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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le vendredi 26 novembre 1999 - Vol. 36 N° 69

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir un moment.


Affaires courantes

Bien, veuillez vous asseoir. Nous débutons immédiatement les affaires courantes de la séance d'aujourd'hui.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles, ni présentation de projets de loi, ni dépôt de documents gouvernementaux.


Dépôt de documents

Au dépôt de rapports de missions, M. le vice-président et député de Jeanne-Mance.


Rapport de la mission d'observation de l'Organisation internationale de la francophonie aux élections présidentielles à Djibouti

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le Président, je dépose le rapport de la mission d'observation de La Francophonie aux élections présidentielles à Djibouti, le 9 avril 1999.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé, M. le vice-président.

Au dépôt de rapports de commissions maintenant, Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail et députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail...

Le Président: Mme la députée, un instant, je pense qu'il y a une question de règlement. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Au niveau des dépôts de documents comme tels – je sais qu'il y a de la jurisprudence, on pourrait en faire une question de privilège, ça a déjà été accepté par la présidence, mais, si on reçoit l'information du gouvernement et, si c'est fait dans les temps appropriés, ça va éviter cette procédure – est-ce que le gouvernement peut nous indiquer quand la ministre de la Santé va déposer les rapports 1998-1999 des régies régionales de Québec et de Montréal-Centre – il y a une obligation de prévue à la loi – quand elle va déposer le rapport financier sur les opérations du Fonds d'assurance-médicaments, également une provision à la loi? Nous sommes hors délai dans ces cas, M. le Président. Et il y a une coutume qui existe qu'au mois de novembre on dépose le cahier de statistiques de l'assurance-maladie. Quand ces trois documents vont-ils être déposés à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, la ministre me confirme qu'elle fera diligence pour déposer le plus rapidement possible ces divers documents.


Dépôt de rapports de commissions

Le Président: Très bien. Alors, cette précision étant apportée, au dépôt de rapports de commissions à nouveau, Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail et députée des Chutes-de-la-Chaudière.


Étude détaillée du projet de loi n° 76

Mme Carrier-Perreault: Alors, M. le Président, je dépose donc le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 25 novembre 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 76, Loi modifiant la Loi sur l'efficacité énergétique d'appareils fonctionnant à l'électricité ou aux hydrocarbures. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. M. le président de la commission de la culture et député de Matane.


Étude détaillée du projet de loi n° 88

M. Rioux: Oui, M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 25 novembre afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 88, Loi modifiant la Loi sur l'immigration au Québec. La commission a adopté le projet.

Le Président: Alors, ce rapport est également déposé.


Comité directeur de la commission de l'Assemblée nationale statuant sur diverses demandes concernant les commissions

De mon côté, je dépose le compte rendu du comité directeur de la commission de l'Assemblée nationale ayant siégé le 18 novembre dernier afin de combler des postes vacants au titre de présidence de séance. Alors, ont été désignés à cette fonction M. Paquin, député de Saint-Jean, et M. Simard, député de Montmorency.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger, d'abord, à l'article 139 de notre règlement concernant la désignation des présidents de séance et à l'article 4.4 des règles de fonctionnement, qui concerne le dépôt des rapports du comité directeur de la commission de l'Assemblée nationale? Alors, il y a consentement.

M. le vice-président, premier vice-président de l'Assemblée.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le Président, je fais motion pour que le rapport du comité directeur de la commission de l'Assemblée nationale soit adopté.

Le Président: Bien. Alors, est-ce que la motion est adoptée? Très bien.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, d'abord Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Je demande le consentement pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement.


Surseoir à l'application des recommandations contenues dans le rapport Proulx sur la place de la religion à l'école

Mme Bélanger: Je dépose l'extrait d'une pétition présentée à l'Assemblée nationale par 151 pétitionnaires – et cette pétition était accompagnée de 457 cartes – parents, grands-parents et étudiants de Weedon, citoyennes et citoyens du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«À propos du rapport Proulx et de la place de la religion à l'école.

«"Je crois que l'école ne doit pas refuser un enseignement religieux et moral confessionnel aux parents qui désirent un tel enseignement pour leur enfant. Cela fait partie de notre tradition scolaire et on ne bâtit pas l'avenir en se coupant de ses racines. Cette tradition doit être respectée";

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, endossons complètement cette affirmation du cardinal Jean-Claude Turcotte.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Bien. Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Merci, M. le Président. Je demande le consentement pour déposer une pétition additionnelle.

Le Président: Il y a consentement.


Maintenir les programmes existants d'aide au retour aux études des adultes

M. Marsan: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1 854 pétitionnaires de l'Association nationale des étudiants et étudiantes adultes des commissions scolaires du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant la nécessité pour les étudiantes et étudiants assistés sociaux et chômeurs d'être soutenus financièrement pour s'alphabétiser et pour compléter leur formation de base;

«Considérant les effets positifs des efforts de formation des parents sur la motivation et la persévérance scolaire de leurs enfants;

«Considérant que ce retour aux études constitue une opportunité importante d'améliorer leur condition de vie future et leurs chances d'obtenir un emploi;

«Considérant les coupures à Emploi-Québec des allocations aux assistés sociaux et aux chômeurs et chômeuses dans le dossier de la formation;

«Considérant les conséquences de ces coupures en formation sur les inscriptions dans les centres d'éducation des adultes;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès de la ministre d'État au Travail et à l'Emploi, Mme Diane Lemieux, afin que soient maintenus les programmes existants de retour aux études des adultes et que les conseils locaux d'emploi, les CLE, et les bureaux d'assurance-emploi continuent d'y référer leurs clients.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition, M. le Président.

Le Président: Très bien. Alors, la pétition est déposée.


Questions et réponses orales

Nous allons maintenant passer à la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Impact de la négociation d'un nouveau pacte fiscal avec les municipalités sur le fardeau fiscal des contribuables


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre, autrement connu comme étant le roi incontesté des taxes et impôts et du gaspillage de fonds publics en Amérique du Nord. Au lieu de chercher à céder sa couronne à quelqu'un d'autre, le roi incontesté des taxes et impôts cherche plutôt à agrandir son royaume en imposant aux contribuables québécois une augmentation de taxes de 1 200 000 000 $.

Est-ce que le roi pourrait nous dire à quel moment il a l'intention de présenter aux citoyens du Québec, aux contribuables du Québec un plan pour réduire les taxes et les impôts au lieu de présenter un plan pour les augmenter?

(10 h 10)

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Comme vous le savez, M. le Président, en plus d'avoir assaini les finances publiques et d'avoir éliminé le déficit de 6 000 000 000 $ que nous ont laissé les libéraux, nous avons pris l'engagement de réduire le fardeau fiscal des Québécois, qui est beaucoup trop élevé. Nous avons commencé. Nous l'avons réduit de 500 000 000 $ net, nous, alors que les libéraux l'avaient, dans leur dernier mandat, augmenté de 10 000 000 000 $. Nous avons l'engagement de le réduire de 400 000 000 $ en juillet. Et, en ce qui concerne l'allégation du chef de l'opposition voulant que nous songions à augmenter le fardeau foncier global, le chef de l'opposition sait que ce n'est pas le cas.

La situation est la suivante. Nous sommes présentement en négociations avec les Unions municipales. Les Unions municipales ont accepté, il y a deux ans, de faire un effort de 356 000 000 $ par année comme contribution à l'assainissement des finances publiques. Tout le monde a fait son effort, elles l'ont aussi accepté. Elles nous ont demandé d'essayer de remplacer la façon dont cet effort est fait présentement, par le jeu d'expédition de factures, par un autre régime. Nous avons examiné beaucoup d'hypothèses qui s'avèrent impossibles, mais elles nous en ont proposé une autre, que nous sommes présentement à examiner, qui consisterait à transférer au secteur foncier scolaire le fardeau du 356 000 000 $, mais, en contrepartie, de façon concurrente et concomitante, une garantie de diminution identique du fardeau fiscal global municipal.

Alors, M. le Président, nous sommes en train d'examiner la question. Nous avons dit à nos vis-à-vis du monde municipal – qui essaient de trouver une solution, on comprend qu'ils travaillent de bonne foi – nous leur avons dit: Nous allons voir si c'est possible, parce qu'il faut en tout temps une garantie pour le citoyen. Et la préoccupation là-dedans du gouvernement, c'est de protéger, justement, le fardeau fiscal du citoyen pour qu'il diminue et non pas pour qu'il augmente. Alors, nous avons posé un principe...

Des voix: ...

Le Président: Merci. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, nous avons posé un principe, une balise obligatoire: Il ne faut en aucun cas que cette hypothèse, si elle est choisie, puisse déboucher sur une augmentation du fardeau fiscal global du citoyen. Mais, s'il s'avère que ce n'est pas possible, M. le Président, cette solution ne sera pas appliquée parce qu'il n'est pas question d'augmenter en quoi que ce soit le fardeau fiscal, il faut plutôt le diminuer, nous le savons.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Je remarque, M. le Président, que le premier ministre, qui est toujours le roi incontesté des taxes et des impôts en Amérique du Nord, parle de protéger le fardeau fiscal – c'est son premier choix, au lieu de le diminuer – alors que le premier ministre, en annonçant lundi son intention d'agir par le biais d'un projet de loi, équivaudrait à mettre les municipalités en tutelle après avoir imposé aux municipalités une facture de 375 000 000 $ deux années de suite, M. le Président, alors qu'elles ont déjà été obligées de couper, de réduire des services, de négliger les infrastructures, M. le Président.

Alors, de quelle façon le premier ministre a l'intention d'agir, à part de mettre les municipalités en tutelle? Puis est-ce qu'il peut garantir aux contribuables québécois qu'il va aller plus loin que ça, qu'il va mettre sur la table un plan pour réduire les impôts et les taxes? Parce que le seul plan qu'on a devant nous aujourd'hui, c'est une garantie absolue d'augmenter les impôts puis les taxes de 1 200 000 000 $ aux citoyens du Québec!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je constate que le chef de l'opposition ne se sent pas lié par des décisions qui ont été prises pas les libéraux avant lui, mais il reste que sa famille nouvelle libérale, il faut qu'il l'assume. C'est sa famille libérale qui a imposé une augmentation de 10 000 000 000 $ de taxes de plus aux Québécois, M. le Président. Et, nous, nous sommes ceux qui depuis devons gérer les problèmes, ramasser les pots cassés. D'abord, le déficit, 6 000 000 000 $, nous l'avons éliminé. Nous gouvernons actuellement à bout de bras un budget avec l'argent des Québécois. C'est la première année en 40 ans, M. le Président, que les Québécois se gèrent avec leur argent, malgré que nous devions payer 8 000 000 000 $ d'intérêts par année sur la dette accumulée.

Alors, ça prend une certaine audace ou alors un manque de mémoire flagrant que de nous traiter de rois des taxes, alors que, nous, nous sommes en train de les réduire, les impôts, M. le Président, et que nous allons les réduire malgré l'opposition libérale qui passe son temps à nous accumuler une liste de dépenses additionnelles à faire dans la vieille méthode libérale qui obligerait le gouvernement à défoncer encore dans les déficits d'où on sort maintenant très difficilement.

M. le Président, l'hypothèse que nous étudions présentement, qui vient des municipalités – elle vient des municipalités – nous ne savons pas encore si elle est acceptable ou pas, parce qu'elle ne sera acceptable que si elle ne débouche sur aucune augmentation de taxes, pour personne. Et pourquoi il faut penser à une loi si jamais c'était mis en vigueur? Pour être certains qu'il y aura diminution de taxes. Et, si une loi est impossible – ça se pourrait aussi, parce qu'on fait des simulations informatiques, qu'en certains cas ça donne lieu à des aberrations – à ce moment-là, ça ne sera pas la méthode qui sera choisie, parce que, quelle que soit la méthode qui sera choisie, elle ne devra jamais comporter aucune augmentation de taxes globales.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


Construction d'un musée d'histoire des boissons alcooliques


M. Jean J. Charest

M. Charest: Le premier ministre nous parle de simulations. On est bien habitués aux simulations de son gouvernement, justement, pour ce qui touche les taxes puis les impôts, alors qu'il prétend les réduire en quelque part puis les augmente ailleurs.

Mais, M. le Président, peut-être que le premier ministre pourrait en profiter pour nous dire ce que lui pense du projet de la SAQ, par exemple, de faire un autre musée virtuel de 8 000 000 $ avec l'argent des contribuables, de faire un autre gaspillage de fonds publics, comme ils en font, des gaspillages de fonds publics, avec toutes leurs campagnes, comme ils en font lorsqu'ils décident d'installer des monuments, lorsqu'ils décident d'installer un autre monument pour honorer des révolutionnaires cubains à l'Assemblée nationale du Québec, comme ils décident d'en faire en changeant les logos à la SAAQ pour 600 000 $ de fonds publics.

Est-ce que le roi des taxes et impôts pourrait au moins nous dire qu'aujourd'hui il a l'intention d'arrêter le gaspillage public? Je veux savoir où le premier ministre se loge sur ce projet de 8 000 000 $ de la SAQ pour faire un musée dont on n'a pas besoin à Montréal, M. le Président.

Le Président: Alors, cette question, M. le chef de l'opposition, vous en conviendrez, c'est une question principale sur un autre sujet. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: On attendait la preuve que le chef de l'opposition était aussi faible en littérature qu'en chiffres. José Martí, le dangereux révolutionnaire cubain dont il parle, c'est un poète.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Et son oeuvre...

Le Président: Bien, M. le vice-premier ministre.

M. Landry: J'ajouterais que son oeuvre était totalement écrite 100 ans avant que Fidel Castro ne naisse.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry: Quant aux dépenses de la Société des alcools – le chef de l'opposition n'était pas là hier, pour de bonnes raisons – j'ai dit clairement que, si cette dépense n'était pas rentable, elle ne se ferait pas. Alors, où est... Pourquoi vous vous exprimez par des cris?

Le Président: Bien, M. le vice-premier ministre.

M. Landry: Les pauvres animaux s'expriment par des cris, M. le Président, parce que la nature ne leur a pas donné la parole.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre, sur la réponse.

M. Landry: Et j'ajouterais, M. le Président, que, dans l'oeuvre de José Martí, écrite en espagnol, les animaux, c'est «brutos», les brutes. Comprenez-vous? Alors, c'est une belle image.

(10 h 20)

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre, je voudrais vous indiquer que, déjà, le temps est largement... Alors, je vous prie de conclure sur la réponse et non pas sur la poésie de Martí.

M. Landry: On va revenir aux chiffres, M. le Président, pour redire au chef de l'opposition que cette initiative du meilleur conseil d'administration de la Société des alcools que j'aie connu depuis la Révolution tranquille...

Des voix: ...

M. Landry: Bien, le rire, c'est déjà un progrès.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, M. le vice-premier ministre, nous allons rester sur le rire, et je vais passer la parole au chef de l'opposition.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de LaFontaine, en question principale.


Modifications au Code du travail demandées par les dirigeants municipaux


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. En mai 1996, devant plus d'un millier d'élus municipaux réunis au Congrès de l'Union des municipalités du Québec, au Centre des congrès de Québec, le premier ministre s'est engagé à leur donner les moyens nécessaires afin de pouvoir gérer les nouvelles coupures et restrictions budgétaires qu'il leur demandait. Particulièrement, il s'est engagé à donner suite à leur demande de modifications du Code du travail et plus particulièrement des articles 45 et 46.

Quand le premier ministre va-t-il tenir ses engagements, qu'il a pris le 2 mai 1996 devant l'Union des municipalités du Québec, à l'effet de donner suite à leur demande de modifier les articles 45 et 46 du Code du travail?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, ce que les Unions municipales... Oui, c'est vrai qu'elles ont demandé des modifications à l'article 45, mais ce qu'elles nous ont demandé spécifiquement, dans le contexte des ententes que nous avons conclues avec elles, c'était – c'est le mot qu'elles employaient, c'est un euphémisme sans doute: Donnez-nous des outils pour nous permettre de réaliser des diminutions de dépenses.

Et ce que le gouvernement a fait, et c'est l'Assemblée nationale qui l'a fait, nous en avons tous été témoins, nous avons adopté une loi qui a permis aux Unions municipales et aux syndicats des travailleurs de conclure des conventions collectives qui, dans beaucoup de cas, ont en effet contribué à diminuer de l'ordre de 6 % les coûts de main-d'oeuvre.

Cette diminution, elle est là maintenant, ils en profitent, ça leur a permis de rencontrer essentiellement l'effort budgétaire qui leur a été demandé. Elle est toujours là, cette diminution, et, à ce moment-là, ils en profitent.

Le Président: M. le député de LaFontaine.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Est-ce que le premier ministre, qui oublie qu'il s'est engagé à donner suite au rapport Mireault, à cette époque-là, à qui il venait de donner mandat d'étudier l'impact des articles 45 et 46, pourrait nous dire s'il est exact, comme le disait son ministre du Travail dans cette Chambre à l'époque, et je le cite, M. le Président: «On a entendu ce qu'elles avaient à dire – les Unions municipales – on le sait que ça leur pose des problèmes[...]. On a écouté ce que les gens avaient à dire et maintenant on est prêt à agir [...] le mémoire est prêt, le projet de loi est prêt», la loi est prête?

Qu'attend le premier ministre pour donner suite aux engagements et aux déclarations de son ministre du Travail, le 28 mai 1997, en cette Chambre, relativement aux modifications des articles 45 et 46 du Code du travail, afin de permettre aux municipalités de pouvoir gérer harmonieusement, dans le meilleur intérêt du citoyen, les compressions qu'il leur impose?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, de mémoire, le Code du travail actuel a été adopté en 1964. Ça fait donc 35 ans que la société québécoise s'est développée avec une économie nouvelle, des nouveaux mécanismes de fonctionnement, des nouvelles valeurs qui font en sorte qu'après 35 ans, en effet, beaucoup de gens – je dirais à peu près tout le monde du côté des employeurs comme du côté des syndicats – souhaitent une modernisation du Code du travail. Ça veut dire qu'il faut faire une refonte du Code du travail. Il faut réexaminer les mécanismes qui assurent l'équilibre et qui permettent la rentabilité de l'entreprise et protéger en même temps les travailleurs.

Le gouvernement est conscient de cette pression qui s'exerce depuis déjà plusieurs années, qui s'est exercée d'ailleurs sous le gouvernement libéral à l'époque où il était au pouvoir – il n'a rien fait – et nous savons que c'est une chose qu'il faut faire. Ce n'est pas simple. Je pense qu'au-delà de la politique partisane, nous comprenons qu'on agit là sur les leviers fondamentaux, sur les assises mêmes de la stabilité et de l'économie de notre société. Donc, le gouvernement est en train d'examiner la question, procède avec les partenaires, procède prudemment, sereinement, pour faire une chose qui va assurer la paix sociale et l'économie du Québec.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bourassa, maintenant.


Délais d'attente de traitement des patients atteints de cancer envoyés au États-Unis


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. En envoyant les patients québécois souffrant de cancer se faire soigner aux États-Unis, la ministre de la Santé visait à réduire les délais d'attente pour que les patients puissent recevoir leurs traitements de radiothérapie dans un délai médicalement acceptable. On m'informe que les délais d'attente, pour deux des cinq établissements américains, s'allongent, ce qui fait qu'en bout de piste les patients québécois attendent maintenant aussi longtemps qu'au Québec, soit près de quatre mois pour recevoir leurs traitements.

Est-ce que la ministre réalise que cette opération, qui coûte des millions aux contribuables, ne donne pas les résultats escomptés, puisque les délais d'attente pour ces patients sont maintenant équivalents à ceux du Québec, soit entre 15 et 16 semaines?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. La question de la députée de Bourassa va nous permettre de faire le point sur la question des délais d'attente, puisque encore dernièrement on voyait, et même ce matin, qu'il y avait des listes d'attente à L'Hôtel-Dieu, par exemple, où on mentionnait que des gens, assez nombreux, attendaient. Ce qu'il faut savoir, c'est vrai que plus de gens attendent, cependant ils attendent moins longtemps et la majorité, et plus que la majorité d'entre eux sont traités dans un délai de moins, ou à l'intérieur, de huit semaines.

En ce qui a trait aux soins offerts aux États-Unis, je suis un peu étonnée d'entendre ce que dit la députée, puisque, encore hier, je rencontrais les responsables de ce dossier à mon ministère – ça va me permettre en même temps d'ajouter une autre information pour la députée – dans les faits nous envoyons 25 % de personnes de plus de 75 ans, chez les hommes, se faire traiter effectivement aux États-Unis et nous envoyons 10 % de femmes de plus de 70 ans. Ça l'inquiétait à savoir si les services étaient disponibles pour les personnes âgées. Oui, ces services sont disponibles.

Le Président: En terminant, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.

Mme Marois: Par ailleurs, ce dont on m'informait, c'était plutôt qu'il y avait actuellement des places disponibles quant aux ententes que nous avons avec les centres américains et qu'on souhaitait que d'autres personnes se manifestent ou que des médecins nous réfèrent des cas de telle sorte qu'on réduise d'autant la liste d'attente, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Bon, encore une fois, M. le Président, est-ce que la ministre est consciente qu'elle cherche par sa réponse à gagner du temps, à sauver son image? Est-ce qu'elle est au courant des déclarations qu'a faites cette semaine la docteure Carolyn Freeman quant à la situation au Québec, quant à sa déception quant aux suites qui vont être données ici, au Québec, aux problèmes qui demeurent entiers?

Deux, Mme la ministre, êtes-vous consciente que vous n'avez pas répondu à la question en ce qui a trait aux États-Unis? Est-ce que vous êtes consciente que ça coûte des millions aux contribuables québécois et que les patients qui sont partis du Québec pour aller aux États-Unis attendent maintenant aussi longtemps aux États-Unis parce que les délais sont équivalents, soit entre 15 et 16 semaines? Et êtes-vous au courant, madame, que le centre de Burlington ne traite plus de patients du Québec et ne le fera plus jusqu'à la mi-janvier? Et pouvez-vous me dire pourquoi?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, effectivement je suis au fait du centre de Burlington qui ne reçoit plus actuellement de patients parce qu'ils sont en train de faire des rénovations pour pouvoir recevoir par la suite à nouveau nos patients.

Alors, M. le Président, je suis un peu étonnée que la députée de Bourassa nous dise que ça coûte des millions pour soigner les personnes alors qu'elle veut en même temps qu'elles soient soignées. Oui, ça coûte des millions de dollars pour soigner des personnes qui ont des problèmes de cancer, pour soigner des personnes qui ont des problèmes cardiovasculaires. Et, oui, ça aurait été pas mal mieux pour mon image de ne pas les envoyer aux États-Unis. Cependant, je pensais qu'il en allait de la vie des personnes, et c'est le choix que j'ai fait, c'est la décision que j'ai prise et je ne le regrette pas, M. le Président.

Des voix: Bravo!

(10 h 30)

Le Président: Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que la ministre est consciente que sa solution n'est pas une solution puis que ça n'a pas réglé le problème? Deuxièmement, êtes-vous consciente que le centre de Burlington s'achète un autre appareil, qu'il va continuer à recevoir sa clientèle? Un autre appareil, là, comment l'achète-t-il, Mme la ministre? Pouvez-vous me donner une réponse à cette question-là? Pourquoi continue-t-il de recevoir ses patients et pourquoi refuse-t-il l'accès? Si c'est un succès, votre opération, aux patients qui viennent du Québec, à qui on a fait croire que c'était une solution et qu'ils auraient des traitements dans des délais acceptables, venez me dire que ce n'était pas pour gagner du temps.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, M. le Président, s'il faut reprendre l'ensemble du dossier pour le réexpliquer à nouveau à Mme la députée de Bourassa, ça me fera plaisir de le faire. Je lui répète à nouveau que ce n'est pas la solution que nous privilégions. Nous privilégions une solution québécoise. Dans quelques semaines à peine, on ouvrira un nouveau centre de traitement en radio-oncologie à Trois-Rivières. C'est 1 600 cas qui seront traités de plus que ceux que l'on traite maintenant. Et notre objectif n'est pas de continuer à envoyer des patients et des patientes aux États-Unis, mais, au contraire, de pouvoir les traiter ici. Dans les faits, nous allons cependant continuer à le faire, malgré l'opposition de la députée de Bourassa, parce que nous sauvons ainsi des vies, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, en question principale.


Mise en place d'un conseil de surveillance des activités de la Sûreté du Québec


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Il y a deux semaines, en cette Chambre, M. le Président, le ministre de la Sécurité publique nous confiait qu'il entendait confier le rôle de surveillance et de contrôle de la Sûreté du Québec à des élus. Or, voici que La Presse nous apprend ce matin que le ministre fait un virage à 180 degrés et qu'il entend plutôt resserrer le contrôle politique de la Sûreté du Québec par l'exécutif en nommant un conseil de surveillance formé de cinq membres nommés par lui, par le ministre, lequel conseil de surveillance pourra faire parader les officiers de la Sûreté du Québec pour les questionner.

Qu'est-ce qui s'est passé en deux semaines pour que le ministre change si radicalement d'idée?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Je n'ai pas changé d'idée en deux semaines, mais il est vrai que j'ai étudié longuement les recommandations de la commission Poitras, j'ai consulté beaucoup et je m'en suis fait une idée. Je continue à dire ce que je disais il y a deux semaines et que vous avez peut-être mal compris.

Le principe qui nous inspire quant à la recommandation principale de la commission Poitras, c'est le contrôle aux élus, le conseil aux experts. Mais ce projet de loi, justement, que nous avons élaboré soigneusement après avoir non seulement étudié à fond le rapport de la commission Poitras, mais avoir comparé à peu près tout ce qui se fait dans le monde civilisé, ce projet de loi doit cheminer à travers différents comités. Il est très avancé. Il doit d'abord avoir l'approbation du Conseil des ministres avant que je puisse le rendre public. Et je demande aux journalistes, n'est-ce pas, d'attendre qu'il soit rendu public avant de porter un jugement dessus, comme d'ailleurs à l'opposition. J'ai même pensé que l'opposition pourrait être avertie peu de temps, aussi, avant les journalistes, une fois que j'aurai l'accord du Conseil des ministres. C'est une loi qui durera longtemps, probablement qui traversera plusieurs gouvernements, et il est important que l'ensemble des élus puissent vivre avec pendant longtemps.

Le Président: M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Le ministre réalise-t-il que son intention de confier à un conseil de surveillance nommé par lui donne toute sa crédibilité au rapport de la commission Poitras? En page 768, les commissaires disant: «Nul doute qu'à l'automne 1994 une certaine fébrilité dut s'emparer de l'institution. À l'époque, on envisageait même la création d'une armée. La Sûreté du Québec se voyait sans doute appelée à une mission de plus haut niveau, plus englobante et plus exigeante aussi.» Note 38, au bas de la page, compte rendu de la réunion de l'état-major général tenue le 31 janvier 1995. Au point 6.3, l'état-major discute d'un projet de restructuration d'un Québec souverain.

Le Président: M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: On est bien loin de la question qui a été soulevée en premier. Ce que je veux répéter, c'est que je crois que l'on doit vivre avec le système de gouvernement que nous avons ici et qu'un ministre ne parle pas de ses projets de loi. C'est évident qu'un ministre en a, qu'il les prépare avec soin, qu'il consulte, qu'effectivement il peut changer d'idée au cours des consultations et il peut accepter des consensus, mais un ministre doit d'abord soumettre ses projets de loi au Conseil des ministres. Et, pendant ce temps-là, il y a beaucoup de spéculations.

Et ce n'est pas la première fois que des journalistes, qui veulent annoncer la nouvelle avant qu'elle ne se produise, se trompent. On jugera du projet de loi quand il aura l'approbation, parce que c'est un projet de loi si important qu'il doit évidemment être une décision gouvernementale. Et j'espère que, quand il sera étudié en commission parlementaire, l'opposition l'abordera avec l'idée qu'elle ambitionne – j'espère que cette ambition ne se réalisera pas – vivre avec, elle aussi.

Le Président: Mme la députée de Bonaventure.


Mandat de la Régie de l'énergie concernant l'établissement des tarifs d'électricité


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Un article paru dans le journal La Presse hier confirme les pires craintes des consommateurs québécois. On apprend que le premier ministre a l'intention de tourner le dos à la Régie de l'énergie en lui soutirant des pouvoirs importants, se soumettant aux demandes d'Hydro-Québec. Cependant, pour protéger sa cote de popularité auprès de ses militants, qui eux s'opposent à des modifications à la Loi de la Régie de l'énergie, le premier ministre décide de reporter le projet de loi après la tenue du congrès national du PQ, au printemps 2000.

M. le Président, le premier ministre peut-il expliquer aujourd'hui aux Québécois pourquoi il fait passer ses propres intérêts avant les intérêts de l'ensemble des consommateurs du Québec?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, dans ce dossier-là, je dois vous avouer que ce n'est pas vraiment les cotes de popularité du Parti québécois qui me préoccupent au premier chef, c'est d'abord et avant tout les tarifs d'électricité imposés aux millions de Québécois, dans la catégorie du tarif résidentiel. C'est ça qui me préoccupe beaucoup, et c'est pour cette raison d'ailleurs que nous avons mandaté un expert pour faire le portrait le plus complet possible des impacts sur le plan tarifaire, particulièrement concernant les clients résidentiels, qui sont des millions au Québec, et aussi évidemment les impacts financiers sur les bénéfices nets et les dividendes d'Hydro-Québec. Ça aussi, ce n'est pas négligeable, parce qu'à partir du moment où il n'y a pas de dividendes qui rentrent au trésor public, il faut les remplacer par des ressources fiscales. Il faut savoir ça aussi, hein! C'est ça qui nous intéresse. Et je pense qu'avant de prendre une décision un gouvernement responsable se doit d'avoir le portrait complet, exhaustif, des impacts à la fois tarifaires et financiers de l'application de la Loi sur la Régie de l'énergie.

Alors, c'est ce qu'on est en train de faire. Après, on prendra les décisions qui s'imposent. Mais notre objectif, c'est de maintenir des tarifs bas pour l'ensemble des clients résidentiels au Québec. C'est ce qu'on appelle le pacte social, qui a été conclu au début des années soixante: uniformité tarifaire sur tout le territoire québécois et des tarifs bas pour les clients résidentiels.

Le Président: Mme la députée.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: M. le Président, en additionnelle: Est-ce que le premier ministre et son ministre des Ressources naturelles réalisent que les Québécois ne sont pas dupes et que la commande de cette étude et la stratégie de son gouvernement, c'est justement pour gagner du temps d'ici le congrès national du PQ, au printemps 2000?

(10 h 40)

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, je laisse la députée avec ses interprétations sans fondement d'aucune sorte, parce que je pense qu'il est important de dire, à propos de la Régie de l'énergie, et il est important surtout de savoir, à partir du moment où elle applique sa loi – sans malveillance aucune, là – quelles conséquences ça aura, quels impacts ça aura sur les tarifs. Alors donc, une fois qu'on saura cela, une fois qu'on aura un portrait complet de ces impacts et de ces conséquences, on sera en mesure de prendre une décision éclairée.

Quant à la Régie, la députée s'inquiète de la pérennité de la Régie de l'énergie. «Pérennité», ça veut dire: qui dure toujours. Je peux l'assurer que le gouvernement n'a absolument aucune intention de faire en sorte que la Régie de l'énergie disparaisse. Elle est là pour rester, elle va continuer de rester.

Le Président: En question principale ou complémentaire, M. le chef de l'opposition?

M. Charest: En complémentaire, M. le Président.

Le Président: En complémentaire, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: La réponse du ministre intrigue, M. le Président, pour la raison suivante. Pourquoi il n'a pas fait tout ça avant d'adopter la loi? Pourquoi avoir peur de la transparence? Alors, peut-être que le ministre peut nous expliquer pourquoi il dit ça aujourd'hui puis pourquoi il a fait adopter à l'unanimité, à l'Assemblée nationale, une loi où il aurait dû, semble-t-il, faire tout ce qu'il vient de nous décrire.

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, il y avait aussi dans la loi – je suis sûr que le chef de l'opposition connaît très bien la Loi sur la Régie de l'énergie – l'article 167, qui prévoyait que la Régie devait transmettre au gouvernement un avis sur les modalités et l'établissement des tarifs de fourniture d'électricité. C'est ce qu'elle a fait.

Des voix: ...

M. Brassard: C'est ce qu'elle a fait.

Une voix: ...

M. Brassard: Oui, oui, mais...

Le Président: Écoutez. Un instant! S'il vous plaît! La question complémentaire a été posée par le chef de l'opposition officielle. Ceux qui n'ont pas la parole actuellement n'ont pas à intervenir. Et le ministre n'a pas à répondre à des questions qui viennent des banquettes. S'il y a d'autres questions complémentaires, on a encore du temps, on pourra les accueillir. M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, je dois dire que, comme mon collègue le ministre des Finances, il y a un autre progrès: on est passé des cris aux rires, maintenant il y a des questions articulées. Alors, ça progresse, de l'autre côté, la nature humaine apparaît.

M. le Président, cet avis, c'est vrai, a été remis il y a plus d'un an. Mais c'est un dossier complexe. Et puis je pense qu'aussi il faut dire qu'on a encore le temps devant nous. N'oublions pas que ce gouvernement a gelé les tarifs jusqu'en 2002. Vous ne l'oubliez pas? Les tarifs sont gelés jusqu'en 2002, donc on a encore un certain temps pour examiner une question complexe et voir vraiment, à partir de l'avis que nous a fourni la Régie, comment concrètement ça va se traduire sur le plan tarifaire pour les millions de Québécois et de Québécoises. C'est ça qui nous préoccupe, c'est ça qui nous importe.

Le Président: En question principale, Mme la députée de La Pinière.


Contrat pour l'implantation d'un système informatique de gestion des ressources humaines, financières et matérielles


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, le 16 juin dernier, j'ai questionné le président du Conseil du trésor sur la non-conformité du processus d'attribution d'un important contrat pour l'achat d'un progiciel intégré de gestion de ressources humaines, financières et matérielles, GIRES, dont les coûts à terme sont évalués à plusieurs millions de dollars. Il s'agit, M. le Président, d'un progiciel intégré qui va être implanté dans 21 ministères et 180 organismes gouvernementaux.

Le 23 juin dernier, le président du Conseil du trésor prenait tout le monde par surprise en annonçant que ce lucratif contrat allait être octroyé à la firme Oracle. Or, il se trouve que la proposition de la compagnie en question ne respecte pas trois exigences minimales, obligatoires, prévues à l'appel d'offres.

M. le Président, est-ce que le président du Conseil du trésor peut nous confirmer s'il a signé le contrat avec Oracle? Et, si oui, à quelle date?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, c'est effectivement un contrat très important et une opération très importante que celle du projet GIRES, qui va amener à l'intérieur de la fonction publique et de l'administration publique québécoise les technologies les plus modernes qui soient.

M. le Président, nous avons lancé un appel d'offres, et, au terme de cet appel d'offres, il y a eu un comité d'évaluation auquel ont participé au-delà de 100 personnes à l'intérieur de l'appareil gouvernemental. Et la recommandation a été unanime, c'était Oracle. Et nous avons décidé de procéder avec Oracle.

En ce qui concerne la signature du contrat, à ce stade-ci, je crois qu'il a été signé. Mais, quoi qu'il en soit, qu'il l'ait été ou pas, le contrat est accordé.

Le Président: Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, si tout a été fait conformément aux règles de l'art, comme le prétend le président du Conseil du trésor, j'imagine qu'il n'aura pas d'objection, par souci de transparence, à déposer le contrat dûment signé ainsi que les rapports de conformité.

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, ce contrat a fait l'objet de beaucoup de soumissions. Il y a quatre firmes, en fait. Et puis je sais qu'une des firmes n'est pas contente et dit qu'elle poursuivra le gouvernement. Nous verrons.

En ce qui concerne la transparence sur ce contrat, nous n'avons absolument rien à cacher.

Le Président: Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, si le président du Conseil du trésor n'a rien à cacher, qu'il dépose le contrat ainsi que les rapports de conformité.

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, il y a des procédures. Les contrats sont publics. En ce qui concerne l'administration publique, aux engagements financiers, il y a une façon de faire et nous allons procéder de cette façon. Mais je répète, M. le Président, que ce contrat a été accordé après une évaluation d'au-delà de 100 experts à l'intérieur du gouvernement et que nous n'avons absolument rien à cacher là-dedans.

Le Président: Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, je répète ma question: Si le président du Conseil du trésor n'a rien à cacher, qu'il dépose le contrat ainsi que les rapports de conformité. Est-ce qu'il va les déposer?

Le Président: M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: En temps et lieu, M. le Président, selon les règles de l'Assemblée.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, en question principale.


Points de vente des produits de la Société des alcools en région


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: Merci, M. le Président. Le président de la Société des alcools nous apprend qu'il songe à éliminer les permis d'agences en région pour remplacer ces points de vente, si vous voulez, par un nouveau type de succursales qu'il appellerait la SAQ Essentielle, et qui seraient, ces permis-là, détenus et opérés par la Société des alcools elle-même.

Franchement, M. le Président, la soif de profits du président de la SAQ me surprend et je la trouve insatiable, soif qui va jusqu'à enlever une source de revenus importante à 154 petits commerçants établis en région, majoritairement des épiciers et des dépanneurs dont l'achalandage et les revenus dépendent en grande partie des ventes de boissons alcoolisées.

Est-ce que le ministre des Finances est d'accord avec son président de la SAQ?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Vous avez remarqué, M. le Président, que le mot le plus sonore qui est sorti de la question du député, c'est le mot «soif», et c'est à son honneur, pour un gars qui a vendu de la bière pendant 30 ans!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le vice-premier ministre, nous avons soif de vous entendre! Sur la réponse.

M. Landry: J'espère, M. le Président, que vous boirez mes paroles!

Le Président: Évidemment.

M. Landry: Bon. Alors, notre Société des alcools, effectivement, a pour mission, en tout bien tout honneur, d'épancher la soif de nos populations. Elle le fait d'une façon très efficace. Et, effectivement, elle va créer cette bannière. D'ailleurs, je trouve ça assez bien trouvé, Essentielle, parce que les petites succursales, dans les localités où on ne pouvait mettre une vraie agence, on les considère évidemment comme un service essentiel, et c'est normal. Que ceux qui ne boivent pas de vin ici continuent à rire!

Alors, on a présentement 150 agences au Québec...

(10 h 50)

Le Président: J'appelle à la collaboration de tous. Déjà, on a pris beaucoup de temps pour la réponse. M. le ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Landry: On a présentement, donc, 150 agences au Québec et, dans le cadre d'une révision de l'offre de services, la Société prévoit transformer cinq ou six de ces agences en succursales. Voilà la réalité.

Le Président: M. le député.


M. André Tranchemontagne

M. Tranchemontagne: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances, dont la soif semble aussi grande que celle de son président de la SAQ, est en train de nous dire qu'il cautionnera prochainement la fin d'un partenariat public-privé, et qui fonctionne comme partenariat public-privé, pénalisant ainsi des centaines de familles dans les régions du Québec qui en ont tant besoin?

Le Président: M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: J'avais prévu la sous-question, voici la sous-réponse: on prévoit ouvrir une centaine d'agences qui offriraient de 50 à 100 produits au cours des prochaines années. Donc, cinq ou six qui ferment, une centaine qui ouvrent. Je pense que le net est de quoi vous contenter.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Rencontre avec des associations de consommateurs concernant les pratiques de recouvrement d'Hydro-Québec


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Depuis le mois de mars 1999, les regroupements d'associations de consommateurs ont fait parvenir une quinzaine de demandes de rencontre au ministre des Ressources naturelles, mais cette quinzaine de demandes de rencontre est restée malheureusement vaine. J'ai vérifié encore ce matin. Après vérification, on ne m'indique aucun signe de vie de la part du bureau du ministre des Ressources naturelles à cet égard, M. le Président, l'indifférence totale.

Pourtant, les associations de consommateurs veulent discuter des pratiques de recouvrement d'Hydro-Québec et aussi proposer au ministre une série de mesures pour aider les familles démunies qui ont accumulé des retards de paiement avec Hydro-Québec. Après neuf mois d'attente, après 15 demandes de rencontre, le ministre des Ressources naturelles peut-il démontrer un peu de respect envers les plus démunis et prendre l'engagement aujourd'hui de rencontrer prochainement – et j'insiste sur le mot «prochainement», M. le Président – les regroupements des associations de consommateurs?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Bien, d'abord, M. le Président, il y a quand même des collaborateurs de mon cabinet qui sont entrés en relation, qui ont rencontré plusieurs de ces groupes, d'une part. D'autre part, le dernier en date qui m'a fait cette demande vient à peine de naître. Donc, ça ne fait pas certainement neuf mois, parce que ça fait à peine quelques semaines que ce regroupement vient d'apparaître, d'une part. D'autre part, il faut aussi être bien conscient que, pendant toute la période qui commence, Hydro-Québec s'interdit de faire des coupures d'électricité, jusqu'au printemps. Donc, ça laisse le temps de se voir, de se rencontrer et d'échanger sur la question, une question fondamentale, je le reconnais avec la députée, question grave que celle des recouvrements.

Je dois dire aussi qu'Hydro-Québec, également, sur cette question-là, n'est pas inactive. Elle garde le contact avec ces regroupements pour, encore une fois, faire en sorte que les méthodes de recouvrement...

Le Président: Je voudrais, M. le ministre, être correct avec... Je voudrais que vous finissiez votre phrase, mais je voudrais aussi... puisque le temps coule, il ne s'agit pas de faire exprès, alors je vais donner une dernière question additionnelle, rapidement, à la député de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, pourquoi le ministre des Ressources naturelles s'entête-t-il à ne pas rencontrer les groupes qui ont des propositions constructives à lui soumettre? Est-ce que c'est parce qu'il préfère faire plaisir à Hydro-Québec, et ce, au détriment des familles pauvres du Québec?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Je ne les ai pas encore rencontrés, mais je ne refuse pas de les rencontrer et je les rencontrerai ultérieurement.

Le Président: Très bien. Alors, cet échange met fin à la période des questions et des réponses pour aujourd'hui.


Motions sans préavis

Puisqu'il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés, nous allons aller maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement, je crois que vous aviez une motion sans préavis, qu'on m'avait indiqué?


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 89

M. Brassard: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante, en précisant qu'il y a une entente entre les partis à cet égard. Ça consiste en une audience particulière.

«Que la commission des transports et de l'environnement procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 89, Loi modifiant la Loi sur les transports en matière de camionnage en vrac, le vendredi 3 décembre 1999 et, à cette fin, qu'elle entende les organismes suivants:

«Le vendredi 3 décembre 1999, de 11 heures à 11 h 30, remarques préliminaires du gouvernement suivies de celles de l'opposition; 11 h 30 à 12 h 15, l'Association nationale des camionneurs artisans; 12 h 15 à 13 heures, le Regroupement des entreprises et transporteurs en vrac; 15 heures à 15 h 45, l'Association des manufacturiers de bois de sciage du Québec; 15 h 45 à 16 h 30, le Conseil du patronat; 16 h 30 à 17 h 15, le Regroupement des régions 03, 05 et 06 de l'Association nationale des camionneurs artisans; 17 h 15 à 18 heures, la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec; 20 heures à 20 h 45, l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec; 20 h 45 à 21 h 30, l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec; 21 h 30 à 22 h 15, l'Union des municipalités du Québec; et, 22 h 15 à 22 h 45, remarques finales de l'opposition suivies de celles du gouvernement;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques finales, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale de 30 minutes, partagée également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition; et

«Que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Je pense qu'il y a une entente entre les partis à cet égard.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Elle est adoptée. Alors, aux motions sans préavis, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec la tenue d'une consultation publique élargie pour entendre les chômeurs, les personnes assistées sociales, les chercheurs d'emploi, les groupes communautaires et les entrepreneurs des différentes régions du Québec sur la gestion et l'administration d'Emploi-Québec.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de la motion? Il n'y a pas consentement, M. le député de Pontiac. Alors, Mme la députée de Bonaventure.

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Alors, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec qu'il confirme la pérennité et l'autorité de la Régie de l'énergie et qu'il mette en vigueur dès maintenant, intégralement, tous les articles sans exception de la Loi de la Régie.»

