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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mardi 16 novembre 1999 - Vol. 36 N° 63

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons prendre quelques minutes de recueillement. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît!

M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je voudrais vous référer à l'article 46 du feuilleton.


Affaires du jour


Motions du gouvernement


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement fédéral qu'il réduise les impôts, rétablisse les transferts aux provinces et propose un nouveau partage fiscal

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 46 du feuilleton, aux motions du gouvernement, M. le ministre d'État à l'Économie et aux Finances présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement fédéral qu'il corrige le déséquilibre fiscal entre les provinces et le gouvernement fédéral en réduisant le niveau de ses impôts, en rétablissant, dans le cadre du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux (TCSPS), les transferts financiers aux provinces au niveau d'avant les coupures de 1994-1995 et en proposant un nouveau partage fiscal, notamment par un transfert de points d'impôt qui respectera les responsabilités attribuées aux provinces par la Constitution canadienne.»

Je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. Alors, M. ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, je vous cède la parole.

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, sur une question de règlement, M. le Président, en deux volets. La première – et je pense que le gouvernement pourra répondre assez rapidement – c'est une motion qui est présentée au nom du ministre... par le ministre des Finances. Je connais la règle qui veut qu'un ministre puisse se faire remplacer par un autre ministre. Compte tenu de l'importance du sujet comme tel, l'opposition insiste pour que le ministre des Finances s'occupe prioritairement de ce dossier-là. Maintenant, si on me dit qu'il va parler plus tard dans le débat, que le ministre que vous avez reconnu n'intervient pas au nom du ministre des Finances, là on comprend que nos débats peuvent se dérouler normalement. C'est ma première question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, le ministre d'État à l'Économie et aux Finances entend bien intervenir sur la motion qu'il a inscrite au feuilleton et prendre tout le temps qui lui est dévolu comme proposeur de la motion, ce qui signifie par conséquent que le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes intervient pour une durée de 20 minutes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Je remercie le leader du gouvernement quant à ces éclaircissements. Maintenant, M. le Président, j'ai une autre question de règlement à vous adresser. On a pu prendre connaissance, tard hier et même ce matin dans l'ensemble des médias, des résultats de la Conférence des ministres des Finances qui s'est tenue à Toronto. Je pense que vous en avez vous-même eu connaissance, M. le Président, c'était partout. J'ai retenu peut-être l'article du Soleil , compte tenu que c'est un quotidien de votre région, ce matin: Réunion des ministres des Finances. Bernard Landry demande à tous d'être raisonnables.

Je vous cite quelques passages qui touchent le coeur de la motion qui est devant nous ce matin: «Moins gourmand que prévu, le gouvernement du Québec a demandé hier à Ottawa d'ajouter 950 000 000 $ dans les transferts fédéraux destinés à la santé et aux programmes sociaux. Le Québec s'estime en droit d'exiger le quart des 3 700 000 000 $ coupés par Ottawa, soit 950 000 000 $, a indiqué le ministre Bernard Landry. Depuis quelques jours, les ténors du gouvernement québécois, le premier ministre Lucien Bouchard en tête, claironnent que le fédéral a soustrait, depuis le début des années quatre-vingt, 5 000 000 000 $ dans les transferts annuels au Québec. M. Landry a expliqué que les provinces, et donc le Québec, doivent se montrer raisonnables sinon Ottawa ne pourra pas baisser les impôts et rester en bonne santé financière.»

M. le Président, je vous soumets que l'annonce du ministre des Finances va directement à l'encontre du coeur de la motion présentée par le ministre des Finances. Je vous répète le coeur: «...en rétablissant, dans le cadre du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, les transferts financiers aux provinces au niveau d'avant les coupures 1994-1995...»

Il semble que la donne, depuis hier soir, soit changée, que l'élément coeur soit changé. Je vous réfère, dans les circonstances, à l'article 194 de notre règlement: «Lorsque, en cours de débat, une partie de motion devient caduque – et c'est le cas – la motion est viciée dans son ensemble.» À moins, et là je l'indique très clairement, que le gouvernement ne souhaite à ce moment-ci – je vous indique qu'il pourrait y avoir consentement – modifier la motion déposée à l'Assemblée nationale pour qu'elle rencontre les propos tenus hier par le ministre des Finances à sa sortie de la Conférence des ministres des Finances à travers le pays. À ce moment-là, la motion représenterait vraisemblablement l'idée que le gouvernement a encore aujourd'hui.

(10 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition...

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement, brièvement sur cette question.

M. Brassard: «Brièvement»... Je vais prendre le temps qu'il faut.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, je peux rendre ma décision tout de suite, si vous préférez.

M. Brassard: Non, je veux intervenir.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, très bien, je vous cède la parole quelques minutes.

M. Brassard: Oui. Ne soyons pas trop précipités.

M. le Président, le leader de l'opposition vient de se livrer, là, à une intervention qui interprète à la fois la position et le discours du ministre des Finances lors de la Conférence des ministres des Finances de Toronto. Il fait de l'interprétation. Alors, ce n'est pas une question de règlement, d'aucune façon. Et puis, en plus, il fait de l'interprétation de la motion en regard de la position prise par le gouvernement du Québec. Alors, ce que je lui dis, M. le Président, par votre intermédiaire – je ne le lui dis pas directement, je passe par vous – c'est: Qu'il attende donc l'intervention du ministre d'État à l'Économie et aux Finances, il verra qu'il n'y a pas de contradiction. Celui-ci va faire une démonstration claire et limpide, comme c'est toujours son cas, et le leader de l'opposition comprendra très bien alors.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, de toute évidence, il n'y avait pas de question de règlement pour rendre invalide l'opération que nous faisons aujourd'hui. Il y a justement un débat pour exprimer les opinions et les arguments. Et le point soulevé par le leader de l'opposition, ça ferait justement partie du débat d'aujourd'hui et ça n'invalide pas, si vous voulez, qu'on entreprenne immédiatement le débat. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Loin de moi l'idée de remettre en cause la décision que vous venez de rendre. Je tiens cependant à maintenir le consentement que nous avons offert: si le gouvernement souhaite modifier le libellé de la résolution qui est devant l'Assemblée nationale pour qu'elle rencontre les propos exprimés par le ministre des Finances hier, il y a consentement.

M. Brassard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: ...la motion que nous avons inscrite au feuilleton, on s'y est pris même à deux reprises parce que nous étions respectueux d'une décision du président. Nous avons respecté la décision du président. Nous avons réinscrit la motion. Maintenant, là, elle est, je dirais, parfaite.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Quant à la forme, je dois dire que oui, mais, au contenu, je vous laisse ça entre vous. Alors, je céderai la parole à M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


M. Joseph Facal

M. Facal: M. le Président, je ne me doutais pas que, ce matin, involontairement, vous nous annonceriez des primeurs. Enfin.

La motion inscrite par le gouvernement propose à l'Assemblée nationale du Québec d'exiger du gouvernement fédéral trois choses: d'abord, une baisse immédiate et substantielle de l'impôt fédéral, comme le gouvernement du Québec lui-même a déjà entrepris de le faire et continuera à le faire; ensuite, une restauration des transferts financiers en provenance d'Ottawa au niveau où ils étaient avant les coupures ayant débuté en 1994-1995, et enfin que le gouvernement fédéral, qui taxe, qui prélève beaucoup plus d'argent que ce que justifient ses responsabilités constitutionnelles, accepte d'entreprendre les pourparlers avec les gouvernements des provinces sur un partage plus équitable de l'assiette fiscale. Comme la proposition intègre donc trois éléments sur lesquels l'opposition officielle elle-même insiste, j'ai toute confiance que cette motion peut et va être adoptée à l'unanimité.

On voit aussi dans les journaux de ce matin que les ministres des Finances de toutes les provinces et des territoires ont fait hier l'unanimité autour de cette urgence de baisser les impôts de la part du gouvernement fédéral et de restaurer les transferts coupés aux provinces. Tous les gouvernements provinciaux: péquistes, libéraux, conservateurs, néo-démocrates, tous poussent le gouvernement fédéral dans cette direction. Alors, je ne pourrais comprendre que le Parti libéral du Québec soit la seule formation politique majeure au Canada à ne pas souscrire à ce mouvement. Si l'opposition a des amendements, nous les examinerons avec un esprit ouvert, pour autant, bien entendu, qu'ils s'inscrivent dans ce mouvement unanime au Canada.

Cette motion, M. le Président, tire évidemment sa raison d'être du dévoilement par M. Martin il y a quelques jours de ce qu'est la situation financière actuelle du gouvernement fédéral. Il faut dire évidemment qu'au cours des dernières années le ministre fédéral des Finances nous avait habitués à des descriptions de la situation budgétaire qui ne péchaient certainement pas par excès de réalisme. Le ministre des Finances s'en défendait, disant qu'il préférait adopter une approche prudente. «Prudente», dans son cas, a consisté à systématiquement sous-estimer la vitesse avec laquelle se rétablissait la santé financière du gouvernement fédéral.

Si l'on prend simplement les chiffres des trois dernières années, en 1996-1997, M. Martin avait prévu un déficit de 24 300 000 000 $; il s'était avéré que le déficit réel fut de 8 900 000 000 $, une sous-estimation de 15 400 000 000 $. En 1997-1998 – une grande cuvée, 1997-1998 – le ministre Martin prévoit un déficit, au gouvernement fédéral, de 17 000 000 000 $; il annonce en fin d'année un surplus de 3 500 000 000 $, une sous-estimation de 20 500 000 000 $. En 1998-1999, il prévoit des livres équilibrés, zéro déficit; il annonce en fin d'année un surplus de 2 900 000 000 $.

Et pas plus tard que ce matin, dans le quotidien La Presse , sous la plume de Gilles Toupin, on peut encore lire ceci, je cite: «D'une estimation de 6 100 000 000 $ en août, ne voilà-t-il pas que les excédents budgétaires fédéraux bondissent encore, selon les nouvelles estimations de septembre 1999, à 8 000 000 000 $, et cela seulement à mi-chemin de l'année fiscale en cours.»

En fait, ces écarts entre ce qui est annoncé et ce qui s'avère le résultat sont devenus si gênants que, pour éviter de montrer que la situation financière du gouvernement fédéral est en fait bien meilleure qu'il ne le prétend, le ministre fédéral des Finances en est même venu à recourir à des exercices de comptabilité créative comme, par exemple, de verser des sommes substantielles à des fondations, comme la Fondation canadienne pour l'innovation, 800 000 000 $, la Fondation des bourses du millénaire, 2 500 000 000 $, ou encore de se mettre de côté des réserves pour imprévus de plusieurs milliards de dollars qu'à la fin d'année il peut appliquer à la réduction de la dette.

Mais, finalement, il y a quelques jours, M. Martin a enfin reconnu que le gouvernement fédéral allait engranger d'immenses surplus, estimés à 95 000 000 000 $, d'ici 2004 ou 2005. Si le gouvernement fédéral continue dans sa propension à sous-estimer, on peut peut-être s'attendre à ce que les chiffres soient encore plus élevés. Voilà donc, M. le Président, un premier fait – fait! – dont il faut prendre acte. Le gouvernement fédéral disposera donc au cours des prochaines années d'une marge de manoeuvre budgétaire sans précédent.

(10 h 20)

Cette marge de manoeuvre est sans commune mesure avec celle dont disposent les provinces. En fait, l'écart est non seulement considérable, il est même croissant, cet écart entre les marges de manoeuvre dont dispose le gouvernement fédéral et celles dont disposent les gouvernements des provinces. En fait, non seulement les provinces, le Québec notamment, ont moins de revenus que le gouvernement fédéral, mais elles doivent, en plus, assumer la responsabilité des programmes à l'égard desquels nos concitoyens ont les plus grandes attentes et aussi ceux pour lesquels la croissance des coûts est la plus élevée: santé, éducation, services sociaux, sécurité du revenu, amélioration des infrastructures. Bref, comme nous le disons, le problème est relativement simple: l'argent et les revenus sont à Ottawa et les dépenses sont dans les provinces.

Il est peut-être bon, M. le Président, de rappeler pour le bénéfice des quelques braves qui suivent nos travaux en matinée que ce déséquilibre fiscal tire son origine du refus par le gouvernement fédéral, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, de retourner aux provinces l'espace fiscal que ces dernières lui avaient prêté pour financer l'effort de guerre. Après la guerre, plutôt que de laisser les provinces réoccuper de nouveau le champ fiscal qu'elles avaient cédé au gouvernement fédéral, ce dernier a préféré leur verser des subventions en espèces, et cette prédominance fiscale du gouvernement fédéral lui a permis de favoriser l'usage de son pouvoir fédéral de dépenser et ses intrusions dans des compétences exclusives des provinces ainsi que l'imposition, par le gouvernement fédéral, de normes dites nationales.

Voyons maintenant brièvement comment cette marge de manoeuvre budgétaire du gouvernement fédéral s'est créée. Poser cette question, c'est en fait se demander qui a véritablement contribué à l'assainissement des finances publiques fédérales. Or, pour éliminer son déficit, le gouvernement fédéral a d'abord, surtout, mis à contribution les contribuables de toutes les catégories. En 1998-1999, les recettes fiscales du gouvernement fédéral totalisent 32 000 000 000 $ de plus qu'en 1994-1995. En quatre ans, le gouvernement fédéral a donc augmenté de 28 % la ponction en impôts et taxes qu'il prélève auprès des contribuables. Au cours de la même période, le gouvernement fédéral a aussi réduit le niveau de ses dépenses d'un peu plus de 6 %, soit 7 300 000 000 $. Lorsque est venu le temps de réduire les dépenses, le gouvernement fédéral s'est donc empressé de mettre les autres à contribution, bien plus que lui-même. Ainsi, en plus des contribuables, les gouvernements des provinces ont été mis à contribution.

Le niveau des transferts financiers aux provinces, par le truchement de ce grand entonnoir qu'est le transfert social canadien, a été réduit, de 18 700 000 000 $ qu'il était, toutes provinces confondues, en 1994-1995, à 12 500 000 000 $ en 1998-1999, soit une diminution de 33 %. Depuis 1994-1995, c'est donc près de 21 000 000 000 $ que le gouvernement fédéral a soustrait aux provinces, qui ont dû se débrouiller seules, à même leurs propres ressources financières, pour compenser l'impact dramatique qu'ont eu les coupures fédérales sur leurs programmes sociaux, dont il faut rappeler que les coûts, eux, n'ont pour autant pas cessé de continuer à croître.

En fait, depuis 1994-1995, les coupures fédérales ont coûté au Québec seulement près de 6 200 000 000 $, ce qui nous a forcés à appliquer les difficiles restrictions budgétaires que l'on sait. Imaginez, M. le Président, si, depuis cinq ans, nous avions eu, en santé et en éducation au Québec, 6 200 000 000 $ de plus. Imaginez! Imaginez les lits, les salles d'urgence, les centres d'accueil, les équipements médicaux, les listes d'attente, tous les domaines que nous aurions pu soulager avec 6 200 000 000 $ de plus, au Québec, en santé et en éducation au cours des cinq dernières années.

Voilà pourquoi nous disons, convaincus que l'opposition y souscrit, qu'il serait inacceptable que le gouvernement fédéral continue à surtaxer des contribuables déjà trop taxés et qu'il prive encore plus de ressources des provinces à seule fin de mettre de côté, de thésauriser 100 000 000 000 $ au cours des prochaines années. On ne dira jamais assez à quel point il était choquant d'entendre, la semaine dernière, le premier ministre du Canada, agissant en Séraphin du régime fédéral, faire comme si l'argent lui appartenait et dire: Laissez-moi en profiter un peu. Ce n'est pas son argent, M. le Président, c'est le vôtre, le mien et celui du leader de l'opposition également, de tous les Québécois.

Alors, que faut-il faire avec cet argent-là, M. le Président? Ce n'est pas compliqué, l'argent des surplus fédéraux doit être retourné là où il a été pris, ce qui veut dire, dans un premier temps, que le gouvernement fédéral doit réduire immédiatement et substantiellement ses impôts. Le gouvernement du Québec, lui, a déjà commencé à le faire et va continuer à le faire à la mesure de nos moyens. Il faut que le gouvernement fédéral le fasse, lui aussi, à la mesure de ses moyens.

On ne répétera jamais assez, M. le Président, à quel point les contribuables n'ont pas eu la partie facile au cours des 20 dernières années. En fait, depuis 1980, près des deux tiers de l'augmentation des revenus de nos concitoyens a été grugé, au Canada, par la hausse de la fiscalité. Les deux tiers de vos augmentations de revenus bruts depuis les 20 dernières années ont été grugés par la fiscalité, et c'est ce qui explique que notre niveau de vie réel n'a pas véritablement augmenté depuis une vingtaine d'années. Et, en fait, si on se compare, on verra que cette ponction par le revenu qui, au Canada, est des deux tiers, n'était que de 34 % aux États-Unis, n'était que de 32 % en moyenne pour les pays du G 7.

Au cours des dernières années, M. le Président, nos concitoyens ont consenti à faire de lourds, de très lourds sacrifices. Il est maintenant temps que l'ascenseur leur soit retourné et qu'ils puissent enfin, eux aussi, bénéficier d'une réduction de leurs impôts. Maintenant que le gouvernement fédéral a plus de ressources qu'il ne lui en faut pour s'occuper de ce dont il est responsable en vertu de la Constitution canadienne, il doit prioritairement, immédiatement, substantiellement réduire les impôts. Il doit également restaurer entièrement les transferts aux provinces au niveau d'avant les coupures. Malheureusement, on le voit bien, grâce à ces surplus budgétaires croissants, le risque est grand – les pressions sont fortes – que le gouvernement fédéral se remette à ouvrir le robinet pour dépenser tous azimuts avant même d'avoir commencé par rétablir les transferts aux provinces. Les intentions contenues dans le dernier discours du trône laissent à cet égard présager le pire. Voyons voir, M. le Président.

Dans le dernier discours du trône, on passera rapidement sur l'annonce d'un troisième volet de bonification de la prestation nationale pour enfants, qui aura pour effet évidemment de forcer le gouvernement du Québec à revoir son régime d'allocations familiales. On apprend aussi que le gouvernement fédéral se découvre maintenant de l'intérêt pour les soins à domicile. On découvre maintenant que le gouvernement fédéral se découvre de l'intérêt pour, oui, l'assurance-médicaments. On découvre maintenant que le gouvernement fédéral se découvre de l'intérêt pour les droits de la famille, les droits civils, par sa réforme sur la Loi sur le divorce qui pourrait avoir des impacts dans des domaines comme, notamment, la perception des pensions alimentaires. On découvre également que le gouvernement fédéral veut maintenant retourner dans le domaine du logement social, qu'il avait pourtant voulu quitter en 1996. On voit maintenant que le gouvernement fédéral se redécouvre maintenant un intérêt pour un éventuel guichet unique en matière de recherche d'emploi. Alors, voyez-vous ça? On risque, au Québec, d'avoir deux guichets uniques, celui du Québec et celui du gouvernement fédéral, et ainsi de suite.

(10 h 30)

Pourtant, malgré tout cela, M. le Président, les premiers ministres des provinces et les leaders des Territoires avaient, au mois d'août dernier, à Québec – et leurs ministres des Finances ont hier reconvenu la même priorité – les premiers ministres donc avaient été unanimes à convenir que ce rétablissement complet du transfert social canadien était prioritaire et qu'il devait être restauré avant la mise en place de toute nouvelle initiative. Il sera intéressant, M. le Président, de voir au cours des prochains mois le poids que peut avoir encore dans ce régime la parole de tous les premiers ministres des provinces, peu importe l'option politique qu'ils peuvent défendre.

J'aimerais que l'on m'explique quelle justification morale, politique, économique l'on pourrait trouver à ce que le gouvernement fédéral utilise maintenant les ressources qu'il a soustraites aux provinces pour financer de nouvelles initiatives constituant des intrusions dans des domaines qui, la dernière fois que j'ai lu la Constitution canadienne, relevaient de la compétence des provinces.

Et, finalement, le troisième élément de la proposition, de la motion du ministre des Finances met en lumière le fait qu'une baisse d'impôts et une restauration complète des transferts ne suffiront évidemment pas à résoudre, seules, le déséquilibre fiscal. Ce déséquilibre, on le sait, pour des raisons notamment démographiques, tend à s'accroître de lui-même. Il faut donc revoir ce partage de l'assiette fiscale qui, depuis des décennies, a largement favorisé le gouvernement fédéral.

La position traditionnelle du gouvernement du Québec, c'est que ce nouveau partage doit prendre la forme de transferts de points d'impôt. C'est la position traditionnelle du gouvernement du Québec, elle est maintenue. Mais je rappelle, M. le Président, que la dernière fois que le Québec a obtenu un transfert de points d'impôt, j'avais 16 ans, c'était en 1977. On verra. On verra quel est le degré d'ouverture du gouvernement fédéral à cette position, qui fut réaffirmée par l'opposition officielle elle-même lorsque la députée de Marguerite-Bourgeoys déposa sa motion la semaine dernière.

Je termine simplement, M. le Président, de la manière suivante. Notre message central est le suivant. M. Martin et le gouvernement fédéral ont de l'argent à ne pas savoir qu'en faire. Les Québécois, eux, savent ce qu'ils veulent. Ils veulent qu'on baisse leurs impôts, ils veulent qu'on leur retourne l'argent qu'on leur a coupé en santé et en éducation, des montants qui sont du petit change maintenant pour Ottawa, et ils veulent qu'on le fasse sans nouveaux programmes, sans dédoublements, sans empiétements, sans chicane. L'argent des surplus doit être retourné là où il a été pris.

Et je n'ai pas de doute, M. le Président, que l'opposition officielle comprendra que c'est tout le Québec, pas seulement le gouvernement, tout le Québec, qui est plus fort quand l'Assemblée nationale parle d'une seule voix. Voilà pourquoi je n'ai pas de doute que l'opposition officielle va appuyer cette motion et que l'Assemblée nationale pourra la faire sienne à l'unanimité. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Charest: ...rappel au règlement.

Le Président (M. Brouillet): Rappel au règlement, M. le chef de l'opposition.

M. Charest: Rappel au règlement, M. le Président. Les règles de l'Assemblée, à 213, prévoient, avec votre permission et avec le consentement de la personne qui vient de parler, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, qu'on peut lui poser une question. Et j'aimerais, si c'est possible, lui poser une question fort simple, puisqu'il vient de dire que c'est tout le Québec qui parle plus fort...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que, M. le ministre délégué, vous acceptez?

M. Charest: Une question courte.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Allez, M. le chef de l'opposition.

M. Charest: Merci, M. le Président. Le ministre des Affaires intergouvernementales vient de nous dire que c'est tout le Québec qui est plus fort si l'Assemblée nationale parle d'une même voix, si on est unanime. Je veux bien. Dans le même esprit, M. le Président, on est encore plus fort quand on sait de quoi on parle au juste.

J'aimerais que le ministre des Affaires intergouvernementales me dise s'il a l'intention de faire comme le ministre fédéral des Finances et de rendre publiques les projections des revenus et dépenses du gouvernement du Québec pour les cinq prochaines années, comme le ministre fédéral l'a fait. C'est à partir de cette information-là qu'on a le débat aujourd'hui. Eh bien, pour qu'on puisse avoir un vrai débat sur des vrais faits, des vrais chiffres, des vraies projections, vraiment être éclairés sur le sens de ce que nous disons, ce serait le minimum qu'on ait exactement la même information disponible aux députés de l'Assemblée nationale. On est à l'Assemblée nationale, on n'est pas à la Chambre des communes. Alors, est-ce que le ministre s'engage à ce que son gouvernement, dès aujourd'hui, rende ces chiffres-là publics? Et, si ce n'est pas aujourd'hui, à quel moment?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre délégué.

M. Facal: M. le Président, quand on voit, au cours des trois ou quatre dernières années, les prévisions que le gouvernement du Québec a déposées et la réalité en fin d'année et qu'on compare cela aux prévisions faites par le gouvernement fédéral et à la réalité qui est la sienne en fin d'année, on voit que le gouvernement du Québec n'a, en termes de clarté et de transparence, aucune espèce de leçon à recevoir du gouvernement fédéral.

Quant à savoir quelles sont les intentions du ministre des Finances pour les cinq prochaines années, posez-lui la question, c'est sa motion.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, on m'a dit qu'il viendrait. M. le chef de l'opposition, pour votre intervention.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Bien, M. le Président, ça commence bien mal, parce que le ministre des Affaires intergouvernementales nous invite à voter une résolution, à prendre une position unanime, mais en même temps il vient de nous dire que, à l'Assemblée nationale du Québec, les députés de l'Assemblée nationale n'auront pas accès à la même information que le gouvernement fédéral, lui, a rendue publique il y a quelques jours. Alors, avouons que ce n'est pas tout à fait une preuve de transparence mais que vous avez là une première démonstration de la difficulté que pose la demande que nous fait le gouvernement du Parti québécois de vouloir interpeller un autre gouvernement alors que, lui, il n'est pas prêt à faire preuve de la même transparence et à nous donner la même information de base. On ne demande rien de mystérieux, là. Il me semble que ce n'est pas très sorcier. Si on est pour parler de surplus de taxes, d'impôts, de relations entre les deux gouvernements, encore faudrait-il qu'on ait accès à la même information.

M. le Président, c'est là le reflet malheureusement d'un manque de constance du côté du gouvernement actuel qui, dans tout ce débat... D'ailleurs, on lui souhaite la bienvenue, parce qu'il arrive à ce débat bien tard malheureusement, alors qu'on est placé devant des faits accomplis, il arrive à ce débat alors qu'il a eu déjà l'occasion d'intervenir à plusieurs reprises pour demander justement qu'il y ait un traitement équitable, un traitement juste du partage de la fiscalité. Et je veux rappeler au ministre des Affaires intergouvernementales, puisque c'est son domaine de responsabilité, que son gouvernement a déjà eu l'occasion d'intervenir et de participer aux débats sur le partage de la fiscalité.

En 1996, lors de la Conférence des premiers ministres qui a eu lieu en Alberta, un document avait été déposé, qui avait été signé par Tom Courchesne, qui a beaucoup réfléchi sur ces enjeux-là, sur ces questions-là, un document intitulé Access . Et le document de 1996 proposait justement qu'on change la formule de financement et de partage de la fiscalité entre les deux ordres de gouvernement. Et, en 1996, son gouvernement a refusé de participer aux discussions. Ils ont fait la chaise vide, M. le Président. Ils ont eu une première occasion déjà de s'asseoir à la table et de réclamer ce qu'ils réclament puis ce qu'ils découvrent aujourd'hui, mais ils ne l'ont pas fait à ce moment-là.

En 1997, une deuxième occasion s'est présentée lors de la Conférence des premiers ministres provinciaux à St. Andrews, au Nouveau-Brunswick. Encore une fois, M. le Président, le gouvernement auquel il appartient a fait la chaise vide, il ne participait pas non plus aux discussions.

En 1998 – je comprends que ce n'est pas 1977 – mais en 1998, il y a un an – il y a un peu plus d'un an parce que c'était à la Conférence des premiers ministres à Saskatoon, M. le Président – à ce moment-là, encore une fois, les premiers ministres donnaient un mandat au ministre des Finances de reconcevoir le fédéralisme fiscal. Les ministres provinciaux et territoriaux des Finances devaient remettre un rapport à leur premier ministre. Le Québec n'a pas participé aux discussions, comme l'indique la mention suivante mise à l'avant d'un document où on lisait ceci: «Le Québec, bien qu'il partage plusieurs des préoccupations exprimées par les provinces au sujet des arrangements financiers avec le gouvernement fédéral, n'entend pas souscrire à un exercice visant à restructurer les arrangements financiers.»

Bien, voilà, M. le Président. Ça, c'était en 1998, alors que la question était posée, alors que les coupures dans les transferts avaient été mises à exécution dès l'année 1995 par le gouvernement fédéral actuel, alors que la question des surplus se posait déjà; la position du gouvernement du Québec, c'est que, lui, il ne participait pas à tout ça.

Pourtant, M. le Président, pour être juste dans les faits, il faudra rappeler aussi que, sur l'ensemble des transferts, pour être bien compris, pour être bien sûr de quoi on parle, il faudra rappeler au gouvernement que le Québec continue de recevoir à peu près 29 % des transferts fédéraux alors que sa part de la population canadienne est à peu près de 25 %. C'est donc dire que le régime actuel, avec ses injustices, avec ses iniquités, avec les décisions prises de part et d'autre, continue d'être un système qui, dans l'ensemble, donne une juste part au Québec sur l'ensemble de ce qui est dépensé. La question par contre, elle est beaucoup plus importante que ça, elle est beaucoup plus profonde. L'enjeu réel va beaucoup, beaucoup plus loin que ça, M. le Président.

(10 h 40)

Alors, là, l'an dernier, à la conférence des premiers ministres, qui a eu lieu ici même, à Québec, présidée par le premier ministre actuel, se présentait une nouvelle occasion pour le gouvernement actuel de dire tout haut et de rallier les autres gouvernements à l'enjeu puis à la question de changer le partage fiscal. Lui-même a fait une intervention avant la conférence des premiers ministres, suivi par son premier ministre, où ils ont abandonné cette requête-là. Ils ne l'ont pas poussée, alors qu'ils présidaient la réunion, alors qu'ils avaient le leadership, ils avaient le fauteuil, alors qu'ils avaient le pouvoir à ce moment-là de fixer l'agenda de la réunion; le gouvernement a décidé de se croiser les bras puis de continuer à ne rien dire.

Mais il y a une raison pour ça, M. le Président, et on la comprend, la raison, c'est que ce gouvernement-là arrive bien, bien tard. C'est que son premier ministre avait déjà pris une position sur la question des transferts et des coupures dans les transferts pour la santé et l'éducation. Ce que son premier ministre a dit le 20 juillet 1998 à Chicoutimi, c'est ceci, et je le cite: «Et, moi, j'ai été de ceux qui ont été assez silencieux vis-à-vis des coupures fédérales du côté des transferts parce que, moi aussi, je comprenais qu'il fallait que le fédéral supprime son déficit. Je le comprenais. Je pensais que c'était une politique qui était correcte.» Fin de la citation.

Alors, si le ministre des Affaires intergouvernementales est embêté par la situation qui prévaut actuellement entre le gouvernement fédéral puis le gouvernement du Québec, c'est parce que son propre premier ministre a été silencieux, de son propre aveu. De son propre aveu, le gouvernement actuel trouvait ça correct que le gouvernement fédéral coupe dans les transferts pour la santé et l'éducation tant qu'il y avait encore un déficit. En d'autres mots, c'est le gouvernement actuel qui a invité le gouvernement fédéral à poser ce geste-là. Après lui avoir ouvert la porte puis l'avoir invité à entrer dans cette maison-là puis à faire les coupures, maintenant il découvre que le gouvernement fédéral a réussi à équilibrer son budget, va faire des surplus, projette de faire des surplus, et se scandalise du fait que le gouvernement fédéral, ayant fait les coupures qu'il a lui-même invitées, acceptées, sur lesquelles il a été silencieux, qu'il trouvait correctes, pour citer son premier ministre, bien, là, on découvre soudainement qu'il y a des coupures de faites et qu'il faudrait rétablir l'équilibre fiscal. Il est bien tard pour arriver à cette conclusion-là. En 1996, ils ont eu la chance de le dire, en 1997, en 1998, en 1999, ils ont eu la chance de le dire, hier, et pourtant, ça a été le silence.

Mais ce qu'il y a de plus alarmant dans la résolution que nous présente le gouvernement actuel, ce n'est pas ce que la résolution dit, c'est ce que ça ne dit pas, c'est le silence sur la question des taxes et des impôts. Parce que le premier ministre s'est échappé la semaine dernière à la période de questions. Son ministre y fait référence aujourd'hui. Ce qu'ils veulent, c'est qu'on retourne les transferts aux provinces, c'est l'argent des provinces. Vous vous rappellerez, M. le Président, vous étiez à l'Assemblée à ce moment-là, c'est l'argent des provinces qu'on réclamait. Mais il y a une nuance très importante: ce n'est pas l'argent des provinces, pas plus que c'est l'argent du fédéral, pas plus que c'est l'argent d'aucun des ministres du gouvernement du Parti québécois, c'est l'argent des contribuables québécois.

Une voix: Bravo!

M. Charest: Et ce qu'il y a de désolant dans la position que défend actuellement le gouvernement du Québec, c'est son silence à lui sur la question des impôts et des taxes qui relèvent de sa juridiction, qui relèvent de ses décisions à lui. C'est ça qu'il y a d'alarmant là-dedans. D'ailleurs, le ministre le sait très bien, on a présenté, nous, la semaine dernière, on en a présenté, des résolutions, pour tenter d'inviter ce gouvernement-là à réduire ses impôts et ses taxes. Ça a été refusé, ils ont retourné ça de bord.

Et là, aujourd'hui, le gouvernement, qui a la palme des taxes, des impôts en Amérique du Nord – parce que c'est le gouvernement du Parti québécois actuellement qui, en Amérique du Nord, est celui qui taxe le plus ses citoyens – ce même gouvernement-là aujourd'hui fait la morale, fait la leçon aux autres gouvernements du Canada, le gouvernement fédéral puis les autres gouvernements provinciaux. Les réductions de taxes et impôts, il paraît que c'est bon pour le gouvernement fédéral; mais, pour le gouvernement actuel, rien à dire, même pas des projections, même pas la même base d'information que le gouvernement fédéral, lui, a rendue publique pour qu'on puisse avoir un débat là-dessus, alors que le minimum, c'est que le gouvernement actuel devrait nous dire, lui, où il campe sur la question de la réduction des taxes et des impôts.

J'aurais pensé qu'aujourd'hui il en aurait profité pour se donner un petit peu de crédibilité. Comme il a été absent en 1996, 1997, 1998 puis 1999, comme il se réveille finalement au débat sur l'impôt puis les taxes, j'aurais pensé qu'il aurait voulu se donner un minimum de crédibilité aujourd'hui, dire que, lui, il allait prendre position là-dessus, qu'il allait s'engager, qu'il allait le dire: Tiens, j'ai une bonne idée. Il paraît que le ministre des Affaires intergouvernementales nous dit que l'Assemblée nationale puis le Québec sont plus forts quand tout le monde se prononce. Bravo! Je suis d'accord avec lui. Pourquoi on ne se prononcerait pas sur la question des réductions des taxes puis des impôts de son gouvernement? On va être plus fort, on va faire une belle unanimité, M. le Président, puis, comme ça, bien, le contribuable québécois, lui, il saura que son gouvernement a une intention, a exprimé une politique. Il va le prendre avec un grain de sel, ça, on le sait, parce que c'est difficile de concilier la parole avec les gestes, surtout pour ce gouvernement. Mais, enfin, c'est un début. Ça serait un premier jalon. Ce serait une occasion pour nous de tenir ce gouvernement imputable sur ses propres responsabilités.

Mais, M. le Président, au Parti libéral puis à l'aile parlementaire, à l'opposition officielle, on veut être très, très clair. Il y a une grande priorité qui transcende toutes les autres priorités actuellement sur cette question-là, c'est la réduction des impôts et des taxes. Et, si c'est bon pour le gouvernement fédéral, c'est bon également pour le gouvernement du Parti québécois. C'est ça, la première priorité. La première priorité, c'est le contribuable québécois, c'est les familles québécoises, c'est les enfants du Québec, c'est les travailleurs puis les travailleuses du Québec, qui méritent qu'on leur donne une chance parce que leur revenu disponible à eux a baissé constamment dans les dernières années, a baissé plus ici que n'importe où ailleurs. Les Québécois et les Québécoises se sont appauvris sous ce gouvernement. Et pourquoi ils se sont appauvris? Parce que ce gouvernement prend une plus grande part de leurs revenus pour financer les activités de l'État. C'est pour cette raison-là, M. le Président.

Pourtant, il y avait une lueur d'espoir, l'été dernier, parce que, l'été dernier, le ministre des Affaires intergouvernementales et le premier ministre se sont soudainement réveillés et, pour la première fois, ont commencé à répéter ce que d'autres gouvernements disent ailleurs. Le ministre des Affaires intergouvernementales disait ceci, le 9 septembre dernier, M. le Président, et je le cite: «Ce que les gens devraient comprendre, c'est que, quand on réduit les impôts, on provoque de l'investissement puis on crée de l'emploi, on améliore les rentrées fiscales au gouvernement.»

Bien, je le vois faire signe, M. le Président, il lève le pouce, alors je présume qu'il va vouloir voter en faveur de ça. Je veux que les Québécois le sachent, le ministre des Affaires intergouvernementales a le pouce dans les airs puis il sourit puis il dit oui, et avec raison, je le cite. Alors, il dit, lui, que c'est bon, la réduction d'impôts.

Je vais continuer à le citer, il dit: «On fait en sorte que la richesse collective réelle, qui permet de maintenir des programmes sociaux et de les financer, soit créée justement par l'emploi et par l'économie.» Bravo! Je continue la citation: «Alors, le redressement de l'économie, le redressement des problèmes à moyen et à long terme que nous avons, ça passe par une réduction d'impôts, tout le monde le sait – c'est lui qui dit ça. Il n'est pas concevable que nous ayons une économie, qui est tellement portée du côté de l'exportation, qui traîne comme un boulet le fardeau fiscal le plus considérable d'Amérique du Nord.» Il ne parlait pas de l'État fédéral. C'est lui, le ministre des Affaires intergouvernementales, qui parlait de son gouvernement.

Je le répète, M. le Président, il faut que les citoyens du Québec sachent ce que le ministre des Affaires intergouvernementales disait à propos de son propre gouvernement, il disait: «Il n'est pas concevable que nous ayons une économie, qui est tellement portée du côté de l'exportation, qui traîne comme un boulet le fardeau fiscal le plus considérable d'Amérique du Nord. Ça ne se peut pas, ça.» Fin de la citation.

Alors, j'imagine... Bon, je n'imagine pas, je peux déjà annoncer au ministre qu'il aura l'occasion aujourd'hui de mettre à l'épreuve ce qu'il a déjà déclaré. On va le tester. On va le tester, on va offrir l'occasion au ministre des Affaires intergouvernementales aujourd'hui, une occasion de joindre les gestes aux paroles et de se lever aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, ou à un autre moment, et de dire: Oui, ce que j'ai dit le 9 septembre, je le croyais, c'est vrai, puis le gouvernement du Parti québécois va lui aussi réduire les impôts puis les taxes. Il va le faire aujourd'hui. Je suis convaincu qu'il va le faire parce que c'est un homme de parole, parce qu'il ne voudra pas se contredire, parce qu'il ne voudra pas être embarrassé du fait qu'il aura été contredit.

Ce qu'il y a de malheureux, M. le Président, c'est que d'autres gouvernements n'ont pas emprunté le discours du gouvernement actuel, c'est-à-dire, un, ils n'ont pas été absents de ces débats-là. Parce que le rapport dont je parlais il y a une seconde, Courchesne, de 1996, je sais que le ministre des Affaires intergouvernementales le connaissait, ça a été commandé par le gouvernement de l'Ontario, parce que le gouvernement de l'Ontario, lui, s'est intéressé à ces enjeux-là.

(10 h 50)

D'ailleurs, il faut le souligner, M. le Président, on applaudit aujourd'hui le fait que le gouvernement actuel implicitement reconnaisse qu'il y a d'autres gouvernements ailleurs au Canada qui réclament les mêmes choses que les gouvernements du Québec ont toujours réclamées. Ça, c'est nouveau dans le paysage politique, c'est un élément nouveau. Il faut capitaliser là-dessus, il faut permettre à ce nouveau mouvement justement de connaître une fin; mais, pour y arriver, encore faut-il que le leadership québécois s'exerce. Ça n'a pas toujours été le cas, puis le ministre le sait. Ça n'a pas toujours été vrai qu'ailleurs au Canada le gouvernement de l'Alberta ou le gouvernement de l'Ontario disaient: Oui, on est d'accord avec le Québec.

Le ministre disait, il y a une seconde: C'est une revendication traditionnelle du gouvernement du Québec. Il sait aussi que ce n'est pas tous les autres gouvernements ailleurs au Canada qui nous appuyaient, qui nous supportaient là-dedans. Ça, c'est nouveau. Ça, c'est un élément qu'on devrait mettre à contribution. Et, justement, le gouvernement de l'Ontario le faisait en 1996.

