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Version finale

36e législature, 1re session
(2 mars 1999 au 9 mars 2001)

Le mercredi 26 mai 1999 - Vol. 36 N° 35

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Table des matières

Présence du président du Landtag de Bavière, M. Johann Böhm, et du vice-président de la Commission des affaires fédérales et européennes, M. Heinz Köhler

Présence du représentant du gouvernement de Bavière au Québec, M. Anton Körner

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures une minute)

Le Président: À l'ordre, chers collègues. Nous allons d'abord nous recueillir un moment.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Présence du président du Landtag de Bavière, M. Johann Böhm, et du vice-président de la Commission des affaires fédérales et européennes, M. Heinz Köhler

Alors, pour débuter la séance j'ai le très grand plaisir de souligner d'abord la présence dans nos tribunes du président du Landtag de Bavière, le Parlement de Bavière, M. Johann Böhm. Alors, le président du Parlement bavarois est accompagné du vice-président de la Commission des affaires fédérales et européennes du même Parlement, M. Heinz Köhler.


Présence du représentant du gouvernement de Bavière au Québec, M. Anton Körner

Et cette délégation de parlementaires bavarois est accompagnée également du nouveau représentant du gouvernement de Bavière au Québec, M. Anton Körner.


Affaires courantes

Alors, nous débutons les affaires courantes. Il n'y a pas de déclarations ministérielles ni présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Solidarité sociale. M. le leader du gouvernement.


Rapport d'activité du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail

M. Brassard: Alors, M. le Président, je dépose le rapport annuel, pour la période de juin 1997 à mars 1999, du Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.

Le Président: Alors, le document est déposé. M. le leader du gouvernement, je crois qu'il y a une motion.


Renvoi à la commission des affaires sociales pour examen

M. Brassard: Une motion également concernant ce rapport à faire adopter par l'Assemblée, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 11 de la Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, le rapport annuel pour la période de juin 1997 à mars 1999 sur les activités du Fonds soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude qui aura lieu le mardi 1er juin, de 15 heures à 18 heures; et

«Que le ministre de la Solidarité sociale soit membre de ladite commission pour la durée du mandat et qu'à cette fin une période de 20 minutes soit prévue pour la présentation du ministre;

«Qu'une période de 30 minutes soit prévue pour les remarques préliminaires partagées également entre le groupe formant le gouvernement et les députés formant l'opposition et que le temps restant soit partagé pareillement.»

Le Président: Bien. Est-ce que cette motion est adoptée? Elle est adoptée.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le député de Saint-Jean.


Étude détaillée du projet de loi n° 19

M. Paquin: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 18 mai 1999 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur la recherche des causes et des circonstances des décès. La commission a adopté le projet de loi.

Le Président: Alors, le rapport de la commission est déposé. Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail et députée des Chutes-de-la-Chaudière.


Consultations particulières sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 18, 19 et 20 mai afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur la sécurisation du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec dans les régions touchées par la tempête de verglas de janvier 1998. La commission a également tenu une séance de travail sur ce mandat le 6 mai 1999.

Le Président: Merci, Mme la présidente de la commission de l'économie et du travail. Le rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Nous allons donc immédiatement aborder la période de questions et de réponses orales. M. le chef de l'opposition, en question principale.


Tenue d'audiences publiques sur le projet de loi n° 24 modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives


M. Jean J. Charest

M. Charest: Merci, M. le Président. M. le Président, ma question est au premier ministre et concerne le régime d'assurance automobile du Québec connu sous le nom de la SAAQ. Depuis plus de 20 ans que nous vivons avec ce régime d'assurance automobile et depuis la création du régime comme tel, de la SAAQ, les citoyens du Québec ont eu très peu d'occasions de se prononcer sur l'application de cette loi et surtout l'application pour les gens qui sont victimes et qui ont à vivre avec les conséquences des décisions de l'administration publique.