Le Président: Il n'y a pas consentement, Mme la députée de Bonaventure, pour débattre... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Hier, le leader du gouvernement avait indiqué qu'il s'objectait parce que les règles non écrites n'auraient pas toutes été suivies. À ma connaissance, ces règles ont toutes été suivies. Qu'est-ce qui l'empêche, à ce moment-ci, d'adopter le même texte que le Conseil national du Parti québécois a déjà adopté?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, c'est vrai que les règles ont été suivies, mais, en suivant les règles, ça ne veut pas dire qu'il y a consentement. Et les règles ont été suivies aussi à l'égard d'une motion sur les jeunes contrevenants. Vous l'avez entre les mains depuis un bon moment. Alors, j'espère que, mardi, on pourra, de façon consensuelle, en débattre et l'adopter.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, ce n'est pas une réponse totalement satisfaisante. En ce qui concerne les jeunes contrevenants, il y a des pourparlers qui s'effectuent entre le critique en matière de justice, qui a présenté à l'Assemblée nationale une motion, et Mme la ministre de la Justice. Hier, on a évoqué la possibilité d'une motion qui serait conjointe, s'il y a entente sur un texte final. On aurait souhaité, nous, que ça se règle ce matin. On comprend que Mme la ministre a dû s'absenter ce matin. On reviendra mardi. Mais ça ne règle pas le cas de la motion comme telle sur la Régie de l'énergie. Qu'est-ce qu'il y a qui ne va pas dans le texte d'une motion qui a déjà été adoptée par le Conseil national du Parti québécois?

(11 heures)

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, je comprends que le leader du gouvernement a consulté le ministre des Ressources naturelles et qu'ils ne veulent pas.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader.

M. Brassard: M. le Président, j'avise d'abord cette Assemblée que la commission de l'éducation poursuivra la consultation générale sur la place de la religion à l'école aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif;

Et que la commission des finances publiques entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi sur les centres financiers internationaux, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vos avis sont déposés.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Alors, ceci termine les affaires courantes.


Affaires du jour

Aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, reprenons le débat, M. le Président, sur le projet de loi que vous retrouverez à l'article 4.


Projet de loi n° 81


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à l'article 4, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 25 novembre 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite.

Les députés qui doivent vaquer à d'autres occupations, si vous voulez nous apporter votre collaboration. Je cède maintenant la parole à M. le président de la commission de l'éducation et député du comté de Richmond. M. le député de Richmond, la parole est à vous.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Merci, M. le Président. D'abord, vous me permettrez de vous indiquer jusqu'à quel point je prends un grand plaisir aujourd'hui à me joindre à ceux qui, en cette Chambre, auront...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! À ma gauche, les députés qui ont des choses à discuter, il y a des salons pour ce faire. Vous pouvez discuter dans les salons, M. le ministre, M. le député, ça va être plus agréable pour vous autres. Vous allez pouvoir vous parler sans qu'on vous regarde. M. le député de Richmond.

M. Vallières: Merci, M. le Président. Alors, j'allais dire qu'il me fait grand plaisir de prendre part à ce débat aujourd'hui et de joindre ma parole à tous ceux et celles qui auront à s'exprimer sur un projet de loi, projet de loi n° 81, qui vise la fusion forcée de quelques municipalités, soit les municipalités de Mont-Tremblant, de la ville de Saint-Jovite, de la municipalité du Lac-Tremblant-Nord et de la paroisse de Saint-Jovite.

Ce projet de loi que nous avons devant nous et l'exercice auquel nous sommes conviés ne sont pas sans me rappeler certains événements qui se sont produits en cette Chambre au cours de l'année 1982. Je vois mon collègue de Pontiac qui pourrait aussi en témoigner. Il était lui aussi des membres de cette Assemblée qui ont, avec vigueur, détermination, combattu les intentions qui se sont concrétisées du gouvernement de l'époque de fusionner, de façon forcée, les villes de Baie-Comeau et de Hauterive.

Alors, M. le Président, évidemment il faut remarquer quelques similitudes à l'intérieur de ces deux dossiers. La principale, je dirais, c'est celle qu'il s'agit du même gouvernement. C'est le même gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, qui, en 1982, forçait une fusion. Et voici maintenant que, le 26 novembre 1999, nous sommes en cette Chambre à débattre d'un projet de loi qui vise, une fois de plus, une fois de plus, à fusionner sur une base non démocratique plusieurs municipalités, dans ce cas-ci quatre, qui ne le souhaitent pas.

M. le Président, vous me permettrez de vous indiquer qu'à mon sens il s'agit là d'une négation carrément de la démocratie ici, au Québec. J'aurai l'occasion, au cours des quelques minutes qui nous sont allouées, de vous démontrer pourquoi, à mon sens, il s'agit là d'un déni de démocratie, puisque, à l'intérieur de nos règles, l'on veut que de façon générale l'on tienne compte du point de vue exprimé par la population du Québec.

Moi, je suis en politique depuis déjà plus de 21 ans comme député, et il y a une base, à mon avis, qui se doit d'être retrouvée à l'intérieur de toutes les relations que nous entretenons avec des élus, qu'ils soient des élus de notre gouvernement ou des élus à d'autres niveaux, que ce soient des gens des commissions scolaires ou des élus municipaux.

Quand on veut établir une base de relations harmonieuses avec les autres niveaux d'élus, bien il y a une condition sine qua non, il y a une prémisse qui doit s'installer, et cette prémisse-là, c'est le respect. Le respect des élus municipaux se doit d'être reconnu. Malheureusement, on constate, avec le gouvernement que nous avons devant nous, que c'est un mot qui ne fait pas partie du vocabulaire du gouvernement du Parti québécois, le «respect» des élus municipaux. Et les occasions sont nombreuses pour ce gouvernement de témoigner de ce non-respect qu'il a à l'endroit des municipalités du Québec.

M. le Président, je suis de ceux qui personnellement ne font pas une guerre contre le regroupement des municipalités. Moi, au même titre que mon parti, j'ai toujours pensé que les municipalités qui le voulaient, sur une base volontaire, étaient les bienvenues à se regrouper. Et, pour un, j'ai également dit que je trouvais qu'il y avait trop de municipalités au Québec.

Mais, à partir de ce constat-là, c'est sûr que les municipalités qui, après avoir étudié les avantages, les inconvénients, décident de le faire sur une base volontaire, bien, je ne peux que les inciter à le faire, mais toujours en tenant compte que l'on ne doit pas, comme le fait actuellement le gouvernement dans sa politique de fusion, intervenir auprès des municipalités sur une base punitive imposée aux municipalités qui ne voudraient pas se regrouper à l'intérieur d'un scénario qui est soutenu par le gouvernement du Québec, et en particulier par le ministère des Affaires municipales, et qui vise carrément à éliminer un certain nombre de municipalités.

Alors, M. le Président, vous comprendrez comme moi que la proposition que nous avons à l'intérieur de ce projet de loi et qui vise une fusion forcée de quatre municipalités ne peut être partagée de ce côté-ci de la Chambre par ceux qui croient dans le jeu de la démocratie. Elle ne peut être partagée de ce côté-ci de la Chambre par ceux qui veulent respecter la population, respecter la volonté populaire qui a été exprimée dans ce cas-ci, faut-il le rappeler, par biais d'un référendum, un référendum qui a permis, si ma mémoire est fidèle, à la municipalité concernée, entre autres aux résidents de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord, de se prononcer: quelque 96 % des voteurs ont dit non à la fusion.

Alors, je pense qu'il n'y a pas de message plus clair. Il est pour le moins surprenant de voir que le gouvernement, malgré un message aussi clair, ait décidé d'aller de l'avant avec un projet de loi qui vient littéralement bâillonner les populations locales qui sont concernées par cet enjeu, qui est majeur pour les autorités locales, et la population également qui est largement visée par ce projet de fusion qui, si le gouvernement ne change pas d'opinion, va se concrétiser en une fusion devenue forcée par le projet de loi que l'on veut nous imposer aujourd'hui.

M. le Président, je veux peut-être vous rappeler également qu'il est surprenant de voir le même gouvernement qui tient ce langage et qui tient ce comportement à l'endroit du monde municipal local être le premier dans les paroles, dans les discours, à se gargariser sur le respect des élus locaux, à se gargariser également sur le respect de la volonté populaire.

(11 h 10)

M. le Président, vous ne me voyez cependant pas étonné de ce comportement qui, à mains égards, ressemble à celui pour lequel il a lui-même opté en ce qui concerne les résultats référendaires au Québec. Le même gouvernement ne tient carrément pas compte de ce que la population du Québec lui a enseigné lors des derniers référendums et qui lui dit qu'elle ne veut pas de l'indépendance. Alors, comment la population doit-elle maintenant se surprendre de voir ce gouvernement, qui prêche par l'exemple à l'intérieur de la tenue de ses propres référendums, maintenant ne pas respecter ceux qui se tiennent au niveau local et qui sont pourtant des outils mis à la disposition du monde municipal et du gouvernement du Québec pour vérifier les intentions de la population?

Alors, M. le Président, si des référendums qui se tiennent localement ne veulent rien dire, peut-être vaudrait-il mieux revoir nos lois qui permettent aux municipalités de tenir de pareilles consultations dans le but d'elles-mêmes en tenir compte et également que le gouvernement puisse, de son côté, en tenir compte. M. le Président, c'est le même gouvernement qui nous dit de lui faire confiance et qui à maints égards à l'endroit du monde municipal rejette du revers de la main les intentions manifestées par les élus municipaux au Québec.

Je veux simplement, M. le Président, puisque le projet de loi que nous avons devant nous ne peut nous empêcher de penser à l'attitude générale du gouvernement à l'endroit du monde municipal, penser à cette fameuse facture de 350 000 000 $ qui a été sournoisement refilée au monde municipal, le même monde municipal qui se retrouve actuellement avec un engagement du gouvernement non respecté de maintenir cette facture-là jusqu'au moment de l'atteinte du déficit zéro et le même gouvernement, M. le Président, qui maintenant vient dicter aux municipalités une façon de faire visant à récupérer ces sommes, qui sont actuellement imposées par les municipalités locales au nom du gouvernement du Québec, en établissant un deal cette fois-là avec le monde scolaire pour que ce dernier puisse prendre la responsabilité du transport scolaire mais en même temps imposer au monde municipal, au monde municipal local, des obligations de récupérer à même leur budget des sommes d'argent importantes. Et on fait tellement confiance au monde municipal qu'on parle d'avoir une législation, en cette Chambre, qui viendrait les obliger à le faire.

Alors, M. le Président, après avoir assisté à la tutelle de certains ministres dans ce gouvernement, le gouvernement semble penser que c'est pareil à l'intérieur des municipalités et il a décidé littéralement de les mettre en tutelle. Alors, quand ce n'est pas des factures qu'on leur refile, c'est des façons de faire qu'on veut maintenant leur indiquer: comment ils doivent administrer des fonds publics qu'ils perçoivent auprès de leurs contribuables.

Alors, M. le Président, c'est sûr que le projet de loi qu'on a devant nous vient tout simplement ajouter à cette non-confiance manifestée par le gouvernement à l'endroit du monde municipal, qui, il faut le mentionner, se refuse de les traiter comme des gens dûment élus par la population, se refuse de transiger avec le monde municipal comme avec un niveau de gouvernement.

Alors, M. le Président, je ne pense pas que ce soit comme ça que le gouvernement du Québec, et cette Assemblée, par ricochet, améliore sa réputation auprès de la population au Québec, face à des projets de loi aussi détachés, aussi déconnectés de la réalité qui est connue dans le milieu qui est visé, soit les municipalités de Mont-Tremblant, la ville de Saint-Jovite, la paroisse de Saint-Jovite, la municipalité de Lac-Tremblant-Nord.

M. le Président, avant de conclure cette courte allocution – j'aurai l'occasion, j'en suis persuadé, au cours des prochains jours, en cette Chambre, de continuer à intervenir pour convaincre le gouvernement qu'il fait fausse route dans ce dossier – j'ai juste tenu à sortir de l'intérieur de la politique de consolidation des communautés locales un extrait de document qui a été publié par le ministère des Affaires municipales, un document qui est assez récent et qui précédait les intentions du gouvernement d'obtenir la fusion d'un grand nombre de municipalités au Québec. Et je veux lire, M. le Président – probablement que le ministre va s'attribuer ce texte, puisque c'est publié par son ministère – quelque chose, ici, qui va démontrer jusqu'à quel point ce gouvernement parle des deux côtés de la bouche en même temps et jusqu'à quel point ce gouvernement fait complètement fi du discours qu'il tient.

Alors, je veux citer la page 1, M. le Président, du document qui s'appelle Consolidation des communautés locales: problématique et objectifs , publié, donc, par le gouvernement du Québec, ministère des Affaires municipales, et qui dit ceci, je cite: «Deux approches différentes ont été considérées – on parle toujours des fusions des municipalités. Une première plus directive et celle proposée fondée sur le volontariat. Cette dernière ne vise pas à imposer les regroupements, lesquels demeureront libres et volontaires. Elle sera néanmoins plus déterminée, forcera davantage le débat et comportera des mesures d'incitation plus fortes.» Donc, ils demeureront libres et volontaires. C'est le gouvernement du Québec, M. le Président. Ce n'est pas loin, ça. Ça date d'à peine un an, ce document-là.

Dans un autre document officiel du gouvernement du Québec toujours, sous le titre La consolidation des communautés locales: la mise en oeuvre de la politique , on appelait ça le «renforcement des institutions municipales». Vous me permettrez de le lire, M. le Président, toujours à la page 1 – c'est toujours la partie la plus lue d'habitude, là – à l'intérieur de l'introduction, où on nous dit, et je cite: «La politique de consolidation des communautés locales proposée est fondée sur une approche volontaire.» Au troisième paragraphe, on nous dit: «L'approche volontaire nécessite un fort consensus au niveau local sur l'opportunité de donner suite au regroupement, puisque la démarche est initiée par des représentants locaux élus.»

Alors, M. le Président, c'est un peu paradoxal, mais ce n'est pas nouveau pour ce gouvernement de venir nous dire, pour vendre sa salade auprès du monde municipal puis de la population: Inquiétez-vous pas, tout va être volontaire, tout va se faire en fonction du respect de vos élus locaux, et donc une démarche, on nous dit ici, «initiée par des représentants locaux qui sont élus», et le tout, M. le Président, des démarches qui s'inscrivent à l'intérieur d'une approche volontaire. Alors, comment pouvons-nous, de ce côté-ci de la Chambre, accepter que le gouvernement actuel, en fin de session, une fois de plus, nous arrive avec un projet de loi qui vise non pas le volontariat, non pas le respect des élus municipaux, mais carrément à imposer sa vision des choses à l'intérieur des communautés locales?

Mais, une fois de plus, c'est le même gouvernement qui, en 1982, avait utilisé le rouleau compresseur – et je dirais peut-être un peu plus, M. le Président – afin de faire en sorte que la volonté gouvernementale soit entendue, soit appliquée. Alors, quand le gouvernement parle de volonté puis d'approche volontaire, probablement qu'il parle de sa propre volonté, de sa propre vision des choses. Alors, à moins que ce soit simplement toute une ribambelle, toute une série de mots qui ne veulent absolument rien dire, ce qui a été proposé à l'intérieur de la politique de consolidation des communautés locales, je pense que ce projet de loi que nous avons devant nous devrait être carrément retiré.

D'autant plus, dois-je le mentionner, que le conseil municipal de Mont-Tremblant a présenté, en novembre 1999, une proposition qui visait à partager l'assiette fiscale de Mont-Tremblant avec les villes voisines. Alors, M. le Président, est-ce que cette solution ne répond pas aux objectifs de la ministre actuelle, qui soutient vouloir, par cette fusion forcée, rétablir l'équité fiscale entre Mont-Tremblant et ses voisines et s'assurer de conserver le contrôle de son propre développement?

Alors, si l'objectif, c'est ça, si l'objectif du gouvernement est d'assurer l'équité fiscale, est-ce qu'il ne l'obtiendrait pas à l'intérieur de la proposition qui a été faite par Mont-Tremblant? Mais non, M. le Président, c'est bien clair que ce n'est pas juste ça que veut le gouvernement. Et le gouvernement, c'est clair également qu'il va s'entêter à l'intérieur de cette démarche, puisqu'il l'a introduite ici, en cette Chambre, avec une volonté très claire, qui ne fait pas de doute, que, s'il le faut, le rouleau compresseur sera utilisé une fois de plus, mais, cette fois-ci, pas seulement pour bâillonner les députés libéraux en cette Assemblée, pas seulement pour bâillonner l'opposition officielle, ce sont les contribuables locaux de ces municipalités qui sont, par la voie de cette législation, bâillonnés chacun dans leur milieu.

Et, M. le Président, c'est déterminant et c'est symbolique, cette attitude du gouvernement à l'intérieur du débat qu'on connaît présentement, des discussions qui sont tenues dans maintes municipalités sur le territoire québécois pour l'opportunité de certaines fusions.

(11 h 20)

La première base, M. le Président, je veux le rappeler, qui doit diriger les discussions et qui doit diriger l'action gouvernementale à l'intérieur d'une politique de fusion, c'est le respect du monde municipal, c'est le respect des contribuables qui s'expriment, comme on l'a dans ce cas-ci, par le biais, dans certains cas, de leurs élus municipaux et, dans d'autres cas, par le biais de référendums qui sont tenus de façon démocratique sur le territoire.

Et, si l'on veut mettre de l'avant une politique de fusion qui tienne et qui soit respectée par l'ensemble de la population et qui prenne véritablement toute sa signification, il faut s'engager à respecter la population quand elle s'exprime. Alors, je pense, M. le Président, qu'il s'agit là d'une condition sine qua non de toute politique de fusion municipale. Et, selon moi, comme député d'une circonscription qui comporte plus de 32 municipalités, le gouvernement actuel sert une véritable claque au monde municipal.

Cette fusion forcée fera à nouveau symbole de l'incapacité du gouvernement actuel, et en particulier du gouvernement du Parti québécois, à prendre les moyens les plus efficaces pour convaincre la population du bien-fondé de ses politiques. À défaut de pouvoir le faire, ce gouvernement doit se servir de la voie législative, forcer une fusion qui est non désirée dans un milieu qui pourtant a fait ses devoirs, a respecté la loi, s'est conformé en tous points à ce qu'exige la loi actuelle et qui se voit acculé au pied du mur par le biais d'une législation qui, je l'espère, ne sera pas dénoncée seulement en cette Chambre, le sera également dans le milieu concerné, le sera également par le monde municipal pris de façon globale.

Alors, je vois que le temps qui m'est alloué tire à sa fin. J'aurais aimé, M. le Président – et j'aurai l'occasion de le faire – avoir l'occasion de vous citer quelques journalistes de mon milieu qui suivent de près tout le processus de fusion. Je me permettrai plutôt de les garder pour des séances ultérieures, puisque le temps nous le permettra. En terminant, je veux garantir à cette Assemblée puis aux électeurs du comté de Richmond également, que je représente, jusqu'à quel point je ferai tout en mon pouvoir afin d'amener ce gouvernement à respecter l'électorat. Et ça, ça commence par le monde municipal, par les élus, par les gens qu'on représente. Et je continue de croire plus fermement que jamais que le gouvernement, par le biais de cette législation, fait fi de la démocratie et donne un très mauvais exemple à l'ensemble du monde rural et du monde local, aux élus locaux, à la population en général de ce qui doit être fait quand on a des différends avec le monde municipal. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Richmond. Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Et je cède la parole au prochain intervenant, M. le député de Shefford. Merci, M. le député. La parole est à vous.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Pour la première fois, j'aimerais commencer un discours par une citation – ce n'est pas fréquent – pour se mettre en appétit, puis deux citations de deux députés ministériels il n'y a pas si longtemps. Je cite ces deux députés-là parce que c'est deux députés de ma région, d'un comté voisin de chez moi.

Premièrement, une citation qui a été faite en juin 1999. Ce n'est pas tellement loin, le 2 juin 1999. Une citation qui se lit ainsi: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire. Ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet. Ça doit être leur volonté. On doit avoir leur consentement.» C'est une citation du député de Saint-Jean.

Une autre citation, c'est d'un député d'un comté voisin: «Je tiens à vous assurer que cette fusion ne sera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités.» À ce moment-là, on parlait de fusion dans la région de Saint-Jean. «En effet, des référendums sont prévus au projet de loi, et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée.» Je relis: «...advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas de notre volonté – notre volonté, c'est la volonté du gouvernement, j'imagine – d'imposer contre sa volonté une fusion dont la population ne voudrait pas.» Et ça, ç'a été dit ici, à l'Assemblée nationale, le 2 juin 1999.

Il a continué: «C'est que tout au long de ce processus-là, qui va culminer à la création, on l'espère, d'une nouvelle ville le 24 juin 2000, la population va être consultée en tout temps. Elle pourra dire son mot. Et ça va être fait dans un souci de grande transparence. En tant que parlementaires mais aussi en tant que démocrates, nous devons porter haut et fort le flambeau de la démocratie.» Le député d'Iberville ajoutait ça.

Donc, M. le Président, on peut facilement s'imaginer, vous et les gens qui nous écoutent à la maison, que, lorsqu'on commence un discours par des citations comme ça, il est évident que probablement on était pour étudier un projet de loi suite à un oui référendaire pour les municipalités pour les fusionner. Mais ce n'est pas ça du tout, M. le Président.

On est devant un projet de loi qui va tout à fait au contraire des citations de ces deux députés-là, des citations faites ici, à l'Assemblée nationale, il y a à peine quelques mois. Donc, on se retrouve dans un accroc de la démocratie. Maintenant, un non au référendum veut dire oui, puis un oui veut dire oui. De toute façon, le gouvernement prend la réponse qui fait son affaire. Puis on peut penser peut-être que c'est une thérapie pour eux, peu importe le résultat d'un référendum, d'enclencher un processus de fusion de toute façon.

Donc, M. le Président, on peut faire aussi des analogies avec ce qu'on a entendu en coulisses cette semaine ou qu'on a vu dans les journaux. On a entendu tout le monde spéculer sur la valeur d'un oui à un référendum: 50 % plus 1, 60 % plus 1. M. le Président, la première occasion qu'a le gouvernement de lancer un message à ce sujet-là, sur une question claire... Parce que la question était très claire, là: Voulez-vous, oui ou non, vous fusionner? Donc, la question était claire, puis on sait maintenant ce qu'on peut... En tout cas, le message qu'on a du gouvernement: Une réponse claire, c'est 3 % plus 1. Ça fait que c'est un message qu'on trouve assez bizarre. Et je pense qu'à ce moment-là on se doit de se poser des questions sur l'objectif démocratique du gouvernement. L'autonomie des municipalités est menacée. La volonté des gens n'est pas écoutée.

M. le Président, je me sers de cet exemple-là du Mont-Tremblant pour en revenir à mon comté. Le comté de Shefford est un comté où, dans le seul mois de novembre, on aura eu trois référendums. On consulte les gens pour des fusions. J'ai une municipalité dans mon comté, qui s'appelle le canton de Shefford. Probablement que vous avez vu les revues de presse. Le diable est aux vaches, là-dedans, parce que, tout simplement à cause du message que le gouvernement a envoyé dans l'affaire sur le Mont-Tremblant, les gens se demandent, les maires se demandent, les conseillers municipaux se demandent si ça vaut la peine de faire un référendum et est-ce qu'on va écouter tout simplement la volonté de la population.

Et, M. le Président, je peux vous résumer un peu ce qu'on vit présentement dans les comtés. Et je vais citer le directeur de l'information du journal La Voix de l'Est puis je pense que ça va vous donner une bonne idée de l'esprit qui règne présentement, du moins dans la presse locale. Je vous cite un article du 19 novembre 1999, par Denis Poissant, qui est intitulé Pitié Mme Harel! Je vous en lis un bout: «La ministre Harel a mis son poing sur la table à Mont-Tremblant. Il y aura fusion, même si 96 % des citoyens concernés s'y opposent. En agissant ainsi, elle trace l'esquisse d'une politique claire, nette et sans ambiguïté sur les fusions, une politique qu'on devrait retrouver dans son fameux livre blanc qui sortira sous peu et – écoutez bien ça, M. le Président – une politique qui dit: Faites tous les référendums que vous voulez, faites un festival de référendums, un carnaval, tiens, mais c'est le gouvernement qui tranche. Point à la ligne.»

Donc, M. le Président, on a vécu deux référendums, à date, ce mois-ci, dans mon comté, et, en fin de compte, c'est l'attitude qui régnait partout. Les maires y sont allés de toutes sortes de déclarations, s'inquiétant de l'attitude du gouvernement et de la décision qui sera prise à la suite d'un référendum sur une question claire. Parce que les questions étaient claires.

Donc, pour bien vous imager l'effet du projet de loi n° 81 sur les trois référendums dans le comté de Shefford, le journaliste continuait ainsi: «Oui, maintenant, c'est clair, Québec pourrait forcer une fusion entre Shefford, Waterloo et Warden – trois municipalités de mon comté. Au moins, les 15 017 électeurs de la partie ouest de Shefford, ce dimanche – en parlant de dimanche dernier, qui allaient au bureau de scrutin – auront l'esprit moins brumeux quand viendra le temps d'inscrire leur oui ou leur non sur leur bulletin référendaire.» En voulant tout simplement dire, M. le Président, que ces gens-là sont influencés dans leur vote parce que, pour le reste, il pourrait y avoir des fusions forcées. Ça fait qu'eux autres, au moins, ils auraient peut-être le choix de décider.

(11 h 30)

Même, M. le Président, lors de la campagne, plusieurs maires ont fait allusion à l'affaire du Mont-Tremblant. Le maire de Granby, Michel Duchesneau, lui, a fait circuler un vidéo dans la partie qui était à annexer, la partie où le référendum de dimanche dernier était pour décider de l'avenir d'une partie de notre territoire, et il a aussi fait allusion à Mont-Tremblant. Le maire Forand, le maire du canton de Shefford, a été inquiété tout le long de la campagne, disant qu'en fin de compte le référendum était peut-être inutile, puisque le gouvernement était pour décider de toute façon. Le maire de Waterloo, M. Masse, s'est exprimé dans le même sens à plusieurs reprises. Donc, le projet de loi concernant le Mont-Tremblant, le projet de loi n° 81, crée une anarchie dans l'administration municipale, du moins chez les gens qui pensent à se fusionner.

M. le Président, les maires de chez nous, les élus municipaux se sont sentis trahis, jouent un rôle très ingrat. On se souviendra, puis il n'y a pas si longtemps, ici, que ces gens-là, sous prétexte de saine administration publique, on leur a pelleté un tas de choses. Les coûts pour la police. On prend, par exemple, encore, une municipalité de ma région: 1 200 personnes, 100 km de chemins, on leur a pelleté 43 000 $, ce qui est énorme pour une petite municipalité. Ils m'ont dit: Ne vous en faites pas, on vous revaudra ça. Ils ont moins d'argent pour les routes. Encore, on leur a refilé, une troisième fois, une facture de 375 000 000 $, à des gens qui n'ont plus les moyens de payer. On remonte les taxes, on va remonter les taxes scolaires. On refile les comptes à ces gens-là, mais on n'a aucun respect pour le travail qu'ils font, on n'a aucun respect pour les décisions qu'ils prennent, et là maintenant on n'a aucun respect pour la décision qui a été prise à une énorme majorité: 96 % de la population de Mont-Tremblant. Dans ce cadre-là, je pense qu'on négocie ou on impose à des gens quelque chose qui est vraiment inacceptable.

Et là on n'est pas les seuls. J'ai cité tantôt les deux députés de ma région, le député de Saint-Jean, le député d'Iberville, mais je peux vous citer aussi des gens plus connus. Par exemple, Jacques Parizeau, qui disait, le 3 mai 1997: Il y a toujours eu des appétits, dans les administrations gouvernementales, pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Donc, M. le Président, on a la preuve flagrante ici qu'on le fait pour des questions pratiques pour le gouvernement, peut-être aussi pour une compagnie multinationale, mais peut-être pas pour les gens. C'est la question qu'il faut se poser, puis l'ancien premier ministre du Québec, lui, entérine la même idée: Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400 – donc, une question pratique pour le gouvernement et non pas pour les citoyens. Il est inutile de chercher à les justifier – les fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen. Ils prennent ça pour du cash, mais de toute façon la réalité est tout autre.

Donc, M. le Président, malheureusement je dois assister à une autre réunion dans quelques minutes, mais j'aimerais quand même conclure en citant quelques passages d'une lettre que tous les députés de l'Assemblée nationale ont reçue hier du maire de Lac-Tremblant-Nord. Le maire de Lac-Tremblant-Nord fait un dernier appel à tous les députés de l'Assemblée nationale. On en a reçu de ce côté-ci de la Chambre, j'imagine que tous les députés ministériels ont reçu la même lettre.

Donc, j'aimerais prêter ma voix au maire de Lac-Tremblant-Nord, qui dit – je vais seulement vous citer quelques passages: «Après maintes tentatives demeurées vaines pour sensibiliser la ministre à notre vision et à nos appréhensions, nous exhortons les élus de l'Assemblée nationale à prendre le temps nécessaire – à prendre le temps nécessaire – et à reporter l'étude du projet de loi n° 81. Nous croyons impérieux d'analyser toutes les conséquences qui pourraient découler d'une fusion forcée, réalisée à la hâte et appuyée par si peu de consultations dans le milieu.» Bien, il y en a eu une, mais elle ne faisait pas leur affaire, M. le Président.

Il continue: «Les questions de développement touristique et économique du territoire, croyez-le, se situent aux antipodes de nos priorités. Est-il encore possible, dans une société dite libre et démocratique, de faire un choix de vie qui ne corresponde pas à la norme et d'être respecté dans ce choix?» M. le Président, le grand message que le maire de Lac-Tremblant nous envoie: qu'il n'y a aucun respect du gouvernement ni dans les choix des élus, ni dans les choix des maires, ni dans les choix de la population.

Je vais continuer: «Malgré les explications et le point de vue fournis par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, Mme Louise Harel, encore aucun aspect soulevé n'a su justifier de façon satisfaisante, voire sensée, l'intégration de notre municipalité à ce projet de fusion. L'objectif d'une refonte des structures municipales est sans doute louable, mais se soumettre à sa volonté correspondrait à remettre à des tiers les clés de notre municipalité.» Et il continue: «L'harmonie manifeste que nous entretenons avec nos voisines tient à cette autonomie. Nous avons toutes les raisons de croire qu'une fusion forcée avec des municipalités dont les aspirations sont à l'opposé – à l'opposé, M. le Président – des nôtres ne peut qu'entraîner conflits et irritants de part et d'autre.»

Donc, M. le Président, le député de Richmond tantôt nous rappelait la saga de la fusion de Baie-Comeau et Hauterive. On se retrouve encore avec une fusion forcée qui va encore créer des irritants et d'autres conflits entre des maires, entre la population.

Je continue, M. le Président: «Par ailleurs, les citoyens de Lac-Tremblant-Nord se sont prononcés par voie de référendum le 5 septembre dernier à 96,5 % en faveur du maintien de leur autonomie. Nous demandons aux élus de l'Assemblée nationale de respecter la volonté des citoyens de Lac-Tremblant-Nord, si peu nombreux soient-ils. Et, si la voie de démocratie n'est pas assez forte alors que nous prions de faire simplement appel au bon jugement, il faut respecter le droit à la différence...» M. le Président, ce gouvernement a beaucoup de difficulté à respecter le droit à la différence; on l'a vu dans d'autres dossiers sur d'autres sujets et on le voit aussi dans les questions de fusions de municipalités. Donc, il continue: «...et empêcher que notre joyau soit fondu à des intérêts qui lui feraient perdre toute sa valeur. Pour toutes ces raisons, l'étude du projet de loi n° 81 doit être reportée. Combien de temps pourrons-nous vivre en paix avant qu'un projet de développement immobilier ou de construction de route vienne cicatriser notre havre de paix?» Ces gens-là ont fait un choix. On leur dit qu'ils ont fait un mauvais choix; on ne leur en propose pas un autre, on leur en ordonne un autre.

Donc, je continue: «Combien de jours de sursis aurons-nous avant qu'un nouveau règlement matraque soit mis en vigueur cette fois par le conseil de ville regroupé? Nous avons la ferme conviction que Lac-Tremblant-Nord est un territoire visé par un futur développement récréotouristique. Si ce n'est pas le cas, pourquoi alors s'obstiner à vouloir inclure notre municipalité dans un regroupement où personne n'y trouve son intérêt, dans un débat qui ne nous concerne pas? Chose certaine, si de telles ambitions voyaient le jour, nous ne ferions pas le poids au conseil de ville regroupé pour défendre notre point de vue.»

Donc, M. le Président, ce qu'on fait, on prend des municipalités qui n'ont pas les mêmes intérêts et pas les mêmes structures, pas la même capacité de développement – on n'est pas là pour les mêmes raisons – et on en fait une municipalité où des gens auront des intérêts différents. Donc on va entretenir des conflits dans cette nouvelle municipalité là. «Cette loi viendrait créer un précédent et ouvrirait la porte à d'autres regroupements forcés contraires à la volonté populaire et aux discours tenus par bon nombre de représentants élus à l'Assemblée nationale.»

Donc, M. le Président, je vous ai lu des discours tantôt. On a un gros problème avec ce gouvernement-là. Puis ce n'est pas la première fois qu'on vit ça, que, lorsqu'on lit les discours, c'est bien beau les discours, mais on regarde dans les faits, puis ils font exactement le contraire.

Donc, M. le Président, je pense que c'est inacceptable de penser seulement à déposer ce genre de projet de loi là, surtout après tous les beaux discours qu'on a entendus au printemps dernier, principalement dans l'affaire du regroupement des municipalités près de Saint-Jean et d'Iberville. J'ai assisté à la commission parlementaire accompagné du député de Saint-Jean, avec le député d'Iberville, et, M. le Président, on se serait cru dans une Législature, si on repart avec la discussion qu'on a aujourd'hui, d'il y a 25 ans, parce qu'on dirait qu'il y a un monde qui est passé entre le mois de juin et le mois de novembre. Et c'est pourquoi, M. le Président, on se doit de s'insurger contre ce genre de façon de faire du gouvernement.

Même ce matin, M. le Président, je ne sais pas si vous avez pris connaissance d'un article de La Presse , de Mme Salvail, qui est maire de Sainte-Anne-de-Sorel – un article très intéressant – qui se plaint justement du gouvernement du Québec et de sa façon de faire par rapport aux municipalités. Je vais vous lire juste un passage qu'on peut assimiler facilement à la façon de faire qu'a le gouvernement et principalement dans le projet de loi n° 81, et je la cite, Mme Réjeanne Salvail, qui est maire de Sainte-Anne-de-Sorel: «Pourquoi omettez-vous de dire que les lois gouvernementales limitent la marge de manoeuvre des municipalités? Vous prônez les fusions municipales, mais vous savez bien que les municipalités, même fusionnées, sont tenues par la loi de conserver les employés à leur service.»

(11 h 40)

Tout ça pour vous dire, M. le Président, qu'on émet toutes sortes de lois sans penser vraiment que ce sont ces gens-là qui sont près du peuple, les maires, les conseillers municipaux qui gèrent, qui sont près de la population, qui sont conscients des volontés de la population, qui sont conscients des besoins des gens en région. Et retenez ces mots-là, «en région», parce que je pense que ce gouvernement-là a très peu de considération pour les gens en région. Je vois le ministre des Régions, justement, en avant de moi. Peut-être que, lui, il pourrait se lever pour intervenir dans ce dossier-là puis faire en sorte que son gouvernement prenne conscience que, lorsqu'il s'agit aussi de municipalités en région, ces gens-là ont des droits.

Donc, M. le Président, je vois que mon temps s'écoule. Tout simplement pour vous dire que nous allons voter contre le projet de loi. C'est tout à fait évident. Et je demande au gouvernement d'être prudent, parce que j'ai pu prendre conscience de l'effet, je dirais, de panique qu'a déclenché ce projet de loi là dans mon propre comté. Il y avait plusieurs projets de fusion de municipalités. Même, on sentait, avant le dépôt du projet de loi, qu'on aurait pu en arriver à une entente de fusion de certaines municipalités, sauf que les maires, les conseillers municipaux, la population, suite au dépôt de ce projet de loi là, sont tombés dans l'inquiétude du fait que leur volonté, peut-être, ne serait pas respectée et que, peu importe ce qu'ils auraient pu décider, le gouvernement aurait pu en décider tout autrement.

Donc, de ce côté-ci, M. le Président – on l'a répété à plusieurs reprises – on est contre les fusions forcées, tout simplement parce qu'on a le respect de la volonté populaire. Et je vois le député de Labelle, là, qui m'écoute attentivement. Je suis convaincu que, s'il avait à refaire un discours aujourd'hui par rapport à celui qu'il a fait hier, peut-être le referait-il différemment.

Donc, M. le Président, on se doit d'évaluer les impacts d'une telle décision, du dépôt d'un tel projet de loi. Il faut se demander quel genre de message nous envoyons à la population, quel genre de message on envoie avec un projet de loi tel que le projet de loi n° 81, un projet de loi qui est contraire à la démocratie, un message qui est inquiétant pour les élus municipaux.

Donc, M. le Président, je ne dis pas qu'on ne doit pas faire des mesures incitatives à la fusion, mais ne jamais, jamais forcer les gens contre leur volonté. C'est contraire à la démocratie. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Shefford. Une question en vertu de l'article 213. M. le député de Shefford, permettez-vous au président du Conseil du trésor de vous poser une brève question en vertu de l'article 213? Est-ce que vous lui permettez? Oui ou non? Non, il n'y a pas de consentement.

Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Et je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Alors, je cède la parole à mon collègue, M. le député de... Pontiac – des blancs de mémoire ce matin.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci beaucoup, M. le Président. Comme l'indiquait tantôt mon collègue de Richmond, et je suis convaincu que vous-même, M. le Président, vous vous en souvenez, pas longtemps après l'élection, en 1981, ce même gouvernement du Parti québécois nous présentait un projet de loi sur la fusion Baie-Comeau–Haute-Rive. Vous vous en souvenez certainement, M. le Président.

Regardez, 17 ans plus tard, encore un regroupement forcé, mais malheureusement pour la population de Mont-Tremblant et la municipalité du Lac-Tremblant, ces gens-là qui ont exprimé démocratiquement, à une question claire, qu'ils ne voulaient pas se fusionner. De plus, les municipalités ont indiqué: Regardez, si c'est réellement un problème de sous, de richesse foncière, nous sommes prêtes à partager cette richesse foncière avec les autres municipalités. Donc, M. le Président, c'est quoi, la vraie raison, pourquoi on va réellement, là, bafouer les droits de ces gens-là, ces gens-là qui se sont exprimés? C'est eux-mêmes, M. le Président, qui ont voulu demander à leur population.

Vous le savez, vous, M. le Président, vous avez été un maire d'une municipalité. Et, moi aussi, j'ai eu le privilège d'être un conseiller municipal. Peut-être que, s'il y en avait plus qui étaient ici, à l'Assemblée nationale, surtout du côté du Parti québécois... Parce qu'il semblerait que ce sont ces gens-là qui oublient que les élus municipaux, eux aussi, ont la confiance des gens au niveau local. Et, s'il y a un gouvernement qui est le plus proche de la population, c'est certainement les gens au municipal. Moi, dans mon expérience de neuf ans comme conseiller municipal à Aylmer, j'allais faire mes courses, je rencontrais des gens. Là, on me disait: Ah, regardez, la lumière au coin de cette rue-là ne fonctionne pas. La route est cahoteuse. Pour ces gens-là, on est plus accessible au niveau municipal que nous le sommes ici. Comme député, oui, d'accord, comme député aussi, j'ai l'occasion de rencontrer des gens, mais les dossiers que nous traitons au niveau provincial, ce n'est pas des dossiers qui les touchent autant que les dossiers des municipalités.

Donc, pourquoi ce gouvernement, qui prêche toujours la démocratie, les grands démocrates, pourquoi, lorsque ça ne fait pas son affaire... C'est-u ça? Crois ou meurs! Si tu crois, oui; mais si tu ne crois pas, non, on te tasse.

Toutefois, M. le Président, si on regarde le projet de loi, si on lit les notes explicatives, ça a l'air de quelque chose qui... Il n'y a rien là. On commence avec le premier paragraphe qui dit: «Ce projet de loi prévoit que le ministre des Affaires municipales et de la Métropole transmet à la Municipalité de Mont-Tremblant, à la Ville de Saint-Jovite, à la Municipalité du Lac-Tremblant-Nord et à la Paroisse de Saint-Jovite, une proposition de regroupement des territoires de ces municipalités. Il prévoit que ces municipalités doivent transmettre au ministre, dans le délai que ce dernier fixe, leur avis sur cette proposition.»

Ça a tout l'air tellement démocratique. Sauf, M. le Président, qu'on arrive au deuxième, puis ça dit: «Ce projet permet au gouvernement de décréter, aux conditions qu'il détermine, la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement de ces municipalités et rend applicables certaines dispositions de la Loi sur l'organisation territoriale municipale.» Vous voyez, dans un cas, on dit: Regardez, on vous fait une proposition. Et, si malheureusement vous ne l'acceptez pas, on se donne tous les pouvoirs nécessaires afin de vous forcer à le faire.

M. le Président, il manque un peu de cohésion dans ce gouvernement. Et, comme le soulignait le porte-parole de l'opposition, lorsque le député de Rouyn-Noranda– Témiscamingue était le ministre des Affaires municipales, il y avait le volet 1 de regroupements volontaires. Il y avait à peu près 400 municipalités, on avait indiqué qu'on voulait que ces municipalités se regroupent. Je crois qu'il y en a une centaine qui ont procédé avec les incitatifs qu'on leur avait donnés et de façon volontaire. Elles ont procédé à se regrouper.

Pourtant, M. le Président, ces quatre municipalités-là ne faisaient pas partie des 400. Au contraire. Il y avait la ville de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite. Dans ce cas-là, une des municipalités était d'accord, l'autre ne l'était pas. Deux poids, deux mesures? Pourquoi? Pourquoi dans ce contexte-là? Pourquoi, si c'était tellement important pour la collectivité, pour les individus, pour les payeurs de taxes, pourquoi si c'est tellement important aujourd'hui, pourquoi ça ne l'était pas au moment où on avait décidé du volet 1? On aurait pu, à ce moment-là, puis on se serait donné peut-être le temps d'asseoir ensemble ces gens-là et discuter, et ces gens-là auraient pu faire des propositions entre eux et aussi au gouvernement en place. Et peut-être qu'aujourd'hui, au lieu d'avoir une situation qui est réellement chaotique, que les gens ne veulent pas... Tu sais, c'est un peu comme un mariage forcé. On dit souvent ça: Les mariages forcés, ce n'est pas tellement fort. Donc, c'est ça qu'on fait, M. le Président. On est en train de faire exactement ce qu'on prêche qui ne devrait pas se faire.

(11 h 50)

M. le Président, pour vous montrer la différence entre le gouvernement du Parti québécois, qui se dit social-démocrate, et le Parti libéral du Québec, j'ai vécu, moi, comme conseiller municipal dans la ville d'Aylmer, un regroupement, un regroupement qui a fait l'affaire. Sauf que le gouvernement, en premier lieu, avait suggéré un regroupement de la ville d'Aylmer, de la municipalité de Lucerne et de la municipalité de Deschênes avec la ville de Hull. C'était le député de Hull du temps, M. Oswald Parent, qui voulait réellement faire un regroupement, une seule municipalité. Toutefois, M. le Président, les citoyens de la ville d'Aylmer, les citoyens de Lucerne et les citoyens de Deschênes ne voyaient pas ça d'un bon oeil.

Déjà, ces trois municipalités-là partageaient un service de police, partageaient un service d'incendie, avaient aussi un directeur de loisirs en commun. Donc, il y avait déjà entre ces trois municipalités-là un partage de services, et les gens travaillaient ensemble. Donc, une fois qu'on nous a suggéré ce regroupement, vous vous imaginez que la population a dit: Non, on n'en veut pas de regroupement de cette nature, toutefois, on vous suggérerait de regrouper ensemble Aylmer, Lucerne et Deschênes, parce que déjà on a commencé à partager nos services, déjà on est prêts, on fait des choses en commun et maintenant on pourrait peut-être procéder à en faire plus.

Bien, la grande démocratie du Parti libéral du Québec et le ministre du temps, qui était Victor Goldbloom, ont procédé, ont changé... Ils ont dit: Regardez, devant une réaction comme ça, devant la volonté du peuple, de la population, nous sommes d'accord. Et aujourd'hui la ville d'Aylmer, c'est le regroupement de l'ancienne municipalité de Lucerne, de l'ancienne municipalité de Deschênes et de l'ancienne municipalité d'Aylmer. Et je dois vous dire que ça nous a permis, parce que déjà on partageait des services, de devenir une ville aujourd'hui d'une quarantaine de mille de population qui est bien structurée. Et c'est certain que, les anciens secteurs, il y a encore des gens qui s'identifient encore un peu plus à la municipalité de Deschênes, comme d'autres s'identifient plus à l'ancienne municipalité de Lucerne, et ceux qui disent: O.K., nous autres, on est des anciens d'Aylmer. Sauf que, M. le Président, ça a fait, pas un mariage forcé, c'était un mariage... on pourrait quasiment dire, M. le Président, un mariage d'amour et qui fonctionne bien aujourd'hui.