Mais, M. le Président, je vais vous dire pourquoi il le faisait en 1996. Je sais que vous le savez déjà parce que vous êtes bien informé. Mais, pour être très clair – vous êtes très, très bien informé – en 1996, M. le Président, voyez-vous, le gouvernement de l'Ontario se sentait assez à l'aise de faire une proposition qui allait en ce sens-là pour la raison suivante: c'est que, lui, il n'a pas attendu que le gouvernement fédéral réduise les impôts, il a réduit les impôts.

Le gouvernement ontarien, voisin de chez nous, a réduit les impôts de 30 %. Il l'a fait pour une raison – j'ai suivi ça de très près, M. le Président, je connais très bien ce gouvernement-là – pour créer de l'emploi. Pas parce que, idéologiquement, il fallait arriver à cette conclusion-là, il fallait aider les riches; au contraire, c'est parce qu'ils ont compris, comme d'autres l'ont compris en Amérique du Nord, que, si on veut justement se payer des services – comme le ministre des Affaires intergouvernementales le disait si bien le 9 septembre dernier – il faut tout mettre en oeuvre au Québec, comme partout ailleurs, pour permettre aux gens de travailler.

Notre approche à nous, au Parti libéral, est fort simple, c'est très direct, c'est très simple: si on réduit les impôts puis les taxes, on va permettre aux gens de garder davantage d'argent dans leurs poches, l'argent qui leur appartient, en passant. On ne peut pas le dire assez souvent. On va permettre à ces gens-là de consommer, comme ils doivent avoir la liberté de le faire, puis on va leur permettre, à eux, justement, de faire pousser l'économie, de faire croître l'économie.

Il y a une raison qui nous amène à vous implorer aujourd'hui d'appuyer une réduction d'impôts venant du gouvernement du Québec: c'est de faire travailler les Québécois, les sortir du chômage, leur permettre, à ces gens-là, d'avoir un peu d'espoir, de dignité, de faire leur contribution. Et plus il y aura de gens qui travaillent, plus il y aura de gens qui vont payer des impôts, plus il y aura de revenus au gouvernement, plus on pourra évidemment avoir de liberté pour se payer des services comme la santé et l'éducation.

Et, pour arriver à cette conclusion-là, M. le Président, on n'a pas eu besoin d'attendre que le gouvernement fédéral agisse dans un sens ou dans l'autre. Il y en a d'autres qui l'ont compris, ça; ils ont agi, ils ont créé de l'emploi. Puis la preuve est là, devant nous: ils ont réussi à créer de l'emploi puis ils ont réussi en plus à augmenter les revenus de leur gouvernement en réduisant les impôts, M. le Président.

Ça va même plus loin que ça, parce qu'il faut donner tout le portrait. Pendant que son gouvernement coupait 2 100 000 000 $ dans la santé, parce que c'était la seule méthode qu'il avait trouvée pour équilibrer son budget, tout en transférant son déficit aux hôpitaux, puis aux régies régionales de la santé, puis au système de l'éducation, puis aux municipalités, bien, il y en a d'autres ailleurs qui ont réussi à réduire les impôts, qui vivent dans le même régime fédéral que le gouvernement du Parti québécois vit. À ce que je sache, l'Ontario, ce n'est pas aux États-Unis, ils ne sont pas rendus en Europe encore, ils sont toujours à la même place. Et, pourtant, en Ontario, M. le Président, ils ont réussi à réduire les impôts et à augmenter les dépenses dans le domaine de la santé. Il faut être très clair.

Quand le gouvernement actuel dit: Il fallait faire une réforme de la santé...Ce avec quoi on est en accord. Personne ne conteste ça. Il y en a eu des réformes de la santé ailleurs aussi, c'était inévitable, la population vieillit, les besoins changent, les technologies. Mais il y a une différence entre faire une réforme de la santé quand on coupe 2 100 000 000 $ dans le système de soins de santé, comme ce gouvernement-là a fait, et faire une réforme de la santé alors qu'on ajoute 1 500 000 000 $ dans le système de soins de santé, M. le Président. C'est toute la différence au monde.

Ce n'est déjà pas facile en partant, on le reconnaît d'emblée. Il n'y a personne qui a prétendu qu'on pouvait régler les problèmes dans le système de soins de santé du jour au lendemain, mais, soyons clairs, il n'y a pas beaucoup de places où on a augmenté le nombre de fonctionnaires pour superviser les coupures. Si on voulait une illustration de ce que ce gouvernement-là fait de travers, on ne pourrait pas offrir un meilleur exemple que celui-là. D'ailleurs, la preuve, c'est qu'aujourd'hui on voit que le système de soins de santé, en tout cas pour ses orientations, est en lambeaux. On ne sait pas du tout où on va. De jour en jour, c'est la confusion totale.

Mais je veux vous souligner, M. le Président, que j'ai lu une déclaration qui me paraît alarmante aujourd'hui. Le jour même où ce gouvernement présente une résolution demandant au gouvernement fédéral de réduire les impôts, on apprend quoi de la bouche de la ministre de la Santé dans le journal Le Soleil d'aujourd'hui? Et je me permets de le citer, M. le Président. Elle dit ceci: «La ministre Pauline Marois est tout à fait d'accord avec un tel débat – on parle d'un débat sur la santé – qui aura lieu "dans la prochaine année". Privatisation?» Et là la citation continue: «"Il faut garder un encadrement public", répond la ministre. Mais, si on veut assurer les mêmes services, alors oui, il faudra penser à une taxation plus élevée pour le contribuable.»

M. le Président, avouons que c'est alarmant, mais pas à peu près. Le jour même où le gouvernement actuel propose, fait la morale au gouvernement fédéral qu'il faut réduire les impôts, la ministre de la Santé nous annonce que le gouvernement, son gouvernement, prévoit des augmentations des impôts et des taxes. Je comprends leur silence. Déjà que le gouvernement du Québec traîne ça, pour citer le ministre des Affaires internationales, comme un boulet, hein, un boulet, le fardeau fiscal le plus considérable en Amérique du Nord – il ne parlait pas du gouvernement fédéral, il parlait de son propre gouvernement – que la ministre de la Santé nous annonce aujourd'hui que le boulet va s'alourdir, qu'on va probablement en attacher un autre. Si on a déjà un boulet après une jambe, on va en attacher un autre.

Alors, M. le Président, il est urgent – urgent – que ce gouvernement-là se prononce. D'autant plus que ce gouvernement avait fait un Sommet sur l'économie en 1996, avait fixé des objectifs très clairs, M. le Président, de rejoindre le Canada et la moyenne canadienne en termes de croissance d'emplois. Est-ce qu'il a rejoint l'objectif qu'il s'était fixé pour trois ans plus tard? La réponse, c'est non. Ça a été un échec. Même chose pour l'investissement, M. le Président, ça a été un échec. Pour la croissance économique, ça a été un échec. Il n'a respecté aucun des engagements qu'il prenait solennellement lors du Sommet économique de 1996. Trois ans plus tard, on se retrouve toujours avec une économie qui traîne la patte, que ce soit la croissance d'emplois, que ce soit la croissance économique, que ce soit l'investissement. Et là, bien, le gouvernement, quand on soulève le fait qu'il n'a pas pu respecter l'engagement qu'il avait lui-même défini... Ce n'est pas nous qui avons forcé ça, personne ici n'a dit au gouvernement: Vous devez absolument réaliser tel objectif, sinon ce sera l'échec. C'est ce gouvernement qui a décidé. Ce n'est pas moi, ce n'est pas mon collègue. C'est eux.

Bien, là, on nous annonce: Oui, mais il y a de la croissance, ça va mieux. D'ailleurs, je lisais un rapport sur la croissance économique en 1998. On nous annonçait que ça allait mieux, que la croissance économique en 1998 avait été plus forte que prévue. On continue à lire la ligne puis on dit: Bien, c'est grâce au verglas. C'est parce qu'il y a eu un désastre naturel au Québec, ce qui a provoqué de la croissance économique. M. le Président, je vous avoue que c'est une drôle de façon de construire l'économie du Québec, d'espérer les désastres naturels. On en a déjà un, désastre naturel; ça s'appelle le gouvernement du Parti québécois.

(11 heures)

Mais il y en a un, objectif, que le gouvernement s'était fixé également lors de ce Sommet, c'était de réduire l'écart de la fiscalité entre le gouvernement du Québec et le gouvernement de l'Ontario. Or, en 1996, c'était quoi, l'écart? L'écart était de 2 400 000 000 $ en 1996, lors de l'arrivée du premier ministre actuel, puis le fardeau fiscal des Québécois dans cette période-là est passé de 34 100 000 000 $ à 40 700 000 000 $. Dans le concret, cela veut dire qu'une famille de deux enfants avec un revenu de 50 000 $ paie 1 000 $ de plus d'impôts qu'une famille qui vit en Ontario, M. le Président. Ça, c'est presque 100 $ clair par mois. C'est ça que ça nous coûte. L'écart, est-ce qu'il a rétréci, depuis ce temps-là, entre le Québec et l'Ontario? Non, l'écart s'est agrandi. Le problème que ça pose, c'est un problème réel parce que l'Ontario, ce n'est pas l'Europe, ce n'est pas les États-Unis, c'est à côté de chez nous. Parlez-en aux gens qui habitent l'Outaouais. Mon collègue qui est ici aujourd'hui pourrait vous en parler. La population qui habite l'Outaouais, la population qui a travaillé dans l'industrie de la construction... Le ministre des Affaires internationales est bien au fait de ce dossier-là, il est ministre responsable de l'Outaouais, il ne niera pas aujourd'hui que, lorsqu'il fait des visites dans l'Outaouais, il y a des gens qui ont dû soulever que l'écart de fiscalité entre le Québec et l'Ontario fait en sorte qu'il y a des gens qui déménagent en Ontario. Il dit oui. Il hoche la tête puis il dit oui. Bon! On a au moins un aveu. C'est le début, M. le Président, c'est le deuxième aveu aujourd'hui. On sent qu'on fait des progrès, puis on arrivera à une conclusion qui va permettre au ministre enfin de passer des paroles aux actes puis d'appuyer des gestes concrets qui vont nous permettre d'avancer. Au rythme où il va là, il va falloir qu'on ralentisse, j'ai peur qu'il traverse, qu'il change de côté de la Chambre!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Charest: M. le Président, le ministre admet lui-même que l'écart est réel. Ça veut dire quoi, ça, en termes concrets? Ça veut dire qu'un jeune qui est gradué de l'Université du Québec à Hull, qui vient sur le marché du travail pour la première fois et qui compare l'écart des impôts qu'il doit payer au Québec avec l'Ontario, selon la Chambre de commerce du Québec qui émettait un communiqué à ce sujet-là au mois de février dernier, si ma mémoire est fidèle, il va constater qu'il paie 40 % de plus d'impôt au Québec qu'en Ontario.

M. le Président, ça veut dire quoi, ça? Qu'est-ce que c'est, ça, 40 % de différence? Savez-vous ce que c'est, M. le Président, en termes pratiques? En termes pratiques, ça devient, ça, un programme d'incitatifs pour quitter le Québec. Ça se traduit comme ça, en termes réels, pour un jeune Québécois. Le premier ministre aurait demandé à sa fonction publique de faire sur mesure un programme pour encourager les Québécois à quitter le Québec, ils n'auraient pas fait mieux que ce qu'ils font actuellement avec la fiscalité. Ça ne peut pas être plus clair comme message, ça ne peut pas être plus incitatif que ça ne l'est actuellement, quand on dit qu'il y a une différence de 40 %. Le message pour cette personne-là, c'est: Va ailleurs, parce que, ici, bien, on va payer davantage d'impôt.

Cela est vrai même quand le gouvernement actuel dit avoir réduit les impôts. Parce que, quand on soulève la question, le gouvernement dit: Oui, mais on a réduit les impôts de 841 000 000 $. Il oublie de mentionner que, du même coup de plume, le gouvernement augmentait la taxe, la TVQ, de 6,5 % à 7,5 % et que ça ramenait 476 000 000 $ dans les coffres du gouvernement. Il ne mentionne pas qu'en plus de ça, avec le pelletage aux municipalités, le pelletage aux commissions scolaires, les impôts puis les taxes, au niveau local, ont augmenté. L'effet net, c'est que le boulet demeure ce qu'il est. Et, d'après la ministre de la Santé, aujourd'hui, on apprend malheureusement qu'il risque d'augmenter.

Mais il y a plus que ça, M. le Président. Il n'y a pas juste la question du fait qu'on paie, sur le net, plus d'impôts puis de taxes, il y a les aberrations de la fiscalité aussi. Les aberrations. Et là, M. le Président, ça vaut la peine de retenir ce que d'autres disent à ce sujet-là. J'ai pris la peine d'aller revoir ce que les commentateurs en pensent. Impôt du Québec: Simplification? Mon oeil! , Michel Girard dit. Réduction d'impôts ou illusion fiscale? , M. le Président. Et ce titre-ci, bien, ça dit tout ce que vous voulez savoir: Portrait de l'enfer fiscal québécois . L'enfer fiscal québécois, M. le Président!

Eh bien, l'enfer fiscal québécois, c'est quoi? D'après deux fiscalistes, Claude Laferrière, Yves Chartrand, ils nous font un portrait de ce que ça signifie. Eux ont fait une étude plus approfondie de ce que c'est, la fiscalité, pour les familles québécoises, selon le Parti québécois; et, pour certains Québécois et Québécoises, ça donne le résultat suivant: Un chef de famille monoparentale ayant deux enfants et 5 000 $ de frais de garde admissibles aux crédits d'impôt remboursables subira des taux réels d'imposition supérieurs à 100 % sur les tranches de revenus suivantes: cette personne-là, si elle gagne de 27 000 $ à 28 000 $, elle va payer plus de 103 % d'impôts sur le 1 000 $; de 28 000 $ à 29 000 $, 101 % d'impôts; si son salaire passe de 29 000 $ à 30 000 $, 103 % d'impôts; de 30 000 $ à 31 000 $, 104 % d'impôts; de 31 000 $ à 32 000 $, 105 % d'impôts; de 32 000 $ à 33 000 $, 103 % d'impôts sur son augmentation de salaire, M. le Président. Voilà la formule de fiscalité, d'impôts, de taxes du gouvernement du Parti québécois qui, aujourd'hui, nous invite à faire la morale au gouvernement fédéral qui, lui, doit absolument réduire ses impôts.

Pour bien imager, M. le Président, le ridicule de cette situation-là, d'un chef de famille monoparentale gagnant un salaire de 33 000 $, ayant deux enfants et 5 000 $ de frais de garde d'enfants admissibles au crédits d'impôt remboursables, cette personne-là, si elle devait travailler quatre jours par semaine, ramenant son salaire à 26 400 $, s'en sortirait davantage que si elle acceptait de travailler cinq jours par semaine. Parce que la dernière journée de travail hebdomadaire ne lui procure aucun revenu supplémentaire, et même une légère perte.

Lorsqu'on tient compte des effets négatifs sur l'ensemble des mesures fiscales, les bénéfices sont décroissants. Y avez-vous pensé, M. le Président? Ça doit être assez unique d'être un endroit en Amérique du Nord où on taxe le plus les citoyens. Mais, en plus, le message pour un chef de famille monoparentale... Puis on ne me dira pas que c'est en dehors des normes... Chef de famille monoparentale, au Québec, qui gagne 33 000 $, deux enfants, frais de garde d'enfants, ce n'est pas quelqu'un qui est anonyme dans notre société, il y en a, des Québécois et Québécoises qui sont dans cette situation-là. Eh bien, le résultat de notre fiscalité, c'est que cette personne-là est mieux de travailler quatre jours que cinq jours par semaine. Il faut le faire!

Et qu'a dit le gouvernement quand on a soulevé ça? Parce que ce n'est pas la première fois qu'on en parle à l'Assemblée nationale; on l'a soulevé le printemps dernier. On a demandé au gouvernement ce qu'il avait l'intention de faire là-dessus. Je me rappelle très bien la réaction du président du Conseil du trésor, les aberrations fiscales qui laissent Québec totalement de glace: ça ne comptait pas, ce n'était pas important, c'était marginal, ce qui se passait.

D'ailleurs, M. le Président, pour le dire, là, pour donner le vrai portrait, il faut rappeler à la population que, sur les gens qui paient des impôts, il y a environ 55 % des contribuables qui ont déclaré un revenu total inférieur à 20 000 $; 35,3 % des contribuables ont déclaré un revenu total entre 20 000 $ et 50 000 $; il y en a seulement environ 9 % qui se situaient entre 50 000 $ et 100 000 $; 1,3 % des contribuables ont déclaré un revenu total de 100 000 $, de plus de 100 000 $, au Québec. C'est ça, le portrait de ceux et celles qui paient des impôts au Québec actuellement.

Alors, qui est-ce qui paie pour tout ça, là? Qui est-ce qui porte le plus lourd fardeau actuellement dans la société québécoise? C'est la classe moyenne. C'est eux qui paient les aberrations du système fiscal et pour l'incompétence du gouvernement actuel.

M. le Président, le président du Conseil du trésor nous disait, le printemps dernier, que c'était marginal, que le nombre de personnes, ce n'était pas important. Bien, on a fait sortir les chiffres depuis ce temps-là sur les ménages dont les taux marginaux implicites de taxation sont supérieurs à 60 %. Il y en aurait environ 500 000 au Québec. Un demi-million de ménages au Québec ont un taux qui serait supérieur effectivement à 60 %. M. le Président, ça, c'est alarmant. Ça, ça explique pourquoi il y a actuellement le chômage que nous vivons actuellement au Québec, pourquoi on a plus de pauvreté, pourquoi la population... il y a moins de croissance économique.

Mais le pire, et je veux développer une dimension de tout cela qui me paraît sous-estimée par le gouvernement actuel, c'est que le gouvernement prend toutes sortes de mesures, d'initiatives pour tenter de développer ce qu'on appelle l'économie du savoir, encourager chez nous, au Québec, le développement d'une économie moderne basée sur la matière grise, sur les multimédias, l'innovation, mais, en même temps, M. le Président, ce qu'il faut dire, c'est qu'il y a une contradiction nette entre cette volonté... que nous partageons... On ne peut pas être contre ça. Tout le monde se rallie à l'évidence même qu'il faut développer au Québec une économie moderne. Mais développer cette économie du savoir et être en même temps l'endroit en Amérique du Nord où on paie le plus de taxes et d'impôts, c'est repousser en fait l'économie moderne. C'est une contradiction que ce gouvernement-là devra un jour reconnaître s'il veut effectivement bâtir le Québec moderne.

(11 h 10)

Et, moi, ce qui m'inquiète le plus, c'est que les jeunes Québécois et Québécoises qui sont nos gradués des universités, des collèges, qui sont dans des domaines d'activité où il y a des pénuries de main-d'oeuvre en Amérique du Nord... Parce que la nouvelle réalité, c'est quoi? Il faut aller au-delà de 1977 puis rejoindre 1999, la réalité de 1999, et bientôt de l'an 2000, c'est que l'Amérique du Nord vit dans un contexte où il y a des pénuries de main-d'oeuvre dans toutes sortes de domaines: dans l'informatique, dans le domaine de la santé, que ce soient des médecins, des infirmières, des techniciens radio-oncologues, M. le Président, et qu'on est en compétition, nous, justement pour tenter d'avoir chez nous des gens compétents, des gens qui vont vouloir non seulement travailler au Québec, mais fonder une famille, faire leur vie.

Mais, dans un environnement comme celui-là, on met en péril l'avenir du Québec si on crée un environnement où c'est plus intéressant pour ces gens-là d'aller travailler ailleurs; je ne dirais pas juste «plus intéressant», où on les repousse carrément, on les repousse. Le message qu'on leur envoie, c'est: Allez ailleurs parce que vous allez pouvoir au moins gagner un salaire décent, on ne vous taxera pas de manière excessive, et vous allez pouvoir construire votre vie comme vos parents l'ont fait avant, vous allez pouvoir faire votre vie comme vos parents puis vos grands-parents l'ont fait avant.

C'est tellement vrai que, au rythme où vont les choses, on risque d'avoir et de vivre au Québec une situation inédite, une situation où, pour la première fois de notre histoire, à ce que je sache, moi, il y a une génération de Québécois et de Québécoises qui seront plus pauvres que leurs parents l'étaient, alors que notre histoire de tous les temps, depuis le début, faisait en sorte que chaque génération faisait un pas en avant, chaque génération était capable de dire à la suivante: Je te laisse en héritage, là, une société prospère, avec des moyens additionnels, des moyens que, moi, je n'avais pas, parce que ma vie aura contribué à moderniser davantage le Québec, et, à partir de ces moyens-là, tu pourras bâtir davantage et en laisser encore plus à tes enfants. Dans le fond, c'est ça, notre culture, à nous, au Québec. Et ça, de tous les temps, ç'a été l'histoire du Québec. Mais là, pour la première fois à ce que je sache, on risque d'avoir une génération derrière nous qui sera plus pauvre que nous l'étions. Et ça, M. le Président, c'est de l'inédit, c'est très, très alarmant.

M. le Président, je comprendrais si le gouvernement actuel nous disait qu'il est coincé dans toutes ses dépenses puis qu'il nous faisait la démonstration que c'était impossible pour lui de réduire ailleurs. Sauf que je vous rappelle que, dans le domaine de la santé, ils ont coupé 2 100 000 000 $ puis ils ont grossi des régies régionales de santé, que c'est un gouvernement qui continue de gaspiller puis de gaspiller de manière éhontée. Pas besoin de vous rappeler la saga d'Emploi-Québec, hein. On ne sait toujours pas où l'argent du gouvernement fédéral est passé. Belle morale! Ça va être reçu, ça, je suis sûr, moi, avec beaucoup de crédibilité ailleurs, que le gouvernement du Québec demande que le gouvernement fédéral réduise ses impôts et augmente les transferts!

La dernière fois que le gouvernement fédéral a fait des transferts au gouvernement du Québec, c'était dans le cas d'Emploi-Québec. On ne sait toujours pas où l'argent est passé. Ils ne sont pas capables de nous dire où l'argent a été dépensé pour Emploi-Québec. Ça aussi, c'est de l'inédit. On n'a jamais vu ça. Sauf qu'on soupçonne qu'il s'en est dépensé pas mal à la veille de l'élection générale. Ça, ça paraît assez évident. À partir du 1er avril 1998 jusqu'au 30 novembre, il n'y en avait pas, de problèmes à Emploi-Québec. On dépensait amplement. Et on dépensait en créant des espoirs chez les plus démunis, les plus vulnérables dans notre société. Et, après l'élection, bon, on ne s'est pas gêné pour couper dans ces rêves-là, couper dans des espoirs, parce que le gouvernement avait réussi à obtenir sa majorité à l'Assemblée nationale, pas dans le vote populaire, mais à l'Assemblée nationale. Et, par coïncidence, ce n'est qu'après l'élection que la Commission des partenaires a été informée par le gouvernement qu'il y avait des dépassements de budget. Jusque-là, il n'y avait pas de problèmes, on dépensait.

Et je sais à quel point ça crée un malaise, ça, du côté ministériel, chez les députés qui ont eu à vivre puis à expliquer à leurs commettants, aux groupes communautaires qui sont coupés, aux jeunes qui sont coupés, aux ressources externes qui sont coupées, que le gouvernement fédéral a transféré plus d'argent, pour ce qui est de sa quote-part dans le domaine de la main-d'oeuvre, qu'il en dépensait l'année précédente, il en met plus, mais qu'il y a des coupures qui viennent affecter les opérations de groupes communautaires qui rendent un service inestimable à la population. Des banques alimentaires, M. le Président, qui se font couper. Des groupes de jeunes qui se font couper. Il faut être rendu bien bas pour couper chez ces gens-là alors que le gouvernement actuel réclame que l'État fédéral fasse d'autres transferts. Avouons que ce n'est pas très rassurant, venant de la bouche de ce gouvernement, de réclamer des transferts alors qu'il est incapable de nous dire où l'argent est déjà passé.

Mais il ne se gêne pas non plus pour continuer dans les dépenses. Ça, ce n'est pas un gouvernement qui se préoccupe beaucoup des détails, on le sait. Il y a eu la conférence de presse qui a été faite à Churchill Falls, où ç'a frisé, quoi, le million, juste avant l'élection, pour qu'on ait des belles photos pour la campagne électorale. Il y a les fascicules qu'Emploi-Québec a fait parvenir il y a quelques semaines à travers des journaux. Il n'y a pas d'argent pour une mère sur l'aide sociale, mais, pour publier des fascicules pour faire de la publicité, ça, il y a de l'argent, il n'y a pas de problème.

On apprenait il y a une semaine que le gouvernement du Québec va payer un monument à Cuba – parce qu'on a de l'argent pour payer un monument à Cuba! – puis qu'on va installer ici, à l'Assemblée nationale, un monument pour un révolutionnaire cubain, hein. Ça, c'est une très grande priorité actuellement pour le gouvernement du Québec, on a besoin d'un monument!

On apprenait aussi il y a quelques jours – notre collègue de Châteauguay nous l'apprenait – qu'on a de l'argent pour une dénommée Webinette, dans le cadre du Printemps à Paris. Webinette, cette jeune dame, sur le site Web, payée par les contribuables du gouvernement du Québec, une maîtresse, c'est un guide sexuel destiné aux jeunes. Ça, il n'y a pas de problème. Je suis sûr que le gouvernement fédéral doit avoir très hâte de transférer de l'argent pour qu'on puisse financer les activités de Webinette au Printemps de Paris! Le leader du gouvernement a beau secouer la tête, M. le Président, c'est un fait, ça, ce n'est pas nous qui l'avons inventé. Ce n'est toujours pas le Parti libéral qui a demandé au gouvernement du Québec de faire cela. Ça a été fait, ça, par le gouvernement actuel.

Bien, M. le Président, du gaspillage, il continue d'y en avoir, et pas à peu près. Même qu'on apprenait aujourd'hui que le gouvernement... Parce que c'est l'autre chose qu'il faut relever. Quand le gouvernement nous dit: Il n'y a pas d'argent, rappelons-nous qu'on a un gouvernement qui intervient massivement dans l'économie. On n'est pas seulement l'endroit qui taxe le plus les gens en Amérique du Nord, on est aussi l'endroit en Amérique du Nord où le gouvernement, l'État québécois est celui qui intervient le plus dans l'économie, dans toutes sortes de transactions. Puis des exemples, en voulez-vous? Il y en a.

La compagnie Cognicase. On apprenait ce matin dans les journaux que la compagnie Cognicase, qui est une bonne compagnie, va faire des profits records. Ils ont reçu une subvention le printemps dernier, puis les dirigeants de la compagnie disaient qu'ils n'avaient pas besoin de la subvention pour faire l'investissement, qu'ils l'auraient fait de toute façon. Ils reçoivent de l'argent du gouvernement du Québec. Puis là le gouvernement du Québec – j'aime bien l'argument, moi, parce qu'on voit ça venir – nous dit: Ah! vous savez, la super SGF, c'est du financement, hein, ce n'est pas dans les revenus et dépenses du gouvernement, c'est de l'argent qu'on prend pour l'investir au nom des Québécois.

Bien, M. le Président, on va se parler bien franchement. Vous savez, moi, je pense que les Québécois sont probablement assez intelligents, assez matures, assez grands pour décider à quel endroit ils veulent placer leur propre argent. Je ne suis pas sûr, moi, qu'on a besoin de Claude Blanchet de la super SGF pour nous dire où placer notre argent. Moi, il me semble qu'une famille québécoise... Je pense à ceux qui sont mère et père monoparental, qui se font taxer à 105 % leur augmentation de salaire, peut-être qu'ils aimeraient ça, eux autres, pouvoir garder un petit peu de cet argent-là. Je soupçonne, c'est peut-être déraisonnable de ma part, mais je soupçonne que ces parents-là aimeraient peut-être acheter un peu plus de vêtements pour leurs enfants. Peut-être qu'ils aimeraient ça, acheter une maison, peut-être qu'ils aimeraient ça, mettre de l'argent de côté pour leur retraite, M. le Président, et qu'ils n'ont pas besoin de Claude Blanchet pour aller placer leur argent pour eux... que ce gouvernement serait bien avisé d'intervenir un petit peu moins dans l'économie.

Puis, on en a un exemple aujourd'hui. Le premier ministre était présent hier pour une subvention, pour une annonce d'investissement de la compagnie australienne Turbo Corp., qui s'installe à Montréal. Une bonne compagnie, je présume, je ne les connais pas, M. le Président. Mais la compagnie en question, elle est dans le domaine de la climatisation, des manufacturiers de compresseurs de climatisation, de ventilation, de réfrigération commerciale, industrielle. Ils viennent ici parce qu'ils veulent avoir accès à notre marché nord-américain. Parfait! Bonne idée! Et, entre autres, ce que mentionne l'investisseur en question, à raison, c'est qu'il y a chez nous une main-d'oeuvre qualifiée, une main-d'oeuvre stable. Ça, on en est très fiers, M. le Président, c'est la pure vérité. Et voilà une bonne raison de venir investir chez nous.

Mais on apprend quoi, à travers ça? Les Québécois déjà surtaxés – nos familles monoparentales – vont être heureux d'apprendre ce matin que la SGF va investir 10 000 000 $ dans l'entreprise, de leur argent à eux, alors qu'Énergie Capital et Capitecq investiront 2 500 000 $ chacun. Ça, ça va, c'est des compagnies... C'est des investissements, à ce que je sache. Je ne les connais pas très bien, ces compagnies-là, mais c'est des compagnies privées.

(11 h 20)

En plus de ça, M. Bouchard, qui est très généreux, il n'a pas beaucoup d'argent pour la santé, mais il a trouvé 1 000 000 $ en subvention directe. Hein, pourquoi pas? Il y a déjà 10 000 000 $, ajoutons un autre 1 000 000 $ des contribuables québécois, pas de problème! Mais on va un peu plus loin et on apprend soudainement pourquoi on est obligé de donner 1 000 000 $ venant des contribuables québécois, pourquoi la SGF prend 10 000 000 $ dans les poches des contribuables québécois pour un investissement: Le président de la compagnie, M. Richmond Smith, a affirmé que le Québec présentait d'autres attraits: coûts de production moins élevés qu'ailleurs, main-d'oeuvre qualifiée, et là je le cite: «Cela compense les côtés négatifs comme l'hiver et les taxes», M. le Président. Alors, essayez de comprendre, si vous êtes contribuable québécois, ce qui amène le gouvernement du Québec à prendre 1 000 000 $ d'argent direct dans vos poches, 10 000 000 $ directement en investissements pour attirer des investissements ici. La compagnie le dit: Il faut bien nous donner de l'argent, il faut compenser pour le fait que les taxes sont plus élevées qu'ailleurs. Je ne sais pas si on aurait pu donner une meilleure démonstration de l'absurdité, du gaspillage du gouvernement actuel que ce que ce monsieur nous annonce au moment où il fait un investissement au Québec. Alors, voilà, M. le Président, un exemple de ce que ce gouvernement-là fait, tout en sachant très bien qu'il le fait au détriment des familles québécoises.

Mais il n'y a pas juste ça. Je pense au manque de transparence pour la Régie de l'énergie. Je vois que le ministre responsable est ici présent. On verra dans quelques jours s'ils ont l'intention de permettre à la Régie de l'énergie d'exercer les pouvoirs que l'Assemblée nationale, de manière unanime, en passant – le ministre des Affaires intergouvernementales, il aime ça quand c'est unanime, «unanime»... a demandé à la Régie de l'énergie d'avoir les pouvoirs d'évaluer les coûts de production d'électricité. Pourquoi, M. le Président? Il y a une raison très directe pour ça. C'est pour éviter que le gouvernement du Québec utilise Hydro-Québec comme source de taxation. Hydro-Québec est là pour produire de l'électricité, pour la livrer, pour s'occuper du système de transport d'électricité et non pas pour servir comme source de taxation supplémentaire pour le gouvernement du Québec. Si le gouvernement voulait faire preuve de transparence, parce que ça le préoccupe, les taxes puis la transparence du fédéral, il serait en tout cas bienvenu de commencer avec la Régie de l'énergie et de permettre à la loi qu'il va lui-même voter, approuver, proposer, de vivre et de jouer le rôle qu'elle doit jouer, M. le Président.

M. le Président, on n'a aucune difficulté à rejoindre le gouvernement actuel sur la question des transferts, mais je veux répéter aujourd'hui qu'on n'a pas attendu, nous, qu'il y ait des surplus du gouvernement fédéral pour dire qu'il fallait rétablir les transferts. Le Parti libéral l'a réclamé dès le début. Et ça doit être embarrassant un petit peu pour lui aujourd'hui d'être obligé de constater que son gouvernement n'a pas fait ça. Son premier ministre a été silencieux, son premier ministre a dit au gouvernement fédéral que c'était correct de couper dans les transferts. C'était correct jusqu'à ce qu'il fasse des surplus. Alors, là, ce n'était plus correct. Et, M. le Président, pour que ce soit clair pour vous, parce que je sais que vous vous intéressez de près aux positions qu'on a toujours défendues, on a dès le début dénoncé le fait que cette méthode pour équilibrer le budget n'était pas une méthode qui allait nous permettre d'atteindre un équilibre budgétaire dans un contexte d'équité, alors qu'on devait rendre des services à la population. Alors, là-dessus, on n'a aucune difficulté. Mais là on fait un pas supplémentaire. Et notre députée de Marguerite-Bourgeoys en a déjà parlé, l'a déjà soulevé, d'autres chez nous, que ce soit le député de Mont-Royal ou le député de Vaudreuil, l'ont soulevé: si on veut éventuellement en arriver à un partage qui nous place à l'abri des mouvements d'opinion publique, des surplus, des déficits, et qui nous permette d'avoir un minimum de stabilité, il faut aussi revoir le partage de l'assiette fiscale entre les deux niveaux de gouvernement. Et, là-dessus, depuis très longtemps, on se bat, au Parti libéral du Québec, pour que nous puissions enfin revoir ce fédéralisme fiscal.

La différence que je veux relever aujourd'hui – et le ministre connaît très bien cette différence – c'est que le Québec, oui, il est vrai, a toujours réclamé ce nouveau partage – ça remonte aux jours de Maurice Duplessis. À la Conférence fédérale-provinciale de 1986, à Vancouver – je le sais, j'y étais – le premier ministre du Québec, Robert Bourassa, à ce moment-là, réclamait à nouveau, dans les positions que défendait le gouvernement du Québec, qu'on revoie le partage. Et j'y étais et je peux vous dire, M. le Président, puis au ministre des Affaires intergouvernementales, que, même si le Québec le demandait à ce moment-là, les autres gouvernements n'y étaient pas. C'est ça, la différence. Le gouvernement de l'Ontario, à l'époque, n'était pas engagé dans un changement de cette nature-là, pas plus que celui de l'Alberta, pas plus que les autres gouvernements ailleurs. Et ce qui a changé fondamentalement, et ça, depuis les années quatre-vingt-dix, c'est que les autres gouvernements ailleurs au pays nous ont rejoints. Et, au moment où ils nous ont rejoints, le gouvernement du Parti québécois a manqué le rendez-vous. Il en a manqué plus qu'un, rendez-vous, il l'a manqué en 1996, en 1997, 1998, 1999, et là, aujourd'hui, il se réveille, il se réveille enfin.

Sauf que ce changement-là, disons-le clairement, ne se fera pas sans le leadership du Québec, mais un leadership sincère et un leadership réel. Pas un leadership où on remet en question la volonté réelle d'en arriver à un nouveau partage. Parce qu'on ne sait jamais si c'est de l'astuce ou si c'est une position pour mieux embarrasser le gouvernement fédéral. Pas une position fondée sur le fait que le gouvernement actuel, lui, ne s'engage pas à réduire les impôts.

Et c'est là où le bât blesse, M. le Président. Parce que, si le gouvernement actuel voulait se donner un minimum de crédibilité, pas juste sur la baisse des impôts du fédéral, mais sur le partage justement de l'assiette fiscale, sur un nouveau pacte sur le plan fiscal, il poserait des gestes qui vont dans le sens de ce qu'il réclame de la part des autres: il baisserait ses impôts immédiatement. Il nous donnerait le minimum, il donnerait aux contribuables québécois le minimum d'informations que le gouvernement fédéral a partagées il y a quelques jours. C'est ça qu'il ferait.

Des voix: Bravo!

M. Charest: D'ailleurs, je peux dire au ministre, M. le Président, que je suis très à l'aise d'en parler, même très, très à l'aise d'en parler, parce que la position que je défends aujourd'hui, moi, au nom des Québécois et Québécoises, je l'ai défendue en 1997. Et je l'ai défendue au Québec, je l'ai défendue en Alberta, je l'ai défendue dans le Parlement fédéral, M. le Président, puis on me l'a reproché à ce moment-là, mais je l'ai fait parce que j'y croyais, parce que mes convictions sont là. Ce que je défendais, la réduction d'impôts que l'on réclame aujourd'hui au gouvernement fédéral parce que nous y croyons – le gouvernement fédéral doit réduire les impôts – je la réclamais il y a deux ans, M. le Président, comme j'ai réclamé à plusieurs reprises, à l'extérieur et à l'intérieur de la Chambre des communes, qu'il réduise les cotisations d'assurance-chômage parce que c'est une taxe sur l'emploi, ça aussi. Et, pendant la campagne de 1997, je réclamais qu'on transfère des points d'impôt. Je l'ai fait au nom du Québec et je l'ai fait parce que ça allait dans le sens de ce qui est bon pour le contribuable québécois. Alors, ce n'est pas nouveau.

Des voix: Bravo!

M. Charest: Je veux bien, M. le Président, appuyer des positions que j'ai défendues depuis très longtemps, que le Parti libéral défend depuis très longtemps, mais, pour y arriver, je veux bien aussi, comme le ministre le disait, que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix et qu'on puisse le faire avec un minimum de crédibilité. Et, comme le ministre nous interpelle et nous demande de parler d'une seule voix, je me rends à son invitation aujourd'hui. J'accepte son invitation.


Motion d'amendement

Et, comme le ministre a voulu, le 9 septembre dernier, interpeller le contribuable québécois et son gouvernement à la réduction d'impôts – il parlait de ce boulet au pied d'un gouvernement qui était celui qui taxait le plus en Amérique du Nord – je vais passer de la parole aux actes et je veux proposer, M. le Président, l'amendement suivant à la motion du ministre d'État à l'Économie et aux Finances:

1° en remplaçant les deux premières lignes de la motion ainsi que les mots «fédéral en réduisant le niveau de ses impôts», à la troisième ligne, par «Que l'Assemblée nationale exige des gouvernements fédéral et provincial qu'ils corrigent le déséquilibre fiscal entre eux en réduisant maintenant le niveau de leurs impôts,»;

2° en ajoutant à la huitième ligne, après le mot «provinces», les mots «et au fédéral».

M. le Président, la motion telle qu'amendée se lirait comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige des gouvernements fédéral et provincial qu'ils corrigent le déséquilibre fiscal entre eux en réduisant maintenant le niveau de leurs impôts, en établissant, dans le cadre du transfert canadien en matière de santé et de programme sociaux (TCSPS), les transferts financiers aux provinces au niveau d'avant les coupures de 1994-1995, et en proposant un nouveau partage fiscal, notamment par un transfert de points d'impôt qui respectera les responsabilités attribuées aux provinces et au fédéral par la Constitution canadienne.»

(11 h 30)

M. le Président, vous voyez déjà que le ministre des Affaires intergouvernementales et moi-même, on s'entend très bien. Je n'ai que cité. Tout ce que j'ai fait, c'est suivre les conseils qu'il me donnait le 9 septembre dernier sur la réduction des impôts, et tout ce que je souhaite faire aujourd'hui, c'est lui donner un petit peu plus de crédibilité pour pouvoir réclamer de la part du gouvernement fédéral les réductions d'impôts, les transferts, également le nouveau partage. Et, comme le disait si bien le ministre des Affaires intergouvernementales: Voilà une chance, une opportunité pour que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix, pour que le Québec soit plus fort, surtout plus prospère, M. le Président. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le chef de l'opposition. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, oui, je sais que mon collègue, en vertu de 213, demande le consentement pour poser une question au chef de l'opposition, mais après je vous demanderais de suspendre pour quelques minutes afin qu'on puisse examiner les amendements proposés par le chef de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Moi-même, je vais suspendre et je vais voir aussi, quant à la recevabilité, je vais me donner quelques minutes pour regarder tout ça. Quand on reviendra, à ce moment-là, tout sera très clair pour tout le monde. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Une précision, M. le Président. Moi, je ne veux rien prendre pour acquis. À ce moment-ci, si le gouvernement n'a pas d'objection, si elle est à sa face même recevable et que le gouvernement n'a pas de représentation à vous faire quant à la recevabilité, nous voulons ménager une brève période de temps pour présenter notre argumentation.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, on pourra prendre quelques minutes, quelques instants pour voir à la recevabilité. Alors, M. le ministre délégué, vous voulez poser une question?

