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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le jeudi 9 décembre 1999 - Vol. 36 N° 76

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Table des matières

Présence du consul général du royaume d'Espagne à Montréal, M. Ramón Sáenz de Heredia, et du consul général de l'État d'Israël à Montréal, M. Shlomo Avital

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Présence du consul général du royaume d'Espagne à Montréal, M. Ramón Sáenz de Heredia, et du consul général de l'État d'Israël à Montréal, M. Shlomo Avital

Alors, avant de débuter les affaires courantes, j'ai le plaisir de souligner la présence dans nos tribunes de deux invités de marque. D'abord, le consul général du royaume d'Espagne à Montréal, M. Ramón Sáenz de Heredia, et également la présence du consul général de l'État d'Israël à Montréal, M. Shlomo Avital.


Affaires courantes

Alors, nous abordons donc les affaires courantes. Il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

À l'étape de la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je vous réfère à l'article a, M. le Président.


Projet de loi n° 98

Le Président: Alors, à cet article du feuilleton, M. le ministre responsable de la Régie des installations olympiques présente le projet de loi n° 98, Loi modifiant la Loi sur la Régie des installations olympiques. M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Alors, M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur la Régie des installations olympiques afin de permettre à la Régie de réaliser la construction, l'aménagement et l'exploitation des installations mobilières et immobilières contenues à l'intérieur d'un quadrilatère déterminé sur le territoire de la ville de Montréal.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, l'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie du projet de loi? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Question d'information, M. le Président, est-ce qu'il est de l'intention du gouvernement de tenter de procéder à l'adoption de ce projet de loi d'ici le 21 décembre? Et, si telle est l'intention, est-ce que le gouvernement va faire connaître le plus rapidement possible les détails, les modalités qui sous-tendent ce projet de loi, parce que les notes explicatives sont très succinctes?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, nous allons suivre le cheminement législatif normal et respecter les règles, à moins qu'il y ait de la part de l'opposition les consentements requis.

Le Président: Très bien. Alors, l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Solidarité sociale et responsable de la Régie des installations olympiques.


Protocole d'entente concernant le rôle de la RIO relativement au nouveau stade de baseball au centre-ville de Montréal

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je dépose un protocole d'entente concernant le rôle de la Régie des installations olympiques relativement au nouveau stade de baseball au centre-ville de Montréal.

Le Président: Très bien. Ce document est déposé. Mme la ministre des Relations internationales, responsable de l'application de la Charte de la langue française.


Rapports annuels du Conseil de la langue française et du ministère des Relations internationales

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Je dépose les rapports annuels 1998-1999 suivants: celui du Conseil de la langue française et celui du ministère des Relations internationales.


Tome II du rapport annuel du Vérificateur général accompagné d'un résumé

Le Président: Très bien. Ces documents sont déposés. Pour ma part, je dépose, conformément à l'article 44 de la Loi sur le Vérificateur général, le rapport du Vérificateur général à l'Assemblée pour l'année 1998-1999, tome II, accompagné d'une brochure sur les faits saillants dudit rapport.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

En regard des pétitions, M. le député de Marquette, d'abord.

M. Ouimet: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme.

(10 h 10)

Le Président: Il y a consentement, M. le député de Marquette.


Appuyer les recommandations du rapport Proulx sur la place de la religion à l'école

M. Ouimet: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 162 pétitionnaires résidents de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal et de la région de Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que, dans le débat en cours sur la place de la religion à l'école, certains parents s'inquiètent du sort que l'État québécois pourrait dorénavant réserver à l'enseignement religieux;

«Considérant que nous sommes des parents qui estimons au contraire que ce sont les privilèges confessionnels qui portent atteinte aux droits des parents, notamment au droit de la liberté de conscience et de religion;

«Considérant que nous croyons que tous les parents devraient jouir de la même reconnaissance de leurs droits fondamentaux à l'école publique et que nos droits de parents ne nous donnent pas la liberté de composer, pour nos enfants, un programme d'études à la carte auquel l'école publique devrait se soumettre;

«Considérant que nous sommes des Québécois qui adhérons aux principes fondamentaux contenus dans les différentes chartes et que nous sommes à ce titre particulièrement sensibles aux valeurs communes qui doivent présider à l'élaboration de notre projet de société;

«Considérant que ces valeurs sont entre autres celles de l'équité, de la solidarité, de l'égalité, du sens civique, du respect de soi et des autres, bref celles que devrait cultiver tout citoyen responsable;

«Considérant que nous croyons que les valeurs religieuses doivent être protégées et que toute communauté de croyants adhérant aux principes démocratiques doit conserver son droit de transmettre ses croyances;

«Considérant que nous sommes des citoyens qui épousons plusieurs tendances politiques, adhérons à différentes écoles de pensée en matière de religion et partageons de multiples façons d'éduquer nos enfants;

«Considérant que cela ne signifie pas pour autant que nous soyons en faveur d'une école qui serait un supermarché des confessions où nos enfants cultiveraient l'exclusion au lieu d'apprendre à vivre ensemble et à se respecter dans leurs différences;

«Considérant que la perspective d'une telle école nous apparaît irréaliste, tant au niveau administratif que pédagogique, et préjudiciable sur le plan de l'harmonie sociale;

«Considérant que nous sommes aussi des contribuables qui nous sentons concernés par la bonne gestion des fonds publics;

«Considérant que nous nous interrogeons sur des sommes d'argent importantes qui sont présentement injectées dans l'enseignement religieux confessionnel et que nous croyons qu'elles pourraient être utilisées à meilleur escient;

«Considérant que, en tant que parents, nous avons aussi des responsabilités. L'une d'entre elles, pour ceux d'entre nous qui adhèrent à une foi religieuse, est de favoriser l'éclosion, chez nos enfants, d'un sentiment d'appartenance à notre communauté religieuse;

«Considérant que nous estimons qu'il n'appartient pas à l'État ou à l'école publique de se substituer à nous ou à nos officiants pour transmettre notre foi;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«En proposant d'aborder la question religieuse sous un angle culturel et historique dans le cadre d'une école laïque, le rapport du Groupe de travail sur la place de la religion à l'école, le rapport Proulx, répond à nos attentes, respecte les droits de chaque parent et n'empiète pas sur les responsabilités de la famille et des communautés.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, M. le député de Marquette, cette pétition est déposée.

Avant d'aborder la période de questions et de réponses orales, je vous avise qu'après celle-ci Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux va répondre à une question posée le 7 décembre dernier par Mme la députée de Bourassa concernant le dépassement de l'enveloppe salariale des médecins.


Questions et réponses orales

Alors, maintenant, je vais céder la parole au chef de l'opposition officielle pour une première question principale.


Coûts et résultats du Programme de départs volontaires à la retraite


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre, qui préside un gouvernement de crises au Québec. La population du Québec est bien au fait de la crise que nous vivons actuellement dans le domaine de la santé, crise que dénoncent les recteurs d'université dans le domaine de l'éducation, crise que nous vivons à Emploi-Québec, crise que le gouvernement est en train de fabriquer dans le monde municipal, où les élus municipaux sont étourdis à force de suivre ce gouvernement dans ses négociations. Et, ce matin, le Vérificateur général du Québec nous éclaire sur les raisons qui ont mené à cet état de crise, alors que, dans son rapport, il nous fait rapport sur le Programme de départs volontaires.

Je veux rappeler au gouvernement, au premier ministre, M. le Président, que les coûts prévus devaient être de 883 000 000 $, que les économies devaient excéder 900 000 000 $. La réalité, d'après le Vérificateur général du Québec, c'est que les coûts seront de près de 2 400 000 000 $, les économies de 400 000 000 $, donc un dépassement, un défoncement de 1 400 000 000 $, M. le Président.

De toute évidence, M. le Président, Jacques Parizeau avait raison, ce gouvernement n'a rien planifié, n'a rien prévu. Et les coûts que nous devons assumer aujourd'hui sont très importants non seulement sur le plan financier, mais surtout sur le plan des services qui doivent être rendus à la population du Québec.

J'aimerais savoir ce que le premier ministre a l'intention de faire aujourd'hui pour rectifier le tir, M. le Président.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui, M. le Président. Nous allons prendre connaissance en long et en large du rapport du Vérificateur – nous avons déjà commencé à le faire – et nous réagirons cet après-midi à ce rapport.

Mais je veux affirmer une chose. M. le Président, au moment où nous avons pris cette décision, en novembre, décembre 1996, de procéder à l'application d'un programme de départs qui a été négocié avec les centrales syndicales, nous avions un temps très court et nous avons travaillé jour et nuit pour le réaliser. Les conséquences, M. le Président, c'est que nous avons atteint le déficit zéro. Ça a été ça. Ça a été une des pièces essentielles pour l'atteindre, et nous l'avons atteint.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, il essaiera sa réponse avec les hôpitaux lorsqu'il dit qu'il a atteint le déficit zéro. Il l'a peut-être atteint sur le plan comptable, dans ses livres à lui, mais, les hôpitaux, il n'y en a pas de déficit zéro pour les hôpitaux, il n'y en a pas plus pour les universités et il n'y en a pas plus pour le monde municipal, parce qu'ils ont pelleté en avant.

Mais, M. le Président, dans le rapport du Vérificateur général, à la page 169, au paragraphe 6.46, il dit ceci: «En cour de programme, il était également important d'assurer un suivi adéquat des départs en considérant les remplacements. Dans la fonction publique, seuls les départs ont été pris en compte, puisque aucun remplacement n'était prévu.» Dans le même paragraphe, il dit ceci: «En ce qui concerne le réseau de la santé, le suivi effectué a été déficient puisqu'il n'a porté que sur les départs. On a ignoré les remplacements. Or, nous avons constaté que plusieurs postes ont dû être comblés à nouveau.» Le programme est un échec total. Mais c'est surtout un échec pour les citoyens du Québec qui sont malades.

Qu'est-ce que ce gouvernement a l'intention de faire maintenant pour rectifier le tir, M. le Président?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je voudrais que le chef de l'opposition ne s'enfarge pas dans ses propres contradictions. Ou bien le Programme de départs a donné des résultats puis, auquel cas, les gens sont partis, ou bien il n'a pas donné de résultats puis les gens ont été remplacés. Alors, qu'est-ce qu'il choisit entre les deux, M. le Président?

Alors, M. le Président, il y a eu 36 000 départs, 33 000 ETC, équivalents temps complet, des personnes qui sont parties. Un bon nombre ont été remplacées, c'est un fait, en particulier dans la santé, pour assurer des services, notamment chez les infirmières, à plus de 90 %; en éducation, où les professeurs ont été remplacés par des jeunes, ce qui a permis d'amener quelque 10 000 nouveaux visages en éducation. M. le Président, il y a eu effectivement des mouvements importants dans la société québécoise, mais le résultat net: nous avons atteint le déficit zéro.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, on laissera parler le Vérificateur général sur les résultats. Au paragraphe 6.47, toujours à la page 169 de son rapport, il dit ceci au sujet des études: «...tendent à démontrer qu'en l'absence de changements de structures ou de méthodes de travail, de décisions visant l'abandon ou le transfert d'activité, les niveaux d'emploi, avec le temps, reviennent aux niveaux antérieurs. Une telle situation semble se concrétiser en ce qui a trait au Programme de départs volontaires, et ce, malgré le plan de transformation du réseau de la santé et des services sociaux.»

Et, dans l'autre document des faits saillants, il dit ceci: «Enfin, la reddition de comptes – et ce gouvernement en a des redditions de comptes à faire – est muette en ce qui concerne le maintien des services à la clientèle.»

Le gouvernement actuel a charcuté le système de soins de santé, il a improvisé ces changements, c'est lui qui est responsable du chaos que nous vivons actuellement et il a la responsabilité de rectifier le tir. J'aimerais savoir de la part du premier ministre ce qu'il a l'intention de faire, s'il a l'intention d'assumer ses responsabilités et de corriger ce tir.

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, le programme de départs assistés a donné les effets escomptés. Mais, lorsqu'on compare, deux ans ou trois ans après, alors que les coûts ont recommencé à augmenter, il est normal parce qu'il y a une pression à l'augmentation des coûts, surtout dans le réseau de la santé. Mais qu'on ne parte pas d'une analyse statique de la situation où il aurait toujours fallu rester au départ et qu'il n'y aurait eu aucune évolution dans l'administration gouvernementale. Il y a eu des augmentations effectivement par la suite, mais le résultat net du programme, il est clair: nous avons atteint nos objectifs.

(10 h 20)

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet, en question principale.


Démission de trois médecins au CLSC de la municipalité régionale de comté de L'Islet


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Oui. En principale, M. le Président. Qu'entend faire la ministre de la Santé suite à la démission de trois médecins au CLSC de la MRC de L'Islet? Ils doivent fermer le service d'urgence de première ligne la nuit. Désespérés, ils font appel à la régie régionale de la santé pour intervenir auprès de la ministre pour avoir accès à la banque de médecins dépanneurs. Et tout ça, M. le Président, après que la ministre ait dépensé près de 1 000 000 $ pour avoir mis à la retraite des médecins de la région.

Qu'est-ce que la ministre entend apporter comme support aux citoyens de Montmagny-L'Islet qui n'ont plus accès à ces services auxquels ils ont droit?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. D'une façon plus générale, quant au fait qu'un certain nombre de médecins, oui, ont quitté pour la retraite, le président du Conseil du trésor a expliqué dans quel contexte nous l'avons fait et quels sont les objectifs que nous avions atteints.

Mais, pour compenser cela, nous avons fait des ententes avec la Fédération de médecins omnipraticiens de même qu'avec la Fédération des médecins spécialistes, ce qui explique par ailleurs, M. le Président, un certain nombre de dépassement aux enveloppes, puisque, dans les faits, les médecins ont travaillé davantage que par le passé pour assurer les services, de telle sorte que, lorsqu'on nous décrit un système qui serait absolument à feu et à sang, c'est faux, M. le Président, complètement faux! Et on ne sert pas les Québécois dans ce temps-là.

Cependant, c'est vrai qu'il y a un certain nombre de difficultés. Les difficultés soulevées par le député de Montmagny-L'Islet quant à son CLSC sont des difficultés qui sont habituellement soumises et à la régie et au ministère et pour lesquelles jusqu'à maintenant, dans l'ensemble des cas qui nous ont été soulevés, nous avons trouvé un certain nombre de solutions, soit des médecins qui sont allés faire du dépannage soit une meilleure intégration du travail des médecins sur le territoire.

Actuellement, la Fédération des médecins omnipraticiens travaille d'une façon toute particulière à l'implantation des départements régionaux de médecine générale pour justement être capable d'offrir le service partout sur le territoire avec l'équipe médicale qui est en place dans chacune des régions du Québec, et du dépannage, s'il y a lieu, M. le Président.

Le Président: M. le député de Montmagny-L'Islet.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: M. le Président, est-ce que la région de la MRC de Montmagny-L'Islet aura accès aux services de dépannage, Mme la ministre?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je trouve ça assez fascinant, hein, parce qu'à chaque fois que l'un ou l'autre se lève de l'autre côté j'ai toujours l'impression qu'on n'a absolument pas écouté les réponses que je donne. Alors, je vais le reprendre. Je m'excuse à votre endroit, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: Alors, Mme la ministre, votre réponse devra nécessairement être plus courte, cette fois-ci, puisque vous êtes en réponse complémentaire.

Mme Marois: Oui, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le chef de l'opposition officielle.


Conséquences des départs à la retraite dans le système de la santé et des services sociaux


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, je veux poser une question à la ministre de la Santé – parce que, au niveau de l'écoute, la seule écoute dont j'ai été témoin de la part de la ministre, c'est quand elle s'écoute elle-même, puis Dieu sait que ça dure longtemps – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: ...parce qu'elle prétend que c'est faux qu'il y a une crise, alors que le député de Montmagny-L'Islet vient de lui décrire une situation qui a été causée par sa propre incompétence. Elle a payé pour mettre des médecins à la retraite. Là, les services d'urgence sont fermés. C'est la même ministre de l'Éducation qui a coupé les postes en sciences infirmières, M. le Président, qui prétendait que des études l'encourageaient à le faire.

Or, le Vérificateur général du Québec confirme ce qu'on a toujours dénoncé, il n'y avait rien de planifié dans les départs volontaires. C'est son incompétence à elle qui a causé le chaos que nous vivons aujourd'hui dans notre système de soins de santé, M. le Président. Est-ce qu'elle aurait au moins l'honnêteté de le dire et de nous dire ce qu'elle a l'intention de faire pour corriger le tir, au lieu, d'arrêter de s'écouter?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je rappellerai aussi au chef de l'opposition, M. le Président, qu'on n'aurait sans doute pas été obligé de procéder à des efforts de rationalisation aussi importants, qui ont laissé des séquelles malheureuses et des traces non souhaitables. C'est parce que, eux, de l'autre côté, ils nous avaient laissé un déficit de 6 000 000 000 $. Et c'est cela qu'on a épongé, M. le Président. Et c'est à cause d'eux qu'on a dû procéder à cela. Hé là! Wo!

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Ajoutez à cela la pression qui est venue d'Ottawa dans les paiements de transfert, qui ont été réduits de 4 000 000 000 $ pour la santé. Si nous avions ces sommes aujourd'hui, elles pourraient être investies, M. le Président, à l'égard des services de santé et des services sociaux.

Et, puisque le chef de l'opposition signe, persiste et revient, alors au lieu de m'écouter, je vais l'inviter à lire. Alors, je vais déposer Les effectifs de la profession infirmière: analyse, prospective et enjeux qui nous avait été déposé par l'Ordre des infirmières du Québec de même que par le groupe SECOR le 5 mars 1996, où on nous annonçait un surplus d'infirmières de façon considérable, de l'ordre de près de 15 000 infirmières, M. le Président.


Document déposé

Le Président: Il y a consentement, M. le chef de l'opposition?

M. Charest: Est-ce que...

Le Président: Juste un instant. Il y a consentement pour le dépôt, je présume? Alors, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Est-ce que la ministre peut nous dire si le rapport qu'elle vient de déposer contient les prévisions eu égard au Programme de départs volontaires? Oui ou non?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, en prenant connaissance du rapport, il constatera que le risque de surplus d'infirmières formées était trois fois le nombre d'infirmières qui ont quitté le réseau de la santé et des services sociaux à l'occasion d'une décision prise de concert avec les syndicats pour nous permettre, oui, de retrouver des finances publiques saines et nous permettre de recommencer à investir dans les secteurs de la santé et des services sociaux et de l'éducation.

Il ne faudrait pas qu'il oublie, M. le Président, que nous avons ajouté 1 700 000 000 $ à cet égard et que le nombre d'heures travaillées dans les hôpitaux, du côté des soins infirmiers, a été plus important cette année qu'il ne l'a été l'année dernière et qu'il ne l'a été les années précédentes, de telle sorte que nous avons justement transformé ce temps supplémentaire en postes réguliers pour nous permettre de reconnaître et de sécuriser les postes, et de faire en sorte de répondre aux besoins des malades, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Bilan de l'implantation de la nouvelle politique familiale


M. Russell Copeman

M. Copeman: Manifestement, la course à la chefferie est commencée de l'autre bord, M. le Président!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Copeman: M. le Président, hier, l'opposition officielle a mis en relief les lacunes importantes qui existent dans le développement d'un réseau de services de garde au Québec. Aujourd'hui, le Vérificateur général rend public un jugement sévère, mais très sévère, sur les diverses dispositions de la politique familiale du gouvernement du Québec. Ce rapport utilise les termes suivants, il y a un manque criant de places: «...quelque 261 000 familles [...] n'ont plus droit à l'allocation familiale [...] et plus de 169 000 enfants ne bénéficient pas» d'une place à 5 $.

Il est également dit qu'au ministère de la Famille et de l'Enfance, et je cite, «la confusion règne: chevauchement des tâches [...] et, partant, inefficacité ou inaction».

Plus inquiétant encore, M. le Président, le Vérificateur général estime, et je le cite, que le ministère tarde aussi à «s'assurer de la qualité des services dispensés aux enfants».

(10 h 30)

Que répond la ministre déléguée au sévère jugement du Vérificateur général, contenu au paragraphe 4.3, à la page 85, à l'effet que son gouvernement n'est pas capable de faire en sorte que sa politique familiale donne les résultats escomptés?

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Oui, M. le Président. Je pense qu'il faut remettre les choses aussi dans leur contexte. J'aimerais rappeler que le ministère...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Léger: Alors, j'aimerais rappeler, M. le Président, aux membres de l'opposition que le ministère de la Famille et de l'Enfance a été créé, en 1997, voilà seulement deux ans. Notre priorité n'a pas été nécessairement tout ce qui se dit dans le rapport du Vérificateur général. D'une part, la priorité a été le développement des places. Ça a été la priorité parce qu'on avait besoin de places et que les parents réclamaient des places. J'aimerais rappeler un peu au député de Notre-Dame-de-Grâce... Je trouve que libéraux sont très mal placés depuis hier pour tenter de nous faire la leçon sur la création des places en service de garde. C'est bien connu, les libéraux aiment les chiffres. On va leur en donner. Au cours de leur long mandat de 10 ans, entre 1985 et 1994, ils ont créé à peine 28 000 places, alors que nous avons créé plus de 45 000 places depuis 1994, M. le Président. En fait, depuis l'avènement de la politique familiale, en 1997, nous avons totalement déclassé les libéraux: nous avons créé autant de places en deux ans que le gouvernement libéral l'a fait pendant toute la durée de son mandat.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, est-ce que la ministre réalise que des places en garderie ce n'est pas des places dans un «warehouse» et que, quand le Vérificateur général dit que son ministère n'est pas capable d'assurer la qualité des services, c'est excessivement inquiétant pour les parents du Québec?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Je vais poursuivre, M. le Président. Évidemment, le gouvernement du Québec ne s'arrête pas là, au développement des places. Nous continuons à suivre ce rythme jusqu'en 2005, 2006, où nous atteindrons le cap de 200 000 places. Et j'aimerais déposer un extrait – que le député de Notre-Dame-de-Grâce doit avoir sûrement – sur le portrait statistique des familles et des enfants du Québec. C'est des statistiques qui dénombrent, au chapitre 5.1, le nombre de places que nous avons créées.


Document déposé

Le Président: Alors, le document est déposé avec consentement.

Une voix: ...

Le Président: Mme la ministre, vous étiez en réponse complémentaire. C'est terminé. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, est-ce que, pour la ministre déléguée, l'improvisation quasi totale qui règne au sein de sa politique familiale, telle que démontrée par le rapport du Vérificateur général déposé tantôt – ce n'est pas de ma faute si elle n'en a pas pris connaissance – est, selon elle, une façon de procéder correctement et adéquatement?

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, Mme la ministre déléguée.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, les libéraux ont l'air de dire que nous développons n'importe comment. Effectivement...

Le Président: Bien, Mme la ministre.

Mme Léger: M. le Président, les libéraux semblent dire que nous développons n'importe comment. Effectivement, il y a des choses à corriger. Il y a des choses du Vérificateur général que nous avons améliorées. Nous sommes un nouveau ministère, ça ne fait que deux ans.

Mais, à travers tout ça, M. le Président, le réseau que nous avons doté, des centres de la petite enfance au Québec, est un réseau de qualité. Il n'y a personne ici... Demandez au parents. Je pense que les parents sont les premiers à voir si le réseau est un service de qualité. Les parents partent à tous les matins, leurs enfants vont au service de garde et ils partent la tête reposée parce que nous avons un réseau de services de garde de qualité, sécuritaire.

Le Président: Mme la députée de La Pinière et, par la suite, M. le député de Montmorency.


Processus d'attribution des contrats gouvernementaux


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, depuis des mois, tout le monde dénonce les irrégularités dans le processus d'attribution des contrats gouvernementaux. Ce matin, le Vérificateur général du Québec confirme ce que tout le monde savait, que l'opposition officielle a dénoncé en cette Assemblée, à l'effet que les procédures applicables au gouvernement, selon les propres termes du Vérificateur général, ne respectent pas la conformité des lois, des règlements, des énoncés de politique et des directives.

M. le Président, le président du Conseil du trésor va-t-il avoir l'honnêteté d'admettre ce que tout le monde savait? Et que répond-il aux constats du Vérificateur général qui affirme que les irrégularités relatives à l'attribution des contrats publics «contreviennent aux trois grands principes[...]: transparence, équité et meilleur rapport qualité-prix»?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, nous avons établi des procédures, nous les suivons, nous les respectons, et les contrats sont donnés en toute honnêteté et transparence.

Le Président: Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, s'il est vrai que le président du Conseil du trésor a établi des procédures et qu'il les suit dans la transparence, comment peut-il expliquer le constat du Vérificateur général à l'effet que trois contrats sur cinq ont réclamé des suppléments de budget qui, en dépit de la réglementation, n'ont pas été autorisés par le Conseil du trésor?

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je vais prendre connaissance de cette partie du rapport du Vérificateur général, qui est encore sous embargo, à ce que je sache. Alors, nous réagirons. Mais je tiens à affirmer encore une fois que les contrats sont donnés en toute honnêteté et transparence.

Le Président: M. le député de Montmorency et, par la suite, M. le député de LaFontaine. M. le député de Montmorency.


Entente avec les associations étudiantes au sujet des bourses d'études du millénaire


M. Jean-François Simard

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, ce n'est pas à vous, qui êtes féru d'histoire, que j'apprendrai que depuis 1867, en cette Chambre, toutes les Législatures qui se sont succédé, tous les gouvernements, tous les partis politiques, en fait, ont toujours défendu avec acharnement...

Le Président: M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): M. le Président, les libéraux font toujours des grands sermons sur la tolérance, mais, quand c'est le temps d'avoir le respect minimal d'écouter les gens, ils ne sont jamais là!

(10 h 40)

Des voix: Bravo!

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, si le député...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Si le député veut nous faire la liste des partis politiques dont il a été membre, il y a consentement. Je pense qu'il y a juste le premier ministre qui a été membre de plus de partis politiques que lui.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'évidence, non, ce n'était pas une question de règlement, vous le savez très bien. Mais, par fair play, je vais donner la réplique au leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, bien, il a juste à regarder du côté de son bon ami le député de Sherbrooke. Lui aussi, il a été membre de plusieurs partis.

Le Président: Bien.

Des voix: ...

Le Président: Peut-on maintenant permettre au député de Montmorency de poser sa question, comme nos règlements l'autorisent? M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Bien, M. le Président, le commentaire du député de Brome-Missisquoi me permet de dire que, dans cette Chambre, il y a deux grands types de députés. Il y a ceux qui décident de changer plusieurs fois...

Des voix: ...

Le Président: Bien. Je comprends que c'est de bonne guerre de tenter de déstabiliser, mais il faut avoir la couenne dure pour faire ce métier, un peu. M. le député de Montmorency.

M. Simard (Montmorency): Merci beaucoup, M. le Président. Alors, j'allais dire qu'il y avait deux grands types de députés en cette Chambre: ceux qui changent plusieurs fois d'idées pour rester dans le même parti et ceux qui ont le courage parfois de changer de parti pour garder leurs idées. Ceci étant dit...

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Montmorency, vous avez choisi de répondre, il vous reste moins de temps pour poser la question. Alors, directement.

M. Simard (Montmorency): M. le Président, dans le cadre de ses négociations avec Ottawa dans le cadre des bourses du millénaire, il y a eu une allégation maintes fois répétée par l'opposition à l'effet que le ministre de l'Éducation n'avait plus l'appui du mouvement étudiant.

Alors, ma question est simple, elle s'adresse au ministre de l'Éducation: Où en est-il dans ses discussions avec les étudiants du Québec?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, je voudrais remercier le député de Montmorency pour son excellente question...

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Le féliciter pour son préambule.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Legault: Et surtout le féliciter pour son préambule, oui, c'est ça. M. le Président, je suis heureux de vous annoncer, ce matin, que nous avons eu, au cours des derniers jours et au cours des dernières heures, plusieurs discussions avec les associations étudiantes et que nous avons maintenant une nouvelle entente pour l'utilisation des fonds de la Fondation des bourses du millénaire, une entente qui respecte l'universalité de notre système de prêts et bourses, qui existe depuis 35 ans.

M. le Président, je demande l'autorisation à cette Chambre pour déposer des lettres qui confirment ce consensus, donc des lettres, entre autres, signées par la Fédération étudiante collégiale du Québec, la FECQ, et la Fédération étudiante universitaire du Québec, la FEUQ, qui confirment cette entente. D'accord?


Documents déposés

Le Président: Alors, il y a consentement pour le dépôt.

M. Legault: M. le Président...

Le Président: En terminant, M. le ministre.

M. Legault: ...le Parti libéral du Québec est maintenant le seul à appuyer une proposition de la Fondation des bourses du millénaire, proposition où on exclut de la réduction de l'endettement tous les étudiants en formation professionnelle, tous les étudiants en première année de cégep, tous les étudiants en maîtrise, tous les étudiants au niveau doctorat.

Est-ce que l'opposition pourra nous dire aujourd'hui si elle veut continuer à garder cette position ou appuyer le gouvernement du Québec et les étudiants, M. le Président?

Des voix: Bravo!

Le Président: En question principale, M. le député de LaFontaine.


Portée du projet de loi sur les clauses orphelin


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le premier ministre, lors de la dernière campagne électorale, a promis à l'ensemble des jeunes du Québec d'éliminer, s'ils lui donnaient leur appui, l'ensemble des clauses discriminatoires dans le milieu de travail. Son projet de loi, pour le moins, fut décrié par l'ensemble de ces groupes et des jeunes du Québec qui l'ont qualifié de «parachute troué», de «projet bidon», de «projet destiné à sauver la face du premier ministre» mais qui ne correspondait en rien à ses promesses et à ce qu'ils demandaient.

Depuis trois jours, la ministre du Travail récidive, M. le Président. Les amendements qu'elle a déposés, particulièrement ceux déposés il y a trois jours, montrent en effet – et ça a été confirmé par son entourage hier au président de Force Jeunesse, M. François Rebello – que non seulement il y aura des échelons vers le bas pour faire de la discrimination, mais qu'en plus il y aura des doubles échelles qui permettront d'avoir des salaires maximums et minimums, moins forts et plus bas que ceux des autres travailleurs, ce qui fait dire à M. Rebello, président de Force Jeunesse, qui est le principal groupe jeunes – vous parlez des jeunes, en voilà des jeunes qui vont vous parler, M. le premier ministre – ceci: «Cela n'a pas de bon sens, a dit M. Rebello, ça veut dire que 90 % des clauses orphelin qui ont été signées cette année seront donc permises. C'est beaucoup trop, ce n'est pas acceptable. Il faut un virage de la part du gouvernement.»

Ma question au premier ministre: M. le premier ministre, allez-vous tenir vos engagements de la campagne électorale? Allez-vous faire en sorte que votre ministre amende son projet de loi d'une façon importante, d'une manière à ne pas légaliser, comme elle le fait actuellement, les clauses orphelin, et de faire en sorte que ces amendements correspondent à ce que les jeunes Québécois et Québécoises vous demandent et ce que vous leur avez promis?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. J'aimerais rappeler au député de LaFontaine que d'abord nous sommes le premier État au monde qui avons un projet de législation pour éliminer les clauses de disparités de traitement, et nous devons en être fiers.

Deuxièmement, l'opposition libérale se réclame beaucoup des jeunes. J'espère que les jeunes ne tomberont pas dans le piège. Parce que l'opposition libérale a eu l'occasion d'intervenir dans ce dossier-là, puisque, en 1987, la Commission-Jeunesse du Parti libéral soulignait, décriait, dénonçait ce problème-là, et l'opposition libérale n'a jamais écrit le début d'une ligne sur ce sujet-là et ce problème-là. Et nous l'avons fait.

En terminant, M. le Président, je rappellerais que nous avons une loi qui est complémentaire, un projet de loi qui est complémentaire à la Charte des droits, que nous avons bien campé la problématique des clauses de disparités de traitement en fonction de la date d'embauche, que nous avons résolu, dans les amendements que j'ai déposés, les problèmes de délais d'application, de recours, et que nous proposons, oui, des aménagements qui vont permettre une élimination définitive des clauses orphelin.

Le Président: M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Est-ce que la ministre considère qu'il y a une loi qui a des dispositions qui vont permettre, comme le dit le président de Force Jeunesse, M. François Rebello, de ne pas couvrir 90 % des clauses orphelin, un projet de loi qui va permettre l'élimination continuelle?

Et que dit-elle à M. Rebello lorsqu'il dit: «La ministre devra vivre avec les conséquences, pour elle mais aussi pour le Sommet de la jeunesse, pour la crédibilité du premier ministre, Lucien Bouchard. Il n'a pas promis qu'il n'interdirait pas que 10 % des clauses orphelin»? Allez-vous, oui ou non, amener un projet de loi qui va régler ce problème une fois pour toutes, arrêter de finasser, arrêter d'avoir des astuces pour flouer les jeunes? Oui ou non, allez-vous agir?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je pense que le plus grave problème, il est vécu du côté de l'opposition qui devra vivre avec ses incohérences. Et j'ai constaté que l'opposition – et c'est son droit le plus légitime – les seuls amendements concrets qu'elle a apportés jusqu'à maintenant dans l'étude article par article de ce projet de loi ne concernent pas du tout les jeunes, mais concernent des aménagements pour le patronat.

Le Président: M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Est-ce que la ministre est consciente, M. le Président, que les amendements déposés par l'opposition visent plusieurs objectifs, dont, entre autres, faire en sorte que l'élimination complète et totale des clauses orphelin arrive pour un coût nul pour les entreprises? Et je dépose l'amendement en cette Chambre pour que les membres en prennent connaissance et voient que ce n'est pas la réalité de l'amendement.

(10 h 50)

Deuxièmement, est-ce qu'elle est prête à donner ce que l'opposition demande, un projet de loi qui interdit les échelles vers le bas, les doubles échelles, qui interdit que les travailleurs du Québec ne soient pas tous concernés, ceux de la fonction public, du parapublic, comme les jeunes médecins à titre d'exemple, et est-ce qu'elle est consciente que ce que nous demandons aussi, c'est que toutes les conditions de travail qui concernent les jeunes soient comprises dans le projet de loi, y compris les fonds de pension? Voilà ce que nous demandons, voilà notre position et voilà ce que nous attendons qu'elle fasse et ce que les jeunes attendent qu'elle fasse.

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, voilà, M. le Président, le meilleur exemple des problèmes d'incohérence de l'opposition. Va-t-on prétendre de camper dans une loi que l'opération d'élimination des clauses de disparités de traitement doit se faire à coût nul et pour le bénéfice des jeunes? C'est faux. Ça neutralisera les progrès que nous devrons faire partout au Québec entre les employeurs et les employés pour éliminer les clauses orphelin. Jamais je ne pourrai accepter cet amendement, ça neutralise ce qu'on veut faire, et ce n'est pas pour le bénéfice des jeunes.

Le Président: Mme la députée de Bourassa, maintenant, en question principale.


Frais réclamés aux personnes âgées pour l'entretien de leurs vêtements personnels dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Le 15 avril 1999, la Cour d'appel du Québec confirmait par jugement que les établissements qui hébergent des personnes âgées n'ont pas le droit de leur imposer des frais pour le lavage de leur linge personnel. M. le Président, malgré ce jugement et l'ordonnance qu'il contient, des établissements continuent de charger des frais qui varient de 40 $ à 50 $ par mois à des personnes qu'ils hébergent. J'aimerais vous rappeler que beaucoup de personnes âgées hébergées n'ont que 149 $ par mois comme allocation pour dépenses personnelles. Évidemment, elles ont de plus en plus petites dépenses personnelles.

Alors, M. le Président, est-ce que la ministre peut nous expliquer comment elle peut tolérer la pratique qui a cours dans le réseau de la santé, tolérer la pratique du taxage des personnes âgées, tolérer la pratique du taxage d'un service aussi essentiel que le lavage du linge personnel, et ce, malgré un jugement de la Cour d'appel du Québec?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Comme d'habitude, M. le Président, la députée de Bourassa fait un petit peu d'enflure verbale. J'ai rencontré il y a deux ou trois semaines l'Association des centres locaux de services communautaires et les centres d'hébergement et de soins de longue durée. Nous avons abordé cette question, et, dans les faits, normalement les établissements doivent se conformer bien sûr et assurer l'entretien des vêtements personnels. On comprend bien, là – pour ne pas qu'il y ait une mauvaise interprétation – qu'on entretient généralement le linge et les vêtements des personnes qui sont hébergées et qui reçoivent des soins. Mais, dans le cas présent, il s'agit de vêtements qui appartiennent à chacune des personnes, qui, parfois, demandent un entretien particulier, on en conviendra, quand il s'agit, par exemple, de vêtements de plus grande qualité, et cela coûte cher et très cher dans nos centres d'hébergement.

J'ai déjà dit ici à plusieurs reprises que nous devrions revoir les budgets affectés aux centres d'hébergement et de soins de longue durée pour mieux couvrir les besoins des personnes qui y sont hébergées. On a constaté que nous avons investi des sommes considérables auprès de la jeunesse, à l'occasion, pour la réduction des listes d'attente dans les chirurgies, pour la question des urgences. Et j'espère que lors du prochain budget nous pourrons corriger une partie de cette situation que vivent les personnes qui sont en centre d'hébergement et de soins de longue durée.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, en langage plus clair, est-ce que la ministre de la Santé et des Services sociaux pourrait nous dire ce qu'elle entend faire concrètement pour que ces établissements, qui sont sous-financés puis qui l'ont déclaré récemment, respectent le jugement de la Cour d'appel qui leur ordonne... Et je vais vous en faire lecture, Mme la ministre de la Santé. Alors, le jugement dit bien que les établissements sont tenus de fournir gratuitement à leurs usagers le service de linge... le lavage et l'entretien normal de la lingerie personnelle et des vêtements personnels, en vertu des conventions de financement les liant au ministère de la Santé et des Services sociaux et de la Loi sur les services de santé et sur les services sociaux, en vertu de laquelle ces conventions s'appliquent. Alors, si, M. le Président, vous m'y autorisez, j'aimerais déposer le jugement de la Cour d'appel.

Et puis-je porter à votre attention, Mme la ministre, que les requérants n'ont pas demandé de surseoir à l'application de la circulaire, donc celle-ci vaut. Et le jugement dit bien que les établissements sont tenus de la respecter, donc ils ne peuvent pas imposer des frais pour le lavage de linge personnel. Alors, avez-vous l'intention, Mme la ministre, simplement d'écrire aux établissements pour leur ordonner de se conformer au jugement de la Cour d'appel?


Document déposé

Le Président: Alors, je présume qu'il y a consentement pour le dépôt d'un jugement de la Cour.

Mme Marois: Oui, certainement.

Le Président: Oui? Alors, Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. En fait, dans l'échange que j'ai eu avec l'association représentant les centres d'hébergement, on a évalué la possibilité de demander, par exemple, soit à des familles, à des parents ou à des amis de participer à l'effort qui doit être porté actuellement par les centres d'hébergement pour cet aspect particulier qui concerne l'entretien des personnes. Et je pense que, dans une société, il faut être capable de compter sur un minimum de solidarité, à partir du moment où les ressources qu'on a sont limitées. Si on avait toutes les ressources, M. le Président, j'aimerais ça pouvoir dire, demain matin: On va rajouter 10 000 000 $, 50 000 000 $, 100 000 000 $ à l'égard de l'aide aux personnes âgées.

Les établissements font du mieux qu'ils peuvent faire. Ils offrent ce service. Ils ne l'offrent peut-être pas à la hauteur de tout ce qu'on souhaiterait, M. le Président. Et j'ai demandé qu'ils évaluent s'il n'y aurait pas une possibilité de recourir à de l'aide de la part des parents immédiats des personnes pour qu'ils contribuent aussi à leur façon, comme on le fait quand on a une personne âgée dans sa famille et qui a besoin d'aide, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Situation des prestataires de la sécurité du revenu hébergés dans des centres de soins de longue durée


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, on apprenait dernièrement comment ce gouvernement traite les prestataires d'aide sociale souffrant d'handicaps sévères et qui résident dans les centres de soins de longue durée. Vous vous rappelez sûrement, M. le Président, l'article de Pierre Foglia qui dénonçait la situation dramatique de M. Harel. On m'informe qu'il y a au moins 900 personnes au Québec qui vivent la même injustice que M. Harel. Ces 900 victimes, à la minute où elles ont un peu d'économies, le gouvernement non seulement leur enlève leur petite allocation de dépenses personnelles de 149 $ par mois, mais en plus, et le plus odieux, on se dépêche de fermer leur dossier à l'aide sociale.

Savez-vous pourquoi on se dépêche de fermer leur dossier à l'aide sociale? C'est parce que, depuis trois ans, le gouvernement du Parti québécois a décrété que, pour être admissible à nouveau à l'aide sociale, il ne faut plus avoir un sou d'économies, un sou d'économies en poche, M. le Président. C'est la nouvelle façon qu'a trouvée ce gouvernement, depuis trois ans, de faire des économies sur le dos des plus démunis en dépossédant les Soutien financier jusqu'à leur dernière cenne

Est-ce que le premier ministre du Québec peut nous démontrer aujourd'hui qu'il est capable de temps à autre de tenir parole, et particulièrement son engagement solennel de ne pas appauvrir les plus démunis et les plus vulnérables, M. le Président, et exiger que cesse immédiatement de telles pratiques et de telles injustices dont les premières victimes sont les prestataires Soutien financier hospitalisés et qui résident dans les centres de soins de longue durée? M. le Président, je ne veux pas de la réponse du ministre de la Solidarité sociale, qui n'a plus de...

Des voix: ...

(11 heures)

Le Président: Mme la députée. M. le ministre de la Solidarité sociale. Question de règlement? Une vraie?

M. Paradis: ...M. le Président, et le consentement du leader du gouvernement pour déposer le décret du 7 avril 1999 qui a enlevé au ministre de la Solidarité sociale la responsabilité dans ce dossier.

Le Président: Vous savez, M. le leader de l'opposition officielle, que, quelles que soient les responsabilités qui sont attribuées à un ou l'autre des membres du gouvernement, c'est au gouvernement et à la partie gouvernementale de choisir quel membre de son équipe répond à la question. Alors, M. le ministre de la Solidarité sociale.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, d'abord je rappellerais à la députée qu'à une nouvelle loi qui rentre en vigueur il est normal qu'on assigne la responsabilité au ministre, et, à cet égard, c'est le statu quo.

Deuxièmement, je voudrais...

Le Président: Alors, je m'excuse. S'il vous plaît! La période de questions s'est relativement bien déroulée. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, vous avez posé votre question, je pense que vous souhaitez avoir une réponse? Vous aurez une réponse du côté gouvernemental. M. le ministre.

M. Boisclair: Et, M. le Président, en réponse à la question, je voudrais déposer une lettre que j'adressais le 26 novembre au Curateur public. Et je voudrais informer cette Assemblée qu'avant-hier j'ai signé un décret qui, la semaine prochaine, sera à l'étude au Conseil des ministres, qui vient régler la situation.

Encore une fois, M. le Président, la députée est mal informée. Je demande au chef de l'opposition de confirmer la nomination d'un nouveau porte-parole de l'opposition qui va suivre correctement ses dossiers.

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien, il y a consentement pour le dépôt d'un document, mais c'est un document qui est déjà public. S'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, est-ce que vous pourriez laisser votre leader intervenir? Merci beaucoup. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, vous avez à statuer sur le dépôt de deux documents: un par l'opposition officielle, l'autre par le côté ministériel. Nous, on a sollicité le consentement pour déposer le décret qui enlève la responsabilité au ministre. Est-ce qu'il y a consentement pour que le décret soit déposé?

M. Brassard: Bien sûr, c'est un document public.


Documents déposés

Le Président: Alors, les deux documents sont déposés.


Réponses différées

Nous allons maintenant permettre à Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux de répondre à la question posée par Mme la députée de Bourassa, le 7 décembre dernier, concernant le dépassement de l'enveloppe salariale des médecins. Mme la ministre.


Dépassement de l'enveloppe salariale des médecins


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Effectivement, la question est venue à deux reprises et portait sur l'estimé des dépassements de l'enveloppe salariale des médecins omnipraticiens. J'ai répondu que le dépassement était de l'ordre de 80 000 000 $. Je dois préciser que ma réponse portait sur les dépassements estimés des deux groupes de médecins, spécialistes et omnipraticiens.

Alors, pour apporter des précisions à la question du 17 décembre – c'était, ça, le 18 novembre – à la question du 17 décembre, la députée de Bourassa a reposé la question sur la base des projections de la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour savoir si cela couvrait une période de six ou de 12 mois, M. le Président. Alors, je réponds: Le dépassement estimé à l'enveloppe des omnipraticiens pour la période d'avril 1999 à avril 2000, les dépassements sont de 57 700 000 $. Pour un an. Prévision.

Le Président: Mme la députée de Bourassa, en question complémentaire.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, c'est assez difficile de comprendre la réponse de Mme Marois. Le mardi 16 novembre...

Des voix: La ministre. La ministre!

Mme Lamquin-Éthier: ...de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux. Pardonnez-moi, M. le Président. Le 16 novembre, dans cette Chambre, à la question qui lui était posée de préciser s'il y avait bel et bien... Ce qu'on demandait le 4 novembre, c'était: Peut-elle nous confirmer, tel qu'écrit dans les journaux, s'il s'agirait d'un déficit de 160 000 000 $? Alors, en réponse, Mme la ministre nous dit le 16 novembre, M. le Président: «Pour l'ensemble de l'enveloppe des médecins, autant spécialistes qu'omnis, c'est un dépassement de l'ordre de 80 000 000 $ qui sont liés à différentes réalités, évidemment.»

