce sont des écoliers, des étudiants, dans beaucoup de cas. Je sais que, à l'école que fréquente mon fils, la notion de l'engagement et de service communautaire est intégrée dans le programme. Alors, il est obligé et il le fait, comme ses amis de classe, avec beaucoup de grâce, il fait du bénévolat pour l'entraide de sa communauté. Ce sont des mères et des pères de famille, ce sont des personnes âgées, des personnes à leur retraite. Ce sont, en effet, dans une proportion presque égale, des hommes et des femmes qui font du bénévolat à l'école, auprès des institutions religieuses, auprès des établissements de santé, des organismes communautaires, de nombreux organismes communautaires qui livrent de plus en plus des services.

Et, évidemment, nous voulons les remercier, M. le Président, ces, littéralement, centaines de milliers de bénévoles. On veut les remercier pour leur générosité, pour leur engagement et surtout pour leur dévouement, et surtout, je dirais, également, pour la contribution à notre richesse collective que ces personnes font.

M. le Président, le désengagement de l'État à l'égard de plusieurs éléments, que ce soit dans la santé, dans d'autres domaines, met beaucoup, beaucoup de pression sur les bénévoles, au Québec. Il est de plus en plus vrai que les aidants naturels, d'autres formes de bénévoles, sont appelés à combler un vide occasionné par le désengagement de l'État dans beaucoup de domaines, et ça met de la pression sur les bénévoles et ça met de la pression sur les familles. Je vous signale simplement que, dans son plus récent rapport, le rapport 1999-2000 sur la situation et les besoins des familles et des enfants, le Conseil de la famille et de l'enfance du Québec signale, et je cite le rapport: «Les hommes et les femmes réussissent à s'adapter aux diverses réalités de la vie, mais au prix d'une fatigue psychologique et physiologique qui tend à augmenter à mesure que leurs responsabilités s'accroissent, tant au plan familial qu'au plan professionnel. Dans un tel contexte, les parents souhaitent donc que les interventions diversifiées soient développées pour répondre davantage aux besoins de la vie familiale d'aujourd'hui. Il s'agit d'un des plus grands défis de la gestion des ressources humaines de cette fin de siècle.»

Alors, il y a de plus en plus une pression sur le temps des bénévoles, sur le temps des familles au Québec, et nous nous réjouissons, M. le Président, qu'il y ait des personnes qui sont à leur retraite qui peuvent donner beaucoup de leur temps afin de faire du bénévolat au Québec. Mais, par contre, il faut également préparer la relève. Il faudrait s'assurer qu'il y a des femmes et des hommes au Québec qui travaillent toujours, qui sont des pères et mères de famille, qu'ils puissent trouver le temps nécessaire, qu'on enlève un peu de pression sur eux pour qu'ils puissent faire du bénévolat, le bénévolat qui est tellement essentiel dans la société québécoise. Il faut remercier les – littéralement – centaines de milliers de bénévoles pour leur bon travail au cours de l'année, et on le fait présentement, comme vous le savez, en soulignant la Semaine de l'action bénévole du Québec à laquelle souscrivent entièrement les députés de ma formation politique, l'opposition officielle. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Est-ce que cette motion du ministre de la Solidarité sociale est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté.

Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis? M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, je vous écoute.


Souligner la Semaine québécoise du commerce de détail

M. Julien: Merci, M. le Président.

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine québécoise du commerce de détail qui se tient du 2 au 8 avril 2000, reconnaisse l'apport économique de ce secteur d'activité, le mérite des gens qui la composent ainsi que la contribution du commerce de détail à la croissance de l'emploi et de la richesse du Québec.»

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement. M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, je vous écoute.


M. Guy Julien

M. Julien: Alors, M. le Président, je suis très heureux de souligner la Semaine québécoise du commerce de détail qui a lieu du 2 au 8 avril et ainsi rappeler le dynamisme du secteur québécois du commerce de détail.

Tout d'abord, je veux saluer le travail du Conseil québécois du commerce de détail qui regroupe quelque 4 500 établissements représentant près des deux tiers des activités de commerce de détail. Le Conseil est un partenaire important de mon ministère qui appuie la Semaine québécoise du commerce de détail depuis ses débuts il y a sept ans. Le commerce de détail, M. le Président, représente près du tiers du produit intérieur brut, il fournit de l'emploi à quelque 400 000 personnes et a généré en 1998 des ventes de 58 milliards de dollars.

Dans plusieurs secteurs de l'industrie, les détaillants deviennent des acteurs majeurs qui favorisent la pénétration de nos produits sur les marchés local, national et international. Ils sont donc des rouages de premier plan dans le développement économique du Québec. Le commerce de détail est une véritable force économique. C'est pourquoi, dès mon arrivée au ministère, j'ai mis sur pied une direction du commerce qui a le mandat d'aider le secteur du commerce à relever les défis qu'imposent la globalisation des marchés et la fulgurante croissance des technologies de l'information.

Au coeur de ces nouvelles façons de faire, il y a évidemment le commerce électronique que les entreprises doivent maintenant s'approprier. Pour demeurer compétitives, ici comme à l'étranger, les entreprises du Québec doivent renouveler leurs façons de faire, se doter de sites transactionnels et faire preuve d'innovation. À cet égard, M. le Président, je suis heureux d'informer cette Assemblée que j'annoncerai très prochainement notre stratégie sur le commerce électronique. Dans la même veine, lors du dernier budget, le ministre des Finances, M. Bernard Landry, a annoncé une mesure d'aide qui permettra aux entrepreneurs québécois de développer des sites Web transactionnels. Ainsi, les PME pourront se doter des outils technologiques nécessaires à l'appropriation des nouvelles façons de faire des affaires.

(15 h 20)

De plus, mon ministère compte continuer à épauler ce secteur important de l'économie par différentes mesures. Ainsi, le Forum du commerce du Québec se tiendra les 5 et 6 juin prochain, il rassemblera pour la première fois tous les acteurs du domaine et il permettra de dégager des pistes d'intervention afin d'assurer la croissance du secteur et de faire face au défi d'une économie en changement. Enfin, M. le Président, mon ministère reconduira pour la troisième fois la populaire campagne de promotion des produits québécois, Québec en vitrine , qui aura lieu du 25 septembre au 15 octobre prochain.

En terminant, M. le Président, j'ai eu l'honneur, hier, de participer à la remise des attestations honorifiques de l'Ordre du mérite du commerce de détail qui souligne l'entrepreneurship des détaillants eux-mêmes et le rôle des nombreux employés qui oeuvrent dans le secteur du commerce de détail. J'aimerais réitérer mes félicitations aux lauréates et lauréats et les encourager à continuer à offrir les services de qualité que les Québécoises et Québécois apprécient et dont nos visiteurs parlent à l'étranger. Je vous remercie, M. le Président, et souhaite à toutes et à tous une Semaine du commerce de détail des plus fructueuses. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre. Je vais céder maintenant la parole sur cette motion à M. le porte-parole officiel de l'opposition en matière de régions et député de Montmagny-L'Islet. M. le député, la parole est à vous.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: M. le Président, à l'occasion de la semaine pour souligner le commerce au détail, comme vient de le faire M. le ministre, ça me fait plaisir, au nom de la formation politique de l'opposition officielle, le Parti libéral, d'apporter ma contribution et ma participation.

J'aimerais vous rappeler, M. le Président – et je pense qu'on pourrait tous se le rappeler ici – que le commerce au détail, en région, joue un rôle très important. Très important, dans le sens que vous avez, dans chacune des régions du Québec, des municipalités du Québec, des villages du Québec, des gens qui, sur le plan des services à la population... C'est des gens qui animent l'activité dans le village.

Souvent, on retrouve des spécialités, mais autrefois vous aviez... Rappelez-vous du magasin général, ces gens-là ont développé, dans chacun de leur milieu, une connaissance des problèmes sociaux de chacune de nos communautés. Ils venaient en support à tout le monde jour après jour. Ces gens-là étaient ouverts, je devrais vous dire, des heures et des heures sur 24 heures. On pourrait dire des 10, 12 jusqu'à 15 heures dans certains secteurs de l'économie.

Pour se rappeler du rôle qu'ils ont joué dans chacune de nos communautés, on doit aujourd'hui justement leur rendre reconnaissance pour avoir développé, à partir de cette connaissance de leur milieu, de l'économie. Aujourd'hui, comme je le mentionnais, le commerce au détail est plus sectoriel, vous retrouvez des spécialités. Mais, encore là, vous avez vu ces gens-là justement participer au développement de leur région, et on aurait pu s'attendre aujourd'hui... ces gens-là auraient pu s'attendre aujourd'hui justement que le gouvernement du Québec leur annonce qu'il est à la recherche de formules pour assouplir la réglementation qui les guide dans l'exploitation de leur commerce.

Et ça, ça a été demandé par plusieurs rapports. J'ose croire que le ministre est sensible justement à cette problématique parce qu'ils mettent de plus en plus d'heures à faire des rapports pour le gouvernement. Ils sont perçus... En fait, c'est connu, ils sont des collecteurs de taxes, M. le Président, et justement on doit essayer de trouver des formules. M. le ministre vient justement d'expliquer qu'il y a un programme particulier pour les aider à probablement améliorer la gestion et l'administration de tous les jours de leur commerce. Tant mieux, je pense que c'est louable comme effort dans un premier temps.

Ces gens-là se doivent d'être compétitifs. On sait tous très bien que le commerce au détail est un secteur de notre économie où les gens sont souvent très vulnérables à cause de la compétition. Donc, ils doivent jour après jour se remettre en question, renouveler la formule qui les guide dans le développement de leur entreprise. Donc, sans trop se répéter, M. le Président, on doit dire aujourd'hui que le commerce au détail est probablement un secteur parmi les secteurs les plus importants qui supportent notre économie.

Tantôt, je vous décrivais le rôle qu'il jouait en région, en milieu rural. Évidemment, quand on se promène dans des centres urbains, des commerces au détail, il peut y en avoir des deux côtés de la rue, à toutes les portes. Ce n'est pas la même problématique, mais c'est une autre démonstration du rôle du commerce au détail dans une communauté, dans une population comme la nôtre et celle du Québec. Et je pense que nous sommes parmi les sociétés où ça fait partie de notre culture et de notre nature d'être des vendeurs, des gens qui sont en mesure de développer davantage de qualités et de notions de vendeur comme on ne retrouve pas ailleurs.

Donc, M. le Président, encore une fois, je joins ma voix au ministre délégué à l'Industrie et au Commerce pour souligner la Semaine du commerce de détail. Et, encore une fois, je souhaite, au nom de toutes ces entreprises, de ce secteur de l'économie, que le gouvernement cherche davantage de formules pour assouplir justement la gestion de tous les jours de leurs commerces. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Est-ce que cette motion proposée par M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, motion pour souligner la Semaine québécoise du commerce de détail, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le vice-président de l'Assemblée nationale et député de Saint-Maurice, pour une motion sans préavis.


Féliciter l'équipe de hockey de l'Assemblée nationale du Québec pour sa victoire contre celle de l'Assemblée législative de l'Ontario

M. Pinard: Merci, M. le Président. Oui, une motion sans préavis. C'est une motion de félicitations pour souligner la magnifique et éclatante victoire de l'équipe de hockey de l'Assemblée nationale du Québec, laquelle équipe a été préparée d'une main de maître par Michel Létourneau, député d'Ungava, par Russell Williams, député de Nelligan, ainsi que par le journaliste Gilles Morin. Alors...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse, M. le député. Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Consentement, mais sans débat.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, s'il y a «sans débat», M. le député ne pourra pas donner plus de détails. Est-ce que c'est sans débat? Est-ce qu'il y a un consentement? M. le député.


M. Claude Pinard

M. Pinard: Si vous le permettez, je tiens tout simplement à mentionner que l'équipe de l'Assemblée nationale du Québec a défait l'équipe de l'Assemblée législative de l'Ontario, équipe qui était dirigée par le président Gary Carr et qui comprenait parmi ses joueurs notamment le ministre du Travail, Chris Stockwel, ainsi que le whip en chef et leader du gouvernement de l'Ontario, Frank Klees, une victoire de 4 à 3, vendredi soir, et une nulle de 1-1 samedi, alors ce qui permet maintenant à l'Assemblée nationale du Québec de récupérer un trophée qui était entre les mains de l'Assemblée législative de l'Ontario depuis deux ans, et tout ça sous l'habile direction de l'instructeur Jean-Pierre Charbonneau, président de l'Assemblée nationale. Alors, félicitations à vous tous!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, pour que ce soit plus complet, il faudrait ajouter que M. le député de Saint-Maurice était le juge de ligne et que votre honorable serviteur était l'annonceur officiel de cette soirée. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis?


Avis touchant les travaux des commissions

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Bien, M. le Président, comme j'ai quitté Montréal à 7 h 30 ce matin pour vous donner ces avis importants, alors vous allez comprendre l'émotion que j'éprouve. J'étais d'ailleurs accompagné par le député de Chomedey.

Alors, M. le Président, je vais aviser cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra et terminera les consultations générales sur le projet de loi n° 99, Loi sur l'exercice des droits fondamentaux et des prérogatives du peuple québécois et de l'État du Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des finances publiques poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 29, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, cette fois-ci à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives, demain, le 5 avril 2000, de 9 h 30 à 11 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

(15 h 30)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vos avis sont déposés. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira demain, le mercredi 5 avril 2000, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'entendre le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux concernant la coordination et le financement de la recherche en santé et de la recherche sociale conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Je vous avise également que la commission de la culture se réunira en séance de travail demain, le mercredi 5 avril, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle 3.31 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'organiser les travaux de la commission, et plus précisément de: préparer le rapport final sur le Conseil des aînés; préparer le rapport final sur le Conseil des arts et des lettres du Québec et la Société de développement des entreprises culturelles du Québec; faire le point sur le colloque du 8 mai sur la mondialisation et la diversité culturelle.

Je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par Mme la députée de Bonaventure. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement péquiste qu'il cesse de profiter des consommateurs du Québec en maintenant les taxes sur l'essence les plus élevées au Canada et en Amérique du Nord.»

Alors, ceci met fin aux avis touchant les travaux.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Dans les renseignements sur les travaux de cette Assemblée, M. le député de Nelligan.

M. Williams: J'ai une question, M. le Président, que je voudrais vous demander sur les travaux de l'Assemblée. Jeudi passé, j'ai demandé une question, et le gouvernement, deux fois, a pris avis de la question, une question assez importante, et la réponse était que la ministre de la Santé donnerait une réponse à son retour mardi prochain, mardi, aujourd'hui. Deux fois le ministre délégué de la Santé et le leader adjoint, avant, ils ont essayé d'empêcher le débat de fin de séance avec une question de règlement. Ils ont dit que la ministre donnerait une réponse à l'opposition officielle aujourd'hui.

Aujourd'hui même, la ministre n'a pas donné une réponse, malgré que j'aie entendu qu'elle donnerait une réponse demain. Est-ce que le leader parlementaire doit respecter sa parole? Parce qu'il a dit clairement que j'aurais une réponse aujourd'hui. Il a dit ça jeudi passé. Avec toutes les réponses que j'ai eues aujourd'hui, je ne sais pas. Est-ce que maintenant il est en train de ne pas respecter sa parole comme nous l'avons donnée? Et je voudrais savoir quand est-ce que je vais avoir une réponse à ma question de jeudi passé.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Alors, M. le Président, au départ, la ministre ne peut pas avoir dit les choses que le député prétend jeudi, puisque la ministre, vous le savez, était à la Conférence des ministres de la Santé des États membres de la fédération. Ceci étant dit, au cours de la période des questions, après, le leader est intervenu, et celui qui vous a précédé au fauteuil de la présidence a tranché, il y a eu un débat de fin de séance. Donc, il a eu réponse à sa question.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député, ce n'est pas à la présidence, là, de décider des compléments de réponse qui auront lieu. Vous avez posé votre question, et le leader adjoint du gouvernement vous a répondu.

M. Williams: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Quelle est votre question?

M. Williams: Oui. Question de directive. Une fois qu'un leader parlementaire prend avis de la question et qu'il promet... Il dit en ondes, et vous pouvez sortir les galées, M. le Président, que je vais avoir, que l'opposition, la population va avoir une réponse mardi prochain. Est-ce que je dois comprendre maintenant qu'un leader peut dire qu'il accepte de prendre avis, qu'il donnera réponse, et, pendant la fin de semaine, qu'il peut changer son opinion? Je voudrais savoir, parce que c'est assez important, M. le Président. Je suis parti jeudi passé et la population a compris que nous allions avoir une réponse aujourd'hui, mais finalement nous n'avons pas une réponse aujourd'hui. Je voudrais bel et bien comprendre l'importance, quand le leader se lève et donne un...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...répondre, M. le député. Non, je n'ai pas besoin d'avoir d'autres... Alors, ce n'est pas à la présidence de sanctionner ces choses-là, c'est au gouvernement. Lorsqu'il a pris avis d'une question – un avis de question – c'est à lui de décider quand il va y répondre, ce n'est pas à la présidence de juger ces choses-là. Ce n'est pas à la présidence, ça relève du gouvernement, et les seules personnes qui peuvent juger ces choses-là, bien, c'est celles qui écoutent les débats. Avez-vous d'autres choses à rajouter?

M. Boulerice: Oui. M. le Président, la réponse lui a été donnée jeudi en débat de fin de séance. S'il n'a pas compris la réponse et qu'il souhaite qu'on la lui répète, ça, c'est autre chose.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Très bien. Alors, nous avons reçu, pour les renseignements sur les travaux, trois demandes de débat de fin de séance: une demande du député d'Orford suite à la question qu'il a posée aujourd'hui au ministre de l'Environnement concernant l'échec du gouvernement Bouchard en matière environnementale; une demande de débat de fin de séance du député de Vaudreuil suite à une question qu'il a posée à la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le projet de loi sur l'équilibre budgétaire dans le réseau de la santé et des services sociaux; et une demande de débat de fin de séance par Mme la députée de Mégantic-Compton qui a posé une question aujourd'hui au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration concernant les orphelins de Duplessis. Ces trois débats de fin de séance auront lieu à 18 heures, après les affaires du jour. Ceci termine les affaires courantes.


Affaires du jour

Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Face aux pressions indues du député de Laval-des-Rapides et de celui de Saint-Laurent, je vais vous référer à l'article 3 du feuilleton. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que vous pourriez m'indiquer l'article? Ça ne suscite pas de débat.