M. Facal: Oui, M. le Président. Je voudrais vraiment très, très brièvement qu'on quitte un instant les révolutionnaires cubains puis les guides sexuels qui alimentent les temps de loisir de l'opposition. Je veux qu'on revienne au fond.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, monsieur. C'est une question que vous voulez...

M. Facal: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon. Alors, très bien. M. le chef de l'opposition, est-ce que vous acceptez une question de la part du ministre délégué? Très bien, merci. M. le ministre délégué.

M. Facal: M. le Président, je veux simplement bien comprendre la position de l'opposition officielle, parce que le chef de l'opposition officielle nous dit qu'il défend aujourd'hui la même position qu'en 1997. Parfait.

Des voix: Bravo!

M. Facal: Il nous presse d'entreprendre avec le gouvernement fédéral des discussions pour un nouveau partage fiscal. Et il nous dit: En 1997, je proposais ça. Très bien.

Une voix: Question!

M. Facal: J'y viens. En 1997, le chef de l'opposition, quand il était à Ottawa, proposait en effet un pacte fiscal par lequel les gouvernements des provinces recevraient des transferts de points d'impôt du gouvernement fédéral, mais...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le ministre. En principe, la question que vous pouvez poser, c'est une question qui ne demande pas de préambule, c'est l'équivalent d'une question complémentaire. Alors, je vous demanderais de poser la question, s'il vous plaît.

M. Facal: Est-ce que le chef de l'opposition officielle, qui s'est fait dire par M. Chrétien que le magasin général était fermé et dont nous apprendrons que le programme constitutionnel devra attendre 2002, pourrait nous dire ce qu'un hypothétique gouvernement du Québec dirigé par le Parti libéral consentirait au gouvernement fédéral, donnerait au gouvernement fédéral en échange de ces points d'impôt qu'il réclame?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le chef de l'opposition.

M. Charest: M. le Président, je remarquais, dans les mots prononcés, la réflexion du ministre des Affaires intergouvernementales, qui pense que les gaspillages, ça occupe nos heures de loisirs. Le problème, c'est que ça occupe les impôts des contribuables québécois. Webinette, le site Web au Printemps du Québec à Paris, ça n'a pas été la source de notre imagination, et, si le ministre veut défendre ça et pense que c'est correct, je l'invite à le faire. Pas plus que le 400 000 $ de pub payé par son gouvernement le lendemain du budget fédéral, gaspillé en l'air alors que le système de soins de santé est asséché, n'a aucun argent nouveau puis qu'on continue les compressions, n'était justifié; pas plus que le 7 000 000 $ pour le musée que la Société des alcools propose de construire ou les 800 000 $ pour les rénovations... ou Emploi-Québec, M. le Président.

M. le Président, je suis content de savoir que le ministre m'appuie et, encore une fois, avoue que la position que je défendais en 1997, c'était la position correcte. Je vais lui répéter pourquoi c'était important et pourquoi ça relève du bon sens de faire ce changement-là. Parce qu'il ne s'agit pas d'un échange, il s'agit de respecter un principe de la politique et de l'administration publique qui, moi, me semble fondamental, c'est celui de l'imputabilité. Et ce que Courchesne disait dans son document en 1996 et ce que je crois fondamentalement, c'est que le gouvernement qui rend les services devrait être celui qui prélève les impôts, de telle sorte que le citoyen, lui, qui reçoit ou ne reçoit pas les services, saura exactement à qui s'adresser lorsqu'il aura des choses à dire, lorsqu'il voudra des changements. Ça relève du bon sens!

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le chef de l'opposition. Nous allons suspendre quelques minutes pour analyser l'amendement.

(Suspension de la séance à 11 h 37)

(Reprise à 11 h 55)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, nous allons reprendre nos travaux. Tel qu'entendu tantôt, est-ce que vous aimeriez vous faire entendre brièvement sur la recevabilité? Non?


Décision du président sur la recevabilité

Alors, je peux rendre ma décision immédiatement, si vous voulez. Oui. Elle est recevable. Alors, ça va peut-être bien... C'est pour ça que, sentant le pouls un peu, là, je pensais qu'on aurait pu hâter les choses pour décider de la... Je vous annonce qu'elle est recevable. Nous avons examiné ça attentivement et je n'ai pas à la justifier, puisque de part et d'autre vous êtes d'accord avec cette décision.

Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je n'ai d'ailleurs pas voulu plaider là-dessus, sur la recevabilité ou pas, parce que l'objectif qu'on vise de ce côté-ci, je pense que c'est celui qui est également visé par le chef de l'opposition en présentant ses amendements, c'est de faire en sorte que l'Assemblée nationale parle d'une seule voix. Alors, dans cette perspective-là, je n'ai pas souhaité, je n'ai pas voulu qu'on s'engage dans un débat sur la recevabilité.

Donc, je prends acte de votre décision et, compte tenu de l'heure, M. le Président, je ferais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: C'est une motion débattable mais, à ce moment-ci, si le leader pouvait retenir son souffle pour quelques secondes de façon à nous orienter davantage sur la poursuite du débat, il demeure deux questions en suspens: celle que le chef de l'opposition a adressée au premier intervenant du côté ministériel quant à la possibilité pour le gouvernement du Québec de faire connaître, comme le gouvernement fédéral l'a fait, ses prévisions budgétaires sur cinq ans pour qu'on parle à partir de bases de données chiffrées qui soient unanimes également en cette Chambre; et le deuxième élément, la recevabilité. C'est une chose.

Est-ce que je comprends bien le leader du gouvernement, lorsqu'il parle d'unanimité de l'Assemblée nationale, que non seulement il se rend à votre décision – malheureusement, comme moi, il n'a souvent pas le choix dans ces circonstances-là – mais qu'il va un peu plus loin en disant: Le texte, tel que soumis par le chef de l'opposition, est un texte auquel on pourra se rallier en temps et lieu? À partir de ce moment-là, vous comprendrez, M. le Président, que le ton des discours, le contenu des discours peut être modifié. Il est important que le prochain intervenant connaisse l'intention gouvernementale.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, très brève remarque. D'abord, quant à la première question, je pense que le ministre de l'Économie et des Finances a droit à une heure comme proposeur. Alors, il aura amplement le temps de répondre à cette question qui est tout à fait pertinente.

Quant à la deuxième, je dirais, là, pour une première remarque, que notre position définitive sera adoptée un peu plus tard, mais qu'au premier examen des amendements du chef de l'opposition, ses amendements ne nous répugnent pas. Donc, par conséquent, la porte est ouverte pour que nous les acceptions et que nous puissions ainsi faire en sorte que le Parlement de Québec fasse entendre une voix unanime.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, très bien, merci. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi...

M. Brassard: ...M. le Président, ajourner le débat d'abord.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. L'ajournement du débat? Ah bon! Très bien. Cette motion est adoptée? Elle est adoptée.

Alors, nous allons, sur ce, suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes.


Présentation de projets de loi

Puisqu'il n'y a pas de déclarations ministérielles, nous passons immédiatement à l'étape de la présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, M. le Président, je vous réfère d'abord à l'article f.


Projet de loi n° 221

Le Président: Alors, en rapport avec cet article du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 221, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose donc ce rapport, et, en conséquence, Mme la députée de Mille-Îles présente le projet de loi d'intérêt privé n° 221, Loi modifiant la Charte de la Ville de Laval.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Alors, la motion du leader du gouvernement est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: M. le leader.

M. Brassard: Maintenant, l'article e, M. le Président.


Projet de loi n° 223

Le Président: Alors, à cet article, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 223, Loi autorisant Financière Banque Nationale Corp. à continuer son existence en vertu de la Partie IA de la Loi sur les compagnies du Québec. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport. M. le député de Marguerite-D'Youville présente le projet de loi d'intérêt privé n° 223, Loi autorisant Financière Banque Nationale Corp. à continuer son existence en vertu de la Partie IA de la Loi sur les compagnies du Québec.


Mise aux voix

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté. M. le leader.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques et pour que le ministre d'État à l'Économie et aux Finances en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, maintenant, M. le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances.


Plan d'action de l'Inspecteur général des institutions financières auprès de L'Alternative, compagnie d'assurances sur la vie

M. Landry: M. le Président, je dépose le plan d'action de l'Inspecteur général des institutions financières dans le dossier de L'Alternative, compagnie d'assurances.

Le Président: Alors, ce document est déposé. Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Addenda au rapport annuel de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue, et rapport annuel de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je dépose copie d'un addenda au rapport annuel 1998-1999 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de l'Abitibi-Témiscamingue et je dépose aussi le rapport annuel 1998-1999 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

Le Président: Bien, ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.


Renvoi du rapport annuel à la commission des affaires sociales pour examen

M. Brassard: Alors, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 392 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le rapport annuel 1998-1999 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Saguenay–Lac-Saint-Jean soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude; et

«Que la ministre de la Santé et des Services sociaux soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Bien. Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le ministre des Transports, maintenant.


Rapport annuel du ministère des Transports

M. Chevrette: Je dépose le rapport annuel 1998-1999 du ministère des Transports.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre des Ressources naturelles.


Rapport annuel du ministère des Ressources naturelles

M. Brassard: Alors, je dépose le rapport annuel 1998-1999 du ministère des Ressources naturelles.

Le Président: Très bien. Au dépôt de rapports de missions, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.


Rapport de mission de la réunion de la Commission politique et de l'administration générale de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, au Caire

M. Boulerice: M. le Président, je dépose le rapport de la mission que j'ai effectuée à la réunion de la Commission politique et de l'administration générale de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, tenue au Caire, en Égypte, du 23 au 25 février 1999.

Le Président: Bien. Je crois que vous avez un deuxième rapport?


Rapport de mission de la XVIe session de l'Assemblée régionale Amérique de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, à Ottawa

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je dépose également le rapport de la mission que j'ai effectuée à la XVIe session de l'Assemblée régionale Amérique de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, tenue à Ottawa, du 8 au 10 juillet 1999. J'étais accompagné à cette occasion de M. le député de Jeanne-Mance et de M. le député de Saint-Maurice, tous deux vice-présidents de l'Assemblée, de Mme la députée de Saint-François, de Mme la députée de Rosemont, de M. le député d'Anjou, de M. le député de Beauce-Nord et de M. le député de Montmorency.

Le Président: Bien. Alors, ce rapport est également déposé.


Préavis d'une motion des députés de l'opposition

Pour ma part, j'ai reçu, dans les délais prescrits, préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires prévues par les députés de l'opposition, conformément à l'article 97.1 du règlement. Je dépose copie du texte de ce préavis.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions aujourd'hui, ni dépôt de pétitions, pas plus qu'il n'y a d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Cependant, avant d'aborder la période de questions et de réponses orales, je vous avise qu'après celle-ci M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse répondra à une question posée le 11 novembre dernier par M. le député de Nelligan concernant les listes d'attente en protection de la jeunesse.


Questions et réponses orales

Nous abordons maintenant la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


État du système de santé


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. Le gouvernement actuel a fait une réforme de la santé, on le sait, qui était sous le signe de l'improvisation, du manque de planification, de l'absence de priorisation. Et, depuis hier, le gouvernement vient d'ajouter un nouveau cran dans la confusion sur l'orientation de ses politiques pour le système de soins de santé.

Pourtant, dans les dernières semaines, le gouvernement annonçait qu'il remettait en question son virage ambulatoire, la construction de centres ambulatoires. Le déficit des hôpitaux, M. le Président, on l'apprenait hier, continue de s'amplifier maintenant au rythme de 350 000 000 $. Sa ministre de la Santé nous annonçait hier qu'elle en était même surprise. On apprenait aussi dans les derniers jours que le programme d'assurance-médicaments a défoncé son budget de l'ordre de 210 000 000 $. Les pénuries de médecins s'aggravent, les pénuries de médecins spécialistes s'aggravent, les pénuries de médecins dans les régions s'aggravent, les pénuries d'infirmières s'aggravent également, les pénuries de techniciens s'aggravent. Les listes d'attente, pendant ce temps-là, s'allongent.

(14 h 10)

J'aimerais savoir du premier ministre, suite aux déclarations de sa ministre, des derniers jours, et suite à l'éclatement, la dégradation du système de soins de santé dont on est témoin actuellement, si le gouvernement est en train de nous annoncer qu'il y aura une autre réforme de la santé, s'il est enfin prêt à se mettre à table pour remettre en question le dérapage du système de soins de santé qu'il a lui-même provoqué.

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Non seulement il n'y a pas eu dérapage, mais nous avons réussi à maintenir la qualité des services que nous offrons aux Québécois et aux Québécoises. Et, s'il y avait des gens à rendre responsables des difficultés que nous vivons, puisque nous en vivons, peut-être faudrait-il se retourner du côté d'Ottawa qui a coupé dans les transferts des milliards de dollars qui sont venus pénaliser le Québec tant au niveau de la santé que de l'éducation et que d'autres programmes d'aide aux personnes.

Le virage ambulatoire auquel nous avons procédé dans un moment difficile, oui, parce que nous avions en même temps à assainir les finances publiques, et ça n'a pas facilité ce travail, demeure un véritable succès. Et, dans les faits, ce que l'on peut constater, c'est que les gens...

Des voix: ...

Le Président: Alors, rapidement, Mme la ministre, en conclusion.

Mme Marois: Par exemple, M. le Président, nous avons effectivement diminué le taux d'hospitalisation en chirurgie d'une façon très importante parce que nous utilisons mieux l'ensemble des outils diagnostiques, l'ensemble des interventions, et que plus rapidement la personne est soignée, elle est guérie et peut retourner chez elle, de la même façon que nous utilisons mieux l'ensemble des ressources dans nos hôpitaux. Ça ne veut pas dire que c'est parfait, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu des difficultés, ça ne veut pas dire qu'il n'y en a pas encore, ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas des améliorations à apporter.

Alors, non seulement nous ne remettons pas en cause ce que nous avons fait, nous essayons de trouver des façons – et, en ce sens, on s'entend particulièrement bien avec l'Association des hôpitaux – de comprendre ce qui se passe actuellement dans la progression des coûts dans le secteur de la santé pour voir comment nous pourrons y faire face dans l'avenir, M. le Président, de façon responsable.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, la ministre de la Santé doit être la seule personne, la dernière personne au Québec à continuer de dire que le virage ambulatoire, la réforme Rochon, est un succès. Elle doit être la dernière.

M. le Président, la stratégie de blâmer les autres ne colle plus. Même dans ses propres rangs, la députée du Bloc Caroline St-Hilaire soutenait que le discours souverainiste actuel centré sur le ressentiment et prenant pour cible le méchant fédéral n'a plus de sens. Mais, si elle cherche quelqu'un à blâmer, elle pourrait se tourner à quelques banquettes d'elle, vers son propre premier ministre, qui, le 20 juillet 1998, disait ceci au sujet des coupures du gouvernement fédéral, et je le cite: «Et, moi, j'ai été de ceux qui ont été assez silencieux vis-à-vis des coupures du fédéral du côté des transferts parce que, moi aussi, je comprenais qu'il fallait que le fédéral supprime son déficit. Je le comprenais, je pensais que c'était une politique qui était correcte.» Son premier ministre avait ça à dire.

Et, puisque la ministre de la Santé invoque les déclarations de l'Association des hôpitaux du Québec, a-t-elle entendu la déclaration de cette Association qui disait qu'au rythme où on allait il faudrait faire des arbitrages, entre autres pour ce qui touche les personnes âgées? Et le premier ministre aura sans doute entendu hier les intervenants du milieu de la santé qui ont commencé à dire qu'au rythme où se dégrade le système il faudrait commencer à dire aux personnes âgées que peut-être que le temps n'est pas venu pour eux... qu'il est trop tard pour poser un pacemaker, peut-être que la dialyse, ce n'est pas bon pour eux parce qu'ils sont un peu trop âgés.

Est-ce que le premier ministre va accepter ces conclusions-là suite à sa réforme de la santé, ou est-ce qu'il va enfin se lever debout puis prendre ses responsabilités?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je crois que le chef de l'opposition devrait réfléchir sérieusement sur ce que vient de lui répondre la ministre de la Santé et des Affaires sociales. Elle a référé à un problème structurel auquel nous faisons face au Québec, et ce n'est pas quelque chose qui va se résorber du jour au lendemain, puis c'est un phénomène qui va s'accroître.

Il y a des phénomènes structurels, des facteurs structurels très graves ici, au Québec, ailleurs, au Canada, aux États-Unis, qui sont en train de faire augmenter les coûts de santé au-delà de ce que l'économie nous donne en termes de croissance, même en période de croissance économique comme celle que nous avons présentement. Vous avez une croissance des coûts dans la santé qui est de l'ordre de 4 % par année et vous avez une augmentation de la croissance économique qui va rarement en haut de 3 % dans les meilleures années.

Alors, vous voyez, là, il y a quelque chose qui se passe actuellement. C'est un phénomène qui est très grave auquel tout le monde doit faire face. Et c'est pour cela que, dans ce temps-là, quand on voit que le fédéral, comme nous, a supprimé le déficit, nous sommes très contents et nous l'avons appuyé quand il l'a fait, mais, quand il est en train d'accumuler un surplus de 100 000 000 000 $ sur le dos du financement des programmes de santé dans tout le Canada, nous disons qu'il y a un problème très grave et que l'opposition devrait s'y intéresser aussi.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, on va prendre acte de l'aveu du premier ministre, aujourd'hui, qui dit l'avoir appuyé, parce qu'il y a une différence entre lui et moi. Moi, je n'ai jamais appuyé les coupures de transferts du gouvernement fédéral vers les provinces. Lui les a peut-être appuyées; moi, je ne les ai jamais appuyées, M. le Président. C'est ça, la différence entre lui et moi.

C'est ce qu'il disait. C'est lui qui a ouvert la porte pour les coupures, puis, maintenant que le gouvernement fédéral fait des surplus, là il crie au scandale. C'est ce qu'on appelle la grandiloquence, M. le Président. Mais, au-delà de tout ça, il y a des hommes, il y a des femmes qui sont malades, des gens qui sont campés dans des tentes-roulottes, des infirmiers et infirmières qui ont été mis à la retraite par son gouvernement, des médecins envoyés à la retraite par son gouvernement.

Il n'a pas répondu à ma question: Est-ce qu'il va accepter la déclaration des gens dans le milieu de la santé qui, hier, disaient qu'il va falloir faire des arbitrages pour des personnes âgées à qui on demandait de poser des pacemakers? Le vice-premier ministre n'a pas de leçons à me donner sur les personnes âgées, je regrette. J'aimerais que le premier ministre me le dise: Est-ce qu'il accepte, oui ou non, la...

Le Président: Bien. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je crois que nous devons faire un débat sur les sommes qui seront nécessaires pour supporter notre système de santé, pour justement ne jamais avoir à faire des choix comme ceux que soulève ou les questions que pose l'Association des hôpitaux du Québec, et c'est pour ça qu'il faut le faire sereinement et calmement, ce débat. C'est une obligation pour nous que d'arriver à établir clairement qu'est-ce que ça met comme pression sur le système de santé, la hausse et l'amélioration des types de traitement que nous pouvons offrir aux personnes, l'allongement de la vie.

On vit plus longtemps, en meilleure santé, et c'est tant mieux. Mais évidemment ça coûte plus cher dans l'ensemble des services de santé au Québec. Et ce qu'on sait, c'est que l'augmentation des coûts en santé est de l'ordre de 4 % à 4,5 % par année, alors que les ressources disponibles sur la base de notre richesse collective, en termes de progression, sont de l'ordre de 2 % à 2,5 %. J'ai ouvert cette avenue d'un débat sur le financement de l'ensemble de nos services de santé et de nos services sociaux au Québec. Et j'invite l'opposition à ce qu'elle participe d'une façon positive et sereine à ces échanges parce que je pense que c'est un problème de société auquel nous sommes confrontés, et il faut qu'ensemble et collectivement nous trouvions des solutions à ce problème si nous voulons maintenir l'excellence, la qualité et le caractère public de notre système de santé au Québec, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Quelle grande découverte! La ministre de la Santé vient nous annoncer qu'on a un problème de société. Quelle originalité, M. le Président, pour tous ceux qui sont dans les salles d'urgence aujourd'hui! Je vais me réessayer une autre fois, une autre fois parce que c'est extrêmement grave, ce qui s'est dit hier. Et, si la ministre ne l'a pas entendu ou remarqué, je peux vous dire qu'il y a plusieurs personnes âgées au Québec qui l'ont entendu et qui ont dû être inquiètes hier, et avec raison, M. le Président, parce que ce qu'on a entendu spécifiquement hier, c'est des gens dans le milieu de la santé dire qu'au rythme où se dégradent les soins il faudra faire des arbitrages pour poser des pacemakers, pour faire des dialyses, poser des prothèses.

Une voix: ...

M. Charest: Non, non, c'est ça qui a été dit. Ne me dites pas non, c'est ça qui a été dit. Et, si vous pensez le contraire, ayez le courage de vous lever debout pour au moins dire clairement qu'on ne tombera pas, au Québec, dans une situation où on prive les gens de soins. Alors, au lieu de dire non, levez-vous donc debout puis dites aux Québécois exactement où vous campez.

(14 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, je ne pense pas que de se vautrer dans la démagogie va régler le problème. La ministre vient de dire que ce pour quoi notre gouvernement travaille très fort dans ce dossier, c'est justement pour éviter ces arbitrages, c'est justement pour permettre que tous les Québécois, quels qu'ils soient, aient accès à des soins de qualité, de façon universelle, et que nous puissions les financer.

Il y a un problème de financement, M. le Président – quand même qu'on voudra crier, là – qui n'est pas seulement au Québec, qui est partout dans chaque province canadienne – nos collègues, c'est ce qu'ils nous disent, puis on voit les journaux – qui est également aux États-Unis. Lisons la chronique de Mme Rheault, aujourd'hui, dans Le Soleil , qui rapporte la situation catastrophique des soins de santé aux États-Unis où 44 000 000 de personnes n'ont même pas d'assurance et n'ont même pas accès au programme Medicaid des États. C'est un problème présentement dans les sociétés industrialisées.

Il y a trois facteurs qui jouent. Premièrement, la population vieillit. Les bébés qui vont naître après l'an 2000, il y en a un sur deux qui va avoir des chances de devenir centenaire, donc une plus grande population de plus en plus considérable qui va accéder à des soins très importants qu'il faudra lui rendre plus longtemps, de plus en plus compliqués, avec une population active rétrécie. On le sait, la démographie n'est pas très florissante chez nous, donc de moins en moins de gens actifs pour payer pour des soins accrus qui vont être requis par une population plus âgée, dont nous ferons partie, nous tous, plus considérable, M. le Président.

Deuxièmement, apparition de nouvelles technologies, technologies extrêmement efficaces qui permettent de déceler plus rapidement les maladies, de les soigner mieux mais qui coûtent extrêmement cher et qu'il nous faut. Nous devons pouvoir les acheter, ces technologies, M. le Président.

Troisièmement, de nouveaux besoins, de nouvelles maladies qui apparaissent, de nouveaux médicaments, de nouveaux besoins très forts. Tout ça, ça fait que, dans tous les pays du monde qui ont des systèmes de santé organisés, il y a une pression comme celle que nous vivons au Québec. Et ce que nous vivons au Québec, on le vit partout présentement dans ces pays-là. Et nous avons tous l'obligation, comme démocratie, comme société compatissante et éclairée, de trouver des solutions. Il faut le faire collectivement.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bourassa.


Dépenses totales en santé per capita


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, le premier ministre peut-il nous dire pourquoi, au Québec, les dépenses totales de santé per capita sont moindres qu'ailleurs? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Les dépenses par rapport à l'ensemble de notre richesse collective sont exactement à la moyenne canadienne. Nous mettons la même valeur en termes de richesse collective que ce qui se met ailleurs dans le reste du Canada, M. le Président.

Ce qui explique qu'au per capita ce soit différent, c'est notre rémunération, entre autres, du côté soit des médecins, ou des spécialistes, ou d'autres catégories de professionnels, parce que nous comparons les salaires aux salaires qui sont versés dans l'économie québécoise. Et c'est ce qui explique la plus importante part de différence entre ce que nous versons per capita en santé ici par rapport à ce qui se verse à l'extérieur, dans le reste du Canada, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: En principale, M. le Président.

Le Président: Très bien, Mme la députée.


Dépassement de l'enveloppe salariale des médecins


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Le 4 novembre dernier, la ministre de la Santé et des Services sociaux a été tout à fait incapable de nous dire à combien se chiffre le dépassement de l'enveloppe salariale des médecins omnipraticiens. Mme la ministre prenait avis, en cette Chambre, de la question en nous informant qu'elle pourrait éventuellement donner cette information aux membres de cette Chambre.

M. le Président, la ministre de la Santé peut-elle nous dire aujourd'hui, autant de jours après, à combien elle estime le dépassement de l'enveloppe salariale des médecins omnipraticiens?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Pour l'ensemble de l'enveloppe des médecins, autant spécialistes qu'omnipraticiens, c'est un dépassement de l'ordre de 80 000 000 $ qui sont liés à différentes réalités, évidemment. Nous avons déplafonné dans certains cas pour rendre disponibles les services parce qu'il était nécessaire de le faire, bien sûr, parce que nous avons reconnu le travail plus exigeant dans certaines urgences, par exemple, il y a donc eu là aussi certains ajouts de ressources. Parce que nous avons rendu disponibles des ressources justement pour nous assurer que toute la population québécoise ait accès, partout sur le territoire, à des services de qualité en tout temps, nous avons donc constitué certaines équipes pour lesquelles il a fallu nous assurer une rémunération permettant de les supporter dans leur travail. C'est ce qui vient expliquer les dépassements.

Ça me permet de dire, M. le Président, que, s'il y a dépassements, s'il y a déficits du côté des hôpitaux, pas de 350 000 000 $ de plus que prévu, mais de 100 000 000 $ de plus que prévu, c'est parce que des services ont été rendus, pas parce qu'ils ont été coupés, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.


Plan d'immobilisation du ministère de la Santé et des Services sociaux


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, en additionnelle. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux peut-elle nous dire quand elle va enfin déposer et rendre public son plan d'immobilisation?

Le Président: Disons, Mme la députée de Bourassa, que c'est une question principale. Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: C'est ça, c'est une question principale, mais je vais quand même y répondre, M. le Président: Dès que nous aurons terminé les discussions, tant à l'interne qu'avec mes collègues au Conseil du trésor.

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en question principale.


Projet de transfert de la gestion du transport scolaire au monde municipal


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Le transport scolaire est au coeur des discussions sur la facture de 356 000 000 $ qui sera transférée aux municipalités. Alors que la ministre des Affaires municipales négocie déjà le transfert du transport scolaire en cachette avec les MRC, que le ministre des Transports dit que les administrateurs scolaires ne sont pas assez bons pour gérer le transport scolaire, le ministre de l'Éducation, lui, reste silencieux et ne semble pas comprendre qu'il est en train de s'en faire passer une petite vite par ses vétérans collègues.

Est-ce que le ministre de l'Éducation peut nous dire s'il est toujours contre le transfert du transport scolaire aux MRC, et peut-il réitérer son engagement aux commissions scolaires et aux administrateurs scolaires sur le fait qu'il n'y aura aucune décision de prise sans l'aval du monde de l'éducation?

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: Oui. M. le Président, d'abord, je vous dirais que j'ai déjà vu des cachettes qui étaient plus secrètes que celle-là.

M. le Président, j'ai eu l'occasion de discuter de ce sujet avec ma collègue des Affaires municipales. Je l'ai dit et je le répète, le transfert possible du transport scolaire aux municipalités pose des difficultés, des difficultés parce qu'il y a un lien direct entre l'organisation pédagogique et le transport scolaire. Ce qu'on est en train de faire actuellement, puis ma collègue le fait avec les différents représentants, c'est d'examiner ces difficultés, examiner les avantages, les désavantages. Et ce qu'on a promis et ce que je vous répète aussi aujourd'hui, c'est que les commissions scolaires, les fédérations de commissions scolaires vont être consultées avant qu'une décision soit prise.

Le Président: M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Éducation se rend compte qu'il a changé d'idée, qu'il est en train d'ouvrir la porte au transfert du transport scolaire aux MRC et qu'autrement dit il est en train de nous dire qu'il est en train de s'écraser devant sa collègue des Affaires municipales, devant son collègue des Transports, à qui il semble faire confiance, alors que son président de fédérations de commissions scolaires a dit que le ministre des Transports ne connaissait rien au dossier?

Il est en train de faire confiance à ces gens-là plutôt que de se tenir debout, de défendre sa position et de défendre l'engagement qu'il a pris devant la Fédération des commissions scolaires qu'il n'y aurait pas de transfert, qu'elle serait consultée, alors qu'elle ne l'est pas, et qu'il attendrait son aval avant de prendre une décision.

Tout le monde est contre, M. le ministre. Qui vous dit, dans le milieu, que le monde scolaire est pour le transfert, alors que tous sont contre?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, d'abord, les personnes qui me connaissent bien savent bien que je ne suis pas le genre à m'écraser. Qu'il se rassure, le député de Kamouraska-Témiscouata.

M. le Président, ma collègue aux Affaires municipales travaille actuellement sur des hypothèses. Je répète ce que j'ai dit tantôt: Les scénarios sont examinés, et, dans le scénario où on transférerait possiblement le transport scolaire, ça pose des difficultés, des difficultés parce qu'il y a un lien, il y a un lien effectivement entre l'organisation pédagogique et le transport scolaire. Donc, ça veut dire que, si ce scénario était retenu, il faudrait trouver des solutions, des solutions qui préservent la sécurité des élèves, des solutions qui assurent aussi que ce lien est maintenu et bien maintenu.

(14 h 30)

Donc, je pense que le député de Kamouraska-Témiscouata devrait être patient et je le répète: Tous les intervenants, incluant les fédérations de commissions scolaires, seront consultés, et donc leurs opinions seront prises en compte avant qu'une décision soit prise, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de D'Arcy-McGee.


Enquête de l'Office de la protection du consommateur concernant les prêteurs sur gages


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'ai dénoncé à plusieurs reprises les effets désastreux des coupures du gouvernement péquiste dans le budget de l'Office de la protection du consommateur, alors qu'on constatait que le nombre d'enquêtes diminuait beaucoup dû au manque flagrant de personnel et que le Protecteur du citoyen affirmait que l'Office n'était plus qu'une vitrine sur l'information. Le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration était alors fier de me répondre que, s'il y avait moins d'enquêtes, c'est parce que l'Office réglait davantage de dossiers par médiation.

M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration: Est-ce que le ministre maintient que l'Office remplit bien sa mission quand on apprend que des consommateurs paient 250 % d'intérêt – oui, M. le Président, 250 % d'intérêt – lorsqu'ils n'ont pas d'autre choix que d'aller voir des prêteurs sur gages?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Alors, M. le Président, je pense que le député, avec raison, souligne une des situations, dans notre société, qui est totalement inacceptable. On sait que s'est développé au cours des dernières années ce genre de «pawnshops» qui, à toutes fins pratiques, pratiquent des taux absolument usuraires à l'égard de nos concitoyens, particulièrement de ceux qui ont de la difficulté à trouver, dans le marché financier habituel, des sources de financement.

Je dois dire, cependant, que je suis un peu étonné de sa question, puisque l'Office, en collaboration avec les corps policiers de la région de Montréal, vient de procéder à une importante opération dans des dizaines et des dizaines de ces établissements, et je pense en conséquence que l'Office, justement, remplit pleinement son rôle. C'est le résultat d'une démarche de plusieurs mois qui vient à aboutissement et dont on doit être particulièrement fiers, M. le Président.

Le Président: M. le député de D'Arcy-McGee, en complémentaire.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: M. le Président, comment le ministre peut-il laisser les consommateurs les plus démunis et les plus vulnérables sans défense vis-à-vis de telles pratiques pendant qu'il y a seulement cinq inspecteurs pour toute la province et que l'Office doit faire appel aux policiers pour faire respecter sa loi?

Le Président: M. le ministre.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Alors, M. le Président, je constate surtout d'abord que l'Office a pris les moyens pour faire respecter sa loi dans le cas présent. Elle a fait une des interventions les plus musclées qui n'aient jamais été faites au Québec depuis des années en ces matières. Elle a effectivement fait ce travail en collaboration avec les forces policières. Je pense que c'est normal, surtout lorsque, dans certaines situations, la nature des situations rencontrées justifie largement de faire appel éventuellement aux corps policiers. Et, à ce que je sache, la présidente de l'Office m'a communiqué qu'elle était satisfaite de l'intervention qu'elle a faite, de la démarche qu'elle a faite et des résultats qu'elle a obtenus.

Le Président: Mme la députée de Mégantic-Compton, en question principale.


Indemnisation des orphelins de Duplessis


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Pendant que les orphelins de Duplessis attendent toujours que le gouvernement leur rende justice et réparation, voici que les appuis à leur cause ne cessent de se manifester. Après le Protecteur du citoyen et l'ex-ministre péquiste Denis Lazure, voici que les soeurs Dionne lancent un appel au premier ministre en lui demandant, et je cite: «M. Bouchard, vous qui avez appuyé notre demande d'indemnisation lorsqu'elle mettait sur la sellette le gouvernement de l'Ontario, comment expliquez-vous aujourd'hui ce refus aux victimes de votre propre province?»

M. le Président, le premier ministre peut-il nous dire ce qu'il attend pour agir avec justice et compassion auprès des orphelins de Duplessis, comme il l'exigeait du gouvernement de l'Ontario pour les soeurs Dionne?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. Robert Perreault

M. Perreault: M. le Président, je pense que, dans ce dossier, il est important de rappeler d'abord qu'en mars dernier, devant cette Assemblée, le premier ministre du Québec, au nom de l'ensemble des Québécois, avait répondu à ce qui était au coeur des demandes des orphelins de Duplessis et qui était justement la reconnaissance des erreurs ou des difficultés qu'ils ont connues, des problèmes qu'ils ont rencontrés dans le passé, avait présenté, au nom de l'ensemble de la société québécoise, des excuses.

On sait que nous avions également annoncé un certain nombre de mesures que nous souhaitions mettre à la disposition des orphelins de Duplessis et qui répondaient à leurs demandes, notamment du côté des registres de l'état civil, notamment du côté du Collège des médecins, notamment du côté, également, d'un fonds d'aide pour que le Comité puisse venir en aide aux cas les plus patents.

M. le Président, c'est vrai que certains débats s'étaient engagés, notamment autour de la pertinence d'une commission d'enquête. Je crois me rappeler que la députée elle-même avait appuyé le gouvernement contre une telle commission d'enquête à l'époque. Je me souviens de l'avoir entendue à la radio à cet effet. Et il y avait également, bien sûr, la demande de la part du Comité des orphelins d'indemnités individuelles de montants très élevés.

Le gouvernement avait indiqué à l'époque pourquoi il n'avait pas retenu cette position. Nous n'avons pas changé de position dans ce dossier. Nous avons rencontré à plusieurs reprises les représentants du Comité des orphelins, nous leur avons réitéré notre disponibilité à mettre en oeuvre les mesures que nous avions annoncées, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Mégantic-Compton.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: M. le Président, que répond le premier ministre au Protecteur du citoyen qui qualifie son offre d'injuste et humiliante, aux soeurs Dionne qui qualifient son fonds d'aide de ridicule, à l'ex-ministre péquiste Denis Lazure qui dit que l'offre est nettement insuffisante et aux orphelins de Duplessis qui qualifient son offre d'ultime humiliation?

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: Avant ce gouvernement-ci, M. le Président, plusieurs gouvernements ont été ici, à Québec, en charge de la responsabilité publique. Il y a eu en particulier plusieurs gouvernements libéraux, et jamais aucun de ces gouvernements n'a jugé à propos de se pencher sur ce dossier douloureux et de faire ce que nous avons fait, nous, de présenter formellement devant toute la population, au nom du gouvernement, des excuses publiques à ceux qu'on appelle les orphelins de Duplessis.

Et nous avons situé tout cela dans le contexte historique qui prévalait à l'époque, en tenant compte notamment du travail remarquable et de compassion qui a été fait par les seules qui s'en chargeaient à l'époque, c'est-à-dire les religieuses, à l'endroit des orphelins qui étaient nombreux au Québec à l'époque, qui n'avaient pas de refuge possible et qui ne trouvaient que chez les religieuses la possibilité d'obtenir les soins qu'ils méritaient.

Alors, en plus des excuses, M. le Président, nous avons annoncé un fonds d'aide, un fonds d'aide qui est disponible. Nous avons annoncé la correction sans frais des registres de l'état civil, nous avons donné un accès facilité aux programmes sociaux. Nous avons aussi, cette fois-ci, et bien sûr sous la gouverne du Collège des médecins, mis en place une procédure qui permet de vérifier les diagnostics médicaux qui ont été portés. Je crois que ce gouvernement et notre société se sont comportés de façon correcte vis-à-vis des orphelins, et je trouve outrancier l'épithète d'«humiliante» employée par l'officier qu'on vient de mentionner.

Le Président: En question principale, M. le député de Robert-Baldwin maintenant.


Subvention d'Emploi-Québec à la compagnie Confections Lamada


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Lors de la dernière campagne électorale, le gouvernement du Parti québécois a utilisé les fonds d'Emploi-Québec à des fins électorales. La compagnie Confections Lamada de Saint-Charles-de-Mandeville dans le comté de Berthier...

Le Président: Question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Avez-vous bien entendu les propos du député? Bien, ça me semble carrément inacceptable. C'est une accusation portée au gouvernement et au parti ministériel d'avoir utilisé des fonds publics à des fins électorales. C'est ça qu'il vient de dire.

Le Président: M. le leader du gouvernement, en l'occurrence, il ne s'agit pas de question qui concerne l'intégrité du gouvernement, il s'agit de question d'appréciation que nous devons débattre ici. Alors, le député pose sa question, le gouvernement pourra y répondre et donner une réplique comme il l'entend. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: M. le Président, lors de la dernière campagne électorale, le gouvernement du Parti québécois a utilisé des fonds d'Emploi-Québec à des fins électorales. La compagnie Confections Lamada de Saint-Charles-de-Mandeville dans le comté de Berthier a reçu, juste avant les élections, 460 000 $ d'Emploi-Québec, près de 500 000 $. À pleines pages dans les journaux... Et je cite le journal L'Expression de Lanaudière: «Le dimanche 25 octobre 1998, les ténors du gouvernement faisaient miroiter la création de plus de 400 emplois à la compagnie Confections Lamada.» Ce qui est arrivé, M. le Président, c'est qu'il faut savoir que la compagnie Confections Lamada a été fermée quelques mois après les élections.

(14 h 40)

Ma question à la ministre de l'Emploi: Comment la ministre de l'Emploi peut-elle expliquer l'investissement du gouvernement du Parti québécois, en pleine campagne électorale, dans une entreprise qui a fermé ses portes au lendemain des élections?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, des projets de création d'emplois, des projets qui ont pour objet de maintenir des emplois... Parce que ça arrive des fois qu'on ait besoin de faire des interventions parce qu'il y a des emplois qui sont en péril, ça arrive tout le temps. À tous les jours, à toutes les semaines, nous avons à nous pencher sur ce genre de dossier là.