Le gouvernement a proposé le projet de loi n° 24 qui est le successeur du projet de loi n° 429. Le premier ministre se rappellera que le ministre des Transports de l'époque, qui est assis à côté de lui, avait, le 8 avril 1998, promis des consultations publiques, et que, depuis ce temps-là, son gouvernement a encore une fois renié ses engagements, ses promesses, et que maintenant on refuse à des citoyens du Québec l'occasion d'être entendus sur un régime qui est en place depuis plus d'une vingtaine d'années et qui mérite une révision et certainement un débat public.

Je veux souligner au premier ministre, M. le Président, qu'il ne s'agit pas de remettre en question, pour l'opposition officielle, la question du «no fault», ça, entendons-nous là-dessus, mais on peut énumérer les domaines où on aurait intérêt à avoir un débat public: la structure actuelle de la SAAQ; la question du bureau de révision où les délais pour être entendu sont extrêmement longs, inacceptables; l'absence de statut conféré aux proches des victimes; le rapport de la SAAQ avec les victimes qu'elle doit servir – parce que ça semble être perdu, ça, dans l'administration du système, on a plutôt l'impression que les victimes ont à aller quêter des privilèges à la SAAQ, alors que l'administration doit servir ces gens-là – et, entre autres, la question de la réadaptation professionnelle.

Il y a, pour couronner tout ça, M. le Président, un système où on semble donner plus d'attention et de compensations aux auteurs d'actes criminels qu'on en donne aux victimes, une espèce d'absurdité qui permettrait, en passant, l'économie de fonds publics, alors que le gouvernement actuel, évidemment, trouve qu'on dépense déjà pas mal.

Alors, M. le Président, j'aimerais savoir si le premier ministre a l'intention de respecter la parole donnée et d'entendre les victimes.

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, sans vouloir prendre la Chambre par surprise, je voudrais féliciter le chef de l'opposition pour ne pas remettre en cause un des grands acquis social, c'est-à-dire ce qu'on appelle communément le «no fault»... j'ai de la difficulté à traduire à chaque fois. Mais je vous dirai, M. le Président, que c'est un grand acquis sur le plan social et que 90 % de la population et plus ne désire pas remettre en question cet acquis social.

Deuxièmement, je pense qu'il y a une méprise ou une incompréhension vis-à-vis du présent projet de loi. Le présent projet de loi ne se veut pas une révision de la loi, il ne se veut qu'un ajustement des indemnités. On l'a dit à plusieurs reprises, je l'ai dit au niveau du débat de fin de séance, je l'ai dit au niveau du débat de deuxième lecture, je l'ai dit au niveau du débat d'ouverture en commission parlementaire, à trois reprises, j'ai spécifié que le jour où on reconsidérera en profondeur ce régime sans remettre en cause l'acquis social que nous avons, mais que nous désirerons apporter des bonifications à l'ensemble du fonctionnement du régime, on fera des consultations générales, et qui que ce soit dans cette société qui voudra s'exprimer pourra le faire.

(10 h 10)

Mais, pour l'instant, c'est accepté par tout le monde, les bonifications que l'on fait, et j'en prends pour preuve que nous sommes rendus à l'article 39, je crois, étude article par article. Nous répondons à des objections du Protecteur du citoyen, nous améliorons le système, mais, fondamentalement, ce n'est qu'une révision pour améliorer les indemnités aux citoyens, aux assurés, et c'est ce qu'ils souhaitaient partout à travers le Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: M. le Président, par omission, le ministre vient de reconnaître que le gouvernement actuel a renié sa parole, celle donnée par son prédécesseur le 8 avril 1998. Et, si le ministre défend cette position-là aujourd'hui, son prédécesseur, lui, avait pris l'engagement d'entendre ces gens-là qui ont des revendications très légitimes à faire, en passant. Il ne s'agit pas juste de faire des révisions administratives, il s'agit de corriger des injustices graves, des injustices inacceptables, un régime qui compense davantage les auteurs d'actes criminels que les victimes, M. le Président.