M. Boulerice: C'est l'article 3, M. le Président.


Projet de loi n° 86


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article 3. M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 86, Loi sur la police. M. le ministre de la Sécurité publique, je vous cède la parole.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Alors, M. le Président, chers collègues, je suis particulièrement fier aujourd'hui de proposer aux membres de l'Assemblée nationale l'adoption du principe du projet de loi n° 86, lequel est intitulé Loi sur la police. Vous me permettrez de débuter cette allocution en rappelant quelques-uns des grands principes fondamentaux qu'avait édictés, en Grande-Bretagne, Sir Robert Peel, lequel est encore aujourd'hui considéré comme le père de la police contemporaine.

Pour la majorité des Montréalais, dont je suis, et même probablement des Québécois, la rue Peel et la rue Sainte-Catherine représentent le centre de la métropole, et peu de gens savent – parce que, moi, je ne le savais pas avant d'être ministre de la Sécurité publique – qui était Robert Peel. Mais justement c'est lui qui est considéré comme le père de la police moderne, c'est-à-dire une police qui n'est plus au service du pouvoir mais qui est au service des citoyens. Alors, en 1829, Sir Peel avait émis neuf grands principes qui, on pourra le constater, semblent encore d'actualité en l'an 2000:

1° prévenir le crime et le désordre plutôt que les réprimer par la force et la sévérité;

2° aux fins de s'acquitter de ses fonctions, la police doit gagner et conserver le respect du public, voire même s'associer sa collaboration;

3° les policiers ne doivent jamais perdre de vue que gagner et conserver le respect du public signifie aussi s'assurer la coopération d'un public prêt à aider les policiers à faire respecter la loi;

4° la police ne doit jamais perdre de vue que plus on obtiendra la coopération du public, moins il lui sera nécessaire d'utiliser la force physique et la contrainte pour atteindre ses objectifs;

5° il faut, pour conserver l'approbation du public, servir de façon absolument impartiale la loi, en toute indépendance par rapport à la politique et sans se soucier de la justice ou de l'injustice du fond des différentes lois. Les policiers doivent offrir leurs services et leur amitié à tous les membres du public, sans considération pour leur richesse ou leur position sociale, en étant courtois et amicaux et en n'hésitant pas à se sacrifier quand il s'agit de protéger et de préserver la vie;

6° la police doit utiliser la force physique uniquement dans les cas où les conseils, la persuasion et l'avertissement se sont avérés inefficaces pour assurer le respect de la loi ou rétablir l'ordre;

7° la police doit maintenir avec le public des relations qui soient de nature à concrétiser la tradition historique selon laquelle la police est le public et le public, la police, les policiers n'étant que des membres du public payés pour s'occuper à temps complet, en vue du bien-être de la communauté, de tâches qui incombent à chaque citoyen – je pense que celui-ci, il est un peu moins moderne, le contexte moderne nous obligeant à exiger la professionnalisation;

8° la police doit s'abstenir d'usurper, même seulement en apparence, des pouvoirs de l'appareil judiciaire pour venger les individus ou l'État et pour juger autoritairement de la culpabilité et de punir les coupables; enfin

9° le critère de l'efficacité de la police est l'absence de crime et de désordre et non la manifestation visible de l'action de la police pour parvenir à ce résultat.

Comme on s'en rend compte, Robert Peel était un visionnaire non seulement parce que les principes qu'il a mis de l'avant à l'époque sont toujours de mise, mais parce qu'ils sont à la base de ce que l'on appelle la police communautaire ou de type communautaire. À la lumière des problèmes observés au cours des dernières années en matière policière, le respect des principes précités, aussi bien dans le contexte québécois qu'à l'étranger, suppose un renforcement tangible de la professionnalisation policière, notamment par une amélioration de la formation dispensée aux policiers et un rehaussement de l'éthique, de la transparence et du contrôle externe des organisations.

(15 h 40)

Depuis que j'ai déposé le projet de loi n° 86 le 16 décembre dernier, j'ai entendu plusieurs commentaires relativement à son contenu. Selon quelques intervenants, ce projet ne va pas assez loin quant aux contrôles qu'il propose à l'égard des organisations policières. Pour d'autres, les contraintes qu'il génère à l'endroit des membres de ces mêmes organisations, tant au plan de la formation que des contrôles ministériels, représentent un encadrement superflu et disproportionné. Enfin, certains autres observateurs ont pour leur part conclu que le projet de loi, tout en faisant preuve de fermeté, témoigne d'un pragmatisme dont la justesse favorisera la mise en place efficiente de cette réforme de la professionnalisation policière. Pour ma part, les nombreux commentaires qu'il m'a été permis d'entendre au cours des derniers mois ont renforcé ma conviction sur la justesse des principes sous-jacents au projet de loi et des objectifs qu'il poursuit.

Lors de la consultation générale qui s'est tenue du 29 février au 9 mars 2000, 22 organismes et spécialistes de ces questions sont venus nous faire part de leur appréciation du projet de loi, et plusieurs observations constructives de nature à bonifier cette législation nous furent présentées. D'ailleurs, même si je conçois aisément que nombre d'intervenants entendus ont défendu leurs intérêts légitimes, j'ai été impressionné par la qualité des mémoires soumis et la volonté manifeste qu'avaient ceux-ci de collaborer afin d'améliorer ledit projet de loi. Nul doute que les réflexions nous ayant été soumises par ces différents partenaires contribueront à enrichir les échanges que nous aurons en commission parlementaire et qu'elles favoriseront une amélioration de la législation. D'ailleurs, je dois souligner que ces commentaires ont déjà alimenté nos propres réflexions.

Avant d'entrer dans le vif du sujet et de rappeler les principales mesures contenues au projet de loi n° 86, vous me permettrez de mettre en perspective les grandes problématiques et les enjeux auxquels nous étions confrontés lorsque nous avons entrepris cette réforme de la professionnalisation policière. En matière de formation policière, le rapport du groupe de travail Bellemare que j'avais mis en place en 1995 avait formulé un certain nombre d'observations à l'égard du niveau de formation dont disposaient les enquêteurs policiers au Québec. Il avait conclu à l'importance d'un renforcement généralisé de la formation destinée aux enquêteurs, notamment ceux chargés de la tenue d'enquêtes complexes, telles celles liées aux crimes majeurs et à la criminalité organisée. Pour sa part, le rapport Corbo avait non seulement établi que la formation à laquelle avaient accès les enquêteurs policiers devait être améliorée, mais il avait, au surplus, plaidé en faveur d'une formation mieux adaptée et exigible préalablement à l'occupation de la fonction d'enquête.

Il faut admettre que le raffinement de la criminalité, le développement sans cesse croissant des organisations criminelles et l'environnement juridique de plus en plus complexe dans lequel évoluent les enquêteurs policiers militent en faveur d'un rehaussement généralisé de la formation. À titre d'exemple, l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés et l'interprétation qu'en donnent les tribunaux ont désormais un impact considérable sur la recevabilité des preuves présentées à la cour et, forcément, sur les méthodes et les connaissances requises aux fins de recueillir lesdites preuves.

Au chapitre du contrôle externe des organisations policières, si la problématique semble être, en apparence, d'un niveau de moindre importance, dans les faits, tel n'était manifestement pas le cas. De par le monde, les corps policiers d'État ou municipaux qui ont déjà été l'objet d'une investigation de la part d'une commission d'enquête avaient habituellement une taille significative en fonction de laquelle ces organisations étaient habilitées à enquêter sur les crimes majeurs et la criminalité organisée. Dans la plupart des cas, les facteurs motivant l'établissement de ces commissions d'enquête étaient justement liés aux activités de ces escouades spécialisées, lesquelles utilisent l'écoute électronique, la filature, l'infiltration, les perquisitions, etc.

Plusieurs raisons expliquent un tel phénomène. Au départ, fondamentalement, la fonction d'enquêteur est une activité peu visible parce que n'ayant pas véritablement d'interface avec la majorité des citoyens ordinaires. De même, de par sa définition, le travail d'enquête est réalisé sous le sceau du secret dans le contexte d'une saine administration de la justice. À simple titre illustratif, il est utile de rappeler que, même si un corps de police municipal est un service placé sous la direction générale d'une municipalité, il n'en demeure pas moins que l'article 68 de la Loi de police actuelle prescrit clairement que le directeur général d'une municipalité n'a aucune autorité sur toute matière concernant une enquête policière. C'est ce qui fait que les services d'enquête criminelle des grandes organisations policières sont des entités investies de très larges pouvoirs, lesquelles fonctionnent en vase clos à l'intérieur d'une structure très hermétique.

Bien plus, comme les enquêteurs composant les escouades spécialisées travaillent en quelque sorte pour la bonne cause, par opposition aux patrouilleurs et aux gendarmes émettant, par exemple, des constats d'infraction en vertu du Code de la sécurité routière à des citoyens par ailleurs honnêtes, certains se sentent investis d'une certaine forme d'immunité, d'où une très grande latitude quant aux moyens utilisés pour réprimer la criminalité. De là proviennent en partie les problèmes relatifs au respect des chartes des droits et libertés.

C'est donc sur la base d'un tel contexte d'ensemble que se développent des phénomènes de corruption ou de déviance, tels qu'ils ont souvent été observés par les commissions chargées d'enquêter sur des corps policiers de grande taille au cours des 15 dernières années principalement, je dois le reconnaître, à l'étranger, mais chez nous aussi, dans une moindre mesure, car l'aspect corruption semble presque entièrement évacué des corps policiers québécois depuis la Révolution tranquille. Ces commissions d'enquête en sont d'ailleurs venues à des conclusions similaires, à savoir que les principaux problèmes observés émergent d'un manque de contrôle externe sur l'organisation policière et de la résistance de cette dernière à la reddition de comptes d'une gestion parfois déficiente, notamment au sein des services d'enquêtes criminelles, de la culture autarcique propre aux corps policiers et du code du silence qui en découle, des carences en matière de formation, etc.

Ces commissions d'enquête ont par ailleurs généralement conclu à l'importance de renforcer la surveillance et le contrôle des organisations policières en vue de remédier à la problématique fondamentale observée dans le cadre de leurs travaux, de rendre l'organisation policière véritablement imputable et transparente envers l'autorité civile dûment constituée afin d'éviter et de prévenir le développement de nouveaux phénomènes de corruption et de déviance.

Dans le cadre de nos travaux de réflexion préalables à l'élaboration du projet de loi, nous nous sommes aperçus que le Québec, avec son système de déontologie policière, est perçu à l'échelle internationale comme étant un pays à l'avant-garde en matière de contrôle de l'action policière. Il est cependant important de rappeler que le système de déontologie permet de réguler, d'encadrer et de sanctionner, le cas échéant, l'agent de la paix ayant contrevenu sur une base individuelle à des règlements ou à des lois dans ses rapports avec les citoyens. Toutefois, aussi performant soit-il, il est important de préciser que ce système de déontologie n'a pas été conçu et n'est donc pas en mesure, de par sa mission, de surveiller et de contrôler une organisation policière sur une base collective. C'est donc en partie à ces importantes problématiques que se propose de répondre le projet de loi n° 86.

Reprenant la très grande majorité des recommandations de M. Corbo, le projet de loi prévoit la transformation de l'Institut de police du Québec en une véritable école nationale de police, laquelle se voit confier l'exclusivité de la formation qualifiante initiale, c'est-à-dire la formation permettant d'acquérir les compétences de base dans trois domaines de pratique policière, soit la patrouille-gendarmerie, l'enquête policière et la gestion policière. Dans ce contexte et en vue de donner suite à plusieurs des recommandations soumises par les rapports Bellemare, Corbo et Poitras relativement à la formation policière, les normes d'embauche des policiers devront être complètement revues. Des exigences liées à la fonction d'enquête devront être établies, et les exigences concernant l'accession à un poste de directeur de police devront être révisées entièrement.

Dans l'objectif de permettre une déconcentration de cette formation et de la rendre davantage accessible sur tout le territoire du Québec, le projet de loi permet à l'École nationale de police de confier à des établissements d'enseignement de niveau collégial ou universitaire, de même qu'aux services de formation des corps policiers, le mandat de donner ou de concevoir certains de ces cours de formation. Tel que recommandé dans le second rapport de M. Corbo, le projet de loi prévoit également la création d'une commission de formation et de recherche instituée au sein de l'École nationale de police. En plus de pouvoir supporter cette dernière dans l'accomplissement de sa mission, la commission pourrait également donner son avis au conseil d'administration de l'école et au ministre sur tout ce qui concerne la formation policière.

(15 h 50)

Le projet de loi prévoit finalement que chaque corps de police aura désormais l'obligation de se doter d'un plan de formation professionnelle. Le volet de la formation policière, qui est la pierre d'assise d'une réforme en profondeur dont les effets se feront sentir pendant de nombreuses années, a été longuement commenté, notamment par quelques représentants du milieu universitaire, lors de la consultation générale. Pour des raisons difficiles à comprendre, on semble craindre le développement d'une hégémonie de la part de la future École nationale. Les précisions apportées par M. Corbo devant les membres de la commission des institutions le 9 mars dernier en regard des appréhensions soulevées par certains universitaires me permettent de croire que celles-ci provenaient essentiellement d'une mauvaise compréhension des objectifs poursuivis par le projet de loi. Il est d'ailleurs significatif de souligner que les intervenants, même universitaires, ayant l'habitude de travailler en collaboration avec l'Institut de police du Québec ne partagent pas ces craintes.

Au chapitre de l'organisation policière, si l'on fait exception des modifications de forme apportées aux fins de bonifier le contenu de certaines prescriptions législatives contenues à l'actuelle Loi de police, le présent projet de loi ne propose aucun changement. Le motif lié à ce statu quo temporaire réfère en partie au fait que nos orientations en cette matière devront être adaptées à la réforme municipale que le gouvernement est à mettre en place. Ainsi, les commentaires qui nous furent soumis à ce sujet lors de la consultation générale nous seront fort utiles dans le cadre des discussions que nous amorcerons au cours des prochains mois avec les organisations policières et les intervenants municipaux sur ce qu'il est maintenant convenu d'appeler la «réforme de la carte policière». Nonobstant ce qui précède, nous sommes néanmoins sensibles aux propositions qui nous furent présentées à propos de la description de la mission et des mandats des organisations policières tels qu'ils sont décrits à ce chapitre.

Lors des échanges que nous avons eus durant la consultation générale, il a été beaucoup question des conditions d'exercice de la profession policière. L'actualité des dernières semaines est d'ailleurs venue nous rappeler l'importance que la population du Québec accorde à la transparence des organisations policières de même qu'à l'honnêteté et à l'intégrité dont doivent faire preuve tous les agents de la paix chargés d'appliquer la loi. Même si, dans l'ensemble, la grande majorité des policiers répondent à de hauts standards de moralité, il n'en demeure pas moins que les écarts de conduite, si rares fussent-ils, doivent être sanctionnés. C'est dans cette optique que le projet de loi resserre les conditions d'admissibilité à la fonction policière, qu'il prévoit un certain nombre d'incompatibilités avec la fonction et qu'il établit clairement la destitution de tout agent de la paix reconnu coupable d'un acte criminel. Sur ce dernier point, l'actualité des récentes semaines a contribué à renforcer l'orientation ministérielle arrêtée à cet égard.

La commission Poitras a longuement fait état des problèmes que soulève l'enchevêtrement apparent de la discipline, de la déontologie et de l'enquête criminelle portant sur un policier. Dans la même optique, cette commission d'enquête a mis en perspective le niveau de difficulté que suppose forcément la tenue d'une enquête de nature criminelle sur un policier. Il s'agit en effet d'une question délicate et fort complexe à solutionner, laquelle représente un défi de taille aussi bien pour la Sûreté du Québec que pour les corps de police municipaux.

Nous avons étudié plusieurs scénarios afin d'apporter des correctifs efficaces en matière d'enquête portant sur des policiers. Après entente avec la Procureur général du Québec, il fut décidé d'introduire à la loi, comme nous y conviait d'ailleurs la commission Poitras, un certain nombre de dispositions destinées à rehausser le niveau de transparence et d'efficacité dans ce type d'enquête. Parmi celles-ci notons les suivantes:

1° obligation d'informer son directeur lorsque le comportement d'un autre policier est susceptible de constituer une faute disciplinaire ou déontologique grave ou lorsque ce comportement peut notamment constituer une infraction criminelle;

2° obligation expresse de tous les policiers de collaborer à la tenue d'une enquête;

3° obligation d'un policier rencontré à titre de témoin de collaborer, notamment en fournissant une déclaration complète et la copie de ses rapports et de ses notes;

4° obligation pour tous les directeurs de police d'informer sans délai le ministre de toute allégation relative à une infraction criminelle commise par un policier; ensuite, au plus tard 45 jours à compter de la date de cet avis et, par la suite, à tous les trois mois, de tenir le ministre au courant de l'état d'avancement du dossier et, une fois celui-ci complété, de le soumettre obligatoirement au Procureur général du Québec pour décision; et enfin

5° octroi au ministre de la Sécurité publique d'un pouvoir explicite d'ordonner qu'une enquête criminelle soit tenue sur un policier ou reprise par un corps de police ou un policier de son choix.

Le ministre pourrait exercer ce pouvoir exceptionnel dès le premier avis qu'il reçoit. Dans les autres cas, où généralement les policiers veulent se débarrasser des moutons noirs que révèle la commission d'un crime de droit commun, probablement qu'il laissera le processus se suivre, étant donné qu'il finira nécessairement sur le bureau de trois procureurs de la couronne.

Comme nous sommes en mesure de nous en rendre compte, ces dispositions législatives, en plus d'encadrer fermement le processus de la tenue d'une enquête sur un policier, offrent des garanties importantes quant à la transparence et à l'impartialité requises en cette matière. Je signale d'ailleurs au passage que, même si, pour des raisons techniques, l'actuel projet de loi n'en fait pas état, il fut convenu avec ma collègue la Procureur général du Québec de mettre en place un comité de trois substituts du Procureur général, lequel sera chargé d'analyser toutes les enquêtes criminelles menées sur les policiers, que des accusations soient ou non envisagées.