Maintenant, ce dossier-là en particulier, je ne le connais pas. Ça me fera plaisir de prendre l'information, et je prendrai donc avis de la question. J'y répondrai quand j'aurai l'information complètement sous les yeux.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, si la ministre ne peut répondre à la question, je peux adresser ma question au ministre délégué de la Santé et des Services sociaux, qui apparaît sur cette première page, en pleine campagne électorale: Comment le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux peut-il expliquer, lui, l'investissement du gouvernement du Parti québécois, en pleine campagne électorale, dans une entreprise qui a fermé ses portes au lendemain des élections?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je l'ai dit que je prenais avis de la question. Je vais mettre ensemble toute l'information disponible sur ce dossier. Mais je rappelle que, tous les jours, nous avons à nous préoccuper d'entreprises qui sont en difficulté, qu'on a à faire des interventions, qu'heureusement ça fonctionne dans bien des cas, puis des fois ça ne fonctionne pas. Alors, je vais prendre avis de la question, on va faire le tour de la question, et ça me fera plaisir d'y répondre.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Anjou.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Comment le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux et député de Berthier peut-il expliquer que, quelques mois seulement après l'élection, il déclarait: La Lamada connaît les difficultés financières inhérentes à une première année de fonctionnement, mais tout va bien. Quelques jours plus tard, l'usine fermait.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Je voudrais savoir, par votre entremise, si le député est de sourde oreille? Il n'a pas compris la réponse?

Le Président: Mme la députée La Pinière, en question principale.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour s'assurer qu'on refuse au ministre qui connaît le dossier la permission de répondre à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: C'est la ministre responsable qui a à répondre à cette question. Quand elle aura les informations pertinentes et appropriées, elle le fera en temps et lieu.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, maintenant, en question principale.


Indemnisation des victimes de dommages causés par la pyrite


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, depuis plus d'un an, les citoyens de la Rive-Sud, de la Montérégie et du Grand Montréal dont les habitations sont victimes de la pyrite attendent un geste concret du gouvernement.

La pyrite, M. le Président, est une composante de certains matériaux de remblai, qui gonfle au contact de l'humidité et de l'oxygène, soulève les planchers des garages et des sous-sol, fissure les murs et déstabilise les fondations des maisons. Près de 15 000 résidences seraient affectées par cette problématique qui touche notamment des jeunes familles et des retraités à faibles revenus.

À ce jour, 17 comités de victimes de pyrite ont été constitués. Un comité d'experts a rendu son rapport le 20 juillet dernier. Le Parti libéral du Québec a adopté une résolution réclamant la mise sur pied d'un fonds d'indemnisation, il y a six semaines, et la Société d'habitation du Québec a fait ses recommandations à la ministre des Affaires municipales. J'ai moi-même sensibilisé mes collègues, les députés et ministres de ma région, et écrit au ministre des Finances à ce sujet le 13 octobre dernier.

M. le Président, sachant que les intervenants dans ce dossier réclament une action du gouvernement, est-ce que la ministre des Affaires municipales peut nous dire ce qu'elle attend pour mettre de l'avant un programme d'indemnisation afin de venir en aide aux citoyens victimes de la pyrite?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, Mme la députée de La Pinière a raison, elle parle de problèmes causés par la pyrite. Ces problèmes sont à la fois importants et complexes, mais ils ne mettent pas en cause la santé publique. Je pense que c'est un élément important qu'il faut prendre en considération, puisque, jusqu'à maintenant, chaque fois que la santé publique était en cause, immédiatement le gouvernement est intervenu. Et j'en veux à preuve le problème du radon, n'est-ce pas, un problème grave qui est survenu dans la région d'Oka et qui a vu, donc, le gouvernement adopter un programme de dédommagement rapidement.

Alors, M. le Président, la Société d'habitation du Québec a réalisé un travail très important et a permis d'élaborer un contrôle de ce matériau dont les effets pervers n'étaient pas connus jusqu'à tout récemment. Nous avons eu l'occasion, au sein des comités ministériels, d'étudier divers scénarios qui pourraient venir en aide aux propriétaires de maisons dans la mesure où ce ne sont pas des garages ou des résidences secondaires. Il faut pouvoir identifier, n'est-ce pas, non pas un programme qui serait ouvert à tout remboursement, ce serait aberrant. Alors, il faut donc, M. le Président, que nous puissions, suite au rapport de la Société d'habitation du Québec transmis en juin, vraiment circonscrire ce qu'on peut faire pour des personnes qui sont en difficulté dans leur propre maison.

Le Président: Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, est-ce que la ministre, qui va présider un comité interministériel pour négocier avec le fédéral un nouveau programme d'infrastructures, envisage d'inclure ce dossier qui, par ailleurs, est bien circonscrit, y compris dans son propre ministère, est-ce qu'elle va inscrire ce dossier dans la liste des projets à contribution fédérale, provinciale, municipale, incluant les propriétaires des résidences, comme cela a été le cas en 1994 avec les victimes des maisons lézardées?

Et, M. le Président, est-ce que la ministre qui parle de la santé publique réalise que ce problème est en train de ruiner la santé économique de toute une région?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: M. le Président, je souhaiterais bien que le problème soit circonscrit, mais ça n'est pas le cas pour la bonne raison que c'est un matériau qui peut amener des dégâts ultérieurement, et donc c'est évolutif. D'autant plus que j'imagine que Mme la députée ne cherche pas à ce qu'il y ait remboursement pour des constructions ou des garages attenants aux maisons, et c'est souvent pour ce genre de construction que ce matériau a été utilisé.

Alors, je veux simplement conclure, M. le Président, en vous disant qu'on étudie divers scénarios, dont celui-là, et que rapidement nous espérons pouvoir faire connaître aux personnes concernées le résultat de nos recommandations.

Le Président: M. le député de Chomedey, en question principale.


Ordonnance de non-publication des plaidoyers écrits et des expertises dans le cadre de la commission Moisan enquêtant sur des allégations de divulgation de renseignements fiscaux et confidentiels


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Jeudi dernier, on a demandé au nouveau ministre du Revenu ce qu'il entendait faire devant la commission Moisan. Est-ce qu'il allait donner instruction à ses avocats de plaider pour l'ouverture des plaidoiries? C'est quand même un ancien ministre de la Justice. Est-ce qu'il va prêcher pour la liberté d'expression et la liberté de la presse?

La réponse ne s'est pas faite attendre. En effet, vendredi, ses avocats ont déposé devant la commission Moisan un document dans lequel ils disent qu'il est plus important de protéger la réputation du premier ministre, la réputation de Charles Chevrette, la réputation d'Hubert Thibault, de Gilles Duceppe et du député de Portneuf, l'ancien ministre du Revenu, que de viser à assurer que dans une démocratie les plaidoiries et les débats devant un tribunal soient ouverts.

M. le Président, on veut demander au ministre du Revenu et ancien ministre de la Justice pourquoi, pour lui, c'est plus important de se battre devant les tribunaux pour garder secret et protéger la réputation des gens de son gouvernement, alors que toute cette affaire concerne justement le comportement de son gouvernement qui a permis au secret fiscal du député bloquiste Ghislain Lebel d'être rompu et ainsi porter atteinte à sa dignité, son honneur et sa réputation.

(14 h 50)

Comment ça se fait que, encore une fois, la seule chose qu'ils sont capables de garder secrète, c'est lorsque ça concerne les agissements de leur propre gouvernement?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et ministre du Revenu.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, M. le Président, pour bien comprendre la question qui est posée, il faut se rappeler que la Commission d'enquête sur les allégations relatives à la divulgation de renseignements fiscaux et de nature confidentielle présidée par le juge Moisan, après la production de commentaires qu'il avait sollicités après l'enquête, a émis une ordonnance de non-divulgation du contenu des mémoires déposés par les procureurs des différentes personnes à la Commission.

Je dis bien que ça a été rendu, cette ordonnance, par après, et le juge Moisan est une personne en qui le gouvernement a toute confiance, et je pense qu'il n'y a pas simplement le gouvernement, je pense que vous devriez également avoir le même respect pour un juge de la Cour supérieure qui a rendu des services éminents à la société, qui a siégé pendant plus de 20 ans en Cour supérieure, qui a été juge ad hoc à la Cour d'appel et qui a le respect de tout le milieu juridique. Vous seriez mieux d'avoir le même respect, M. le député de Chomedey.

Donc, il a émis une ordonnance et qui est la suivante: «Attendu que la Commission, par souci de transparence et de respect des règles d'équité procédurale, a choisi de faire circuler tel mémoire parmi les participants et l'intervenante...» Et il dit dans sa décision: «Attendu que, pour assurer la protection, la sérénité et l'intégrité du processus décisionnel, la Commission estime qu'il n'est pas opportun que de tels mémoires soient rendus publics – et là j'attire votre attention – avant que la Commission ne dépose son rapport final et ses recommandations; attendu que ces mémoires seront produits en annexe au rapport de la Commission...»

M. le Président, la Commission va rendre publics ces documents au moment où elle va déposer son rapport, mais, pour être capable de délibérer en toute sérénité, dans le calme, en dehors du brouhaha que les libéraux veulent commettre, il a décidé de garder, pour le moment, ces choses confidentielles. Mais le public aura droit de connaître toutes ses recommandations au moment du rapport qui sera déposé par la Commission.

Le Président: M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Puisque tout cela est bien correct, est-ce que l'actuel ministre du Revenu et ancien ministre de la Justice accepte notre dépôt de son mémoire qui prouve hors d'un doute que ce qu'il cherche à faire, c'est protéger son gouvernement et cacher la vérité dans l'affaire qui est devant la commission Moisan? Je propose le dépôt du document. Est-ce qu'il l'accepte, oui ou non?

Le Président: M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, j'ai dit que nous respections le juge Moisan, qui est président de la Commission. Je pense que l'opposition devrait faire de même, d'autant plus que l'ordonnance comprend le dispositif suivant: «...ordonne aux participants et à l'intervenante de ne pas divulguer à des tiers le contenu des mémoires des participants et de l'intervenante ou d'en faire remise à quiconque et assujettit les mêmes mémoires à une ordonnance de non-publication par quiconque jusqu'à ce que son rapport final et ses recommandations n'aient été déposés.»

M. le Président, la Commission juge à propos de délibérer en toute sérénité, je pense que nous devrions respecter ce voeu.

Le Président: Dernière question. M. le député de Marquette.


Nomination de juges à la Cour du Québec


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la ministre de la Justice doit procéder à la nomination de quatre juges de la Cour du Québec dans les districts judiciaires de Sept-Îles, de Trois-Rivières et Québec. La ministre a été avisée depuis plusieurs mois de l'urgence de combler les postes afin d'éviter les délais d'attente et de pénaliser indûment les citoyens.

Malgré cet avertissement, la ministre n'a même pas encore trouvé le temps de nommer son représentant qui doit siéger sur le comité de sélection, et donc le comité de sélection ne peut pas amorcer ses travaux. Le retard manifeste a fait déclarer au juge coordonnateur, la semaine dernière, et je cite ses propos: «On s'est dépêché parce qu'on savait qu'il y avait urgence dans notre district, mais là ce retard va nous occasionner une foule d'inconvénients», a déclaré en substance le juge Lambert, visiblement frustré de la situation.

La question que je pose à la ministre de la Justice, c'est: Qu'attend-elle pour nommer son représentant? Est-ce que c'est parce qu'elle a été négligente ou tout simplement qu'elle n'a pas l'intention de combler les quatre postes en question?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je peux rassurer le député de Marquette, les processus pour les concours des juges se font en accord avec les représentants du ministère de la Justice. Et ce que l'on fait, on prend le temps nécessaire pour choisir des représentants. Et je peux vous assurer que, la semaine dernière, nous avons eu une discussion pour trouver toutes les personnes, pour s'assurer que nous allions avoir tous les représentants officiels, et ça a été fait jeudi dernier. Et les concours vont suivre leur cours normal, et nous serons en mesure de faire des recommandations pour des postes de juges dans les concours que le député de Marquette vient de mentionner. Alors, il n'y a pas de retard. Nous suivons le cours normal. Et je peux assurer cette Chambre que nous ne sommes pas négligents dans les dossiers mais que nous prenons le temps de le faire correctement pour s'assurer que nous ayons de bons candidats. Merci, M. le Président.


Réponses différées


Listes d'attente pour des services de protection de la jeunesse

Le Président: Bien. Maintenant, puisque la période de questions et de réponses orales est terminée, nous allons passer à la réponse différée que le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse va donner à la question posée le 11 novembre dernier par le député de Nelligan concernant les listes d'attente en protection de la jeunesse. Alors, M. le ministre, d'abord.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, comme vous le savez, au mois d'avril dernier, j'ai fait connaître un plan d'action pour contrer les détresses au Québec, et une des pierres angulaires de ce plan d'action était la mise en place du comité d'André Lebon qui devait s'attaquer prioritairement, et qui s'est attaqué prioritairement, aux listes d'attente en protection de la jeunesse.

Alors, M. le Président, sans plus tarder, il me fait plaisir d'annoncer que les listes d'attente en protection de la jeunesse sont les plus basses depuis les 20 ans d'histoire que... d'ailleurs loi qui a été promulguée dans le gouvernement souverainiste de René Lévesque au mois de novembre 1979. Alors, on sait que la capacité théorique de l'ensemble des centres jeunesse pour l'évaluation au Québec, par semaine, est de 511 jeunes. Donc, la liste d'attente est à 732, à 221 jeunes, dans le fond, qui sont en attente. Et, comme je me suis engagé au mois d'avril dernier, j'en ai fait une priorité pour qu'on puisse atteindre l'objectif le 30 décembre de cette année.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: J'ai écouté avec étonnement la réponse du ministre. En pleine campagne électorale, le gouvernement, quand il a été pris pour dire n'importe quelle chose à la population, il a dit que les listes d'attente seraient nulles en décembre 1998. L'année passée. Le 21 avril, il a dit que la liste d'attente, c'était 1 041 jeunes. Selon les centres jeunesse – et peut-être que, lui, il n'est pas connecté avec les centres jeunesse – eux disent que la liste d'attente, c'est 1 562 jeunes, et je dépose cette liste aujourd'hui, M. le Président.

Mais depuis la fameuse annonce de...

Le Président: Oui, votre question.

M. Williams: Excusez, c'est de nos jeunes qu'on discute.

Le Président: Je sais, mais c'est la question aussi.

M. Williams: Est-ce que le ministre peut dire qu'est-ce qu'il va faire aujourd'hui? Pas un autre comité. Le gouvernement a coupé 55 000 000 $ dans les centres jeunesse, il a coupé 25 % de travailleurs sociaux dans nos écoles. Qu'est-ce qu'il va faire aujourd'hui – pas un autre comité, pas une autre étude – pour nos jeunes?


Document déposé

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour le dépôt du document dont parlait le député de Nelligan? Il y a consentement. M. le ministre.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, c'est peut-être important de mettre le dossier dans un contexte historique. 1985-1986, 37 123 signalements au Québec, 3 480 jeunes en attente d'évaluation à l'époque du gouvernement libéral. Aujourd'hui, en 1999, 49 854 signalements, 12 000 de plus, pour 732 jeunes en attente d'évaluation, donc à 220 de l'objectif. Alors, c'est ça, M. le Président. Les ti-Jos-connaissant dans le domaine des finances publiques, on sait ce qu'ils ont fait. Les ti-Jos-connaissant dans le domaine de la protection de la jeunesse, on sait ce qu'ils pensent puis on voit la façon dont ils réfléchissent, M. le Président.

Des voix: ...


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Est-ce que je peux inviter tout le monde à revenir au calme? Je sais que le leader du gouvernement, à cette étape-ci, voudrait présenter une motion.

M. Brassard: Avec le consentement de la Chambre, j'en ai parlé à l'opposition, pour permettre à des commissions parlementaires qui reçoivent des groupes de pouvoir commencer dès maintenant à fonctionner.

(15 heures)

J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques poursuivra la consultation générale sur la réduction de l'impôt des particuliers aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Et que la commission de l'éducation poursuivra la consultation générale sur la place de la religion à l'école aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.


Motions sans préavis

Le Président: Bien. Alors, ces avis étant donnés, nous allons maintenant passer à l'étape des motions sans préavis. M. le ministre des Transports et ministre responsable de la Réforme électorale.


Féliciter le Directeur général des élections pour le Prix d'excellence de l'administration publique, catégorie fonction publique

M. Chevrette: M. le Président, je crois que j'avais le consentement depuis la semaine dernière pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite le Directeur général des élections pour s'être mérité le Prix d'excellence de l'administration publique, catégorie fonction publique, prix décerné hier par l'École nationale d'administration publique pour la réalisation de la liste électorale permanente.»

Le Président: Alors, il y avait effectivement consentement. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Oui. M. le Président, on se rappellera que, depuis les années 1985-1986, encore en 1991, de part et d'autre, quels que soient les gouvernements, nous avions prôné la confection d'une liste électorale permanente, et nous avons eu le courage politique, je crois, de présenter dans un projet de loi à l'Assemblée nationale cette fameuse loi qui créait la liste électorale permanente. Bien sûr que ça a pris du rodage, bien sûr que ça a pris également du courage, de la volonté, que ça a pris beaucoup de travail. Mais, enfin, ils étaient trois finalistes pour obtenir ce concours, il y avait la Société de l'assurance automobile du Québec, je crois, il y avait également bien sûr le DGE et un autre groupe dont je ne me rappelle plus le nom qui étaient en finale, et c'est le DGE qui a remporté la palme.

M. le Président, il est toujours agréable, pour un ministre en particulier qui était l'auteur et le parrain d'un projet de loi, de voir que cette réalisation s'est avérée un succès. Je vous rappellerai que j'en ai sué, cependant, avec mes collègues, un petit bout. C'est durant 80 heures en commission parlementaire que nous avons subi les foudres de l'opposition, et je suis convaincu que les libéraux d'aujourd'hui reconnaîtront qu'à l'époque ils s'étaient un petit peu trompés. Ils vont spontanément appuyer cette motion qui concrétise une arme démocratique, un outil de démocratie extraordinaire que nous avons bonifié même depuis le dépôt de cette loi, puisque nous avons réussi à créer une commission permanente de révision, puisque nous avons réussi à améliorer, à bonifier ce projet de loi de façon correcte.

Donc, M. le Président, je voudrais transmettre à cette équipe d'hommes et de femmes compétents et compétentes nos félicitations et leur dire qu'on est satisfaits et fiers du travail qu'ils ont fait comme équipe au niveau de la Direction générale des élections, et leur dire que, nous, de l'Assemblée nationale, nous avons été heureux de créer cet outil démocratique, et c'est tout à leur honneur d'avoir su s'en servir au profit de la démocratie québécoise. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Transports et ministre responsable de la Réforme électorale. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en matière de réforme électorale et député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Nous allons nous associer au voeu du ministre responsable de la Réforme électorale à l'effet que l'Assemblée nationale félicite le Directeur général et les directeurs généraux des élections qui ont participé à l'élaboration de la liste électorale depuis maintenant quatre ans. Je fais remarquer, en passant, que ce sont des directeurs généraux des élections qui avaient été choisis à l'unanimité de l'Assemblée.

Ceci étant dit, M. le Président, lorsque le dossier de la réforme de la liste électorale permanente a été lancé, plusieurs points avaient été soulevés par l'opposition, comme l'a suggéré le député de Joliette, mais nous n'étions pas complètement dans les patates. Le Vérificateur général, lorsqu'il a établi son rapport, en 1995-1996, sur la réforme de la liste électorale permanente, eh bien, il y a quatre ou cinq pages qui allaient dans le sens de certaines recommandations que nous avions formulées à l'époque et qui ont permis justement de rendre la liste électorale permanente plus efficace et mieux bâtie, mieux préparée, mieux structurée.

M. le Président, je pourrais ajouter à cela que, depuis ces quatre ou cinq dernières années, la liste électorale permanente a été testée non seulement au niveau des élections provinciales, mais aussi au niveau des élections municipales. On sait qu'il y a quand même eu certains inconvénients. Je me rappelle qu'à la ville de Québec, lorsqu'il y a eu des élections municipales, il y avait presque une dizaine de milliers d'électeurs qui ne s'y trouvaient pas, sur la liste. La même chose s'est produite à Laval, et ce genre de problème là a été changé par une amélioration de la législation sur la liste électorale permanente. Nous avons même, cette année, au mois de juin, de façon, je dirais, unanime, réussi à mettre sur pied une commission qui permettra de faire l'étude des nouveaux dossiers pour permettre l'actualisation de la liste électorale permanente, et cela, de façon courante et non seulement en période électorale.

J'ajouterai, M. le Président, que les deux autres finalistes dans le dossier étaient la Régie de l'assurance-maladie du Québec et la Société de l'assurance automobile du Québec, la Société de l'assurance automobile du Québec qui est sous la responsabilité du ministre. La modification législative que nous avions apportée ce printemps a permis de corriger la liste électorale permanente d'au moins 50 000 personnes, 50 000 personnes qui n'ont pas eu droit de voter lors de la dernière élection parce que justement la Société de l'assurance automobile du Québec transférait, lorsqu'il y avait une demande de transfert d'un permis de conduire, toute la famille avec la personne qui demandait un transfert de permis de conduire. Vous imaginez rapidement la situation où une personne divorçait à Sept-Îles, déménageait à Montréal. Cette personne-là demandait une modification de son permis de conduire, et toute sa famille était considérée comme ayant déménagé à Montréal. Ce genre de situation a été modifié, et ce sera maintenant, nous disait-on, à partir du mois d'octobre, corrigé.

Donc, la liste électorale permanente a été le fruit d'un travail très grand chez les directeurs généraux des élections. Les deux derniers directeurs généraux se sont penchés particulièrement sur des lacunes à cette liste électorale permanente que nous avons réussies à corriger unanimement – comme j'aurais souhaité que nous nommions le Directeur général des élections, M. le Président – par législation au mois de juin. Alors, je félicite les gens qui ont travaillé sur la confection de la liste électorale permanente depuis quatre ou cinq ans au bureau du Directeur général des élections. Nous sommes les premiers à considérer que, même si elle fonctionne bien, elle risque encore de devoir s'améliorer dans le temps. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Toujours aux motions sans préavis, M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse et également député de Berthier.


Souligner la Semaine nationale de prévention de la toxicomanie

M. Baril (Berthier): Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée nationale pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Semaine nationale de prévention de la toxicomanie qui se tient, cette année, du 14 au 20 novembre.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Oui? Il y a consentement. Alors, M. le ministre.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): M. le Président, c'est la douzième année que l'Assemblée nationale souligne cette Semaine de prévention sur la toxicomanie. On sait que c'est un problème qui malheureusement est en émergence et qui frappe de plus en plus nos compatriotes, les citoyens et les citoyennes du Québec. Qui ne connaît pas dans sa famille, dans son voisinage, dans son milieu de travail ou à l'école quelqu'un qui a été aux prises ou quelqu'un qui est aux prises avec ce problème, un problème qui en génère beaucoup d'autres en périphérie, que ce soient les problèmes d'infection au VIH, que ce soient les problèmes d'hépatite, que ce soient les problèmes de troubles psychiatriques, les démêlés avec la justice, les problèmes d'itinérance, les problèmes de détresse psychologique, les problèmes de suicide, les questions de décrochage scolaire, les problèmes de violence conjugale et, bien sûr, tous les problèmes reliés à l'absentéisme au travail? On parle, ici, au Québec, de 500 000 000 $ par année qui sont perdus et qui sont les conséquences de ce phénomène.

(15 h 10)

Il y a aussi peut-être un dénominateur commun qui touche tous ceux et celles qui sont touchés par ce problème, c'est le phénomène d'isolement et de la solitude, et c'est assez paradoxal, M. le Président. Pour la première fois depuis l'histoire de la civilisation humaine, l'être humain s'est donné des moyens de communication extrêmement avancés – qu'on pense aux satellites, à la télévision, aux ordinateurs, à Internet, au fax – et jamais l'être humain ne s'est senti aussi seul. On regarde, par exemple, aussi – j'ouvre une parenthèse là-dessus – tout le phénomène de la surconsommation de médicaments chez les personnes âgées. Donc, comme tel, c'est un problème qui s'enracine, dans le fond, et qui touche les fondements mêmes de notre société, une société qui – et particulièrement chez les jeunes, comme l'a si bien décrit le chanoine Grand'Maison – est en panne de sens, où on retrouve une certaine défaillance de l'âme, une société qui s'interroge de plus en plus sur le sens profond de sa vie: l'échelle de valeurs, le manque de buts, de perspectives. Trop de jeunes aussi adoptent l'errance comme style de vie.

Alors, il y a quand même de l'espoir, puisque, aujourd'hui, au Québec, il y a des milliers de personnes d'engagées sur cette question-là et dans cette cause, des gens qui travaillent inlassablement pour faire reculer cette détresse et pour faire reculer la frontière qu'est la maladie de l'alcoolisme et de la toxicomanie et, dans le fond, pour améliorer à tous les jours le sort de la condition humaine québécoise.

Il faut dire aussi, M. le Président, que, depuis le début de l'année, nous avons essayé de lancer une vaste offensive pour permettre une plus grande accessibilité des services particulièrement destinés aux jeunes qui souffrent de toxicomanie dure, qu'on parle, par exemple, du projet auquel j'ai travaillé d'ailleurs avec le député de Papineau, avec le centre Jellinek et les centres jeunesse, du projet de Saint-Damien de Bellechasse que nous avons inauguré cette année, du projet auquel nous travaillons actuellement de concert avec Portage et les centres Batshaw et qui va permettre justement une plus grande accessibilité aux services spécialisés en réadaptation et en toxicomanie auprès des jeunes de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, qu'on parle aussi du vaste programme à la méthadone que nous avons annoncé au printemps de cette année, qui va permettre à 2 500 personnes, d'ici trois ans, d'avoir accès à ces services spécialisés.

Alors, naturellement, M. le Président, ce n'est qu'un début, mais la réponse de l'État, la réponse financière, n'est pas la réponse exclusive aux problèmes et au drame que vivent les gens en société qui sont confrontés à cette problématique. Alors, il faut responsabiliser d'abord le premier niveau de prévention, qui est la famille, pour nous permettre d'endiguer davantage ce problème, responsabiliser d'abord les individus eux-mêmes vis-à-vis de ce fléau et, naturellement, donner de véritables repères, de véritables modèles, de véritables exemples aux générations qui grandissent.

M. le Président, comme je l'ai annoncé hier, à Montréal, et aujourd'hui, nous allons lancer, en février de l'an 2000, une grande campagne, une campagne qui aura de la durée, qui durera trois ans, qui va interpeller l'ensemble de la société justement pour que la société prenne acte, prenne conscience et soit en mesure de saisir toute la dimension de la détresse qui confronte actuellement trop de citoyens et de citoyennes. Dans ce sens-là, c'est une campagne, naturellement, qui vise à faire reculer le phénomène de la détresse sociale en société, et une des plus importantes, c'est bien sûr la toxicomanie. Je pense que ce phénomène est un phénomène qu'il faut absolument enrayer.

Et, puisque je sais un peu de quoi je parle, j'aimerais terminer en laissant un message à la fois à cette Assemblée mais à la jeunesse du Québec tout entière: que le bonheur, comme être humain, M. le Président, n'est pas dans la drogue. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en matière de toxicomanie, le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai voulu aussi souligner la Semaine nationale de la prévention de la toxicomanie. J'ai écouté le ministre, il a réchauffé son annonce qu'il avait déjà faite le 29 avril, cette année, quand il avait dit qu'il allait mettre sur pied une campagne nationale de prévention.

Il y a une série de choses, il y a six mois passés, qu'il a promis de faire, mais, avec le comportement de ce gouvernement, le ministre aime annoncer des choses, mais c'est tout à fait différent quand on attend de voir les services sur le terrain. Mais, M. le Président, c'est un problème grave. Comme le ministre l'a déjà mentionné, je peux être d'accord avec lui sur le niveau du problème. En 1997-1998, ils ont eu 26 000 personnes qui ont contacté la ligne Drogue: aide et référence, 26 000 Québécois et Québécoises. Le nombre d'utilisateurs de drogues injectables est de presque 12 000 personnes. Les groupes donnent 560 000 seringues. L'alcool, qui est une substance aussi active, la deuxième plus importante, est à 20 %, la cocaïne, à 14 %, l'héroïne à 12 %. C'est des chiffres graves. 9 % des Québécois âgés de plus de 15 ans ont consommé des drogues, 96 % des jeunes sur la rue ont utilisé des drogues. Je peux continuer, mais je ne veux pas faire juste un débat sur des chiffres.

Comme le ministre délégué est au courant, c'est des êtres humains et on doit tout faire pour eux. Mais le gouvernement est bon avec les campagnes de publicité et le ministre aime voir sa photo dans les médias, il aime voir sa photo dans les hebdos, etc. Mais, M. le Président, le comportement de ce gouvernement est différent, et je lance un défi aujourd'hui à ce ministre de faire plus que ça. Il doit faire mieux que ça. He has to do better.

Le gouvernement a coupé 55 000 000 $ dans le réseau des centres jeunesse, M. le Président, le gouvernement a coupé 26 % de nos travailleurs sociaux dans nos écoles, il a coupé les infirmières dans nos écoles. Où sont nos enfants? Ils sont dans les écoles. Quand les parents des jeunes ont besoin de réponses aux questions sur la toxicomanie, où ils peuvent demander? Elles ne sont pas dans les écoles parce que ce gouvernement a coupé les services dans nos écoles et dans les centres jeunesse.

M. le Président, aussi le ministre des Finances est bon. Chaque année il annonce des millions pour le suicide, pour la toxicomanie, pour l'itinérance, pour la santé mentale, aussi pour le tabac. Vous savez qu'est-ce que ce gouvernement a fait déjà pour le tabac? Il a vidé la loi, il y a deux semaines passées. Malgré les millions annoncés pendant le discours du budget, souvent on ne trouve pas d'argent sur le terrain.

Et l'autre message que je passe à ce gouvernement aujourd'hui, c'est: Oui, c'est bon de souligner la Semaine de la prévention de la toxicomanie, mais il doit donner les moyens et les outils aux groupes pour répondre aux vrais besoins. Le gouvernement ne fait ça ni dans nos écoles, ni dans les centres jeunesse, ni dans les groupes communautaires. M. le Président, j'accepte la bonne foi du ministre aujourd'hui avec cette annonce, mais j'espère qu'il va faire mieux. J'espère que, l'année prochaine, il pourra faire une évaluation de qu'est-ce qu'il a fait, parce que ce n'est pas assez bon.

M. le Président, en terminant, je voudrais féliciter tous ceux et celles qui oeuvrent dans ce métier, qui travaillent avec ceux et celles qui ont des problèmes, les centres de crise qui travaillent avec les personnes qui ont une addiction, qui ont des problèmes avec la toxicomanie. Ce n'est pas facile. Ce n'est pas facile comme travailleur ni comme bénévole. En mon nom, au nom de tout le Parti libéral, je voudrais féliciter tous ceux et celles qui travaillent comme professionnels mais aussi comme bénévoles dans ce secteur parce que ça prend une aide, ça prend souvent une entraide. Ce n'est pas facile de sortir de cette situation. Avec ça, de grandes félicitations à tous ceux et celles qui y travaillent. Je pense que le ministre est d'accord avec moi sur ça.

Mais le message est assez clair: les bons discours, ce n'est pas assez bon, les annonces, ce n'est pas assez bon, les campagnes de publicité, c'est un pas. J'accepte ça, c'est un pas, mais le gouvernement doit faire mieux, il doit donner les moyens, pour ceux et celles qui ont le problème, de se sortir de ça. Jusqu'à date, je suis loin d'être convaincu, M. le Président, que ce gouvernement fait assez. Merci beaucoup, et j'espère que, l'année prochaine, le gouvernement va se lever et qu'on pourra dire: Enfin, il a compris, enfin, il va respecter sa parole, enfin, il va donner les moyens à tous ceux et celles qui travaillent dans ce secteur de répondre aux vrais besoins, des besoins très, très graves. Merci beaucoup pour cette opportunité de faire une intervention.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, y a-t-il d'autres motions sans préavis? Je reconnais M. le ministre de l'Environnement, ministre du Revenu et également ministre responsable de la région de Québec.


Féliciter le Rouge et Or de l'Université Laval, vainqueur de la coupe Dunsmore au football

M. Bégin: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec reconnaisse le travail, l'effort et la détermination des jeunes qui, grâce à leur talent exceptionnel, ont mérité les honneurs lors de la coupe Dunsmore qui s'est tenue en fin de semaine à l'Université Laval;

(15 h 20)

«Que l'Assemblée nationale félicite chacun des participants du Rouge et Or de l'Université Laval.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Il y a consentement, M. le Président, un intervenant de chaque côté.

Le Vice-Président (M. Pinard): D'accord. Alors, M. le ministre.


M. Paul Bégin

M. Bégin: Alors, M. le Président, en fin de semaine dernière, lors d'un match de football qui opposait les Gee-Gees d'Ottawa et le Rouge et Or de l'Université Laval, les porte-couleurs du Rouge et Or ont enlevé les honneurs de la coupe Dunsmore par la marque de 38 à 6. Alors, je profite de l'occasion pour saluer la performance remarquable des joueurs de l'Université Laval et tiens à leur souhaiter bonne chance lors du prochain affrontement, qui aura lieu samedi prochain contre les Huskies de Saskatchewan dans le cadre de la coupe Churchill, cette fois-là. Encore une fois, bravo et félicitations à chacun des membres du Rouge et Or!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre. Nous allons maintenant céder la parole au député de Limoilou. M. le député.


M. Michel Després

M. Després: Merci beaucoup, M. le Président. Je voudrais me joindre au député de Louis-Hébert pour effectivement féliciter le Rouge et Or de l'Université Laval qui évolue au sein de l'Union sportive interuniversitaire canadienne. Comme on le sait, il y a quatre conférences dans cette ligue, et c'était, samedi dernier, la finale de la conférence Ontario-Québec où le Rouge et Or de l'Université Laval a gagné par un résultat de 38 à 6.

Ce qui est assez remarquable, c'est que le Rouge et Or de l'Université Laval évolue dans cette ligue depuis seulement maintenant quatre ans et qu'il est déjà champion de cette conférence, et ce qui est aussi remarquable, c'est que le Rouge et Or de l'Université Laval maintient la meilleure assistance de la ligue interuniversitaire de football canadienne.

Il y avait plus de 8 000 personnes dans l'assistance, samedi dernier. Maintenant, ils sont en semi-finale contre les Huskies de la Saskatchewan qui sont les défendants de la coupe Vanier de l'année dernière. On disputera samedi prochain ce qu'on appelle le Churchill Bowl. On attend plus de 10 000 personnes. Donc, je voudrais, avec mon collègue de Louis-Hébert, inviter toute la population de la région de Québec à ce match et souhaiter effectivement bonne chance à l'équipe du Rouge et Or.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Y a-t-il d'autres motions sans préavis? M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. Je suis avisé que Mme la députée de Bourassa voudra présenter une motion dans quelques instants. Normalement, ce serait à son tour de le faire. Est-ce que je pourrais solliciter son consentement pour que je puisse donner les autres avis et permettre par la même occasion à ma collègue de se joindre à nous pour...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je comprends qu'il y a consentement, M. le leader adjoint.


Renvoi du rapport annuel du Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie James à la commission des affaires sociales pour examen

M. Boisclair: Alors, je voudrais donner, M. le Président, les avis suivants. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée – c'est plutôt une motion sans préavis – afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 530.80 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le rapport annuel d'activité 1998-1999 du Centre régional de santé et de services sociaux de la Baie James soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude; et

«Que la ministre de la Santé et des Services sociaux soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint.


Renvoi du rapport sur l'application de la section II du chapitre IV du Code du travail à la commission de l'économie et du travail pour examen

M. Boisclair: M. le Président, je sollicite aussi le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 9 de la Loi modifiant le Code du travail (chapitre 30 des Lois du Québec de 1996), le rapport sur l'application de la section II du chapitre IV du Code du travail soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude; et

«Que la ministre d'État au Travail et à l'Emploi soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Boisclair: J'en profiterais, M. le Président, aussi pour donner un avis. J'avise donc cette Assemblée que la commission des finances publiques entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre, projet de loi n° 222, Loi concernant L'Industrielle-Alliance Compagnie d'Assurance sur la Vie, et projet de loi n° 206, Loi modifiant de nouveau la charte de Les Filles de Jésus, le mardi 23 novembre 1999, de 9 h 30 à 12 h 30 et après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.

M. Boisclair: Ce n'est pas une motion.

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est un avis.

M. Boisclair: C'est un avis, M. le Président, et on pourrait permettre à notre collègue, que je remercie, de procéder avec sa motion.


Motions sans préavis (suite)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Nous revenons aux motions sans préavis et, par la suite, nous poursuivrons avec les autres avis touchant les travaux des commissions.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ils sont tous donnés? D'accord. Alors, Mme la députée de Bourassa, vous avez une motion sans préavis?


Féliciter les représentants élus aux conseils d'administration des établissements de santé et de services sociaux

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée pour déposer la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite les représentants élus siégeant sur les conseils d'administration des établissements publics de santé et de services sociaux.» Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Il y a consentement?

M. Boisclair: En effet, M. le Président, il y aurait consentement, un intervenant de chaque côté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous cède la parole, Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de souligner qu'hier se tenaient des élections de représentants de la population, donc des personnes, des hommes et des femmes qui ont accepté de soumettre leur candidature pour devenir membres des conseils d'administration d'établissements du réseau de la santé et des services sociaux. Permettez-moi de donner comme exemple un CLSC ou encore un hôpital. Il y avait également des élections concernant d'autres types d'établissements du réseau de la santé.

Donc, l'élection s'est tenue hier, et j'aimerais, si vous me le permettez, plus particulièrement féliciter les personnes qui se sont porté candidates au centre hospitalier Fleury, un hôpital qui est dans le comté de Bourassa, et féliciter plus particulièrement Mmes Denise Bleau et Colette Saint-Martin qui ont été élues, de même que MM. Marcel Parent et Nunzio Vittulo. Vous savez, il y a également eu des élections au CLSC de Montréal-Nord, et je pense qu'il convient également de féliciter Mmes Diane Provost, Ginette Gaudet, Lise Payette de même que MM. Jean-Marc Simard et Jean-Denis Marchand. Il est intéressant de préciser, M. le Président, qu'au-delà de 800 personnes dans le comté de Bourassa se sont prévalues de leur droit de vote pour élire des représentants de la population au centre hospitalier Fleury. Alors, c'est un taux d'élection particulièrement élevé, et ça a été également la même chose en ce qui a trait au CLSC de Montréal-Nord.

Vous savez, M. le Président, les hommes et les femmes qui vont accepter bénévolement de siéger aux conseils d'administration des établissements de santé vont connaître une expérience importante, puisqu'il s'agira pour eux de participer évidemment à la gestion de l'ensemble des établissements qui sont situés sur le territoire pour lequel ils vont siéger. À l'occasion d'une tournée organisée par l'opposition libérale récemment, je rencontrais des représentants de la population de la région de Québec, et j'attire l'attention de Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux sur une problématique importante qui a été de nouveau portée à notre attention à l'occasion de ces tournées-là. Effectivement, j'ai eu à rencontrer des hommes et des femmes qui ont siégé sept ans, 10 ans au sein de conseils d'administration d'établissements du réseau de la santé et qui ont été un peu surpris par le langage hermétique avec lequel on s'occupe des affaires dans les établissements de santé. Alors, ils ont soumis que ce n'était pas toujours facile, parce que le langage est hermétique, parce qu'on emploie des expressions consacrées dans le réseau de la santé, de toujours comprendre de quoi il s'agit.

Ils ont également porté à notre attention une autre difficulté importante qui a été dénoncée pendant de nombreuses années par le Comité provincial des malades en ce qui a trait à la participation des usagers élus par les comités d'usagers d'établissements de santé. Les membres des conseils d'administration, les représentants de la population ou ceux qui représentent les usagers reçoivent souvent la veille ou le matin même une pile importante de documents qui vont être à l'étude lors des réunions du conseil d'administration. Bien souvent, les délais sont très courts pour procéder à l'examen de ces documents-là qu'ils reçoivent un petit peu trop rapidement.

Je pense, M. le Président, devoir souligner également, en terminant, que l'ensemble de mes collègues se joignent à l'ensemble des collègues de l'Assemblée nationale pour féliciter tous les représentants de la population qui ont été élus à travers le Québec. Donc, un heureux mandat à tous et, de nouveau, nos sincères félicitations.