Donc, M. le Président, c'est pour vous montrer la différence. On n'est pas considérés, le Parti libéral du Québec, comme étant des grands démocrates qui respectent ces choses-là. Mais vous voyez que, peut-être dans nos discours mais dans nos actions, contrairement à ce gouvernement et surtout leur chef, le premier ministre du Québec... Le premier ministre du Québec, et ça, je ne peux pas m'empêcher de le dire, je me souviendrai toujours de ses grands discours à l'emporte-pièce durant le référendum de 1995, lorsqu'il disait aux Québécois: Ne vous inquiétez pas, il n'y a jamais un vent de droite qui va venir au Québec enlever les acquis sociaux dans le domaine social et le domaine de la santé comme fait le premier ministre Harris en Ontario. M. le Président, il a dit ça, il l'a répété, pourquoi? Pour tenter de convaincre les Québécois de voter oui au référendum de 1995.

Mais, aujourd'hui, M. le Président, est-ce qu'on aurait dû le croire? Est-ce que les gens qui ont voté oui parce que le premier ministre du Québec d'aujourd'hui, qui était le chef de l'opposition au gouvernement fédéral... Est-ce qu'on aurait dû le croire? Et c'est pour ça qu'on se pose la question: Quand, quand peut-on croire ce que nous dit ce gouvernement, que ce soit par l'entremise de son premier ministre ou d'un de ses ministres?

Et c'est ça qui survient maintenant. Les municipalités, on est tous d'accord, c'est des créations du gouvernement provincial. Mais il me semble que ce n'est pas des rues à sens unique, là. Elles sont des créations. Lorsqu'on a besoin des municipalités pour nous aider à atteindre le déficit zéro, ah! c'est bien, c'est bien, on va leur faire signer un pacte. On fait signer un pacte puis, au bout d'une période de temps, on atteint le déficit zéro, sauf que la signature... Le but du 350 000 000 $, c'était pour permettre au gouvernement d'atteindre le déficit zéro. Il atteint le déficit zéro, mais les municipalités sont encore prises à payer pour une autre année. Elles ont payé une autre année, M. le Président.

Et là, aujourd'hui encore, les municipalités ne savent pas sur quel pied danser. Elles doivent préparer leur budget pour le mois de décembre, puis encore on négocie. Qu'est-ce qu'on fait? Regardez, on dit: Là, le transport scolaire va demeurer une responsabilité des commissions scolaires. Et je suis totalement d'accord parce que je pense qu'au point de vue de la gestion, elles s'y connaissent mieux. Si elles veulent, les commissions scolaires ou les fédérations des commissions scolaires, élargir le transport pour que ça devienne un transport en commun pour certaines régions, bien oui, puis elles l'ont dit en commission parlementaire, qu'elles étaient prêtes à le faire.

M. le Président, les commissions scolaires devront payer la facture. Là on dit: C'est quelque 400 000 000 $. Quelque 400 000 000 $ et on dit: Mais vous allez être capable d'augmenter de 0,15 $ la taxe, votre taux de taxation. Laissez-moi vous dire que, moi, je sais que dans mon comté j'ai une commission scolaire pour qui, à 0,15 $, c'est impossible, impossible d'aller chercher les sommes nécessaires. Pourquoi? Parce que c'est dans la MRC de Pontiac où il y a des immenses distances entre les écoles et les élèves. Et ça va dépasser... Déjà, cette commission scolaire là a des problèmes, elle a des problèmes à être capable de payer pour donner une qualité d'éducation à ces gens-là comme la qualité d'éducation dans le restant du Québec. Donc, qu'est-ce qu'on va faire, là? J'espère que, si ça procède de cette façon-là, que le principe que tous les Québécois, qu'ils soient n'importe où au Québec, ont le droit à une qualité d'éducation équivalente, j'espère que ce principe-là va continuer.

Donc, M. le Président, comment les élus municipaux peuvent-ils avoir confiance dans ce gouvernement? Et c'est de créer un précédent qui est extrêmement dangereux. Lorsqu'une population s'exprime... Et 96 %, je pense qu'il n'y a aucun doute pour des gens qui sont prêts à briser un pays avec 50 % plus un, il me semble que 96 %, il y a une marge, une marge de sécurité. Et en plus la question est très claire. C'est quoi, la question qu'on a posée? Une question claire: Êtes-vous favorable à la fusion de la municipalité de Mont-Tremblant avec la ville de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite? C'est clair. Et 96 % des voteurs ont dit non à la fusion. Ils ont dit non.

(12 heures)

Mais, dans sa sagesse, le gouvernement du Parti québécois, ces grands démocrates qui disent qu'ils sont de bons gestionnaires, ils ont crié pendant nombre d'années pour rapatrier l'emploi, la formation de la main-d'oeuvre et l'emploi. Aujourd'hui, ils l'ont. Puis qu'est-ce qu'on a fait avec? Qu'est-ce qu'ils ont réussi à faire sinon d'en faire un fiasco, de créer des attentes à des gens qui sont les plus démunis dans notre société, des gens qui n'avaient peut-être pas eu l'occasion lorsqu'ils étaient jeunes de parfaire leur formation scolaire? Et là, voici, on leur donne un autre... Avant l'élection, on a dit: Regardez, on a des sous; vous pouvez prendre les cours que vous voulez. Un an après, on s'aperçoit qu'il nous manque 80 000 000 $ et on dit à ces gens-là qui s'étaient faits des nouveaux plans de carrière, hein, avec leur famille, on leur dit: C'est bien de valeur, après cette année, ça ne marche plus, on ne respecte plus notre entente, notre signature. Ce n'est pas la première fois, M. le Président. C'est ça que les gens disent. Les gens des municipalités, ils disent: Le gouvernement ne respecte pas sa signature. Il a signé un pacte pour atteindre le déficit zéro; il l'atteint, mais ça continue.

Une autre chose, M. le Président, que j'aimerais mentionner, c'est qu'on disait que le gouvernement précédent, le gouvernement libéral, avait pelleté énormément de dépenses aux municipalités. Je crois, ce qu'on appelait la «réforme Ryan», qu'il y avait une justification de vouloir transmettre à des municipalités rurales une partie de la facture de la Sûreté du Québec. Oui, parce que, pour des gens qui demeurent dans une municipalité qui a sa propre force policière, ces gens-là paient des impôts fonciers pour la police et, en plus, dans leur impôt personnel, ils payaient pour la SQ. Donc, on a dit: Regardez, il y a une portion de ça que les municipalités devraient payer, et ça a été fait. Peut-être la partie de la réforme Ryan qui a été la meilleure pour les municipalités, c'était le transfert du réseau routier, qui a été négocié avec les municipalités et dont les municipalités ont reçu 151 000 000 $ pour s'occuper du réseau secondaire, 33 000 km. Et ça, c'est que ça a été négocié, et les gens étaient heureux.

Mais qu'est-ce que ce gouvernement a fait en arrivant, pas longtemps après qu'une entente de trois ans venait à échéance? On a dit: Fini. On a coupé 25 000 000 $ dans des municipalités qui avaient besoin de ça pour améliorer leur réseau routier. Elles l'avaient fait pendant quatre ans et avaient réussi à améliorer leur réseau routier, et maintenant, aujourd'hui, la partie de l'amélioration, on l'a réduite de 25 000 000 $, ce qui veut dire 50 % de moins que les municipalités ont pour améliorer le réseau routier.

Donc, M. le Président, c'est certain que nous ne voterons pas pour un projet de loi qui ne reconnaît pas la validité de l'expression d'une municipalité, d'individus dans une municipalité qui ont dit non, mais dont la municipalité a indiqué clairement qu'elle était prête à négocier des choses, que, si c'est réellement de vouloir partager la richesse foncière, elle serait prête à le faire. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Pontiac. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, M. le porte-parole officiel de l'opposition en matière de famille et d'enfance et député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Comme vous l'avez mentionné, nous sommes à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Bill 81, An Act respecting the amalgamation of Municipalité de Mont-Tremblant, Ville de Saint-Jovite, Municipalité de Lac-Tremblant-Nord and Paroisse de Saint-Jovite.

M. le Président, pourquoi est-ce que le gouvernement veut fusionner quatre différentes entités municipales? Toutes les explications données par la ministre des Affaires municipales, le président du Conseil du trésor et le ministre responsable de la région des Laurentides se situent autour de la nécessité de partager la richesse foncière qui est occasionnée par le développement Intrawest, pour chercher une meilleur équité.

M. le Président, personne ne conteste que l'Assemblée nationale ait les pouvoirs législatifs de forcer des fusions. Il s'agit, dans ce cas-ci, de voir, et dans d'autres cas évidemment, si l'exercice de ce pouvoir est légitime. C'est clair que c'est légal. Il n'y a personne qui conteste que l'Assemblée nationale a le pouvoir de le faire, mais est-ce que l'exercice de ce pouvoir est légitime? C'est ça, la question, M. le Président.

Alors, comme j'ai dit, la seule et unique justification à date, c'est qu'il faut partager la richesse. Même Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole a dit que les gens qui s'opposent à cette fusion – parce qu'il y en a beaucoup, M. le Président, on va examiner leur point de vue tantôt – sont des égoïstes sociaux, des égoïstes sociaux. Ça, c'est la phrase que la ministre, dans un souci de respect pour la population qui s'oppose à elle, elle lance cette phrase à eux: Vous êtes des égoïstes sociaux. C'est beau, ça, M. le Président, n'est-ce pas, comme comportement pour un ministre du gouvernement du Québec! C'est très digne, ça, hein! Les gens qui ne sont pas d'accord avec nous, vous êtes des égoïstes sociaux. Très digne, M. le Président. Vous avez remarqué le sarcasme dans ma voix.

M. le Président, Intrawest, le développement qui a provoqué toute cette question, un développement important qui pourrait atteindre jusqu'à plusieurs milliards de dollars dans la municipalité de Mont-Tremblant. C'est un développement très impressionnant, M. le Président, un projet très impressionnant, un projet important pour le développement régional. Personne ne le nie. Ça a des retombées touristiques très importantes.

D'ailleurs, hier, le ministre responsable de la région des Laurentides, le président du Conseil du trésor, a parlé longuement sur les retombées touristiques de ce projet. D'ailleurs, je vais le citer, M. le Président, je l'ai écouté attentivement, son discours. Le président du Conseil du trésor, député de Labelle et ministre responsable de la région des Laurentides, je l'ai écouté attentivement. Il a lâché une phrase à un moment donné, M. le Président, que j'ai trouvée absolument incroyable, qui m'a laissé incrédule, puis je pense que ça va laisser tous les députés en cette Chambre incrédules, même du côté du gouvernement. Il a dit ceci, le président du Conseil du trésor, quand il parlait des attraits touristiques de Mont-Tremblant, et je le cite au texte, M. le Président, leJournal des débats de l'Assemblée nationale, le jeudi 25 novembre, vers 21 h 30: «De la même façon, sa clientèle peut aussi être européenne – écoutez-moi bien, M. le Président – parce qu'il faut savoir que – ça, c'est bien – venir d'Angleterre, par exemple, et faire du ski à Mont-Tremblant, ça vous prend à peine plus de temps que d'aller dans les Alpes, à cause du décalage horaire.» Fin de la citation, M. le Président.

(12 h 10)

Je vois la ministre responsable des Relations internationales. Si elle s'occupait de son agenda en fonction d'un déplacement est-ouest en ne tenant pas compte du décalage horaire, elle serait à peu près cinq heures en retard dans ses réunions. M. le Président, c'est tellement incroyable, cette phrase venant du président du Conseil du trésor. C'est lui qui est responsable pour les dépenses du gouvernement, de 36 000 000 000 $, c'est lui qui contrôle les chiffres pour le gouvernement du Québec et il pense, si on se fie au texte, qu'on peut partir de Londres et arriver à Montréal en même temps qu'on peut partir de Londres et arriver à Chamonix, à cause du décalage horaire. M. le Président, il faut le faire, là. Là, ça veut dire qu'on part de Londres à midi dans la journée, vers Montréal. Le vol prend sept heures. Alors, on arrive à 19 heures, temps de Londres, évidemment. Le temps passe pareil, M. le Président, je vous le fais remarquer. Vous, vous connaissez les voyages, vous vous déplacé à travers le monde, je vous fais simplement remarquer que, quand on prend un avion, le temps passe pareil, même s'il y a un décalage horaire. On peut bien arriver au même moment, temps local, mais on ne peut pas arriver au même moment, en temps réel, de se déplacer de Londres à Montréal que de Londres à Chamonix. C'est impossible, M. le Président. C'est très inquiétant pour le président du Conseil du trésor, s'il pense comme ça. Moi, j'aurais tendance, si ça fait son affaire, à le mettre sur un avion en direction ouest. Il peut cercler le globe, il va revenir à Montréal plus jeune qu'il était avant de commencer! Parce qu'il aurait rajeuni, s'il pense comme ça. Ça fait que c'est excessivement inquiétant comme logique, je dois l'avouer, et je pense que tout le monde ici, en cette Chambre, va l'avouer.

M. le Président, le développement d'Intrawest contribue pour 38 % du budget de la municipalité de Mont-Tremblant. On parle d'une contribution d'à peu près 2 000 000 $ par année. Mais, évidemment, cette municipalité doit fournir des services aussi. Alors, oui, il y a des recettes importantes, mais il y a également une obligation pour la municipalité de fournir des services. Alors, l'apport d'Intrawest, oui, ça existe, oui, ça touche la municipalité de Mont-Tremblant. Il est moins important, on pourrait dire, d'une certaine façon, qu'on laisse entendre, avec des développements de plusieurs milliards de dollars, quand on parle de 2 000 000 $ par année d'effets au bénéfice du Mont-Tremblant, qui, lui, doit également donner des services. Alors, le pourquoi, c'est parce qu'on veut partager la richesse, qui se situe autour de 2 000 000 $. Il faut être honnête, M. le Président.

Quelle est la réaction du milieu? Bien, là, encore une fois, une réaction, dans plusieurs cas, excessivement négative. Les municipalités de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord ont tenu un référendum pour consulter leur population. Et là, encore une fois, l'utilisation de ce référendum a été décrite par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Quand le député de Hull a parlé de ces deux référendums, elle a dit: Il ne faut pas faire de la démagogie avec la démocratie. Ça, c'est bon aussi, M. le Président. Selon la ministre des Affaires municipales, quand on fait des référendums au sujet municipal – puis, nous, on en parle, de ça – c'est faire de la démagogie avec la démocratie. Il faut le faire, M. le Président! Ça m'épate.

And even there, Mr. Speaker, you know, those referendums were held under the same rules as other referendums that have been held in Québec. The question was very clear. I know that interests all sorts of people in Québec. And let's look at the results. The results were very clear. Now, we're having this interesting discussion in our province this week about the results of referenda: What constitutes a clear result? I don't really want to get into numbers; all sorts of people are commenting on that. But I'll just give you the results of the referenda that were held in Mont-Tremblant and Lac-Tremblant-Nord. They rejected a clear question: Do you want to amalgamate with la municipalité de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite, oui ou non? Puis le résultat a été: 96 % – I've slipped into the official language, Mr. Speaker – the result was 96 % against the amalgamation imposed by Québec. 96 %, Mr. Speaker! It seems to me that even the current Government would agree that 96 % as a result to a clear question is a clear result. It seems to me, Mr. Speaker.

Now, le projet de partage de la richesse. And, by the way, Mr. Speaker, you know, when, in reaction to that, the members of the Parti québécois say: Well, the referendum was only consultative... It was only consultative! It's only a consultation! By the way, Mr. Speaker, when we have referenda on the future of Québec, the political and constitutional future in Québec, those referenda are what? Are they binding? No, Mr. Speaker, they're only consultative.

So it's, you know, a question of perhaps deux poids deux mesures, M. le Président. You know, there are some problem here. Consultative referenda for the future of Québec are good; consultative referenda on municipalities are bad. Well, Mr. Speaker, there's a certain hypocrisy there, I think, that you would admit.

Parlons du projet de partage de la richesse foncière, M. le Président, la justification majeure, presque seule et unique, pour vouloir procéder à la fusion forcée de ces quatre entités municipales. Bien, là, je suis désolé d'annoncer aux gens, députés ministériels, qu'il y a déjà un projet de partage de richesse sur la table, amené par qui? La ville de Mont-Tremblant.

La ville de Mont-Tremblant dit: Nous, oui, nous reconnaissons qu'il faut partager la richesse foncière due au développement d'Intrawest et nous sommes responsables dans le milieu municipal, nous sommes des élus et nous allons partager une valeur de 29 000 000 $ sur 10 ans. Puis, en plus, le projet de partage peut prendre trois différentes formes: Ça peut être partagé entre quatre municipalités, tel que prévu dans la fusion forcée, mais entre six ou entre huit. Les gens de Mont-Tremblant, dans leur projet de partage de richesse, vont plus loin que le projet de loi qui leur impose une fusion à quatre. Où est l'équité, M. le Président? La ministre parle de l'équité pour quatre entités municipales, les gens de Mont-Tremblant parlent de l'équité pour possiblement six ou huit entités municipales. C'est, je dirais, plus équitable, le projet de Mont-Tremblant, que la fusion forcée du gouvernement du Québec.

M. le Président, encore une fois, les fusions forcées, oui, l'Assemblée nationale a l'autorité, a la compétence pour le faire, mais est-ce que c'est légitime, ça? Ça, c'est la question. Et la question de légitimité repose en grande partie sur le respect de la population. On peut retourner voir un peu ce que certains ténors du Parti québécois ont dit au sujet des fusions forcées, certains de mes collègues y ont déjà fait référence. L'ex-premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, ex-collègue, ex-premier ministre du ministre actuel, le président du Conseil du trésor, la ministre des Affaires municipales, collègue. Je cite, le 3 mai 1997: «Il est inutile de chercher à les justifier – c'est-à-dire les fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.»

Le premier ministre actuel, député de Jonquière, le 14 novembre de cette année, cité dans Le Réveil de Jonquière: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner.» C'est-u assez clair, ça, M. le Président? «Vous savez – il continue – un mariage forcé n'est jamais bon.» Moi, j'accepte et respecte les paroles du premier ministre du Québec. Semble-t-il, la ministre des Affaires municipales ne le fait pas.

M. le Président, peut-être une autre citation assez brève. Le député de Joliette, ministre des Transports, vétéran du Parti québécois, ministre senior. Citation: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Le 7 novembre 1998. Alors, c'est exactement ça que ça a engendré dans les régions, des chicanes stériles. Je ne sais pas si c'est la haine, comme l'indique M. le ministre des Transports, mais c'est sûr que c'est des chicanes.

(12 h 20)

M. le Président, l'attitude du chef du parti Action démocratique du Québec m'intrigue beaucoup dans ce dossier-là, le député de Rivière-du-Loup. C'est très intrigant, son approche dans ce dossier-là, avec ses grands principes, n'est-ce pas? C'est un homme de principes. Il est en faveur du projet une île, une ville, à Montréal.

Je dois vous annoncer, M. le Président, qu'une île, une ville, à Montréal, moi, je suis pas mal certain, si ça veut se réaliser, que ça va prendre des fusions forcées. Parce que, sur les 29 municipalités sur l'île de Montréal présentement, il y a juste le maire d'une de ces municipalités qui en faveur de l'idée d'une île, une ville, c'est le maire de Montréal. Ses 28 autres collègues, maires des municipalités sur l'île de Montréal, se sont opposés à cette idée. Je suis pas mal convaincu – j'ai la municipalité de Montréal-Ouest dans mon comté – que les conseils municipaux s'opposent à cette fusion, une île, une ville. Alors, on a le député de Rivière-du-Loup qui dit: Oui, c'est une bonne idée, il faut le faire, c'est génial.

Mais, pour être constant dans sa pensée, M. le Président, si ça va être une bonne idée pour Montréal, il va falloir que le gouvernement impose cette fusion, ce que personne ne souhaite, sauf peut-être le maire de Montréal. Mais, dans le dossier qui nous occupe présentement, le projet de loi n° 81, la fusion des quatre municipalités, il est contre. Comme on dit en anglais: What's sauce for the goose is sauce for the gander.

Si le chef de l'ADQ est en faveur des fusions forcées sur l'île de Montréal, comment se fait-il qu'il s'oppose à des fusions forcées à Mont-Tremblant? Est-ce que c'est possible, M. le Président, est-ce que la raison pour tout cela, c'est possiblement le fait que Jean Allaire, le président fondateur de l'Action démocratique du Québec, est propriétaire d'un chalet dans une de ces quatre municipalités, et M. Allaire s'oppose à cette fusion? Il sait qu'est-ce que ça va donner, il s'y oppose. Est-ce que c'est peut-être pour ça que M. le chef du parti Action démocratique du Québec et député de Rivière-du-Loup s'oppose, avec ses grands principes? Quand c'est Jean Allaire qui s'y oppose, il est contre. Ah, c'est peut-être cheap, là... Si Mme la députée de Matapédia a quelque chose à dire, M. le Président, qu'elle se lève en Chambre. Qu'elle se lève en Chambre, on va...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, s'il vous plaît, M. le député, vous vous adressez à la présidence.

Une voix: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, continuez à vous adresser à la présidence. M. le député, s'il vous plaît. S'il vous plaît, M. le député, si vous voulez poursuivre, je vous écoute très attentivement.

M. Copeman: Merci, M. le Président. L'attitude de l'Action démocratique est très intrigante. L'attitude, même, d'Intrawest – dans les quelques secondes qu'il reste. Intrawest a dit ceci dans une lettre: «S'il est imposé, le projet de fusion de quatre municipalités pourrait créer beaucoup de turbulence et risque d'entraîner des déchirements sociaux et installer un climat hautement explosif. Une telle situation pourrait entraîner des délais importants au développement de Tremblant.» Ça, c'est Intrawest qui dit ça.

M. le Président, Intrawest a des réserves, la population locale s'y oppose, les arguments du gouvernement ne tiennent pas debout, pourquoi est-ce qu'on le fait? Il faut poser la question, et c'est nullement en respect au voeu de la population. C'est ça qui blesse le plus. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite, et je cède la parole maintenant à Mme la députée de Deux-Montagnes.


Mme Hélène Robert

Mme Robert: Merci, M. le Président. Bon, ce matin, face à cette loi, nous entendons parler beaucoup de démocratie, de volonté du peuple, et c'est justement pour ça que cette loi est présentée. C'est vrai que c'est une fusion obligée de quatre municipalités, mais cette fusion-là s'impose comme incontournable justement quand on considère l'intérêt premier de ces citoyennes et de ces citoyens. Et je parle ici des 7 000 quelques cents citoyens et citoyennes de ces territoires. Elle vise, dans une situation particulière, à bonifier leur gouvernement municipal. Elle donne le coup d'envoi de l'émergence d'une nouvelle synergie que bien d'autres municipalités ont pourtant découverte et dont elles ont déjà tiré parti, du reste.

Et c'est pour ça, M. le Président, que, cette loi, je la vois comme un geste rationnel, dicté par le sens des responsabilités, et j'ai bien dit «le sens des responsabilités». L'exercice de la démocratie commande surtout d'un gouvernement du Québec de prendre ses responsabilités. Et ce sens des responsabilités est la marque de notre gouvernement. Alors, ce geste rationnel, qui est dicté par le sens des responsabilités et aussi par l'intérêt collectif de leur population globale, cela constitue encore un geste d'avenir.

Bien sûr, des résistances se sont manifestées. Elles étaient valables et méritent d'être exposées. Je demeure toutefois convaincue, pour l'avoir vécu dans mon propre comté de Deux-Montagnes, ce sur quoi je reviendrai plus loin, que cette fusion et toutes les autres faites et à réaliser servent mieux l'intérêt collectif que la situation actuelle qui est celle d'un trop-plein de municipalités sur le territoire québécois. On est tous d'accord. La population nous le répète. Nous avons trop de municipalités sur le territoire québécois. Et pourtant, quand arrive le temps de regarder la nôtre avec les autres à côté, ce n'est jamais pour nous, c'est toujours pour les autres.

Alors, la fusion des quatre municipalités en question poursuit un certain nombre d'objectifs clairs et réalistes. Pour un, la justice et l'équité fiscale, celle-là même qui passe par un partage de la richesse foncière. Et un véritable partage de la richesse foncière au niveau des municipalités, ce n'est pas une taxe qu'une municipalité verse aux trois autres. Une assiette fiscale, ça se partage avec des mesures, des services qui sont aussi pris en commun.

Elle vise aussi à une plus grande efficacité. À ce chapitre, les preuves ne sont plus à faire que les nouvelles entités municipales tirent profit de la rationalisation que toute fusion commande. Il règne d'ailleurs actuellement dans la région qui nous intéresse une concurrence intermunicipale. J'entendais l'opposition parler d'intérêts différents, mais, dans le même sens, on peut parler de concurrence intermunicipale. La fusion projetée viendra mettre un frein aux espaces rivaux, condition stérile en termes d'épanouissement collectif, et ce sera au profit d'une mise en commun concrète des ressources de chaque partie.

(12 h 30)

Dans le cas précis qui nous occupe, M. le Président, la protection du patrimoine sera nettement accrue parce qu'elle s'accompagne d'une vision renouvelée des choses et d'une énergie commune autour des projets. Cette vision renouvelée et élargie est la cheville ouvrière de tout progrès pour une collectivité. Elle est nécessaire à tout développement que nous voulons harmonieux, ouvert sur les diverses facettes socioéconomiques d'une communauté.

Par cette mesure spéciale, nous visons un développement qui loge à une autre enseigne que celle de la seule spéculation foncière. Cette dernière, vous ne l'ignorez pas, M. le Président, fait fuir un vaste pan de la population, soit celui à revenus modestes. Si cette recherche avouée de prospérité cause des ravages à la qualité de vie recherchée par une large partie de la population, eh bien, il y a problème et nous devons le régler. Dans un territoire regroupé, on arbitrera plus facilement et plus rapidement les conflits portant sur les espaces voués au développement et ceux à protéger. En un mot, une municipalité plus structurée, comme celle que nous défendons ici, canalisera son développement et offrira de meilleurs services à sa population, et il faut voir là un formidable progrès.

On le sait, ce n'est pas d'hier que l'on parle et que l'on recourt à la formule du regroupement municipal au Québec. D'ailleurs, je nous trouve très lents sur ce sujet. Je pense que nous devrions accélérer cette marche vers une meilleure organisation parce que, de fait, il en est véritablement question depuis 1960. On se rappellera, on nous a beaucoup parlé d'une autre fusion ce matin, mais pourtant on ne nous a pas parlé de la création de ville de Laval. Y a-t-il quelqu'un aujourd'hui pour douter de la pertinence de ce regroupement? On a eu aussi, en 1969, la création de pas moins de trois instances municipales d'importance, soit la CUM, la CUQ et la CRO. Ce ne sont pas des municipalités mais ce sont des regroupements, des moyens qu'on s'est donnés. Et que dire aussi de négatif face à l'émergence, 11 ans plus tard, des fameuses MRC qui ont apporté aux grandes régions un renforcement politique local remarquable? Avec toutes ces preuves en main, je pense que nous sommes capables de faire un autre bon bout de chemin.

Dans Deux-Montagnes, une fusion remarquée a récemment permis la fusion d'Oka paroisse et d'Oka village. Elle a entraîné dans son sillage un regroupement positif des ressources et des services à la population, laquelle va gagner en poids socioéconomique et en qualité de vie générale. Elle répondait à des impératifs que partageaient les deux conseils municipaux. D'ailleurs, les deux maires se sont félicités du résultat heureux des démarches harmonieuses ayant mené à cette fusion. Ils ont d'ailleurs été reçus au salon rouge par la ministre des Affaires municipales, Mme Louise Harel. Et pourtant ces deux municipalités n'étaient pas visées par le volet I et elles se sont, dans le train des mesures, quand même prises en main et ont fait la démarche.

Bien sûr, la fusion obligée que nous défendons en cette Chambre, M. le Président, ne saurait constituer la norme. Il nous faut faire preuve de la plus grande souplesse et laisser les prochaines fusions s'opérer, autant que faire se peut – et j'insiste – dans les cadres propres aux réalités et aux personnalités municipales concernées. Effectivement, il n'y a pas de mur-à-mur, mais, globalement, il faut diminuer le nombre de nos municipalités, et, impérieusement, les communautés doivent rapidement, celles qui ne se sont pas mises à la tâche, s'y mettre.

Les fusions, M. le Président, si elles sont exigeantes sous certains rapports, apportent avec elles leur lot d'avantages marqués. Distinguons trois catégories rattachées au cas des municipalités qui retiennent ici notre attention. Au plan économique, tous les spécialistes et les études s'accordent sur les substantielles économies d'échelle que permet de réaliser cette fusion. Ajoutons qu'elle entraînera des retombées économiques significatives relevant d'une réelle synergie nouvelle d'acteurs économiques maintenant réunis. Des investissements nouveaux sont à prévoir, qui contribueront à la richesse collective de l'ensemble de la nouvelle entité. La fusion apporte le partage rationnel des coûts et des équipements et met fin aux dédoublements dans ce secteur par une efficacité accrue dans la gestion de la chose municipale.

Au plan administratif, M. le Président, la gestion de la nouvelle entité municipale sera rendue plus simple et, partant, plus efficace. Les services à la population y gagneront, eux aussi, en qualité, en efficacité et en accessibilité, avec pour résultat une redistribution collective véritablement équitable. La population apportera, elle aussi, sa propre synergie nouvelle. Elle développera un sentiment d'appartenance élargi et une solidarité municipale qui seront des atouts précieux. Un milieu municipal regroupé associera pleinement les citoyens aux orientations du développement de leur territoire.

M. le Président, si on regarde la fiche socioéconomique de la région, on s'aperçoit que l'hôpital est à Sainte-Agathe, les écoles, à Saint-Jovite, primaires et secondaires, le CLSC, à Saint-Jovite, les professionnels de la santé sont à Saint-Jovite, le centre d'accueil, à Saint-Jovite, les services bancaires, à Saint-Jovite. Il y a des épiceries dans les autres endroits, O.K., mais les autres commerces... Épiceries: Saint-Jovite; logements sociaux: Saint-Jovite. Je veux bien croire que, ces services, il y en a plusieurs qui sont subventionnés, mais ces services-là sont pris par une population qui habite dans toutes ces municipalités-là. Ces populations-là, quand elles vont à Saint-Jovite, utilisent les rues, utilisent les lumières des rues, utilisent l'eau, enfin utilisent les services de la ville. Alors, quand les services sont surtout localisés dans une municipalité et que les municipalités d'alentour s'en servent, je pense qu'on doit partager aussi le coût de ces services-là.

(12 h 40)

Quant au plan politique, je retiendrai, M. le Président, que cette nouvelle entité politico-administrative que nous voulons voir se former commandera une plus grande responsabilisation des élus et de la population tout en conférant aux premiers une réelle autonomie. Je sais que, si je pousse le regard sur les autres fusions, que je verrais avec de bons résultats pour nos citoyens, il existe énormément d'ententes, il existe énormément de régies. Souvent, ces ententes-là, ces régies-là, ça a quand même un bon résultat. Ça permet peut-être de répartir des coûts sur l'infrastructure de fond. Mais il reste que, très souvent, ces régies-là, ces ententes-là font que ce sont des gens non imputables à la population qui prennent des décisions et qu'ils n'ont pas à rendre des comptes à toute la population. Elle permettra, de plus, cette fusion, une représentation politique municipale plus forte que jamais auprès des intervenants gouvernementaux, elle dotera aussi la nouvelle administration municipale des pouvoirs nécessaires pour une planification adaptée aux réalités du siècle à venir, et c'est ce qu'il nous faut. Il nous faut une vision d'avenir et non simplement... Est-ce que c'est quelques sous de plus ou de moins? Mais, dans l'avenir, ce sera quels sous de plus ou de moins parce que nous ne nous sommes pas donné les moyens de véritablement planifier?

Cette approche exceptionnelle, nous en convenons toutes et tous, entend fournir à une communauté régionale une organisation municipale seule capable d'accroître son efficience face au développement majeur en jeu, ce développement accéléré à l'heure actuelle sur ce territoire. Il y a urgence là-bas en matière de fiscalité, d'enjeux économiques et environnementaux. C'est pourquoi, M. le Président, je demande aux membres de cette Chambre d'appuyer avec conviction ce projet spécifique de fusion dans l'intérêt de la communauté locale. Le gouvernement doit agir; nous sommes ici pour lui donner les moyens démocratiques de le faire. Je vous remercie de votre attention.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la présidente de la commission de l'aménagement du territoire et députée de Deux-Montagnes, de votre intervention. Sur ce, je cède la parole... Oui, M. le député de... Vous avez quelque chose à demander à la présidence?

M. Cholette: Oui, M. le Président. En vertu de l'article 213, est-ce que la députée serait...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Deux-Montagnes, est-ce que vous êtes d'accord à ce que le député de Hull vous pose une brève question en vertu de l'article 213? Alors, il n'y a pas de consentement. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Bien, je trouve un peu curieuse la demande du député de Hull parce que, tout à l'heure, mon collègue et président du Conseil du trésor a voulu poser une question...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je ne peux pas... C'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de consentement, M. le leader. Vous connaissez très bien le règlement, étant donné que vous êtes ici depuis plus longtemps que moi. Évidemment, il n'y a pas eu de consentement. Je ne ferai pas de débat là-dessus. Alors, je cède la parole maintenant à la porte-parole officielle de l'opposition en matière de culture et de communications et députée de Sauvé.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Effectivement, c'est important aujourd'hui pour moi de prendre la parole sur le projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Ce projet de loi, vous le savez, force la fusion de Mont-Tremblant avec ses voisines, et le mot important, ici, c'est bien sûr «forcer», obliger et ne pas respecter la décision démocratique de citoyens de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord. Ce projet de loi, il se résume en un mot: c'est un acte antidémocratique envers des contribuables de deux villes, Mont-Tremblant et Lac-Tremblant-Nord, qui se sont prononcées très clairement contre la fusion au cours d'un référendum tenu au mois d'août dernier.

M. le Président, je vais bientôt fêter la première année d'élection dans le comté de Sauvé et je vous avoue que, après 12 mois ici, à cette Assemblée, je suis, je pense, catastrophée de voir qu'en 12 mois j'ai dû me prononcer deux fois sur des projets de loi qui étaient avant tout des projets de loi qui ne respectaient pas des citoyens du Québec. Je vous rappelle qu'on a dû longuement, en cette Chambre, débattre du projet de Hertel–des Cantons. Je vous rappelle cette situation. Nous étions devant des citoyens bafoués par un décret où le gouvernement avait décidé par décret d'aller installer des équipements d'Hydro-Québec sur leur terre. Ces citoyens avaient été encouragés par le premier ministre à se défendre, à aller devant les tribunaux, et ils ont gagné, et ce que ça a donné, c'est un projet de loi où ce gouvernement a dit: Bien, la loi était mal faite, on ne respectera pas le jugement, on ne respectera pas les citoyens qui ont gagné devant un tribunal et on va faire une loi qui dit rétroactivement qu'on avait raison.

Le projet de loi n° 81 qui force la fusion de Mont-Tremblant avec ses voisines, pour moi, c'est de même nature. Ici, au coeur de ce débat, c'est le respect du citoyen et la place que prend le citoyen vis-à-vis du gouvernement du Parti québécois. C'est donc le respect du citoyen dont il est question ici, M. le Président. J'aimerais vous rappeler une citation. On a eu droit ici, en cette Chambre, à une déclaration du vice-premier ministre qui a dit: De ce côté-ci de la Chambre, contrairement à l'autre côté, nous favorisons le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes et non pas le droit des municipalités. Il y a quelque chose qu'on perd de vue, c'est qu'il y a des personnes qui composent des peuples, il y a des personnes qui sont des contribuables des municipalités, et, ultimement, là, on parle toujours des mêmes personnes. Les choses ne se découpent pas comme ça aussi facilement. Au bout du compte, il y a toujours les mêmes personnes qui, elles, sont abusées, qu'on ne respecte pas.

Je vous rappelle que nous sommes devant un gouvernement qui ce matin a décidé de payer à même des fonds publics de pleines pages de publicité dans tous les grands quotidiens du Québec, pleines pages où on indique, où on rappelle la règle quantitative qui définit notre démocratie. Ici, pourtant, nous sommes...

Une voix: ...

Mme Beauchamp: Effectivement, le 50 % plus un, qu'on reconnaît. Et, ici, nous sommes devant un projet de loi où on ne respecte pas un résultat référendaire si clair, M. le Président. Je vous rappelle le résultat référendaire d'août dernier: 96 % des citoyens de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord ont voté contre le projet de loi. Je vous rappelle même la question, qui était d'une limpidité qu'on peut leur envier: Êtes-vous favorable à la fusion de la municipalité de Mont-Tremblant avec la ville de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite? 96 % des voteurs ont dit non. Donc, on parle toujours du même citoyen qui, en ce moment, est le citoyen le plus taxé en Amérique du Nord, il faut le rappeler, qui est aussi le citoyen qui est aux prises avec un gouvernement qui s'éloigne de plus en plus de lui, donc un gouvernement qui lui impose des structures lourdes.

Je vous rappelle, par exemple, la difficulté pour le citoyen de s'y retrouver, de se faire entendre auprès du réseau de la santé et des services sociaux. On en a mis, des barrières entre le simple citoyen, et ses besoins, et finalement la dispensation de services dans le milieu de la santé et des services sociaux. Donc, on parle toujours du même citoyen de plus en plus loin de son gouvernement. Et ce citoyen, il peut s'exprimer de quelques façons. Il peut bien sûr voter lors des élections, comme il l'a fait à la dernière élection où il a accordé la pluralité des voix au Parti libéral du Québec, il peut aussi faire des référendums – ça fait partie des moyens qu'il reste au citoyen pour se faire entendre auprès de ce gouvernement – et c'est ce qu'ont fait les citoyens de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord: ils ont utilisé le référendum pour se faire entendre. Je rappelle que ce référendum a été réalisé en toute conformité avec notre loi, la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités.

Je vous le disais tantôt, la question, elle était claire, limpide, et le résultat – mon Dieu, là on s'éloigne des débats sur la reconnaissance quantitative de ce que c'est que la démocratie – là, c'est à 96 %. Extrêmement limpide, tellement limpide que le député de Bertrand, qui avait déposé, lors de la dernière session parlementaire, un projet de loi forçant la fusion des municipalités, bien, devant le résultat aussi clair du référendum tenu à Mont-Tremblant et à Lac-Trenblant-Nord, a décidé – il avait sûrement été, à ce moment-là, à l'écoute de ses citoyens et citoyennes – de retirer son projet de loi privé. Mais il y avait quelque chose qu'il n'avait pas compris, c'est que le résultat référendaire, bien, ça ne faisait pas l'affaire de son gouvernement.

(12 h 50)

Et, là aussi où je vois, moi, un lien, dans le non-respect du citoyen par ce gouvernement, entre, par exemple, le dossier de Hertel–des Cantons et ce dossier de la fusion forcée de quatre municipalités, c'est le fait, et ça m'a frappée, qu'il y a un article dans le projet de loi, qui est l'article 8, qui précise que toute dépense liée à une contestation judiciaire de la loi proposée restera à la charge des résidents du territoire ayant entrepris ces recours, parce que vous savez que ça devient l'ultime façon du citoyen de se faire entendre, comme l'ont fait les citoyens de Hertel–des Cantons. Vous savez, ils ont dû, à même leurs poches, aller devant les tribunaux pour se défendre. Eh bien, là, sûrement qu'on s'attend à ce que ce projet de loi qui force les municipalités ne fera pas l'affaire de citoyens, ils se sont prononcés clairement, à 96 %, contre. Bien, ce qu'on dit, c'est: Votre dernier recours pour vous faire entendre, c'est devant les tribunaux, puis on l'a prévu dans la loi, que toute contestation judiciaire de la loi proposée restera à charge des résidents du territoire.

Ce qui est intrigant, avec la volonté féroce de ce gouvernement d'imposer ce projet de loi, c'est le fait que la justification de la ministre des Affaires municipales repose avant tout sur la notion d'équité fiscale. Or, M. le Président, le conseil municipal de Mont-Tremblant a présenté, le 17 novembre dernier, une proposition visant à partager l'assiette fiscale de Mont-Tremblant. Si c'est vraiment le souhait de la ministre qu'on parle, dans cette région donnée, de partage de l'assiette fiscale, pourquoi est-ce qu'elle ne prend pas le temps de se mettre à l'écoute d'une partie de la population qui, par la voix de ses conseillers municipaux, fait une proposition aux autres municipalités de la région? C'est simple, on n'est pas obligé de procéder à des fusions de municipalités lorsque le problème qu'on veut régler, c'est un problème d'équité fiscale. C'est exactement le débat de fond que nous avons en ce moment au niveau des affaires municipales, au niveau de toutes les municipalités du Québec.

Or, ce gouvernement semblait avoir trouvé une réponse, ma foi, trop simpliste: Ah! on va parler de fusion de municipalités. Tout d'un coup, là, il y en a trop au Québec, alors que le vrai problème qui concerne le citoyen, et le citoyen le plus taxé en Amérique du Nord, est un problème de partage de l'assiette fiscale, d'équité fiscale. Est-ce qu'on peut prendre le temps d'écouter les citoyens qui ont à faire des propositions, comme l'a fait, par l'entremise du conseil municipal, la population de Mont-Tremblant qui a fait, donc, une proposition pour partager l'assiette fiscale avec les municipalités voisines?

L'autre chose qui m'intrigue beaucoup dans ce projet de loi, M. le Président, c'est le fait qu'il y a un porte-parole du bureau du ministre responsable des Laurentides, le président du Conseil du trésor, qui a confirmé qu'après la fusion forcée des quatre municipalités concernées, bien, il faudra tout de même de toute façon procéder à la création d'une commission de développement touristique qui, elle, va se substituer à la nouvelle municipalité formée pour traiter de questions qui sont au coeur habituellement du champ de juridiction des municipalités, à savoir la construction de routes, la sécurité publique et le transport en commun. Je vous avoue, là, moi – je me mets à la place des citoyens et des citoyennes – que c'est à n'y rien comprendre. On force la main, on force un projet de fusion, mais tout en admettant qu'il ne règle pas tout et tout en admettant que, même cette nouvelle municipalité, bien, il faudra lui substituer, dans certains champs de sa juridiction, une commission de développement touristique. Pour moi, c'est un peu la confirmation que ce projet de loi là, le fait de forcer les municipalités à se fusionner, ce n'est pas la bonne façon de répondre peut-être à la problématique – on peut peut-être appeler ça comme ça – de voisinage entre les quatre municipalités du secteur de Mont-Tremblant.

M. le Président, je crois qu'on en a fait longuement état, mais il faut le répéter, que ce dossier, c'est clair, a fait l'objet de beaucoup de discussions, de débats et même de prises de position contradictoires au sein du parti ministériel, au sein des représentants du Parti québécois en cette Chambre. Il faut vous rappeler certaines citations: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» C'est une citation du présent ministre des Transports. Autre citation: «Il y a toujours eu des appétits, dans les administrations gouvernementales, pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens.» J'aime bien cette citation-là. Je crois qu'elle est au coeur de la démonstration que je tente de faire ici aujourd'hui. Je la répète: «Il y a toujours eu des appétits, dans les administrations gouvernementales, pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens.» Ceci est une citation de M. Jacques Parizeau, ex-premier ministre du Québec. Je la complète: «Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions, c'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – les fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.»

M. le Président, vous savez aussi qu'il y a moult autres citations qu'on peut vous faire. Ce que ça nous dit, c'est qu'il n'y a pas d'entente, de l'autre côté de la Chambre, sur ce projet de loi, et ce que ça nous dit aussi, c'est que, comme dans plein d'autres dossiers qu'on pourrait vous donner en exemple, finalement, il y a un arbitrage qui se fait au bureau du premier ministre. On l'a vu dans le cas de la Bourse de Montréal, on l'a vu dans le cas du projet de loi sur les clauses orphelin, hein, discussions entre ministres, mésentente, et l'arbitrage se fait au bureau du premier ministre. Mais il faut rappeler que le citoyen, lui, n'a pas accès au «bunker». Il n'y a pas accès parce que, surtout dans un deuxième mandat, hein, on le sait, on est de plus en plus loin du citoyen ordinaire qui s'est pourtant exprimé par voie de référendum.