L'une des trames de fond qui animent les réflexions contenues au rapport de la commission Poitras vise à ce que le ministre de la Sécurité publique dispose d'outils additionnels afin d'assurer un encadrement plus approprié des organisations policières. En cette matière, le projet de loi propose donc une série de mesures destinées à ce que les corps policiers du Québec fassent preuve d'une reddition de comptes davantage transparente de leurs activités. Parmi les moyens inclus au projet de loi, soulignons notamment les suivants: d'abord, transmission annuelle au ministre d'un rapport d'activité faisant état du suivi des dossiers disciplinaires, déontologiques et criminels visant ses membres; ensuite, transmission annuelle d'un rapport faisant état des mandats de perquisition demandés et exécutés durant l'année; de plus, au terme d'une inspection tenue par le ministère de la Sécurité publique, obligation du directeur de police de faire rapport au ministre des mesures déployées en vue de donner suite aux recommandations contenues au rapport d'inspection; enfin, octroi au ministre d'un pouvoir de nomination d'un administrateur provisoire si, à la suite d'une inspection d'un rapport circonstancié ou d'un rapport d'enquête, les observations formulées militent en faveur d'un redressement significatif de la situation pour des motifs d'intérêt public. Enfin, le projet de loi prévoit que toutes les municipalités aient désormais le devoir de prendre un règlement relatif à la discipline des membres de leur corps de police, à défaut de quoi le ministre aura la possibilité d'en imposer un.

En ce qui a trait à la surveillance ou au contrôle de la Sûreté du Québec, on se souviendra tous que la commission Poitras, dans sa première recommandation, considérée par plusieurs comme étant sa proposition centrale, avait suggéré la mise en place d'un conseil de contrôle permanent de la Sûreté du Québec. En premier lieu, je dois vous signaler que nous avons fait une recherche assez exhaustive sur des mécanismes semblables susceptibles d'avoir été déployés à l'échelle mondiale. Il ressort de ces vérifications que, si la problématique du contrôle des corps policiers de grande taille est un phénomène assez bien connu, aussi bien des gouvernements que des municipalités, les moyens mis en place à ces fins ne sont pas très développés. D'ailleurs, dans les régimes démocratiques recensés, on se rend compte que le contrôle du policier sur une base individuelle par le biais de la discipline ou de la déontologie est beaucoup plus développé que l'encadrement et la surveillance des organisations. À l'exception de la Commission permanente de justice criminelle de l'Australie et du Comité de contrôle permanent des services de police de Belgique, peu d'États ou de gouvernements ont véritablement tenté de contrôler les organisations policières au plan de leur fonctionnement et de leurs interventions.

Quant à la proposition proprement dite de la commission Poitras, après une minutieuse analyse, nous nous sommes aperçus que, sur la base des trois grandes catégories de fonctions suggérées pour le mandat du Conseil de contrôle permanent de la Sûreté du Québec, celles-ci étaient souvent inconciliables entre elles. Dans la même optique, la tutelle de fait que proposait la commission Poitras, en plus de contribuer à déresponsabiliser la direction de la Sûreté du Québec, était inadaptée aux véritables problèmes recensés dans ce corps policier, lesquels n'ont rien de comparable à la corruption à laquelle était, par exemple, confronté le corps de police australien.

(16 heures)

Cela dit, nous avons néanmoins acquis la conviction que les deux grands objectifs que poursuivait la commission à cet égard méritaient d'être retenus par le gouvernement, à savoir un renforcement du contrôle ministériel envers la Sûreté du Québec et une reddition accrue de comptes de ce corps de police envers les élus et la population.

Dans les circonstances, le projet de loi prévoit la mise en place, pour une période de cinq ans, d'un conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec. Ce conseil, qui sera placé sous l'autorité du ministre de la Sécurité publique, sera composé de cinq membres, dont un président, et il sera appuyé par un secrétariat disposant du niveau de ressources requis pour l'accomplissement de son mandat.

Cette structure qui, fondamentalement, vise à mieux informer le ministre sur les activités de la Sûreté du Québec – au fond, un meilleur encadrement du corps policier – sera complétée dans sa mission par la commission parlementaire des institutions qui, au moins une fois par année, devra entendre le président du conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec, de même que le directeur général du corps de police sur sa propre gestion. Cette seconde portion du mécanisme vise une reddition publique des comptes de la Sûreté du Québec ainsi qu'une transparence accrue de ses activités par l'implication des élus, c'est-à-dire l'autorité civile dûment constituée.

Je résumerai ma pensée à l'égard de la loi du silence et du contrôle de la Sûreté du Québec en citant un article du journaliste Michel Venne, dans son éditorial du Devoir , de l'édition du 23 décembre 1999, le lendemain de l'annonce publique du projet de loi lui-même. Je le cite: «Les mesures prévues au projet de loi n° 86 sur la police, présenté par le ministre de la Sécurité publique, Serge Ménard, constituent une réponse raisonnable même si elle est perfectible.» Fin de la citation.

Au sujet de la loi du silence observée au sein des organisations policières, M. Venne rappelait que – et je le cite encore – «la commission Poitras elle-même a été incapable de déceler un grand nombre de situations où les policiers avaient volontairement enfreint la loi et elle n'avait pas non plus vu de traces de corruption». Fin de la citation.

Il soulignait que – je recommence à citer – non seulement la police des polices «aurait été coûteuse [...] et il n'est pas évident qu'elle était nécessaire. Pour les cas plus problématiques, qui sont rares, le ministre se dote de pouvoirs qui semblent à première vue suffisants.» Fin de la citation.

L'éditorialiste poursuivait sa réflexion à l'égard du conseil de surveillance de la Sûreté du Québec et concluait en ces termes: «"Le contrôle aux élus, le conseil aux experts", dit le ministre.» Il a raison. «La formule proposée par la commission se rapprochait de la tutelle et aurait déresponsabilisé la direction de la Sûreté du Québec. Le conseil proposé par M. Ménard bénéficiera de véritables pouvoirs de surveillance et de recommandation. C'est un très bon départ.» Fin de la dernière citation.

Il est enfin utile de vous informer qu'en sus des mesures incluses au projet de loi, une série d'autres mécanismes à caractère administratif ne nécessitant pas de modifications législatives ont également été convenues avec ma collègue, la Procureur général du Québec, notamment en ce qui a trait à la mise en place d'un service de conseils juridiques disponible à toutes les organisations policière, 24 heures sur 24, sept jours par semaine, et d'une table permanente de travail portant sur les méthodes d'enquête criminelle. De même, nous entreprendrons sous peu la rédaction d'une série de pratiques policières visant à améliorer l'encadrement des services de police.

En guise de conclusion, je désire vous signaler que, de notre point de vue, ce projet de loi relatif à la professionnalisation judiciaire, une fois adopté, marquera une étape importante dans l'élévation des standards policiers au Québec. Il va de soi que cet exhaustif projet de loi, comptant plus de 300 articles, est perfectible. D'ailleurs, ce projet de loi s'est avéré beaucoup plus complexe à réaliser que je ne l'avais imaginé moi-même au départ.

Je désire vous informer qu'en fonction des commentaires fort judicieux nous ayant été présentés lors de la consultation générale, nous envisageons apporter un certain nombre de corrections au projet de loi lorsque nous en serons rendus à l'étape de l'étude article par article. Ceci dit, je dois cependant vous souligner du même souffle que, si nous entreprenons l'étude du projet de loi avec ouverture au chapitre des principes qui entourent ce projet de législation, nous ferons preuve d'une grande fermeté.

Le développement de la criminalité, de plus en plus sophistiquée, l'évolution du droit et de la jurisprudence en matière criminelle, notamment à l'égard des interprétations qui sont faites des dispositions comprises à la Charte des droits et libertés, de même que les exigences élevées du respect de l'éthique et de la probité par les policiers et policières sont des mouvements irréversibles en fonction desquels la formation policière, la transparence de ces organisations et l'encadrement des autorités civiles doivent être rehaussés. C'est précisément à ces défis que se propose de répondre l'actuel projet de loi n° 86. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre, de votre intervention. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 86, Loi sur la police, et je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité publique et député de Saint-Laurent. M. le député de Saint-Laurent, la parole est à vous.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Le ministre de la Sécurité publique, vous l'avez entendu, nous demande de faire un acte de foi. Faire un acte de foi, c'est-à-dire croire sans comprendre. Faire un acte de foi, c'est-à-dire de lui faire confiance. Il va y avoir des amendements, le projet de loi est perfectible, et, vous allez voir, il va y avoir des amendements qui sont pertinents. Malheureusement, notre responsabilité d'élus, la responsabilité que nous exerçons à l'égard de la population, des gens qui nous demandent de venir les représenter à l'Assemblée nationale nous empêche, nous défend même de faire des actes de foi, c'est-à-dire de croire sans comprendre et de croire sans voir les preuves.

Le projet de loi n° 86, qui est déposé devant l'Assemblée nationale, est celui que nous avons étudié en consultation générale, celui sur lequel un certain nombre de groupes sont venus faire des représentations extrêmement pertinentes. Le ministre l'a reconnu, il a d'ailleurs tellement reconnu que les représentations étaient pertinentes qu'il nous promet qu'il va déposer des amendements, mais sans nous indiquer dans quel chapitre de la loi il va déposer les amendements et sans indiquer de quelle nature seront ces amendements-là. Alors, évidemment, M. le Président, on est obligé de prendre le projet de loi tel qu'il existe actuellement.

Le ministre le sait bien, puisque nous avons l'occasion de travailler ensemble depuis un certain nombre de mois dans différents projets de loi, il est entendu – et je le répète encore une fois – en ce qui regarde le projet de loi n° 86, que l'opposition officielle va collaborer à rendre encore plus pertinent le projet de loi n° 86, s'il y a lieu. Mais, plus le temps avance, plus nous avançons dans le temps, plus l'opposition officielle a l'occasion de travailler avec le ministre de la Sécurité publique dans différents projets de loi, plus nous sommes obligés de réaliser un certain nombre de choses. Le ministre écoute, en maintes occasions, comme un sourd, il n'entend pas.

Les groupes sont venus faire des représentations extrêmement fouillées, extrêmement pertinentes lors de la consultation générale, et j'avais indiqué au ministre, lors de la consultation générale, que, s'il avait des amendements à apporter, certaines indications qu'il avait données d'ailleurs, il aurait pu m'en parler avant l'adoption du principe du projet de loi, et nous aurions pu convenir, au moment de l'adoption du principe du projet de loi, d'un certain nombre d'amendements, me semble-t-il, nécessaires. Il ne l'a pas fait. Alors, notre attitude devra être celle que nous commande notre responsabilité d'élus à ce stade-ci de l'étude du projet de loi.

C'est rare que l'occasion est donnée à un parlementaire, à l'Assemblée nationale, de discuter d'un métier particulier, et je vais le faire aujourd'hui. Je vais aujourd'hui, M. le Président, avec votre permission, à la lumière de l'expérience, donner un peu ce que nous pensons du côté de l'opposition officielle du métier de policier dans la société québécoise d'aujourd'hui. Et je suis certain que les remarques que je vais faire vont rencontrer très certainement, jusqu'à un certain point, les vues du ministre sur ce que devrait être, ce que doit être et ce qu'est le métier de policier dans la société québécoise de l'an 2000.

(16 h 10)

M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de le dire à quelques reprises, lors des fonctions que j'exerçais dans une vie antérieure, comme on doit la qualifier à ce stade-ci de notre vie parlementaire, vous le savez... D'ailleurs, nous avons eu l'occasion de pratiquer en certaines occasions ensemble dans les mêmes lieux. J'ai exercé, comme le ministre aussi, la fonction d'avocat de défense. J'ai exercé, comme le ministre d'ailleurs aussi, la fonction de procureur de la couronne. J'ai eu l'occasion de travailler étroitement avec plusieurs policiers, plusieurs corps de police. Et j'ai eu l'occasion de travailler avec diverses escouades de policiers. J'ai toujours cru et je crois encore que le métier de policier est un métier noble. Un métier noble dont on exige énormément des individus qui l'exercent, et pour cause, M. le Président, parce que les individus qui exercent le métier, la profession de policier sont investis de pouvoirs qui sont exorbitants, qui sont des pouvoirs extraordinaires et qui sont des pouvoirs qui ne sont pas dévolus à l'ensemble de la population.

Je pense, bien sûr, au pourvoir d'interception. Les policiers ont le droit d'intercepter des citoyens. Les policiers ont le droit d'interroger des citoyens en certaines circonstances et en respectant des lois. Les policiers ont le droit d'effectuer l'arrestation de certains citoyens, donc les policiers ont le droit de priver les citoyens de leur liberté. Ce sont des pouvoirs qui sont extrêmement importants.

On leur demande, M. le Président, d'être maintenant... Et, surtout avec le développement du concept de ce qu'il est convenu d'appeler la police communautaire ou la police de proximité, on leur demande donc dorénavant d'être à la fois des négociateurs, d'être à la fois des psychologues, d'être à la fois des travailleurs sociaux, d'être des juristes. On leur demande de faire preuve d'autorité, alors qu'en même temps on leur demande de faire preuve de compréhension en certaines occasions. Et, en toute occasion, on exige d'eux qu'ils aient un jugement parfait, qu'ils aient le sens des responsabilités aigu, qu'ils aient une probité extrême et qu'ils soient intègres. Et tout ça, alors qu'on leur demande, devant un événement particulier, un temps de réponse qui, souvent, est extrêmement limité. C'est un métier noble, M. le Président.

C'est un métier dont la population, qui remet sa sécurité entre les mains des policiers, entre les mains de ces gens-là, exige beaucoup en retour du mandat qu'elle leur confie. Ajoutez à ça, M. le Président – vous le savez, vous vivez dans la même société dans laquelle nous vivons tous – la complexité des lois, de plus en plus complexes, les exigences liées à l'observance des chartes, particulièrement la Charte canadienne des droits et libertés. Ajoutez à cela la sophistication des criminels eux-mêmes, l'internationalisation du crime, la perfection des outils du crime. Il y a eu récemment un congrès sur le crime organisé qui s'est tenu, et on a vu que la sophistication des outils du crime est importante, la sophistication des criminels est importante, et ça va très rapidement, et les policiers sont obligés d'évoluer rapidement.

Alors donc, M. le Président, je pense que c'est important de dire, avant quoi que ce soit, que le projet de loi que le ministre a déposé et que les objets – parce qu'il n'y a pas un seul objet dans le projet de loi, il n'y a pas, à notre avis, un seul principe – que les principes qui sont contenus dans le projet de loi, ce n'est pas banal. Ce n'est pas un projet de loi qui est banal et ce n'est pas un objet qui est banal non plus, les principes, et ce n'est pas banal.

L'histoire récente, M. le Président, au Québec a amené – le ministre en a touché mot dans son discours – plusieurs experts, dans les dernières années, à se pencher sur la façon dont les policiers exerçaient leur travail dans différentes circonstances. Je pense qu'il est important, M. le Président, de se rappeler que chacun de ces experts – et on va les nommer dans deux secondes pour que les gens se souviennent que ces gens-là, qui sont des experts, se sont penchés sur le travail du policier, que ces gens-là ont fait preuve de compétence en étudiant de façon poussée, de façon méthodique, la façon dont les policiers exerçaient leur travail, et il ne faut pas que les policiers se sentent frustrés du fait qu'effectivement on regarde la façon dont ils exercent leur travail – donc il faut se rappeler que tous ces experts qui ont consacré des énergies importantes à l'étude du travail de policier l'ont tous fait à la suite, malheureusement, d'événements tristes ou à la suite – il faut le reconnaître, ça existe – de certaines bavures policières.

Alors, donc, le rapport Bellemare sur les enquêtes criminelles, particulièrement à la Sûreté du Québec, en 1996; les rapports Corbo I et Corbo II sur la déontologie, d'une part, et la formation policière, d'autre part – d'ailleurs le ministre s'est inspiré largement des constatations du professeur Corbo en ce qui a trait à la formation policière, j'y reviendrai tantôt – le rapport Gilbert sur les événements d'Oka, dans les circonstances que l'on connaît; le rapport Guérin, en 1992, qui a traité notamment de toute la question des délateurs; le rapport Malouf sur l'administration de la police du SPCUM, en 1994; le rapport Verdon sur les événements de Chambly, en 1995; et, finalement, bien sûr, le rapport Poitras, en 1999, ce sont tous des rapports dont la publication a été largement diffusée au cours des dernières années et qui ont tous trait à la façon dont les policiers exercent leur travail, particulièrement la Sûreté du Québec, bien sûr, mais d'autres corps de police.

M. le Président, les discussions qui ont suivi la publication de ces différents rapports – la discussion publique bien sûr – malheureusement, et je le dis, ont rendu à certains égards les policiers suspects aux yeux de la population ou certains des agissements des policiers ont été suspects aux yeux de la population. Le roulement de la rumeur publique, les discussions publiques ont fait en sorte qu'aujourd'hui on se retrouve avec, effectivement, ce que j'ai appelé en consultation générale et ce que je veux répéter aujourd'hui, une certaine crise de confiance de la part de la population à l'égard de ses policiers.

Je pense que c'est important qu'on le reconnaisse, M. le Président, qu'il y a effectivement une crise de confiance – une certaine crise de confiance – à l'égard des policiers de la part de la population. Ça a été évident. Ça m'a semblé être évident quand, récemment, évidemment dans des circonstances de négociation du contrat de travail entre la Sûreté du Québec et le gouvernement, les policiers de la Sûreté du Québec ont décidé d'exercer certains moyens de pression. Vous vous souviendrez, au pont Jacques-Cartier notamment, à Montréal, il y a quelques semaines, la réaction de la population tout de suite a été extrêmement virulente. Virulente au point d'ailleurs où les moyens de pression ont cessé. Donc, il y a un malaise entre la population et ses policiers.

(16 h 20)

C'est malheureux, M. le Président, parce que je veux ouvrir ici une parenthèse. J'ai eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, et je sais que le ministre l'a dit aussi, et là-dessus nous nous entendons: il y a un certain malaise, une certaine crise de confiance entre la population et ses policiers, mais, bien sûr, tout le monde reconnaît que cette crise de confiance naît d'un certain nombre d'événements qui sont minoritaires. La plupart des policiers, la très grande majorité des policiers, effectuent leur travail selon les règles de l'art. Les policiers sont commis à leur travail et ils le font de façon admirable. D'ailleurs, M. le Président, la relation que la population a avec ses policiers pourrait, à certains égards, être qualifiée d'une relation amour-haine à certains moments donnés. On a besoin des policiers, on cherche la protection des policiers. Mais c'est certain que, quand on a affaire aux policiers, on est un peu plus rébarbatif. En général, c'est le genre d'attitude qu'on a. Mais, il faut le dire, la très grande majorité des policiers effectuent leur travail très bien.