(15 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bourassa. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et députée de Taillon. Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. C'est avec plaisir que je me joins à cette motion, au nom du gouvernement, pour féliciter et remercier ceux et celles qui s'engagent dans les conseils d'administration de nos différents établissements de la santé et des services sociaux. Ça va me permettre d'ailleurs de rappeler que nous avons fait un effort considérable pour justement essayer d'éviter et de réduire certains coûts d'administration et de bureaucratie auxquels faisait référence notre collègue la députée de Bourassa. Si on pense que nous avions plus de 600 établissements de santé et de services sociaux et qu'actuellement nous avons près de 350 établissements, cela veut dire que, dans les faits, c'est une partie des changements auxquels nous avons procédé depuis quelques années qui ont donné des résultats nous permettant de préserver les budgets qui sont, eux, affectés aux services et aux soins aux personnes.

En même temps, bien sûr, il n'y a pas de fonds publics qui peuvent être gérés sans un certain contrôle et sans certaines exigences, et je crois qu'à cet égard c'est assez normal, évidemment, que cela en comporte dans notre façon de faire. Ça ne nous enlève pas, cependant, l'obligation de revoir nos processus, de revoir les différentes formules de contrôle, de telle sorte que nous puissions peut-être désalourdir un peu le processus de prise de décision, parce que c'est normal pour des bénévoles – parce qu'il faut bien dire que ce sont tous des bénévoles – qu'ils puissent avoir accès à l'ensemble, bien sûr, de l'information, mais je pense qu'on pourrait faire un effort un peu plus grand pour présenter cette information d'une façon plus simple, plus accessible.

Et, en ce sens, c'est évidemment un objectif auquel nous devons tous tendre parce que ça permet, à ce moment-là, d'exercer plus adéquatement la fonction de représentant, qui de la population, qui du personnel, qui de professionnels de la santé ou des services sociaux sur le conseil d'administration, ce qui permet de trouver un équilibre dans les points de vue à y être exprimés et, surtout, permet d'orienter les décisions de chacune de ces institutions pour servir encore mieux ou les personnes âgées, ou les enfants, ou les familles, ou de répondre aux besoins de santé, des besoins particulièrement plus exigeants, je dirais, en matière de médecine spécialisée, entre autres.

Alors, je veux, en terminant, M. le Président, féliciter d'abord mais remercier surtout ceux et celles qui prennent la peine de mettre leurs talents, de mettre de leur temps au service d'autres concitoyens et concitoyennes. Je pense que c'est sain dans une démocratie qu'il en soit ainsi, et surtout ça permet d'offrir des services et d'avoir une façon de faire qui soit mieux adaptée à la réalité et aux attentes exprimées par ces mêmes concitoyens et concitoyennes. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux et députée de Taillon. Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, nous poursuivons toujours les affaires courantes.


Avis touchant les travaux des commissions

Concernant les avis, je tiens à vous aviser que la commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, le mardi 16 novembre 1999, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de poursuivre l'audition du sous-ministre de la Solidarité sociale concernant la gestion du Fonds de lutte contre la pauvreté.

Je vous avise également que la commission de la culture se réunira en séance de travail demain, le mercredi 17 novembre 1999, de 8 heures à 9 h 30, à la salle 3.31 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de discuter du mandat d'initiative sur la mondialisation et la diversité culturelle.

Je vous avise, de plus, que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira demain, le mercredi 17 novembre 1999, de 9 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'entendre des représentants de la Société de financement agricole et de la Régie des assurances agricoles du Québec dans le cadre des mandats de surveillance d'organismes, en application, bien entendu, de l'article 294 de notre règlement de l'Assemblée nationale.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Consentement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Je vous informe, toujours à la rubrique des renseignements sur les travaux de l'Assemblée, que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par Mme la députée de Bourassa. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale du Québec rende responsable la ministre de la Santé et des Services sociaux pour la dégradation de l'accessibilité et de la qualité des soins de santé au Québec.»

Ceci met fin aux affaires courantes. Nous allons maintenant procéder aux affaires du jour.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 2 du...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi une seconde. M. le secrétaire.

Le Secrétaire: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Parfait. Merci. Tel que le secrétaire me le mentionne, j'annonce immédiatement qu'il y aura débat de fin de séance ce soir, à 18 heures, entre le député de Nelligan et le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux concernant les listes d'attente pour les jeunes en difficulté. Immédiatement après ce débat, aura lieu un second débat de fin de séance entre la députée de La Pinière et Mme la ministre des Affaires municipales concernant un programme d'indemnisation pour les victimes de la pyrite, et enfin un dernier débat de fin de séance entre Mme la députée de Mégantic-Compton et le premier ministre concernant les orphelins de Duplessis.


Affaires du jour

Alors, ces avis étant donnés dans les délais requis, nous allons immédiatement passer aux affaires du jour, et j'inviterais le leader adjoint du gouvernement à appeler...

M. Boisclair: M. le Président, l'article 2.


Projet de loi n° 67


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 2 de votre feuilleton, Mme la ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67? Mme la ministre du Travail et également députée de Bourget. Madame.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir de soumettre aux membres de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 67, modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement, pour que nous en adoptions le principe.

Je rappelle que ce projet concrétise un engagement formel du gouvernement d'adopter une loi interdisant ce qu'on appelle familièrement les clauses orphelin. Par cette expression, on désigne généralement des dispositions de conventions collectives ou de toute autre forme de contrat de travail qui fixent des avantages inférieurs pour les salariés embauchés après leur date de signature.

Malgré cette application restreinte, je souligne que le projet de loi n° 67 ne se limite pas uniquement au secteur syndiqué. Les modifications proposées à la Loi sur les normes du travail font en sorte que les disparités de traitement sont également interdites dans les milieux non syndiqués. On réitère donc dans ce projet de loi le caractère d'ordre public de cette loi qui s'applique à la très grande majorité des travailleurs et des travailleuses du Québec, dont toutes les personnes qui sont soumises à la Loi sur les normes du travail.

En encadrant cette interdiction de disparités de traitement dans la Loi sur les normes du travail, le législateur énonce le principe qu'il faut interdire les disparités fondées uniquement sur la date d'embauche. Et l'effet recherché par le projet de loi est de faire en sorte qu'à l'avenir aucune convention collective, aucun décret ou aucune autre forme de contrat de travail ne puisse avoir pour effet d'accorder à un salarié, uniquement en fonction de sa date d'embauche, une condition de travail moins avantageuse que celle accordée à d'autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans un même établissement de travail. Ça veut donc dire qu'un salarié, syndiqué ou non, visé par un contrat de travail individuel ou collectif pourra faire appel à la Commission des normes du travail en vue de faire respecter ces nouvelles dispositions.

(15 h 40)

Je rappelle également que les matières visées par le projet de loi n° 67 sont les principales matières qui sont l'objet de la Loi sur les normes du travail. Alors, je les rappelle: le salaire, la durée normale de semaine de travail, le paiement aussi des heures supplémentaires, les jours fériés, chômés et payés, les congés annuels payés, le repos hebdomadaire et les périodes de repas, les congés pour événements familiaux, les avis de cessation d'emploi ou de mise à pied, l'uniforme de travail lorsqu'il est obligatoire, les primes, indemnités, allocations diverses qui sont établies par règlement du gouvernement du Québec. Alors, comme on peut le constater, le projet de loi n° 67 ne vise pas uniquement les salaires, mais toutes les conditions de travail qui font l'objet d'une norme en vertu de la Loi sur les normes du travail.

Évidemment, on n'élabore pas une pièce législative aussi importante que ce projet de loi en faisant abstraction de ses impacts socioéconomiques potentiels, et ça, j'y reviendrai un petit peu plus tard. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit certaines exceptions à l'application de l'interdiction générale. Par exemple, conformément à la pratique qui est largement reconnue et établie, le projet de loi prévoit qu'une différence dans les conditions de travail qui est fondée sur l'ancienneté ou la durée de service continu n'est pas interdite.

De plus, le projet de loi prévoit également que n'est pas interdite la modification de l'amplitude de l'échelle salariale applicable à tous les salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement ou le remplacement par une seule échelle salariale du taux unique de salaire jusqu'alors applicable à ces salariés.

Par ailleurs, le projet de loi aussi comporte un autre type d'encadrement. Il stipule que les conditions de travail d'un salarié ne sont pas prises en compte lors d'un reclassement, d'une rétrogradation ou encore d'un accommodement particulier pour une personne devenue handicapée, ou bien à la suite d'une fusion d'entreprises ou de la réorganisation interne d'une entreprise. Dans ces situations, des conditions de travail temporairement plus avantageuses que celles applicables à d'autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement sont permises par la loi.

Le projet de loi n° 67 prévoit une période de transition de trois ans dont l'objectif est de favoriser la correction la plus harmonieuse possible des dispositions qui ne sont pas conformes à la loi. Il faut se rappeler que la conjoncture économique et l'évolution des marchés continueront à inciter les entreprises à trouver des solutions originales basées sur la promptitude à réagir à des situations changeantes. Et ces solutions devront aussi s'appuyer sur une meilleure reconnaissance de la dignité de tous les travailleurs et travailleuses ainsi que sur l'équité entre les travailleurs plus anciens à l'égard de la relève.

Enfin, le projet de loi n° 67 prévoit que la ministre ou le ministre du Travail doit, au plus tard cinq ans après la sanction de la loi, faire rapport sur l'application de ce projet de loi. Je pense que c'est aussi, là, une disposition pertinente, puisqu'il nous faut nous donner un délai pour évaluer les effets eu égard aux objectifs que nous poursuivions au moment de l'adoption de ce projet de loi.

Alors, c'est donc, en substance, les dispositions contenues dans le projet de loi qui a été déposé le 4 juin dernier. Évidemment, il n'existe aucune législation de cette nature dans le monde. Cela a ses avantages, mais aussi ça nous force à une certaine prudence. Et je me permets de rappeler qu'en ce sens-là, parce que nous étions justement une des premières Législatures à aborder cette importante question, le ministère du Travail a tenté de cerner l'impact éventuel d'un tel projet de loi. Et je me permets d'en rappeler les faits saillants.

D'abord, cette étude-là, qui, au moment où elle a été rendue publique, a suscité un certain nombre de commentaires, n'a pas la prétention de faire le tour de l'ensemble de la question, d'abord parce que méthodologiquement parlant il y a un défi très, très grand. Alors, l'étude a donc procédé par un échantillonnage de conventions collectives pour trois secteurs d'activité. Je le rappelle, c'est le secteur de l'alimentation, le secteur manufacturier et également dans les municipalités du Québec. Donc, ces secteurs ont été choisis parce qu'on se rappellera qu'il y a quelques mois une consultation publique avait eu lieu et des intervenants avaient signifié qu'il y avait dans ces secteurs potentiellement un peu plus – si je peux m'exprimer ainsi – de clauses orphelin par rapport à l'ensemble.

L'autre limite aussi de cette étude d'impact, c'est le fait que l'étude d'impact ne porte que sur les clauses salariales. Toutes sortes de raisons militaient en faveur de ce choix méthodologique, mais la raison principale est qu'évidemment les clauses salariales, c'est là qu'on retrouve la plus grande proportion de disparités de traitements et c'est là également qu'il y a les impacts les plus significatifs.

Je rappelle donc que l'enquête a été faite dans le secteur des municipalités. Il y a 277 conventions collectives qui ont été analysées, 82 de l'ensemble de ces conventions collectives analysées comportaient une ou des clauses de disparités de traitement concernant le salaire. Dans le secteur du commerce de détail, plus particulièrement les marchés d'alimentation, 65 conventions comportaient une ou des clauses de disparités de traitement sur 140 conventions qui ont été analysées. Et, dans le secteur manufacturier, sur les 200 conventions analysées, 24 avaient des clauses qui comportaient des clauses dites orphelin salariales.

En gros aussi, il faut comprendre que l'impact qui a été identifié est un impact théorique maximal. Dit en d'autres mots, les impacts qui ont été mesurés, évidemment, ne disposent pas de comment les parties pourraient résoudre ces différences salariales entre des nouveaux embauchés et des personnes qui sont à l'emploi d'une entreprise depuis plus longtemps. En fait, s'il n'y avait pas de correctifs apportés, ça provoquerait donc des ruptures importantes, un fossé important entre ces salariés. Mais nous savons tous, devant un problème comme celui-là, qui est un problème important, pour lequel la sensibilité commence à se faire sentir, qu'il y aurait et qu'il y a maintenant, à partir du moment où on a commencé à parler de ce problème-là, des efforts importants qui ont été faits, tant du côté patronal que du côté syndical, pour éviter ce type de clauses.

Je rappelle également que l'étude ne couvre que des travailleurs syndiqués, parce que, méthodologiquement parlant encore, il est à peu près impossible de repérer ce type de clauses là dans les secteurs non syndiqués, puisque, en général, dans les secteurs non syndiqués, il n'y a pas de contrat de travail écrit, en tout cas pour une bonne majorité des situations. Donc, on n'a pas pu faire l'exercice dans le secteur non syndiqué. Mais, tout de même, dans le secteur syndiqué, ça nous donne quand même un certain nombre d'indications sur la nature et l'ampleur des situations qui sont vécues.

Finalement, je terminerais ce point-là sur l'étude d'impact en disant qu'on a tenté d'estimer l'impact d'un projet comme celui-là sur l'investissement. Il y a des préoccupations qui ont été exprimées qui sont légitimes. Alors, quel impact pourrait avoir un projet de loi sur les investissements – nous pensons à des investisseurs étrangers – et, par conséquent donc, sur la création d'emplois? La conclusion est un peu... Évidemment, on aurait bien aimé pouvoir documenter ça de manière encore plus précise, mais il faut être prudent, c'est extrêmement difficile à quantifier. Il y a un effet positif possible du côté des investisseurs.

En effet, comme les taux de salaire des nouveaux établissements risquent... En général, ils peuvent être plus faibles que des établissements qui font à peu près le même type d'activité et qui sont installés depuis longtemps. Ça peut être un attrait, donc, pour les investisseurs, même une certaine concurrence à la faveur d'investisseurs ou de nouvelles entreprises, parce que les entreprises qui sont installées depuis plus longtemps ont, en général, des grilles salariales plus élevées.

Par contre, à l'inverse, il y a aussi un effet négatif potentiel. Ce projet de loi peut être perçu par des investisseurs, ou des entrepreneurs actuels, ou des investisseurs futurs comme une rigidité ou une contrainte réglementaire supplémentaire qui vient entraver la liberté des négociations.

Alors, une fois qu'on a tenté de documenter ces deux pôles, qui sont opposés, on est obligé de conclure que la résultante nette d'un projet de loi comme celui-là sur l'investissement est incertain. Alors, je tenais à préciser, donc, les grands paramètres de cette étude d'impact qui, je le rappelle, a été faite. Malgré les limites de ces travaux-là, le fait qu'on ne peut pas tout documenter, qu'il y avait vraiment des défis méthodologiques, je pense qu'au moins au niveau du ministère du Travail on a fait un effort le plus rigoureux possible pour faire en sorte qu'on saisisse bien les effets potentiels d'une législation comme celle-là.

(15 h 50)

Pour la même raison, il y a eu aussi, parce que c'est donc une législation importante et pour laquelle nous créons des précédents, une consultation qui s'est tenue pendant deux jours, qui a été menée par la commission de l'économie et du travail en septembre et en octobre derniers. Je pense que c'est une consultation qui a été extrêmement utile, vigoureuse. Il y a eu là des débats pertinents. Différents représentants sont venus rencontrer la commission, des représentants d'organisations de jeunes, d'organisations syndicales, du milieu des affaires aussi.

Alors, je pense qu'il y a plusieurs points de vue qui ont été exprimés, des points de vue pertinents, des points de vue, bien entendu, souvent contradictoires mais qui se devaient d'être exprimés. Alors, je tiens à remercier à nouveau les gens, les organisations qui ont pris la peine de bien comprendre le projet de loi, de venir partager avec nous les préoccupations qu'ils avaient. Je pense que c'est une contribution qui est essentielle pour ce débat de société.

Je dirais également, et je pense que ça ressort aussi assez clairement des présentations qui ont été faites devant la commission de l'économie et de l'emploi, que plusieurs intervenants des représentants des jeunes mais des représentants aussi d'associations patronales dans différents secteurs ont souvent parlé du dossier des clauses dites orphelin en situant ce dossier-là dans un contexte beaucoup plus large: celui de l'accès des jeunes à l'emploi, celui du manque d'accès des jeunes à l'emploi, celui du manque d'emplois pour les jeunes, celui de la difficulté des jeunes à l'intégration à un emploi, l'intégration durable dans un emploi.

Et je l'ai dit dans mes remarques préliminaires au moment de la commission, et je pense que c'est important de se le rappeler: Cette question des clauses orphelin, cette question de la détermination des conditions de travail, d'abord, ce n'est pas juste une question de spécialistes, il y a là des débats de société importants, et, en plus, ça ne concerne pas que les jeunes, ça concerne aussi tous ces travailleurs qui ont plus d'expérience sur le marché du travail, qui y sont depuis plus longtemps, depuis plusieurs années mais qui doivent se retrouver un emploi.

Et, on le sait, la proportion importante de gens qui sont en recherche d'emploi se situe entre le groupe d'âge de 30 à 45 ans. C'est une proportion relativement importante. Je vous rappelle, M. le Président, que le marché du travail a beaucoup changé, et, s'il y a eu une époque où les gens apprenaient un métier et qu'ils gagnaient leur vie au sein d'une même entreprise, auprès d'un même employeur presque toute leur vie active durant, ce n'est plus le cas. On le sait maintenant, les gens risquent de changer d'emploi entre six et sept fois durant leur vie active.

Or, il y a donc des nouveaux travailleurs, c'est-à-dire des travailleurs qui ont quelques années de vie active derrière eux, qui sont en recherche d'emploi, qui sont donc perçus et vus comme des nouveaux travailleurs dans une entreprise. Alors, ce dossier-là les concerne aussi. Je pense, entre autres, aux femmes qui ont temporairement quitté le marché du travail pour s'occuper de leurs enfants et qui après quelques années veulent réintégrer le marché du travail.

L'autre évidence aussi que je me permets de rappeler, c'est que ce débat des clauses orphelin s'inscrit dans d'autres débats larges, complexes, et, en fait, le dossier des clauses orphelin cache d'autres débats. Alors, comme je le disais tantôt, l'intégration des jeunes au marché du travail, bien sûr, il y a là un défi, quoiqu'il y ait eu quand même des progrès extrêmement intéressants qui ont été constatés. Malheureusement, je n'ai pas les statistiques avec moi, mais nous savons tous que, ces dernières années, le nombre de nouveaux emplois qui ont été créés au Québec touche positivement particulièrement les jeunes, les jeunes y sont particulièrement gagnants. Ils y gagnent, dans ces nouveaux emplois, et plusieurs de ces nouveaux emplois les concernent.

Donc, il y a des gains, mais il y a aussi des obstacles importants. Le marché du travail, comme je le disais, subit toutes sortes de changements, il est soumis à la compétitivité très, très grande. Vous le savez, une entreprise peut maintenant s'installer ici, comme à la frontière d'autres provinces canadiennes et dans d'autres pays. Les technologies font en sorte qu'une entreprise peut opérer sans presque avoir pignon sur rue, on peut faire tout de manière virtuelle. Alors, c'est dans ce contexte-là aussi que s'inscrit un projet de loi comme celui-là.

Ça pose aussi toute la question de l'intervention de l'État dans les rapports collectifs du travail. Il y a eu beaucoup, beaucoup de débats, par exemple, sur la période – je vais y revenir en conclusion – de transition qui est prévue pour le projet de loi n° 67, c'est-à-dire comment on fait en sorte, quel temps on va donner aux entreprises, aux syndicats entre autres qui ont négocié des conventions collectives comportant des clauses qui maintenant pourraient être illégales, comment on leur donne de temps, comment on leur permet de réajuster, sachant que ces clauses-là ont été négociées de bonne foi alors que les règles du jeu étaient différentes de celles qui sont proposées par un projet de loi comme le projet de loi n° 67? Alors, je pense qu'il faut avoir beaucoup de doigté sur le type d'intervention de l'État dans ces rapports collectifs de travail.

Alors, voilà. C'est donc des remarques que je tenais à faire, à ce moment-ci. Je vous dirais également qu'il est bien évident que – nous procédons actuellement à l'adoption du projet de loi n° 67 – les échanges avec des collègues...

Une voix: Du principe.

Mme Lemieux: Du principe, pardon. Oui, je m'excuse. Je ne voudrais surtout pas bousculer le processus. Alors, nous en sommes donc à l'adoption du principe. C'est bien évident que les échanges avec les collègues, les présentations que nous avons eues à la commission de l'économie et de l'emploi, d'autres présentations qui m'ont été faites par tous les groupes concernés, touchés et interpellés par ce projet de loi font en sorte que nous avons bien sûr travaillé à partir de ce projet de loi là, qui était un bon point de départ, mais que nous avons tenté d'apporter des changements, des amendements, permettant ainsi que ce projet de loi là réponde bien aux objectifs que nous avons, au Québec.

Alors, c'est bien évident que je présenterai aux membres de la commission de l'économie et du travail des propositions d'amendement au moment de l'étude détaillée du projet. J'espère que ça permettra de répondre à certaines craintes ou certaines attentes qui ont été exprimées. Évidemment, je ne veux pas annoncer immédiatement ces amendements, mais il y a quand même des sujets, sur lesquels je vais me permettre de revenir à ce moment-ci, qui ont été abordés abondamment au moment de la commission de l'économie et du travail et sur lesquels je peux dire que, oui, on a réexaminé, dans le fond, le projet de loi à la lumière de ces commentaires. Évidemment, lorsque nous aborderons l'étude détaillée du projet de loi, il me fera plaisir de les déposer.

Mais, par exemple, on s'est rendu compte qu'il y a certaines dispositions, je pense à l'article 87.3, qui appelaient à des compréhensions qui étaient différentes; la compréhension n'était pas uniforme de la part des intervenants. Alors, c'est bien évident qu'on s'est posé la question de quelle manière on peut faciliter la compréhension de cet article-là. Parce qu'un projet de loi, on le sait, bien sûr qu'il y a des considérations techniques, ce n'est pas toujours simple de codifier des notions, des valeurs aussi, que nous voulons véhiculer. Mais il faut s'assurer d'une compréhension. Même si ça se doit d'être le plus limpide possible du point de vue du droit, il nous faut aussi une compréhension assez simple de la part du public et de ceux qui ont à gérer les répercussions d'un projet de loi comme celui-là.

Il y a eu aussi, au moment de la consultation publique, beaucoup de commentaires sur la période d'adaptation, comme je le disais tout à l'heure. Dans ce projet de loi, il y a une proposition de trois ans. Ça a soulevé beaucoup de commentaires. Certains ont dit que c'était une période d'adaptation beaucoup trop courte, d'autres ont dit qu'elle était beaucoup trop longue. Ce qui est clair, c'est qu'il faut qu'il y ait une période d'adaptation. Ça, pour moi, ça m'apparaît essentiel. Il y a beaucoup d'exemples où, lorsqu'on a changé des paramètres de ce type-là dans les relations de travail, on l'a fait progressivement.

Et, je le rappelle, s'il y a des clauses orphelin, par exemple dans certaines conventions collectives, il faut se rappeler qu'elles ont été négociées de bonne foi dans un contexte où il n'y avait pas de loi les interdisant. Alors, il faut être prudent. Mais, par exemple, lorsqu'on a réduit la semaine normale de travail – vous savez que nous sommes passés de 44 heures... cette année, nous sommes à 41 heures – nous l'avons fait sur une certaine période, parce que ça avait toutes sortes d'implications. Alors, ce ne sera pas la première fois qu'il y aura des périodes d'adaptation, et je pense que c'est sage, prudent et surtout plus sain de prévoir ce type de période d'adaptation.

(16 heures)

Il y a eu aussi beaucoup de commentaires sur l'article 4 où les gens ont interprété cet article comme étant l'annonce déjà prédéterminée de la fin de cette loi-là. Alors, je tiens à rappeler que, d'abord, il m'apparaissait extrêmement important qu'il y ait une période après laquelle nous devions nous donner l'obligation d'évaluer les effets d'une loi comme celle-là. C'était de partir donc d'une analyse rigoureuse des effets, où on se posera des questions de base, des questions fondamentales: Quels étaient les objectifs du législateur au moment de l'adoption de la loi? Quelles ont été les pratiques? Comment ça s'est articulé dans le quotidien, dans l'établissement des conditions de travail sur une certaine période? Et, s'il y a lieu, une analyse plus rigoureuse peut amener des décisions comme le maintien de la loi, comme des corrections à certains aspects de la loi. Alors, je pense que ça, ça m'apparaît comme un élément extrêmement important.

Évidemment, l'article 4, qui a amené toutes sortes de commentaires, en tout cas, il a été rediscuté avec les gens du ministère. Nous allons en reparler pour faire en sorte qu'il soit bien compris de la part de tous les intervenants. La question des recours aussi a été passablement abordée par les gens qui sont venus rencontrer les membres de la commission de l'économie et du travail. Évidemment, c'est une question importante, c'est un défi particulièrement pour le milieu non syndiqué, et, je le rappelle, bien des milieux non syndiqués n'ont pas de politique salariale formelle, ni verbalement ni de manière écrite. Alors, là, il y a un défi particulièrement pour le milieu non syndiqué. Nous avons pris acte de plusieurs représentations qui ont été faites et nous avons donc réexaminé toute cette question-là.

Alors, voilà donc, sans que je me compromette immédiatement et que donne envie à l'opposition d'en connaître plus sur les amendements potentiels, c'est quand même des messages que nous avons reçus, et je peux assurer les membres du Parlement que nous avons révisé l'ensemble du projet de loi à partir de ces commentaires que nous avons reçus. Évidemment, ça ne veut pas dire que nous avons retenu toutes les suggestions, mais nous les avons considérées correctement. On a fait bien le tour de ces commentaires-là.

Alors, je terminerais bien simplement en disant que ce dossier-là, il est présent dans la sphère publique depuis peu de temps, finalement, malgré tout ce qu'on peut en dire. J'ai eu l'occasion de relire certains propos, certains écrits, certaines recommandations dans d'autres partis politiques, notamment au Parti libéral, qui datent quelquefois de plusieurs années. Par exemple, j'ai du matériel de la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec qui date de 1987, ou c'était à la fin des années quatre-vingt. On commençait à un peu discuter de cette réalité-là. Il reste que ce dossier-là a émergé d'une manière plus intensive récemment. Il y a eu deux consultations publiques en commission parlementaire, une qui avait été pilotée par mon prédécesseur, une autre autour d'un projet de loi bien, bien, bien concret. Il y a beaucoup de choses qui se sont dites. Évidemment, ça soulève des réactions opposées, il faut en être conscient, mais je pense qu'il y a des choix à faire.

Le gouvernement du Parti québécois avait pris des engagements, il a franchi une étape importante en juin dernier en déposant le projet de loi, il en a franchi une autre en ayant ces consultations publiques, et j'espère bien qu'on va en franchir une encore plus importante d'ici la fin de cette session parlementaire. Et, pour ce faire, il faudra franchir l'étape dans laquelle nous sommes, c'est-à-dire l'adoption du principe. J'invite donc les membres de cette Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 67 en matière de disparités de traitement pour que nous puissions ensemble faire un autre bout de chemin au moment de l'étude article par article et finalement conclure ce débat-là, quoiqu'il ne soit jamais conclu, mais conclure à tout le moins sur le type d'intervention que le législateur peut faire dans le dossier des clauses de disparités de traitement. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre du Travail et députée de Bourget. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition en matière de travail, M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci. M. le Président, le débat que nous entreprenons, que nous reprenons, d'ailleurs, parce que ce débat a commencé il y a quelques semaines en commission parlementaire alors que nous avons entendu des groupes et des représentants de différentes organisations, tant syndicales, patronales que le regroupement de jeunes étudiants, jeunes médecins, alors ce débat que nous reprenons, nous le reprenons au point de départ où nous l'avons laissé, c'est-à-dire que nous nous retrouvons avec un projet de loi qui ne satisfait pas les principales personnes qui sont concernées par cette loi, par ce problème qui est la jeunesse.

Avant d'aller plus loin, M. le Président, j'aimerais peut-être, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, pour les députés bien sûr en cette Chambre mais aussi pour les citoyens, les citoyennes qui peuvent être à l'écoute de ce qui se passe à cette Assemblée aujourd'hui, lire un passage, une citation: «De la garderie à l'université, en passant par les travailleurs autonomes et les clauses discriminatoires, Lucien Bouchard a décidé de faire des jeunes la priorité de ce second mandat. "Ils bénéficieront, dit-il, de la protection d'une législation contre les clauses discriminatoires."» C'est une des citations d'un engagement du premier ministre en campagne électorale, alors qu'il cherchait à récupérer le vote des jeunes dans cette campagne. Et, dans des forums devant les jeunes étudiants, devant des jeunes travailleurs, il disait d'abondance qu'il adopterait une loi qui réglerait ce problème, ce cancer qui est pour lui l'adoption et l'utilisation de clauses orphelin.

M. le Président, on sait que, lorsque ce projet de loi a été déposé, les jeunes, qui sont les principaux récipiendaires, les principaux bénéficiaires, ont répondu, de même que l'opposition, d'ailleurs, et que l'ensemble des intervenants, de la façon suivante, et je vais relire un autre passage du mémoire des gens de Force Jeunesse, des jeunes qui sont apolitiques. On y retrouve des gens d'à peu près toutes les allégeances politiques ou sans aucune allégeance politique, qui ont comme but principal de faire la promotion des intérêts ou de la condition des jeunes dans la société, que ça soit au niveau des conditions de travail, bien sûr, mais aussi universitaire, des études, enfin de faire valoir les revendications légitimes de la jeunesse québécoise d'aujourd'hui. Et que disaient-ils? «Un tel projet de loi constitue [...] un "parachute troué" qui n'offre en rien toute la protection nécessaire pour enrayer de telles pratiques discriminatoires. La proposition de législation déposée par le gouvernement péquiste ne vise pas à enrayer le problème mais bien à le restreindre uniquement», cette loi pouvant être facilement contournée. Voilà ce qu'ils disent: «Un parachute troué.»

Et pourquoi, M. le Président, on a déposé ce projet de loi de cette façon-là? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas tenu ses engagements? Pourquoi n'a-t-il pas tenu ses promesses? Bien, parce qu'il a promis pour des raisons électorales. Il a promis sachant qu'il ne pourrait pas le faire. Mais, vu qu'il voulait les votes des jeunes, eh bien, il y est allé. Aujourd'hui, les jeunes disent: Il y a maldonne, vous ne faites pas ce que vous nous avez dit. Malheureusement, les élections sont finies et on tient un autre discours, un autre langage.

La ministre du Travail, en commission parlementaire, devant les groupes – et je vais la citer – disait: «C'est une chose facile de dire qu'on est contre – pendant la campagne électorale – mais c'est plus compliqué par la suite de le faire dans la réalité.» Et voilà, la boucle est bouclée. Voilà la vraie réalité du problème que nous avons. En campagne électorale, on promet, on laisse entendre ce que l'on veut aux gens, on va chercher le vote, on va chercher l'appui, on fait élire des députés dans les comtés avec ce vote-là, et, lorsque la campagne est terminée, bien sûr, on dit la réalité comme la ministre: C'est une chose facile à dire que l'on est contre – ça, c'est la campagne électorale – mais c'est plus compliqué après de le faire dans la réalité.

Alors, nous, de l'opposition, M. le Président, nous ne sommes pas d'accord avec cette façon de faire. Premièrement, c'est un point de vue moral. On ne peut pas faire des choses comme celles-là. On ne peut pas, quand un gouvernement est responsable, quand il a une vision de la société, tenir un discours, dans les moments aussi importants, aussi symboliques que les campagnes électorales où on demande aux gens de nous faire confiance, tenir ce genre de propos et, par la suite, faire son contraire. Donc, nous ne pouvons pas accepter cette façon de procéder du gouvernement.

(16 h 10)

Les gens, et les jeunes en particulier, ne croient plus dans les institutions politiques, ou y croient de moins en moins. Ils n'ont plus le respect des gens qui les composent non pas à cause du travail qu'ils font dans cette Chambre, mais à cause des promesses, à cause des engagements, à cause des messages qu'on leur donne dans les campagnes électorales et du suivi qu'on en fait par la suite. La crédibilité, la confiance n'est pas plus là, elle est érodée.

Lorsqu'une société se trouve dans cette situation-là, lorsqu'une société commence à perdre la confiance envers les institutions qui la gouvernent, qui la dirigent, c'est le début, c'est l'ouverture à toutes les aventures. Il suffit d'avoir étudié l'histoire, de regarder ce qui se passe dans d'autres pays pour se rendre compte que, partout, dans toutes les sociétés où cette dérive a eu lieu, eh bien, immanquablement, sur un certain nombre d'années, ont surgi des problèmes très importants au niveau de la cohésion de la société, au niveau du respect des institutions, au niveau du respect de la démocratie. On voit à chaque fois la réponse de l'État à ces situations qui commencent, et qui s'enflent, et qui prennent des proportions inquiétantes et difficiles: c'est, par la suite, d'établir un pouvoir de répression. On réprime les manifestations, on réprime les gens qui en ont ras le bol du système parce qu'ils ne croient plus ce qu'on leur dit. Ça s'appelle le «big bang d'une société». Une société s'implose, explose parce qu'elle ne croit plus aux valeurs qui sont celles qui doivent normalement la régir, celles qu'on lui a fait miroiter. Elle ne croit plus aux paroles des dirigeants et des gouvernants.

Avec ce genre d'engagements et les suites qu'on donne à ces engagements, nous avons ouvert encore une fois la porte à cette situation, et ça nous interpelle tous, les politiciens, tous, de quelque côté de la Chambre que nous soyons, que ça nous fasse plaisir ou que ça ne nous fasse pas plaisir parce que nous sommes du côté du pouvoir ou parce que nous n'y sommes pas. Nous sommes tous interpellés parce que nous avons cette responsabilité de maintenir la confiance des citoyens envers l'État, envers le système, envers les gouvernants. Si nous ne le faisons pas – nous ne sommes pas éternels en cette Chambre, aucun d'entre nous – nous léguerons à ceux qui vont prendre notre place, qui vont prendre notre suite, un bien triste héritage. Deuxièmement, nous allons léguer à nos enfants une société qui sera à l'opposé de celle qui nous a été léguée à nous et que nous connaissons actuellement, une société équitable, juste et envers laquelle les citoyens ont ou avaient un certain respect et avaient certaines attentes de niveau moral. Alors, que ça vienne d'un gouvernement qui, en plus, se targue d'être un gouvernement pour le peuple, un gouvernement pour les citoyens, c'est encore plus inquiétant.

On a vu souvent dans beaucoup de démocraties ou de pays où les démocraties étaient ainsi malmenées, où la confiance envers les institutions était malmenée, que ce sont des partis politiques comme cela qui, au départ, s'inspirent d'une volonté populaire, avec des promesses, avec des engagements qui ont entamé cette dérive. Alors, il est temps de corriger, M. le Président. Il est temps que le gouvernement fasse ce qu'il a promis, donne aux jeunes ce qu'il leur a dit qu'il leur donnerait. Et, dans ce cas-ci, c'est une loi qui vise à interdire les clauses discriminatoires dans le milieu de travail. Pas un parachute troué, pas une loi pour la frime, une vraie loi, pas une loi qui va prendre fin après deux ans d'application. On y reviendra, on va avoir l'occasion de regarder un peu l'étude article un peu par article tout au long du processus.

Mais, M. le Président, ce n'est pas ça que le gouvernement, il fait. Tout au long de ces audiences publiques, qu'est-ce que nous avons pu constater? Vous n'avez pas constaté avec quelle acrimonie, à l'occasion, la ministre s'adressait aux gens, comme si elle avait la solution, comme si elle était la seule à avoir le pas, comme si elle était la seule à détenir la vérité? Ces jeunes, ces gens qui venaient essayaient de lui expliquer que l'ajout d'échelons vers le bas dans une échelle salariale, bien, c'était une clause discriminatoire différente de celles qui existent actuellement, mais une clause discriminatoire pareil.

La semaine dernière, les députés, vous certainement, M. le Président, les ministres avez pu lire dans les quotidiens, dans les journaux qu'une entreprise dans la région de Montréal avait décidé d'utiliser la formule Lemieux, la formule Bouchard, la formule du projet de loi n° 67 pour gérer ses relations de travail. Et qu'a-t-elle fait, cette entreprise? Bien, elle avait des employés qui gagnaient 16,75 $ de l'heure. Eh bien, elle a décidé de conserver ses employés à 16,75 $ de l'heure et d'engager des nouveaux employés supplémentaires pour faire le même travail à 6,25 $ de l'heure, arguant que, vu qu'il y avait une loi qui était devant le Parlement du Québec qui permettait l'ajout d'échelons vers le bas dans une échelle salariale, eh bien, il n'y avait aucune raison de ne pas le faire.

Ce que ça veut dire, ça, M. le Président, c'est que le projet de loi a déjà envoyé un message aux gens. Il a envoyé un message à des entreprises en leur disant: Allez-y, c'est le moment ou jamais de changer votre façon de faire. Vous n'êtes plus obligées d'engager des gens au même salaire pour le même travail, la même tâche, le même nombre d'heures, la même productivité, vous pouvez maintenant, tout de suite, utiliser des échelons d'amplitude salariale différents. Et c'est ce qu'il fait, et c'est là une plus grande injustice encore envers la jeunesse parce qu'elle elle est légalisée, parce que c'est l'État qui a donné la recette de la clause orphelin. Alors, au lieu de corriger comme il s'y était engagé, il a donné la recette. Il leur a dit: C'est comme ça que vous devez faire pour être légaux.

Il est vrai qu'il s'adresse aux jeunes travailleurs, mais il s'adresse aussi aux moins jeunes travailleurs. Bien sûr, les nouveaux travailleurs sont majoritairement parmi la jeunesse, parmi ces forces vives de notre société, mais il y a aussi, dans ces gens qui vont être touchés, ces hommes et ces femmes, par ce projet de loi là, des travailleurs plus âgés, des gens qui ont perdu leur emploi. L'entreprise a fermé, déménagé, a changé sa façon de faire, et ces gens perdent leur emploi et se retrouvent à chercher un emploi à 45, 50 ans. Eh bien, ces gens-là se retrouvent, eux aussi, dans cette même situation où, après une vie complète – ou presque complète – une carrière importante à travailler dans certaines entreprises, ils vont être engagés dans d'autres entreprises avec des clauses salariales discriminatoires, plus basses que les employés qui sont en place. Vous allez dire: Oui, mais là l'ancienneté... On sait bien, l'ancienneté n'est pas touchée là-dedans. L'ancienneté, c'est quand les gens ont une certaine expérience et que d'autres, de nouveaux employés, arrivent dans une entreprise. Alors, c'est normal, au départ, que, pour une certaine période – ça peut être cinq, six mois, un an, le temps de prendre de l'expérience, de prendre le rythme de l'entreprise – il y ait une petite différence de salaire non pas à cause de la date d'embauche, mais à cause de la productivité, de la façon de faire, de l'entraînement que le nouvel employé a à faire, des connaissances qu'il a à acquérir dans ce nouvel emploi. Mais ça, tout le monde reconnaît ça, et c'est dans la Charte des droits et libertés. Il n'y a personne qui se plaint de ça, et ce n'est pas de cela que nous discutons aujourd'hui.

Faisons bien les choses claires. Ce dont nous discutons aujourd'hui, M. le Président, c'est de la chose suivante: c'est que des entreprises, et des municipalités, et des organismes du gouvernement du Québec ont décidé, pour réduire leurs coûts, au lieu de réunir les employés de leur entreprise ou du service dans lequel ils travaillent dans le gouvernement et de dire: Voyez-vous, nos revenus, nos profits sont... Prenez une entreprise: Nos profits sont moins élevés et nous avons de la difficulté à compétitionner telle autre entreprise qui, elle, est située dans telle autre région ou dans telle autre partie du territoire; alors, nous allons donc devoir faire un certain nombre de sacrifices et, à partir de maintenant, pour l'année prochaine, devoir réduire nos coûts de main-d'oeuvre. Alors, ce qu'il serait normal, logique qu'il se fasse, c'est que l'on réunisse l'ensemble des travailleurs, du président jusqu'aux employés de la base qui sont à l'entretien ou ailleurs, et qu'on leur dise: Maintenant, voilà, tout le monde va devoir recevoir une baisse de rémunération équivalente à ce dont on a besoin comme marge de manoeuvre pour conserver notre compétitivité ou accroître notre pénétration des marchés. Et là tout le monde, du président à... pourrait voir son... Ça pourrait être le salaire, ça pourrait être des jours de vacances, ça pourrait être, enfin, différents bénéfices réduits proportionnellement d'une manière semblable et équitable.