De ce côté-là de la Chambre, il y a plein de ministres qui ont beaucoup de difficultés à accorder du temps au citoyen ordinaire: le ministre de l'Éducation a refusé de rencontrer une fédération étudiante; le ministre des Ressources naturelles, malgré 15 envois de lettres, n'a toujours pas rencontré des associations de protection de consommateurs pour discuter de la facturation d'Hydro-Québec auprès de ménages démunis; la ministre de la Santé et des Services sociaux est très loin, entre autres, par exemple, d'organismes des Laurentides qui demandent à être enfin reconnus dans leur financement. Donc, on est devant un gouvernement qui s'éloigne tellement des citoyens qu'il en vient, de façon vraiment antidémocratique, à ne même pas reconnaître un référendum basé sur une question claire avec une réponse claire. Mon voeu, M. le Président, c'est que ce gouvernement se réveille et qu'il mette au centre de ses préoccupations, au centre de son éthique le respect du citoyen, tout simplement le respect du citoyen. Nous serons donc contre le projet de loi n° 81.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de Sauvé. Compte tenu de l'heure, je suspends les travaux jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons poursuivre notre débat. À l'article 4, nous étions à débattre sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Alors, je puis prêt à céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Oui, merci, M. le Président. C'est à mon tour, suite à mes collègues, d'intervenir sur le projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite.

Je vous dirais que, sur les projets de loi municipaux, en général, dans le passé, il y avait normalement et, je dirais, de rigueur toujours une assez bonne collaboration de la part de l'opposition. Cependant, dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, il est assez évident que l'ensemble des membres de l'opposition ne peuvent approuver ce projet de loi là, en raison de ce qu'il représente, de la démarche qu'il représente, du processus dans lequel il se situe et, je vous dirais aussi, M. le Président, du mauvais exemple que ce projet de loi représente pour l'ensemble des citoyens du Québec, quand ils voient ce qui se passe avec ce projet de loi là.

M. le Président, j'ai eu la chance de faire ma maîtrise en aménagement du territoire et en développement régional. On regarde un peu, là-dedans, comment fonctionnent les municipalités, comment tout ça marche, les lois sur l'aménagement et l'urbanisme. Et une des choses qu'on nous a apprises, c'est qu'effectivement les municipalités sont des créatures du gouvernement du Québec. Donc, elles sont créées par le gouvernement du Québec et le gouvernement du Québec a le droit de faire ce qu'il veut avec. Et, au niveau légal, ça, le ministre des Finances dernièrement l'a mentionné, il n'y a rien qui les empêcherait de faire ce qu'ils veulent avec les municipalités.

Cependant, M. le Président, pour situer ce projet de loi là dans l'ensemble du contexte municipal des dernières années, force est d'admettre qu'à ce niveau-là... S'il y a un niveau où le gouvernement péquiste s'est caractérisé dans les dernières années, c'est au niveau du manque de respect qu'il a eu envers les municipalités et qu'il a eu envers surtout les élus municipaux. Parce qu'on peut toujours dire que les municipalités sont des créatures du gouvernement du Québec et que le gouvernement peut faire ce qu'il veut avec, sauf qu'il y a des gens qui sont là, qui sont élus par la population pour représenter leurs concitoyens et concitoyennes, et la moindre petite marque de respect que le gouvernement du Québec pourrait avoir envers eux, c'est de respecter leurs décisions.

Et, à ce niveau-là, M. le Président, vous me permettrez de rappeler le contexte dans lequel se situe ce projet de loi là. Et, quand je vous dis que ce n'est pas la première fois que le gouvernement bouscule et bafoue les élus municipaux, bien, je vais vous donner l'exemple de la fameuse facture de 375 000 000 $ qui, il y a trois ans, on se souvient, avait été supposément signée. Et on disait que c'était une entente avec le monde municipal, alors que ça avait été signé avec une seule des unions municipales, pour transférer 375 000 000 $ unilatéralement aux municipalités. Et, cette année, on disait que, finalement, c'est deux ans, et, la troisième année, on tentera de renégocier un pacte fiscal. Eh bien, M. le Président, la négociation du pacte fiscal est commencée à la dernière minute, à quelques semaines de l'élaboration des budgets municipaux, dans un contexte où les élus municipaux se doivent de faire différentes hypothèses. Et je peux vous dire que l'hypothèse que les élus font, c'est qu'ils vont devoir payer cette facture-là encore.

En parallèle, les fusions municipales, on prétend que c'est pour des questions d'économie, on prétend que c'est pour des questions de masse critique. Cependant, je dirais qu'il y a une question fondamentale, c'est le fait que les élus municipaux sont assez intelligents pour savoir ce qu'ils doivent faire de leur municipalité, les orientations de développement qu'ils vont lui donner et la place que leur municipalité doit prendre dans le développement local.

On a la chance d'avoir avec nous, cet après-midi, le ministre des Régions. Il va sans doute parler, dans les prochaines semaines, de sa politique de la ruralité. Ça doit être un petit peu gênant, M. le Président, de parler d'une politique de ruralité et de transférer les pouvoirs au niveau local quand, de l'autre côté, sa collègue des Affaires municipales bafoue carrément la démocratie municipale, vient dire aux municipalités: Vous pouvez faire tous les référendums, toutes les consultations que vous voulez, c'est moi qui vais décider, en bout de ligne, de vous fusionner. Et c'est exactement ce qui arrive cet après-midi, M. le Président, avec le projet de loi n° 81.

On n'a pas assez, selon moi, soulevé le fait que, quand on transfère une facture aux municipalités, quand on ne tient pas compte des souhaits des élus municipaux... Une municipalité, ce n'est pas un organisme qui n'a pas de vie et qui est sur la planète Mars, là. Ça représente des citoyens, des contribuables. Et c'est une chose qu'on dirait que le gouvernement d'en face a oubliée au cours des dernières années, c'est-à-dire qu'une municipalité, c'est d'abord et avant tout des gens, c'est une population, des gens qui vivent dans un milieu et qui décident de se donner des méthodes de fonctionnement et une façon de travailler et de vivre ensemble. Et, quand on dépose un projet de loi comme celui qui est devant nous, on vient carrément bousculer ces habitudes-là et on vient faire en sorte que les citoyens... Et ça, c'est un des graves dangers d'un projet de loi comme celui-là, c'est que, quelque part, on remet carrément en question la participation même des citoyens. Qu'est-ce que ça donne pour des citoyens de s'impliquer dans le développement de leur communauté si en bout de ligne, dans une décision aussi fondamentale que celle de savoir si on va garder une identité locale ou si on va se fusionner avec les municipalités qui nous entourent, le gouvernement du Québec ne respecte pas leur choix? Et ça, M. le Président, je pense que c'est une tache extrêmement noire que le gouvernement actuel va avoir à son bilan.

Quand on parle du gouvernement actuel, il y a quelque chose qui est très dur à comprendre. Et on doit se poser la question: Est-ce que c'est parce que les gens d'en face s'imaginent que personne n'écoute et ne suit ce qui se passe à l'Assemblée nationale et que, de l'autre côté, ils peuvent retourner dans leur comté et dire à peu près n'importe quoi sans que personne ne s'en rende compte, nulle part? On a eu la chance, je vous dirais, dernièrement – parce que c'était vraiment un des faits cocasses de la présente session – d'entendre le ministre des Transports, le très honorable député de Joliette, venir nous dire en cette Chambre que, lui, dans son parti, il est possible de pouvoir donner des opinions jusqu'au moment où on est lié par une décision, et on devient solidaire de cette décision. Donc, autrement dit, là, il est en train de répliquer à un discours qu'il avait fait devant la chambre de commerce, à Joliette, où il leur a dit que, non, lui, les fusions forcées, il n'était pas pour ça, qu'il n'était pas très d'accord avec ça, qu'il n'était pas d'accord avec la façon de travailler de sa collègue des Affaires municipales, sauf qu'en bout de ligne il est autour de la table du Conseil des ministres. Il doit décider quelque chose quelque part. Et, son opinion, il faut croire qu'elle ne pèse pas beaucoup dans la balance.

On pourrait penser qu'il y en a peut-être d'autres dont l'opinion pèse plus dans la balance. On a eu la chance d'avoir le premier ministre lui-même, comme il aime bien le dire, qui, la fin de semaine au début de novembre, a avoué que finalement les fusions forcées, ce n'était peut-être pas la meilleure des choses, étant donné que... comme il le mentionnait: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner.» Il disait: «Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Et il disait ça dans le Réveil à Jonquière , chez lui.

(15 h 10)

Donc, c'est assez paradoxal de voir ces gens-là, en face, qui sont ici, en cette Chambre, défendent une politique, veulent forcer des fusions, déposent un projet de loi comme le projet de loi n° 81 qui bafoue, M. le Président, la démocratie municipale. Et, quand ces gens-là retournent chez eux, on a l'impression que ce n'est plus les mêmes, qu'ils ne se souviennent plus de ce qu'ils ont dit ici et que là tout est beau puis qu'il n'y a pas de problème.

Et probablement qu'ils essaient de faire passer ça, que les fusions, quelque part... On va sûrement entendre un député d'en face à un moment donné, dans les prochaines semaines, qui va dire que, s'ils sont obligés de déposer un projet de loi comme le projet de loi n° 81, s'ils sont obligés de fusionner les municipalités, ça va être la faute du fédéral. On doit être à la veille de les entendre, là, il y en a un qui va sortir ça à un moment donné dans un discours dans son comté.

Mais, M. le Président, ce qui est encore pire à voir dans le gouvernement actuel, c'est que, même si, je dirais, des collègues assez influents de la ministre des Affaires municipales – le ministre des Transports, qui a occupé à peu près tous les postes qu'on peut occuper dans un gouvernement, il doit y avoir un certain respect envers le député de Joliette, de l'autre côté – et en plus le premier ministre disent tous les deux qu'ils ne sont pas d'accord avec la volonté de la ministre des Affaires municipales de forcer les fusions, malgré ça, elle avance comme un train dans ce dossier-là, qui ne veut absolument pas ralentir et qui fait en sorte qu'on est en train de forcer les fusions.

Et un autre – on ne peut pas dire que c'est le moindre non plus – le député de Saint-Jean, qui disait en juin dernier: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire, ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet, ça doit être leur volonté, on doit avoir leur consentement.» Et le député de Saint-Jean, qui est quelqu'un qui a de l'expérience en cette Chambre, avait dit ces propos-là et il tient à ces propos-là. Cependant, je ne voudrais pas être à sa place. Ça doit lui faire joyeusement mal au coeur de voir ce qui se passe actuellement avec le projet de loi n° 81, et il doit se dire, probablement, que c'est ce qui s'en vient dans sa région aussi, c'est-à-dire des fusions forcées.

M. le Président, dans ce contexte-là, comme je vous le mentionnais, on a beau parler des municipalités, on a beau parler d'entités administratives, mais les citoyens, qui sont au coeur de ce processus-là... Au cours des derniers mois, partout au Québec, il y a eu des référendums consultatifs, comme l'a dit la ministre des Affaires municipales, et les gens se sont prononcés, les gens ont été appelés à se prononcer, et je vais vous donner... Par exemple, chez nous, autant à Saint-Pascal paroisse qu'à La Pocatière paroisse, les gens se sont déplacés pour aller se prononcer dans un référendum, et, avant même de se prononcer, ce qui est assez indécent... c'est qu'on a demandé à ces gens-là de se prononcer sans avoir vraiment toutes les informations sur les conséquences d'une fusion, sur les avantages d'une fusion, sans savoir quelles seraient les pénalités que vous allez avoir si vous fusionnez.

Je ne sais pas si vous vous souvenez, M. le Président, mais, quand les municipalités ont appris que, si elles ne se fusionnaient pas – celles qui étaient dans les plans gouvernementaux pour les fusions – elles ont appris, si je me souviens bien, un vendredi après-midi avant l'Action de grâces, vers 15 h 30, 16 heures, quelles seraient leurs pénalités si elles refusaient de se fusionner. Et ça, ça démontre encore une fois comment ce gouvernement-là méprise les municipalités et les élus municipaux.

Et je vais vous donner, par exemple, Saint-Pascal. On demande aux gens de se prononcer, et les gens se prononcent contre. On va leur dire: Si vous refusez de fusionner, vous allez avoir des pénalités. Juste pour vous donner un exemple de ce que ça crée dans un milieu comme divisions. Le référendum est battu. Malgré ça, voyant les pénalités s'en venir de la part du gouvernement, le conseil décide d'aller quand même dans le processus de fusion. Mais là c'est un comité de citoyens qui s'est formé et qui menaçait le conseil de faire des démarches juridiques et autres s'il refusait d'accepter le verdict du référendum. C'est ça que ça crée. Je ne sais pas si les gens d'en face s'en rendent compte, ce que ça crée comme divisions dans un milieu, ça fait en sorte que les gens sont obligés de se diviser, de se chicaner entre eux pour faire respecter les valeurs démocratiques, pour faire respecter le sens du vote qu'ils ont pris.

Dans le cas qui nous intéresse, le projet de loi n° 81, j'ai reçu et je pense que l'ensemble de mes collègues députés à l'Assemblée nationale ont aussi reçu la lettre du maire de Lac-Tremblant-Nord, qui y va d'une citation assez importante quand il pose la question: «Est-il encore possible, dans une société libre et démocratique, de faire un choix de vie qui ne corresponde pas à la norme et d'être respecté dans ce choix?» Et il indique: «Malgré les explications et le point de vue fournis par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, Mme Louise Harel, encore aucun aspect soulevé n'a su justifier de façon satisfaisante, voire sensée, l'intégration de notre municipalité à ce projet de fusion.»

Et ça, M. le Président, je pense que ça reflète très bien ce que beaucoup de gens au Québec se posent comme question. Parce que les gens ont de la difficulté à voir le ou les motifs derrière cette volonté absolument inébranlable de la ministre des Affaires municipales de forcer absolument les fusions là où elle a décidé de le faire. Je ne suis pas le seul, je pense, et les maires ne sont pas les seuls à ne pas comprendre ou à essayer de voir quels sont les facteurs à la base de ça. Il y a quelqu'un à un moment donné qui a sorti peut-être une explication, quelqu'un qui disait: «Il y a toujours des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400.» Et cette personne-là indiquait: «Il est inutile de chercher à les justifier en disant que c'est pour le bien du citoyen.»

Et, M. le Président, celui qui a dit ça, c'est celui qui aujourd'hui est conseiller politique pour le Bloc québécois, c'est celui qui a été ministre des Finances au Québec, qui a occupé de nombreux postes dans l'administration publique québécoise et qui a été premier ministre du Québec et chef du Parti québécois, c'est M. Jacques Parizeau. Et, quand on voit, à tous les niveaux, de l'autre côté, que tout le monde, les gens sont tous contre les fusions forcées, obligatoires, j'ai de la misère à comprendre qu'est-ce qui peut faire en sorte qu'un parti gouvernemental soit à ce point déconnecté pour aller autant à l'encontre et aussi de front à l'encontre de la volonté des élus municipaux.

Mais il y a un danger à tout ça, M. le Président. Les fusions peuvent être une bonne chose si elles sont faites volontairement. Si, suite à des études de regroupement, à des études sur des ententes de services, à un processus démocratique, à de la bonne volonté de part et d'autre, il y a une fusion, normalement, cette fusion-là marchera, cette fusion-là sera bénéfique pour les citoyens de la municipalité. Mais c'est exactement l'inverse que fait actuellement le gouvernement. C'est-à-dire qu'on tente par tous les moyens et pour des raisons qu'on a beaucoup de difficultés à s'expliquer d'entrer les fusions municipales dans la gorge des municipalités.

Je vous dirais, M. le Président, que les municipalités au Québec doivent être extrêmement inquiètes aujourd'hui parce que non seulement elles n'ont pas eu toute l'information, non seulement... Comme chez nous, dans le cas, par exemple, de Notre-Dame-du-Lac, ils n'ont jamais eu de réponse de la part de la ministre des Affaires municipales à leurs inquiétudes, à leurs questions, à savoir qu'est-ce qui arrivait s'ils employaient un scénario plutôt qu'un autre, ils n'ont jamais eu cette information-là. Elles doivent être extrêmement inquiètes, parce que, si ces municipalités-là regardent aujourd'hui le projet de loi n° 81, elles doivent se dire: Voici le petit guide des fusions municipales au Québec, voici comment ça va se passer.

(15 h 20)

Et écoutez bien ça, M. le Président, les articles 2 et 3 sont assez éloquents à ce niveau-là. On indique, à l'article 2: «Les municipalités visées à l'article 1 doivent, avant l'expiration du délai fixé par le ministre des Affaires municipales et de la Métropole, lui transmettre leur avis sur la proposition de regroupement.» À date, on pourrait dire: Voici, dans un éclair de génie, on a décidé de consulter les municipalités. L'éclair ne dure pas longtemps, parce que, tout de suite à l'article 3, il est indiqué: «Le gouvernement peut, aux conditions qu'il détermine, sur recommandation du ministre, décréter la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement des municipalités visées à l'article 1.» Voici ce que pense le gouvernement péquiste de la démocratie municipale, des liens qu'il doit entretenir avec les municipalités.

Autre source d'inquiétude extrêmement importante, à date, M. le Président, pour les municipalités, c'est qu'elles sont actuellement en négociation sur le pacte fiscal. Elles se retrouvent dans une situation où, d'un côté, on a le premier ministre et la ministre des Affaires municipales qui suggèrent d'augmenter de 1 200 000 000 $ sur quatre ans les taxes scolaires, et ils osent dire aux municipalités: Faites-nous confiance. Ils osent dire aux contribuables: Faites-nous confiance, on va s'assurer que le fardeau fiscal diminue de la même chose au niveau municipal, de 10 %. Depuis, je vous dirais, deux semaines, presque toutes les municipalités au Québec ont dit: C'est impossible de réduire notre fardeau fiscal de 10 %, on est déjà pris à la gorge. On n'est déjà pas capable d'offrir tous les services qu'on voudrait offrir. On n'est déjà pas capable de donner à nos concitoyens et à nos concitoyennes ce qu'ils demandent et ce qu'ils souhaitent. Alors, comment voulez-vous qu'il y ait une réduction? Comment voulez-vous que ces gens-là fassent confiance au gouvernement d'en face, M. le Président, dans le dossier des municipalités?

Je vous dirais que, quand on entend soit la ministre des Affaires municipales ou d'autres ministres dire: «Ah! nos partenaires les municipalités, nos amis les maires», ils sont en train de faire en sorte que les maires au Québec, que la démocratie municipale est remise en question. Ça donne quoi d'être maire et d'être conseiller quand on travaille avec un gouvernement qui nous envoie unilatéralement des factures de 375 000 000 $, qui décide de fusionner même si on ne le souhaite pas? On est juste là pour gérer des problèmes. C'est ça, être maire et conseiller au Québec. Et ce n'est pas pour rien que, dans plusieurs municipalités, M. le Président – vous le savez sans doute – on a de la difficulté à trouver des gens pour se présenter, pour être conseiller, pour être maire, parce qu'on est en train de tuer la démocratie municipale, avec le gouvernement péquiste.

Permettez-moi, M. le Président, en terminant, de saluer le travail de mon collègue de Hull dans ce dossier-là, qui, contrairement aux gens d'en face, est capable de se tenir debout et est capable de défendre les municipalités au Québec, est capable de défendre les élus et la démocratie municipale, est capable de faire en sorte que l'une des composantes fondamentales de notre société, les municipalités, trouvent quelque part des gens qui les écoutent, qui les respectent et qui donnent suite à leurs demandes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Le prochain intervenant sera Mme la députée de Bourassa. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je sais que vous êtes bien attentif et que vous savez que nous sommes ici à discuter du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Alors, je me permets de le rappeler, bien que sachant que vous en êtes parfaitement informé.

Alors, il est question donc ici, M. le Président, d'une fusion forcée entre quatre différentes entités municipales. Alors, le gouvernement en place, le gouvernement du Parti québécois, veut forcer la fusion entre quatre différentes entités municipales, même si les citoyens... Vous savez, ces égoïstes sociaux, tel que le gouvernement du Parti québécois les a qualifiés? Un gouvernement qui me paraît avoir le qualificatif extrêmement facile. On en a eu d'autres exemples durant la campagne électorale, alors que le premier ministre avait déjà affublé certaines personnes récalcitrantes d'être de mauvais Québécois. Alors, là, on est passé à une nouvelle époque; encore un autre qualificatif qui n'est pas très flatteur, encore une fois, qui n'est pas très respectueux des citoyens, comme le processus, d'ailleurs, qui n'est pas très respectueux de la démocratie municipale, mais enfin.

On s'objecte qu'on puisse vouloir tous intervenir pour rappeler à quel point il y a des principes fondamentaux ici qui sont tout simplement encore une fois foulés, écartés du revers de la main, comme si rien n'était. Et, en plus de faire ça, on se permet de qualifier les citoyens qui participent à des exercices parfaitement démocratiques, des citoyens qui se consultent pour en arriver à une position qui puisse refléter le point de vue de tout le monde, une position qui puisse être respectueuse du point de vue de tout le monde, on se permet en plus... Et c'est Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole qui a qualifié, un peu à l'instar du premier ministre, ces citoyens d'être des égoïstes sociaux.

Ils sont des égoïstes sociaux, pourquoi? Tout simplement parce que, eux, comme les autres et comme toute personne qui vient dans le chemin ou qui n'est pas d'accord avec le gouvernement du Parti québécois, ces égoïstes sociaux là, ne se rendent pas à l'argument, semble-t-il, de l'équité, même si cet argument-là, tel qu'il est donné, quand on en fait l'examen, on peut constater qu'il souffre, du moins dans la démonstration. On n'a pas de définition de ce qu'est l'équité, mais ce n'est pas important.

Ce qu'on croit comprendre, d'après les discussions qui ont eu cours, c'est qu'il serait question de partager de force une richesse qui a été amenée par le développement d'Intrawest. Évidemment, c'est un développement extrêmement important, qui apporte beaucoup de bénéfices à la municipalité dont il est question, et plus spécifiquement une contribution équivalente à quelque 38 % de son budget, en ce qui a trait au budget de la municipalité du Mont-Tremblant. 38 %, ramené plus réalistement en termes de bénéfices... Et aussi, il faut comprendre que ça va entraîner des dépenses, alors ça serait, grosso modo, 2 000 000 $ par année pour la municipalité de Mont-Tremblant. Et, bien sûr, cette municipalité-là va devoir dispenser des services aux citoyens.

Alors, si on reprend les premiers éléments, on ne parle pas du pouvoir de l'Assemblée nationale de procéder par texte de loi pour en arriver à obliger une fusion, on parle tout simplement ici d'un processus qui n'est absolument pas respectueux des citoyens qui se sont consultés, un processus qui n'est pas respectueux de la démocratie. Mais, ça, ce n'est pas grave. On parle de citoyens qu'on qualifie encore une fois d'être des égoïstes sociaux, hein, parce que ceux-ci ne veulent pas se rendre à un argument, même si cet argument-là, à savoir l'équité, peut souffrir dans la démonstration qui en est faite.

Alors, on est passé, encore une fois, de vilains, de mauvais Québécois à des égoïstes sociaux. Vous savez, ce n'est pas drôle, M. le Président, d'avoir à faire notre travail comme députés, à être respectueux des citoyens qu'on représente, à être respectueux des principes de la démocratie, à être respectueux d'un principe de consensualisme, mais, ça, là, ce sont tous des principes qui, semble-t-il, n'ont pas force. Encore une fois, c'est un gouvernement qui est passé maître dans le talent qu'il a d'occulter la réalité, comme il l'a démontré dans le réseau de la santé, comme il continue d'ailleurs de le démontrer avec une aisance absolument remarquable. Un discours qui ne s'adapte pas, un discours qui reste fidèle à son objectif premier: le coûte-que-coûte. On y va, on y va par là, peu importe si, dans le réseau, la situation est différente.

Alors, c'est vraiment difficile d'assister, comme parlementaires, comme citoyens, à de tels exercices. Et c'est très difficile de toujours être qualifiés, à toutes les fois qu'on se lève pour démontrer une situation, pour rappeler une réalité, pour étayer des besoins, pour faire valoir des attentes légitimes, d'être qualifiés, de façon cavalière, commode, facile, d'être des mauvais citoyens, d'être démagogues. On comprend mal, on n'entend pas, on ne sait pas lire, on ne sait pas calculer, on n'a pas de culture. C'est des arguments qui sont tellement, selon moi, peu pertinents quand on regarde les faits ou quand on regarde les résultats. Et c'est ça que le gouvernement qui est en place semble oublier, qu'il va être jugé sur sa compétence, il va être jugé sur ses résultats. De même que la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, elle va être jugée sur les résultats qu'elle atteint.

Alors, l'équité. On veut forcer cette fusion en raison du principe de l'équité. Bien sûr, c'est un autre terme qu'on galvaude, parce qu'on a la galvaude très facile au niveau du vocabulaire. On fait étalage de beaux termes, on se gargarise de beaux principes. On ne les respecte pas dans le processus, on ne les respecte pas dans les faits, mais, au niveau de la verve, elle est très panachée, cette verve-là, elle est colorée.

On parle d'équité. Le dictionnaire dit que l'équité, c'est la vertu de celui qui possède un sens naturel de la justice, qui respecte les droits de chacun. Eh bien, mon Dieu, je pense que l'exercice devant lequel nous sommes, à savoir une fusion forcée, démontre très clairement qu'on n'a pas respecté les droits de chacun, on n'a pas respecté les droits de citoyens, citoyens qui se sont consultés. Non seulement on ne les respecte pas, on décide qu'on y va coûte que coûte, malgré tout, parce qu'on a décidé que c'est ça qu'on fait, puis c'est par là que ça passe. Puis, en plus, bon, on les qualifie d'être des égoïstes, des égoïstes sociaux.

(15 h 30)

Est-ce que la ministre des Affaires municipales et de la Métropole est la mieux placée? Elle a rappelé à mon collègue le député de Hull, à l'occasion d'un échange en Chambre – parce qu'on reçoit aussi des leçons de morale qui sont devenues rapides, faciles, commodes et très fréquentes en cette Chambre... Évidemment, on en reçoit tous, tous mes collègues en reçoivent à tour de rôle, donc mon collègue le député de Hull a été rappelé un peu, lui aussi, à l'ordre par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Il a reçu une petite leçon de morale, et Mme la ministre lui rappelait à ce moment-là qu'il ne fallait pas faire de la démagogie avec la démocratie. Encore une fois, un bel exercice oratoire, une belle formule de style, l'usage ampoulé.

Mais la démocratie, le mot, qu'est-ce qu'on fait du mot? Qu'est-ce qu'on fait du sens véritable de ce principe sacré? Que nous disent les faits, concrètement? Les citoyens qui se sont consultés ont appris par les journaux. Bravo pour le respect de la démocratie. Il n'y a pas eu de consultations auprès de ces citoyens-là, Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole ne les a pas consultés. Bravo pour la leçon de démocratie.

On ne respecte pas le point de vue des citoyens qui se sont exprimés à 96 %, probablement, M. le Président, parce que, encore là, il y a une difficulté au niveau du pourcentage, probablement qu'ici encore ce n'est pas le bon pourcentage. Peut-être est-ce que ça en aurait pris plus, peut-être qu'un petit 0,3, un petit 0,4, un petit 0,5, alors que, pour tout le monde, et pour les citoyens qui se sont prêtés à cet exercice-là en toute honnêteté, ça apparaît absolument satisfaisant, hautement satisfaisant, 96 %.

Mais ça, ce n'est pas grave. Encore une fois, on l'écarte pour des raisons qui sont celles évidemment de la ministre des Affaires municipales, des raisons évidemment qu'elle peut difficilement justifier, à tout le moins dans la démonstration qu'elle fait de l'équité, parce que la municipalité est arrivée à un résultat qui est de beaucoup supérieur à celui proposé par la ministre, qui propose une division par quatre. Alors, la municipalité est arrivée au-delà de ça, suite à un consensus, à des ententes, respectueuse des citoyens, respectueuse des autres partenaires au niveau municipal, à un résultat beaucoup plus probant, soit six. Mais ça, ce n'est pas grave. Ça non plus, on n'en parle pas. On occulte. Alors...

On a eu un autre bel exemple, M. le Président: Hertel–des Cantons. Beaucoup de mes collègues sont venus précédemment, et à bon droit, rappeler – et on ne le rappellera jamais assez – et c'est tout à fait pertinent, puisqu'on est encore une autre fois dans un exercice qui est conduit de la même façon, sans le respect des citoyens, sans le respect des partenaires au niveau municipal, sans le respect de la démocratie, rappeler que c'est tout à fait inadéquat de la part du gouvernement en place, un gouvernement qui d'ailleurs n'a pas été plus respectueux dans le dossier Hertel–des Cantons de la décision qui avait été rendue par le tribunal.

Donc, on avait encouragé, de façon bien cavalière, ces citoyens, ces autres égoïstes sociaux, encore une fois ces mauvais Québécois, ces récalcitrants qui ne se rangeaient pas à l'argumentation encore une fois infaillible du gouvernement du Parti québécois, on les avait donc encouragés à se prévaloir de leurs droits, donc aller devant des tribunaux.

Ils ont un jugement, ils ont gain de cause, mais encore une fois on bafoue le principe du respect de la justice, respect de la démocratie. On écarte ça, comme on n'a pas respecté les citoyens. Encore une autre belle illustration du non-respect de la démocratie, du non-respect des citoyens, du non-respect d'un jugement.

Alors, je trouve que le gouvernement qui est en place... ou la ministre des Affaires municipales est assez mal placée pour donner des leçons de morale à mon collègue le député de Hull, qui, contrairement à ce qui a été dit en cette Chambre, comprend bien son dossier, est capable de bien représenter les intérêts légitimes des citoyens.

Vous savez, M. le Président, comme parlementaire, quand on assiste à de tels exercices, on peut se questionner. Et c'est très questionnable, d'ailleurs. Il y a des principes que je considère sacrés. Évidemment, là, je vais paraître issue d'un autre monde, venir d'une autre planète parce que j'ai des principes, des valeurs et que j'y adhère.

Alors, mon Dieu Seigneur, pourquoi est-ce que, moi aussi, dans la foulée ou à l'instar de mes collègues je viendrais également rappeler ce que veut dire «démocratie» ou ce que veut dire «équité»? «Équité: Vertu de celui qui possède un sens naturel de la justice, qui respecte les droits de chacun.» Mais évidemment, M. le Président, je conviens d'ores et déjà que je vais me faire rappeler à l'ordre, et c'est encore moi qui n'aurai pas bien compris, bien saisi, qui aurai probablement mal interprété ou fait dire à une personne ce qu'elle n'a pas dit, parce que, bien sûr, je suis aussi une mauvaise Québécoise parce que je ne suis pas d'accord avec le gouvernement du Parti québécois et parce que j'ose – parce que c'est mon devoir de le faire – critiquer le gouvernement du Parti québécois dans sa méthode, dans son approche.

C'est un gouvernement qui est fidèle à lui-même, c'est un gouvernement de confrontation, un gouvernement de menace, un gouvernement de blâme. On a vu la même chose dans le réseau de la santé, les infirmières ont été blâmées. Parce que c'est un gouvernement qui blâme facilement. Il qualifie, il blâme, mais il continue allègrement tout en jugeant tout un chacun. Alors, dans le réseau de la santé, là aussi, une même attitude de confrontation, une même attitude de jugement.

Un gouvernement qui se targue d'écouter, qui se targue d'être à l'écoute des intervenants du réseau de la santé, qui s'est targué d'écouter les infirmières, d'être respectueux. Ces âmes du réseau de la santé qui ont porté le réseau, qui l'ont dit et redit et redit à l'épuisement, mais on n'a pas considéré ça, on ne s'est pas arrêté à ça, on ne donne pas raison à leurs demandes. On dit tout simplement dans le discours encore une fois – parce qu'il est éloquent, ce discours-là – qu'on les écoute. Mais, dans les faits, quand on regarde – parce que ce sont les faits qui restent... Encore une fois, un gouvernement est jugé sur ses actions, sur les résultats qu'il obtient, les gestes qu'il pose.

Qu'est-ce qu'il a fait, ce gouvernement en place? Eh bien, il a manqué de respect aussi envers les infirmières, qui étaient aussi des égoïstes et aussi des mauvaises Québécoises: Comment ont-elles pu oser critiquer ce gouvernement? Comment ont-elles pu oser le rapprocher de la réalité qu'il a créée, de la crise qu'il a créée et qu'il continue de perpétuer par son inaction? Alors, il a blâmé ces vilaines égoïstes sociales, il a blâmé ces vilaines Québécoises. Il a même pris des mesures, dirais-je, indirectement, pour qu'un mémo clandestin circule pour venir miner la crédibilité de ces infirmières-là.

Alors, c'est un gouvernement qui s'attaque beaucoup, beaucoup, beaucoup à qualifier, à miner, à gruger, à attaquer, et qui conserve donc dans sa démarche une fidélité remarquable. Il attaque, il mine, il juge, il pointe du doigt. Nous avons des égoïstes sociaux, nous avons des mauvais Québécois, alors qu'un gouvernement est là pour respecter les volontés évidemment de la population, les volontés des citoyens, s'assurer du respect des principes de justice, démontrer dans ses actions qu'il adhère aux principes de la démocratie, démontrer qu'il est sensible à ce que les gens lui disent, qu'il est capable – parce qu'il est respectueux des citoyens, parce qu'il est respectueux de ce que les citoyens disent – de prendre des mesures qui sont en accord avec la volonté légitime, démocratiquement exprimée. Mais non, ce n'est pas ça du tout que ce gouvernement a fait là.

(15 h 40)

J'aimerais vous rappeler, toujours dans la foulée du respect – au niveau du vocabulaire, on s'entend, parce que, quand on regarde les faits, il en est autrement, on a vu ce qu'il en avait été pour les infirmières, puis les exemples sont nombreux, absolument nombreux – une citation de Bernard Landry. Enfin, ce sont ses paroles. Elles ont été rapportées dans Le Devoir , le 21 août dernier. Alors, c'est contemporain. Encore une fois, on est face à un gouvernement qui se targue de respecter les citoyens, respecter la population, être attentif à leurs besoins, être attentif, à leur écoute.

Alors, ce qu'on entend au niveau du discours, c'est la chose suivante: «Ça veut dire que le simple écoulement du temps donne 0,5 % de plus à l'option souverainiste chaque année parce que la fatalité fait que les vieux ne votent plus et que les jeunes franchissent le cap des 18 ans.»

Alors, c'est une chose qui est sortie naturellement et spontanément, un peu comme M. le premier ministre l'avait démontré lors de la dernière campagne électorale quand il avait de lui-même qualifié des mauvais Québécois. Et M. Jacques Baril – si vous me permettez, M. le Président – récemment, en cette Chambre, on a évoqué une lettre qu'il avait écrite, et c'est rapporter aussi une autre triste ou belle illustration de l'espèce d'inconsistance entre le discours et les faits, le pseudo-respect qu'on semble... on veut nous rentrer de force qu'on est respectueux des citoyens.

Alors, quand on regarde les écrits, bien encore une fois il y a une disproportion. Ce que vous dites et ce que vous faites, ce que le gouvernement du Parti québécois dit et ce qu'il fait, c'est deux choses diamétralement opposées. Et ce qui compte, M. le Président, dans les faits, pour les citoyens, autant dans la santé que pour les citoyens qui sont ici concernés et aussi pour les autorités municipales, ce sont les faits et les résultats.

Alors, des paroles, ça reste écrit. Alors, encore une fois, une autre belle illustration: encore une fois des égoïstes sociaux, encore une fois des mauvais citoyens dans cette lettre-là, puis le ton était carrément blessant, méprisant, le ministre – évidemment qui avait été inspiré par le premier ministre qui en avait donné l'exemple durant la campagne électorale – répondant à un commettant, qui avait le droit de critiquer le cafouillage à Emploi-Québec, alors il lui a répondu bien sûr, M. le ministre, en faisant une distinction entre les bons et entre les mauvais Québécois.

Quand on est d'accord, on est chanceux, on a gagné la Loto, on est un bon Québécois; quand on est critique – même si on a raison et parce qu'on est tout à fait légitimé, fondé de critiquer ce gouvernement-là, et surtout nous, comme parlementaires, parce que c'est notre devoir de le faire, d'autant plus qu'on s'est engagés envers les citoyens qu'on représente à représenter leur point de vue – eh bien, là, on n'est pas chanceux. Parce qu'on n'est pas d'accord avec le gouvernement qui est en place, avec le gouvernement du Parti québécois, et parce qu'on ose le critiquer, on devient un mauvais Québécois.

Alors, je trouve ça tout à fait regrettable pour les citoyens, et surtout la jeunesse qui pousse – la jeunesse dont ce gouvernement nous parle tant et souvent longtemps – qu'on ne puisse pas leur inculquer... que le gouvernement du Parti québécois ne puisse pas leur démontrer par ses actes qu'il respecte des principes absolus, dont celui de la démocratie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Bourassa. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Laurent. M. le député.


M. Jacques Dupuis

M. Dupuis: Je vous remercie, M. le Président. Je suis particulièrement à l'aise de me lever en cette Chambre pour critiquer la façon dont le gouvernement veut faire adopter la fusion des municipalités de Mont-Tremblant, Lac-Tremblant-Nord, Saint-Jovite, paroisse et ville, lorsque je vais prononcer mon discours devant vous, parce que je me souviens, moi, et je sais que vous comprenez, quand on fait des accrocs à la démocratie, quand ce gouvernement-là fait des accrocs à la démocratie... je sais très bien que votre souvenir est encore extrêmement vivace et je vous revois à la télévision, un soir d'il y a quelques années, devant vos troupes, alors que ce gouvernement-là – qui est votre gouvernement, M. le Président – voulait fermer votre hôpital de Chauveau et que vous manifestiez dans la rue à l'encontre de votre propre gouvernement et que vous n'avez pas été écouté. Vous vous êtes retrouvé sur ce banc-là, en plein milieu de cette crise-là, alors que tous les citoyens de votre comté réclamaient que l'hôpital reste ouvert, devant vos pairs, ces gens-là, qui sont de votre gouvernement, seul, abandonné, seul alors qu'on était en train de fermer votre hôpital.

On fait quoi aujourd'hui avec le projet de loi n° 81? On le fait à 96 % d'une population qui a voté à l'encontre de la fusion. Je suis d'autant plus à l'aise de me lever dans cette Chambre lorsqu'on fait des accrocs à la démocratie et de prononcer un discours devant le ministre de la Solidarité sociale qui, jour après jour, dans cette session-ci se fait usurper – usurper – par sa collègue du Travail des pouvoirs que le premier ministre lui avait donnés lorsqu'il l'avait nommé ministre de la Solidarité sociale. À tel point usurper, M. le Président, qu'on a cherché dans les affaires gouvernementales ce qu'on pourrait donner au ministre de la Solidarité sociale pour qu'il arrête d'avoir l'air fou. On est allé lui donner la RIO. La RIO puis le ministère de la Solidarité sociale, ça va ensemble, d'abord. Belle logique! Belle logique!

Je suis d'autant plus à l'aise de me lever en cette Chambre pour dénoncer les accrocs à la démocratie de la ministre des Affaires municipales dans sa volonté de faire adopter le projet de loi n° 81 quand je me lève devant le député de Marguerite-D'Youville, qui, on ne se le cachera pas – ce n'est un secret pour personne – nourrissait de façon légitime des espoirs de pouvoir aller vous rejoindre sur le banc que vous occupez aujourd'hui, M. le Président, à l'ouverture de cette Législature-ci, qui s'est fait dire par son premier ministre de son gouvernement: Taisez-vous, j'ai décidé que vous n'auriez pas le droit même de poser votre candidature, même si le vote à l'Assemblée nationale sera libre, même si je permettrai le vote à l'Assemblée nationale pour désigner qui sera président de l'Assemblée nationale. Vous, le député de Marguerite-D'Youville, vous n'avez pas le droit de poser votre candidature. Restez assis. Qui était-il pour juger de la qualité du député de Marguerite-D'Youville à l'encontre de la qualité des autres députés?

Non, des raisons occultes, des raisons qui font en sorte que nous sommes absolument en droit, de ce côté-ci de la Chambre, à chaque fois qu'un projet de loi est déposé aux fins d'empêcher qu'on respecte la démocratie... nous n'avons pas à avoir honte de nous lever et de crier haut et fort, de défendre les citoyens dont on décide qu'on n'écoutera pas les représentations. Et nous savons très bien que ces gens-là, en face, ceux qui ont eu le malheur d'être nommés cet après-midi et ceux que nous ne nommons pas, nous suivent très bien dans nos représentations d'accrocs à la démocratie de ce gouvernement-là.

M. le Président, est-ce que les gens de Lac-Tremblant-Nord et de Mont-Tremblant s'objectent nécessairement à la fusion parce qu'ils sont des égoïstes sociaux, parce qu'ils sont des démagogues qui veulent faire des accrocs à la démocratie? Voyons donc! Nous sommes tous des élus à ce niveau de gouvernement. Nous avons tous, chacun dans nos comtés, une ou plusieurs municipalités. Nous côtoyons régulièrement, dans des activités dans nos comtés, des élus municipaux, des conseillers municipaux, des maires. Nous sommes à même de constater combien ces gens-là, au premier chef, sont appréciés par la population, et il est donc normal que la population résiste à des fusions forcées qui grossissent leurs agglomérations municipales en conséquence, parce que la population a besoin de se retrouver dans ses élus.

Bien sûr, nous voudrions, au niveau provincial, que la population se retrouve en nous le plus possible, mais la réalité des choses fait en sorte – et il faut le comprendre – que les élus municipaux sont les gens qui sont les plus près de la population. Combien de fois on constate que la population, que nos gens, chez nous, dans nos comtés, ont le numéro personnel de l'élu municipal. Évidemment, ils vivent, dans l'organisation de la société, des problèmes de première ligne, ils les vivent avec les élus municipaux. Ils développent avec les élus municipaux des relations qui sont près, des relations qui sont proches. Il est donc normal, lorsqu'on leur parle de fusion, de fusion forcée, que la population réagisse négativement à ce genre d'atteinte de la part du gouvernement. Parce que la population a besoin de se retrouver dans ses élus. Il faut bien se rendre compte, nous, les élus provinciaux, que nous bénéficions de la crédibilité que les élus municipaux ont sur le terrain et avec nos populations; nous en bénéficions. Donc, il est normal que les populations réagissent négativement à des tentatives de fusion forcée.

(15 h 50)

Également, la population a besoin de sentir l'appartenance au territoire sur lequel elle habite. Ce sentiment d'appartenance est important. Il se développe, dans des villes, dans des municipalités, non seulement un sentiment d'appartenance, mais un sentiment qui fait en sorte qu'on se reconnaît dans son milieu, qu'on se fréquente, qu'on approuve le développement harmonieux et qu'on a quelque chose à dire dans le développement harmonieux. Et il est normal, il est tout à fait normal que les populations résistent lorsque le gouvernement cherche, comme ce gouvernement, à les forcer à se regrouper dans de plus grandes agglomérations, parce qu'ils savent très bien qu'il vont perdre un certain contrôle de leur développement.

Et finalement, M. le Président, alors que tantôt je vous prenais un peu à partie, bien gentiment tout de même, en exprimant que vous saviez très bien ce que je voulais vous dire lorsque je parlais des accrocs à la démocratie qui sont faits par ce gouvernement, consolez-vous, M. le Président, vous n'êtes pas seul. Le ministre de la Solidarité sociale n'est pas seul. Le député de Marguerite-D'Youville n'est pas seul en face, parmi ses collègues, à ressentir jusqu'au plus profond de lui-même, sans aucun doute jusqu'au plus profond de vous-même, M. le Président, jusqu'au plus profond de lui-même du ministre de la Solidarité sociale les accrocs à la démocratie qui sont faits par sa collègue des Affaires municipales.

Le député de Bertrand est quelqu'un qui comprend les affres que vit probablement le député de Marguerite-D'Youville depuis le début de la Législature, que vit le ministre de la Solidarité sociale à chaque fois qu'il s'en va au Conseil des ministres puis qu'il est obligé de se demander si la ministre du Travail va lui enlever une autre responsabilité. Et, vous, M. le Président, vous ne savez pas quand ils vont retourner dans votre comté pour aller fermer une institution communautaire importante pour des raisons budgétaires.

