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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 9 juin 1999 - Vol. 36 N° 43

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes, MM. les députés! Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons immédiatement aborder les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre d'État à la l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.


Énoncé de politique sur la gestion gouvernementale intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique

M. Léonard: M. le Président, je dépose un énoncé de politique sur la gestion gouvernementale intitulé Pour de meilleurs services aux citoyens – Un nouveau cadre de gestion pour la fonction publique .

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


Analyses d'experts portant sur l'entente-cadre sur l'union sociale

M. Facal: M. le Président, je dépose huit analyses d'experts portant sur l'entente-cadre sur l'union sociale.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des finances publiques et député de Richelieu.


Étude détaillée du projet de loi n° 21

M. Simard (Richelieu): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 25 mai et le 2 juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Très bien. Ce rapport est déposé. Mme la présidente commission de l'éducation et députée de Mégantic-Compton.


Étude détaillée des projets de loi nos 43 et 7

Mme Bélanger: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 8 juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 43, Loi concernant certaines dispositions dérogatoires dans les lois relatives à l'éducation. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé les 4 et 8 juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 7, Loi modifiant la Loi sur le Conseil supérieur de l'éducation afin d'instituer le comité consultatif sur l'accessibilité financière aux études. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés, Mme la députée.

M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.


Étude détaillée du projet de loi n° 61

M. Lachance: Merci, M. le Président. Il m'est agréable de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé les 3, 4 et 8 juin 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 61, Loi sur la Société de la faune et des parcs du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Merci. Ce rapport est également déposé.

Il n'y a pas d'interventions, aujourd'hui, portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi va répondre à une question posée le 2 juin dernier par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne concernant un cas de coupure de frais supplémentaires dans le cadre d'une mesure d'Emploi-Québec.

Je vous avise également qu'après cette réponse différée il y aura un vote reporté sur la motion de Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux proposant que le principe du projet de loi n° 36 modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec soit adopté.


Questions et réponses orales

Alors, maintenant, nous abordons la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en question principale.


Financement des organismes communautaires de développement de la main-d'oeuvre


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, aujourd'hui, à Québec, il y a la Coalition des organismes communautaires pour le développement de la main-d'oeuvre qui sera ici, qui représente 20 réseaux d'aide à l'insertion en emploi, également 400 groupes communautaires. Ils sont ici aujourd'hui, à Québec, M. le Président, pour dire au gouvernement que le transfert des compétences de la main-d'oeuvre du fédéral au gouvernement provincial est en train de virer au chaos et au désastre, que, malgré une politique puis un énoncé de politique qui avait été bien accueillie – je réfère, entre autres, à la politique de recours aux ressources externes qui a été bien accueillie, M. le Président – ils reconnaissent d'emblée qu'il y a là-dedans un énoncé avec lequel ils sont en accord, que la réalité sur le terrain qu'ils sont en train de vivre, eux, c'est une réalité de coupures et de coupures massives parce que le gouvernement actuel a coupé ses budgets pour l'insertion en emploi.

Je veux dire au premier ministre aujourd'hui, M. le Président, à quel point cela affecte les gens les plus vulnérables: les femmes, les mères monoparentales, les jeunes, entre autres, qui ont besoin d'un coup de main pour l'insertion en emploi, et j'aimerais que le premier ministre puisse nous dire aujourd'hui que son gouvernement va écouter, qu'il va faire autre chose que nous réciter des statistiques, et que le gouvernement est ouvert à l'idée d'une commission parlementaire pour qu'on puisse réconcilier le discours du gouvernement avec la réalité que vivent ces gens-là.

(10 h 10)

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, dans les premiers gestes que j'ai posés comme ministre responsable de l'Emploi, ça a été de prendre connaissance, de discuter, d'approuver et de faire circuler cette politique de reconnaissance des ressources externes dans le domaine de l'emploi. Je pense que c'est évident, il n'y a pas de doute ni à mon esprit ni à l'esprit du gouvernement, que les ressources externes, c'est-à-dire tous ces services qui ont été développés en dehors des services publics, ont leur place. Elles ont leur place parce qu'il y a une pratique qui s'est installée, il y a une expertise, il y a des clientèles qui sont rejointes, et il n'y a pas de doute à notre esprit.

Par ailleurs, comme je l'ai déjà expliqué en cette Chambre, c'est sûr que nous sommes dans une opération délicate. Puisque nous avons fusionné les budgets, nous avons aussi fusionné les programmes qui subventionnaient ces organisations-là et nous avons une obligation de cohérence. Et on constate actuellement que sur certains territoires il y a des missions, il y a des agencements qu'il nous faut revoir.

Ce n'est pas juste de dire qu'il y a des coupures massives dans ce secteur-là. Nous avons un financement actuellement à la hauteur de plus de 80 000 000 $. L'opération de renouvellement de ces ressources-là n'est pas encore complétée; elle le sera d'ici la fin de juin, pour une bonne partie à tout le moins, et nous serons dans le même type d'enveloppe. Il n'y a pas de coupures massives pour ces organismes-là. Mais bien sûr dans certains cas, et là ce sont des choix locaux et régionaux, il y a des réagencements, c'est-à-dire, donc, oui, il y a des organisations où il y a un peu moins de budget, mais il y en a d'autres pour lesquelles il y en a davantage parce que ça s'inscrit dans la vision régionale des services publics d'emploi que les gens veulent développer.

Le Président: M. le chef de l'opposition.


M. Jean J. Charest

M. Charest: La ministre devrait savoir, en réaction à sa réponse venant des bancs ministériels, que les députés de son propre caucus ne lui disent pas ce qu'elle vient de dire à l'Assemblée nationale. Parce que je peux dire à la ministre que les députés du caucus libéral, eux, entendent jour après jour les représentations faites par ces groupes-là qui vivent des coupures massives.

Je vais lui donner des exemples. Les clubs de recherche d'emploi, qui sont bien établis au Québec, font un travail dans une niche, font un travail très précis, très utile: le CRE de Lanaudière, coupures de 30 %; Valleyfield, 17 %; à Pointe-Claire, 47 %; à Victoriaville, 56 %; à Rimouski, 25 %; à Côte-des-Neiges, 7 %; à Châteauguay, 17 %; à Matane, 50 % de coupures, M. le Président. Alors, voilà la réalité au net pour les clubs de recherche d'emploi. Ça voudra dire qu'il y a 10 000 personnes qui étaient servies, 10 000 participants dans les années précédentes, en 1998-1999, pour l'année 1999-2000, ce sera 6 000 participants, 4 000 de moins, 40 % de moins de participants, M. le Président.

Alors, est-ce que la ministre peut au moins consentir, aujourd'hui, à participer à une commission parlementaire qui pourra réconcilier son discours puis ce qu'elle entend venant de la part de ses propres députés et des gens qui seront en dehors de l'Assemblée nationale aujourd'hui et qui demandent d'être entendus pour qu'ils puissent venir en aide aux plus vulnérables dans notre société?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, les ressources externes sont entendues. Oui, c'est une opération difficile, mais oui, elles sont entendues. D'abord, elles le sont, je les ai rencontrées à plusieurs reprises, soit sur la scène nationale ou localement, sur le terrain. Par ailleurs, dans toute cette opération de reconduction des contrats avec les ressources externes, j'ai demandé, et c'est en oeuvre actuellement, que chaque région, chaque direction régionale et chaque conseil régional des partenaires du marché du travail mette en place un processus de révision pour que cette opération de reconduction là se fasse correctement et éviter qu'il y ait de l'arbitraire.

Mais, c'est bien évident, nous avons fait le choix, nous avons fait le choix comme gouvernement de localiser notre action, de faire en sorte de donner des leviers aux acteurs du marché du travail locaux. On ne peut pas, parce que c'est une période plus difficile, décréter tout le Québec. Moi, je suis gardienne et ce gouvernement est gardien des paramètres, mais il y a des décisions qui sont prises sur une base locale et régionale. Nous allons les appuyer, et je m'assure que les lieux pour discuter entre les décideurs et les ressources externes existent et qu'ils soient efficaces.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: Puisque la ministre semble vouloir reporter le blâme ou la responsabilité sur les organismes locaux, est-ce qu'elle peut nous dire de combien elle a coupé les budgets, au niveau local? Est-ce que la ministre peut nous dire, là, avec quels outils ils sont pris, eux, pour travailler? Peut-être que la ministre peut reconnaître que c'est difficile pour les organismes locaux de mettre un gallon dans une pinte, quand elle vient de couper leurs budgets au point où elle les a coupés!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: La dernière chose que je voudrais faire, c'est laisser l'impression – parce que ce n'est pas vrai – qu'on ne prend pas nos responsabilités. Il y a des responsabilités au niveau national, mais il y a aussi des responsabilités aux niveaux régional et local qui sont réclamées, aussi, par les acteurs régionaux et locaux. Et je pense que c'est important que les choses se jouent correctement sur la scène nationale, mais aussi, quand il y a des périodes plus difficiles, que les décisions se prennent tout aussi correctement entre les acteurs régionaux et locaux.

Bien sûr, cette opération reconduction, même s'il n'y avait pas eu une problématique budgétaire, on le sait, on a surengagé, on a pris beaucoup d'engagements envers les personnes et envers les organismes, même s'il n'y avait pas eu cette situation problématique budgétaire, cette reconduction aurait été difficile. Elle aurait été difficile parce que nous avons mis ensemble des organismes qui étaient financés dans trois circuits différents où la planification était faite dans l'esprit de ces bâilleurs de fonds. Nous nous sommes donné un levier et nous avons l'obligation d'être cohérents.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mesures d'employabilité pour les prestataires de la sécurité du revenu


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. M. le Président, quoi qu'en dise la ministre d'Emploi-Québec, quoi qu'en dise le premier ministre du Québec, la réalité, c'est que les prestataires de la sécurité du revenu sont les grands perdants, les grands oubliés de cette réforme de services d'emploi. Après s'être fait dire, M. le Président, que leurs frais de garde, leurs frais de transport, leurs frais pour leur matériel didactique, leurs frais scolaires étaient suspendus et non payés, les prestataires de la sécurité du revenu se voient maintenant carrément fermer la porte au nez en ce qui a trait au développement de l'employabilité, et ça, pour une période indéterminée.


Documents déposés

Je demande le consentement de cette Chambre pour déposer plus de 650 lettres adressées au premier ministre du Québec, M. le Président, à cet égard.

Le Président: Alors, il y a consentement, Mme la députée.

Une voix: Combien?

Mme Loiselle: Plus de 650 lettres, M. le Président, des résidents et des résidentes de mon comté seulement – imaginez si ça venait de tous les comtés à travers le Québec – qui expriment au premier ministre du Québec et à la ministre d'Emploi-Québec leur déception, leur découragement devant le cafouillage d'Emploi-Québec dont ils sont les premières victimes.

Alors, je pose la question au premier ministre du Québec: Est-ce que, pour lui, Emploi-Québec est toujours très satisfaisant au niveau de sa performance et, si pour lui c'est mission accomplie pour Emploi-Québec, est-ce qu'il réalise que, pour les gens de mon comté qui se font fermer carrément la porte au nez, c'est plutôt désespoir garanti?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, il y a eu une résolution unanime en cette Chambre réclamant le rapatriement des sommes du fédéral qui étaient affectées à la formation de la main-d'oeuvre. Nous nous sommes entendu que cette réforme-là, elle était importante et qu'elle devait se dérouler sur une période de trois ans. Nous venons de compléter la première année. Et, je vais vous dire très honnêtement, quand je vois l'attitude de l'opposition officielle, je me demande qui a intérêt à ce que ça ne marche pas.

Des voix: Bravo!

Mme Loiselle: M. le Président...

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, quand le premier ministre du Québec va-t-il tenir parole et tenir son engagement et prioriser dans ses choix les plus démunis afin que les prestataires de l'aide sociale, M. le Président, aient la même chance, la même chance de s'en sortir que toute personne au Québec qui se cherche un emploi?

(10 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, nous savons – la ministre l'a dit, je l'ai dit moi-même à plusieurs reprises – que nous sommes en train de roder un nouveau régime qui a fait la fusion de trois régimes différents, d'innombrables programmes qui doivent être synthétisés en un plus petit nombre, avec plus de synergie. Et nous pensons que la première année d'opération a été remarquable dans les circonstances, d'autant plus qu'on a beau faire état de toutes sortes de choses, mais ce qui est fondamental, c'est qu'il y avait des objectifs qui avaient été assignés à ce programme, M. le Président, l'an dernier, lors du transfert du gouvernement fédéral au niveau provincial et les partenaires de l'emploi, c'est-à-dire les employeurs, les représentants syndicaux et communautaires et le gouvernement, peuvent dire avec fierté que 128 000 personnes sur l'assurance-emploi ont bénéficié des mesures actives, alors que l'objectif était de 133 000, donc 96 %. Bon, on aurait préféré faire 100 %, mais on a fait 96 %.

Mais les autres objectifs ont été plus qu'atteints. Par exemple, on a 43 300 personnes qui étaient sur l'assurance-emploi qui sont de retour au travail parce que ayant bénéficié de ces mesures actives, et ça, c'est un résultat de 100 % par rapport aux objectifs que tout le monde s'était fixés. Et, quant au plan d'action qu'on avait établi, on avait un objectif de 80 nouvelles participations et mesures actives, et pour les moins de 30 ans, et nous avons atteint un résultat de 119 %.

Alors, nous ferons encore mieux cette année, M. le Président, nous allons travailler très fort. Nous savons qu'il y a eu un problème budgétaire, et là disons les choses telles qu'elles sont arrivées. Dans le cours de la mise en place du nouveau régime, il est apparu qu'on a craint qu'il y avait des montants qui ne soient pas dépensés à la fin de l'année et, pour être certain que tous les montants seraient dépensés, alors on a ouvert les portes pour que l'argent se dépense, mais il s'est trouvé...

Des voix: ...

M. Bouchard: Non, non, on a vraiment été averti qu'il y avait un danger qu'il y ait des crédits périmés et on ne voulait pas qu'il y ait des crédits périmés. Alors, à ce moment-là, on a été obligé d'ouvrir les vannes. Les contrôles qui sont mis en place ne sont pas parfaits parce que c'était la première année d'opération, et il y a eu un dépassement de 80 000 000 $, et le budget cette année, là, il souffre de cette question. Nous sommes en train de la regarder avec le Conseil du trésor – je l'ai dit, M. le Président – et nous allons faire tout ce que nous pouvons pour remédier à cette situation. Alors, il y aura de bonnes nouvelles qui vont venir.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Accessibilité de la mesure permettant aux prestataires de la sécurité du revenu de terminer leurs études secondaires


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. En principale. En raison du cafouillage Emploi-Québec, les prestataires de la sécurité du revenu en formation pour compléter leur secondaire au Centre de formation Rimouski-Neigette manifestent ce matin devant le bureau de la députée de Rimouski. La députée est au courant de ce dossier mais semble défendre davantage son gouvernement que les citoyens démunis de son comté dans ce dossier.

M. le Président, est-ce que la ministre de l'Emploi se rend compte qu'en manipulant l'information que l'on donne à ces gens...

Le Président: M. le député, je vous indique que vous ne pouvez pas poser la question comme vous venez de le faire. Vous ne pouvez pas accuser un collègue de l'Assemblée de manipuler de l'information. Alors, reposez votre question et retirez votre propos, s'il vous plaît.

M. Béchard: Je retire le mot «manipuler». Est-ce que la ministre de l'Emploi se rend compte qu'en évitant de donner l'heure juste à ces gens qui sont en formation, peut-être qu'elle achète du temps pour elle, mais elle enlève l'espoir à ces gens-là de s'en sortir? Et, au lieu d'être le grand défenseur de paramètres, est-ce qu'elle ne pourrait pas être le défenseur de ceux et celles, au Québec, qui sont les plus démunis et qui veulent s'en sortir et retourner sur le marché du travail?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, s'il y a une chose qu'on a nettement améliorée, c'est le fait qu'avant les prestataires de la sécurité du revenu tournaient en rond dans des mesures d'employabilité. Vous savez que, l'année dernière, plus de 50 % de nos mesures ont rejoint des personnes assistées sociales. Vous savez aussi que les personnes qu'on appelle les «sans-chèque» – ce n'est peut-être pas une expression heureuse – mais qu'on ne rejoignait nulle part, bien, on en a rejoint 17 000 l'an passé. Alors, ça, c'est un progrès très net.

Et, quand ma prédécesseure, à l'époque, ministre de l'Emploi a eu cette vision de cette réforme-là, c'est ce qu'elle voulait faire, c'est ce que mon gouvernement a voulu faire, faire en sorte que ces mesures soient aussi accessibles aux prestataires de la sécurité du revenu, parce que...

Le Président: En terminant, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, il y a donc des mesures – et je pense que le cas qui est signalé est intéressant – de formation qui sont disponibles pour les prestataires de la sécurité du revenu. Alors, on part du point où il y en avait très peu et, lorsqu'il y en avait, ça tournait en rond. On est donc maintenant capable d'inscrire les gens dans un parcours qui a un sens. C'est un grand pas que nous avons franchi cette année.

Et, oui, il y a de la formation qui est disponible, oui, on aimerait répondre à tous les besoins de formation, mais on sait pertinemment que ce n'est pas possible. Alors, il faut – et ça, je l'ai déjà dit en cette Chambre – vraiment qu'il y ait un travail qui se fasse avec les personnes qui veulent améliorer leur situation par rapport au marché du travail, de cibler la mesure de formation qui va les amener le plus rapidement possible au marché du travail. C'est ça qu'on essaie de faire.

Le Président: M. le député de Limoilou, en question principale ou complémentaire?

M. Després: Principale. Merci, M. le Président.

Le Président: Principale. M. le député de Limoilou.


Financement de la mesure permettant aux prestataires de la sécurité du revenu de terminer leurs études secondaires


M. Michel Després

M. Després: Oui. M. le Président, le centre local d'emploi de Beauport a reconnu le profil de formation d'une jeune femme de 20 ans afin qu'elle puisse terminer son Diplôme d'études secondaires. Cependant, cette formation devra se terminer après 34 semaines, soit le 23 juin prochain, faute de fonds. En effet, cette jeune dame de 20 ans s'est vu retirer les 67 semaines nécessaires au programme déjà suivi lui permettant d'obtenir son Diplôme d'études secondaires.

M. le Président, ma question à la ministre: Quand la ministre compte-t-elle permettre à cette jeune dame de 20 ans, Mme Leclerc, de terminer sa formation d'études secondaires?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, vous savez que, dans le passé, il y a des fois où on disait que c'était tant de centaines d'heures de disponibles et, en dehors de ça, point de salut. Maintenant, on est capable de moduler, on est capable d'avoir des interventions qui sont davantage axées sur les besoins.

Bien sûr, je ne connais pas cette situation en particulier, je ne la commenterai pas, mais il y a une tonne de choses qui peuvent s'être passées, notamment... Parce qu'il arrive, oui, qu'il y ait des agents qui fassent le point avec les prestataires pour voir: Est-ce que la mesure est appropriée, est-ce que ça va, est-ce que les cours conviennent, etc. Alors, je ne peux pas réagir à cette situation-là, mais, oui, de temps en temps, il y a des mises à jour de la situation, et ça peut donner des décisions comme ça, comme ça peut être d'autres éléments. Ça me fera plaisir de le vérifier, mais c'est bien évident que, lorsqu'on engage les gens dans une mesure de formation qui est assez longue, il y a, à des moments, des mises au point.

Le Président: En complémentaire ou en principale?

M. Béchard: En principale.

Le Président: En principale, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.


Nature des informations transmises par le ministre de l'Éducation à une firme privée concernant les déclarations d'élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Hier, nous avons demandé au ministre de l'Éducation du Québec de nous indiquer si le projet de son ministère de transmettre, en 1998-1999, à une firme privée la saisie de données de formulaires de déclaration des élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage avait été réalisé selon les règles de l'art. En l'absence de réponse, nous avons attendu pour voir s'il y avait une réponse différée, il n'y en a pas.

Ce matin, M. le Président, j'aimerais savoir si le ministre de l'Éducation peut nous confirmer, ainsi qu'aux parents et aux enfants handicapés du Québec, que les informations qui auraient été transmises comprennent, entre autres, le code de difficulté et de déficience, le type de regroupement et le cheminement particulier des enfants handicapés au Québec.

Le Président: M. le ministre d'État à l'Éducation et à la Jeunesse.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, j'ai rencontré mes fonctionnaires hier après-midi pour faire le point sur ce dossier. On m'a dit que, jusqu'à présent, selon les premières indications, il ne semble pas y avoir aucun problème, que les règles de la Loi d'accès à l'information ont été suivies. Par contre, j'ai demandé qu'on revérifie et, demain matin, en cette Chambre, je vous donnerai toutes les réponses précises sur la question posée hier par le député de Kamouraska-Témiscouata.

(10 h 30)

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi, en complémentaire?

M. Paradis: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale.


Consultation de la CAI concernant la transmission à une firme privée des déclarations d'élèves handicapés ou en difficulté d'apprentissage


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Sur le même sujet, est-ce que, dans sa recherche au sein du ministère dont il assume la responsabilité, le ministre pourrait diriger ses vérifications vers le Rapport sur la sécurité et la confidentialité de renseignements personnels dans l'appareil gouvernemental , partie 1, juin 1998, Commission d'accès à l'information, page 86, demande d'information, objet: «Le ministère de l'Éducation du Québec informe la Commission d'accès à l'information de son intention de confier à une entreprise privée la saisie de formulaires de déclaration des élèves handicapés et en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage dès septembre 1997. Observation: Le ministère de l'Éducation du Québec entend réaliser ce projet en 1998-1999. Recommandation: Le ministère de l'Éducation doit soumettre – doit soumettre – à la Commission d'accès à l'information le projet de contrat avant sa signature»? Est-ce qu'il peut vérifier si ce projet a été soumis à la Commission d'accès à l'information avant sa signature?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, c'est la même question que le député de Kamouraska-Témiscouata, donc même réponse.

Le Président: M. le député.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Et, en additionnelle, M. le Président, est-ce que, dans sa recherche d'information dans le ministère dont il est le premier responsable, le ministre peut retrouver une lettre du 23 avril 1999 adressée par Daniel Legault, directeur des communications et responsable de l'accès à l'information, à M. Jean Foisy, de la Commission d'accès à l'information du Québec, à l'effet que le projet de contrat ne lui a cependant pas été soumis avant sa signature?

Le Président: M. le ministre.


M. François Legault

M. Legault: M. le Président, ça me fera plaisir, comme je le disais tantôt, de répondre demain, mais je pense que le député n'a pas à s'inquiéter.

Le Président: M. le député de Nelligan, en question principale.


Indemnisation des victimes du sang contaminé


M. Russell Williams

M. Williams: Oui, merci, M. le Président. Il y a plus qu'un an, le premier ministre a fait volte-face dans le dossier de l'indemnisation des victimes du sang contaminé. Il a dit qu'il ajoutait 75 000 000 $ pour les victimes avant 1986 et après 1990, au-dessus du 75 000 000 $ déjà annoncé pour les victimes entre 1986 et 1990. Depuis ce temps et malgré une série de promesses jamais tenues, les victimes n'ont rien.

M. le Président, ma question est fort simple: Quand les victimes contaminées avant 1986 et après 1990 auront-elles leur compensation et combien est-ce qu'elles vont recevoir?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je vous dirais que, compte tenu de l'importance des problèmes que vivent ces gens, ce sera le plus tôt possible. Et j'espère, d'ici quelques semaines, sûrement avant le début de l'été et des vacances estivales, pouvoir annoncer quels seront les programmes que nous pourrons rendre disponibles et à quelle hauteur, et quels seront les processus qu'on devra suivre pour y avoir accès, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Est-ce que le premier ministre va respecter sa parole de donner 150 000 000 $ pour toutes les victimes, et je voudrais savoir quand est-ce que les programmes vont être en place?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, le premier ministre comme notre gouvernement respectons nos engagements. S'il en était autant du fédéral, ça nous simplifierait la chose, cependant.

Alors, M. le Président, on sait que la mise en place de telles mesures, évidemment, demeure complexe, quand ce ne serait que de retrouver les gens qui ont été victimes d'une telle contamination, à quel moment, etc. Et je peux vous dire que, lorsque nous annoncerons les mesures que nous appliquerons, lorsque nous annoncerons les programmes qui seront disponibles, nous ferons état aussi de la façon dont les gens pourront signifier le fait qu'ils croient avoir été contaminés ou non en fonction des dates qui auront été arrêtées, et nous procéderons avec diligence, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Rivière-du-Loup.


Projet de loi sur les clauses orphelin


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Lors de la campagne électorale, le gouvernement s'était engagé – dans les discours, en tout cas, de ce qu'on entendait comme des principes dans lesquels il croyait – à légiférer sur la question des clauses orphelin. Alors, la campagne électorale passée, la question des principes est passée par-dessus bord. Je pense qu'un éditorialiste du Soleil a bien résumé toute la politique du gouvernement en matière des clauses orphelin ce matin, le titre de l'éditorial c'est: Sauver la face .

Ma question à la ministre ce matin: Est-ce que la ministre réalise au moins que le projet de loi sur les clauses orphelin crée une majorité d'orphelins?

C'est-à-dire que, selon le propre rapport du ministère, 50 % des clauses orphelin ne sont pas couvertes par son projet de loi; que les policiers, qui ont été victimes de plusieurs clauses orphelin, ne sont pas couverts; même chose pour les pompiers; que les jeunes médecins, il n'y a pas d'intention qui est lancée à leur endroit, qui avaient participé à la commission parlementaire; mais que, pire encore, dans le cas des enseignants, qui a été signé par le gouvernement du Parti québécois, dans le cas des agents de la paix, qui est le cas le plus odieux, où, pendant qu'en commission parlementaire des jeunes venaient devant une commission soutenir un propos, de l'autre côté de la rue, au Conseil des ministres, durant la même semaine, on a voté un décret proposant ou imposant une clause orphelin aux agents de la paix, et, dans le cas des employés municipaux, dans plusieurs municipalités, où c'est le gouvernement qui a encouragé les municipalités à signer des clauses orphelin, le projet de loi n'aura aucun effet.

Alors, je veux entendre la ministre: Est-ce qu'elle se rend compte que son projet de loi crée tellement d'orphelins qu'il ne réglera même pas les cas odieux causés par son propre gouvernement?

Le Président: Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, nous avions tout un défi, et je suis très heureuse que nous ayons réussi à faire un bon bout de chemin, le défi de codifier cette intention, de mettre dans une loi cette intention d'encadrer le phénomène des clauses orphelin. C'était tout un défi de le faire, et nous l'avons fait. Certains ont parlé de compromis, de ci, de ça. Nous l'avons fait dans une optique d'équilibre entre ce message important notamment de la part des jeunes mais aussi de la part de ceux qui sont des nouveaux arrivés, si je peux m'exprimer ainsi, dans une entreprise, qui ne veulent pas porter le poids, lorsqu'il y a des coups durs dans une entreprise, ne veulent pas être les seuls à le faire, mais en même temps ce message, cet équilibre important, qu'il y a une réalité qui est un contexte économique qui peut être vécu dans une entreprise où il y a beaucoup de pression sur les coûts de main-d'oeuvre. Alors, oui, nous avons tenté de faire des équilibres.

C'est sûr qu'on pourrait discuter longuement des questions qui sont apportées par le député de Rivière-du-Loup. On a fait des choix, par exemple de passer par la Loi sur les normes du travail parce qu'on trouvait que c'était le véhicule qui couvrait le mieux. Mais je pense que ces discussions-là, on les aura dans les prochaines semaines, dans les prochains mois, autour d'un processus parlementaire qui s'appelle une commission parlementaire. C'est un projet de loi qui est consistant, qui est plus qu'un point de départ, mais, oui, on aura à discuter et à débattre ensemble de sa portée, de ce que nous voulons réellement faire dans ce dossier-là.

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que la ministre a pris connaissance du projet de loi qui a été déposé par ses collègues et amis du Bloc québécois à Ottawa, qui, lui, interdit toutes les clauses orphelin, est d'application immédiate, d'application permanente, qui ne met pas le fardeau de la preuve sur le dos des jeunes? Est-ce qu'elle peut nous expliquer pourquoi, quand ils sont dans l'opposition, à Ottawa, ils font des projets de loi basés sur des principes mais que les cousins qui sont au pouvoir au Québec font des projets de loi basés sur des entourloupettes pour sauver la face?

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, lorsqu'on a à bâtir, si je peux m'exprimer ainsi, une pièce législative qui est presque unique au monde, on prend connaissance de tout.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui. Est-ce que la ministre – qui va certainement satisfaire ceux qui nous écoutent par sa réponse complète – peut nous expliquer au moins en vertu de quelle façon de penser, si elle légifère par principe pour éliminer des discriminations envers les jeunes, pourquoi ces discriminations-là vont être inacceptables entre décembre 2002 et décembre 2004, mais ces discriminations-là sont acceptables d'ici décembre 2002 et vont l'être à nouveau à partir de janvier 2005? Est-ce que la ministre peut nous expliquer comment, sur une question de principe, on peut légiférer pour une période de 24 mois dans l'histoire?

(10 h 40)

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, nous aurons l'occasion d'y revenir, mais je me permets quand même certains commentaires. On ne pouvait pas penser à faire une législation comme celle-là avec un effet immédiat, c'est impossible. La plupart du temps, ces clauses-là ont été négociées très difficilement dans une entreprise. Est-ce qu'on pouvait imaginer que du jour au lendemain, alors que ces clauses sont en général librement négociées, le monde arrêtait et que tout était illégal? Il fallait prévoir une période de transition. Mais nous aurons l'occasion d'en reparler en commission parlementaire. Nous avons prévu une période de trois ans notamment parce qu'on sait que d'ici trois ans...

Des voix: ...

Mme Lemieux: C'est extrêmement difficile, M. le Président, de compléter une réponse...

Le Président: En terminant, rapidement, Mme la ministre.

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, je pense qu'il était plus responsable de prévoir une période de transition. Nous proposons une période de transition de trois ans parce qu'on sait que d'ici trois ans plus de 80 % des conventions collectives vont se terminer, vont se conclure; ça nous apparaissait une période raisonnable. Maintenant, on pourra en discuter en commission parlementaire. Mais je vous le répète: Quand on construit une pièce législative unique, on regarde tout ce qu'il y a. Et puis c'est une loi d'application, on émet des hypothèses. C'est ce qu'on a fait, et on a eu le mérite de le faire le plus concrètement possible.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Bonaventure.


Intention d'Hydro-Québec d'imposer des frais d'administration à ses clients à cause du conflit de travail


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Depuis le début du conflit de travail chez Hydro-Québec, les clients de la société d'État ne savent plus sur quel pied danser. Et pour cause, M. le Président. Le 8 mai dernier, on apprend qu'Hydro-Québec menace d'imposer des frais d'administration à l'ensemble de sa clientèle qui choisit de payer son compte d'électricité par la poste. Quelques jours plus tard, on se réveille, et Hydro-Québec nous apprend qu'elle retire sa menace d'imposer des frais d'administration à sa clientèle justement qui choisit de payer son compte d'électricité par la poste. Cependant, cette semaine, surprise pour des millions de Québécois qui, en recevant leur compte d'électricité, se rendent compte qu'Hydro-Québec revient à la charge avec sa menace d'imposer des frais d'administration pour sa clientèle qui choisit justement de payer son compte d'électricité par la poste. Et comble de l'aberration, M. le Président, Hydro-Québec a choisi volontairement de ne pas joindre au compte d'électricité l'enveloppe-retour qui habituellement fait partie du compte d'électricité.

Alors, M. le Président, ma question au ministre des Ressources naturelles: Est-ce que le ministre est d'accord avec cette attitude arrogante d'Hydro-Québec? Est-ce que le ministre accepte que les clients d'Hydro-Québec M. le Président, fassent les frais du conflit de travail?

Le Président: M. le ministre des Ressources naturelles.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, non, je ne suis pas d'accord que les clients d'Hydro-Québec subissent les contre-coups du conflit de travail qui sévit actuellement au sein de l'entreprise. Et je pense que le deuxième avis paru dans les journaux devrait être le bon, et c'est celui-là qui devrait être suivi.

Le Président: M. le député de Richmond, en principale.


Profits réalisés par les distributeurs et les transformateurs de porc au cours de la dernière année


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Oui, M. le Président. M. le Président, 1998 aura été une année très difficile pour les producteurs de porc québécois. D'autant plus difficile que, pour convaincre le gouvernement du Québec de leur détresse, ils ont dû manifester sur l'autoroute 20, d'où ils ont été expulsés, comme on le sait, par la Sûreté du Québec. Mais, pendant que les producteurs devaient vendre leur porc en dessous de leur coût de production, le prix payé par le consommateur baissait à peine. La chute sans précédent du prix du porc payé aux producteurs ne s'est donc pas traduite par une baisse du prix auprès du consommateur.

En pareille situation, quelles sont les dispositions qui ont été prises par le ministre de l'Agriculture pour vérifier si des profits excessifs auraient été réalisés par les intermédiaires sur le dos et des producteurs et des consommateurs, d'autant plus que le gouvernement du Québec aura dû investir au cours de la dernière année au-delà de 200 000 000 $ pour assurer un prix raisonnable aux producteurs de porc du Québec et éviter une véritable catastrophe l'automne dernier? M. le Président, est-ce que le ministre est en mesure de nous indiquer où est passé tout cet argent du porc?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, d'abord, il est juste d'indiquer que nous avons convenu d'une entente avec la Fédération des producteurs de porcs du Québec pour ajouter 9,54 $ au prix de coût de production de chaque unité en vue de maintenir nos capacités de production au Québec et ainsi couvrir par le régime d'assurance – un régime d'assurance, M. le Président – les risques courus par ces producteurs et ces productrices dans le domaine de cette production.