(16 h 20)

Mais ce n'est pas ça qui se produit. Ce qui se produit – et c'est là que la morale intervient, c'est là que l'équité intervient puis que la justice intervient, la justice intergénérationnelle mais aussi la justice entre les citoyens d'une même entreprise – eh bien, M. le Président, plutôt, c'est que l'employeur ou les syndicats proposent, se mettent ensemble et disent: Voilà, on va faire en sorte de conserver les salaires que vous avez actuellement, les conditions de travail que vous avez actuellement, et puis les nouveaux employés qui vont arriver, eux, on va les payer moins cher que vous, ce qui nous permettra de produire des biens, avec le même travail que, vous, vous faites et qu'ils feront eux aussi, bien sûr, moins cher, et ça nous permettra d'être plus compétitifs. Donc, deux classes de travailleurs: une qui va être payée, comme je le disais tout à l'heure, 16 $ de l'heure, et une autre qui va être payée 6 $ de l'heure pour faire le même travail. Donc, c'est la partie de la richesse, de la productivité qui est faite par ces derniers arrivés – et c'est 90 % des jeunes, bien souvent – qui va servir à financer, à subventionner les conditions de travail et les salaires des anciens. Et ça, c'est inadmissible, M. le Président. C'est inadmissible parce que, lorsque l'on fait le même travail, la même tâche, lorsque l'on fait les mêmes heures, qu'on travaille sur les mêmes machines, lorsque l'on travaille dans le même environnement que les autres dans une usine, dans une entreprise et qu'on fait la même productivité, eh bien, on doit avoir le même salaire. Il n'y a aucune société dans le monde qui ne reconnaît pas que, pour un travail égal, c'est un salaire égal. Mais, nous, au Québec, on a fait ça.

Alors, voilà pourquoi les jeunes du Québec se sont élevés contre ça, parce qu'ils sont les principaux et les premiers touchés. Ils ont dit: Wo! pourquoi nous faire subir cela à nous? Pourquoi nous imposez-vous à nous ces sacrifices? Pourquoi c'est nous, les jeunes, qui devons payer la facture? Déjà, nous payons la facture des déficits que vous nous avez laissés, nous payons la facture de la haute taxation que vous nous avez laissée, et, en plus de ça, maintenant, ce que vous nous demandez, c'est de gagner moins cher que vous.

On sait, selon les études, M. le Président, que le revenu annuel des jeunes de 18 à 35 ans est inférieur de presque 10 % par rapport à ceux de 35 ans et plus et qu'il est inférieur de 9 % par rapport aux 18-35 ans de notre génération, de la vôtre, de celle des gens ici – pas tous, quelques-uns sont jeunes, plus jeunes – à la même période de leur vie. Est-ce normal? Est-ce que c'est là une manière de préparer la jeunesse à prendre la relève? Est-ce que c'est là une façon de bâtir une société? Nous ne le croyons pas, et, moi, je ne le crois pas, et, au Parti libéral, nous ne sommes pas en accord avec cette vision de l'organisation d'une société basée sur la discrimination. C'est pour ça que nous sommes opposés à ce projet de loi là. C'est pour ça et pour les autres raisons que j'ai mentionnées au début – il va y en avoir d'autres, vous allez voir – que nous allons continuer à nous opposer à ce projet de loi là.

M. le Président, ne serait-il pas plus logique, ne serait-il pas plus facile pour les travailleurs et les entreprises de s'entendre et de baisser ces conditions de travail, comme je le mentionnais? Il me semble, au premier abord, que oui, mais, dans la réalité, c'est non. Lorsque nous avons entendu les groupes, lorsque les syndicats sont venus nous voir, la Fédération des travailleurs du Québec, la CSN, la CSD, lorsque les employeurs sont venus nous voir, des gens de bonne foi – il ne s'agit pas, là, de dire que les employeurs ne sont pas bons, qu'ils sont méchants; ce n'est pas une question de méchants puis de bons, là-dedans, c'est une question de mentalité dans notre société – nous leur posions la question: Pourquoi avez-vous eu recours à de telles clauses? La réponse des gens du patronat, c'est qu'ils nous disaient: On n'a pas le choix, les syndicats refusent de vouloir négocier une baisse équitable des salaires pour l'ensemble des salariés. Bon. Alors, nous n'avons pas d'autre choix. Le seul choix que nous avons si nous voulons qu'il n'y ait pas de trouble dans notre entreprise, qu'il n'y ait pas d'histoires, eh bien, c'est de nous rendre à leur demande et d'accepter cette réorganisation qu'ils nous donnent. C'était ça, la réponse qu'on nous faisait du côté patronal. C'est compréhensible comme réponse.

Lorsque les syndicats sont venus nous voir, on leur a posé la même question, aux syndicats. La question était très directe: Pourquoi imposez-vous aux patrons, comme ils nous l'ont dit lorsqu'ils sont venus témoigner avant vous, cette négociation qui fait qu'on discrimine les jeunes, alors que, dans vos mémoires, les mémoires que vous nous apportez, vous nous dites que vous êtes contre la discrimination chez les jeunes? C'est quoi, le discours, le vrai, le réel discours? Là encore, on nous disait: Bien, oui, on est contre, mais, vous savez, on n'a pas tellement le choix, les patrons nous demandent des coupures; ils veulent augmenter, certains, leurs profits, chez d'autres, l'entreprise est en mauvaise position, et il fallait aller dans ce sens-là. Et là a dit: Oui, mais, écoutez, ça va à l'encontre du discours officiel que vous nous présentez aujourd'hui de dire que vous êtes contre la discrimination. Alors que vous nous dites que vous aviez d'autres choix, les patrons nous disent qu'ils n'en veulent pas, qu'ils préféreraient d'autres situations, d'autres solutions qui seraient plus équitables, qui seraient plus justes, réparties sur l'ensemble des travailleurs, puis, vous, vous êtes contre aussi. Alors, pourquoi on en a?

Ce qui ressort de tout ça, M. le Président, c'est qu'on est allé au plus facile. Nous sommes allés au plus facile encore une fois dans notre société, au plus vite. On a préservé une paix où on a fait l'économie d'efforts de négociation et on a oublié le sens de ces mots, dans une société comme la nôtre, qui s'appellent la solidarité, la justice et l'équité. On a oublié ça. Alors, à moins que les gens au Québec ne nous disent à nous, de l'opposition, qu'ils sont en accord avec ce traitement-là des jeunes et des moins jeunes, ce que je ne crois pas, parce que l'ensemble des Québécois, très majoritairement – c'est sûr, il y a toujours des exceptions – se sont dit outrés ou en désaccord avec ces choses-là, la réponse à ça, c'est un projet de loi qui viendrait encadrer la négociation.

Nous ne sommes pas pour la législation, l'encadrement, la réglementation du travail; au contraire – et j'aurai l'occasion d'y revenir un peu plus tard – il y a des grandes choses à faire de ce côté-là et il y a des décisions importantes à prendre. Mais, lorsque, dans une société, quelque chose ne fonctionne pas naturellement dans le sens équitable, bien, il faut que l'État montre la direction ou mette un cadre à l'intérieur duquel les gens doivent travailler. Alors, en passant un projet de loi qui interdit toute clause discriminatoire – et pas l'ajout d'échelons vers le bas, entre autres, puis pas une clause qui se termine trois ans ou deux ans après sa mise en application – eh bien, les parties syndicales ne pourront plus invoquer que le patron le leur impose, et le patronat, lui, pourra répondre aux parties syndicales, si elles lui disent que c'est ça qu'elles veulent, sinon qu'ils auront des problèmes à négocier: Quand même vous le voudriez, la loi ne me le permet pas. Donc, c'est hors de question, nous avons l'obligation de trouver une autre solution, un autre système d'organisation du travail que celui-là parce que, quand même nous le voudrions, c'est illégal et ça ne sera pas acceptable en cour de justice ou n'importe où, au Tribunal du travail ou devant le Commissaire du travail. Donc, la loi est une réponse, à ce moment-là, d'incitation pour aider les gens à faire ce qu'ils auraient le goût de faire et ce qu'ils nous disent qu'ils ont le goût de faire. À peut-être quelques exceptions près, je n'ai pas entendu un représentant du patronat qui disait qu'il faisait des clauses orphelin de gaieté de coeur. Je n'en ai pas entendu. Et je n'ai pas entendu une centrale syndicale me dire qu'elle était en faveur.

Pourquoi aussi nous ne sommes pas d'accord? Parce que le projet de loi, au lieu de répondre à cette obligation de faire en sorte que les gens trouvent entre eux-mêmes une nouvelle manière de passer ces difficultés, il laisse des échappatoires, il donne des recettes pour le faire, et c'est pour ça que nous ne pouvons pas être d'accord. Le gouvernement a là une occasion en or de rappeler à tout le monde que la meilleure façon d'organiser le travail dans les entreprises est basée sur l'équité, sur le respect de chacun et de chacune. Parce que, dans une entreprise, lorsque vous avez deux catégories, deux classes de citoyens qui travaillent et qui ne gagnent pas le même salaire pour faire le même travail, n'oubliez pas une chose, il y a là un potentiel explosif dans le climat de travail.

(16 h 30)

Moi, je ne vois pas ici de député qui, pour le même travail – et, généralement, les députés, connaissant leur travail depuis 14 ans, je peux dire qu'ils font un travail très, très, très prenant, très dur, très exigeant... Eh bien, si les députés étaient payés, certains, 56 000 $, puis d'autres, 45 000 $ parce qu'ils viennent d'arriver, je ne suis pas sûr, moi, qu'ils seraient, en cette Chambre, de bonne humeur puis qu'ils ne se lèveraient pas pour le dire. Je ne suis pas sûr de ça, puis j'aimerais ça qu'on en parle. Est-ce que, parce qu'il y a 14 ans que je suis ici, en cette Chambre, je n'aurais pas dû avoir ma coupure de 6 % lorsqu'on a coupé le salaire des députés? Parce que, quand je suis entré ici, moi, je gagnais plus. Est-ce que je n'aurais pas pu, moi aussi, me dire: Eh bien, mettons des échelons vers le bas pour les nouveaux députés arrivants? Le député d'Anjou qui vient d'arriver, les députés de l'opposition ou du gouvernement aussi qui viennent d'arriver, pourquoi ont-ils commencé, à ce moment-là, au même échelon que les autres? Allons jusqu'au bout du raisonnement. L'État est dans une période de compressions, une période d'économies. On doit trouver de l'argent pour baisser les budgets, pour baisser les dépenses de l'État. C'est la situation d'une entreprise qui elle-même se trouve dans la même situation et qui doit, pour rester compétitive ou pour des raisons financières ou bancaires, bien, baisser ses dépenses. C'est la même chose chez nous. Je n'en vois pas beaucoup ici... Sur 125 députés, je ne suis pas sûr que, si le premier ministre ou le président de l'Assemblée était arrivé avec une proposition comme celle-là, eh bien, que ça aurait fait un grand succès, du moins chez les nouveaux arrivants et chez les anciens aussi, parce que nous considérons que le travail qui est fait par chacun d'entre nous est un travail équivalent, est un travail qui mérite la même rémunération, la même gratification salariale puis les mêmes conditions de travail.

Alors, M. le Président, le projet de loi de la ministre ne correspond pas à cette philosophie-là. Et pourquoi il ne correspond pas, c'est-à-dire pourquoi il ne le fait pas? Bien, c'est la question que nous nous posons. A-t-il eu des pressions? Le gouvernement du Parti québécois, le gouvernement du premier ministre Lucien Bouchard, qui s'était engagé, qui avait dit: Nous y verrons, nous amènerons une législation, nous répondrons à ces attentes, pourquoi ne le fait-il pas? Pourquoi essaie-t-il de se défiler? Pourquoi essaie-t-il de passer à côté de ses engagements? Eh bien, c'est parce que ce gouvernement n'est pas capable de regarder les choses avec une vision large ou la ministre n'est pas capable de conseiller son premier ministre et son gouvernement d'une vision large de l'organisation du travail. La voilà, probablement, la raison. Parce que, sans cela, elle n'aurait jamais amené un projet de loi comme celui-là, qui porte à critique et qui lui porte encore un préjudice de vouloir se défiler, de parachute troué, de projet de loi pour la frime, de projet de loi qui a été dénoncé par l'ensemble des gens à qui il était censé faire plaisir. Et aussi parce qu'elle a subi des pressions des groupes de pression: l'Association des détaillants en alimentation, le Conseil du patronat, l'Association des manufacturiers du Québec, les employeurs. Ils sont venus nous rencontrer, nous aussi. Ils ont essayé de nous expliquer. Certains nous ont dit: Je vais fermer mes portes, 200 employés de moins. On reçoit des lettres comme celle-là. Nous y avons donné une importance. Nous avons regardé, nous nous sommes penchés sur les recommandations, les points sur lesquels ils attiraient notre attention. Nous avons voulu, nous aussi, voir si c'était vraiment une situation qui était pour créer des préjudices à notre société. Nous avons consulté des études aussi.

Et, M. le Président, nous sommes arrivés à la fin à la conclusion que le seul préjudice qu'il pouvait y avoir, c'était de faire... lorsqu'une entreprise connaît des difficultés, bien, que ça serait l'ensemble des travailleurs et des dirigeants d'une entreprise qui verraient à baisser leurs conditions de salaire, leurs conditions de travail, ça serait le seul préjudice. C'est ce qu'on appelle, que certains ont appelé en commission parlementaire «sur notre vieux gagné», sur nos avantages gagnés dans le temps. Ça serait le seul préjudice, parce qu'il n'y a pas une entreprise avec une loi qui interdit de négocier des clauses orphelin, des clauses discriminatoires. Il n'y a pas une entreprise qui va fermer ses portes avant de demander à l'ensemble des employés: On n'a plus les moyens d'avoir les mêmes conditions de travail, on n'a plus les moyens d'avoir les mêmes salaires, est-ce que vous préférez que nous les baissions collectivement tout le monde ou est-ce que je ferme les portes? Bien, il me semble que la réponse, ça va être: Eh bien, baissons donc nos salaires à tout le monde si l'entreprise n'a plus les moyens de les payer, quitte à ce que, lorsque la prospérité sera revenue, lorsque le cycle économique ou le produit de l'entreprise aura repris, grâce à une productivité accrue aussi, il se créera une nouvelle prospérité, une nouvelle richesse dans cette entreprise-là, on la redistribuera, à ce moment-là, équitablement, encore une fois, vers le haut. Et c'est ça que nous avons essayé de faire comprendre aux gens des entreprises, c'est ça que nous avons essayé de faire comprendre aux gens du patronat.

Nous leur avons dit aussi, nous leur avons expliqué, M. le Président, qu'il fallait, pour eux, et c'était très important, qu'il y ait des bonnes relations à l'intérieur de leur entreprise et que, s'ils n'avaient pas ces bonnes relations, eh bien, leur productivité et puis le climat social à l'intérieur de leur entreprise s'en trouveraient affectés, que leur capacité de production serait affectée, que leur compétitivité se trouverait à ce moment-là questionnée, que la qualité de leurs produits se trouverait, elle aussi, peut-être mise en cause et que donc les coûts économiques qui seraient entraînés par ce climat tendu d'une entreprise où deux catégories de travailleurs faisant le même travail n'ont pas le même salaire, eh bien, auraient des effets probablement plus néfastes que de baisser équitablement les salaires et les conditions de travail de l'ensemble des dirigeants et des travailleurs de la même entreprise.

Ce n'est pas ce que le gouvernement a fait. Le gouvernement n'a pas osé expliquer ça aux chefs d'entreprises, il a eu peur. Pourquoi? Parce que le gouvernement est à la recherche d'une crédibilité avec le monde des affaires. Le gouvernement se fait reprocher depuis longtemps de ne pas être près des entreprises, de ne pas être près du monde des affaires; il est donc à la recherche, quasiment, de l'amour de ces entreprises et de ces chefs d'entreprises et il est prêt à agir sans discernement par rapport à sa responsabilité globale envers l'ensemble de la population. Alors, voilà certainement ce qui explique le revirement, ce qui explique la dérobade de ce gouvernement dans ce projet de loi là. Ça, c'est pour les entreprises privées. C'est pour les entreprises privées, M. le Président.

Les entreprises gouvernementales. Souvenons-nous lorsqu'il y a eu la négociation dans le secteur municipal, lorsque le gouvernement a décidé de faire récupérer 6 % sur les salaires ou les masses salariales. Il a envoyé une facture aux municipalités de 350 000 000 $. Il leur a mis un ultimatum dans le temps. Il a fait un projet de loi qu'il a déposé en cette Chambre, et, dans le projet de loi, il était inscrit que, même s'il leur envoyait une facture, même s'il leur demandait, aux municipalités, de lui envoyer un chèque, qu'il ne serait pas question de revoir à la baisse les conditions de travail et les salaires des employés actuellement à l'engagement, à l'emploi de la municipalité. Il venait de décréter, dans un projet de loi, encore une fois, là, la règle. Il venait de décréter lui-même les clauses orphelin dans les municipalités.

Et qu'est-ce qui est arrivé, M. le Président, depuis ce temps-là? Eh bien, écoutez, je vais vous le dire, parce que j'ai une étude qui a été faite. Il y a une enquête qui a été faite qui est une enquête très sérieuse. Alors, l'étude dit: «Notre étude laisse entrevoir une recrudescence importante du phénomène.» Et, M. le Président: «Pour répondre à la réforme de la masse salariale de 6 %, un fort nombre d'ententes obtenues reposent en partie sur l'utilisation de clauses orphelin permanentes ou temporaires. Cela est vrai et semble le demeurer. Depuis, nous avons recensé que neuf villes seulement au Québec n'avaient pas fait l'usage de clauses orphelin pour réduire ces coûts de main-d'oeuvre.» Neuf villes sur 1 500 ou 1 600 municipalités dans la province de Québec.

M. le Président, voilà ce que ce gouvernement a réussi à faire. C'est lui qui a donné, dans le secteur municipal, le signal de la clause orphelin. Depuis ce temps-là, on retrouve des policiers, à Montréal, qui gagnent 6 000 $ de moins qu'un autre policier. On retrouve à Longueuil – à Longueuil! – des policiers qui gagnent 10 $ de l'heure, alors que le décret qui régit les gardiens de sécurité – vous savez, les gens qui n'ont pas d'arme, qui montent la garde dans les entreprises, ou dans les entrepôts, ou dans les centres d'achats – est à 13 $.

On retrouve, M. le Président, des dizaines et des dizaines de jeunes qui ont été engagés sous prétexte de stages, sous prétexte de tâches légèrement différentes, comme auxiliaires de police, à titre d'exemple, mais, lorsqu'on est dans la rue et lorsqu'il y a une intervention à faire, lorsqu'il y a une agression ou lorsqu'il y a une bagarre ou un accident, est-ce qu'on est un auxiliaire de police ou est-ce qu'on est un policier? On a le même uniforme, on a la même arme, on a le même badge. Le citoyen s'attend de lui qu'il intervienne de la même façon, s'attend de ce jeune auxiliaire de police qu'il fasse le même travail de le protéger ou de régler la situation qui perdure, qui est devant lui. Alors, pourquoi payer ce jeune-là 20 000 $, alors qu'on va payer un autre policier 35 000 $ ou 38 000 $? Pourquoi? C'est parce que le gouvernement, dans ses coupures, n'a pas eu le courage de dire: Le 6 %, il va s'appliquer maintenant à tous les travailleurs municipaux, à tous les employés municipaux, particulièrement dans les grandes villes de plus de 25 000 habitants. Et on sait, M. le Président, que dans les grandes villes de plus de 25 000 habitants le taux de salaire des employés municipaux est de 17 % plus élevé que celui de la fonction publique québécoise. On sait qu'eux sont déjà plus élevés aussi que ceux payés dans le système public. On arrive à près de 28 %. Et je ne parle pas des conditions de travail, je parle juste des salaires.

(16 h 40)

Pourquoi il ne l'a pas fait? Parce que, là encore, il n'a pas voulu déplaire aux syndicats municipaux. Le gouvernement n'a pas été courageux. Il a préféré sacrifier les jeunes, il a préféré cibler la jeunesse que de dire à ses amis syndiqués: Vous allez réduire vos salaires, vous aussi. Pourtant, il l'a fait pour les députés. Nous avons voté en cette Chambre 6 % de réduction du salaire. On ne parle même pas de la masse salariale, là. On parle du salaire direct. Alors, pourquoi les cols bleus de Montréal n'ont pas eu 6 % de réduction sur leur salaire? Pourquoi les cols bleus de Verdun ne l'ont pas eu? Pourquoi les cols bleus de Westmount, pourquoi les cols bleus de Québec ne l'ont pas eu? Pourquoi ceux de Sherbrooke ne l'ont pas eu? Parce qu'ils ont, ce gouvernement, peur de ces gens-là.

Le ministre, lui, veut envoyer une déclaration. Envoyez-la, parce que le pense et je le dis publiquement, M. le ministre... Et la population s'attend de nous à ce que nous leur disions la vérité et non pas à agir pour une simple considération bassement politique. Parce qu'il y a un prix à payer à ça un jour. Et, un jour, vous le paierez, le prix. C'est le prix de la désorganisation d'une société, le prix du manque de confiance du citoyen envers les gouvernements. Et c'est à ça que vous contribuez. Ce genre de remarque là ne m'impressionne pas et ne me fait pas peur. Je répète ce que je viens de dire. Il est temps, M. le Président, qu'au Québec les gouvernements prennent leurs responsabilités au lieu de pelleter sur les autres. Quand ça va mal au Québec, c'est à cause d'Ottawa, c'est à cause de... La santé, c'est parce qu'ils nous ont coupés. Quand ça va mal dans les finances, c'est à cause des municipalités. On demande des factures puis, en même temps, eh bien, on leur donne la recette pour faire payer les jeunes.

Puis, de l'autre côté, on va en campagne électorale puis on dit: Les jeunes, là, nous autres, on est avec vous, puis on s'engage à vous protéger, puis votez pour nous, on a un destin à vous proposer, on a un projet de société. Quel projet de société? Celui de les faire travailler à rabais pour protéger des acquis que d'autres groupes ont eus avant et qu'on n'a plus les moyens de se payer collectivement? C'est ça, votre projet de société? Bien, il est souhaitable qu'il y ait des gens qui aient le courage de le dénoncer puis de le dire. Et, nous, au Parti libéral, nous le dénonçons. Notre chef, Jean Charest, le dénonce. Notre chef, Jean Charest, s'est opposé à ça, puis il va continuer à le défendre malgré et envers les critiques et les pressions, qu'elles viennent de gauche ou de droite. Car c'est un point de vue fondamental pour une société que l'équité et la justice.

J'encourage le jeune ministre des Relations avec les citoyens à envoyer ma déclaration, comme il vient de me menacer, à ses amis du syndicat. Pour un jeune ministre, je pense que c'est un bel exemple de la façon dont ils perçoivent, chez eux, les relations qu'ils doivent avoir avec les jeunes et la manière dont ils sont représentés dans ce gouvernement, si ce n'est que comme, certainement, des votes et un électorat à gagner dans les périodes électorales. Mais il n'a pas forcément à avoir cette réaction-là de vraie conscience de la situation que ces jeunes-là peuvent vivre et puis de ce qu'on doit leur donner pour se préparer dans la vie. Car ça a des impacts, ne l'oublions pas.

Je parlais tout à l'heure de désagrégation morale de la société, de perte de confiance envers les institutions. Ça, c'est un fait. Il y a autres choses aussi. Prenons les jeunes qui connaissent des difficultés économiques, des difficultés d'intégration dans le marché du travail. Pensez-vous qu'ils vont se trouver rapidement à former un couple, à acheter une maison, à avoir des enfants? Absolument pas, M. le Président, absolument pas. Ils vont attendre. Parce que, lorsqu'on ne leur gagne pas assez d'argent, lorsque l'on gagne 20 000 $ après avoir fait ses études en sciences policières, avant de se marier puis de pouvoir louer un appartement et d'avoir des enfants, eh bien, on retarde, on retarde, on retarde. Et qu'est-ce qui arrive? Bien, notre société n'a plus d'enfants. Et c'était une des raisons... Il y en a d'autres, on y reviendra. On aura d'autres occasions d'y revenir. Eh bien, la société ne fait plus d'enfants. Nos jeunes n'ont plus hâte de fonder des familles.

On se rend compte au Québec, et le premier ministre le disait, tout à l'heure, à la période de questions: Nous sommes plus touchés encore par la démographie. Notre société vieillit. Il n'y a pas de jeunes pour remplacer suffisamment. Bien, c'est évident, les jeunes, si on continue à les traiter comme on les traite maintenant, ces jeunes-là, bien, je les comprends, moi, de ne pas vouloir et de ne pas être prêts à prendre des responsabilités d'élever des enfants, de payer une hypothèque, de payer l'électricité, de payer les études pour leurs enfants. Je les comprends. Ça, c'est un des aspects, M. le Président, désolants de ce projet de loi là, en plus d'autres aspects.

Il serait facile pour le gouvernement de corriger ça. Ça ne serait pas compliqué. Tout est question de message. Et le meilleur message de confiance et d'avenir et de respect qu'on peut envoyer aux jeunes Québécois dans notre société, ça aurait été, premièrement, de tenir la parole et l'engagement qu'on avait fait d'amener un projet de loi qui corrigerait la situation de ce cancer qui s'appelle la discrimination. Et, deuxièmement, c'est un message aussi d'avenir, un message qui leur dit: Dans notre société, vous avez votre place, dans notre société, vous êtes considérés. Mais ce n'est pas ça qu'on fait.

Alors, M. le Président, la ministre nous parle de toutes sortes de choses en commission parlementaire, elle nous parle qu'elle va amener des amendements. Elle a essayé d'en parler un peu maladroitement, même si on n'est pas à l'étape de déposer les amendements, comme si elle voulait circonscrire le discours, hein, des députés de l'opposition. Parce que les députés de l'opposition vont parler, ils vont tous parler, M. le Président, parce qu'ils sont tous en désaccord avec ce projet de loi, avec cette façon de faire du gouvernement.

On retrouve dans différentes sociétés à travers le monde des sociétés qui n'ont pas été capables de régler cette discrimination, de régler cette différence de castes et de classes entre les citoyens. On a retrouvé ça dans les sociétés occidentales de la dernière partie du XIXe siècle, début du Xxe siècle, on a retrouvé ça où on voyait des enfants qui travaillaient dans des manufactures à des salaires de misère, dans les fileries, dans les usines de textiles, dans les mines de charbon, on a vu ça. On a vu des ouvrières, des femmes qui travaillaient pour la moitié du salaire d'un homme. Notre société québécoise a fait beaucoup de chemin depuis ce temps-là. Alors, pourquoi, aujourd'hui, ne pas faire l'autre bout de chemin qui consiste à aller avec la jeunesse, avec l'avenir de notre pays, l'avenir du Québec? Pourquoi ne pas leur donner la raison de vivre, la raison d'espérer, de croire qu'ils ont un rôle important à jouer, un rôle de création de famille, un rôle de développeur, un rôle de gens qui vont s'intégrer à plein dans notre société?

Parce que ces jeunes-là, de la manière dont on les traite maintenant, avec le message qu'on leur envoie maintenant, lorsque nous serons vieux, nous, lorsque nous serons en dehors du marché du travail, lorsque nous ne serons plus là, qu'est-ce qu'ils vont penser, ces jeunes-là, lorsqu'ils vont nous entendre, nous, les personnes âgées majoritaires, coûtant très cher sur leurs épaules à eux, peu nombreux ou moins nombreux? Nous allons leur demander de penser à nous, de voter en cette Chambre des lois qui vont faire en sorte que nous ne soyons pas démunis, que nous ayons des services de santé efficaces, nécessaires à notre condition. Ils pourraient être tentés de se souvenir, de dire: Oui, mais, quand nous étions jeunes, vous n'avez pas été capables de reconnaître que nous devions être considérés comme des citoyens à part entière, comme des travailleurs à part entière. Au contraire, vous avez fait en sorte de nous laisser travailler à moins cher, être moins payés pour pouvoir continuer à vous payer, à vous, vos conditions de travail qui étaient les héritières d'une autre époque qui était révolue. Eh bien, aujourd'hui, vous nous demandez de faire encore un effort supplémentaire pour vous qui êtes vieux maintenant, mais ce n'est pas comme ça que vous nous avez appris. Vous nous parlez de solidarité, mais ce n'est pas ça que vous nous avez appris, puisque vous n'avez pas été solidaires avec nous, les jeunes. Ça, c'est un autre effet qui va arriver dans notre société.

Est-ce que c'est cela qu'on veut? Est-ce que c'est cela? Moi, je ne crois pas que ça soit cela. Moi, je crois qu'on doit envoyer le message tout de suite qu'il y a une solidarité intergénérationnelle puis qu'elle ne doit pas s'appliquer uniquement quand il s'agit de faire payer les taxes, faire payer les déficits, faire payer les dettes par les jeunes. Elle doit s'appliquer des deux côtés, elle doit s'appliquer pour faire en sorte que les jeunes, aujourd'hui, reçoivent le même traitement, pour le même travail, que les autres.

(16 h 50)

Et je disais tout à l'heure, M. le Président, que, si des députés en cette Chambre, parce qu'ils étaient arrivés après les autres, devaient être payés moins cher... il y a aussi des ministres qui arrivent plus tard et qui devraient être payés moins cher, à ce moment-là, sur le même principe. Et je trouverais amusant de voir les derniers ministres arrivés ou les derniers élus parmi eux avoir des conditions salariales ou des voitures moins grosses que celles qu'ils ont parce que l'État, comme je le disais précédemment, est dans un effort, est dans une période de compressions. On doit comprimer, il n'y a plus d'argent, le système de santé est en déroute, on a des difficultés, il faut baisser les impôts, il faut baisser les taxes. On est comme une entreprise, une entreprise qui doit faire cet effort-là. Bien, l'État, la même chose, doit comprimer ses dépenses. Alors, pour comprimer ses dépenses, à ce moment-là... Je serais curieux de voir comment réagiraient certains ou certaines ministres si on leur disait: Bien, vu que tu es la dernière arrivée, maintenant les nouveaux qui arrivent comme ministres, on vous donne, à vous... Au lieu d'avoir une Ford, vous allez avoir, je ne sais pas, moi, une Volkswagen, hein? Je serais curieux de les voir. Bien, ça fait sourire, M. le Président, mais c'est ça qu'on fait aux jeunes dans la société. C'est exactement ça.

Ou alors, on leur dirait: Bien, vu que tu es le dernier arrivé, tu vas rentrer une coche en bas des autres, hein, tu vas rentrer une échelle en bas des autres. Alors, le ministre des Finances, lui, roulerait dans une voiture à quatre portes luxueuse, et la ministre de la Famille, qui fait d'ailleurs un bon travail – disons qu'on ne peut pas se plaindre de son travail – elle ne serait pas jugée sur son travail, mais elle serait jugée sur sa date d'embauche comme ministre en ayant une plus petite voiture puis en ayant moins de salaire. Je ne suis pas sûr qu'elle aimerait ça puis je ne suis pas sûr que ses électeurs puis que les citoyens du Québec trouveraient ça normal qu'on ait des ministres à deux vitesses.

Bien, c'est ça qu'on fait aux jeunes, puis on le fait, pas pour protéger les anciens ministres, les ministres nommés avant eux, pour protéger leurs copains, de certains d'entre eux, qui sont syndiqués, dans des municipalités, entre autres – parce que là je parle des municipalités – leurs copains qui vont les aider aux élections – c'est ça qu'ils font – leurs copains qui les annoncent, qui les sermonnent en pleine conférence de presse devant la télévision en leur faisant miroiter que, s'ils n'ont pas ce qu'ils veulent, il y aura de la violence au Québec. C'est ça, M. le ministre. La voilà, la raison pour laquelle vous avez préféré, dans les municipalités, taxer les jeunes...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, question de règlement. M. le leader adjoint du gouvernement, je vous écoute.

M. Boisclair: Il y a une très belle phrase de Chateaubriand, M. le Président, qu'il convient de rappeler au député, qui devrait s'adresser à la présidence...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va, M. le leader adjoint du gouvernement, j'ai compris. Ça va. M. le député. M. le député, avec votre expérience ici depuis 15 ans bientôt, hein, ça fait que... Non, 15 ans. Alors, si vous vous adressez à la présidence, c'est la meilleure façon d'agir dans cette Assemblée.

M. Gobé: Vous avez raison, M. le Président. Vous me direz que je suis... Après 14 ans, je rentre dans ma quinzième année, en effet – la voix m'en tombe, voyez-vous – je suis vraiment un peu désolé de voir qu'un de nos plus jeunes élus en cette Chambre se lève seulement pour dénoncer l'opposition et non pas pour dénoncer le projet de loi d'une catégorie de jeunes dont il fait partie. Mais il semble que, lorsque, probablement, on atteint un certain niveau, on s'intéresse moins au sort de ceux qu'on était censé représenter avant.

M. le Président, je reprends. C'est parce que c'est leurs copains. Ce sont leurs amis, ce sont leurs copains pour les conditions gagnantes, parce qu'ils ont besoin d'eux, parce qu'ils veulent les avoir pour le prochain référendum. C'est pour cette raison qu'ils n'osent pas les toucher. Et, lorsqu'ils les touchent, ils se chargent de leur rappeler... Et on a pu voir hier et avant-hier devant la télévision le président d'une centrale syndicale importante au Québec se lever et menacer le gouvernement que, s'il n'intervenait pas dans une situation, il y aurait de la violence. C'était ça qu'on a entendu, laisser planer ce doute, menaçant le premier ministre. Alors, ça nous démontre jusqu'à quel point, M. le Président, il y a des gens qui, lorsqu'ils ont des choix à faire entre leurs alliés, leurs alliances stratégiques avec ceux dont ils ont besoin pour leurs élections, pour leurs conditions gagnantes et puis l'intérêt des jeunes, eh bien, l'intérêt des jeunes ne pèse pas lourd dans la balance. Il ne pèse pas lourd. Et on s'en rend compte, et c'est eux qui paient le prix.

Alors, c'est un projet de loi, M. le Président, qui a été rejeté par tout le monde, que nous continuons à rejeter, un projet de loi pour lequel nous demandons des amendements. C'est un projet de loi qui, lorsqu'il passera l'étape finale en cette Chambre, ne devra comporter aucune exclusion. C'est un projet de loi qui devra, lorsqu'il passera la phase finale en cette Chambre, ne plus comporter de clause crépusculaire qui fait en sorte – et c'est une première dans un projet de loi – qu'après deux ans de mise en application il tombera, il n'existera plus. Personne n'a jamais vu ça, un projet de loi comme celui-là, d'intérêt public.

C'est un projet de loi qui, lorsqu'il passera en phase finale dans cette Chambre, devra faire en sorte que, lorsqu'il y aura des recours de jeunes ou de travailleurs qui se sentiront brimés par des situations de clauses discriminatoires, ils ne seront pas obligés de faire affaire avec leur syndicat pour les défendre, étant donné que le même syndicat a négocié lui-même ces clauses avec l'employeur, mais qu'ils pourront faire affaire directement avec la Commission des normes du travail, et non, comme c'est dans le projet de loi, d'avoir épuisé tous les recours, ce qui a été dénoncé par un grand nombre de participants, entre autres la Commission des droits de la personne, au Québec.

C'est un projet de loi, M. le Président, qui fera en sorte que... Et c'est là certainement peut-être une des choses les plus paradoxales de ce projet de loi car, en effet, vous savez qu'il y a un délai de deux ans de mise en application. La ministre a parlé de ça, là, elle semble bien fière de ça. Et, pendant ce deux ans là, on peut continuer à négocier puis à imposer des clauses orphelin. Ça veut dire que le gouvernement propose un projet de loi puis, pendant deux ans après le dépôt du projet de loi, bien, vous pouvez continuer la même situation. M. le Président, quand on voit ça, on ne peut, en effet, que se questionner sur le sérieux de ce gouvernement, on ne peut que se questionner sur sa réelle volonté ou son manque de volonté de réaliser ce qu'ils avaient promis.

Donc, dans le projet de loi qui devrait être adopté ici... Il devrait être adopté à l'unanimité, ce projet de loi là. Le gouvernement devrait faire que des projets de loi comme celui-là reçoivent l'assentiment de l'ensemble des députés, parce que c'est des projets de loi qui ont valeur de symboles – et je le disais précédemment – et de messages envers la société tout entière. Donc, pour que nous l'appuyions, bien, il faudra qu'il ait ça, M. le Président. Il faudra que l'ensemble des intervenants qui sont venus en commission parlementaire, qui sont touchés par ce projet de loi là, puissent se retrouver dans ce projet de loi. Il faut faire pour qu'une fois pour toutes au Québec... éradiquer l'exclusion et la discrimination. Elle se fait au travail aujourd'hui mais elle pourra se faire – et je ne dis pas qu'on le fait – dans d'autres secteurs.

Si aujourd'hui, pour des raisons économiques, on est prêt à faire travailler des jeunes pour 5 $ ou 10 $ de moins qu'un autre pour le même travail, pourquoi, un moment donné, ce sera pas basé sur un autre critère que l'âge ou la date d'embauche? Ça pourrait être d'autres choses. Ça pourrait être l'âge, ça pourrait être le sexe. On peut revenir là. Si c'est justifiable en fonction d'un critère, pourquoi pas un autre? On ouvre la porte, on laisse la porte ouverte à quelque chose de pas beau, quelque chose de malsain pour une société, et on doit la refermer rapidement. Et, si on ne la referme pas, nous aurons à porter un jour la responsabilité de ne pas l'avoir fait.

Il aurait été très facile pour nous de faire comme le gouvernement et d'essayer de faire plaisir un peu à tout le monde, parce que c'est sûr qu'il y a un prix à payer à ça. C'est sûr que ce n'est pas facile, lorsque des gens viennent nous voir et nous font valoir leur opposition à un projet de loi, après les avoir écoutés et avoir étudié, de décider à l'unanimité ou de décider, dans un parti politique d'abord, un caucus, un chef de parti politique, d'aller à l'encontre de ces recommandations. Pour le faire, il faut être convaincu au fond de soi-même, au fond de ses sentiments, au fond de son intégrité, au fond de ses principes les plus profonds, ceux qui doivent nous guider en politique, que nous prenons la bonne décision. Et c'est ce dont nous sommes convaincus, nous, au Parti libéral. C'est ce dont nous sommes convaincus. Et c'est pour ça que nous allons aller jusqu'au bout, et c'est pour ça que les jeunes du Québec, la jeunesse québécoise, peut compter, dans ce projet de loi là, avec le Parti libéral du Québec, elle peut compter avec Jean Charest, elle peut compter avec le caucus des députés libéraux de l'Assemblée nationale. Et nous allons leur montrer que, en politique, encore dans ce monde, il peut y avoir des gens qui ont des principes puis qui tiennent leurs engagements. Merci, M. le Président.

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine de votre intervention. Alors, un simple rappel aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Et je cède la parole maintenant à M. l'adjoint parlementaire du vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances. M. le député de Groulx, je vous écoute attentivement.


M. Robert Kieffer

M. Kieffer: M. le Président, j'ai écouté attentivement le préambule du député de LaFontaine, préambule d'ailleurs qui a duré un bon 10, 15 minutes avant de passer à la critique comme telle du projet de loi. J'ai relevé certaines expressions qu'il a utilisées pour décrire le climat actuel au Québec causé par ce fameux projet de loi: cancer, dérive, répression, société big bang qui explose ou qui implose. À l'en croire, nous nous dirigeons, dans les jours qui viennent, vers l'anarchie. Permettez-moi donc, dans un premier temps, moi aussi, de faire un préambule et de situer dans un contexte plus large le projet de loi qui nous est aujourd'hui présenté.