Je vois le premier ministre qui grimace, M. le Président, comme s'il avait de la difficulté à croire qu'il y avait là des injustices. Je vais lui en donner un exemple qui dure, un exemple qui est cruel. Il y a un couple qui s'appelle Fisher qui, au mois de juin 1997, a perdu un enfant de manière tragique. J'ai rencontré Mme Fisher qui me raconte que son enfant est mort dans ses bras. Elle a demandé... Le régime actuel ne prévoit pas de compensation, ne prévoit pas de façon de compenser l'aide qu'elle reçoit. Il y a 10 000 $ de frais d'engagés pour un psychologue. Pourtant, elle demande d'être compensée par la SAAQ et elle est toujours en attente d'une réponse. Mais il y a plus que ça. Dans sa réponse, la SAAQ demande à Mme Fisher la démonstration, la preuve que le traitement qu'elle reçoit, c'est suite à la mort de son fils. Imaginez à quel point le système peut devenir sans coeur, quand votre enfant meurt comme ça puis que l'administration publique est rendue tellement indifférente, tellement incompétente qu'on exige ça de la part d'un parent.

Alors, le moins qu'on puisse s'attendre de la part du gouvernement, c'est qu'il puisse répondre à ces gens-là. On n'est pas les seuls à le demander: MADD Canada a demandé des audiences publiques; les Accidentés du travail et de l'automobile du Québec; le comité Clifford-Fisher; plaidoyer-victimes, qui regroupe 400 associations et individus victimes d'actes criminels au Québec; la Fondation des accidentés de la route; le Barreau du Québec. Ces gens-là réclament d'être entendus. C'est le minimum qu'on leur doit.

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je vais commencer par répondre sur le couple Fisher. J'ai personnellement rencontré le couple Fisher. Et, au moment où j'étais ministre des Ressources naturelles, j'ai même forcé Hydro-Québec à avoir un programme précisément très spécifique, comme Bell Canada a, pour tous ses conducteurs, tous ses chauffeurs de camion. Ça, c'est de un.

Deux, le couple Fisher avait 18 000 $ en fonction d'indemnité de décès pour un enfant, dans l'ancien projet de loi. Alors, avec le nouveau, ça monte à 40 000 $. Les frais de psychologue sont payés, contrairement à ce que le chef de l'opposition dit, ils sont admissibles. Même son critique hier nous demandait: Comment ça se fait que vous utilisez le mot «paramédical»? C'était précisément pour mettre des services professionnels qui ne sont pas couverts par la Régie de l'assurance-maladie, mais qui sont couverts par la Société de l'assurance automobile. Je pense que, quant à vouloir charrier, il faudrait au moins savoir ce qu'on dit.

Le Président: En complémentaire?

M. Benoit: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Orford.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Je mets au défi le ministre de nous confirmer que la facture de 10 000 $ de frais d'avocats a été payée à ce jour par la Société.

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, il y a une différence entre le paiement qui peut avoir été fait puis l'éligibilité. Je vous dis que les frais de psychologues... Puis c'est une annexe. Puis le député de l'Acadie pourrait se lever pour répondre à son collègue d'Orford, comme quoi les services professionnels de psychologue sont payés par la Société de l'assurance automobile. C'est possible qu'il y ait contestation et que la facture ne soit pas payée, mais, comme services professionnels, c'est accepté. C'est moi-même qui ai fait les démarches pour le couple pour qu'ils le soient.

Le Président: M. le député de l'Acadie, en complémentaire?

M. Bordeleau: Oui. En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de l'Acadie.


Révision de l'indemnisation des conducteurs et des familles des victimes d'accidents de la route


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Alors, je me permets, M. le Président, de dire que l'intelligence... l'intransigeance du ministre des Transports est incompréhensible.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de l'Acadie.