Elle reprécise le 7 décembre. Encore, la question lui est soumise pour qu'elle vienne nous préciser si le dépassement dont il est question pour l'ensemble de l'enveloppe des médecins, autant spécialistes qu'omnis, vaut pour une période de six ou 12 mois. Là, elle nous répond que c'est un estimé de 57 700 000 $ pour un an, qui ne vaudrait que pour les omnis. Alors, peut-elle nous préciser le dépassement de l'enveloppe pour les médecins spécialistes?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, bien sûr, M. le Président. Les dépassements estimés – estimés – à l'enveloppe des médecins spécialistes pour la période d'avril 1999 à avril 2000 sont de 38 000 000 $. Mais, cependant, il faut déduire l'augmentation de 1 % proposée durant l'actuelle négociation pour l'année débutant le 1er janvier 1999, soit 13 300 000 $ pour les spécialistes et 9 000 000 $ pour les omnipraticiens, et vous n'êtes pas sans savoir que l'offre vient d'être bonifiée hier pour la même période. Donc, il faudra éventuellement défalquer à nouveau une somme à cet égard, ce qui fait que, pour 1999-2000, les dépassements estimés à ce moment-ci pour les spécialistes et les omnipraticiens sont de l'ordre de 74 100 000 $. C'est clair?


Motions sans préavis

Le Président: Bien. Alors, nous allons passer maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le député de Chapleau.


Demander au gouvernement de l'Ontario que soient offerts des services municipaux en langue française pour la population francophone de la future ville fusionnée d'Ottawa

M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter une motion qui a fait l'objet de négociations depuis hier avec le ministre des Affaires intergouvernementales, le député de Fabre, négociations qui ont été positives et qui, par ailleurs, m'amènent à présenter une motion qui est en fait le fruit d'un texte conjoint.

Alors, la motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de l'Ontario de faire en sorte que les services municipaux en langue française soient disponibles pour la population francophone de la future ville fusionnée d'Ottawa, capitale du Canada.»

Le Président: Bien. Il y a consentement pour discuter de cette motion. M. le député de Chapleau, d'abord.

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chapleau, simplement pour vous permettre d'intervenir dans le calme.

M. Brassard: M. le Président, seulement pour préciser qu'il y a aussi une entente pour qu'il y ait un intervenant de chaque côté.

Le Président: C'est ce que j'avais compris. Très bien. Alors, d'abord M. le député de Chapleau.


M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): M. le Président, d'abord, la motion vise une ville qui n'est pas n'importe laquelle ville, ni en Ontario ni dans l'ensemble canadien, il s'agit d'Ottawa. Ottawa, comme vous le savez, c'est la capitale du Canada. Ottawa, c'est un symbole. Ottawa est au coeur de la vie politique canadienne. Ottawa a sans doute une envergure tout à fait particulière du fait qu'elle est la capitale du Canada, mais aussi a, de ce fait, des responsabilités tout à fait spéciales qui découlent de son statut. C'est à Ottawa que l'on retrouve plusieurs organismes francophones nationaux, c'est à Ottawa aussi que l'on retrouve une forte population francophone: à peu près 125 000 personnes francophones vivent dans la région d'Ottawa-Carleton. On y retrouve des ambassades. Ottawa reçoit plusieurs dignitaires, plusieurs invités étrangers. C'est en 2001 qu'il y aura à Ottawa – et à Hull bien entendu, mais à Ottawa – les Jeux de la francophonie.

Donc, Ottawa, c'est un symbole tellement important que nous avons cru nécessaire d'insister pour que des services soient offerts en français à l'importante population qui y vit. Pourquoi parlons-nous dans cette motion, M. le Président, de services municipaux? C'est parce qu'existe déjà, en ce qui concerne les services provinciaux, la loi sur les services en français. Donc, il s'agit de compléter finalement les mesures déjà existantes par une demande que nous formulons au gouvernement de l'Ontario afin qu'il fasse en sorte que des services municipaux en langue française soient offerts à la population francophone qui va vivre dans la prochaine ville unifiée d'Ottawa, laquelle sera composée finalement de 11 municipalités déjà existantes.

(11 h 10)

Le projet de loi, qui a été déposé lundi dernier à Queen's Park, M. le Président, concernant justement la fusion de 11 villes en une ville unique, Ottawa, a repris l'ensemble des recommandations contenues dans le rapport d'un conseiller spécial, M. Glen Shortliffe, mais a néanmoins négligé de tenir compte d'une affirmation qui est faite dans ce rapport par ce conseiller spécial, qui est une affirmation fort importante, et c'est celle-ci, je cite: «La capitale nationale se doit de refléter le caractère du pays dans son ensemble et doit reconnaître en son sein la présence d'une importante minorité francophone.» C'est pour cette raison, M. le Président, qu'aujourd'hui cette Assemblée insiste pour rappeler au gouvernement de l'Ontario l'importance qu'il y a à ce que la population francophone d'Ottawa reçoive des services bilingues, des services qui seront disponibles, bien entendu, en langue française.

Parmi les 11 municipalités que l'on fusionne dans cette ville unique qui s'appellera Ottawa, se trouvent des villes qui sont déjà actuellement des villes bilingues. Vanier, Gloucester, Cumberland et la région d'Ottawa– Carleton offrent déjà des services bilingues à leur population, et nous ne voyons pas pourquoi, une fois la fusion accomplie, ces services-là ne pourraient pas non seulement être offerts aux citoyens des villes que je viens de mentionner, mais également à l'ensemble des citoyens de la nouvelle ville unique, de la nouvelle ville fusionnée.

M. le Président, d'abord et avant tout, le message que nous voulons envoyer, c'est que nous voulons tisser des liens entre les francophones de tout le Canada. Et nous voulons, nous, ici, du Québec, donner une impulsion favorable à l'affirmation de cette francophonie canadienne dont nous sommes fiers. Nous voulons profiter de l'occasion pour dire aux francophones de tout le Canada que nous sommes là, que nous sommes avec eux, que nous sommes solidaires et qu'il n'y a pas que l'histoire qui nous unit, il y a aussi l'avenir qui nous interpelle.

Nous tenons également à rappeler à la population du Québec, parce que c'est important de le faire dans ce contexte-ci où nous parlons de droits linguistiques, l'obligation fondamentale qu'a cette Assemblée envers l'essor de la langue et de la culture française au Québec, lesquelles langue et culture constituent sans aucun doute les piliers de la spécificité du Québec, cette spécificité elle-même étant au coeur de notre existence collective. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


M. Joseph Facal

M. Facal: M. le Président, je voudrais moi aussi saluer la façon courtoise, cordiale et correcte avec laquelle se sont déroulés les échanges entre le député de Chapleau et moi-même. Nous avons tous et toutes, je crois, pris connaissance avec inquiétude de ce qui, pour l'instant, est un projet de loi qui est ainsi rédigé que, dans sa forme actuelle, il ferait d'Ottawa une ville unilingue anglaise. Et j'espère que les réactions que l'on entend depuis 48 heures ne resteront pas sans suite. Après Montfort, on voit ici une autre illustration du fait que vivre en français au Canada, à l'extérieur du Québec, c'est un combat quotidien.

Il se trouve cependant bien sûr que la langue et les affaires municipales sont des juridictions provinciales qui appartiennent donc en propre au gouvernement ontarien. Quoique nous soyons troublés, on comprendra aisément que le Québec ne voudrait pas, lui non plus, se faire dire par le gouvernement ontarien quoi faire en matière linguistique. C'est pour ça que nous devions être d'une extrême prudence dans la formulation de notre motion. Et je crois que ce dont nous avons convenu atteint justement l'équilibre désiré.

Il était extrêmement important pour nous, des deux côtés de la Chambre, de bien faire sentir que les francophones de la nouvelle ville fusionnée d'Ottawa doivent avoir accès à des services municipaux en langue française. Et je suis extrêmement heureux, dans une circonstance où il était fondamental – fondamental! – de montrer notre solidarité concrète à l'endroit de nos frères et soeurs francophones du reste du Canada, que, sur ce sujet crucial entre tous, notre Assemblée ait su, pour peut-être une trop rare fois, s'élever au-dessus des lignes partisanes et parler d'une seule voix. Je m'en réjouis.


Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends que la motion est adoptée à l'unanimité. M. le leader?

M. Paradis: Vote par appel nominal, M. le Président.

Le Président: Alors, très bien. Puisque tous les députés se sont levés pour applaudir les deux intervenants, nous allons faire un appel nominal, ce qui sera encore plus significatif et symbolique.

Alors, est-ce que les whips m'indiquent qu'on peut procéder au vote dès maintenant? Alors, on va faire un appel des députés puis on va attendre quelques instants. Je prierais les membres de l'Assemblée qui sont déjà dans la salle de rester ici, s'il vous plaît; ça va permettre d'accélérer le processus.

Avant de passer au vote, je vais d'abord relire la motion:

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de l'Ontario de faire en sorte que les services municipaux en langue française soient disponibles pour la population francophone de la future ville fusionnée d'Ottawa, capitale du Canada.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Vallières (Richmond), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri– Sainte-Anne), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Lafrenière (Gatineau), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Lamoureux (Anjou).

M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), M. Pinard (Saint-Maurice), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), M. Laprise (Roberval), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

(11 h 20)

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:106

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de M. le député de Chapleau est donc adoptée, et le nécessaire sera fait pour que la motion soit officiellement communiquée au premier ministre de l'Ontario et au président de l'Assemblée législative de l'Ontario.

M. le député d'Anjou, une autre motion non annoncée.

M. Lamoureux: Merci, M. le Président. J'aimerais présenter la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du ministre d'État à l'Éducation...»

Des voix: ...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le député d'Anjou, on va attendre.

Des voix: ...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Que les collègues qui ont à travailler à l'extérieur de l'enceinte du salon bleu quittent l'Assemblée rapidement, s'il vous plaît.

Bien, M. le député d'Anjou.

M. Lamoureux: Merci. Alors, la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse qu'il s'engage à assurer aux jeunes une place majoritaire au Sommet du Québec et de la jeunesse.»

Le Président: Alors, M. le député d'Anjou, il n'y a pas de consentement pour la discussion sur cette motion.

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis... Une autre motion, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec la tenue d'une consultation publique élargie pour entendre les chômeurs, les personnes assistées sociales, les chercheurs d'emploi, les groupes communautaires et les entrepreneurs des différentes régions du Québec sur la gestion et l'administration d'Emploi-Québec.»

Le Président: Alors, M. le leader de l'opposition officielle, il n'y a pas consentement.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions parlementaires. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 83, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement du territoire entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 95, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière municipale, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 30, à la salle 1.38b de l'édifice Pamphile-Le May, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des transports et de l'environnement entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 90, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement et d'autres dispositions législatives concernant la gestion des matières résiduelles, aujourd'hui, de 11 h 30 à 13 heures, de 16 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine; et finalement

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, il n'y a pas d'interventions.


Affaires du jour

Nous allons aller aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article 24 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 91


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: Alors, à cet article 24 de notre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des transports et de l'environnement sur le projet de loi n° 91, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement concernant la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement de certains projets.

Alors, je suis prêt à donner la parole à un premier intervenant. M. le ministre de l'Environnement.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Merci, M. le Président. Il s'agit d'un projet de loi qui est très simple. Il s'agit d'insérer dans la loi le pouvoir de conclure des ententes avec des autorités d'autres compétences, comme par exemple une autre province ou encore un État américain, lorsqu'on a des projets qui sont transfrontaliers, c'est-à-dire réalisés en partie dans le territoire du Québec et en partie dans le territoire d'une autre province. Nous n'avons pas, actuellement, la possibilité de convenir d'ententes particulières à cet effet et la loi est silencieuse, donc nous devons absolument nous restreindre aux dispositions strictes de notre loi sans pouvoir discuter avec l'autre partie de méthodes ou de moyens différents de procéder.

Alors, le projet de loi vise à permettre que, lorsqu'un tel projet se présente, nous puissions convenir avec cet État d'une procédure commune convenue à l'avance mais qui respecte le cadre général de notre loi tout en s'adaptant aux circonstances particulières que l'on peut rencontrer dans ce projet-là.

Alors, voilà, M. le Président. Nous avions déjà adopté un projet particulier au printemps dernier pour chutes Churchill. Il s'agit d'étendre et de généraliser cette façon de faire à l'ensemble des projets transfrontaliers qui pourront exister dans le futur. Voilà, M. le Président, l'objet du rapport.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre de l'Environnement. Nous allons maintenant céder la parole... Alors, puisqu'il n'y a plus d'autres intervenants, est-ce que le projet de loi est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Article 25, M. le Président.


Projet de loi n° 21


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 25, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. Y a-t-il des intervenions sur l'adoption du projet de loi n° 21? M. le ministre de l'Environnement.

M. Bégin: M. le Président, je vous indique c'est le ministre du Revenu qui intervient et non pas le ministre de l'Environnement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, monsieur. Mais, vous savez, vous portez deux chapeaux.

M. Bégin: Voilà, successivement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Les deux sont aussi importants l'un que l'autre.

M. Bégin: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre du Revenu.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, le projet de loi n° 21 est un projet de loi qui touche principalement, je dirais même strictement des aspects administratifs. Il découle de deux mémoires qui ont été présentés par le ministre du Revenu au Conseil des ministres et aussi de certaines mesures des discours du budget du ministre des Finances du 31 mars 1998 et du 9 mars 1999.

Le projet de loi modifie sept lois fiscales du Québec, et plusieurs modifications apportent des allégements réglementaires importants dans les secteurs d'activité du tabac et du carburant, ce qui contribuera, on en est certain, M. le Président, à alléger le fardeau administratif de plusieurs entreprises du Québec, particulièrement par l'élimination de l'obligation de détenir un certificat d'enregistrement et de plusieurs permis. D'autres modifications visent à faciliter l'établissement de la preuve dans le cas d'utilisation prohibée de mazout coloré.

Je rappelle aussi d'autres modifications qu'il introduit. En particulier, le projet modifie la Loi sur les impôts et la Loi sur le régime de rentes du Québec pour prévoir, entre autres, que le ministre du Revenu dresse les tables établissant le montant des retenues à la source qu'une personne qui verse une rémunération doit effectuer.

(11 h 30)

Deuxièmement, il modifie la Loi sur les licences afin de prévoir certaines modalités quant au versement au ministre du Revenu des droits de licence exigibles dans certaines circonstances et notamment l'imposition de pénalités et d'intérêts dans le cas de non-paiement de ces droits.

Troisièmement, le projet de loi modifie aussi, M. le Président, la Loi sur le ministère du Revenu afin d'y intégrer plusieurs mesures administratives.

Alors, M. le Président, je voudrais remercier mes collègues du gouvernement de même que les députés de l'opposition qui ont siégé au sein de la commission des finances publiques pour leur collaboration lors de l'étude de ce projet de loi. Leur support, leurs commentaires et leur présence ont été appréciés.

En conclusion, donc, M. le Président, je demande à cette Assemblée d'adopter le projet de loi n° 21 intitulé Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Revenu. Nous allons maintenant céder la parole... Puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 21... Excusez-moi, est-ce qu'on peut me dire si, effectivement, c'est la députée de Beauce-Sud ou le député d'Argenteuil...

M. Whissell: Une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ah! une question de règlement. Je vous écoute, M. le député d'Argenteuil.

M. Whissell: ...travaux de la Chambre, j'avais la réplique en tant que porte-parole en matière d'environnement sur le projet de loi n° 91. Je ne sais pas, le ministre a fait son intervention.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Bégin: Il y a peut-être eu confusion. J'ai porté d'abord un chapeau de ministre de l'Environnement. J'ai fait mon intervention. Le député ne s'est peut-être pas rendu compte qu'il avait l'opportunité. Alors, si ce n'est que de lui permettre de faire son intervention, même si nous avons adopté le projet, je pense que, dans les circonstances, il a pensé que c'était peut-être le ministre du Revenu qui parlait, alors je le lui permettrais, pour qu'il puisse faire son intervention.


Projet de loi n° 91


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce qu'il y a consentement pour permettre au député d'Argenteuil d'intervenir? Oui. Alors, je demanderais tout simplement... Nous allons retirer l'adoption à ce stade-ci du rapport de la commission des transports et de l'environnement pour permettre au député d'Argenteuil de faire son intervention. Alors, M. le député, je vous cède la parole.


M. David Whissell

M. Whissell: Merci, M. le Président. Mon intervention sera aussi courte que celle du ministre de l'Environnement. Juste pour dire que l'opposition est en faveur du projet de loi n° 91 qui vise, en grande partie, à alléger toutes les procédures administratives d'examen au niveau des études environnementales pour des projets qui peuvent survenir au niveau des frontières du Québec.

Je pense que c'est un pas dans la bonne direction. L'opposition libérale est en faveur, et je pense que ça rejoint pleinement l'orientation du Parti libéral, qui est de justement alléger nos procédures et nos façons de faire au niveau gouvernemental. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'adoption du rapport de la commission des transports et de l'environnement concernant le projet de loi n° 91?


Mise aux voix du rapport

Comme il n'y a pas d'autres députés debout, le rapport de la commission des transports et de l'environnement portant sur le projet de loi n° 91, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement concernant la procédure d'évaluation et d'examen des impacts sur l'environnement de certains projets, est-il adopté?

Des voix: Adopté.


Projet de loi n° 21


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, nous revenons de ce fait à l'article 25 de notre feuilleton, alors que M. le ministre du Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 21. Nous avons entendu les propos du ministre du Revenu. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la critique officielle de l'opposition en matière de revenu, Mme la députée de Beauce-Sud.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, voilà, nous en sommes finalement rendus à cette étape de l'adoption en troisième lecture du projet de loi n° 21 qui avait déjà été appelé à la session précédente, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

Depuis la prise en considération du rapport de la commission, M. le Président, il n'y a eu qu'une motion de présentée, une motion visant à procéder à l'ajustement des références contenues dans les articles du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, afin de tenir compte de l'entrée en vigueur, le 1er novembre 1999, de la mise à jour arrêtée au 1er avril 1998 et au 1er mars 1999 dans le cas des chapitres D-17, I-2, I-3, I-4, L-3, M-31, R-20.1, T-0.1 et T-1 de l'édition sur feuilles mobiles des Lois refondues du Québec. Je suis certaine que M. le ministre comprend tout ça et peut nous expliquer ça.

Alors, ce projet de loi contient aussi 81 articles de nature très technique, c'est toujours le cas lorsqu'on étudie un projet de loi au ministère du Revenu. Et ce projet de loi, comme l'a dit le ministre, va modifier cette loi. Les changements demandés n'ont pas d'incidence sur le fardeau fiscal, je pense que c'est important de le mentionner.

Le premier changement important qu'on retrouve dans ce projet de loi, c'est l'élimination de l'obligation de détenir plus de 17 000 certificats pour la vente de tabac et de carburant. Alors, en vertu du principe que je défends toujours, moi, ici, à l'Assemblée nationale, soit celui de l'allégement réglementaire, il y a un groupe de travail, qui a été constitué par le ministère, de représentants de ces deux industries. Le groupe de travail avait recommandé l'abolition de ces permis; alors, je suis donc ravie que le ministre ait donné suite à cette recommandation. Par ailleurs, le projet de loi remplace cette obligation donc de détenir un permis par celle d'être inscrit à la taxe de vente du Québec, même pour tout vendeur de carburant qui fait des ventes inférieures à 30 000 $ par année.

Le deuxième changement d'importance, c'est que ce projet de loi vient resserrer les règles concernant la perception des créances en majorant l'amende afin de désinciter les contribuables à ne pas payer leur dû au fisc. Et là les pénalités ne sont pas minces. Écoutez bien ça. Dorénavant, dans certaines circonstances, le maximum prévu passera de 25 000 $ à 1 000 000 $. Cette disposition était, il faut le dire, rendue nécessaire parce qu'on s'est rendu compte que les montants des fraudes fiscales maintenant peuvent atteindre des sommes faramineuses. On a parlé, au cours de l'étude de ce projet de loi en commission parlementaire, d'un cas – sans le nommer – où la fraude avait atteint 800 000 $. Alors, vous conviendrez avec moi qu'une amende de 25 000 $ pour une fraude de 800 000 $, c'est disproportionné dans ces cas-là, ce n'est pas assez. Donc, il fallait prendre les mesures dissuasives nécessaires.

Le troisième changement, c'est que la remise d'une somme due au ministère du Revenu pourra dorénavant se faire au moyen d'une carte de crédit. Alors, du côté de l'opposition officielle, je dois vous avouer qu'on a vu là un danger que le fisc tente d'esquiver une entente de règlement de remboursement avec les contribuables, si ces derniers possèdent une carte de crédit. En fait, nous craignons que le fisc oblige les contribuables qui doivent de l'argent au ministère du Revenu du Québec à utiliser leur carte de crédit pour rembourser le ministère.

Alors, compte tenu, on le sait, que le taux d'endettement des Québécois est très élevé, compte tenu aussi que le taux d'intérêt chargé sur les cartes de crédit, les principales institutions financières qui émettent ces cartes de crédit, souvent c'est 18 %, des fois c'est même plus, alors on a cru, de notre côté, de l'opposition officielle, qu'il était préférable d'user de prudence sur cet article, soit l'article 33 du projet de loi. On a donc voté sur division, là, je tiens à vous le signaler.

Le quatrième changement d'importance concerne un autre point qui a attiré l'attention de l'opposition officielle, c'est l'article 41 de la loi. Par cet article, on a modifié encore une fois l'article 69.1 de la Loi sur le ministère du Revenu du Québec, et qui traite de la confidentialité, du secret fiscal et de l'obligation qu'ont le ministre et ses employés de ne pas faire usage des renseignements fiscaux à d'autres fins que celles explicitement prévues par la loi. Vous savez, on avait fait un long débat, au printemps dernier, sur justement la fuite de renseignements personnels. On avait clairement démontré que l'usage au ministère n'était peut-être pas assez sévère, en tout cas la politique ou la culture, et qu'il y avait des choses à changer.

Alors, par cet article du projet de loi, l'article 41 en question, on vient d'ajouter deux autres organismes qui auront le droit dorénavant de prendre connaissance des renseignements obtenus dans l'application d'une loi fiscale, c'est-à-dire la Régie des rentes du Québec, notamment, dans la mesure où ces renseignements sont nécessaires pour vérifier l'admissibilité d'une personne à une allocation familiale, et ensuite la Commission des transports du Québec, mais, cette fois-là, uniquement dans la mesure où ces renseignements sont nécessaires à l'application du paragraphe 5 de l'article 9 de la Loi concernant les propriétaires et exploitants de véhicules lourds.

(11 h 40)

On vient malheureusement, encore une fois, M. le Président, de faire une nouvelle brèche dans l'article 69.1 de la loi en y ajoutant deux organismes, ces deux autres organismes portant ainsi la liste des exceptions à 15. Depuis 1997, c'est la sixième fois qu'on amende l'article 69.1 de la loi, et tout ça pour satisfaire l'appétit vorace du gouvernement dans sa quête de renseignements sur la vie privée des citoyens.

Je tiens à signaler, M. le Président, que l'opposition officielle a exigé, sur cet article de la loi, un avis de la Commission d'accès à l'information. Dans le cas de la Commission des transports du Québec, la Commission d'accès à l'information s'est dite favorable. C'est-à-dire, sans dire qu'elle était favorable, elle a dit qu'elle ne s'objectait pas à la modification proposée. Mais, en ce qui concerne la Régie des rentes du Québec, là, ça a été beaucoup plus compliqué.

La Commission d'accès à l'information, dans un premier temps, soit le 1er mars, s'opposait à la première version de la loi. Puis enfin, le 12 mars dernier – et j'instruis le ministre, en même temps, de tout ce qui s'est produit, parce que, à l'époque, il n'était pas le ministre du Revenu – la Commission d'accès à l'information disait qu'il fallait un projet d'entente avec la Régie et que, ce faisant, cela amenuiserait l'impact de cette disposition dérogatoire mais que ça n'éliminerait pas complètement les craintes de la Commission d'accès à l'information. Alors, comme l'opposition officielle menaçait de voter sur division, le ministre a donc demandé à ses fonctionnaires d'obtenir cette dite approbation de la Commission d'accès à l'information, purement et simplement. Et il a, durant cette période, suspendu temporairement l'adoption de cet article.

Le ministre est donc revenu plus tard avec un nouvel amendement et un nouvel article afin d'exclure le paragraphe n, qui concerne la Régie des rentes du Québec, de l'article 69.1 de la loi de l'application de la clause dérogatoire prévue à l'article 71.4 de la loi. Alors, nous avons soumis ce nouvel article à la Commission d'accès à l'information pour obtenir un avis. Et, le 7 juin dernier, la Commission d'accès à l'information nous a informés qu'elle était finalement favorable à cet amendement puis au nouvel article.

Alors, vous voyez, M. le Président, tout le cheminement parcouru. On a un article, l'article 41, qui, dans un premier temps, ne reçoit pas l'accord de la Commission d'accès à l'information et, après les soupçons qui ont été soulevés par l'opposition, on a reçu un nouvel avis de la Commission, qui nous a, cette fois-là, donné un accueil mitigé, pour finalement, après plusieurs discussions et amendements, recevoir un accueil favorable de la Commission d'accès à l'information. C'est comme quoi, M. le Président – et je vais terminer là-dessus – l'opposition peut jouer un rôle constructif dans l'étude des projets de loi. Et j'ajouterais, M. le Président, pas seulement dans l'étude des projets de loi mais aussi dans la présentation de projets de loi.

Alors, je vais terminer en disant que j'invite, j'ouvre toutes grandes les portes au nouveau ministre du Revenu pour qu'il s'approprie mon projet de loi, le projet de loi n° 390, et qu'il l'appelle afin qu'on puisse en débattre ici, à l'Assemblée nationale, parce que je considère que c'est un projet de loi qui est important pour rétablir le rapport de force entre l'État et les contribuables. Alors, pour en revenir à notre projet de loi, ici, n° 21, il s'agit, M. le Président, d'un bon projet de loi. Mais, en raison des réserves que je vous ai exprimées tantôt, nous voterons sur division. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la députée Beauce-Sud et critique officielle de l'opposition en matière de revenu. Permettez-moi également, au nom de tous les collègues de l'Assemblée, de vous souhaiter un joyeux anniversaire de naissance, madame. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 21?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: L'article 30, M. le Président.


Projet de loi n° 88


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 30 de votre feuilleton, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 88? Alors, M. le ministre des Relations avec le citoyen et de l'Immigration.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Très brièvement, M. le Président. On se rappellera que, le 2 novembre dernier, le plan d'immigration pour l'an 2000 était présenté devant cette Assemblée, et, conformément aux dispositions de la loi actuelle sur l'immigration du Québec, les volumes, la ventilation qui figuraient à ce plan, qui ont été annoncés, sont des estimés et non des plafonds. Et, comme j'ai eu l'occasion de le dire, le Québec, lorsqu'il intervient en matière d'immigration, doit souvent procéder à certains arbitrages entre des considérations démographiques, économiques, sociolinguistiques, et évidemment nos plans font écho aux valeurs de la société québécoise en matière d'accueil humanitaire et prennent en compte notre capacité d'accueil institutionnel.

Or, il arrive que des événements conjoncturels, souvent imprévisibles, qui n'ont aucun lien avec la politique d'accueil déposée à l'Assemblée nationale, qui tiennent, dans le fond, à des événements extraordinaires qui se passent ailleurs dans le monde – des guerres, des grands mouvements de population – viennent en quelque sorte bousculer la planification établie, risquant de compromettre l'équilibre que nous souhaitions, qui était inscrit au plan déposé à l'Assemblée nationale.

Or, M. le Président, le court projet de loi qui est devant nous – trois articles – permettra dorénavant que le ministre responsable de l'Immigration puisse déterminer si, dans le plan qui est déposé à l'Assemblée nationale chaque année, les volumes en cause dans les diverses catégories correspondant au pouvoir du Québec de sélection sont des estimations ou des plafonds et d'intervenir en cours d'année si ces estimations ou ces plafonds risquent d'être dépassés, pour en quelque sorte garantir que les objectifs fixés soient atteints, M. le Président. Ce faisant, nous affinons les outils dans l'esprit de la loi qui est la nôtre présentement, et conformément d'ailleurs à la loi fédérale.

Alors, je terminerais, M. le Président, en vous disant que, dans ce débat, je veux remercier l'opposition pour sa coopération. Nous avons eu des échanges intéressants, rapides, courts, constructifs, et je crois comprendre que nous devrions assez rapidement procéder à l'adoption de ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur l'adoption? Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur l'adoption finale du projet de loi n° 88, projet de loi présenté par le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, qui prévoit que, comme il vient tout juste de le dire, dans son plan annuel d'immigration, le gouvernement du Québec peut contenir, en plus de ses estimations, des plafonds et des maximums en matière d'admission et de sélection des ressortissants étrangers. Il est vrai que, dès le dépôt du projet de loi par le ministre, l'opposition officielle a offert toute sa collaboration au ministre pour l'adoption du projet de loi.

Je rappelle que, lors de l'adoption du principe et aussi en commission parlementaire sur l'étude détaillée de ce projet de loi, qui contient deux articles, le ministre a répondu aux préoccupations et aux interrogations de l'opposition officielle, particulièrement à savoir, étant donné que le projet de loi n° 88 est muet à cet égard-là, ne le précise pas, si le gouvernement avait l'intention d'appliquer sa loi sur des juridictions fédérales. Il faut connaître que, dans l'entente Canada-Québec, le gouvernement fédéral a aussi juridiction pour la sélection des ressortissants étrangers et le ministre m'a donné sa parole qu'il n'avait pas l'intention d'empiéter sur la juridiction fédérale à cet égard.

Aussi, lors de l'adoption de principe et lors aussi de l'étude détaillée, j'ai demandé au ministre s'il me garantissait que l'article 31 de l'entente Canada-Québec avait été respecté. Et j'aimerais, M. le Président, vous relire cet article: «Le Canada et le Québec s'engagent à prendre les mesures nécessaires pour qu'aucune de leurs lois, règlements et procédures administratives respectives en matière d'immigration ne fasse obstacle à la pleine application du présent accord.»

L'article 12 parle aussi, M. le Président, de la consultation, que le gouvernement, avec le comité conjoint qui a été mis sur pied lors de l'entente Canada-Québec, le gouvernement autant fédéral, j'imagine, que provincial, du Québec, doit, s'il veut modifier ses lois, consulter le comité pour voir si tout est en accord avec l'entente Canada-Québec. Lors de l'adoption de principe, dans sa réplique, et lors de l'étude détaillée, le ministre m'a garanti, m'a confirmé que, oui, tout avait été fait comme il se devait avec ce qui est écrit à l'article 31.

(11 h 50)

Ma grande déception, je dois dire, ma grande déception est que j'ai reçu copie d'une lettre, il y a deux jours, de la ministre fédérale. Et je tiens à la lire. S'il y a rectification, le ministre pourra à ce moment-là faire la rectification nécessaire, parce que j'avoue que j'ai été déçue parce que vous m'aviez dit... M. le Président, le ministre m'avait dit que la consultation avec le comité conjoint avait été faite en bonne et due forme.

Alors, je vous lis la lettre de la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, datée du 1er décembre et adressée au ministre responsable des Relations avec les citoyens et de l'Immigration: «Je me reporte au projet de loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec que vous déposiez le 11 novembre à l'Assemblée nationale. Mes collaborateurs ont reçu, le 17 novembre, une lettre de votre sous-ministre adjointe, Mme Madeleine Gagné, les avisant de cette importante initiative. Le rythme des travaux parlementaires sur ce projet de loi suggère, par ailleurs, que l'Assemblée nationale pourra procéder rapidement à son adoption.

«Je me réjouis que nos collaborateurs aient maintenant eu l'occasion de tenir les discussions qu'il convient d'intégrer aux démarches législatives touchant les responsabilités respectives de nos gouvernements – c'est ici, M. le Président, où ma déception commence. Néanmoins, il m'apparaît regrettable qu'on ait omis dans ce cas-ci de tenir compte d'entrée de jeu de l'article 31 de l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration, qui engage expressément les parties à se consulter avant d'apporter à leurs lois des modifications touchant l'exécution de l'Accord.

«Le projet de loi porte en effet sur des dispositions qui, à l'évidence, touche nos responsabilités respectives aux termes de l'Accord, notamment pour ce qui est du nombre d'immigrants devant être accueillis chaque année.» La ministre fédérale continue, M. le Président, en disant ceci, toujours en s'adressant au ministre: «J'ai pris note de vos déclarations à l'Assemblée nationale qui confirment sans équivoque que votre projet de loi vise les catégories d'immigrants pour lesquels le Québec est seul responsable de la sélection en vertu de l'Accord et qu'il ne s'applique donc ni à la catégorie de la famille ni aux personnes dont le statut de réfugié est reconnu au Canada.

«Initialement, mes conseillers juridiques avaient noté que le libellé du projet de loi pourrait avoir une portée plus large et qu'on aurait pu vouloir rendre plus manifeste la cohérence de la mesure proposée avec le cadre juridique dans lequel elle s'inscrit. Des consultations récentes ont permis de clarifier que l'intention du projet de loi correspond bien aux responsabilités reconnues au Québec en matière de sélection et que son adoption n'aura pas d'effet au-delà de cette sphère. Néanmoins, ce genre de situation illustre bien l'importance de nous ménager les délais adéquats de consultation afin d'éviter tout malentendu et d'harmoniser le plus clairement possible les actions gouvernementales dans nos champs respectifs de responsabilité.»

La ministre termine, M. le Président, en disant ceci: «Mes collaborateurs m'ont récemment présenté les dispositions clés de l'Accord et souligné les bons rapports professionnels et institutionnels qui caractérisent généralement sa mise en oeuvre. J'en conclus que, comme moi, vous considérerez l'absence de consultation dans ce cas particulier comme une omission et qu'il est dans notre intérêt mutuel d'éviter à l'avenir.

«Je demeure par ailleurs confiante qu'un esprit et des pratiques d'étroite collaboration continueront de prévaloir dans le travail de nos ministères respectifs.»

Alors, vous comprendrez, M. le Président, que, quand j'ai eu copie de cette lettre, je me suis posé la question: Pourquoi le ministre m'a répondu, lors de l'adoption de principe, que tout avait été fait en bonne et due forme, que la consultation avait été faite et que le gouvernement fédéral, par le biais du comité conjoint, avait donné son accord au projet de loi?

Alors, M. le Président, nous allons continuer à collaborer pour l'adoption finale de ce projet de loi, mais j'ose espérer que, dans d'autres circonstances, quand on demandera de tels éclaircissements au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, nous aurons une réponse à laquelle on pourra se fier, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais joindre ma voix à celle de ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, critique en matière de relations avec les citoyens et d'immigration, qui a très bien défendu ce dossier en cette Chambre, mais également en commission parlementaire.

Le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, essentiellement, fixe, dans son plan annuel d'immigration, en plus des estimations, des plafonds ou des maximums en matière d'immigration ou de sélection de ressortissants étrangers. Il vise également à donner au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration le pouvoir de suspendre ses activités en matière de sélection s'il est d'avis qu'un maximum ou une estimation prévue au plan annuel d'immigration sera atteint.

Et, comme ma collègue la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne l'a très bien expliqué, M. le Président, l'opposition officielle a donné son accord à ce projet de loi pour des raisons très simples. D'abord, parce que l'immigration en général est un dossier sur lequel l'aile parlementaire libérale a fait énormément de travail. Et elle a réussi d'ailleurs à dégager un consensus, je dirais, très large autour des politiques de l'immigration adoptées par le gouvernement libéral.

Je cite en exemple l'énoncé de politique en matière d'immigration et d'intégration qui a été adopté par l'ancienne ministre de l'Immigration, ma collègue la députée de Saint-François. Cet énoncé-là court toujours parce que c'est vraiment la référence, c'est la base sur laquelle se sont établis les consensus, que ce soit en ce qui concerne les paramètres des niveaux d'immigration, en ce qui concerne les catégories, d'ailleurs, dans lesquelles le Québec est impliqué.

Et, comme vous le savez, M. le Président, l'immigration est une juridiction partagée. Et d'ailleurs une des actions majeures qui ont été réalisées par le gouvernement libéral en plus de l'énoncé de politique d'immigration, M. le Président, c'est l'Accord Canada-Québec en matière d'immigration, signé par ma collègue la députée de Saint-François alors qu'elle était ministre de l'Immigration et sa vis-à-vis, Mme McDougall, à Ottawa.

Cet Accord, M. le Président, fixe les balises avec lesquelles chacun des niveaux de gouvernement peut intervenir dans ce dossier en toute complémentarité et en harmonisation. En même temps, et chose très importante, par cet Accord-là, le Québec a récupéré des montants d'argent substantiels du fédéral pour s'occuper de l'ensemble des services d'intégration linguistique et professionnelle pour les nouveaux arrivants, et ça s'est fait dans l'harmonie. C'est aussi et ça demeure une des démonstrations concrètes d'un fédéralisme flexible où le Québec peut aller chercher des compétences et des ressources et en même temps fonctionner à l'intérieur d'un système fédéral.

Nous sommes à l'étape de l'adoption finale. Et j'écoutais ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, qui a fait l'étude en commission parlementaire pour bonifier ce projet de loi, et les inquiétudes qu'elle a exprimées, notamment en rapport avec la réaction du gouvernement fédéral à l'effet que le comité conjoint qui, en principe, devrait donner suite à des consultations entre le fédéral et le gouvernement du Québec n'aurait pas été consulté bien que le ministre ait donné des assurances dans ce sens.

Alors, M. le Président, c'est préoccupant. Mais j'ose espérer que c'est un problème peut-être bureaucratique et qu'à l'avenir les courroies de transmission de communication avec le fédéral dans ce domaine puissent fonctionner normalement, parce qu'il est essentiel, considérant l'importance de la question de l'immigration pour le Québec, que et le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec puissent travailler chacun dans sa juridiction et en complémentarité et non pas en créant des zones de conflit.

Alors, je joins ma voix à celle de ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne pour donner notre accord à cette étape finale de l'adoption du projet de loi n° 88. Et j'ose espérer, M. le Président, que le ministre va tenir compte des commentaires qui ont été faits et que tout va s'harmoniser avec le fédéral afin que la loi, et les procédures, et les politiques soient appliquées à l'avantage des deux niveaux de gouvernement et surtout des nouveaux arrivants. Merci, M. le Président.

(12 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, s'il n'y a pas d'autres intervenants, je céderai maintenant la parole au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. M. le ministre, vous avez votre droit de réplique de 20 minutes.


M. Robert Perreault (réplique)

M. Perreault: Oui, M. le Président, je ne prendrai pas 20 minutes. Je veux juste quand même apporter une clarification. Je dois dire que j'ai donné à la Chambre la réponse que m'a donnée le directeur général de l'Immigration au ministère, à savoir qu'il y a eu effectivement des discussions avec les fonctionnaires du ministère fédéral qui sont ses vis-à-vis sur ce projet, comme cela se fait habituellement.

J'ai pris connaissance de la lettre de Mme Caplan, que je rencontre lundi prochain, et je tiens cependant à apporter une ou deux précisions. La première est la suivante: Le projet de loi ne touche pas les domaines de la juridiction fédérale, il touche les domaines de la juridiction du Québec. Deuxièmement, nous n'avons pas à obtenir d'autorisation du gouvernement fédéral pour exercer nos juridictions, M. le Président. Nous ne sommes pas un gouvernement mineur, dans cet Accord. Il s'agit d'un accord entre deux gouvernements responsables chacun dans leur domaine de champs de compétence. Ce n'est pas un cadeau du gouvernement fédéral, le fait que le Québec, en vertu de la Constitution, assume ses responsabilités en matière d'immigration.

Et, de ce point de vue là, j'aurai l'occasion sûrement d'expliquer toutes ces questions à Mme Caplan, qui est nouvelle dans le dossier et qui va sûrement, là-dessus, comme elle le souligne, constater à nouveau l'excellence de la collaboration du Québec en ces matières et se rappeler quel est le sens de l'accord signé et quelle est la nature de la relation avec le gouvernement du Québec dans le cadre d'un accord entre deux gouvernements qui, en ces matières, ont signé selon leur juridiction.

Et puis, à la limite, si Mme Caplan veut l'élargir puis faire en sorte que dorénavant chaque modification des lois fédérales en matière d'immigration soit soumise au préalable à l'approbation du Québec, je suis prêt à en discuter, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


Mise aux voix

Le projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article 26 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 58


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 26 de votre feuilleton, M. le ministre des Transports propose l'adoption du projet de loi n° 58, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 58? M. le ministre des Transports et également député de Joliette.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, comme je le mentionnais lors de l'adoption de son principe, en plus de proposer quelques ajustements à certaines dispositions du Code de la sécurité routière, le projet de loi n° 58 propose diverses modifications législatives qui visent à solutionner certains problèmes d'application consécutifs à l'adoption du projet de loi n° 12, qui a été sanctionné au mois de décembre 1996, plus précisément le 23 décembre.

Tout d'abord, l'une des modifications importantes de ce projet de loi concerne la façon de disposer des véhicules non réclamés à la suite d'une saisie. Tout d'abord, on se rappellera tous que depuis le 1er décembre 1997 un agent de la paix peut saisir un véhicule qui est conduit par une personne dont le permis de conduire est suspendu ou bien révoqué en raison soit d'amendes impayées, de points d'inaptitude, de conduite avec des capacités affaiblies, du non-respect d'une condition médicale ou encore lorsqu'une personne n'est pas titulaire d'un permis de conduire de la classe appropriée au type de véhicule qu'elle conduit.

Le véhicule est alors remorqué et mis en fourrière aux frais du propriétaire, où il est gardé de façon sécuritaire pour une période de 30 jours. Actuellement, si le véhicule n'est pas réclamé par son propriétaire après un délai de 35 jours, la gestion du véhicule est confiée au Curateur public qui a la responsabilité de le vendre. Et c'est là que ça se complique. Parmi ces nombreux véhicules non réclamés, il y en a qui sont d'une valeur inférieure à 2 500 $, pour ne pas dire même qu'il y en a qui sont inférieurs à 250 $.

Ce qui arrive, c'est qu'il nous en coûte, à la Société de l'assurance automobile, à peu près 1 100 $, grosso modo. On doit payer cela, à la curatelle publique. Je peux-tu vous dire que, pour ce qu'on appelle communément des bazous ou bien des minounes, dépendant de la région du Québec où on se retrouve – parce qu'on qualifie ces autos-là, de peu de valeur, de minounes ou de bazous – il nous en a coûté l'an dernier 3 000 000 $, à la Société de l'assurance automobile. 3 000 000 $, je dis bien, pour compenser les pertes, étant donné qu'il y a un écart considérable entre les revenus de vente du véhicule, qui sont en moyenne de 204 $ – quand on les vend, là, c'est une moyenne de 204 $ – puis l'ensemble des dépenses du Curateur, elles, s'élèvent généralement à 1 000 $ par automobile. Donc, entre 204 $ qu'on les vend et le 1 000 $ que ça nous coûte, bien, il y a quelque chose comme 796 $ que les citoyens du Québec, l'ensemble des assurés du Québec ou des détenteurs de permis du Québec paient inutilement.

Donc, c'est ce qu'on vient régler un peu par le projet de loi. Ce qu'on dit, nous: Dorénavant, ça ne sera plus la curatelle publique, ça sera la Société de l'assurance automobile. Les autos de 2 500 $ et moins, eh bien, qui sont dans une fourrière, qui sont entreposées, on va permettre même au propriétaire de la fourrière de les vendre ou encore de les déclarer, ce qu'on appelle communément, hors d'usage, hors circuit, scrap, pour être bien compris, et là il pourra les vendre et pour payer ses frais d'abord, les frais de garde de l'automobile durant les délais escomptés. Et ceux de 2 500 $ et plus, bien, ils seront vendus – puis c'est toujours des véhicules non réclamés, là, on s'entend bien – et l'argent sera remis bien sûr au propriétaire en question après qu'on se soit payé les frais qui nous seront occasionnés par cela.

Donc, M. le Président, un des gros points majeurs de la loi n° 58, c'est ça. Est-ce qu'on va continuer à payer le 3 000 000 $ ou pas pour des autos hors d'usage? Tout le monde s'entend pour dire: Ça a bien du bon sens. Même l'opposition considère qu'en autant que le propriétaire de la fourrière ne les remet pas sur le chemin – puis on a consenti un amendement, je pense, qui a rallié les deux côtés de la Chambre – en autant qu'il y aura un certificat de vérification qui sera donné, ça réglerait le système. 2 500 $ et plus, vente aux enchères, 2 500 $ et moins, en autant qu'il y a un certificat pour, un, être vendu ou encore mis au rancart, pour vente de pièces.

L'autre, c'est les contrôleurs routiers. Vous vous rappellerez que les contrôleurs routiers ont demandé beaucoup plus de pouvoirs qu'ils en ont présentement. Ils demandent d'avoir le statut d'agents spéciaux, c'est-à-dire d'avoir le droit d'arrêter quelqu'un, d'avoir le droit de contraindre quelqu'un et d'appliquer, d'une certaine façon le Code criminel, qui dit qu'on peut arrêter un cas d'ébriété au volant d'un véhicule lourd, etc.