Cependant – cependant – bien sûr, il existe des événements, il existe des situations, il existe des circonstances où, effectivement, le travail des policiers peut être critiqué et, malheureusement – malheureusement – notre société fait en sorte que ce sont ces événements-là, bien sûr, sur lesquels on porte une attention plus soutenue, et ces événements-là risquent de donner – risquent de donner – une mauvaise impression des policiers. Mais je pense que c'est important de dire, de répéter que la majorité des policiers accomplissent très bien leur travail. Néanmoins, effectivement, il y a des bavures et il y a des circonstances dans lesquelles le travail des policiers peut être critiqué.

Il faut dire, M. le Président, que les policiers ont intérêt à ce que ce malaise qui existe entre la population et ses policiers soit résorbé. La population, bien sûr, exige, a le droit d'exiger que ses policiers, en toutes circonstances, accomplissent leur travail selon les règles de l'art, respectent les lois existantes et soient au-dessus de tout soupçon en ce qui concerne leur intégrité, et je suis d'avis que les policiers aussi ont intérêt à ce que leurs organisations soient regardées par la population comme étant des organisations intègres.

Ce malaise, M. le Président, qui existe entre la population et les policiers, le ministre a voulu s'y attaquer par le dépôt du projet de loi n° 86, mais le projet de loi n° 86 a été précédé de la commission Poitras. Le projet de loi n° 86 a été précédé de la publication du rapport Poitras. Et, dans le fond, le projet de loi n° 86, qui cherche à être une réponse globale à toutes les critiques ou à la plupart des critiques qu'on a entendues dans les dernières années relativement aux organisations policières, malheureusement, il faut le dire, est une réponse bien timide de la part du gouvernement et de la part du ministre de la Sécurité publique.

M. le Président, rappelez-vous – revenez en arrière et rappelez-vous – la publication du rapport de la commission Poitras, en janvier 1999, une commission qui avait été largement publicisée, au cours des mois qui ont précédé, pendant les années, d'ailleurs, qui ont précédé la publication de son rapport, à un coût extrêmement important – on parle d'une vingtaine ou d'une trentaine de millions de dollars investis dans la commission Poitras – un rapport extrêmement fouillé, un rapport bien documenté, un rapport minutieux et 325 recommandations.

Janvier 1999: dépôt du rapport de la commission Poitras; toutes les conditions sont réunies. Le ministre, M. le Président, qui a le rapport un mois avant que, lui-même, ne décide de le publier, il a le temps de le lire, il a le temps d'en discuter avec ses conseillers, il a le temps d'en faire le tour complètement. Publication du rapport en janvier 1999.

Toutes les conditions sont réunies, M. le Président. La population est alertée, si vous voulez, par les conclusions du rapport de la commission Poitras, qui sont sérieuses, qui sont importantes et qui sont pertinentes sur le travail des policiers de la Sûreté du Québec, mais qui, de l'avis même du ministre et du mien, pourraient être des conclusions générales sur les corps de police en général. Donc, population alertée.

Association des policiers provinciaux du Québec, le syndicat de la Sûreté du Québec, son président déclare, le jour de la publication du rapport de la commission Poitras que, oui, il est d'accord avec une réforme à la Sûreté du Québec et qu'il doit y avoir une réforme à la Sûreté du Québec. Donc, ouverture. Ouverture d'esprit à une réforme.

Le ministre a une réponse, cette journée-là, extrêmement timide, M. le Président, et, pendant l'année qui suit, le ministre nous dit: Je suis en train de travailler sur les conclusions du rapport Poitras, sur des recommandations, je vais déposer un projet de loi. Une recommandation extrêmement importante du rapport Poitras: un conseil de contrôle permanent à la Sûreté du Québec. Cette recommandation-là est largement publicisée au moment de la publication du rapport Poitras.

Le ministre a été, à toutes fins pratiques, absent de la discussion suite à la publication du rapport Poitras, et c'est malheureux. C'est malheureux parce que, là, les conditions étaient toutes réunies pour que le ministre amorce, commence, ouvre un dialogue avec les policiers de la Sûreté du Québec, le syndicat, amorce des discussions avec tous les intervenants du milieu et travaille d'arrache-pied à être capable de déposer une vraie réforme. Tout le monde est d'accord avec ça, tout le monde s'entend, tout le monde est ouvert. Il a manqué le bateau, M. le Président. Il a manqué le bateau.

Il nous citait tantôt, je l'entendais, Michel Venne, M. le Président, dans Le Devoir , le ministre interprétant l'article de M. Venne comme étant louangeur à son égard sur le dépôt de son projet de loi. Moi, je dirais que ce que je retiens de l'extrait qu'il nous a cité de Michel Venne – et j'ai lu l'article à l'époque – c'est que le projet de loi est perfectible.

Moi, je n'ai pas de problème avec le fait qu'un ministre dépose un projet de loi et que le ministre dise: Mon projet de loi, il est perfectible, on pourra l'améliorer, on pourra aller en commission parlementaire et l'améliorer. Mais, en janvier 1999 et dans les mois qui ont suivi, si le ministre avait contribué à soutenir l'intérêt des organisations policières sur une réforme à venir, à soutenir l'intérêt de la population sur une réforme à venir, il aurait pu effectivement déposer quelque chose d'un peu plus musclé, d'un peu plus complet que ce qu'il a déposé pour que la population retrouve la confiance qu'elle doit avoir à l'égard des policiers. Ce qu'il fait aujourd'hui, c'est une tentative. Moi, j'espère que ça va fonctionner, mais je dis: Il n'est pas allé assez loin.

C'est clair qu'il n'est pas allé assez loin et c'est clair qu'il a manqué une belle opportunité. Il a manqué le bateau, M. le Président, il n'a pas été capable de bien juger politiquement de la situation et de se dire: Voici, la population est en alerte. Les gens sont éveillés au problème, les policiers sont éveillés au problème, les organisations policières sont éveillées au problème, les syndicats des policiers sont éveillés au problème, je vais saisir l'occasion, je vais asseoir tout ce monde-là, puis on va brasser ça puis on va faire une vraie réforme. Avec tous les experts qui se sont penchés sur ces sujets-là au cours des dernières années, M. le Président, il aurait eu là une opportunité de faire une vraie réforme. Bon.

Le ministre dépose donc le projet de loi n° 86 à la dernière session, projet de loi n° 86 sur lequel, pour ce qui concerne la formation policière... Je pense qu'il faut louer le projet de loi n° 86 en ce qui concerne tout le chapitre sur la formation policière. Il fallait bouger. En ce qui concerne la formation policière, il faut que cette formation qu'on va donner aux policiers représente les exigences qu'on a à l'égard des policiers. Donc, ce chapitre-là est nouveau. Mais il y a des réserves, M. le Président. Même en ce qui concerne le chapitre sur la formation policière, il y a des réserves.

(16 h 30)

Le ministre en a convenu dans son discours tantôt, il a parlé de la réaction des universités. Lui a l'impression que la consultation générale et particulièrement le témoignage du professeur Corbo ont fait en sorte que les universitaires qui sont venus faire des représentations à la commission parlementaire seront rassurés. Moi, j'en suis moins certain, et on va être obligé, en article par article, de poser des questions, d'aller plus loin dans ce domaine-là. Donc, même en ce qui concerne la formation policière, réserve des universitaires.

Mais ça, ça m'inquiète un peu plus, M. le Président, réserve des policiers eux-mêmes sur la diplomation à venir à l'École de police, et ça, ça m'inquiète un peu et je voudrais qu'on s'y arrête deux secondes simplement pour creuser un petit peu cette réserve que les policiers eux-mêmes sont venus exprimer en commission parlementaire, en consultation générale, pour ce qui concerne la formation policière.

Le ministre indique dans son projet de loi, M. le Président, que, dorénavant, il y aura trois diplômes que les policiers devront obtenir pour exercer certaines fonctions à l'intérieur de leur métier de policier: premièrement, un diplôme de patrouille-gendarmerie, deuxièmement, un diplôme d'enquête et, troisièmement, un diplôme de gestion en enquête. La situation, selon ce que j'en comprends et selon ce que, il me semble, les policiers en ont compris à la lecture du projet de loi, c'est que, dorénavant, un policier qui aura passé par les études requises, la formation qualifiante de base, obtiendra un diplôme de patrouille-gendarmerie, pourra être engagé par un corps de police et pourra faire de la patrouille-gendarmerie. À un moment donné dans sa carrière, s'il veut devenir un enquêteur, s'il veut devenir, donc, quelqu'un qui fait des enquêtes criminelles, il devra obtenir, avant de pouvoir pratiquer le métier d'enquêteur, un diplôme d'enquête, un diplôme d'enquêteur.

Or, voici ce que les policiers sont venus nous dire en commission parlementaire, en consultation générale, M. le Président. Les policiers sont venus nous dire: C'est irréaliste, ça ne fait pas de sens d'exiger un diplôme de patrouille-gendarmerie sans exiger en même temps, lorsqu'on va commencer à pratiquer notre métier, que nous ayons aussi la qualification d'enquêteur. Pourquoi? Ça, c'est facile à comprendre, n'importe qui va le réaliser. Parce qu'un policier qui fait de la patrouille ne peut pas prévoir à l'avance les événements auxquels il va être convié, ne peut pas prévoir à l'avance les situations dans lesquelles il va être amené à exercer son métier. Plus souvent qu'autrement, selon les événements, surtout depuis l'avènement de la police communautaire où on demande aux policiers d'être en première ligne et où on demande aux policiers d'exercer leurs fonctions auprès du public et d'être les premiers répondants, si vous voulez, auprès du public, le policier qui est appelé sur les lieux d'un événement particulier devra inévitablement commencer une enquête soit parce que l'événement est un événement de nature criminelle ou soit parce que, éventuellement, il devra y avoir des accusations de portées contre un individu, et ça, c'est du travail d'enquête, et tous les policiers d'expérience vous diront que la première réponse lorsqu'un événement survient, les premiers gestes que les policiers posent au moment où un événement survient sont extraordinairement importants pour la réussite éventuelle de l'enquête criminelle par la suite et surtout pour la solution de l'événement devant les tribunaux éventuellement.

Alors, les policiers sont venus nous voir en commission et sont venus nous dire: Écoutez, nous autres, là, on est d'accord avec la formation, on est d'accord avec l'orientation que le ministre veut donner, mais, de grâce, donnez-nous tous les moyens d'exercer notre métier, donnez-nous des notions d'enquête dans le diplôme de base que vous exigez de nous avant que nous allions exercer notre métier de policier. Et, très honnêtement, M. le ministre, nous allons en discuter en commission parlementaire article par article. Je sais que vous avez été sensible à un certain nombre de représentations qui vous ont été faites à ce sujet-là. Je ne crois pas qu'il faille aller jusqu'à exiger une scolarité d'enquête, si vous me permettez l'expression, totale au moment du diplôme de base, mais je pense qu'il va falloir qu'on se dise ensemble, avec les policiers qui devront exercer le métier éventuellement, qu'il devra y avoir, pour le diplôme de base, des notions d'enquête qui soient enseignées aux policiers afin que les patrouilleurs, ceux qui sont appelés sur les événements en premier lieu, puissent bien débuter une enquête avant de faire venir les enquêteurs spécialisés.

C'était une parenthèse, M. le Président, mais simplement pour indiquer qu'il ne suffit pas de dire: Voici, je dépose un projet de loi dans lequel l'une des parties importantes concerne la formation policière, pour penser que tout a été accompli. Il reste des précisions à apporter.

Une autre question qui a été abordée en consultation générale, M. le Président, et que malheureusement nous n'avons pas pu discuter à fond: Est-ce qu'il doit y avoir une seule porte d'entrée pour exercer le métier de policier? Autrement dit, est-ce que, par exemple un diplôme universitaire dans une matière donnée, comme par exemple un Baccalauréat en sécurité publique, un diplôme qui est relativement nouveau mais qui me semble être relativement complet... Est-ce qu'une personne qui a suivi un Bac en sécurité publique, ça pourrait, ça, être une porte d'entrée au métier de policier, en prenant pour acquis et en acceptant que tout policier devrait passer par l'École de police – et ça, je pense que ça fait l'unanimité chez tout le monde? Mais il faut continuer à se poser des questions, c'est un métier qui évolue. Il y a des représentations qui nous ont été faites par les universitaires qui ont élaboré des programmes en sécurité publique et qui m'apparaissent être intéressantes.

Le ministre crée l'École de police. Il confirme, si vous voulez, le statut de l'École de police. Là aussi, M. le Président, il y a eu des représentations, particulièrement des gens qui aujourd'hui – les élus municipaux, là – contribuent en regard d'une remise de 1 % de leur masse salariale au maintien de l'École de police actuelle. Beaucoup d'interrogations auprès du ministre, aucune réponse de sa part sur le fait de savoir s'il y aura des augmentations de coûts pour financer l'École de police. Il y a même des gens qui sont venus voir le ministre pour lui dire: Vous devriez assumer complètement, le gouvernement, les coûts de l'École de police. Alors, c'est vous dire que les opinions sont extrêmement partagées sur le financement de l'École de police, et il va bien falloir à un moment donné que le ministre annonce ses couleurs à ce sujet-là.

Mais, sur le fait qu'il y ait une école de police, là aussi, je pense qu'il y a unanimité. C'est un métier qui est à ce point spécialisé maintenant qu'il n'est pas mauvais qu'il y ait un lieu unique, une porte d'entrée unique, si vous voulez, à l'accession immédiate au métier de policier qui soit l'École de police. Premier chapitre, donc, M. le Président, dans le projet de loi n° 86: la formation policière et, bien sûr, la confirmation – le ministre appelle ça la «création»; moi, j'appelle ça la «confirmation» – du statut de l'École de police.

Deuxième chapitre: l'organisation policière. En fait, le ministre l'a dit dans son discours, il s'agit de la reproduction, si vous voulez, des articles actuels qui concernent l'organisation policière, à quelques nuances près, j'en conviens, mais c'est la reproduction des articles actuels. Sur l'organisation policière, M. le Président, le ministre a évoqué dans son discours le fait que, bien sûr, il y a actuellement au Québec toutes les discussions sur l'organisation municipale qui doivent avoir lieu et qui, me semble-t-il – c'est ce que nous avons présenté également en consultation générale, mais ça a été plus clair de la part de l'opposition officielle – sont des discussions sur l'organisation municipale qui doivent aboutir avant qu'on puisse, comme l'a dit le ministre – et j'emploie son expression – effectuer ce qu'il est convenu d'appeler la «réforme de la carte policière». Ces choses-là sont extrêmement liées.

(16 h 40)

On sait dans quel climat se font les discussions sur l'organisation municipale au moment où on se parle. La ministre des Affaires municipales a accompli quelque chose qui s'est rarement vu au Québec, elle a réussi, sauf quelques exceptions, à mécontenter tout le monde, et on voit que les discussions qui s'amorcent sur l'organisation municipale sont loin de nous donner espoir qu'elles vont porter fruit. Mais, M. le Président, on ne pourra pas y échapper. Pour ce qui concerne la réforme de la carte policière, il va falloir que ces problèmes-là soient résolus avant qu'on puisse aborder le problème un peu plus ciblé, si vous voulez, de la réforme de la carte policière. Mais il y a une chose qui est certaine, et l'opposition officielle y croit: en matière d'organisation municipale – même chose en matière de réforme de la carte policière – il faut mettre l'accent sur la volonté des participants, il faut mettre l'accent sur le consentement, il faut mettre l'accent sur les ententes, il faut mettre l'accent sur la résolution des conflits par les ententes et il ne faut pas mettre l'accent sur la résolution des conflits par la coercition, comme la ministre des Affaires municipales l'a fait – la coercition, dans le cas du dossier de Mont-Tremblant – et comme, de temps en temps, depuis quelques semaines, on entend la ministre des Affaires municipales et surtout, mais surtout le premier ministre brandir la menace des fusions forcées, brandir la menace de la coercition.

M. le Président, les élus municipaux – j'ouvre une parenthèse – sont élus au même titre que les députés de l'Assemblée nationale, sont élus au même titre que tous les élus qui ont des postes électifs au Québec, et on doit respecter les élus. On doit respecter les élus de l'Assemblée nationale, on doit respecter les élus municipaux, on doit respecter les conseillers municipaux, on doit respecter les maires. Ces gens-là sont élus au même titre que nous et ces gens-là ont des responsabilités vis-à-vis de leurs électeurs comme nous avons des responsabilités vis-à-vis des nôtres, et ce n'est pas vrai que c'est parce qu'on est un gouvernement supérieur qu'on va commander à un gouvernement inférieur ce qu'on veut qu'il fasse. Ce n'est pas vrai. Ce n'est pas comme ça que ça fonctionne au Québec. Ce n'est pas ça, la démocratie. Alors donc, oui, il va falloir y avoir une réforme de la carte policière, bien sûr, mais j'encourage le ministre à y aller par la voie d'ententes, à y aller par la voie de la volonté et à respecter au plus haut point les élus municipaux, au sujet duquel ce gouvernement-là pèche régulièrement, particulièrement dans les dernières semaines et particulièrement par des déclarations du premier ministre dans les dernières semaines.

M. le Président, il y a, dans l'organisation policière et dans ce projet de loi là, un certain nombre d'obligations qui sont faites aux autorités municipales, par exemple l'obligation d'avoir un code de fer, un code de discipline. À défaut par les autorités municipales de décréter un code de discipline, le gouvernement le fera. Obligation par les autorités municipales, pour les directeurs de police, d'avoir un plan de formation des différents corps de police. Tout ça, ça représente des coûts qui, peut-être aux yeux du gouvernement, peut-être aux yeux du ministre, sont négligeables parce qu'ils réussissent toujours à transférer des responsabilités, mais qui ne sont pas négligeables aux yeux des élus municipaux, et ils sont venus le dire haut et fort au ministre en commission parlementaire. Il devra se souvenir de ça.