Par ailleurs, nous avons entrepris des travaux visant à identifier quelle est la marge de profit, les marges qui se sont dégagées pour les distributeurs et les transformateurs, compte tenu du prix du marché international pour ce produit alimentaire, cette production au Québec. La réponse que nous avons obtenue jusqu'à maintenant, c'est qu'il y a eu une baisse de 11 % en moyenne des prix du porc sur le marché québécois pendant cette période. Et nous poursuivons, avec un groupe d'étude spécialisé sur cette question, l'analyse des résultats et de l'examen, puisque ce n'est pas facile à identifier, les revenus qui sont engendrés par tout l'ensemble des éléments de cette production, lorsque c'est rendu sur la tablette ou dans les marchés de consommation.

À cet égard, M. le Président, je voudrais aussi corriger l'information qui s'est glissée dans la question du député. L'État n'a pas investi 200 000 000 $ pour supporter cette production. Nous avons, comme c'est convenu avec la Fédération des producteurs... Ce que nous avons fait, c'est que nous avons permis au régime d'assurance de jouer son rôle lorsqu'il y a des catastrophes dans ce domaine de production.

Le Président: M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre, qui vient de nous faire part d'un écart sur les tablettes de 10 % environ du prix payé par le consommateur, peut nous indiquer s'il a l'intention de se soucier si quelqu'un, au cours de la crise dans le domaine porcin, s'est graissé la patte, puisque le prix payé aux producteurs, lui, a été réduit de 200 % à 300 %? C'est là l'objet de ma question, M. le Président. Est-ce que le ministre a l'intention de vérifier s'il y a eu des abus quelque part dans le système qui ont fait en sorte que cet argent-là a fondu comme de l'eau?

Le Président: M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Bien, c'est précisément ce que je réponds au député de Richmond, M. le Président. Nous sommes à examiner une analyse fine de la question. Oui, évidemment, il y a une différence entre ce qui s'est payé au marché international pour cette production et, par ailleurs, le prix à la consommation. Jusqu'à maintenant, nous avons d'abord identifié la marge de différence entre les prix pour une période comparable et, par ailleurs, nous allons tenter d'obtenir les réponses pour connaître là où s'est dirigée la marge entre les deux productions pour identifier peut-être ce que le député appelle quelqu'un qui se serait graissé la patte à quelque part.

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, maintenant, en question principale.


Augmentation salariale des travailleurs en garderie


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. M. le Président, lors d'une conférence de presse tenue le 20 mai dernier, la ministre en titre de la Famille et de l'Enfance annonçait le plan de redressement salarial dans les services de garde. Elle a indiqué que, à propos du pourcentage du personnel touché par cette mesure, et je la cite, «ce serait 100 % parce que tous voient leur salaire corrigé». Dans un récent article dans le journal The Gazette , une porte-parole de la ministre déléguée, cette fois-ci, à la Famille et à l'Enfance signalait que l'augmentation salariale est un exercice d'équité à l'intérieur du réseau seulement et, je cite, «we never said we wanted to increase the salaries of day-care workers», on n'a jamais dit qu'on avait l'intention d'augmenter le salaire des travailleuses.

La question est fort simple, M. le Président: Qui dit vrai? la ministre en titre ou la porte-parole de la ministre déléguée? Et est-ce que la ministre déléguée est en mesure de répéter aujourd'hui les propos rassurants de sa collègue afin que 100 % des travailleuses en garderie soient touchées par des augmentations salariales prévues?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre déléguée à la Famille et à l'Enfance.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: M. le Président, il m'apparaît très important de souligner que le gouvernement du Parti québécois a tenu sa promesse et que le rattrapage salarial s'est fait dans le réseau des centres à la petite enfance du Québec.

Des voix: Bravo!

(10 h 50)

Mme Léger: J'aimerais dire, M. le Président, que c'est un moment historique, que tout le personnel s'en réjouit. Il y a eu un groupe de travail qui nous a fait des recommandations, et ces recommandations font l'affaire de tout l'ensemble du milieu des centres de la petite enfance. Tout le milieu est concerné: le milieu familial, les garderies à but lucratif, tout le personnel en garderie, les directeurs, les gestionnaires et tous les travailleuses et travailleurs en garderie, M. le Président. Et le rattrapage se fait pour tout ce monde-là.

Le Président: M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: M. le Président, si cela est vrai, est-ce que la ministre comprend qu'avec les 148 000 000 $ budgétisés sur les quatre ans, qu'avec les augmentations de 44 000 000 $ pour la première, deuxième, troisième et quatrième année, auxquels s'ajoutent 38 000 000 $ dans la deuxième, 32 000 000 $ dans la troisième, 32 000 000 $ dans la quatrième, elle n'arrive pas à avoir la moitié des sommes requises pour faire face à tous ses engagements, avec 148 000 000 $? Qu'est-ce qui se passe? Est-ce qu'elle s'est trompée dans les chiffres ou est-ce qu'elle tripote le 40 % offert aux...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, manipuler des chiffres ou tripoter des chiffres, ça a une même signification. Retirez vos propos et reposez votre question rapidement.

M. Copeman: M. le Président, je les retire, je les remplace par: Est-ce qu'elle laisse planer des faux espoirs en annonçant 40 % d'augmentation avec moins de la moitié de la somme requise pour faire face, sur les quatre ans?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Nicole Léger

Mme Léger: Je sais, M. le Président, que c'est peut-être agaçant pour le député de Notre-Dame-de-Grâce de voir que le gouvernement du Parti québécois a tenu sa promesse et que le rattrapage salarial s'est fait. M. le Président, les sommes sont disponibles, c'est 148 000 000 $ étalés sur quatre ans, et il y a une moyenne de 38 % de rattrapage salarial qui se fait dans le milieu des garderies, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Proposition de modification du calendrier scolaire pour aider l'industrie touristique


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. S'il y a un constat qui fait l'unanimité dans les milieux touristiques et économiques, c'est bien celui de retarder la rentrée scolaire en septembre pour les étudiants de l'université et du cégep et aussi d'étaler sur deux semaines la période qu'on connaît comme étant la relâche scolaire d'hiver.

Le Regroupement québécois pour la modification du calendrier scolaire nous donne les chiffres suivants qui démontrent que le maintien des emplois au mois d'août serait de 950 emplois, et on parle de revenus de 35 000 000 $ engendrés. Et, pour ce qui est de la relâche au mois de mars, on parle du maintien de 450 emplois et de 21 000 000 $ de revenus additionnels.

Ma question au ministre délégué au Tourisme: Se rappelle-t-il, M. le Président, lors de l'étude des crédits, qu'il s'était engagé à consulter les intervenants du milieu touristique, à convaincre les administrateurs scolaires, je le cite, «le monde syndical, pour convaincre aussi les gens des cégeps qu'il y a aussi des avantages pédagogiques à faire en sorte qu'on puisse modifier le calendrier scolaire»?

Est-ce que le ministre délégué peut nous dire la suite qu'il a donnée à ce dossier-là, étant donné qu'il est trop tard pour la rentrée 1999-2000, s'il a consulté le ministre de l'Éducation et quelle suite il a donnée à ce dossier-là?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre délégué au Tourisme.


M. Maxime Arseneau

M. Arseneau: Alors, merci, M. le Président. D'abord, je remercie la députée de Jean-Talon de me poser cette question en Chambre.

Des voix: Oui!

Des voix: Bravo!

Le Président: Bien, sur ce sursaut d'émotion à la fin de la période des questions et des réponses orales, peut-on laisser le ministre maintenant répondre?

M. Arseneau: Merci, M. le Président. Alors, les Îles-de-la-Madeleine provoquent toujours des émois, mais...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Arseneau: En fait, c'est la première question de ma vis-à-vis au Tourisme, mais ça me permet de mentionner que l'industrie touristique se porte très bien, M. le Président. Et effectivement la question soulevée par la députée de Jean-Talon est une question importante. C'est une question qu'on a abordée lors du dernier Forum de l'industrie touristique, ce printemps.

J'ai aussi rencontré le président du comité, M. Labrie, et j'ai effectivement fait des représentations auprès de mon collègue à l'Éducation. Mais on a à chaque fois mentionné qu'il s'agit d'un dossier qui est très difficile, puisque vous savez que le calendrier scolaire est une matière de négociations locales, et les gens de l'opposition le savent très bien. Actuellement, il y a des négociations qui sont en cours. Et l'engagement que j'ai pris, c'est de faire en sorte qu'on allait se donner des arguments pour convaincre le milieu scolaire et pour convaincre l'industrie touristique, ça va de soi, qu'il faut aller dans ce sens-là. Et nous y travaillons. Et, si mon collègue le ministre de l'Éducation veut ajouter et confirmer que les démarches sont engagées, je le remercie beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, le complément de réponse du ministre de l'Éducation viendra à une autre période de questions à la suite, peut-être, d'une autre question.


Réponses différées


Non-remboursement de certaines dépenses aux participants du Programme d'assistance-emploi

Entre-temps, nous allons passer à la réponse différée de Mme la ministre d'État au Travail et à l'Emploi relativement à une question posée le 2 juin dernier par Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, question qui concernait un cas de coupure de frais supplémentaires dans le cadre d'une mesure d'Emploi-Québec. Alors, Mme la ministre, d'abord.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: Alors, M. le Président, effectivement, le 2 juin dernier, la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a souligné un dossier d'une personne en particulier. Évidemment, je ne donnerai pas d'informations trop nominatives, mais effectivement j'ai pris avis de cette question à ce moment-là pour réaliser par la suite que la députée nous a parlé, nous a engagés dans un dossier qui était réglé depuis le 21 mai, puisque cette dame-là avait fait parvenir une lettre à mon cabinet et que j'avais demandé qu'on vérifie ce dossier-là.

Il s'agit, dans ce cas-là, du fait que cette dame, effectivement, était engagée dans une mesure et qu'il y avait, au niveau du centre local d'emploi, un désir – et je pense qu'on ne peut pas leur reprocher ça – de faire un état de situation avec chacun des participants pour vérifier ponctuellement si les choses fonctionnaient bien. Alors, c'est un peu ce qui s'est passé. Il y a eu une pause d'un certain temps. Et, depuis, cette dame-là a reçu l'aide financière qui était prévue dans son parcours, parce que, visiblement, son parcours était tout à fait approprié.

Alors, c'est le sens d'ailleurs du parcours individualisé. Écoutez, on ne dit pas à une personne: Voici, vous vous engagez, et on ne lui parle plus jamais, on ne parle plus de rien. Il nous faut avoir ces mises au point là avec les personnes, bien les accompagner. Alors, c'est ce qui s'est passé dans ce dossier-là. Le dossier est donc réglé depuis le 21 mai.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, au sujet du dossier dont la ministre me parle, je trouve ça bien drôle parce que je n'avais même pas mentionné le nom de la dame. Alors, j'imagine que Mme la ministre me parle d'un dossier, là, que peut-être un de ses députés lui a transmis, parce que je n'avais pas donné le dossier.

Mais la réalité, c'est que seulement un organisme dans mon comté, la semaine dernière, m'a dit qu'il y a plus de 250 dossiers à traiter actuellement dans la même situation, des gens qui participent et que l'agent a téléphoné puis il a dit: On s'excuse, on n'a plus d'argent, on coupe les frais afférents, on les suspend.

Quand la ministre va-t-elle cesser de minimiser cette situation-là et quand va-t-elle exiger que l'on respecte à la lettre les ententes signées entre Emploi-Québec et les prestataires de la sécurité du revenu et que toutes les personnes du Québec à qui on a suspendu les paiements, M. le Président, vont recevoir dans les prochains jours les sommes qui leur sont dues?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.


Mme Diane Lemieux

Mme Lemieux: M. le Président, je pense que j'ai répondu amplement à ces questions-ci à cette période de questions. Je ne me ferai pas prendre au jeu d'ouvrir tout un autre débat. Dans le cas précis qui a été souligné par la députée, je vous dis que le dossier est réglé depuis le 21 mai.

(11 heures)

Des voix: Bravo!


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 36

Le Président: Bien. Nous allons maintenant passer au vote reporté.

À l'ordre, s'il vous plaît! Le vote porte sur la motion de Mme la ministre d'État de la Santé et des Services sociaux qui propose que le principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, soit adopté. Je vous indiquais que je souhaite que le vote se passe correctement, en silence.

Alors, que les députés en faveur de la motion veuillent bien se lever, d'abord.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Landry (Verchères), M. Legault (Rousseau), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Lemieux (Bourget), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), Mme Maltais (Taschereau), M. Arseneau (Îles-de-la-Madeleine), M. Cliche (Vimont), M. Jolivet (Laviolette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Perreault (Mercier), M. Bertrand (Portneuf), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Julien (Trois-Rivières), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Baril (Berthier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Boisclair (Gouin), Mme Caron (Terrebonne), M. Facal (Fabre), Mme Goupil (Lévis), M. Chevrette (Joliette), M. Baril (Arthabaska), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Simard (Richelieu), M. Rioux (Matane), M. Bertrand (Charlevoix), M. Lachance (Bellechasse), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Payne (Vachon), M. Létourneau (Ungava), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Beaumier (Champlain), Mme Charest (Rimouski), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Laprise (Roberval), M. Paré (Lotbinière), M. Jutras (Drummond), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Pelletier (Abitibi-Est), M. Boucher (Johnson), M. Kieffer (Groulx), Mme Doyer (Matapédia), M. Lelièvre (Gaspé), M. Gagnon (Saguenay), M. Côté (La Peltrie), Mme Barbeau (Vanier), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Simard (Montmorency), M. Cousineau (Bertrand), Mme Blanchet (Crémazie), M. Paquin (Saint-Jean), M. St-André (L'Assomption), M. Duguay (Duplessis), M. Geoffrion (La Prairie), M. Bédard (Chicoutimi), M. Désilets (Maskinongé), M. Bergeron (Iberville), M. Boulianne (Frontenac), M. Labbé (Masson), M. Côté (Dubuc).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Charest (Sherbrooke), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Bourbeau (Laporte), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Gobé (LaFontaine), M. Benoit (Orford), M. Laporte (Outremont), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Després (Limoilou), M. Williams (Nelligan), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Brodeur (Shefford), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Gautrin (Verdun), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Mulcair (Chomedey), M. Fournier (Châteauguay), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Pelletier (Chapleau), M. Ouimet (Marquette), Mme Beauchamp (Sauvé), Mme Jérôme-Forget (Marguerite-Bourgeoys), M. Dupuis (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Normandeau (Bonaventure), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Whissell (Argenteuil), M. Cholette (Hull), M. Tranchemontagne (Mont-Royal), M. Marcoux (Vaudreuil), M. Lamoureux (Anjou).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:68

Contre:46

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de Mme la ministre d'État de la Santé et des Services sociaux est adoptée.

Des voix: Adopté.

Le Président: Alors, en conséquence, le principe du projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec, est adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Brassard: Alors, M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Président: Cette motion est-elle adoptée? Adopté.


Motions sans préavis

Nous allons maintenant aborder les motions sans préavis. D'abord, M. le député de Johnson.


Féliciter Sara-Maude Boucher, de Saint-Denis-de-Brompton, athlète junior de l'année en ski alpin au Canada

M. Boucher: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec félicite Sara-Maude Boucher, de Saint-Denis-de-Brompton, qui a été choisie athlète junior par excellence de l'année en ski alpin au Canada, vendredi dernier, le 4 juin 1999.»


Mise aux voix

Le Président: Alors, je comprends qu'il y a d'abord consentement pour la présentation de la motion, et sans débat. La motion est adoptée? Très bien. M. le député de Robert-Baldwin.

M. Marsan: Oui, merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Québec la tenue d'une consultation publique élargie pour entendre les chômeurs, les personnes assistées sociales, les chercheurs d'emploi, les groupes communautaires et les entrepreneurs des différentes régions du Québec sur la gestion et l'administration d'Emploi-Québec.»

Une voix: Bravo!

Le Président: Y a-t-il consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement, y a-t-il consentement? Il n'y a pas consentement, M. le député de Robert-Baldwin.

M. le leader du gouvernement.


Révoquer le renvoi du projet de loi n° 204 à la commission de l'aménagement du territoire et le déférer à la commission des institutions

M. Brassard: M. le Président, je vais solliciter le consentement, cependant, des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante, en vertu de l'article 186 du règlement de l'Assemblée nationale:

«Que soit révoquée la motion adoptée par cette Assemblée le 21 avril 1999, qui envoyait le projet de loi d'intérêt privé n° 204, Loi concernant certains immeubles du cadastre de la paroisse de Saint-Esprit, à la commission de l'aménagement du territoire et que ledit projet de loi soit déféré plutôt à la commission des institutions.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement? Consentement. Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Procéder à une consultation générale sur le projet de loi n° 47

M. Brassard: Conformément à l'article 235 du règlement de l'Assemblée nationale, je fais motion pour:

«Que la commission de l'économie et du travail procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques sur le projet de loi n° 47, Loi concernant les conditions de travail dans certains secteurs de l'industrie du vêtement et modifiant la Loi sur les normes du travail, à compter du 1er septembre 1999;

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 23 août 1999; et

«Que la ministre d'État au Travail et à l'Emploi soit membre de ladite commission pour la durée de ce mandat.»


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, toujours à la rubrique Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, j'avise cette Assemblée, M. le Président, que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 39, Loi concernant la Société nationale du cheval de course, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 44, Loi modifiant la Loi de police, après les affaires courantes jusqu'à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'éducation entendra le groupe de travail sur la place de la religion à l'école, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions procédera à des consultations particulières ainsi qu'à l'étude détaillée du projet de loi n° 20, Loi modifiant la Loi sur les permis d'alcool et la Loi sur la Régie des alcools, des courses et des jeux, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 30, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités et d'autres dispositions législatives; projet de loi n° 46, Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale et la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux, aujourd'hui, de 15 heures à 17 h 30 et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 60, Loi sur l'évaluation environnementale du projet de parachèvement du développement hydroélectrique de la rivière Churchill, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

(11 h 10)

Que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 36, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec; projet de loi n° 53, Loi sur la Corporation d'hébergement du Québec, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle 1.38b de l'édifice Pamphile-Le May;

Que la commission des institutions entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 204, Loi concernant certains immeubles du cadastre de la paroisse de Saint-Esprit, le mercredi 16 juin 1999, de 15 heures à 17 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Qu'en dérogation aux règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale quant au délai de convocation des intéressés dans le cadre de l'étude d'un projet de loi d'intérêt privé – l'opposition en est avisée – la commission des finances publiques entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 217, Loi concernant Club de Curling et Social de Magog, Limité, le vendredi 11 juin 1999, de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Tout en vous signalant, et en signalant à cette Chambre évidemment, ceux qui ont suivi les avis touchant les travaux des commissions, qu'il y a quatre commissions qui vont siéger ce soir, en soirée, donc que l'Assemblée, la Chambre elle-même, ne siégera pas.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement quant au délai de convocation des intéressés?

M. Paradis: Simplement, M. le Président, par mesure de prudence, est-ce que le leader du gouvernement peut assurer les membres de cette Assemblée qu'il n'y a pas d'intéressés qui vont être spoliés par le fait que le délai prévu au règlement ne soit pas respecté?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, à ma connaissance, non. Et c'est d'une certaine façon aussi à la demande du député qui parraine ce projet de loi que nous avons proposé cette dérogation.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il y a consentement? Consentement.

Alors, pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira en séance de travail aujourd'hui, mercredi le 9 juin 1999, de 13 heures à 15 heures, à la salle RC.171 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de prendre en considération le projet de rapport sur les travaux d'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics et de planifier les travaux pour l'automne 1999.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Rubrique Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le whip de l'opposition officielle.

M. Fournier: Oui, M. le Président. Le 20 avril, lors de l'étude des crédits de Mme la ministre Santé, je suis intervenu pour lui demander si elle pouvait déposer des études comparatives de coût entre un projet au Foyer de Châteauguay et à l'édifice Christ-Roi, la maison Christ-Roi. Mme la ministre m'a répondu: «...je n'ai pas d'objection à rendre disponibles les études.» Et elle ajoute, plus tard: «...dans les [...] jours qui viennent.» C'était le 20 avril dernier.

Le 12 mai, n'ayant rien reçu suite à cet engagement, j'ai écrit à Mme la ministre. Depuis le 12 mai, je n'ai eu aucun accusé réception. Je suis donc dans une situation, en date du 9 juin, où il y a maintenant près de deux mois que j'ai demandé qu'on puisse me faire parvenir cette étude comparative. Engagement a été pris, la preuve en est dans les transcriptions. Et, même si je l'ai demandé et même si le secrétariat de la commission l'a aussi demandé, nous sommes toujours dans l'attente de ce document.

Est-ce que je peux demander au gouvernement de faire diligence et enfin, pour une fois, de respecter un engagement somme toute assez banal: déposer, produire un document?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Je ne souhaiterais pas que le whip de l'opposition officielle souffre d'une attente supplémentaire. J'irai aux nouvelles dès aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Richmond.

M. Vallières: Oui, M. le Président, dans le même ordre d'idée, des questions ont été adressées au ministre de l'Agriculture en commission parlementaire et qui portaient sur une question importante, comme suite à l'achat et à la revente possible de certains quotas de lait. J'aimerais savoir si on est mesure de s'assurer que nous pourrons connaître une réponse à cette question avant la fin de nos travaux qui sont actuellement en cours.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: M. le Président, entre aujourd'hui et la fin de nos travaux, il y a plusieurs jours. J'irai également aux nouvelles, soucieux de ne pas faire souffrir le député de Richmond d'une attente injustifiée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader. Alors, ceci met fin aux affaires courantes.


Affaires du jour

Nous allons immédiatement débuter les affaires du jour. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous réfère à l'article 41 de l'ordre du jour.


Projet de loi n° 32


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements de la ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 41 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 de notre règlement par Mme la ministre de la Justice. Alors, ces amendements sont déclarés recevables. Y a-t-il des interventions sur le rapport de la commission des institutions? M. le leader adjoint du gouvernement.


M. André Boulerice

M. Boulerice: Pour et au nom de la ministre, M. le Président, et je reprendrai essentiellement les propos qu'elle aurait aimé tenir en cette Assemblée et je pense que mes collègues de part et d'autre savent que la séance du Conseil des ministres devrait débuter d'ici quelques secondes...

Et tout en me permettant, M. le Président – l'occasion est fort belle, je ne vois pas pourquoi je m'en priverais – de saluer un de mes électeurs qui m'a fait le plaisir d'être dans les tribunes, aujourd'hui.

M. le Président, la ministre aurait aimé simplement saisir cette occasion de la prise en considération du rapport de la commission des institutions pour remercier tous les députés, quelle que soit leur appartenance politique, donc les députés tant du côté ministériel que du côté de l'opposition officielle – et je fais également miens ces propos – de tout le travail effectué au moment de l'étude article par article du projet de loi n° 32, qui est la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait.

Les travaux, M. le Président, se sont déroulés avec sérieux et, à l'occasion, humour, compte tenu de la présence du député de Verdun, et dans un esprit de collaboration, je crois, qui était de mise pour l'étude d'un projet de loi aussi important pour notre société, un projet de loi qui, d'ailleurs, et il est bon de le rappeler, a l'aval de tous les partis représentés en cette Assemblée nationale.

Avec les remarques constructives des députés, notamment celles du député de Verdun, M. le Président, qui s'est fait un devoir d'étudier minutieusement chaque disposition, nous avons été en mesure de présenter quelques amendements qui ont pour effet bien évident de bonifier le projet de loi qu'il nous tarde, je le souligne en son nom et forcément en mon nom, de voir adopté par l'Assemblée nationale. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Nous allons maintenant céder la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je dois, d'emblée, excuser notre porte-parole, qui est le député de Marquette, qui viendra un peu plus tard intervenir sur ce débat. Et je veux donc intervenir comme membre de l'Assemblée et non pas comme porte-parole.

Je dois dire que j'ai regardé les amendements sur lesquels on avait convenu qu'ils seraient déposés d'ailleurs à l'époque de prise en considération du rapport et qui touchaient essentiellement la version anglaise du projet de loi. La nouvelle rédaction me satisfait, et je dois dire que je suis d'accord avec les amendements à la version anglaise qui sont déposés.

(11 h 20)

Je profiterai des minutes qui me sont imparties pour énoncer deux regrets que l'opposition a eus dans l'étude de ce projet de loi, et ça touche essentiellement deux types d'amendements que nous aurions voulu voir inclus à l'intérieur du projet de loi. Vous savez certainement, parce que vous connaissez bien, M. le Président, le corpus des lois du Québec, que, lorsqu'on parle de conjoints de fait, il existe de nombreuses définitions de «conjoints de fait». Mais je ne rentrerai pas ici dans les différentes définitions de «conjoints de fait». Il y a, en particulier, un concept qui est présenté, c'est-à-dire un concept où on dit: Pour être conjoint de fait, il faut être présenté comme conjoint. Nous aurions voulu l'idée relativement plus généreuse qui se trouve à l'intérieur de définitions des conjoints de fait qu'on trouve dans le Régime de rentes, le RREGOP, le RRE et le RRF, dans lesquels on utilise «présenté comme son conjoint par la personne», qui clairement disait que c'était l'individu qui présentait, qui définissait qui était son conjoint de fait et, dans ce cas-là, qui va être son conjoint de même sexe, alors que d'autres lois – et j'y fais référence – utilisent simplement «présenté comme conjoint», où on utilise le concept de commune renommée pour établir le fait qu'une personne est un conjoint ou non.

Ça a l'air banal, M. le Président, mais vous savez à quel point ça sera peut-être difficile, compte tenu de l'évolution de notre société, pour des personnes qui vivent ensemble et qui ont une relation de conjoints et qui sont de même sexe, mais qui n'ont pas voulu nécessairement en faire la même publicité, de pouvoir bénéficier de toute la portée de la loi, car la définition n'est pas la même d'un article à un autre.

Alors, M. le Président, nous avons systématiquement, à l'intérieur... Et ceux qui sont intéressés peuvent regarder les transcripts du débat en commission parlementaire, nous avons essayé d'argumenter pour uniformiser cette définition et prendre la définition la plus généreuse en ce qui touchait le concept de «présenté», c'est-à-dire utiliser celle qui est utilisée dans les lois sur les régimes de rentes. Malheureusement, la ministre et les ministériels n'ont pas été ouverts à cette tentative de modifier les définitions des «conjoints de fait».

M. le Président, je prends l'occasion ici de soulever la question, je souhaite qu'on en arrive à avoir dans l'ensemble du corpus des lois du Québec une définition de «conjoints de fait», aussi bien pour les conjoints de même sexe que les conjoints de sexes différents, qui soit uniforme, qu'on commence à s'y retrouver.

On a, dans la commission parlementaire, je pense, identifié une dizaine de définitions différentes, et il serait temps qu'on aborde de plain-pied une question où on finirait par arriver à la même définition. Je plaide ici qu'on aurait pu, puisque déjà on faisait une certaine révision, utiliser le «présenté par», ce qui aurait facilité l'application de la loi pour beaucoup de couples qui sont de même sexe et qui n'ont peut-être pas voulu voir publiciser, de la même manière que les gens de sexes différents, leur relation. Alors, M. le Président, ça a été un élément, à l'intérieur du débat, sur lequel nous aurions voulu faire avancer le projet de loi. Malheureusement, les ministériels n'ont pas suivi.

Il reste un deuxième point sur lequel nous, du moins, l'opposition a été plus sensible et a présenté un amendement qui n'a pas été retenu, malheureusement, M. le Président. On connaît la procédure, on sait à quel point un parlementaire de l'opposition ne peut pas déposer des amendements à un projet de loi qui entraîne des dépenses de la part du gouvernement. Nous avons néanmoins déposé un projet de loi, qui a été d'ailleurs retenu par le président, qui aurait entraîné possiblement des bénéfices, mais qui serait venu d'un organisme qui était extrabudgétaire, qui était la Régie des rentes.

Vous comprenez bien, M. le Président, que le projet de loi que l'on dépose et qu'on vote aujourd'hui est une question de justice. C'est une question de justice, le débat que l'on fait. Je ne referai pas ce qu'on a fait lorsqu'on a débattu du principe. Actuellement, nous faisons un geste pour établir et rétablir un droit qui aurait dû normalement être celui pour les gens de même sexe qui vivent une relation de conjoints. Nous aurions voulu, M. le Président, réparer une injustice. Ça se fait aujourd'hui pour le futur. Nous aurions voulu, particulièrement en ce qui touche la rente de conjoint survivant – je dis bien «particulièrement en ce qui touche la rente de conjoint survivant», parce que c'est là, dans le projet de loi, où il y aura le plus de questions financières impliquées – que, pendant une période limitée de transition de trois ou quelques mois, il y ait eu possibilité pour la Régie de recevoir pendant cette période de trois ou quatre mois des cas qui auraient eu lieu avant l'application de la loi. Parce que, si la mesure était injuste avant le vote de la loi pour ceux dont le conjoint était décédé avant la promulgation de la loi, elle restera injuste, M. le Président.

Et nous aurions pensé... Et ce n'aurait pas été un poids énorme sur la Régie des rentes, actuellement, qui, comme vous le savez, a un certain surplus actuariel dû au très bon comportement du marché boursier américain, quoique, à long terme – je reviendrai sur ce débat-là – il y a d'énormes nuages qui sont en train de s'accumuler au-dessus de la Régie, suite en particulier aux évolutions des courbes démographiques. Nous aurions voulu que, dans une période de transition, on permette à la Régie des rentes de recevoir des demandes de rente de conjoint survivant pour des couples homosexuels dont un des deux conjoints serait décédé avant la promulgation de la loi. Non pas pour tout le temps, mais pendant une période de trois mois la Régie aurait pu recevoir ces demandes de personnes dont le conjoint est décédé alors qu'ils étaient en relation de couple homosexuel, M. le Président. Si on croit et si on vote ce projet de loi aujourd'hui parce qu'on veut corriger une injustice, l'injustice existait aussi dans le passé, et il y aurait eu lieu de corriger l'injustice de ce qui s'était passé avant.

Malheureusement, M. le Président, et je le déplore, malheureusement, je le déplore – et je n'accuse pas ici le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, qui a essayé de convaincre sa ministre – le gouvernement n'a pas bougé sur ce qui aurait été une mesure transitoire qui aurait permis de faciliter et de corriger des injustices que chacun d'entre vous, parlementaires, dans cette Chambre, avez certainement rencontrées et allez rencontrer demain. Autrement dit, si, M. le Président, dans votre propre comté, un couple homosexuel qui était en relation de couple, qui étaient conjoints l'un avec l'autre et dont un des deux conjoints est décédé avant la promulgation de la loi, il n'aura pas droit à la rente de conjoint survivant. Si, dans ce couple, le conjoint décède après la promulgation de la loi, il aura le droit à la rente de conjoint survivant.

Parce que nous corrigeons une injustice, M. le Président, je crois qu'il aurait été normal qu'on assure une période de transition dans laquelle on aurait dit à la Régie: Vous auriez pu corriger les dossiers pendants, les dossiers qui sont devant les tribunaux, etc., pour éviter de régler ces clauses-là devant l'ensemble des tribunaux. Ça aurait économisé probablement des fonds au mécanisme judiciaire. Vous savez à quel point, M. le Président, il est bien préférable, sur le plan judiciaire, de régler hors cour que de régler devant une cour. Je regrette que la ministre n'ait pas eu cette ouverture-là.

(11 h 30)

Mais, ceci étant dit, dans l'ensemble, ce projet de loi va corriger une injustice. Nous aurions souhaité, M. le Président, qu'il corrige aussi une injustice pour les périodes passées. Néanmoins, mon temps étant écoulé, puisque le porte-parole va pouvoir prendre son temps, je vous remercie, M. le Président, et nous allons voter en faveur de l'adoption du rapport.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous allons maintenant céder la parole au député de Hull. Alors, M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Je suis heureux de pouvoir prendre la parole sur une question qui touche les droits de la personne, les droits de la jeunesse, un projet de loi qui parle de la justice sociale et justice des hommes et des femmes du Québec.

Mais, si on reprend un peu l'historique de ce dossier, on voit que dès 1994 le Parti québécois avait cette intention manifeste dans son programme électoral, et on doit malheureusement conclure qu'il en a pris cinq ans avant de pouvoir passer des paroles aux gestes, cinq longues années pour ces personnes qui vivaient une discrimination. Et ce temps me paraît extrêmement long et important pour des gens qui, de toute évidence, se voient reconnaître des droits égaux aujourd'hui.

Et, lorsqu'on reprend étape par étape le projet de loi n° 133, qui a été déposé en décembre 1995 et donnait une lueur d'espoir justement à ces gens, projet de loi qui a été adopté en 1996, qui pourtant excluait toujours un groupe de personnes, particulièrement celles touchées par le secteur des lois sur le Régime de rentes, seulement le secteur privé était touché par le projet de loi qui était adopté en 1996. Un grand pan de notre administration publique était resté en plan justement pour les gens qui étaient les plus durement touchés par cette discrimination.

Et aujourd'hui, au printemps 1999, le projet de loi n° 32 vient rétablir certains faits, une certaine justice dans ce domaine-là, et on doit aujourd'hui, M. le Président, en tant qu'opposition officielle, se réjouir du projet de loi. Et particulièrement pour ma part, en termes de porte-parole en matière de droits de la personne et de droits de la jeunesse, je dois me réjouir de voir le progrès que le Québec tout entier est en train d'accomplir aujourd'hui.

Et on peut voir aussi l'importance de ce projet de loi là en feuilletant les différentes pages qui constituent le projet de loi, quand on voit l'impact des modifications proposées aujourd'hui sur la vie quotidienne de milliers de personnes du Québec, des conjoints de même sexe, lorsqu'on regarde le nombre de lois qui sont touchées justement par les modifications législatives d'aujourd'hui.