Alors, le député de Bertrand aussi comprend les accrocs à la démocratie. Le député de Bertrand, lui, il a tenté, l'été dernier, de provoquer des fusions dans son coin. Mais le député de Bertrand, à l'encontre de la ministre, alors qu'il a déposé à l'Assemblée nationale des projets de loi privés pour suggérer des fusions, le député de Bertrand, il ne s'est pas juste contenté de faire ça, lui. Il ne l'a pas fait en cachette, il l'a fait publiquement. Puis cet été il est allé se promener dans son comté, il est allé consulter les élus municipaux, il est allé consulter la population, puis les gens lui ont dit: Écoute, honnêtement, là, on n'en veut pas. Ça n'a pas de bon sens.

Il a fait la seule chose honorable qu'il avait à faire, le député de Bertrand, il est revenu à l'Assemblée nationale puis il a retiré ses projets de loi. Puis il a dit: Écoutez, ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas, la population n'en veut pas. Ce n'est pas ça que la ministre des Affaires municipales fait, la ministre des Affaires municipales dépose le projet de loi n° 81 en cachette, sans même en parler à la municipalité de Mont-Tremblant.

Votre collègue, M. le Président, le président de l'Assemblée nationale, le député de Borduas, lui aussi comprend très bien les accrocs à la démocratie que la ministre des Affaires municipales s'apprête à faire dans son coin à lui: Mont-Saint-Hilaire, Otterburn Park. Il déclarait, le 16 novembre 1999 – ça ne fait pas bien longtemps, là, votre hôpital, ça fait plus longtemps que ça qu'ils l'ont fermé puis vous vous en souvenez de façon cruelle, je le sais, M. le Président – un référendum qui vient de se terminer dans le comté du président de l'Assemblée nationale: «Peu importe le résultat – c'est le président de l'Assemblée nationale qui parle – la ministre des Affaires municipales s'est engagée à respecter la volonté des citoyens. Nous avons obtenu cette garantie. La situation est différente de celle de Mont-Tremblant où la fusion pourrait être imposée.» Il ajoute que plusieurs citoyens de Mont-Saint-Hilaire et d'Otterburn Park ont manifesté des inquiétudes à la suite des récentes déclarations de la ministre des Affaires municipales qui affirmait que le référendum était consultatif.

Lui aussi a vécu les affres: Va-t-elle respecter le référendum? Lui, le président de l'Assemblée nationale, grande expérience dans la Chambre, il prend les devants, il dit: Elle va respecter le résultat du référendum. Mais, dans le fond, on le sait tous que ce qu'il est en train de dire, c'est: J'espère qu'elle va respecter le résultat du référendum.

Il n'est pas seul, le président de l'Assemblée nationale, M. le Président. Il n'est pas seul, on a notre bon ami le ministre des Transports. Grand partisan de la démocratie, le ministre des Transports: quand on n'est pas d'accord avec lui, on est des gosseux de poils de grenouille! Mais en tout cas. Sauf que le ministre des Transports, il est branché, branché sur sa population. Je pense qu'un reproche qu'on ne peut pas lui faire, c'est celui d'être déconnecté de la réalité. Des fois, déconnecté des dossiers, mais déconnecté de la réalité, non. De sa population. Et le ministre des Transports, connecté sur la réalité: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Puis le ministre des Transports, la haine et les chicanes stériles, il connaît ça, il ne parle pas à travers son chapeau.

Mais savez-vous avec qui, M. le Président, vous faites front contre les accrocs à la démocratie? Savez-vous, M. le ministre de la Solidarité sociale, avec qui vous faites front contre les accrocs à la démocratie?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Gouin.

M. Boisclair: Est-ce que le député peut s'adresser à la présidence, s'il vous plaît?

M. Dupuis: Savez-vous, M. le Président, avec qui le ministre de la Solidarité sociale fait front lorsque, dans les affres de son être intérieur, il suppute les accrocs à la démocratie que sa collègue du Travail accomplit à chaque semaine au Conseil des ministres? Savez-vous avec qui, M. le Président, le député de Marguerite-D'Youville suppute les accrocs à la démocratie que son gouvernement fait à son endroit à l'ouverture de la Législature quand il décide que, légitimement, il aurait peut-être le droit d'aller siéger avec vous sur le banc que vous occupez? Savez-vous avec qui le député de Bertrand suppute les accrocs à la démocratie que la ministre des Affaires municipales fait dans le cadre du projet de loi n° 81? Savez-vous avec qui?

Avec leur propre premier ministre, M. le Président, qui, lui aussi, déclarait, à l'encontre des agissements de la ministre des Affaires municipales dans le dossier du projet de loi n° 81: «Au Saguenay, c'est une affaire de culture.» Je l'entends presque. «La mentalité n'est pas figée dans le temps et ça ne se fera pas par révolution. Je ne pense pas que le législateur – c'est lui, ça aussi, le législateur – doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé, ce n'est jamais bon.» On a l'impression qu'il a parlé au ministre des Transports cinq minutes avant de faire la déclaration, et c'est clair, hein, M. le Président. C'est clair.

Il me reste peu de temps, M. le Président, et je m'en voudrais de ne pas faire une mise en garde bien humble. Je suis un nouveau parlementaire. Je ne suis pas pour commencer à donner des leçons à personne en cette Chambre; je commence. Mais peut-être une petite mise en garde à tous les collègues d'en face: Réveillez-vous! Faites attention! Si jamais le premier ministre vous appelle pour vous suggérer que, peut-être, vous pourriez occuper le fauteuil des Affaires municipales sous peu, ne prenez pas de chance, dites non. Dites non. Parce que la ministre des Affaires municipales est allée sévir dans le domaine municipal, puis ça ne me surprendrait pas, M. le Président, qu'elle cherche à passer le dossier, tout croche – tout croche – avec tout le monde allumé, tout le monde courant après le gouvernement, pour se dépêcher à se sauver, comme elle l'a fait depuis qu'elle est ministre dans tous les postes qu'elle a occupés.

(16 heures)

M. le Président, la ministre des Affaires municipales a, bien sûr, effectué, alors qu'elle occupait d'autres fonctions, une réforme des pensions alimentaires. Souvenez-vous de ça, M. le Président. Et, lorsqu'elle a fait la réforme des pensions alimentaires, elle a pris la réforme puis elle l'a envoyée au ministère du Revenu pour la faire administrer par sa collègue du ministère du Revenu, sa collègue la députée de Rosemont, qui, ne se doutant pas que la ministre des Affaires municipales actuelle avait sévi dans le dossier des pensions alimentaires, a décidé d'aller voir dans les clientèles si la réforme était bien acceptée à travers ces clientèles. Mal lui en prit, à la députée de Rosemont qui était alors ministre du Revenu, d'aller voir comment la ministre des Affaires municipales avait bien agencé cette réforme, ça lui a coûté son poste.

La ministre des Affaires municipales était à ce moment-là rendue dans une autre responsabilité, elle était ministre de l'Emploi. Elle ne regarde pas en arrière. Elle part par en avant, elle fait des réformes, elle se dépêche de faire ça tout croche, improvisé, puis elle se sauve. Elle s'en va puis elle ne regarde pas le dégât qu'elle fait en arrière. Premier dégât: la tête de la ministre du Revenu. Et là elle est rendue à l'Emploi. Et là, à l'Emploi, elle décide de faire une autre réforme. Elle réclame du gouvernement fédéral les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre puis elle plaide bien. Elle plaide bien, elle est pondérée lorsqu'elle s'exprime, elle est bien articulée, ça coule. Elle a convaincu le gouvernement fédéral, après que les libéraux aient fait pas mal de travail pour que ça arrive, elle obtient du gouvernement fédéral le transfert des sommes, et on parle du dossier, bien sûr, d'Emploi-Québec – Emploi-Québec. Là, la ministre, elle a décidé de fonder des CLE, des CLD et une commission des partenaires, sans aucun pouvoir, tout croche, à tel point que, la semaine dernière, le Conseil du patronat disait: Écoutez, regardez, là, on peut-u refaire ce qu'elle a défait parce que ça n'a pas de bon sens, ça ne marche pas? Et tout le monde sait que ça ne marche pas, à Emploi-Québec. Où est passé l'argent? Personne n'est capable de répondre à cette question-là. Ça, c'est ce que la ministre des Affaires municipales actuelle, alors qu'elle était ministre de l'Emploi, a fait.

Et là elle a pris ça et elle a passé ça à la ministre du Travail actuelle qui n'est pas capable de s'en sortir. Tellement pas capable de s'en sortir qu'on a été obligé d'aller chercher un ancien secrétaire général de la province pour le lui mettre comme tuteur. Et là le tuteur et la ministre du Travail ont au moins une entente entre eux autres: aller déshabiller le ministre de la Solidarité sociale. Pour moi, ils se lèvent le matin et ils se disent: Qu'est-ce qu'on pourrait aller lui chercher aujourd'hui? Puis, le premier ministre, de l'autre côté, chaque fois qu'il accepte qu'ils lui enlèvent quelque chose, il dit: On va lui donner un morceau de stade, et finalement ça a fait la RIO. Et la ministre des Affaires municipales, quand elle a eu fini sa réforme, son rapatriement de la main-d'oeuvre, elle s'est sauvée.

Alors, c'est pour ça que je vous dis: Faites attention, quand le premier ministre va vous appeler dans quelques semaines pour vous demander si vous acceptez, même M. le député de Marguerite-D'Youville, attendez, espérez, ne prenez pas les Affaires municipales. C'est un triangle des Bermudes, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viau.


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. C'est avec enthousiasme, vous allez comprendre, M. le Président, que j'interviens sur le projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la municipalité de Mont – trait d'union – Tremblant, de la ville de Saint – trait d'union – Jovite, de la municipalité de Lac – trait d'union – Tremblant – trait d'union – Nord et de la paroisse de Saint – trait d'union – Jovite. M. le Président, je vais un peu plus loin vous expliquer pourquoi ces traits d'union silencieux, j'ai décidé de les rendre au moins aux gens qui nous écoutent, qu'on puisse leur dire que, entre Mont et Tremblant, il y a un trait d'union, et c'est des choses auxquelles la population est habituée et c'est des choses qui sont extrêmement acceptables.

Ce projet de loi, projet de loi qui force des municipalités supposément à s'entendre... Et j'ai beaucoup de difficultés à comprendre les gens de ce côté-là de cette Chambre, ces mêmes gens qui nous disent, tout partout à travers la province: Nous sommes les plus grands et habiles négociateurs qui ont jamais mis les pieds sur la terre. Les plus grands négociateurs. Et ils nous disent: Une fois qu'on va avoir réuni des conditions gagnantes pour un oui, M. le Président, nous allons aller nous asseoir avec nos voisins des autres provinces canadiennes et nous allons nous entendre; on va nous entendre parce qu'on est vraiment des bons négociateurs, puis on va aller chercher ce dont, nous, on a besoin ici, au Québec. Et ces personnes-là, M. le Président, par ce projet de loi, démontrent très clairement qu'ils ne sont même pas capables – ils ne sont pas même capables – d'être des animateurs pour regrouper ces gens-là et, en les regroupant, essayer d'arriver à des solutions qui répondent aux besoins de la population de cette région.

Il n'y a personne qui est en désaccord avec le fait qu'une municipalité, n'est-ce pas, qui a été bénie naturellement par une montagne, et que cette montagne a été développée, et que cette montagne rapporte beaucoup plus à cette municipalité que les autres à côté, et que les autres municipalités doivent assumer certains services, M. le Président. Il n'y a personne qui dit le contraire de tout ça. Mais la ministre des Affaires municipales et aussi le président du Conseil du trésor ont été incapables de réunir ces gens-là et d'en arriver à une entente. Moi, c'est ça que je trouve ridicule, et, en même temps, de leur côté, on n'arrête pas de nous dire comment ils sont excellents négociateurs et qu'une fois que le Québec deviendra souverain, M. le Président, on va aller voir nos voisins et on va s'asseoir comme amis et on va aller chercher qu'est-ce que c'est qui doit nous appartenir à nous. C'est ça qu'on nous dit, là. Alors, ce projet de loi, M. le Président, est vraiment l'exemple du contraire de ce que ces gens ont prêché au fil des ans.

Je me rappelle, moi, ici, M. le Président, j'étais dans cette Chambre... il y a des collègues qui ont fait référence à la fameuse fusion de Baie-Comeau–Hauterive. J'étais ici, dans cette Chambre. Le député de Bertrand aurait intérêt peut-être à demander à ses collègues, qui étaient ici à ce moment-là, qu'est-ce qui est arrivé au député de Saguenay, à ce moment-là, lorsqu'il n'était plus même capable de se présenter dans son comté, parce que la population s'était prononcée par référendum et avait dit: Non. Et je peux vous dire que le résultat du référendum au niveau de Baie-Comeau–Hauterive n'était pas à 96 %, M. le Président, c'était même inférieur à ça. Nous avons ici 96 % des gens qui disent: Non. Mais c'est quoi, l'urgence, là? C'est quoi, l'urgence nationale qu'on arrive ici, puis vous le savez fort bien, M. le Président, on est en fin de session, c'est quoi le processus? Le projet de loi est présenté. On doit terminer nos travaux avant Noël. Probablement qu'il va y avoir une suspension des règles et les députés d'un bord ou de l'autre n'auront même pas l'opportunité de se prononcer sur chacun des articles de ce projet de loi.

(16 h 10)

Et, encore là, ça me fait sourire, M. le Président. Il n'y a pas trop longtemps, il y a eu une réunion de certains parlementaires, des backbenchers qu'on appelle, du côté ministériel, et les gens de l'opposition, et les députés backbenchers qui étaient à cette réunion – et cette réunion, en passant, avait été convoquée par le président de l'Assemblée nationale lui-même – les backbenchers disaient: Mais on fait quoi, nous, ici, du côté ministériel? C'est tout le «bunker» qui décide. Comme l'a dit le député de Joliette: Vous savez, nous, au Parti québécois, nous avons beaucoup d'idées, on a des débats. Mais il a une drôle de façon de dire les choses, le député de Joliette: au lieu de dire que c'est des suiveux, il a dit: Nous, une fois qu'on a décidé, on est solidaires. Alors, les suiveux, c'est des solidaires. Parce que, si je regarde toutes les déclarations qui ont été faites... M. Parizeau n'est plus ici, mais, M. le Président, je me dois de le citer: «Il y a – M. Parizeau – toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement.» Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. «C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier en disant que c'est pour le bien du citoyen.» On a entendu ça de l'autre côté: C'est pour le bien du citoyen, c'est pour le bien de la collectivité régionale, M. le Président, qu'on va fusionner ces municipalités. Bon. Je dois dire que, même si je n'ai jamais partagé la vision constitutionnelle de M. Parizeau, je peux dire que, lorsqu'il a siégé dans cette Chambre, j'ai toujours eu un grand respect pour lui, M. le Président, parce que, intellectuellement, il a toujours été honnête.

Lucien Bouchard... excusez-moi, M. le Président, le premier ministre, lui, il dit, le 14 novembre 1999 – ce n'est pas il y a 10 ans: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à se fusionner. Vous savez, un mariage forcé, ce n'est jamais bon», et puis ce n'est plus à la mode – ça, j'ai ajouté ça, il ne l'a pas dit, c'est moi qui le dis, M. le Président.

Le député de Saint-Jean, le 2 juin 1999, ici, à l'Assemblée nationale: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, M. le Président, de façon involontaire. Ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet, ça doit être leur volonté, M. le Président.» Où est-il? Où est-il aujourd'hui pour nous dire que les gens de la région du Mont-Tremblant, de Saint-Jovite, il doit y avoir une certaine volonté? Il y a à peine quelques mois, ces gens-là étaient concernés par la volonté des citoyens, M. le Président, puis là, tout d'un coup, aujourd'hui, ils ne le sont plus, ils ne sont plus concernés.

Il y a des choses bien étranges qui se passent dans cette Assemblée, dernièrement, M. le Président. J'ai lu tout à l'heure le projet de loi n° 81 avec ses traits d'union. Je ne sais pas, M. le Président, hier, dans cette Assemblée, on a débattu du projet de loi n° 81, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie et d'autres dispositions législatives.

Une voix: C'est 83.

M. Cusano: Pour ceux d'entre vous, backbenchers, peut-être que vous n'avez pas eu l'opportunité de voir le projet de loi. Vous savez qu'est-ce que l'article 53 contient, M. le Président? Je vais vous le lire. Le député, pas de Joliette, mais de Laviolette, je suis sûr qu'il ne l'a pas lu, lui non plus, mais je vais le lire pour qu'il comprenne bien. L'article 53 dit: «1° le trait d'union dans l'expression "assurance-maladie" est supprimé.» Aïe! une grosse découverte. Une grosse découverte! Dans un projet de loi de 57 articles pour définir les personnes qui vont être assurées au niveau de notre système de santé, il y a un article qui dit qu'il faut absolument... c'est un sacrilège de voir «assurance-maladie» avec un trait d'union silencieux, M. le Président. Alors, la ministre, elle l'a flushé, ce trait d'union, peut-être de façon silencieuse, mais il a été flushé. Et j'espère que le ministre parrain du projet de loi n° 81 qui nous concerne, où, dans le titre du projet de loi, il n'y a pas seulement un trait d'union, il y en a cinq, six, j'espère qu'il n'arrivera pas en commission parlementaire avec un papillon pour flusher les traits d'union sur le projet de loi, M. le Président.

Et, en parlant, pour revenir un peu au projet de loi n° 83 de la ministre de la Santé et des Services sociaux, M. le Président, ce que je trouve, encore là, ridicule – mais on ne sait jamais ce qu'on pense, dans ce gouvernement... J'ai un petit conseil à donner à tous les Québécois qui ont des prénoms composés: Si vous allez à l'urgence, là, ne leur dites pas que vous avez un nom composé avec un trait d'union, M. le Président, vous allez déplaire à la ministre quand vous avez besoin des services de santé.

Il y a une chose bien étrange aussi... Et je suis content que le président du Conseil du trésor soit ici, le président du Conseil du trésor qui gère, pas des millions, des milliards par année. Lui, hier, dans cette Assemblée, M. le Président, il nous a dit qu'il faut bien savoir que, de venir à Mont-Tremblant, de Londres, ça va prendre moins de temps pour les Anglais que d'aller dans les Alpes. Il me semble voir devant moi les agences de voyages à Londres qui vont offrir le forfait suivant: Allez faire du ski à Mont-Tremblant; on vous embarque dans un Concorde; au lieu de vous servir un lunch, vous aurez l'opportunité d'attacher vos bottines de ski, de mettre vos skis et un parachute et, une fois arrivés sur le mont Tremblant, on ouvre les portes puis vous descendez directement sur les pentes de ski. C'est ça que le ministre responsable...

Une voix: Le décalage horaire.

M. Cusano: Oui, ça prend moins de temps parce qu'il y a un décalage horaire, M. le Président. Moi, je ne sais pas où il prend ça. Le décalage horaire, ça ne change pas le fait qu'il faut voyager tant d'heures pour venir ici. Et je souhaite bien qu'il puisse peut-être inventer une nouvelle façon de stimuler les amateurs de ski à venir au mont Tremblant et qu'ils nous amènent des sous, qu'ils dépensent des sous. Dieu sait comment on en a besoin ici, au Québec, considérant la mauvaise gestion de ce gouvernement. Je trouve ça absolument ridicule qu'on en soit rendu à ce point-là.

Et ce que je trouve un peu aberrant, M. le Président – puis vous êtes concerné, on est tous concernés par ça – c'est lorsqu'on parle toujours de réforme parlementaire, de réforme parlementaire parce que de plus en plus... M. le Président, c'est que les parlementaires n'ont absolument rien à dire une fois que «the inner sanctum» du Conseil des ministres s'est prononcé. Je répète ce que je disais: C'est quoi, l'urgence de fusionner ces municipalités à ce moment-ci? Pourquoi n'a-t-on pas pris le temps nécessaire? Qui a la responsabilité d'un gouvernement?

Et, comme je vous l'ai dit, M. le Président, c'est sûr que vous avez une municipalité dans cette région qui a été bénie par un fait naturel, qui a su exploiter cette richesse, et, par conséquent, ils reçoivent beaucoup plus d'argent pour pouvoir administrer leur municipalité et ce n'est pas partagé par les autres municipalités qui ont à offrir les services. Mais il me semble que ça aurait été extrêmement facile, tout simplement, de la part de ces experts négociateurs qui sont assis à votre droite, M. le Président, de pouvoir s'asseoir avec les responsables et de dire: Voici, il y a un partage à faire ici, que ça soit au niveau des revenus, que ça soit au niveau des services, que ça soit au niveau des routes. Il n'y a personne qui est contre ça. Tout le monde réalise ça. Non. L'urgence, c'est que la ministre des Affaires municipales a décidé qu'il fallait que ça se fasse de cette façon. Ça démontre très clairement que c'est un gouvernement paresseux – un gouvernement paresseux, n'est-ce pas – qui cherche la route la moins difficile. Et c'est très facile ici, à l'Assemblée nationale – ces gens-là de l'autre côté en ont pris l'habitude – d'arriver et de nous présenter à la dernière minute des projets de loi et de nous dire tout d'un coup qu'il y a une urgence qui existe. Et, spécialement en fin de session, on arrive, c'est la suspension des règles et le projet de loi est adopté. Et combien de fois, M. le Président, nous sommes revenus par après pour modifier des projets de loi qui avaient été présentés de cette façon?

(16 h 20)

Mr. Speaker, just a few words, because my time is elapsing. I find it very difficult that, on the one hand, the people that are sitting at your right and are facing me are saying: Once we get all of the winning conditions together, we will go and sit down with the rest of the Canadian provinces and negotiate a deal. And yet, they can't sit down and meet with four municipalities, four small municipalities, and come out with an agreement in terms of the distribution of the wealth of one particular municipality and the responsibilities in terms of services that are offered by the other municipalities. Mr. Speaker, I find that utterly ridiculous and a warning for the citizens of Montréal.

Je représente un comté, M. le Président, qui s'appelle le comté de Viau, mais, en réalité, tout le monde l'appelle le comté de Saint-Michel. Savez-vous pourquoi? Parce que mon comté couvre exactement le territoire de l'ancienne ville Saint-Michel, sur l'île de Montréal. Oui. Qu'est-ce qui est arrivé il y a quelque 25 années? La ville de Saint-Michel a été annexée à Montréal. Savez-vous qu'encore aujourd'hui, plus que 25 ans plus tard, il y a des gens qui me disent: Ça a été une grosse erreur de la part des citoyens de Saint-Michel, n'est-ce pas, de ne pas avoir résisté au fait qu'ils ont été annexés à la ville de Montréal. Et pour ceux, au niveau de la ville de Montréal, qui pensent qu'ils seront consultés au niveau de certaines propositions qui flottent, particulièrement celle à l'effet d'une île, une ville, ceci est un exemple concret. Ils auront beau penser qu'ils vont être consultés, ils vont dépenser beaucoup d'énergie, beaucoup de temps et beaucoup d'argent pour essayer de trouver des solutions à un problème qui est réel, M. le Président, mais, s'ils pensent, ces gens-là de la région de Montréal, qu'ils vont être consultés, moi, j'ai une suggestion à leur faire: qu'ils ne dépensent pas d'argent sur un référendum. Il y a un référendum, ici, qui a été tenu dans la région, 96 % des gens ont dit non. Est-ce qu'un 100 % aurait fait la différence? Je ne pense pas.

Alors, that's the message I wanted to give to the citizens living on the island of Montréal: that, while this Bill doesn't seem to have a direct effect on them, but it's definitely a precursor to what will happen if this Government, for whatever reason, decides that Montréal cannot continue to exist in terms of the number of municipalities that it has on its territory.

Alors, M. le Président, une dernière fois, j'espère au moins qu'on ne continue d'aucune façon dans le ridicule et que la ministre responsable de ce projet de loi ne nous arrive pas avec une coquille, n'est-ce pas, un amendement en commission parlementaire pour flusher les traits d'union. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viau. Alors, je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, vous vous rappellerez qu'hier certains de nos collègues ont célébré leurs 15 ans et leurs 10 ans comme députés ici, à l'Assemblée nationale. Cet état de fait nous permet de nous remémorer quelques instants les raisons qui les motivent à vouloir poursuivre leur travail de député, et surtout à prendre acte que, s'ils veulent travailler comme parlementaires et se lever en cette Assemblée nationale, c'est parce que nous avons le grand privilège, nous qui sommes ici, au Québec et au Canada, de vivre dans un pays qui est démocratique. Dans notre cas, des citoyens ont pu exercer leur choix entre plusieurs candidats, et nous pouvons, nous aussi, comme parlementaires, voter pour ou contre les propositions gouvernementales. Ça explique pourquoi, aujourd'hui, je vais me prévaloir de cette prérogative, c'est-à-dire vous parler contre le projet de loi n° 81 déposé par la ministre des Affaires municipales.

Je voudrais vous rappeler aussi, M. le Président, qu'il y a des élus municipaux qui, eux aussi, siègent dans des conseils municipaux, qui ont été élus par des hommes et des femmes qui ont fait un choix démocratique. Et, quand on adhère... – parce que, au Québec, à ce que je sache, tout le monde adhère au principe de la démocratie – il faudrait peut-être qu'on se rappelle qu'est-ce que ça veut dire, un exercice démocratique: c'est être respectueux de la volonté et de la liberté de chacun. Ce n'est pas imposer sa volonté, c'est être respectueux de cette volonté-là de chacun.

Vous vous demandez sans doute quel peut bien être le lien entre mon introduction et le projet de loi n° 81. J'y arrive. Le projet de loi n° 81 concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite a été déposé il y a quelques semaines par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, malgré le fait que 96 % des citoyens de deux municipalités se soient fermement et majoritairement – 96 %, là, c'est du monde – objectés par référendum à la fusion de ces municipalités.

La ministre a reproché aux maires leur décision de consulter leur population par voie référendaire. Elle leur a dit: Vous n'aviez pas d'affaire à faire ça. Auraient-ils dû demander la permission à la ministre pour consulter ces citoyens? Non. Il existe, M. le Président – puis je n'ai pas besoin de vous le rappeler – une loi au Québec qui régit les référendums municipaux et qui encadre toute la procédure, du début à la fin. Je pourrais lui rappeler, à cette ministre, de la consulter, cette Loi sur les référendums.

Là où le bât blesse et pour les citoyens et pour le Parti québécois, c'est que le gros bon sens des citoyens n'a pas prévalu dans ce dossier, le gros bon sens des citoyens n'a pas été respecté, et que la ministre va à l'encontre de la décision majoritaire des citoyens. La ministre a décidé d'imposer sa volonté. Le gouvernement du Parti québécois – je ne vois pas pourquoi on est surpris, là – a décidé d'imposer sa volonté. Est-ce qu'on peut m'expliquer, M. le Président, qu'est-ce qui sous-tend cet entêtement à vouloir imposer son point de vue, à vouloir imposer ses décisions, à bafouer la volonté quasi unanime des citoyens et à bafouer, en fin de compte, leurs droits?

Depuis son accession au pouvoir en 1994, le gouvernement du Parti québécois n'a fait que signer des ententes, renier ses signatures, parapher des ententes pour ensuite trouver une raison entièrement justifiée, à ses yeux, de passer à autre chose. Ce gouvernement est passé maître dans l'utilisation des concepts, dans sa capacité de faire croire à la population qu'elle est partie prenante de la décision. Donc, les gens de la région dont on parle doivent comprendre que c'est pour leur bien et que, même s'ils ont voté contre à 96 %, le gouvernement, par la voix de la ministre des Affaires municipales, arrivera... en tout cas, j'espère que non, mais il arrivera peut-être à convaincre tout le monde que c'était une bonne chose pour la population. Et j'en veux pour preuve ce projet de loi n° 81.

Pour le bénéfice des citoyens et des citoyennes qui nous regardent, qui nous entendent, j'aimerais vous lire le premier paragraphe des notes explicatives de ce projet de loi: «Ce projet de loi prévoit que le ministre des Affaires municipales et de la Métropole transmet à la municipalité de Mont-Tremblant, à la ville de Saint-Jovite, à la municipalité de Lac-Tremblant-Nord et à la paroisse de Saint-Jovite une proposition de regroupement des territoires de ces municipalités – il remet une proposition. Il prévoit que ces municipalités doivent transmettre au ministre, dans le délai que ce dernier fixe, leur avis sur cette proposition.»

Le deuxième paragraphe: «Ce projet permet au gouvernement de décréter, aux conditions qu'il détermine, la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement de ces municipalités et rend applicables certaines dispositions de la Loi sur l'organisation territoriale municipale.»

M. le Président, je suis contente de vous voir dans le siège, parce que vous allez très bien comprendre de quoi je parle. Lorsqu'on lit le premier paragraphe, l'impression qui est laissée aux citoyens, c'est que les maires vont recevoir une proposition, les maires vont l'analyser – évidemment, quand je parle des maires, je parle des élus municipaux, là, je n'exclus personne – ils vont l'accepter ou la rejeter, et ensuite transmettre leur avis à la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Leur avis, ça veut dire leur décision quant à la proposition qui a été soumise par la ministre au conseil municipal.

(16 h 30)

M. le Président, quand on parle de faire une proposition, faire une proposition, là, c'est l'action, le fait d'offrir, de suggérer quelque chose à quelqu'un. Quand on suggère quelque chose à quelqu'un, on ne le fait pas en sachant qu'on va lui imposer notre volonté puis que notre décision est prise d'avance, sinon ça s'appelle, ça, de la frime. Ça ne donne absolument rien de consulter le monde si on n'est pas pour aller avec la décision du conseil.

Maintenant, pour reprendre un autre terme qui est dans le premier paragraphe: le conseil va devoir donner son avis. «Avis», dans le dictionnaire: «Ce que l'on exprime sur un sujet, un jugement, une opinion, estimation». M. le Président, trouvez-vous vraiment, là, que ce n'est pas manquer de respect à l'endroit des élus municipaux, à l'endroit des citoyens et citoyennes qui se sont déplacés pour aller voter contre ce projet de loi? Ne trouvez-vous pas que c'est manquer de respect à l'égard de toutes ces personnes que de leur faire croire que la ministre va prendre leur avis sur la proposition?

Maintenant, dans le deuxième paragraphe: «Ce projet permet au gouvernement de décréter, aux conditions qu'il détermine...» Lorsqu'on cherche la définition: «Ordonner, régler, décider avec autorité». Est-ce qu'il y a quelqu'un ici qui peut nier la définition de ce mot-là? «Ordonner – ici – aux conditions qu'il détermine», je vais vous expliquer ce que ça veut dire. Ça veut dire que le Conseil des ministres, le Conseil exécutif va décider à huis clos les conditions qu'il détermine à la constitution de cette nouvelle municipalité. Les conditions ne seront jamais débattues en cette Chambre, les conditions ne seront jamais débattues entre parlementaires, ça sera débattu au Cabinet, au Conseil des ministres. Ce qui veut dire qu'on n'aura jamais notre mot à dire, que les élus municipaux des municipalités et les citoyens qui sont contre cette fusion n'auront jamais leur mot à dire, et ce qui veut dire, en bout de piste, que la ministre va faire à sa tête.

Son idée est faite, M. le Président. J'espère que tout le monde a compris ça, là, son idée est faite. Ses propos en Chambre, d'ailleurs, le prouvent, le démontrent. Il y aura une fusion forcée pour ces quatre municipalités, c'est écrit dans le ciel et dans le missel péquiste.

J'aimerais maintenant, M. le Président, vous rappeler les articles 1 et 2 de ce projet de loi.

«Le Parlement du Québec décrète ce qui suit:

«Le ministre des Affaires municipales et de la Métropole transmet, par lettre recommandée ou certifiée, au maire et au secrétaire-trésorier ou au greffier de la municipalité de Mont-Tremblant, de la ville de Saint-Jovite, de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la paroisse de Saint-Jovite une proposition de regroupement des territoires de ces municipalités. Le maire et le secrétaire-trésorier ou le greffier sont tenus d'en saisir le conseil à la première séance ordinaire que tient celui-ci après leur réception.

«L'article 86 de la Loi sur l'organisation territoriale [...] s'applique à cette proposition, compte tenu des adaptations nécessaires.

«Le plus tôt possible après que le ministre l'a requis, le greffier de la ville de Saint-Jovite publie dans un journal diffusé sur les territoires des municipalités visées au premier alinéa la proposition de regroupement.»

Article 2: «Les municipalités visées à l'article 1 doivent, avant l'expiration du délai fixé par le ministre des Affaires municipales et de la Métropole, lui transmettre leur avis sur la proposition de regroupement.»

Article 3: «Le gouvernement peut, aux conditions qu'il détermine – on ne les connaît pas, ces conditions-là – sur recommandation du ministre, décréter la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement des municipalités...»

J'espère qu'il n'y a personne en cette Chambre, qu'il n'y a personne qui nous écoute, là, qui a un doute dans son esprit que cette municipalité-là va se créer envers et contre la volonté des citoyens.

M. le Président, je connais votre passé municipal et vous connaissez le mien. On a tous les deux le plus grand respect pour les hommes et les femmes qui démocratiquement ont été élus pour gérer le quotidien des citoyens, administrer leur quotidien, leur cadre de vie, leur urbanité, leur sécurité, souvent même une partie de leurs loisirs. J'aimerais, M. le Président, vous rappeler qu'on a ici, à l'Assemblée nationale, des collègues qui ont un passé semblable au nôtre. Le maire de Lac-Tremblant-Nord nous a envoyé une lettre. Je suis persuadée que tout le monde l'a eue, mais j'aimerais m'assurer que le député de Bertrand a reçu cette lettre, que le député de Masson a reçu cette lettre, que le député de Roberval a reçu cette lettre, que le député de Bellechasse a recu cette lettre, que le député d'Abitibi-Est a reçu cette lettre et sans doute, vous aussi, M. le Président, avez reçu cette lettre. Et j'aurais aimé penser que les élus municipaux de ces municipalités aient pu compter sur l'appui des députés dont je viens de parler et sur leur sensibilité dans ce dossier.

Vous vous demanderez peut-être pourquoi j'en ai réquisitionné quelques-uns, je vais vous le dire, et ça en inclut d'autres de mon côté. Nous avons tous un passé en commun, celui d'avoir été maire ou mairesse de nos municipalités ou un élu municipal. Et, à ce titre-là, M. le Président, j'aimerais rappeler que ces gens-là ont quitté la mairie, ça ne fait pas 25 ans, là, ceux que j'ai nommés là, ça ne fait pas plus que cinq ans, d'autres, ça fait à peine un an, ont quitté la mairie pour venir ici, à l'Assemblée nationale, défendre les intérêts de leurs citoyens, de leurs citoyennes. Et, moi, je suis persuadée que les gens qui les ont élus étaient convaincus au moins que, dans ce domaine-là, ces gens-là mettraient leurs culottes – passez-moi l'expression – et défendraient les intérêts des citoyens et des citoyennes qui votent démocratiquement, entre autres contre un référendum, contre une fusion. J'aurais aimé que ces gens-là joignent leurs voix à la nôtre pour dénoncer cette façon de faire du gouvernement et faire profiter cette Assemblée et la ministre des Affaires municipales de leur grande expérience et de leur expertise, parce que je n'ai aucun doute qu'ils en ont, de l'expérience et de l'expertise dans ces domaines-là. La population comptait sur eux pour ramener la ministre à la raison. Je ne donne pas cher du résultat de la négociation en faveur du nouveau pacte fiscal.

Comment peut-on faire confiance à ce gouvernement qui parle de respecter les élus municipaux, de respecter l'autonomie municipale et qui refuse d'entendre les citoyens? Il a la mémoire bien courte, le Parti québécois. Est-ce que quelqu'un ici, devant nous, se rappelle de la fusion de Baie-Comeau–Hauterive? Ça va faire 20 ans, je pense, bientôt. On en parle encore, de la fusion de Baie-Comeau–Hauterive, comment est-ce que ça a été compliqué, ça a été déchirant. Il y a encore des cicatrices, M. le Président, qui sont encore ouvertes. Et on veut imposer à une région dans le nord de Montréal de vivre la même chose plutôt que de prendre le temps de consulter. Parce qu'il n'y en a pas eu, de consultation de la population. Il n'y en a pas eu, ça s'est fait en catimini, ça s'est fait en cachette. On a même obligé le pauvre député de Bertrand à retirer un projet de loi parce que ça pouvait aller à l'encontre finalement de la décision d'imposer une loi massue déposée par la ministre des Affaires municipales. Comment les élus municipaux du Québec peuvent-ils être autrement qu'inquiets et craintifs face à ce gouvernement qui sort constamment une nouvelle carte de son chapeau, de son jeu?

C'est vrai, c'est de notoriété publique, M. le Président, que les municipalités sont les créatures du gouvernement. Je pense que ça n'a jamais été aussi vrai que depuis que la députée d'Hochelaga-Maisonneuve est titulaire du ministère des Affaires municipales. Moi, j'ai souvent entendu dire, dans une autre vie, que le gouvernement, quel qu'il soit, évidemment, pourrait d'un trait de crayon faire disparaître les municipalités. Alors, si cette appréhension-là est vraie, je peux vous dire qu'avec la ministre actuelle on est mieux d'être craintif puis on est mieux d'être sur nos gardes, parce que ça pourrait arriver n'importe quand. Et je vous dirais, il faudrait aussi bien faire le trait de crayon tout de suite, les gens auraient moins l'impression d'être dupés, de perdre leur temps, leur énergie en réunions, en palabres de toutes sortes, en comités, en réunions, en plans de match, en reconfigurations, en reconsolidations. Je vous dis bien honnêtement, on serait peut-être mieux de faire face à la musique tout de suite. Ce projet de loi là, ici, il m'inquiète et il me heurte aussi. Il m'inquiète parce qu'il permet au gouvernement actuel et à sa ministre de faire fi des règles démocratiques que le législateur a données aux citoyens pour s'assurer qu'ils auraient voix au chapitre. Il me heurte comme élue, comme parlementaire et aussi parce que je ne peux renier mon passé comme ex-mairesse de ma municipalité.

(16 h 40)

Si les élus municipaux directement concernés par ce projet de loi ont senti le besoin d'aller en consultation référendaire, c'est très certainement parce qu'ils voulaient prendre le pouls de leur population. C'était leur droit et, je dirais même, leur devoir de le faire, puisqu'il appartient aux citoyens de décider dans quel milieu ils veulent vivre. C'est ça qu'on appelle la souveraineté de la population, et j'aimerais que les gens d'en face s'en rappellent.

Si le gouvernement du Parti québécois avait l'intention de poursuivre dans la même veine que les deux prédécesseurs de la ministre actuelle, il n'avait qu'à faire connaître son jeu pendant la campagne électorale. Évidemment, ça n'a pas été fait. On se rappellera, M. le Président, qu'à la toute veille des élections l'ex-ministre des Affaires municipales et député de Rouyn-Noranda avait déclaré un moratoire sur son projet de fusions municipales. C'était sans doute pour mieux préparer son projet de loi matraque, précurseur de ce qui se prépare dans le cadre du pacte fiscal.

Puis parlons-en donc, du pacte fiscal. Des négociations à huis clos, en vase clos, entre un gouvernement qui a perdu contact avec sa base et des unions qui cherchent par tous les moyens possibles à minimiser les dégâts. En réponse à une question du chef de l'opposition qui le questionnait sur l'entente à conclure avec le monde municipal et une diminution promise de 10 % sur quatre ans du compte de taxes municipales, le premier ministre donnait la garantie qu'une entente sur un nouveau pacte fiscal ne se traduirait pas par une augmentation de taxes, de l'impôt foncier des contribuables. Ça, c'était la main sur le coeur.

On se rappellera que c'est le même premier ministre qui, en mars 1996, au moment d'annoncer les compressions budgétaires, avait promis, encore une fois la main sur le coeur, que les structures y goûteraient mais pas les citoyens, et surtout pas les services. C'est le même négociateur, ça, là. Est-ce que vous pouvez comprendre pourquoi il n'y a pas grand monde qui le croit puis pourquoi il n'y a pas grand monde qui a confiance dans ce gouvernement-là? C'est la même personne qui nous a fait à deux reprises ces mêmes engagements là. Vous auriez confiance, vous, M. le Président, en ce négociateur du pacte fiscal, celui-là même qui a imposé unilatéralement aux municipalités une facture de 350 000 000 $ par année?

Vous y croyez, vous, M. le Président, qu'il n'y en a pas eu, de hausse de taxes? Sur papier, il n'y a pas eu de hausse de taxes, mais j'espère que tout le monde a réalisé qu'il y a des services qui n'ont pas été rendus, qu'il y a des infrastructures qui n'ont pas été réhabilitées, qu'il y a des travaux qui n'ont pas été faits. Puis, quand bien même on se promènerait, de l'autre côté, pour faire croire au monde que c'est un effet nul puis que le pacte qui s'en vient, ça va être nul, ce n'est pas vrai. Et, moi, je pense qu'il en va de la sécurité des citoyens, il en va de la qualité de l'air qu'ils respirent, il en va de la qualité de vie des citoyens, car ce gouvernement-là décide de tenter de faire croire au monde qu'il n'y a pas de problème.

C'est le même monde qui paie, M. le Président. Depuis le début qu'on le dit, il n'y a pas 14 poches dans lesquelles on peut prendre l'argent, il n'y en a pas 14, il y en a une, et c'est à la même personne. Alors, quand on parle du pacte fiscal, quand on parle de hausser la taxe scolaire mais de forcer les municipalités – soit dit en passant – à baisser les taxes municipales, moi, je peux vous dire qu'on ne connaît pas ce que c'est, la réalité régionale et la réalité municipale.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Nous allons poursuivre le débat, et nous cédons la parole à Mme la députée de Bonaventure. Mme la députée.


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Le 14 novembre dernier, un parlementaire, et un personnage important de cette Assemblée, affirmait la chose suivante – et vous me permettrez de le citer – qu'il ne pensait pas le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner: «Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.»

M. le Président, ma collègue de Jean-Talon faisait référence tout à l'heure à certains députés ici, en Chambre, qui ont occupé des postes soit de maire ou de mairesse, ou encore ou de conseiller ou de conseillère municipal. Et j'ai moi-même été mairesse de la municipalité de Maria, une très belle municipalité, d'ailleurs, située dans la Baie-des-Chaleurs, en Gaspésie, que je vous invite à visiter. J'ai été mairesse de la municipalité de Maria pendant trois ans, de 1995 à 1998. Ça a été une expérience extraordinaire.

Notre municipalité, M. le Président, a été ciblée dans le volet I de la politique de consolidation des communautés locales présentée en juin 1996 par l'ex-ministre des Affaires municipales. À ce moment-là, lorsque nous avons appris que la municipalité de Maria était appelée à se regrouper avec la ville de Carleton, les deux conseils municipaux ont été très collaborateurs, se sont prêtés à l'exercice. Il y a un comité conjoint qui a été formé. On a travaillé ensemble pendant près de deux ans, on est allé en processus référendaire, en consultation.

Malheureusement, M. le Président, les gens de Maria ont décidé de dire non à la fusion avec Carleton, alors que les gens de Carleton, eux, étaient plutôt favorables à un mariage avec la municipalité de Maria. Mais, durant tout le processus, M. le Président, les gens, les deux conseils municipaux, les deux maires à l'époque étaient conscients d'une chose, c'est qu'on devait aller jusqu'au bout du processus, effectivement, pour démontrer, pour s'assurer que le regroupement Carleton-Maria allait se traduire par un avantage marqué pour l'ensemble des contribuables.

Mais, M. le Président, vous me permettrez de revenir à mon personnage important et au parlementaire auquel je faisais référence il y a quelques minutes dans mon intervention. Ce même personnage, ce même parlementaire, M. le Président, qui a admis qu'un mariage forcé n'est jamais bon, m'a lui-même servi cet argument, il m'a lui-même servi cet argument alors que j'étais mairesse de la municipalité de Maria. M. le Président, il est allé, en fait, plus loin dans son affirmation en m'assurant que jamais, au grand jamais, son gouvernement n'allait forcer les populations à se fusionner, à se regrouper. Évidemment, M. le Président, en faisant une affirmation de la sorte, le parlementaire en question, notre personnage important, m'a donné sa parole, son engagement formel et solennel, donc que jamais, au grand jamais, son gouvernement n'allait forcer les municipalités à se regrouper ou à se fusionner. Vous vous demandez sûrement, M. le Président, qui est ce parlementaire ou ce personnage important. Bien, c'est nul autre que le premier ministre du Québec, que j'ai eu l'honneur et la chance de rencontrer alors que j'étais mairesse; je l'ai rencontré à Carleton, donc, au printemps 1998. Et c'est le premier ministre, M. le Président, qui m'a effectivement assurée que, advenant le cas où la population de Maria déciderait de ne pas se regrouper, son gouvernement n'allait pas obliger, donc n'allait pas pénaliser et obliger la population à se regrouper.