Dans un monde idéal, il n'y a pas place à l'injustice. Je pense que c'est un principe auquel l'ensemble des députés et des citoyens et des citoyennes souscrivent. De Platon aux philosophes contemporains, en passant par Jésus-Christ, Mahomet, saint Augustin, Karl Marx et tous les autres, tous les grands philosophes ont tenté d'indiquer aux gens de leur génération et aux générations qui les suivaient la marche à suivre, la voie à suivre. On peut donc dire, en étant optimiste, que l'évolution humaine se caractérise par une recherche constante d'une plus grande justice sociale. Et pourtant 2 500 ans après Platon, cet objectif est encore hors de portée.

Cependant, personne ici ne peut nier tout le chemin parcouru vers l'atteinte de cet objectif. Certains diront: Mais quel est le lien entre l'atteinte de cet objectif, ou de ce principe, et le projet de loi n° 67? Nous vivons dans une société démocratique qui a choisi, fort heureusement d'ailleurs, d'enchâsser la poursuite de ces principes fondamentaux ou de ces objectifs fondamentaux dans une multitude de lois qui doivent viser à réaliser le principe selon la compétence de chacune de ces lois.

Alors, effectivement, les clauses orphelin sont une injustice – nous ne sommes pas dans un monde idéal – faite aux jeunes, et la loi n° 67, quoiqu'en disent les libéraux, est la première en Amérique du Nord à s'attaquer à cette injustice. Certains prétendront que c'est même la première loi dans le monde connu, moderne, qui s'attaque concrètement à cette injustice. Nous ouvrons, nous défrichons de nouveaux sentiers. Ce n'est pas facile.

J'ai été acteur des débats autour des clauses orphelin depuis le tout début. Ça ne remonte pas à quelques semaines, comme le disait le député de LaFontaine, ça remonte à plus d'une année, une année et demie en fait, alors qu'on avait tenu une commission parlementaire où nous avions invité un très grand nombre de groupes, à peu près autant que ceux qui sont venus récemment, pour nous expliquer leur vision, leur analyse et leurs recommandations vis-à-vis du problème, de l'injustice que constituent les clauses orphelin. De cette première consultation publique que nous avions faite à l'époque j'ai retenu deux grandes leçons.

La première était le difficile consensus quant à la définition de ce qu'est une loi orphelin ou une règle ou une clause orphelin. Si ma mémoire est bonne, il était sorti de ces consultations-là, au minimum, une douzaine de définitions différentes, et tout au plus, sur la trentaine de mémoires que nous avions reçus, une douzaine de groupes avaient fait une espèce de consensus quant à la définition de la clause orphelin.

Un des grands défis que devait donc relever la ministre avec son projet de loi, c'était d'en arriver à une définition de ce que sont les clauses orphelin, définition que nous n'avions pu écrire au moment de la première consultation. La deuxième leçon que j'ai retirée de cette première consultation, c'est, à toutes fins pratiques, l'impossible consensus quant aux solutions chez les intervenants qui étaient venus nous rencontrer. On n'a pas pu dégager de l'ensemble des interventions des solutions qui auraient fait évidemment pas l'unanimité, mais à tout le moins un consensus large.

Face à cette situation-là, nous avons quand même décidé de légiférer et de tenter d'élaborer un projet qui allait à tout le moins régler l'essentiel des problèmes qui découlent des clauses orphelin. Là-dessus, je me sens d'autant plus à l'aise de défendre ce projet de loi que, contrairement aux libéraux qui ont été au pouvoir de 1985 à 1994, contrairement aux libéraux dont la Commission-Jeunesse, en 1987 – ça, ça veut dire sept ans avant la fin de leur règne – soulevait la question et demandait qu'on intervienne, nous l'avons fait, ils ne l'ont jamais fait. Il n'y a jamais eu de projet de loi du Parti libéral, alors qu'il était au pouvoir, qui tentait d'apporter une solution aux clauses orphelin. Alors, quand j'entends le député de LaFontaine nous faire la leçon, j'en viens à la conclusion qu'il est tellement plus facile de critiquer quand nous sommes à l'opposition que d'agir quand nous sommes au pouvoir. Nous, on a décidé autrement, nous allons agir. Allons-nous satisfaire tout le monde, tous les groupes? Non. Nous allons quand même tenter de redresser la situation.

Et j'aimerais rappeler aux citoyens et aux citoyennes du Québec que la loi n° 67 ne vise pas uniquement les salaires, c'est beaucoup plus large que ça. La loi n° 67 vise: les salaires, la durée de la semaine normale de travail et le paiement des heures supplémentaires, les jours fériés, chômés et payés, les congés annuels payés, le repos hebdomadaire et les périodes de repas, les congés pour événements familiaux – décès, naissances, adoptions, mariages, congés de maternité ou de paternité – les avis de cessation d'emploi ou de mise à pied et le certificat de travail, et je pourrais continuer. Il me semble que ça commence à ratisser passablement large.

(17 h 10)

Nous avons récemment entendu de nouveau les groupes qui vous ont fait part de leurs remarques, de leurs préoccupations, de leurs craintes, de leur désaccord et de leur accord vis-à-vis du projet de loi que nous sommes en ce moment à étudier. Nous avons retenu un certain nombre de remarques, un certain nombre de préoccupations, et je me permettrai de reprendre certains des éléments des remarques finales que nous faisait la ministre à la fin de cette période de consultation et qui indiquent à la population les orientations que nous suivrons dans la poursuite de l'étude du projet de loi.

La ministre faisait mention, entre autres, de la portée de cette loi quant aux avantages ayant une valeur pécuniaire, comme les régimes de retraite et les assurances, ça préoccupait certains des groupes. La question de l'amplitude de l'échelle salariale, ça préoccupait un certain nombre de groupes. La question de la période d'adaptation, elle considérait que c'était extrêmement important, la période d'adaptation, qui doit être réaliste, et je suis convaincu que, dans la tête de la ministre, il serait antinomique évidemment que, dans cette période d'adaptation là, on puisse négocier des conventions collectives avec des clauses orphelin. Il me semble que je fais suffisamment confiance à ma ministre pour réaliser que cette période d'adaptation là ne vise pas à permettre de négocier de nouvelles clauses, absolument pas, et elle l'a dit clairement d'ailleurs. Quant à la clause crépusculaire, ça aussi, ça nous préoccupe. Et enfin, la question des recours, parce que cette loi-là ne s'adresse pas uniquement aux travailleurs syndiqués, elle s'adresse aussi, et je dirais même de façon très importante, aux travailleurs non syndiqués.

Alors, soyez assuré, M. le Président, et en ce sens aussi l'ensemble de la population, que c'est un pas important que nous faisons. Nous avons l'intention de le mener à bonne fin, et je suis convaincu que nous aurons à ce niveau, compte tenu des remarques que je viens de faire, le soutien de l'opposition, qui a relevé aussi certaines des mêmes préoccupations que nous avions. L'objectif, il ne faut jamais l'oublier, c'est de s'assurer que les jeunes puissent avoir une place dans notre société, et nous avons bien l'intention dans ce volet particulier – parce que la place des jeunes, c'est beaucoup plus large que les clauses orphelin, nous en convenons tous – de leur rendre justice. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Groulx. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement, et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de loisirs et de sports, le député d'Anjou. M. le député d'Anjou, je vous cède la parole.


M. Jean-Sébastien Lamoureux

M. Lamoureux: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 67, projet de loi qui, somme toute, comporte cinq articles mais qui auront fait couler beaucoup d'encre au Québec. Je pense que c'est un sujet qui préoccupe beaucoup de gens.

Peut-être pour reprendre rapidement ce que le député de Groulx, qui blâmait le gouvernement libéral de ne pas avoir agi... Il vient ici en contradiction un peu avec sa ministre qui soulevait que le problème des clauses orphelin semble être un problème relativement moderne, malgré le fait que la Commission-Jeunesse du Parti libéral du Québec – et je pense que c'est intéressant de voir que la ministre le note – a été à l'avant-garde dès 1987 en soulevant cette problématique qui commençait à surgir.

Et je profiterais d'ailleurs de l'occasion, puisque la Commission-Jeunesse semble être aussi d'avant-garde que le gouvernement... particulièrement le ministre de l'Éducation prendra bonne note du fait que les jeunes de la Commission-Jeunesse désirent être invités au Sommet du Québec et de la jeunesse. Je pense que c'est un groupe dynamique. Ils l'ont prouvé dans le dossier des clauses orphelin. Ils ont des choses à dire dans les débats qui touchent les jeunes, et j'espère que le ministre entendra leur demande d'être invités et de participer à ce Sommet.

Concernant le projet de loi n° 67, M. le Président, ce qu'on peut constater, c'est que... Comme je le mentionnais, il y a cinq articles. Certains groupes, dont le Conseil permanent de la jeunesse, nous ont fait remarquer que, si on s'en tenait à 87.1, on aurait là un excellent projet de loi. Le problème, c'est toutes les échappatoires que la ministre a mises dans le projet de loi et qui font en sorte aujourd'hui que – et le député de LaFontaine le mentionnait – on utilise des expressions comme «parachute troué», «passoire» pour décrire un projet de loi qui initialement devait être bien clair: c'était d'éviter que de nouveaux employés, évidemment, en majorité des jeunes, compte tenu des circonstances, se retrouvent avec une échelle salariale ou des avantages sociaux qui soient différents tout simplement en fonction de leur date d'entrée dans une entreprise, quelle qu'elle soit.

M. le Président, également, on nous mentionne que c'est sage que d'avoir une clause qui permet une transition. On n'est pas contre le fait qu'il y ait une transition. Ça, je pense qu'il faut être bien clair là-dessus. Le problème, c'est que non seulement il y a une période de transition, la loi dure une très courte durée, et la loi disparaît. Comme le mentionnait la présidente du Conseil permanent de la jeunesse en commission parlementaire, le projet de loi va s'autodétruire. C'est là-dessus que les gens en ont. C'est là-dessus parce que, dans le fond, ce qu'on dit, c'est que le projet de loi ne durera pas, c'est dangereux. Puis ça, je veux dire...

La ministre d'ailleurs est revenue souvent là-dessus, au grand étonnement de beaucoup d'intervenants, des gens qui n'ont jamais vu ça, une ministre qui dépose un projet de loi, mais en même temps elle dépose des études puis elle prend la peine encore, lorsqu'elle a présenté le projet de loi tout à l'heure, de dire: Écoutez, ce que je fais, ça peut être dangereux, même nocif pour l'économie du Québec. Je dois vous avouer, M. le Président, que je trouve ça étonnant de la part d'un ministre que de présenter un projet de loi puis, dans le fond, de venir dire à l'ensemble des Québécois et des Québécoises: Je ne suis pas sûr de la portée de ce que je vais faire.

Nous, M. le Président, depuis l'élection, entre autres en période électorale, c'est un sujet qui est revenu souvent. Dans le fond, la ministre disait: C'est un problème relativement contemporain. Probablement que, pour elle, elle l'a appris en campagne électorale. Elle entendait le Parti libéral du Québec, lui, de façon bien claire, dire qu'il voulait abolir ce genre de clauses là, ces genres de clauses orphelin là. Le député de Rivière-du-Loup aussi le mentionnait. Ça a dû faire partie de leur... Ils l'ont ajouté à leur plateforme électorale comme ils ont ajouté l'union sociale, comme ils ont ajouté les baisses d'impôts.

Évidemment, on les croyait plus ou moins quand ils nous parlaient d'union sociale. On savait que leur intérêt premier ne se trouvait pas dans la réussite de cette entente-là. Je dois vous avouer, M. le Président, et à tort, que bien des groupes jeunes, et des jeunes, des Québécois et des Québécoises, leur ont fait confiance; leur ont fait confiance parce que, dans le fond, ce qu'ils disaient et ce qu'ils voyaient, c'est que les trois partis politiques au Québec s'entendaient là-dessus. Les citoyens, je pense, étaient en droit de s'attendre à ce que le projet de loi reprenne et traduise en langage législatif un consensus au Québec.

Vous savez, M. le Président, durant la commission parlementaire qui s'est déroulée à l'automne, il y a eu une unanimité – je pense que le terme n'est pas trop fort – de tous les groupes jeunes qui sont venus s'exprimer sur ce projet de loi là, une unanimité autour du principe qui est celui de dire qu'on ne doit pas tolérer ce genre de clauses puis une unanimité également pour nous dire: Le projet de loi, tel que libellé, ne répond pas du tout aux attentes que les jeunes ont envers le gouvernement.

Vous savez, M. le Président... Je vais juste vous lire deux ou trois passages au niveau du mémoire présenté à la commission parlementaire par Le Pont entre les générations. On concluait: «Le projet de loi actuel, s'il est adopté sans modifications, n'enverra pas de message clair à la jeune génération qui cherche des raisons d'espérer. Loin d'être la main tendue que plusieurs attendent, cette loi risque de devenir le symbole d'une société qui s'assoit sur ses acquis et qui laisse la jeune génération à elle-même.»

(17 h 20)

Vous savez, M. le Président, la ministre va peut-être nous rétorquer: Vous savez, on veut faire des amendements. Mais je pense qu'elle ne peut pas blâmer l'opposition, blâmer les groupes jeunes d'être infiniment sceptiques par rapport à ces fameuses modifications là qu'elle prétend vouloir amener. Parce que, M. le Président, si le passé est garant de l'avenir, je pense que les groupes jeunes au Québec ont raison de s'inquiéter.

Le Conseil permanent de la jeunesse également revenait, lui, en nous disant, dans le fond, que 87.1, c'est un excellent article de loi et que les échappatoires qu'on mettait avec les autres articles faisaient en sorte qu'on vidait de tout son sens le projet de loi.

La Commission-jeunesse du Parti libéral du Québec, qui a également présenté son mémoire, illustrait par quatre points, si on veut, sa position, position qui a été débattue dans de nombreux congrès. La première des choses, ils veulent que le gouvernement du Québec revoie le projet de loi n° 67 afin qu'il n'inclue pas de dérogations permettant le recours aux clauses orphelin dites temporaires et qu'il vise l'ensemble des conditions de travail; également, qu'il adopte une loi-cadre modifiant l'ensemble des lois québécoises ayant une incidence sur les conditions de travail afin de protéger tous les travailleurs québécois des clauses orphelin.

Parce que ce qu'il faut savoir, M. le Président, c'est que c'est bien beau, parler du projet de loi, de la Loi sur les normes du travail, mais c'est qu'il y a également des cadres législatifs qui ne sont pas nécessairement régis par la Loi sur les normes du travail. Il y a des groupes qui sont venus le soulever. C'est à souhaiter, évidemment, que le gouvernement amende son projet de loi pour s'assurer que tous les travailleurs au Québec soient visés par le projet de loi.

Également, ce que la Commission-jeunesse demandait, c'est que le gouvernement légifère de façon permanente en matière de disparités de traitement – je l'ai mentionné tantôt, des projets de loi qui vont s'autodétruire au bout de cinq ans, les jeunes n'en veulent pas; et, évidemment, quatrième point, qu'au-delà des clauses orphelin il y ait un véritable assouplissement de la législation et de la réglementation inhérentes aux relations de travail afin que le marché du travail soit davantage accessible aux jeunes.

Vous savez, M. le Président, ce projet de loi là – il y a plusieurs groupes jeunes qui l'ont soulevé – c'est un test au niveau de la crédibilité pour le gouvernement. Il y a des groupes qui l'ont mentionné. Il y a le Sommet du Québec et de la jeunesse qui s'en vient. Il y a beaucoup de jeunes qui sont infiniment sceptiques parce qu'ils se disent: Écoutez, comment voulez-vous que j'aille croire ce que vous allez nous présenter dans un sommet, si le seul engagement concret que vous aviez pris envers nous, vous n'êtes pas capables de le tenir? Et puis ça, la ministre n'était pas contente de ça. Elle dit: Il ne faut pas mêler les deux débats, il ne faut pas mettre de pression là-dessus. Mais c'est la réalité.

Je pense qu'il y a beaucoup de députés, des deux côtés de la Chambre, qui ont assisté aux réunions régionales dans leur coin, les réunions régionales préparatoires au Sommet du Québec et de la jeunesse. Je peux vous dire une chose, M. le Président, en tout cas, dans la réunion qui s'est tenue à Montréal, c'était incontournable pour tous les jeunes, et il n'y a pas eu même de discussion tellement tout le monde était d'accord là-dessus pour dire: Écoutez, là, les clauses orphelin, il va falloir que ça se règle. Et ce n'est pas ce projet de loi là qui le règle.

Vous savez, M. le Président, et puis on l'a vu, c'était paradoxal: et les jeunes libéraux et les jeunes péquistes sont venus en commission parlementaire, et les deux étaient d'accord. Ça n'a pas dû arriver souvent dans l'histoire contemporaine que les groupes jeunes des deux partis politiques parlent d'une même voix et d'une même unanimité contre un projet de loi. Mais ça a été fait, ça, M. le Président. Ça a été fait.

La ministre dit: Je vais regarder, apporter des amendements. J'espère, M. le Président, qu'elle va apporter des amendements parce que le projet de loi, tel que libellé actuellement, ne répond pas du tout aux attentes des jeunes. Et, je le mentionnais, c'est une question de confiance. On demande aux jeunes d'aller dans un Sommet et de collaborer, d'amener leurs idées, mais ils se sentent de plus en plus rejetés.

D'ailleurs, ce matin, dans le journal Le Soleil , l'éditorialiste M. Jean-Jacques Samson... Je vais vous citer deux extraits qui sont très révélateurs de ce que les jeunes pensent, mais également de l'opinion qui prédomine au niveau de l'ensemble de la population.

M. Samson écrit, et je cite: «Le gouvernement Bouchard, craint-on, n'aura certainement pas le courage d'imposer des solutions de fond aux problèmes auxquels les jeunes sont confrontés, quant à l'accès à l'emploi par exemple, alors qu'il n'a pas osé toucher cet automne au Code du travail ou faire adopter une loi chère à plusieurs sur les clauses orphelin.» M. le Président, je pense que c'est très, très révélateur, et c'est cette confiance-là, des jeunes.

La ministre, tout à l'heure, je vous l'ai dit, n'arrête pas de nous surprendre. Elle nous surprend tout le temps parce qu'elle présente son projet de loi, elle vient ici, M. le Président: Je suis fière de présenter un projet de loi pour contrer les clauses orphelin puis, en même temps, elle arrive puis elle nous rappelle, sur un ton grave, qu'il y a des études et que ce n'est pas évident, les conditions d'investissement, ce que les entreprises pensent. Elle a même dit qu'elle craignait que ce soit une contrainte réglementaire supplémentaire pour les investisseurs. Je pense que c'est la première fois qu'on entend un ministre de ce gouvernement, haut et fort, nous dire que c'est possible que les investisseurs trouvent ça compliqué, d'investir au Québec.

Bien, M. le Président, on ne veut pas abolir toutes les taxes, on ne veut pas abolir les surtaxes, on ne veut pas abolir les taxes sur le capital, on ne veut pas simplifier la réglementation, on ne veut pas simplifier et moderniser le Code du travail, on ne veut surtout pas priver le gouvernement de ses revenus pour qu'il puisse aller faire des annonces en grande pompe, offrir 360 000 000 $ à GM, et ainsi de suite, mais on pense que c'est possible que, si on envoie comme message qu'au Québec du «cheap labor» avec les jeunes, on ne tolère pas ça, bien là on a peur que les investissements, ça fonctionne moins bien. Ça, c'est le message que la ministre vient nous livrer aujourd'hui: C'est dangereux pour les investisseurs. Écoutez, les jeunes, on va vous aider, mais comprenez-nous bien qu'on va vous aider mais pas plus que ça parce que c'est peut-être dangereux pour les investissements au Québec.

Le fait qu'on menace de faire des référendums aux quatre ans, ça, ce n'est pas dangereux, le fait qu'on paie plus d'impôts, que les compagnies paient plus d'impôts, que les individus paient plus d'impôts, ça, c'est peut-être difficile, mais on va voir, on va demander au fédéral, lui, de baisser ses impôts. Mais là les clauses orphelin, réalisez-vous, les jeunes, que vous nous demandez un sacrifice énorme, comme gouvernement, et vous demandez un sacrifice à la société, soit celui de vouloir travailler et d'avoir les mêmes conditions salariales que les autres citoyens du Québec? Bien, on va vous le donner un peu, mais il faudrait quand même que vous réalisiez que peut-être vous allez entraîner un ralentissement économique au Québec. Ça fait que ça, c'est le message que la ministre... en tout cas, si ce n'est pas le message qu'elle veut envoyer, c'est le message qui est reçu, celui de dire que les jeunes, c'est compliqué.

Elle a également dit: Écoutez, vous savez, c'est possible que, dans certaines industries, les échelles salariales, telles qu'elles sont aujourd'hui, font que ça devient difficile, la compétition, puis il y a des groupes de patrons qui sont venus nous expliquer ça aussi. Bien, ce que, elle, elle dit, c'est que, avec la nouvelle génération en l'an 2000, avec le nouveau millénaire qui s'en vient, bien on recommence tout à zéro, on recommence avec des nouvelles échelles salariales, pas des nouvelles échelles salariales pour tout le monde, des nouvelles échelles salariales pour les jeunes, pour les nouveaux qui rentrent: On veut de vous, on a besoin de vous, vous êtes l'avenir du Québec, mais vous êtes l'avenir qui doit coûter moins cher aux entreprises. C'est le message.

Il m'apparaît, M. le Président, que ce n'est pas compliqué. Vous savez, ça fait un an que les 125 députés, on a fait une campagne électorale, puis il y a plusieurs personnes qui me disaient: Qu'est-ce que tu t'en vas faire là, un jeune? Ils ne vous écoutent pas, ils se fichent complètement de vous – puis c'est des jeunes qui me disaient ça – l'avenir est bouché, la politique, ce n'est pas pour nous, ça ne s'adresse pas à nos problèmes, on ne cherche pas des solutions. Moi, ce que je disais, c'est que plus il y allait avoir de jeunes, plus on allait sensibiliser les élus, plus on allait parler des problèmes, qu'il y avait une place pour notre génération en politique et qu'il y avait une place surtout, pas en politique, pour notre génération au Québec. C'est ce que je pensais.

Puis la ministre, je l'entends souvent, on est voisins de comtés, on fait des activités communes, elle nous dit souvent: Vous savez, je suis de cette nouvelle génération de politiciens et politiciennes qui disent ce qu'ils pensent et qui font ce qu'ils disent, et puis qui n'ont pas peur d'aller de l'avant, puis tout ça. Je me serais attendu à ce qu'elle soit capable de livrer la marchandise. Elle a dit elle-même, le député de LaFontaine le rappelait, que c'est facile de dire non aux clauses orphelin en campagne électorale mais que c'est bien plus compliqué de l'appliquer.

(17 h 30)

M. le Président, il n'y a personne qui leur a mis un fusil sur la tempe durant la campagne électorale, en leur disant: Vous devez proposer ça. Ils l'ont fait. Pourquoi? Parce que les autres le faisaient puis que, bon, c'était plus facile d'adopter les idées des autres, j'imagine, que d'en avoir eux-mêmes. Mais ils se retrouvent avec un beau gros problème sur les bras parce qu'ils ont déçu les attentes des jeunes. Le Sommet de la jeunesse... je ne sais pas comment les jeunes peuvent faire confiance à ce gouvernement-là maintenant, quand on a vu clairement qu'ils ont été utilisés avec des beaux slogans durant la campagne électorale. Mais, quand vient le temps de passer de la parole aux actes, bien là c'est compliqué. Vous pouvez coûter cher, vous risquez de ralentir l'économie du Québec, ça fait qu'on va y aller mollo pour cette fois-ci. Puis, si vous êtes tranquilles, j'imagine que la prochaine fois, on en mettra un peu plus ou on va espérer – et puis ça semble être le choix de la ministre – que le projet de loi disparaisse puis qu'au lieu d'avoir x nombre de clauses orphelin il y en ait deux fois moins dans cinq ans.

C'est spécial, M. le Président, et c'est ce qui fait qu'aujourd'hui, au Québec, la jeune génération a un drôle de sentiment qui l'habite. Vous étudiez, vous avez des frais champignon. On vous dit: Étudiez, c'est la voie de l'avenir. Vous avez des frais champignon dans les cégeps, dans les universités. On a rencontré d'ailleurs l'association étudiante, la FAECUM, à l'Université de Montréal, qui constatait d'ailleurs que finalement une hausse de l'IPC, c'était moins qu'un gel avec le gouvernement actuel, parce qu'avec tous les frais qu'il ajoute et qu'on n'est plus capable de contrôler ça coûte bien plus cher étudier au Québec que ce devrait normalement l'être.

Donc, vous êtes à l'école, vous avez vos clauses orphelin, vous avez les frais champignon. Vous voulez commencer à travailler avec votre nouveau diplôme, on vous met une clause orphelin: Tu gagnes moins que les autres. Si tu as le malheur de perdre ton emploi, tu te retrouves à Emploi-Québec. Une autre belle affaire. Une autre chose qui va très bien pour les jeunes au Québec. On n'a même pas été capable, M. le Président, de nous assurer que, dans la présente négociation dans le secteur public, il n'y aurait pas de clause orphelin. Personne n'a voulu s'engager là-dessus.

Je comprends donc! On l'a vu en commission parlementaire. Le monde municipal est venu nous avouer que le gouvernement du Québec l'a poussé vers cette solution plutôt que de couper de 6 % le salaire de tout le monde. Ça fait que vous avez des négociations dans le secteur public, on n'est même pas en mesure, pour le très petit nombre de jeunes qui peuvent penser accéder à la fonction publique... on ne peut même pas leur garantir qu'il n'y aura pas de clauses orphelin. Puis là je ne parle pas des policiers, je ne parle pas des autres corps qui vivent cette situation-là.

Ultimement, M. le Président, dans la revue Affaires Plus , le titre Les jeunes sont floués , on apprenait qu'à la retraite des jeunes de mon âge, 25 ans et moins, vont payer deux fois plus au niveau de la RRQ que ce qu'ils vont recevoir. Ça fait que le portrait global, tel qu'on l'a aujourd'hui, fait en sorte que, du début jusqu'à la fin, être jeune au Québec, ce n'est pas évident. Mais il y a des ajustements à apporter. Et le projet de loi était censé être une occasion. Et j'invite la ministre...

Il y a des amendements, elle dit qu'elle est ouverte aux amendements. Bien, on va y aller puis on va lui en proposer. On lui en a déjà proposé, mais il va falloir qu'elle écoute et qu'elle soit prête à assumer les promesses qui ont été faites en campagne électorale. Mais c'est beaucoup plus large que ça: qu'elle soit prête, au nom d'un gouvernement, à donner l'exemple et à donner des raisons de croire à une génération pour qui c'est beaucoup moins facile que les générations précédentes.

Je pense, M. le Président, que, comme génération, on ne se plaint pas plus que les autres. Le but, ce n'est pas de passer pour une génération martyre. Tout ce qu'on veut, c'est avoir des chances de se battre à armes égales. Ce n'est pas beaucoup demander, je pense, à l'aube de l'an 2000, que d'avoir une chance, en sortant de l'université, du cégep ou d'un professionnel long, d'avoir les mêmes chances que l'autre, d'avoir le même traitement salarial et le même traitement au niveau des avantages. Je pense que c'est la moindre des choses. Et c'est important que, comme Assemblée nationale, on envoie un message clair à la population, aux industries et partout dans le monde qu'au Québec les jeunes, ce n'est pas du «cheap labor», que les jeunes, c'est une ressource sur laquelle on veut se fonder et qu'on est content d'appuyer ici, au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Anjou. Je suis prêt à reconnaître la prochaine intervenante. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Et je cède la parole à la porte-parole officielle de l'opposition en matière de culture et de communications et députée de Sauvé. Mme la députée, vous avez la parole. Merci.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui de prendre la parole sur le projet de loi n° 67, qui est la Loi modifiant la Loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement. Je dis qu'il me fait plaisir, mais en fait ce n'est sûrement pas la bonne expression. Je dirais plutôt que je trouvais ça très important, puisque, je vous le rappelle, le projet de loi n° 67 vise à interdire les disparités de traitement sur le salaire, la durée du travail, les jours fériés, chômés et payés, les congés annuels payés, les repos, l'avis de cessation d'emploi ou de mise à pied, le certificat de travail, l'uniforme, les primes et indemnités diverses, fondées uniquement sur la date d'embauche entre les salariés qui effectuent les mêmes tâches dans un même établissement. On parle, dans notre jargon, de clauses orphelin.

Et je trouve ça très important, puisque, moi-même, je suis considérée ici, comme nouvelle parlementaire, comme faisant partie des jeunes. J'ai 36 ans, M. le Président. Je ne prends pas ombrage de cette classification chez les jeunes. C'est plutôt une forme de compliment, puisque, même si, moi-même, je considère qu'à 36 ans je ne suis pas tout à fait, tout à fait jeune, je peux témoigner par contre du fait que je fais partie de ce qu'on a appelé la «génération x». Effectivement, avec plusieurs membres de ma génération, j'ai connu ce que c'était, les problèmes d'intégration sur le marché du travail, j'ai connu ce que c'était comme jeune de faire des études, des études universitaires, de s'endetter, de mener plusieurs petits boulots à la fois, et tout ça dans un climat de complète incertitude sur l'accès au marché du travail. Et j'ai partagé ça avec mes confrères et mes consoeurs d'études.

J'ai aussi partagé avec ces gens de ma génération toute la notion de précarité d'emploi. Moi, j'ai eu la chance – et je considère que c'est une chance extraordinaire – d'avoir une expérience dans le milieu communautaire. Mais, comme certains de mes collègues qui ont tenté leur chance dans la fonction publique, ce que j'ai connu, c'est vraiment l'incertitude d'avoir toujours un boulot le lendemain. C'est cette précarité d'emploi qui fait qu'on ne peut pas bâtir, qui fait qu'on n'a aucune garantie, en fait, sur l'avenir, aucune condition d'emploi qui fait en sorte qu'on puisse faire des rêves, faire des projections. Et, comme plein de gens de ma génération, ce que ça signifie, c'est des choses simples mais qui font tellement partie de la vie, des rêves qu'on veut réaliser. S'il s'agit, bien sûr, de fonder une famille, moi, je n'ai jamais eu un emploi qui m'a donné des garanties que je retrouverais mon emploi après un congé de maternité, par exemple, ou que j'aurais droit à des conditions acceptables.

Donc, je fais vraiment partie de cette génération. Je pense à certaines de mes amies, par exemple, qui sont rentrées dans des milieux syndiqués mais à qui on a dit après un certain nombre d'heures: Vous savez, vous avez accumulé trop d'heures, là, on ne pourra plus vous rappeler parce que vous feriez partie maintenant des permanents, et c'est quelque chose qui est devenu inacceptable dans plusieurs domaines de notre fonction publique.

Je vous indiquais donc, M. le Président, que je pense que je fais partie de cette génération qui n'a jamais considéré comme étant certain le fait de pouvoir réaliser des rêves, réaliser des projets, pouvoir se projeter dans l'avenir. Et je ne sais pas si vous pouvez vraiment imaginer qu'est-ce que ça signifie que de mener une vie comme ça, où on ne peut pas vraiment avoir sérieusement des projets ou, à tout le moins, on ne les réalise pas au même rythme et au même temps que nos parents ou nos frères et soeurs l'ont fait précédemment.

Vous comprendrez que, lorsqu'il est question d'un projet de loi qui veut combattre des clauses discriminatoires entre les jeunes... en tout cas entre de nouveaux embauchés, par exemple dans une entreprise ou de la fonction publique, et des plus anciens, je me sens profondément interpellée par cela.

Mais il faut remettre un peu le cadre historique de cet engagement du gouvernement du Parti québécois pour le projet de loi n° 67. Nous sommes en 1998 et nous sommes en pleine campagne électorale, et, durant cette campagne électorale, il faut vraiment souligner le fait que le premier ministre du Québec, alors en campagne électorale, en a pris vraiment, vraiment, vraiment large sur ses épaules. Donc, il y a eu plusieurs... on a valsé entre les promesses et les engagements électoraux pris directement par le premier ministre.

Ça en fait partie, mais laissez-moi vous rappeler d'autres exemples. Le dossier de la Gaspésia. On se rappellera de la fameuse phrase: J'en fais mon affaire. Puis on se rappellera que, malgré de nombreux avis, des avertissements lancés, entre autres, par le chef de l'opposition officielle, malgré des rappels de cet engagement, que le premier ministre allait en faire son affaire de la Gaspésia, bien on se retrouve devant vraiment une catastrophe pour toute la région de la Gaspésie en ce moment.

(17 h 40)

Un autre exemple qui me touche de plus près. Je suis porte-parole en matière de culture et de communications. Le premier ministre lui-même a pris l'engagement, lors de la campagne électorale de 1998, de lever le moratoire qui existe en ce moment sur la construction, ou l'agrandissement, ou la rénovation d'équipements culturels. C'était le 1er novembre dernier. Le premier ministre, à Sainte-Agathe, a pris cet engagement: Le moratoire sur les équipements culturels sera levé. On en était tellement certain qu'un fonctionnaire du ministère de la Culture en Montérégie a écrit une lettre à des promoteurs d'un établissement culturel du comté de Vaudreuil en indiquant: «Compte tenu que le moratoire sera levé le 1er avril prochain – c'était le début de cette présente année financière – nous pourrons vous donner des nouvelles sur votre projet d'équipement culturel.» Or, M. le Président, nous sommes devant une autre promesse non remplie.

Je vous resitue toujours le cadre historique, 1998, campagne électorale. Et on se souviendra d'Emploi-Québec et des coffres ouverts et des contrats signés avec soit des organismes soit des individus, donc une panoplie de contrats signés, les vannes étaient ouvertes. Et on sait aujourd'hui que ça a été des contrats que le gouvernement a eu toutes les misères du monde à respecter et à honorer.

Donc, je vous rappelle ce contexte. Nous sommes en pleine campagne électorale et – tiens! tiens! – le premier ministre prend un autre engagement. Cet engagement, c'était de légiférer rapidement pour éliminer les clauses discriminatoires dans les conventions collectives et les milieux de travail qui accordent des conditions de travail inférieures aux nouveaux employés, fondées sur le seul motif de la date d'embauche. Donc, beaucoup de promesses, dont celle-là.

Et je dois vous avouer que, chez plusieurs observateurs de la scène politique à ce moment-là, ça a laissé beaucoup de suspicion dans l'air, puisque cet élan du premier ministre, ce nouvel engagement électoral a été pris quelques mois après qu'en toute connaissance de cause ce gouvernement, dans vraiment sa lutte infatigable contre le déficit zéro, a fait en sorte qu'il a pelleté dans la cour des municipalités une partie du déficit à combler et que ces municipalités, à la connaissance du gouvernement – on peut dire en toute transparence – ont choisi d'appliquer certaines clauses discriminatoires parce que ça faisait l'affaire de ce gouvernement, parce que ça facilitait l'espèce de poudre aux yeux qu'on a jetée à la figure des concitoyens et concitoyennes du Québec en disant: On va atteindre le déficit zéro. Parce qu'on sait que ce déficit, c'est en fait de la poudre aux yeux, puisqu'on a pelleté dans la cour des municipalités, pelleté dans la cour des hôpitaux, et même dans le milieu de l'éducation.

Donc, c'était assez étonnant d'entendre le premier ministre, quelques mois après avoir pelleté dans la cour des municipalités qui ont utilisé des clauses discriminatoires afin de respecter les commandes du gouvernement du Parti québécois... Tiens! tout d'un coup, le premier ministre se réveille et prend un engagement, en pleine campagne électorale, sur les clauses orphelin.

Nous assistons donc au dépôt par la nouvelle ministre de l'Emploi et du Travail d'un projet de loi. Et là, M. le Président, je dois vous avouer que la ministre a réussi un tour de force, pas évident, mais elle l'a réussi. Son tour de force, ça a été de faire en sorte qu'une grande partie des observateurs de la scène politique, mais aussi, bien sûr, de nombreux intervenants interpellés par cette question... En fait, c'est simple, je résumerais ça par une question: Son tour de force, ça a été de faire en sorte que tout le monde soit contre elle.

Je vous rappelle certains titres auxquels on a eu droit à cette époque-là. Nous sommes au mois de juin 1999. M. Normand Girard, dans Le Journal de Québec : Un non-event , en parlant du dépôt du projet de loi n° 67. Un autre titre, ici, Les jeunes sont déçus: Lemieux reçoit un accueil mitigé . Ça, c'est le titre le plus gentil, M. le Président. Ensuite, celui-là, il est vraiment très clair, Loi sur les clauses orphelin: née pour mourir , et on pourra s'expliquer un peu plus tard. Québec déçoit les jeunes et mécontente le patronat , et, bien sûr, à la fin, Les patrons sont en colère . Je pense que cette petite revue de presse vous montre dans quel climat on travaille ensuite pour la suite des choses.

En commission parlementaire, eh bien, comme le soulignait mon collègue député d'Anjou, la ministre aura réussi à faire en sorte que les jeunes du Parti québécois et les jeunes du Parti libéral du Québec prennent des positions similaires qui critiquent ce projet de loi. Les fédérations étudiantes ont été contre le projet de loi, les jeunes médecins, la CSN, les détaillants en alimentation, enfin on a eu droit à une grande parade de gens qui ont critiqué de façon fondamentale le projet de loi n° 67.

Nous sommes, M. le Président – et c'est clair – devant un projet de loi qui a été dilué, et je crois qu'on peut presque deviner... derrière ce projet de loi, on peut lire, si je peux dire, l'ombre du vice-premier ministre. Donc, on sait que le vice-premier ministre s'est lui-même prononcé pratiquement – je me permets d'interpréter un peu ses paroles, je pourrais dire «pratiquement» – en faveur des clauses discriminatoires en disant qu'il ne fallait pas mettre en jeu des emplois au Québec. D'ailleurs, la ministre elle-même, juste auparavant, a souligné qu'une étude de son ministère tendait à dire qu'il pouvait y avoir des pertes d'emplois avec les clauses discriminatoires... Ça fait un peu bizarre de voir une ministre déposer un projet de loi, mais en même temps le critiquer elle-même. Mais on pouvait voir, donc, se profiler l'ombre du vice-premier ministre derrière sa jeune collègue, nouvelle ministre.

Comme on a pu le voir dans d'autres dossiers depuis ce temps-là, on sent que de plus vieux ministres mettent de l'ombre, jouent de l'ombre auprès de leurs jeunes collègues. Je vous rappelle une question posée aujourd'hui à la période de questions, concernant, par exemple, en ce moment, le dossier du transport scolaire, où on sent qu'il y a une joute vigoureuse entre des ministres d'expérience – et je serai vraiment gentille, on ne dira pas «de vieux ministres», ce n'est pas le cas, disons des ministres d'expérience – face à un jeune collègue. Donc, c'est le cas du ministre des Transports et de la ministre des Affaires municipales qui soufflent dans le dos, qui jettent de l'ombre sur leur collègue jeune parlementaire, jeune ministre, ministre de l'Éducation.

Je crois qu'on a là vraiment une espèce de façon de faire qui se répète et qu'on a pu deviner derrière le projet de loi n° 67, où il semble vraiment que le vice-premier ministre – on peut imaginer la scène, là, en Conseil des ministres – ait soufflé les bonnes réponses, ou enfin le type de projet de loi qu'il souhaitait voir, à sa nouvelle collègue ministre du Travail. Ce projet de loi a été tellement dilué, M. le Président, tellement que, enfin, la ministre a été obligée de retourner à sa table à dessin et de refaire complètement son travail.

J'aimerais vous citer un article du journaliste Michel Corbeil du Soleil , qui porte le titre Clauses orphelin: la ministre doit retourner à sa table à dessin . Permettez-moi de vous citer quelques extraits: «Sous une pluie de critiques, la ministre Diane Lemieux est retournée à sa table de travail pour revoir des pans entiers de son projet de loi destiné à interdire les clauses orphelin.» La ministre, et je la cite, dit elle-même: «Il y a des incompréhensions qu'il me faudra clarifier.»