Je me permets de les citer, M. le Président: La Loi sur les accidents du travail va être modifiée pour reconnaître justement les conjoints de même sexe; la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles; la Loi sur l'aide financière aux études; la Loi sur l'aide juridique; la Loi sur l'assurance-automobile; la Loi sur les assurances; la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit; le Code de procédure civile; la Loi sur les conditions de travail et le régime de retraite des membres de l'Assemblée nationale; la Loi sur les coopératives; la Loi concernant les droits sur les mutations immobilières; la Loi sur les élections scolaires; la Loi sur les impôts; la Loi sur les normes du travail; la Loi sur le régime de rentes du Québec; la Loi sur le régime de retraite de certains enseignants; la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix en services correctionnels; la Loi sur le régime de retraite des élus municipaux; la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics; la Loi sur le régime de retraite des enseignants; la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires; la Loi sur les régimes complémentaires de retraite; la Loi sur la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois; la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d'épargne; la Loi sur la taxe de vente du Québec; la Loi sur les tribunaux judiciaires; la Loi sur l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels; et la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Alors, en décrivant l'ensemble des lois qui sont modifiées par la loi n° 32 aujourd'hui, on peut voir l'impact important dans la société qu'on est en train de vivre aujourd'hui, puisque toutes les couches, tous les aspects de notre société vont être changés, modifiés, avec le respect maintenant des droits les plus fondamentaux des gens du Québec.

Par contre, il y a quand même un irritant dans tout cela, et l'irritant, c'est de voir le refus gouvernemental d'entendre des groupes, des consultations particulières sur le dossier. On voit comment on ratisse large lorsqu'on modifie ce genre de réglementation, et le gouvernement aujourd'hui nous dit qu'il n'est pas intéressé à avoir le point de vue de plusieurs groupes qui sont directement touchés par ces modifications. Et, si ce n'était qu'en termes pédagogiques, M. le Président, pour justement être capable de faire comprendre aux gens du Québec l'importance de ce projet de loi, ça aurait été bénéfique d'avoir une consultation particulière, mais malheureusement le gouvernement nous dit qu'il n'est pas intéressé à avoir l'opinion de ces groupes et on doit aujourd'hui décrier cette situation.

Il faut aussi dire, pour le bénéfice des gens du Québec, que le Code civil n'est pas modifié, M. le Président, et on n'est pas en train de reconnaître, notamment, la question de mariage et celle d'adoption pour les conjoints de même sexe. Il suffit de franchir pas à pas dans un dossier comme celui-là.

Alors, je veux répéter, M. le Président, que, nous, de notre côté, on est très conséquents avec nous-mêmes. Depuis 1993, le Parti libéral est d'accord avec cette prise de position, nous le sommes encore aujourd'hui, tout en décriant la lenteur du gouvernement dans ce domaine-là. D'ailleurs, au Conseil général de notre parti politique, en avril 1993, nous adoptions la résolution suivante: «Que le gouvernement élimine toute forme de discrimination en raison de l'orientation sexuelle, tant au niveau de la Charte des droits, des lois, des conditions et statuts légaux, des pratiques et règlements officiels et officieux de tous les ministères.» Alors, déjà, même en 1993, notre formation politique avait fait son lit, avait déjà dit que nous étions pour la justice sociale, pour l'équité entre les personnes, au Québec.

Et c'est sur ce point que je terminerai, M. le Président, parce que, aujourd'hui, nous vivons une situation où on est en train de reconnaître des libertés individuelles, ce qui revient à la base de notre programme politique, les libertés individuelles, la place du citoyen dans l'État plutôt que la place de l'État chez le citoyen, comme veulent bien faire comprendre au reste du Québec les gens d'en face.

Notre plateforme place le citoyen en premier lieu, au coeur des décisions gouvernementales. Par contre, malheureusement, pour le côté gouvernemental, le Parti québécois, bien, l'État est omniprésent, est le tout-puissant État qui influence directement la vie de tous les Québécois, laissant au lien individuel ou à la responsabilité individuelle une place très restreinte, contrairement à notre formation politique, qui met au coeur des décisions la liberté d'expression, la liberté de l'individu.

Essentiellement, M. le Président, aujourd'hui on est en train, avec un projet de loi, de reconnaître que le Québec est une société de tolérance, est une province de respect et de compassion, et c'est exactement les cordes sensibles de notre parti, qui favorise le respect, la tolérance et la compassion de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie, M. le député de Hull. Nous allons maintenant céder la parole, sur le même sujet, au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour, M. le Président, c'est pour moi un honneur de faire partie des discussions, du débat au sujet de la prise en considération du rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, Bill 32, An Act to amend various legislative provisions concerning de facto spouses. Malheureusement, M. le Président, je n'ai pas pu assister aux travaux de la commission des institutions là-dessus, au travail minutieux tel que décrit par le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Et je me réjouis, entre autres, que le député de Verdun ait pu apporter certaines corrections à la version anglaise de la loi. C'est une bonne chose, M. le Président.

Je pense toujours, depuis mon arrivée ici, à l'Assemblée nationale, il y a tout près de cinq ans, que, comme législateur, on a l'obligation de légiférer autant que possible dans un langage que le commun des mortels va comprendre, M. le Président. Nous avons probablement tous les deux assisté à divers travaux des commissions où des articles de projet de loi sont tellement complexes et difficiles à comprendre, de temps en temps mal rédigés, malgré les efforts soutenus des légistes, et c'est possiblement leur déformation professionnelle en tant qu'avocats... Mais j'ai toujours soutenu que c'est important pour le commun des mortels d'être capable de comprendre nos lois, M. le Président.

M. le Président, les notes explicatives du projet de loi n° 32 sont très courtes, ou la note explicative indique: «Ce projet de loi modifie les lois et règlements qui comportent une définition du concept de conjoint de fait pour que les unions de fait soient reconnues sans égard au sexe des personnes.» Assez anodin comme note explicative, M. le Président, mais dont la portée est beaucoup plus importante qu'on peut peut-être imaginer à la simple lecture de cette note. Mon collègue le député de Hull a indiqué le nombre imposant de lois et de règlements modifiés par ce projet, les conséquences claires de la reconnaissance des conjoints de fait de même sexe.

(11 h 40)

Pour moi, c'est une mesure également de justice sociale, ce projet de loi. Et je dirais même qu'il est essentiellement une mesure de concordance. Et je m'explique. En 1975, M. le Président, l'Assemblée nationale a adopté la Charte des droits et libertés de la personne sous le gouvernement de feu Robert Bourassa. Je vous le rappelle, M. le Président, c'est sous le gouvernement de mon parti qu'on a adopté la première Charte des droits et libertés de la personne.

D'ailleurs, M. le Président – je fais un petit aparté – nous avons reçu récemment, je pense – en tout cas, moi, je l'ai reçue – une copie de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, à notre bureau de comté, très bien encadrée, le cadre est magnifique. Elle est de toute beauté, cette Charte qu'on peut apposer dans nos bureaux de comté. Je trouve honnêtement un peu incongru que cet exemple de la Charte encadré aux frais des contribuables par le gouvernement du Québec actuel soit signé par le premier ministre actuel, le député de Jonquière. Je comprends très bien qu'il est le premier ministre actuel, là, mais ça laisse l'impression, je vous le dis très humblement, M. le Président, que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne est issue du gouvernement du premier ministre actuel. On sait que ce n'est pas le cas; notre Charte date d'il y a plus de 20 ans maintenant et a été adoptée par le gouvernement de feu Robert Bourassa.

Néanmoins, M. le Président, en 1978, changement de parti, le Parti québécois arrive au pouvoir et modifie la Charte – à son honneur, M. le Président, je le dis en toute franchise également – pour inclure dans la définition des choses qui sont interdites, basées... la discrimination interdite, la notion de l'orientation sexuelle. La discrimination basée sur beaucoup de différentes catégories est interdite, sans distinction, inclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'état civil, l'âge, la langue, l'origine ethnique, etc. C'est en 1978 qu'a été ajoutée à cette liste-là l'orientation sexuelle.

Alors, M. le Président, quant à moi, il est tout à fait normal et approprié que, si l'État québécois reconnaît les conjoints de fait de sexe opposé, ce qui est le cas depuis fort longtemps d'ailleurs, et si, depuis 1978, la discrimination basée sur l'orientation sexuelle est interdite formellement dans la Charte, il est quant à moi normal que, 21 ans plus tard, on inscrive dans nos lois la possibilité que des conjoints de fait du même sexe puissent bénéficier des mêmes conditions, de la même protection légale et avec les mêmes obligations – parce que c'est toujours une question de droits et de responsabilités, par contre – les mêmes droits et les mêmes responsabilités que des conjoints de fait de sexe opposé. Je trouve qu'il est tout à fait normal et approprié qu'on procède ainsi.

Et je dois vous dire de façon très personnelle, M. le Président, que, moi, je constate qu'il y a un consensus là-dessus au Québec, dans la société québécoise. Ce n'est pas unanime, c'est également tout à fait normal qu'il en soit. Mais les quelques voix discordantes dont j'ai pu prendre connaissance étaient basées sur, entre autres, des arguments de nature un peu économique. J'ai lu quelques commentaires de plusieurs personnes, dans des journaux, des journaux quotidiens, qui indiquaient qu'on faisait fausse route parce qu'on incluait la question des rentes de survivant aux conjoints de fait du même sexe et que, pour ce genre d'argumentation, on ne devrait par le faire parce que, essentiellement, les rentes de survivant étaient basées sur une unité économique qui était la famille et qu'il y avait lieu de protéger, entre autres, les enfants de cette famille. Alors, la critique de cette mesure était basée essentiellement sur le fait que ces mesures de concordance avec les rentes de survivant devraient s'appliquer uniquement à des familles, M. le Président, qui se reproduisent, qui ont des enfants, pour protéger les enfants, M. le Président.

Moi, j'ai trouvé, très personnellement, que cette logique manquait à une bonne argumentation considérant que, dans les conjoints de fait de sexe opposé, on ne prive pas l'un ou l'autre des partenaires d'une rente de survivant quand ils n'ont pas d'enfant. On connaît beaucoup de couples, M. le Président, de sexe opposé qui se sont mariés ou qui sont des conjoints de fait, qui n'ont pas eu d'enfants, dont l'issue n'était pas un enfant, et aucunement dans nos lois on prive de la rente de survivant la personne qui est impliquée en raison du fait qu'ils n'ont pas produit des enfants.

Alors, quant à moi, il serait absolument absurde, M. le Président, de prétendre qu'on devrait priver les conjoints de fait du même sexe d'une rente de survivant sur la base qu'ils n'ont pas eu des enfants pour procréer. Alors, quant à moi, M. le Président, cet argument ne tient pas debout, et je le rejette personnellement, et je me réjouis qu'on procède avec ce projet de loi.

Par contre, M. le Président, je veux simplement réitérer que je trouve dommage qu'on n'ait pas saisi l'occasion d'harmoniser la notion de conjoint de fait dans toutes les lois du Québec. Ça pose énormément de problèmes à la CSST, la SAAQ, l'aide sociale, la Régie des rentes du Québec. Il est, quant à moi, une peu chaotique, M. le Président, d'avoir une dizaine, une douzaine de définitions de qu'est-ce qui constitue un conjoint de fait pour l'application des diverses lois du Québec.

And so, Mr. Speaker, it's with pleasure that I participate in this debate and support the prise en considération, the consideration of the parliamentary commission's study of Bill 32 and indicate that we will vote in favor of the report of the commission. Thank you, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous remercie, M. le député Notre-Dame-de-Grâce, et nous allons maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. Alors, M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais participer dans la prise en considération du rapport sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, Bill 32, An Act to amend various legislative provisions concerning de facto spouses.

Je pense qu'aujourd'hui on fait un pas en avant pour la question de l'équité entre les citoyens et les citoyennes du Québec. Et je pense que c'est très important, à ce stade-ci, de rappeler, au niveau de la justice sociale, au niveau d'un traitement le plus égal possible entre tous les citoyens du Québec, que le projet de loi n° 32, comme je dis, est un pas en avant.

Parce que je pense que tout le monde ici a été profondément touché par les cas pathétiques des personnes, entre autres, qui étaient au travail et qui n'avaient pas le droit d'assister peut-être aux funérailles de leur proche parce qu'on n'a pas la reconnaissance des mêmes droits de conjoint qu'on est prêt à accorder dans les autres situations, un membre d'un couple gai qui a été laissé dans la pauvreté parce qu'il n'avait pas accès au fonds de pension ou aux autres régimes de retraite qui peut-être ont profité à son conjoint.

Alors, qu'est-ce qu'on fait aujourd'hui, je pense que c'est très important au niveau d'une certaine équité à la fois pour les régimes d'assurance, pour les fonds de pension, les régimes de pension, les accidentés du travail; je pense à 27 choses qui sont touchées dans le projet de loi aujourd'hui. Et, comme j'ai dit, pour assurer une plus grande équité dans notre société, c'est un pas en avant.

(11 h 50)

Mais je pense que c'est très important, M. le Président, de préciser la portée de ce projet de loi, qu'est-ce qu'il y a là-dedans et qu'est-ce qu'on ne traite pas dans ce projet de loi. Parce qu'il y a une certaine confusion, il y a un débat qu'on est en train de faire à Ottawa aussi sur certains autres volets de cette question. Alors, il faut limiter la portée ou préciser la portée de ce projet de loi. Avant tout, on parle ici de certains bénéfices qui découlent de la reconnaissance d'un conjoint de fait.

Comme mon collègue le député de Notre-Dame-de-Grâce l'a très bien expliqué, ça fait 21 ans maintenant qu'on a mis dans notre Charte des droits et libertés qu'on ne peut pas faire la discrimination sur l'orientation sexuelle. Alors, dès qu'on a une reconnaissance des conjoints de fait de sexe différent dans notre société, je pense qu'il faut donner suite à cette définition et accorder la même chose aux conjoints de même sexe, tout en reconnaissant – et ça, c'est un des débats peut-être pour un autre jour – que notre notion de conjoint de fait a beaucoup de ratés. C'est quelque chose qui a beaucoup d'imprécisions.

Alors, de dire qu'on a tout réglé aujourd'hui dans 32... Je pense qu'il faut reconnaître que qu'est-ce qu'on dit: on met les conjoints de même sexe dans le même bateau que les conjoints de sexe différent, et c'est compliqué. Et ce n'est pas un mariage – ce n'est pas le débat qu'on est en train de faire aujourd'hui – mais les bénéfices qu'un conjoint de même sexe peut avoir sont maintenant comparables aux bénéfices auxquels un conjoint de fait de sexe différent aura accès.

Mais je pense que c'est important aussi de rappeler que le choix de vivre en couple, ce n'est pas que des bénéfices, il y a également des obligations. Et, dans le projet de loi, surtout au niveau de l'aide sociale, il y a certaines obligations que la reconnaissance de couple aussi va comprendre. Alors, pour le monde qui dit qu'on est juste ici pour ajouter des bénéfices, légèrement on commence à reconnaître également qu'il y a des obligations, mais encore une fois sur une portée très, très limitée. Et un jour il faudra faire un débat élargi sur tous les bénéfices et les obligations de tous nos conjoints de fait. Et ça, c'est un débat, comme j'ai dit, peut-être pour un autre jour. Mais c'est quelque chose que, sur le plan financier, il y a également des obligations, et un jour le débat sera fait.

Également, et je pense qu'il faut le souligner à cause de certains articles qui ont été écrits dans les journaux, ce n'est pas un projet de loi pour définir c'est quoi, le mariage, ce n'est pas un projet de loi qui traite de la question de l'adoption, ce n'est pas une question des pensions alimentaires et d'autres sortes d'obligations entre les couples. Ça, c'est, comme j'ai dit, peut-être des questions où la société québécoise n'est pas encore prête à prendre les décisions, le débat n'est pas encore mûr. On a vu à Ottawa cette semaine, ce sont des questions très compliquées. C'est quoi, le mariage, c'est quoi, le rôle, le concept de mariage dans notre société? C'est une institution fondamentale, c'est quelque chose que, si on veut moderniser ou redéfinir l'idée, ça va prendre une très, très grande réflexion. On n'en est pas là.

Alors, je pense que c'est très important pour les personnes qui suivent nos travaux, qui ont suivi le débat sur le projet de loi n° 32, de rappeler sa portée et vraiment de ramener ça sur une certaine équité aux bénéfices, aux régimes d'assurance, aux fonds de pension. C'est là ce qui est cherché, et, comme j'ai dit, de partager. J'ai dit ça avec un petit peu d'humour, mais on a beaucoup de définitions de «conjoint» dans nos lois. Alors, maintenant la confusion qui régnait dans le passé pour les conjoints de fait de sexe différent va être partagée aujourd'hui avec les conjoints de fait de même sexe. Alors, ils sont tous dans le même bateau, mais, à travers nos lois et notre législation, ce n'est pas d'une clarté absolue quant à la notion de conjoint. Alors, il resterait le travail à faire.

Je veux aussi, juste entre parenthèses, remercier la ministre qui a enlevé l'article 30 du projet de loi qui traitait de la Loi sur la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris bénéficiaires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois. Parce qu'on est en train d'actualiser ou moderniser cette loi, alors ils ont convenu entre les Cris et le ministère de la Justice de retirer cet article pour l'incorporer dans une réforme plus en profondeur de la loi sur les chasseurs et piégeurs cris. Je veux juste rappeler à la ministre l'importance de ne pas perdre de vue cette obligation, que c'est une loi qui touche des milliers de familles cries, et c'est une loi très importante. Alors, je pense que le gouvernement a pris l'engagement de l'actualiser. Et, à l'intérieur de la réforme qu'on va faire sur la loi sur les chasseurs et piégeurs cris, je pense qu'on a tout intérêt que cette loi soit abordée peut-être dans la prochaine session de l'Assemblée nationale, à l'automne.

Mr. Speaker, what we're dealing with today is a difficult issue only in the sense that society always has difficulty dealing with difference. It's something everyone on the surface, so I... I like things to be different, but when you scratch a little bit deeper, you like people to be different as long as they're an awful lot like me. And I think we have to push ourselves a little bit further. The Québec Charter of Rights and other documents that we had here too, as a society, make it quite clear that we have to respect differences, that we have to find a place for tolerance, for greater understanding.

And that's a job that's never finished, Mr. Speaker, it's something that we have to be vigilant... As Thomas Jefferson said, the price of liberty is eternal vigilance. So I think it's something that wherever we see it in our society, wherever we see intolerance towards any minority, wherever we see people who have difficulty accepting difference, I think it's important for us to restate the principles of the Charter, it's important for us to say that you have a right to have different political opinions, you have a right to have a different sexual orientation, you have a right to speak other languages, you have a right to come from other countries in the world and live here in Québec, as long as you respect our law, as long as you respect our charters, that is what we require of you as a citizen, as a resident, but, beyond that, we have to respect your difference.

And, as I say, it may sound old hat but it's something that you can never say often enough. That's our civic religion, if you will. We need sermons, we need la profession de foi de temps en temps, comme société, qu'on a nos valeurs, qui sont enchâssées entre autres dans nos chartes des droits, qui sont très importantes. Et le respect et la tolérance de la différence est un défi de taille pour toutes les sociétés au monde, en tout temps.

Alors, aujourd'hui, comme je l'ai dit, c'est un pas en avant dans ce travail, c'est un pas en disant qu'on n'a pas réglé le plus grand débat sur les différences, sur les similarités entre un conjoint de fait et un mariage – et ça, c'est un autre débat pour une autre journée – mais au moins on a mis sur un pied d'égalité les personnes qui ont décidé de vivre comme couple, comme conjoints de fait, il y aura une équité quant à l'accès aux régimes et programmes gouvernementaux. C'est un pas en avant au niveau de la justice, c'est un pas en avant au niveau de la tolérance, et c'est pourquoi, moi, je vais voter, avec mes collègues, en faveur du projet de loi n° 32.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Nous allons maintenant céder la parole au leader adjoint de l'opposition et député de Chomedey. M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'opposition officielle, de participer à ce débat sur la prise en considération du rapport de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, Bill 32, An Act to amend various legislative provisions concerning de facto spouses.

M. le Président, plusieurs des intervenants qui m'ont précédé ont souligné la même chose, que le projet de loi qui est devant nous vise et s'inscrit dans la continuité d'un ensemble de modifications législatives cherchant à obvier, à éliminer une discrimination qui existait auparavant. Effectivement, cela fait environ une génération que le Québec a une charte des droits qui renferme une disposition disant qu'il est interdit de faire de la discrimination basée sur – et la phrase était assez sibylline à l'époque – l'orientation sexuelle. D'une manière intéressante, cette phrase, qui était assez innovatrice – ce n'est pas quelque chose que l'on voyait beaucoup dans les écrits – a été traduite littéralement ici, au Québec, «sexual orientation», et cette traduction-là est vraiment devenue le terme standard partout en Amérique du Nord depuis lors.

(12 heures)

Tout le monde comprend donc qu'il s'agit d'une loi qui vise à éliminer davantage et dans la mesure du possible la discrimination à l'égard des couples gais, les couples homosexuels et lesbiennes, notamment à l'égard de droits civils prévus aux termes de lois. C'est pour ça que le projet de loi n° 32 affecte des douzaines d'autres lois; on n'a qu'à les citer, des lois et des règlements, commençant par la Loi sur l'aide juridique, passant par le Code de procédure civile, même la Loi sur la taxe de vente du Québec. Vous voyez qu'il n'y a pas grand-chose qui n'a pas été touché là-dedans.

Mais, en somme, M. le Président, de quoi s'agit-il? Il s'agit d'une tentative par le législateur de recenser dans notre législation tout ce qui pourrait s'apparenter à une discrimination à l'égard des couples gais. Parce que c'est une chose de dire qu'on a une charte des droits qui dit que, si vous êtes propriétaire d'un restaurant, par exemple, et qu'il y a un couple gai qui arrive et qui est assis ensemble, vous n'avez pas le droit de les exclure – ça, c'est pris au sens premier. Puis, quand ça a été introduit il y a une génération, ce n'était pas évident comme concept non plus. Puis, aujourd'hui, le fait même de donner un exemple comme celui-là, il y a bien des gens qui vont dire: Ah! mais comment est-ce qu'une chose pareille est possible? Donc, c'est peut-être une indication que, au fur et à mesure que les années passent, au fur et à mesure que les moeurs et les habitudes dans notre société évoluent, bien, effectivement, les gens acceptent de plus en plus de reconnaître dans les faits ce qu'ils sont capables de reconnaître dans les paroles, c'est-à-dire qu'il n'y aura pas de discrimination à l'égard des couples de même sexe.

Ce qu'on a devant nous donc, c'est une tentative, un à un, d'éliminer les exemples de discrimination qui existaient et, pour le dire dans des termes, je crois... j'espère, du moins, que tout le monde peut comprendre... S'il y a un couple qui vit ensemble depuis un certain nombre d'années et que c'est un homme et une femme et que, après ce nombre d'années x, il y en a un qui peut avoir une pension si l'autre décède ou avoir droit à une prestation, puisqu'il a eu un accident d'auto, des choses de cette nature-là, ça change quoi pour qui d'appliquer les mêmes règles pour les couples gais? Est-ce que ça enlève quelque chose à quelqu'un d'autre?

Comme vous, sans doute, M. le Président, j'ai suivi une polémique intéressante soulevée dans les journaux, notamment par Jacques Henripin, qui avait son point de vue là-dessus. Il trouvait que ce n'était pas normal, qu'on acceptait ça trop facilement, que ce n'est pas bien; on s'est tous laissé endoctriner là-dessus. Peut-être, hein, c'est à ça que ça sert les débats comme ça, ça se peut que M. Henripin ait raison. Le fait est que je ne partage pas son point de vue. Suite à une endoctrination ou pas, je ne partage pas son point de vue. Pour ma part, ayant été élevé dans une société tolérante, libre, démocratique, moi, je n'ai jamais vu où était le problème de reconnaître les mêmes droits.

Il y a, par contre, un problème dans la solution, et ça a été très bien soulevé par mon collègue le député de Jacques-Cartier tantôt lorsqu'il a dit: Il faut faire attention de ne pas tout simplement répéter les mêmes inégalités qui existent déjà pour les conjoints de fait de sexe opposé. Et ça, c'est un point qui vaut la peine qu'on s'y attarde quelque peu, M. le Président. Vous savez que le Québec est la seule province au Canada, puis en fait la seule juridiction en Amérique du Nord, à ne pas reconnaître ce qu'on appelle en anglais «common law marriages». Alors, on appelle ça «common law marriages», justement, parce qu'en vertu de la «common law» d'Angleterre après un certain temps on peut accéder à des droits apparentés aux droits d'un couple marié légalement, juste du fait d'avoir vécu maritalement pendant un certain nombre d'années. Ce droit vient d'être extensionné, en vertu d'un jugement récent en Ontario, aux couples gais qui ont vécu ensemble pendant un certain nombre d'années, sauf qu'au Québec ni les couples de sexe opposé ni les couples gais peuvent accéder à ces droits dits de «common law marriage».

Il faut dire que le Québec est, sur les 60 juridictions en Amérique du Nord, et une cinquantaine d'États américains, et 10 provinces canadiennes, il y a juste le Québec qui est de droit civil d'inspiration française... et la Louisiane, oui, j'oublie parfois que je parle avec un juriste et un notaire qui connaît bien ça, effectivement, la Louisiane. Par contre, en Louisiane, on reconnaît les «common law marriages», c'est-à-dire, on reconnaît les mariages de fait basés sur le fait qu'on a vécu ensemble pendant un certain temps.

Qu'est-ce que ça veut dire concrètement pour les couples en question? Ça veut dire que, même si le législateur peut intervenir, comme on le fait aujourd'hui, et modifier des douzaines de lois et de règlements pour enlever les discriminations qui s'y trouvent, en ce qui concerne leurs droits patrimoniaux, ça ne change rien, parce qu'il n'en existe pas, ni pour les couples de sexe opposé ni, bien entendu, pour les couples gais.

Ce que la Commission des droits de la personne a déjà eu à dire là-dessus... Parce que, quand je dis que ça se situe dans une continuité – je vois mon collègue le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui était venu avec son prédécesseur, ici, le député de Louis-Hébert qui avait fait une première loi qu'on avait aussi appuyée à l'époque – il y a eu la Charte des droits, donc, qui a été modifiée, une génération, il y a une première loi il y a quelques années qui est venue faire un pas dans la bonne direction, puis ça, c'est un peu la manière de venir nettoyer tout ce qui restait.

Mais la Commission des droits de la personne a déjà dit: I l faut faire attention de ne pas tout simplement répéter les inéquités qui existent pour les couples de fait de sexe opposé pour les couples de fait du même sexe. Et, malheureusement, c'est là où on est rendu aujourd'hui. Quand ce projet de loi là a été soulevé comme idée, présenté justement par le même député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, voilà un an, il nous avait sollicités. Ça a pris le consentement de l'opposition à l'époque parce qu'on était en dehors des délais, et ce consentement en fin de session a été donné volontairement par l'opposition – il s'en souvient comme nous – parce qu'on trouvait que c'était important.

Mais maintenant qu'on a fait ça, il faut se souvenir aussi de ce que l'opposition officielle avait dit à l'époque. On avait rappelé que, parmi les couples de sexe opposé, le Québec était une des provinces et un des endroits en Amérique du Nord où on a le plus haut taux de personnes qui vivent maritalement sans être mariées. Et les gens vont parler de plus en plus: Ils sont «accotés» ensemble, ou des expressions du même genre. Et on avait à ce moment-là soulevé la question suivante: Pourquoi est-ce qu'on ne profite pas de ce débat pour ouvrir un autre débat sur le mariage et la famille au Québec en ce moment? Parce que non seulement on a un taux absolument extraordinaire de gens qui vivent maritalement sans être légalement mariés, mais aussi parmi les gens qui se marient, on a 50 % des mariages au Québec qui finissent par le divorce. Alors, on a un réel problème à la base.

Et peut-être une partie du problème, M. le Président, c'est que le Québec ne reconnaît pas de droits patrimoniaux, c'est-à-dire que, même si on a vécu ensemble – puis dans mon entourage j'ai un ami qui est dans cette situation-là – 30 ans de vie commune, le conjoint de fait décide de mettre fin à la relation, et elle n'a aucuns droits patrimoniaux. C'est important, ça, de le souligner, M. le Président. C'est la situation que l'on vit actuellement au Québec. Et je pense que le gouvernement serait bien avisé d'accepter notre invitation, d'accéder à notre invitation de regarder cet ensemble, les droits patrimoniaux, en vertu des relations dites de «common law», pour s'assurer qu'on n'est pas en train de faire fausse route. Parce qu'il n'y a aucune autre manière que je vois immédiatement – mais c'est à ça que ça servirait, une consultation – je ne vois pas comment on peut expliquer à la fois notre extrêmement haut taux de personnes qui vivent maritalement sans être légalement mariées et notre très haut taux de divorce pour ceux qui sont mariés.

Ceci étant dit, M. le Président, nous allons appuyer le gouvernement pour le projet de loi n° 32 parce que ça vise justement à éliminer une situation discriminatoire. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition. C'est véritablement un excellent débat juridique qui a été ouvert. Alors, je serais prêt maintenant à céder la parole au leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. J'interviens, je m'en confesse, un peu tardivement dans le cadre de ce projet de loi. Nous en sommes déjà à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission.

J'interviens, M. le Président, parce que j'ai eu l'avantage de suivre, non pas de façon continue, mais de façon sporadique, les travaux de ladite commission et parce que le député de Verdun également a proposé à l'occasion de cette commission des modifications qui ont été refusées par le côté gouvernemental pour des raisons que je n'arrive pas encore à saisir, M. le Président. Je sais que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a suivi ce projet de loi dès sa conception, et il va le suivre attentivement jusqu'à sa sanction par Mme le lieutenant-gouverneur. Mais je n'arrive pas à comprendre que ce projet de loi qui est important, qui est fondamental, qui modifie une vingtaine de lois, 28 pour être plus précis, 28 lois qui ont été adoptées par l'Assemblée nationale, qui modifie 11 règlements, n'ait pas pu, au niveau de la commission parlementaire comme telle, être bonifié par des amendements qui ont été suggérés par le député de Verdun.

(12 h 10)

Je me serais attendu à ce que mon bon ami le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques intervienne auprès de la ministre, auprès de ses collègues pour faire en sorte que ces bonifications au projet de loi nous soient transmises à cette étape-ci, M. le Président, mais, comme il le sait très bien lui-même pour être leader adjoint du gouvernement, il reste encore à Mme la ministre des possibilités de suggérer des propositions de bonification au projet de loi. Et, si le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques requiert encore une fois la collaboration et l'appui de l'opposition officielle pour que le projet de loi rencontre, encore de façon plus précise, les objectifs qu'il s'est donnés, il peut compter sur l'opposition.

Un deuxième élément, M. le Président, qui m'intrigue, c'est qu'on n'ait pas réussi, au moment de la présentation d'un projet de loi aussi fondamental, à simplifier la notion de conjoint à travers toutes les lois de la société québécoise.

M. le Président, je vais commencer et débuter mon exposé par les amendements qui ont été proposés par le député de Verdun et refusés par le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Je sais qu'il va prendre la parole un peu plus tard au cours de ce débat...

M. Boulerice: ...

M. Paradis: M. le Président, il me dit qu'il refuse pour refuser. Moi, j'ai toujours connu le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques comme quelqu'un qui était, dans ce type de projet de loi, avant-gardiste, quelqu'un qui était ouvert d'esprit, quelqu'un pour...

M. Boulerice: Question de règlement, M. le Président. Ce serait bon de resituer le débat, puisque j'ai peur que M. le leader de l'opposition n'ait pas été présent. Ayant intervenu pour et au nom de la ministre compte tenu qu'elle devait aller au Conseil des ministres, à ce moment-là, je suis privé d'un temps d'intervention, à moins que le leader consente à ce que je puisse tantôt intervenir. Mon bon ami de Brome-Missisquoi va sans doute acquiescer.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, il y aura consentement pour que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques puisse réintervenir sur ce projet de loi. Maintenant, si le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques souhaite intervenir, et fort de ce consentement de l'opposition officielle, est-ce qu'il peut répondre de façon la plus nette, la plus claire et la plus précise aux amendements qui ont été suggérés par le député de Verdun et qui visaient à faire de ce projet de loi un meilleur projet de loi pour les gens qui pourront en bénéficier?

La première modification suggérée par le député de Verdun touche la définition de «conjoint». M. le député de Verdun a tenté de retenir la meilleure définition. Celle qui est la plus favorable aux clientèles visées, c'est la définition qui est contenue présentement dans la Loi sur le régime de rentes. Et on sait comment le député de Verdun est un spécialiste dans ce domaine. En vertu de cette définition, il ne s'agit pas de reconnaître comme conjoint ce qu'on appelle un «conjoint de commune renommée», mais de préciser la définition et de parler d'un conjoint qu'on a présenté. Ça laisse aux parties impliquées le choix très précis de dire: Voici mon conjoint.

On sait toutes les contestations qui peuvent survenir dans le cadre de l'application des lois. «De commune renommée», ça va être d'une difficulté d'application qui n'honorera pas le législateur dans une cause aussi noble. À partir du moment où on veut parler clairement, que l'on donne la possibilité au conjoint de présenter qui est son conjoint. Je pense que, si le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a des arguments pour refuser un tel amendement, moi, j'ai hâte de les entendre, j'ai surtout hâte qu'il réussisse à m'en convaincre. Pour le moment, ce que j'ai entendu n'a pas réussi... ni réussi à convaincre le député de Verdun du bien-fondé d'un refus gouvernemental dans le cadre de ce projet de loi là.