On donne une assise permettant la négociation avec la Sécurité publique du statut d'agents spéciaux pour les contrôleurs routiers et on leur donne des moyens de défense aussi. Ils pourront dorénavant avoir du poivre de Cayenne pour contraindre quelqu'un qui ne voudrait pas obtempérer à un ordre. Vous vous rappellerez qu'il n'y a pas plus tard que trois semaines, à Alma, je crois, il y a eu un policier de la Sûreté du Québec qui a été tabassé fortement par un camionneur. C'est rare, rare que ça arrive, mais on en prend rien qu'un puis... Ce n'est pas un mouvement d'association, ça, c'est un mouvement plutôt personnel. On comprendra que ce n'est pas un moyen de pression au sens de la loi.

Je voudrais quand même dire que nos agents, nos contrôleurs routiers demandent plus de protection, plus de moyens pour réaliser leur fonction qui en est une bien précise, non seulement coercitive, arrêter un individu, arrêter même quelqu'un qui aurait un véhicule volé. Dorénavant, ils pourront le faire parce que c'est l'application du Code criminel. Ils ne pouvaient pas le faire, ils avaient juste le pouvoir d'arrêter puis de téléphoner vite à la police, puis dire: Viens le chercher, viens chercher quelqu'un, on l'a. Et ça, ça créait toutes sortes de situations. Il y a même eu des poursuites au civil contre certains contrôleurs routiers, et on veut éviter ces poursuites civiles inutiles puis ces plaintes contre eux.

Donc, dans l'ensemble, c'est un projet de loi qui vient bonifier plusieurs secteurs. Il vient mettre de l'ordre, par exemple, dans les amendes. Il y avait des amendes disproportionnées par rapport à d'autres. On vient orchestrer cela un peu mieux, harmoniser cela. On vient régler le sort de la machinerie agricole, vous le savez, ce qui emprunte les routes, qu'on avait dû régler à la pièce, bien, là, qu'on pourra régler par législation.

Et on vient réglementer aussi la conduite avec écran cathodique. Vous savez que de plus en plus dans des véhicules lourds, par exemple, on a des écrans cathodiques, et on voudrait que ça soit situé... on ne veut pas que ça nuise à la conduite et que ça crée un moyen d'insécurité au volant, et que ça soit posé selon certaines contraintes pour ne pas nuire à la conduite. Donc, ça fait partie également du projet de loi.

Et enfin aussi, ça, c'est nouveau, mais on considérera une communauté autochtone exactement comme une municipalité. On dit à une communauté autochtone: S'il y a une police autochtone qui t'arrête sur ton territoire, tu pourras bénéficier du fruit des amendes, tout comme une municipalité peut bénéficier du fruit de ses amendes actuellement.

(12 h 10)

Donc, c'était l'harmonisation de nos lois, M. le Président.

C'est une loi sur laquelle je ne parlerai pas tellement longtemps parce que j'ai hâte qu'on aborde la 89, qui va suivre, j'espère, cet après-midi, et sur laquelle on pourra se pencher avec célérité. Parce que, l'ensemble des législations au niveau du ministère des Transports, on a voulu négocier, d'une certaine façon, nos législations pour pouvoir légiférer par consensus le plus large possible. Et je sais combien il y a des centaines, il y a des milliers de travailleurs au niveau du camionnage qui sont en attente des gestes que nous allons poser, qui épient les gestes que nous allons poser et qui sont certains que nous allons le faire avec le plus de rapidité possible pour pouvoir partir à Noël avec une législation, des règlements qui feront en sorte qu'il n'y aura pas de vide juridique. Merci, M. le président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Transports et député de Joliette. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en matière de transports, M. le député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Mon intervention va être relativement courte, puisque j'ai eu l'occasion hier, je crois, d'intervenir au moment de la prise en considération du rapport concernant le projet de loi n° 58, qui traite essentiellement de modifications à apporter au Code de la sécurité routière, et j'ai fait à ce moment l'essentiel des commentaires que je voulais faire. Mais tout simplement signaler que l'opposition a collaboré essentiellement à l'adoption, aux différentes étapes du processus, au projet de loi n° 58 parce qu'il y va essentiellement de l'intérêt des citoyens et des conducteurs, que ce soient les conducteurs de véhicules lourds ou de véhicules passagers, en améliorant la sécurité routière.

M. le Président, juste énumérer peut-être les éléments qu'on doit retenir du projet de loi n° 58. C'est-à-dire qu'au niveau des camions comme tels, des camions lourds, on améliorera la sécurité routière en mettant en place des mesures qui vont faire en sorte que les charges vont être mieux respectées, que les normes d'arrimage comme telles des charges vont être mieux respectées également, ce qui malheureusement, dans le passé, a occasionné dans certains cas des accidents ou la détérioration de nos infrastructures routières.

On a aussi dans le projet de loi certains éléments qui vont obliger les camionneurs qui conduisent certains équipements particuliers – je pense, par exemple, à des freins pneumatiques ou autres – à détenir un permis où ce sera clairement identifié que les gens ont la compétence pour conduire tel ou tel type de véhicule. Alors, encore là, ce sera une amélioration qui fera en sorte, les gens étant peut-être mieux formés pour conduire ce type de véhicule, dont la compétence aura été reconnue, que, sur les routes, à ce moment-là, ces camions seront peut-être conduits de façon plus sécuritaire, tout simplement, compte tenu de l'expertise des conducteurs.

Il y a également, M. le Président – le ministre y a fait référence tout à l'heure – le fait que, dans le processus de saisie des véhicules... On pense à des véhicules passagers, ici, qui ne sont pas réclamés par les gens qui étaient en état d'infraction. Ces véhicules, pour une bonne partie, sont envoyés à la ferraille ou pour les pièces, mais il y en a un certain nombre qui se retrouvent sur les routes.

L'opposition a fait des propositions au gouvernement pour tenter, au fond, de s'assurer, dans tous les cas où les véhicules seront vendus à des particuliers pour être réutilisés sur nos routes, que ces véhicules, compte tenu du fait qu'il s'agit de véhicules qui ont beaucoup, beaucoup d'âge, soient quand même en état mécanique acceptable. Et nous avons fait une proposition au ministre, qui a été acceptée, où effectivement le détenteur du véhicule, qui sera généralement un propriétaire de fourrière, avant de vendre le véhicule, aura l'obligation de faire faire une inspection mécanique, ce qui veut dire que, quand le véhicule sera vendu, il y aura eu une inspection mécanique et on aura déjà répondu à une obligation que le citoyen qui l'a acheté devra rencontrer. C'est-à-dire qu'au moment où il se présentera pour immatriculer son véhicule on va lui demander s'il y a eu une vérification mécanique du véhicule de faite. Encore là, M. le Président, le ministre a accepté cette proposition que nous avons faite. Et ce sera de nature à s'assurer que ces véhicules qui reviennent sur les routes sont dans un état mécanique acceptable.

Il y a également, M. le Président, plus de pouvoirs qui seront donnés aux contrôleurs routiers. Encore là, c'est toujours dans l'optique d'améliorer la sécurité routière. Quand les contrôleurs routiers auront ces pouvoirs, ils pourront, comme l'a expliqué le ministre, procéder à des arrestations et contraindre les gens à rester sur place. Actuellement, on pouvait arriver dans des situations assez aberrantes où – et, encore là, ce sont des cas marginaux, là, il ne faut pas s'imaginer que ce sont des cas qui se répètent à l'infini – un contrôleur arrêtait un chauffeur de camion qui était en état d'ébriété, et le conducteur pouvait aussi bien rembarquer dans son camion et poursuivre sa route. Alors, évidemment, ça n'a aucun bon sens – une personne qui est en état d'ébriété ne peut pas conduire un camion – qu'on n'ait pas les pouvoirs de l'arrêter et de faire en sorte qu'il ne continue pas à conduire son véhicule, avec tous les dangers que ça implique. Alors, essentiellement, ce volet-là du projet de loi n° 58 va également améliorer la sécurité routière.

Il y a une deuxième série d'éléments qui concernent des économies. Le ministre a fait référence tout à l'heure au processus actuel où on met en vente les véhicules, qui coûtait un prix assez important et qui découlait, au fond, des lois antérieures qui ont été mises en application et qui se sont avérées, à l'usure, ne pas répondre de façon adéquate aux intentions du législateur. La procédure qu'on avait habituellement, de liquider ces véhicules par le biais du Curateur public, coûtait aux citoyens du Québec, à tout le monde, M. le Président, 3 200 000 $, alors qu'avec les modifications qui nous sont apportées ça va être beaucoup plus économique. Alors, il y va évidemment de l'intérêt de l'ensemble des citoyens du Québec d'économiser ce 3 200 000 $ pour aboutir au même résultat, c'est-à-dire à vendre des véhicules qui ont, encore là, très peu de valeur. Donc, la mesure qui nous est proposée est valable, et nous l'avons appuyée.

Il y a un point aussi – auquel, je pense, le ministre n'a pas fait référence dans l'intervention qu'il vient de faire – qui est important, c'est celui de simplifier la vie des producteurs agricoles qui, au moment de l'immatriculation de leurs véhicules – parce qu'il y a des tarifs particuliers pour les producteurs agricoles au niveau de l'immatriculation, au niveau des assurances; ce sont des véhicules lourds mais qui travaillent sur une ferme, donc c'est différent des véhicules qui se retrouvent sur les routes et qui utilisent les routes – avaient des difficultés parce qu'ils avaient une impossibilité, en fonction de la Loi d'accès à l'information, de transférer des informations du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et de l'UPA vers la Société de l'assurance automobile du Québec. Donc, ça va simplifier essentiellement la vie des producteurs agricoles que ces mesures soient adoptées à l'intérieur du projet de loi n° 58, et c'est la raison, encore là, pour laquelle nous avons appuyé ces mesures.

En fait, dernier point du projet de loi, il s'agit d'uniformiser la question des poursuites, suite à des infractions au Code de sécurité, qui étaient traitées d'une certaine façon à l'intérieur des municipalités. C'est-à-dire que les municipalités, à l'intérieur de leur territoire, pouvaient intenter des poursuites pour le non-respect du Code de la sécurité routière, pouvaient poursuivre et éventuellement récolter des amendes qu'elles conservaient. Alors, ce fonctionnement-là n'existait pas dans certaines communautés autochtones et le projet de loi va essentiellement rendre cette possibilité-là possible et uniformiser les règles de fonctionnement dans les communautés autochtones et dans les municipalités.

Alors, voilà, M. le Président, l'essentiel du projet de loi. Comme il s'agit d'un projet de loi qui vise à améliorer la sécurité routière, qui vise à donner de meilleures économies aux citoyens du Québec, aux contribuables, et qui facilite la vie de certaines catégories de nos concitoyens en facilitant les procédures d'immatriculation, l'opposition a appuyé le projet de loi et le fera encore ici, à l'étape de la dernière lecture. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie et critique officiel de l'opposition en matière de transports.


Mise aux voix

Il n'y a pas d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 58? Alors, le projet de loi n° 58, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

(12 h 20)

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui, M. le Président, l'article 29, et il y aurait consentement, m'informe-t-on, pour procéder à l'adoption sans débat.


Projet de loi n° 80


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 29 de votre feuilleton, Mme la ministre de la Justice propose l'adoption du projet de loi n° 80, Loi modifiant la Loi sur le recours collectif. Y a-t-il à ce stade-ci des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 80?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 80, Loi modifiant la Loi sur le recours collectif, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: L'article 35, M. le Président.


Projet de loi n° 199


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 35 de votre feuilleton, Mme la députée Rimouski propose l'adoption du principe du projet de loi n° 199, Loi sur les races animales du patrimoine agricole du Québec. Y a-t-il des interventions? Je crois qu'il y a effectivement l'intervention de Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. Je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 199, la Loi sur les races animales du patrimoine agricole du Québec. J'ai l'honneur et le plaisir d'être la marraine de ce projet de loi. Je suis devenue marraine de ce projet de loi suite aux représentations d'un de mes concitoyens, M. Gratien Bélanger, qui est éleveur de chevaux canadiens des Écuries Neuve-France de la municipalité du Bic, dans le comté de Rimouski. D'ailleurs, je tiens à exprimer ici mes sincères félicitations à M. Bélanger, qui a remporté le 7e concours automnal québécois du Comité conjoint des races chevalines tenu en septembre dernier. Son cheval canadien fut proclamé le grand champion de toutes les races chevalines présentes à ce concours. Bravo, M. Bélanger!

M. le Président, j'aimerais rappeler que depuis 1995 le front commun pour la sauvegarde des races du patrimoine du Québec maintient l'espoir que ses revendications pour la reconnaissance du statut de race patrimoniale québécoise soit enfin donné au cheval canadien, à la vache canadienne et à la poule Chantecler.

Permettez-moi de vous faire connaître le cheval canadien. Ses ancêtres, choisis parmi les meilleurs chevaux de France, arrivèrent au pays entre 1647 et 1670 et beaucoup plus tard. On croit généralement qu'ils étaient des descendants de chevaux arabes croisés avec des chevaux indigènes de Normandie et de Bretagne. «Le premier cheval qui ait galopé sur la terre canadienne, écrit Ernest Gagnon, fut débarqué à Québec le 25 juin 1647.» La Compagnie des habitants l'avait fait venir pour en faire cadeau au gouverneur, le chevalier de Montmagny, car les habitants de ce temps-là considéraient, avec raison, je crois, qu'un chevalier sans cheval ça n'a pas beaucoup de sens.

Le 16 juillet 1665 débarquait à Québec la première importation en nombre de chevaux, envoyés par le roi de France. Ces chevaux, 12 en tout, furent distribués dès leur arrivée aux gentilshommes et aux habitants de la colonie qui avaient le plus favorisé le défrichement et la culture des terres. En 1670, un autre contingent de chevaux fut dirigé vers la Nouvelle-France, et la distribution en fut encore selon le mérite et les besoins.

Ces chevaux furent utilisés pour le défrichement, la culture, le transport et la selle. Ils se propagèrent dans toute la Nouvelle-France. Grâce à une sélection naturelle, seuls les chevaux les plus robustes purent résister aux rigueurs de nos hivers d'autrefois et aux nombreuses privations inhérentes au début de la colonie. La misère et les épreuves qu'ils eurent à supporter amenèrent un réduction de leur taille, mais leur permirent par contre d'acquérir une résistance à toute épreuve. C'est pourquoi le cheval canadien demeure encore le cheval le plus rustique, le plus robuste et le mieux acclimaté aux rigueurs de notre climat.

Les nombreuses importations de chevaux étrangers à partir de 1816 et l'exportation d'une multitude de beaux sujets aux États-Unis furent très préjudiciables à l'expansion de la race au Canada. Et, vers la fin du XIXe siècle, elle était en voie de s'éteindre. En 1885, un certain nombre d'admirateurs qui avaient à coeur de conserver le petit cheval de fer du Canada entreprirent un grand mouvement de reconstitution en faveur de cette race naturelle. L'ouverture des livres généalogiques eut lieu le 16 décembre 1886 et l'on y inscrivit les sujets répondant le mieux au type primitif. L'enregistrement sélectif des sujets souches se fit à diverses dates à partir de cette époque jusqu'en 1912.

Jusqu'en 1895, date de la fondation de la Société des éleveurs de chevaux canadiens, les progrès furent plutôt lents, et ce n'est qu'à partir de cette année que le mouvement prit de l'expansion. En 1913, le ministère fédéral de l'agriculture ouvrit un centre d'élevage de chevaux canadiens sur la ferme expérimentale de Cap-Rouge dans le but de découvrir les meilleures lignées. En 1919, un haras fut établi à Saint-Joachim, près de Québec, afin de continuer sur une plus haute échelle le travail entrepris à Cap-Rouge. Ce haras fut maintenu jusqu'en 1940, alors que le gouvernement fédéral, engagé dans la guerre, fit vendre pour l'élevage les nombreux sujets d'élite qui étaient gardés. Le haras fut reconstitué à la ferme-école provinciale de La Gorgendière, dans le comté de Portneuf, sous la direction du ministère de l'Agriculture du Québec. Un certain nombre fut réservé pour la ferme expérimentale de Sainte-Anne de la Pocatière et les autres furent achetés par des cultivateurs désireux de perpétuer cette race.

La fondation des Syndicats d'élevage de chevaux canadiens, dont le premier remonte à 1932, a fait surgir des groupes d'éleveurs actifs, anxieux de redonner à cette race son ancienne popularité par le moyen de la sélection des reproducteurs et l'adoption de meilleures méthodes d'entretien. Les chiffres officiels démontrent que ces syndicats ont puissamment contribué à accroître la proportion d'étalons classés A.

L'historien Taillon dépeint comme suit l'ancien cheval canadien: «Petit mais robuste, aux jarrets d'acier, avec une crinière abondante et flottant au vent, aux yeux vifs et saillants, dressant toujours les oreilles sensibles aux moindres bruits, filant jour et nuit avec le même courage, en frémissant sous le harnais, et avec une fougue naturelle, bon, doux, affectueux, traçant son chemin avec le plus fin instinct pour revenir sûrement à son logis. Tels étaient les chevaux de nos pères.»

Durant la première partie du XIXe siècle, un nombre considérable de chevaux canadiens furent expédiés aux États-Unis où ils contribuèrent à améliorer certaines lignées de la Standarbred et le cheval Morgan en particulier. Le cheval canadien d'aujourd'hui est celui qui se rapproche le plus du type idéal à toutes fins, tant demandé aujourd'hui sur nos fermes d'amateurs. Il peut aussi bien être affecté aux travaux de la ferme qu'être utilisé comme cheval de promenade et de chasse à courre. De plus en plus, il est recherché par les adeptes du sport de l'équitation à cause de son courage, de son physique résistant et de sa docilité.

Maintenant, M. le Président, que vous avez une meilleure idée du cheval canadien, je veux vous entretenir de la plus ancienne race bovine d'Amérique du Nord, soit la vache canadienne. Celle-ci, connue auparavant sous le nom de la canadienne française, est la plus vieille vache... Je m'excuse, M. le Président, certains de mes collègues m'ont fait rire. Alors, je pense que ce n'est pas le temps de rire.

La race bovine canadienne, connue auparavant sous le nom de la canadienne française, est la plus vieille race bovine de l'hémisphère ouest. Elle descend des anciennes races autochtones de la Bretagne et de la Normandie, en France. La vache canadienne est apparentée à la Jersey, à la Guernesey, à la Kerry. Bien que la France ait tenté d'établir ce bétail en Amérique du Nord en 1518, en 1541 et en 1601, c'est de 1608 à 1610 que se firent les premières importations régulières de bovins au Canada. Les descendants de ce bétail fournirent aux pionniers en bêtes de trait, en lait et en viande. Ces bovins, périodiquement accrus par de nouveaux contingents, se multiplièrent entre eux à l'exclusion de toute autre race pendant environ un siècle et demi. Ces bovins, vivant sous de rudes conditions climatiques, ne recevant qu'une alimentation frugale ainsi qu'un minimum de soins, développèrent grâce à la sélection naturelle une rusticité proverbiale. Durant le XIXe siècle, plusieurs personnes influentes au pays recommandèrent l'importation et le croisement des vaches canadiennes avec les races britanniques les plus populaires, sans prendre en compte le sol et les conditions climatiques ainsi que la disponibilité des ressources alimentaires.

(12 h 30)

En 1850, à l'exception de quelques troupeaux d'Ayrshire dans le voisinage des villes et dans les Cantons- de-l'Est, tous les bestiaux étaient de pure race canadienne. Le gouvernement du Québec s'est impliqué financièrement dans le soutien à l'élevage de la canadienne, surtout par l'entremise de son travail d'amélioration de troupeaux de bovins de race canadienne dans trois fermes expérimentales ou des écoles d'agriculture. Ces fermes expérimentales furent celles de Sainte-Anne de la Pocatière, Saint-Hyacinthe et Deschambault. Après plusieurs années de développement à l'École de laiterie à Saint-Hyacinthe, ce troupeau modèle fut amélioré par consanguinité, contrôlé et sélectionné de 1940 à 1970 à la ferme provinciale de Deschambault qui devint plus tard la Station de recherche agricole de Deschambault. De plus, le gouvernement du Québec donna un support technique et financier aux associations d'élevage jusqu'au début de 1990.

Présentement, on estime le nombre de bovins de race canadienne à moins de 2 000 têtes. Arrêtée en 1993, la production d'embryons destinés à la banque génétique de la Société des éleveurs de bovins canadiens a repris en 1997. Cette banque renferme présentement 103 embryons pur-sang de race canadienne issus de 21 mères différentes et de 16 pères différents, dont certains sont toutefois apparentés.

Les données de la Société canadienne d'enregistrement des animaux montrent l'évolution de l'enregistrement de la canadienne durant ce siècle. Au cours de ces dernières années, la canadienne, mieux connue par la publicité, a gagné le support des éleveurs au Québec, en Ontario et dans d'autres provinces intéressées par la conservation génétique. Depuis quelques années, nos éleveurs vendent régulièrement des sujets en Ontario. Plusieurs personnes aux États-Unis et certaines en France sont également intéressées par notre race bovine.

Suite au mouvement en faveur de la conservation génétique et le développement durable qui a été initié lors de la Conférence sur la diversité biologique tenue à Rio en 1992, et qui s'est amplifié suite à la Conférence mondiale sur les ressources génétiques de l'animal domestique tenue à Kingston en 1994, la canadienne connaît, depuis ces dernières années, une popularité grandissante.

Un événement à caractère historique a eu lieu en octobre 1998 avec l'inauguration d'un complexe ferme-fromagerie aux Îles-de-la-Madeleine. Actuellement, la Fromagerie Pied-de-vent utilise le lait cru obtenu d'un troupeau de vaches de race canadienne afin de produire un cheddar en grains ainsi qu'un fromage semi-ferme de type fermier qui est vendu localement et dans les principales villes du Québec. Le lait provient des 60 vaches de race canadienne de la ferme de Jérémie Arsenault. On leur doit le goût particulier du fromage de lait cru. «Nous voulions une race qui se démarque et qui soit assez rustique pour les Îles, explique Vincent Lalonde, propriétaire de la fromagerie. Nous voulions un lait qui se distingue et surtout qui possède des qualités fromagères particulières, notamment en gras et en protéine.» C'est ainsi que s'exprime le propriétaire de la fromagerie.

La canadienne, à cause de ses qualités particulières, est la race bovine qui est la mieux adaptée aux conditions des Îles-de-la-Madeleine. Cette initiative annonce des perspectives intéressantes pour l'élevage de la canadienne dans le créneau de la production fromagère.

Maintenant, M. le Président, j'aimerais quand même vous entretenir de la volaille Chantecler, qui, elle, a été créée en 1918 par le révérend Wilfrid, de la trappe d'Oka, qui, constatant qu'il n'y avait pas de race de volaille québécoise spécialement adaptée à notre climat, a consacré 12 ans de sa vie professionnelle et scientifique à son développement. Il y a 80 ans, la création de la seule race de volaille propre au Québec a constitué un événement d'envergure et propulsé l'aviculture québécoise à l'avant-plan de l'agriculture mondiale. La poule Chantecler est presque disparue à une certaine époque, mais, aujourd'hui, le troupeau est estimé à 3 000 sujets.

Hôte du congrès mondial de l'aviculture à Ottawa, en 1927, l'auteur de la Chantecler parle de l'origine de la poule canadienne en ces termes: «Depuis 20 ans que je m'occupe d'aviculture, je regrettais, jusqu'à ces dernières années, que mon pays n'eut pas de poule canadienne, comme il a son cheval canadien et sa vache canadienne. Il m'a donc semblé qu'une race de volaille non d'origine étrangère et acclimatée, mais vraiment aborigène, possédant, d'une part, les qualités des meilleures races déjà existantes dans le pays et, d'autre part, améliorée, capable de supporter les rigueurs de nos hivers, serait appréciée de tous les aviculteurs canadiens. Mon idéal était donc la création d'une volaille vraiment canadienne, éminemment pratique, ayant sa caractéristique personnelle, son cachet particulier, sans rien de fantaisie ou de bizarre», selon le père Wilfrid.

M. le Président, vous vous demandez sûrement d'où vient le nom de Chantecler. Le frère Wilfrid a voulu qu'elle porte un nom français et il s'est inspiré du roman d'Edmond Rostand, Chantecler . C'est en 1910 que le nom devint illustre, lorsque le célèbre poète Edmond Rostand, membre de l'Académie française, fit représenter son drame symbolique Chantecler . Chanteclerc est un coq héros d'un fabliau dont la trame se déroule tout entière chez les habitants de la basse-cour. Lors de sa création, Chantecler eut un grand succès à Paris.

Peu de temps après, cette pièce fut joué à Montréal. Et le frère Wilfrid dit: «Je travaillais alors à la formation d'un nouveau type de poules mieux adaptées au climat canadien lorsque je lus ces paroles du Chantecler de Rostand: "La terre parle en moi comme dans un conque. Et je deviens, cessant d'être un oiseau quelconque, le porte-voix en quelque sorte officiel par quoi le cri du sol s'échappe vers le ciel."» C'est l'acte II de la pièce Chantecler d'Edmond Rostand. Et le frère Wilfrid poursuit: «Et je crus qu'un nom si profondément français, tout en étant facilement bilingue, conviendrait bien à une race de volailles nées dans un coin de terre où les traditions restaient bien françaises, à l'ombre d'un drapeau britannique.» Et ça, c'est la déclaration du frère Wilfrid, en juillet-août 1944, M. le Président.

Eh bien, après vous avoir entretenu du cheval canadien, de la vache canadienne et de la poule Chantecler, je me permets de vous rappeler, avant de conclure, que l'objet du projet de loi n° 199 est à l'effet de déclarer que ces races animales, associées aux origines historiques et aux traditions agricoles du Québec, font partie du patrimoine agricole du Québec et peuvent être désignées sous le titre de «race patrimoniale du Québec». Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Rimouski de toutes ces explications. Alors, nous allons céder maintenant la parole, pour la suite, au critique officiel de l'opposition, M. le député de Richmond. M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui, merci, M. le Président, pour la prochaine heure, donc. Vous me permettrez d'intervenir à l'intérieur d'un projet de loi qui nous est présenté par la députée de Rimouski et qui, comme elle nous l'indiquait en terminant, vise à institutionnaliser une Loi sur les races animales de patrimoine agricole du Québec.

Alors, évidemment, M. le Président, puisque la députée de Rimouski a négligé de le faire, probablement parce qu'elle manquait de temps, vous me permettrez d'indiquer que j'ai fait quelques recherches. Le mérite d'un pareil projet de loi nous permet au moins, nous donne cette occasion de chercher quelque peu par rapport aux origines de certains élevages au Québec, et donc nous aurons le mérite de voir un peu quelle est la provenance du cheval canadien, de la vache canadienne et également du Chantecler.

Et, M. le Président, dans ma recherche, je n'ai pas pu m'empêcher de voir que c'est un sujet qui a été abordé au dernier... en tout cas au Conseil national du Parti québécois tenu à Trois-Rivières les 24 et 25 avril 1999 et qui se traduit aujourd'hui dans un projet de loi. Et vous comprendrez que je me demandais pourquoi est-ce qu'on mettait autant d'empressement à le présenter au cours d'une période de fin de session. Et j'ai vite compris, en regardant également ce qui se passait du côté du gouvernement fédéral, que le gouvernement du Québec et le ministère de l'Agriculture ont probablement eu peur de se faire croiser au fil d'arrivée par le gouvernement fédéral, qui a lui-même déposé une législation portant sur la reconnaissance du cheval de race canadienne comme cheval national du Canada. Alors, je comprends donc le fait que nous en soyons saisis ici, aujourd'hui.

Et je pourrai lire tout à l'heure, M. le Président, les attendus de ce projet de loi présenté au niveau canadien. Et ça rejoint plusieurs des objectifs que nous poursuivons, nous autres aussi, ici, à l'intérieur du projet de loi que nous avons devant nous.

Vous comprendrez également, M. le Président, qu'étant de l'opposition officielle en cette Chambre j'eus souhaité que le Conseil national du Parti québécois eut mis autant d'attention à d'autres sujets qu'on aurait pu aborder tout aussi rapidement en cette Chambre, avec la contribution de l'opposition officielle. Si, par exemple, en plus de cette proposition visant le cheval canadien, le même Conseil national du Parti québécois avait accouché de propositions visant à réduire les impôts, le fardeau fiscal des Québécois et Québécoises, c'est volontiers également que nous aurions pu contribuer, avec le gouvernement, à soustraire la population à ce poids absolument catastrophique qu'elle subit, en fait le plus lourd en Amérique du Nord, au même titre également que le même Conseil national aurait très certainement pu nous aligner avec des propositions visant à remettre sur ses rails notre système de santé, qui connaît des problèmes extraordinaires. Encore ce matin, notre chef le député de Sherbrooke en parlait en cette Chambre.

(12 h 40)

Et c'est sûr, M. le Président, que, si le gouvernement avait apporté autant d'attention à des propositions visant des secteurs névralgiques de l'économie québécoise et également celui de la santé et celui de l'éducation, nous serions probablement, au même moment que nous nous adressons en cette Chambre, à l'intérieur d'un projet de loi qui a toute son importance, mais il y a très certainement d'autres sujets qui auraient mérité une attention toute particulière du Conseil national. Et il faut espérer, M. le Président, que le même Conseil national aura l'occasion de se pencher sur d'autres types de problèmes et que le gouvernement donnera aussi rapidement suite aux intentions manifestées par les militants du Parti québécois.

Alors, j'ose espérer, M. le Président, que le message pourra se rendre et que nous pourrons tous et toutes profiter d'une autre expertise du Conseil national, celle-là dans d'autres secteurs d'activité qui me paraissent être tout aussi et sinon plus importants que des sujets comme celui que nous discutons ce matin mais qui mérite quand même que nous nous y attardions quelques minutes.

La députée de Rimouski a fait un bon tour de piste, honnêtement, de ce que représentent le cheval canadien de même que la vache canadienne et de même que le Chantecler. La députée s'est inspirée, je dois dire, à peu près des mêmes sources d'information dont je disposais, donc je vais vous faire grâce de plusieurs notes que j'avais sorties sur le sujet. Vous me permettrez néanmoins de revenir... Je vais commencer dans le même ordre que la députée de Rimouski l'a abordé.

Et je vois, M. le Président, l'entrée du premier ministre en cette Chambre. Je suis sûr qu'il sera absolument attentif à nos propos sur un projet de loi aussi important pour le patrimoine animal du Québec. Je suis sûr qu'il sera tout ouïe par rapport aux propos que je vais tenir.

Il sera certainement intéressé de savoir aussi que je venais tout juste de dire que le Québec a failli se faire croiser au fil par le gouvernement fédéral, qui a déposé un projet de loi qui s'appelle le projet de loi C-390 – et je le lis, M. le Président, parce qu'il y a des choses là-dedans qui nous rejoignent également – qui est une loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada. Et on y dit:

«Attendu que le cheval de race canadienne a été amené au Canada en 1665, lorsque le roi de France a fait parvenir des chevaux de ses propres écuries aux habitants de sa colonie d'Amérique du Nord;

«Que les chevaux de race canadienne se sont multipliés au cours du siècle suivant de sorte qu'ils sont devenus une aide inestimable pour les colons dans leur volonté de survivre et de prospérer dans leur nouvelle patrie;

«Que tous les Canadiens qui ont connu le cheval de race canadienne en ont loué les qualités de force, d'endurance et de capacité de récupération élevée, de même que l'intelligence et le calme qui distinguent cette race;

«Que le cheval de race canadienne a failli disparaître par croisement ou par exposition aux risques de guerre, mais qu'il a échappé à ces périls;

«Que, depuis 1885 jusqu'à nos jours, de plus en plus de mesures ont été mises en oeuvre avec succès afin de restaurer et préserver cette race canadienne de chevaux – et finalement;

«Que le gouvernement du Canada souhaite reconnaître la place exceptionnelle de la race canadienne de chevaux dans l'histoire du Canada.»

Alors, M. le Président, évidemment, l'histoire du Québec est partie prenante de l'histoire du Canada, et, donc, c'est sûr que, de ce côté-ci de la Chambre, il nous fera plaisir de souscrire à ce projet de loi. Et, en particulier, en autant que le cheval canadien est concerné, celui que l'on qualifiait de «petit cheval de fer» du Canada, je pense que c'est là un surnom qui témoigne bien de la nature de ce cheval, de sa capacité d'adaptation, également de tous ces services qu'il a pu rendre au fil du temps aux Québécois et aux Québécoises, ce qui fait en sorte qu'aujourd'hui même certains établissements d'éducation... Par exemple, l'Institut de technologie agricole, à La Pocatière, a actuellement un centre équestre où se donnent des cours qui sont très prisés par les jeunes Québécois et Québécoises et, on me dit, plus particulièrement par les jeunes Québécoises, qui suivent beaucoup de cours équestres à l'ITA de La Pocatière, donc un centre de formation qui est de plus en plus renommé, qui est encouragé aussi par le gouvernement du Québec et qui, je l'espère, pourra continuer son travail auprès de notre jeunesse québécoise.

Il y a une partie du texte que j'avais, M. le Président, qui n'a pas été lue par la députée de Rimouski concernant les caractéristiques du cheval canadien. Je vais peut-être vous en lire quelques-unes qui ajoutent un peu à la description qu'elle a faite. On nous dit que le cheval canadien a des formes symétriques et beaucoup d'élégance dans le port et la démarche. Sa conformation révèle sa facilité d'entretien et sa grande valeur économique. Son allure dénote beaucoup d'énergie et d'ardeur. Il est résistant, courageux, ne se désiste jamais au travail. Très rustique, il peut être utilisé pendant de longues périodes sans montrer de signes de fatigue.

Alors, M. le Président, je pense que ces quelques caractéristiques témoignent du caractère de ce cheval. Le cheval canadien d'aujourd'hui est celui qui se rapproche le plus du type idéal à toutes fins tant demandé aujourd'hui sur nos fermes d'amateurs, faut-il le préciser, M. le Président. Il peut aussi bien être affecté aux travaux de la ferme qu'être utilisé comme cheval de promenade et de chasse à courre. De plus en plus, il est recherché par les adeptes du sport de l'équitation à cause de son courage, de son physique résistant et de sa docilité.

C'est donc dire qu'en plus de la reconnaître comme race du patrimoine animal québécois cette race chevaline me semble présenter un avenir tout à fait prometteur compte tenu de ses caractéristiques et des besoins des amateurs québécois, qui reconnaissent en ce cheval beaucoup de qualités et peut-être la principale qui est celle de pouvoir s'adapter à toutes sortes de situations et, je dirais, un cheval aux caractéristiques très diversifiées qui peut servir à plusieurs usages même à l'intérieur du Québec moderne, du Québec de demain, donc un cheval très polyvalent qui, j'en suis persuadé, va continuer d'être au service du Québec.

M. le Président, il y a une autre race animale qui est reconnue à l'intérieur du projet de loi que nous avons, c'est la race bovine connue sous le nom de vache canadienne. Alors, voici une autre race qui se distingue, au Québec, la vache canadienne, qui a été témoin des premiers colons, un peu comme le cheval dont on vient de parler. On raconte que la vache canadienne aurait voyagé aux côtés de Samuel De Champlain pour aborder chez nous entre 1608 et 1660, à l'époque de la Nouvelle-France. Descendante des anciennes races bretonnes et normandes, elle serait la première race bovine à être développée en Amérique du Nord. Associée de près à la colonisation du Canada français, elle domine les élevages de bovins jusqu'au début du XIXe siècle. Plus tard, la race est menacée par l'introduction – on le disait tout à l'heure – de races britanniques, avant d'être prise en main en 1883 par un noyau d'éleveurs.

Aujourd'hui, on retrouve la race canadienne principalement au Québec. Elle parade une robe qui peut être noire, brune, fauve ou rousse. On dit que la couleur de sa robe, sa peau généralement pigmentée noire ainsi que son poil luisant et fin lui permettent de bien s'adapter au climat chaud et ensoleillé de nos étés québécois. La canadienne est reconnue pour sa forte rusticité et sa facilité d'adaptation au sol et au climat hospitalier du Québec mais inhospitalier en certaines périodes, au niveau de la température, M. le Président. De plus, son lait est recherché pour la production de fromage.

On voit, M. le Président, dans ces deux animaux, autant le cheval dont on a parlé et cette vache canadienne, qu'ils ont pris pied au Québec, en particulier à cause de leur grande capacité de s'adapter dans un territoire qui n'était pas facile, il faut le dire, avec les variations de température qu'on connaît ici, et également à cause de la rusticité, autant du cheval dont on a parlé que de la vache canadienne.

(12 h 50)

Il faut dire également, M. le Président, que cette vache canadienne a eu sa part de difficultés. J'avais ici des notes historiques qui prendraient beaucoup trop de temps à vous lire et qui tracent une histoire difficile pour la vache canadienne, puisque cette race bovine... qui est d'ailleurs la plus vieille race bovine de l'hémisphère ouest, il faut le dire, hein: la vache canadienne est la plus vieille race bovine de l'hémisphère ouest. Elle descend donc – comme on l'indiquait tantôt – des races autochtones de la Bretagne et de la Nouvelle-France.

M. le Président, la part de difficultés qu'a connues cette race bovine est maintenant compensée par la détermination de ceux qui l'ont conservée. Je pense qu'il faut en particulier rendre un hommage à la Société des éleveurs de bovins du Canada qui ont fait beaucoup pour la conservation de cette race canadienne, de cette race bien implantée au Québec. Il faut dire qu'elle s'inscrit à l'intérieur de beaucoup d'autres troupeaux, à l'intérieur d'un grand cheptel québécois de plusieurs autres races laitières, soit la race Holstein, la race Ayrshire, la Suisse brune, la Jersey et quelques autres.

Il faut dire évidemment qu'elle est aux prises avec des races très, très populaires comme la Holstein qui compose plus de 85 % du cheptel québécois. Faut-il mentionner qu'il y a plusieurs facteurs qui sont à la base des problèmes qu'a connus la vache canadienne, dont l'importation de races étrangères, plus particulièrement de races en provenance de Grande-Bretagne et des États-Unis, puisque beaucoup de transactions ont été faites pour bâtir les troupeaux québécois à partir de bêtes en provenance de ces deux pays qui, surtout à cause de leur grande capacité, de leur grand pouvoir économique, ont pu littéralement envahir certains marchés, dont le nôtre, avec des races qui sont très performantes aujourd'hui, dont on est bien fier, mais qui ont, au fil du temps, remplacé très largement la race canadienne.

Il faut dire également que tout notre système de contingentement, les quotas que nous avons, a longtemps pénalisé les races, dont la canadienne, qui produisaient un lait avec fort contenu en solides, d'où la popularité pour la Holstein, qui présentait une qualification de lait qui permettait de rencontrer davantage le système de contingentement canadien et qui a fait en sorte que beaucoup de gens se sont tournés vers la vache Holstein, d'autres vers la Ayrshire, afin de faire de nos troupeaux des troupeaux très largement composés d'autres races que la race canadienne.

M. le Président, je voudrais, en terminant, sur la question de la vache canadienne, peut-être vous indiquer, vous donner une idée d'un aperçu du cheptel québécois. On estime présentement le nombre de bovins de race canadienne à moins de 2 000 têtes. Alors, c'est très peu, M. le Président, en pensant qu'aujourd'hui la majorité du cheptel de la canadienne porte une certaine proportion de sang de race suisse brune. Parce qu'on sait qu'il y a eu des croisements importants, à une certaine période historique dont je vous ai fait grâce tantôt, qui font en sorte qu'aujourd'hui notre race canadienne porte une certaine proportion de sang de la race suisse brune.

Et, M. le Président, quand on vous parlait de l'avenir de la race tantôt, bien, je pense que l'implantation, aux Îles-de-la-Madeleine, de la race canadienne – un troupeau complet de 30 têtes, m'indique-t-on – au mois d'octobre dernier, témoigne de la capacité qu'on a au Québec et aussi de la volonté que nous avons de conserver ce patrimoine exceptionnel. On n'a pas le temps, ici, en cette Chambre, aujourd'hui, qui doit se terminer vers 13 heures, M. le Président, dans quelques minutes, mais il y a toute une histoire qui sous-tend, un historique important qui sous-tend le bien-fondé du projet de loi que nous avons devant nous. Je pense qu'il s'agit là d'une belle initiative.

On aura certainement l'occasion, en commission parlementaire, de vérifier avec le gouvernement du Québec quelles seront les retombées réelles de ce projet de loi en termes de stimulation pour les races qui sont mises à l'honneur à l'intérieur du projet de loi. Parce que je pense bien qu'il ne faudrait pas convenir qu'il suffit de le faire ici, en cette Chambre, pour que ce soit automatique, afin que ces races-là soient... qu'on en fasse la promotion non seulement ici, mais également à l'extérieur, au niveau des exportations également.

M. le Président, même si des fois ça peut nous porter à sourire, faut-il mentionner que la vache est un symbole de la terre nourricière, en particulier, je dirais, ici, au Québec. Alors, c'est également un secteur économique très important. Et, en ce sens, c'est un argument additionnel pour moi afin de souscrire à cette loi, à ce projet de loi que nous avons devant nous. Et nous aurons l'occasion sûrement, M. le Président, à l'intérieur des travaux en commission, de questionner davantage le gouvernement par rapport aux objectifs réels qu'il poursuit en termes d'avantages qui pourraient être procurés aux différentes races animales qui sont l'objet du projet de loi, dont celle du Chantecler.

M. le Président, faut-il rappeler qu'au Québec l'élevage de la volaille, comme on le connaît, à pris un certain temps à démarrer. L'élevage de la volaille, que ce soit pour la chair ou pour les oeufs, n'était pas quelque chose de populaire, au Québec. C'est aussi un élevage qui a eu sa part de difficultés. Et l'agriculture a suscité peu d'intérêt avant la fin du XIXe siècle. C'est vers 1910 que l'agriculture expérimentale a remplacé graduellement l'élevage artisanal par l'introduction de races pures, l'incubation artificielle, l'amélioration des poulaillers, les rations balancées et l'organisation du commerce des oeufs et des volailles.

En 1919, le frère Wilfrid, de la trappe d'Oka, présente la première race créée en terre canadienne, le Chantecler. L'ère des couvoirs débute en 1931, et, dès 1935, le sexage des poussins d'un jour est introduit au Québec. Dorénavant, les oeufs d'incubation seront à la base de l'approvisionnement en poussins des agriculteurs québécois. C'est vous dire, M. le Président, qu'il y a tout un historique qui est relié aux races animales que nous honorons aujourd'hui.

Lors de la guerre de 1939-1945, le Canada s'engage par contrat à expédier à l'Angleterre plusieurs dizaines de millions de douzaines d'oeufs et de chair de volaille. Cet engagement devra contribuer au développement de l'agriculture du Québec. On augmente les troupeaux, on construit et on rénove les poulaillers, les couvoirs sont en pleine expansion. Au même moment, s'organise la production commerciale de dindonneaux.

Alors, c'est vous dire, M. le Président, que, quand on présente des projets de loi comme celui que nous avons devant nous, parfois on est porté un peu à trouver que ça fait partie du folklore, mais il y a beaucoup de choses à l'intérieur de ce projet de loi là. Et je pense que le temps que nous y avons accordé témoigne de son importance. Et c'est avec beaucoup d'empressement que nous nous dirigerons je ne sais trop quand en commission parlementaire afin de questionner davantage le gouvernement. Et, d'ores et déjà, M. le Président, il me fait plaisir de conquérir...

Et souvent on se demande comment l'opposition peut jouer un rôle constructif. Nous le faisons aujourd'hui, M. le Président, en indiquant d'ores et déjà au gouvernement que nous travaillerons avec lui à ce projet de loi en commission parlementaire et éventuellement pour son adoption en cette Chambre, volontiers, compte tenu qu'il rejoint une bonne partie des objectifs que nous poursuivons également de ce côté-ci de la Chambre. Et permettez-moi de féliciter Mme la députée de Rimouski de son initiative.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Richmond et critique officiel de l'opposition en matière d'agriculture. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 199? Le principe du projet de loi n° 199, Loi sur les races animales du patrimoine agricole du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Boisclair: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour son étude détaillée et pour que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation en soit membre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, considérant l'heure, nous allons suspendre nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 15 h 4)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci. Alors, je vous souhaite un bon après-midi. Et si vous voulez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement, pourriez-vous m'indiquer à quel article vous allez m'appeler aux affaires du jour?

M. Boisclair: Je vous appelle à l'article 4, M. le Président.


Projet de loi n° 87


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 4. Alors, Mme la ministre responsable de l'application des lois professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives. Alors, Mme la ministre de la Justice, je vous écoute attentivement.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 87, dont le principe est proposé aujourd'hui, a pour but de répondre à plusieurs questions qui se sont posées au fil des ans sur l'application ou l'interprétation des diverses dispositions du Code des professions et des autres lois professionnelles. Le système professionnel québécois, dont on célèbre cette année le 25e anniversaire, est un ensemble complexe de règles et d'institutions dont la constitution, en 1973, révélait l'inspiration du législateur. Il a su mettre en place un ensemble largement décentralisé, orienté vers la protection du public, mais aussi fondé sur des principes d'autogestion, d'autoréglementation et d'autodiscipline.