Donc, M. le Président, chapitre sur la formation policière, chapitre qui est la création, ou la confirmation, du statut de l'École de police, chapitre sur l'organisation policière, chapitre sur ce que j'appellerai la «déontologie policière», toujours dans le projet de loi n° 86. Bon, je n'ai pas l'intention, au stade de l'adoption du principe du projet de loi, de discuter en détail des prescriptions qui sont faites dans le projet de loi en ce qui concerne la déontologie policière. Une chose, il a été beaucoup question, pendant la commission parlementaire, pendant la consultation générale... parce que, en même temps, à l'extérieur de l'Assemblée nationale, survenait un événement dont vous vous souviendrez parce que vous en avez entendu parler, qui est le jugement Longtin au sujet de deux policiers qui avaient été impliqués dans l'affaire Barnabé. Donc, un policier qui est condamné pour un acte criminel devrait-il être admis à continuer d'exercer le métier de policier? Le ministre répond dans le projet de loi à cette question-là en disant: Non, un policier qui dorénavant sera condamné pour un acte criminel ne pourra pas continuer d'exercer le métier de policier. Et je tiens à dire que nous concourons à cet article dans le projet de loi.

Je pense, M. le Président, qu'on pourrait nuancer. C'est certain qu'on pourrait nuancer. La Commission des droits de la personne d'ailleurs est venue en commission, au grand déplaisir du ministre – je lui rappelle un mauvais souvenir, en passant – lui faire un certain nombre de remarques sur cet article-là en particulier. On verra comment il répondra aux opinions de la Commission des droits de la personne en commission article par article. Mais je pense que la population s'attend à ce qu'une personne qui est investie du pouvoir d'intercepter des citoyens en certaines circonstances, du pouvoir d'interroger des citoyens en certaines circonstances, du pouvoir d'arrêter des citoyens en d'autres circonstances, en somme du pouvoir de priver des citoyens de leur liberté, soit elle-même au-dessus de tout soupçon et soit elle-même un citoyen qui respecte les lois totalement, particulièrement, bien sûr – j'insiste là-dessus – les lois et les prescriptions qui sont contenues dans le Code criminel. Moi, je ne vois pas comment la population pourrait continuer d'avoir confiance ou comment on pourrait penser qu'on voudrait plaider auprès de la population qu'elle doit continuer d'avoir confiance dans une personne qui exerce un métier aussi important que celui de policier, ayant elle-même été condamnée pour un acte criminel.

Ceci étant dit, M. le Président, là-dessus je pense qu'on s'entend, le ministre et moi. Nous ne sommes pas des outrerépressifs. Nous pouvons comprendre, en certaines circonstances, certains agissements. Il a exercé le métier de criminaliste, j'ai exercé le métier de criminaliste. J'ai vu dans ma pratique, il a vu dans sa pratique plusieurs personnes commettre des actes criminels sans être des criminels eux-mêmes, et souvent la nuance est difficile pour certaines personnes à saisir. Mais ce n'est parce qu'on commet un acte criminel que nécessairement on est un criminel. Il peut y avoir des circonstances qui font en sorte qu'on fait un acte criminel. Mais, dans le cas d'un policier, moi, je pense que la population a raison de ne pas accepter et de ne pas vouloir comprendre cette nuance qu'on pourrait faire dans la commission d'actes criminels, et nous avons eu des discussions publiques à ce sujet-là sur la nature du crime.

Il y a des crimes, dans le Code criminel, qui sont considérés comme moins graves, qui sont des infractions criminelles poursuivies par un mode d'infraction sommaire. Bon, on pourrait toujours en discuter, mais il reste, dans mon esprit et dans l'esprit de l'opposition officielle, qu'il est certain que la population ne comprendrait pas qu'un policier qui commet des actes criminels puisse continuer d'exercer son métier. D'ailleurs, entre vous et moi, je suis persuadé que les policiers pensent la même chose. La très grande majorité des policiers pensent la même chose.

Vous savez, M. le Président, en réfléchissant sur ces questions de commission d'actes criminels par des policiers, on réalise... Et, pour les avoir côtoyés, je suis certain que le ministre va être d'accord avec moi là-dessus. Pour les avoir côtoyés, pour même les avoir représentés devant la Commission de police à l'époque ou devant des tribunaux de déontologie policière ou pour les avoir représentés devant les tribunaux de droit commun, je vous dirais qu'un policier qui commet un acte criminel que j'appellerai de droit commun – un vol, même un vol à l'étalage, une fraude, des actions comme ça – est honni par ses propres confrères. Les confrères policiers sont souvent les premiers censeurs d'une conduite criminelle de la part d'un policier. Là où évidemment il y a une zone grise que nous cherchons tous à rendre plus claire, c'est certaines conduites qui sont accomplies dans le cadre de l'exercice de leur profession.

(16 h 50)

Une expression dans le milieu policier est la suivante, M. le Président: des crimes commis pour la shop. Ça veut tout dire. L'affaire Matticks, si tant est que les faits se soient produits comme la rumeur publique le veut, c'était quelque chose qui était un exemple d'un acte qui aurait été accompli évidemment pour la shop, comme on dit, c'est-à-dire, dans l'esprit des policiers, pour le bien commun, c'est-à-dire pour être en mesure de faire condamner des criminels. Mais, bien sûr, on ne peut pas accepter ce genre de comportement-là, et il faut sanctionner ce genre de comportement-là, et c'est évidemment vers ça que porte toute l'attention quand on regarde les problèmes de déontologie policière.

Bon, en matière de déontologie policière, M. le Président, une critique qu'il faut adresser au ministre de la Sécurité publique en ce qui concerne le projet de loi n° 86 sur cette question, c'est ce que le projet de loi n° 86 ne contient pas, c'est-à-dire une indication claire dans la loi qu'une enquête de police sur la conduite criminelle d'un policier devrait être faite pour que le public sache, pour que le public accepte que cette enquête-là va se faire de façon objective. Pour donner un signal clair à la population qu'une telle enquête va se faire de façon objective, le ministre aurait dû indiquer dans son projet de loi qu'une telle enquête, clairement, ne peut pas être faite par le corps de police duquel est issu le membre qui est enquêté ou alors devrait être effectuée par un organisme complètement indépendant des forces policières. Le ministre, avec qui j'en ai discuté en commission parlementaire et en consultation générale, m'a répondu qu'il avait considéré cette possibilité, cette solution, mais qu'elle était coûteuse et surtout, mais surtout qu'un organisme indépendant serait mal vu de la part des policiers et serait suspect aux yeux des policiers. Mais, écoutez, c'est une raison qui ne tient pas à l'analyse et qui ne tient pas à la réflexion. C'est clair que, lorsqu'on fait une enquête, lorsqu'on fait une enquête sur un individu, peu importe qui fait l'enquête, l'individu qui est l'objet de l'enquête va mal réagir aux enquêteurs. C'est évident. Qu'il soit d'un organisme indépendant, qu'il soit son propre collègue ou qu'il soit d'un autre corps de police, l'individu va mal réagir.

Alors, ce qui est important et ce que le ministre a oublié, M. le Président, c'est que la population le regarde agir. La population a besoin de savoir, elle a soif de savoir, la population, que les enquêtes qui sont faites sur les policiers sont faites de façon complète, de façon objective, de façon intègre et de telle sorte à faire la recherche de la vérité. Ce qu'on a reproché à ces enquêtes-là et ce qu'on reproche régulièrement à ces enquêtes-là, c'est que ces enquêtes-là sont faites à l'intérieur de ce qu'il a été convenu d'appeler, dans les discussions publiques, la «loi du silence». La population a l'impression que les policiers se protègent entre eux, la population a l'impression que les policiers, même les policiers d'un autre corps de police qui font enquête sur un policier d'un membre étranger, se protègent entre eux. C'est ça, l'impression de la population, et souvent cette impression-là est renforcée par le fait que, dès qu'un événement survient...

Pensons à l'affaire Lizotte, que je ne veux pas discuter en Chambre parce qu'elle n'est pas encore résolue. Lorsque c'est arrivé, dans les premiers jours où ça a été rendu public, l'affaire Lizotte, personne ne parlait. Personne ne parlait. Nous, les avocats, ou, nous, les parlementaires, ou, nous, les représentants des groupements d'action justice, par exemple, pouvons comprendre intellectuellement pourquoi, lorsqu'une enquête se déclenche au sujet de la conduite de certains policiers, tout le monde se tait, parce que, évidemment, il faut recueillir la preuve, les gens ont le droit au silence, ils exercent leurs principes de justice naturelle. Mais la population, à qui on n'a pas à demander de connaître les lois – elle n'a pas besoin de connaître les tenants et les aboutissants des chartes, des principes de justice naturelle – ne voit qu'une chose, elle ne voit que le silence, elle ne se rend compte que du silence, et son réflexe normal, à la population, c'est de se dire: Ils veulent nous cacher quelque chose. C'est ça, le réflexe normal. Alors, évidemment, elle a besoin, la population, de savoir. Tout en faisant en sorte que tous les individus impliqués puissent faire respecter leurs principes fondamentaux, elle a besoin d'avoir un signal que ces enquêtes-là vont se faire de façon objective, vont se faire de façon complète, vont être exécutées par des gens intègres.

Bien, je pense, M. le Président, qu'il aurait été sage pour le ministre d'indiquer que ces enquêtes-là pourraient être faites par un organisme indépendant ou, à tout le moins, d'exiger par la loi que ces enquêtes-là soient faites par des corps de police étrangers. Il ne l'a pas fait, je n'ai pas encore compris pourquoi. Je n'ai pas encore compris pourquoi, mais c'est certain que toutes les conditions étaient réunies pour qu'il puisse faire cela et que tout le monde l'accepte.

M. le Président, finalement – et je terminerai là-dessus – un chapitre dans le projet de loi n° 86 concerne le contrôle externe de la Sûreté du Québec. Vous aurez compris qu'on va maintenant parler du Conseil de surveillance que le ministre crée, met en place par le biais du projet de loi n° 86. Bon, la commission Poitras avait suggéré un comité de contrôle permanent avec... La recommandation était complète. Le ministre dépose dans son projet de loi la création d'un conseil de surveillance de la Sûreté du Québec – cinq membres nommés par lui, dont le mandat va être déterminé par lui – puis il voudrait qu'on soit convaincu que le Conseil de surveillance va être indépendant du pouvoir politique, puis il voudrait qu'on soit convaincu que le Conseil de surveillance, c'est le contrôle aux élus et l'expertise aux experts. Ça n'a pas de sens.

M. le Président, dans le projet de loi, le Conseil de surveillance va venir devant la commission des institutions de l'Assemblée nationale une fois par année. C'est ça, le contrôle des élus? Ce n'est pas un contrôle des élus. Ce n'est pas ça, un contrôle des élus. Pas de transparence, aucune transparence. Le ministre nous dit: Oui, mais, vous savez, le Conseil de surveillance, il va y avoir un comité ministériel permanent qui va s'en occuper. Il n'y a pas de transparence là-dedans. Le comité ministériel permanent, la population ne sait pas ce qui se passe là puis l'opposition officielle ne sait pas ce qui se passe là non plus. Alors, ça, ce n'est pas de la transparence. Une apparition une fois par année devant la commission des institutions, ce n'est pas ça, le contrôle aux élus. Le ministre a lamentablement failli en ce qui concerne cette recommandation du rapport Poitras, cette recommandation de la commission Poitras.

M. le Président, la commission Poitras a posé un diagnostic, particulièrement sur la conduite des enquêtes criminelles à la Sûreté du Québec et des enquêtes majeures à la Sûreté du Québec. La commission Poitras a posé un diagnostic sur le contrôle des enquêtes internes sur la conduite des policiers à la Sûreté du Québec. La commission Poitras a été critique de la Sûreté du Québec en ce qui concerne, entre autres, ces deux éléments-là, et ça, c'est la réponse du ministre: un petit conseil de surveillance dont il va nommer les cinq membres lui-même et à qui il va donner des mandats. Puis il voudrait faire accroire à la population que ça, là, c'est sa réponse à la commission Poitras. Ça ne tient pas la route. Ça ne tient pas la route, et nous allons combattre cette recommandation-là, ces articles dans le projet de loi n° 86. Je souhaite que, dans sa réflexion entre aujourd'hui, bien sûr, et le moment où nous allons étudier le projet de loi article par article, le ministre ait réfléchi à cette question-là.

(17 heures)

M. le Président, ce que nous disons au ministre, c'est: s'il est vrai que la Sûreté du Québec doit...

Il n'est pas question d'imposer une tutelle à la Sûreté du Québec, on n'a jamais prétendu ça. Mais il y a un diagnostic qui a été posé par la commission Poitras et il y a des recommandations qui sont introduites, même timidement, dans le projet de loi et dont il va falloir surveiller – c'est normal – la façon dont elles seront exécutées, et c'est le conseil de surveillance qui devrait faire ça.

Mais la Sûreté du Québec, entre vous et moi, M. le Président, elle est imputable à qui? Les policiers, ils sont imputables envers qui? Ils sont imputables envers la population, c'est la population qui va porter jugement. Or, de quelle façon la population peut-elle porter un jugement sinon par le biais de ses élus à l'Assemblée nationale? Alors, le conseil de surveillance, ça devrait être les élus de l'Assemblée nationale qui le composent. Si, eux, les élus de l'Assemblée nationale, souhaitent avoir des éclaircissements de la part des experts – le ministre, il parle toujours des experts – souhaitent avoir un éclairage de la part des experts, ils le demanderont aux experts.

Mais, s'il est vrai que le ministre sincèrement veut donner le contrôle aux élus, qu'il le fasse vraiment et qu'il confie ce mandat-là à une commission permanente de l'Assemblée nationale ou à la commission des institutions, qui pourra siéger en matière de sécurité publique régulièrement, à sa demande, et ça, ça va être un vrai contrôle aux élus, pas ce que le ministre a dans son projet de loi.

Alors donc, pour ce qui concerne le conseil de surveillance, c'est extrêmement décevant. Là, l'opposition officielle le dit, puis évidemment le ministre très certainement se dit: C'est normal que ce soit l'opposition officielle qui fasse cette critique-là, c'est son rôle. C'est vrai que notre rôle, c'est de regarder plus attentivement les différents articles de la loi, et c'est vrai que nous sommes critiques à l'endroit du ministre, particulièrement sur le conseil de surveillance qu'il introduit dans le projet de loi, mais nous ne sommes pas les seuls, M. le Président. Le criminologue réputé André Normandeau l'a dit: Réponse décevante du ministre. Me Bernard Roy, procureur de la commission Poitras – lui, il a été devant la commission Poitras pendant des mois et des mois, il a vu tous les dossiers – quand il a constaté la réponse du ministre à la recommandation principale de la commission Poitras qu'est le conseil de surveillance, il s'est dit extrêmement déçu de la réponse du ministre.

Toutes les conditions, je le répète, étaient réunies pour que le ministre fasse preuve de vision, fasse preuve de clairvoyance, constate que tous les intervenants du milieu étaient bien disposés à ce qu'il y ait une vraie réforme. Malheureusement, il a failli à la tâche.

Alors, M. le Président, heureusement, nous ne sommes pas en péril, puisqu'il reste encore la commission parlementaire, il reste encore l'étude article par article du projet de loi. Et, moi, je souhaite que le ministre entre-temps puisse réfléchir encore particulièrement au conseil de surveillance, puisse venir en commission parlementaire, à l'étude article par article, déposer des amendements, je souhaite qu'il nous en fasse part bien sûr avant de les déposer pour que nous puissions les regarder.

Et, entre-temps, bien sûr, M. le Président, nous devrons manifester auprès du ministre, au moment du vote sur l'adoption du principe, que nous avons des attentes, que nous n'oublions pas, que nous nous remémorons le fait que 22 groupes sont venus témoigner en consultation générale, qu'ils ont fait des remarques sur le projet de loi, qu'eux aussi ont des attentes, des attentes qui bien sûr doivent être interprétées à l'intérieur de leur intérêt respectif, pas des attentes qui doivent être rencontrées dans tous les cas, mais ils ont également des attentes.

Et donc, comme nous sommes en attente, M. le Président, nous devrons signifier un vote négatif à l'adoption du principe et réserver notre jugement bien sûr pour l'étude article par article du projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Laurent et critique officiel de l'opposition en matière de sécurité publique. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants, M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique de 20 minutes? M. le ministre.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: Oui, M. le Président. Je vous remercie. Je n'aurai pas besoin de tout ce temps, je l'espère bien. Bon, en fait, je vais profiter de ce temps de réplique, peut-être, pour répondre à certaines inquiétudes qui ont été exprimées par le critique de l'opposition en matière de police et aussi peut-être pour élaborer sur certaines des raisons qui nous ont amenés à faire les choix que nous avons faits.

D'abord, il nous reproche dès le début de lui demander un acte de foi, je lui répondrai de but en blanc: Ce n'est pas un acte de foi que je lui demande, c'est un acte d'intelligence. C'est évident que je ne pouvais pas présenter les modifications... J'ai parlé au-delà d'une demi-heure sur le projet de loi dans son ensemble, je n'étais pas pour commencer à faire à ce stade-ci le travail que nous devons faire à la prochaine étape qui est l'étude article par article, et c'est à ce moment-là que nous verrons les amendements qui doivent être apportés.

Il me disait aussi un autre reproche: que j'écoute comme un sourd. Je ne sais pas comment écoutent les sourds, probablement que ce qu'il veut dire, c'est que, quand j'écoutais, je ne démontrais peut-être pas chaque fois quelle était mon opinion sur ce qui était exprimé devant moi. Je pense que c'est une attitude sage, quand les gens se donnent la peine de venir nous exprimer des opinions, que de réfléchir aux opinions qu'ils nous donnent avant d'en disposer. J'ai écouté avec attention tout ce qui a été dit et je répète que la quasi-totalité des rapports qui nous ont été présentés lors de la commission parlementaire étaient d'une très haute qualité et nous ont amenés à réfléchir. Maintenant, peut-être voudra-t-il dire, si je n'accepte pas toutes les recommandations qui nous ont été faites à cette commission, que là j'agis comme un sourd. Mais je n'agirai pas comme un sourd. Il se peut que nous rejetions, après les avoir étudiées, certaines des suggestions qui nous ont été faites, mais, de toute façon, je pense qu'il reconnaîtra lui-même que beaucoup des suggestions qui nous ont été faites se contredisaient parfois d'un groupe à l'autre. Alors, il nous appartiendra de choisir.