Peut-être que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques ne dispose pas, au sein de son équipe ministérielle, de toute la marge de manoeuvre qu'on serait en droit de lui reconnaître, M. le Président. C'est peut-être un fardeau qu'il a à supporter. On appelle ça: la ligne de parti. Mais, parfois, il faut faire des choix entre ses convictions profondes et la ligne de parti. D'autres personnes politiques l'ont fait, dans le passé, et peut-être que ce choix arrive – la croisée des chemins, qu'on appelle ça, sur une carrière politique – peut-être que ce choix est arrivé pour le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

Deuxième amendement proposé par le député de Verdun et sur lequel j'aimerais entendre mon bon ami le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, toute la question de la période de transition. Il s'agit d'une question de justice, M. le Président. Et je sais qu'habituellement, dans ce type de projet, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques est sensible aux questions de justice. Le député de Verdun a proposé un amendement qui ferait en sorte que, pour les trois mois qui ont précédé le projet de loi comme tel, une personne puisse quand même bénéficier des effets du projet de loi si son conjoint est décédé dans cette période. Je pense qu'il ne s'agit pas d'une demande qui soit déraisonnable. On pense qu'il s'agit d'une demande qui est basée sur de la justice, comme telle.

Et là-dessus aussi, M. le Président, j'aimerais savoir pourquoi le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques... peut-être qu'il est lié par la décision du Conseil des ministres, peut-être qu'il n'a pas réussi à les convaincre, peut-être qu'il ne le souhaite pas personnellement, mais ça, ça m'étonnerait. À partir de ce moment-là, qu'il explique à l'Assemblée nationale pourquoi on refuse ces deux amendements. On a déjà indiqué, comme formation politique, qu'on voterait en faveur du projet de loi. Je lui indique d'ores et déjà que ça faciliterait le vote, que ça faciliterait la prise de décision finale au niveau de l'adoption finale. On est encore loin de cette étape. La ministre peut encore proposer, au niveau de l'adoption, des amendements, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques le sait. Tout ce qu'on lui demande de faire, c'est de travailler de façon consciencieuse, professionnelle et acharnée – et acharnée, dans ce cas-ci, M. le Président, et acharnée! – pour que les clientèles visées par le projet de loi puissent bénéficier de ces bonifications.

Troisième élément, M. le Président, c'est peut-être un reproche que j'adresse bien humblement à Mme la ministre de la Justice et au gouvernement, c'est de ne pas avoir profité de l'occasion pour simplifier les définitions de «conjoints de fait». Moi, je n'arrive pas à comprendre, comme législateur... Et les députés de l'autre côté qui font du bureau de comté, il en reste peut-être quelques-uns, on sait que, dans un deuxième mandat au pouvoir, c'est plus difficile, mais pour les députés qui feraient encore du bureau de comté, quand vous avez quelqu'un qui vient vous voir – vous le savez, M. le Président – un cas d'assurance-automobile, bien, une définition de «conjoint», c'est ça, dans l'assurance-automobile; quelqu'un qui vient vous voir pour l'aide sociale, bien, une définition de «conjoint», c'est autre chose, pour l'aide sociale; quelqu'un qui vient vous voir pour la CSST, bien, une définition de «conjoint», c'est autre chose, pour la CSST; quelqu'un qui vient vous voir pour un cas d'impôt, c'est autre chose, pour le ministère du Revenu. On a 28 lois qui ont 28 définitions différentes d'un conjoint, dans la société québécoise. Qu'est-ce qu'on a l'air, comme législateurs? Qu'est-ce qu'on a l'air, comme députés, quand on reçoit ces gens-là?

Moi, je ne comprends pas que la ministre de la Justice n'ait pas profité de l'occasion pour qu'on ait, au Québec, une définition de «conjoint». On est conjoint ou on ne l'est pas. Ce n'est pas parce qu'on a un accident d'auto qu'on est conjoint, puis qu'on a un accident de travail qu'on ne l'est pas, là. Il y a quelque chose d'illogique qui sous-tend ce projet de loi là. Et ce projet de loi là est tellement logique qu'on aurait dû profiter de l'occasion pour asseoir, pour l'ensemble des conjoints au Québec, une définition qui soit claire, nette et précise.

Mais, vous savez, M. le Président, il y a des gens, dans la vie, qui pensent que le pouvoir, c'est de compliquer les affaires. Plus on complique les affaires, plus on a de pouvoir parce que moins il y a de monde qui va comprendre. Ça, c'est une façon de gouverner, M. le Président! Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué?

Moi, ce que je suggère au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, à ce moment-là, M. le Président, c'est tout simplement de retourner à sa ministre et de lui dire: La définition la plus généreuse, celle qui est la plus réelle, celle dans laquelle vont se reconnaître davantage de Québécois et de Québécoises, c'est celle qui devrait faire l'objet de l'application dans toutes les lois québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition et député de Brome-Missisquoi.

M. Ouimet: Avec votre permission...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Marquette. Oui, allez.


Demande de directive


Possibilité pour un député de conserver son droit de parole après être intervenu au nom d'un ministre


M. François Ouimet

M. Ouimet: ...M. le Président. Question de directive, avec deux volets. Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques disait tantôt qu'il avait pris le temps de parole de la ministre de la Justice. Est-ce à dire que son temps de parole, qui est propre au député, est nécessairement épuisé, de ce fait? Dans un deuxième temps, M. le Président, le deuxième volet...


Décision du président

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vais répondre immédiatement à cette question, M. le député de Marquette. C'est que personne ne peut utiliser le temps de parole d'une autre personne, sauf que M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques pouvait soit parler pour lui-même en tant que député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, ou soit parler comme représentant de sa formation politique. Alors, à ce titre, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques pouvait obtenir un temps de parole de 30 minutes et, à titre de député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, il avait un temps de parole de 10 minutes. Alors, comme il a débuté son intervention ne sachant point s'il parlait comme représentant de sa formation politique ou comme député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, et comme son intervention a été bien en deçà de son temps de 10 minutes, alors, à ce moment-là, connaissant le règlement, ça prend nécessairement l'approbation, le consentement des deux côtés de la Chambre pour accorder au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques un temps de parole qui, à ce moment-là, pourrait être basé soit sur le temps de parole d'un député ou soit sur le temps de parole d'un chef d'une formation politique. Alors, je m'attends à ce que, lorsqu'il y aura consentement, vous me fixiez, effectivement, en vertu de quel temps de parole le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques pourra s'exprimer en cette Chambre.

Votre deuxième question de directive, M. le député de Marquette.

(12 h 20)

M. Ouimet: Deuxième volet, M. le Président. Je sais que le député de Saint-Jacques tenait à intervenir à nouveau, particulièrement pour répondre aux amendements qui ont été déposés par mon collègue le député de Verdun en commission parlementaire. Il a dit qu'il ne pouvait pas prendre la parole à nouveau, mais j'ai cru comprendre que le député de Brome-Missisquoi avait donné consentement à ce qu'il puisse intervenir.

Ma question, c'est juste de savoir: Est-ce que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a l'intention de se prévaloir de ce consentement pour intervenir à nouveau et puis pour répondre aux deux amendements déposés par le député de Verdun, parce qu'on n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi le gouvernement ne dit pas oui à de tels amendements?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, dès que mes honorables collègues d'en face auront terminé leurs exposés, je m'empresserai de répondre aux questions, mais le temps d'attente de la réponse dépend de vous. Soyez brefs, vous aurez la réponse rapidement. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader adjoint du gouvernement. Alors, je serais prêt maintenant à accueillir un autre intervenant en la personne de Mme la députée de Bonaventure. Mme la députée, vous avez un temps de parole de 10 minutes.


Reprise du débat sur la prise en considération du rapport de la commission


Mme Nathalie Normandeau

Mme Normandeau: Merci, M. le Président. Je tenterai d'être brève, au bénéfice du député de Sainte-Marie. Alors, merci, M. le Président. Il me fait très plaisir aujourd'hui de joindre ma voix à celle de mes collègues sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait. Plus spécifiquement, avec ce projet de loi n° 32, on apprend qu'il s'agit de modifier les lois et règlements qui comportent une définition du concept de conjoint de fait pour que les unions de fait soient reconnues sans égard au sexe des personnes.

M. le Président, voilà là le coeur du projet de loi, c'est-à-dire le fait de reconnaître les unions de fait sans égard au sexe des personnes. C'est un projet de loi d'importance, d'importance dans la mesure où on permettra dorénavant aux couples de même sexe de bénéficier de certaines mesures contenues dans plusieurs lois au Québec. Celles-ci font référence notamment à la Loi sur le régime de rentes du Québec, à la Loi sur les impôts, à la loi sur l'aide sociale et l'indemnisation des victimes d'actes criminels et à la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

M. le Président, ce ne sont là que quelques exemples de lois, de lois d'importance, il faut le souligner, qui doivent être modifiées pour permettre aux conjoints de fait vivant au Québec de bénéficier de certaines dispositions législatives contenues dans plusieurs de nos lois. Ces modifications, j'en suis convaincue, contribueront sans aucun doute à améliorer la qualité de vie des conjoints de fait au Québec.

M. le Président, nous pouvons être pour ou contre un tel projet de loi. Nous pouvons le saluer ou encore le décrier comme certains groupes l'ont fait. Certains le qualifieront d'audacieux, d'autres préféreront s'ériger en sa défaveur. Cependant, au-delà des positions qui sont souvent empreintes d'émotivité – et j'ajouterais d'une grande émotivité – il y a un aspect qu'il est important de ne pas négliger, celui du respect des libertés individuelles. Il ne s'agit pas ici, M. le Président, de privilèges mais donc de respect de ces libertés individuelles, libertés fondamentales.

D'ailleurs, le Parti libéral du Québec fait de ces libertés individuelles une de ses pierres d'assise, et j'ajouterais une de ses forces. Et, fidèle à lui-même, M. le Président, le Parti libéral du Québec adoptait en avril 1993, dans le cadre d'un conseil général, cette résolution qui va sûrement faire plaisir à mes collègues d'en face: «Que le gouvernement élimine toutes les formes de discrimination en raison de l'orientation sexuelle tant au niveau de la Charte des droits, des lois, des conditions et statuts légaux, des pratiques et règlements officiels et officieux de tous les ministère.»

Donc, M. le Président, en 1993, le Parti libéral du Québec a fait preuve de leadership entourant toute cette question d'importance pour les conjoints de fait de même sexe au Québec. Avec l'adoption, donc, d'une résolution de cette nature, le Parti libéral du Québec, à ce moment-là, a démontré sa fidélité à l'endroit des principes mêmes qui sont à la base de la constitution du Parti libéral du Québec. Et le geste qui a été posé à cette époque-là, en 1993, par les membres du Parti libéral du Québec témoigne sans nul doute d'une ouverture sur ce qui se passe dans notre société, témoigne d'une ouverture, d'une réceptivité très grande à l'endroit des changements de notre société, M. le Président. C'est un geste aussi qui témoigne d'une extraordinaire capacité d'écoute et de la volonté de s'adapter, donc, aux changements auxquels nous sommes confrontés, comme société.

M. le Président, l'ensemble des parlementaires qui sont réunis en cette Chambre sont avant tout des législateurs. Ça, je crois qu'il n'y a personne ici pour discuter de cette question-là. Ils ont notamment comme responsabilité de présenter, de discuter et d'adopter des lois qui visent à améliorer la qualité de vie de notre population. Dans ce contexte, M. le Président, l'adoption du projet de loi n° 32 qui vise à reconnaître les unions de fait sans égard au sexe des personnes s'inscrit dans un contexte de changement de notre société et d'amélioration de la qualité de vie de l'ensemble des citoyens et citoyennes.

M. le Président, le gouvernement péquiste estime qu'entre 90 000 et 150 000 personnes se prévaudront de ces nouvelles dispositions législatives. C'est donc dire, M. le Président, que c'est entre 35 000 et 70 000 couples de même sexe au Québec qui bénéficieront des retombées positives de ces modifications législatives, et elles sont nombreuses, mes collègues ont eu l'occasion d'en témoigner fort éloquemment en commission parlementaire. C'est un nombre, donc, non négligeable. Et c'est sans nul doute avec beaucoup de soulagement et de satisfaction que ces hommes et ces femmes accueillent ce projet de loi n° 32.

Cependant, M. le Président, ce qui est fort intéressant, c'est le parcours qu'a franchi ce projet de loi pour être présenté dans sa forme actuelle. Et c'est un parcours qui s'est fait avec plusieurs difficultés et plusieurs obstacles. On apprend notamment que le projet de loi actuel est l'aboutissement de promesses électorales et référendaires du Parti québécois qui datent de 1994. C'est donc dire, M. le Président, qu'on a dû attendre une période de cinq ans pour avoir droit au projet de loi n° 32.

Lors, M. le Président, de la campagne de 1994, le programme du Parti québécois disait ceci, et vous me permettrez de le souligner: «Un gouvernement du Parti québécois s'engage à rendre non discriminatoires les régimes de rentes ou de retraite, les régimes d'assurance de personnes ou tout autre régime d'avantages sociaux. De plus, un gouvernement du Parti québécois s'engage à uniformiser dans les lois les critères définissant les conjoints de fait, en y incluant les conjoints de fait de même sexe.»

À la veille du référendum, M. le Président, en 1995, le ministre de la Justice de l'époque annonçait la mise sur pied d'un comité d'étude interministériel afin de donner suite à l'engagement électoral du Parti québécois. Malheureusement, M. le Président, ce n'est pas réglé. Ce qu'on apprend, c'est qu'en pleine campagne référendaire le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques et le ministre annonçaient, à l'époque, le dépôt d'un projet de loi modifiant la Charte québécoise des droits et libertés après le référendum.

Suite au référendum et à cette promesse, le projet de loi n° 133 était déposé le 15 décembre 1995. Ce qu'on disait dans ce projet de loi à l'époque, M. le Président, c'est qu'il visait à modifier la Charte des droits et libertés de la personne afin d'empêcher la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle dans les contrats de régime de rentes, d'assurance ou autres avantages sociaux offerts par les compagnies et entreprises oeuvrant au Québec. Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité en septembre 1996.

(12 h 30)

Cependant, on a dû attendre plusieurs mois, voire quelques années, puisque, le 18 juin 1998, le ministre de la Justice de l'époque, M. Serge Ménard, dans une déclaration ministérielle, annonçait l'intention du gouvernement de reconnaître législativement les unions de fait entre conjoints de même sexe. Le 12 octobre 1998, M. le Président, dernier jour de la session parlementaire avant le déclenchement de l'élection générale, le premier ministre lui-même présentait un projet de loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait de même sexe. Le projet de loi n° 32, M. le Président, reprend essentiellement le contenu de cet avant-projet de loi.

Cependant, j'ai une interrogation à l'effet: Qu'est-ce qui peut expliquer dans le contexte, malgré tout ce qui a été fait dans le passé, qu'est-ce qui explique dans le contexte que le gouvernement ait choisi de présenter ce projet de loi n° 32? Il y a lieu de croire, de ce côté-ci de cette Chambre, que le jugement Vaillancourt qui a été rendu public dernièrement a forcé, a contraint le gouvernement péquiste à présenter ce projet de loi n° 32. Et on a lieu de se demander: Si le jugement Vaillancourt n'avait pas été présenté, est-ce que le gouvernement péquiste aurait déposé un projet de loi d'importance comme le projet de loi n° 32? Dans ce contexte, nous déplorons effectivement que le gouvernement se soit senti contraint, forcé ou obligé de présenter un tel projet de loi.

Alors, M. le Président, il me reste très, très peu de temps, à peine une minute, mais vous me permettrez donc, en terminant, de joindre ma voix à celle de mes collègues qui vous ont fait part de l'appui de l'opposition officielle dans le cadre du projet de loi n° 32. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bonaventure. Nous allons maintenant céder la parole au député de Marquette. Et, M. le député de Marquette, vous intervenez en tant que représentant de votre formation politique et vous avez un temps de parole de 30 minutes. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 32 va faire l'objet d'un vote unanime à l'Assemblée nationale. Il vise à corriger une situation qui, au Québec, était contraire aux dispositions des chartes québécoise et canadienne des droits et libertés de la personne. Il fait suite également à un jugement, comme l'a mentionné ma collègue, le jugement du juge Vaillancourt, rendu le 13 novembre 1998, et c'est là que j'ai un problème important, M. le Président, et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques va sûrement, j'espère, le comprendre.

Comment se fait-il que les personnes qui sont allées devant les tribunaux pour dénoncer une loi et des lois qui étaient discriminatoires à leur endroit, comment se fait-il que ces mêmes personnes là ne réussiront pas à obtenir les bénéfices du fruit de leur travail au cours des dernières années? Il s'agit, entre autres, M. le Président, de Yves-Bernard Bleau, David Brody, André Crispin, Réjean Lebeau, qui sont allés devant les tribunaux, qui se sont prévalus de leurs droits, qui ont été assistés par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse, qui ont épousé leur cause, qui sont allés contester la légalité et la constitutionnalité des lois, de certaines lois, de certaines définitions de «conjoint de fait» qu'on retrouve dans notre législation.

M. le Président, lorsqu'on prend connaissance du jugement du juge Vaillancourt, on n'arrive pas à comprendre, avec tout ce qui s'est passé... Nous avons une nouvelle vice-présidente, Mme la vice-présidente, je vous salue. Lorsqu'on prend connaissance des dispositions du jugement, je n'arrive pas à comprendre pourquoi la Procureur général et ministre de la Justice a décidé de faire appel de ce jugement-là dans un mémoire de plus d'une cinquantaine de pages présenté à la Cour d'appel du Québec pour renverser le jugement du juge Vaillancourt qui est venu reconnaître l'illégalité des dispositions définissant les conjoints de fait et qui causaient préjudice à des conjoints de fait de même sexe. Je n'arrive tout simplement pas à comprendre. Et j'ai tant bien que mal essayé de comprendre ce qui se passait dans ce dossier-là, il y a quelque chose qui m'échappe.

Parce que j'ai l'impression, Mme la Présidente, que même la Commission des droits de la personne du Québec ne comprend pas les agissements du gouvernement dans ce dossier. On est en train de faire en sorte que les personnes qui se sont battues pour que leurs droits soient reconnus, pour qu'il n'y ait pas de discrimination à leur endroit... les mêmes personnes qui ont eu gain de cause devant la Cour supérieure du Québec, dans un jugement d'une quarantaine de pages rendu par le juge Vaillancourt le 13 novembre 1998 qui ordonne par la suite au gouvernement de modifier ses lois pour faire en sorte que toute clause discriminatoire dans les lois du Québec à l'égard des conjoints de fait de même sexe soit modifiée. Je lis le texte, le dispositif du jugement, qui dit ceci, aux pages 36 et 37, et ça vaut la peine, Mme la Présidente, que nous le lisions entièrement.

«Aussi, c'est la date du présent jugement qui sera le point de départ des versements de la rente aux requérants par la Régie.» Ce n'est pas de façon rétroactive, comme, je pense, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques le prétend, le jugement du juge Vaillancourt, il est très clair. Il dit ceci, à la page 36, et j'attire l'attention de mon bon ami le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques: «Aussi, c'est la date du présent jugement – donc le 13 novembre 1998 – qui sera le point de départ des versements de la rente aux requérants par la Régie.»

Il ne s'agit pas de retourner 30 ans, 40 ans en arrière. Ce n'est pas ça que le jugement du juge Vaillancourt dit, il dit: À partir du 13 novembre 1998, vers l'avenir, les gens conjoints de fait de même sexe qui feront une demande pour obtenir la rente du conjoint survivant pourront l'obtenir, mais à partir du 13 novembre 1998 seulement, pas à partir des années soixante-dix ou de 1972; ça ne résiste pas à l'analyse. Le juge dit: «Pour ces motifs, la Cour accueille la présente requête.» La requête qui avait été présentée par la Commission des droits de la personne et de la jeunesse du Québec, agissant en faveur de MM. Yves-Bernard Bleau, David Brody, André Crispin et Réjean Lebeau, dit: On accueille la présente requête, c'est bien fondé; les dispositions de la loi vont à l'encontre de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne qui dit qu'on ne peut pas faire de discrimination sur la base de l'orientation sexuelle d'une personne. C'est assez explicite, c'est assez clair.

Par la suite, le juge dit: «Invalide puisque dérogeant aux dispositions des articles 10 et 52 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec et aux dispositions de l'article 91 et de l'ancien article 91.1 de la Loi sur le régime de rentes du Québec.» Et là le juge déclare que M. Yves-Bernard Bleau est admissible aux prestations de rentes de conjoint survivant à la suite du décès de M. Marcel Lebuis, et ce, à compter de la date du présent jugement – 13 novembre 1998, pas en arrière – déclare que M. David Brody est admissible aux prestations de rentes de conjoint survivant à la suite du décès de M. Yvon Larouche, et ce, à compter de la date du présent jugement, déclare que M. André Crispin est admissible aux prestations de rentes de conjoint survivant à la date du décès de M. Martial Dumais, et ce, à compter de la date du présent jugement, et, finalement, déclare que M. Réjean Lebeau est admissible aux prestations de rentes de conjoint survivant à la suite du décès de M. Jacques Pharand, et ce, à compter de la date du présent jugement. Ordonne à la mise en cause, la Régie des rentes du Québec, de verser aux requérants la rente de conjoint survivant.

(12 h 40)

Et là, Mme la Présidente, l'objet du projet de loi n° 32 suspend cette ordonnance, de même que la déclaration d'invalidité, pour une période de 180 jours. On donnait six mois au gouvernement du Québec à compter de la date du présent jugement, donc le 13 novembre 1998, afin de permettre à la Législature de modifier les dispositions contestées de façon à les rendre conformes à la Charte des droits et libertés de la personne. C'est précisément ce que le gouvernement a fait par le biais du projet de loi n° 32, qui est devant nous aujourd'hui pour la prise en considération du rapport, suite à des tentatives qu'a faites l'opposition pour enfin reconnaître à ces personnes-là, entre autres, qui ont mené le débat devant les tribunaux avec le concours et l'appui de la Commission des droits de la personne du Québec, qui ont eu raison... Et le gouvernement est en train de nier les droits de ces personnes-là. Pourquoi? Je n'arrive pas à le comprendre, ça ne résiste pas à l'analyse. Que se passe-t-il dans ce dossier-là?

Mme la Présidente, à la lumière du communiqué de presse déposé par la ministre de la Justice, voici ce qu'elle disait, le 6 mai 1999, en compagnie du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, à la page 2 du communiqué: «La ministre a voulu remercier tous ceux et celles qui ont sensibilisé la population à la réalité des couples de même sexe et elle les a invités à faire connaître le projet de loi au sein des milieux dans lesquels ils évoluent.»

Bien, Mme la Présidente, il y a au moins quatre personnes qui ont sensibilisé la population à la réalité des couples de même sexe. Elles l'ont fait en allant devant les tribunaux pour faire valoir leurs droits, pour changer une situation au Québec, pour changer une situation à la grandeur du pays. Ces gens-là se sont battus. Ces gens-là ont cru aux principes votés par la Chambre des communes, par l'Assemblée nationale du Québec, lorsqu'en 1975 et en 1982 les gouvernements ont décidé de mettre de l'avant des chartes des droits et libertés de la personne et ont dit que tous les citoyens et toutes les citoyennes sont égaux devant la loi et qu'il n'y a pas lieu de faire de la discrimination sur plusieurs motifs, y compris de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle de ces personnes-là.

Ce sont des conjoints de fait de même sexe qui ont perdu leur conjoint, avec qui ils ont fait vie commune pendant de nombreuses années, et ces personnes-là n'avaient pas le droit de recevoir la prestation de la rente du conjoint survivant. Elles sont allées devant les tribunaux, ont sensibilisé la population, ont tenu des conférences de presse. Ça prenait un certain courage, Mme la Présidente. Ces quatre personnes-là ont eu le courage de se battre, de se battre jusqu'à la fin pour faire reconnaître dans les faits ce que le gouvernement, de la Chambre des communes, de l'Assemblée nationale du Québec, avait dit dans les principes que nous avons fait adopter au niveau de nos chartes, québécoise et canadienne, des droits et libertés de la personne. Ils ont eu gain de cause devant les tribunaux. Même la Cour suprême, il y a quelques semaines, Mme la Présidente, a donné gain de cause à des conjoints de fait de même sexe, en Ontario, une cause identique sur le plan des principes. C'est sûr, au niveau de la situation factuelle, quelque peu différente, mais, au niveau des principes, identique, Mme la Présidente.

À la lumière du jugement Vaillancourt, à la lumière de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire M contre H, comment se fait-il que le gouvernement n'ait pas encore retiré son pourvoi en appel, qui vient ni plus ni moins, Mme la Présidente, anéantir ce qu'on vise à faire par le biais du projet de loi n° 32?

Par rapport aux personnes qui se sont battues, par rapport aux personnes qui ont eu gain de cause, par rapport aux personnes que la ministre veut remercier, elle les remercie en les écartant du projet de loi, en les écartant de mesures provisoires qui pourraient faire en sorte que ces personnes-là aient les mêmes droits que le gouvernement et l'Assemblée nationale à l'unanimité souhaitent reconnaître pour les personnes à l'avenir.

Pourquoi est-ce que le préjudice par rapport à ces personnes-là n'est pas aussi valable que le préjudice qui serait causé aux personnes si le gouvernement n'agissait pas, suite à l'adoption du projet de loi? Je n'arrive pas à comprendre. Je n'arrive pas à comprendre, d'autres personnes n'arrivent pas à comprendre les motivations derrière les intentions du gouvernement du Québec qui ne retire pas l'appel.

Si on ne voulait pas extensionner parce qu'on a craint que ça pourrait affecter des centaines de personnes, et on exagérerait si on parlait de milliers de personnes, on pourrait s'en tenir aux personnes qui ont obtenu le jugement Vaillancourt tout simplement en retirant l'appel du gouvernement. On n'extensionnerait pas, à personne, M. le Président, sauf pour ces quatre personnes-là. Ça serait une reconnaissance de la part du gouvernement du Québec que les quatre personnes ont droit de recevoir leur rente de conjoint survivant.

Alors, pourquoi le gouvernement fait-il la sourde oreille? Pourquoi? Je n'arrive pas à comprendre. Si le gouvernement disait: Ça ne fait pas partie de notre orientation, on a décidé d'en appeler de la décision du jugement Vaillancourt parce qu'on n'a pas l'intention de reconnaître les conjoints de fait de même sexe, je comprendrais. Je dirais: Le gouvernement n'est pas prêt à ouvrir, n'est pas prêt à aller de l'avant et fait appel de la décision. Mais c'est un message contradictoire que nous envoie le gouvernement. Le gouvernement dit et l'annonce en grande pompe, M. le Président... Il l'a annoncé en grande pompe, puis avec raison, le 6 mai dernier, accompagné du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques que j'ai eu le plaisir de féliciter pour le travail qu'il a accompli dans ce dossier-là, et il fait avancer la cause sur le plan de la société.

Mais comment se fait-il qu'il n'arrive pas à saisir le préjudice causé, l'injustice faite à ces quatre personnes-là? Et j'ai cru comprendre, M. le Président, que, sur les quatre, une des personnes est décédée. Donc, il en reste véritablement trois. Comment se fait-il qu'on exclue ces personnes-là d'obtenir la rente du conjoint survivant alors qu'ils ont gagné devant les tribunaux, alors qu'ils ont réussi à obliger le gouvernement à modifier la législation? Ça affecte plusieurs dizaines de lois, le projet de loi n° 32. Je n'arrive tout simplement pas à croire que le gouvernement, pour des raisons qui demeurent inavouées, pour des raisons qui demeurent inexplicables, ne soit pas allé de l'avant.

Je fais appel au député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Sûrement, il comprend le sens de mes propos. Sûrement, comme porteur du dossier, il a une responsabilité, à tout le moins par rapport à ces trois personnes-là, pour que ces trois personnes-là puissent bénéficier du même traitement dont d'autres personnes pourront bénéficier à l'avenir. Et ce n'est pas une exception qu'on demande de créer, ils l'ont gagné devant les tribunaux. Le 13 novembre 1998, ces quatre personnes-là ont obtenu une décision favorable d'un juge de la Cour supérieure qui a demandé par la suite au gouvernement de modifier sa loi, ce que le gouvernement a fait, et le gouvernement a déposé le projet de loi n° 32, et nous allons le voter à l'unanimité.

Mais comment pouvons-nous, dans notre âme et conscience, M. le Président, voter une loi, le projet de loi n° 32, alors qu'on sait pertinemment bien qu'il y a une injustice commise à l'endroit de trois personnes qui se sont battues devant les tribunaux? Trois personnes, quatre personnes se sont battues devant les tribunaux, ont eu gain de cause, ont eu l'appui de la Commission des droits de la personne du Québec, ont fait modifier les choses à d'autres niveaux également à travers le pays, ont provoqué des réactions au niveau du gouvernement fédéral et d'autres législatures provinciales. Il y a un mouvement qui est enclenché dans ce sens-là. Ces gens-là ont fait un travail extraordinaire. Comment se fait-il que ces gens-là ne pourront pas bénéficier de la rente de conjoint survivant, alors qu'ils sont allés devant les tribunaux et que les tribunaux la leur ont accordée et que le gouvernement veut la leur enlever? Je n'arrive pas à comprendre, M. le Président. Je me demande: Vous qui suivez le débat également, comment arrivez-vous à comprendre?

(12 h 50)

Je fais appel, parce qu'on peut tout faire de consentement, et la ministre pourrait elle-même, la Procureur général pourrait elle-même arriver, dans son droit de réplique, et déposer soit un amendement ou faire une déclaration à l'effet qu'elle a l'intention de retirer le pourvoi devant la Cour d'appel, pour s'assurer que les trois personnes survivantes puissent avoir droit, elles aussi, à la rente de conjoint survivant, ce qui a fait l'objet de nombreux débats, de nombreuses batailles. Il faut comprendre l'incertitude et l'insécurité que ces personnes-là ont vécues. Il faut comprendre également, M. le Président, que, dans certains cas, les personnes ont très peu de moyens. Ils ont fait vie commune avec une personne du même sexe qu'eux, et là on est en train de leur dire qu'ils n'ont pas droit à la rente de conjoint survivant aujourd'hui, mais alors qu'on va la reconnaître dès que le projet de loi sera adopté. Il s'agit d'une injustice flagrante. Dans mon âme et conscience, je n'arrive pas à y souscrire, je n'arrive pas à comprendre, je n'arrive pas à saisir les arguments qu'on me sert lorsqu'on me dit: Ça serait d'ouvrir la porte toute grande à d'autres contestations, ça serait d'ouvrir la porte toute grande à d'autres personnes qui ont réclamé ces droits-là. Mais ce n'est pas vrai. Ce n'est pas vrai, M. le Président, ça ne résiste pas à l'analyse, parce que les quatre personnes en question – et je vous indiquais qu'une de ces personnes-là est décédée – il y a un jugement de la Cour supérieure qui leur donne droit.

J'ai lu tantôt, en votre absence, M. le Président, le dispositif du jugement de la Cour supérieure qui dit que: «Aussi, c'est la date du présent jugement qui sera le point de départ des versements de la rente aux requérants par la Régie.» Et là on indique les quatre personnes et on dit qu'elles sont admissibles aux prestations de rente de conjoint survivant à la suite du décès de leur conjoint. On ne remonte pas en arrière très loin, on remonte en arrière à partir du 13 novembre 1998, mais exclusivement et explicitement pour ces quatre personnes-là. Ça n'englobe personne d'autre qu'eux. Au moins, on pourrait avoir la décence de reconnaître la bataille juridique qu'ils ont menée. Au moins, on pourrait avoir la décence de dire: Vous vous êtes battus, vous avez eu gain de cause, vous avez obligé le gouvernement à modifier sa législation, le gouvernement a saisi la balle au vol, il a décidé d'en faire une annonce extrêmement positive.

Je sais que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, c'est un projet de loi qui lui tient à coeur depuis fort longtemps. Mais, des fois, entre les volontés d'un député et l'action d'un gouvernement, il y a toute une marge. Il y a toute une marge. Mais, heureusement pour lui et heureusement pour, je dirais, la société québécoise tout entière, le gouvernement n'a eu d'autre choix, parce que le gouvernement avait – pour reprendre une expression – dans ses pattes un jugement de la Cour supérieure qui obligeait le gouvernement à modifier sa législation.

Mais on ne peut pas comprendre qu'il y ait un mémoire devant la Cour d'appel qui vient annuler, qui vise à annuler le jugement qui donne suite au projet de loi n° 32. Comment l'expliquer, M. le Président? Un jugement qui dit au gouvernement de modifier la législation; le même gouvernement qui dit: D'accord, dépose un projet de loi n° 32; nous avons adopté le principe à l'unanimité; nous en avons fait l'étude détaillée en commission parlementaire un vendredi soir, de 20 heures à minuit; le projet de loi a fini d'être étudié, nous en sommes à la prise en considération du rapport, et pendant tout ce temps-là, alors que le législateur s'exécute et se rend à la décision rendue par le jugement Vaillancourt, la Procureur général, elle, par la porte d'en arrière, est en train de vouloir faire annuler ce jugement-là par un pourvoi devant la Cour d'appel. Est-ce que vous arrivez à y comprendre quelque chose, M. le Président? Et ça affecte les droits des quatre personnes qui ont mené une bataille, on pourrait dire, historique, au Québec, une bataille historique pour faire avancer les intérêts et les droits des conjoints de fait de même sexe.