J'aimerais rappeler que si, en 1973, cet ensemble est apparu adapté et même largement précurseur des domaines d'intervention législative de l'État, les dispositions qui fondent son organisation doivent correspondre à l'état de la société. En effet, les connaissances, les normes et les situations connaissent des changements de plus en plus profonds et rapides, c'est pourquoi il est nécessaire d'actualiser les règles en fonction des changements qui surviennent, et ce, avec plus de célérité possible.

Dans cet esprit, les ministres responsables de l'application des lois professionnelles qui se sont succédé ont périodiquement proposé des modifications ponctuelles aux multiples dispositions du droit professionnel. On se souvient du projet de loi n° 454, déposé en juin 1998, dont l'objectif était essentiellement le même. Depuis, différents mémoires ont été présentés à la commission des institutions en vue des auditions initialement prévues pour l'automne 1998. C'est à la lumière de ces nombreux mémoires que le projet de loi d'alors a été réexaminé puis modifié sur certains aspects pour donner lieu au projet de loi n° 87 que nous traitons aujourd'hui.

Signalons en outre que de nouvelles mesures se sont ajoutées, toujours dans le but de faciliter l'administration du système professionnel. Au-delà des nombreux aménagements de nature technique que contient le projet de loi, on peut noter certaines dispositions plus substantielles dont je donnerai quelques exemples.

Un premier exemple de mesure significative apportée par le projet de loi n° 87 concerne la permission accordée au bureau d'un ordre professionnel de déterminer par règlement les cas où les professionnels devront suivre des activités de formation continue. Il est communément admis, par souci de protection du public, d'inciter les professionnels à se tenir au fait des récents développements reliés à leur domaine d'activité, et ce, pour le grand intérêt de la population.

Notons que de nombreux ordres professionnels ont demandé de rendre obligatoire la formation continue de leurs membres. En juin 1996, l'Office des professions remettait au gouvernement un avis proposant d'octroyer au bureau d'un ordre professionnel le pouvoir d'imposer par règlement des activités structurées de formation continue lorsqu'elles sont jugées indispensables pour la protection du public. Tous les ordres professionnels, le Conseil interprofessionnel du Québec, le ministère de l'Éducation, celui de la Santé et des Services sociaux de même que plusieurs autres organismes ont été consultés sur le projet d'avis de l'Office des professions sur la formation continue obligatoire. En écho à l'avis de l'Office, la presque totalité des organismes consultés ont accueilli...

M. Bergman: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Bergman: Est-ce que je peux vous demander s'il y a quorum ici, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais vérifier, à votre demande. Alors, qu'on appelle les députés.

(15 h 9 – 15 h 12)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives, et je vais permettre à Mme la ministre de la Justice de poursuivre son intervention.

Mme Goupil: Merci, M. le Président. Alors, je ne recommencerai pas, je vais continuer, poursuivre. Pour les gens qui nous écoutent, évidemment, c'est des choses qui arrivent, et ils doivent parfois avoir de la difficulté à comprendre, mais on leur expliquera un jour peut-être.

Alors, concernant le projet de loi n° 87, en écho à l'avis de l'Office, la presque totalité des organismes consultés ont accueilli favorablement ce projet. Plusieurs ont exprimé le souhait que l'encadrement réglementaire permette toutefois une certaine souplesse. La solution avancée dans le présent projet de loi a plusieurs avantages, notamment de prévenir le déphasage professionnel tout en respectant la situation particulière de chaque ordre professionnel au regard des besoins spécifiques de formation continue de ses propres membres.

Par ailleurs, en vue de trouver une formule appropriée à la problématique du titre de docteur, il vous est proposé de modifier le Code des professions afin de permettre aux détenteurs d'un diplôme de doctorat donnant ouverture à un permis ou à un certificat de spécialiste de porter le titre de docteur immédiatement avant leur nom et de les obliger à indiquer, immédiatement après leur nom, en toutes lettres, le titre qui leur est réservé. Compte tenu de l'usage de ce titre par les médecins, les médecins vétérinaires et les dentistes, il n'est pas nécessaire de modifier les règles qui régissent déjà ces trois professions quant au port de ce titre.

Nous résumerons la problématique de la façon suivante. Le législateur n'a pas réservé l'utilisation du titre de docteur à qui que ce soit. Toutefois, depuis 1974, certaines lois professionnelles ont pour effet d'interdire spécifiquement aux audioprothésistes, aux chiropraticiens, aux denturologistes, aux optométristes, aux opticiens d'ordonnance, aux pharmaciens et aux podiatres d'utiliser le titre de docteur avant leur nom. Notons que la loi leur permettait de faire suivre leur nom du titre de docteur à condition d'y associer le titre de la discipline dans laquelle ils avaient obtenu leur doctorat.

Cette disposition visait à éviter une confusion auprès du grand public. Personne ne devait laisser croire indûment qu'il était membre du Collège des médecins, de l'Ordre des dentistes ou de l'Ordre des médecins vétérinaires. En faisant remarquer que l'ensemble ou une partie de leurs membres détiennent un doctorat, certains ordres ont demandé des modifications législatives afin que soit supprimée l'interdiction qui était faite à leurs membres d'utiliser le titre de docteur avant leur nom. Il convient, fait-on valoir, de ne pas restreindre indûment la liberté d'expression et en particulier la liberté d'utiliser un titre académique décerné par des institutions d'enseignement dûment reconnues. Après évaluation de la situation à cet égard, il apparaît non seulement possible, mais même souhaitable de permettre aux professionnels détenant un diplôme de doctorat qui donne ouverture à un permis ou à un certificat de spécialiste de porter ce titre immédiatement avant leur nom. Nous devons toutefois demeurer attentifs en tentant d'éviter la confusion avec d'autres professionnels déjà autorisés à porter le titre de docteur avant leur nom. Et c'est dans cet esprit que les professionnels autorisés en vertu de cette nouvelle disposition devront indiquer, immédiatement après leur nom et en toutes lettres, le titre qui leur est réservé. Il convient également d'indiquer que tout autre professionnel détenteur d'un doctorat pourra l'indiquer immédiatement après son nom, à la condition qu'il mentionne aussi la discipline dans laquelle il détient ce doctorat.

Notre attention a également été attirée sur une situation de fait nécessitant certains ajustements en regard de la réalité contemporaine. Chez nos voisins, les consommateurs peuvent se procurer des lunettes de lecture prêtes à porter dans les pharmacies de même que dans les marchés aux puces. Cette pratique a fait naître au Québec un débat sur le risque qui pourrait résulter d'un manque de contrôle de ce commerce. En fait, il ressort des études et des consultations à ce sujet que ces lunettes ne font courir aucun risque pour la santé ou pour la vue et qu'il n'est pas justifié de maintenir la restriction établie par la loi. Par ailleurs, la vente libre représenterait un avantage économique pour le grand public. À titre de précaution toutefois, il nous est apparu opportun de préciser dans la loi que ces lunettes doivent se situer entre 0,5 et 3,25 dioptries positives. Le seuil inférieur garantira qu'il s'agit bien de lentilles à effet convergent seulement, donc à l'usage des presbytes. La limite supérieure tiendra compte du risque lié à l'effet grossissant et avec la marge de tolérance prévue, assurant que ces lunettes ont une puissance inférieure à quatre dioptries. Cette limite fait consensus, M. le Président. La solution qui est retenue présente donc l'avantage d'éliminer une restriction indue.

Par l'exemple suivant, la situation des podiatres se voit, quant à elle, clarifiée à la suite des précisions en ce qui a trait au statut d'un podiatre qui fabrique, transforme, modifie ou vend en cabinet de consultation une orthèse podiatrique dans le cadre de traitements qu'il administre à un client recourant directement à ses services professionnels.

Un débat s'est par ailleurs engagé sur le fait qu'un podiatre dans une telle situation est réputé exploiter un laboratoire au sens de la Loi sur la protection de la santé publique, ce qui le met dans l'obligation de posséder un permis pour ce faire. Son droit d'obtenir un tel permis est lui-même contesté. Alors, la protection du public ou la nature de l'intervention des podiatres quant aux orthèses ne paraissent pas justifier qu'ils soient soumis à une telle contrainte. Le projet soustrait donc les podiatres à l'obligation de détenir un permis d'exploitation de laboratoire lorsqu'ils agissent dans le cadre de traitements donnés à leurs clients dans leur cabinet.

Notre prochain exemple concerne une autre disposition, touchant les laboratoires de fabrication ou de réparation de prothèses dentaires. Cette disposition prévoit que de tels laboratoires devront être dirigés exclusivement par une personne titulaire d'un permis de laboratoire de prothèses dentaires, permis qui est délivré par un ordre professionnel en vertu de normes que pourra fixer l'Office des professions du Québec.

Au regard de ces dispositions, précisons que le règlement d'application de la Loi sur la santé publique a été modifié en 1975 pour prévoir qu'un laboratoire dentaire devrait être dirigé par un membre de l'Ordre des techniciennes et techniciens dentaires du Québec ou de l'Ordre des denturologistes du Québec. Toutefois, ces dispositions relatives aux laboratoires dentaires ont été abrogées en 1983. À la suite de cette abrogation, les professionnels du secteur dentaire ont fait valoir que l'absence de ces dispositions anciennes pourrait avoir de dangereuses conséquences pour le public. On dénonçait l'absence grandissante d'uniformité dans les normes de qualité appliquées lors de la fabrication ou de la réparation de prothèses dentaires au Québec, ce qui compromettait la qualité des produits destinés à la population.

(15 h 20)

Notre préoccupation de protection du public amène donc à prévoir qu'un laboratoire de fabrication ou de réparation de prothèses dentaires devrait être dirigé, et ce de façon exclusive, par une personne titulaire d'un permis de laboratoire de prothèses dentaires qui, lui, est délivré par un ordre professionnel en vertu de normes que fixera l'Office des professions du Québec. Cette nouvelle obligation, qui ne vise que le directeur du laboratoire, à l'exclusion des employés, permettra un meilleur contrôle des règles d'asepsie et de salubrité par le respect de règles de déontologie et le recours à l'inspection professionnelle, et ce, toujours pour un meilleur contrôle de qualité de l'ensemble des prothèses fabriquées au Québec.

Nous terminerons cette revue des principaux changements apportés par le projet de loi n° 87 par une disposition qui concerne l'inspection professionnelle. Sans entrer dans les détails d'une situation assez technique, rappelons que le comité d'inspection professionnelle d'un ordre est chargé de la surveillance de l'exercice de la profession par les membres de l'ordre. Ainsi, de son propre chef ou à la demande du bureau, le comité peut enquêter sur la compétence professionnelle d'un membre. Le comité fait alors rapport au bureau et émet des recommandations qu'il juge appropriées. Le bureau ou encore le comité administratif peut par la suite obliger le membre concerné à entreprendre un stage ou à suivre un cours de perfectionnement, ou les deux à la fois.

En observant la pratique, on constate que cette procédure occasionne des difficultés de fonctionnement liées à certains conflits de rôles, à des délais dus à la lourdeur du processus ou, enfin, à la difficulté de développer ou de maintenir une expertise stable, nécessaire afin de rendre une décision en ce domaine. C'est pourquoi il convient de modifier le Code des professions afin de permettre aux ordres professionnels de modifier au besoin les pouvoirs du Service d'inspection professionnelle et du comité d'inspection professionnelle. Les nouvelles dispositions permettront au comité de rendre des décisions exécutoires et à la personne responsable de l'inspection professionnelle d'exercer les pouvoirs actuellement dévolus au comité.

Voilà donc, M. le Président, pour l'essentiel, les dispositions substantielles du projet de loi n° 87 dont je vous propose aujourd'hui l'adoption de principe. Et, comme vous l'aurez constaté, il y a là une série de mesures qui ne remettent absolument pas en question ni l'économie générale du système professionnel ni les principes qui les sous-entendent. Il s'agit, comme nous le faisons depuis maintenant 25 ans, d'apporter de temps à autre des ajustements permettant à nos règles et à nos institutions professionnelles de concourir le mieux possible au maintien et au développement de la compétence et de l'intégrité des membres par un fonctionnement optimal des mécanismes prévus en ce sens.

Certes, le système professionnel nécessite parfois des adaptations plus importantes. Voilà l'objet du plan d'action que j'ai rendu public le 26 novembre dernier et qui comporte, en six projets, des moyens de dégager et de promouvoir une meilleure connaissance des enjeux qui s'attachent à la mission de protection du public et de répondre aux pressions que l'évolution de notre société impose à nos 44 professions et à leurs organisations. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre de la Justice et ministre responsable de l'application des lois professionnelles, de votre intervention.

Je veux informer les membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives. Et je vais céder la parole maintenant au porte-parole de l'opposition officielle en matière d'application des lois professionnelles et député de D'Arcy-McGee. M. le député, je vous écoute attentivement.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de m'adresser à vous aujourd'hui à l'occasion de l'adoption du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives, an Act to amend the Professional Code and other legislative provisions.

M. le Président, il s'agit, si on se fie aux remarques préliminaires contenues au projet de loi, de dispositions visant à modifier le Code des professions et d'autres dispositions afin de rendre l'administration de notre système professionnel plus facile et d'assurer l'harmonisation, la cohérence et la concordance entre le Code des professions et les autres lois professionnelles.

Également, M. le Président, les remarques préliminaires nous indiquent que, par ce projet de loi, les règles relatives à certains titres, à la délivrance des permis, aux recours conférés par le Code des professions et certaines lois professionnelles, à la procédure applicable à certains règlements, aux enquêtes liées au fonds d'indemnisation, à la procédure devant le comité de discipline et le Tribunal des professions, à l'inspection professionnelle ainsi qu'à la composition du comité de révision sont modifiées.

Toujours suivant ces remarques, M. le Président, nous apprenons que la formation continue, les stages et les cours de perfectionnement font également l'objet de dispositions dans ce projet de loi n° 87, alors que le bureau d'un ordre professionnel se voit accorder plus de pouvoirs en ces matières.

Le projet de loi prévoit l'interdiction de cumuler des fonctions de président et de secrétaire au sein d'un ordre professionnel.

Finalement, on édicte que le projet de loi n° 87 modifie ou précise les règles relatives à l'exercice de certaines activités dont la vente, sous certaines conditions, de lunettes de lecture prêtes à porter, au droit des podiatres de fabriquer, transformer, modifier ou vendre des orthèses podiatriques et régit les conditions d'exploitation d'un laboratoire de prothèses dentaires.

Comme on peut le constater, M. le Président, ce projet de loi touche plusieurs aspects de notre système des professions et, par le fait même, aura des conséquences sur les activités des 44 ordres professionnels qui le composent. Bien que ce projet de loi mentionne que seulement 18 lois seront modifiées par ce projet, vous conviendrez avec moi que l'ensemble des ordres professionnels seront affectés, puisque le Code des professions qui les régit est lui-même profondément touché par ces dispositions. Nous devons donc être vigilants et prudents dans l'adoption des mesures visant à modifier le Code des professions et d'autres dispositions législatives, dont, parmi elles, près d'une vingtaine de lois constitutives des ordres professionnels, parce qu'il faut bien se rappeler que les ordres regroupent 225 000 et plus de professionnels du Québec.

J'aimerais vous faire remarquer, M. le Président, que nous retrouvons au présent projet de loi n° 87 plusieurs dispositions exactement identiques à celles qui se retrouvaient dans l'ancien projet de loi n° 454, déposé en 1998 mais qui ne dépassa jamais le stade de sa présentation, et qui visait lui aussi à modifier le Code des professions et autres dispositions législatives. Néanmoins, je me réjouis de constater que la ministre de la Justice et responsable de l'application des lois professionnelles n'est pas restée insensible et a tenu compte de quelques-uns des commentaires contenus aux mémoires déposés par les ordres professionnels et autres organismes à l'occasion de l'étude du projet de loi n° 454. J'aimerais vous rappeler qu'à cette époque j'avais demandé au ministre de tenir des auditions publiques, mais qu'il avait refusé, parce que je croyais, et je le crois toujours, qu'il était important de connaître les opinions des divers organismes et des utilisateurs de services de ces professionnels sur des questions qui les touchent de près et qui auront des conséquences importantes pour le futur.

Lors de notre étude du présent projet de loi, nous devrons conserver trois éléments essentiels, le premier étant de nous assurer que les dispositions qui pourraient être mises en vigueur par l'éventuelle adoption de ce projet de loi ne viendront pas entraver le fonctionnement du système professionnel québécois, mais, au contraire, permettront d'en faciliter l'existence et l'application. Deuxièmement, de la même façon, il faudrait se demander si ces milliers de travailleurs professionnels regroupés en ordres et ceux qui dans l'avenir voudront s'y joindre ainsi que les membres composant les bureaux qui doivent veiller à l'application des nombreuses dispositions législatives verront leurs activités et conditions d'exercice rendues plus difficiles ou, au contraire, améliorées par ce projet de loi. Notre rôle ici, à l'Assemblée, n'est pas de créer des tensions au sein des divers ordres, mais plutôt d'encourager une cohabitation harmonieuse.

(15 h 30)

Finalement, il faudra veiller à la protection du public. Il ne faudra surtout pas penser que, si j'ai gardé la troisième place pour cet élément, c'est parce que je le considère moins important. Au contraire, M. le Président. Si j'ai gardé la protection du public en dernier, c'est plutôt pour m'y attarder un peu plus longuement. Depuis que j'ai eu l'honneur d'être nommé responsable de l'application des lois professionnelles par le chef de l'opposition officielle, je me suis fait un devoir, à chaque fois que nous avons travaillé sur un dossier, et ce, au risque de me répéter, de dire que notre mission première était et demeure la protection du public. Notre rôle est donc très important.

Est-ce que vous réalisez, M. le Président, que les professions exercées par nos 225 000 professionnels touchent l'ensemble des champs d'activité nécessaires au fonctionnement d'une saine société? Que l'on pense seulement, pour ne nommer que ceux-là parce que la liste serait trop longue, aux domaines de la santé, des services sociaux, de l'habitation, du système juridique, des sciences, de la technologie, et l'on comprendra que tous les aspects de notre vie de tous les jours sont intimement liés à notre système des professions.

Pour la population du Québec et d'ailleurs à l'étranger, le recours au système professionnel québécois doit demeurer comme il est aujourd'hui, synonyme de standards élevés de compétence, de rigueur, d'honnêteté et d'intégrité. Les ordres professionnels sont notre gage de confiance et de sécurité envers les professionnels.

D'ailleurs, M. le Président, il me fait toujours plaisir de vous rappeler que c'est en 1973 qu'un ministre du gouvernement libéral s'est levé dans cette Chambre pour proposer un ensemble législatif qui allait doter le Québec de règles et d'institutions propres à protéger le public dans le domaine professionnel. Je suis fier de vous dire que ce ministre, M. le Président, était M. Robert Bourassa. Le projet de M. Bourassa était de confier à des professionnels constitués en ordres le mandat de maintenir les conditions essentielles de cette protection du public, à savoir: le contrôle de la compétence des professionnels, la vérification de leur pratique, l'élaboration de l'application du code de déontologie qui fixerait les règles fondamentales de comportement, et enfin un dispositif d'enquête et de discipline permettant aux ordres professionnels de sanctionner les manquements de leurs membres. M. le Président, M. Bourassa a doté le Québec d'un système composé de partenaires importants, tels que le Conseil interprofessionnel et l'Office des professions du Québec, qui a fait ses preuves et a servi d'exemple à nos voisins Canadiens et Américains.

Nous avons donc, grâce à un gouvernement libéral, un système professionnel de qualité qui fait envie partout dans le monde, et nous pouvons être fiers qu'il se soit donné comme mission principale de s'assurer que chaque ordre professionnel respecte son mandat de protection du public.

Est-ce que c'est bien, cependant, le respect de cette mission que nous propose la ministre avec son projet de loi n° 87? Est-ce que ce projet de loi vient clarifier certaines dispositions? Des questions que j'aurai d'ailleurs l'occasion de poser à la ministre lors de l'étude du projet de loi n° 87 en commission parlementaire.

M. le Président, tout comme les 44 ordres qui sont régis par le Code des professions, je souhaite la modernisation de notre système professionnel pour l'adapter aux réalités économiques et sociales en favorisant l'évolution des professions et pour permettre ainsi l'utilisation optimale des ressources professionnelles existantes.

M. le Président, effectuons maintenant un survol de ce projet de loi n° 87. L'article 4 du projet de loi vient abroger l'article 44 du Code des professions, qui, dans sa forme actuelle, se lit comme suit, et je cite: «Un ordre ne peut refuser de délivrer un permis à une personne pour le motif qu'elle ne possède pas la citoyenneté canadienne, si elle a été légalement admise au Canada pour y demeurer en permanence.» Fin de citation.

Bien que l'abrogation de cet article ait des retombées positives en ce qu'elle facilite la mobilité de la main-d'oeuvre dans un contexte de globalisation des marchés et du libre-échange en Amérique du Nord, il faut cependant s'interroger sur la façon dont nous pourrons nous assurer que la protection du public n'est pas en danger lorsque des professionnels pourront exercer ici ou à l'étranger sans avoir l'obligation d'être domiciliés ou résidents du Canada.

En conséquence, M. le Président, un individu qui remplirait tous les critères d'admission d'un ordre professionnel du Québec et qui demeurerait dans un pays étranger pourrait se désigner, dans son pays d'origine ou ailleurs, et ce, sans même pratiquer au Québec, comme faisant partie de cet ordre professionnel en question. Comment alors, M. le Président, l'ordre professionnel du Québec auquel appartiendrait un tel membre pourrait-il effectuer ses obligations de surveillance et d'inspection professionnelle à l'égard de celui-ci? Qu'arriverait-il si un ordre professionnel avait plusieurs membres de cette catégorie? Je suis anxieux de connaître les réponses de la ministre à cet égard.

M. le Président, l'article 8 du projet de loi n° 87 procède à l'insertion au Code des professions de l'article 58.1 qui vise l'utilisation par certains professionnels, et sous certaines conditions, du titre de docteur ou de son abréviation. Il est spécifié cependant que cet article ne s'applique pas aux membres de l'Ordre professionnel des dentistes du Québec, du Collège des médecins du Québec et de l'Ordre professionnel des médecins vétérinaires du Québec.

Nous retrouvons aussi au projet de loi n° 87 des dispositions touchant les cours de perfectionnement et les activités de formation continue. Il s'agit, M. le Président, d'une modification importante, puisque l'on vient ajouter aux droits du bureau lui permettant d'obliger un professionnel à suivre un cours ou un stage, ou les deux à la fois, le droit d'obliger ce professionnel à les réussir. Pour la protection du public, c'est une garantie supplémentaire de la compétence des professionnels, et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Cependant, M. le Président, sa mise en application est plus problématique dans le cas des ordres à titre réservé. M. le Président, il faut comprendre qu'un professionnel membre d'un ordre à titre réservé qui se verrait imposer l'obligation de réussir un cours ou un stage pourrait, au lieu de s'y conformer, simplement décider de démissionner de l'ordre et ainsi pourrait continuer ses activités sans en faire partie. Je demanderai d'ailleurs à la ministre, en commission parlementaire, de s'expliquer sur les pratiques de son gouvernement dans cette question, qui encouragent cette situation en n'insistant pas pour que ses professionnels deviennent membres des ordres professionnels, les professionnels, en fait, qui travaillent pour le gouvernement.

M. le Président, je suis également déçu par l'amendement apporté par la ministre aux articles 172 et 182.5 du Code des professions, que l'on retrouve aux articles 32 et 40 du projet de loi n° 87, et dont l'article 172 se lit comme suit, et je cite: «Le tribunal siège dans le district judiciaire du Québec ou de Montréal selon que le district où l'intimé en première instance a son domicile professionnel relève de la juridiction d'appel de Québec ou de Montréal en vertu de l'article 30 du Code de procédure civile.

«Toutefois, sur requête d'une partie signifiée aux autres, le tribunal peut décider que l'appel sera entendu dans le district judiciaire où l'intimé en première instance a son domicile professionnel.» Fin de citation.

(15 h 40)

M. le Président, c'est une insulte aux régions du Québec qui est inacceptable. Le gouvernement du Parti québécois se moque des droits des citoyens des régions. Par cette disposition, les péquistes réduisent la possibilité d'accès à la justice pour des milliers de citoyens habitant les régions et leur dénient un droit fondamental. La ministre va sûrement nous répondre qu'elle a prévu la possibilité de déposer une requête pour modifier le lieu d'audition. Combien croyez-vous que cela coûte de déposer une requête? Et n'oublions pas que la décision relève totalement du pouvoir discrétionnaire du tribunal, puisque l'article en question n'indique aucun critère d'application. D'ailleurs, je comprends mal les intentions de la ministre qui, lors du dépôt du projet de loi n° 454, permettait une modification du lieu d'audition par consentement des parties et qui maintenant impose l'obligation de procéder par voie de requête. Nonobstant cela, on ne peut permettre l'adoption de deux dispositions qui, telles que rédigées, réduisent l'accès à la justice et en augmentent les coûts pour les citoyens professionnels ayant leur domicile professionnel en dehors de Montréal et de Québec et pour les justiciables qui ne sont pas membres d'un ordre professionnel.

Dans une société démocratique comme la nôtre, la justice doit être accessible à tous et doit être équitable, et c'est justement pour cela que nous avons au Québec 59 palais de justice. Rien ne justifie cette décision de la ministre, si ce n'est le désir de réduire les coûts de l'administration pour augmenter ceux du justiciable.

Aussi, je me questionne sur la modification de l'article 182 du Code des professions qui est prévue à l'article 36 du projet de loi n° 87, laquelle modification se lit comme suit, et je cite 36: L'article 182 de ce Code est remplacé par le suivant:

«L'Office s'assure de la diffusion de certaines décisions rendues conformément à la présente section, sous réserve de toute ordonnance de non-publication ou de non-diffusion de renseignements ou de documents rendue par le comité de discipline ou le Tribunal des professions en vertu des articles 142 ou 173.

«Toutefois, toute décision diffusée doit indiquer le nom de l'ordre intéressé.» Fin de la citation.

Je vous rappellerai que la disposition actuelle du Code des professions prévoit la publication annuelle d'un recueil de décisions disciplinaires. Que vient faire le gouvernement du Parti québécois avec la nouvelle disposition du projet de loi n° 87? C'est bien simple, M. le Président, il vient limiter l'accessibilité des citoyens du Québec à un outil de référence et d'information fort important. Aussi, l'article 45 du projet de loi n° 87 vient, de plus, insérer à la suite de l'article 187.5 du Code des professions tout un chapitre intitulé: «Permis de directorat d'un laboratoire de prothèses dentaires». Fin de la citation. Il sera important de questionner la ministre sur les raisons qui motivent sa décision et pourquoi elle a modifié le Code des professions et non pas les lois régissant les ordres professionnels concernés. Il est indispensable que l'intégrité et la clarté du Code des professions soient respectées.

M. le Président, la question de la vente des lunettes de lecture prêtes à porter est une partie importante du projet de loi, et c'est ainsi que l'on retrouve aux articles 78 et 81 du projet de loi des dispositions visant à modifier l'article 15 de la Loi sur les opticiens d'ordonnance ainsi que l'article 25 de la Loi sur l'optométrie. Il s'agit de modifications lourdes de conséquences pour les professionnels, mais encore plus pour les consommateurs. Je ne vous rappellerai jamais assez souvent notre mission de protection du public, qui prend ici tout son sens. Il faut être très prudent en autorisant la vente libre de lunettes de lecture prêtes à porter, car cela risque de créer un sentiment de fausse sécurité pour le public, qui est convaincu que le gouvernement a pris toutes les précautions nécessaires. Alors, nous allons demander des questions à la ministre en commission parlementaire.

De plus, les articles prévus au projet de loi ne prévoient aucun mécanisme pour s'assurer que les lentilles fournies dans les lunettes de lecture prêtes à porter répondront aux mêmes critères d'acceptation et de qualité que les lentilles régulières de prescription. L'Ordre des optométristes et l'Ordre des opticiens d'ordonnance ont d'ailleurs déjà soumis des recommandations à cet égard, qui n'ont malheureusement pas été retenues par la ministre. J'aurai certainement l'occasion de lui demander en commission parlementaire pourquoi. Il faudrait avoir plus de détails sur cette question

Vous comprendrez que beaucoup d'autres modifications contenues au projet de loi ont retenu mon attention, M. le Président, mais, compte tenu du temps qui m'est alloué aujourd'hui, je réserverai ces commentaires pour la ministre en commission parlementaire.

M. le Président, notre aile parlementaire votera pour le principe du projet de loi n° 87 puisqu'il fait écho à plusieurs demandes énoncées, débattues vigoureusement et négociées par les ordres professionnels eux-mêmes, mais je me réserve le droit, en commission parlementaire, de voter contre certains articles spécifiques si la ministre ne répond pas à nos attentes, qui sont aussi les attentes du citoyen du Québec.

M. le Président, je m'attends à ce que le gouvernement procède à des auditions publiques dans les meilleurs délais et qu'il invite les intéressés à présenter des mémoires, tel qu'indiqué par le bureau du leader du gouvernement au bureau du leader de l'opposition officielle. Plusieurs ordres professionnels ont manifesté le désir de se faire entendre en commission parlementaire. L'opposition officielle est disponible dès maintenant à entamer le processus afin de ne pas retarder l'adoption de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député D'Arcy-McGee, de votre intervention. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives, et je reconnais maintenant M. le député de Frontenac. M. le député, je vous écoute.


M. Marc Boulianne

M. Boulianne: Merci, M. le Président. Alors, je suis très heureux d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives. Alors, ce projet de loi, Mme la ministre l'a souligné tout à l'heure, répond à la nécessité d'actualiser les règles en fonction des changements qui surviennent dans notre société. Nous retrouvons dans ce projet de loi trois grands principes, si on se réfère aux notes explicatives.

Alors, d'abord, c'est ainsi que le projet de loi doit modifier certaines règles relatives à certains titres, à la délivrance de permis, aux recours conférés par le Code des professions, à la procédure applicable à certains règlements, aux enquêtes liées au fonds d'indemnisation et à la procédure devant le comité de discipline et le Tribunal des professions.

Un deuxième principe qui est émis, c'est que le projet de loi accorde de plus des pouvoirs supplémentaires au bureau d'un ordre professionnel en matière de formation continue. Je pense que c'est le résultat d'une consultation qui a été assez généralisée.

Et un troisième principe que l'on retient du projet de loi, c'est qu'il modifie les règles relatives à l'exercice de certaines activités. Il permet, par exemple, au niveau de la vente des lunettes, au niveau de la vente, aussi, des orthèses podiatriques... alors donc, et tout en faisant ce projet de loi, donc, tout en harmonisant, et avec une cohérence et une concordance avec les dispositions du Code des professions.

J'ai retenu trois aspects de ce projet de loi sur lesquels je veux insister. Dans un premier temps, les conditions de délivrance d'un permis d'exercice d'une profession par les ordres professionnels. Alors, après consultation, il a été porté à l'attention des autorités de l'Office des professions du Québec qu'il y avait des retards dans la délivrance par les autorités concernées de diplômes reconnus par le gouvernement... aux fins de la délivrance par le bureau des ordres professionnels... alors que même les candidats pouvaient justifier de la réussite de toutes les exigences requises pour la délivrance de ces diplômes. Alors, à partir de cette pratique, certains candidats étaient pénalisés. Alors, afin de ne pas les pénaliser davantage à l'exercice de professions, alors qu'ils rempliraient, par ailleurs, les conditions et modalités de délivrance, il est proposé, dans un premier temps, de donner au bureau d'un ordre professionnel le pouvoir de déterminer par règlement ce qu'il peut accepter comme preuve de l'obtention d'un diplôme donnant ouverture au permis d'exercice d'une profession.

(15 h 50)

Dans un deuxième temps, compte tenu de l'ouverture proposée à l'égard de documents aussi fondamentaux que les diplômes donnant ouverture au permis d'exercice de profession, il est, dans un deuxième temps, suggéré dans le projet de loi d'étendre immédiatement ce pouvoir réglementaire à tout document requis aux fins de l'application du Code des professions. Et, dans un troisième temps, il est suggéré aussi, pour alléger tout ce processus réglementaire, que le règlement soit soumis à la procédure d'approbation par l'Office des professions. Alors, c'est extrêmement important, M. le Président, dans le projet de loi.

Deuxième point, la mise à jour par les membres des ordres professionnels des connaissances requises aux fins de l'exercice de leur profession. Alors, face aux exigences sans cesse croissantes de mise à jour des connaissances des membres des ordres professionnels en vue d'assurer la protection du public consommateur de services professionnels – et, là-dessus, M. le Président, on met l'accent toujours sur la protection du public consommateur des services professionnels – de nombreux ordres professionnels ont demandé de rendre obligatoire la formation continue de leurs membres. Après une analyse approfondie de cette demande et de toute la problématique de l'obligation de formation continue, l'Office des professions du Québec a transmis au gouvernement, en juin 1996, un avis proposant d'octroyer au bureau d'un ordre professionnel le pouvoir d'imposer par règlement des activités structurées de formation continue lorsqu'elles sont jugées indispensables pour la protection du public.

Tous les ordres professionnels, le Conseil interprofessionnel du Québec, le ministère de l'Éducation, le ministère de la Santé et des Services sociaux et plusieurs autres organismes, M. le Président, ont été consultés sur le projet d'avis de l'Office sur la formation continue obligatoire, et la presque totalité de ces organismes consultés ont accueilli favorablement ce projet. Les ordres professionnels sont, pour la plupart, d'accord avec ce principe de la formation continue obligatoire, ou d'accord, si vous voulez, avec quelques réserves. Plusieurs ont exprimé le souhait que l'encadrement réglementaire proposé permette cependant une certaine souplesse.

Actuellement, M. le Président, l'article 86 du Code des professions prévoit que le bureau des ordres professionnels a la responsabilité d'organiser des activités, des cours ou des stages de formation continue pour les membres de l'ordre. Par ailleurs, ce Code prévoit des situations où le bureau d'un ordre professionnel peut obliger l'un de ses membres à faire un stage, à suivre un cours de perfectionnement ou les deux à la fois. En dehors de ces situations, la formation continue est facultative pour les membres des ordres professionnels, hormis leurs obligations déontologiques.

Le troisième aspect, M. le Président, que je voudrais aborder concernant ce projet de loi, c'est l'utilisation ou la correction des titres et des désignations. Alors, dans le présent projet de loi, les titres sont modifiés à plusieurs occasions et pour différentes raisons. Il s'agit, par exemple, en définitive, soit d'une modification d'ordre purement technique demandée par un ordre professionnel, ou encore des modifications plus importantes concernant l'appartenance, par exemple, à un ordre professionnel, ou encore dans le but d'assurer l'équité entre les différentes catégories des membres de cet ordre, ou encore des changements techniques au sujet de la terminologie, comme, par exemple, d'empêcher toute personne qui n'est pas membre de l'Ordre des administrateurs de s'afficher ou de s'annoncer comme tel.

Il y a aussi, dans ce projet de loi, la féminisation des titres professionnels et des désignations des ordres professionnels, M. le Président, à laquelle on accorde beaucoup d'importance. On sait que les titres professionnels et les désignations des ordres professionnels que l'on retrouve dans le Code des professions et dans les lois constituant les ordres professionnels dont les membres exercent une profession d'exercice exclusif sont majoritairement au genre masculin, exceptionnellement au genre féminin, alors que certains sont à consonance neutre. Alors, on réclame, dans certains cas, la féminisation des titres et des désignations. Le titre de docteur, c'est la même chose.

Alors, des consultations entre les différents ministères et les organismes du gouvernement ont eu lieu. En ce qui concerne, par exemple, la féminisation des titres professionnels et des désignations des ordres professionnels, la solution proposée reçoit un appui favorable du Secrétariat à la condition féminine et de l'Office de la langue française. Quant au titre de docteur, sous certaines réserves, il y a quand même le Protecteur du citoyen, l'Office de la protection du consommateur, le ministère de l'Éducation qui ne s'opposent pas à un élargissement du titre de docteur. Dans d'autres secteurs couverts par la loi, par exemple, on a l'Office de la protection du consommateur, la Société de l'assurance automobile et le ministère de la Santé et des Services sociaux qui se montrent favorables à la libéralisation des lunettes de lecture prêtes à porter. Dans d'autres secteurs, le ministère de la Santé et des Services sociaux, qui avait consulté au sujet de la vente d'orthèses et sur la question du directorat de laboratoires, n'a pas formulé d'objections. Tout à l'heure, le député de D'Arcy-McGee parlait de la résidence permanente. Alors, le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie s'est montré favorable à la suppression de l'exigence de résidence permanente au Canada aux fins de la délivrance des permis. Alors, M. le Président, nous avons donc un projet de loi qui se modernise et qui est complet.

Et, en terminant, j'aimerais citer la ministre, dans son exposé, qui disait ceci: «Il y a dans ce projet de loi une série de mesures qui ne remettent pas en question ni l'économie générale du système professionnel ni les principes qui les sous-tendent. Il s'agit, comme nous le faisons depuis 25 ans, d'apporter de temps à autre des ajustements permettant à nos règles et à nos institutions professionnelles de concourir le mieux possible au maintien et au développement de la compétence et de l'intégrité des membres par un fonctionnement optimal des mécanismes prévus en ce sens.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Frontenac. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives. Et je cède la parole à M. le président du caucus du parti de l'opposition officielle et député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, je vous cède la parole.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, nous prenons la parole cet après-midi sur le projet qui vient modifier le Code des professions. Et le Code des professions, eh bien, c'est utile de savoir qu'il a été d'abord adopté dans cette Assemblée en 1972 par le ministre Claude Castonguay, qui a bâti le réseau conceptuel des différents ordres professionnels en même temps qu'il était à ce moment-là ministre de la Santé et des Affaires sociales, comme on appelait ce ministère à l'époque. Et il y a eu, évidemment, des rénovations de temps en temps dans ce type d'organisation de nos ordres professionnels, jusqu'en 1994 où, entre autres, la députée de Terrebonne s'en rappellera sûrement, elle y a travaillé et concouru fortement, y compris avec le député de Verdun, notre collègue de Verdun, qui ont travaillé tous les deux effectivement beaucoup sur la réorganisation majeure du Code des professions... C'était un projet de loi adopté en 1994, qui comprenait tout près de 500 articles. Et, grâce à la collaboration et de mon adjoint parlementaire de l'époque, le député de Verdun, et de la whip du gouvernement actuel, nous avons réussi à faire une réforme majeure du système et du concept des ordres professionnels au Québec.

Aujourd'hui, bien, comme, évidemment, de temps en temps il faut réviser certaines lois, on retrouve dans ce projet de loi des choses qui sont parfois plus importantes que d'autres, mais c'est inégal en termes d'importance de sujet. Il n'en demeure pas moins que ce projet de loi est une initiative, dans le fond, qui avait été déposée il y a un an et demi ici, en cette Chambre, avait été déposée en juin 1998 par l'ancien ministre, M. Ménard, qui était responsable des ordres professionnels. C'était le projet de loi n° 454. Alors, c'était le projet de loi n° 454 qui avait été déposé et qui, finalement, a dû être retiré ou est mort au feuilleton parce que, comme vous le savez, lorsque la session s'est terminée, en juin, nous ne sommes pas revenus avant mars de l'année suivante, dans le fond, parce que, entre les deux, au mois de novembre, il y a eu des élections.

Bref, c'est à peu près le même canevas qui nous revient aujourd'hui pour son adoption. Donc, des changements qui sont, comme je le disais, d'ordre, d'importance différente. Prenons, par exemple... Il y a plusieurs changements que je pourrais qualifier de cosmétiques, dans le sens... Je vous donne quelques exemples, M. le Président.

(16 heures)

Le titre anglais de l'Ordre des «radiology technicians», techniciens en radiologie, sera remplacé par le titre «radiology technologists». Ça va être des technologistes en radiologie. Le titre de l'Ordre des conseillers en management sera modifié par l'ajout du mot «certifiés». Alors, vous serez conseiller en management certifié. Ça n'a pas changé, les colonnes du temple ne vont pas tomber du jour au lendemain avec ça! Quand à l'Ordre professionnel des traducteurs et interprètes agréés du Québec, il sera connu désormais sous l'appellation de – je vais avoir besoin de lunettes aussi, je pense à ça – l'Ordre professionnel des traducteurs, des terminologues et interprètes agréés du Québec. Donc, on ajoute le mot «terminologues» à l'intérieur du groupe de cet ordre professionnel. Et on précise également l'emploi du mot «docteur». Puis ça, c'est un peu particulier, parce que mon collègue – je vais en parler un peu plus tard – va sûrement vous faire un beau discours sur cette question-là. On emploie le mot «docteur», et généralement, dans le langage populaire ici, un docteur, c'est un médecin. On dit: On va voir le docteur, on va chez le docteur, puis on pense qu'on s'en va chez le médecin. Mais, comme vous le savez, M. le Président, à peu près tous les types de formations mènent au doctorat, et on peut être docteur non seulement en médecine, mais on peut être docteur en droit, on peut être docteur en physique, on peut être docteur en mathématiques, comme c'est le cas de notre collègue ici.

Or, dans ce projet de loi, on va faire en sorte de pouvoir permettre à un ordre professionnel, les chiropraticiens, de pouvoir porter le nom de docteur. Par exemple, le Dr Michel Bissonnet, chiropraticien. Ce serait bien, hein? Par contre, notre collègue de Verdun, qui est tout aussi qualifié du titre de docteur, il est docteur en mathématiques, mais, comme les mathématiques ne sont pas un ordre professionnel, on ne pourra pas l'appeler Dr Henri-François Gautrin, on va l'appeler Henri-François Gautrin, docteur en mathématiques. C'est un peu particulier, parce que la langue française... Et, lorsqu'on se promène dans les pays francophones, on retrouve, par exemple, un docteur en mathématiques, on dirait, normalement, le Dr Henri-François Gautrin, mathématicien. On dirait le Dr Henri-François Gautrin, mathématicien, mais ça pourrait être aussi l'appellation pour n'importe quel autre... On pourrait dire: Dr Michel Bissonnet, géographe.

Alors que, avec le projet de loi tel qu'il est bâti, on ne permettra plus aux docteurs... on va avoir créé, dans le fond, deux espèces de sortes de gens qui auront des Ph.D., des doctorats. Et, à ce moment-là, je suis un peu mal à l'aise de considérer que, même si on n'est pas membre d'un ordre professionnel, d'être soi-même... avoir fait des études sept, huit ans en mathématiques, qui permettent d'accéder au doctorat soit, dans le fond, un petit peu moins qualifiant que celui qui aurait fait des études de sept, huit ans en chiropraxie, par exemple, qui serait devenu chiropraticien.

Il me semble que les deux... n'importe qui qui est docteur devrait pouvoir utiliser le mot «docteur» – Dr Michel Bissonnet ou Henri-François Gautrin, ou Jocelyne Caron – et pouvoir tout simplement faire l'appellation de sa spécialité à la suite de son nom. C'est une curiosité que j'ai retrouvée dans ce projet de loi là, M. le Président.

Il y a aussi des choses qui vont se modifier. On pense, par exemple, que désormais, puis ça, je suis content de l'avoir vu là-dedans... La députée de Rosemont puis le député de Verdun se rappelleront qu'en 1994 on avait aussi créé un ordre professionnel qui était celui des acupuncteurs. Alors, celui des acupuncteurs... Il y avait à l'époque une période de transition entre le Collège des médecins, si mon souvenir est bon, puis mes collègues me rappelleront à l'ordre si j'erre, mais le Collège des médecins avait fait la transition des acupuncteurs et permettait, lorsque la création de l'Ordre des acupuncteurs a été faite, de pouvoir faire en sorte que les acupuncteurs, qui étaient un peu sous l'aile protectrice du Collège des médecins, puissent voler de leurs propres ailes avec leur ordre professionnel propre.

Or, les acupuncteurs au Québec sont formés au collège de Rosemont, puis le collège de Rosemont, il a ceci de particulier, c'est que là, à partir de ce projet de loi là, on va reconnaître les finissants du collège de Rosemont comme étant des acupuncteurs. Je pensais que c'était déjà fait, mais je suis heureux de voir qu'on va le faire actuellement, et j'ai été un peu surpris de voir ça.

Une autre particularité de ce projet de loi là, M. le Président, qui est une demande que nous avions regardée à l'époque... finalement, compte tenu de l'ampleur du projet qu'on avait devant nous en 1994, c'était peut-être un peu difficile d'y répondre, mais c'est une demande qui a été faite par certains groupes pour faire en sorte que les conditions de certaines activités puissent être précisées, puis là je pense, entre autres, à la vente libre de lunettes de lecture prêtes à porter. On dit: En autant que la puissance est la même pour les deux lentilles. C'est un peu bizarre, mais enfin, il faudra avoir la même faiblesse à chaque oeil pour être capable de pouvoir profiter du projet de loi, semble-t-il. Mais, en tout cas... à condition que votre niveau de dioptrie, probablement, soit de plus 0,50... ce n'est probablement pas plus, ça doit être moins 0,50 jusqu'à moins 0,325. Ce seraient les deux niveaux de myopie ou de presbytie qui feraient en sorte de pouvoir permettre l'achat libre de lunettes, mais à la condition d'avoir le même problème sur chaque oeil, c'est-à-dire d'avoir le même niveau d'affaiblissement oculaire sur l'un ou l'autre des yeux.