M. Bordeleau: Oui, M. le Président. Je me permets de dire que l'intransigeance du ministre des Transports est incompréhensible, quand on connaît plusieurs cas d'injustice, comme ceux-ci. Le cas le plus tristement célèbre est celui d'un jeune qui roulait à plus de 160 km en plein centre-ville de Québec et qui a provoqué la mort de ses quatre passagers. Parce que blessé à un oeil, ce dernier a touché plus de 150 000 $ de la Société de l'assurance automobile du Québec pour compenser sa perte de revenus, pendant que les familles des victimes ont eu droit à 8 000 $ chacune. Je pourrais aussi vous parler de l'accident qui est survenu en juillet 1992, à l'île d'Orléans, où un conducteur en état d'ébriété a tué une personne. Le conducteur a reçu 60 000 $ en indemnisation et il continue à empocher 700 $ par deux semaines, tandis que les parents de la victime ont reçu une indemnité de 20 000 $.

M. le Président, comment le ministre des Transports peut-il continuer à défendre l'indéfendable par son refus de tenir une consultation publique sur un régime qui nous confronte avec de telles absurdités?

Des voix: C'est beau!

Le Président: M. le ministre des Transports.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier le député de l'Acadie pour son lapsus très lucide qu'il a fait au début. Et, deuxièmement, je voudrais lui dire qu'on n'a pas besoin d'audiences publiques pour apporter des amendements à la législation. On est rendu à l'article 39; il reste six articles à adopter dans le projet de loi. S'il y a des amendements – et, de part et d'autre, il sait comment on a fonctionné depuis le début – si, de part et d'autre, on peut apporter des amendements pour bonifier le projet de loi, je suis très disponible et très ouvert.

Le Président: M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Est-ce que le ministre des Transports ne reconnaît pas que, dans le projet de loi n° 24, il n'y a absolument rien qui concerne les cas que je mentionne présentement? Et comment le ministre peut-il ignorer que le coroner Dionne affirme que 300 décès officiels sont provoqués à chaque année par des accidents impliquant des chauffards ivres, ce qui ne représente que la pointe de l'iceberg, selon ce coroner?

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, nous étions fiers de rendre public le bilan routier, on a atteint notre objectif deux ans avant l'échéance qu'on s'était fixée, mais il n'en demeure pas moins qu'il y a encore 700 morts sur nos routes et qu'il nous faut prendre des moyens pour encore améliorer ce bilan routier. Je suis, avec des victimes... Par exemple, je pense au Dr Payette, de ma région, qui a perdu son épouse dans un accident de la route, il est prêt à travailler à une table de concertation pour bonifier le projet de loi, pour arriver à faire des suggestions concrètes, pour amener les gens à faire en sorte de ne pas conduire en état d'ébriété. Et je dois vous dire qu'on doit féliciter les jeunes du Québec qui, comme groupe, se sont pris en main, et c'est à ce niveau qu'il y a la plus grande amélioration, parce qu'il y a des jeunes, le samedi soir, qui décident de fêter et il y en a toujours un qui est très à jeun et qui se comporte de façon magnifique, et c'est tout à l'honneur des jeunes du Québec, M. le Président.

Le Président: M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: M. le Président, quand le ministre effectuera-t-il une révision globale du régime de l'assurance automobile du Québec et permettra-t-il enfin à la population de venir s'exprimer sur un dossier qui lui tient à coeur, si on se fie à un sondage mentionnant que plus de 80 % de la population souhaite une révision sérieuse de ces cas inadmissibles? Est-ce qu'il faut demeurer dans le comté de Joliette pour être entendu par le ministre ou bien si les autres personnes ont le droit exactement de se faire entendre aussi?