Ça ne résiste pas à l'analyse, surtout à la lumière du fait que, deux semaines ou trois semaines après le dépôt du projet de loi n° 32, la Cour suprême du Canada, dans une décision historique, indique au gouvernement de l'Ontario que le gouvernement de l'Ontario doit modifier sa législation afin d'enlever toutes les dispositions qui sont discriminatoires à l'endroit des conjoints de fait de même sexe. Nous avons une décision de la Cour suprême du Canada. M. le Président, c'est impossible que le gouvernement du Québec puisse l'emporter devant la Cour d'appel, il y a un précédent qui vient d'être établi par le plus haut tribunal du pays, la Cour suprême du Canada, sur ce même principe-là.

Alors, je me dis: Face à l'ensemble de ces considérations-là, comment se fait-il qu'au niveau de la députation du Parti québécois, solidaire par rapport aux gestes posés par le gouvernement, il n'y en ait pas un qui pose ces questions-là à la Procureur général ou au Conseil des ministres ou au premier ministre? Nous sommes tous fiers du fait que le projet de loi n° 32 sera adopté, et à l'unanimité. Comment se fait-il qu'on peut créer une telle injustice par rapport à trois personnes qui se sont battues devant les tribunaux, qui ont tout fait... Et que ce soit un gouvernement péquiste ou libéral, peu importe, M. le Président, ces gens-là auraient mené la même bataille quelle que soit la couleur du gouvernement au Québec. Ça adonne que ce soit un gouvernement du Parti québécois. Comment se fait-il que la Procureur général maintienne son appel pour demander à la Cour d'appel d'annuler le jugement du juge Vaillancourt?

Je pourrais reprendre les grands extraits, M. le Président, mais vous comprendrez que c'est de l'argumentation sur une cinquantaine de pages. Ça serait trop long pour moi de tout lire ce que la Procureur général a écrit dans son mémoire devant la Cour d'appel. Mais ça ne résiste pas à l'analyse, ça va à l'encontre de la volonté du législateur que nous sommes en train d'exprimer, ça va à l'encontre d'une décision rendue par la Cour supérieure du Québec. Comment est-ce que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques peut justifier... Bon, je sais qu'il va prendre la parole. Je n'arrive pas à comprendre, M. le Président.

M. Boulerice: M. le Président, simplement dire que, de façon à ce qu'il puisse prendre le temps qui est alloué, il y a consentement qu'il dépasse. Ça arrive à 13 h 2, 13 h 3, alors...

Le Vice-Président (M. Pinard): Ça va. Merci beaucoup. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Je remercie, là... Il me reste combien de temps, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Pinard): Exactement quatre minutes.

M. Ouimet: Il me reste à peu près quatre minutes, alors je vais prendre les quatre minutes. On va déborder de quelques minutes. Mais j'aimerais entendre, parce que je sais qu'il va prendre la parole tantôt, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, j'aimerais l'entendre sur les arguments que j'ai soulevés. Sûrement, il doit savoir – et je le fais amicalement, je le fais dans l'intérêt des trois personnes – que les arguments qui, peut-être, ont été soulevés par la Procureur général ne peuvent pas résister à l'analyse. Ce n'est pas vrai qu'on est en train d'ouvrir toute grande la porte; on l'ouvre uniquement pour trois personnes qui ont obtenu un jugement, qui se sont battues et qui ont mené au projet de loi n° 32.

Alors, de grâce, M. le Président, il reste un petit peu de temps pour réparer une injustice par rapport à ces trois personnes-là. Nous sommes extrêmement fiers du projet de loi n° 32. Je serais encore beaucoup plus fier si, collectivement, on pouvait réparer un préjudice qui va être causé aux trois personnes en demandant à la Procureur général de faire une chose qui est très simple, de retirer soit le pourvoi devant la Cour d'appel ou d'inclure ces personnes-là dans des mesures transitoires.

Et je suis convaincu, M. le Président, d'avoir l'appui de la Commission des droits de la personne du Québec dans mes prétentions. Je suis convaincu et je sais pertinemment bien que la Commission des droits de la personne du Québec ne comprend pas la position du gouvernement du Québec. On n'arrive pas à la comprendre. Il y a quelque chose de mystérieux, il y a quelque chose qui ne résiste pas à l'analyse. Et je ne veux pas prêter d'intention à quiconque, mais je m'interroge, M. le Président, parce que ça n'a pas de sens, ça n'a tout simplement pas de sens.

(13 heures)

Alors, j'espère, j'espère que, dans son âme et conscience, la Procureur général, aidée du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, va réaliser qu'on ne peut pas commettre une injustice à l'égard des trois personnes qui ont fait tellement avancer la cause des conjoints de fait de même sexe au Québec. Je lui fais confiance et j'espère qu'on arrivera à corriger cela, M. le Président. Que ce soit annoncé dans quelques semaines, ça ne fait rien, mais qu'on corrige la situation. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Marquette. Nous allons maintenant suspendre nos travaux. Je vous souhaite à tous et à toutes bon appétit, et nous reprendrons à 15 heures cet après-midi. Merci.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 7)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Nous allons reprendre le débat sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la ministre de la Justice. M. le leader du gouvernement, je procède?

Alors, lors de la fin de nos travaux, M. le député de Marquette avait terminé son allocution de 30 minutes. Alors, je reconnais maintenant M. le député de l'Acadie, en vous mentionnant que vous avez un droit de parole de 10 minutes. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Alors, merci, M. le Président. Alors, si j'interviens à cette étape-ci du projet de loi n° 32, c'est-à-dire la prise en considération du rapport, c'est à cause de l'importance du projet de loi. Tout d'abord, juste décrire de façon très rapide l'objectif du projet de loi; en quelques phrases seulement on décrit son objectif dans le feuillet. Ce projet de loi modifie les lois et règlements qui comportent une définition du concept de conjoint de fait pour que les unions de fait soient reconnues sans égard au sexe des personnes. M. le Président, ce projet de loi fait suite à, quand même, un historique qui date de plusieurs années, et surtout fait suite à l'évolution de la société québécoise et au changement des mentalités, à l'ouverture de la société québécoise.

M. le Président, je voulais tout simplement rappeler peut-être certains éléments de base pour mieux comprendre l'importance du projet. Tout d'abord, rappelons qu'en 1975 le Parti libéral, qui était alors au gouvernement, avait fait adopter la Charte des droits et libertés de la personne. Et, dans ce document fondamental de la société québécoise, on avait quand même énoncé un écrit sur la question de la discrimination, et je vais le lire de façon très rapide – il faut se rappeler que c'était en 1975: «Toute personne a droit à la reconnaissance et à l'exercice en pleine égalité des droits et libertés de la personne, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l'orientation sexuelle, l'état civil, l'âge, sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l'origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l'utilisation d'un moyen pour pallier ce handicap.»

(15 h 10)

Alors, M. le Président, quand on se donne une obligation de cet ordre dans une charte qu'on appelle la Charte des droits et libertés de la personne, bien, il faut être conséquent, je pense, en termes... et par la suite respecter ce qu'on a mis dans ce document, comme je le mentionne, qui est un document fondamental. Et, dans ce document, on faisait référence à l'absence de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

Alors, M. le Président, en 1993, le Parti libéral lui-même avait énoncé une proposition, lors d'un conseil général, qui se lisait comme suit: «Que le gouvernement élimine toutes les formes de discrimination en raison de l'orientation sexuelle, tant au niveau de la Charte des droits, des lois, des conditions et statuts légaux, des pratiques et règlements officiels et officieux de tous les ministères.»

Alors, on sait, M. le Président, qu'en 1994 nous avons eu une élection qui a porté le Parti québécois au pouvoir. Alors, malheureusement, le Parti libéral n'a pas pu mettre en application cette décision du Conseil général, mais le Parti québécois avait dans son programme en 1994 un engagement semblable où on disait: «Un gouvernement du Parti québécois s'engage à rendre non discriminatoires les régimes de rentes ou de retraite, les régimes d'assurance de personnes ou tout autre régime d'avantages sociaux. De plus, le gouvernement du Parti québécois s'engage à uniformiser dans les lois les critères définissant les conjoints de fait en y incluant les conjoints de fait de même sexe.»

Alors, à la suite de l'élection, en décembre 1995, le gouvernement déposait un projet de loi qui était le projet de loi n° 133, et j'ai eu l'occasion à ce moment-là d'intervenir au nom de l'opposition officielle dans le dossier. Et le projet de loi, essentiellement, rendait négative, au fond, ou empêchait la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle dans le cas d'assurances, par exemple, dans le secteur de l'entreprise privée. Et on a eu quand même des discussions assez longues à ce niveau-là, et on avait regretté à ce moment-là qu'on n'aille pas plus loin et qu'on n'agisse pas au niveau des lois et des règlements qui impliquaient l'action gouvernementale. Alors, essentiellement, là, on avait été en faveur du projet de loi n° 133 parce que c'était une amélioration dans le bon sens, excepté qu'on trouvait que ça n'allait pas suffisamment loin à ce moment-là.

Et je pense qu'ici le gouvernement vient compléter un peu, là, d'une façon assez importante l'engagement qui avait été pris, et, évidemment, l'opposition officielle apportera son appui à ce projet de loi compte tenu que ça va dans le sens que, nous, nous souhaitions, et ça complète aussi la démarche qui a été entreprise pour faire en sorte qu'il n'y ait plus de discrimination, dans notre société, fondée sur l'orientation sexuelle, et surtout au sein des actions gouvernementales. Alors, M. le Président, ça décrit un petit peu l'objectif du projet de loi n° 32.

Et ce que fait le projet de loi n° 32, ça vient, au fond, modifier des lois fondamentales et ça aura un impact très important au sein de la société québécoise. Il suffit de rappeler ici que, dans ce projet de loi, on touche à 28 lois différentes où, avec les changements apportés par le projet de loi n° 32, on fera en sorte que la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ne puisse plus s'exercer. Je pense à des lois aussi importantes que la Loi sur l'aide financière aux étudiants, l'aide juridique – j'en nomme quelques-unes comme ça – les droits sur les mutations immobilières, les impôts, la Loi sur le régime de rentes, plusieurs lois qui concernent différents régimes de retraite, l'aide et l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Il y a également, comme je le mentionnais, 11 règlements qui seront touchés par le projet de loi n° 32, notamment sur les indemnités payables concernant l'assurance-automobile, sur l'admissibilité de l'inscription des personnes auprès de la Régie de l'assurance-maladie.

Alors, c'est quand même une pièce législative importante pour une société qui se veut tolérante, ouverte et qui veut faire en sorte qu'on ne marginalise pas certaines catégories de concitoyens.

L'évolution qui s'est produite, M. le Président, c'est que, dans notre société, si on pense aux années soixante-dix, il y avait à peu près 7 %, 8 % des unions qui étaient des unions de fait, des conjoints de fait et qui n'étaient pas des gens qui étaient reliés par le mariage, à ce moment-là. Mais cette réalité-là a évolué beaucoup au fil des ans, et on sait aujourd'hui que des unions de fait, c'est très, très fréquent dans notre société. Mais, à venir jusqu'à quelques années, on parlait quand même de conjoints de fait hétérosexuels, et il y avait toujours la réalité qui était restée en suspens et qui était négative, au niveau de ses impacts, pour les conjoints de fait homosexuels. Alors, le projet de loi n° 32 vient faire disparaître cette discrimination et fait en sorte, en toute équité, en toute justice pour des gens qui, par exemple, contribuent au Régime de rentes du Québec, qu'ils soient dans un mariage, dans une union de fait hétérosexuelle ou homosexuelle... Tout le monde y contribue, tout le monde paie des rentes au Québec. Mais il y avait des problèmes qui faisaient en sorte que certains individus ne pouvaient pas, par exemple, retirer des rentes au moment où leur conjoint décédait, parce qu'ils faisaient partie d'une union qui était homosexuelle.

Alors, M. le Président, ce projet de loi là vient, je pense, rendre justice et traiter de façon équitable des citoyens qui ont été trop longtemps marginalisés dans notre société, et c'est ce qu'on regrettait un petit peu quand on a abordé le projet de loi n° 133, en 1995. C'est qu'on trouvait qu'on empêchait la discrimination basée sur l'orientation sexuelle dans le secteur privé, mais on ne le faisait pas à l'intérieur de nos propres lois. Ici, maintenant, on vient le faire dans ce projet de loi, comme je le mentionne, qui est important au niveau de ses conséquences.

Faut souligner, M. le Président, quand je dis «important au niveau de ses conséquences», que le fait qu'on empêche la discrimination dans un certain nombre de lois du gouvernement du Québec va toucher, on parle, entre 70 000 et 150 000 personnes, Québécois qui sont dans notre société et qui pourront maintenant avoir les mêmes droits, les mêmes privilèges mais aussi les mêmes obligations. C'est-à-dire qu'il n'y a pas juste des avantages. Ils auront évidemment accès à des choses qui leur étaient impossibles avant, mais ils auront aussi des obligations, dans le sens, par exemple, où souvent dans nos lois on fait référence à un revenu familial. Mais le revenu familial – ça affecte, par exemple, des subventions, des bourses, de l'aide financière – tiendra compte du revenu familial des deux conjoints. Même si c'est des conjoints homosexuels, on tiendra compte de ça, et il y aura à ce moment-là des décisions qui découleront de tout ça.

Alors, M. le Président, en conclusion, je crois que c'est un projet de loi qui fait évoluer la société québécoise, qui reflète le consensus qui s'est développé au fil des ans dans notre société et surtout qui va faire en sorte encore une fois qu'on ne marginalise pas des citoyens qui l'ont été trop longtemps dans le passé. Et c'est dans un esprit de tolérance, d'ouverture et d'évolution de la société québécoise qu'on doit voir l'adoption du projet de loi n° 32 comme un facteur très positif. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de l'Acadie. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Je joins ma voix à celle de mes collègues de l'opposition officielle et je dis tout de go que je vais appuyer ce projet de loi qui reconnaît expressément les droits des gens qui ont des aspirations différentes de ce que nous avons connu historiquement, à savoir une relation affective avec une autre personne.

J'aimerais, M. le Président, faire un petit retour en arrière pour illustrer combien nous avons évolué dans notre société depuis les derniers 40 ans. Au départ, l'unité de la famille, c'était la base économique de la société. Au tout début, d'ailleurs, ce pourquoi est née la famille, c'était précisément pour faciliter l'épargne et pour transmettre cette épargne à ses enfants. Donc, il y a eu une poursuite de ce concept, c'est-à-dire de la famille, et on a décidé de reconnaître de façon juridique une alliance entre un homme et une femme, et, à l'époque, dans un but très spécifique de procréation. Et ça, ça a balayé notre histoire pendant de nombreuses années.

(15 h 20)

Or, depuis à peu près 1970, je dirais, il y a un virage. Je vais revenir en 1960. En 1960, il y avait des valeurs... On a, je pense, oublié comment est-ce que ça se comportait. Si on vivait en union de fait en 1960, c'était clandestin, il ne fallait presque pas le dire, il fallait se cacher, on vivait dans le péché, et les parents de ces individus avaient honte de relater cette situation à leurs frères ou leurs soeurs. Alors, c'est donc dire le cheminement qu'on a fait, au Québec, pour modifier notre façon de voir, ou de comprendre, ou de vivre la réalité dans laquelle on vit.

D'ailleurs, M. le Président, la procréation était très reliée à une relation. Et, encore aujourd'hui, si vous allez dans certaines régions de l'Inde, vous allez voir des régions où, si une femme est incapable d'avoir un enfant, elle est rejetée complètement de la famille. Elle est rejetée de la famille parce que, en Inde, l'enfant est l'apport économique à la famille. Ce sont les enfants qui soutiennent les parents.

Et c'est donc dire que, dans notre société, il y a des valeurs, il y a des valeurs qui reflètent la société, il y a des valeurs qui nous transmettent une image de nous-mêmes. Et je dirais que, depuis les derniers 25 ans, il y a eu une transformation magistrale, importante, qui a caractérisé le changement dans notre société. Il y a eu d'abord, bien sûr, le travail des femmes qui a pris le marché du travail et qui a changé, là, la structure familiale. Le père, qui apportait auparavant la subsistance de sa famille, n'était plus le seul gagne-pain de la famille. On a vu également la reconnaissance et l'accroissement du nombre de divorces. Vous avez vu la famille s'éclater. Là, on voit de plus en plus de familles reconstituées. On voit des familles qui ont deux, trois sets de grands-parents. Par exemple, des enfants qui se retrouvent les fins de semaine et qui trouvent toutes sortes d'accommodements, parce qu'il y a une famille élargie à 25 personnes qui est l'environnement de ces enfants-là. Donc, il y a eu le travail des femmes, il y a le divorce, et par conséquent on voit, durant les années soixante-dix, des étiquettes disparaître. Rappelons-nous qu'il n'y a pas si longtemps on parlait d'enfants illégitimes dans cette province. Il y avait une étiquette. Il y avait des enfants qui étaient étiquetés comme tels, et c'est en 1970 qu'on a banni l'étiquette d'enfant illégitime. Bien sûr, ce concept a été clarifié par la Charte en 1982 également.

Il y a eu ensuite, bien sûr, les paroles dites par un ministre de la Justice fédéral à l'effet que l'État n'avait rien à voir dans la chambre à coucher. Ça, c'était en 1969. Ça ne fait pas 100 ans, ça, que Pierre Trudeau a dit ça. Alors, c'est donc dire que les changements qu'on a connus récemment ont été importants et ont été très rapides pour nous faire réaliser que nous avions une notion nouvelle de ce qu'est la société.

Il y a eu, bien sûr, la Charte québécoise qui faisait de la province la première province à interdire toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle. Je pense que, ça, il faut le noter, c'est le Québec qui a été le premier à reconnaître cette situation. On a eu également, en 1995, un cas de la Cour suprême, Egan versus Canada, qui a immédiatement reconnu que toute discrimination basée sur l'orientation sexuelle viole la Charte des droits et libertés de la personne. Et d'ailleurs, ce qui est intéressant dans ce jugement de la Cour suprême, c'est que cinq juges sur neuf seulement ont rejeté la notion d'époux. C'est donc qu'il y avait quatre juges de la Cour suprême qui reconnaissaient à des couples d'orientation homosexuelle la possibilité d'être reconnus pour tous les bénéfices reliés à des couples mariés. Il y avait quatre juges de la Cour suprême, et la majorité d'un juge pour renverser cette décision-là, donc, ça reflète encore un changement important dans notre société.

Donc, on se rend compte, M. le Président, qu'on aborde maintenant notre vie intime sous le vocable, je dirais, d'une société tolérante. Et, je regardais dans le dictionnaire qu'est-ce que signifie «tolérance», quelle est la définition dans le Petit Robert , c'est une «attitude qui consiste à admettre chez autrui une manière de penser ou d'agir différente de celle qu'on adopte soi-même». Et ce pourquoi je veux apporter cette définition, c'est que ce projet de loi a quand même suscité des réserves dans le public. J'étais en voiture, puis il y avait des gens qui téléphonaient et qui s'opposaient. Et je pense que le volet le plus important à souligner à tous les Québécois et Québécoises, c'est la tolérance, c'est le choix de l'individu. Et il faut, nous, dans notre société, accepter les choix que les gens veulent bien faire de leur société. Et, d'ailleurs, probablement le côté le plus important dans ce qui se passe dans ce projet de loi est le volet psychologique, à savoir que ceux qui choisissent de vivre cette vie vont pouvoir non pas la vivre clandestinement, mais faire reconnaître cette situation comme étant une situation de fait.

D'ailleurs, M. le Président, j'ai sorti un sondage qui avait été fait en 1993, donc ça fait quand même quelques années. C'est un sondage SOM, et, dans l'ensemble du Québec, pas moins de 73 % des répondants estiment qu'un couple gai devrait avoir droit aux assurances familiales, aux fonds de retraite et aux avantages que les conventions collectives prévoient pour les conjoints des travailleurs. C'est donc dire qu'en 1993 la population du Québec était bien en avance, dans le fond, sur ce que probablement les politiciens avaient estimé. Est-ce que nous avons là un exemple d'une situation qui illustre que les citoyens ont devancé l'homme politique? C'est peut-être une situation, un témoignage qu'il faut prendre et reconnaître, que parfois il faut bien être à l'écoute des citoyens autour de nous.

À titre de conclusion, M. le Président, j'aimerais citer un homme extraordinaire, Gandhi, dans son ouvrage célèbre Tous les hommes sont frères : «La règle d'or de la conduite est la tolérance mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de la même façon, nous ne verrons qu'une partie de la vérité et sous des angles différents.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Et maintenant je céderai la parole... Alors, est-ce que...

M. Boulerice: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Permettez-moi de vous reconnaître, monsieur... Alors, nous allons maintenant céder la parole au député de Sainte-Marie– Saint-Jacques et leader adjoint du gouvernement, tout en lui mentionnant qu'il y a eu une entente ce matin entre le leader de l'opposition et le gouvernement à l'effet que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques avait droit à un temps de parole de 30 minutes. M. le leader adjoint.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, vous me permettrez en tout début de saluer et de remercier Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Tout le monde sait que j'avais – enfin, j'ai toujours – pour l'ancienne titulaire du comté de Marguerite-Bourgeoys la plus vive des affections. C'est une grande amitié. Je me suis demandé si le passage, entre guillemets, de l'ancienne à la nouvelle se ferait aussi aisément. Je viens de l'entendre, et, si on me permet le pléonasme, ce fut un discours d'une grande hauteur. Je vous en félicite, madame, et je vous en remercie, vous m'avez profondément touché par vos propos.

(15 h 30)

M. le Président, il y a dans cette Assemblée une belle unanimité, unanimité que nous souhaiterions voir à la Chambre des communes fédérale canadienne. Ce n'est malheureusement pas le cas. C'est une unanimité que nous souhaiterions voir à l'Assemblée nationale française, mais ce n'est malheureusement pas le cas au Palais-Bourbon, avec le débat sur ce que les Français appellent le PACS, pacte d'union civile. Mais, au-delà de cette belle unanimité – comme je dis souvent en humour, Folleville, embrassons-nous – il y a quand même des choses qui ont été dites, et je crois que les choses doivent être remises en place.

Le député de Hull s'est offusqué que cela ait pris cinq ans. Bon. Bien, au départ, il faudrait lui rappeler qu'il nous fallait modifier la Charte des droits et libertés du Québec, puisque le projet de loi tel que nous l'avons devant nous n'aurait pas été conforme à la Charte si nous n'avions pas dû modifier d'abord et avant tout cette Charte. Notre projet de loi n'aurait pas été conforme à la Charte. J'ai beaucoup de respect pour les gens de robe, c'est-à-dire les avocats, et je pense que mon collègue de Marquette va convenir que nous devions franchir cette étape. Nous avons effectivement modifié la Charte québécoise des droits et libertés... qui permettait encore à certains égards de modifier la Charte. La Charte a eu une première modification qui interdisait l'orientation sexuelle comme motif de discrimination, mais pas l'originale de 1975, M. le député de l'Acadie, mais l'amendement apporté par le premier gouvernement de M. Lévesque. Il faudrait surtout se rappeler de cela. Les réécritures, des fois, de l'histoire deviennent un peu paradoxales.

Et puis le député de Hull continue de s'interroger: Pourquoi cela a pris autant de temps? Je suis obligé de lui répondre que la demande existe depuis fort longtemps. Et, quand on épouse une famille, on vit avec l'héritage. Il a épousé la famille libérale, c'est légitime, il doit vivre avec l'héritage libéral. J'assume l'héritage péquiste; à l'occasion il peut être lourd. On partage chacun notre fardeau, on porte notre croix, pour employer un vocabulaire religieux suranné, j'en conviens avec ma collègue de Marguerite-Bourgeoys. Mais, écoutez, ça a été posé il y a fort longtemps.

L'actuel député de Laporte, ministre à l'époque, disait en commission parlementaire des affaires sociales, le 3 décembre 1990: «Je pense et je prétends que des conjoints ou des gens qui vivent maritalement, ça ne peut être des gens de même sexe et, dans ce sens-là, je ne vois pas pourquoi on modifierait le projet de loi.» Ma collègue députée d'Hochelaga-Maisonneuve, aujourd'hui ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, tentait un amendement.

Comme je le disais tantôt, j'ai beaucoup de respect pour les gens de robe. Un deuxième vient d'entrer, le député de Chomedey, avocat de formation, et tantôt il parlait de common law. Je suis bien d'accord qu'il y ait 60 États, peu importe leur statut, en Amérique qui ont la common law. Et, sur les 250 pays qui siègent aux Nations unies, ce n'est pas les 250 qui ont la common law, and it's not because it isn't British that it isn't any good. Le droit allemand est aussi bon que le droit anglais. Bon. Nous, c'est un code civil, qu'on appelait à l'époque code Napoléon, etc. Voilà. Et ce Code civil, M. le Président – vous aussi, vous êtes gens de robe, vous avez fait votre droit, votre notariat... Il est vrai que, chez les notaires, les effets de toge sont moins évidents que chez vos collègues qui sont plaideurs, et que Daumier, d'ailleurs, a bien traités dans ses caricatures.

Et la réforme du Code civil, elle a été entreprise. Évidemment, la réforme du Code civil, c'est une réforme qu'on ne fait pas tous les jours. Le Code civil, c'est vraiment les grands fondements de nos sociétés, ce n'est pas une réforme que l'on fait toujours. Et la réforme du Code civil, elle avait été commencée à l'époque par l'ancien député de Chicoutimi, ministre de la Justice, Procureur général, M. Marc-André Bédard. Et puis le gouvernement a changé, ça a été relayé par le gouvernement libéral, qui l'a poursuivie, qui l'a menée à terme, mais qui n'a pas modifié le Code civil dans ce sens. On n'a pas modifié le Code civil. Alors, je veux bien croire que cinq ans ont pu paraître longs, oui, mais il y a eu 10 ans où rien ne s'est fait, et je ne peux en être tenu responsable. Au contraire, louangez mon courage ou, en fait, louangez le courage de notre gouvernement.

Quand j'entends Mme la députée de Bonaventure, dont l'expérience parlementaire est plus limitée que celle de certains en cette Chambre – mais les journaux des débats sont là pour apprendre, ce n'est pas mauvais; quand on veut savoir où on veut aller, il faut apprendre d'où on vient et qu'est-ce qui s'est passé avant nous – a dit: Mais le gouvernement l'a fait parce qu'il était pressé par un jugement de cour. Pas du tout. Nos intentions ont été connues bien avant. Elles ont été connues bien avant, M. le Président, bien avant. Et puis, on évoque une motion du Conseil général du Parti libéral. Je ne suis plus tellement familier avec les structures du Parti libéral. Il y a une distance, depuis 1970, extrêmement longue. En fait, je dirais peut-être 1968. Daniel Johnson père m'avait beaucoup attiré à l'époque. Donc, Conseil général, ça vaut quoi?

Nous avons été le premier parti politique sur ce continent à l'avoir dans notre programme. Et puis nous en avons fait un engagement électoral. Et le chef de l'Action démocratique du Québec s'est prononcé également en faveur. Le chef du Parti libéral n'a jamais mentionné quoi que ce soit à ce niveau, du moins publiquement. Je suis sourd, ou a-t-il murmuré: Toutes les options sont possibles? Bon. Et, lors de la dernière campagne électorale, le Parti libéral a fait savoir aux représentants des organismes issus de la communauté gaie et lesbienne qu'il ne mettrait pas ce projet prioritaire au sein de son programme mais qu'il ne voterait pas contre. Bon. Alors, heureux de voir l'unanimité, mais il y a des phrases à l'occasion qui sont malhabiles.

(15 h 40)

On dit souvent, M. le Président, que la défaite est orpheline et que la victoire a plusieurs pères et mères. C'est une victoire pour la société québécoise. Alors, si chacun veut porter une partie de la paternité ou de la maternité de cette loi, je n'en suis pas jaloux, tout au contraire, sachant pertinemment que, si jamais on fait un test ADN de paternité, on sait fort bien qui sortira: mon gouvernement, M. le député de Marquette, mon gouvernement. Mais que l'on veuille, comme parlementaires ici, dans cette Assemblée nationale, contrairement à d'autres Parlements où les choses ne se déroulent pas de la même façon... Ici, on m'a fait réagir un peu, parce qu'il y a eu, comme on dit en langage courant... Et je souhaiterais que le député de Marquette m'écoute, malgré l'échange qu'il a avec son leader adjoint, échange normal. Si on me fait réagir actuellement ici, c'est parce qu'il y a eu, comme on dit en langage québécois, un petit picossement.

Je suis quand même obligé d'admettre, et je suis heureusement obligé d'admettre qu'on n'entend pas ici, dans cette Chambre, des propos haineux, homophobes, comme malheureusement on en a entendu au Parlement fédéral canadien, comme on en a entendu à l'Assemblée nationale française au moment des discussions du Pacte, où le député, dont je ne me souviens plus du tout le nom et soupçonne l'appartenance politique, était là à brandir la Bible. Personne ici ne brandit la Bible, le Coran ou la Talmud. Il y a ici... Oui, j'ai énoncé les trois, respectueux de la diversité québécoise, l'exprimant à ma manière, d'une autre façon. Ici, le discours, et à l'étonnement de tous les étrangers qui nous observent... Et, quand je leur ai expliqué, au moment où nous avons modifié la Charte des droits et libertés de façon à en arriver à cette étape, qu'il n'y avait pas eu de vote puisque, à la question posée – ah! je ne me souviens plus si c'était par vous, M. le Président, ou un de vos collègues – adopté, adopté, eh bien, la réponse est venue par un autre adopté, adopté...

Alors, le fait de ne pas voir les députés un par un, nominalement, se lever à leur appel effectivement, bien... mais ça... Bien oui, c'est tellement dans la nature même des choses que personne n'a senti le besoin de dire: Mais il faut absolument, là, appeler, comme on dit – ce n'est pas la formule appropriée en français, c'est du très mauvais français – appeler le vote. Et j'ai même encore aujourd'hui, en 1999, de la difficulté à expliquer cela à des collèges de Parlements étrangers qu'il m'arrive de côtoyer, parce que l'ensemble d'entre nous participons à des commissions de coopération parlementaires, avec d'autres Parlements, d'où ma fierté de dire que ces gens qui sont en face, je les combats sans pitié, notamment sur mes terres, Sainte-Marie–Saint-Jacques – d'ailleurs, ils ont baissé pavillon il y a fort longtemps – mais je suis toujours très heureux et très fier de dire que, si nous sommes très souvent conflictuels, il existe heureusement dans ce Parlement des moments où nous sommes consensuels, et on ne va pas rater une occasion de consensualité, on ne va pas la rater, et on ne va surtout pas rater l'occasion de s'en féliciter mutuellement.

Et, comme je l'ai dit tantôt, les exemples de l'autre côté de la rivière Outaouais comme de l'autre côté de l'Atlantique sont tellement tristes, je crois qu'il est bon que nous fassions état de notre différence et de notre distinction, parce que, oui, par ce geste, nous prouvons que nous sommes une société distincte à bien des égards, si ce n'est à tous les égards. Cela est important.

Maintenant, M. le Président, ce qui semblait être une grande... pas qui semblait, qui est une grande préoccupation du député de Marquette, des dispositions dites absentes du projet de loi... Bon. Au niveau de l'étude article par article en commission, je l'ai dit précédemment, heureux de le répéter, l'opposition s'est montrée extrêmement compréhensive, collaboratrice, élégante. Et un geste qui peut sans doute, peut-être, paraître anodin mais qui, personnellement, m'a touché, le député de Saint-Laurent, sur un détail en particulier, dit: Mais je voudrais avoir l'avis du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. S'il dit que c'est bon, je le vote; s'il me dit que ce n'est pas bon, bien, là... Mais va-t-il me dire que ce n'est pas bon? Mais, blague à part, je lui dis: Non, je vous donne, cher collègue, l'assurance que cela est bon. Donc, ça donne, encore là, une image de l'esprit dans lequel la chose s'est faite. Bravo!

Le député de Verdun, qui remplaçait son collègue de Marquette absent pour des raisons justifiées, a proposé un amendement fort important et opportun où, à la toute fin, on s'est aperçu qu'il y avait une nomenclature incroyable – et on sait fort bien que, plus on énumère, très souvent, il y a toujours le risque d'en oublier un, comme on dit en français vulgaire, dans la gang, dans le groupe – donc, a proposé un libellé qui effectivement nous évitait peut-être éventuellement certains problèmes, de revenir, etc. Il l'a fait de très bonne foi, avec enthousiasme, ça devenait très acceptable.

Notre collègue député de Saint-Jean nous a fait remarquer qu'on parlait de couples de sexe opposé. Mais, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, il n'y a pas de sexes opposés; les sexes ne s'opposent pas, ils sont différents; les individus s'opposent, hein. Alors, on a changé cette formulation, ce qui fait que, dans peut-être bien d'autres pays on parle de sexes opposés, mais ici, au Québec, l'Assemblée nationale décide et décrète que les sexes ne s'opposent plus, ils se différencient. Bien, c'est déjà une victoire, que les femmes vont applaudir, d'ailleurs. Je vous remercie, mesdames. Mais juste dans l'esprit, ces choses-là peuvent changer les choses.

Et puis, oui, nous nous retrouvons, j'en conviens, encore avec je ne sais trop combien de définitions de «conjoint de fait». Oui, nous le savons, nous le savons. Quand les organismes représentant les communautés gaie et lesbienne ont commencé le dialogue avec le député de Louis-Hébert, ancien ministre de la Justice, avec le député de Laval-des-Rapides, également ancien ministre de la Justice, et l'actuelle ministre de la Justice députée de Lévis, ils étaient bien conscients de cela. Mais ils disaient que de procéder à l'uniformisation de cette définition, premièrement, impliquait un débat de société beaucoup plus vaste que l'adoption de cette loi comme telle – les groupes de femmes en particulier, dont la Fédération des femmes, ont fait des représentations très pertinentes à ce niveau – et puis ils étaient conscients que, si on allait là-dedans, nous risquions de retarder l'adoption de ce projet de loi.