On me signale que, dans le projet de loi, aussi – puis la ministre et le député de D'Arcy-McGee en ont déjà parlé – on va faire en sorte de permettre au podiatre qui fabrique, transforme, modifie ou vend en cabinet de consultation une orthèse podiatrique de ne pas être réputé exploiter un laboratoire. C'est un problème, ça, qui peut avoir été soulevé. On a vu des problèmes un peu similaires dans le cas des prothèses dentaires... comment est-ce qu'on appelle ça, pas des techniciens dentaires, mais des...

M. Gendron: Denturologistes.

M. Chagnon: ...denturologistes, merci – le député d'Abitibi-Ouest vient à mon secours avec la députée de Terrebonne – qui ont effectivement des laboratoires et qui font des prothèses. D'ailleurs, dans ce cas-là, dans le cas des denturologistes – parce qu'il doit bien s'agir des denturologistes – on ajoute au Code des professions l'obligation de détenir un permis pour exploiter un laboratoire aménagé pour y fabriquer ou y réparer des prothèses dentaires. Alors, dans le cas des denturologistes, c'est dans votre laboratoire que vous allez fabriquer des prothèses dentaires, mais, dans le cas des podiatres, pour fabriquer une orthèse podiatrique, on va considérer que vous n'exploitez pas un laboratoire. Alors, il y a une question un petit peu particulière là-dedans que nos collègues verront à creuser, mais c'est sûrement une question qui devra être, en tout cas, à tout le moins un peu mieux articulée. Il me semble que, sur le plan de la cohérence, il y a quelques problèmes qui se posent là-dessus.

Et je termine, parce que je n'ai qu'une dizaine de minutes. J'ai 20 minutes? Enfin, je ne veux pas étirer le temps de cette Chambre inutilement, vous le savez, vous me connaissez, c'est une chose que je ne saurais faire. Et je voudrais en terminant demander à la ministre responsable des ordres professionnels, qui est aussi ministre de la Justice, de bien vouloir entendre les sept ou huit ordres professionnels qui ont demandé à être entendus sur ce projet de loi. Il me semble que c'est la moindre des choses que d'accepter d'entendre les intervenants qui veulent se faire entendre quand ils se sentent concernés sur un projet de loi, quel qu'il soit. Celui-là, c'est un projet de loi qui n'est sûrement pas... ce n'est pas lui, encore une fois, qui va renverser les murs du temple. Mais, de toute façon, si des ordres professionnels veulent être entendus, je pense qu'on se doit de chercher à faire en sorte de pouvoir les entendre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis, de votre intervention. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives, et je vais reconnaître le vice-président de la commission des institutions, porte-parole officiel en matière de recherche, science et technologie, responsable du dossier de la Régie des rentes et du programme RREGOP. M. le député de Verdun, la parole est à vous.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, on a devant nous une espèce de projet de loi qui a un certain nombre d'articles, des articles éminemment importants, des articles qui sont moins importants. C'est une espèce de projet de loi omnibus qui touche le Code des professions.

(16 h 10)

M. le Président, c'est un peu difficile ici d'intervenir dans ce projet de loi alors que, d'une part, nous connaissons l'ensemble des problèmes qui doivent être amenés comme modifications au Code des professions. Je pense particulièrement à la question de la Loi sur les ingénieurs, je pense à celle sur les optométristes, et qui ne sont pas présents à l'intérieur du projet de loi. Et puis, de voir ici un ensemble disparate de propositions, qui sont reliées on se demande un peu par quel fil conducteur... Il est important de se rappeler que c'était le député de Westmount–Saint-Louis, alors qu'il était ministre de l'Éducation, qui avait fait passer en cette Chambre la modification du Code des professions, et il l'avait fait avec l'aide, et je dois le dire, et le travail important de la députée de Terrebonne, à l'époque, qui avait, alors qu'elle était dans l'opposition, fait un travail d'opposition éminemment constructif dans ce projet de loi. Et je suis sûr qu'elle ne se retrouve pas nécessairement dans ce projet de loi, elle ne retrouve pas dans ce projet de loi tout le travail constructif qu'elle avait fait à l'époque.

Mais, néanmoins, on est pris ici avec. Ce n'est pas de sa faute, elle n'est pas le ministre responsable du Code des professions. Je suis sûr que, si elle était la ministre responsable du Code des professions, ce n'est pas ce type de projet de loi que nous aurions devant nous, mais un projet de loi beaucoup plus cohérent, qui toucherait l'ensemble des problèmes que nous vivons actuellement dans le monde des professions, en particulier dans le cas des ingénieurs et dans le cas des optométristes. Mais, comme elle n'est pas à l'heure actuelle membre du cabinet responsable du Code des professions, on a été obligé d'obtenir ce que la ministre de la Justice a concocté dans un coin de table, M. le Président.

Je vais vous dire que ce projet de loi a des mesures à l'égard lesquelles on doit et on peut être favorable, des mesures sur lesquelles on peut se questionner, mais il y en a une qui m'interpelle directement, M. le Président. Je me permettrais de vous rappeler que nous vivons ici, en Amérique du Nord, nous vivons en Amérique du Nord, n'en déplaise peut-être à certains membres du ministériel qui ont peut-être oublié qu'ils vivaient en Amérique du Nord.

En Amérique du Nord, il y a une pratique, une tradition à l'intérieur des différentes disciplines, qui est la suivante. Cette pratique, cette tradition, c'est que, indépendamment des ordres professionnels, indépendamment du fait qu'on soit membre ou non-membre d'un ordre professionnel du Québec, les gens qui sont dans une discipline, que ça soit la psychologie, que ça soit la littérature, que ça soit la physique ou les mathématiques, que ça soit la chimie ou la biologie, lorsque nous détenons un doctorat, nous portons le titre de docteur, et en particulier dans le monde anglophone, nous portons le titre de docteur, suivi de notre nom. C'est la tradition, c'est ce qui est en général accepté à l'intérieur du monde nord-américain dans lequel nous vivons.

Alors, ce projet de loi veut briser avec cette tradition, il veut retirer en quelque sorte le Québec de la réalité nord-américaine. C'est ça qu'il est en train de faire en faisant en sorte que... Je prends mon exemple personnel. Je ne l'utilise pas en général, mais je peux et je le fais lorsque j'agis en fonction des connaissances et de ce que je dois faire dans la discipline où je le fais. J'utilise ce terme de Dr Gautrin, qui est tout à fait normal et que j'ai toujours utilisé. Si vous passez ce projet de loi, je ne peux plus le faire demain.

Et je ne suis pas le seul. Je vous signalerais ici que le député de l'Acadie, qui jusqu'à maintenant est docteur en psychologie, ne pourra plus utiliser le titre Dr Bordeleau. Je vous signalerai que la députée de Marguerite-Bourgeoys, qui actuellement est aussi docteure en psychologie, ne pourra pas utiliser le titre Dre Monique Jérôme-Forget, elle sera obligée d'écrire Mme Monique Jérôme-Forget, docteure. Je vous signalerai que le député de Richelieu, qui est docteur en littérature, ne pourra plus utiliser le titre qu'il doit utiliser normalement lorsqu'il parle de sa profession, qui est Dr Simard, il ne pourra plus l'utiliser, parce qu'on aura passé, dans ce petit coin de pays, une espèce de loi qui ne correspondra même pas à la réalité dans laquelle nous vivons ici, en Amérique du Nord. Et je pourrais faire le tour ici...

Une voix: Pierre-Étienne Laporte.

M. Gautrin: Non, Pierre-Étienne Laporte n'a pas fini son doctorat. Mais je me permets, M. le Président, de dire que ce projet de loi, dans lequel on n'a consulté simplement que les membres des ordres, et, bien sûr, les membres des ordres, qu'ils soient des ordres médicaux, etc., ont tendance de dire: Oui, je voudrais, je pense, on voudrait nous le réserver, aux gens... et on l'étend à des gens qui sont docteurs en chiropraxie. Je n'ai rien contre les docteurs en chiropraxie, je n'ai rien contre les docteurs en chirurgie dentaire, quoique, soyons-en conscients, M. le Président, il y a une différence entre un doctorat dans une certaine discipline et être docteur en chirurgie dentaire. Je suis sûr que la députée de Marie-Victorin, qui connaît un peu le monde universitaire, va être capable de faire la différence entre le Ph.D. en chirurgie dentaire et ceux qui ont un Doctorat en chirurgie dentaire. Je me permettrai de vous dire, M. le Président, que c'est exactement la même chose en ce qui touche, à l'heure actuelle, les cas de médecine, etc.

Je suis scandalisé, mais vraiment scandalisé, M. le Président, parce que ce projet de loi veut quasiment retirer le Québec de la réalité nord-américaine dans laquelle on vit. On se demande: La ministre de la Justice, d'où vient-elle? Qu'est-ce qu'elle a consulté? D'où vient-elle? Qu'est-ce qu'elle a pensé? Il faut vraiment être sorti complètement du monde pour pouvoir retirer aux gens un titre qu'ils ont toujours porté dans l'ensemble de leur vie. Et ça, M. le Président, je me demande quelle mouche les a piqués ou qui a-t-elle voulu écouter. Quel groupe de pression a-t-elle voulu écouter? Qui veut-elle satisfaire, à ce moment-là, pour être en mesure de dire qu'on va priver un ensemble de gens qui ne sont pas membres des ordres professionnels d'un titre qu'ils ont toujours eu et qu'ils utilisent? Non pas tellement dans le monde francophone – je suis d'accord avec vous – mais, en général, dans la tradition nord-américaine dans laquelle nous vivons, il y a une tradition d'utiliser notre titre de docteur lorsque nous fonctionnons à l'intérieur du monde nord-américain.

Et là, M. le Président, par ce projet de loi, par cet article-là, la ministre de la Justice est en train de vouloir nous retirer, en quelque sorte, des titres qui sont partagés, bien sûr, majoritairement par les membres de l'opposition, mais il existe aussi, dans les membres ministériels, un certain nombre de gens qui ont le titre de docteur et qui ne sont pas membres d'un ordre professionnel. Et je ne vois pas pourquoi aussi, eux, on les agresse de la même manière qu'on est en train de m'agresser avec ce projet de loi, en leur retirant la possibilité éventuelle de porter leur titre.

M. le Président, je dois vous dire que ce projet de loi, qui fait un certain nombre de modifications qui pouvaient se comprendre... Il y a des modifications, puisque c'est un projet de loi omnibus, il y a des articles qui peuvent être acceptables. On se trouve, là-dedans, à devoir priver une tradition qui est une tradition, je vais vous le dire, M. le Président, nord-américaine... Alors, je ne m'étendrai pas plus longtemps pour essayer d'aller chercher à l'intérieur de ce projet de loi ce qui est bon ou ce qui n'est pas bon. Je dois vous dire que déjà, prima facie, parce que ce projet de loi m'agresse, parce que ce projet de loi agresse l'ensemble des chercheurs au Québec qui ne sont pas membres d'un ordre professionnel mais qui ont un titre de docteur, et qui ont l'habitude d'utiliser ce titre de docteur dans leur profession, et parce que vous n'avez consulté que les gens de la santé et que vous n'avez pas consulté les gens dans les autres disciplines, vous êtes en train, ici, de les agresser et de leur retirer la possibilité de porter leur titre. Je trouve ça fondamentalement inacceptable, ça n'a aucun sens, et c'est une véritable agression, M. le Président. Je ne peux en aucune manière concourir à cet article-là, qui n'a aucun sens.

Pour le reste des articles, le député de D'Arcy-McGee l'a rappelé, il y a des articles qui ont un sens, des articles qui n'ont aucun sens, mais cet article, qui est l'article 8, qui est un article qui est sorti on ne sait d'où, etc., ne peut en aucune manière être acceptable pour moi.

Alors, je terminerai là-dessus, M. le Président, je ne voudrais pas m'étendre plus longtemps. Je dis: Ça prend au moins, sur ce projet de loi, d'énormes consultations, non pas seulement des membres des ordres professionnels, mais de l'ensemble des chercheurs, qui sont agressés par ce projet de loi. Qu'on aille consulter les mathématiciens, qu'on aille consulter les physiciens, qu'on aille consulter les informaticiens, qu'on aille consulter les biologistes, qu'on aille consulter les chimistes, qu'on aille consulter les gens qui sont en littérature, qu'on aille consulter les sociologues, qu'on aille consulter les psychologues, qu'on aille consulter les anthropologues, pour voir que tous ces gens qui jusqu'à maintenant, dans leur profession, utilisent le terme de docteur et qui, demain, ne pourront plus l'utiliser...

M. le Président, je ne peux vraiment pas comprendre quelle mouche a pu piquer cette ministre pour être en mesure de proposer un tel article. Ça n'a aucun sens. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, conformément au règlement, moi, je dois vous appeler M. le député de Verdun et je vous remercie de votre intervention.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant! Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, en vertu de votre droit de réplique, Mme la ministre de la Justice et responsable de l'application des lois professionnelles.


Mme Linda Goupil (réplique)

Mme Goupil: Merci. Alors, M. le Président, je ne pensais pas faire un tel émoi juste avant Noël.

J'aimerais rappeler au député de Verdun de prendre le temps de lire correctement le projet de loi avant de se mettre dans un tel état. Je l'apprécie beaucoup, je l'aime beaucoup, et pour rien au monde je n'aurais voulu qu'il se mette dans un tel état. Alors, si vous me permettez, M. le Président, si on prend le temps de lire correctement dans le projet de loi, ce sont les gens qui sont membres d'un ordre professionnel qui sont visés par ce projet de loi. Alors, évidemment, ce sont uniquement ces gens, ce qui fait...

M. Gautrin: ...

(16 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun, Mme la ministre a son droit de réplique et, compte tenu de votre sagesse, vous allez l'écouter. Mme la ministre.

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je peux rassurer tout de suite le député de Verdun, il va pouvoir continuer à porter son titre de docteur. Alors, vous pouvez dormir sur vos deux oreilles, parce que, en effet, les corps professoraux vont pouvoir évidemment continuer à utiliser les titres qu'ils veulent bien utiliser. Et ce qui est visé par ce projet de loi, ce sont les ordres professionnels, les membres qui font partie d'un ordre professionnel. Et, à cet égard, M. le Président, j'aimerais aussi le rassurer, lui dire qu'il y a eu une consultation qui s'est tenue de façon générale, non pas seulement avec les gens dans le domaine de la santé, mais avec les ordres professionnels qui ont des membres qui auront à utiliser ultérieurement ce titre de docteur.

L'objectif de cette loi est aussi de permettre à la population qu'elle ne soit pas confuse dans tous ces titres. Et le projet de loi fait, je vous dirais, presque l'unanimité avec tous ceux et celles que nous avons rencontrés. Et je vais vous dire que je suis contente que le député de Verdun puisse dormir sur ses deux oreilles ce soir et le reste de sa vie, il pourra utiliser le titre de docteur, et ce n'est pas moi, comme ministre responsable des ordres professionnels, qui lui enlèverai ce privilège, M. le Président. Alors, j'ose espérer qu'il prendra le temps de me parler de façon beaucoup plus calme, et nous aurons le temps d'avoir d'autres discussions par la suite et tout au long de cette commission, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, en vertu de l'article 213, M. le député... Un instant, s'il vous plaît. Alors, le député de Westmount–Saint-Louis, Mme la ministre, voudrait vous poser une question, en vertu de l'article 213. Cette question doit être brève, cependant, et la réponse évidemment brève. Est-ce que vous permettez?

Mme Goupil: Non.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non. Alors, il n'y a pas de consentement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, il n'y a pas de discussion.

Alors, le principe du projet de loi n° 87, Loi modifiant le Code des professions et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Une voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vote nominal. Qu'on appelle les... Le vote nominal étant demandé, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je ferais motion pour reporter le vote à demain, après la période des affaires courantes.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, juste un instant. À la demande du leader adjoint du gouvernement, le vote sur le projet de loi n° 87, quant à son adoption de principe, est reporté à l'item votes reportés, à la période des affaires courantes de demain, le vendredi 10 décembre. M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: Simple petite question qui était celle que j'aurais voulu poser à Mme la ministre: Est-ce que les sept ou huit ordres professionnels qui ont demandé d'être entendus pourront l'être?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à la question, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je ne peux pas répondre à cette question en ce moment, mais, sans doute demain, à la période des renseignements sur les travaux de l'Assemblée, le leader du gouvernement ou ma collègue pourront répondre à cette question.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Pourriez-vous m'indiquer, M. le leader adjoint du gouvernement, quel article vous appelez aux affaires du jour?

M. Boisclair: M. le Président, on m'indique à l'instant qu'il n'y aura pas de consultations au-delà de celles que la ministre a déjà menées. On vient de me communiquer la réponse, donc j'ai répondu au député de Westmount–Saint-Louis.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci. M. le leader adjoint du gouvernement. Nous poursuivons les affaires du jour, pourriez-vous m'indiquer quel article appeler?

M. Boisclair: L'article 5, M. le Président.


Projet de loi n° 89


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article 5. L'Assemblée reprend le débat ajourné le 8 décembre 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, le porte-parole de l'opposition officielle en matière des régions et député du comté de Montmagny-L'Islet. M. le député, je vous écoute attentivement.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Donc, comme vous l'avez mentionné, nous reprenons le débat sur le projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac.

M. le Président, c'est un projet de loi qui vient sécuriser l'industrie du camionnage. Il y a eu des auditions, des consultations qui ont été tenues vendredi passé. Je sais que vous êtes au courant, je vous le rappelle, plusieurs groupes sont venus en commission parlementaire nous exprimer soit leur appui au projet de loi, soit leurs réserves. Donc, le rôle de l'opposition officielle – et, d'entrée de jeu, je tiens à le mentionner – est celui de questionner le ministre, de questionner le projet de loi sur sa forme actuelle. Et on doit tenir compte des représentations qui ont été faites en commission parlementaire.

D'entrée de jeu, M. le Président, j'aimerais faire un point. Je sais qu'ici, dans cette Assemblée, plusieurs sont au courant que je suis moi-même un transporteur qui est familier avec le domaine du camionnage. Mais je ne suis absolument pas touché – absolument pas touché – par le projet de loi, parce que le secteur que ma famille exploite dans le domaine du camionnage est tout à fait en dehors de ça et différent, c'est un autre secteur de l'économie du camionnage. Donc, je suis assez à l'aise pour en parler. Et les camionneurs qui me connaissent de façon générale et ceux particulièrement de ma région savent très bien que j'ai toujours été en mesure de défendre et de prendre des positions logiques. Ça a été prouvé dans le passé, dans ce secteur de l'économie. Et j'en profite pour faire ce point, parce que je sais très bien que nous avons des représentants de l'industrie du camionnage dans les galeries. C'est pour ça que je vais me permettre aujourd'hui de faire un certain nombre de points.

Ce projet de loi a été présenté par le ministre des Transports. Et, de la façon dont il nous l'a présenté, c'était tout à fait naturel, c'était suite à une entente qui avait été signée avec un regroupement de camionneurs, qu'on appelle les camionneurs artisans, qui est l'ANCAI, des camionneurs spécialisés dans le transport du gravier, du sable et de l'agrégat. Donc, c'est une spécialité. Et le ministre nous a dit: J'ai signé une entente avec ce groupe de camionneurs et, pour conclure mon entente, je me dois de déposer le projet de loi n° 89 à l'Assemblée nationale, ce qui a été fait. La raison du projet de loi n° 89, c'est que, en Amérique du Nord, partout en Amérique du Nord, dans le domaine de l'industrie du camionnage, le 1er janvier 2000, c'est la déréglementation totale dans cette industrie. Elle a été vraie il y a sept, huit ans pour un secteur de l'industrie, et ça a évolué depuis, et c'est le dernier secteur, soit celui du transport de gravier, de sable et d'autres agrégats, soit le transport par des camions connus sous le nom de camions à benne basculante, mais c'est, comme je vous le mentionnais tantôt, une spécialité.

Donc, nous avons eu des consultations, comme je vous le mentionnais, et nous avons échangé avec M. le ministre. Et je ne veux pas que ça soit une surprise pour personne, nous avons échangé avec le ministre des Transports, et particulièrement en conclusion de cette... Je voudrais m'assurer que tout le monde comprenne la position des députés dans cette Assemblée. Il y a déréglementation le 1er janvier 2000, tous les permis tombent – dans une expression connue – et, pour essayer de sécuriser l'industrie dont je viens de vous parler, des transporteurs de gravier, de sable et d'autres agrégats, le ministre a conclu cette entente, et nous avons échangé sur les conséquences de cette entente.

(16 h 30)

Et il est – encore une fois, je me répète – de la responsabilité des députés de l'opposition, il est de leur responsabilité, ils l'ont mentionné en commission parlementaire, de questionner le ministre. Le ministre est le responsable dans cette Chambre, c'est lui qui a déposé cette loi et c'est lui qui la pilote au nom du gouvernement. Nous, les députés de l'opposition, on n'était pas présents lors de l'entente. C'est tout à fait légitime de questionner cette entente. Et un certain nombre de députés – et ça, j'en suis fier – de l'opposition qui représentent des régions – et ça, je le dis au bénéfice ici de mes collègues de l'Assemblée nationale, mais aussi des représentants de l'industrie du camionnage – de plusieurs régions du Québec, dont j'en suis une, que ça soit la députée de Bonaventure, que ça soit le député de Kamouraska-Témiscouata, que ça soit moi-même, dans Montmagny-L'Islet, que ça soit la députée de Beauce-Sud, le député de Beauce-Nord et d'autres régions du Québec, comme de l'Estrie, de l'Outaouais, et je pourrais faire le tour du Québec, nous sommes conscients de l'importance de cette industrie dans chacune de nos régions. Et, comme je vous le mentionnais, je suis un de ceux qui l'ont démontré dans le passé. Je ne veux pas que vous soyez...

Parce que le but de mon intervention et le point que je veux faire, c'est qu'on vient de recevoir, sous la signature du président de cet organisme, une lettre qui dit des choses que j'aimerais corriger, M. le Président, sur lesquelles j'aimerais faire le point. C'est qu'on nous dit que l'Association – c'est signé par M. Clément Bélanger, président de l'ANCAI – le cabinet du ministre des Transports les ont informés – il semble que c'est un drame – que des députés libéraux vont prendre la parole dans cette Chambre pour débattre du projet de loi n° 89. Mais c'est la première que j'entends... Il n'y a jamais eu d'entente avec le ministre des Transports... que nous ne dirions rien sur ce projet de loi. Et imaginez un instant que je suis un de ceux qui n'auraient pas parlé, sur un projet de loi qui touche le transport au Québec, je suis né de cette industrie! À ma surprise, on nous apprend que ça dérange le ministre des Transports, et je pense que M. le président, M. Bélanger, a endossé les irritants que le ministre des Transports semble vivre.

Et je pense que je vais reprendre, justement, le texte qui nous est présenté. Il semble que les députés libéraux auraient l'intention – et là vous voyez le crime de placer plusieurs députés comme intervenants... Bien, vous allez être témoins, c'est que les députés, à mon avis – et la preuve va vous être faite – ont l'intérêt de défendre cette industrie dans chacune de nos régions du Québec, et ça, on va continuer de le faire... et c'est afin de paralyser le projet de loi n° 89, que le gouvernement tente d'obtenir, et de nous plonger dans un vide juridique. Bien, M. le Président, MM. et Mmes membres de cette Assemblée et aux représentants de l'industrie, le ministre des Transports, s'il veut passer son projet de loi, il va faire exactement comme avec d'autres projets de loi: Il va le présenter dans cette Chambre, il va le débattre, il va le faire voter. Ils ont la majorité. Il me reste à vous dire que nous avons l'obligation de questionner le projet de loi. Il s'agit de vous rappeler le débat que nous avons eu en conclusion en consultations.

Mais je me permets, M. le Président, de saluer, parce que je suis tout à fait à l'aise, c'est des amis, c'est des gens avec lesquels nous travaillons... Et je comprends que vous m'invitez à surtout vous regarder, mais vous allez comprendre que ça devient...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, pas nécessairement me regarder, mais la tradition... Vous pouvez saluer la présidence, c'est bien. Mais, directement vous adresser aux visiteurs, ce n'est pas la coutume. Vous passez par le président habituellement, une fois que la salutation est faite.

M. Gauvin: Je vais tenter de le faire, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien.

M. Gauvin: ...la plupart du temps. Mais, comme je vous dis, je ne peux pas m'empêcher de saluer nos amis. Et ne soyez pas surpris si mon regard se lève un peu plus haut que la moyenne du temps.

Ce que je veux vous dire, c'est que nous avons l'obligation de questionner le projet de loi. Il y a des gens qui sont venus en consultations et nous ont invités à questionner certains points. Nous sommes les députés qui font partie de l'opposition et qui représentent ceux et celles qui n'étaient pas parties prenantes à l'entente. Et ce n'est pas d'aujourd'hui que ça fonctionne comme cela. Donc, nous l'avons annoncé. Mon collègue de l'Acadie, d'entrée de jeu hier, l'a mentionné: Nous allons questionner le projet de loi article par article. Le ministre nous informe couramment... C'est pour ça que ça me surprend de voir justement que le cabinet du ministre et le ministre semblent dérangés parce qu'ils prévoient qu'un certain nombre de députés libéraux vont prendre la parole.

Le député de l'Acadie, qui est responsable de ce dossier, nous a informés, nous, le caucus, m'a informé, comme député, qu'il avait des échanges très fréquents avec le ministre des Transports, cordiaux. Le ministre des Transports, dans cette Chambre, ici, hier, est venu me reconfirmer la volonté de nous tenir au courant des négociations qu'ils avaient, heure après heure, jour après jour, pour nous permettre de mieux comprendre le projet de loi.

M. le Président, je me baisse la vue vers vous pour que vous considériez que c'est vraiment à vous que je m'adresse, pour la simple raison que, si le ministre a réussi à négocier avec l'industrie du camionnage des points que nous avons à questionner, on n'aura plus à le faire. Il vient de nous confirmer qu'il a pris une entente. S'il y a une entente, nous, on devrait normalement être satisfaits, si ça va dans le sens qu'on souhaiterait. Donc, on va devoir les questionner point par point et, après coup, à l'étude du dossier du projet de loi n° 89 article par article, je pense que, si on en vient à la conclusion que ça répond aux questionnements que nous avions, sous la responsabilité du député de l'Acadie, qui peut présumer que nous allons voter contre? Comme qui peut présumer qu'on voterait pour, aussi, là? Il faut d'abord faire notre travail.

Donc, après avoir fait ce point, M. le Président, je sais que, en terminant, ils invitent les camionneurs à visiter les bureaux des députés libéraux. Bien, je dois vous dire que, si c'est plus facile – et je m'adresse aux camionneurs touchés de ma propre région – pour eux autres, je les invite à m'appeler, j'irai les visiter. Parce que je me promène dans mon comté à tous les jours quand la chance m'est donnée, à moi. J'habite dans la partie sud-est du comté de Montmagny-L'Islet. J'ai l'obligation, en me déplaçant, de parcourir probablement toutes les municipalités de mon comté. Étant moi-même, comme je vous l'ai mentionné, de l'industrie du camionnage, je n'ai pas besoin de vous dire qu'ils me connaissent. On se connaît, et je pense qu'on est capable de se rendre des services, se comprendre. Il y en a déjà qui m'ont appelé.

Donc, M. le Président, après avoir fait ce point, je pense qu'il s'agit de continuer et d'expliquer à cette Assemblée, d'une part, la position qui est la mienne, d'abord, et celle de mes collègues. Et, comme je vous le mentionnais, il ne faut pas être surpris qu'il y en ait d'autres qui représentent des régions du Québec et qui vont souhaiter venir expliquer de quelle façon ils voient ce dossier.

M. le Président, êtes-vous capable d'imaginer juste un instant que, dans une région, par exemple comme la mienne – parce que c'est celle que je connais le mieux – il y a des projets, il y a des travaux, qu'ils soient des municipalités, qu'ils soient du ministère des Transports, qu'ils soient d'autres ministères ou qu'ils soient de l'industrie privée, que nous allons faire appel, que les investisseurs vont faire appel, ou les responsables de ces projets, à des camionneurs d'autres régions que notre région immédiate? J'en profite pour vous dire que la plus grande activité de camionnage en vrac présentement, au moment où on se parle, elle est probablement dans L'Islet-Sud, à Saint-Pamphile, et je sais très bien qu'il y a des gens ici qui le savent.

Si jamais vous avez la chance de visiter la région de la MRC de L'Islet-Sud et que vous avez certains dérangements quand vous rencontrez des camions, je ne vous invite pas à le faire ces jours-ci, parce que le camionnage en vrac est actif 12 heures par jour, sept jours par semaine pour répondre aux besoins d'une industrie privée. Donc, je peux déjà vous dire que j'en suis bien fier. Je suis fier pour eux autres. On m'a informé qu'il y a des camionneurs qui venaient d'aussi loin que de la région de Québec pour servir les besoins de ce secteur de l'industrie là.

(16 h 40)

Donc, M. le Président, sans prendre trop de temps et pour pouvoir terminer, nous avons un certain nombre de questions à poser au ministre. Il est le signataire de l'entente. Je me répète: On n'était pas présents à l'occasion de la signature. Mon collègue de l'Acadie, je ne pense pas qu'il était présent à l'occasion de la signature. Donc, il nous a dit – et je le respecte et je sais très bien que le ministre des Transports est de bonne foi, juste de la façon dont il entretient des relations avec les députés libéraux – J'ai pris un engagement parce qu'il y a une situation qui m'apparaît difficile pour ce secteur de l'industrie, qui se présente. J'essaie de la corriger, puis on va essayer de trouver des moyens d'entente. Je lui ai personnellement confirmé qu'il avait toute ma collaboration. Le député de l'Acadie – parce que c'est celui que j'ai entendu hier s'exprimer – lui a dit que nous étions là pour offrir notre collaboration.

Si jamais le ministre des Transports – ce que je lui souhaite – réussit à négocier pour s'assurer que tout le monde retrouve un peu sa part, M. le Président, je pense que tout le monde va être bien heureux et on va pouvoir passer à d'autres projets de loi. Mais, s'il reste du questionnement, ne soyez pas surpris, M. le Président, nous allons le faire jusqu'au dernier article. C'est notre responsabilité. C'est un débat, un sujet suffisamment important pour le faire, suffisamment important pour le faire, comme je vous le mentionnais, c'est que, finalement, c'est la déréglementation totale. Ça peut déranger certains secteurs de l'industrie. D'autres n'ont pas nécessairement été dérangés par la déréglementation. Ça, c'est un point de vue et c'est discutable. Mais ça peut créer, à un moment donné, une difficulté d'adaptation à ce grand changement là, et nous voulons concourir à ça.

Donc, j'avais relevé et je m'étais préparé à relever plusieurs points, mais je vais au moins relever, suite au discours du député d'Abitibi-Ouest... Parce que j'étais celui qui devait prendre la parole hier après-midi en cette Chambre immédiatement après. Je m'étais pris des notes, parce qu'il y a des sujets dont il a traité sur lesquels il faut que je revienne absolument, M. le Président. Vous vous rappelez que le député d'Abitibi-Ouest nous disait: Pourquoi les députés libéraux – j'ai écouté le député de l'Acadie – ils se préoccupent des problèmes avec les municipalités? Ils ne sont pas touchés par ce projet de loi, pour la simple raison que ça a été décidé au mois de juin l'année passée. C'est que c'est à leur discrétion, s'ils le peuvent.

Il a mal écouté le ministre des Transports, parce qu'il a reconfirmé hier, dans sa présentation, il disait, et il m'avait indiqué, il m'avait identifié: Suite à la question du député de Montmagny-L'Islet, je lui confirme que les municipalités ne seront touchées qu'à l'occasion d'un protocole d'entente signé avec le ministère des Transports. Seul le ministère des Transports est identifié dans cette entente. Donc, M. le député d'Abitibi-Ouest, vous avez la chance d'écouter davantage le ministre des Transports, parce qu'il vient de confirmer que, oui, les municipalités seront tenues... Il n'y a pas de crime à ça, mais on veut clarifier ce point-là.

Le député d'Abitibi-Ouest, aussi, M. le Président, a dit... questionné la responsabilité. Pourquoi? Il était étonné de voir que le député de l'Acadie questionnait la responsabilité des postes de courtage. Pourquoi pas? Ça a été porté à notre attention. Il nous invite à questionner. De quelle façon les permis seront émis? Est-ce que les régions vont pouvoir avoir plus d'un permis? On a le devoir de le faire.

Cette entente va être soumise à d'autres provinces. Bien, j'aimerais dire au député qu'il y a un autre point que, personnellement du moins... Et je pense que le député de l'Acadie aura aussi l'occasion de le faire. Il dit: Nous avons conclu une entente avec la province d'Ontario, ce qui vient nous légaliser, finalement, justifier. Justement, on est très à l'aise à cause du fait qu'on prétend qu'on ne va pas à l'encontre de l'entente signée sur le commerce extérieur. La question qu'on va lui poser: Est-ce qu'il en a signé une avec le Nouveau-Brunswick? Est-ce qu'il en a signé une avec les États américains? Parce que, au Québec, on touche tous les autres.

Donc, il y a une série de questions, M. le Président. Je vous remercie de m'avoir écouté. Et, en terminant, je salue à nouveau les représentants du camionnage. Si jamais – et je termine avec ça, M. le Président – nous avions la chance d'aller prendre un café ensemble, soyez assuré que je répondrais à leur invitation. Et, si j'ai du temps, je les inviterai moi-même.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, M. le député de Montmagny-L'Islet. Alors, je ne peux pas répondre pour eux, mais l'invitation est lancée. Je vous remercie. Maintenant, le prochain intervenant sera M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Vous savez, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le discours du député de Montmagny-L'Islet qui nous a lui-même informé qu'il était originaire du secteur du transport. Évidemment, ça comporte deux choses: un avantage et un inconvénient. Un avantage parce qu'on parle avec beaucoup de connaissances des détails du métier; un inconvénient parce qu'on risque, en s'identifiant trop à une corporation, d'oublier parfois l'intérêt de l'ensemble. Mais je ne veux pas dire que M. le député de Montmagny-L'Islet n'a pas une bonne vision des choses. Je veux juste essayer d'expliquer, M. le Président, donner un peu plus de retrait par rapport au quotidien de façon à comprendre bien la problématique dans laquelle on est plongé présentement.

De quoi s'agit-il? On est au coeur, M. le Président, d'un phénomène profondément humain qui traverse toute l'histoire de l'humanité, qui est la liberté. La liberté d'être, la liberté de faire, la liberté d'entreprendre, c'est au coeur de cette loi-là, c'est au coeur du phénomène historique qu'on vit actuellement. On est libres, on est des êtres humains, on est libres. Mais, même si, théoriquement, on est égaux, on n'est pas tous égaux dans les faits. Il y a des gens qui, pour toutes sortes de raisons, résultent plus fort que d'autres et il y en a, évidemment, qui résultent plus faible. Entre les loups, eh bien, évidemment, le plus fort l'emporte et écrase les autres, dévore les autres.

On a beau être monarchiste, M. le Président, je pense qu'il y a très peu d'êtres humains qui diront que le roi des animaux est le modèle pour l'être humain. N'est-ce pas? Je pense que l'être humain doit, dans sa liberté, savoir que sa liberté s'arrête là où commence celle de l'autre. Et, s'il réclame de la liberté pour lui, il doit respecter la liberté pour les autres aussi. Alors, ça, c'est des grands principes sur lesquels on est tous d'accord, M. le Président, et je suis certain que M. le député de Montmagny-L'Islet est d'accord, et je vois M. le leader de l'opposition opiner du chef, je suis certain qu'il est d'accord avec moi.

Alors, qu'est-ce que ça vient faire avec notre problème, aujourd'hui, de la liberté d'entreprendre dans le transport, dans le transport en vrac? Alors, voilà. La loi qui a été adoptée... c'est-à-dire, qui n'est pas adoptée mais qui, je l'espère, sera adoptée bientôt, prévoit un certain nombre de choses. Premièrement, elle prévoit d'abroger le pouvoir réglementaire qui permet au gouvernement d'exiger des permis de camionnage, ainsi de suite. Elle permet donc de déréglementer. Alors, je disais tout à l'heure qu'entre les êtres humains la liberté a des limites.

La liberté d'entreprendre, elle existe. Le libre arbitre et la liberté de faire des affaires, ils existent, mais on sait qu'ils conduisent parfois à des abus. Et il fut un temps où il n'y avait aucune règle pour empêcher les abus. Qu'on se souvienne, à la fin du siècle dernier, M. le Président, c'était la liberté presque absolue. On avait le droit de faire travailler n'importe qui. On faisait travailler les enfants à partir de 8 ans dans les mines. On faisait travailler les femmes, les hommes, 12 heures, 15 heures par jour et, à force de les payer peu, on les exploitait au maximum. C'était la grande liberté, M. le Président.

On s'est rendu compte que cette façon d'administrer la liberté entre les êtres humains, ce n'était pas le summum de l'humanisme, ce n'était pas le summum de la civilisation. Alors, peu à peu, les gouvernements ont pris en charge l'organisation de la société et se sont dit: Il faut mettre un certain nombre de règles pour empêcher les abus trop grands. Et la réglementation a commencé à se bâtir. On a bâti des réglementations pour les heures de travail, les relations entre le patron et les employés, les syndicats sont nés. Enfin, on a créé un grand nombre de règlements. Tellement qu'aujourd'hui il y a tellement de règlements qu'on risque de crouler sous le poids des règlements.

(16 h 50)

Alors est commencée une nouvelle ère, l'ère de la déréglementation. Alors, face à trop de règlements, on a dit: On va déréglementer. C'est un peu comme dans un verger. M. le Président, vous savez, je suis de Saint-Hyacinthe, moi, l'agriculture me revient toujours d'une façon ou de l'autre. Alors, vous savez, dans un verger, les beaux pommiers qu'on a, si on les laisse pousser tout seuls comme ça, qu'est-ce qu'ils font? Il pousse des gourmands partout, il pousse des branches partout et il vient un temps où ils ne donnent plus de pommes ou très peu de pommes. Si on veut qu'ils donnent des bonnes pommes, il faut les émonder, il faut couper certaines branches. Alors, là, on était peut-être rendu à un stade où la réglementation est tellement abondante qu'il y a des gourmands partout et ça donne moins de bons fruits pour la société.

Alors, il faut couper certains règlements. Mais, attention, M. le Président! Il ne faut pas couper le pommier. Il ne faut pas couper l'arbre. Il faut couper ce qu'il y a de trop. Alors, c'est dans ce sens-là... On est entré dans une ère de déréglementation, mais il faut le faire avec circonspection, avec intelligence, avec rationalité et en respectant les besoins de chacun. Je pense que, là-dessus, il n'y a personne qui sera contre l'opinion que je viens d'émettre, on sera tous d'accord. Et je suis certain que l'opposition partage mon point de vue sur ce point-là.

Alors, j'en viens donc à mon point. On avait beaucoup de réglementation. Ça diminue. Ça diminue entre autres à la faveur des ententes internationales, le traité de libre-échange, par exemple, qui nous oblige à diminuer certaines réglementations, par exemple celles touchant le transport. Évidemment, ça comporte des inconvénients. Quand les étrangers peuvent venir faire du transport chez nous et compétitionner avec nos transporteurs, eh bien, c'est plus difficile pour nos transporteurs. Par contre, la déréglementation nous ouvre un marché de 100 000 000 de consommateurs. Donc, il y a des avantages, il y a des inconvénients.

Il y a intérêt à déréglementer, et le Québec veut respecter ses engagements internationaux. Et c'est dans ce contexte-là qu'on a la loi n° 89, justement, qui vise à faire en sorte de déréglementer le transport, mais le faire d'une façon humaine, d'une façon rationnelle, d'une façon civilisée. Donc, premièrement, abroger le pouvoir réglementaire qui permet au gouvernement d'exiger les permis et à la Commission des transports de fixer les tarifs, première chose. Deuxième chose, établir le système d'encadrement prévu par l'entente – donc, il y a déjà des ententes – qui permet l'inscription des titulaires de permis de camionnage en vrac actuels dans un nouveau registre des entreprises de camionnage en vrac tenu par la Commission des transports du Québec. Troisièmement, autoriser le gouvernement à permettre aux camionneurs non résidents d'accéder aux marchés publics, ce que je vous disais tout à l'heure. Quatrièmement, aménager la réglementation du courtage en transport de matières en vrac sur les marchés publics en fonction de l'entente conclue, de façon à alléger et à soutenir les règles.

Donc, la loi vise à permettre une déréglementation, mais pas n'importe quelle déréglementation. J'ai reçu, par exemple, certaines lettres. Vous savez comment est-ce que c'est, M. le Président, c'est normal, on est des députés, on est soumis aux pressions du public. C'est normal que, face à une loi, des gens s'adressent à nous et fassent pression sur nous pour dire: Je suis d'accord, je ne suis pas d'accord. C'est normal, on est habitué à ça. Et, moi, je vous dis que, chaque fois que des gens font pression sur moi, je le prends avec beaucoup d'attention, beaucoup d'intérêt. Je me dis: Je suis là pour les représenter, il faut que j'écoute ce qu'ils ont à me dire. Donc, il y a beaucoup de pressions qui ont été faites. Les unes pour dire: Vous déréglementez trop; d'autres pour dire: Vous ne déréglementez pas assez. Les artisans ont dit: Écoutez, il faudrait que vous nous protégiez un petit peu.

Et la loi qu'on propose d'adopter, la loi n° 89, propose de réserver une petite partie du marché du transport en vrac, c'est-à-dire celui qui dépend des contrats publics du gouvernement du Québec, réserver une partie de ce transport-là aux artisans, c'est-à-dire ceux qui n'ont que leur camion, donc qui n'ont pas la force de ceux qui disposent d'une flotte de 12, 20, 30, 40 camions, donc qui ont moins de force économique mais qui peuvent faire un excellent travail dans la société. Ces gens-là aussi ont le droit de vivre. On les retrouve dans toutes les régions du Québec. On les retrouve dans tous les petits et moyens villages du Québec. Ils sont partout au Québec et ils assurent un tissu social prospère, un tissu social qui permet d'avoir de la vitalité économique partout au Québec, alors que les compagnies de transport ont tendance à se concentrer dans les villes et dans les grandes villes. Donc, il y a intérêt à protéger, dans une certaine mesure, une transition pour éviter que tous les petits artisans disparaissent de la carte. C'est ça, l'objectif.

Évidemment, j'ai reçu ici une lettre qui me dit: «Ayant 12 employés à mon service depuis 30 ans comme transporteur en vrac, cela nous obligerait, si vous adoptiez la loi, à congédier la plupart de nos employés, pour la bonne raison que cette loi n° 89 oblige les requérants de transport à engager des camionneurs membres du poste d'affectation, c'est-à-dire que chaque camionneur doit avoir son camion et le conduire lui-même.»

Donc, la loi obligerait à ça, et le monsieur qui a 12 employés à son service devrait fermer ses postes, devrait les renvoyer. Ça ne correspond pas à ce que j'ai vu dans la loi, et je pense qu'il y a une légère exagération. Je pense qu'il y a une mauvaise évaluation du contexte de la loi et de ce qu'elle comporte. C'est pour ça que, là, ça m'influence un peu moins.

Par contre, j'ai ici une autre lettre qui m'a été écrite et qui dit: «Nous voulons surtout vous rappeler par les présentes que nous avons besoin de cette loi-cadre pour le 1er janvier 2000 afin qu'il n'y ait pas de vide juridique qui déstabiliserait totalement l'industrie. En effet, le 15 septembre 1999, le gouvernement fédéral a adopté un décret qui place toutes les entreprises extraprovinciales de transport au-dessus des règlements, des lois québécoises concernant le transport, même effectué à l'intérieur d'une province, et ce, à compter du 1er janvier 2000.»

Donc, il y a des gens qui sont inquiets et qui nous disent: Il faut absolument adopter cette loi-là. Alors, il y a des pressions qui viennent de tous les côtés, et, nous, nous devons juger dans l'intérêt non pas d'une corporation, non pas seulement d'un petit groupe dans la société, mais dans l'intérêt de tous les citoyens et dans l'intérêt de la protection d'une seule administration publique.

Alors, c'est dans ce contexte-là que le projet de loi est proposé. Je pense, M. le Président, qu'il faut regarder la loi comme elle est et voir ce qu'elle prévoit. Par exemple, elle prévoit le maintien, à l'intention des abonnés des services de courtage, d'un accès préférentiel aux contrats effectués pour le compte du ministère des Transports et de tarifs minimaux sur ces contrats. Avez-vous remarqué, M. le Président, qu'il s'agit seulement d'une partie de tout le transport? C'est seulement le transport effectué pour le compte du ministère des Transports. Toutes les autres choses ne sont pas imposées, dans cette loi-là. Que ce soit le transport municipal, que ce soit le transport pour l'entreprise privée, ce n'est pas touché par cette loi-là.

Donc, il s'agit de quoi, en fait? Il s'agit de faire en sorte de favoriser, oui, c'est vrai, protéger, d'une certaine façon, le transport par les artisans, pour une partie, afin de leur permettre de passer d'une situation où il y a beaucoup de règlements qui les protègent à une situation où il n'y en aura peut-être plus du tout, de règlements. Alors, afin de leur permettre de s'organiser et de faire face à la nouvelle situation sans être acculés à la faillite, à la détresse, du jour au lendemain, le 1er janvier 2000, eh bien, pour éviter ça, évidemment, il faut que la loi prévoie une procédure de transition. Et c'est pour ça que la loi est faite comme elle est faite, c'est-à-dire qu'elle ménage un certain nombre de possibilités, pour une période transitoire qui va de cinq à sept ans, aux camionneurs artisans de pouvoir passer à travers cette situation-là et de pouvoir évidemment réussir à rester en affaires et continuer à gagner leur vie.