Évidemment, M. le Président, vous comprendrez qu'à ce moment-là, comme mairesse, j'avais devant moi le premier ministre du Québec, le chef du gouvernement, en qui, évidemment, j'avais une totale confiance, sur la base de l'engagement qu'il m'avait formulé à l'endroit du fait qu'il n'allait pas forcer des populations à se regrouper. Et je dois vous dire, à ce moment-là, M. le Président, que la réponse que m'a servie le premier ministre était empreinte d'une conviction inébranlable. Le premier ministre n'a pas hésité, n'a pas bronché un instant, pas un instant, lorsqu'il m'a livré sa réponse, en m'assurant que la population de Maria ne serait pas pénalisée suite à un refus de se regrouper avec la ville de Carleton. Et les motifs qui ont été invoqués par la population, ces motifs, M. le Président, ils étaient fort louables, ils sont encore aujourd'hui fort louables.

Alors, M. le Président, aujourd'hui, évidemment, lorsque le premier ministre nous donne son engagement, et je le disais hier lorsque je suis intervenue dans le cadre du projet de loi n° 67, sur les clauses orphelin... Le premier ministre a donné son engagement d'éliminer les clauses orphelin. Le premier ministre a donné son engagement personnel que l'usine Gaspésia, en Gaspésie, serait maintenue, serait ouverte, on pourrait maintenir les emplois. Le premier ministre m'a donné son engagement, sa parole que jamais son gouvernement n'allait forcer des populations à se fusionner. Et aujourd'hui, M. le Président, en déposant le projet de loi n° 81, je comprends deux choses: premièrement, c'est que le premier ministre, de toute évidence, n'a pas tenu sa parole, et je me pose des questions, M. le Président, je commence à comprendre que c'est dans l'habitude du premier ministre de s'engager sur un terrain, souvent, qui par la suite lui glisse sous les pieds... Donc, je comprends deux choses: dans un premier temps, le premier ministre n'a pas respecté sa parole et, dans un second temps, il s'est carrément fait dépasser par la ministre des Affaires municipales. Et, dans ce contexte, M. le Président, sur la base de son engagement, je me questionne sur la pertinence de déposer un projet de loi, le projet de loi n° 81, qui vient obliger des municipalités, quatre municipalités en fait, à se regrouper.

(16 h 50)

Évidemment, M. le Président, lorsque le premier ministre s'est engagé auprès de l'ex-mairesse de la municipalité de Maria, je dois vous dire que ça m'a rassurée. Ça m'a rassurée. Cependant, aujourd'hui, M. le Président, la ministre des Ressources... la ministre, excusez, pas des Ressources naturelles mais bien des Affaires municipales, a annoncé que les populations et les municipalités qui avaient été ciblées sur la carte et qui ont décidé de ne pas se regrouper – et je l'ai dit tout à l'heure, pour des motifs fort louables – allaient être pénalisées. Alors, on a annoncé que 50 % de la péréquation des municipalités qui étaient ciblées pour se fusionner qui ne se fusionneraient pas... donc, cette péréquation-là, dans un premier temps, 50 % allait disparaître à compter du 1er janvier 2000. À partir, M. le Président, de 2001, c'est 50 % de l'autre moitié de la péréquation qui va disparaître. Évidemment, M. le Président, c'est une très, très mauvaise nouvelle. Il y a des municipalités pour qui cette subvention, cette péréquation est très importante. En fait, ça peut représenter jusqu'à un montant de 30 % du budget total de la municipalité.

Moi, M. le Président, ce que je retiens de ces mesures coercitives, en fait, que je déplore, soit dit en passant, et que l'ensemble du monde municipal déplore, c'est que, pour des municipalités en région, c'est une décision qui va faire très, très mal, très, très mal. Et, pour la Gaspésie... Je vais vous dire que j'invite la ministre à faire un exercice et un calcul. Sur la base de cette décision de couper dans la péréquation pour les municipalités qui ne veulent pas se fusionner, de combien la ministre va priver la Gaspésie d'aide financière? De combien la ministre va priver la Gaspésie, donc, de deniers importants qui lui permettraient de mieux se développer?

Donc, M. le Président, en allant de l'avant avec une politique coercitive, c'est un peu la politique du bâton et de la carotte, hein, c'est vraiment la politique du bâton et de la carotte qu'a décidé de mettre de l'avant la ministre des Affaires municipales. Évidemment, on prive la région de la Gaspésie et d'autres régions au Québec d'une aide financière d'importance.

Évidemment, M. le Président, et je suis contente que le ministre des Régions soit avec nous cet après-midi. Quand le ministre des Régions vient se promener en Gaspésie ou ailleurs au Québec et qu'il nous fait des beaux discours et qu'il se fait le porte-parole et le défenseur des intérêts des régions, je lui dis qu'il aurait peut-être intérêt à s'asseoir avec la ministre des Affaires municipales, parce que, de toute évidence, dans le contexte actuel, il est en train de s'en faire passer une petite vite, puis pas à peu près, hein!

M. le Président, je ne suis pas certaine qu'au moment où le ministre des Régions s'apprête à déposer sa politique sur la ruralité, je ne suis pas convaincue que cette politique-là aura un terrain qui recevra un accueil favorable, sur la base justement de décisions gouvernementales qui ont des effets pervers pour une région comme la Gaspésie et pour d'autres régions encore au Québec. Alors, évidemment, la piste d'atterrissage du ministre des Régions risque d'être plutôt très glissante.

Donc, M. le Président, je me questionne sur la base du projet de loi qui est déposé cet après-midi. La ministre des Affaires municipales, avec sa fameuse politique du bâton et de la carotte et en imposant des mesures coercitives à des municipalités qu'elle-même, j'imagine, n'hésiterait pas à qualifier de municipalités réfractaires ou dissidentes, donc, la ministre des Affaires municipales, en présentant ce projet de loi n° 81, M. le Président, va encore plus loin. En fait, elle pousse l'arrogance et le mépris à l'endroit du monde municipal encore plus loin.

Et je vais vous dire, M. le Président, comme ex-mairesse, je trouve que c'est un projet de loi qui est carrément scandaleux. C'est scandaleux d'obliger, de forcer des municipalités à se regrouper. On n'a qu'à se mettre dans la peau deux minutes d'un maire, d'une mairesse, d'un conseiller ou d'une conseillère. Et je suis convaincue que ce que je dis en ce moment est certainement reçu par ceux et celles qui ont occupé des postes d'importance comme ceux-là dans leur municipalité. C'est scandaleux, M. le Président, parce que des municipalités comme Mont-Tremblant, comme la ville de Saint-Jovite, comme la municipalité du Lac-Tremblant-Nord ou encore la paroisse de Saint-Jovite viennent carrément se faire organiser par le gouvernement, et ça, je trouve ça inacceptable.

Ma collègue de Jean-Talon soulignait tout à l'heure qu'évidemment les municipalités, au Québec, sont des créatures du gouvernement du Québec. Bien, c'est des créatures, M. le Président, qui trouvent leur origine dans l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, évidemment, qui date de 1867. Mais il me semble que, depuis cette date-là, les municipalités ont évolué, les municipalités se sont développées. Les municipalités vraiment ont fait la démonstration qu'elles étaient évidemment des partenaires de première importance dans le développement du Québec et dans le développement économique, je vous dirais, de l'ensemble du pays. Alors, sur cette base-là, M. le Président, je comprends mal que la ministre pousse son arrogance à ce point d'obliger des municipalités à se regrouper, à se fusionner.

Alors, M. le Président, les maires et les mairesses, aujourd'hui, des villes qui sont concernées par le projet de loi n° 81 doivent être bien malheureux. Et je dois vous dire que les articles ou les notes explicatives, en fait, qu'on retrouve dans le projet de loi témoignent bien évidemment de l'arrogance qu'affiche la ministre des Affaires municipales et de cette volonté, dans le fond, d'organiser le monde municipal.

Je me souviens, M. le Président, d'un discours qu'a prononcé mon collègue du comté d'Outremont lorsque le ministre des Ressources naturelles a déposé son projet de loi sur Hertel–des Cantons. Mon collègue d'Outremont a très bien résumé l'état d'esprit qui anime le gouvernement en qualifiant, dans le fond, l'attitude gouvernementale dans le dossier Hertel–des Cantons, qui pourrait très bien s'adapter à ce projet de loi ci, donc il qualifiait le comportement du gouvernement comme étant un comportement de néopaternalisme d'État. C'est un beau terme scientifique qui sous-tend la chose suivante. C'est que le gouvernement dit aux gens: Écoutez, nous, on sait ce qui est bon pour vous, tellement qu'on va vous organiser. Et, dans les notes explicatives du projet de loi n° 81, c'est exactement l'état d'esprit qui est à la base de ce projet de loi. Lorsqu'on dit que «ce projet permet au gouvernement de décréter, aux conditions qu'il détermine – aux conditions qu'il détermine – la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement de ces municipalités et rend applicables certaines dispositions de la Loi sur l'organisation territoriale municipale», je pense, M. le Président, que c'est là un exemple flagrant évidemment de ce mépris et de cette arrogance affichés à l'endroit du monde municipal par la ministre des Affaires municipales.

Et je vais vous dire que c'est un culot qui ne me surprend pas dans le contexte, parce qu'évidemment on a devant nous un gouvernement qui a été réélu depuis un an, puis, de toute évidence, moi, j'ai l'impression d'avoir un gouvernement qui souffre de vieillissement prématuré. Ça veut dire quoi, ça, un gouvernement qui souffre de vieillissement prématuré? Ça veut dire un gouvernement qui est complètement déconnecté de la réalité – déconnecté de la réalité. Moi, je ne comprends pas qu'un gouvernement qui souhaite faire en sorte que le Québec soit numéro un sur le plan économique, qui souhaite travailler main dans la main avec tous les intervenants sur le terrain, qui ne prêche que par la concertation et par la coopération, nous dépose un projet de loi de cette nature. Et il y a une question fondamentale qui se pose à ce moment-ci: Si la ministre est allée aussi loin que de présenter un projet de loi qui oblige et qui force des municipalités à se regrouper, est-ce qu'on doit comprendre que la ministre des Affaires municipales ouvre la voie à d'autres fusions forcées?

Hier soir, lors de son intervention, mon collègue de Laurier-Dorion nous disait qu'il n'était pas très impressionné par la capacité de gérer de ce gouvernement qu'il qualifiait de «pas très imaginatif», dans le contexte, choisissant les mesures coercitives plutôt que la coopération, ou la collaboration, ou la concertation. Et je vais vous dire, M. le Président, que je partage son avis totalement. Le gouvernement, évidemment, plutôt que d'être paresseux, aurait pu faire un minimum d'efforts. Et, dans ce sens-là, il y a une ville qui a fait une proposition au gouvernement, qui a fait une proposition qu'on pourrait interpréter comme un compromis dans le contexte actuel, plutôt que de se faire imposer la fusion. Et ce gouvernement a littéralement refusé, a envoyé du revers de la main, évidemment, la proposition qui était formulée par la municipalité en question.

M. le Président, évidemment, je dois vous dire que c'est un jour très sombre pour les municipalités qui sont ciblées, dans le contexte actuel. C'est un jour sombre aussi pour l'ensemble des municipalités au Québec. Je me demande quel message envoie la ministre des Affaires municipales au monde municipal, dans le contexte où évidemment elle est en négociations avec les deux unions municipales pour en arriver à conclure un pacte fiscal. Sur le plan de la stratégie, là, j'ai déjà vu mieux. Évidemment que la ministre des Affaires municipales, qui dépose un projet de loi de cette nature et de cette envergure, aujourd'hui hypothèque, à mon sens, les chances du gouvernement de conclure une entente avec les deux unions municipales. Évidemment, on est tous conscients qu'à l'aube du IIIe millénaire notre société est appelée à relever de grands défis. On parle beaucoup de mondialisation, on parle beaucoup de modernité. Mais, dans le contexte actuel, je crois qu'on a l'obligation, et le gouvernement a aussi avant tout l'obligation d'être imaginatif... Pour répondre à ces défis d'avenir qui vont se présenter, je crois qu'on a va devoir sortir des cadres habituels, de nos schèmes de pensée habituels. Et, de toute évidence, la réponse que nous livre la ministre est évidemment une réponse qui est trop facile. La ministre nous dit: Écoutez, il y a trop de municipalités au Québec. Il faut évidemment forcer, il faut inciter des regroupements de municipalités.

(17 heures)

Mais je ne suis pas en train de vous dire aujourd'hui, M. le Président, que je suis contre les fusions de municipalités, au contraire. Au contraire, je pense que les fusions de municipalités peuvent apporter, lorsqu'il y a un avantage marqué, lorsqu'on fait la démonstration évidemment qu'il y a un avantage pour les contribuables, je pense qu'évidemment ça peut être une bonne chose pour assurer l'avenir d'une municipalité ou de plusieurs municipalités. Mais, dans le contexte, on fait face ici à une situation où les municipalités en question, en fait deux sur quatre, ne veulent absolument rien savoir d'une fusion forcée.

Hier, M. le Président, j'entendais le député de Bertrand nous servir... puis qui, soit dit en passant, fait un excellent travail jusqu'ici. Évidemment, il a fait son travail de député pour bien défendre les intérêts des municipalités concernées. Cependant, je vous disais qu'hier soir j'étais un peu surprise de constater à quel point le député de Bertrand avait fait un virage à presque 180°. Alors que lui-même, justement, demandait à son gouvernement de retirer du feuilleton le projet de loi n° 81, il nous a fait une confidence hier ici, en cette Assemblée, en nous disant maintenant que c'était un projet de loi, finalement, qui allait bien servir les municipalités, c'était un projet de loi qui était animé par des grands et beaux principes de concertation.

Je trouve ça décevant, M. le Président, parce que vous savez que, comme parlementaires, comme députés, je pense que le premier rôle qu'on a à assumer, c'est de bien défendre les intérêts des gens qu'on représente. Et ça, tout à l'heure, ma collègue de Jean-Talon l'a bien exprimé elle aussi, qui a été une ancienne mairesse. Alors, M. le Président, je trouve ça décevant qu'on nous serve ce genre d'argument parce que c'est un projet de loi, à mon sens, qui est scandaleux, et je me surprends de voir que le monde municipal ne s'insurge pas davantage face, justement, à un projet de loi de cette nature, parce que je pense qu'il faut s'inquiéter. Le monde municipal devrait s'inquiéter aujourd'hui de voir la ministre déposer un projet de loi de cette nature. Parce que je suis convaincue, M. le Président, que ça sera son autre façon de mener le monde municipal que d'obliger les municipalités à se regrouper et à se fusionner.

Évidemment, M. le Président, on se souvient qu'il n'y a pas si longtemps le gouvernement nous disait: J'ai confiance. J'ai confiance, qu'il nous disait. Aujourd'hui, moi, j'ai perdu la confiance. Le monde municipal a perdu la confiance à l'endroit du gouvernement. Et on l'a vu dans les derniers sondages: la cote de popularité du Parti québécois est en chute libre, littéralement. Et le premier ministre qui nous dit sur les ondes de TVA qu'il souhaiterait se faire aimer. Bien, si je peux lui donner un conseil, il devrait peut-être procéder autrement pour se faire aimer, M. le premier ministre. Puis, s'il veut augmenter sa cote de popularité, il devrait s'y prendre effectivement d'une autre manière.

Alors, M. le Président, aujourd'hui, évidemment, je suis heureuse d'intervenir dans le cadre de ce projet de loi n° 81. Je dois vous dire que c'est un projet de loi qui m'interpelle comme ancienne mairesse. Et notre collègue et député de Hull a fait jusqu'à maintenant un excellent travail. Il est en mesure de rendre compte des arguments qui animent l'opposition et qui justifient notre opposition à un projet de loi comme celui-là.

Alors, évidemment, M. le Président, en terminant, je pourrais vous dire que, lorsque le gouvernement péquiste nous parlera des beaux principes de développement régional, nous parlera des beaux principes de partenariat, nous parlera des beaux principes du respect de la démocratie, dans mes oreilles, ça sonnera faux. Ça sonnera tellement faux que, pour moi, le gouvernement péquiste aura perdu toute sa crédibilité. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Nous allons maintenant céder la parole au député de Saint-Hyacinthe. M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. Je suis très heureux d'avoir la chance de parler sur ce projet de loi parce que ce projet de loi, bien qu'il ne touche que quatre municipalités à un endroit bien précis dans le nord du Québec, dans le beau comté de Labelle, il a quand même une valeur d'exemple pour l'ensemble du Québec. La situation que l'on vit à cet endroit, à Mont-Tremblant, est une situation bien particulière à certains égards, mais bien générale à d'autres points de vue, M. le Président.

Qu'est-ce qui se passe? En fait, on a quatre municipalités: Saint-Jovite, 4 609 habitants; Saint-Jovite paroisse, 1 708 habitants; Mont-Tremblant, 977 habitants, M. le Président; et on a une autre municipalité, celle-là, c'est une des municipalités un peu exceptionnelles au Québec, Lac-Tremblant-Nord – combien d'habitants, M. le Président? – quatre habitants. Et les quatre habitants, vous savez, ils ne demeurent pas là. En fait, c'est leur maison de campagne qu'ils ont, ils disposent de l'ensemble de cet immense territoire pour leur maison de campagne, mais c'est des gens plus ou moins de Saint-Lambert, de Montréal. Alors, quand ils font leurs réunions du conseil municipal, bien, évidemment ils ne vont pas à Lac-Tremblant-Nord, non, ils se réunissent à Montréal, c'est plus pratique. Je ne sais pas si c'est légal, mais ça doit être légal de se réunir en dehors de la municipalité. Mais c'est un peu incongru, M. le Président.

Alors, première chose qui me frappe. Je trouve ça un peu bizarre, là, une municipalité de quatre habitants au pied du mont Tremblant, avec un immense lac d'une grande beauté. Ça me semble bizarre. Je ne vois pas pourquoi ils ne seraient pas, je ne sais pas, avec Mont-Tremblant ou avec la paroisse de Saint-Jovite. Enfin, c'est une chose qui me surprend.

Une autre chose qui me surprend, M. le Président, quand je compare les actifs des différentes municipalités, je me rends compte que la ville de Saint-Jovite, 4 609 habitants, donc à peu près cinq fois plus que Mont-Tremblant, 977 habitants – à peu près cinq fois plus d'habitants – eh bien, leurs actifs sont comparables. C'est à peu près la même chose. Alors, ça me pose des questions, M. le Président. Les populations sont très inégales, comme vous le voyez, les actifs sont à peu près comparables.

Une autre chose qui me surprend un peu, quand je regarde les taxes, les taxes dans la ville de Saint-Jovite et les taxes à Mont-Tremblant, eh bien, je me rends compte que les taxes, à Mont-Tremblant, sont le double. Pas à Mont-Tremblant. C'est-à-dire la moitié, le double à Saint-Jovite de ce qu'elles sont à Mont-Tremblant. Ah bien! Et, quand je regarde ensuite la dette de chacune des municipalités, évidemment la dette de la ville de Saint-Jovite est beaucoup supérieure. Bon. Alors, ça, c'est la situation actuelle.

On sait qu'il s'est produit des choses intéressantes à Mont-Tremblant. Il y a évidemment un investissement important qui s'est fait. Tout ça a commencé en 1940 quand M. Jos Ryan a décidé de développer un centre touristique là. Je dois cette information au discours magnifique qui a été prononcé dans cette même Assemblée hier soir par le député de Labelle, n'est-ce pas, qui est le député de la place et qui connaît bien la situation; il la connaît sous toutes ses coutures. Alors, M. Jos Ryan, c'était donc en 1940.

Qui était au pouvoir en 1940? Est-ce que ça serait les libéraux peut-être? Et c'est là qu'on a démantelé le territoire pour faire une municipalité spéciale pour M. Jos Ryan. Bizarre, hein? Alors, je comprends qu'aujourd'hui les amis de Mont-Tremblant, le petit groupe de Mont-Tremblant, qui regardent à l'intérieur de leur petit cercle d'initiés sont les amis des petits groupes peut-être de libéraux qui ont l'habitude de regarder les choses en petit, n'est-ce pas, autour de soi, regarder un peu sans trop regarder plus loin. Alors, la municipalité a été développée dans ce contexte-là.

Maintenant, arrive une autre vague d'investissements à Mont-Tremblant pour en faire un grand centre touristique international où on va venir de partout dans le monde pratiquer le ski. Bien sûr, de Québec, de Montréal, de New York, de Boston...

Une voix: ...

M. Dion: D'Angleterre aussi, bien que le député de Viau n'aime pas ça et qu'il semble faire les gorges chaudes sur les skis qui glissent sur les nuages pour arriver sur le mont Tremblant, mais, moi, je ne prends pas ça de cette façon-là. C'est tout à fait sérieux. Il y a beaucoup de gens qui viennent de partout dans le monde pratiquer le ski à Mont-Tremblant, à Mont-Sainte-Anne, et ça se développe de plus en plus. Et je vais revenir sur ce point-là un peu plus tard, M. le Président, parce que c'est un point très intéressant et très important.

Donc, investissement massif à Mont-Tremblant, 1 000 000 000 $ et un peu plus, et évidemment ça amène des gens qui viennent s'installer autour pour travailler. Évidemment, bien des gens qui viennent travailler à Mont-Tremblant, bien, ils n'ont pas tous les moyens d'avoir des maisons cossues. Il y a beaucoup de jeunes qui vont travailler là, de jeunes ménages qui s'installent là, comme c'est normal. Mais, comme ils ne peuvent pas s'installer à Mont-Tremblant, parce que c'est des grosses maisons, ça coûte... alors évidemment ils s'installent dans la ville à côté, à Saint-Jovite, avec des gens comme eux, là où sont les écoles, là où sont les services publics. Et puis ils s'installent là.

(17 h 10)

Et puis Saint-Jovite évidemment a développé depuis longtemps des services publics importants, parce que c'était le centre de toute la région, et le développement de ces services publics entraîne évidemment un certain taux de taxes. Comme on l'a vu tout à l'heure, il est le double. Alors, les gens s'installent là, ils paient un peu plus de taxes et ils envoient leurs enfants à l'école, et tout ça. Et, quand ils deviendront un peu plus riches – parce qu'il y en a quelques-uns parmi eux qui vont devenir plus riches avec le temps – quand ils auront le moyen, eh bien, là ils traverseront de l'autre côté, ils iront s'acheter des grosses maisons à Mont-Tremblant et, de toute façon, ils paieront moins de taxes qu'avec leur petite maison à Saint-Jovite. Bizarre de situation. Et ils laisseront ceux qui ont moins de revenus continuer à payer des grosses taxes. C'est ça, la situation réelle, M. le Président, et cette situation-là...

Je disais que Mont-Tremblant et tout ce secteur de Saint-Jovite sont à certains égards différents du reste de la province. Je l'ai montré tout à l'heure en exposant la population et la façon dont ça se développe. Mais maintenant je vais montrer en quel point c'est semblable à ce qui se passe partout au Québec, M. le Président. Partout au Québec, on a quelque chose de semblable. Qu'est-ce qui se passe?

Avec le temps, traditionnellement, avec l'histoire, on a développé des villes, des petites villes qui ont grossi, qui ont été des centres de services gouvernementaux et municipaux à toutes les populations environnantes. On a développé des systèmes d'égout, des systèmes d'aqueduc qu'on n'avait pas dans les villages dans le temps, qu'on n'avait pas dans les rangs non plus. On a développé ça dans les villes. Puis on a développé des parcs, puis on a développé toutes sortes de services, par exemple des services de loisirs, des services culturels. Et puis tout ça a fait que, comme c'est toujours le cas... Généralement, ceux qui sont un peu plus pauvres, qui ont de la misère avec la vie, à un moment donné, ils se réfugient dans la ville où ils sont un peu plus anonymes. Alors, on a développé dans les villes des logements sociaux. Ce qui fait que, dans toutes les villes-centres du Québec, on a généralement des taux de taxes plus élevés parce qu'on a tous ces services-là.

Alors, arrive à un moment donné où se développent les moyens de transport, 1950, 1960, 1970, 1980, où tout le monde a son auto, chacun a son auto, deux autos parfois. Alors, on n'a plus besoin d'être dans la ville pour bénéficier des services de la ville. On peut être un peu plus loin et, avec l'auto, ça ne prend pas plus de temps, on se rend aux services de la ville. Alors, on va bénéficier des piscines, on va bénéficier des centres culturels, on va bénéficier de tout et on n'a pas à payer les taxes de la ville, on paie les taxes de la campagne. On paie la moitié moins de taxes et on bénéficie des services de la ville.

C'est de l'inéquité fiscale, M. le Président, qui est le résultat d'une évolution naturelle mais qu'il faut corriger. Il faut corriger, M. le Président. Ça se produit dans toutes les villes-centres du Québec. Ça se produit, là, à Mont-Tremblant. Il faudra trouver aussi une solution pour l'ensemble des villes-centres du Québec. Et, moi, je pense que les gens raisonnables au Québec vont comprendre qu'il est normal de partager le coût des services dont on bénéficie. Je pense que c'est normal, et les gens raisonnables vont comprendre ça.

Tout à l'heure, j'ai entendu la députée de Bonaventure qui a dit: Mais je me surprends que le monde municipal ne s'insurge pas davantage devant cette situation-là. Mais, ma chère madame, c'est très simple, la raison est très simple, c'est que le monde municipal ne peut quand même pas défendre l'indéfendable, ne peut quand même défendre l'indéfendable, que Mont-Tremblant va se développer comme un champignon tout seul et va bénéficier d'un personnel à sa disposition, disséminé tout autour sur le territoire, sans jamais payer sa part des frais. C'est normal que Mont-Tremblant participe avec la communauté autour à un développement harmonieux. D'ailleurs, Mont-Tremblant va y trouver des avantages.

Qu'est-ce qui se passerait si, mettons, la paroisse de Saint-Jovite, qui est juste au pied de la montagne, décidait de développer, ou le village de Saint-Jovite, un parc industriel juste au pied de la montagne, juste à côté des grosses maisons cossues, ou un parc de recyclage d'autos, par exemple, de pièces automobiles? Pourquoi pas? C'est chez eux. Évidemment, les gens de la montagne qui ont le moyen, ils prendraient des poursuites en dommages, dommages de leur propriété parce que ça dévalue leur propriété. Là, on rentrerait dans une chicane, des procédures judiciaires entre municipalités voisines, au lieu de travailler la main dans la main à un développement commun, harmonieux de toute la communauté.

C'est ça qu'on vise, M. le Président, c'est faire comprendre aux gens qu'ils ont des intérêts communs à travailler ensemble au développement de leur communauté. Et, pour ça, bien il faut accepter de partager certains frais communs d'une façon équitable, sur une base équitable. Pour comprendre ça, il faut regarder un peu plus grand. Il ne faut pas toujours se ratatiner, se regarder le nombril puis protéger ses petites affaires avec un esprit chauvin. Il faut regarder grand, M. le Président, il faut voir loin, il faut voir en avant. Ça ne semble pas être la caractéristique principale de nos amis d'en face parce qu'ils ne semblent pas comprendre ça.

Je reviens à la question de nos amis qui vont venir d'un peu partout dans le monde pour pratiquer le sport à Saint-Jovite, à Mont-Tremblant, n'est-ce pas. Alors, c'est réel, ça. Il y a des gens de partout dans le monde qui vont venir ici, qui vont venir pour pratiquer des sports, qui vont venir faire du ski à Mont-Tremblant, et ça, ça va se produire peut-être beaucoup plus rapidement qu'on ne le pense.

Regardez ce que disait M. le député de Labelle hier soir: «De la même façon, sa clientèle peut aussi être européenne, parce qu'il faut savoir que venir d'Angleterre, par exemple, et faire du ski à Mont-Tremblant, ça vous prend à peine plus de temps que d'aller dans les Alpes, à cause du décalage horaire. Et, lorsque vous arrivez, vous êtes prêts pour le lendemain. Lorsque vous partez, vous faites du ski toute la journée et vous repartez le soir et, le lendemain, vous êtes dans le pays où vous voulez aller en Europe. Il y a un vaste marché, et je pense que c'est très typique de ce qui se passe au Québec, au coeur du continent américain, mais pas si loin du continent européen.» Voilà ce qui est voir grand, M. le Président, et c'est comme ça qu'il faut voir le développement du Québec.

Pensez un peu: le Québec, au nord de l'Amérique du Nord, sur le bord de l'océan Atlantique, une enclave francophone, profondément marqué par l'influence européenne, la culture latine, et avec le tronc commun de la langue française, mais aussi profondément marqué par 250 ans de voisinage, 300 ans de voisinage – et parfois d'un voisinage qu'on a trouvé un peu rapproché, mais enfin c'est un fait – avec la culture anglo-saxonne, ce Québec-là, qui se développe aujourd'hui, qui ouvre ses marchés vers le sud... On a doublé nos exportations vers le sud, M. le Président, et là on est en train de faire des percées considérables vers l'Amérique du Sud, vers Cuba, vers le Mexique, vers le Venezuela, vers le Brésil, et puis on fait des exportations considérables vers l'Europe aussi.

Le Québec est une plaque tournante de l'économie entre la vieille Europe et le nouveau continent américain, et le Québec est en plein centre. Les gens vont venir de plus en plus d'Europe vers l'Amérique latine en passant par le Québec, parce qu'on va être de plus en plus des intermédiaires dans ces échanges internationaux, M. le Président. Et, que les gens arrêtent deux, trois jours en passant pour faire du ski à Mont-Tremblant ou à Mont-Sainte-Anne, ça va devenir le pain quotidien de ces gens.

Mais, pour voir ça, il faut voir grand, il faut voir l'avenir, il faut voir un peuple, au Québec, qui est plein d'énergie, qui est plein d'enthousiasme, qui est plein de jeunesse, qui est plein de projets et qui veut s'appartenir, parce qu'il sait qu'en s'appartenant il va pouvoir développer la richesse du Québec et faire du Québec un des pays les plus prospères et où la convivialité en fera un des pays où la joie de vivre sera la meilleure au monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Nous allons maintenant céder la parole...

M. Cholette: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de règlement, oui.

M. Cholette: En vertu de l'article 213, est-ce que le député serait d'accord à ce que je lui pose une question?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Saint-Hyacinthe, est-ce que vous avez compris l'interpellation? En vertu de 213, est-ce que vous désirez recevoir une question?

M. Dion: M. le Président, on va avoir une commission parlementaire où on va pouvoir faire toutes sortes d'échanges. J'espère qu'on m'y invitera et ça me fera plaisir de discuter avec mes amis de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe.

M. Cholette: On voit la grande ouverture.

Des voix: ...

(17 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît! Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Beauce-Nord. M. le député.


M. Normand Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. M. le Président, je prends la parole aujourd'hui en Chambre pour une raison fort simple: je me dois, en tant que citoyen, de dénoncer les agissements sans scrupule de ce gouvernement. C'est pourquoi j'interviens sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois est sur le point de passer un projet de loi antidémocratique, puisque les contribuables de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord se sont prononcés clairement contre la fusion au cours d'un référendum qui s'est tenu au mois d'août dernier. M. le Président, un référendum fut réalisé en conformité avec la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, et une question claire leur était adressée: Êtes-vous favorables à la fusion de la municipalité de Mont-Tremblant avec la ville de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite? La réponse fut sans équivoque: 96 % des voteurs ont dit non à la fusion.

M. le Président, ma formation politique s'oppose à toute fusion forcée, afin de respecter l'autonomie des municipalités. Avec ce projet de loi, nous sommes bien loin de ce principe. Il est insensé que l'on force des municipalités à fusionner et que l'on ne respecte pas la volonté populaire. Je m'explique mal comment, au Parti québécois, on peut agir ainsi, car, on le sait, des référendums, ils aiment ça, ils n'acceptent pas qu'une majorité simple ne soit pas respectée. J'associerais ces gestes à un vieux dicton qui dit: Faites ce que je dis et non ce que je fais.

Un gouvernement ne peut ignorer toute tentative de dialogue entre les municipalités concernées. La ministre actuelle ne l'entend pas ainsi. Elle pense que le législateur doit intervenir pour forcer les villes à fusionner. C'est à se demander, M. le Président, si, dans le fond, on ne veut pas faire plaisir à quelqu'un. Il ne serait pas surprenant que le président du Conseil du trésor y soit pour quelque chose.

Autre fait surprenant, rappelons qu'en janvier 1998 le ministre des Affaires municipales du temps, M. Trudel, avait clairement édicté que les municipalités en cause n'étaient pas ciblées par les regroupements municipaux. Que peut-il s'être passé en si peu de temps? De plus, le député de Bertrand avait inscrit au feuilleton un projet de loi visant la fusion des quatre municipalités. Il l'a retiré en septembre, connaissant la volonté populaire.

Enfin, M. le Président, le conseil municipal de Mont-Tremblant a présenté le 17 novembre dernier une proposition visant à partager l'assiette fiscale de Mont-Tremblant avec les villes voisines. Cette solution répond entièrement aux objectifs de la ministre, qui soutient vouloir, par cette fusion forcée, rétablir l'équité fiscale. Pourquoi ne souscrit-elle pas à cette proposition?

Je me permets de vous rappeler quelques citations au sein du Parti québécois qui ne font pas l'unanimité sur le projet de loi et qui sont contraires à la vision de la ministre des Affaires municipales.

Premièrement, celle de son collègue de Saint-Jean, du 2 juin 1999: «Bien sûr, des regroupements municipaux, ça ne peut pas se faire par inadvertance, de façon involontaire, ça doit se faire par volonté. Les gens doivent adhérer au projet, ça doit être leur volonté, on doit avoir leur consentement.» Où est la volonté? Où est le consentement, M. le Président?

Une deuxième citation, celle de son collègue d'Iberville, en date du 2 juin 1999, à propos du projet de loi n° 194: «Je tiens à vous assurer que cette fusion ne se fera pas contre la volonté des populations des différentes municipalités. En effet, des référendums sont prévus au projet de loi, et, advenant le rejet par la population de ce projet, la fusion ne sera pas effectuée. Il n'est pas dans notre volonté d'imposer contre sa volonté une fusion dont la population ne voudrait pas.» M. le Président, 96 %, dans le cas présent, ne semble pas être suffisant.

Une troisième citation, celle de son collègue l'actuel ministre des Transports et député de Joliette, en date du 21 novembre 1999: «Je suis contre toute fusion forcée parce qu'elle braque davantage les citoyens entre eux. Je n'appartiens pas au groupe de ceux et celles qui se complaisent à la confrontation.» À quel groupe appartient-il, M. le Président?

Une citation de l'ex-premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, qui, le 3 mai 1997, disait: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner, par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire des affaires avec 200 municipalités plutôt qu'avec 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier en disant que c'est pour le bien du citoyen.» Va-t-on conclure, M. le Président, que la ministre fait passer ses intérêts avant ceux des citoyens?

Et une dernière citation, M. le Président, et qui n'est pas la moindre, celle du premier ministre actuel, le 14 novembre 1999: «Je ne pense pas que les législateurs doivent intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» Pourquoi accepte-t-il, alors, un tel projet de loi?

Comment, M. le Président, après de telles déclarations, peut-on imposer cette fusion? C'est incohérent, c'est inacceptable. Rappelons, M. le Président, que l'entreprise Intrawest s'est livrée à des investissements considérables, par la construction d'infrastructures, dans des équipements récréatifs, d'accueil et commerciaux, et plusieurs centaines de millions de dollars, voire même des milliards de dollars vont être investis. Comment peut-on ne pas tenir compte des propos du président d'Intrawest, M. Michel Aubin? Dans un lettre adressée au président du Conseil du trésor, il dit ceci: «S'il est imposé, le projet de fusion des quatre municipalités pourrait créer beaucoup de turbulence. Il risque d'entraîner des déchirements sociaux et d'installer un climat hautement explosif. Une telle situation pourrait entraîner des délais importants au développement de Tremblant.»

Dans une correspondance du 25 novembre 1999, M. le Président, le maire de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord, M. Ian Rankin, émettait les réserves suivantes: «Est-ce encore possible, dans une société dite libre et démocratique, de faire un choix de vie qui ne corresponde pas à la norme et d'être respecté dans ce choix?» Le maire fait appel à nous, élus de l'Assemblée nationale, afin de faire respecter la volonté des citoyens de Lac-Tremblant-Nord. M. le Président, j'aimerais rappeler au gouvernement que le rôle premier de nous tous ici, à l'Assemblée nationale, c'est de représenter et de défendre les intérêts des citoyens. Ne l'oublions surtout pas.

En résumé, M. le Président, c'est une action unilatérale qui ne tient pas compte des effets néfastes que produirait cette fusion obligatoire sur le développement économique de cette région et qui bafoue les droits légitimes des citoyens. Le plus spécial dans tout cela, c'est que l'on ait choisi Mont-Tremblant pour imposer ce projet de loi. Ce gouvernement, qui ne reconnaît pas un résultat référendaire où les citoyens ont dit non à 96 %, ce même gouvernement a réclamé, à Mont-Tremblant, lors d'un forum sur le fédéralisme, qu'un référendum sur la séparation du Québec soit accepté à 50 % plus un. Et l'on est prêt à bafouer les droits des citoyens, d'une part, et à servir sa cause, d'autre part. Comment s'y comprendre, M. le Président?

Je me joins donc au porte-parole de l'opposition officielle, le député de Hull, ainsi qu'à tous mes collègues pour préserver la liberté de l'individu, la liberté de choix, les conseils municipaux du Québec, et je voterai contre ce projet de loi, M. le Président.

(17 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Beauce-Nord. Nous allons maintenant céder la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Le projet de loi n° 81, comme mon collègue député de Beauce vient de nous l'expliquer, est certainement un des projets qui vont nous faire sans aucune difficulté la démonstration de la façon dont ce gouvernement se comporte dans la gestion des affaires au Québec. En effet, M. le Président, c'est un cas d'école typique que nous retrouvons tout au long de l'administration du gouvernement actuel, depuis qu'il est là, en filigrane, des fois pas en filigrane mais directement. Ce qu'on y retrouve, M. le Président, c'est une façon de gouverner, d'administrer, de voir les choses, de regarder l'avenir avec peu d'imagination, selon toujours les mêmes vieilles recettes, la vieille bonne façon de parler, de se comporter, de décider et de réfléchir, sans recherche de solutions ou de projets innovateurs, sans recherche de solutions qui colleraient plus à la réalité des citoyens, aux besoins qu'ils ont, aux particularismes, aux particularités qu'ils ont ou qu'ils peuvent vivre dans leur région ou dans leur agglomération.

En effet, M. le Président, M. le ministre, président du Conseil du trésor, et j'avais l'occasion de l'écouter hier soir... N'étant pas en cette Chambre, étant retenu à l'extérieur, je l'ai vu sur un poste de télévision, ce qui nous met un peu en relief, différemment de ce qu'on peut voir en cette Chambre où on est très proche les uns des autres et où on peut être parfois un peu distrait par quelque mouvement qu'il peut y avoir en cette Chambre... Lorsqu'on est devant un poste de télévision, on est concentré et on écoute ce qui se dit. Alors, j'ai écouté son discours, hier soir. Il a apporté certains arguments qui, ma foi, pris comme cela, semblaient au départ des arguments tout à fait logiques. Il parlait de mise en commun de services, de partage de financement de certaines infrastructures. Il a parlé d'environnement, même. Il n'y a là rien dans ce qu'il disait qui est différent de ce que, nous, au Parti libéral, nous pensons. Nous pensons, en effet, qu'il est important que, dans l'organisation territoriale québécoise de nos municipalités, eh bien, un certain nombre de principes prévalent, ceci dans le but, bien sûr, de donner une meilleure administration, une meilleure efficacité aux services ou des meilleurs coûts pour les citoyens. Je crois que tout le monde convient que c'est là certainement des avenues ou des objectifs qu'on doit atteindre. Alors, il disait ça, il le disait très bien d'ailleurs, à un point tel que, si je ne m'étais pas laissé éveiller ou je n'avais pas fait attention, connaissant leur façon d'agir, j'aurais pu, moi aussi, me laisser convaincre par lui qu'après tout c'était la bonne solution.

Malheureusement, M. le Président, connaissant le dossier, parce que notre porte-parole le député de Hull a pris la peine de nous en faire rapport, de nous l'expliquer, de nous faire valoir quels étaient les enjeux, quelles étaient les positions de chacun des intervenants, quelles étaient les réactions des citoyens, eh bien, je n'ai pu qu'adhérer à une partie des grands principes qu'il évoquait, et l'autre grande partie, malheureusement, je ne peux pas y adhérer. Je suis certain que mes collègues partagent comme moi la même perception et la même réaction.

Ce qu'il a oublié là-dedans, c'est les citoyens. Le ministre nous arrive, comme ils ont l'habitude dans son gouvernement, avec une structure et il décide, il pense qu'eux connaissent les solutions aux problèmes des gens, et là décide: Ça prend une fusion. On va faire une structure, vous allez voir, on fait une fusion, puis nous autres, là, c'est de même que ça va marcher. D'ailleurs, on n'en fera pas juste à Mont-Tremblant, avec les quatre villages, Saint-Jovite, on va en faire à la grandeur du Québec. Nous autres, là, il y a trop de municipalités, puis ça coûte trop cher, on va fusionner ça et puis vous allez voir, ça va régler le problème.

Une fois qu'ils ont dit ça, ils ont oublié ce dont ils parlent. Ce n'est pas des entités juridiques qui s'appellent des municipalités. Ce sont des gens, des hommes, des femmes, des Québécois qui vivent dans les villages, dans les petites villes, dans les grandes villes, dans les quartiers. C'est de ça dont on parle. Ils oublient que, lorsqu'on est élu à l'Assemblée nationale, ce n'est pas pour mettre en place des structures juridiques ou administratives qui sont déshumanisées ou qui correspondent à des schèmes qu'on retrouve dans les livres, administratifs. On est élu parce qu'on se doit de gérer le plus convenablement possible la vie de nos concitoyens, de faire en sorte qu'ils soient heureux et satisfaits de vivre dans la communauté, dans la collectivité québécoise, dans la province de Québec, dans le pays du Québec, comme nos amis d'en face aiment s'entendre à dire, et aussi bien sûr dans leur ville et dans leur quartier. Ce n'est pas ça qui est leur marque de commerce.

Alors, dans le cas particulier qui nous concerne, qui nous regarde, le cas de ces quatre municipalités de Mont-Tremblant – c'est le meilleur exemple qu'on puisse trouver – 96 % de citoyens de municipalités qui sont concernés, parce que c'est eux qu'on veut fusionner, se prononcent dans un référendum. La question est claire, sans équivoque, reconnue même par les gens du ministère des Affaires municipales, question directe qui n'est pas à deux niveaux d'interprétation – un oui, c'est un oui; un non, c'est un non – eh bien, 96 % des gens disent: Non, nous ne voulons pas nous fusionner.

Une fois que ça a été dit, que ça a été démontré, il serait normal qu'un gouvernement responsable prenne acte de cette volonté des citoyens très, très, très majoritairement exprimée, 96 %, et dise: Voilà, la solution que j'essaie d'amener, la solution que je croyais, moi, comme ministre, celle qui était la plus intéressante pour les citoyens... Parce qu'on parle toujours des citoyens, là. Si on parle de technocratie, de structures, bien là c'est une autre histoire. À ce moment-là, pourquoi laisser faire des référendums? Autant dire aux gens au départ: Il n'y aura pas de référendum, ce n'est pas nécessaire, nous allons vous fusionner parce que, pour nous, technocratiquement parlant, c'est comme ça que ça doit marcher. On organise le Québec sous certaines règles qu'on a, là, bureaucratiques, technocratiques, et ce que vous pensez, ce que vous avez à dire nous importe peu et, pour nous, ce n'est pas quelque chose qui peut influencer d'un côté ou de l'autre nos décisions. C'était mieux de leur dire ça, parce que c'est ça qui est arrivé. C'est ça qui est arrivé. Parce qu'on laisse les gens se prononcer sur un référendum: 96 % – on ne parle pas de 50,4 %, puis de 57 % ou 58 %, là; 96 % – bien, on rejette ça du revers de la main.

Et pourquoi le rejeter du revers de la main? Est-ce qu'il n'y avait pas d'autres solutions? Est-ce qu'aujourd'hui nous ne sommes pas en droit de nous poser la question: Y a-t-il d'autres manières, d'autres solutions, d'autres façons de faire pour arriver à l'objectif qui est sous-jacent à tout cela, celui de favoriser le développement économique du projet Intrawest, de préserver l'environnement, d'assurer une meilleure répartition du coût des infrastructures? Est-ce qu'il n'y a pas d'autres solutions?