Ainsi, ce qu'ils demandaient était: Portez l'équivalence, c'est-à-dire que, lorsqu'on parlera de conjoints de fait de sexe différent, ajoutez «et de même sexe». Allez faire la transposition à chaque endroit où cela se trouve. Et très spontanément, après, disaient: Mais vous, par contre, législateurs, législatrices, aurez un autre chantier plus tard qui est celui, effectivement, de trouver une harmonisation de ces différentes dispositions où, j'en conviens avec tous, on ne peut pas continuer à vivre, M. le Président.

Et vous aurez ma réponse, M. le député de Marquette, soyez patient. Votre voix porte, je vous entends. Je vous la donnerai avec plaisir.

(15 h 50)

Donc, M. le Président, oui, mais la Coalition pour la reconnaissance des conjoints et conjointes de même sexe, dont les membres, et la Table de concertation des lesbiennes et des gais du Grand Montréal, la Fédération des femmes du Québec, le Réseau des lesbiennes du Québec, le Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain, la Coalition gaie et lesbienne du Québec, la Centrale de l'enseignement du Québec, le Forum des gais et lesbiennes syndiqués du Québec, la Ligue des droits et libertés, le Conseil central du Montréal métropolitain – ça, c'est la CSN; tantôt, c'était la FTQ – le Syndicat canadien de la fonction publique, section Québec, CDEC Centre-Sud, plus les groupes sympathisants ont écrit, et je lis au texte: «Ce projet de loi est en tous points conforme aux demandes de la Coalition pour la reconnaissance des droits des conjoints et conjointes de même sexe, qui s'est même opposée à l'idée de donner des effets civils aux unions de fait. La Coalition a toujours été d'avis que les effets civils nécessitent un débat de société sur la conjugalité des unions de fait indépendamment de l'orientation sexuelle. Il faut d'abord mettre sur un pied d'égalité les unions de fait tant homosexuelles qu'hétérosexuelles, point. Une fois cette étape franchie, tous les intervenants sociaux seront en mesure de faire valoir leurs intérêts.»

Donc, camarades députés, soyons à l'oeuvre, une fois qu'elle sera votée, et voyons effectivement à l'intérieur du texte législatif les conséquences que cela entraînera, de tous ordres, parce qu'on s'aperçoit que c'est toujours un peu un domino. Est-ce qu'il y en a un d'entre vous – même si je suis entouré de gens de robe – qui pouvait soupçonner que nous allions avoir autant de lois à modifier que celles que nous devions modifier? Je dois vous avouer, dans ma grande naïveté, que je ne croyais absolument pas que nous étions rendus au point où il nous allait falloir modifier la loi dite de la relève agricole. Je veux dire, jamais dans mes pensées les plus délirantes je ne me suis dit: Nous irons jusque-là. Et Dieu seul sait qu'un petit-fils de cette noble profession, eh bien, non, jamais je n'avais pensé à une telle chose, M. le Président, jamais. Bon. Alors, quels seront les impacts futurs? Eh bien, ce sera à nous d'y voir, un point c'est tout. Je pense qu'aucun d'entre nous n'a renoncé à ses responsabilités ici, à l'intérieur de cette Assemblée nationale.

Donc, nous devrons, et la ministre d'ailleurs l'a clairement indiqué... Vous m'excuserez, M. le Président, je comprends les yeux réjouis des parlementaires, de voir que les jeunes sont présents dans le Parlement, il y a des jeunesses de tout âge, d'ailleurs, c'est ça qui est formidable. Le général de Gaulle avait dit: «Je n'ai pas eu de vieillesse, je n'ai eu que des jeunesses successives.» C'est très vrai. Bon. Alors, nous verrons.

Maintenant, un autre point. Et là je sais que le député de Marquette est tout ouïe. Bon.

Une voix: Ouimet.

M. Boulerice: Pardon?

Une voix: Ouimet.

M. Boulerice: Oui, mais. Oui, je n'aurais pas osé, de peur que votre leader m'accuse de tenir des propos antiparlementaires ou de m'adresser directement, mais... Bon. Alors, voilà.

Premièrement, il faudrait distinguer deux choses. La première, la pensée d'André Boulerice, mais la pensée du législateur. Les gens ne m'ont pas envoyé ici pour être uniquement André Boulerice, ils m'ont envoyé ici pour légiférer. C'est conciliable, M. le Président, c'est conciliable, c'est conciliable. Et les lignes de parti, comme y a fait allusion un de nos amis d'en face tantôt... Vous savez, j'ai quand même un passé passablement rebelle dans ma formation politique, et ce n'est pas demain la veille que je vais changer. Malheureusement, vous fréquentez très peu notre caucus, vous auriez avantage à avoir mes commentaires, et vous m'invitez rarement au vôtre, histoire de stimuler un peu. Mais enfin, que voulez-vous? J'ai, comme législateur, une sainte frousse de deux choses: des lois rétroactives... Terriblement peur de cela, parce qu'on peut faire des lois rétroactives, et surtout quand il y a des bénéfices et des droits, on se dit: Oh, oh! hé, hé! Mais, quand on donne à un État la possibilité, à un gouvernement, de faire des lois rétroactives, il y a le danger aussi qu'un jour il y ait des lois punitives qui arrivent, puis ça, c'est un danger. La deuxième est le gouvernement des juges, où c'est très facile. Ils sont nommés à vie – soit dit en passant, mieux payés que nous, mais, ça, vous êtes d'accord – mais ne dépendent pas de la population, donc prennent les jugements qu'ils veulent, etc. Et le député de Marquette a fait allusion à un jugement. On comprendra que je ne vais pas discuter du fond, puisque c'est une affaire pendante devant les cours. Et, si je ne suis pas gens de robe, j'ai suffisamment appris de vous et d'un voisinage plus immédiat une certaine prudence à cet égard.

Il est inexact de prétendre que cela ne touche que trois personnes. D'autres pourraient évoquer jugement. De plus, si l'on donnait un portée rétroactive au projet de loi uniquement pour ces trois personnes, comme votre collègue l'a suggéré dans un amendement, comme vous l'avez fait durant votre discours, M. le député de Marquette, comment le justifier auprès de tous les autres qui ont perdu leur conjoint au cours des dernières années et qui n'ont pas, eux, intenté de recours? Comment le justifier? Où tracer la ligne? Le décès est à quelle date? C'est, avouez-le, très arbitraire.

Le député de Hull n'est pas ici. Je fais souvent, pour démontrer le danger de l'arbitraire... Hull est bien plus près d'Ottawa qu'il l'est de Québec, sauf que Hull, c'est au Québec. Hein? Oui. En tout cas. Bon. Et, contrairement à ce que vous alléguez, M. le député de Marquette, le jugement Vaillancourt, il rétroagit, puisqu'il donne des droits pour un décès, c'est-à-dire l'événement déclencheur survenu avant le jugement. Donc, le danger de la rétroactivité, l'arbitraire d'une date qui inévitablement sera donnée. Et puis, certes, dans une loi, il y a reconnaissance des droits. Mais, si vous voulez une rétroactivité, la communauté gaie a toujours dit: Nous ne voulons pas uniquement des droits, nous voulons des obligations également. Il y aura rétroactivité des obligations. Et là ça commence où et ça se termine où, aussi? Le danger des lois rétroactives. Et ça, c'est le législateur qui parle, parce que l'individu connaît très bien l'une des trois personnes, très bien, et, humainement parlant, je ne suis pas bien, effectivement, M. le Président, et je conclus, oui. Mais le danger des lois rétroactives.

Malheureusement, je n'ai pas plus de temps pour en parler, mais j'aurai peut-être un autre jour pour le refaire. Et je remercie l'opposition d'avoir bien consenti à m'accorder ce temps de parole que normalement je n'aurais pas eu. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint de l'opposition.

(16 heures)

M. Mulcair: Question de règlement. Article 212, propos mal compris ou déformés. Tel que requis aux termes de notre règlement, j'interviens à ce moment-ci pour donner de brèves explications sans vouloir susciter de débat avec mon collègue de Sainte-Marie–Saint-Jacques, mais tout simplement pour lui dire qu'il a effectivement mal compris mes propos lorsque j'ai parlé de «common law marriage», tantôt. Étant quelqu'un qui a tellement souvent – et vous étiez là ce matin, je suis content – défendu l'importance de la spécificité de notre droit civil au Québec, je ne pouvais pas laisser passer sous silence la mauvaise explication, que j'ai sans doute faite, qui a mené à cette mauvaise interprétation de sa part.

Ce que j'ai tenté de dire ce matin, M. le Président, c'est la même chose qu'a déjà dite la Commission des droits de la personne du Québec. C'est qu'on était en train d'infliger aux couples de fait, gais et lesbiennes, le même sort infligé aux couples de fait de sexe différent. Et ce que je dis par là, c'est qu'ils vont avoir les mêmes discriminations inhérentes parce qu'on n'a pas réglé le fond du problème. C'est-à-dire qu'on est la seule province qui ne reconnaît pas, même après 15, 20, 30 ans de vie commune, les droits patrimoniaux. C'est-à-dire que notre Code civil, lorsqu'on l'a révisé, n'a pas été mis à jour. Il y a eu assez de difficultés comme ça, je présume, mais c'est quelque chose qui aurait pu et aurait dû être fait.

Par ailleurs, la Commission des droits de la personne nous souligne, à très juste titre, qu'en ce moment c'est un fouillis total à travers la législation québécoise. Il y a des définitions. Tantôt, c'est un an; tantôt, c'est la personne qui la déclare; tantôt, c'est par réputation de fait; tantôt, c'est trois ans. Alors, nous, ce qu'on dit, c'est que c'est peut-être juste une autre étape qu'il faut faire. Mais, maintenant que la discrimination est partie pour ce qui est de cette différence-là, le motif qui nous amène ici aujourd'hui: il faut, comme société, s'attarder maintenant à ces deux autres éléments, à savoir les droits patrimoniaux de ceux qui vivent ensemble et créent une union de fait – common law marriage, par manque d'un meilleur terme – et justement cette disparité du traitement, parce que ça va causer les mêmes problèmes dans les couples du même sexe que ça crée déjà. Et c'est vraiment un très gros problème.

M. le Président, en terminant, moi, quand j'ai commencé ma carrière au ministère de la Justice, à la Direction générale des affaires législatives, dans les années soixante-dix – ça ne me rajeunit pas – je me souviens d'avoir participé à des réunions de rédaction. Et ça, c'était l'État-Provigo, hein. Ça, il y avait de l'argent à dépenser. C'était une mise aux enchères dans les différents ministères et organismes. Et je me souviens – c'est une expression qu'on emploie – ça a été rédigé sur le coin d'une table. J'ai assisté à la rédaction de plusieurs de ces dispositions-là, où les uns disaient: Chez nous, ça va être deux ans. Puis l'autre disait: Bien, nous, on a mis trois ans la dernière fois. Ouais, mais, nous, ça va être deux ans. Puis c'est un an. Il n'y a jamais... On parle de l'intention du législateur; ça, c'était la décision des «fonfons», ce jour-là. Ce n'était pas plus compliqué que ça: on va mettre un, on va mettre deux, on va mettre trois.

Éventuellement, nous, comme élus, on devrait mettre de l'ordre là-dedans. C'est nous qui en sommes responsables. Il faudrait que ça vienne, cet ordre-là, un jour. Et c'était ça, notre propos, M. le Président.

Je connais trop bien les qualités de «debater» de mon collègue de Sainte-Marie–Saint-Jacques pour ne pas savoir que, si je lui laissais garder ça «on the public record», ça risquerait de m'être recité. Alors, c'est pour ça, sans doute, qu'on s'est donné l'article 212, pour corriger des propos mal compris ou déformés. Et je ne lui prête pas du tout l'intention de les avoir déformés, M. le Président, même si, de toute évidence, j'ai été mal compris.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Boulerice: M. le Président, si vous me permettez, mais vraiment 30 secondes pour...

Le Vice-Président (M. Pinard): En vertu de quoi, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Boulerice: En vertu de la bienséance, pour dire que maintenant j'ai bien compris et que je suis prêt à travailler solidairement et conjointement avec le député de Chomedey là-dessus, et que les couples gais acceptent pour quelque temps...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci.

M. Ouimet: M. le Président, une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Une question de règlement de la part de M. le député de Marquette. M. le député.

M. Ouimet: En vertu de l'article 213 du règlement, est-ce que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques accepterait une question de ma part?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Quand un coeur aime, c'est difficile de dire non. Mais il faut en arriver à le dire une fois. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Marquette, c'est oui.

Une voix: Il a dit non.

M. Ouimet: Je ne sais pas s'il a dit oui ou non, mais, M. le Président, je vais lui poser la question.

Le Vice-Président (M. Pinard): J'ai conclu que la réponse était affirmative, M. le député de Marquette. Alors, veuillez poser votre question.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: M. le Président, la question, elle est bien simple, et le député n'y a pas répondu dans son allocution de plus de 20 minutes: Comment est-ce qu'il peut expliquer que les quatre personnes qui se sont présentées devant les tribunaux, qui ont obtenu un jugement qui vient reconnaître leurs droits comme conjoints de fait de même sexe, voient que ces mêmes droits-là sont niés par son gouvernement et par la Procureur général suite à un dépôt d'un projet de loi n° 32 qui vise à corriger ce que les quatre personnes ont dénoncé? Comment peut-il expliquer une telle chose?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques.

M. Boulerice: Comment, M. le Président, le député de Marquette peut-il accuser ce gouvernement de nier des droits, alors que son parti politique, lorsqu'il était au gouvernement, a nié l'essence même de ce qui les a amenés à aller en cour, c'est-à-dire la reconnaissance des conjoints de fait? Le propos, là, devient odieux.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, à ce stade-ci, vous allez comprendre...

M. Ouimet: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Question de règlement, M. le député de Marquette? En vertu de...

M. Ouimet: L'article 213. Puisque le député n'a pas répondu à la question, peut-il...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Marquette, si vous demandez de vous prévaloir de l'article 213, est-ce que, M. le leader de l'opposition, vous...

M. Boulerice: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Non? Alors, la réponse est négative.

Des voix: Ah, ah, ah!


Mise aux voix des amendements de la ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à ce stade-ci, maintenant, les amendements proposés par Mme la ministre de la Justice sont-ils adoptés?

Une voix: Adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 32, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, pour la suite du monde et puisqu'il nous faut continuer, eh bien, je vous réfère à l'article 1 de l'ordre du jour.


Projet de loi n° 16


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 1 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 8 juin 1999 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 16? Il restait, lors de la suspension du débat... Il vous restait, M. le député de Chomedey, un temps de parole de huit minutes afin de compléter votre intervention. Alors, je vous cède immédiatement la parole. M. le député.

M. Mulcair: Merci, M. le Président, mais ça va être immédiatement pour soulever une question de règlement. Est-ce que vous pourriez constater le fait qu'il n'y a pas quorum?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, effective#ment, je constate, au moment présent, qu'il n'y a pas quorum et je vous demanderais d'appeler les députés.

(16 h 7 – 16 h 10)

Mmes, MM. les députés qui sont debout, veuillez vous asseoir.

Comme nous venons de retrouver notre quorum et que je suis persuadé qu'on va le maintenir, à ce moment-là, je vous cède la parole, M. le député de Chomedey, en vous rappelant qu'il restait à votre intervention un temps de parole de huit minutes. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au cours des huit minutes qu'il me reste pour mon intervention sur le projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, Bill 16, An Act to amend the Territorial Division Act and the Courts of Justice Act, il est important de s'arrêter quelque peu pour bien saisir toute l'importance du projet de loi qui est proposé par le gouvernement du Parti québécois.

Rappelons, M. le Président, qu'il s'agit d'un projet de loi qui déménagerait le siège social de Cowanswille à Granby, pour ce qui est de la justice dans cette région-là. Rappelons aussi que des gens aussi importants que le bâtonnier de Shefford se sont déjà prononcés contre ce projet de loi. Et pourquoi? Parce qu'il y a déjà eu des sommes importantes dépensées par le gouvernement pour améliorer le palais de justice de Cowansville. Il n'y a aucune raison valable qui a pu être donnée jusqu'à date pour laquelle on voudrait priver les gens de ce service-là. Et c'était le point qu'on était en train de soulever hier, au moment où on a été si rudement interrompus par l'arrivée de l'heure impartie par la Chambre, mais il fallait qu'on reprenne aujourd'hui pour que le gens, justement, saisissement toute l'importance du dossier.

M. le Président, on ne le dira jamais assez. Quand le Parti québécois doit couper, il coupe d'abord et avant tout dans le service direct à la population. La dernière chose à laquelle le Parti québécois va toucher ou peut toucher, c'est l'appareil administratif. Pourquoi? C'est fort simple. Ils sont tellement redevables devant les grandes centrales syndicales qu'ils ne peuvent pas les toucher. Alors, plutôt que de faire un assainissement des dépenses publiques en réduisant la taille de l'État, ils ont procédé à l'atteinte du déficit zéro, dont ils se vantent tellement, en coupant radicalement les services à la population. À Montréal seulement, sept hôpitaux fermés. Pas grave. Poudre aux yeux pour nous, à Laval. Un centre hospitalier ambulatoire régional qui a ni plus ni moins deux étages, dans un édifice à bureaux, qui n'est pas du tout un hôpital, mais ils l'ont appelé hôpital.

Et ça, M. le Président, c'était leur manière de faire semblant d'avoir rempli une promesse faite lors des élections de 1994. Et pensez-y bien. Vous vous souvenez d' Alice au pays des merveilles , ce caractère en forme d'oeuf? En anglais, on l'appelait Humpty Dumpty. Il avait une phrase tout à fait spectaculaire, il dit: Lorsque j'emploie un mot, le mot veut dire ce que je dis que ça veut dire, rien de plus, rien de moins. Lorsque notre ministre de la Santé et des Services sociaux va venir à Laval, elle va se promener sur deux étages dans un édifice à bureaux, à toutes fins pratiques, vide. La seule description qui a été faite dans le journal La Presse , c'est qu'il y avait des boites vides puis des gens qui se promenaient sans trop savoir pourquoi ils étaient là. Et ils ont appelé ça un hôpital. Pour rester avec des images qui vont aussi émouvoir la députée de Mille-Îles, vous vous souvenez du Wizard of Oz , le sorcier d'Oz? Il ne fallait pas regarder en arrière de l'écran: Don't pay attention to that man behind the screen! C'est ce qu'on lui disait alors qu'il manipulait le tout. C'est un peu ça avec le ministère de la Santé et des Services sociaux. Arrêtez de vous poser ces questions gênantes là. Faites semblant, croyez, comme nous. Vous ne faites pas partie de notre secte, vous ne croyez pas que c'est un hôpital, ces deux étages dans cette bâtisse à bureaux, sur le boulevard Chomedey. Moi, là, je n'en reviens pas de voir quelqu'un d'aussi intelligent et expérimenté que la députée de Mille-Îles croire ces balivernes-là, croire que ces deux étages-là, c'est un hôpital.

M. le Président, si on regarde dans le journal La Presse ce que la députée de Mille-Îles n'arrête pas de nous citer, l'article était fabuleux, c'était le meilleur coup de relations publiques dont ils étaient capables. Alors, l'article en question disait: Si tout va bien, le CHARL – le C-H-A-R-L – le centre hospitalier ambulatoire régional de Laval, ils vont pouvoir prendre...

Une voix: ...

M. Mulcair: ...non, je ne suis pas jaloux, c'est dans mon comté, puis je trouve ça ridicule même si c'est dans mon comté. Ils vont prendre le dossier en provenance du CLSC, qui, soit dit en passant, ne fait pas grand-chose, merci, ils vont le passer par le CHARL puis ils vont pouvoir le transmettre à la Cité de la santé. Tout ça pour masquer le fait que, dans la ville de Laval, une ville de 345 000 personnes, on n'a qu'un hôpital, un seul hôpital. Regardez combien d'hôpitaux il y a ici, dans la ville de Québec et les environs, M. le Président, et comparez les populations, vous allez vite comprendre.

Alors, ils étaient mal pris, ils n'étaient pas capables d'admettre qu'ils n'avaient pas tenu leur promesse de 1994 et ils ont décidé, coup de bâton magique, deux étages dans une bâtisse à bureaux, tout d'un coup, ça, on va appeler ça un hôpital. Quand le monde va aller voir sur place ce qu'ils ont eu le culot d'appeler hôpital, je pense que ça va être très clair qu'ils se sont fait berner.

Mais, M. le Président, c'est une autre façon de gouverner, soi- disant. C'est aussi une autre façon de cacher la vérité aux gens. Ce qui se passe à Laval est un exemple typique. Les sept hôpitaux fermés à Montréal, c'est un exemple typique. La menace de fermeture de l'hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, dans la même région, c'est la même chose. Soi-disant, il faut sauver de l'argent, qu'est-ce qu'on va faire? On va couper d'abord, avant tout, on va sabrer dans les services directs à la population. C'est ça que le Parti québécois – c'est ça, sa marque de commerce – fait tout le temps.

Et ce n'est pas différent ici, sauf qu'il y a une petite chose un peu plus insidieuse cette fois-ci, une petite vengeance qui est en train de se jouer ici à l'égard du député de Brome-Missisquoi. Le député de Brome-Missisquoi, c'est un ancien ministre dans un gouvernement antérieur. C'est aussi le leader de l'opposition officielle. Puis, juste pour étayer notre point comme quoi c'est une petite vengeance, le fait de menacer de fermer le palais de justice dans Cowansville, je n'ai qu'à vous rappeler une chose qui a été entendue ici par beaucoup de mes collègues quand, après une journée de débats assez rigoureux, merci, le premier ministre, dans un de ses états habituels, avec le doigt en train de bouger comme ça, dit: Tu viens de détruire tes chances d'être nommé juge, toi, en parlant au député de Brome-Missisquoi. Nous, on s'est enquis. Jamais, il nous informait... il n'avait jamais demandé d'être nommé juge. Pourquoi le premier ministre s'est senti permis de faire une telle affirmation? On ne le savait pas. Mais c'est clair que la menace de fermeture de Brome-Missisquoi-Perkins Hospital, l'hôpital en question, le fait qu'on s'apprête à fermer le palais de justice de Cowansville, ça fait partie de la même tentative d'intimidation à l'égard de l'opposition et de son leader.

Tout ce que je peux dire, c'est qu'on va s'opposer avec toutes nos énergies, toutes nos forces à cette tentative de fermeture. On va utiliser toutes les possibilités qui sont offertes aux termes du règlement que, nous, on s'est donné ici. Parce que, jusqu'à date, la ministre de la Justice reste muette. Aujourd'hui, là, muette comme une carpe. Elle est assise là, elle ne dit pas un mot, elle refuse de répondre à ce qu'on dit, et je dois justement conclure, comme tout le monde, que le silence de notre ministre de la Justice implique son consentement à l'analyse qu'on est en train de formuler.

Alors, en terminant, M. le Président, force nous est de constater que les tentatives très gênantes de bâillonner l'opposition ne fonctionneront pas, et le gouvernement doit bien se rendre à cette évidence. Et, nous, on va continuer de se battre afin de s'assurer que le palais de justice, un service direct à la population à Cowansville, demeure en place. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Chomedey. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je voudrais intervenir sur le projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires.

M. le Président, ce projet de loi vient créer un problème énorme dans une petite localité, Cowansville. Ce projet de loi modifie la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de transférer de Cowansville à Granby le chef-lieu du district judiciaire de Bedford. Ce projet de loi prévoit également que les causes inscrites pour enquête et audition au palais de justice de Cowansville avant l'entrée en vigueur du projet de loi sont réputées inscrites pour enquête et audition au palais de justice de Granby à la date d'inscription au palais de justice de Cowansville.

(16 h 20)

En somme, ce projet de loi, projet de loi n° 16, consacre le transfert de Cowansville à Granby du chef-lieu du district judiciaire de Bedford. Il modifie essentiellement deux lois: la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires. C'est un projet de loi, M. le Président, de quatre petits articles. Donc, c'est un projet de loi régime minceur. Cependant, c'est un projet de loi qui est lourd de portée pour les citoyens de Cowansville puisqu'il consacre la fermeture de leur palais de justice.

M. le Président, en entamant l'étude de ce projet de loi, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à un événement marquant qui s'est passé au Québec en 1992. En 1992, il s'est tenu au Québec le Sommet de la Justice, qui a réuni un peu partout, dans toutes les régions du Québec et dans la grande région de Montréal, tous les intervenants et les groupes concernés par notre système de justice. Il y a eu des débats, des réflexions, des suggestions. Et je me rappelle, pour y avoir assisté moi-même, de ces grands forums, de ces grandes discussions où le gouvernement de l'époque, en 1992, voulait améliorer notre système de justice. Et, à l'époque, ce qu'on disait, c'est que, pour que notre système de justice soit opérationnel et qu'il fonctionne à l'avantage des citoyens, il fallait tenir compte de deux priorités principalement. La première, et elle est fondamentale, c'est l'accessibilité à la justice. Et la deuxième, c'est la diligence dans le traitement des causes devant les tribunaux.

Je n'aurais jamais pensé, ayant participé à ces débats, ayant participé à cette réflexion et à la nécessité de rapprocher le système de justice des justiciables, qu'un jour je me lèverais pour dénoncer la fermeture d'un palais de justice, surtout un palais de justice dans une région, dans une localité qui est éloignée des centres urbains.

La fermeture du palais de justice de Cowansville, M. le Président, et je cherche à comprendre les raisons, une raison parmi tant d'autres qui pourrait motiver une telle décision. Et je n'arrive pas, à la lumière du dossier, de la littérature que j'ai lue, des consultations que j'ai faites, à trouver une seule bonne raison qui justifierait que l'on puisse fermer le palais de justice de Cowansville. Tous les intervenants, tous les groupes qui se sont prononcés sur ce projet de loi et sur cette décision arbitraire de la ministre de la Justice se sont prononcés contre. J'ai été stupéfaite quand j'ai entendu la ministre de la Justice se lever en Chambre et nous dire que tout le monde est d'accord avec sa décision. Je ne sais pas qu'est-ce qu'elle inclut dans «tout le monde». J'ai bien l'impression qu'elle s'inclut elle-même, parce que tout le monde autour de ce palais de justice est d'accord pour le maintien de cette institution dans son milieu.

Rappelons aussi, M. le Président, que depuis de nombreuses années, et plus particulièrement de 1994 à 1998, les ministres de la Justice qui se sont succédé ont promis non pas de fermer le palais de justice de Cowansville, mais d'entreprendre des travaux d'aménagement, des travaux de rénovation majeurs pour permettre à cette institution, qui d'ailleurs est un bien patrimonial – il faut le voir, sur le plan architectural, c'est un véritable petit bijou – donc d'entreprendre des travaux de rénovation pour consolider cette institution et en faire un fleuron dans le milieu de cette localité qu'est Cowansville. Or, M. le Président, le projet de loi n° 16 vient sonner le glas du palais de justice de Cowansville, et ce, sans aucune consultation avec le milieu, avec les organismes concernés. Même le bâtonnier du district de Shefford s'est plaint que la région n'a même pas été consultée dans ce dossier. C'est le bâtonnier, M. le Président, qui parle.

Donc, la fermeture du palais de justice de Cowansville, on le sait, ne repose sur aucun fondement objectif, ne répond à aucune raison valable, excepté peut-être le fait que le député qui représente le comté de Brome-Missisquoi, c'est un député qui a beaucoup de panache, c'est un leader qui dit ce qu'il pense, c'est quelqu'un qui défend les citoyens, et il a eu le courage de se lever dans cette Assemblée, de dénoncer le vice-premier ministre, ministre du Revenu, pour le transfert des renseignements nominatifs du ministère du Revenu au Bureau de la statistique, il a eu le courage aussi de demander sa démission, et peut-être que cela a mis dans l'eau chaude, on le sait, la ministre de la Justice elle-même. C'est la seule raison que je vois, M. le Président, qui justifierait une telle action, et encore, ça ne se comprend pas, ça ne se justifie pas.

Donc, la fermeture du palais de justice va se traduire concrètement par l'asphyxie du milieu juridique et du milieu économique de Cowansville. Il faut s'attendre à des conséquences négatives, à des conséquences néfastes pour la population. On parle d'une perte ou d'un déplacement de 400 emplois directs ou indirects. C'est énorme, ça, pour une localité comme Cowansville qui a déjà été durement éprouvée par la fermeture de plusieurs autres institutions, notamment la prison de Cowansville. Il y a également, entre autres conséquences, la perte de centaines de milliers de dollars pour les commerçants locaux. Ça, M. le Président, c'est des choses qui peuvent se chiffrer. Et on le sait, à quel point des institutions comme un palais de justice dans une localité, c'est extrêmement important. C'est un milieu de vie qui génère aussi beaucoup d'activité économique sur le plan local. Il y a également, à brève échéance, un dépeuplement de la petite municipalité de Cowansville. Tout ça mis ensemble, M. le Président, m'amène à constater qu'il y a un énorme fossé entre le discours qu'entretient ce gouvernement quand il parle de régionalisation, de décentralisation, et les gestes concrets qu'il pose et qui sont lourds de conséquence. M. le Président, cette décision ne s'explique pas, ne se comprend pas et ne se justifie pas.

Et juste pour vous donner une illustration de ce que le milieu pense d'une telle décision, permettez-moi de vous citer quelques commentaires qui ont été faits par des personnes en autorité par rapport à ce dossier. D'abord, M. Robert Brisebois, bâtonnier du district de Bedford. Dans un document daté du 1er février 1995, on peut lire ceci: «Le 26 janvier 1995, lors d'une assemblée générale spéciale où vous avez tous été convoqués, il a été unanimement résolu, tant par les avocats du nord que du sud, de se prononcer en faveur de l'opportunité de maintenir un palais de justice complet à Cowansville.» Ça, c'était le bâtonnier du district de Bedford en janvier 1995.

(16 h 30)

C'est qu'en 1995 il s'est passé quelque chose d'extrêmement intéressant, qui met en contradiction la ministre et son projet de loi. Le 15 septembre 1995, je peux lire, M. le Président, quelques extraits d'un communiqué qui a été émis par le ministre de la Justice et Procureur général de l'époque, le député de Louis-Hébert, actuellement. À cette époque, en 1995, le ministre de la Justice s'est déplacé spécialement à Cowansville pour faire des bonnes annonces. Et qu'est-ce qu'il a annoncé? Il a «indiqué à la population du district judiciaire de Bedford que les travaux de rénovation et d'expansion du palais de justice seront enfin bel et bien entrepris». C'est écrit noir sur blanc dans un communiqué émanant du gouvernement du Québec, cabinet du ministre de la Justice, Procureur général et ministre responsable de l'application des lois professionnelles, palais de justice de Cowansville, le 15 septembre 1995. Ça, c'était l'ancien ministre de la Justice du gouvernement péquiste qui s'était engagé au nom de son gouvernement, auprès de la population de Cowansville, que le palais de justice allait être rénové et agrandi.

M. le Président, les gens du milieu l'ont pris au sérieux, le ministre. Ils ont cru en sa parole, ils ont cru en sa promesse. Ils ont créé un comité de concertation pour faire en sorte qu'il y ait un consensus qui se dégage autour de cette institution qu'est le palais de justice de Cowansville. Dans le même ordre d'idées, le maire de Cowansville et préfet de la MRC Brome-Missisquoi, en date du 7 octobre 1996, il a écrit à l'ancien ministre de la Justice et actuel député de Louis-Hébert pour lui dire ceci: «C'est avec grande satisfaction que nous avions accueilli, lors de votre conférence de presse, votre décision d'agrandir et de rénover le palais de justice de Cowansville.» Il est allé plus loin. Il lui a annoncé que «le permis de construction a été demandé et fut émis il y a déjà quelques semaines par notre Service de l'urbanisme».

Les gens, M. le Président, à Cowansville, ils ont pris la parole du ministre de la Justice au sérieux en 1995, à telle enseigne qu'ils ont mis sur pied un comité de concertation. Le maire a fait émettre le permis de construction, mais aujourd'hui la nouvelle ministre de la Justice a leurré la population. Elle l'a leurrée d'autant plus que, parallèlement à cette décision inexplicable et inacceptable, en même temps elle accepte de financer un projet, justement à Cowansville, pour l'implantation d'une maison régionale de la justice. C'est à n'y rien comprendre. Et ce projet-là, il est financé à 50 % par le ministère des Affaires municipales et de la Métropole.

J'ai ici une lettre en date du 1er février 1999 qui est signée par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole et députée de Hochelaga-Maisonneuve, et en même temps une autre lettre en date du 16 février 1999 signée par l'actuelle ministre de la Justice et députée de Lévis, où elle écrit ceci – je la cite au texte: «Je consens à vous octroyer une aide financière de près de 10 000 $ représentant 50 % des coûts de l'étude de faisabilité relative à l'implantation d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi.» M. le Président, comment est-ce qu'on peut, d'un côté, fermer le palais de justice et, de l'autre, financer une étude de faisabilité pour l'implantation d'une maison régionale de la justice précisément à Cowansville?

J'ai également, M. le Président, en date du 18 février 1999, une lettre qui me parvient de la MRC Brome-Missisquoi et qui est signée par la préfète de Brome-Missisquoi, de la MRC Brome-Missisquoi, Mme Lyse Lafrance-Charlebois, et qui dit, M. le Président, dans sa lettre qui est adressée à l'actuelle ministre de la Justice... elle lui rappelle l'engagement de l'ancien ministre de la Justice, son collègue le député de Louis-Hébert. Elle lui dit ceci: «Je vous rappelle que, le 15 septembre 1995, le ministre de la Justice et Procureur général a annoncé à Cowansville que des travaux de rénovation et d'expansion du palais de justice de Cowansville au coût de 9 000 000 $ seraient bel et bien entrepris.» Et elle ajoute, M. le Président: «Ce projet devait doter le palais de justice de trois salles d'audience dont une pour la chambre de la jeunesse et une pour les assises criminelles, quatre bureaux de juge dont deux pour des juges résidents, deux bureaux de procureur, une bibliothèque de droit, des locaux administratifs, un quartier cellulaire et deux satellites de détention, jeunesse et adulte, de même taille.»