Il se peut que dans cette loi-là il y ait des dispositions moins adéquates. C'est pour ça que je suis très content que le député de Montmagny-L'Islet soit disposé à aller à la commission et à faire part de ses observations, lui qui connaît très bien le secteur du transport en vrac. Comme ça, il pourra répondre à l'invitation qui lui est faite par M. le ministre des Transports, M. Chevrette, de venir exprimer ses doléances afin qu'on puisse améliorer la loi. S'il y a des erreurs importantes, il faut les corriger, et il y a toujours des choses qu'on peut améliorer. Donc, sa collaboration sera bienvenue, M. le ministre des Transports nous l'a dit tout à l'heure.

(17 heures)

Donc, je remercie le député de Montmagny-L'Islet pour sa bonne disposition, et je suis certain que tout ça va nous permettre de faire ce qu'on veut faire: moderniser la situation des transports, respecter nos engagements internationaux dans la déréglementation, respecter nos traités, mais en même temps protéger nos petits artisans de tous les villages, de toutes les régions du Québec et leur permettre de continuer de vivre, parce que nous voulons, nous autres, un pays convivial, un pays où il y a de la place pour tout le monde, où chacun a le droit de vivre, le pays du Québec, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Encore une fois, aujourd'hui, on est en train de débattre le principe d'un projet de loi qui concerne le transport en matière de camionnage en vrac. Il semblerait qu'à chaque fois qu'il y a un projet de loi on est toujours pris avec le temps. Là on nous dit: C'est le 1er janvier. La déréglementation, c'est le 1er janvier, il faut se dépêcher, il faut régler le problème.

Au mois d'avril 1998, M. le Président, lorsque, dans le cas Raby, la Cour du Québec avait décidé que la tarification pour le camionnage en vrac n'était pas valide, on est arrivé encore ici avec un projet de loi pour vouloir... On disait qu'il y aurait un vide juridique et que la saison de la construction débutait le 1er mai, et donc qu'il y avait urgence de procéder. Et, si on regarde l'entente que le ministre des Transports a signée avec les camionneurs en vrac, ça a été fait encore dans un moment de crise, pendant qu'il y avait une manifestation des camionneurs. Donc, il semblerait que c'est toujours dans des moments de crise qu'on signe des ententes ou qu'on prépare des projets de loi. Est-ce que c'est un climat qui est favorable à vouloir être équitable?

De ce côté-ci, M. le Président, on n'a pas de préjugé favorable pour quelqu'un en particulier. Il semblerait toutefois que, de l'autre côté, c'est seulement les camionneurs qui font partie de l'ANCAI. Mais je pense qu'ils ont leur place, et c'était très clair hier, lorsque leur porte-parole a pris une heure de temps, une heure qui lui était accordée, pour expliquer que, oui, on avait du questionnement, on se questionnait sur certaines choses pour tenter de trouver un projet de loi qui va être équitable pour tous les intervenants qui aident à construire les routes au Québec, qui aident à faire la pose de systèmes d'égout, de systèmes d'aqueduc, des usines de traitement des eaux usées, des usines de filtration. Donc, M. le Président, c'est toute une équipe de gens qui sont là. Oui, il y a le camionneur artisan, il y a l'entrepreneur qui, lui, doit soumissionner, donner un prix et aussi livrer la marchandise à une certaine date.

Hier, M. le Président, je ne sais si vous vous souvenez que, le député d'Abitibi-Ouest, il disait: Il y a une chose qui me préoccupe, et il dit: je sais que ça se produit qu'un entrepreneur soit obligé d'aller à un poste de courtage pour aller chercher les camionneurs de l'ANCAI, camionneurs en vrac. Il est obligé d'aller là, mais, des fois, il n'y en a pas de disponibles. Donc, est-ce que ça ne crée pas des problèmes pour l'entrepreneur qui, lui, doit livrer la marchandise avec un prix fixe et à une certaine date? Donc, il me semble qu'on devrait s'assurer que, au moment où cet entrepreneur-là a besoin des camionneurs, eux aussi aient une responsabilité. C'est tout ça, je pense, M. le Président.

Et il faut aussi reconnaître que l'entrepreneur, s'il a des camions, il y a du monde, il y a des personnes qui conduisent ces camions-là. Ces camionneurs-là, ils sont payés, eux aussi. Donc, ça fait partie, M. le Président, de travailleurs qui gagnent leur vie à conduire un camion. Donc, il ne faudrait certainement pas créer une situation où ces gens-là, parce qu'on dit qu'on veut défendre le camionneur artisan, perdent leur emploi. Il faudrait s'assurer de ça, M. le Président.

Et je pense que c'est ça, le problème: Pourquoi avons-nous attendu si longtemps? Je vous parlais tantôt du projet de loi n° 416, au mois d'avril 1998. À ce moment-là, le ministre, qui était le ministre des Ressources naturelles d'aujourd'hui, il leur a dit: Vous avez 20 mois; le 1er janvier de l'an 2000, c'est la déréglementation. Et il a mis sur pied, M. le Président, des comités. Mais, à quel moment on l'a réglé? On l'a réglé lorsqu'il y a eu manifestation des camionneurs. C'est toujours des manifestations. M. le Président, ce n'est pas la première. Regardez, on a eu sur la 20, on a fermé la 20 avec les porcs; les autochtones, eux, ç'a été d'autre chose, je parle de ceux à Restigouche. Donc, à chaque fois qu'il y a une crise, il semblerait qu'on trouve une solution. Mais est-ce que c'est un climat qui est propice réellement à être juste et équitable envers tous les intervenants, tous les acteurs qui sont dans ce domaine-là?

M. le Président, c'est comme toute chose, hein, ce n'est jamais blanc ou ce n'est jamais noir, il y a des teintes de gris, différentes teintes de gris. Et c'est un peu ça qu'il y a dans le projet de loi. Et on cherche pourquoi on ne pourrait pas trouver un projet de loi qui pourrait rencontrer aussi les exigences des camionneurs. Puis je comprends leur inquiétude, je comprends qu'ils doivent avoir une place, mais ils ne sont pas les seuls dans ce domaine-là. Il y a les entrepreneurs, et je pense c'est important. Et je vois que le ministre délégué aux Transports est ici. Lui, il sait, il connaît ça, l'importance d'avoir des entrepreneurs pour faire l'exécution des travaux routiers, la construction de ponts. S'il n'y avait pas d'entrepreneurs et seulement des camionneurs, j'ai bien l'impression, M. le Président, qu'on ne pourrait pas atteindre les objectifs qu'on se donne.

Donc, ça fait partie d'un tout, d'avoir une équipe d'entrepreneurs. Et eux ont besoin d'avoir des camionneurs artisans ou d'avoir leurs propres camions, parce que des fois, M. le Président, les camionneurs artisans ne sont pas nécessairement toujours disponibles. Souvent, on m'a dit, moi, qu'au point de vue des camionneurs artisans il y a certains travaux qu'ils ne veulent pas exécuter parce que ça pourrait peut-être endommager leur camion. Ils veulent toujours choisir à quel moment. Donc, s'il y a un fond de vérité dans ça, M. le Président, il me semble que les camionneurs devraient faire face et dire: Regardez, oui, on veut avoir un projet de loi qui va nous assurer que, avec la déréglementation, nous ne serons pas laissés pour compte, qu'on va être capables encore d'avoir des travaux.

Et l'autre problème, M. le Président, qui m'inquiète un peu, moi, c'est qu'on nous avait dit, au moment où on a aboli la loi n° 142, dans le domaine de la construction, qu'on signait une entente avec le gouvernement de l'Ontario et qu'il n'y aurait pas de problème au point de vue des travailleurs de la construction, il y aurait une mobilité. Mais on a vu, M. le Président, qu'est-ce qui est survenu durant l'été, à partir d'avril à novembre: des travailleurs de la construction du Québec ont été bannis des chantiers de l'Ontario, les entrepreneurs du Québec n'ont pas eu le droit de soumissionner sur des projets en Ontario. Donc, ça, M. le Président, c'est une des conséquences.

Donc, il faut certainement s'assurer... Et c'en est, du questionnement, ça: Est-ce que le projet de loi nous assure que, dans l'entente, la nouvelle entente signée avec le gouvernement ontarien, on ne finira pas par s'apercevoir à un moment donné qu'en Ontario ils vont dire: Regardez, là, ce n'est pas juste, ce n'est pas équitable. Oui, vous allez donner la permission au camionneur de l'Ontario d'être membre d'un poste de courtage, mais ça va lui coûter ci, ça va lui coûter ça. Vos camionneurs, lorsqu'ils viennent en Ontario, il n'y a pas de coûts rattachés, si c'est ça, la situation, M. le Président.

(17 h 10)

Donc, il me semble qu'il faudrait certainement s'assurer... et qu'on se questionne sur ça, c'est certainement dans l'intérêt des camionneurs, puis je parle des camionneurs dans l'Outaouais, parce que ce n'est certainement pas les camionneurs à Québec, ou les camionneurs au Saguenay–Lac-Saint-Jean, ou en Mauricie, parce qu'ils ne sont pas près de la frontière. Il n'y a certainement personne de l'Ontario qui va vouloir venir travailler dans le milieu du Québec. Mais ça arrive souvent le long de la frontière, dans l'Outaouais, que c'est des gens du Québec ou des gens de l'Ontario, mais, plus souvent qu'autre chose, à cause que l'économie n'est pas plus forte en Ontario, c'est que les projets sont du côté ontarien et c'est les gens du côté du Québec qui en bénéficient le plus, soit dans le domaine de la construction, soit dans le domaine du camionnage.

Donc, M. le Président, est-ce que le fait que notre porte-parole, hier, a exprimé des réserves... toutefois a admis qu'il avait eu des échanges avec le ministre des Transports et que le ministre des Transports lui a dit: Regarde, je rencontre un tel groupe demain, je rencontre un autre groupe ce soir, et, avec ça, voici, on est en train de trouver peut-être des solutions au questionnement qui avait eu lieu vendredi dernier. Il y a eu des auditions des groupes qui sont réellement concernés, et les gens qui s'y objectaient ont dit pourquoi ils s'objectaient. Donc, suite à ces auditions, le ministre des Transports est en train d'échanger avec ces groupes-là pour voir: Est-ce que je peux trouver une solution à votre préoccupation sans pour autant enlever quelque chose aux camionneurs artisans? Et est-ce que les camionneurs artisans, de leur côté aussi, est-ce que c'est eux qui ont toujours raison et le restant a toujours tort? Je ne crois pas. C'est comme je disais tantôt, ce n'est jamais noir, ce n'est jamais toujours blanc, il y a différentes teintes de gris.

Et donc, M. le Président, si on veut, une fois pour toutes, régler le problème... Et souvent on dit que c'est pour la paix sociale qu'on règle ces problèmes-là, sans ça, on va avoir des manifestations, on va perturber la paix sociale. Moi, je me dis que ce n'est pas ça, l'objectif. C'est peut-être ça, le problème, c'est que le projet de loi ou les échanges qu'on fait avec les intervenants du milieu de la construction ne sont pas faits avec la sincérité qui est nécessaire. Ça me fait penser un peu... on parlait de la condition parfaite et la condition imparfaite, en disant que la condition parfaite, on fait les choses par amour de Dieu, tandis que celle imparfaite, c'était la crainte d'aller en enfer, chez le diable. Donc, est-ce que réellement, dans le cas présent, l'entente qui a été signée par le ministre des Transports dans un contexte de crise, ça a été fait plutôt pour apaiser ou c'était dans l'intérêt de s'assurer que les camionneurs artisans seraient protégés? Il me semble que c'est ça qu'on cherche.

Et est-ce qu'on ne serait pas mieux, M. le Président, d'avoir un projet de loi qui ferait l'affaire de tous les intervenants qui sont impliqués dans le domaine de la construction? Parce que, essentiellement, ces camionneurs-là, dans le domaine de la construction, c'est lorsqu'on construit des routes, on construit des ponts, on pose des tuyaux d'aqueduc et d'égout, c'est à ce moment-là, et ça prend un entrepreneur qui a les compétences, qui a certainement, financièrement, les reins solides, comme on dit, pour être capable d'assurer que, lorsqu'il prend un contrat, il va être capable de livrer la marchandise, ou si, en cours de route, il ne réussit pas, que le donneur de travail ne sera pas pris avec un projet inachevé, pas de sous et personne pour l'exécuter.

Donc, moi, je me dis, on cherche un projet de loi qui va être satisfaisant pour les entrepreneurs, les gros entrepreneurs, parce qu'ils font partie... On ne peut pas les éliminer, ils sont là pour soumissionner, ils donnent des emplois à nos travailleurs de la construction. On a d'autres camionneurs, des petits entrepreneurs, qui ont des camions et peut-être l'équipement d'excavation – je pense qu'ils ont leur place au soleil eux aussi – et on a certainement les camionneurs artisans. Donc, pourquoi on ne peut pas, au lieu de vouloir s'entêter l'un ou l'autre, dire: Voici, moi, comme entrepreneur, j'ai des responsabilités; je dois soumissionner, donner le meilleur prix et m'assurer de livrer dans la période de temps qu'on me donne. Aussi, l'entrepreneur dit: Moi, je dois engager des gens qui ont de l'équipement, des petits entrepreneurs ou des camionneurs, et ensemble on fait équipe pour être capables d'exécuter les travaux dont on a besoin, et qui font partie de l'économie du Québec. Comment longtemps et souvent on disait: La construction va, l'économie va. Et donc, c'est un domaine qui est extrêmement important.

Donc, pourquoi, M. le Président, devant le fait qu'il faut déréglementer, ne pas trouver un projet de loi qui va faire l'affaire de la majorité? On ne peut jamais avoir les choses toujours de notre façon. Ça prend toujours des consensus, et il me semble que, si on se donne la peine et on arrête de s'accuser et se pointer du doigt comme étant lui est le mauvais puis lui est le bon, il me semble qu'on a tous nos défauts, comme on a nos qualités aussi, et si, au lieu de tenter de se diviser sur les défauts qu'on peut avoir, on tentait de chercher nos qualités et de bâtir sur ça pour se donner un projet de loi qui va assurer la survie de nos petits camionneurs artisans, qui va aussi nous permettre de garder nos entrepreneurs...

Parce que, si les entrepreneurs sentent qu'en réalité ils sont défavorisés, ils vont être obligés d'engager des gens, et ces gens-là ne sont pas nécessairement fiables, ils ne sont pas toujours là lorsqu'ils en ont besoin, ils vont dire: Regardez, ça ne vaut pas la peine, on va fermer les portes. Et qui va en souffrir après? C'est toute la collectivité québécoise, M. le Président. Parce que, lorsqu'on enlève la compétition, c'est bien malheureux, c'est les prix qui augmentent et, en bout de piste, on sait qui paie. Qui paie pour tout ça? C'est le citoyen. Le citoyen, lui doit toujours payer, payer ses impôts, et c'est avec les impôts qu'on réussit à exécuter les travaux dont on a besoin dans notre société.

M. le Président, une autre chose aussi qu'on déplore, c'est les municipalités. Le ministre, hier, nous indiquait que les municipalités, dans des protocoles qui se signent avec le ministère des Transports, elles devront à ce moment-là, elles aussi, être soumises à la loi n° 89, ce qui veut dire qu'il n'y aura pas de soumissions publiques. Elles vont être obligées de le donner. Ça aussi, ça peut créer – on ne dit pas que ça va créer – certainement une situation où le coût va être plus élevé.

J'espère – et ça, le ministre n'a pas été clair sur ça hier – que... Dans le transfert du réseau routier, il y a des sommes d'argent qui ont été remises aux municipalités, soit pour la prise en charge ou bien pour l'amélioration du réseau routier. J'espère que ceux-là ne font pas partie... Ce n'est pas nécessairement un protocole, ça fait partie d'une entente qui a été paraphée en 1993, et il n'y avait aucune condition d'attachée à ces sommes d'argent là. On leur disait: Regardez, on vous remet 33 000 km de routes, et vous allez dorénavant vous en occuper, et vous allez prendre les décisions, et voici les sommes que nous jugeons adéquates pour vous permettre de faire la prise en charge de votre réseau routier et de faire des améliorations.

Déjà, M. le Président, on a coupé 25 000 000 $ dans le domaine de l'amélioration du réseau routier, il ne faudrait certainement pas imposer aux municipalités d'être prises à utiliser... de ne pas avoir le droit d'aller en soumissions publiques pour s'assurer d'avoir le meilleur prix possible et d'être capables d'exécuter le maximum de travaux avec les sommes d'argent qui leur sont transférées.

(17 h 20)

Donc, M. le Président, je veux juste réassurer les gens de l'ANCAI. Nous sommes ici en train de faire notre travail de députés, de s'assurer d'avoir le meilleur projet de loi possible dans l'intérêt supérieur de tout le Québec. Parce que nos entrepreneurs, aussi, sont là pour exécuter nos travaux, on a besoin des travaux, on a besoin d'entrepreneurs. Si on n'avait pas besoin d'entrepreneurs, que l'État exécuterait tous ces travaux-là, bien, peut-être qu'on n'aurait pas de problème. Donc, M. le Président, en terminant, je veux juste rassurer les gens, qu'il y a les questions. On va questionner le ministre en espérant qu'il va être capable, dans ces discussions avec tous les intervenants, de trouver un modus vivendi qui va nous donner le meilleur projet de loi possible. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Alors, je suis prêt à céder la parole à la prochaine intervenante, Mme la députée de Beauce-Sud.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour d'intervenir pour l'adoption de principe du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac.

Alors, d'entrée de jeu, je veux vous dire que j'ai été un petit peu étonnée aujourd'hui d'apprendre que le président de l'Association nationale des camionneurs artisans avait écrit à tous ses membres pour leur dire que les libéraux avaient l'intention de placer beaucoup de députés intervenants afin de paralyser le projet de loi n° 89 et d'obtenir du gouvernement qu'il soit reporté au printemps. Je dois vous dire que ça, c'est absolument faux, nous n'avons aucune intention de paralyser ce projet de loi là. On sait que l'ANCAI a besoin de ce projet de loi là pour le 1er janvier 2000 et on va tout faire, on va apporter notre collaboration pour essayer de trouver des solutions qui vont faire en sorte que le projet de loi soit acceptable et équitable pour tout le monde.

Moi, je soupçonne légèrement le ministre des Transports d'avoir laissé courir ces rumeurs-là à l'effet que les libéraux voulaient paralyser ce projet de loi là. Moi, je pense que le ministre des Transports a bien hâte de s'en aller en vacances chez lui pour les fêtes. Mais je peux vous assurer, M. le Président, qu'au Parti libéral on va faire notre devoir, on va étudier le projet de loi comme il se doit, sans filibuster, mais on va certainement s'assurer de faire notre travail comme il faut.

M. le Président, j'aimerais vous dire, pour débuter, que l'Association nationale des camionneurs artisans, qui réclame ce projet de loi, regroupe environ 4 000 détenteurs de permis de transport en vrac qui sont à peu près tous membres des postes de courtage qui existent actuellement. On dit 4 000 sur 4 200. Alors, il peut s'agir de camionneurs artisans qui conduisent personnellement leur camion ou encore de petits contracteurs, entrepreneurs généraux localisés partout au Québec. Les autres détenteurs de permis de transport en vrac – ils sont environ entre 3 000 et 5 000 au Québec – ne sont pas, eux, membres de l'ANCAI, l'Association nationale des camionneurs artisans, et c'est par choix, bien qu'ils soient camionneurs artisans ou petits entrepreneurs généraux, parce que ce regroupement, selon eux, ne cadre pas avec leur mode de fonctionnement.

Nous savons, au Parti libéral du Québec, que le camionnage en vrac suscite un débat extrêmement important au Québec compte tenu de la déréglementation fédérale sur le transport qui doit entrer en vigueur au Canada le 1er janvier 2000. Nous sommes conscients que cette industrie doit nécessairement faire l'objet d'une restructuration importante afin de répondre le plus adéquatement possible aux impératifs qui auront entraîné l'ouverture de ce marché. En fait, cette ouverture de marché dans le milieu du camionnage suscite de profondes inquiétudes quant à l'adaptation du milieu à l'égard de cette nouvelle situation.

Ce projet de loi doit en tout premier lieu répondre adéquatement aux conséquences de cette nouvelle donne économique et faire en sorte d'en atténuer, s'il y a lieu, les conséquences négatives. Cependant, à la lumière des dispositions préconisées par le ministre dans le projet de loi et selon les nombreuses opinions données par les différents organismes qui ont participé à la consultation particulière vendredi, le 3 décembre dernier, eh bien, il semble que ce projet de loi ne réponde pas à toutes les aspirations du milieu.

J'aimerais affirmer aujourd'hui que je suis très sympathique à la cause défendue par les membres de l'Association nationale des camionneurs artisans. La situation dans laquelle se retrouvent ces camionneurs n'est pas facile, on le sait. Plusieurs membres de cette association sont aujourd'hui en faillite ou sur le point de l'être, notamment suite à l'augmentation du prix de l'essence, car plusieurs contrats qui avaient été signés avant la hausse du prix du pétrole ont dû être respectés dans leur intégralité. Plusieurs camionneurs ont donc subi des pertes financières importantes.

Nous savons tous, M. le Président, que, quand un camionneur perd son camion ou son travail, c'est toute une famille, des femmes et des enfants qui sont pénalisés et qui en souffrent. Il est donc très important de trouver une solution à ce problème, et ce, le plus rapidement possible. Rapidement, mais on est encore à la toute dernière minute, M. le Président. Le secteur est déréglementé, depuis 1994 que l'entente est signée, l'entente interprovinciale, le 1er janvier 2000 est à nos portes, et on attend au mois de décembre pour présenter ce projet de loi là. Encore une fois, des choses faites à la hâte.

Pour nous, au Parti libéral du Québec, il est important que tous les camionneurs du Québec aient la chance d'avoir les meilleures conditions de travail possible pour eux et leurs familles, mais ce projet de loi, M. le Président, protège seulement une partie de ces travailleurs. Je sais qu'il y a encore beaucoup de discussions qui ont lieu entre le ministre des Transports et les différents intervenants du milieu du camionnage pour que tous puissent trouver un compromis acceptable. Je considère important que ces discussions se poursuivent et je souhaite qu'elles portent fruit dans les meilleurs délais. Il faut s'assurer d'avoir le meilleur équilibre possible et le plus large consensus possible entre tous les partenaires impliqués dans l'industrie du camionnage en vrac.

Nous, au Parti libéral du Québec, M. le Président, nous croyons que le projet de loi n° 89 contient quelques faiblesses qui sont des éléments importants, par exemple, pour nous.

Premièrement, le projet de loi n'est pas très explicite, car tout est basé sur des documents partiellement connus, puisqu'il y a une continuelle négociation entre les parties et le gouvernement.

Deuxièmement, au lieu de déréglementer le marché du travail conformément au mandat confié par le premier ministre au Groupe conseil sur l'allégement réglementaire, eh bien, ce projet de loi vient maintenir et même accentuer la réglementation.

Troisièmement, le projet de loi n'est pas conforme à l'esprit de l'Accord de commerce intérieur que le Québec a signé, parce que le Québec réglemente plutôt que de déréglementer.

Quatrièmement, ce projet de loi privilégie une partie seulement des détenteurs actuels de permis de transport en vrac, soit les membres de l'Association nationale de camionneurs artisans, au détriment de ceux qui ne veulent pas être associés à cette organisation. Or, ce sont les principes d'équité et d'équilibre qui sont en cause ici.

Cinquièmement, il enlève l'obligation pour les villes et les municipalités d'aller en appel d'offres public pour du transport en vrac, ce qui constituait une protection pour les intérêts des contribuables.

Et, sixièmement, ce projet de loi est une ingérence de la part du gouvernement dans les responsabilités municipales, puisque cette modification n'a nullement été demandée par le milieu municipal.

J'aimerais aujourd'hui, M. le Président, vous mentionner le point de vue de quelques organismes qui ont des interrogations ou qui ont émis des réserves concernant ce projet de loi et qui ont présenté un mémoire lors de la consultation particulière sur le projet de loi n° 89, vendredi dernier. Ces organismes, par leurs propos, démontrent eux aussi les points faibles de ce projet de loi.

(17 h 30)

Premièrement, le Regroupement québécois des entreprises et transporteurs en vrac, qui prône une véritable déréglementation du transport en vrac et l'instauration du libre marché total. On a entendu tantôt un collègue du gouvernement parler de liberté. Eh bien, c'est ce qu'on veut: par la déréglementation, instaurer un libre marché total. Alors, eux mentionnent que ce projet de loi créera un monopole, voire même un cartel dans le domaine du transport en vrac à l'avantage de moins de 50 % des détenteurs de permis de camionnage en vrac. Ils mentionnent aussi qu'il créera une rareté artificielle de l'offre de transport en vrac et que les entreprises privées seront à la merci des services de courtage, qui pourront, sans être tenus comme eux à de fortes pénalités dans le cas de retards dans l'exécution des travaux, décider de leur développement et du respect de l'échéance de leurs travaux. Ils mentionnent aussi que le projet de loi n° 89 ne respecte pas la lettre ni l'esprit de l'Accord sur le commerce intérieur découlant de l'Accord de libre-échange.

Deuxièmement, le Conseil du patronat du Québec. La critique du Conseil du patronat a davantage porté sur le principe de la déréglementation, prônant l'allégement des règles afin de créer un climat favorable aux entreprises. J'aimerais ici vous citer ce qu'on retrouvait dans le mémoire du Conseil déposé lors des consultations particulières sur ce projet de loi, le 3 décembre dernier, et je cite: «Nous comprenons de ce texte qu'au lieu de laisser libre cours à la concurrence et aux règles naturelles du marché le projet de loi établira une protection qui ne protégera que bien artificiellement les plus petites entreprises, en confiant par ailleurs un monopole à un organisme qui n'est pas représentatif de tous les acteurs.» Le Conseil a également reproché au gouvernement de ne pas avoir produit d'études d'impact sur ce projet de loi, comme il s'était engagé à le faire pour toute nouvelle réglementation. Nous aussi, au Parti libéral du Québec, M. le Président, nous considérons qu'il est important de bien étudier tous les impacts de ce projet de loi.

Troisièmement, je poursuis avec la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, la FTQ. La Fédération mentionne qu'il est important pour l'industrie d'être représentée par une association autre que l'ANCAI. Je cite ici M. René Roy, secrétaire général de la FTQ: «Nous sommes d'accord qu'il y ait une seule association pour négocier au nom des camionneurs, mais cette association doit être librement choisie par les camionneurs.» Bien sûr, la FTQ, on le sait, souhaite devenir cet organisme. D'ailleurs, dans le rapport Bernier, rapport qui a été déposé ici, en Chambre, le 13 avril dernier et qui portait sur le statut des camionneurs propriétaires, le rapport Bernier donc comportait des recommandations précises dans le but de permettre aux transporteurs en vrac de tirer leur épingle du jeu malgré l'abolition par Ottawa des règles régissant cette industrie. Le rapport Bernier prévoyait le droit de s'associer ou de se syndiquer, si vous préférez. Toutefois, l'ANCAI se dit en désaccord avec cette recommandation.

Quatrièmement, l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec mentionne, quant à elle, que, bien qu'elle soit favorable à l'encadrement de l'industrie du camionnage en vrac, cette association souligne que le projet de loi dans sa forme actuelle soulève bien des interrogations et des inquiétudes. Il serait donc important, selon elle, d'apporter des modifications.

L'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec prône, tout comme le Regroupement québécois des entreprises et transporteurs en vrac, une déréglementation complète du transport en vrac et l'instauration du libre marché total. Suite à une étude commandée par l'association à la firme Roche sur les impacts économiques de la mise en vigueur du projet de loi n° 89, elle en conclut que le maintien du régime se traduira par un coût supplémentaire de 204 000 000 $ pour le transport des marchandises. C'est important, ça, M. le Président. Je cite encore une fois ce qu'on retrouve dans le mémoire de l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec déposé lors de la consultation, vendredi dernier: «Ce nouveau régime ne fera qu'augmenter le mécontentement d'une majorité afin de plaire à un petit nombre d'intermédiaires. Nos membres ont l'intime conviction que le projet de loi n° 89 est injuste, inacceptable et anachronique, et nous vous demandons de le retirer.»

Sixièmement, pour cette partie de mon exposé, j'aimerais terminer avec l'Union des municipalités du Québec. Selon l'Union, les modifications législatives proposées dans le présent projet de loi annulent les effets bénéfiques qu'entraînerait une déréglementation, puisque l'octroi des contrats municipaux de camionnage en vrac ne sera plus assujetti aux règles de demandes de soumission publique et d'adjudication au plus bas soumissionnaire. Je cite ici, M. le Président, un extrait d'une lettre écrite par l'Union des municipalités du Québec au ministre des Transports le 24 novembre dernier. «Il en découlera sans aucun doute une augmentation artificielle des tarifs du camionnage en vrac, les camionneurs ayant intérêt à assurer par n'importe quel moyen le maintien de tarifs les plus élevés possible. De plus, pour l'Union des municipalités du Québec, il est inacceptable que le gouvernement, en amendant les lois municipales, puisse permettre que l'octroi de contrats municipaux en matière de camionnage ne soit plus assujetti à la règle des soumissions publiques qui permet de garantir la transparence et l'équité à l'égard des contribuables québécois.

«Actuellement, la clause de protection dont jouissent les camionneurs artisans fait en sorte qu'ils reçoivent 53 $ l'heure, un tarif qui n'a pas changé, selon eux, depuis six ans, alors que le prix payé sur le marché libre est de 35 $ l'heure.» Alors, selon les membres de l'ANCAI, le prix de 53 $ l'heure refléterait le coût réel.

Compte tenu des nombreux points d'interrogation soulevés et des réserves exprimées par les intervenants du milieu quant à certaines modalités de fonctionnement, j'avoue avoir, moi aussi, certaines réserves face à ce projet de loi, M. le Président. J'aimerais vous redire que je suis sympathique à la cause des membres de l'Association nationale des camionneurs artisans, d'autant plus que l'ANCAI affirme que la survie financière de ses membres sera menacée le 1er janvier 2000 si le projet de loi n° 89 n'est pas adopté.

Pourquoi? Non, ça n'a rien à voir avec le fameux bogue de l'an 2000. M. le Président, la raison est fort simple, c'est qu'au Canada, à compter du 1er janvier 2000, tous les camionneurs pourront livrer n'importe où, à n'importe quel prix, que ceux-ci ne pourront plus bénéficier de la protection qui leur est actuellement accordée par les organismes de courtage. La déréglementation dans le domaine du transport au Canada est en vigueur depuis 1988, sauf pour le camionnage en vrac. Toutefois, depuis la signature par toutes les provinces canadiennes, en 1994, de l'Accord interprovincial sur le commerce, on a accordé une protection spéciale aux camionneurs en vrac jusqu'à l'an 2000. L'échéance est maintenant à nos portes, et les camionneurs ont eu six ans pour s'y préparer. Le gouvernement a eu six ans pour préparer un projet de loi, et pourtant il arrive encore une fois à la toute dernière minute et voudrait passer son projet de loi à toute vapeur.

Donc, comme je vous le disais il y a quelques minutes, M. le Président, je suis sensible aux préoccupations des membres de l'ANCAI, mais j'aimerais aussi ajouter, en terminant, que, pour le Parti libéral du Québec, l'équité pour tous, pour tous les détenteurs de permis de transport en vrac, est aussi un élément important afin que ceux-ci et leurs familles puissent avoir une qualité de vie acceptable.

Laissez-moi vous rappeler les propos du porte-parole de l'opposition officielle en matière de transport, le député de l'Acadie, dans son discours sur l'adoption de principe, hier, et vous conviendrez avec moi à ce moment-là, M. le Président, qu'il est faux de prétendre que nous ne voulons pas adopter ce projet de loi, mais on veut simplement l'étudier et arriver à des solutions, à des compromis acceptables pour tous. Et je le cite au texte. Vous permettez?

«Le ministre rencontrait hier les groupes. On cherche des compromis. Je sais que le ministre rencontre d'autres personnes demain, donc ça bouge. Alors, le contenu qui est là, il n'est pas définitif. Alors, évidemment, c'est quand même majeur, là. On va en discuter. Le ministre nous annonce des amendements, des modifications qu'on n'a pas vues. Alors, on verra à ce moment-là. Si l'entente actuelle – et je poursuis – vient privilégier un groupe peut-être au détriment d'un autre groupe qui est aussi formé de petits entrepreneurs ou de camionneurs qui ne sont pas membres de l'ANCAI ou des postes de courtage, il faut être sensible à ça. Il faut voir dans quelle mesure il y a possibilité d'apporter des ajustements qui vont rendre ça plus équitable.»

(17 h 40)

Il poursuit en disant: «Il y a eu, au moment des consultations, vendredi dernier, des ouvertures sérieuses, intéressantes de la part de plusieurs des intervenants, qui se sont dits prêts à regarder, à retravailler, à trouver des formules de compromis. Et la preuve que ça a été fait en toute bonne foi, c'est que ces gens-là ont rencontré le ministre hier matin et, demain, il y a d'autres rencontres dont le ministre m'a informé. Ça bouge, ça bouge de ce côté-là. Et, nous, M. le Président, on ne demande pas mieux que d'arriver à une entente, à un projet de loi qui va refléter un certain consensus, qui va respecter aussi en même temps tous les intervenants qui sont dans le milieu du camionnage en vrac.»

Le ministre nous annonce des amendements. On va voir, au niveau de l'étude article par article du projet de loi, exactement à quoi il fait référence. Alors, c'est avec ouverture, M. le Président, que l'opposition va aborder la prochaine étape et avec beaucoup d'interrogations et de hâte de voir qu'est-ce que le ministre va nous mettre sur la table à ce moment-là. J'invite donc le gouvernement à tenter d'en arriver à un consensus ou, tout au moins, au plus large consensus possible avec tous les camionneurs oeuvrant au Québec, d'ici à ce qu'on procède à l'étude détaillée du projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le député de Châteauguay, whip en chef de l'opposition, je vous cède la parole.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens sur le principe de ce projet de loi en cette deuxième journée d'étude du principe, qui, comme on le sait, constitue la première étape de l'étude d'un projet de loi. Je le dis, et je vais y revenir tantôt, tout simplement parce que je recevais aujourd'hui une note me disant que le cabinet du ministre responsable de ce projet de loi laissait entendre que, parce qu'on avait un député qui avait parlé à l'étape du principe, ça voulait signifier que l'opposition libérale était en train de paralyser les travaux. Je trouve qu'il y a une drôle de notion, là, de ce qui est de paralyser les travaux. Si je ne me trompe pas, je suis le cinquième à prendre quelques minutes pour soulever les enjeux de ce projet de loi. Il n'y a pas, je pense, lorsqu'on regarde les précédents, d'abus là-dedans.

Il y a, dans ce projet de loi, certaines zones d'ombre. Et, comme l'a dit le responsable des transports pour notre formation, nous avons l'intention de travailler avec le parti ministériel à jeter de la lumière sur ces zones d'ombre. Évidemment, nous espérons que cette collaboration appellera la réciproque et que le ministre acceptera de jouer franc jeu dans ce dossier et de nous informer des développements qui, si je suis bien informé, se développent presque d'heure en heure, ce qui évidemment contribue à multiplier les zones d'ombre.

Avant d'identifier ces zones, M. le Président, qui, notamment pour moi, se limiteront à deux zones, un peu d'histoire, peut-être, pour situer le contexte. Il y a d'abord une entente sur le commerce intérieur qui est signée en 1994. En 1995-1996 – je pense que c'est en 1995 – le leader actuel, ministre, à l'époque, délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, dépose en cette Chambre et fait adopter en cette Chambre le projet de loi n° 15, qui vise à donner une sanction législative et, pour reprendre ses termes de l'époque, un certain symbolisme à la force et à la vigueur qu'il fallait donner à cette entente sur le commerce intérieur.

Le 1er janvier 1998, les dispositions concernant le transport devaient entrer en vigueur, mais un projet de loi, le projet de loi n° 416, sera adopté au printemps 1998 – certains de mes collègues en ont déjà parlé – pour reporter au 1er janvier de l'an 2000 ces dispositions. Pourquoi avoir adopté à l'époque le projet de loi n° 416? Si on se fie à ce qui s'est dit à l'époque, M. le Président – et c'est un peu en partie notre responsabilité de voir l'état d'un dossier pour savoir comment prendre position à l'égard d'une pièce législative qui est déposée devant nous – eh bien, à l'époque, on a souligné qu'il fallait donner une transition parce qu'il y avait de l'inquiétude devant le changement de règles qui prenait force à cause de l'entente sur le commerce intérieur.

M. le Président, je tiens à souligner qu'il est normal et qu'il était sage à l'époque de se donner cette période supplémentaire. Bien qu'effectivement il y ait déjà eu une période, de 1994 à 1998, où on s'en allait vers ces changements, lorsqu'on arrive face à ces changements, il est normal qu'on prenne un peu de temps de recul. Après tout, il s'agit de personnes humaines, de nos concitoyens qui sont pris face à ces changements-là. C'est eux et leurs familles qui sont inquiets devant les changements, devant les modifications. À l'époque, le gouvernement du Parti québécois a demandé et obtenu deux ans pour s'assurer que le remplacement des règles antérieures allait, d'une part, satisfaire l'entente sur le commerce intérieur et, d'autre part, permettre un juste équilibre entre ce qui pourrait être la réglementation totale et la non-réglementation complète. Il faut trouver un équilibre.

M. le Président, il y a eu deux ans pour que le gouvernement dépose cette pièce, et je tiens à souligner, dans ces premières paroles que je prononce, que je suis déçu de voir que c'est maintenant au 9 décembre, lorsqu'il nous reste à peine une semaine et quelques jours de délibérations en cette Chambre, où là on nous sort la pièce législative en question et on dit à l'opposition: Si vous êtes rendus à faire entendre une personne, ça veut dire que vous paralysez les travaux, alors que ça fait deux ans que le gouvernement a ça dans les poches, et qu'il l'a encore dans les poches parce que les négociations se poursuivent toujours. Et, qu'on veuille faire porter le fardeau à l'opposition, ça prend un certain culot, M. le Président, parce que ce que le ministre nous demande, c'est d'être complices de sa passivité et de ne pas faire notre job, alors que ce que le critique a mentionné et ce que tous mes collègues ont mentionné, c'est que nous avons l'intention de faire notre travail, de le faire dans un climat d'ouverture et de collaboration, ce que le ministre a de la part de notre collègue depuis le tout début, et nous allons continuer à le faire ainsi.

Et ce n'est pas parce que ça arrive à la dernière minute qu'on va abandonner la charge qui nous revient de s'assurer que les pas que nous allons faire seront les bons pas, parce que, si on se trompe, il y a des gens qui vont être touchés. Ceux qui aujourd'hui, peut-être, demandent cette adoption rapide et qu'on se ferme les yeux dessus vont peut-être, demain, être pénalisés. C'est notre travail à nous de s'assurer que, lorsqu'on adopte une loi, elle soit équilibrée, elle soit juste, qu'on ait prévu les conséquences si jamais elle ne répondait pas à l'équilibre que l'on recherche.

M. le Président, j'ajoute ceci, et je termine sur ce point. Quand on sait qu'il y avait deux ans, quand on sait que depuis octobre le ministre aurait pu venir devant nous – ah! on va me répondre que les négociations n'étaient pas terminées; elles ne le sont toujours pas et il est devant nous – on aurait pu entreprendre ce travail-là depuis déjà un bon bout de temps. Alors, encore une fois, ça prend un certain culot pour ensuite renvoyer la balle dans le camp de l'opposition, pour dire que: Tiens, parce que le critique a parlé hier – c'est le seul qui a parlé hier – bien, le cabinet du ministre décide, hier, que les libéraux sont en train de paralyser parce qu'ils font leur travail. Il ne faut pas confondre paralysie et travail, prudence et regard attentif qui doit être porté sur des pièces législatives qui sont déposées.

Premier problème, ou questionnement, devrait-on dire, qui émerge de ce projet de loi, c'est certainement de constater qu'il s'agit d'une nouvelle réglementation, il s'agit d'un projet de loi qui amène une nouvelle façon de faire, une nouvelle structure. Bon. Et la question se pose, puisqu'on la fait justement pour répondre, à la fin d'une période de transition, à un accord qui est intervenu visant la déréglementation: Est-ce qu'il satisfait à l'entente sur le commerce intérieur? Est-ce que ça répond aux exigences qui nous sont imposées par nous-mêmes, par le projet de loi n° 15 que le gouvernement du Parti québécois a fait adopter? Poser la question, ce n'est pas paralyser les travaux, c'est s'assurer qu'on fait notre travail comme il faut.

(17 h 50)

Est-ce que la réponse du ministre, qui consiste à dire qu'il y a déjà une entente avec l'Ontario, est satisfaisante? Posons la question différemment: Est-ce qu'une entente bipartite permet de répondre à une entente multipartite? Je vous repose la question. Nous n'avons pas la réponse actuellement. On aura l'occasion, certainement, de la reposer lors de l'étude en commission, et je compte, bien sûr, sur le parti ministériel et le ministre pour qu'ils nous fournissent une réponse, un avis juridique sur le sujet. Je pense que ça va de soi qu'on puisse obtenir de la part du gouvernement l'assurance que le geste qu'on pose là ne nous ramènera pas ici au mois de mars avec une autre catastrophe à la dernière minute. Alors, la première question qui se pose, c'est celle-là. Le fardeau repose sur le ministre, c'est lui qui est en train de faire cette entente pour atteindre le point d'équilibre. Le moins qu'on puisse lui demander, c'est de nous assurer, en commission, qu'il va répondre à cette entente et qu'il répond aux exigences qui sont les nôtres maintenant.

Et je le répète, la question que je pose n'est pas banale, elle se pose pour tous ceux qui interviennent dans ce milieu-là. Et, je le souligne encore une fois, même ceux qui aujourd'hui voudraient que le projet de loi passe sans aucune étude, même ceux-là doivent se demander: Qu'arrivera-t-il s'il ne répond pas aux exigences? Et c'est notre travail de fournir une certitude pour ne pas que l'on recrée une zone de turbulences où les gens qui ont des familles, qui sont touchés lorsque les règlements changent... surtout dans des cas comme ceux-là qui sont assez importants, bien, s'assurer que, lorsqu'on fait un mouvement, ce soit le bon mouvement. Et je suis persuadé que personne ne va s'élever contre cette demande que nous faisons au gouvernement de nous assurer, par la voie notamment d'un avis juridique, que ce qui est sur la table répond aux exigences de l'entente.

Le deuxième problème, mes collègues en ont parlé, une deuxième zone d'ombre, je dirais, c'est l'obligation, qui sera abolie, qui sera rayée, d'aller en appel d'offres. J'ai compris que cette obligation qui revient sur le monde municipal n'a pas été demandée par l'obligé. Dans des cas comme ceux-là, celui qui a le fardeau de l'obligation, celui qui voit cette obligation sur ses épaules, on a toujours l'impression, quand il y a une loi qui arrive, quand un projet de loi arrive, que c'est parce qu'il l'a demandé. Puis il éprouve un problème avec cette charge-là, puis il convainc le ministre qu'il faut le changer. Or, le monde municipal ne l'a pas demandé. C'est assez étonnant. On peut se demander pourquoi. Ce qu'on nous dit, c'est: L'obligation. Et, si on se réfère aux raisons qui ont amené cette obligation à devenir une disposition législative, on nous dit, quand on se réfère à l'histoire, que c'était, entre autres, une démarche qui permettait de dépolitiser l'attribution des contrats. Une question se pose: Pourquoi est-ce qu'on veut s'éloigner de ce principe qui avait amené l'obligation? Est-ce qu'on ne voudrait plus que soit dépolitisée l'attribution des contrats?

On nous disait aussi que cette obligation permettait d'assurer une concurrence loyale. La question se pose: Pourquoi on la retire? Est-ce parce que, du côté du gouvernement, la concurrence loyale, ce n'est pas une chose avec laquelle on veut s'associer? Je suis sûr que les deux questions que j'ai posées amènent une réponse négative.

On nous dit que l'obligation que les municipalités avaient – et ont toujours jusqu'à ce jour – était de permettre d'avoir un meilleur produit à un meilleur prix. Ma question: Pourquoi est-ce qu'on enlève l'obligation? Je pourrais vous lire – et peut-être que je le ferai, M. le Président, en fin de présentation – des extraits d'une lettre qui a été envoyée au ministre par l'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, qui, doit-on se rappeler, se trouve à être la seule union avec laquelle la ministre responsable fait des discussions et, dit-elle, «c'est la seule avec laquelle je dois parler». Donc, j'imagine qu'elle a une certaine crédibilité auprès du gouvernement du Parti québécois. On en lira peut-être des bouts tantôt. Mais la question se pose, et je pense qu'elle n'est pas banale, et le ministre devra répondre à ces questions-là.