Il a dit des mots très sages et avec lesquels je suis entièrement d'accord sur la noblesse du métier de policier. J'apporterai cependant la précision suivante: je crois que le métier de policier est un des métiers les plus nobles dans la société, mais je crois que c'est vrai dans une société démocratique et que, justement, il faut voir la différence. Lorsque les corps de police ne sont qu'au service d'un pouvoir qui écrase la population, comme il y en a, hélas, trop d'exemples et dans l'histoire et même sur la planète actuellement, c'est un métier, évidemment, qui peut être honni par les populations. Mais, justement, c'est dans les démocraties doublées d'un État de droit que le métier de policier prend toute sa noblesse, et, par conséquent, c'est cette noblesse nécessaire qui justifie les exigences que nous pouvons avoir à l'égard du métier de policier.

Et il avait parfaitement raison de dire que ce sont les pouvoirs exceptionnels qui sont accordés à ces citoyens sur les autres citoyens – les seuls qui peuvent utiliser légitimement la force, les seuls qui peuvent contraindre – qui justifient que l'on soit extrêmement exigeant quant à leur moralité et quant aussi à la maîtrise de leur caractère, parce qu'on peut être aussi d'une très grande moralité et avoir tendance à utiliser la violence un peu trop vite. Dans les deux cas, le souci de l'honnêteté, de l'intégrité, mais aussi de l'absence de brutalité sont des caractéristiques qui doivent être poursuivies. Et, quant à moi, c'est, je crois, encore ce qui justifie que l'on soit exigeant, qu'on exige qu'un policier n'ait pas de dossier judiciaire lorsqu'il entre dans la police et que, par la suite, la condamnation pour un acte criminel au moins entraîne la destitution. Pour les infractions moins graves qui sont poursuivies par poursuite sommaire, nous avons vu dans le projet de loi que nécessairement il doit y avoir un comité de discipline qui puisse étudier cas par cas.

(17 h 10)

Maintenant, je retiens quand même de ces premières remarques qu'il abordera cette étude dans un aspect positif. Je le dis en toute humilité, je suis... En fait, c'est même une question d'orgueil réaliste, je dirais, plutôt que d'humilité. Quand on entreprend une grande réforme, on espère qu'elle nous survivra, donc qu'il y aura des gens qui nous suivront pour l'appliquer et pour utiliser la loi. Ça, c'est l'aspect orgueil. Et l'humilité, c'est de reconnaître que ce pourrait être lui-même, un de ces jours... C'est certainement une de ses ambitions légitimes. J'espère, moi aussi, que ce sera le plus tard possible ou que ce soit quelqu'un qui a d'autres opinions sur l'avenir fondamental du Québec. Mais c'est certain que je pense qu'il faut aborder l'étude de ce projet de loi en cherchant à établir un système que nous aimerions nous-mêmes avoir si on devait exercer la fonction d'être responsable des corps policiers.

Je reconnais qu'il est perfectible, mais je dis aussi que je pense que tout projet de loi de ce type aurait été nécessairement perfectible. Nous avons réfléchi longtemps avant de le présenter. Nous avons examiné beaucoup de solutions. À un moment donné, je me suis aperçu qu'il valait mieux commencer les consultations avec un projet précis de loi écrit sachant qu'à un moment donné la recherche du mieux allait tuer le bien, le bien étant qu'il fallait une réforme et qu'il fallait donc faire certains choix.

Il me reproche aussi d'avoir été absent après le dépôt du rapport Poitras. Bien, je pense que ce qu'il veut dire, en fait, ce qu'il rapporte, c'est que je n'ai pas assez parlé sur le rapport Poitras, je n'ai pas assez dit assez vite quels étaient les choix que je pourrais faire. Je pense que c'est une preuve que je prenais cette commission très au sérieux et que je voulais bien examiner la portée, le coût, le réalisme des mesures tout à fait exceptionnelles qu'il nous suggérait. L'étude, d'ailleurs, de ce qui a été fait dans les autres juridictions des pays démocratiques, même pour gérer des problèmes pires que ceux que nous avions à gérer dans les corps policiers actuels, nous démontre le caractère tout à fait exceptionnel.

D'abord, il était très long: au-delà de 1 700 pages. Je l'ai fait lire par beaucoup de personnes, j'ai consulté beaucoup de personnes qui l'avaient lu, qui avaient occupé des postes importants et à la Sûreté du Québec et dans d'autres corps policiers, et aussi des hommes et des femmes politiques, et j'ai réfléchi longuement, pour acquérir la conviction que la mise en tutelle que supposait la création de ce conseil de contrôle permanent n'était pas une bonne solution. Non seulement aurait-elle obligé la Sûreté du Québec à un travail administratif considérable, constant, qui les aurait distraits du travail plus important de gérer un corps de police pour les fins d'un corps policier, c'est-à-dire la prévention du crime, la lutte au crime organisée, mais en plus une tutelle déresponsabilise une direction parce que, quand on a un tuteur, on ne fait que faire des propositions et c'est le tuteur qui choisit si la proposition, on va l'appliquer ou si on ne l'applique pas.

J'ai cru comprendre qu'il était d'accord au début de son intervention avec cette attitude, mais, vers la fin, je commence à en douter, lorsqu'il évoque les critiques de Me Bernard Roy qui évidemment ne devait pas être d'accord avec le fait qu'on ne prenne pas la principale suggestion émanant de la commission dont il était le procureur. Mais, en tout cas, c'est pour ça qu'après ça on est allé voir un peu à travers le monde ce qui avait été fait et que nous avons cherché à retenir ce qu'il y avait de mieux.

Je dis aussi que... Et ça, je vais répondre parce que j'ai remarqué, dans la population, il semble y avoir un mouvement pour penser qu'un organisme indépendant est supérieur aux gens que la population elle-même a démocratiquement choisis pour contrôler un corps policier. D'abord, on serait mieux de regarder ce qui se passe à Toronto, avec un organisme indépendant et le genre de pressions que ces gens-là ont eu à subir, pour voir les dangers qui peuvent mener... Mais, deuxièmement, demandons-nous qui contrôle la police, normalement, dans n'importe quel système, quel qu'il soit. Eh bien, on aura découvert bien vite que, dans les monarchies absolues, la police est au service du roi; dans les dictatures, la police est au service des dictateurs; dans les oligarchies, comme les systèmes communistes, la police est au service... Bon. Et alors, qui doit contrôler la police dans une démocratie? Eh bien, je pense que, là, la réponse est évidente. Dans une démocratie, la police doit être contrôlée par ceux qui sont élus. Je sais qu'on ne les porte pas après les avoir choisis et après avoir toujours espéré mieux... Je ne sais trop pourquoi. En fait, je pense que c'est par la difficulté de gouverner; les gens finissent toujours par avoir une piètre opinion de ceux qu'ils ont choisis. Mais, si on y pense comme il faut, dans une démocratie, ce sont les élus qui doivent contrôler la police parce que, comme ça, la population peut avoir un contrôle indirect, justifié, sur les orientations qui doivent lui être données.

Je retiens aussi que si, vers la fin, il n'est pas d'accord avec ce que nous avons retenu... Et ce que nous avons retenu, c'est justement ce qui applique le principe que nous avons estimé le plus important: le contrôle aux élus, mais le conseil aux experts, et le contrôle à des élus bien informés, de façon à ce qu'ils soient capables d'exercer le contrôle sur les corps policiers, parce que ce n'est pas simple.

Mon critique dit, avec raison, que ce n'est peut-être pas en faisant venir la commission de surveillance ou le président du conseil de surveillance, une fois par année, que les élus pourront exercer. Bien, je dis: C'est un minimum dans la loi. Ha, ha, ha! C'est un minimum, une fois par année. On pourra toujours les faire venir plus souvent si on veut. Mais de toute façon ils pourront aussi se rapporter à ce comité ministériel, qui n'est pas dans la loi parce qu'on n'a pas besoin de le faire, mais qui sera un comité de contrôle de la Sûreté du Québec et qui regroupera plusieurs ministres.

Mais, encore une fois, je l'ai dit, je crois que, s'il estime que ce n'est pas assez, bien, rien ne l'empêche de proposer quelque chose d'autre. Il me semble que ça aurait été le bon moment, puisqu'il a pris près d'une heure pour parler, de suggérer quelque chose d'autre qui est aussi fondamental, mais on pourra toujours voir à l'étude article par article.

Il a parlé aussi qu'il devrait y avoir plus d'une façon d'entrer dans la police. C'est un sujet où j'ai vu, dans certaines critiques, qu'il y avait beaucoup de confusion, et je m'empresse de les éclairer et de les écarter. Il faut quand même distinguer deux choses. Oui, je suis en faveur – et puis, d'ailleurs, la loi permet cet accès – des entrées latérales dans la Sûreté du Québec, mais aussi, il ne faut pas confondre avec les employés civils de la Sûreté du Québec. C'est uniquement pour ceux qui auront le titre d'agent de la paix, donc, qui pourront arrêter, perquisitionner, demander des autorisations de perquisition, qui auront l'exigence de passer par l'École nationale de police. Cela n'empêchera pas la présence de civils et aux niveaux les plus élevés.

Je vous rappelle que le dernier directeur de la Sûreté du Québec, comme celui qui est là actuellement, sont des civils, n'est-ce pas? Et c'était le sous-ministre de la Sécurité publique, donc celui qui en fait semblait à un cran plus haut, à l'époque, mais donc qui avait une connaissance de la Sûreté du Québec, qui dirige actuellement. Même dans une des escouades les plus importantes, l'ECO, l'Escouade des crimes organisés, elle est dirigée par Me Dionne qui était l'un des grands procureurs de la couronne. Je pense que mon critique le reconnaîtra, que ce fut un de ses collègues les plus brillants et qui dirige actuellement l'Escouade du crime organisé. Alors, il pourra y avoir, comme ça, plusieurs civils qui joueront un rôle important dans la police sans être agents de la paix.

Ah oui! Il a fait une remarque très drôle sur le fait que j'aurais rejeté l'idée d'un organisme indépendant pour enquêter des crimes commis par les policiers en disant que, selon moi, la raison que j'aurais donnée, c'est que cet organisme aurait été mal vu par les policiers. Je n'ai jamais rien dit de tel. Ce que j'ai dit qui se rapprocherait le plus de ce qu'il semble avoir compris, n'est-ce pas, c'est que, s'il y avait une police des polices... là où ça a été fait, notamment à New York, en France ou dans d'autres domaines, on constate que les corps policiers, dans leur ensemble, se braquent contre la police des polices et commencent à développer des moyens de défense à l'égard de la police des polices. Mais, là-dessus, j'ai besoin peut-être de donner quelques explications du choix que nous avons fait, qui est complexe, je le reconnais, mais qui, je pense, les gens... D'abord, il a été établi par des avocats d'expérience qui ont pratiqué le droit criminel, donc, qui ont vu comment ça marche tous les jours et qui ne sont pas des théoriciens. Il est peut-être complexe, mais nous croyons qu'il va être beaucoup plus efficace.

(17 h 20)

D'abord, nous avons envisagé la solution de police des polices pour enquêter des actes criminels commis par des policiers. Remarquez que ce n'était pas une suggestion de la commission Poitras, et d'ailleurs, sur ce sujet, il n'y avait pas de recommandation très précise. Bon. Alors, nous avons constaté... Si on faisait une police des polices, d'abord, il faudrait prendre les enquêteurs quelque part, hein, des enquêteurs bien formés, avec de l'expérience, donc nécessairement des gens qui auraient passé par des corps policiers, et puis l'aspect transparence aurait déjà disparu avec le temps. Ensuite, nous nous sommes dit: Bon, bien, combien en faut-il? Alors, combien y a-t-il d'allégations de crimes commis par les policiers chaque année? Environ 350. Remarquez que ce n'est pas beaucoup par rapport à l'ensemble de la population et par rapport au... ce n'est pas un gros pourcentage, mais la majorité de ces crimes sont des crimes de droit commun, du genre petits vols, vols à l'étalage, tentatives de fraude, parfois des gestes de brutalité soit dans le contexte conjugal ou même avec des voisins ou ainsi de suite. Dans tous ces cas-là, les corps policiers se font un devoir d'enquêter extrêmement rapidement pour mettre ces gens-là dehors. Donc, est-ce qu'on va prendre les meilleurs policiers du Québec pour enquêter des vols à l'étalage puis des cas de violence conjugale puis des choses comme celles-là? Laissons donc le système se débarrasser de ses moutons noirs quand il le désire.

Alors, ce que nous avons établi plutôt, c'est la solution où le corps policier, dès qu'il y a une allégation de comportement criminel, doit avertir le ministre. Et alors là, le ministre, il a le pouvoir tout de suite, peu importe qu'il y ait eu mort d'homme – c'est le cas actuellement, alors, ça améliore – le ministre peut tout de suite assigner un enquêteur ou le confier à un autre corps de police. Mais le corps n'est pas désigné d'avance, de sorte qu'on n'a pas cette critique possible que: Ah, je comprends, la Sûreté du Québec enquête de façon plus légère la SPCUM, puisque c'est la SPCUM qui va enquêter sur la Sûreté du Québec par la suite. Non, le corps policier ne saura jamais qui va l'enquêter. Mais dans le cas où ça continue, où on le laisse au corps policier, alors, on lui laisse 45 jours pour finir l'enquête. Si ce n'est pas terminé en 45 jours, il faut qu'il avertisse le ministre, et puis, ensuite, tous les trois mois si c'est une enquête très compliquée. Mais, à la fin, qu'il décide de porter une accusation ou qu'il décide de ne pas en porter, il doit soumettre le cas à trois procureurs de la couronne qui, alors, pourront ordonner une nouvelle enquête, conseiller le ministre ou enfin...

Je remarque que vous me signalez le temps. Est-ce qu'il est différent du temps que je vois ici, qui s'écoule? Sinon, je me fie à ça pour 20 minutes. Ça vous va? Merci, M. le Président. Bon.

D'ailleurs, je vous signale que cette disposition aurait certainement été appliquée dans l'affaire Lizotte parce que, en fait, les faits ont été connus par la direction, il semble, quatre jours après, parce que ça s'est produit au début d'une très longue fin de semaine, et il est évident que, le ministre ayant été averti... Enfin, moi, je l'aurais fait et j'ai l'impression que n'importe quel ministre de la Sécurité publique à ma place, devant ce type d'allégation, aurait demandé immédiatement une enquête ailleurs. Tandis qu'ici la Sûreté a attendu évidemment que la personne soit morte, parce que, là, il y a une directive actuelle que, lorsqu'il y a mort d'homme ou quelqu'un qui était détenu ou arrêté par un corps de police, automatiquement, ça doit être enquêté par un autre corps de police qui est déjà désigné d'avance.

Bon, je pense que c'est à peu près tout ce que j'avais noté. Ça a l'air que ça satisfait à peu près tout le monde. Alors, je vous remercie du temps que vous m'avez donné, M. le Président, puis, voyez, je n'en abuse pas, je ne vais même pas au-delà. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. Alors, ceci termine le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 86. Le principe du projet de loi n° 86, Loi sur la police, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.


Renvoi à la commission des institutions

M. Boulerice: Alors, M. le Président, on dit «adopté sur division» de façon à réconcilier le ministre et son porte-parole. Je vais vous faire motion que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée. Ils auront l'occasion de se parler. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vais vous demander de suspendre nos travaux jusqu'à 18 heures où il y a trois débats de fin de séance.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je suspends donc nos travaux jusqu'à 18 heures, ce soir, et je vous invite à assister aux trois débats de fin de séance.

(Suspension de la séance à 17 h 25)

(Reprise à 18 h 6)


Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Pinard): MM. les députés et ministres, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, comme nous l'avons mentionné cet après-midi, nous avons ce soir trois débats de fin de séance. Le premier débat de fin de séance aura lieu entre le député d'Orford et le ministre de l'Environnement concernant une question qui a été posée cet après-midi, lors de la période de questions, aux affaires courantes, concernant l'échec du gouvernement Bouchard en matière environnementale. Le deuxième débat de fin de séance aura lieu entre M. le député de Vaudreuil et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux concernant le projet de loi sur l'équilibre budgétaire dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et enfin, le troisième débat de fin de séance aura lieu entre Mme la députée de Mégantic-Compton et le ministre délégué aux Relations avec les citoyens concernant les orphelins de Duplessis.


Politiques du gouvernement en matière d'environnement

Alors, vous connaissez les règles, M. le député d'Orford a un temps de parole de cinq minutes, M. le ministre, vous avez un temps de réplique de cinq minutes, et le tout se termine en vous accordant, M. le député d'Orford, un temps de parole de deux minutes. Alors, nous débutons immédiatement. M. le député d'Orford.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, merci. Nous avons questionné le ministre à la période de questions. Ils ont été obligés de couper le député de Joliette qui était parti sur un envol à n'en plus finir, et j'ai reconnu le président, qui en avait assez d'entendre les bobards du député de Joliette, le couper carrément pour donner la parole au porte-parole de l'opposition en environnement. Alors, je reconnais que le président, ici, a fait un bon job, et on était heureux de poser notre question au ministre.

La question qu'on a posée au ministre... Écoutez, le Réseau québécois des groupes écologistes, ça, ça regroupe à peu près tout ce qu'il y a dans votre circonscription, dans la mienne ou dans la circonscription de tous les élus ici, à peu près tout ce qu'il y a en groupes d'environnement, et ils ont sorti leur bulletin. Une fois par année, ils font ça, et on espère toujours...

En tout cas, nous, environnementalistes, on aimerait, d'année en année, qu'ils essaient de donner une note au ministre, ce qui démontrerait que le ministre a fait quelque chose de correct ou de bon. Il y avait espérance de la part de tout le monde en se disant: Bien, coudon, il a peut-être amélioré son sort. Ce n'est pas ça qu'on percevait, personne, mais... Alors, le bulletin est sorti, et puis là vous conviendrez avec moi qu'un groupe tout à fait indépendant a donné un C pour incohérence aux politiques du gouvernement.

Alors, j'aimerais demander au ministre dans le cinq minutes qu'il va nous répondre: Pourquoi les groupes d'environnement ne le comprennent pas? Pourquoi? Est-ce qu'il est un mal compris ou est-ce qu'il a mal expliqué son affaire, ou bien si c'est parce qu'ils n'ont pas assez travaillé ou si c'est parce qu'ils ont mal travaillé? Et je vous dirai pire que ça, M. le Président. En ce qui a trait aux groupes d'environnement, là, ils ont eu un F. Ça, c'est le plus bas qu'on peut avoir dans le bulletin, un F.