Donc, M. le Président, on voit bien qu'autour de cette institution on voulait regrouper l'ensemble des services par rapport à la justice à Cowansville. Mais là, M. le Président, la surprise est arrivée avec la décision de la ministre, et qui nous est formulée sous forme de projet de loi, projet de loi n° 16.

M. le Président, Mme Lise Lafrance-Charlebois précise dans sa lettre que le conseil de la MRC favorise toujours le projet de rénovation et d'agrandissement du palais de justice de Cowansville annoncé en 1995 et elle formule un certain nombre de suggestions à la ministre pour la ramener à la raison et lui faire comprendre que sa décision est inacceptable pour le milieu.

Elle est inacceptable pour le milieu, M. le Président, parce que ce que la ministre propose, dans une lettre en date du 18 février 1999 à M. Robert Desmarais, Municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi, elle lui propose ni plus ni moins que d'amener toutes les activités essentielles du palais de justice de Cowansville à Granby et elle laisse quelques grenailles à Cowansville. C'est comme si les citoyens, pour se marier, ils doivent le faire à Cowansville et, pour divorcer, il faudrait qu'ils aillent à Granby. C'est inacceptable, M. le Président.

Je peux vous citer de nombreuses autres références, notamment un organisme, Horizon pour elle, qui souligne à quel point cette décision rendrait l'accessibilité difficile aux femmes victimes de violence conjugale. Et je suis étonnée que la ministre de la Justice, qui est également ministre responsable de la Condition féminine, n'ait pas la sensibilité nécessaire pour comprendre les conséquences lourdes et difficiles de sa décision, M. le Président. Je voterai contre ce projet de loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la députée de La Pinière. Un rappel aux membres de cette Assemblée. Nous en sommes à l'étape du principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires.

Je vais céder la parole au prochain intervenant, le porte-parole de l'opposition officielle en matière d'affaires intergouvernementales canadiennes et député de Chapleau. M. le député, la parole est à vous.


M. Benoît Pelletier

M. Pelletier (Chapleau): Merci, M. le Président. Alors, nous avons procédé, dans l'opposition officielle, à l'examen minutieux du projet de loi n° 16 qui concerne la modification de la Loi sur la division territoriale et de la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de faire en sorte que le chef-lieu du district judiciaire de Bedford soit éventuellement Granby et non pas Cowansville.

Plus particulièrement, ce projet de loi, qui est quand même assez mince, projet de loi de quatre articles et dont on a dit avant moi que, finalement, il avait en quelque sorte subi le régime minceur Montignac, ce projet de loi, donc, vise essentiellement, dans les faits, à procéder à la fermeture du palais de justice de Cowansville et à faire en sorte, donc, que les activités de ce palais de justice soient désormais transférées à Granby.

(16 h 40)

Même s'il n'a que quatre articles et même si, en apparence, ce projet de loi peut sembler banal, il est malgré tout porteur de grandes conséquences et de très grande importance pour la population de la circonscription de Brome-Missisquoi. D'ailleurs, j'ai eu l'occasion, M. le Président, de prendre connaissance d'articles de journaux qui ont porté sur la fermeture du palais de justice de Cowansville jusqu'à présent, et, dans ces articles de journaux, on constate que la population de Cowansville considère qu'elle a été abandonnée par l'actuel gouvernement du Québec et va même jusqu'à considérer – la population, toujours – que le gouvernement du Québec s'acharne contre le comté de Brome-Missisquoi. C'est dire, donc, l'importance que prend ce projet de loi pour la population de cette circonscription et c'est dire à quel point, finalement, la fermeture du palais de justice risque de poser éventuellement pour la ville de Cowansville, pour l'ensemble du comté de Brome-Missisquoi, des problèmes socioéconomiques importants. À cet égard, dans cette veine, si je puis dire, on peut bel et bien parler du début, avec ce projet de loi, de la destruction du pôle socioéconomique de Cowansville et plus particulièrement de la circonscription de Brome-Missisquoi.

Il faut savoir ceci, M. le Président. Il faut savoir que, de 1994 à 1998, tous les ministres de la Justice au Québec ont promis qu'il y aurait des travaux d'aménagement du palais de justice de Cowansville et ont promis qu'il y aurait des travaux de rénovation majeurs de ce même palais de justice. Quand je parle de ces ministres, donc, qui ont occupé un fauteuil ici, à l'Assemblée nationale, entre 1994 et 1998, je pense à des ministres comme M. Herbert Marx, je pense à Gil Rémillard, je pense au ministre Lefebvre, je pense même finalement au ministre Bégin, qui donc a été à une certaine époque ministre de la Justice au Québec. Tous ces ministres ont promis, tous, l'un à la suite de l'autre, donc des rénovations importantes, des rénovations majeures, des travaux d'aménagement du palais de justice de Cowansville et, finalement, ont permis à la population locale d'avoir l'espoir que leur palais de justice, loin de subir une fermeture, en quelque sorte, au contraire, bénéficierait d'une expansion de ses activités et d'un accroissement de son importance.

J'ai mentionné un peu plus tôt l'importance qu'avait ce même palais de justice pour la population de Cowansville. Cette importance, elle est reliée non seulement au secteur judiciaire et au secteur juridique – secteur juridique qui risque de souffrir lourdement de la fermeture dudit palais de justice – mais l'importance qu'accorde la population de Cowansville à ce palais de justice tient aussi au fait que nous sommes en présence ici d'un bien culturel, nous sommes en présence ici d'un édifice, d'un établissement qui répond à des standards historiques et des standards architecturaux qui en font finalement un bien culturel appréciable pour l'ensemble du Québec, un bien culturel que nous devons préserver à tout prix.

Donc, les ministres de la Justice, comme je le disais, qui se sont succédé au pouvoir dans le passé ont tenu un discours qui est tout à fait différent du discours de l'actuelle ministre de la Justice du Québec et ont donné à la population locale l'espoir que le palais de justice de Cowansville pourrait éventuellement devenir un complexe judiciaire des plus fonctionnels. M. le Président, il faut savoir que nous avons, nous, dans l'opposition officielle, ici, en notre possession des lettres qui émanent du maire de Cowansville. Nous avons par ailleurs des résolutions qui ont été adoptées par le Barreau de Cowansville. Nous avons des résolutions, des procès-verbaux qui témoignent de résolutions qui ont été adoptées par la MRC de Brome-Missisquoi, et tant le maire de Cowansville que le Barreau de Cowansville, que la MRC de Brome-Missisquoi ont été extrêmement surpris de l'annonce de la fermeture du palais de justice de Cowansville. Pourquoi, M. le Président? Parce que, imaginez-vous, à un moment donné, on a même prévu faire à Cowansville, et on a prévu cela jusqu'à tout récemment, en fait, jusqu'à ce que la ministre de la Justice annonce la triste nouvelle de la fermeture du palais de justice, on avait même prévu y faire, à Cowansville toujours, une maison régionale de la justice. C'est-à-dire que vraiment on avait l'intention, on a eu l'intention jusqu'à un certain moment, jusqu'à tout récemment, de redorer le blason de Cowansville en matière juridique et en matière judiciaire, de faire en sorte que Cowansville soit le chef-lieu du district judiciaire de Bedford, de faire en sorte qu'à Cowansville il y ait donc des infrastructures, un palais de justice notamment, qui permettent la mise en commun de services au niveau judiciaire.

C'étaient ça, les projets gouvernementaux jusqu'à tout récemment. Et, lorsque je dis «jusqu'à tout récemment», c'est en fait jusqu'au 18 février 1999, date mémorable, s'il en est une, pour la population de la circonscription de Brome-Missisquoi, puisque c'est la date, finalement, à laquelle la ministre de la Justice a fait connaître donc la décision de fermer le palais de justice, contrairement à l'opinion unanime de tous ses successeurs au portefeuille de la Justice, au ministère de la Justice, et, par ailleurs, donc à la surprise générale des intervenants locaux eux-mêmes et contrairement, devrais-je dire et devrais-je ajouter, aux promesses, même, faites par le gouvernement du Québec actuel jusqu'en février 1999.

Parce que le milieu local auquel je viens de faire référence, M. le Président, les intervenants locaux, le maire, la MRC de Brome-Missisquoi, le Barreau local, tout le monde dans la localité de Cowansville a demandé non seulement le maintien du palais de justice de Cowansville, mais également – je le rappelle – l'édification d'un véritable complexe judiciaire d'importance et par ailleurs, bien entendu, fonctionnel. Contrairement aux attentes du milieu, ce à quoi nous assistons, c'est un véritable effritement des services gouvernementaux, et, bien entendu, c'est l'ensemble de la communauté de Cowansville et de Brome-Missisquoi qui a à souffrir de cette décision du gouvernement du Québec qui ne repose sur absolument rien de rationnel, si ce n'est, finalement, la volonté de déplacer des services que Cowansville jusqu'à présent assumait de façon admirable et de façon tout à fait convenable.

(16 h 50)

Quelles sont donc les conséquences, maintenant, de la fermeture du palais de justice de Cowansville? Parce qu'il faut savoir que, dans sa lettre du 18 février 1999, l'actuelle ministre de la Justice du Québec devait, bien entendu, comme il se doit, comme il fallait s'y attendre, minimiser les conséquences de la fermeture du palais de justice de Cowansville. Mais quelles sont au juste – la question se pose – les véritables conséquences de la fermeture de ce palais de justice, outre la destruction du pôle socioéconomique, finalement, auquel pôle j'ai fait référence un peu plus tôt? Il faut savoir qu'il y aura perte d'emplois, M. le Président. La ministre de la Justice le nie. La ministre de la Justice dit avoir obtenu toutes les assurances, figurez-vous, qu'il n'y aurait pas de perte d'emplois. Or, la réalité, c'est que la fermeture du palais de justice de Cowansville va occasionner à peu près 400 pertes d'emplois directs ou indirects pour, donc, la localité de Cowansville elle-même, en plus d'occasionner – parce que là il y aura un déplacement des activités judiciaires en faveur de Granby, bien entendu – des coûts qui vont être prohibitifs pour des centaines et des centaines d'usagers, des centaines et des centaines de personnes qui ont affaire au palais de justice, soit sur une base quotidienne, soit de façon ponctuelle, et qui dorénavant, donc, devront eux-mêmes assumer les coûts de voyage, les coûts de séjour, les coûts de transport, finalement, jusqu'à Granby.

Il faut savoir également que la population défavorisée – parce qu'il y en a une également à Cowansville, comme il y en a partout au Québec, bien entendu – est celle qui va se voir encore une fois la plus pénalisée par la décision du gouvernement du Québec actuel, en ce qui concerne la fermeture du palais de justice de Cowansville. Pourquoi? Parce que, bien entendu, cette population-là défavorisée n'a pas le moyen d'assumer les coûts, justement, que va occasionner le déménagement, à toutes fins utiles, des services qui étaient offerts à Cowansville en faveur de la ville de Granby. Cette population n'a pas le moyen d'assumer les coûts de voyage, les coûts de transport, les coûts de séjour que cela va occasionner.

Et il faut savoir, M. le Président, parce que je parle de coûts de séjour, que parfois les gens sont impliqués dans des procès qui durent des journées et des journées sinon des semaines entières, surtout en matière civile, M. le Président, encore plus qu'en matière criminelle, mais parfois en matière criminelle aussi. Mais donc, surtout en matière civile, on assiste à des procès qui durent des semaines entières et qui portent donc sur des questions extrêmement litigieuses, extrêmement pointues, qui demandent donc qu'il y ait présentation d'un grand nombre de témoins.

Alors, c'est la population la plus défavorisée de Cowansville qui va le plus souffrir non seulement parce qu'elle devra payer les coûts, finalement, que va occasionner ce déménagement des activités en faveur de Granby, mais au surplus parce qu'elle va être privée, cette population-là, elle va être privée, à toutes fins utiles, des services de justice qui jusque-là étaient, je le répète, très convenablement offerts à Cowansville et rendus à Cowansville, par ailleurs.

Sans compter, M. le Président, les contraintes que ça va occasionner pour les personnes du troisième âge, les aînés qui, donc, eux aussi, pourront être appelés à faire affaire avec le palais de justice désormais situé à Granby et qui vont devoir en quelque sorte défrayer des coûts et puis faire des voyages à Granby, des voyages qui vont être relativement importants, voyages que leur santé ne leur permettra pas nécessairement de faire et d'accomplir.

Mais ce qui est probablement le plus triste dans la décision du gouvernement du Québec actuel, qui d'ailleurs démontre une insensibilité dans ce dossier encore aujourd'hui, d'ailleurs, qui est tout à fait étonnante... Une indifférence, une insensibilité que je suis à même de constater, M. le Président, tout autant que vous, qui non seulement m'étonne, mais qui, par ailleurs, me désole et qui n'est certainement pas à l'honneur de gens comme le député de Johnson, qui habituellement se porte à la défense, donc, des dossiers qui concernent l'Estrie, et qui est silencieux, comme tous ses collègues, par rapport à ce dossier épineux. Tellement épineux, donc, que des gens du Parti québécois à Cowansville ont décidé de quitter le parti, ont détruit leur carte de membre du Parti québécois, parce qu'eux aussi ont le sentiment d'avoir été abandonnés par le gouvernement.

Donc, si je reviens, M. le Président, sur l'impact peut-être le plus triste de cette décision, le plus dommageable de cette décision de fermeture du palais de justice de Granby, c'est finalement la désintégration de la communauté juridique de Cowansville elle-même et, bien entendu, l'impact aussi que cela pourra avoir sur le bureau d'aide juridique de Cowansville. Je pense que l'on peut se permettre de craindre que le bureau d'aide juridique de Cowansville doive bientôt fermer ses portes. Il y aura une fermeture éventuelle de ce bureau qui, lui aussi, va être vraisemblablement déménagé à Granby. C'est tout un monde social, c'est tout un monde économique, c'est tout un monde juridique finalement qui est en train de disparaître à Cowansville à cause de cette décision de la ministre de la Justice.

Les gens de Cowansville, M. le Président, qui ont connu la fermeture de la prison de Cowansville en 1995 et qui ont appris en 1999 la décision du gouvernement du Québec de détruire cette même prison, qui apprennent maintenant la fermeture du palais de justice de Cowansville, sont choqués, sont choqués non seulement parce qu'ils sentent que ce gouvernement les néglige et que ce gouvernement détruit les joyaux de leur propre communauté, mais, au surplus, parce qu'on leur avait promis jusqu'à tout récemment rien de moins qu'une maison régionale de la justice à Cowansville. Pouvez-vous vous figurer ce que ça peut représenter?

Je ne sais pas, moi, si le gouvernement avait dit dans le passé: Écoutez, on ne fera pas d'agrandissement du palais de justice de Cowansville, parce que finalement nous entendons éventuellement remettre en question les activités, la population aurait peut-être été préparée à la nouvelle. Les conséquences de la fermeture du palais de justice n'auraient pas été moindres, mais, au moins, le choc aurait probablement été moins brutal pour cette même population de Cowansville. Or, la population de Cowansville non seulement n'a pas été consultée dans le contexte de la décision de fermeture du palais de justice, mais, au surplus, s'est fait faire par le gouvernement pendant des années, et des années, et des années rien de moins que des fausses représentations, puisque le gouvernement, donc, a fait miroiter à cette même population non seulement le maintien du palais de justice de Cowansville, mais son expansion et l'établissement éventuellement d'une maison régionale de la justice.

Alors, M. le Président, en conclusion, je dois vous dire que, au-delà de la fermeture du palais de justice de Cowansville, sujet au sujet duquel d'ailleurs je n'aurais jamais cru que j'aurais été appelé à me prononcer dans ma carrière, mais sur lequel sujet je me vois contraint de me prononcer aujourd'hui, dû à l'importance qu'il a pour la population de Cowansville, que j'ai en amitié, ce que nous constatons, ce que nous voyons, c'est l'effritement des services gouvernementaux et c'est finalement le démantèlement, la destruction du pôle socioéconomique de toute une région. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Chapleau, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 16. Je cède la parole à M. le président de la commission de l'administration publique, le porte-parole, également, de l'opposition officielle en matière d'autochtones et en matière de Grand Nord. M. le député de Jacques-Cartier, la parole est à vous.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur le principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, Bill 16, An Act to amend the Territorial Division Act and the Courts of Justice Act.

(17 heures)

Moi, je me rappelle, M. le Président, le discours inaugural que le premier ministre et député de Jonquière a fait en arrivant à l'Assemblée nationale, au printemps 1996. Il y a une phrase qu'il a donnée dans ce discours et qui m'a frappée. J'ai souligné ça, parce que j'ai dit: il a mis la barre haute en disant ça, mais on va scruter à la loupe les gestes qu'il va poser en conséquence. La phrase était la suivante: Que ce gouvernement s'engage... On va sabrer dans la machine, mais les services à la population seront protégés. Alors, ils ont dit que, dans le grand défi d'arriver au déficit zéro, la priorité va être de protéger les services directs à la population, les services aux personnes, parce que souvent les personnes ont contact avec l'État au moment de crises dans leur vie, soit à la santé, soit les problèmes avec la justice, un incident, les accusations criminelles. Alors, ce n'est pas aux moments faciles. On arrive au bureau de bien-être social, effectivement, quand les choses vont mal. C'est un problème. Il y a un moment où l'individu a besoin des services de l'État pour le sauver, le dépanner un petit peu.

Alors, on parle toujours... l'État est là souvent pour le citoyen aux moments de crise, et je pense qu'un palais de justice, comme le bureau d'aide juridique, l'aide sociale, l'hôpital, la clinique médicale, ça, c'est tous des endroits où l'État est là pour dépanner nos concitoyens au moment d'une crise. Alors, quand le premier ministre est arrivé dans cette Chambre pour dire qu'on allait sabrer dans la machine, mais c'est les services directs à la population qui seront protégés, j'ai dit: Oui, ça, c'est un bon principe. Ça, c'est une bonne règle du jeu. S'il faut procéder à réduire les dépenses publiques, je pense qu'on a un principe, ici, qui peut nous guider.

Mais ce qu'ils ont fait, M. le Président, est tout autre. C'est presque drôle de voir le nombre de ministères que ce gouvernement a créés, a transformés et même démantelés. Je suis maintenant un député avec assez d'années de service. Quand on a vu la création et le démantèlement du ministère de la Métropole... Alors, on ne peut pas passer sous silence que ça a l'air beaucoup d'une machine, ça, un ministère de la Métropole. Ce n'était pas quelque chose créé pour les services directs à la population, mais c'était un endroit pour mettre une centaine de fonctionnaires pour se pencher sur l'avenir de Montréal. Ça ne marchait pas. L'opposition officielle, à l'époque, a dit: Cette affaire-là ne marchera jamais. Mais le gouvernement a mis beaucoup d'argent. Au lieu de l'envoyer directement dans les services offerts à la population, ils ont dit: Non, non, on va créer un ministère, et on va dépenser l'argent sur la machine.

Même chose, M. le Président, si on regarde les coûts pour la gestion de notre système de garderies, maintenant les centres de la petite enfance au Québec. Tout le monde a dit qu'il faut avoir les places en garderie, on n'a jamais contesté ça, mais on parle des frais de gestion du programme de garderies qui ont triplé, quadruplé en deux, trois ans suite à la création d'un ministère. Encore une fois, ce n'est pas les services offerts aux parents et aux familles québécoises, mais c'est seulement dans l'administration. Alors, malgré le beau discours, les belles paroles de ce gouvernement, ils ont investi davantage dans la machine et ils ont coupé dans les services offerts à la population.

Et on a un autre exemple aujourd'hui, le projet de loi n° 16. C'est quelque chose qu'on a vécu dans mon comté, quand c'était une cour de la jeunesse et une Cour des petites créances. Il y avait une cour, à Pointe-Claire, qui fonctionnait très bien, M. le Président, et les juges de la jeunesse étaient très heureux de venir. C'était à Pointe-Claire. Pour tout le réseau communautaire autour, c'était fort agréable d'avoir quelque chose dans notre localité, mais on a dit: Ah, c'est trop dispendieux pour le gouvernement d'envoyer les substituts procureur de la couronne à Pointe-Claire. Alors, on a fermé ça.

Alors, ça fait maintenant trois ans, je pense que... Et, juste entre parenthèses, M. le Président, c'est drôle, un des motifs qui étaient invoqués par ce gouvernement pour fermer la cour de la jeunesse à Pointe-Claire, c'est que le loyer était trop dispendieux, ça coûtait trop cher. Alors, le propriétaire de l'édifice a trouvé un autre locataire pour le même édifice, la même place, et c'était qui? Le ministère des Relations avec les citoyens. Alors, le loyer qui était nettement trop cher pour un ministère fait l'affaire d'un autre ministère. On a juste remplacé le petit carré bleu à l'extérieur, parce que ce n'était quand même pas si cher que ça.

Mais c'était une cour qui était très importante, et je me rappelle, ça m'a frappé, la décision prise par ce gouvernement de fermer ça. C'était une couple de mois après le décès d'un pasteur anglican et de son épouse, dans mon comté. Alors, il y avait des problèmes – ça se parlait – des problèmes des jeunes, la violence chez les jeunes, dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, comme dans d'autres secteurs de notre société, et la réponse de ce gouvernement: On va mettre une hache dans un service qui était destiné effectivement aux jeunes en difficulté. Alors, ça, c'est le gouvernement qui a tout fait pour protéger les services à la population.

Alors, encore une fois, on a un exemple ici, de Cowansville, où il y avait une cour qui est là depuis des années, des années, des années, où le gouvernement a fait des promesses, M. le Président, qu'on va préserver votre palais de justice... Les ministres subséquents ont dit: On va investir, on va agrandir, on va moderniser ça parce que c'est important pour les gens de Cowansville. Mais ce gouvernement voué à la défense des services offerts à la population a dit: Ah! C'est beaucoup plus facile pour nous autres, on va tout mettre à Granby. Et c'est le citoyen qui doit se déplacer, c'est les groupes communautaires qui doivent se déplacer. Que ça coûte plus cher pour ces personnes, ça n'est pas mon affaire, ça. Moi, je vais juste pour ma petite chose, moi, je reviens toujours à ma cour à Pointe-Claire.

Alors, la fermeture peut-être a sauvé quelques sous au ministère de la Justice, mais, pour tous les policiers qui doivent témoigner, ils vont quitter le poste du quartier Ouest-de-l'Île de Montréal, aller au centre-ville, attendre pour témoigner. Alors, l'économie qui était peut-être faite au ministère de la Justice est remplacée, pour les coûts additionnels, pas uniquement pour les policiers, il y a les travailleurs sociaux qui travaillent à partir de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, qui doivent maintenant aller, pour suivre le procès de la personne dont ils sont en charge, en ville. Alors, il y a une augmentation de leurs coûts. On va diminuer leur efficacité. Mais, encore une fois, ce n'est pas sur le budget du ministère de la Justice. Alors, il a réussi à sauver peut-être, je pense, de mémoire, que c'était 50 000 $, un montant faramineux, 50 000 $. Mais les coûts additionnels pour les autres partenaires, le gouvernement a dit: Ah! Ça, ce n'est pas très important. Et aussi d'avoir un noyau de personnes dévouées à la protection des enfants en difficulté, on a mis une hache dans tout ça. Est-ce qu'il y a un coût qu'on peut associer à ça? Est-ce qu'il y a un prix qu'on peut dire qu'on a payé pour ça? Difficilement, M. le Président, mais, c'est la vérité, on réussit à faire ça.

Alors, qu'est-ce qu'on propose pour Cowansville, c'est plus ou moins la même chose. Il y a un noyau de services de justice à Cowansville, et aujourd'hui on parle du transfert de la cour et des procès, et tout ça. Mais qu'est-ce qui va arriver? Je pense que mon collègue le député de Chapleau avait complètement raison: la prochaine cible va être l'aide juridique, parce que, si les avocats sont à Granby, si les procès sont à Granby, il y a une suite logique à faire où on va fermer le bureau pour l'aide juridique, parce que, ça, c'est à Granby aussi. Mais il faut rappeler qui a accès à l'aide juridique: c'est les plus démunis de notre société, ce n'est pas les personnes nécessairement avec une voiture qui peuvent faire le 30 km à Granby facilement. Alors, chaque fois qu'ils doivent voir leur agent, il faudra prendre l'autobus, peut-être trouver un ami qui peut les dépanner pour faire le trajet, le 60 km aller-retour. Mais, encore une fois, pour cet État, pour ce gouvernement qui a dit qu'on va tout faire pour protéger les services offerts à la population, ce n'est pas son problème. Que des personnes doivent voyager 60 km pour voir leur agent pour l'aide juridique, pour avoir leur procès, pour avoir l'encadrement nécessaire au moment d'une difficulté dans leur vie, au moment d'une crise dans leur vie, ce n'est pas vraiment le problème du gouvernement.

(17 h 10)

Alors, je vous rappelle toujours, M. le Président: on va sabrer dans la machine, mais les services offerts à la population seront protégés. Beaux principes, beaux discours, belles promesses, mais les gestes posés à répétition par ce gouvernement sont tout autres. Ce gouvernement a dit: On va protéger les services. Et maintenant, les personnes qui souffraient de cancer sont exportées au États-Unis pour les services. Puis, moi, comme contribuable, je dis: Il faut payer, il faut payer. Et on a dit: Maintenant, on n'a plus les moyens, à cause de la bonne et saine gestion de ce gouvernement. Alors, les personnes d'ici, du Québec, qui souffrent du cancer, on va les envoyer dans l'État de New York, on va les envoyer dans l'État du Vermont pour être soignées. Ça, c'est le gouvernement qui a sabré dans la machine, qui a créé le ministère de la Métropole, qui a créé le ministère des Relations avec les citoyens, qui a créé le ministère de la Recherche, le ministère des Régions, le ministère de la Famille et de l'Enfance, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Maintenant, on va créer un ministère de la Solidarité sociale, etc. Ils sont forts sur la machine, M. le Président. Ils sont forts sur la machine, mais c'est les services qui ont effectivement souffert. Et on voit à répétition... Et c'est un petit exemple aujourd'hui, un palais de justice à Cowansville, mais c'est typique d'un gouvernement qui a dit: Le citoyen, ce n'est pas très important. Nos promesses, nos engagements, que l'ancien ministre de la Justice, député de Louis-Hébert, a dit qu'on va agrandir, on va investir dans le palais de justice de Cowansville...

Belles promesses, beau discours, mais, quand le moment est venu pour poser le geste, pour dire aux gens de Cowansville: L'accès aux services de justice est important, l'accès à la cour est important, on va investir davantage, les belles paroles ont tombé à l'eau, on déménage. Et, comme j'ai dit, je suis fort convaincu, dans six mois, dans un an, on va être ici pour faire le débat sur la fermeture des restants des services juridiques, parce que c'est une suite logique que, dès que la cour est déménagée, tous les autres services autour vont suivre. Et, j'imagine, le ministre va s'engager, encore des belles promesses, mais, pour le maire de Cowansville, j'imagine, il a tout droit d'être sceptique quant à ces belles promesses et le beau discours qu'il va entendre.

Another thing, Mr. Speaker, that I find very troubling about this is that this is the Government, when it comes to the closure of the Montfort Hospital in Ontario, they were the first to become very alarmed. They were the first to say that, when it comes to the francophone minority rights in Ontario, it's deplorable, what is being done. But when it comes to closing institutions of the Government that have long had an association with the English-speaking community in Québec, it gets pretty quiet on the other side of the House, Mr. Speaker. And if you look at the English-speaking community of the Eastern Townships, a community that's been there for 200 years, this same Government that was so concerned about the Montfort Hospital showed very little concern about the closure of the Sherbrooke General Hospital, which was the last English-speaking hospital in the Sherbrooke area. The Minister at the time and the Member for Charlesbourg made promises to the English-speaking community that, in the new integrated, merged hospital in Sherbrooke, they would send out a hand of welcome to the English-speaking community, but you saw that he ran into trouble with his colleague, the Minister of Culture and the Minister responsible for the Charter of the French language and the MNA for Chambly. So, even the courtesy of putting a few signs in the new hospital to welcome the English-speaking community of Sherbrooke into the Sherbrooke General, all that was erased; we couldn't tolerate that.

The Brome Perkins Memorial Hospital, also in Cowansville, also a hospital well known for its bilingual services, for its attachment to the English and French-speaking communities of the Eastern Townships, is also in the sight lines of this Government, is also being threatened by this Government.

And the court in Cowansville as well is a court which is very much used to functioning in both languages. For them, it's not a problem, a trial in English, a trial in French. The judges, the Crown prosecutors, the lawyers, people are used to working in both languages. Much in the same way that the Youth Court in Pointe-Claire was used to working in English and French. So, if there was a French trial, an English trial, they had the means. The person who greeted people at the door was bilingual, and it worked very well.

This is not to criticize the court in Granby, but the court in Granby doesn't have the same tradition, a habit of having dealt with the English-speaking community.

So, once again, we see this same Government that, when it doesn't cost them a nickel to make speeches about the protection of institutions for a minority, when it's in Montfort in Ontario, well, that's fine; this Government that gives wonderful speeches. When it comes to the acts they pose in Québec about respecting the institutions that come from the English-speaking community of the Eastern Townships, well, then, it's a different standard, because, well: You can't expect us to maintain this, and we're gonna close this, and, of course, the argument goes and... So, what's good for the goose should be good for the gander. They should be able to rise to protect the interests of minorities on either side of the Ontario-Québec border.

Mais ce n'est pas toujours le cas, M. le Président. Et, on l'a vu dans le dossier de Montfort, c'est un gouvernement prêt à aller à la défense des droits de la minorité linguistique et de l'accès aux services de la minorité linguistique, mais, quand ça vient aux anglophones des Cantons-de-l'Est, une communauté historique qui est là depuis 200 ans maintenant, la réalité est tout autre. On l'a vu dans la fermeture d'hôpitaux à Sherbrooke, on l'a vu sur les menaces sur l'hôpital Brome-Perkins, à Cowansville, et également pour cette cour qui est très habituée de fonctionner dans les deux langues, on a dit: Ah! c'est bien adapté à la réalité linguistique de Cowansville, et de Knowlton, et de Sutton, et des endroits comme ça; on va mettre la hache dans tout ça, on va tout transférer à Granby et on va prendre des chances. Et nous avons vu ça dans la fermeture de la cour de la jeunesse à Pointe-Claire, qui est une cour qui fonctionnait très bien en anglais et en français. Tout le monde maintenant doit se déplacer vers Bellechasse, où ce n'est pas toujours évident. Ça ajoute aux retards parce que ce n'est pas tous les procureurs de la couronne qui sont à l'aise de faire des procès en anglais.

Alors, il y a tout un changement, et encore une fois peut-être que c'est ça, la réticence de la ministre de la Justice – elle a pris des mois avant de retirer son appel dans l'affaire Cross-Montour sur la défense des minorités linguistiques – peut-être que c'est ça, sa réticence, parce qu'elle est consciente que ce n'est pas toujours évident d'offrir ces services. Alors, je pense qu'on a une raison de plus.

Premièrement, il faut, dans la mesure du possible, rapprocher les services aux citoyens et non le contraire, parce qu'on peut toujours fonctionner, on peut avoir un palais de justice à Québec et un à Montréal, on ferme le reste, mais tout le monde doit se déplacer. Il y a des autobus, alors on peut en avoir deux ou même un. On va en mettre un peut-être à Montmagny, par exemple, et ça va être la seule cour de justice au Québec, et tout le monde devra se déplacer vers Montmagny. Mais on a dit: Non, non. C'est beaucoup plus important, surtout sur la justice, surtout sur les dossiers qui touchent les citoyens qui sont en difficulté, de les rapprocher des points de services. On a un point de services à Cowansville, on a un gouvernement qui a tenu des promesses qu'on va l'agrandir, on va respecter l'accès à la justice des citoyens de Cowansville. Ça, c'est les promesses préélectorales.

On est maintenant un an, ou six mois, après l'élection, et cette promesse, ce beau discours tombe à l'eau. Encore une fois, malgré le beau discours de leur premier ministre en arrivant ici, que ça va être la machine qui va être coupée et non les services offerts à la population, on a un exemple ici où le gouvernement fait le contraire. C'est la machine qui est préservée, protégée, c'est les intérêts de la machine qui prévalent, et, quant à l'accès aux services de la population, quant aux intérêts des citoyens de Cowansville, quant aux intérêts des personnes locales qui doivent aller plaider à la cour, avoir accès aux cours de justice à Cowansville, ça va tomber à l'eau. Alors, c'est pourquoi je vais ajouter ma voix à celle de mes collègues en votant contre le projet de loi n° 16, parce que je pense que ça nie les paroles qui ont été données dans cette Chambre par le premier ministre au mois de mars 1996, que la priorité va être de protéger les services offerts à la population. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, nous poursuivons le débat sur le principe du projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires, et je vais reconnaître maintenant un prochain intervenant. Il est le porte-parole officiel de l'opposition en matière de régions et il est le député de Montmagny-L'Islet. M. le député, la parole est à vous.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. L'adoption du principe d'un projet de loi, du projet de loi n° 16, a pour effet de fermer une institution, une institution qui donne des services dans une région depuis des dizaines et des dizaines d'années, donc mon intervention aujourd'hui a pour but de supporter mes collègues pour faire réfléchir le gouvernement sur sa façon de travailler depuis déjà plusieurs années, depuis qu'il est au pouvoir, sa façon de désorganiser les services en région.