On n'a pas cherché. On n'a pas cherché à proposer d'autres avenues. Non. Et pourtant elles existent, les autres avenues. Elles existent parce qu'elles se font dans d'autres régions, elles se font volontairement dans certaines et, dans d'autres, avec des négociations et des discussions qui ont eu lieu et l'incitation bien souvent fiscale ou autre du gouvernement au fur et à mesure des années.

Je ne parlerai pas bien sûr de la fusion forcée Baie-Comeau–Hauterive. On dirait que ces gens-là n'ont pas appris. Souvenez-vous de la fusion forcée de Baie-Comeau–Hauterive, où il y a eu cette fusion forcée qui a fait en sorte que les populations se sont déchirées, les citoyens se sont divisés et l'ensemble de la région a connu une situation qui a été pénible, difficile à vivre pendant de nombreuses années et connaît encore certainement des soubresauts à tout cela. Ils n'ont pas appris.

Alors, le ministre aurait pu dire: C'est très bien, je prends acte du fait qu'il y a 96 % des gens concernés ou d'une partie des gens concernés qui ne sont pas d'accord avec cette manière que j'ai de procéder, je retire mon projet de loi, je retire mon idée de fusion et je vais essayer de trouver d'autres solutions. Ce n'est pas compliqué pour un ministre d'aller s'asseoir avec les gens. Ça se fait régulièrement dans toutes les instances administratives, dans l'entreprise privée, dans les hôpitaux, dans les écoles, dans toutes sortes d'endroits d'activité économique, sociale, internationale. Les gens, lorsque quelque chose ne correspond pas à ce qu'ils désirent, à ce qu'ils pensent être bon pour eux, décident de trouver une autre solution.

L'autre solution, je le disais, avec un peu d'imagination, il n'aurait pas été compliqué de faire en sorte que la ville de Mont-Tremblant participe à un plan de développement régional. Ça n'aurait pas été compliqué. Ça n'aurait pas été compliqué non plus de faire en sorte que la ville de Mont-Tremblant participe avec les autres villes aux alentours à un plan d'aménagement urbain afin de préserver l'environnement. Ce n'est pas compliqué. Il n'aurait pas non plus été impossible à faire qu'ils participent ensemble au financement de projets d'infrastructures communs. Ça n'aurait pas été compliqué.

(17 h 40)

D'ailleurs, les gens de Mont-Tremblant et d'Intrawest ont déjà montré par le passé qu'ils étaient ouverts à ces choses-là. Rappelez-vous, en 1997, à peu près à cette époque-ci, peut-être vers le mois de décembre un peu plus éloigné, là, lorsqu'on présente les projets de loi privés – c'est ça, vers la fin de la session de 1997 – un projet de loi passé, amené ici par la députée de Bertrand, je pense, Mme Papineau, un projet de loi privé qui permettait à la ville de Mont-Tremblant de s'associer avec Intrawest afin de participer au financement de nouvelles infrastructures routières en particulier et d'eau. Enfin, c'était un montant assez important. Et, par ce projet de loi privé, la ville se portait garante des travaux et des investissements qui allaient être faits par Intrawest. Et la députée de Prévost – j'ai dit la députée de Papineau – était la marraine de ce projet de loi là. À l'époque, étant pour mon parti celui qui avait reçu le mandat de clarifier ce projet de loi là, nous avions même offert notre collaboration et nous avons travaillé avec le ministre et président du Conseil du trésor, les gens d'Intrawest et les gens de la municipalité de Mont-Tremblant. Ce qui démontre, hors de tout doute, que les gens sont ouverts, lorsque l'on prend la peine de discuter avec eux, de s'entendre avec eux, à des accommodements, à des nouvelles façons de faire. C'est ce que le gouvernement ne retient pas.

Le gouvernement aurait pu créer une... Il y a différentes choses qu'il aurait pu créer. Il aurait pu créer une communauté urbaine. Bon, ça se peut, ça, ça se fait. La grande région de Montréal, hein, la région de Montréal a créé ça pour mettre en commun le transport en commun, la police, l'assainissement des eaux, l'assainissement de l'air, l'inspection de aliments, certains programmes d'infrastructures, les parcs régionaux. Le plan d'aménagement de la Communauté urbaine est décidé par les villes ensemble. Pourtant, ce sont des villes qui sont indépendantes. Alors, ça veut dire qu'il y a des solutions. Maintenant, si on me dit: Oui, mais c'est en campagne, c'est en région, c'est un peu éloigné les uns des autres, il y a moins de population... On n'est pas obligé d'appeler ça une communauté urbaine, on peut appeler ça une collectivité régionale de Mont-Tremblant – enfin, il y a différentes appellations – et un statut particulier aurait pu être créé, et ça aurait pu servir de laboratoire pour d'autres municipalités et d'autres situations à travers le Québec.

Parce qu'il est vrai qu'on connaît ce genre de situation, ou on va connaître dans les prochaines années d'autres situations comme celle-là à travers le Québec. Et là, encore, on veut recourir à la bonne vieille méthode du ministre – ce n'est pas la sienne, c'est celle de sa collègue la ministre des Affaires municipales; lui, il utilise le véhicule qu'elle lui donne. Eh bien, comme un bon comptable qu'il est, un bon président du Conseil du trésor, on prend les chiffres, les choses, on rentre dedans, puis on ne se pose pas tellement de questions. Et, dans ce cas-là, il aurait dû s'en poser. Eh bien, ça pourrait servir d'exemple pour d'autres situations.

Il y a d'autres régions dans le Québec où des municipalités, trois, quatre, pas 25, puis 10, puis 15, et faire des grands ensembles, mais où des petites municipalités aimeraient peut-être avoir un cadre juridique particulier et pas forcément devenir des villes fusionnées, où chaque conseil municipal pourrait conserver un certain nombre d'activités de sa propre juridiction, celles qui sont plus proches des citoyens. Et ça existe, ça. Parce que, après tout, les citoyens, de quoi ils ont peur bien souvent? Ils ont peur de se retrouver au sein d'un grand ensemble, une construction administrative lourde qui va coûter plus cher avec l'administration, plus cher en fonctionnaires, des nouveaux bâtiments plus éloignés de leurs besoins et de leurs préoccupations. C'est ça, les situations que les gens connaissent.

Moi-même qui suis député de Montréal depuis de nombreuses années, eh bien, je dois vous dire que ce que les citoyens du quartier de Rivière-des-Prairies, qui est assez loin du centre-ville de Montréal, ressentent, ou ressentaient – un peu moins maintenant, le maire Bourque fait des efforts très importants pour être plus proche des citoyens de ce bout de l'île – qu'étant éloignés du centre de décision, qui est à l'hôtel de ville de Montréal qui est à 25, 30 km de là, et 25, 30 km urbains, c'est à peu près comme 100 km ou 75 km de routes en campagne, parce qu'il y a des stops, il y a des lumières, du trafic, enfin il y a plein de choses, alors, c'est loin pour se rendre, eh bien, les gens avaient l'impression qu'ils avaient moins de services, qu'ils étaient moins écoutés, que les fonctionnaires municipaux de la ville de Montréal ne leur donnaient pas ce qu'ils espéraient avoir pour les taxes qu'ils payaient et les besoins qu'ils souhaitaient avoir.

On connaît ça. Et c'est ça peut-être le danger du gigantisme ou le danger de ces grandes restructurations qu'on veut faire et des grands regroupements. Encore plus si on veut les faire de force, parce que, là, on le fait contre la volonté des gens. Alors, déjà les gens vont avoir un sentiment d'aliénation, un sentiment de changements importants dans leurs habitudes, dans leurs relations avec leurs élus, mais en plus de ça ça va se faire contre leur volonté. Donc, il va y avoir une réticence, une réserve qui, d'après moi, ne pourra pas faire autrement que d'empoisonner la vie de la collectivité pendant de nombreuses années.

Alors, le gouvernement a le choix. Il a le choix d'arriver au même résultat que ce qu'il veut faire, sans procéder de cette façon-là et en tenant compte de la volonté des citoyens. Et, pour faire ce choix, ce qu'il devrait faire, c'est retirer son projet de loi puis aller s'asseoir avec les gens. On nous dit que le ministre, dans son comté, est un homme qui est généralement bien en vue, qu'il a une respectabilité auprès des édiles régionaux. Pour y aller quelquefois, je ne peux pas dire que les gens refusent de lui parler ou de s'asseoir avec lui. Ça serait certainement, là, donner une mauvaise information à la Chambre. Donc, il a cette capacité, cette crédibilité, en plus comme président du Conseil du trésor, d'aller s'asseoir avec les gens et de dire: Bon, on fait quoi maintenant, là?

Il va y arriver, à une solution. La ville de Mont-Tremblant a déjà proposé de partager 29 000 000 $ pour financer un certain nombre de partage d'infrastructures. Quand on dit qu'on donne 29 000 000 $, ils ne donnent pas 29 000 000 $ comme ça. On dit qu'il n'y a jamais de taxation sans représentation. C'est la base de la démocratie. Eh bien, ils s'attendent certainement, s'ils étaient prêts à donner 29 000 000 $, à pouvoir siéger sur une instance avec laquelle ils verraient à quoi il sert, ce 29 000 000 $ là. Donc, il y a déjà là une amorce, une ouverture de discussion.

Pourquoi? On a encore le temps, il nous reste trois, quatre semaines, M. le Président, d'ici la fin de la session pour trouver une meilleure solution. Si le gouvernement voulait vraiment agir en fonction de l'intérêt d'Intrawest, l'intérêt du développement économique...

Notre collègue de Saint-Hyacinthe nous parlait de développement économique du Québec, qui est beau, qui est généreux. J'en suis avec lui. On l'est tous. Ce sont des choses qu'on n'a pas besoin de débattre entre nous en cette Chambre, nous y croyons tous. La seule différence que je peux avoir avec lui peut-être, c'est que, de là à dire que pour aller à Cuba les Anglais vont passer par Québec... J'aimerais juste lui mentionner que, quand on va à Miami et qu'on a un peu de temps à perdre à l'aéroport, on se rend compte qu'il y a six vols par jour à destination de la Grande-Bretagne, départ de Miami, il y en a cinq pour l'Allemagne, il y en a deux pour la Russie, il y en a trois pour la France, puis il y en a un paquet d'autres; donc, on se rend compte qu'on n'est pas forcément la porte d'entrée de l'Amérique latine.

Mais ça ne fait rien. Quand même, le connaissant très bien, je sais qu'il a voulu, là, imager certainement quelque chose d'important. C'est qu'en effet le Québec a une situation géographique qui est très favorable pour la venue de gens de l'étranger, et nous devons donc profiter de cet atout-là. D'accord?

Alors, nous, ce que nous demandons au ministre, c'est: Faites donc autre chose, agissez donc en fonction de la volonté des citoyens, du consensus des citoyens. Et ce n'est pas vrai qu'il n'y a pas de consensus. Ça n'existe pas. Ce n'est pas vrai qu'il faut enfoncer dans la gorge des gens les choses qu'ils ne veulent pas qu'on leur enfonce, parce qu'ils vont devoir vivre avec.

Quand, nous, nous ne serons plus là, là, eux, ils seront encore là, dans leur village, dans leur paroisse. Ils porteront encore les traces des décisions que nous avons prises, ils en vivront les effets, des décisions que nous avons prises, qu'elles soient bonnes ou qu'elles ne soient pas bonnes. Alors, essayons donc d'en prendre des bonnes qui correspondent à ce qu'ils veulent, à ce qu'ils espèrent. Et, en ce qui me concerne, moi, en ce qui concerne mes collègues du Parti libéral, celle-là n'est pas une bonne décision. Les fusions forcées ne sont pas des bonnes décisions.

Le gouvernement se doit de convaincre les gens. Il se doit de proposer des projets emballants, des projets qui vont les motiver et qui vont les amener à décider de mettre en commun leurs énergies, leurs ressources, leur imagination, leur bonne volonté. C'est ça que le gouvernement doit amener. On doit bâtir, on ne doit pas forcer. On doit bâtir, parce qu'on le fait pour le futur. On ne le fait pas juste pour passer la fin de cette session-ci puis dire: Voilà, j'ai fait ça puis je me lave les mains. On le fait pour l'avenir. Bien, quand on le fait pour l'avenir, on essaie de le faire en harmonie avec les gens pour lesquels on le fait. Et, vu que ce n'est pas le cas, M. le Président, nous allons bien sûr voter contre ce projet de loi là, c'est évident.

Et je rappellerai au ministre qu'il lui reste encore du temps. Il lui reste encore le temps de retirer son projet de loi. On est vendredi, il peut prendre une semaine, il a le temps de le prendre puis d'aller s'asseoir avec les gens. Je suis certain qu'ils seraient heureux de le rencontrer, puis de discuter, puis de faire des propositions, puis peut-être de revenir dans cette Chambre avec un projet de loi qui, peut-être, s'il était fait en consensus, aurait l'assentiment de tout le monde, servirait d'exemple pour le reste de l'opération de regroupement des municipalités et qui donnerait le message qu'au Québec on ne forcera pas les gens à faire des choses qu'ils ne veulent pas faire, mais qu'on va faire en sorte qu'ils s'entendent et qu'ils mettent en commun, comme je le disais, les ressources, leurs moyens, leurs énergies, leur bonne volonté pour faire en sorte que le Québec soit plus positif, soit plus dynamique et corresponde le plus à une vision d'avenir, celle que nous souhaitons et que les citoyens souhaitent que nous mettions en place pour eux dans le futur. Merci, M. le Président.

(17 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. Alors, avant de céder la parole à un autre intervenant, parce que vraiment il y a beaucoup de gens debout, je tiendrais à vous rappeler qu'en vertu de notre règlement il y a un point très précis qui précise que ne doit être debout que celui qui a la parole. Alors, je vous inviterais, comme il nous reste encore 10 minutes, à maintenir le décorum. Alors, à ce stade-ci, je cède la parole à M. le député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. À mon tour de prendre la parole sur le projet de loi n° 81. Et j'entendais mon collègue le député de LaFontaine s'exprimer, et c'est rempli de bon sens ce qu'il dit. Je souhaiterais beaucoup que le ministre responsable du projet de loi puisse bien comprendre, bien saisir ce que nous sommes en train de dire, parce qu'il y a une réalité derrière ça.

M. le Président, j'aimerais citer l'ancien premier ministre du Québec, M. Parizeau. Nous ne sommes pas souvent en accord avec M. Parizeau, mais je pense qu'il parlait avec beaucoup d'expérience lorsqu'il s'exprimait dans le journal Les Affaires , le 3 mai 1997. Je pense que c'est une citation sûrement que nos collègues d'en face ont entendue. Mais il y a beaucoup de vérité dans ce que disait M. Parizeau dans son entrevue. Je vais le citer. Il disait ceci: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens. Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les justifier – les fusions – en disant que c'est pour le bien du citoyen.» Je pense que M. Parizeau avait raison lorsqu'il faisait cette déclaration.

J'ai vérifié avec un ex-ministre des Affaires municipales qui me disait que, vers la fin des années quatre-vingt, un projet à peu près identique avait été présenté, non pas le projet de loi n° 81, mais un projet de fusion d'ensemble des 1 400 municipalités à travers la province avait été présenté en tentant de vendre les mérites du projet de loi, mais je pense que les fonctionnaires ne comprenaient pas que ce n'est pas dans l'intérêt des citoyens, et je m'explique.

Prenons le cas du maire qui nous a écrit récemment, à l'ensemble des députés, le maire de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord. Sa lettre est datée du 25 novembre 1999. M. le Président, il s'agit d'une municipalité qui a un budget annuel d'à peu près 214 000 $, dont 43 000 $ de ce budget sont versés à la Sûreté du Québec. Il y a sûrement une autre portion dont le maire ne nous parle pas mais qui est versée pour la facture qui a été refilée par le gouvernement il y a quelques années, la fameuse facture de 375 000 000 $.

M. le Président, dans ces petites municipalités là – il y en a à peu près 1 200 à travers la province où il y a moins de 1 000 habitants – quelles sont leurs dépenses? Elles n'ont souvent qu'un seul secrétaire-trésorier comme personnel, qui souvent accomplit la tâche à demi-temps et va offrir ses services dans une autre petite municipalité à demi-temps. Elles ont un maire qui est payé peut-être 1 000 $, elles ont un maximum de six échevins qui sont payés quelques centaines de dollars. Les citoyens ont fait le choix d'être heureux dans cette petite localité, cette petite municipalité; avec le peu de services qu'ils ont, les gens se trouvent heureux de cette façon-là. Ils ont fait le choix d'acheter une propriété ou de prendre en héritage, des fois, la propriété de leurs parents, de s'établir dans cette petite localité là et de payer un compte de taxes qui est peu élevé, avec, bien sûr, les conséquences. Il y a peut-être moins de services, mais c'est leur choix. C'est leur choix, à ces citoyens-là.

Et voici le point central du débat, M. le Président, à mon point de vue, ce que disait le maire de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord: «Est-il encore possible, dans une société libre et démocratique, de faire un choix de vie qui ne corresponde pas à la norme – certainement pas à la norme que souhaite imposer le gouvernement – et d'être respecté dans ce choix?» Or, il semble qu'avec le projet de loi qui s'en vient, annoncé par la ministre des Affaires municipales, la réponse soit non. Et si on se disait que peut-être que c'est pour le bien des citoyens, que peut-être que leur compte de taxes municipales va baisser, qu'ils vont réaliser des économies? Eh bien, non, la preuve n'a jamais été faite. Même dans le rapport de la commission Bédard, qui a fait de nombreux travaux... La conclusion m'a étonné, M. le Président, la conclusion m'a vraiment étonné. Même le rapport Bédard indiquait clairement qu'il n'y avait pas d'économies d'engendrées dans le cadre des fusions. Pire que ça, M. le Président, il risque d'y avoir des augmentations de coût pour les contribuables. Alors, si on ne pose pas des gestes ici, à l'Assemblée nationale, par les projets de loi que nous adoptons, si ces projets de loi là ne sont pas dans les intérêts des citoyens à tous points de vue, pourquoi devrions-nous adopter de tels projets de loi?

M. le Président, il y a eu d'autres déclarations. Ce qui m'étonne et ce qui m'inquiète également, c'est que là il y a une certaine surenchère de la part de certains ministres, du côté gouvernemental, qui voient bien le projet s'en venir, le projet de la ministre des Affaires municipales, et qui sont en train de dire à la ministre: Ne touche pas à ma circonscription électorale, parce que chez nous ça ne passera pas. Ils le savent bien. Ils sont ici pour représenter, somme toute, les intérêts de leurs citoyens, et leurs citoyens leur disent: Nous ne sommes pas intéressés par le projet de fusion. On n'a qu'à prendre les déclarations du ministre des Transports qui disait: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon, ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Le premier ministre du Québec avait une déclaration semblable il y a peu de temps.

M. le Président, les fusions fonctionnent là où il y a une volonté de la part des élus et une volonté également et surtout de la part des citoyens de mettre en commun un certain nombre de choses. Je le vis présentement dans ma circonscription électorale. La ville de Lachine et la ville de Saint-Pierre vont fusionner au 1er janvier de l'an 2000. Le décret de fusion vient d'être adopté par la ministre des Affaires municipales, mercredi de cette semaine. Et je suis très heureux pour les deux villes, très heureux pour les citoyens, parce qu'on pense que nous allons y retrouver des économies, nous pensons que nous allons y retrouver des avantages comme citoyens, parce que je suis également un citoyen de la ville de Lachine. Bien, tant mieux, M. le Président.

Il y a eu une volonté, des études ont été faites, un rapport a été déposé. Il y a eu, oui, quelques mécontentements de quelques citoyens, mais ce n'est pas généralisé, loin de là. Les gens réagissent très positivement à cette fusion-là. C'est de cette façon-là qu'on devrait procéder, c'est de cette façon-là que le gouvernement libéral a toujours procédé par le passé. Il y a des incitatifs pour qu'il y ait des fusions là où les chiffres démontrent, les études démontrent qu'il va y avoir soit des économies ou soit des mises en commun de services que les citoyens réclament.

Mais, dans le cas présent, ce n'est pas le choix qu'ont fait les villes dont le gouvernement veut forcer la fusion, et ça, c'est vraiment triste, c'est vraiment dommage. Parce que, mis à part le volet démocratique, lorsque 96 % d'une population prend la peine de dire non dans le cadre d'un référendum par rapport à une question claire, moi, je pense qu'on se doit d'écouter la sagesse des gens qui se sont exprimés. C'est leur compte de taxes, hein, c'est leur poche, c'est leur revenu qui va défrayer les services. Ces gens-là ont dit: Nous ne sommes pas intéressés à la fusion de trois autres entités municipales. Vous-mêmes, M. le Président, vous avez été maire d'une ville, vous savez de quoi il s'agit. Vous avez été maire, je pense, de la ville de Shawinigan-Sud. Moi, je m'interroge, je me demande si vous, vous êtes en accord avec des fusions forcées, si vous partagez le point de vue gouvernemental. Parce qu'on l'a vu, d'autres ténors, d'autres ministres du gouvernement sont déjà en train de donner le signal à la ministre des Affaires municipales de ne pas toucher à leur circonscription électorale. Quelle sera la règle, M. le Président? C'est fort inquiétant. Ce sont des gens assez puissants dans le gouvernement, le premier ministre, la ministre des Affaires municipales. Sûrement, dans les coulisses, dans les corridors, d'autres ministres ont dû y voir et dire: Ne venez pas toucher à mon comté, à ma circonscription électorale.

Or, M. le Président, quelle sera la règle? La ministre a déjà commencé à donner une ouverture: ça ne sera pas des fusions partout. Où seront les fusions? Basées sur quoi, sur quelles études, alors que les rapports qui ont été faits ont souvent, par le passé, démontré... Le plus récent rapport, celui de M. Bédard, indique clairement qu'il n'y a pas d'économies. Alors, s'il vous plaît, M. le Président, laissons les citoyens décider de leur avenir dans leur localité. Il s'agit de leurs intérêts, c'est eux qui paient les taxes. Ils ne reçoivent aucune subvention du gouvernement provincial, alors pourquoi le gouvernement provincial vient se mettre le nez dans leurs affaires quand il s'agit de leurs intérêts? Ils sont les mieux placés pour savoir, là, qu'est-ce qui est bon pour eux. Merci, M. le Président.

(18 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette, est-ce que vous avez terminé, complété votre intervention ou si vous désirez vous prévaloir de votre droit de parole de 10 minutes à la reprise des travaux, ce soir, à 20 heures?

M. Ouimet: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors donc, nous suspendons nos travaux à ce soir, 20 heures, et nous ajournons votre droit de parole.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre place. Merci. Alors, l'Assemblée poursuit le débat, ajourné, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député d'Outremont, la parole est à vous.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: Merci, M. le Président. M. le Président, pourrions-nous essayer pour un moment de comprendre ce que sont les vrais enjeux de la loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite?

Ce qui est en cause, M. le Président, dans le cas du projet de loi n° 81, ce n'est pas du tout ce que les gens d'en face essaient de nous faire croire. La version que tentait plutôt d'accréditer le député de Saint-Hyacinthe, que j'écoutais à la télévision – c'est un orateur remarquable, il parle bien, mais je ne suis pas sûr qu'il dise vrai – n'est pas, à mon avis, fiable, authentique et vraie. Le député tentait d'accréditer la version voulant que finalement la loi 81 est là pour contrer les égoïsmes financiers locaux. Mais, M. le Président, ce n'est pas ce dont il s'agit. En effet, les citoyens de Mont-Tremblant ne sont pas des nantis qui refusent de partager leur richesse avec leurs voisins moins riches. Tout au contraire, les citoyens de Mont-Tremblant sont prêts à partager leur richesse avec leurs voisins...

M. Cusano: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Viau, oui.

M. Cusano: ...le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): On a quorum. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Laporte: Donc, je disais que, tout au contraire, les citoyens de Mont-Tremblant sont prêts à partager leur richesse avec leurs voisins, ils ont accepté, conformément au principe du partage fiscal, de mettre à la disposition de leurs voisins, à des fins de développement local, 29 000 000 $ sur une période de 10 ans. Donc, M. le Président, nous ne sommes pas du tout en présence de nantis qui refuseraient obstinément de partager leur richesse avec des gens moins nantis.

Alors, de quoi s'agit-il au juste? Je pense qu'il s'agit d'abord et avant tout d'une manifestation d'un style de gouvernance que j'ai vu à l'oeuvre ailleurs dans l'action de ce gouvernement et que j'ai déjà qualifié de «style de gouvernance paternaliste». D'ailleurs, il faut lire la loi n° 81, M. le Président, pour constater jusqu'à quel point ce style de gouvernance transpire.

La loi dit que le ministre des Affaires municipales et de la Métropole transmet, par lettre recommandée ou certifiée, aux maires de ces municipalités une proposition de regroupement des territoires de ces municipalités.

L'article 2 nous dit: «Les municipalités visées à l'article 1 doivent, avant l'expiration du délai fixé par le ministre des Affaires municipales et de la Métropole, lui transmettre leur avis sur la proposition de regroupement.»

«Le gouvernement peut, aux conditions qu'il détermine, sur recommandation du ministre, décréter la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement des municipalités visées...»

C'est donc dire que, oui, les citoyens sont consultés, mais cette consultation n'aura certainement pas pour effet de faire revenir le ministre ou le gouvernement sur sa décision.

Le Parti québécois, M. le Président, est l'héritier d'une vieille tradition québécoise autoritaire, condescendante, hiérarchique, pour tout dire, paternaliste, tradition à laquelle ma formation politique n'adhère pas. C'est ça, le libéralisme au sens où on l'entend. C'est contre le paternalisme que s'est développé le libéralisme, et c'est toujours l'enjeu principal de la loi que nous avons maintenant devant nous. Cette fusion forcée, ce regroupement sans le consentement des gouvernés est antilibéral, au sens où nous sommes des adhérents, des tenants du libéralisme.

Peut-être y a-t-il aussi des raisons bassement politiques qui motivent le gouvernement, des affaires d'hostilité à l'endroit de gens qui n'ont pas voté pour son parti, mais je ne veux pas entrer là-dedans, M. le Président.

Une autre raison ou un autre motif qui me paraît résider derrière ce projet, c'est, à mon avis, un goût assez accentué de la centralisation. Parce que, finalement, moins il y aura de municipalités, plus il y aura de fusions, plus il sera facile de contrôler les acteurs municipaux. C'est beaucoup plus compliqué de contrôler des acteurs municipaux en grand nombre que de contrôler un plus petit nombre d'acteurs municipaux.

(20 h 10)

Parce que, je reviens là-dessus, M. le Président, ce n'est pas pour des raisons d'équité fiscale que le gouvernement, comme le prétendait plus tôt le député de Saint-Hyacinthe, a décidé de soumettre ce projet de loi n° 81, puisque, ainsi que je l'ai mentionné plus tôt, la municipalité de Mont-Tremblant est disposée à partager une partie importante des richesses fiscales qui lui viendront de son développement local avec ses besoins. Ce n'est pas non plus parce que la fusion devrait favoriser les économies d'échelle, puisque des études récentes ont montré que les fusions, en général, et certainement pas les fusions forcées, ont pour effet de favoriser ce genre d'économie. Donc, c'est pour des raisons qui sont des raisons politiques et qui ont à voir, à mon avis, avec le style de gouvernance des gens d'en face.

Un autre aspect de ce style que j'ai caractérisé de «paternaliste», c'est, à mon avis, celui qui consiste pour le gouvernement à se faire la main avec ces municipalités. Je l'ai déjà vu, ce style de gouvernement, à l'oeuvre à l'époque où j'avais écrit dans La Presse un article dans lequel je m'opposais à la décision qu'avait prise l'ancien ministre de la Santé et des Services sociaux sur la loi concernant les médicaments, alors qu'il m'était apparu que la façon de procéder du ministre était celle d'un gouvernement qui se voulait un gouvernement casseur. Et, dans ce cas-là, le style casseur était d'autant plus approprié qu'il s'exerçait à l'encontre de populations, les gens âgés, qui étaient des populations, par rapport au gouvernement, dans un rapport de force qui les désavantageait considérablement.

Donc, le gouvernement entreprend une fusion forcée. Il montre les dents, et on peut se demander si l'un des motifs qu'il a de le faire n'est pas celui de préparer le terrain pour d'autres fusions éventuelles. On est en face d'une opération de forcing qui vise à donner aux municipalités un message à l'effet que, indépendamment du consentement des acteurs municipaux, le gouvernement pourra imposer sa solution, dépendamment des circonstances. Et puis aussi, M. le Président, il faut bien admettre que le Parti québécois forme un gouvernement qui a le recours assez facile à la coercition. J'en prendrai pour exemple la loi n° 40, qui visait à ajouter des éléments coercitifs importants à la Charte de la langue française, contre laquelle je me suis battu et contre laquelle mon parti s'est battu. Mais, encore ici, on est en présence d'un gouvernement qui recourt à la coercition légale sans trop de scrupules. Ça aussi, ça fait partie du style de gouvernance que je qualifiais plus tôt de «style de gouvernance paternaliste».

J'entendais plus tôt, M. le Président, le député de Saint-Hyacinthe, qui est un orateur remarquable, déclarer dans cette Chambre qu'il faut voir en avant. Il nous reprochait à nous, les libéraux, d'être contre ce projet parce que nous ne savons pas voir en avant, nous pratiquons le nombrilisme, qu'il nous disait, alors que les gens d'en face, eux, vraiment, ont une vision grandiose de l'avenir, ce qui fait un peu partie d'ailleurs de leur narcissisme, le désir de grandiosité, n'est-ce pas. Et il nous disait justement qu'il fallait voir en avant et que ce projet était un témoignage de la capacité de visionnaire du gouvernement.

À mon avis, M. le Président, peut-être faut-il voir en avant, mais ce qu'on voit en avant à partir de ce projet-là, ce n'est pas du tout ce que le député de Saint-Hyacinthe nous invitait à voir en avant. Ce qu'on voit en avant, c'est donc un gouvernement qui, malgré la volonté des personnes, des citoyens qui sont les mieux nantis en matière de ressources financières, malgré la volonté de ces citoyens de partager ces ressources avec leurs voisins... on est en présence d'un gouvernement qui décide de fusionner malgré le consentement des citoyens. On l'a mentionné tantôt, plus tôt lors des allocutions de mes collègues, 96 % des citoyens de ces municipalités s'opposent à la fusion. Donc, ce qu'on voit en avant, c'est, à mon avis, pas tout à fait ce que le député de Saint-Hyacinthe nous invitait à regarder.

Ce qu'on voit en avant, c'est un gouvernement qui agit non pas dans l'intérêt d'une amélioration, d'un renforcement de la qualité de vie démocratique, qui agit dans le respect de la volonté exprimée par les citoyens locaux, mais qui, pour les raisons que j'ai mentionnées plus haut – et il y en a probablement d'autres aussi – entreprend une opération qui est une opération qui vise... qui est une opération de style paternaliste, parce que le paternalisme, on sait ce que c'est, c'est la façon de gouverner qui consiste à dire aux citoyens qu'on gouverne, c'est-à-dire aux gouvernés, que, finalement: vous êtes des enfants, nous connaissons mieux que vous-mêmes ce qu'est votre bien et, par conséquent, nous sommes mieux habilités à prendre une décision dans le sens que nous jugeons le meilleur que vous ne pouvez le faire vous-mêmes. On traite effectivement... Même aujourd'hui, dans nos familles, on ne traite plus les enfants de cette façon-là, parce que nos enfants sont imbus d'une mentalité égalitaire qui les rend rébarbatifs à ce genre de gouvernance. Mais, dans ce cas-ci, c'est bien ce qu'on voit, un gouvernement qui dit: Nous savons mieux que vous ce qu'est votre bien. Et c'est à partir de cette philosophie, de ce raisonnement que ce gouvernement a décidé de forcer le regroupement.

Et je l'ai dit tantôt en mentionnant le projet, c'est presque une mise en demeure que ce projet nous laisse transparaître: «Les municipalités visées à l'article 1 doivent, avant l'expiration du délai fixé par le ministre des Affaires municipales et de la Métropole, lui transmettre leur avis sur la proposition de regroupement.» Et l'article 3 dit: «Le gouvernement peut, aux conditions qu'il détermine – n'est-ce pas – sur recommandation du ministre, décréter la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement des municipalités visées à l'article 1.» C'est vraiment une mise en demeure. On vous met en demeure de vous conformer au diktat gouvernemental, après, évidemment, avoir examiné le contenu des propos ou des évaluations que vous auriez pu faire sur le projet en question, mais ça ne devrait pas changer un iota de la décision qui a été prise. C'est un style de gouvernement qui est celui que j'ai caractérisé plus tôt et qui présume que les citoyens ne sont pas habilités à juger correctement, en fonction de leur intérêt, ce qui est la meilleure décision pour eux. C'est le gouvernement qui décide, au nom de sa capacité de mieux savoir ce qui est le bien des citoyens que les citoyens ne sont en mesure de le savoir eux-mêmes, de procéder à l'encontre de ce que les citoyens souhaitent.

Les gens qui me connaissent, M. le Président, savent bien que je suis un partisan du partage des ressources financières. Je ne suis pas de ceux qui souhaitent favoriser ou renforcer ou maintenir ou cultiver les égoïsmes financiers locaux. J'habite un comté où l'hétérogénéité des conditions de vie est considérable. Et, moi, je verrais d'un très bon oeil, dans mon comté, là où il y a des municipalités, qu'on puisse partager une certaine partie de nos revenus pour améliorer la qualité de vie générale.

D'ailleurs, le député de Saint-Hyacinthe, toujours en vue d'accréditer sa version de la réalité, nous disait que justement ce genre de projet avait pour intention de favoriser le partage, parce que, finalement, comme on a vu se développer les situations au Québec, des gens utilisent, dans les villes-centres, des services pour lesquels ils ne paient pas de taxes, et donc il y a une inégalité fiscale, une iniquité fiscale, et c'est un genre d'iniquité fiscale que ce projet de loi vise à corriger. Mais ce n'est pas le cas.

(20 h 20)

Je le répète. Il y a, de la part des citoyens de Mont-Tremblant, une volonté de partager les ressources fiscales, et une volonté de partager une quantité fort importante de ressources fiscales. Et on aurait pu fort bien arriver à un arrangement négocié, consenti, qui aurait fait que ce partage aurait profité à tout le monde, sans pour autant qu'on ait besoin de recourir à une formule autoritaire.

Donc, ce n'est pas parce qu'on est mû par de bonnes intentions, ce n'est pas parce qu'on pratique la vertu, ce n'est pas parce qu'on défend le bien, ce n'est parce qu'on est les champions de l'équité fiscale que ce projet de loi serait justifié, c'est, tout au contraire, pour les raisons que j'ai mentionnées tantôt. Ce ne sont pas des raisons que je dirais méchantes, ce n'est pas par mauvaise volonté, ce n'est pas par méchanceté qu'on procède de cette façon-là. C'est une façon de procéder qui fait partie du style de gouvernance des gens d'en face.

On l'a vu l'an dernier avec la décision sur Hertel– des Cantons, on était dans une situation fort comparable. Des gens avaient décidé, d'un commun accord, après discussion, après s'être entendus entre eux, qu'une solution leur apparaissait la meilleure, mais le gouvernement a décidé de procéder indépendamment de ce qu'avait pu être la volonté des citoyens en question. C'est un même style de gouvernance qui consiste à casser les décisions locales parce que le gouvernement a la conviction que, dans ces situations où il y a des conflits, où il y a des décisions de partage à faire et où les citoyens sont habilités et consentent à les faire, le gouvernement affirme toujours dans ces situations qu'il sait mieux que les citoyens ce qui est leur bien.

Donc, M. le Président, face à un projet comme celui-là, il est bien évident que notre formation politique ne peut pas adhérer, notre formation politique ne peut pas supporter ce projet, pour les nombreuses raisons que j'ai mentionnées, et c'est la raison pour laquelle, moi, en tant que membre de cette formation politique, et mes collègues, nous allons voter contre.

Et, en terminant, M. le Président, je dirais que, pour les gens qui nous écoutent, il faut tout de même qu'ils comprennent de quoi il s'agit, c'est-à-dire que nous sommes ici en train de... nous ne sommes pas dans un débat, on n'est pas en train de discuter de l'opportunité d'une décision, la décision est déjà prise. Quels que soient les efforts rhétoriques que nous, de l'opposition, pourrions vouloir entreprendre, ça ne donnera strictement rien, puisque la décision est déjà prise et que le gouvernement va s'entêter dans cette décision quels que soient les efforts que l'opposition tentera dans le but de lui faire comprendre le bon sens.

Donc, M. le Président, je termine là-dessus et j'annonce déjà – on le sait, ma foi, mes collègues l'ont répété – que nous allons nous opposer à ce projet parce que nous jugeons que non seulement est-il mauvais, mais qu'il va à l'encontre d'un certain nombre de règles qui sont des règles de la qualité de la démocratie et de la qualité de la vie démocratique, et que ce projet, n'étant aucunement une façon de favoriser cette vie démocratique, tout au contraire, c'est un projet qui vise à diminuer la qualité de cette vie démocratique, et, dans ce sens-là, nous allons nous y opposer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Outremont. Alors, un simple rappel que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Je cède la parole à Mme la porte-parole officielle de l'opposition en matière de dossiers de l'autoroute de l'information et des services gouvernementaux et députée de La Pinière. Mme la députée, je vous écoute attentivement.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je voudrais joindre ma voix à celle de mes collègues qui m'ont précédée et de mon collègue le député de Hull, qui est critique en matière d'affaires municipales, qui, le 17 novembre dernier, a brillamment expliqué la position de l'aile parlementaire libérale dans ce dossier. Il s'agit, M. le Président, d'une intervention sur le projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite, un projet de loi avec une dizaine d'articles, mais combien lourd de conséquences. Lourd de conséquences parce que c'est un projet de loi qui balaie les règles les plus élémentaires de démocratie. Jamais, M. le Président, je n'aurais pensé qu'un projet de loi de cette nature puisse être introduit dans cette Assemblée et que je me lèverais pour intervenir là-dessus.

Alors, que dit le projet de loi? Dans les notes explicatives, on peut lire ceci: «Ce projet de loi prévoit que le ministre des Affaires municipales et de la Métropole transmet à la municipalité de Mont-Tremblant, à la ville de Saint-Jovite, à la municipalité de Lac-Tremblant-Nord et à la paroisse de Saint-Jovite une proposition de regroupement des territoires de ces municipalités.

«Ce projet permet au gouvernement – écoutez bien, M. le Président – de décréter, aux conditions qu'il détermine, la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement de ces municipalités et rend applicables certaines dispositions de la Loi sur l'organisation territoriale municipale.»

M. le Président, c'est un gouvernement qui procède par décret. De façon impérative, il impose sa volonté aux citoyens et aux municipalités au mépris des règles élémentaires de la démocratie.

M. le Président, la position de l'aile parlementaire libérale, c'est de permettre aux municipalités d'avoir plus d'autonomie, plus d'autonomie pour décider par elles-mêmes, pour elles-mêmes des choix qu'elles veulent faire. Les municipalités, M. le Président, c'est un niveau d'administration publique, c'est des élus aussi qui se présentent devant les citoyens et qui gagnent la confiance de la population, quand ils sont élus. Ils sont donc imputables pour les décisions qu'ils prennent. Ce gouvernement refuse de reconnaître la démocratie locale.

La fusion, M. le Président, c'est un processus extrêmement lourd de conséquences. On ne peut pas l'imposer par décret. De notre côté, on est pour les fusions volontaires, dans la mesure où la population est consultée, dans la mesure où la population choisit d'adhérer à ce principe de fusion.

Nous sommes également pour le regroupement des services municipaux. On sait que la population du Québec est supertaxée, et si, M. le Président, il y a des municipalités qui veulent mettre en commun leurs ressources, regrouper leurs services, que ça soit au niveau des services d'épuration des eaux, que ça soit au niveau des services des pompiers, que ça soit au niveau des services administratifs ou au niveau du développement économique local, dans la mesure où c'est une volonté exprimée librement par les populations locales et par les élus locaux, on est pour cela, M. le Président. Mais, ce que la ministre des Affaires municipales et de la Métropole nous présente aujourd'hui, c'est un projet de loi qui va imposer la volonté du gouvernement à la population par décret.

(20 h 30)

M. le Président, j'ai eu l'occasion, lors de la session dernière, d'intervenir sur le projet de loi n° 194, qui a été présenté par mon collègue le député de Saint-Jean. Lui a fait son travail sur le terrain, il a consulté les décideurs de sa région, il a consulté les élus de sa région et il est arrivé avec un consensus, dans le projet de loi n° 194, pour dire: La population, les élus volontairement veulent travailler ensemble sur un projet de fusion. Et je me suis levée de mon siège et j'ai appuyé mon collègue le député de Saint-Jean parce qu'on était d'accord avec le principe, parce qu'on trouvait que la démarche était justifiée et appropriée. Mais le député de Saint-Jean, tout comme moi, députée de La Pinière, mon collègue de Laurier-Dorion, qui était responsable du dossier des Affaires municipales, et d'autres de mes collègues qui ont appuyé le projet de loi n° 194 à l'étude de principe, nous avons tous eu la grande surprise, lorsque le projet de loi n° 194 a été appelé en commission parlementaire, à l'étude article par article.

J'étais là, M. le Président, mon collègue de Saint-Jean aussi était là et il était là de bonne foi pour défendre son projet de loi n° 194. Sauf que le projet de loi n° 194 qui a été présenté en commission parlementaire ne ressemblait pas du tout au projet de loi sur lequel on avait eu une discussion ici, en Chambre, et pour lequel on avait donné notre accord de principe. Tout ce qu'il avait de commun avec ce projet de loi dont on avait adopté le principe, c'est le numéro du projet de loi. Tous les articles, sans exception, dans ce projet de loi ont été soit modifiés, soit complètement rejetés. Le projet de loi du député de Saint-Jean, qui émanait d'un consensus régional, pour lequel l'opposition officielle a donné son appui, est devenu un projet de loi complètement méconnaissable. Et mon collègue le député de Saint-Jean a dû supporter l'odieux de le défendre en commission parlementaire, alors qu'il se faisait littéralement lyncher par ces mêmes partenaires du milieu qui lui ont donné leur confiance.

Et qu'est-ce que la ministre a essayé de faire avec le projet de loi n° 194, version numéro deux, qui a été réécrite entièrement par les services législatifs du ministère des Affaires municipales? Ce qu'elle voulait faire, c'est exactement ce qu'elle est en train de faire avec le projet de loi qui est devant nous, le projet de loi n° 81, c'est-à-dire qu'elle voulait décréter aux populations du Haut-Richelieu sa volonté pour imposer la fusion.

Et qu'est-ce que nous avons dit, nous, autour du projet de loi n° 194, ce pourquoi on a donné notre accord de principe? Un, il faut qu'il y ait un référendum dans toutes les municipalités concernées et il faut qu'il y ait une consultation populaire qui dégage une majorité dans chacune des ces municipalités. Une fois que ce principe a été acquis, la ministre a décidé, elle, qu'elle en faisait autrement, que ça lui prenait la majorité dans trois municipalités seulement, trois municipalités sur cinq, comme si les deux autres municipalités n'avaient pas de voix. Et, nous, en commission parlementaire, on a tout fait pour l'empêcher d'aller dans cette direction. On lui a même proposé de retourner voir ses légistes et de revenir le lendemain, on s'est proposé, M. le Président, pour discuter du projet de loi, mais elle ne voulait rien savoir, elle a torpillé le projet de loi n° 194. Et, aujourd'hui, on se ramasse avec le projet de loi n° 81.

Mon collègue le député de Hull, dans son intervention, avait dit, et je fais miens les propos qu'il a tenus: «Je n'ai jamais cru, en devenant député de l'Assemblée nationale, que j'aurais à me lever en cette Assemblée pour débattre d'un projet de loi qui bafoue les règles élémentaires de démocratie, qui bafoue l'autorité municipale, qui bafoue l'opinion de la population et qui force les fusions des municipalités, alors qu'il s'agit d'une opération antidémocratique.»

Mon intervention vise non seulement à protéger les intérêts des citoyens de Mont-Tremblant, mais sert aussi à demander que l'on protège l'autonomie des municipalités de l'ensemble des citoyens du Québec. À une question claire: Êtes-vous favorable à la fusion de la municipalité de Mont-Tremblant avec la ville de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite? – question claire, M. le Président – 96 % des résidents ont dit non à la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Pourtant, la ministre a passé outre cette volonté populaire et elle tente d'imposer cette fusion à l'ensemble de la population contre son gré.