Et, par la suite, le journaliste énumère une série de changements que la ministre pense apporter, sur lesquels elle va faire des réflexions, qu'elle pense apporter à son projet de loi. Quatre changements majeurs, M. le Président. Je me permets, ici encore, de vous les énumérer en citant le journaliste: «Elle se penchera sur la possibilité que son projet s'applique non seulement aux salaires et conditions de travail, mais aussi aux régimes de retraite et d'assurance des nouveaux employés. Deuxièmement, elle reverra sa proposition pour savoir si elle doit interdire tout allongement vers le bas des échelles salariales. Troisièmement, sa suggestion de ne mettre en application la loi que dans trois ans sera réévaluée. Et, finalement, la clause qu'on appelle "crépusculaire" prévoyant la disparition de la loi en 2004 est aussi remise en question.» Et le journaliste dit: «Les recours pour la mettre en oeuvre, particulièrement dans les milieux non syndiqués, le sont aussi.»

Quatre remises en question fondamentales, M. le Président, vraiment, vraiment fondamentales, surtout lorsqu'on sait, et je vous le rappelle, que le projet de loi n° 67 sur les clauses discriminatoires envers les jeunes contient cinq articles. Ce n'est pas un gros projet de loi, là, c'est un projet de loi fondamental, j'en conviens, qui contient cinq articles. Et, sur cinq articles, eh bien, à la fin de la commission parlementaire qui a eu cours tout récemment, la ministre a réussi à dire que, sur cinq articles, il y a quatre éléments fondamentaux qu'elle veut revoir.

Et vraiment, M. le Président, ça nous donne à penser que ce projet de loi a été dilué de toute sa substance si, après une commission parlementaire, le projet de loi que la ministre présente elle-même est remis en question de façon aussi fondamentale.

(17 h 50)

Ça nous rappelle un peu les propos du vice-premier ministre. Vous savez, au printemps dernier, quand on lui reprochait de ne pas avoir respecté sa propre loi sur la divulgation de renseignements confidentiels par le ministère du Revenu – il était alors titulaire du ministère du Revenu, je vous rappelle que sa collègue députée de Rosemont avait dû démissionner dans un cas semblable – la réponse que nous a servie le vice-premier ministre, c'est de dire: La loi est mal faite. Ce n'est pas que je ne l'ai pas respectée, c'est que la loi est mal faite puis on va la refaire. Bien, ici, j'ai vraiment l'honneur d'indiquer à tout le monde que ce projet de loi là a été fait par ce gouvernement, et c'est un peu comme si la ministre était en train elle-même de dire: Le projet de loi, il est mal fait. La loi est mal faite, on va la revoir.

Je suis clairement, M. le Président, devant une loi et devant une ministre et un gouvernement, sur cette question, qui n'ont aucune orientation. Nous sommes en ce moment à l'étape de l'adoption de principe du projet de loi n° 67, et je dois informer la population qui nous écoute qu'il devient assez clair que ce projet de loi non seulement n'a aucune orientation, mais n'a aucun principe d'établi. Quand, sur cinq articles, la ministre dit qu'elle est prête à en revoir de façon fondamentale quatre, pour moi il n'est absolument pas clair quel est vraiment le principe derrière ce projet de loi. Vous comprendrez que, dans de telles conditions, on ne puisse pas, du côté de l'opposition officielle, endosser le principe du projet de loi.

Je veux aussi porter à votre attention, M. le Président, le fait que le Barreau du Québec a aussi émis par lettre ses commentaires à la ministre de l'Emploi pour indiquer que – et ça, c'est mon commentaire à moi – non seulement ce projet de loi n'a pas de substance au niveau de la forme, mais, au niveau du fond aussi, il présente certains problèmes. «Le Barreau du Québec – et je vous cite un article signé par Denis Lessard dans le journal La Presse – relevait plusieurs problèmes dans le projet de loi déposé le printemps dernier. Le projet de loi n° 67 contient une clause crépusculaire, une disposition inédite dans un projet de loi de nature sociale, qui rend caduque l'interdiction à compter du 31 décembre 2004.» Et on dit aussi que le Barreau s'interroge sur une loi en sursis – parce que, dans le fond, on est devant une loi en sursis – d'autant plus qu'en vertu d'un autre article Québec recevra – on parle du gouvernement du Québec – à peu près au même moment un rapport sur l'application de cette même loi.

Vous comprendrez donc, M. le Président, que, pour ma part, nous sommes devant un projet de loi vide de toute orientation, vide de tout principe et qui, même au niveau de ses mécanismes, au niveau de sa forme, suscite les commentaires très mitigés du Barreau du Québec. Donc, tout ce qui est à peu près clair dans ce projet de loi, c'est à peu près le fait que ce projet de loi légalise plus de la moitié des clauses discriminatoires qui sont en cours en ce moment et que ça donne un mode d'emploi pour les différents employeurs pour aller vers le bas dans l'embauche.

J'aimerais vous citer un autre article qui résume bien cette situation, Clauses orphelin: une porte restera ouverte : «Le projet de loi ne prévoit pas éliminer toutes les clauses discriminatoires. La multiplication des échelons du bas sera permise à la condition que les salaires atteignent un jour ceux des aînés.» Donc, c'est un projet de loi qui ne change rien ou, pire, qui empire peut-être les choses.

Vous permettrez donc, M. le Président, en conclusion, de mettre tout ça dans un contexte aussi plus large. La semaine dernière, mon collègue député de Châteauguay a dénoncé le gaspillage auquel se livrait ce gouvernement dans l'utilisation de fonds publics. Il y a différentes formes de gaspillage: les aménagements faits dans ses propres bureaux par la ministre de la Santé; il y a aussi l'utilisation faite d'argent public dans un site Internet, lors du Printemps du Québec à Paris, avec Webinette. Mais, selon moi, un projet de loi aussi bâclé, pour lequel on a rappelé en commission parlementaire une multitude d'intervenants qui ont pris temps et argent pour faire entendre leurs positions, alors que, l'année dernière, il y a un an exactement, ils s'étaient livrés exactement au même exercice, je considère, pour ma part, M. le Président, que c'est aussi une forme importante de gaspillage de fonds publics. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Sauvé. Oui, M. le député de... Alors, vous proposez... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, on pourrait, compte tenu de l'heure, ajourner le débat?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Il y a une proposition d'ajourner le débat. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion est adoptée. Donc, le débat sur le projet de loi n° 67 est ajourné. Ajournement du débat. Et je vais suspendre quelques instants pour permettre les débats de fin de séance.

(Suspension de la séance à 17 h 55)

(Reprise à 17 h 58)


Débats de fin de séance


Listes d'attente pour des services de protection de la jeunesse

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous voulez prendre place. Merci. Un premier débat de fin de séance à la demande de M. le député de Nelligan, sur une question qu'il a posée aujourd'hui au ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse concernant les listes d'attente pour les jeunes en difficulté.

Je rappelle brièvement les règles du jeu de ce débat: cinq minutes au député de Nelligan, cinq minutes au ministre et un droit de réplique de deux minutes. Alors, M. le député de Nelligan, la parole est à vous.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai été tellement déçu par la réponse du ministre supposé en charge de nos jeunes aujourd'hui parce qu'il démontrait encore une fois qu'il n'est pas au courant de ses propres chiffres. Mais je ne voudrais pas parler trop des chiffres aujourd'hui parce que, quand on parle d'une liste d'attente pour les centres jeunesse, on parle des êtres humains, les jeunes en difficulté, les familles en difficulté.

(18 heures)

Mais laissez-moi rappeler encore une fois dans cette Chambre, M. le Président, que les péquistes, quand ils ont voulu avoir le vote de tout le monde, l'année passée, ils ont dit: On va vider la liste d'attente pour les centres jeunesse. Décembre 1998, l'année passée, ils étaient prêts à dire n'importe quelle chose à chaque personne, mais finalement le 21 avril, cette année, j'ai questionné le ministre et lui-même a dit que la liste d'attente avait 1 041. Ainsi, il a oublié qu'est-ce qu'il a dit. Je peux donner la réponse en Chambre. Il a dit 1 041. Il va se promener, il va sortir ses chiffres que, malgré que ce gouvernement ait coupé 55 000 000 $, il a maintenant mis un peu plus: 12 000 000 $ pour quatre centres jeunesse. Mais les chiffres parlent par eux-mêmes. Moi, j'ai parlé de la liste d'attente de 1 562, le 29 octobre. Il y a deux listes d'attente, et le ministre est au courant de ça, il aime citer juste la moitié. Il y a 927 en attente, avant évaluation, et un autre 635, après évaluation; ils ont déjà eu une évaluation. C'est un chiffre assez important, 635, qui ont eu une évaluation. Il n'y a pas de mesures, M. le Président. Il me semble que ce n'est pas une bonne façon de gérer.

Le ministre aime se promener avec ses campagnes de publicité. Il a assez d'argent pour rénover son bureau, mais il n'a pas assez d'argent pour les jeunes. Il me semble, M. le Président, que c'est ça que tout le monde me dit. Ce n'est pas moi qui dit ça, là, tout le monde dit ça: Il y a de l'argent pour la publicité, il y a de l'argent pour son bureau. Le Vérificateur général, l'année passée, a donné une évaluation sévère sur votre gouvernement, il a clairement dit que vous ne prenez pas les jeunes comme une priorité. La Commission des droits de la personne a dit la même chose, M. le Président. Et nous avons parlé, cette semaine et la semaine passée, des déficits dans le secteur de la santé. Le ministre délégué sait qu'il y a aussi les déficits dans le secteur des services sociaux: presque les deux tiers de nos centres jeunesse ont un déficit. Peut-être que vous n'êtes pas au courant, je peux vous donner les chiffres aussi sur ça.

M. le Président, depuis la fameuse annonce de ce ministre, ils ont eu les listes d'attente à 1 600, 1 700, 1 387, 1 361, 1 307, 1 323. Et la chose assez importante, c'est que chaque mois il y a plus de signalements retenus qu'ils ont eu une chance de faire une évaluation. Ça montre qu'il n'y a pas assez d'argent. Ils ont coupé 55 000 000 $, ils ont coupé ça dans le réseau. Et il se promène avec son petit 12 000 000 $ pour quatre régions. Qu'est-ce qui se passe dans les autres? C'est clair, ce qui se passe, il y a les listes d'attente. Et ce sont les jeunes en difficulté, c'est les jeunes en péril, c'est les jeunes qui de temps en temps sont déjà en placement, mais qui ont besoin de support et de suivi.

Mais, comme d'habitude, je pense que le ministre délégué a pris des leçons de la ministre de la Santé: il gère maintenant par les listes d'attente, mettre les jeunes sur une liste d'attente. Et vous pouvez être aussi compliqués, si vous voulez: mettez deux listes d'attente. On peut compliquer le monde comme ça, on peut mêler le monde. Mais les listes d'attente parlent d'elles-mêmes. Depuis sa fameuse annonce – et il a dit lui-même: 1 041 – maintenant, il y en a 1 562, le 29 octobre, M. le Président. Et, s'il n'est pas au courant des chiffres, il doit retourner à la base et il doit vraiment questionner ceux et celles qui mènent le dossier. Peut-être qu'il est trop souvent dans sa limousine en se promenant avec ses campagnes de publicité pour lui-même.

M. le Président, c'est assez clair, c'est nos jeunes en difficulté. Et j'étais tellement déçu. Il a sorti la cassette, comme d'habitude, et peut-être qu'il va faire ça encore. Moi, je parle, ce soir, pour les 1 562 jeunes, 1 562 familles en difficulté qui attendent les services à cause que ce gouvernement n'a pas priorisé ces jeunes, n'a pas tenu compte de leurs vrais besoins. C'est assez facile: avec 30 ou 40 travailleurs sociaux, il peut effectivement respecter sa parole. Mais non, c'est plus important le déficit zéro, etc. Il n'a pas tenu compte des besoins des jeunes. J'ai été très déçu par la réponse du ministre, et j'espère que cette fois-là, après qu'il aura fait son devoir cet après-midi, il va avoir une meilleure...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Alors, je cède la parole maintenant à M. le ministre délégué à la Santé, aux Services sociaux et à la Protection de la jeunesse. M. le ministre, vous avez la parole.


M. Gilles Baril

M. Baril (Berthier): Merci, M. le Vice-président. Alors, M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur ce débat qui nous interpelle... dans le fond, cette question-là nous interpelle à tous les jours.

Alors, comme je l'ai mentionné au mois d'avril dernier, nous avons déposé un plan d'action important pour contrer les détresses au Québec, et ce plan d'action était porté quand même par plusieurs principes, c'est-à-dire l'accessibilité des services, l'intégration, la formation et la prévention. Alors, j'ai décidé de mettre en place tout de suite, d'appliquer immédiatement les recommandations du rapport Cliche sur l'intégration des services et du rapport Lebon en ce qui concerne l'accessibilité des services.

M. le Président, on a mis en place différents chantiers qui vont avoir des effets déterminants sur l'ensemble du réseau et qui vont permettre, dans le fond, de générer de l'espoir, de permettre aux jeunes de s'en sortir et d'agir d'une façon efficace sur les problèmes qui quelquefois ont des conséquences dramatiques sur la vie des jeunes, qu'on parle des problèmes de toxicomanie, de détresse psychologique, etc. Donc, une des premières choses qu'on a faites, on a décidé de mettre l'équipe d'André Lebon au travail pour s'assurer que nous allions résorber une fois pour toutes, d'une façon récurrente, d'une façon permanente et d'une façon structurante, toute la question des listes d'attente en protection de la jeunesse, et j'y reviendrai tantôt.

Deuxième chose qu'on a faite, on a décidé de mettre en place des normes nationales de pratique, d'établir des standards nationaux pour nous permettre d'alléger le travail des intervenants. Nous avons décidé de resserrer les pratiques partout au Québec pour avoir, si on peut dire... pour travailler un dénominateur commun sur une façon d'agir, que ce soit en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine, en Abitibi-Témiscamingue ou dans le centre-ville de Montréal. Nous avons décidé de mettre en place un grand chantier national de formation des intervenants concernant l'abus et la négligence des jeunes, les problèmes d'alcoolisme et de toxicomanie et toute la question qui tourne autour de la prévention du suicide qui confronte un trop grand nombre de ces jeunes-là. Nous avons investi 3 000 000 $ dans ce chantier-là.

Nous avons décidé aussi de généraliser des plans d'intervention individualisés pour l'ensemble des jeunes à travers le réseau au Québec. Nous avons investi au-delà de 1 300 000 $ pour l'intégration des services, pour permettre de faciliter et de conjuguer une force de frappe dans toutes les régions du Québec entre les CLSC et les centres jeunesse, pour casser l'effet ping-pong des jeunes, pour que le jeune cesse d'être victime d'un match de ping-pong entre une mesure et une autre.

J'ai lancé au mois de juin dernier, M. le Président, un comité de travail, un chantier fort important pour redéfinir le cadre de travail des familles d'accueil au Québec, qui est présidé par un des grands experts québécois, M. Richard Cloutier.

Et , M. le Président, puisque c'est la Semaine de la toxicomanie – je n'en parlerai pas d'une façon malheureusement partisane, comme l'a fait tristement le député de Nelligan tantôt – la première fois en cinq ans d'ailleurs, sur cette question-là, nous avons investi dans un large programme de méthadone pour permettre l'accès aux jeunes de la rue à Montréal d'avoir des services spécialisés pour leur permettre de s'en sortir. Nous avons ouvert des places de réadaptation avec Jellinek et les centres jeunesse de l'Outaouais. Nous sommes en train de travailler avec Portage et les centres jeunesse Batshaw. Nous avons ouvert 20 places en réadaptation interne avec les centres jeunesse de l'Est du Québec, de Chaudière-Appalaches, de la région de Québec et avec Portage. Et nous sommes en train de faire la même chose pour la région de Lanaudière, même chose pour la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean et même chose pour la région des Laurentides.

M. le Président, en ce qui concerne justement les listes d'attente, il faut comprendre une chose... Et, encore une fois, les listes sont les plus basses depuis 20 ans, au Québec, 732, et, comme je l'ai expliqué à la période de questions, la capacité théorique de tous les centres jeunesse à l'étape d'évaluation, c'est 511 jeunes par semaine. Donc, nous sommes à 221 de l'objectif. Donc, comme jamais, tous les chantiers que nous avons mis en place et le fait d'avoir interpellé à la fois les régies régionales, les CLSC, les groupes communautaires, les centres jeunesse commencent à donner des effets. Et la question de la protection de la jeunesse et des tragédies en général dans la société qui confrontent notre jeunesse, ce n'est pas quelque chose qu'on va régler en 24 heures et ce n'est pas une situation qu'on va changer en se revirant sur un 0,25 $, le temps de le dire. C'est difficile, on en conviendra.

Et, encore une fois, je pense que le député de Nelligan mêle à peu près tout. En attente d'évaluation, comme je le mentionnais tantôt, nous sommes à 221 de l'objectif. Donc, ça veut dire que tous les jeunes actuellement qui sont en attente d'évaluation ont des services. À savoir quel type de services ou est-ce qu'il y a effectivement un thérapeute ou un intervenant qui est affecté puis qui est responsable de tel cas ou tel cas, ça, c'est une autre affaire. Et, si je calculais comme le député de Nelligan l'a fait tantôt, je calculerais à l'époque de 1986-1987: il y avait 3 496 jeunes en attente. Puis, si je le double, bien, il y aurait quasiment tous les signalements au Québec.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. En vertu de votre droit de réplique, M. le député de Nelligan, deux minutes.


M. Russell Williams (réplique)

M. Williams: Merci, M. le Président. Sur quelle planète demeurez-vous, M. le ministre délégué? C'est incroyable, la réponse que j'ai entendue, là. Il aime parler des comités, il parle des plans d'action, chantiers, comités, de tout, etc. Comprenez-vous le mot «service»? Et c'est de ça dont la population a besoin. Dans sa propre étude, la liste d'attente, l'étape d'application des mesures, 31 mars 1998, 496 jeunes. Je lis votre propre rapport, M. le ministre délégué. Depuis que vous avez commencé dans ce dossier, c'est pire. C'est pire, vous avez prolongé la liste. Maintenant, le 29 octobre, 635 jeunes attendent les mesures après l'application, M. le ministre.

(18 h 10)

C'est inacceptable comme approche, mais vous pouvez comprendre qu'est-ce qui se passe, là, dans... Son fameux rapport, le comité Lebon dont il a parlé, j'ai eu une copie de la version semi-finale. Ils ont parlé que ce gouvernement a coupé 26 % des travailleurs sociaux, 5 % des psychologues, 4 % des psycho-éducateurs, 13 % des conseillers en orientation. Mais, dans le rapport final, ils ont enlevé ça. Ils ont caché ça parce qu'ils sont embarrassés de ces chiffres-là, M. le Président.

Le gouvernement a coupé 55 000 000 $ dans le dossier. Les listes d'attente sont pires depuis que lui a commencé. Lui-même a dit que c'est 1 041. Maintenant, c'est 1 562 jeunes. Je demande avec toute sincérité que le gouvernement attende le débat ce soir. Il doit retourner au Conseil des ministres. La réponse qu'il a donnée ce soir, c'est pitoyable. Là, je pense, il doit chercher plus d'argent. Nos travailleurs sociaux sont ici comme ça. Les chiffres disent eux-mêmes qu'ils ont trop de signalements. C'est trop de signalements, tu as besoin de donner plus d'argent, plus d'oxygène à nos travailleurs sociaux. Ça, ça va être encore une démonstration que vous ne respectez pas nos jeunes. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Nelligan. Ceci met fin à ce débat de séance.


Indemnisation des victimes de dommages causés par la pyrite

Un deuxième débat de fin de séance a été demandé par Mme la députée de La Pinière à la ministre des Affaires municipales aujourd'hui suite à une question qu'elle a posée concernant le programme d'indemnisation pour les victimes de la pyrite. Alors, Mme la députée de La Pinière, la parole est à vous.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, cet après-midi, en effet, j'ai questionné la ministre des Affaires municipales concernant un problème qui affecte des centaines de citoyens, particulièrement en région, spécifiquement sur la Rive-Sud de Montréal et en Montégérie. Mais il y a aussi des cas qui se sont manifestés à Montréal.

J'ai questionné la ministre sur le problème de la pyrite. La pyrite, M. le Président, c'est une composante qui se retrouve dans certains matériaux de remblai et qui gonfle dans certaines conditions chimiques spéciales, notamment lorsqu'il y a de l'humidité et de l'oxygène qui font gonfler le matériel de remblai. Par conséquent, elle soulève les dalles des sous-sol et des garages attenants et faisant partie des habitations, des résidences des citoyens.

Ce phénomène, M. le Président, sur le plan scientifique, n'est pas nouveau parce que les premières recherches remontent aux années trente. Au Canada, c'est en 1975 que fut publié le premier article sur ce sujet par le Conseil national de la recherche du Canada. Des cas isolés ont été signalés en 1988, mais ce n'est qu'en 1997 que fut créé un comité technique québécois d'étude des problèmes de gonflement associés à la pyrite. Ce comité a été créé suite à un colloque de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec. Ce comité, M. le Président, a eu pour mandat d'élaborer un protocole d'expertise sur bâtiments résidentiels existants affectés par le gonflement de la pyrite. Le comité technique a remis, le 20 juillet 1999, son rapport, qu'il a rendu public, avec le protocole d'expertise pour mieux cerner la problématique de la pyrite. Alors, quand la ministre dans sa réponse dit: Il faudrait cerner le problème, il est suffisamment cerné, M. le Président. Et le rapport est accessible sur Internet: www.shq.gouv.qc.ca. Alors, M. le Président, les citoyens peuvent y référer et s'informer adéquatement.

L'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction a fait un travail remarquable de sensibilisation, de collecte d'informations et de données et de suivi auprès des victimes de ce phénomène. L'Association des consommateurs pour la qualité dans la construction réclame aussi de la ministre un programme d'indemnisation pour les personnes victimes de pyrite. À date, M. le Président, selon la Société d'habitation du Québec, 90 % des cas déclarés de résidences ayant des problèmes de pyrite ont été répertoriés sur la Rive-Sud de Montréal et en Montérégie. Donc, je suis concernée au premier chef, parce que les cas manifestés à Brossard – la ville de Brossard épouse le contours du comté de La Pinière – sont autour de 200; à Varennes, 180; Boucherville, 126; Candiac, 42; Chambly, 26; Carignan, 8; Châteauguay, 2; Delson, 5; Greenfield Park, 6; Laprairie, 91; Saint-Bruno, 79; Saint-Basile, 16; Saint-Hubert, 67; Saint-Lambert, 9; Saint-Constant, 9; Sainte-Julie, 30; Saint-Hilaire, 3. Ça, c'est des cas déclarés, mais ça ne veut pas dire que c'est les seuls cas. Il y en a plus que ça. On estime à 15 000, potentiellement, les cas de pyrite, M. le Président.

Alors, la ministre, elle est interpellée au premier chef. Aux dernières nouvelles, le dossier a cheminé d'un comité ministériel à un autre comité ministériel. La ministre tarde à réagir, et les citoyens sont en attente. Il y a 17 comités de citoyens victimes de pyrite qui se sont créés à ce jour. Ça donne lieu à un processus de judiciarisation qui va être extrêmement laborieux, coûteux pour les contribuables. En 1994, on a mis sur pied un programme d'indemnisation dans le cas des maisons lézardées. J'interpelle la ministre pour qu'elle puisse agir rapidement dans l'intérêt des citoyens victimes de ce problème et de l'économie régionale, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. Je cède la parole à Mme la ministre des Affaires municipales et de la Métropole. Mme la ministre, la parole est à vous.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, merci, M. le Président. Comme l'a signalé Mme la députée de La Pinière, la pyrite, c'est un minerai composé de soufre et de fer que l'on trouve dans presque toutes les formations rocheuses du Québec. Il s'agit donc d'un minerai fort répandu. Ceci dit, dans certaines conditions, particulièrement en milieu humide, la pyrite, après plusieurs années, peut s'oxyder et augmenter de volume; alors donc, la pyrite devient gonflante. Et plusieurs maisons, principalement sur la rive sud de Montréal, ont été construites en utilisant cette pierre de carrière qui contenait de minuscules particules de pyrite. Et il y a donc des désagréments et des dommages qui sont occasionnés en raison du gonflement de cette pierre.

C'est une pierre de remblai. Elle a souvent été utilisée comme pierre de remblai pour l'ornementation des patios, et je ne pense pas que le gouvernement, en fait la société, doive rembourser quand il s'agit d'ornementation. Mais, à l'occasion, elle a pu aussi être utilisée comme pierre de fondation, et c'est là, effectivement, où les désagréments sont les plus vécus.

Alors donc, M. le Président, en septembre 1998, le gouvernement a chargé la Société d'habitation du Québec de présider un groupe d'experts formé de représentants de l'Association des constructeurs de routes et grands travaux du Québec, du Regroupement professionnel des producteurs de granulats et de différents autres laboratoires de contrôle de matériaux, du milieu universitaire et autres. Et, finalement, en mars 1999, un rapport m'était remis, un rapport transitoire, et, depuis le 15 avril, suite à une méthodologie développée par le comité technique, il est possible pour les consommateurs – ce qui n'était pas le cas auparavant – de s'approvisionner en pierres concassées exemptes de pyrite gonflante.

Donc, ces travaux-là ont pu être faits par la Société d'habitation du Québec et complétés depuis un an. À la suite de nombreuses demandes formulées tant par les consommateurs que par les municipalités, visant un programme d'aide financière sous forme de subventions pour les propriétaires de bâtiments résidentiels endommagés par le gonflement de la pyrite, la Société d'habitation du Québec, à ma demande, a préparé un rapport faisant état de la situation et des recommandations pour la mise en place d'un tel programme.

Je dois vous dire, M. le Président, que les comités ministériels ont été saisis d'une proposition semblable à la fin de l'été, et le Comité ministériel des affaires régionales et territoriales que je préside a demandé à l'ensemble des ministères impliqués, soit la Justice, les Finances, les Affaires municipales et la Métropole et la Société d'habitation du Québec, de travailler sur des scénarios qui puissent être opérationnels. Ce comité s'est réuni en octobre; il s'est réuni à nouveau le 12 novembre. Le délai pour faire rapport est d'ici la fin novembre. Alors, il y a donc eu des représentants du ministère des Affaires municipales qui ont, en vertu de ce mandat, consulté les municipalités les plus touchées pour vérifier l'impact sur l'assiette fiscale, en fait la richesse foncière de la municipalité. Ensuite, le ministère des Finances a travaillé aussi, à partir des données actuelles, pour établir les impacts fiscaux des travaux liés à la pyrite, vérifier les impacts financiers des scénarios d'intervention préparés par la Société d'habitation du Québec, et le ministère de la Justice a eu comme mandat, et donc a regardé plus particulièrement les impacts juridiques de la mise en place d'un programme gouvernemental pour venir en aide à certains propriétaires aux prises avec la pyrite.

(18 h 20)

Alors, un rapport final devrait intervenir d'ici la fin novembre. Vous comprendrez, M. le Président, que, depuis septembre 1998, donc moins d'un an, nous avons eu à faire à la fois la méthodologie de ce problème pour faire en sorte que dans l'avenir il ne se produise plus, puis en même temps l'évaluation de ce qu'il pourrait être équitable et raisonnable de faire en regard d'autres problèmes qui peuvent survenir aussi pour des propriétaires de maisons. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Alors, en vertu de votre droit de réplique de deux minutes, Mme la députée de La Pinière, je vous cède la parole.


Mme Fatima Houda-Pepin (réplique)

Mme Houda-Pepin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, j'ai écouté attentivement la ministre dans l'espoir qu'elle puisse aboutir avec une solution, mais je constate qu'elle fait dans la redondance parce qu'elle répète des éléments d'information qu'on connaît déjà. Je l'invite à aller sur le site Internet, elle va avoir beaucoup plus de détails que ce qu'elle vient de nous donner.

M. le Président, il y a un problème majeur qui affecte des centaines et des centaines de jeunes familles, qui affecte des gens qui sont des retraités, des préretraités avec des faibles revenus. Ça touche l'économie régionale, ça touche l'industrie immobilière. Il n'est plus possible, sur la Rive-Sud, à un citoyen de vendre sa maison sans avoir un certificat de conformité et débourser jusqu'à 1 000 $ pour. Après négociation du prix de vente, le vendeur, parfois, doit sacrifier jusqu'à 15 000 $ s'il veut vendre sa maison alors qu'il est aux prises avec le problème de la pyrite. La ministre vient de le dire elle-même, toutes les étapes ont été faites, le dossier a bien cheminé, c'est elle et elle seule qui traîne dans ce dossier, parce que ses collègues ministres sont rendus à un consensus sur la nécessité d'indemniser les citoyens victimes de ce problème.

Et, M. le Président, je lui donne une chance, d'ici la fin de novembre, elle nous dit que le rapport va être prêt, et je voudrais qu'elle se lève pour nous faire une annonce et je vais être la première à l'applaudir, parce qu'il y a des citoyens qui sont aux prises avec ce problème. Toutes les études ont été faites, toute la documentation est disponible, il est possible de vérifier qu'il s'agit véritablement de la pyrite. Des citoyens attendent une décision de ce gouvernement, et la ministre des Affaires municipales refuse de répondre aux appels des citoyens et d'écouter leurs besoins.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. Ceci met fin à ce débat de fin de séance.


Indemnisation des orphelins de Duplessis

Un troisième débat de fin de séance a été demandé par Mme la députée de Mégantic-Compton suite à une question qu'elle a posée au premier ministre concernant les orphelins de Duplessis. Alors, Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Mégantic-Compton, la parole est à vous.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le 12 mars 1997, le premier ministre s'engageait à s'occuper personnellement du dossier des orphelins de Duplessis. Le 22 octobre suivant, huit mois plus tard, rien n'avait été fait, mais il a dit que ce dossier lui tenait à coeur, et je le cite: «Nous savons qu'une bonne journée il va falloir que le gouvernement règle cette affaire.» Le 19 mars 1998, un an plus tard, il répondait à une autre question quant à la réparation du tort qu'ont subi les orphelins de Duplessis que c'était une affaire de quelques semaines. Le 7 mai 1998, alors que je demandais au premier ministre s'il comptait donner bientôt une réponse aux orphelins, il a fait état que le dossier comportait quatre éléments: d'abord, une demande d'excuse officielle de la part du gouvernement du Québec; deuxièmement, une demande de modifier les entrées diagnostiques dans les dossiers médicaux des personnes concernées; troisièmement, une demande d'indemnisation comme telle; et, quatrièmement, une demande de rectification des registres de l'état civil. Suite aux quatre éléments mentionnés par le premier ministre, il peut bien nous dire que tout a été réglé, mais, dans la réalité, on constate que rien ou presque rien n'a encore été fait.

Eh bien, M. le Président, les orphelins de Duplessis constatent eux aussi aujourd'hui ce qui a été fait, et surtout ce qui n'a pas été fait, de ces quatre éléments. Les orphelins attendent toujours que les registres civils soient modifiés. Les orphelins traînent toujours le poids de leur dossier médical qui leur confère le statut de débile mental. Les orphelins se sont contentés de maigres excuses venues d'un gouvernement qui renie son engagement de négocier avec eux un règlement qui leur convient. Une offre ridicule est venue ajouter à l'insulte en n'accordant aucune réelle indemnisation aux victimes innocentes que sont les orphelins de Duplessis. Le gouvernement continue d'invoquer son offre du printemps pour se rassurer lui-même que le dossier est réglé. Je tiens à rappeler qu'il s'agit d'une offre que les orphelins ont refusée alors que le premier ministre lui-même avait dit en cette Chambre qu'il ne serait pas opportun d'imposer un règlement sans qu'un consensus soit nécessaire.

Est-ce qu'on doit comprendre aujourd'hui, par son refus de modifier son offre d'entente, que la décision, sans consultation, du gouvernement est finale et sans appel? Si tel est le cas, M. le Président, le gouvernement peut-il le dire haut et fort et cesser de jouer avec la dignité des victimes qui espèrent toujours qu'on leur rende justice? Tous s'accordent à dénoncer ce que le gouvernement offre comme compensation aux orphelins de Duplessis. Le Protecteur du citoyen nommé par l'Assemblée nationale l'a qualifiée d'injuste et d'humiliante. Les soeurs Dionne, à qui le premier ministre avait donné son appui quand il était chef de l'opposition officielle à Ottawa, ont dit que son fonds d'aide est ridicule. L'ex-ministre péquiste, du Parti québécois, le Dr Lazure a dit qu'elle est nettement insuffisante. Il s'est dit aussi déçu que ses anciens compagnons d'armes péquistes aient oublié leurs revendications en faveur des orphelins de Duplessis alors que nous réclamions des excuses pour les victimes et des compensations.

Comment le gouvernement péquiste peut-il justifier son refus d'indemniser d'innocentes victimes d'abus institutionnel alors que d'autres gouvernements au Canada ont agi avec diligence dans des dossiers similaires en offrant des indemnités financières? On n'a qu'à penser à la Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Alberta, le Manitoba, l'Ontario. Enfin, dans tous ces cas, les gouvernements des provinces ont fait preuve de compassion, et justice a été rendue. Pourquoi le gouvernement du Parti québécois n'a-t-il pas la même compassion et, une fois pour toutes, va-t-il régler le dossier des orphelins de Duplessis?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je cède la parole maintenant à M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. M. le ministre, la parole est à vous. Vous avez cinq minutes.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. Merci, M. le Président. Alors, ce dossier, évidemment, soulève, chaque fois qu'il est évoqué, de la part de toutes les Québécoises et tous les Québécois, beaucoup d'intérêt, de préoccupation. Il faut rappeler que c'est un dossier qui fait partie de notre histoire depuis maintenant des années. Mme la députée, tantôt, faisait référence à certaines étapes de ce dossier, s'attardant davantage, bien sûr, aux toutes dernières étapes du dossier. Moi, j'ai devant moi, par exemple, une lettre qui était adressée à M. Guy Chevrette, qui était alors dans l'opposition, en 1988, par la ministre responsable d'alors, Mme Thérèse Lavoie-Roux, dans ce dossier, et qui disait que, bien qu'elle déplorait les événements qui ont marqué la vie de ces enfants, il lui apparaissait alors que la tenue d'une commission d'enquête, par exemple, publique sur les orphelins ne serait pas a posteriori une solution opportune, et, sans nier les situations dénoncées, elle croyait, je la cite: «Je crois qu'il est plus profitable pour tous de se tourner vers l'avenir.»

M. le Président, c'est ce que le gouvernement a fait. Le premier ministre, au nom de toutes les Québécoises et tous les Québécois, en cette Chambre, de façon tout à fait solennelle, au printemps dernier, a eu l'occasion de présenter les excuses de la population du Québec à l'égard de ce qui s'était passé, tout en soulignant en même temps, aussi, qu'il est difficile aujourd'hui de juger de situations avec les yeux d'aujourd'hui, les valeurs d'aujourd'hui, les institutions d'aujourd'hui, de situations qui remontent à des dizaines d'années en arrière, à une époque où les services, les mentalités étaient fort différents de ceux que l'on connaît.

(18 h 30)

Non seulement le gouvernement du Québec a-t-il présenté des excuses, mais il a également mis de l'avant un certain nombre de mesures pour venir en aide, un peu dans l'esprit de ce que, si je comprends bien, Mme Lavoie-Roux, qui était la ministre de l'époque, évoquait, pour l'avenir, aide aux personnes qui, parmi les orphelins et orphelines de Duplessis, auraient besoin d'une telle aide. Alors, c'est ce qui a été fait notamment, d'une part, du point de vue de leur dignité, dans la volonté qui est la nôtre d'offrir la collaboration au niveau des registres d'état civil. C'est également ce qui a été fait dans les discussions avec le Collège des médecins, du point de vue des diagnostics erronés qui auraient pu être posés. C'est également ce que nous avons fait en offrant au Comité des orphelins de Duplessis une aide financière pour continuer le travail d'exploration de ce dossier, plus un fond collectif de 3 000 000 $ pour justement venir en aide à ceux d'entre eux, ceux d'entre elles qui auraient le plus besoin d'une telle aide pour le présent et pour l'avenir.

Quant aux compensations pour le passé, il est vrai que certaines provinces, dans certains cas qui ne sont pas tous similaires, qui sont même parfois différents, ont opté pour des mesures de compensations individuelles. Nous nous sommes expliqué sur les raisons qui font que nous ne choisissons pas cette voie, M. le Président, ce qui ne signifie nullement pour autant que le gouvernement et que les Québécois n'ont pas, n'expriment pas de la compassion à l'égard de ce que ces gens-là ont vécu. Mais, encore une fois, nous avons, sur ces questions, une approche différente. Il est difficile, on l'a dit, de refaire chaque fois le passé. Il nous semble plus utile, à ce moment-ci, de regarder les cas les plus problématiques, ceux qui ont besoin de notre aide, de leur apporter notre aide plutôt que d'y aller du côté des formules de compensations individuelles, eu égard à l'aide dont ces gens-là auraient besoin.

Alors, M. le Président, je pense que, dans ce dossier, le gouvernement a agi – en tout cas, moi, comme ministre responsable, quand je suis arrivé dans ce dossier il y a quelques mois – avec célérité, le gouvernement s'est préoccupé de la situation. Ça faisait des années que ce dossier traînait.

Je comprends que peut-être certains souhaiteraient qu'on en fasse encore davantage. Mais, encore une fois, je crois que nous avons répondu à ce qui était l'essentiel des préoccupations des gens, c'est-à-dire la capacité de reconnaître ce qui s'était passé, de poser des gestes qui leur redonnent leur dignité et de débloquer les fonds pour aider ceux qui en auraient vraiment besoin, le plus rapidement besoin. Je pense que, ce faisant, nous avons répondu à l'essentiel. J'ai rencontré ces gens-là à plusieurs reprises. Je suis toujours disponible pour les rencontrer. Les mesures mises de l'avant par le gouvernement sont disponibles. Je reçois des téléphones de gens qui souhaiteraient que le Comité puisse aller de l'avant. Je pense que ce serait, M. le Président, de loin, la meilleure des solutions.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. En vertu de votre droit de réplique, Mme la députée de Mégantic-Compton, je vous écoute.


Mme Madeleine Bélanger (réplique)

Mme Bélanger: M. le Président, dans quel système vit ce gouvernement? Je vous le demande. On est de plain-pied dans un indécent spectacle avec votre gouvernement comme acteur principal. Le Québec, sous votre gouvernement, est l'un des rares pays occidentaux où l'on étouffe les scandales. Et, quand l'opposition s'insurge contre une situation intolérable, qu'est-ce que votre gouvernement lui répond? Que d'autres gouvernements antérieurs n'ont pas agi avant, comme si c'était une excuse valable. De toute façon, n'est-ce pas là le slogan préféré du gouvernement péquiste? Ce n'est jamais de sa faute mais toujours la faute des autres. Ça fait cinq ans que ce gouvernement est au pouvoir et tout va mal, rien ne se règle, mais ce n'est jamais de sa faute.

Je ne comprends pas qu'un gouvernement qui se dit social-démocrate refuse d'aider les plus faibles, les plus démunis que sont ces victimes d'emprisonnement illégal qui ont été brimées dans leur dignité. Ce gouvernement, M. le Président, est tombé d'un cran dans l'échelle de la conscience morale. Ce qui est dit aux victimes est de se taire et d'accepter les gestes qui furent perpétrés contre eux. C'est une approche tout à fait malhonnête. Comment ce gouvernement péquiste peut-il rester insensible, en balayant sous le tapis cette tranche de l'histoire du Québec sans l'avoir réglée?

M. le Président, en agissant seul dans ce dossier, en refusant de consulter les orphelins de Duplessis sur un règlement, en tournant une triste page de notre histoire sans avoir redonné la dignité aux milliers de victimes, le gouvernement du Parti québécois confirme les craintes que j'avais émises dans cette Chambre: les orphelins de Duplessis sont devenus les orphelins de Bouchard.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ceci met fin à ce débat de fin de séance. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 16 novembre 1999, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, cette motion est adoptée? Adopté. Les travaux de cette Assemblée... Est-ce que c'est adopté?

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Non, mais, moi, je vais le dire, mercredi, de toute façon.

M. Boisclair: 17 novembre, M. le Président. Je m'excuse de cette erreur.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, suite à votre motion, qui est adoptée, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à demain, le mercredi 17 novembre, à 10 heures. Alors, bonne fin de soirée à tous.

(Fin de la séance à 18 h 36)