(17 h 20)

Le palais de justice de Cowansville, comme je vous le mentionnais, est une institution qui donne des services à la population, une population, une clientèle et une population qui a appris avec les années, quand le besoin était nécessaire, à se référer à ce service d'institution judiciaire. Et, M. le Président, je connais votre passé d'homme de loi, de juriste, et vous avez probablement eu la chance, dans votre expérience passée, de fréquenter le palais de justice de Cowansville, et vous avez pu apprécier, j'en suis sûr, que la population de cette région s'était attachée à ces services-là. Ce n'est pas tout le monde qui, dans sa vie, a eu besoin, a eu affaire au palais de justice, mais un centre de services comme celui-là dans une région permet à une population, à à peu près tout le monde, un jour ou l'autre, d'y avoir affaire, que ce soit pour aller vérifier des registres, que ce soit pour aller enregistrer... aujourd'hui, c'est les mariages qui y sont célébrés, et toute autre raison, et c'est l'administration de la justice de façon générale.

Un palais de justice dans une région, je suis bien placé, M. le Président, pour vous en parler, parce que le palais de justice de Montmagny donne les services à la grande région de la Côte-du-Sud, et le district judiciaire de la région de Montmagny dessert la Côte-du-Sud: c'est une partie du comté de Bellechasse, Montmagny-L'Islet et une partie du comté de Kamouraska-Témiscouata. Donc, M. le Président, je sais très bien ce que ça représente. Et, si jamais il y avait un questionnement sur l'avenir du palais de justice de Montmagny, je sais très bien comment la population réagirait.

Donc, c'est le but de mon intervention aujourd'hui, de sensibiliser chacune des régions du Québec, parce que là, aujourd'hui, on parle de la fermeture, un projet de loi qui vient confirmer, concrétiser la fermeture du palais de justice de Cowansville, un service. Et ça, ça peut arriver dans plusieurs régions du Québec, comme je vous le mentionnais, parce que – on parle de justice dans ce projet de loi – le gouvernement du Québec nous a démontré dans le passé qu'il avait comme programme et comme phobie, je devrais dire, de désorganiser les services à la population, que ce soit dans la santé – on a eu des exemples, on en a cité en Chambre ici à plusieurs occasions: des fermetures de foyers privés, des fermetures d'hôpitaux, des fermetures de services de santé dans des régions données, comme celle que je représente et d'autres régions du Québec – la réorganisation des services éducatifs: regroupement de commissions scolaires qui a amené à fermer des institutions d'enseignement et à regrouper les services administratifs.

Il ne faut pas être contre tout changement. Probablement, il y a des changements – et on en a tous en exemple – qui étaient devenus nécessaires. C'était de la réorganisation administrative dans le but d'améliorer les services à la population dans une région donnée, et à une population et à une clientèle spécifiques.

M. le Président, pour revenir au projet de loi cité, la fermeture du palais de justice de Cowansville, il y a 400 emplois directs et indirects dans cette région-là qui pourraient être en cause, même si la ministre garantit à la population qu'il n'y aura pas de perte d'emplois. Mais, ça, il faut toujours se méfier, et c'est pour ça qu'encore une fois je mets les autres régions du Québec en garde. On vous garantit qu'il n'y aura pas de perte d'emplois, mais on déplace les emplois de votre région, et c'est ce qui risque d'arriver ici, dans cette région. Donc, qu'est-ce qui va arriver à tout le personnel administratif qui vient supporter les juges, les avocats de la couronne, les avocats d'entreprises privées, les avocats de pratique privée, l'aide juridique? Nos collègues l'ont mentionné tantôt. Vous savez très bien, M. le Président, ce que ça va comporter dans les prochaines semaines, après la fermeture et dans les prochains mois.

Donc, il y aura un déplacement de personnel, il y aura un déplacement d'aide, de personnel qui amène du support technique à l'administration de la justice. Il s'agit juste de penser que, ça, ca déplace la résidence d'au moins un juge, et probablement plusieurs avocats de la couronne auront à reconsidérer leur lieu de résidence, si on doit aller trop fréquemment, c'est-à-dire la très grande partie du temps, travailler à Granby. Donc, M. le Président, je pense que 400 emplois touchés directement ou indirectement, il ne faut pas négliger le nombre de ces emplois-là qui se déplaceront à l'extérieur de Cowansville, des pertes de plusieurs centaines de milliers de dollars, sur le plan de l'activité économique. On ne peut pas nier qu'un service comme celui du palais de justice, ce que ça peut apporter comme activité économique autour. Il s'agit de voir le déplacement d'activités autour d'un palais de justice à certaines journées. Vous avez de la représentation qui est faite, vous avez les policiers qui se déplacent pour venir témoigner, vous avez des témoins, justement, dans certaines causes qui viennent créer une activité dans les restaurants, au niveau des magasins, des commerces, et les gens en profitent. Donc, ça aussi, c'est un apport important.

Donc, le projet de loi a pour effet de fermer une institution et de déplacer l'activité dans un autre centre qui est probablement déjà assez complet sur le plan... Je ne suis pas en mesure de l'apprécier, mais on connaît tous Granby comme étant une ville très dynamique, très active sur le plan commercial, du moins, c'est une ville qui a su se développer, et se structurer, et s'organiser dans le passé. Donc, nous sommes en train de faire la démonstration qu'il y aura une perte d'activité économique.

Donc, nous comprenons tous, et je comprends, je suis un de ceux qui comprennent très bien que la population a réagi, elle réagit, et vous avez vu les gens se mobiliser, se concerter – et je vous en ferai part tantôt, M. le Président, comme mes collègues l'ont fait – pour faire comprendre au gouvernement qu'il avait pris des engagements. Dans les quatre ou cinq dernières années, il y a eu des engagements fermes de pris, la population était confiante. Nous sommes allés mois après mois, année après année, répéter: Il y aura une construction, une amélioration au palais de justice de Cowansville, le palais de justice est là pour rester. Jusqu'à tout récemment, jusqu'à février, du moins, janvier, février 1999, soudainement, je ne sais pas ce qui est arrivé, probablement dans la préparation du budget de 1999-2000, il y a eu de la réorganisation des services gouvernementaux. Et je me permets encore de mettre en garde le gouvernement, pour atteindre un objectif qui était le sien et qui était celui de l'ensemble de la population du Québec – il faut le reconnaître – que, dans les meilleurs délais, le gouvernement devait atteindre l'objectif du déficit zéro, soit d'avoir un budget équilibré, et ça, on le reconnaît, mais le gouvernement a tenté de le faire dans des délais presque irréalistes. Il l'ont réussi dans l'espace de trois ans à cause d'un jeu de circonstances: l'économie s'est améliorée, et de beaucoup, il y a eu des transferts fédéraux, et il y a d'autres circonstances, dont celle de couper de façon exagérée dans certains services gouvernementaux.

(17 h 30)

Donc, M. le Président, nous revenons à l'impact que peut avoir la fermeture du palais de justice de Cowansville. Imaginez si ça arrivait dans la région. Je vois le député de Matane. En supposant que ça arrivait dans sa région, que la région de Matane–Sainte-Anne-des-Monts se verrait coupée des services gouvernementaux, que je n'ai pas tous à l'idée. Mais je sais très bien que dans cette région, à l'est de Rimouski, il y a certains bureaux régionaux et services gouvernementaux, et si jamais... ne serait-ce que fermer un service, ça pourrait être du ministère de l'Agriculture ou autre, ce qui est arrivé dans le passé dans certaines régions, ne serait-ce que 20 emplois, le député de Matane serait probablement le premier à se lever ici aujourd'hui, dans cette Chambre, et à dire à la population, d'abord à sa population, à celle qu'il représente et à la population du Québec... Je vous mets en garde, ça nous arrive et ça peut probablement vous arriver, parce qu'on a été avisé récemment dans les journaux. Il n'y a personne au gouvernement qui est venu préparer la population ou les organismes responsables en place, soit les municipalités, la municipalité régionale de comté, la Chambre de commerce, quand il y en a une dans la région... ils doivent être les premiers avisés parce qu'ils savent très bien que ça aura un impact. Et je vois d'autres collègues ici, dans cette Chambre, ceux de la région de Montréal sont peut-être moins directement concernés, mais on en a d'autres régions ici, du Québec, et je leur dis: Soyons vigilants. Il s'agit d'avoir vu aller le gouvernement dans les dernières années, et surtout dans les derniers mois, pour tous se dire: Nous avons à supporter, quand une situation comme celle-là se présente, comme celle de Cowansville, et à nous préparer pour supporter d'autres régions du Québec, pour s'assurer qu'il n'y aura pas à toutes les semaines, ou du moins à tous les mois, trop fréquemment, M. le Président, des fermetures ou de la désorganisation de services gouvernementaux.

Les personnes affectées. Je pense qu'on peut assez bien comprendre, à un moment donné, quand le gouvernement dit: Pour des raisons que je vais vous expliquer, des raisons économiques, des raisons d'organisation, des raisons de restructuration, nous allons réaménager les services. Mais on nous fait la démonstration que la population la plus vulnérable ne serait pas affectée, celle qui est en mesure de recevoir ces services-là. Donc, ce n'est pas le cas ici, parce qu'on sait tous très bien qu'il y a un pourcentage de la population au Québec qui est capable de se payer des frais de déplacement, qui est capable de se payer des frais de séjour dans des villes en périphérie des régions où on habite pour se donner des services comme ceux, par exemple, de la justice.

Mais il y a un certain nombre de personnes, et c'est surtout plus souvent celles-là qui sont le plus affectées, et parfois qui ont à se présenter le plus souvent. On a juste à penser à une personne monoparentale ou une famille qui a un projet de divorce, qui doit se présenter au palais de justice, que ce soit pour, en fait, entendre le jugement sur un divorce, la garde des enfants, ou autre. Je n'aimerais pas citer trop de situations; les situations qu'on a à l'idée, c'est toujours désagréable de les vivre. Je pense que je vais m'exempter de le rappeler ici aujourd'hui. Mais on peut facilement imaginer que c'est ces gens-là, c'est ces citoyens-là qui sont les plus vulnérables, M. le Président, qui n'ont pas la capacité financière de réagir comme ils le souhaiteraient dans ces situations-là.

Ils doivent faire appel à l'aide juridique. Il s'agit d'imaginer que le bureau d'aide juridique devra probablement – je ne le leur souhaite pas, c'est ce qui va arriver – se déplacer à Granby, pour des raisons qu'on peut imaginer. Donc, les citoyens devront d'abord commencer par se déplacer de la grande région de Cowansville à Granby pour aller vérifier s'ils sont éligibles à l'aide juridique. Normalement, tu retrouves ça dans la ville où le palais de justice a chef-lieu. Et il s'agit tout simplement d'imaginer les coûts pour ces familles-là.

Les personnes âgées. Vous savez comment peuvent réagir des personnes âgées dans des situations où elles doivent faire face à la justice pour une raison ou pour une autre. Elles doivent se déplacer, c'est la plupart du temps les personnes les plus vulnérables, M. le Président. Et je trouve ça déplorable qu'on soit obligé, au nom des électeurs que nous représentons, au nom des régions qu'on représente, de prendre la parole et de dire à la population dans cette Chambre et de mettre en garde le gouvernement justement sur sa façon de procéder pour, sans crier gare, fermer des établissements et des services à la population.

Un impact sur l'aide juridique, je viens de vous le dire. Une région comme celle de Cowansville, qui avait eu la chance d'avoir dans ses rangs des professionnels de la justice comme les juges, les avocats et d'autres conseillers, des conseillers de toutes sortes qui avaient probablement résidé ou qui fréquentaient constamment la région de Cowansville, pour la raison que je viens de mentionner, bien, la population de Cowansville voit disparaître la proximité de ces gens-là, c'est-à-dire qu'ils n'auront probablement plus résidence, ils ne souhaiteront plus avoir résidence dans cette région-là, pour les raisons aussi qu'on peut imaginer.

Le gouvernement du Québec, par le geste qu'il pose, dans celui-là comme dans d'autres, est en train de faire la démonstration qu'il laisse tomber les régions. On se rappelle tous, en campagne électorale, où le discours était facile, facile pour supporter les régions. Je vois plusieurs députés ici, dans cette Chambre, et je ne peux pas tous les relever, mais on se rappelle que plusieurs d'entre eux se sont faits les grands défenseurs des régions. Bien, je vois le député de Matane, justement, et je n'en doute pas qu'il dit qu'il est un de ceux-là. Nous sommes les grands défenseurs des régions et nous allons nous assurer... Ils ont pris des engagements que le gouvernement allait investir davantage dans les régions pour supporter justement le développement de l'emploi dans chacune des régions, supporter l'investissement, la mise en place de projets et de programmes pour s'assurer qu'il y aurait du développement économique et la création d'emplois à partir du support apporté à des investisseurs, à des gens déjà en place, des manufacturiers, des propriétaires d'industries déjà en place. Et, aujourd'hui, par le geste qu'ils posent... On est six mois après l'élection, il y a plusieurs de ces engagements-là qui sont oubliés, et les gestes posés, comme celui d'aujourd'hui, nous font la démonstration justement qu'ils sont non seulement oubliés, mais qu'ils passent à l'action pour agir de façon assez contraire à ce qu'ils avaient pris comme engagements.

M. le Président, je pense qu'en conclusion ce qu'on doit retenir, c'est qu'aujourd'hui nous sommes en juin 1999, quelque six mois après une élection qui a mis en place ce nouveau gouvernement, et on voit leur réaction, à vraiment oublier... Il y a même des journalistes – des éditoriaux qu'on a vus – qui ont qualifié d'arrogante l'attitude du gouvernement. Nous sommes élus. On vient d'être élus, nous sommes élus pour gouverner, on n'a pas nécessairement de conseils à prendre des municipalités, des municipalités régionales ou d'autres organismes. Et parfois ils se permettent de dire... encore moins de l'opposition... pour recevoir des conseils sur la façon de gouverner.

Donc, M. le Président, nous allons devoir voter contre ce projet de loi là pour signifier justement au gouvernement qu'on ne peut pas supporter des gestes comme ceux-là qui viennent désorganiser des services dans une région où déjà la population avait démontré qu'elle en était fière, qu'elle en avait besoin et qu'elle y tenait, à ces services. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Alors, nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 16. Je vais reconnaître un prochain intervenant. Il est le porte-parole de l'opposition officielle en matière de transports, vice-président de la commission des transports et de l'environnement et député de l'Acadie. M. le député, la parole est à vous.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Alors, merci, M. le Président. Si j'interviens aujourd'hui dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 16, ce n'est certainement pas avec une très grande satisfaction et un enthousiasme débordant. Je trouve ça tout à fait déplorable, ce qui se passe à ce niveau-là, et je pense que c'est important de le souligner. Mon collègue de Montmagny-L'Islet l'a fait. On a un projet de loi qui est simple, qui paraît simple en apparence, vous savez, le projet de loi n° 16, Loi modifiant la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires.

De façon plus concrète un petit peu, quand on va voir les notes explicatives pour comprendre de quoi il s'agit, on peut y lire: «Ce projet de loi modifie la Loi sur la division territoriale et la Loi sur les tribunaux judiciaires afin de transférer de Cowansville à Granby le chef-lieu du district judiciaire de Bedford. Ce projet prévoit également que les causes inscrites pour enquête et audition au palais de justice de Cowansville avant l'entrée en vigueur du projet de loi sont réputées inscrites pour enquête et audition au palais de justice de Granby à la date d'inscription au palais de justice de Cowansville.»

(17 h 40)

C'est simple, c'est relativement abstrait, mais qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président, d'une façon très concrète, dans la réalité? Ça veut dire qu'on est en train de fermer, au coeur de Cowansville, une institution qui est excessivement importante dans tous les villages du Québec, dans toutes les villes d'une certaine importance, un palais de justice. Et on sait que, autour d'un palais de justice, d'un hôpital, M. le Président, il y a des communautés qui se sont développées, qui vivent dans ces secteurs. Et c'est le coeur souvent de ces villes, de ces villages. M. le Président, c'est ce qui se produit. Et combien de personnes, de façon très concrète, seront affectées par une décision comme celle-là, qui à première vue paraît relativement simple? Beaucoup de citoyens, beaucoup de personnes qui avaient, directement ou indirectement, un emploi relié à la justice. Alors, toutes ces personnes-là seront affectées.

Et je vous avoue que, dans le cas qui nous préoccupe ici, il y a quand même des conséquences qui sont importantes. En fait, ce projet de loi de quatre articles transfère le chef-lieu, comme je l'ai mentionné, de Cowansville à Granby, pour le district judiciaire de Bedford; le lieu de résidence pour un juge à la Cour supérieure, de Cowansville à Granby; et les causes en matière civile ou familiale inscrites pour enquête et audition au palais de justice, de Cowansville à Granby. Alors, M. le Président, il y a quand même des conséquences pour la population. Tout à l'heure, mon collègue de Montmagny-L'Islet faisait référence à un certain nombre d'éléments, et je pense que je vais y revenir. D'abord, une perte ou un déplacement d'emplois. On parle jusqu'à possiblement 400 personnes, 400 emplois directs ou indirects qui pourraient être affectés par une décision comme celle-là. C'est des familles, ça. C'est des gens qui ont vécu durant des années... Parce que ce palais, là, de justice existe depuis plusieurs, plusieurs dizaines années. Alors, les gens ont fait leur vie autour de cette institution. Et aujourd'hui, on parle de 400 personnes qui pourraient perdre leur emploi ou devoir se déplacer ailleurs pour aller exercer l'emploi qu'elles ont actuellement. Alors, c'est quand même une conséquence importante qu'il ne faut pas prendre à la légère.

La perte de plusieurs centaines de milliers de dollars. On parle même jusqu'à 1 500 000 $ de chiffre d'affaires qui sera perdu par les commerçants étant donné la fermeture du palais de justice de Cowansville. Alors, c'est les commerçants locaux, les petits commerçants qui seront affectés de façon importante. 1 500 000 $ dans une localité comme Cowansville, c'est de l'argent, ça, M. le Président. C'est beaucoup d'affaires, c'est beaucoup de ventes.

On parle également des coûts prohibitifs pour des milliers d'usagers qui vont devoir encourir des frais de voyage, des frais de séjour. On évalue que plusieurs personnes auront des distances à faire, de 60 km, pour se rendre au palais de justice. Et on sait que parfois, dans un palais de justice, une cause peut durer plusieurs jours. Alors, ces personnes-là vont devoir voyager matin et soir ou résider sur place durant les journées où elles devront se présenter à la cour. Alors, c'est des frais additionnels, ça, pour plusieurs milliers de citoyens qui auront à défrayer ces coûts-là. Et ce qui est peut-être plus encore déplorable, c'est qu'il y aura des gens qui seront probablement plus pénalisés que d'autres. Il y a des gens qui ont le moyen de le faire, de se déplacer comme ça, mais... Les personnes âgées, par exemple, M. le Président, qui souvent n'ont pas de moyen de transport, est-ce que vous croyez que ces gens-là vont pouvoir prendre un taxi pour se rendre à 60 km et revenir le soir puis retourner le lendemain si c'est nécessaire? Est-ce qu'elles vont toujours avoir des amis qui vont pouvoir aller les reconduire? Alors, ces gens-là souvent, les personnes âgées, n'ont pas la facilité d'avoir des moyens de transport, pour toutes sortes de raisons, financières ou, des fois, de santé. Alors, ces gens-là seront fortement pénalisés.

Il y a également toute la question des gens, de la population la plus défavorisée, qui actuellement, sur place, avait les services judiciaires, services d'aide juridique, bon, vont devoir éventuellement se déplacer. Si on pense que le palais de justice va se déplacer, on peut aussi penser que éventuellement – et ce n'est pas nécessairement ce qu'on souhaite, loin de là – l'aide juridique pourra également être déplacée vers Granby. Alors, les gens qui font affaire avec l'aide juridique, c'est qui, M. le Président? Ce sont les gens les plus démunis, les gens qui ont le moins de moyens. Et c'est à ces personnes-là qu'on va demander de se déplacer jusqu'à 60 km pour aller rencontrer des avocats de l'aide juridique.

Alors, M. le Président, on voit qu'un projet de loi comme celui-là a quand même des conséquences sociales importantes, puis c'est toute la question du développement socioéconomique d'une ville comme Cowansville qui est remise en cause ici. Les gens là-bas, on l'a vu quand on regarde l'ensemble du dossier, ne comprennent absolument rien, ne comprennent pas ce qui se passe, ne comprennent pas où le gouvernement veut en venir et ne comprennent pas comment le gouvernement est arrivé à une telle conclusion, de devoir fermer le palais de justice. J'en veux tout simplement pour cause un certain nombre d'éléments. Le 15 septembre 1995, le ministre de la Justice, à ce moment-là, émettait un communiqué de presse. Ce n'est pas un article, là, c'est un communiqué de presse émis par le gouvernement du Québec, par le cabinet du ministre de la Justice. Et on disait dans le communiqué: «Le ministre de la Justice et Procureur général, M. Paul Bégin, est de passage aujourd'hui au palais de justice de Cowansville. Rappelons que ce palais a fait l'objet d'une visite ministérielle dès le début de la tournée des bureaux de la publicité des droits et des palais de justice, soit le 14 octobre 1994. Cette fois-ci, M. Bégin est présent pour indiquer à la population du district judiciaire de Bedford que les travaux de rénovation et d'expansion du palais de justice seront bel et bien entrepris. Ces travaux s'inscrivent dans le cadre d'un projet d'agrandissement et d'aménagement de près de 9 000 000 $.» On donne un échéancier: approbation des plans et devis, février 1996; début des travaux, été 1996; fin des travaux, automne 1997. Ça, M. le Président, vous avez de la difficulté à croire ça, mais c'est exactement un projet de communiqué émis par le cabinet même du ministre.

Alors, le ministre se rend sur place, dit aux gens: On va investir, on va rénover, on va agrandir le palais de justice, et la population est heureuse de ça, voit que les services vont être améliorés, et le ministre prend un engagement au nom de son gouvernement. Et qu'est-ce qui se passe par la suite, M. le Président? On s'aperçoit qu'on n'en entend plus parler, d'ailleurs comme plusieurs promesses qu'a faites le gouvernement. Si j'ai le temps, j'y reviendrai tout à l'heure. Alors, on n'en entend plus parler, de sorte que, en décembre 1996, les gens du milieu, 500 personnes, envoient des lettres individuelles au ministre de la Justice: Ça fait des années que ce projet est attendu, on veut savoir ce qui le retarde. Nous avons créé un consensus régional, nous avons ramené le projet à des proportions plus modestes, de 8 700 000 $ à 5 000 000 $.

Le ministre avait annoncé 9 000 000 $. Là, le milieu ramène ça à 5 000 000 $, comme le demandait le ministère. Qu'est-ce qui cloche encore? On n'entend plus parler de rien. Alors, c'est difficile à comprendre, ça, que, quelques années après, on dise: On le ferme. Puis ce n'est pas un autre gouvernement, là, qui a pris l'engagement d'agrandir et de rénover, c'est le gouvernement qui est là aujourd'hui puis c'est le ministre de la Justice qui était là il y a quelques années.

En parallèle avec ça, la ministre actuelle de la Justice, le 16 février 1999, envoie une lettre à M. Robert Desmarais, directeur général de la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi. Je vais lire la lettre, M. le Président, parce que ça nous éclaire un peu sur la cohérence du gouvernement: «Il me fait plaisir de vous informer qu'après avoir pris connaissance de la résolution 366-12-98 adoptée par la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi je consens à vous octroyer une aide financière de 9 715 $ représentant 50 % des coûts de l'étude de faisabilité relative à l'implantation d'une maison régionale de la justice de Brome-Missisquoi. Je tiens à saluer ainsi la volonté de la municipalité régionale de comté de Brome-Missisquoi de se prendre en main en mettant de l'avant une idée originale dans le domaine de la justice. Il est intéressant de constater que les municipalités de la région de Brome-Missisquoi désirent agir en concertation et qu'elles ont à coeur de mettre en commun leurs ressources afin de répondre adéquatement aux besoins de la population.»

Ça, M. le Président, c'était le 16 février 1999. Il y a à peine trois ou quatre mois. On finance une étude pour mettre en place une maison régionale de la justice. Est-ce que vous pensez, M. le Président, qu'il y a lieu de mettre en place une maison régionale de la justice si on ferme le palais de justice, si éventuellement on transfère l'aide juridique à Granby aussi dans les années qui viendraient? Le gouvernement prend un engagement et paie une étude à ce niveau-là il y a trois mois, par la ministre de la Justice qui occupe la fonction actuellement.

Vous conviendrez, M. le Président, que les gens là-bas se posent des questions et ne comprennent pas, ne comprennent pas ce qui se passe. Il faut rappeler que tout ça se fait dans un contexte où il y a quand même beaucoup de décisions gouvernementales qui ont fait mal à ce milieu de Brome-Missisquoi. Je dis «ont fait mal à ce milieu», on devrait parler peut-être, M. le Président, d'acharnement du gouvernement actuel envers la région de Brome-Missisquoi et de Cowansville. On parle depuis un certain temps de la fermeture de l'hôpital de la région.

(17 h 50)

Alors, M. le Président, on a une région ici qui est affectée, et on peut se poser la question: Pourquoi, pourquoi on met autant d'acharnement à détruire les institutions essentielles dans un milieu comme celui de Brome-Missisquoi? On parle de l'hôpital, on a parlé de la prison, on parle actuellement du palais de justice, éventuellement l'aide juridique. Une maison de la justice qui n'a plus aucun sens, M. le Président. Et ce gouvernement-là parle de régions, parle de décentralisation, parle de respect de la population.

M. le Président, les gens du milieu, y compris le bâtonnier de la région, n'en reviennent pas de ce qui se passe. Et je vais citer ici un communiqué de presse: «Alors qu'on prône une plus grande accessibilité des services juridiques, il est curieux qu'on veuille transférer les greffes civil et criminel à Granby pour ne garder que quelques services à Cowansville, comme les mariages et les petites créances, dit-il. Le bâtonnier se plaint que la région n'a pas été consultée. Moi-même, précise-t-il – c'est le bâtonnier de la région – je n'ai jamais rencontré un fonctionnaire à ce sujet. Je m'interroge sur la manière dont on fait les choses. De plus, Me Monk trouve plutôt incohérent le fait qu'on veuille transférer les services à Granby, alors que la MRC de Brome-Missisquoi a demandé à une firme spécialisée d'évaluer la possibilité de créer une maison régionale de la justice...», et ainsi de suite, M. le Président.

Alors, c'est ça, la situation actuellement là-bas. Et le bâtonnier fait référence au fait qu'il n'y a pas eu de consultations. Et on doit malheureusement constater, M. le Président, que ce n'est pas... Les gens là-bas ne devraient pas se sentir particulièrement visés, c'est la règle habituelle du gouvernement de ne plus consulter les gens. C'est malheureux à dire, mais on regarde le gouvernement, un gouvernement de deuxième mandat, un gouvernement arrogant, un gouvernement qui se coupe de la population de plus en plus, et on a un cas ici très clair. On est en train de fermer une institution aussi importante dans la région, et il n'est même pas nécessaire de consulter la population, de consulter les intervenants socioéconomiques, de consulter le bâtonnier de la région. On agit seul. On sait tout. On connaît tout. On sait ce qui est bon pour toutes les régions et on ne se préoccupe pas de la population. M. le Président, je disais que c'est malheureusement la marque de commerce du gouvernement. On pourrait en parler avec de multiples exemples.

Rappelons-nous Hertel–des Cantons. C'est un exemple typique où le gouvernement n'a même pas consulté la population. Il a même passé par-dessus ses propres lois et il s'est fait rappeler à l'ordre par un jugement de la juge Rousseau qui leur a dit: La façon dont vous agissez est même illégale. Ce n'est pas une question de manquer de respect pour la population, vous agissez de façon illégale.

Et là on en train d'avoir un projet de loi qui va venir légaliser les gestes illégaux du gouvernement, parce que le gouvernement n'a pas été assez ouvert pour écouter la population. Les gens avaient de quoi à dire. Le gouvernement agissait dans leur région. Ça affectait des gens de la région. Il me semble que le minimum de décence – et je parle de décence, je pense que c'est le terme qu'il faut utiliser – quand on prend des décisions qui vont affecter la vie des citoyens de façon aussi importante, il me semble que le minimum, c'est d'aller s'asseoir puis de parler avec les gens, puis de vérifier, puis de leur expliquer ce qui se passe, puis de voir avec eux s'il n'y a pas d'autres solutions qui peuvent être trouvées. Puis souvent, dans des situations comme ça, on en arrive à trouver des solutions qui sont réalistes, réalisables et puis qui nous permettent d'atteindre les objectifs qu'on veut atteindre. Mais, pour ça, il faut s'asseoir puis parler avec le monde, M. le Président.

La côte des Éboulements, c'est un autre bel exemple. J'ai posé une question hier au ministre des Transports. Il y a un groupe de citoyens important qui s'objectent à ce qui se passe actuellement là-bas au niveau des travaux, et la seule chose qu'ils demandent, M. le Président, ils demandent à être entendus. C'est ça qu'ils ont demandé. Et ils sont allés en cour de première instance, ils sont allés en Cour d'appel, et là ils sont rendus à la Cour suprême.

M. le Président, le gouvernement, habituellement, moi, la compréhension que j'en ai, c'est que le gouvernement est là pour défendre les intérêts des citoyens, c'est ça, puis de faire preuve d'une certaine équité envers l'ensemble des citoyens. Mais, là, ce n'est plus ça qui se passe, c'est que les citoyens doivent se défendre contre le gouvernement. C'est-u assez irréaliste de constater une chose comme ça? Ce n'est plus le gouvernement qui défend les citoyens, c'est les citoyens qui doivent se défendre et payer de leur poche, comme ça été le cas pour les citoyens de Val-Saint-François, comme c'est le cas pour les gens qui s'opposent au projet des Éboulements, ils doivent payer pour se défendre contre leur gouvernement.

On a eu, M. le Président, un autre exemple encore. Il y a quelque temps, on a eu le projet de loi n° 24, qui modifiait la Loi sur l'assurance automobile. Un grand nombre de citoyens du Québec représentés par diverses organisations qui regroupent des victimes des accidents de la route ont demandé au ministre des Transports de pouvoir se faire entendre, parce que dans le système du «no-fault»... Et on ne remet pas en cause le système, contrairement à ce que peut prétendre le ministre des Transports quand il dit que l'opposition n'est pas d'accord. On ne remet pas en cause le «no-fault», mais il y a des aberrations qui doivent être corrigées de façon urgente parce qu'on fait rire de nous autres. Quand on a des situations où une personne ivre a un accident, tue une personne, la personne qui était ivre, qui a causé l'accident puis qui a causé le décès reçoit 150 000 $ d'indemnités, et la famille de la personne qui est décédée en reçoit 7 000 $, est-ce que c'est acceptable, ça, M. le Président? Est-ce que le gouvernement n'aurait pas lieu de s'ouvrir les yeux? Puis ça n'aurait pas été valable, à ce moment-là, de dire: On va écouter les citoyens du Québec parce qu'ils ont quelque chose à nous dire? Mais non, le gouvernement a passé par-dessus ça. Le ministre des Transports est allé jusqu'à insulter – il faut utiliser le mot – le Protecteur du citoyen, qui avait fait part de commentaires, qui avait des réserves sur le projet de loi n° 24, en le traitant de Don Quichotte, M. le Président.

C'est un gouvernement qui a perdu le contact avec la population, qui a perdu toute manifestation de sensibilité, de respect envers les citoyens, M. le Président, et on le voit encore ici, dans le cas du palais de justice, où on n'ose même pas aller s'asseoir avec les gens, en discuter. Après avoir pris des engagements en février 1999, après que le ministre de la Justice, en 1995, eut promis des travaux, les gens ne comprennent pas, ils veulent s'asseoir, qu'on leur explique, qu'on en parle, qu'on trouve les solutions, mais ils veulent comprendre. Est-ce que c'est un mal, ça, que les citoyens veuillent comprendre ce que le gouvernement fait?

Vous dites que mon temps est pratiquement terminé, M. le Président, je vais conclure à ce niveau-là sur un article de M. David, Michel David, il y a quelques jours, qui écrivait dans Le Soleil ... Je vais citer parce que c'est exactement l'impression que... Et M. David, là, je dois le dire en passant, ne fait pas ça pour plaire au Parti libéral, hein? Il n'a jamais été connu comme un partisan féroce du Parti libéral. M. David nous dit: «En août dernier, le premier ministre Bouchard avait entrepris une tournée des régions du Québec, expliquant que son gouvernement avait décidé de se mettre en mode d'écoute. On veut aller voir les gens, calmer les appréhensions, écouter leurs suggestions pour l'avenir, disait-il. Évidemment, c'était avant les élections. Maintenant qu'elles sont passées, on dirait que l'écoute est moins bonne.

«Il y aura bientôt cinq ans que le PQ est au pouvoir. Tous ceux qui sont passés par là vous diront que le plus grand danger qui guette un gouvernement à ce stade de son existence, c'est l'arrogance. Ça n'arrive pas tout d'un coup. Petit à petit, on s'éloigne de la population, on devient plus insensible à ses malheurs, on finit par voir des groupuscules partout et, un beau matin, on se réveille dans l'opposition», M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va, M. le député. C'est terminé.

M. Bordeleau: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est terminé, M. le député.

Il est 18 heures. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Oui. Alors, M. le Président, comme il y aura quatre commissions qui vont siéger, d'abord, je pense qu'il faut ajourner le débat, ça va de soi, et je ferais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée? Alors, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à demain. Il y a, au départ, ajournement du débat, et ajournement des travaux de cette Assemblée à demain, le jeudi 10 juin, à 10 heures. Et bon souper à tous!

(Fin de la séance à 18 heures)


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