Encore une fois, il ne s'agit pas des questions qui sont posées pour embêter le ministre, ni pour lui faire perdre son temps, ni pour perdre le nôtre, il s'agit de questions qui me semblent bien raisonnables, puis le ministre, il doit avoir la réponse. Et, s'il a la réponse, il va être capable de nous la donner, et ça va permettre d'accélérer les travaux. Mais le fardeau, c'est sur lui, puis dans les deux cas. Dans les deux zones d'ombre, le fardeau est sur lui. Et l'opposition compte donner sa collaboration au gouvernement mais s'attend en retour à ce que le ministre collabore avec l'opposition et lui fasse connaître tout ce qu'il a dans son sac et qu'il n'a pas encore déballé.

M. le Président, le 1er janvier 2000, il y aura et il y a normalement beaucoup d'insécurité. Il faut trouver un point d'équilibre entre ce qui est tout réglementé et non réglementé. Ceci doit nous amener à la prudence. Prudence même si nous sommes à la dernière minute de cet échéancier que le gouvernement connaissait, dont le ministre est responsable. Il y a une entente qui est signée, mais les négociations continuent. Ça doit nous amener, nous de l'opposition, à être prudents. Et je me demande, je me dis: Les autres, ils doivent en parler au caucus, puis c'est bien correct, c'est un outil que chaque parti a. J'imagine que les députés d'en face en parlent au caucus, ils doivent bien se demander à quoi ça va ressembler, le bébé, si les négociations ne sont pas encore terminées. Alors, c'est le moins qu'on puisse dire, il faut être prudents. Puis ce n'est pas de paralyser les travaux, ça, d'être prudents quand on s'aperçoit que l'entente n'est pas encore conclue de façon finale, puisque les négociations continuent. Donc, il faut être prudents.

Le projet de loi, M. le Président, n'est pas définitif. Pourquoi je dis ça? Parce que le ministre a déjà annoncé qu'il apporterait des amendements. Est-ce qu'on va nous reprocher d'être prudents? Le ministre, oui, nous le reproche. Il nous reproche qu'on soit ici, en Chambre, en train de soulever des questions, alors que nous espérons que l'appel qu'on lance aujourd'hui va le convaincre de fournir des réponses lors de la commission parlementaire, de nous informer des tractations de la journée, notamment, qu'il puisse le faire avec le critique de l'opposition, qu'il puisse l'informer de tout ce qui se passe d'heure en heure, alors que ça bouge sans cesse.

Un projet de loi qui a un gros potentiel réglementaire mais pour lequel on n'a aucune idée des règlements qui seront déposés. Il faut donc être prudents quand on adopte une loi pour laquelle on dispense, on offre au gouvernement un pouvoir réglementaire important, mais dont on ne connaît rien des règlements qu'il entend faire adopter. Alors, vous avez quoi? Vous avez devant vous une entente qui est encore en négociations, un projet de loi qui attend des amendements et un pouvoir réglementaire dont on ne sait d'aucune façon comment il sera utilisé.

Et on va nous reprocher d'être prudents, M. le Président? Non. Non. On va plutôt prendre acte du fait que le ministre avait deux ans pour arriver à une entente. Qu'elle ait été longue à venir, soit, mais que le ministre se permette aujourd'hui de laisser entendre que l'opposition paralyse les travaux de la Chambre alors qu'un seul intervenant avait parlé sur le projet de loi, je trouve que ça prend du culot et, surtout, que ce n'est pas faire honneur aux institutions démocratiques.

Et, lorsque les gens, par la suite, vont dire des politiciens qu'ils ont une piètre opinion d'eux, je le dis, c'est souvent à cause d'incidents comme ceux-là, à cause de membres de cette Assemblée qui dénoncent la prudence parce que ça leur cause un problème qu'il y ait des questions et que leur travail soit scruté. Je dis, dans ce cas-là, qu'il y a un dangereux dérapage démocratique et une atteinte à cette institution et au travail que nous faisons tous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Châteauguay. Alors, il n'y a plus d'autres intervenants. Le principe du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les...

M. Fournier: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez.

M. Fournier: Je pense qu'il est maintenant 18 heures...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, non, il n'était pas 18 heures quand j'ai commencé à appeler le projet de loi, M. le député.

M. Fournier: Bien, M. le Président, je pense qu'au moment...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, vous êtes de biais, moi, je suis vis-à-vis.

M. Fournier: Question de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez, je dois continuer à...

M. Fournier: Question de règlement, M. le Président.

(18 heures)

M. Boisclair: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Question de règlement.

M. Boisclair: ...le consentement de la Chambre là-dessus. Peu importent les faits, on comprend qu'on reprend le débat après le souper.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah, bon, très bien. Je croyais que c'était la fin aussi, mais il restait une minute, alors... Vous pensiez que c'était terminé complètement. C'est très bien. Je ne vous ai pas interrompu à cause du temps, parce qu'il restait encore un peu de temps. Mais je comprends. On va s'entendre.

M. Fournier: Votre signal, M. le Président, avait appelé la fin de mon allocution, mais je sais que nous pourrons bénéficier de certaines autres questions ce soir de manière à ce que le ministre puisse fournir un éclairage complet en commission.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, le débat n'est pas terminé. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac. Avant de suspendre nos travaux pour le souper, le député de Châteauguay avait prononcé son allocution et l'avait terminée. Alors, nous allons maintenant céder la parole...

Le principe du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Pardon? M. le député d'Argenteuil, lorsque le président voit qu'il n'y a absolument aucun député qui se lève en cette Chambre, à ce moment-là, on procède. Alors, je vous cède la parole.


M. David Whissell

M. Whissell: Merci, M. le Président. Remarquez que j'étais bien attentif à ce que vous nous disiez, mais ce n'est quand même pas évident, des fois.

D'entrée de jeu, aujourd'hui on est ici pour parler du projet de loi n° 89, qui est une loi qui vise à modifier tout ce qui est transport en matière de vrac pour la province de Québec. M. le Président, je tiens à dire que, comme député du comté d'Argenteuil, j'ai dans ma communauté de nombreux camionneurs qui, comme vous et moi, ont besoin de gagner leur vie constamment et dont le transport est leur revenu. Également, comme individu, ma famille a longtemps eu des permis de vrac, et je peux vous dire que je suis très, très sensible aux revendications des différents groupes qui représentent les camionneurs en vrac au Québec.

M. le Président, qu'est-ce que le vrac? On peut se poser la question. Pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, le vrac, c'est toutes les matières qui sont démêlées: le sable, la pierre ou le sel. Au Québec, il y a une législation actuellement, une réglementation qui fait en sorte que le transport de ces matières est régi et impose certaines conditions aux utilisateurs de ces matières.

M. le Président, le camionnage est une partie de notre économie qui est excessivement importante au Québec. Sans les camionneurs, le Québec n'aurait pu se développer tel qu'on le connaît actuellement. Il ne faut pas se le cacher, c'est le camionnage qui a construit le Québec, et tout ce qu'on utilise en biens et services est souvent transporté par camion. Et on a vu, depuis les 20 dernières années, que même le camionnage a pris une place encore plus importante dans notre vie au détriment, souvent, du transport ferroviaire. C'est donc dire que l'industrie du camionnage, au cours des années, a su innover et offrir à la communauté, vraiment, une alternative au transport de biens et services.

Alors, historiquement, on avait des gens qui étaient équipés de camions et, avec les années, ils se sont regroupés en associations. D'ailleurs, j'ai un M. Archambault dans ma famille qui a contribué à l'élaboration d'associations de camionnage au cours des années cinquante. Ces associations-là se sont regroupées encore plus massivement, et un jour on a eu vraiment une association telle qu'on connaît aujourd'hui avec l'ANCAI. Ces associations-là, au cours des années, ont fait des pressions sur les différents gouvernements, et les gouvernements ont légiféré certaines lois et règlements afin d'offrir, souvent, des meilleurs conditions aux camionneurs et leur permettre également d'atteindre des objectifs pour la société.

(20 h 10)

Aujourd'hui, M. le Président, en ce qui nous touche, en ce qui nous concerne au niveau du projet de loi n° 89, nous sommes à étudier l'alternative de déréglementer le transport en vrac. Mais je dois rappeler également que, au niveau du vrac, à l'origine, c'était au niveau des transporteurs artisans. Alors, c'était l'individu qui avait son camion, qui transportait des matières pour le compte de différents individus.

M. le Président, le rôle des parlementaires, le rôle des élus – parce que nous sommes élus par nos populations respectives – est de faire des lois, faire des règlements pour le bien commun, et le bien commun, c'est prendre la position et la volonté de différents groupes qui ont des intérêts divergents et d'arriver à se faire une idée pour, en bout de ligne, arriver avec une loi et des règlements bien précis qui, dans l'ensemble, devraient être un compromis entre les différents groupes. Alors, on ne peut pas faire une loi qui donne tout à un groupe ou qui donne tout à un autre, il faut essayer d'arriver avec une solution, souvent, qui est négociée, qui va faire un peu le bonheur de tout le monde.

Comme je vous disais, les députés, les différents groupes parlementaires, nous rencontrons différents groupes et nous devons être à l'écoute de ces groupes et se forger notre propre idée sur ce que devrait refléter la loi et les règlements. Alors, tout ça, M. le Président, ça a un objectif bien précis, c'est d'arriver avec un équilibre au niveau de la société. Et cet équilibre-là, c'est notre rôle. Alors, des fois, il faut trancher, trancher au détriment de certains groupes, mais toujours garder la notion d'équilibre.

M. le Président, nous, ici, moi, le député d'Argenteuil, je suis actuellement dans l'opposition, et l'opposition a un rôle très précis au niveau parlementaire. Nous avons le rôle de questionner le gouvernement, ce que nous faisons à chaque jour. Nous avons 45 minutes qui nous sont allouées pour vraiment poser les questions au gouvernement et rendre des comptes. Nous avons également le rôle de critiquer, c'est-à-dire se faire une opinion des politiques, des lois et règlements que le gouvernement élabore et d'exposer à la population notre vision de la chose.

Également, comme parlementaires, nous avons le rôle d'assister et de nous impliquer au niveau des commissions parlementaires. Et, pour beaucoup de gens dans la société, ou même de nos électeurs, «commission parlementaire» sont des mots très abstraits. Mais une commission parlementaire, c'est dans ses étapes que nous allons élaborer les lois. Et, pour nous, c'est l'occasion, en commission, de questionner les groupes, de questionner le ministre, de questionner les gens qui viennent participer à nos travaux. Également, en commission parlementaire, nous pouvons proposer des alternatives aux ministres et aux différents groupes.

Et, lors des commissions parlementaires, nous avons le loisir et la possibilité d'entendre les groupes, et on appelle ce processus les «consultations». Et, parmi les consultations, si on prend le cas dont il est question, le projet de loi n° 89, nous avons entendu des groupes qui représentaient les camionneurs, des groupes qui représentaient les syndicats, des groupes qui représentaient les municipalités, les MRC, le gouvernement et les associations de constructeurs de routes et de grands travaux.

Également, lors de ces travaux en commission parlementaire, nous avons la possibilité d'expliquer à la population les intentions du ministre parce que, vous savez, ce n'est pas toujours évident. On est en commission, on a la loi devant nous, et des fois c'est abstrait, et des fois c'est compliqué, et des fois ça réfère à d'autres lois. Et alors, notre rôle, c'est de nous arrêter, de vraiment essayer d'aller en profondeur et d'expliquer vraiment les intentions du ministre.

Alors, M. le Président, dans notre système parlementaire, l'opposition a le rôle de questionner le gouvernement, a le rôle de demander au gouvernement de rendre des comptes envers la population. Et, en bout de ligne, le gouvernement du Parti québécois, qui est actuellement le gouvernement qui a pleins pouvoirs sur notre législation, c'est lui qui peut déposer les lois, faire les règlements, les voter et les adopter; en bout de ligne, M. le Président, c'est vraiment la partie ministérielle, le gouvernement constitué des élus du Parti québécois, qui a pleins pouvoirs sur notre législation, et c'est lui qui contrôle l'agenda politique.

Vous savez, dans l'agenda politique, en ce qui nous concerne ici, à l'Assemblée nationale, il y a des étapes bien précises. Un ministre, normalement, va se forger une idée, va se mettre des objectifs, des fois il va se faire une politique. Et une fois qu'on réalise, que le ministre réalise et que les gens qui l'entourent réalisent qu'il y a un besoin de légiférer ou de faire un règlement, alors, on élabore le règlement et on enregistre un préavis de dépôt de projet de loi, et ce préavis apparaît à notre feuilleton quotidiennement. Par la suite, le projet de loi est déposé ici, en cette Chambre, aux yeux de tous. Ensuite, on s'en va en commission parlementaire et on fait des consultations, consultations qui permettent à tous les groupes qui veulent se faire entendre de venir exposer leur point de vue sur la loi que le gouvernement entend déposer. Une fois qu'on a entendu tous les groupes, questionné – il y a des interventions de part et d'autre en commission – on revient en cette Chambre et on adopte le principe.

Dans le cas qui nous concerne, lors de l'adoption du principe du projet de loi n° 89, nous avons dit que nous n'étions pas contre ni pour le projet de loi, mais qu'on devait faire encore plus, parce que le dossier est fort complexe. On nous a compressés dans le temps et on n'a pas vraiment laissé le temps à l'opposition et également aux groupes qui sont venus se faire entendre de vraiment se faire une idée de ce que le Parlement du Québec, l'Assemblée nationale, devrait établir comme loi envers le camionnage en vrac.

Une fois que nous avons fait l'adoption du principe, nous faisons la prise en considération et l'adoption, en bout de ligne. Mais, quand vient le temps de l'adoption, M. le Président, on compte le nombre de députés qui votent pour l'adoption. Et, malheureusement pour le Québec, actuellement, c'est le Parti québécois qui a la majorité en cette Chambre. Et, vous savez, c'est très déplorable, parce qu'on nous donnait aujourd'hui, au niveau du camionnage en vrac, des communiqués, et, dans les communiqués, on blâmait l'opposition libérale de faire obstruction, de vouloir reporter l'adoption du projet de loi. Mais, M. le Président, ce n'est pas nous qui contrôlons l'agenda politique.

Moi-même, dans mon comté, j'ai vécu la même chose à la session du printemps. Nous avions un projet de loi pour créer une zone de commerce dans la région de Mirabel, qui est dans mon comté, et le gouvernement a fait toutes les étapes pour amener l'adoption du projet de loi et, à la dernière minute, le gouvernement n'a pas demandé l'adoption du projet de loi. Alors, c'était donc dire, dans ce cas précis, pour Mirabel, que le gouvernement avait décidé de reporter la mise en application de ce projet de loi, et avec les conséquences qui en découlaient pour la collectivité. Alors, aujourd'hui, qu'on nous accuse de vouloir reporter l'adoption de ce projet de loi, c'est énorme, M. le Président. Et je suis convaincu, avec l'expérience parlementaire que vous avez, que vous êtes en accord avec ma position.

Vous savez, c'est un dossier qui est fort complexe, autant pour les gens de l'opposition que les gens du côté gouvernemental, du Parti québécois. Je peux vous dire que, même à l'intérieur, des députés qui sont en face de nous en cette Chambre, leur idée n'est pas arrêtée. Parce qu'on est arrivé à la dernière minute. Écoutez, au Canada, il y a une entente qui a été signée en 1994 entre les différentes provinces, qui disait qu'on déréglementait le transport, et l'objectif était le 1er janvier 2000. Alors, en 1994, au Québec, les groupes, le gouvernement, les élus, tout le monde savait que, au 31 décembre 1999, il fallait avoir une solution de rechange. Il fallait déréglementer. Alors, de quelle façon le gouvernement voulait le faire? De quelle façon la société voulait le faire? On avait six ans pour le faire, M. le Président.

(20 h 20)

Là, aujourd'hui, on arrive, à la veille de la fin de la session, session qui va se terminer peut-être dans 10 jours, peut-être dans sept jours, et on nous précipite dans un projet de loi qui est fort complexe, qui n'est pas facile, qui a des termes... qui fait des références à différentes lois, à la loi des transports, à la loi des affaires municipales, un paquet de lois, et les groupes sont divisés.

Le ministre a signé des ententes avec différents groupes, il y a des groupes qui ont fait des ententes entre eux, et c'est un dossier qui est fort complexe. Quand je vous disais que, en cette Chambre, les députés du côté du Parti québécois, eux-mêmes, leur idée n'est pas arrêtée... Et je vais juste vous faire une citation. Lors des consultations avec les différents groupes, je peux vous dire que le ministre des Transports a été d'une arrogance complète envers différents groupes. Quand je vous dis que le groupe n'est pas assis et que le ministre prend la parole et il dit: C'est moi qui mène en commission et, si je veux, votre 20 minutes, moi, je vais parler puis vous n'aurez pas la parole, alors, je peux vous dire qu'on a un ministre qui est ratoureux, un ministre qui a attendu à la dernière minute pour déposer son projet de loi, qui attend à la dernière minute pour entendre les groupes et qui va attendre à la dernière minute pour l'adopter.

Et ce ministre-là – je vais vous faire une citation – il est tellement ratoureux qu'il «ratouille» même envers ses collègues. Quand je vous dis qu'ils sont divisés entre eux, le ministre, en commission parlementaire, a cité la ministre des Affaires municipales parce qu'il disait que ce n'était pas lui qui avait fait l'amendement au niveau de la loi des affaires municipales mais bien sa collègue. Et je vais vous faire la citation parce que ça vaut la peine d'entendre ça, juste pour vous montrer comment ce gouvernement-là a perdu une ligne directrice et qu'ils sont divisés entre eux. Il n'y a plus personne qui dirige ce gouvernement-là. Et je vais vous en donner un exemple, M. le Président. Écoutez, c'est le ministre des Transports, député de Joliette, qui parle: «Bon, bien, écoutez une minute. Je veux bien passer pour un ratoureux, mais les choses sont les faits. Ce n'est pas moi qui l'ai votée, la loi, c'est Mme Harel, et vos deux unions avaient donné l'aval. Et l'Union des municipalités, M. Noël, réclame depuis des années la souplesse.»

Alors, vous voyez, M. le Président, la beauté à l'Assemblée nationale, c'est que tout ce qu'on dit est écrit. Et, moi, ce que je dis aujourd'hui, je vais être capable de vivre avec longtemps en cette Chambre. Mais, quand on voit un ministre ratoureux dire que sa collègue des Affaires municipales est ratoureuse, c'est dire qu'il y a un sérieux problème du côté de cette Chambre.

Et je vais vous donner une autre citation du député ratoureux: «Le député de Montmagny vient de dire que c'était adopté en juin. Vous avez dit que c'était adopté en juin passé. C'est ma collègue des Affaires municipales qui a passé la loi, puis là je passe pour un ratoureux aux yeux du député de l'Acadie.» Alors, je vous dirais que c'est un projet de loi ratoureux, avec un député ratoureux puis un gouvernement ratoureux.

Alors, M. le Président, moi, ce que je vous dis aujourd'hui, c'est que c'est un dossier fort complexe. Et, si on se ramasse aujourd'hui avec des groupes qui sont divisés... Et il ne faut pas se leurrer, il y a des négociations qui se poursuivent constamment entre les groupes et le ministre. Et aujourd'hui le ministre et différentes associations osent pointer l'opposition libérale pour reporter l'échéance de l'adoption du projet de loi et faire obstruction. Non, M. le Président, je ne peux pas accepter une telle accusation.

Et, vous savez, des fois, en politique, ce n'est pas facile de prendre des choix. Des fois, oui, il faut trancher. Il faut s'arrêter et dire: Qu'est-ce qu'on veut comme bien collectif? Vers où on veut amener la société? Mais encore, pour faire ces choix, il faut être bien informé, il faut avoir pris le temps d'entendre les groupes, d'avoir posé des questions et d'arriver avec une idée arrêtée, réfléchie et qu'on va pouvoir défendre jusqu'à la fin. Et, quand on regarde de l'autre côté puis ce qu'on vit à tous les jours, dans tous les ministères, le gouvernement qui est en face de nous n'a aucune planification. On improvise, on éteint des feux jour après jour. Vous avez juste à penser à Emploi-Québec, la ministre qui a pris ce dossier à sa charge, écoutez, c'est un cafouillage inédit. C'est la ministre qui nous dit que tout va bien au niveau d'Emploi-Québec et c'est le premier ministre qui dit que c'est une bonne ministre. Et la même chose au niveau de la santé, avec une ministre, elle aussi ratoureuse, qui, jour après jour, nous dit des demi-vérités.

Et, vous savez, M. le Président, dans l'adoption du projet de loi n° 89 qui vise à modifier la loi sur les transports de matières en vrac, l'opposition libérale a été constructive de A à Z. Nous avons posé les questions que nous devions poser. Nous avons rencontré les groupes qui nous ont demandé de nous rencontrer, et, en bout de ligne, c'est le gouvernement qui aura l'odieux d'avoir mis le transport en vrac dans la position où nous sommes actuellement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil. Y a-t-il d'autres intervenants? Oui, M. le député d'Abitibi-Est. M. le député.


M. André Pelletier

M. Pelletier (Abitibi-Est): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir sur le projet de loi n° 89, Loi qui modifie la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac pour toutes sortes de matériaux de type naturel, genre sable, gravier et minéraux, et aussi concernant l'industrie forestière, principalement pour ce qu'on appelle «le bois en longueur», sur les terres du domaine public.

Notre ministre des Transports qui, on l'admettra, a sa manière bien franche de dire les choses, a un seul souci en présentant ce projet de loi n° 89, le souci de protéger les camionneurs, protéger les travailleurs, parce que, ici, on parle d'abord de travailleurs, de plus petits camionneurs possédant une unité ou deux. Toute sa vie de parlementaire, le ministre des Transports a été dévoué d'abord à la protection des travailleurs et des travailleuses.

M. le Président, ce projet de loi n° 89 qui est présenté aujourd'hui vise à préparer l'industrie du camionnage en vrac par cette loi qui a comme but ultime d'atténuer tous les effets de la mise en oeuvre de la déréglementation, déréglementation qui origine d'une loi fédérale basée sur l'Accord sur le commerce intérieur, la loi qu'on appelle la loi C-19. Cette déréglementation du gouvernement fédéral prend effet le 1er janvier. Donc, il était d'une nécessité absolue, d'abord, de faire cette loi pour éviter que, le 1er janvier, on arrive dans une situation complètement désordonnée.

Imaginez, on a tout un domaine, les camionneurs qui sont au-delà de 7 000 à travers tout le Québec, qui sont des travailleurs organisés dans une association depuis déjà une trentaine d'années, ces camionneurs-là sont habitués à travailler d'une certaine manière, avec des permis, avec une réglementation, avec des tarifs. Et, si on n'avait pas introduit cette loi – qui, j'espère bien, recevra l'approbation de l'Assemblée nationale dans les plus brefs délais – le 1er janvier, on aurait mis 7 000 travailleurs dans une situation vraiment intenable.

Allons-y avec l'hypothèse qu'il n'y aurait pas de loi le 1er janvier: pas de loi le 1er janvier, ça veut dire qu'il y a 7 000 personnes qui sont habituées depuis, des fois... Il y en a qui ont commencé là-dedans. C'est leur premier travail. Ils n'ont jamais eu d'autre travail. Ils ont toujours été habitués à avoir un permis. Imaginez, pas de loi le 1er janvier, ça aurait fait en sorte que, pour tous les travaux de vrac et de l'industrie forestière, le 1er janvier, ces gens-là auraient été devant le néant au niveau des structures minimales. Donc, la loi est d'une nécessité absolue.

(20 h 30)

C'est pour cette raison qu'elle est introduite et qu'elle va quand même amener des changements majeurs. Je l'ai dit tantôt, la loi vise à atténuer les effets de la déréglementation, assouplir, faire en sorte qu'on n'arrive pas le 1er janvier puis qu'il y ait 7 000 gars et femmes qui se rivent sur le mur, parce que cette déréglementation-là fait en sorte qu'à partir du 1er janvier il ne pourra plus y avoir de permis dans le camionnage. Imaginez-vous, tous ceux qui ont été habitués avec – il y en a qui vont se rappeler du terme – les VR... Bon, bien, depuis 30 ans, on entend dire au Québec: Moi, j'ai un VR, ça a une telle valeur. Tout d'un coup, le 1er janvier, je n'ai plus de VR.

Il n'y a plus de tarifs, il n'y a plus de prix de fixés, donc il fallait un encadrement minimal. C'est pour cette raison que le ministre des Transports, depuis déjà toute la dernière année, a eu je ne sais pas comment de dizaines et de dizaines de rencontres avec l'ensemble des gens du camionnage en vrac au Québec pour essayer de trouver des moyens, des manières. C'est sûr que ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, il a fallu plusieurs discussions. Comment faire en sorte... Comment se sortir d'une réglementation, d'une manière de faire depuis 30 ans et changer ça du jour au lendemain complètement?

Il fallait, premièrement, que les gens du camionnage prennent conscience de l'importance du changement du 1er janvier. Et toutes ces discussions-là au cours de tout l'été ont amené, le 14 octobre dernier, le ministre des Transports à présider à la signature de deux ententes: une avec l'association des camionneurs qu'on appelle l'ANCAI et aussi une avec l'Association des manufacturiers de bois de sciage. Et cette loi-là est le fruit de cette entente. À certains égards, la loi est presque mot à mot selon l'entente qui a été signée le 14 octobre.

Donc, je disais que cette loi a pour effet, comme principal aspect, l'abolition des permis de camionnage et l'abolition des tarifs. Par contre, elle vise à maintenir des organismes de courtage. Il n'y a plus de tarifs, il n'y a plus de permis, mais, en quelque part, il faut un moyen pour que... Qu'est-ce qui arrive le 1er janvier? Il faut que les gens continuent à savoir où aller puis comment aller chercher leur travail. Donc, automatiquement, il va y avoir un registre automatique. Les gens vont tous être dans un registre à partir du 1er janvier, et, à ce moment-là, après, il y aura un délai pour aller s'inscrire ou, à la limite, se retirer du registre. C'est une possibilité qu'ils ont.

J'aimerais vous dire qu'on ne peut pas passer d'une organisation de camionneurs qui ont travaillé pendant trois décennies pour s'organiser à une situation complètement désorganisée du jour au lendemain. Puis, moi, je me rappelle comment l'Association des camionneurs a rendu, au cours de ces décennies-là, des services à la communauté. Moi, j'ai déjà été un ancien maire de ville, et on ne se cassait pas la tête sur comment est-ce qu'on ferait avec notre gravier l'été puis notre neige l'hiver, on faisait une entente, et c'était l'Association des camionneurs qui s'occupait... On avait besoin de tant de camions, on n'avait pas besoin de se mettre au téléphone puis de courir après tout le monde, on leur disait: On en a besoin de 12, puis il en arrivait 12.

Donc, l'entente a été bonne au cours des dernières décennies. Donc, le projet de loi vise à essayer d'harmoniser, passer d'un système réglementé à une déréglementation totale, se donner quelques années de transformation de toute l'opération de camionnage en vrac. C'est ce que vise principalement le projet de loi.

Le projet de loi vise aussi à maintenir un accès préférentiel à une partie des travaux de la voirie publique du gouvernement. Le nouvel encadrement vise aussi à assurer temporairement aux entreprises de camionnage en vrac une forme de stabilité afin de faire une transition harmonieuse du marché complètement réglementé vers un marché libre. En effet, une partie importante du marché sera déréglementée, comme je l'ai dit, et c'est dans la perspective de répartir équitablement les retombées économiques liées aux travaux de voirie que le gouvernement, le ministre des Transports introduit cette loi.

Nous avons aussi, en terminant, M. le Président, reçu la semaine dernière en audience presque tous les gens concernés par le camionnage en vrac. Il y en a qui étaient d'accord, il y en a d'autres qui amenaient d'autres suggestions, il y en avait certains qui étaient contre. On a écouté tout le monde. Et j'ai été aussi heureux de voir l'Association des camionneurs en vrac, l'ANCAI, je dirais, se compromettre, ou affirmer, ou répéter d'une manière très forte au ministre que sa volonté – par cette loi et par l'entente qu'elle a signée avec le ministre – était de faire en sorte de travailler avec d'autres qui ne sont pas dans l'Association, de s'associer, de discuter, de négocier et de trouver un terrain d'entente pour faire en sorte que l'ensemble des camionneurs en vrac au Québec puissent bénéficier de la répartition du travail qui se donne au niveau des municipalités, au niveau du gouvernement du Québec, et faire en sorte que les travailleurs, surtout les petits travailleurs au niveau du camionnage, soient protégés et que ça se fasse dans une harmonie qu'on a connue au cours des dernières années et que je suis convaincu que tout le monde, incluant l'opposition, veut maintenir au cours des prochaines années. Et c'est pour cette raison que je souhaite que cette loi soit adoptée dans les plus brefs délais, afin de rendre justice à nos camionneurs. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Abitibi-Est et adjoint parlementaire au ministre des Transports. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Bonaventure. Mme la députée.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir, évidemment, en appui à mes collègues qui ont pris la parole précédemment concernant le projet de loi n° 89.

La présentation de ce projet de loi sur le camionnage en vrac a suscité un débat important jusqu'à maintenant. Et on comprendra dans le contexte que l'importance de ce débat met en lumière l'avenir de cette industrie d'importance pour le Québec et pour plusieurs régions en province.

M. le Président, les mémoires qui ont été déposés par les neuf groupes en commission parlementaire le 3 décembre dernier témoignent de l'importance des intérêts défendus par chacun de ces groupes et met en lumière également le fossé qui sépare plusieurs d'entre eux. Pour ceux et celles, donc, qui seraient tentés de simplifier les enjeux découlant ou entourant ce projet de loi, je pense que ce serait une erreur parce que, à trop vouloir simplifier, évidemment, on finit par tomber dans des généralités qui contribuent à évacuer des nuances importantes.

Dans ce projet de loi, M. le Président, et dans le débat qui nous occupe, je pense qu'il est nécessaire de mettre les positions chacune dans son contexte parce que nous sommes devant un secteur d'activité éminemment complexe. Et mes collègues qui ont pris la parole précédemment, je pense qu'ils l'ont abondamment souligné. Et les enjeux qui découlent de ce projet de loi ne s'appuient pas uniquement sur des grands principes mais font appel à des considérations que je qualifierais, donc, de plus pragmatiques, des considérations, évidemment, qui ne peuvent nous laisser indifférents, puisqu'elles ont des impacts sur l'emploi et sur de nombreuses économies locales et régionales. Et je dois vous dire, M. le Président, comme députée du comté de Bonaventure, comme députée venant d'une région qui s'appelle la Gaspésie, que je suis très, très sensible aux arguments qui sont invoqués de la part de certains groupes.

(20 h 40)

Je soulignais il y a quelques secondes à peine que l'industrie du camionnage en est une d'importance au Québec. Je pense qu'on s'entendra tous sur ce constat. Les revendications formulées par cette industrie au cours des dernières années et les manifestations qui ont entouré ces revendications sont à la hauteur des enjeux et des intérêts que souhaitent préserver les joueurs de cette industrie d'importance pour le Québec.

Évidemment, M. le Président, je pense qu'on a tous en mémoire les fameuses manifestations de juin 1990 qui nous ont donné droit, de la part des camionneurs artisans, à une occupation presque à temps plein sur la Grande Allée, ici, tout près du parlement. Évidemment, M. le Président, lorsqu'on sait que plusieurs de ces manifestants gagnent leur vie en opérant leur camion, on comprendra bien sûr que les enjeux sont considérables pour eux. Dans ce cas-ci, pour ces gens qui opèrent un camion et pour qui il s'agit de leur emploi principal, évidemment il s'agit de préserver leur gagne-pain. Il ne faut pas s'étonner, dans ce contexte, que l'énergie déployée par ces camionneurs soit affichée avec autant de conviction.

L'industrie du camionnage, M. le Président, ce n'est pas une industrie qui est facile; c'est une industrie qui est très, très complexe. C'est un secteur dans lequel plusieurs groupes et joueurs gravitent et où la concurrence occupe une place importante. Cette concurrence, évidemment, à l'aube du troisième millénaire, à l'aube de l'an 2000, a toutes les chances de se développer davantage avec la venue de la déréglementation, un terme très à la mode qu'on a entendu souvent au cours des dernières années. Évidemment, on comprendra, dans le contexte, que cette déréglementation s'appuie sur une loi pancanadienne qui prévoit qu'effectivement ce secteur se retrouvera en situation de libre marché à compter du 1er janvier 2000.

M. le Président, bien que cette déréglementation ait été annoncée depuis un certain temps – évidemment, je pense que ce n'est pas une surprise, pour personne, aujourd'hui, là, aujourd'hui 9 décembre, d'apprendre que le 1er janvier 2000, c'est un secteur, le camionnage en vrac, qui sera déréglementé à partir du 1er janvier 2000 – plusieurs joueurs importants de cette industrie nourrissent, et à juste titre, d'énormes inquiétudes face à ces transformations du marché.

Évidemment, M. le Président, les tensions qui ont été exprimées par chacun ont conduit à la formation d'un comité d'experts, un comité d'experts qui a été formé à l'automne 1998. Et on se souviendra qu'à l'époque le gouvernement péquiste, le gouvernement actuel, a mandaté un comité, du nom de comité Bernier, composé de trois spécialistes ou de trois experts en matière de transport, un comité qui a permis d'entendre les principaux intéressés par toutes ces transformations dans l'industrie du camionnage et qui, suite à ces consultations, après avoir entendu des groupes, a déposé un rapport en avril dernier.

Évidemment, le comité en question s'est vu confier un mandat d'importance par le gouvernement. À l'époque, le mandat qui a été confié par le gouvernement à ce comité d'experts a donné le ton aux travaux du comité et aux orientations du gouvernement et du ministre des Transports. Et je pense, M. le Président, que c'est un élément important, parce que déjà le ministre, en confiant ce mandat au comité Bernier, nous annonçait en quelque sorte les couleurs, la position qu'il entendait prendre dans cet important débat qui nous occupe aujourd'hui.

Alors donc, quel est ce mandat que s'est vu confier le comité Bernier, M. le Président, en avril 1998? Alors, le comité avait à l'époque l'obligation de soumettre au gouvernement des recommandations précises dans le but de permettre aux transporteurs en vrac de tirer leur épingle du jeu dans le contexte de la déréglementation.

Il y a une des associations qui, au Québec, a très bien exprimé ou très clairement exprimé les impacts qui découleraient de l'abolition de toutes les règles régissant l'industrie du camionnage et qui a mis en lumière la nécessité et la pertinence de protéger certains acquis. Évidemment, c'est une association qu'on connaît tous, l'Association nationale des camionneurs artisans, communément appelée l'ANCAI.

M. le Président, cette Association, dans un bref retour en arrière, prend soin de nous rappeler que le premier règlement... Et je fais référence ici bien sûr à un mémoire qu'ils ont déposé lors des consultations qui se sont tenues le 3 décembre dernier. Donc, l'Association, comme une des principales associations d'importance dans le domaine du camionnage en vrac, s'est sentie évidemment interpellée par le débat sur le camionnage. Donc, dans ce mémoire, l'Association nationale des camionneurs artisans prend soin de nous rappeler que le premier règlement sur le camionnage en vrac a vu le jour en 1973 et que tous les gouvernements qui se sont succédé depuis ont contribué – et c'est souligné à la page 6 de leur mémoire – à bâtir le modèle qu'on connaît aujourd'hui.

C'est donc dire, M. le Président, qu'à partir du 1er janvier 2000, avec la venue de la déréglementation, c'est évidemment ce modèle, tout ce modèle qui va disparaître pour laisser place à un autre modèle, celui-là qui fera référence, donc, au libre marché.

M. le Président, sur la base des acquis et des protections qui ont été consentis jusqu'à maintenant par les gouvernements, il est compréhensible évidemment que cette Association monte aux barricades et s'objecte face à la déréglementation qui entrera en vigueur à partir du 1er janvier 2000. L'Association des camionneurs artisans en est une qui est très représentative de cette industrie. C'est une association qui est très présente dans plusieurs régions du Québec. Elle est présente dans le comté de Bonaventure; elle a plus de 100 membres dans le comté de Bonaventure. Et je dois vous dire que, contrairement aux grands centres, les entreprises de camionnage en vrac dans la région, et c'est le cas dans le comté de Bonaventure, sont de très, très petite taille. Et, dans ce contexte, on comprendra qu'elles se sentent doublement menacées.

Et, comme je le soulignais tout à l'heure, M. le Président, face au discours que l'Association nationale des camionneurs artisans tient dans le comté de Bonaventure, comme députée, je dois vous dire que je suis très réceptive face à leurs doléances. Et c'est très difficile pour moi d'être indifférente. Il y a un représentant de ces camionneurs qui me rappelait à juste titre qu'actuellement un camionneur en vrac dans le comté de Bonaventure reçoit 48 $ de l'heure pour son camion. Donc, à chaque fois qu'il obtient un contrat, on lui donne 48 $ de l'heure pour effectuer ses travaux. Évidemment, face à une éventuelle déréglementation, vous comprendrez que, pour l'Association, on craint une diminution du prix. Alors, le représentant me faisait remarquer que ce prix pourrait s'établir, à partir du 1er janvier 2000, suite à la déréglementation, à peu près à 30 $ de l'heure. Alors, pour un camionneur, pour qui son camion représente littéralement son gagne-pain, voir passer son salaire de 48 $ de l'heure à 30 $ de l'heure, vous comprendrez que ça pose tout un problème.

Évidemment, il y a une autre conséquence qu'anticipe l'Association nationale des camionneurs artisans et que, à juste titre, me rappelait un camionneur de mon comté, c'est évidemment le nombre de joueurs qui sont actuellement sur le marché, ce qui, suite à la déréglementation, M. le Président, pourrait contribuer à augmenter le nombre de joueurs en question. Parce que, évidemment, le marché étant libre de, comment dire, toute réglementation, de toute protection, il y a peut-être un plus grand nombre de personnes qui seront tentées de se lancer dans ce secteur d'activité. Évidemment, pour l'Association nationale des camionneurs artisans, ça représente un danger, puisqu'elle soutient que les nouveaux joueurs sur le marché pourraient faire preuve de beaucoup d'improvisation et que cette situation pourrait contribuer à une déprofessionnalisation donc de cette industrie d'importance.

Évidemment, les craintes qui m'ont été formulées par les représentants de cette Association dans le comté de Bonaventure, dans mon comté, sont des préoccupations qui rejoignent l'Association nationale des camionneurs artisans, évidemment des préoccupations, M. le Président, qu'on a retrouvées abondamment dans le mémoire qu'elle a présenté donc le 3 décembre dernier en commission parlementaire. Dans ce contexte, je pense qu'on comprendra tous que le débat en région prend une autre couleur, prend une autre perspective. Et, face au libre marché, les représentants de cette Association, chez nous, n'hésitent pas à parler de catastrophe.

Le message qu'ils portent est le suivant: Qu'on nous donne des garanties pour protéger le peu qu'il nous reste. Face à ces arguments, M. le Président, évidemment, je dois vous dire que je suis, encore une fois, très sensible. Face à la déréglementation, face aux demandes formulées par les camionneurs artisans, il y a deux mondes, il y a deux réalités. On sait toujours qu'il y a deux côtés à une médaille. Alors, c'est deux réalités, deux mondes qui, pour certains, ne peuvent être conciliés, deux réalités qui expliquent le climat d'affrontement entourant le dépôt du projet de loi n° 89, évidemment un affrontement qui explique la polarisation des positions des intervenants.

(20 h 50)

D'un côté, M. le Président, nous avons les tenants d'un certain protectionnisme et, de l'autre, nous avons les défenseurs du libre marché. Alors, on comprendra que, lorsqu'on parle de protectionnisme, évidemment ça va à l'encontre de tout ce qui est appelé libre marché. Alors, les arguments qui sont invoqués par les intervenants, donc les seconds intervenants, c'est-à-dire les défenseurs du libre marché, je dois vous dire que leurs arguments, également, font du sens, c'est des arguments qui sont logiques. Parce que je pense que tous les groupes qui se sont présentés en commission parlementaire – ils étaient neuf – peu importent leurs positions, tout le monde est conscient que la déréglementation qui s'en vient, évidemment, est un phénomène qui est incontournable, et l'Association nationale des camionneurs artisans, je pense, M. le Président, conviendra de cet élément d'importance.

Alors, dans les arguments qui ont été invoqués par ces intervenants, les tenants du libre marché, le Conseil du patronat, qui est évidemment un acteur, un joueur important, soutient que l'abolition de l'allégement des règles entourant le camionnage en vrac permettra de créer un climat favorable aux entreprises, et je pense, M. le Président, qu'on n'a rien contre un principe comme celui-là, au contraire. À la page 2 de son mémoire présenté le 3 décembre dernier, le Conseil du patronat du Québec soutient que ce projet de loi, et je cite, «établira une protection qui ne protégera que bien artificiellement les plus petites entreprises».

À ces arguments du Conseil du patronat du Québec, M. le Président, s'ajoutent, par exemple, ceux de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, communément appelée l'ACRGTQ. Et ils soulignent à la page 8 de leur mémoire présenté, toujours, en commission parlementaire le 3 décembre dernier qu'ils ont, et je cite, «l'intime conviction que le projet de loi n° 89 est injuste, inacceptable et anachronique».

Alors, M. le Président, devant des positions qui sont si diamétralement opposées se posent plusieurs questions. Tout d'abord, est-ce qu'il est possible de concilier les positions des deux parties? Deuxièmement, est-ce que nous devons souscrire aux arguments des libre-échangistes qui mettent en lumière le nécessité de ne pas s'inscrire à contre-courant d'une grande tendance mondiale, celle de la déréglementation, une tendance, comme je soulignais tout à l'heure, qui est incontournable? Évidemment, en troisième lieu, je pense qu'il y a lieu de se demander quels seraient les impacts pour les régions du Québec d'une telle déréglementation.

Évidemment, je pense que l'ensemble de ces questions que je viens de soulever représentent les défis auxquels le ministre des Transports et son gouvernement sont conviés. Je pense que le succès que connaîtra le ministre avec son projet de loi sera à la hauteur des consensus et des compromis qu'il réussira à dégager pour rassembler les parties. Et c'est tout un défi, M. le Président, mais je pense que, si le ministre veut conserver un minimum de crédibilité, c'est le défi auquel il devra répondre et c'est le défi auquel il devra souscrire. Si tous les intervenants y trouvent leur compte, le ministre, par la suite, pourra dire: Mission accomplie.

Mais, en attendant, le ministre doit éviter que le climat d'affrontement perdure entre les différentes parties concernées. Si le climat d'affrontement perdure, je pense qu'on s'en va droit vers un cul-de-sac. La situation est complexe, on l'a souligné tout à l'heure, mais je pense que le ministre, dans le contexte, doit faire preuve d'imagination pour dégager un consensus qui permettra de rassembler les parties et concilier les positions de chacun.

Et vous me permettrez, M. le Président, à ce stade-ci de citer mon collègue et député de l'Acadie, porte-parole au niveau des transports, qui a fait jusqu'à maintenant un excellent travail. Évidemment, on bénéficie de ses compétences et de son expertise dans le domaine des transports, et, lorsque la commission parlementaire du 3 décembre dernier a complété ses travaux, je pense que le député de l'Acadie a très bien campé le défi auquel le ministre était appelé. Et vous me permettrez de prendre quelques minutes, M. le Président, donc, pour citer mon collègue le député de l'Acadie.

Donc, il nous dit la chose suivante à la fermeture de la commission: «Au cours de la journée, on a vu, suite à certaines présentations, des ouvertures, des gens qui sont prêts à manifester une certaine flexibilité, des suggestions, des recommandations précises. Alors, je pense, M. le Président, qu'on voit que, dans l'état actuel du projet de loi n° 89, il n'y a pas un consensus. Et les ouvertures qui ont été faites de la part de tous les groupes, qu'on soit favorable ou défavorable au projet de loi, sont intéressantes et sont peut-être un peu aussi porteuses d'avenir. Alors, je pense que, si ces ouvertures-là peuvent être prises au vol par le ministre, il y a peut-être lieu de penser qu'on pourrait aller peut-être un peu plus loin dans le projet de loi. Avant qu'on en arrive à l'adoption finale de ce projet de loi, il y aura possiblement des moyens d'améliorer le projet de loi. Maintenant, ça implique évidemment, de la part des intervenants qui sont venus aujourd'hui, qui ont manifesté de l'ouverture, ça implique que ces gens-là devront aussi faire preuve de flexibilité et de bonne volonté. Mais ça va aussi impliquer de la part du ministre que le ministre manifeste aussi une certaine ouverture.» Donc, M. le Président, le message de la part de mon collègue le député de l'Acadie est clair.

En terminant, M. le Président, il me reste quoi, trois minutes? Je pense qu'il est important, peut-être, à ce stade-ci de rappeler le ministre des Transports à l'ordre. Je pense que mon collègue d'Argenteuil l'a souligné, mais, plutôt que de s'employer à accuser l'opposition de tous les torts dans ce dossier, je pense que le ministre des Transports aurait intérêt à se remettre à la planche à dessin, le ministre des Transports aurait intérêt à refaire ses devoirs.

L'opposition, M. le Président, n'est pas dupe dans ce projet de loi n° 89. On voit bien, évidemment, de ce côté-ci de cette Chambre, que le ministre des Transports tente, par toutes sortes d'astuces, de détourner l'attention des groupes et du public en les persuadant que les torts dans le processus actuel sont attribuables ou relèvent de la responsabilité de l'opposition. M. le Président, c'est faux. C'est faux. Et je pense que le ministre des Transports a assez d'expérience et conviendra évidemment avec nous que c'est des arguments qui ne tiennent pas. Et je vais vous dire que j'ai le plaisir de dire au ministre des Transports ce soir qu'il échoue lamentablement le test de convaincre le public et les groupes que, si ça ne fonctionne pas bien dans son projet de loi, c'est de la faute de l'opposition.