Dans certaines municipalités de la Rive-Sud, comme celles d'Otterburn Park et de Saint-Hilaire, les citoyens étaient divisés, et ça s'est démontré lors du référendum. Ils ont voté avec une très faible majorité contre la fusion – avec une très faible majorité contre la fusion. Et là, dans le cas de Mont-Tremblant, 96 % de la population a voté contre. Mais, dans le cas de la Rive-Sud, M. le Président, la population a voté avec une majorité relativement mince contre la fusion, et la ministre a décidé de respecter cette volonté. Nous avons là une situation où il y a deux poids, deux mesures.

M. le Président, le conseil municipal de Mont-Tremblant a présenté, le 17 novembre dernier, une proposition visant à partager l'assiette fiscale de Mont-Tremblant avec les villes avoisinantes. Cette solution répond parfaitement aux objectifs de la ministre, qui souhaite rétablir l'équité fiscale entre Mont-Tremblant et les villes voisines. Alors, si la ministre refuse d'accepter cette solution qui répond pourtant aux objectifs de la fusion, c'est que le gouvernement, M. le Président, a d'autres motivations et d'autres raisons de faire cette fusion. Peut-être que c'est le désir de plaire à la compagnie Intrawest qui peut expliquer en partie l'introduction de ce projet de loi n° 81. En effet, plusieurs témoignages indiquent que la fusion permettrait la création d'une commission de développement touristique qui pourrait percevoir des taxes sur un territoire élargi et ainsi financer différentes infrastructures désirées par Intrawest.

Les citoyens impliqués dans cette question, M. le Président, sont, dans une très forte proportion, contre la fusion proposée par le projet de loi n° 81. N'est-ce pas un message clair? Les gouvernements municipaux, les administrations municipales sont à la base de notre système démocratique. Et, en agissant à l'encontre de leurs droits les plus élémentaires, le gouvernement péquiste nuit aux municipalités, qui sont pourtant au coeur du développement du Québec. Demandez donc aux maires ce qu'ils pensent du gouvernement du Québec et comment ils se sentent par rapport à cette façon de faire, M. le Président. On est vraiment consterné, avec la population, de voir les agissements de ce gouvernement.

Et pourtant, même si la ministre veut aller de l'avant avec ce projet de loi et l'imposer par décret, dans son propre caucus, il y a des voix discordantes. Je vous en citerai quelques-unes.

Le ministre des Transports, M. le Président, le ministre Guy Chevrette, a dit ceci: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon. Ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Voilà un député de longue date qui connaît sa région et qui trouve que les fusions forcées, ça mène à la haine et aux chicanes stériles.

(20 h 40)

L'ancien premier ministre du Québec, Jacques Parizeau, lui aussi, s'est exprimé contre les fusions forcées quand il a déclaré, entre autres au journal Les Affaires , et je le cite: «Il y a toujours eu des appétits dans les administrations gouvernementales pour fusionner par commodité pour le gouvernement, pas pour les citoyens.» C'est l'ancien premier ministre, M. le Président, qui parle. «Les gouvernements sont toujours en faveur des fusions. C'est plus commode pour le ministère des Affaires municipales de faire affaire avec 200 municipalités plutôt que 1 400. Il est inutile de chercher à les fusionner en disant que c'est pour le bien des citoyens.» C'est une citation, M. le Président, de Jacques Parizeau dans le journal Les Affaires du 3 mai 1997. Ça, c'était l'ancien premier ministre.

L'actuel premier ministre, M. le Président, il y a à peine deux semaines, a exprimé son désaccord sur les fusions, et je le cite: «Je ne pense pas que le législateur doive intervenir pour forcer les villes à fusionner. Vous savez, un mariage forcé n'est jamais bon.» C'est la parole du premier ministre actuel qui vient s'ajouter à celle de l'ancien premier ministre. Et le premier ministre actuel a fait cette déclaration dans le journal Le Réveil à Jonquière pas plus tard que le 14 novembre dernier.

Le président de la Station Mont-Tremblant a adressé une lettre au ministre responsable de la région qui est également président du Conseil du trésor, dans laquelle il lui dit ceci: «S'il est imposé, le projet de fusion des quatre municipalités pourrait créer beaucoup de turbulence. Il risque d'entraîner des déchirements sociaux et installer un climat hautement explosif. Une telle situation pourrait entraîner des délais importants au développement de Tremblant.» Ça, c'est une lettre qui a été adressée récemment au président du Conseil du trésor.

Je terminerais, M. le Président, avec une citation du député de Bertrand, hein, qui est également l'adjoint parlementaire de la ministre des Affaires municipales, qui est allé aussi loin que de présenter un projet de loi pour la fusion. Et, une fois qu'il a consulté la population, il s'est rendu compte que personne ne voulait de cette fusion. Alors, il a eu le courage de retirer le projet de loi. Permettez-moi de vous lire un extrait d'une lettre qu'il a adressée le 14 septembre dernier au secrétaire général de l'Assemblée nationale, M. Pierre Duchesne, dans laquelle il lui dit: «M. le secrétaire général, le 18 juin 1999, j'ai demandé que soit publié au feuilleton de l'Assemblée nationale un préavis concernant le projet de loi n° 198 précité. Par la présente, je vous demande de retirer ce préavis du feuilleton de l'Assemblée nationale lors de sa prochaine parution.» Signé par Claude Cousineau, député de Bertrand.

Le même Claude Cousineau, M. le Président, a écrit le 13 août dernier à M. Charles Garnier, maire de la paroisse de Saint-Sauveur, et je le cite: «J'ai consulté, cet été, un grand nombre d'intervenants, et en particulier certains membres, des conseillers des municipalités de Piedmont, de Sainte-Anne-du-Lac, pour connaître les positions de chacun dans ce dossier. Contrairement à ce que j'avais pensé, il n'y a eu à peu près pas personne ayant la volonté de procéder à une fusion à quatre. Suite à ces discussions, aux rencontres que j'ai eues en période estivale et aux réflexions concernant ce dossier, j'ai fait retirer du feuilleton le projet de loi.»

Voilà, M. le Président, un député qui a été à l'écoute de ce que les citoyens lui ont dit et qui a décidé de ne pas pousser plus loin ce projet.

J'ai d'autres documents, M. le Président, qui me sont parvenus, mais j'arrêterai ici, le temps est terminé. Je voterai contre ce projet de loi parce qu'il est essentiellement antidémocratique. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. Je cède maintenant la parole, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 81, au vice-président de la commission des transports et de l'environnement, M. le député de l'Acadie. M. le député de l'Acadie, la parole est à vous.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, écoutez, M. le Président, si, ce soir, j'interviens dans le cadre du projet de loi n° 81, ce n'est certainement pas par gaieté de coeur. Je pense, tout comme vous, M. le Président, et tous les collègues de l'Assemblée nationale, que ce soit des deux côtés de la Chambre, qu'on préférerait être ce soir chez nous avec nos familles, un vendredi soir à 20 h 45. Mais on est ici, à Québec, pour débattre du projet de loi n° 81, et on le fera jusqu'à minuit.

Pourquoi, vous pensez, M. le Président, qu'on est ici à débattre de ce projet de loi? C'est que le projet de loi, sachant très bien l'échéance de toute cette discussion... parce que, évidemment, la force de la majorité se fera sentir un jour ou l'autre, à moins que nos collègues d'en face se réveillent. Mais, pourquoi on est ici pour débattre du projet de loi? C'est qu'il y a des questions fondamentales dans ce projet de loi, M. le Président, et l'opposition a clairement indiqué sa position, que nous allons défendre, et puis ses principes, jusqu'à la limite que nous permet le processus législatif. Et, ce soir, on est ici, on va en discuter jusqu'à minuit et on va faire valoir, comme c'est le cas depuis déjà plusieurs jours, les mêmes arguments, en espérant que le gouvernement finira par comprendre.

Alors, c'est dans ce cadre-là, M. le Président, qu'on aborde la discussion du projet de loi n° 81, qui est la Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. De quoi il s'agit essentiellement, M. le Président? Quand on regarde les notes explicatives du projet de loi, on peut y lire que:

«Ce projet de loi prévoit que le ministre des Affaires municipales et de la Métropole transmet à la municipalité de Mont-Tremblant, à la ville de Saint-Jovite, à la municipalité de Lac-Tremblant-Nord et à la paroisse de Saint-Jovite une proposition de regroupement des territoires de ces municipalités. Il prévoit que ces municipalités doivent transmettre au ministre, dans le délai que ce dernier fixe, leur avis sur cette proposition.

«Ce projet permet – aussi – au gouvernement de décréter, aux conditions qu'il détermine, la constitution d'une municipalité locale issue du regroupement de ces municipalités et rend applicables certaines dispositions de la Loi sur l'organisation territoriale municipale.»

Qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? Ça veut dire essentiellement que le gouvernement a décidé de fusionner de force – et il s'en donne les moyens dans cette loi-là – ces quatre municipalités là. Quand le gouvernement, dans les notes explicatives, dit qu'il transmet aux municipalités une proposition et qu'il demande leur avis, il faut quand même, M. le Président, se retenir pour ne pas rire. Une proposition qu'on pourrait qualifier de... qu'on ne peut pas refuser. C'est une proposition... pas réellement pour leur soumettre une proposition, on la leur envoie pour leur dire ce qu'on va faire. Et les avis, on les demande formellement, mais on verra plus tard, dans l'intervention que je fais, qu'il y a eu des avis d'émis par les parties et que le gouvernement n'en a pas tenu compte, aucunement.

Donc, à partir du départ, l'intention du gouvernement est très claire: forcer la fusion de Mont-Tremblant avec ses voisines afin d'imposer, dit-on, le partage de la richesse foncière de Mont-Tremblant, fortement influencée par les investissements récents d'Intrawest. M. le Président, les pressions sont venues de la ville de Saint-Jovite, qui prétend ne pas bénéficier du développement économique qui se fait à Mont-Tremblant et n'avoir que les retombées négatives de ce développement actuellement important au mont Tremblant. Alors, essentiellement, c'est le contexte dans lequel s'est présenté ce projet de loi n° 81.

Alors, forcer les fusions de municipalités, vous savez, c'est un geste important, un geste qui a des conséquences énormes. Ça va affecter des populations qui ont un historique, qui ont des particularités, qui ont développé des villages, des villes, qui ont travaillé au fil des ans et qui demandent aujourd'hui tout simplement à être respectées pour ce qu'elles sont. Le gouvernement n'est pas intéressé à poser un tel geste. Il y a eu, ma collègue y faisait référence tout à l'heure, le député de Bertrand qui a eu quand même des gestes assez intéressants comme député, qui prend à coeur les intérêts de sa région, mais on peut observer quand même à travers ces gestes-là, M. le Président, qu'il y a quand même des reculs, je pense, qui ont été fortement encouragés par peut-être la ministre des Affaires municipales. Mais je veux signaler peut-être deux événements.

(20 h 50)

Le 18 juin 1999, le député de Bertrand présente un projet de loi pour la fusion du village de Saint-Sauveur-des-Monts, de la municipalité de Piedmont, des municipalités de Saint-Anne-des-Lacs et de Saint-Sauveur. Alors, le projet de loi est présenté le 18 juin 1999. Durant l'été, M. le Président, le député s'est promené dans son comté, a discuté avec les gens, a tâté le pouls de la population et, le 13 août, il envoie une lettre au maire de la paroisse de Saint-Sauveur. Je vais vous donner seulement des extraits: «Contrairement à ce que j'avais pensé, il n'y a pas ou à peu près pas de personnes ayant la volonté de procéder à une fusion à quatre. Par contre, la fusion à deux, comme le précise le volet 1 de la Politique de consolidation des communautés locales, paroisse de Saint-Sauveur et village de Saint-Sauveur, reçoit beaucoup d'appuis.» Un peu plus loin dans cette lettre, il informe le maire qu'il a fait retirer du feuilleton le projet de loi et demande aux maires d'envoyer leur demande commune de regroupement avec Saint-Joseph village, et ce, pour faire en sorte d'obtenir les subventions liées à ce regroupement. Ça, c'est un premier événement.

Deuxième événement, le 18 juin 1999 aussi, le même député envoie un projet de loi concernant le regroupement des municipalités dont il est question ici: Saint-Jovite village, Saint-Jovite paroisse, municipalités de Mont-Tremblant et Lac-Tremblant-Nord. Ça, c'est le 18 juin.

Au mois de septembre, M. le Président, le 10 septembre, il demande au secrétaire général de l'Assemblée nationale de retirer du feuilleton le projet de loi qu'il avait envoyé, le projet de loi n° 199, concernant la fusion de Saint-Sauveur-des-Monts et des municipalités environnantes. C'était le 10 septembre. Le 14 septembre, quelques jours après, même lettre au secrétaire général demandant de retirer du feuilleton le projet de fusion, à ce moment-là identifié 198, concernant les municipalités de Mont-Tremblant et les environs.

Pouvez-vous m'expliquer, M. le Président, pourquoi on a écouté la population dans le cas de Saint-Sauveur-des-Monts, de la paroisse de Piedmont, de la paroisse Sainte-Anne-des-Lacs et de Saint-Sauveur, au point où le même député a décidé d'envoyer une lettre demandant de retirer le projet de loi parce que la population n'était pas d'accord? C'était clair, c'était respectueux de l'opinion que les gens avaient émise, et le député s'est comporté comme il devait le faire, retirer le projet de loi. Quant au projet de loi de Mont-Tremblant, il le retire, probablement dans le même esprit, quelques jours plus tard, mais là le déroulement, par la suite, est tout à fait différent. Alors, c'est assez curieux de voir que, dans le cas du projet de loi impliquant Saint-Sauveur et les municipalités avoisinantes, il y a un comportement de la part du gouvernement et, dans le cas de Mont-Tremblant, c'est tout un autre comportement. Ça, c'est le premier point que je voulais signaler.

Le deuxième point, c'est qu'il y a eu un référendum, dans le cas des municipalités dont on parle dans le projet de loi n° 81, un référendum tenu selon la Loi des référendums qui a été votée ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président. Et la réaction qu'on a eue de la part du gouvernement, ça a été de banaliser les résultats, et pas n'importe quels résultats. Le référendum a eu lieu dans deux municipalités, dans Mont-Tremblant et le village de Lac-Tremblant-Nord. 50 % de la population s'est présentée aux urnes pour se prononcer. Dans les deux cas, dans les deux villes, les gens se sont prononcés à 96 % contre la fusion. Est-ce qu'il y a un message qui est plus clair? Je pense que le gouvernement d'en face ne demande pas autant que ça pour procéder au référendum qu'il souhaite avoir l'occasion de faire, et il calcule de façon beaucoup plus serrée pour penser qu'à ce moment-là ça pourrait être acceptable, un référendum à 50 % des voix plus une. Là, ici, c'est 96 % des citoyens qui se sont prononcés contre. Pourquoi on ne les écoute pas ici comme on a écouté, par contre, les gens de Saint-Sauveur et des municipalités avoisinantes qui ont dit: On n'en veut pas? On a retiré le projet de loi, on n'en a plus entendu parler. C'est assez inquiétant, M. le Président.

Quelles sont les justifications qu'on invoque pour forcer cette fusion? Officiellement, M. le Président, on parle d'une question de partage de la richesse. Évidemment, on a un développement très, très impressionnant qui se fait à Mont-Tremblant. Il y a des municipalités autour où le développement est peut-être moins perceptible. Et on parle d'une question d'équité, de partage de la richesse. On parle du développement, du développement régional, qui implique un peu une superficie plus large qu'une seule municipalité. On parle d'une concertation régionale. Et je pense que, là-dessus, on peut être sensible à cette argumentation, qu'on devrait partager les richesses compte tenu que les gens utilisent plus ou moins – on pourrait en discuter – les services des municipalités qui sont autour. Alors, c'est un argument que le gouvernement apporte. L'autre argument qu'on apporte souvent quand on parle de fusion, c'est l'économie. On fait des économies, M. le Président, quand on fusionne, on met des services ensemble. Théoriquement, ça paraît raisonnable.

Mais qu'est-ce que c'est, la réalité, exactement? Il y a eu deux réactions importantes, et je pense qu'il faut y faire écho, c'est les réactions à toute cette démarche-là des gens de Mont-Tremblant. Et je pense ici à un article qui est paru dans les journaux, La Presse , au mois d'août dernier, qui était signé par les conseillers municipaux et le secrétaire-trésorier de Mont-Tremblant. Et on faisait référence, à ce moment-là, à certains mythes qui étaient sensés apporter une justification à cette fusion.

Le premier mythe, on disait: «Mont-Tremblant est un parasite de Saint-Jovite. Et les gens nous disent: Avec nos impôts et nos taxes scolaires, nous payons pourtant pour des services qui sont des services desservis par le biais du gouvernement provincial.» Les gens de Mont-Tremblant aussi paient pour ça, et ça va partout dans la région. «Les employés qui travaillent au Mont-Tremblant louent et achètent des maisons à Saint-Jovite.» Ils ne restent pas au Mont-Tremblant, la plupart des gens, ils restent dans les villages autour. Donc, le développement de Mont-Tremblant bénéficie aussi aux gens qui sont dans les villages environnants. On dit: «Mont-Tremblant n'utilise pas les services municipaux de Saint-Jovite. Nous avons notre propre bibliothèque. Nous gérons notre propre réseau d'égouts et d'aqueduc. Nous assumons notre service d'incendie. Nous payons notre quote-part de la Sûreté du Québec pour les services policiers. Nous avons notre propre organisation de loisirs et de vie communautaire. Nous utilisons également les commerces de Saint-Jovite, et les commerçants de Saint-Jovite ne s'en plaignent pas.»

Le deuxième mythe, M. le Président, auquel on fait référence, c'est de dire que Mont-Tremblant est seule à profiter du développement économique. On dit qu'actuellement la ville de Saint-Jovite est en plein développement justement en réaction ou conséquemment au développement qui se fait à Mont-Tremblant. Alors, l'évaluation, par exemple, de la paroisse a connu une croissance importante au cours des dernières années à Saint-Jovite. Les retombées: 2 400 000 visiteurs rejaillissent sur l'économie du Mont-Tremblant ainsi que sur les ville et paroisse de Saint-Jovite.

Le troisième mythe: Mont-Tremblant veut vivre en vase clos. Ce que les gens nous disent essentiellement: «Le conseil de la municipalité de Mont-Tremblant déplore cette approche caricaturale et déformée de la réalité.» Alors, on nous dit: «Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas être fusionné qu'on ne veut pas travailler en collaboration avec toutes les municipalités environnantes.» Alors, c'est de faire un raisonnement simpliste que de dire: Quand on refuse la fusion, c'est qu'on veut rejeter tout ce qu'il y a autour. Alors, on aura la preuve tout à l'heure, si le temps le permet, que les gens veulent réellement collaborer dans une approche de concertation régionale, M. le Président. «Nous tenons à dire à toute la population de la région qu'il ne faut pas confondre fusion élargie et collaboration régionale. Nous sommes toujours prêts à la concertation régionale et aux initiatives communes.» Ça, ça a été la réaction, M. le Président, de Mont-Tremblant.

(21 heures)

On a eu, hier matin, une lettre du maire de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord, qui réagit aussi dans un dernier effort à la décision que le gouvernement est en train de prendre. Il dit: «Nous croyons – et je cite le maire – impérieux d'analyser toutes les conséquences qui pourraient découler d'une fusion forcée réalisée à la hâte et appuyée par si peu de consultation avec le milieu.» Un peu plus loin, il nous explique, et c'est intéressant de bien saisir ce que le maire nous dit: «Nous avons travaillé avec acharnement pour préserver notre patrimoine naturel, et ce, depuis 1915. L'autonomie actuelle dont nous bénéficions nous permet de remplir ce mandat de façon très satisfaisante. L'harmonie manifeste que nous entretenons avec nos voisines tient à cette autonomie. Aucune considération économique ni même politique ne justifie qu'on nous l'enlève. Nous avons toutes les raisons de croire qu'une fusion forcée avec des municipalités dont les aspirations sont à l'opposé des nôtres ne peut qu'entraîner conflits et irritants de part et d'autre.»

Le maire, dans la même lettre, un peu plus loin, nous dit: «Les citoyens de Lac-Tremblant-Nord se sont prononcés par voie de référendum, le 5 septembre dernier, à 96,5 % en faveur du maintien de leur autonomie. Et, si la voie démocratique n'est pas assez forte, alors nous vous prions de faire tout simplement appel au bon jugement. Il faut respecter le droit à la différence et empêcher que notre joyau soit fondu à des intérêts qui lui feraient perdre toute sa valeur. Pour toutes ces raisons, l'étude du projet de loi n° 81 doit être reportée.»

Enfin, en conclusion, dans sa lettre: «Rien ne justifie une telle fusion forcée comme rien ne justifie que les élus de l'Assemblée nationale agissent avec autant d'empressement. Ce projet ne peut qu'entraîner des retombées négatives tant pour nous que pour nos voisins, en plus de favoriser l'installation d'un climat orageux. De plus, cette loi viendrait créer un précédent qui ouvrirait la porte à d'autres regroupements forcés, contraires à la volonté populaire et aux discours tenus par bon nombre de représentants élus à l'Assemblée nationale.»

M. le Président, deuxième réaction très claire des gens de la municipalité. Et ce qu'il est surprenant de constater dans toute cette problématique, c'est que, il y a à peine quelques mois, quelques années au maximum, le ministre qui occupait les fonctions, à ce moment-là, des affaires municipales avait mis en place un programme de fusion volontaire, avec des incitatifs, qu'on appelait le volet 1 du projet de fusion des municipalités.

Vous vous souvenez, M. le Président, que le ministre des Affaires municipales, à ce moment-là, avait fait une carte des municipalités qui devraient se fusionner et encourageait ces fusions-là, ce avec quoi nous sommes en total accord à la condition que ce soit volontaire. Et, dans ce contexte bien particulier, le ministre avait parlé de la fusion de Saint-Jovite et de Saint-Jovite paroisse, et il n'a jamais été question, dans ce document gouvernemental, de la fusion de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord. Alors, il n'a jamais été question de ça à ce moment-là, et le ministre n'avait pas conclu que cette fusion était souhaitable à ce moment.

Dans le document de référendum qui a été diffusé auprès de la population au moment où la consultation a été faite, à la fin de l'été, début de l'automne, il y avait un extrait où on situait un peu le contexte, et on nous disait: «Rappelons qu'en janvier 1998 le ministre des Affaires municipales de l'époque, M. Trudel, avait clairement indiqué aux conseils municipaux et aux citoyens que Mont-Tremblant ne faisait pas partie des villes, municipalités et paroisses ciblées dans les regroupements municipaux, pour des raisons évidentes, soutenait-il, de vocation, puisque Mont-Tremblant et Saint-Jovite, notamment, n'ont pas le même créneau de développement, l'un étant un centre de villégiature de calibre international et l'autre une ville de services.»

Voulez-vous bien me dire, M. le Président, pourquoi ce même gouvernement, à peine une année après, vient de trouver que tout ça était faux – et pourtant ça vient d'un document officiel du gouvernement – et que maintenant c'est la fusion des quatre municipalités qui doit être réalisée, alors que, là, on nous disait que ce n'était pas souhaitable et on justifiait que ce n'était pas souhaitable par le fait qu'il y avait des vocations très différentes?

Alors, M. le Président, dans ce contexte – vous dites que le temps passe, effectivement – je dois vous dire qu'il y a un manque de respect très évident du gouvernement à l'endroit des citoyens de ces municipalités, à l'endroit des élus de ces municipalités, quand on sait, par exemple, que Mont-Tremblant n'a jamais été consultée avant le dépôt du projet de loi ici, en Chambre. On n'a jamais consulté les autorités municipales, les gens l'ont appris par les journaux. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus méprisant de la part d'un gouvernement à l'endroit des élus qui sont censés être des partenaires, pour ces gens d'en face qui nous parlent de partenariat à la journée longue?

Alors, M. le Président, c'est ça, la réalité, et, dans ce contexte-là, nous sommes, nous du Parti libéral, pour des fusions volontaires, mais certainement pas pour des fusions forcées, comme le fait actuellement le gouvernement. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de...

M. Paquin: ...de répondre à une question brève?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Est-ce que, M. le député de l'Acadie, vous permettrez au député de Saint-Jean de vous poser une brève question en vertu de l'article 213? Alors, M. le député de Saint-Jean, vous avez le droit de lui poser une question. Elle doit être brève, cependant.

M. Paquin: J'ai un exemplaire de la lettre qui a été citée par le député. Elle est adressée par le maire de la municipalité de Lac-Tremblant-Nord.

Ma question, c'est: Est-ce que le député peut m'expliquer pourquoi le papier à entête de cette municipalité a comme adresse: 630, Green, Saint-Lambert, Québec?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député, à la question, une réponse brève.

M. Bordeleau: M. le Président, la lettre que j'ai ici est datée du 25 novembre 1999, de Lac-Tremblant-Nord.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vous devrez regarder vos lettres, tous les deux.

Alors, nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 81, à cette étape-ci, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite. Je vais céder la parole à la porte-parole officielle de l'opposition en matière de revenu et députée de Beauce-Sud. Mme la députée, la parole est à vous.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour sur le projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite.

Ce projet de loi, on l'a dit à plusieurs reprises, bafoue les règles démocratiques. Il bafoue l'autorité municipale, il bafoue l'opinion des gens du Québec et force la fusion des municipalités. Je ne suis pas contre la fusion de municipalités, M. le Président, mais je ne suis pas d'accord lorsque ça, ça se produit à l'encontre de la population, lorsqu'on ne respecte pas la démocratie et, même, si on ne consulte pas les gens avant de la faire.

Alors, c'est ce qu'a fait, M. le Président, la ministre des Affaires municipales. Elle n'a jamais contacté les gens de Mont-Tremblant jusqu'au moment où elle a déposé son propre projet de loi. Le seul temps, à vrai dire, où elle les a rencontrés, c'est lors d'une rencontre privée avec le maire dans le cadre du congrès de l'UMRCQ, qu'on appelle aujourd'hui la Fédération des municipalités du Québec, rencontre de quelques heures où la ministre a expliqué le projet qui était sur la table. Jamais la municipalité n'a reçu une proposition d'étude. Jamais elle n'a reçu une lettre ou un coup de fil disant: Je songe à faire une fusion. Jamais. Les gens de Tremblant l'ont appris, M. le Président, par les journaux. Voilà tout un respect envers nos municipalités, n'est-ce pas, M. le Président?

Vous savez, les municipalités sont au coeur de notre société, de notre développement, au Québec. C'est le palier de gouvernement qui est le plus près du citoyen. C'est à notre conseiller municipal ou encore à notre maire à qui on s'adresse lorsqu'on a un problème, chez nous, lorsqu'on veut que les choses changent. Mais ce que je vois avec ce projet de loi, M. le Président, c'est qu'on ne respecte pas ces gens. On ne respecte pas ce palier de gouvernement.

Bien sûr, la ministre nous dit que les municipalités ne sont que des créatures du gouvernement du Québec, que ça, c'est inscrit dans la Constitution canadienne. Alors, on la ressort, M. le Président, la Constitution canadienne, quand ça fait bien notre affaire. Mais est-ce que ça, ça veut dire qu'on ne doit pas respecter le palier de gouvernement municipal? Est-ce que ça veut dire qu'on ne doit pas respecter ces hommes et ces femmes qui décident de s'impliquer dans la vie communautaire pour servir à un niveau très terre-à-terre, il faut le dire, avec très peu de rémunération et plusieurs heures de travail? Bien, nous, au Parti libéral du Québec, nous respectons ces personnes et, surtout, nous voulons leur faire confiance.

Il faut comprendre, M. le Président, que les municipalités, elles n'ont pas le droit de faire de déficit. Alors, les élus municipaux ont respecté ça; ils n'en ont pas fait, de déficit. Dans leur cas, à eux, ils ne peuvent pas pelleter leurs factures ailleurs comme le fait le gouvernement provincial. Les administrateurs des municipalités sont obligés de livrer des services malgré le fait qu'on les considère comme des créatures, pas comme des partenaires, pas comme des alliés et encore moins comme des gens en qui on peut avoir confiance pour aider au développement du Québec.

(21 h 10)

La fusion de ces quatre villes et municipalités n'est pas souhaitée par tous, M. le Président, on le répète encore. Bien avant que la ministre décide de forcer cette fusion, l'ancien ministre des Affaires municipales, le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, quand il a déposé son programme de regroupement des municipalités, avait seulement identifié la fusion de Saint-Jovite et Saint-Jovite paroisse. Donc, ce ministre avait compris, lui, quel était le meilleur moyen de fusionner les municipalités. Il laissait les gens se parler, se rencontrer. Depuis, il y a eu une centaine de fusions qui ont eu lieu, fusions qui se sont bien déroulées et qui n'ont pas fait de vague au Québec. Ce ministre, M. le Président, n'avait pas inclus Mont-Tremblant et Lac-Tremblant-Nord dans le projet de fusion.

Comment se fait-il que ce n'était pas une bonne chose pour l'ancien ministre et que ça l'est aujourd'hui? Je me le demande.

Qu'a fait la population de Mont-Tremblant et de Lac-Tremblant-Nord pour exprimer au gouvernement son désaccord sur cette fusion? Bien, elles ont fait un référendum, vous savez, M. le Président, ce moyen que le Parti québécois utilise pour consulter la population sur la séparation du Québec. C'est un outil démocratique, il faut le dire, que le conseil municipal de Mont-Tremblant a utilisé de toute bonne foi en espérant que le gouvernement respecterait l'opinion de la majorité des citoyens. Les citoyens de Mont-Tremblant ont fait confiance au gouvernement. Et quel en est le résultat aujourd'hui? Le gouvernement a rejeté ce référendum et veut forcer la fusion. Il en est ainsi aussi pour la municipalité de Lac-Tremblant-Nord.

J'aimerais vous rappeler que ces deux référendums ont eu comme résultat que plus de 96 % des personnes ont rejeté la fusion. Je crois là, moi, que c'est un message clair qu'ont envoyé ces deux municipalités à la ministre des Affaires municipales. Mais que fait la ministre, elle? Eh bien, elle bafoue les résultats en déposant ce projet de loi n° 81.

La question de ce référendum au Mont-Tremblant était pourtant claire. Elle allait ainsi: Êtes-vous favorable à la fusion de la municipalité de Mont-Tremblant avec la ville de Saint-Jovite et la paroisse de Saint-Jovite? Or, comme on peut le constater, elle ne ressemble en rien à la question du dernier référendum au Québec. Elle est claire, elle est simple et elle va directement au but. Je serais curieuse, moi, de savoir quel genre de question le gouvernement aurait posée si c'était lui qui avait eu à faire face à ce référendum.

Je m'imagine facilement le genre de question que la ministre aurait pu concocter et qui aurait pu aussi ressembler à ceci: Acceptez-vous que votre municipalité puisse un jour se fusionner après que le conseil municipal aura négocié avec des promoteurs, qui affirment que leur projet récréotouristique ne nuira pas à votre tranquillité, ni à votre évaluation, ni ne polluera votre droit de vue, un partenariat dans le cadre des discussions sérieuses déjà faites et du brouillon qui en est issu le 10 novembre 1999? Il faut bien sûr savoir, M. le Président, que, si les citoyens répondent oui à cette question, ils ne pourront pas revenir sur leur décision ultérieurement même si, entre-temps, le conseil a modifié les plans, ajouté des hôtels, en un mot: mis le bordel, car, comme chacun le sait, un homard peut entrer librement dans une cage mais évidemment ne peut en ressortir aussi librement.

Encore hier, M. le Président, j'ai reçu une lettre du maire de Lac-Tremblant-Nord, M. Ian Rankin, qui exhortait les élus de l'Assemblée nationale à prendre le temps nécessaire et à reporter l'étude du projet de loi n° 81. Et vous me permettrez de le citer au texte: «Nous croyons impérieux d'analyser toutes les conséquences qui pourraient découler d'une fusion forcée, réalisée à la hâte et appuyée par si peu de consultations avec le milieu.»

Il poursuit en disant: «Malgré les explications et le point de vue fournis par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, Mme Louise Harel, encore aucun aspect soulevé n'a su justifier de façon satisfaisante, voire sensée, l'intégration de notre municipalité à ce projet de fusion. L'objectif d'une refonte des structures municipales est sans doute louable, mais se soumettre à sa volonté correspondrait à remettre à des tiers les clés de notre municipalité, et cela, il n'en est pas question. Nous avons travaillé avec acharnement pour préserver notre patrimoine culturel, et ce, depuis 1915. L'autonomie actuelle dont nous bénéficions nous permet de remplir ce mandat de façon satisfaisante. Aucune considération économique ni même politique ne justifie qu'on nous l'enlève. Nous avons toutes les raisons de croire qu'une fusion forcée avec des municipalités dont les aspirations sont à l'opposé des nôtres ne peut qu'entraîner conflits et irritants de part et d'autre.» Fin de la citation.

M. le Président, M. Rankin pose ici une question qui est très importante: Est-il encore possible, dans une société dite libre et démocratique, de faire un choix de vie qui ne corresponde pas à la norme et d'être respecté dans ce choix? Encore une fois, ce maire, comme bien d'autres, ne se sent pas respecté par ce gouvernement, ne sent pas qu'on l'écoute et qu'on lui fait confiance.

Nous, au Parti libéral du Québec, je le répète, nous croyons que le concept de fusion n'est pas aussi simple que semble le croire le gouvernement du Parti québécois. Il est loin d'être évident que cette solution est toujours la plus efficace. Il n'existe pas de formule mathématique pour déterminer le nombre idéal de citoyens dans une municipalité. Il faut également tenir compte de l'identité des populations locales et du fait que plus le palier est gros, plus il risque d'être indifférent et éloigné des populations.

M. le Président, la municipalité de Lac-Tremblant-Nord est inquiète, elle aussi. Elle se demande pourquoi la ministre des Affaires municipales agit ainsi, si hâtivement, tandis que dans d'autres régions quelques projets de regroupement sont sur la table et qu'aucun d'entre eux ne fonctionne avec les mêmes barèmes. J'aimerais vous rappeler que la petite municipalité de Lac-Tremblant-Nord compte 12 résidents permanents, 208 contribuables. Elle est composée essentiellement de chalets autour d'un lac qui n'ont ni électricité, ni eau, ni téléphone, avec des règles d'urbanisme qui sont parmi les plus sévères au Québec. Il y a en tout trois kilomètres de route au total. Cette municipalité est en soi un havre de paix. Alors, cette municipalité craint que cette fusion ait comme objectif un futur développement récréotouristique.

Je cite encore une fois le maire de Lac-Tremblant-Nord, qui mentionne: «L'argument selon lequel le règlement d'urbanisme de Lac-Tremblant-Nord serait intégré dans la réglementation de la nouvelle ville regroupée ne constitue pas une garantie à notre tranquillité, d'autant que l'interprétation et l'application demeurent jusqu'à maintenant des données non définies, voire hors de notre contrôle.»

Il continue, en disant: «Combien de temps pourrons-nous vivre en paix avant qu'un projet de développement immobilier ou de construction de route vienne cicatriser notre havre de paix? Combien de jours de sursis aurons-nous avant qu'un nouveau règlement matraque soit mis en vigueur, cette fois par le conseil de la ville regroupée. Nous avons la ferme conviction que Lac-Tremblant-Nord est un territoire visé par un futur développement récréotouristique. Si ce n'est pas le cas, pourquoi alors s'obstiner à vouloir inclure notre municipalité dans un regroupement où personne n'y trouve son intérêt, dans un débat qui ne nous concerne pas? Chose certaine, si de telles ambitions voyaient le jour, nous ne ferions pas le poids au conseil de la ville regroupée pour défendre notre point de vue.»

Ils ont raison, M. le Président. Pourquoi le gouvernement ne veut-il pas respecter les résultats de ces référendums? Pourquoi veut-il imposer une loi à des citoyens qui ne sont fautifs de rien que de vouloir bien vivre et de vouloir continuer à vivre dans un havre de paix? Comme je le mentionnais plus haut, le vrai motif de la ministre pour faire cette fusion, c'est de faire plaisir, je crois bien, au président du Conseil du trésor.

Mais tout le monde à l'intérieur du Parti québécois ne semble pas d'accord avec elle concernant cette fusion et les autres. Et c'est ce que disait encore une fois le maire Rankin. Il nous dit: «Cette loi viendrait créer un précédent et ouvrirait la porte à d'autres regroupements forcés contraires à la volonté populaire et au discours tenu par bon nombre de représentants élus à l'Assemblée nationale.»

Cette crainte encore une fois, M. le Président, je la partage, et elle semble aussi être partagée par d'autres députés du gouvernement du côté ministériel. Laissez-moi vous citer quelques noms, M. le Président, de députés du Parti québécois qui ne semblent pas être d'accord avec la ministre. Commençons par le député de Bertrand – qui est l'adjoint parlementaire, en passant, de la ministre des Affaires municipales. Le 18 juin dernier, il a déposé deux projets de loi, le n° 198, qui forçait la fusion de Tremblant telle qu'on la voit aujourd'hui, et le n° 199, qui forçait la fusion de Saint-Sauveur et des villes environnantes. En juin, M. le député de Bertrand part en vacances et profite de l'été pour aller discuter avec les gens, les gens de son milieu, pour connaître l'opinion des maires, dont celui de Saint-Jovite.

(21 h 20)

Alors, vous savez, M. le Président, le député de Bertrand, c'est un gars à l'écoute des citoyens, lui. De retour de ses vacances et suite à ses réflexions, le député de Bertrand décide de faire retirer le projet de loi du feuilleton. Il explique son geste ainsi: «Contrairement à ce que j'avais pensé – et je le cite – il n'y a pas ou à peu près pas de personnes ayant la volonté de procéder à une fusion à quatre. Par contre, la fusion à deux, comme le précise le volet 1 de la Politique de consolidation des municipalités locales, paroisse Saint-Sauveur et village de Saint-Sauveur, reçoit beaucoup d'appuis.

Alors, M. le Président, on revient au volet 1 de l'ancien ministre. Toutefois, le député de Bertrand n'a pas seulement retiré le projet de loi n° 199, il a aussi retiré le projet de loi n° 198, car, si ce n'était pas très bon de faire une fusion à quatre pour Saint-Sauveur, bien ça ne devait pas l'être plus pour Mont-Tremblant. Lui, il a écouté les citoyens, car c'est notre travail, après tout, n'est-ce pas, M. le Président. On ne peut pas en dire autant de la ministre des Affaires municipales, qui s'est donc retrouvée seule dans ce dossier avec son collègue du Conseil du trésor.

Il y a aussi, M. le Président, le député de Saint-Jean qui s'est retrouvé un peu coincé par son parti, malheureusement. Lui qui a un très grand respect de la démocratie, et je peux en témoigner, particulièrement des référendums, il s'est retrouvé dans une situation un petit peu désagréable. Je vous explique.

Dans le projet de loi n° 194, qui compte 18 articles et qui avait pour objectif la fusion de cinq municipalités du Haut-Richelieu, on retrouvait un article qui permettait à chaque municipalité de tenir un référendum pour connaître si, oui ou non, elle voulait faire partie de la fusion. Alors, si la réponse était non, eh bien, elle ne serait pas obligée de se fusionner. Mais, à un certain moment donné, la ministre des Affaires municipales a décidé de mettre son nez dans le projet de loi et elle l'a ainsi modifié: sur les 18 articles en question, bien, il y a eu 18 amendements, 18 modifications apportées par la ministre des Affaires municipales. Alors, le député de Saint-Jean ne s'est pas senti très, très à l'aise avec ce projet de loi, qui est mort au feuilleton le printemps dernier.

M. le Président, maintenant, je vais vous parler d'une autre personne chère au Parti québécois, M. Jacques Parizeau. Lui aussi, il s'est exprimé contre les fusions, et il n'y a pas longtemps, à part ça. Il a écrit dans le journal Les Affaires , à la section Actualité, et je le cite: «Les contribuables n'ont rien à gagner des politiques menant aux fusions forcées. Ils en seraient même pénalisés. Quant aux fameuses économies d'échelle que font miroiter les partisans des fusions, la démonstration reste à faire.» Pour M. Parizeau, les meilleurs moyens de s'assurer que les services soient rendus au moindre coût sont les ententes intermunicipales.

Alors, je vous reparlerai de M. Parizeau un petit peu plus tard, M. le Président, mais pour l'instant j'aimerais vous citer un dernier cas de député qui nous disait encore récemment, soit il y a trois semaines à peine... Et il s'agit ici de l'actuel ministre des Transports, qui a été aussi ministre des Affaires municipales, et je le cite à son tour: «Les fusions forcées, c'est prouvé, ça ne donne rien de bon. Ça ne fait qu'engendrer la haine et les chicanes stériles.» Que rajouter de plus, M. le Président?

Mme la ministre fait souvent mention dans son discours que les fusions vont apporter des économies de taxes. Évidemment, elle ne peut garantir ça parce que, s'il y a une chose, au moins, que le gouvernement n'a pas à décider, c'est le taux de taxes municipales. Ce sont encore les villes qui peuvent décider ça, même une fois fusionnées. Laissez-moi, M. le Président, vous le démontrer par des exemples de villes qui ont fusionné et qui n'ont pas vraiment connu de baisses de taxes. Et ce n'est pas de nous, du Parti libéral du Québec, que viennent ces exemples, mais d'un professeur de l'Université du Québec à Chicoutimi, M. Jacques Desbiens, un expert en matière municipale.

Alors, pour lui, M. le Président, le constat est qu'il n'y a pas d'économies à faire avec les fusions. Il donne un premier exemple avec Laval. Donc, à part ceux de Laval-des-Rapides et de Chomedey, les habitants de toutes les anciennes municipalités ayant formé Laval font face aujourd'hui à un fardeau fiscal plus élevé que celui qu'ils auraient eu, en moyenne, si la fusion n'avait pas été réalisée. Et il a aussi cité le cas de Baie-Comeau.

J'aimerais encore le citer sur sa vision des fusions: «Les fusions ne sont pas toujours rationnelles et elles peuvent se traduire, comme dans bien d'autres domaines, par davantage de bureaucratie, plus de taxes à payer et, au bout du compte, moins de services aux citoyens.»

Est-ce que la ministre est la seule à détenir la vérité dans ce dossier des fusions? Si la ministre ne veut pas croire cet expert, si elle ne veut pas croire les maires, les ex-ministres des Affaires municipales, est-ce qu'elle peut au moins croire les propos d'un ex-sous-ministre adjoint aux Affaires municipales, M. Robert Cournoyer, qui lui aussi est contre les fusions, préférant de loin une meilleure concertation régionale? De plus, il ajoute, et je cite: «Les gens vont s'épuiser à faire le débat sur les fusions, alors que le problème est plutôt d'action.»


Motion de report

En terminant, M. le Président, je crois que ce projet de loi est un peu prématuré. C'est pourquoi, conformément à l'article 240 de notre règlement, je propose la motion suivante:

«Que l'étude du projet de loi n° 81, Loi concernant le regroupement de la Municipalité de Mont-Tremblant, de la Ville de Saint-Jovite, de la Municipalité de Lac-Tremblant-Nord et de la Paroisse de Saint-Jovite, soit reportée de six mois.» Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, votre motion est recevable et, en vertu de l'article 210, je vais suspendre les travaux pour quelques instants, vu que c'est un débat restreint de deux heures, pour rencontrer les deux leaders pour fixer les temps de parole. Alors, je suspends les travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 26)

(Reprise à 21 h 31)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Si vous voulez vous asseoir. Merci.

Alors, suite à une discussion très serrée entre les leaders au salon des drapeaux, est-ce que le vote sur la motion de report est adopté?

M. Boisclair: Sur la motion de report, vote reporté après la période des affaires courantes de mardi.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, le vote est reporté aux affaires courantes, mardi, à l'item Votes reportés. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Je ferais donc motion pour ajourner nos travaux à mardi prochain, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Quels sont les temps de parole?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est 30 minutes: 10 minutes pour la motion, celui qui propose, 10 minutes de votre côté, 10 minutes pour le représentant... puis un droit de réplique.

M. Paradis: Compte tenu des circonstances, M. le Président, nous y renonçons.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bon. Alors, ça va.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que la motion d'ajournement des débats au mardi 30 novembre, à 10 heures, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. En conséquence, les travaux de cette Assemblée sont ajournés au mardi 30 novembre, à 10 heures, et je vous souhaite une bonne fin de semaine à vous tous.

(Fin de la séance à 21 h 33)


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