Alors, je pense que je commence à comprendre un peu pourquoi les groupes d'environnement, au Québec, ont donné un C au ministre. Mais, dans ce qu'il y a de plus dramatique là-dedans, ce n'est pas juste au ministre qu'ils donnent un C. Ils donnent un C à toute l'organisation gouvernementale, au premier ministre en tête – ex-ministre de l'Environnement à Ottawa – qui nous disait, dans son livre, qu'il avait bien peur des gouvernements de comptables. C'était l'expression qu'il prenait, le premier ministre. Il disait: Les gouvernements de comptables où l'environnement, ça, on ne se préoccupe pas de ça parce qu'on doit tenir les livres très serrés. Ça, c'est à une autre époque où il était ministre de l'Environnement. Je vous avouerai maintenant qu'il est le premier ministre. Non seulement on a eu l'impression d'avoir un gouvernement de comptables, mais c'est un peu démesuré, la comptabilité.

(18 h 10)

Alors, je veux juste rappeler, pour les gens qui nous écoutent, puis c'est l'heure du souper chez eux, que le bulletin, il est pire que l'année dernière. Non seulement le gouvernement n'a pas amélioré son sort, mais les résultats sont pires que celui de l'année dernière. À titre d'exemple, le changement climatique. Alors, ils ont eu un C. Bien, oui, le ministre est arrivé de Vancouver, c'est la seule fois qu'on a entendu parler du ministre ou à peu près.

D'ailleurs, en passant, il a des nouvelles responsabilités maintenant: il s'occupe de nos rapports d'impôts. Alors, je ne sais pas, il n'avait déjà pas grand temps pour s'occuper de l'environnement. Imaginez-vous maintenant qu'il s'occupe des rapports d'impôts des Québécois. Je ne suis pas sûr qu'il va avoir bien, bien plus de temps pour s'occuper de l'environnement.

Mais, ceci dit, la seule fois qu'on a entendu parler du ministre récemment, c'est lors d'une visite à Vancouver, la semaine dernière, où, là, comme tout bon péquiste qu'il se doit, il a claqué la porte, a fait du tapage, a dit que le Canada ne voulait rien savoir de l'environnement. Il n'y a pas un groupe d'environnement, au Québec, qui ne va pas vous dire que, dans bien des circonstances, depuis bien longtemps, on est bien chanceux d'avoir eu le gouvernement fédéral pour avoir pris des responsabilités, M. le Président. J'ai toujours prétendu... et j'aimerais que le ministre prenne toute la place qui lui revient en environnement. Mais malheureusement ce n'est pas le cas, c'est loin d'être le cas.

La gestion des déchets. On a appris aujourd'hui que, finalement, après huit ans, un programme électoral du PQ ça d'épais, M. le Président – en 1995 – il n'y a rien de ça qui a été appliqué et, là-dedans – dans la gestion des déchets – ils ont eu un A.

Dans la foresterie – je finirai dans les dernières minutes, secondes, qui me restent en foresterie – tout le monde et son père, au Québec, a demandé une enquête, M. le Président. Que ce soit le Regroupement des évêques, que ce soit le président de Donohue, récemment, qui disait: Oui, dans la mesure où ça sera scientifique, les CRE, l'UQCN, le journal Le Devoir , le chef de l'opposition, le porte-parole en matière d'environnement dans l'opposition, tout le monde a demandé une enquête. On entend des versions diamétralement opposées. D'un côté, il y a un gars qui a fait un film, qui nous a dit: C'est terrible, ce qui se passe; puis, de l'autre côté, on a le ministre qui se lève puis qui nous dit: Ça va très bien dans les forêts.

Nous, citoyens libres et réfléchis, nous ne savons plus qui croire, et c'est la mission du ministre de l'Environnement, en toute neutralité, de faire la lumière dans une situation comme celle-là. Il y a un organisme qui s'appelle le BAPE. Il n'a qu'à mandater le BAPE, lui donner un mandat précis et nous saurions à quoi nous en tenir.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford et critique officiel de l'opposition en matière d'environnement. Je cède maintenant la parole au ministre de l'Environnement et également ministre du Revenu. M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Si, pour reprendre les mots du député d'Orford en terminant, c'était aussi simple que de confier un mandat au BAPE pour régler les problèmes, je lui ferais remarquer que, justement, en matière d'eau, j'ai confié au BAPE le mandat de regarder toute la question de l'eau à travers le Québec et qu'il y a eu une tournée pendant toute l'année, au-delà de 400 mémoires, et la note qu'on me donne, c'est D, concernant l'eau. Alors, M. le Président, c'est à n'y rien comprendre, puisque justement tous les groupes environnementaux applaudissaient, l'an dernier à pareille date, lorsque je confiais le mandat. Nous sommes en attente du rapport, il devrait arriver d'ici quelques semaines. Alors, c'est à n'y rien comprendre.

Mais, moi, je comprends quelque chose, M. le Président. Ce bulletin, il est fait par un groupement qui a consulté quatre ou cinq autres groupements. Un groupement, un sujet; et un autre groupement, un autre sujet. Il y a eu une demande sur ce sujet-là. Il n'y a jamais eu de vérification par la suite. Il n'y a pas eu de contrôle et tout le monde apprend aujourd'hui que la note, c'est ça. Alors, je pense qu'il ne faut pas attacher plus d'importance que cela à la question, puisque, sur les sujets dont il s'agit, je pense qu'on peut avoir d'autres opinions.

Entre autres, par exemple, Le Devoir du 30 mars – ça ne fait pas longtemps, ça fait quatre jours – Greenpeace disait ceci: «Greenpeace a félicité publiquement le ministre québécois de l'Environnement, Paul Bégin, pour avoir osé quitter cette conférence sans résultat qui ne visait, dit-il, qu'à jeter de la poudre aux yeux des médias et de la population.» Effectivement, nous demandions de faire le partage entre les provinces de la part que nous aurions à rencontrer. Nous voulions que ces choses-là soient faites. On voulait qu'on reconnaisse ce qui avait été fait dans le passé, et le Canada a refusé en disant que c'était prématuré: On va attendre trois ans. Pourtant, les échéances s'en viennent.

Deuxièmement, en ce qui concerne l'eau, je viens de le mentionner, nous avons fait la commission du BAPE. Elle a traversé tout le Québec, elle a vu tous les groupes, toutes les personnes qui étaient intéressés par la question, et nous aurons un mémoire très prochainement puis, par la suite, nous serons en mesure d'agir.

En ce qui concerne les matières résiduelles, un autre sujet, M. le Président, j'ai fait adopter au mois de décembre dernier le projet de loi qui permet de mettre en vigueur le plan d'action de la gestion des matières résiduelles. Je ne compte plus le nombre d'intervenants et de groupes qui sont venus dire: Félicitations, M. le ministre, nous avons enfin une loi, on ne pensait pas l'avoir si vite que ça.

J'ajoute que non seulement on a la loi, mais que, actuellement, plusieurs règlements ont été prépubliés, et, dès que ceci va entrer en vigueur, le 2 mai prochain... Parce que, en passant, c'était ça, la question du député ce matin, ce n'était pas autre chose: Quand entreront en vigueur la loi et le règlement? Bien, je lui ai répondu que c'était le 2 mai et que le décret pour ajuster tous les règlements, pour remplacer le mot «déchets» par les mots «matières résiduelles» – ce qu'il voulait d'ailleurs, hein, il l'avait dit ad nauseam lors des commissions parlementaires – serait fait. Alors, le 2 mai prochain, la loi et les règlements arriveront en vigueur graduellement.

M. le Président, le travail qui est fait par le gouvernement du Québec en matière d'environnement est colossal. Les groupes environnementaux participent à toutes les rencontres que nous faisons. Non seulement ils participent, mais nous leur avons établi un régime qui leur permet d'avoir des subventions afin de pouvoir mieux travailler, et ceci est un programme à double volet qui permet donc aux groupes de recevoir des sommes qui sont extrêmement importantes pour leur permettre d'avoir une certaine permanence, d'un côté, puis, d'autre part, de faire des projets qui les concernent.

Alors, entre autres, il y a un programme de 650 000 $ qui a été ajouté cette année pour financer les groupes statutaires, les groupes nationaux, qui ont une envergure nationale. Alors, évidemment ceci permet aux groupes environnementaux de bien travailler. Certains qui ne les ont pas reçus, ne rencontrant pas les critères établis par le programme, sont déçus de la chose, mais ou bien nous saupoudrons l'argent à travers tous les groupes et nous ne satisfaisons personne, ou encore on établit selon des critères les groupes qui ont droit à un financement permanent, de se donner une permanence et, en conséquence, d'avoir une capacité d'action environnementale importante, et c'est ce que nous avons choisi de faire plutôt que de saupoudrer un peu partout et sans que ça ait de conséquences positives, cet argent-là.

M. le Président, en matière environnementale le gouvernement du Québec a non seulement fait beaucoup, mais se prépare à faire beaucoup. Un fonds de 45 millions de dollars additionnels vient d'être créé par le gouvernement qui va nous permettre d'agir non seulement dans les domaines où nous étions jusqu'à ce jour, mais d'ajouter de manière très concrète de l'argent neuf pour l'environnement au Québec.

Alors, évidemment peut-être que quelques personnes ayant consulté quelques personnes puissent être déçues et s'arroger le pouvoir de donner des notes. C'est leur droit. Mais, quand il s'agit d'évaluer l'action environnementale, ce n'est peut-être pas au niveau de ce bulletin-là qu'il faut considérer, mais plutôt au niveau des actions spécifiques qui sont faites, et, là-dessus, ce que nous avons comme démonstration est suffisamment convaincant pour dire: Passons à l'action, laissons les commentaires aux autres.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Environnement et député de Louis-Hébert. Un droit de réplique, M. le député d'Orford et critique officiel de l'opposition en matière d'environnement, de deux minutes. M. le député.


M. Robert Benoit (réplique)

M. Benoit: M. le Président, je comprends qu'il a eu un signe. Je lui ai parlé d'une enquête sur la foresterie, il me dit qu'il y a une enquête sur l'eau. Ce n'est pas exactement la même chose, M. le Président. Je lui parle d'une enquête sur la foresterie

Il nous dit que les groupes d'environnement l'aiment bien gros. Bien, écoutez, il a un F dans le cas des groupes d'environnement. Et le seul journal que nous avions au Québec qui s'adressait aux environnementalistes s'appelait Franc-Vert , le seul journal, le seul magazine qui était bien fait, qui vraiment valait la peine d'être lu au Québec n'existe plus. Le ministre a regardé ça fondre, a regardé ça disparaître. Maintenant, il nous annonce qu'il va subventionner les groupes. Bien, oui, le journal n'est plus là.

Et, finalement, M. le Président, un ministère de l'Environnement, ça a une mission horizontale, ça a une mission sociale et morale d'aller un peu partout puis de dire aux gens: Voici ce qui se passe. Dans le cas de la côte des Éboulements, l'UNESCO, le grand environnementaliste Dansereau, les CRE, l'UQCN, les libéraux et tout le monde ont demandé de regarder ce projet autrement, tout le monde. Jamais, jamais, jamais on n'a eu une écoute attentive de la part du ministre. C'est le ministre de la gravelle qui a décidé comment ça se passerait dans ce coin-là. Hertel–des Cantons, on a eu une bataille qui a duré des centaines d'heures ici. Les citoyens ont pris de l'argent de leur poche. Jamais, jamais, jamais le ministre ne nous a donné raison. Jamais il n'a aidé les groupes d'environnement.

Et je pourrais continuer, M. le Président. Dans la foresterie, des citoyens de partout, de la Gaspésie et de l'Abitibi nous disent qu'il y a quelque chose qui ne marche pas là-dedans. On lui demande une enquête et le ministre: Pantoute, ce n'est pas sa mission, lui. Lui, c'est ses petites affaires dans sa petite cour. Nous, on lui dit qu'il a une mission à la grandeur du gouvernement, dans tous les ministères, d'influencer les autres ministres et de les amener à réfléchir, à penser environnemental. Et, malheureusement, cette mission-là, le ministre, il l'oublie, il l'a oubliée depuis qu'il est là.

Oui, ils avaient un engagement électoral de ça d'épais, M. le Président, en 1995. Ils se font fait élire sous de fausses représentations. Et les groupes d'environnement se souviennent pertinemment du programme électoral, ils se souviennent aussi maintenant de ce qui n'a pas été fait par ce gouvernement en environnement.

(18 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Orford et critique officiel en matière d'environnement. Merci, M. le ministre.


Projet de loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux

Nous allons maintenant procéder au second débat de fin de séance entre le député de Vaudreuil et critique officiel de l'opposition en matière de santé et de services sociaux et Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et également députée de Taillon. Alors, la question qui sera débattue concerne le projet de loi sur l'équilibre budgétaire dans le réseau de la santé et des services sociaux. Alors, M. le député de Vaudreuil, un temps de parole de cinq minutes.


M. Yvon Marcoux

M. Marcoux: Alors, merci, M. le Président. Aujourd'hui, j'ai questionné la ministre de la Santé sur la nécessité de son projet de loi sur l'équilibre budgétaire du réseau public de la santé et des services sociaux. La ministre m'a répondu – et je la cite: «À ce titre, la seule façon pour le ministère d'intervenir d'une façon significative était par la voie de la mise en tutelle. Or, ce n'est pas ce que nous souhaitons. Nous souhaitons pouvoir travailler en collaboration.» Fin de la citation.

Or, M. le Président, la ministre sait très bien, si on examine la loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux, que cette information, elle est inexacte. La ministre sait très bien que la loi actuelle contient toutes les dispositions nécessaires relatives à l'obligation d'équilibre budgétaire. Si on examine les différents articles de la loi, et j'en cite quelques-uns: l'article 284, qui parle, justement, des prévisions budgétaires des dépenses et des revenus qui doivent être en équilibre; l'article 285, qui parle de la transmission des informations budgétaires aux régies et aux établissements, tout est là-dedans; l'article 288, qui prévoit que les établissements doivent fournir des rapports aux régies régionales, que ces rapports doivent contenir tout renseignement requis par la régie régionale ou par le ministre, la régie régionale fournit une copie de ces rapports au ministre... Donc, tout est là, M. le Président. Les établissements ne peuvent emprunter pour des immobilisations sans l'autorisation du ministre et du Conseil du trésor. Et enfin, pour des emprunts pour fins de fonctionnement, eh bien, l'article prévoit que toute autorisation pour des fins d'emprunts, ça doit être autorisé par la régie et que le ministre détermine les cas, les conditions et circonstances suivant lesquelles la régie peut autoriser des emprunts pour fins de fonctionnement.

Donc, M. le Président, la loi actuelle prévoit tout ce qui est requis pour ce que la ministre veut faire. Et ça, c'est confirmé par l'avis juridique dont nous avons parlé aujourd'hui, qui a été transmis par la Direction des affaires juridiques, qui circule dans le réseau de la santé, de l'Association des hôpitaux. Et on dit, je cite: «Il est tout d'abord un peu curieux qu'on ait choisi de procéder par la rédaction d'un texte législatif spécifique sur les mesures, alors que les mesures qu'il contient sont, pour la plupart, déjà prévues dans la Loi sur les services de santé.» Et je continue: «Le projet comporte des dispositions qui sont bien souvent répétitives, puisqu'elles se trouvent déjà dans le texte de l'actuelle Loi sur les services. D'autres se superposent, sans souci apparent de cohérence.»

Alors, voilà, M. le Président, ce que nous avons dit, qui est confirmé par cet avis juridique. Et d'ailleurs la ministre nous parle souvent de partenariat, de nécessité de collaboration avec les institutions. Elle nous faisait le même discours, vous savez, l'an dernier, alors qu'elle a mis en place ce qu'elle appelle – ce qu'elle a imposé au réseau – des ententes de gestion, disait-elle, pour établir des partenariats avec les établissements. Vous en avez simplement une petite série, d'ententes de gestion qui ont été négociées avec les régies, avec les établissements. Il y en a même qui ont été signées au mois de février – fin février – de cette année.

Voilà que la ministre, maintenant, dit: Écoutez, ça, ça ne fonctionne pas. Le partenariat, la collaboration, non, ça ne fonctionne pas. J'arrive et je m'en viens avec un projet de loi. Un projet de loi, faut-il l'admettre, lorsqu'on le regarde, qui n'est pas nécessaire, qui est un maquillage politique pour donner l'impression à la ministre qu'elle agit devant, vous savez, les remarques un peu désobligeantes que lui fait son collègue des Finances en disant qu'il y avait des problèmes de gérance dans la santé, et des problèmes de gérance qui sont au niveau du gouvernement et de la ministre.

D'ailleurs, je cite simplement le Dr Yves Lamontagne, dans Le Journal de Montréal , le 2 avril dernier, qui disait: «Écoutez, d'emblée, même s'il fallait le faire, je conteste fortement la manière dont on a coupé dans le réseau de la santé. Mettre à la retraite des milliers d'employés, de médecins, de techniciens, d'infirmières d'expérience fut la pire erreur. Les politiciens ont toujours une vision de courte vue. Aujourd'hui et pendant plusieurs années, on en paiera le prix dans le réseau québécois de la santé.»

Eh bien, la ministre elle-même disait encore au Devoir en fin de semaine: «Évidemment, la santé, au Québec, c'est une question d'argent, c'est une question de financement.»

Alors, la réponse, c'est un projet de loi répétitif, un projet de loi non nécessaire, un projet de loi improvisé, incohérent, qui est fait pour épater, dans le fond, la galerie et donner l'impression qu'on agit, qu'on prend des actions, vous savez. Or, c'est faux de prétendre que ce qui est requis, ce qu'elle veut faire, ce n'est pas dans la loi actuelle. Ce n'est pas nécessaire. Et les mises en tutelle, ce n'est pas vrai que c'est le seul moyen, dans la loi actuelle, de suivre l'évolution budgétaire des établissements de santé à travers les rapports qu'ils doivent produire aux régies régionales, selon les prescriptions de la ministre, lesquels rapports doivent être transmis à la ministre lorsqu'elle en fait la demande, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Vaudreuil et critique officiel de l'opposition en matière de santé et de services sociaux. Nous allons maintenant céder la parole, pour cinq minutes, à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et également députée de Taillon. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. J'écoutais le député de Vaudreuil. Il sait très bien que nous aurons un bon moment pour discuter de ce projet de loi, puisqu'il sera éventuellement appelé devant cette Assemblée pour que nous en débattions.