Je pense que, si le ministre des Transports veut adopter son projet de loi, il n'en tient qu'à lui. Il y a une personne qui est en mesure de décider si elle veut adopter son projet de loi, c'est le ministre des Transports. L'opposition, vous le savez comme moi, est en minorité ici, dans cette Chambre. Alors, dans le fond, si le ministre veut adopter son projet de loi, il n'a pas besoin de l'appui de l'opposition. Qu'on fasse ce qu'on voudra, M. le Président, qu'on dise qu'on soit pour, qu'on dise qu'on soit contre, c'est le ministre, en bout de ligne, qui va décider. Alors, je pense que le ministre a assez d'expérience pour comprendre que ses tentatives, ça ne fonctionne pas. Et je pense que les groupes qui sont intervenus en commission parlementaire, ça, le comprennent bien.

Alors, évidemment, j'espère que le ministre des Transports va faire preuve d'ouverture et que le ministre des Transports va s'attarder, plutôt qu'à attaquer l'opposition, à se pencher sur le véritable objet. Dans ce cas-ci, il s'agit de bonifier un projet de loi qui va nous permettre de dégager un consensus puis un compromis important. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Nous allons maintenant céder la parole à M. le député de Dubuc. M. le député.


M. Jacques Côté

M. Côté (Dubuc): Alors, merci, M. le Président. À mon tour, comme député d'une région où le camionnage en vrac est très important, il me fait plaisir d'intervenir sur le principe du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac.

D'abord, permettez-moi de signaler que ce projet de loi a pour objet de donner suite aux ententes signées le 14 octobre 1999 avec les représentants des camionneurs, ententes qui touchent au-delà de 6 000 camionneurs oeuvrant dans le domaine. Il modifie de plus plusieurs autres lois dont, entre autres, la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec, la Loi sur la Communauté urbaine de l'Outaouais, la Loi sur la Communauté urbaine de Montréal, de Québec, la Loi sur le ministère des Transports, la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction et la charte de la ville de Montréal. Si plusieurs dispositions législatives du domaine du droit municipal sont ainsi modifiées, M. le Président, c'est afin de maintenir, après l'abrogation des tarifs de camionnage en vrac, des règles particulières d'adjudication de certains contrats de camionnage.

Ce projet de loi est en quelque sorte une loi tampon pour préparer l'industrie du camionnage en vrac afin que soient diminués, voire même atténués, les effets de la déréglementation prévue par le gouvernement fédéral à compter du 1er janvier de l'an 2000. En effet, l'article 19 de la loi fédérale C-19, Loi sur la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, sera mis en force le 1er janvier de l'an 2000. Le ministre avait promis aux camionneurs de revoir l'encadrement du camionnage en vrac. Par le dépôt de ce projet de loi, il réalise ainsi ses engagements.

(21 heures)

À entendre l'opposition depuis cet après-midi de même que ce soir, ce projet de loi n'a aucune vertu: contraire aux règles sur le commerce intérieur, manque d'équilibre, loi injuste, contraire au principe de la concurrence loyale. Et on nous dit qu'on est prêts à collaborer, qu'on ne veut pas retarder les travaux. C'est du négativisme pur. Et je regarde la définition du négativisme dans le dictionnaire du Petit Robert , qui dit: C'est un comportement pathologique qui consiste à résister, soit passivement soit activement, à toute sollicitation. C'est une attitude négative, une attitude de refus. C'est presque du sophisme, M. le Président. Dans leur tête, ils sont pour, dans les discours, ils sont contre, et ils ne savent pas s'ils vont voter pour ou s'ils vont voter contre. Vous vous souvenez, M. le Président, vous qui avez fait vos humanités, qu'un sophisme... On nous donnait un exemple de Socrate: lorsqu'on dit que Socrate est bon, Socrate est un homme, donc les hommes sont bons. Alors, c'est presque ça que l'opposition nous propose.

Les principales modifications apportées à la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac se résument par les objectifs suivants: d'abord, premier objectif, abroger le pouvoir réglementaire qui permet au gouvernement d'exiger des permis de camionnage et à la Commission des transports du Québec de fixer des tarifs de camionnage; deuxièmement, établir un système d'encadrement, prévu par l'entente, qui permet l'inscription des titulaires des permis de camionnage en vrac actuels dans un nouveau registre des entreprises de camionnage en vrac tenu par la Commission des transports du Québec; troisièmement, autoriser le gouvernement à permettre aux camionneurs non résidents d'accéder aux marchés publics protégés et leur accorder un traitement non moins favorable que le meilleur traitement accordé aux camionneurs résidents dans les marchés publics, et ce, de manière à assurer le respect de l'esprit de l'Accord sur le commerce intérieur et des autres accords commerciaux du Québec; enfin, M. le Président, aménager la réglementation de courtage en transport de matières en vrac sur les marchés publics en fonction de l'entente conclue de façon à alléger et à assouplir les règles de fonctionnement des organismes de courtage.

La disposition qui m'apparaît donc la plus importante, M. le Président, consiste à abroger le pouvoir réglementaire qui permet au gouvernement d'exiger des permis de camionnage et à la Commission des transports du Québec de fixer des tarifs de camionnage. En effet, la réglementation actuelle dit que, pour effectuer du transport de matières en vrac, par exemple le transport de sable, de gravier, de terre ou de bois, il faut être titulaire d'un permis de la Commission. Le permis de camionnage en vrac est délivré au nom d'une personne pour un camion désigné, il est aussi délivré pour une des 10 régions du Québec où il y a du transport en vrac. Les tarifs minimaux applicables au transport d'une matière en vrac sont fixés par la Commission, et la révision générale des tarifs s'effectuait habituellement à chaque année. Donc, en premier lieu, abolition des permis de camionnage en vrac et des tarifs réglementés.

De plus, dans la nouvelle entente d'une durée de sept ans, il sera quand même possible aux titulaires actuels de permis de camionnage en vrac de conserver, après le 1er janvier de l'an 2000, un accès aux travaux soumis à des clauses préférentielles d'embauche par l'entremise des organismes de courtage. En effet, un registre de camionnage en vrac à la Commission des transports du Québec, dans lequel tous les titulaires de permis actuels seront inscrits au 1er janvier de l'an 2000, sera mis sur pied. Également, les camionneurs titulaires de permis devront s'inscrire à un organisme de courtage avant le 31 mars de l'an 2000. Une chose importante, M. le Président: cette inscription devra être maintenue, et les camionneurs qui n'auront pas fait affaire avec un organisme de courtage au 31 mars de l'an 2000 n'auront pas accès aux clauses de protection auxquelles j'ai fait référence ci-dessus. Par le projet de loi, donc, on maintient les organismes de courtage pour ce qui est des marchés publics protégés et on assouplit ainsi leurs règles de fonctionnement, d'autre part.

Le projet de loi permet aux non-résidents d'accéder aux marchés publics protégés et de leur accorder un traitement non moins favorable que celui des travailleurs résidents, et cela, dans le but de respecter l'esprit de l'Accord sur le commerce intérieur. Le Québec avait adhéré à cet Accord, et certaines dispositions entrent en force le 1er janvier de l'an 2000. On sait que les camionneurs n'étaient pas fous de joie de cet Accord. Ils ne voulaient surtout pas que les contrats publics, en particulier ceux du ministère des Transports ainsi que ceux qui provenaient de la forêt, leur échappent totalement. Ils voulaient garder certains acquis. C'est pour cela que la loi prévoit également le maintien, à l'intention des abonnés des services de courtage, d'un accès préférentiel aux contrats effectués par le ministère des Transports de même qu'au transport forestier.

En maintenant cet accès préférentiel à une partie des travaux de voirie publique et de la forêt, le projet de loi permet donc d'assurer temporairement aux entreprises de camionnage en vrac une forme de stabilité afin de faire une transition harmonieuse d'un marché réglementé vers un marché libre, ouvert à des millions de consommateurs. Le gouvernement démontre par là, M. le Président, le souci qu'il a pour les camionneurs de leur favoriser cette transition de la façon la moins difficile, et c'est dans cette perspective de répartir équitablement les retombées économiques liées aux travaux de voirie publique et de la forêt que le gouvernement a bonifié la part de ces marchés pour les entreprises qui y avaient un accès privilégié.

Ce qu'on a fait, M. le Président, c'est de garder certains travaux pour l'Association des camionneurs artisans – les agrégats au niveau des routes, par exemple – et, pour l'Association des manufacturiers de bois de sciage, le transport du bois, et cette entente, c'est dans le but d'en faire profiter économiquement ces travailleurs qui triment dur, et dont les salaires ne sont pas toujours les meilleurs, et qui ont besoin de revenus. Ce que le projet de loi fait, c'est qu'il consacre juridiquement cette entente.

Le ministre a été fidèle à sa parole, il a négocié avec les principaux intéressés. Mais il a surtout tenu parole: prévoir un encadrement qui assied juridiquement les ententes signées entre les parties. Ce projet de loi a été déposé au nom de l'intérêt public dans un esprit de collaboration et d'ouverture. Que l'opposition se rassure, le ministre a manifesté, hier, dans sa présentation, la possibilité d'amendements. Permettez-moi, M. le Président, de le citer. En effet, le ministre affirmait, et je cite: «Et je leur dis que, quant à moi, nous allons faire en sorte de respecter les engagements qu'on a pris, que, quant à moi, on est prêts encore à faire des amendements dans le sens que je les ai dits tantôt, on est prêts à travailler concrètement pour donner une assiette de travail dans le sens où on a discuté en audiences publiques, dans le sens où on en a discuté aux tables de négociation, dans le sens d'une ouverture d'esprit.» Voilà l'ouverture d'esprit manifestée par le gouvernement. C'est ça, savoir légiférer.

Le projet de loi n'est pas parfait, le ministre n'a pas la prétention de tendre à la perfectibilité; cependant, il est prêt à écouter, à négocier, à faire ce qu'il a toujours fait, et, si des amendements au projet de loi peuvent le bonifier, le gouvernement saura les accepter, j'en suis convaincu, dans le souci d'améliorer la qualité de vie des camionneurs. En terminant et pour toutes les raisons que j'ai mentionnées plus haut, je serai en faveur de ce projet de loi, puisqu'il permettra à plusieurs camionneurs de participer au développement économique de leur région et du Québec tout entier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Dubuc. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 89? M. le leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Merci, M. le Président. J'interviens essentiellement pour deux raisons dans le cadre de ce projet de loi: parce que, comme député de région, je représente également des camionneurs artisans, des petits entrepreneurs, des petites municipalités qui ont à faire affaire avec ces gens; j'interviens parce qu'on se retrouve encore – c'est la deuxième raison – dans une situation de crise, pas une crise qu'on n'a pas pu voir venir, une crise dont on connaît les tenants et aboutissants depuis longtemps déjà.

À partir du moment où on a parlé de déréglementation du camionnage, on savait qu'il y avait des éléments de fonctionnement qui se devaient de changer. À partir du moment où on a signé une entente de libre-échange à l'intérieur du pays comme à l'extérieur du pays, on savait qu'il y avait des changements majeurs. Puis, lorsqu'il y a des changements majeurs, M. le Président, il y a des gens qui sont affectés, puis, lorsqu'il y a des gens qui sont affectés, le devoir du législateur, c'est de prendre fait et cause pour les plus vulnérables dans la société qui sont des innocentes victimes des changements soudains des règles du jeu. C'est le cas des camionneurs en vrac.

(21 h 10)

Je n'en connais pas, moi... Puis vous avez un comté, vous aussi, là. Connaissez-vous un camionneur en vrac qui est millionnaire, chez vous? Quand tu réussis à faire tes paiements sur ton camion, là, puis quand tu réussis à apporter un petit peu d'argent pour faire manger ta famille puis faire instruire tes enfants avec le système de prêts et bourses aux étudiants, c'est à peu près ce que tu peux réussir comme vie, puis ça, c'est à travailler à six, sept jours par semaine, puis tu ne comptes pas tes heures. C'est ça, la situation dans laquelle on se retrouve, M. le Président.

Là, on se retrouve ici, à l'Assemblée nationale, en fin de décembre, en situation de crise, puis les gens l'avaient vue venir, cette crise-là. Le journaliste Laurent Cloutier, dans La Presse du 25 novembre, nous le disait, nous avertissait: Une autre crise du camionnage en vue . Le journal Le Soleil , tous les gens qui suivaient ça de proche: À tombeau ouvert . Puis le ministre des Transports, pendant ce temps-là, qu'est-ce qu'il fait, M. le Président? Il fait de la politique. Il rencontre les représentants des travailleurs artisans à son bureau, il leur dit: Cassez-vous pas la tête, les gars, je vais vous arranger ça. Il s'assoit, il assoit le sous-ministre à côté – je pense que c'est M. Trudeau, son sous-ministre – puis il négocie une entente avec les camionneurs. Les camionneurs, ils disent: Ça a du bon sens, l'entente qu'on a négociée avec le ministre. Le ministre signe. Eux autres, ils s'en retournent dans les régions, dans chacune de nos régions – c'est pour ça qu'il y a beaucoup de députés qui interviennent d'un côté et de l'autre – puis ils disent à leurs membres: Voici l'entente qu'on a de signée avec le ministre des Transports.

Là, ils se réveillent puis ils se rendent compte que la signature du ministre, ce n'est pas certain que ça vaut quelque chose, ça. Ces gens-là ne connaissent pas notre processus législatif, eux, l'adoption en première lecture, en deuxième lecture, les commissions parlementaires, la troisième lecture. Ils chauffent des camions, eux autres, M. le Président. Ce n'est pas leur job de connaître comment, mais c'est leur job de se fier à un ministre. Quand tu négocies avec un ministre puis qu'un ministre signe, bien, tu prends sa signature pour du cash quand t'es un camionneur.

Le ministre des Transports, il a signé, sauf que ce qu'il avait oublié de dire – on le connaît, le député de Joliette – il a oublié de dire que ça prenait une loi, il a oublié de dire qu'il y avait d'autres intervenants qui pouvaient se faire entendre, il a oublié de dire ça à ce monde-là. Là, ce monde-là se retrouve devant un système où il se voit pris en otage. Puis l'entente qu'il avait signée, est-ce qu'elle respecte l'équilibre que l'on recherche dans la société pour faire en sorte que les plus faibles soient protégés, pour faire en sorte que le payeur de taxes ne paie pas indûment? Je pense que c'est l'équilibre qui est recherché.

Est-ce qu'on s'y est pris à temps puis est-ce qu'on s'y est pris d'avance? Le 1er janvier de l'an 2000, M. le Président, ça fait une secousse que vous savez que ça va arriver, ça, vous. Le ministre des Transports, lui, il a découvert ça le 11 novembre. Ça ne fait pas bien, bien longtemps, ça ne fait pas un mois qu'il a découvert ça, lui. Est-ce qu'il a été insouciant? Est-ce qu'il a été incompétent? Moi, je dis non. Ça fait plus de 20 ans qu'il siège à l'Assemblée nationale. Il a occupé plusieurs ministères, il a été leader de son gouvernement, leader de l'opposition, il a été chef du Parti québécois. Il savait ce qu'il faisait, lui. Les camionneurs ne le savaient pas, mais le ministre le savait, ce qu'il faisait, lui. Le ministre, en déposant à la dernière minute, il savait qu'il provoquait une situation de crise. Mais ce n'est pas lui qui est otage dans cette crise-là, ce n'est pas lui qui risque d'être victime de cette crise-là, ce sont des gens puis des honnêtes travailleurs qui risquent d'être victimes de sa maladresse. Puis, étant donné qu'il s'est mis dans un drôle de guêpier, les députés de l'autre côté ne savent pas exactement où il s'en va, le ministre, pas plus que les députés de ce côté-ci. C'est pourquoi les députés interviennent de part et d'autre. On aimerait ça savoir où il va atterrir, le ministre.

Ce qu'on sait, c'est qu'il a continué à négocier aujourd'hui. Ça, on sait ça. Il a rencontré du monde aujourd'hui. On sait, M. le Président, qu'il va continuer à négocier demain, on sait que le gouvernement a l'intention d'appeler la commission parlementaire demain dans l'article par article, on sait également que le ministre va apporter des amendements, on sait déjà tout ça, mais est-ce que c'est une façon correcte de légiférer?

M. le Président, quand un ministre présente un projet de loi, c'est parce qu'il a effectué ses négociations, qu'il s'est présenté au Conseil des ministres et qu'il a expliqué à ses collègues qu'il avait atteint un équilibre. Ah! il peut avoir des papillons puis des amendements d'ajustement pour des oublis, je pense que ça se comprend, mais, généralement, les ministres arrivent préparés puis ils arrivent avec des solutions. On peut les critiquer, de ce côté-ci, à ce moment-là. Mais, dans le cas qui nous occupe, moi, je ne suis pas capable de dire à mes camionneurs artisans dans mon comté: Voici ce que va être le projet de loi, le ministre est encore en négociations. Je ne suis pas capable de dire à mes petits entrepreneurs: Voici ce que va être mon vote, le ministre est encore en négociations. Je ne suis pas capable de dire à mes municipalités si elles vont être régies ou pas parce que le ministre est encore en négociations.

Puis là on prend connaissance d'un communiqué aujourd'hui. Parce que, le ministre, ça fait longtemps qu'il fait de la politique. Il y a quelqu'un tantôt qui a dit que c'était un politicailleux. Je suis sûr qu'il ne s'insultera pas...

Une voix: ...

M. Paradis: ... – il y en a un autre, M. le Président, qui me dit que c'est vrai – de se faire appeler comme ça parce que c'est de cette façon-là qu'il tente de nous amener dans son projet de loi à ce moment-ci. Puis, moi, je veux embarquer, je veux qu'il y ait une loi qui soit équilibrée puis je veux, comme tous les députés, là, des deux côtés de la Chambre...

Je pense que ce n'est pas ça qui va décider de l'avenir politique ou constitutionnel du Québec. Je pense qu'on est ici pour rendre service puis faire notre travail correctement comme députés. Puis, si on peut contribuer à atteindre cet équilibre-là, je pense qu'on va être tous contents mais qu'on se quitte pour les fêtes puis qu'on ait trouvé une situation d'équilibre. Mais être placé dans la situation où le ministre nous place, c'est inconfortable. Je pense qu'il l'a souhaitée, je pense qu'il l'a voulue, mais je pense qu'il commence à douter de sa stratégie. Quand tu commences à douter de ta stratégie comme ministre, qu'est-ce que tu fais? Tu commences à te trouver des victimes, tu commences à dire: Ça va être la faute de quelqu'un d'autre si ça n'aboutit pas. C'est ce qu'il a fait, il a rencontré les travailleurs artisans puis il leur a dit: Écoutez, là, si jamais le projet de loi ne passe pas, ça va être la faute des libéraux, tant et si bien – il a fait une assez bonne job, M. le Président – que moi, j'ai reçu des téléphones chez nous. Les camionneurs artisans, ils se demandaient s'il y avait eu des élections puis que j'étais rendu au pouvoir, parce qu'ils ont fait accroire à mes camionneurs artisans que c'était moi qui décidais du contenu de la loi puis si la loi passait ou ne passait pas. M. le Président, ça, c'est abuser des gens qui ont d'autres choses à faire que d'apprendre par coeur le règlement de l'Assemblée nationale puis la Loi de l'Assemblée nationale.

Le ministre, qui a déjà été leader, sait qu'il peut passer la loi qu'il veut comme il veut puis quand il veut. Il connaît tous les trucs, il connaît le règlement. C'est peut-être lui qui détient le record de la suspension des règles de démocratie en cette Chambre, probablement lui, puis il s'en va dire à mes camionneurs que c'est l'opposition, qui est minoritaire en cette Chambre, qui peut l'arrêter de légiférer. M. le Président, je prends à témoin le leader adjoint du gouvernement qui va vous dire: Il peut faire ce qu'il veut, quand il veut puis comme il veut. Puis, quand il essaie de blâmer quelqu'un d'autre, quand il tente de blâmer quelqu'un d'autre, c'est parce qu'il n'a peut-être pas le goût de livrer la marchandise. Peut-être qu'il s'est aperçu que, dans ce qu'il avait signé avec l'ANCAI, il avait oublié des choses ou il avait oublié de rencontrer certains intervenants. Peut-être qu'il s'est aperçu qu'il manquait d'équilibre dans son affaire. Puis là il dit, quand ce n'est pas la faute du fédéral: C'est la faute de l'opposition.

M. le Président...

Une voix: ...

M. Paradis: Bien, il y a une députée là-bas. Je peux comprendre, elle, elle dit: C'est vrai. Ça ne fait pas longtemps qu'elle est ici, elle n'a pas eu la chance d'avoir M. Chevrette, le député de Joliette, comme leader puis de le voir suspendre les règles. Quand il veut un projet de loi, il l'a. Il l'arrache puis il s'en va avec. Maintenant, ce n'est pas la vraie façon de légiférer, M. le Président, c'est la mauvaise façon de légiférer. Moi, je dis toujours: Quand tu es obligé de suspendre les règles, c'est parce que t'as pas fait ton travail correctement, c'est parce que t'as été négligent, c'est parce que t'as été incompétent puis que tu t'y es pris à la dernière minute en sachant très bien, là, que les échéances de l'an 2000 arrivaient.

Nous autres, ce qu'on offre au ministre des Transports, c'est notre collaboration dans la recherche de cet équilibre qui est nécessaire pour s'assurer que, dans nos comtés, et les travailleurs artisans y trouvent leur compte, et les petits entrepreneurs y trouvent leur compte, et les municipalités y trouvent leur compte. Ce n'est pas un équilibre qui est facile à atteindre, mais on n'attend pas à la dernière minute, normalement, pour le rechercher.

Présentement, le député de l'Acadie l'a indiqué dans ses propos en commission parlementaire. Contrairement à ce qu'a tenté de véhiculer le ministre comme information, moi, je vais le citer au texte, le député de l'Acadie, ce qu'il a dit dans sa recherche, lui aussi, d'une solution équilibrée. Je cite, M. le Président: «Encore une fois, le ministre peut être assuré de notre collaboration et tous les groupes qui sont impliqués dans le projet de loi n° 89 peuvent être assurés aussi que l'opposition est sensible pour chacun dans l'expression de ses craintes, de ses réserves, de ses inquiétudes. On va essayer de façon, encore là, transparente, ouverte d'améliorer le projet de loi, de trouver les compromis nécessaires.»

(21 h 20)

M. le Président, compte tenu de l'attitude du ministre, moi, je trouve que le critique a bon caractère. Il y a d'autres critiques qui auraient pu se choquer dans de telles circonstances. Le député de l'Acadie ne s'est pas choqué, il a dit: Malgré la façon d'agir du ministre, en catimini, secrète, à la dernière minute, je vais quand même collaborer. On peut-u demander quelque chose de plus à un porte-parole dont la responsabilité première est de critiquer un projet de loi, assurer sa collaboration au ministre? Puis le ministre, depuis ce temps-là, ne lui a pas encore dit où il va atterrir parce qu'il ne le sait pas encore. Moi, je pense qu'il le sait. Il a le droit de parole immédiatement après. Moi, j'aimerais ça que le ministre se lève et nous dise: Voici, j'ai rencontré des groupes toute la journée, je vais en rencontrer encore demain matin, on va se retrouver en commission parlementaire, mais, je tiens à le vous dire honnêtement, là, je ne le sais pas encore, où je m'en vais, parce que, si je le savais, je n'aurais pas à mon agenda des rencontres demain matin.

M. Chevrette: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Paradis: M. le Président, moi, là, si le député de Joliette, à ce moment-ci, est prêt à se lever, à nous dire que les rencontres qu'il a fixées pour demain matin, c'est pour la galerie, que son idée est faite, qu'il sait déjà où il s'en va, que les rencontres qu'il a fixées, c'était juste pour – passez-moi l'expression – niaiser le monde à qui il a donné rendez-vous demain matin, que ses amendements sont rédigés et qu'il est prêt à les déposer, moi, je suis prêt, à ce moment-ci, s'il me dit qu'il a tout ça en main, à écourter le débat. Pour faire avancer le débat, je vais lui céder la parole immédiatement, mais je vais le regarder, là. Il faut qu'il me dise qu'il a ses amendements, qu'il les dépose et qu'il sait où il s'en va. Si c'est le cas, je m'assois immédiatement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, monsieur...

M. Paradis: Non, non. Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Non?

M. Paradis: ...sauf s'il me dit qu'il est prêt à déposer ses amendements.

M. Chevrette: Je suis prêt à déposer mes amendements et où je vais.

M. Paradis: Est-ce que, à ce moment...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez toujours votre droit de parole.

M. Paradis: Très bien.

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez toujours votre doit de parole.

M. Paradis: Consentement pour dépôt des amendements, M. le Président, et, si nous obtenons les amendements ce soir, au lieu... Non, non. Consentement pour dépôt des amendements, et, avec les amendements, nous irons travailler avec les associations qui sont représentées ici ce soir de façon à s'assurer que le projet de loi répond à l'intérêt public et nous arrêterons de parler immédiatement. Est-ce que, suite à ce consentement, le ministre dépose ses amendements?

M. Chevrette: M. le Président, il ne comprend pas que les amendements, ça se dépose en commission parlementaire. Mais je vous dis que mes amendements sont prêts. Tous les amendements, je les ai annoncés au porte-parole qui est le député de l'Acadie. Entre vous et moi, là, à part perdre du temps... Continuez, il vous reste quelques minutes à ne dire à peu près rien, là, puis après ça...

Le Vice-Président (M. Pinard): Très bien, M. le... Alors, M. le leader de l'opposition, vous poursuivez.

M. Paradis: Je maintiens l'offre. Si les amendements nous sont transmis... Le ministre nous dit qu'il est prêt à nous les transmettre mais ne nous les transmet pas. Le ministre nous dit que ça se transmet en commission parlementaire. Il a techniquement raison, sauf que vous pouvez, M. le Président, lui rappeler que, lorsqu'il y a consentement, ils peuvent également être transmis à cette étape-ci, et on pourrait procéder plus rapidement. Ce que je constate, c'est que le ministre refuse l'offre de l'opposition de transmettre ses amendements dès ce soir, qu'il a encore des rencontres de négociations demain matin qui sont prévues à son agenda – il les a annulées?...

Une voix: Il n'y en a plus.

M. Paradis: ...il n'y en a plus? annulées? – que la commission parlementaire va siéger demain dans la journée...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, mais je vous demanderais de vous adresser à la présidence.

M. Paradis: Tout le temps, M. le Président. Je m'adresse tout le temps à la présidence. C'est parce que le député le prend personnel, de l'autre côté.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est parce que c'est vous qui avez le temps de parole, monsieur.

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-là, si le ministre nous dit que, maintenant, suite à sa journée de négociations, il sait où il s'en va, s'il nous dit que ses amendements sont prêts, nous allons tout simplement réitérer les propos de notre porte-parole en la matière, le député de l'Acadie: nous, on est prêts à continuer à les étudier, à les évaluer à leur juste mérite. L'équilibre que nous recherchons – et je le dis pour le ministre – c'est de s'assurer que les camionneurs artisans vont pouvoir vivre de leur job de camionneur artisan, s'assurer que les petits entrepreneurs dans nos régions vont pouvoir continuer à exercer leur profession correctement et que le payeur de taxes, quand on parle des petites municipalités, là, va s'en sortir également correctement. Si le ministre en arrive à atteindre ce point d'équilibre, je peux l'assurer – je pense que le député de l'Acadie également et l'ensemble de la députation libérale – qu'il aura toute notre collaboration. Si ce point d'équilibre n'est pas atteint, nous allons continuer à travailler pour l'atteindre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Brome-Missisquoi et leader officiel de l'opposition. Nous cédons maintenant la parole au député de Marguerite-D'Youville.


M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'ai l'intention d'être plutôt bref, mais, simplement pour situer le débat sur le projet de loi n° 89, sur la réglementation du camionnage en vrac dans sa perspective un peu plus globale, au fond, au-delà des aspects purement techniques du projet de loi, nous avons ici à composer avec l'adaptation du Québec aux nouvelles règles du commerce international et de la mondialisation. Suite à une décision du gouvernement fédéral de déréglementer les entreprises fédérales de camionnage en vrac pour donner suite à l'Accord sur le commerce intérieur, le Québec a obtenu, en 1998, un report de deux ans pour redéfinir l'encadrement du camionnage en vrac. L'échéance de cette déréglementation est fixée au 1er janvier de l'an 2000. À cette date, le gouvernement fédéral abrogera la partie II de sa Loi sur les transports, ce qui ne permettra plus au Québec de réglementer les entreprises extraprovinciales.

Présentement – et je pense qu'il est important de le souligner – l'industrie du camionnage en vrac au Québec est réglementée tant dans le secteur public que dans le secteur privé. Toutefois, ce camionnage en vrac sera déréglementé à partir du 1er janvier 2000. Les dispositions que veut chercher à faire adopter le ministre ici, dans le projet de loi n° 89, se veulent, en réalité, des mesures d'atténuation de l'impact de la déréglementation, et je vous rappelle les ajustements semblables et bien plus profonds que nous avons dû faire et que nous avons dû échelonner, par exemple, dans le domaine de l'industrie laitière pour que toute l'industrie laitière du Québec et de l'Ontario, basée sur ce qu'on appelait les «quotas», s'ajuste aux décisions de l'Organisation mondiale du commerce qu'on appelait précédemment le GATT.

Toutes les mesures de ce genre ont des conséquences au Québec. C'est évident qu'à mesure que nous nous intégrons à la communauté internationale, c'est évident qu'à mesure que nous cherchons à faire partie et que nous devenons partie prenante des nouvelles règles qui préconisent de manière générale l'abolition des frontières, la déréglementation dans la mesure du possible, plusieurs artisans dans le domaine du camionnage et plusieurs acteurs dans les différents secteurs économiques touchés devront s'ajuster. Souvenez-vous, par exemple, des problèmes d'ajustement auxquels ont eu à faire face et auxquels doivent encore faire face nos petites et moyennes entreprises dans le contexte des ententes de libre-échange que le Canada a signées, dans un premier temps, avec les États-Unis, auxquelles s'est ajouté par la suite le Mexique. Nous avons vécu des circonstances pénibles dans divers secteurs économiques qui avaient été mal préparés à ces déréglementations brutales, sans filet de sécurité, et, dans le domaine du camionnage en vrac, qui est un domaine très important dans certaines régions, j'en conviens...

Et d'ailleurs le représentant de Brome-Missisquoi de même que d'autres collègues autant de l'opposition que du gouvernement, puisque le député d'Abitibi-Ouest, hier, nous faisait part également de certaines réticences qu'il avait, comme j'en ai d'ailleurs par rapport à certaines dispositions du projet de loi... Je vous rappellerai également que nous en sommes, ici, à peine à la discussion sur le principe du projet de loi, c'est-à-dire que toute une procédure parlementaire est encore prévue où des modifications peuvent être introduites.

(21 h 30)

Le député de Brome-Missisquoi, tout à l'heure, s'en est pris à la crédibilité du ministre des Transports. Je vous dirais, au contraire, que le ministre des Transports est parmi ceux qui ont les deux pieds sur terre, qu'il a fait preuve, dans les différentes responsabilités ministérielles qu'il a occupées, de ses préoccupations par rapport à ceux qui peuvent être désavantagés dans l'application de certaines réglementations, et il est ici de pleine foi et de bonne foi lorsqu'il introduit des dispositions qui visent à permettre aux camionneurs en vrac d'atterrir en douceur au milieu de ce foisonnement de déréglementation.

Je trouve assez difficile de suivre le raisonnement de nos collègues de l'opposition en cette matière, puisque, d'une part, nous savons tous qu'ils se sont faits les champions de la déréglementation au Québec. Déréglementation implique, bien sûr, un changement d'attitude, un changement d'encadrement dans lequel risquent de se trouver des gagnants et des perdants. Et, de manière à atténuer ces préjudices dont pourraient souffrir certains camionneurs en vrac dans certaines régions, nous avons introduit ici des dispositions qui, à la mesure de nos moyens et à l'intérieur de la législation qui est permise au Québec, en conformité avec les accords que nous avons signés, permettent d'atténuer ces préjudices que pourraient encourir certains camionneurs en vrac.

C'est dans cet esprit que le projet de loi a été présenté, et il ne faudrait pas y voir plus que cela, et il ne faudrait surtout pas imputer au ministre des Transports des intentions qu'il n'a pas. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, nous allons maintenant procéder en cédant la parole au ministre des Transports pour son droit de réplique de 20 minutes. M. le ministre.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Merci, M. le Président. On m'a demandé si j'étais prêt à donner l'heure juste sur le dossier, si j'étais prêt, le plus rapidement possible, à déposer les amendements, si j'étais prêt à dire exactement où je m'en allais. Le projet de loi, il n'est pas compliqué, il est fort simple, puis je vais essayer de l'expliquer le plus rapidement possible, en espérant d'ailleurs qu'en commission parlementaire on puisse l'adopter le plus rapidement possible.

Je vais rappeler deux choses. Je vais rappeler que c'est à la demande des camionneurs artisans si le gouvernement a créé un groupe de travail qui s'est appelé le comité Bernier. Le comité Bernier a produit un rapport qu'on m'a présenté. Le comité Bernier proposait un amendement législatif dans tout le Code du travail québécois, qui amenait à se pencher sur le dossier des artisans; et, automatiquement, un artisan dans le taxi, un artisan dans le domaine de la construction, un artisan dans le domaine du camionnage, ça supposait un large débat au Québec sur le dossier de l'artisan.

On a convenu, au congrès de l'ANCAI... Et je me rappelle, au congrès de l'ANCAI, il y avait plusieurs observateurs. Il y avait un nommé Vaudreuil, de la CSD, qui était là. Ce n'était sans doute pas pour les beaux yeux des gens de la CSD, c'est sans doute parce qu'il y avait un corridor quelconque de recrutement. Il y a eu des gens, un peu partout, qui étaient là pour voir comment on se tournerait de bord. J'ai pris l'engagement personnel, comme ministre des Transports, de créer une table de travail directement avec les représentants de l'ANCAI pour qu'on puisse voir comment on pourrait faire face à la déréglementation le 1er janvier prochain, et puis qu'on puisse garder ou conserver une certaine tarte, un morceau de gâteau, si vous permettez, ou un morceau de tarte du travail disponible pour les camionneurs artisans. C'est ça qu'on s'est posé comme question, et ils m'ont fait confiance. Ils m'ont dit: Bon, on accepte de travailler. Simultanément, j'ai demandé au ministre des Ressources naturelles, et à l'aide de l'AMBSQ, l'Association des manufacturiers de bois de sciage, de faire pareil.

On a le défi de se concerter puis de trouver des solutions au vide juridique, à la déréglementation totale qui a lieu le 1er janvier 2000. M. le Président, à la grande surprise de plusieurs puis au grand désespoir d'autres, on s'est entendus. On s'est entendus sur une entente, sur un cadre de travail, sur un encadrement quelconque, au niveau des agrégats et au niveau de la forêt, pour qu'il y ait un partage du travail entre ces camionneurs artisans qui, dans tous nos petits milieux, font un voyage de sable pour quelqu'un, un petit champ d'épuration pour l'autre et qui travaillent dans nos milieux en collaboration et en harmonie avec nos petits entrepreneurs généraux du coin. Ou bien un citoyen les appelle pour dire: Bien, tu me ferais-tu un voyage de bois? Me ferais-tu un voyage de terre? etc. M. le Président, c'est ça, ces gens-là qui ont des permis de vrac et qui vivaient très maigrement, effectivement.

Mais ce n'est pas d'aujourd'hui qu'ils ont demandé de partager la tarte du travail du ministère des Transports. J'étais adjoint parlementaire à M. Lessard dans les années 1977. Avec M. Parizeau, nous avions trouvé la fameuse clause 75-25. J'étais dans le décor à l'époque. Je connais assez bien le milieu. Je sais à peu près ce qu'ils demandaient, ces gens-là.

Donc, on s'est assis sérieusement, correctement et dans un cadre de bonne foi, puis on a travaillé ensemble. Puis on a dit: Bien, il peut-y avoir du courtage? Oui, ça devrait marcher à peu près comme ça. Il devrait-u y avoir un certain pourcentage pour avoir du courtage? Oui, 40 % minimum de ceux qui sont intéressés à travailler dans le vrac dans un coin. Est-ce qu'on pourrait compter sur le fait d'une certaine portion de travail quand c'est le ministère du Travail qui subventionne? Oui. On a commencé par dire 75-25, parce que c'est une clause communément connue. J'ai même proposé personnellement la clause que réclamait l'ACRGTQ. Ils se sont retirés de la table à deux ou trois reprises. Donc, on s'est dit: Ça doit avoir du bon sens, puisqu'ils veulent ça.

M. le Président, une chaise vide, ça ne parle pas. Donc, on a négocié avec ceux qui étaient là puis qui sont là. On est arrivés à une entente. On est arrivés à une entente autant en forêt qu'au niveau des agrégats. Puis on a signé cette entente-là. Même, le matin de la signature, pour montrer notre bonne foi – et ça, c'est peut-être intéressant pour le député de l'Acadie – le matin même où j'ai signé avec l'ANCAI et avec les régions 03, 05 et 06, je rencontrais personnellement le président et le directeur général de l'ACRGTQ et je leur disais: Il y a encore place peut-être pour signer un protocole où tout le monde serait d'accord. Ils ont même avancé eux-mêmes 50-50. Puis ils se sont retirés pour une quatrième fois. Je ne peux pas signer avec personne, moi. Je ne prends pas le crayon de l'autre, moi. Mais là j'ai annoncé la signature et j'ai signé avec l'ANCAI et avec les régions 03, 05, 06.

Il fallait donc donner une assise juridique à ce projet-là. C'est ce que j'ai fait. J'ai dit: Maintenant qu'on a signé, on va aller en dépôt de projet de loi. On a déposé le projet de loi, puis on a dit, à la demande de l'opposition – elle voulait avoir des audiences particulières – Parfait! Qui voulez-vous faire venir? On a pris tous ceux qu'ils voulaient qui viennent, puis on a dit: Venez-nous le dire. On a vu le patronat qui est venu appuyer une partie de son membership. Ils ont appuyé l'ACRGTQ, mais ils n'ont pas appuyé, par exemple, le 50 % des machineries lourdes, qui leur avaient demandé de les appuyer. Et on a vu l'ACRGTQ venir nous dire qu'ils étaient contre en principe et que, pour eux, la clause 50-50 devait revenir et qu'il devrait y avoir une clause au pénal pour ceux qui ne respecteraient pas les contrats, etc.

(21 h 40)

On a écouté tout, tout, du premier intervenant au dernier intervenant. On a même rencontré depuis lors, depuis la commission parlementaire, le groupe de M. Noreau. On a rencontré M. Lalande lui-même comme contracteur. On a rencontré l'ACRGTQ. On a rencontré les représentants de l'ANCAI simultanément avec les gens des régions 03, 05 et 06. On a dit: Qu'est-ce qu'on peut faire de compromis? À chaque groupe qui s'est présenté devant moi, je leur demandais: Avez-vous encore de la souplesse? Je me rappelle qu'est-ce que j'ai demandé à Clément Bélanger, le premier qui est intervenu: Avez-vous de la souplesse? Êtes-vous capable encore de faire du millage, monsieur, parce qu'on pourrait peut-être avoir une entente unanime? Il m'a répondu: Oui. Les représentants de la 03, 05 et 06, première question que je leur ai demandée: Êtes-vous prêts encore pour de la souplesse? Ils ont dit oui. M. le Président, j'ai dit: Merci. Et après ont paradé ceux qui étaient contre. J'ai été peut-être un peu agressif, c'est possible. Vous ne changerez tout de même pas mon style, rendu à 60 ans. Je m'excuse, je suis fait de même. Mais j'ai dit ce que je pensais, parce que, moi, je n'aime pas qu'on emplisse les gens. C'est-u clair? Je n'aime pas voir les gens se faire emplir, surtout quand ils paient pour se faire emplir. C'est encore plus épouvantable.

J'ai vu des gens, on leur a fait accroire ceci. On leur a fait accroire qu'ils perdaient les champs d'épuration; on leur a fait accroire qu'ils perdaient les petits bouts de rues municipales; on leur a fait accroire qu'ils ne pourraient plus faire des bouts d'aqueduc, alors que les seuls contrats – les seuls contrats – qui sont couverts par la loi sont ceux où le ministère des Transports subventionne ou encore quand une municipalité signe un protocole avec le ministère des Transports. Tous les autres travaux ne sont pas couverts par la loi. Moi, je n'aime pas qu'on aille faire accroire à des petits contracteurs généraux, qu'on fasse accroire à des groupes qui ont des camions en vrac, qu'on aille leur dire: Messieurs, vous allez perdre votre champ de travail, vous allez être obligés de vendre vos tracteurs, vous allez être obligés de vendre vos pépines, vous allez être obligés de vendre vos camions. C'est ça qu'on a dit et c'est là-dessus que j'ai perdu un petit peu mon sang-froid, et, vous savez, je n'ai pas l'habitude de le faire.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Mes collègues vont vous dire que ça n'a pas d'allure que j'aie perdu mon sang-froid là-dessus. Mais, moi, quand il est moins quart, M. le Président, il n'est pas et quart. Puis, quand il fait noir, il ne fait pas clair. Je m'excuse, dans la vraie vie, c'est ça, et c'est ça que j'ai soutenu devant la commission parlementaire. Et je suis allé plus loin. Après les audiences publiques – puis ceux qui sont dans les galeries puis qui nous écoutent, ils étaient là – je suis allé plus loin, je leur ai offert des amendements. J'ai été voir l'ACRGTQ et je leur ait dit: Il y a quelques points sur lesquels vous n'êtes pas d'accord. On pourrait-u regarder comment on pourrait unifier ça puis avoir une harmonie totale? J'ai dit: Bon, la clause 50-50, elle vous plaît. On a signé 75-25, mais je sais que l'ANCAI et je sais également que les régions 03, 05 et 06 sont prêtes à rouvrir pour parler de 50-50. Je suis prêt à le proposer à la commission parlementaire. Je suis prêt à introduire la clause pénale.

Il y a une chose à laquelle je ne peux pas me rallier avec l'ACRGTQ, c'est la suivante, et tout le monde va comprendre: Ce sont les petits entrepreneurs généraux qui nous supplient de les mettre dans la loi. Ils me demandent pourquoi ils ne sont pas dans la loi. Mais j'ai dit: C'est parce que votre association ne veut pas. C'est divisé 50-50. Dans les petits milieux, le petit entrepreneur général, il travaille avec les gens de l'ANCAI ou avec un artisan à tous les jours. Ils vivent en harmonie, eux autres. Ils nous demandent: On veut être dans la loi. Puis l'ACRGTQ ne veut pas qu'ils soient dans la loi. J'ai le dilemme suivant, moi: dans toutes les régions où ça fonctionne, où on remplit un rôle, sur le plan économique, extraordinaire, entre ce petit entrepreneur et un gars de l'ANCAI ou un gars des régions 03, 05 et 06, qu'est-ce que je réponds? Eux autres, ils sont prêts à vivre en harmonie, puis il y a une grande association nationale qui me dit non.

Je suis prêt, demain matin, à la première heure, à faire l'amendement puis à permettre aux petits entrepreneurs de bénéficier des postes de courtage, tout comme un indépendant qui a son camion. Je suis prêt même à limiter l'ampleur du contrat, s'il le faut. Mais, pour permettre à ces gens-là de vivre en harmonie et vivre correctement, c'est souvent le petit supplément. Un camion dans un poste de courtage permet précisément peut-être à cette petite entreprise là de boucler correctement au bout de l'année. Oui, je suis prêt à faire ça. Je suis prêt à faire ça, sur le plan humain, parce que je sais comment ça marche dans nos petits milieux. Je sais comment ça marche sur la Côte-Nord, comment ça marche dans l'Estrie. C'est une multitude de petites entreprises, toutes petites, qui font des travaux en collaboration avec les postes de courtage et des camionneurs indépendants. C'est la même chose en Abitibi, c'est la même chose dans le Saguenay– Lac-Saint-Jean.

Mais on ne veut pas, par principe. On ne veut pas. Si on ne veut pas, moi, j'ai un choix à faire, puis mes collègues auront un choix à faire, puis l'opposition a un choix à faire: c'est celui de pouvoir donner à ces petites entreprises québécoises comme à ces camionneurs indépendants, ces camionneurs artisans, la possibilité de gagner leur pitance, de gagner leur beurre puis leur pain tout en vivant en harmonie. Et c'est ce à quoi je vais me consacrer dès qu'on m'en offrira l'opportunité. Et j'ose espérer que tous les membres de l'Assemblée nationale, qu'ils soient de l'autre côté de la Chambre ou de ce côté-ci, prendront en compte qu'on vit dans un monde réel. De façon pragmatique, il y a du monde qui ont le droit à leur beurre puis à leur pain. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le débat étant terminé, le principe du projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Boisclair: Oui. M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: En conséquence, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au vendredi 10 décembre, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'ajourne... Excusez-moi. Permettez-moi de fermer la Chambre. Alors, j'ajourne donc les travaux au vendredi 10 décembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 46)