Par ailleurs, lorsqu'il affirmait que c'était une question d'argent, les problèmes qui étaient vécus dans le réseau de la santé et des services sociaux, je suis d'accord avec lui. Je l'ai d'ailleurs déjà dit. Il me citait en ce sens. Mais c'est aussi une question d'organisation et de travail en réseau. Il y a donc une amélioration à apporter quant aux collaborations absolument essentielles, et utiles, et nécessaires entre les différents établissements du réseau pour mieux servir les citoyens et citoyennes du Québec. Et ça, parlez à qui vous voulez dans l'ensemble du réseau, tout le monde partage ce point de vue. Il y a des régions qui le réussissent parfaitement, d'autres moins bien. Et, de façon générale, nous avons un travail assez important encore à faire à cet égard-là.

Pour rassurer le député, maintenant, en ce qui a trait aux questions soulevées par le projet de loi n° 107 concernant le contrôle budgétaire et l'obligation de ne pas encourir de déficit, je vais le guider à travers la lecture de notre projet de loi. Pour le rassurer. Il y a des gestes, oui, parfois absolument importants à poser, et c'en est un en ce sens pour nous signifier les uns les autres les attentes que nous avons à l'égard du contrôle du déficit.

Remarquez que, dans la formation politique qui nous fait face actuellement, ça n'a pas été l'objet de leurs préoccupations beaucoup pendant le temps de leur mandat, puisque, dans les faits, ils nous ont laissé un véritable dégât au plan financier que nous avons mis des années à réparer, d'ailleurs ce qui a causé une partie des problèmes que nous vivons actuellement dans le réseau de la santé et des services sociaux, comme les problèmes auxquels nous avons été confrontés à travers toutes les politiques budgétaires compte tenu qu'il nous fallait assainir les finances publiques.

Alors, du côté des déficits, évidemment, ils ne s'en préoccupaient pas beaucoup. Et non seulement ils ne s'en préoccupaient pas, mais ils les accumulaient année après année, nous obligeant ensuite, nous, à procéder au redressement auquel nous avons procédé avec, d'ailleurs, la collaboration absolument exceptionnelle, je vous dirais, de la population québécoise, ce qui nous permet maintenant de pouvoir réinvestir dans le domaine, et dans le secteur, et dans les institutions de la santé et des services sociaux. C'est ce que nous faisons depuis maintenant une période de trois ans, puisque, il y a un an, nous avons réinvesti 1,5 milliard; cette année, c'est 2,6 milliards que nous répartissons sur deux ans, M. le Président.

Alors, la loi, qu'est-ce qu'elle dit essentiellement? Elle crée des obligations pour le ministère de la Santé et des Services sociaux de rendre disponible la hauteur des budgets, en tout début d'année financière, qui devront être disponibles pour les établissements et elle apporte un certain nombre de précisions quant aux rapports qui doivent être faits et quant aux obligations que cela comporte que de gérer dans une perspective d'équilibre budgétaire.

Alors, pour rassurer notre collègue, il faut bien voir que les articles, par exemple, 5, 6 et 7 du projet de loi aménagent un processus budgétaire qui est légèrement différent de celui qui est prévu dans la loi actuelle de la santé et des services sociaux. Par ailleurs, l'article 8, M. le Président, du projet de loi ne trouve pas son pendant dans la loi actuelle parce que cet article vise encore ici à accentuer l'objectif d'équilibre budgétaire du réseau en indiquant aux régies qu'elles ne doivent pas prendre des engagements au-delà des sommes qui leur sont allouées par le ministère.

(18 h 30)

L'article 9 impose un devoir au directeur général d'un établissement public, devoir qui n'existe pas dans la loi générale. L'article 10 – et c'est là probablement qu'est l'aspect le plus significatif – attribue au ministre de la Santé le pouvoir d'intervenir directement et de différentes manières auprès des établissements dont le maintien de l'équilibre budgétaire est menacé. Oui, nous pouvons aller jusqu'à la tutelle pour cette seule raison. Ce n'est pas notre intention. Au contraire, nous introduisons la possibilité d'intervenir préalablement pour corriger les situations, analyser les difficultés que vit l'établissement et voir comment nous pouvons aider à passer à travers ces difficultés. Ce n'est donc pas une loi punitive, c'est une loi responsabilisante. D'ailleurs, vous comprendrez qu'un peu plus loin d'autres articles aussi s'éloignent de la loi générale, entre autres l'article 14 qui introduit une règle, qui n'était qu'implicite dans la loi générale, venant créer une exigence qui ne pourra souffrir aucune exception. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le député de Vaudreuil, une réplique de deux minutes.


M. Yvon Marcoux (réplique)

M. Marcoux: Alors, M. le Président, la ministre nous parle encore, évidemment, des réinvestissements qu'elle a faits dans le domaine de la santé. On sait très bien qu'il y a eu des coupures de 2,2 milliards dans le domaine de la santé au Québec, plus que partout ailleurs au Canada. Lorsqu'elle nous dit que ces nouveaux investissements vont permettre de hausser la base de financement des établissements du réseau, ce n'est pas exact. La ministre sait très bien que les nouvelles sommes ne viendront pas combler l'impact des compressions budgétaires et des autres erreurs de gérance qui ont été prises par le gouvernement au cours des cinq dernières années. Elle sait très bien que ces sommes ne pourront combler les besoins qui sont requis à tous les niveaux du réseau, que ces sommes ne pourront pas combler l'augmentation des besoins et l'alourdissement des soins dus au vieillissement de la population et ne tiennent pas compte également de l'augmentation des dépenses en raison du développement technologique.

Le Québec est maintenant, en raison de ça, la province où on dépense le moins per capita dans le domaine de la santé et des services sociaux. Dans les soins à domicile, par exemple, on consacre à peu près 40 $; la moyenne canadienne, c'est 80 $. Et c'est pour ça qu'à ce moment-là il y a 40 000 Québécois qui sont privés de services à domicile au Québec, M. le Président, et c'est pour ça que les centres d'hébergement, parce qu'il n'y a pas assez de sommes pour les personnes âgées, sont obligés de faire des choix déchirants entre donner un bain par semaine ou aider les gens à marcher.

M. le Président, pour ces besoins, la ministre nous arrive avec une loi, dit-elle, antidéficit, une loi qui est répétitive – et ce n'est pas nous qui le disons, c'est l'avis juridique qui a circulé dans le réseau de la santé, qui est signé par un cabinet d'avocats – une loi qui est répétitive, qui est incohérente. Évidemment, encore une fois, M. le Président, on doit comprendre que la ministre, ce n'est pas les vrais problèmes auxquels elle veut s'adresser, elle veut divertir l'attention, camoufler les vrais problèmes. Ce sont les malades, les patients et les personnes âgées qui vont payer le prix du déficit des services, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Vaudreuil et critique officiel de l'opposition en matière de santé. Alors, merci, Mme la ministre. Merci, M. le député.


Indemnisation des orphelins de Duplessis

Nous allons procéder maintenant au troisième et dernier débat de fin de séance entre Mme la députée de Mégantic-Compton et critique officielle de l'opposition au niveau des aînés et M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et toujours député de Mercier. Alors, Mme la députée de Mégantic-Compton, vous débutez, cinq minutes, et vous avez également un droit de réplique de deux minutes à la toute fin. Alors, Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. À mon grand désarroi, nous nous retrouvons ici aujourd'hui afin d'obtenir de la part du gouvernement des éclaircissements quant à sa position dans le dossier des orphelins de Duplessis. Je dis «à mon grand désarroi», car on constate que, malgré les pressions qui viennent de toutes parts à l'effet de rendre justice aux orphelins qui ont été victimes de sévices, au fil des semaines et des mois qui s'accumulent, le gouvernement du Parti québécois s'entête à demeurer sur ses positions, refusant par le fait même de reconnaître ce sur quoi tout le monde s'entend, soit la nécessité pour le gouvernement d'indemniser adéquatement les orphelins de Duplessis qui ont été brimés dans leur intégrité physique et sociale.

Questionné cet après-midi en cette Chambre sur le sujet, le ministre des Relations avec les citoyens est venu confirmer ce que les groupes d'appui aux orphelins de Duplessis craignaient. Ainsi, M. le Président, il est venu nous confirmer que, quoi que le Protecteur du citoyen en dise, quoi que la Commission du droit du Canada en pense, quoi que la presse internationale en écrive, le gouvernement ne changera pas d'idée et refusera d'indemniser les orphelins de Duplessis pour les préjudices que certains d'entre eux ont subis.

C'est donc dire, M. le Président, que les dizaines de victimes qui ont été blessées dans leur dignité seront privées du dédommagement qui leur revient pour la seule raison qu'il serait trop compliqué de déterminer qui a droit à une compensation individuelle et qui n'y a pas droit. C'est le raisonnement auquel les orphelins de Duplessis se heurtent depuis des mois alors que le gouvernement leur dit de se contenter des excuses qui leur ont été adressées, car, pour ce gouvernement, il vaut mieux pénaliser ceux qui ont subi de réels sévices plutôt que de se demander qui doit être ou non indemnisé. C'est là une des nombreuses injustices auxquelles sont confrontés les orphelins de Duplessis.

Il y a plus d'un an, en cette Chambre, le premier ministre formulait des excuses officielles à l'endroit des orphelins de Duplessis, geste que l'ensemble des intervenants ont salué. Toutefois, M. le Président, ces excuses étaient accompagnées d'un maigre fonds d'indemnisation pour lequel le Comité des orphelins de Duplessis refuse toujours de signer, et ce, un an après son annonce. Pour eux, cette offre est l'ultime humiliation. Ils ne sont pas les seuls à refuser cette offre du gouvernement. C'est presque à chaque semaine que surgissent des nouvelles critiques à l'endroit du gouvernement le sommant de faire preuve de compassion et de justice envers les orphelins.

Et je me permets de rappeler certaines de ces critiques au ministre des Relations avec les citoyens, puisque lui et son premier ministre ne semblent pas les avoir entendues. En mars 1999, le Protecteur du citoyen y allait d'une critique ferme à l'endroit du gouvernement du Québec et de son offre. Selon le Protecteur du citoyen, et je cite: «M. Lucien Bouchard a rendu une décision qui, parce qu'elle est incomplète, la rend injuste et humiliante à l'endroit des orphelins de Duplessis. Bien que le gouvernement se soit officiellement excusé pour des situations, gestes et attitudes inadmissibles, il refuse de reconnaître la légitimité de compensations monétaires pour les préjudices graves subis par un certain nombre d'orphelins.»

Pour le Protecteur du citoyen, le Fonds d'aide spéciale de 3 millions ne vise pas à compenser les dommages réels subis par plusieurs enfants. Me Jacoby dénonçait l'attitude du gouvernement qui refuse d'indemniser ces personnes, alors que, partout ailleurs au Canada, les enfants victimes de tels traitements ont été, dans les dernières années, compensés de manière juste et humaine. Le Protecteur du citoyen a également reproché au gouvernement son refus de discuter préalablement du fonds de soutien de 3 millions de dollars avec le Comité des orphelins de Duplessis, qui est pourtant très représentatif.

De plus, M. le Président, la commission des institutions de l'Assemblée nationale, formée de représentants de tous les partis politiques, dans la foulée du rapport du Protecteur du citoyen, avait à l'unanimité, le 23 mai 1997, recommandé au gouvernement le paiement d'indemnités aux orphelins qui peuvent raisonnablement démontrer qu'ils ont subi des sévices physiques ou sexuels et qu'ils ont été victimes de mesures abusives ou d'internement illégal. Mais tous les appels du Protecteur du citoyen sont demeurés vains, puisque le premier ministre, lui qui avait pourtant promis de s'occuper personnellement du dossier, refuse toujours d'écouter les voix officielles qui tentent de lui montrer à quel point un programme d'indemnisation est nécessaire afin de redonner aux orphelins de Duplessis la dignité qu'on leur a jadis usurpée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Nous allons maintenant céder la parole au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et également député de Mercier. M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. Alors, effectivement, la question de la situation des orphelins et des orphelines de Duplessis est une question sérieuse. Je veux bien entendre, là, les remarques de l'opposition, c'est de bonne guerre. La députée semble oublier, toutefois, dans ce dossier, que c'est le gouvernement de M. Bouchard, c'est notre gouvernement qui, le premier, au Québec, a effectivement posé un certain nombre de gestes pour, d'une part, reconnaître ce qui a constitué une erreur historique de notre société qui peut se comprendre, avec une certaine perspective, mais qui, aujourd'hui, est incompréhensible, et présenter des excuses au nom de la population.

M. le Président, la députée fait partie d'une formation politique qui aurait eu l'occasion de corriger cette situation, telle qu'elle l'exprime aujourd'hui, si elle l'avait voulu. J'ai devant moi une lettre qui était adressée par la ministre de l'époque, Mme Thérèse Lavoie-Roux, au chef de l'opposition de l'époque et dans laquelle elle disait: «Sans nier les situations dénoncées, je crois qu'il est plus profitable pour tous de se tourner vers l'avenir», et qui ne présentait aucune mesure à l'égard des personnes concernées, ni excuses, ni mesures relativement à la correction des états civils, ni mesures relativement à la correction des dossiers médicaux, ni fonds d'indemnisation pour ceux et celles de ces personnes qui en ont le plus besoin.

Alors, M. le Président, on peut toujours considérer que les gestes posés sont encore insuffisants. Je peux comprendre que certaines personnes aient ce point de vue. Il reste que le gouvernement qui est le nôtre a posé un certain nombre de gestes très précis, comme aucun gouvernement avant n'en avait posé, et le Parti libéral a été au pouvoir pendant des années. Les orphelins de Duplessis, ce n'est pas récent, là, comme problème, c'est quelque chose qui remonte à des dizaines d'années en arrière. C'était connu au moment où l'opposition était en place.

Comment expliquer, à ce moment-là, que, lorsqu'ils étaient au pouvoir, ils n'aient pas adopté des mesures qui semblent si naturelles aujourd'hui à la députée de l'opposition? C'est parce que je pense, M. le Président, qu'un gouvernement responsable – et nous pensons être un gouvernement responsable – peut à la fois reconnaître une situation, présenter au nom du public des excuses, souhaiter corriger des problèmes, créer un fonds pour aider les personnes parmi les orphelins et orphelines qui ont des besoins réels aujourd'hui et qui cherchent à avoir des solutions à leurs problèmes réels, sans pour autant tomber dans des formules qui peut-être ont été utilisées ailleurs, mais qui, à la limite, sont des formules qui visent à corriger d'un grand trait de plume, par l'argent, tout ce qui a été l'histoire du passé.

(18 h 40)

On a l'intention d'aider les personnes parmi les orphelins et orphelines de Duplessis qui ont des besoins réels. On a tendu la main en ce sens-là. Le fonds est là, M. le Président. J'ai eu l'occasion de rencontrer les gens à plusieurs reprises, je suis prêt à les revoir encore. Le fonds est à leur disposition, et d'ailleurs je reçois... Je l'ai dit cet après-midi, je le répète, je reçois à mon bureau des demandes de la part des gens qui ont été, qui sont des orphelins, des orphelines de Duplessis et qui disent: Quand est-ce qu'on va pouvoir avoir accès à ces ressources? Quand est-ce qu'on va pouvoir avoir accès à ces services? Et qui nous disent être un peu excédés d'une certaine attitude qui est celle du Comité des orphelins, des orphelines qui, visiblement, dans ce dossier, ne se contentera de rien d'autre que de la totalité des demandes qu'il a formulées.

M. le Président, notre gouvernement a regardé ce dossier, il l'a regardé, je pense, avec humanité, il a essayé de faire le tour de l'ensemble des considérations, a fait un certain nombre de propositions, elles sont toujours là, et je ne demande pas mieux, quant à moi, de rendre le fonds disponible aux gens qui en ont besoin et d'apporter les mesures correctives qui ont été mises de l'avant. Je souhaite, de ce point de vue là, que le Comité des orphelins revienne s'asseoir à la table et discute de l'application des mesures qui ont été mises de l'avant.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Nous allons céder maintenant la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton. Madame, un temps de parole de deux minutes.


Mme Madeleine Bélanger (réplique)

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le ministre des Relations avec les citoyens vient de réitérer en cette Chambre des propos où il laisse entendre que plusieurs rencontres avaient eu lieu entre le gouvernement et le Comité des orphelins de Duplessis. Or, nous avons appris qu'il n'y a eu qu'une seule rencontre depuis l'imposition d'une offre contraire aux recommandations du Protecteur du citoyen, et cette rencontre n'aura servi qu'à une seule chose: constater l'impasse qui persiste dans ce dossier, puisque le ministre a affirmé aux représentants du Comité que ce qui avait été imposé par le premier ministre était la seule chose sur la table. Le premier ministre avait pourtant déclaré lui-même ici, en cette Chambre, qu'il ne serait pas approprié d'imposer un règlement. De plus, le ministre affirmait que le Comité désire une compensation pour tous ceux qui ont séjourné dans un orphelinat, ce qui est faux. Le Comité des orphelins demande plutôt que ceux qui furent internés illégalement dans des asiles psychiatriques soient indemnisés, ce qui constitue une différence majeure.

M. le Président, la réponse fournie par le gouvernement aux orphelins de Duplessis échappe à toute logique et à toute morale. Elle constitue une dissimulation des faits derrière un faux principe voulant que les torts subis ne sauraient être réparés sous prétexte qu'on ne peut refaire l'histoire. Si on acceptait ce principe, personne ne pourrait désormais faire appel aux tribunaux en vue d'obtenir réparation pour un quelconque préjudice. Le risible fonds d'aide aux victimes ne rend pas justice aux orphelins et est contraire aux recommandations qu'ont adressées tous les intervenants au gouvernement, qu'on pense au Protecteur du citoyen, à la commission des institutions, la Commission du droit du Canada, le Comité des orphelins lui-même, et j'en passe. M. le Président. C'est maintenant à la presse internationale de traiter du sort qui est réservé aux orphelins de Duplessis, preuve que tout le monde croit qu'il faut agir, sauf le gouvernement péquiste.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Merci également, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et député de Mercier.

Alors, ceci termine, M. le leader adjoint, nos débats de fin de séance, et permettez-moi d'ajourner à mercredi 5 avril 2000, à 10 heures précises. Merci.

(Fin de la séance à 18 h 46)


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