Le Président: M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, il y a à peine quelques mois que je suis à la tête du ministère des Transports et responsable de la Société de l'assurance automobile. J'ai voulu donner suite au projet de loi qui avait été amorcé par mon prédécesseur et je devrai d'abord soumettre au gouvernement, au Conseil exécutif, un projet de réforme. Mais, comme je l'ai dit, M. le Président, nous nous permettrons à ce moment-là des audiences publiques, et qui voudra se faire entendre pourra se présenter. Et, s'il a des noms à me suggérer à ce moment-là... j'en vois un tout de suite qu'on me suggérera; ça me fera plaisir de l'entendre.

Le Président: Mme la députée de Bourassa, en question principale.


Moyens de pression utilisés par les pharmaciens dans le cadre des négociations


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Les moyens de pression des pharmaciens ont des effets absolument désastreux sur les patients. En théorie, les patients dans le réseau de la santé ont le droit de recevoir des services de santé, sauf qu'en pratique ils n'ont pas accès à ces services-là. Actuellement, vu la grève des pharmaciens, des chirurgies électives sont reportées. Des traitements de chimiothérapie, quand on sait l'importance que ça peut avoir, sont carrément annulés. Des patients des cliniques externes n'ont tout simplement plus accès à leur médication. Évidemment, on ferme des lits. On peut aussi prévoir qu'il va y avoir un engorgement des urgences des établissements de santé, il n'y a pas de pharmaciens dans les urgences des établissements de santé. Encore une fois, M. le Président, ce sont les patients qui paient le prix. Ce sont les patients qui n'ont pas accès à des services, et pourtant, dans la lettre, ils ont droit à ces services-là.

(10 h 20)

Est-ce que la ministre peut aujourd'hui, en cette Chambre, nous dire si elle va assumer ses responsabilités, elle peut nous dire également si elle entend, oui ou non, régler ce conflit? Quand et comment?

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. On peut, en effet, déplorer que les pharmaciens utilisent actuellement certains moyens de pression dont, par exemple, la tenue d'une journée d'étude qui peut présenter des risques effectivement quant à l'accessibilité à certains services de santé. Cependant, ceux-ci, par un envoi qu'ils ont fait à l'ensemble de leurs membres, je pense à l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec, ont assuré que, pendant toute la durée de moyens de pression, les pharmaciens d'établissements assumeront, comme ils l'ont toujours fait, leur responsabilité professionnelle envers leurs patients, et ils réfèrent à leur code de déontologie qui doit être en toute circonstance respecté, M. le Président.

Il y a actuellement des discussions qui ont cours entre l'Association des pharmaciens et l'Association des hôpitaux, de même que le ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous espérons pouvoir trouver des terrains d'entente le plus rapidement possible, mais les négociations ne sont pas rompues. Et, par ailleurs, les hôpitaux s'assurent, dans leurs décisions, que les patients ne sont pas pénalisés par ces moyens qui demeurent inacceptables, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, actuellement, c'est des patients qui en paient le prix et qui sont pénalisés. Mme la ministre peut-elle déposer la copie de la correspondance qu'elle vient d'évoquer en cette Chambre, où il est dit que les pharmaciens prendront des mesures qui ne seront pas pénalisantes pour les patients?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois


Documents déposés

Mme Marois: Alors, certainement, M. le Président, j'imagine que notre collègue qui suit bien ses dossiers doit avoir reçu aussi le communiqué de presse qui a été émis et l'envoi par télécopie qui a été fait à l'ensemble des pharmaciens d'établissements du Québec par l'Association des pharmaciens des établissements de santé du Québec – alors il y a quelques notes sur ma copie, mais je n'ai pas de problème à la déposer – de même que par ailleurs aussi le communiqué de l'Association des hôpitaux du Québec qui demande aux pharmaciens d'établissements de surseoir immédiatement à leurs moyens de pression et qui indique que ceux-ci ne devraient avoir aucun effet sur la situation des malades, M. le Président.

Le Président: Toujours en complémentaire, Mme la députée de Bourassa.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. La ministre, qui a l'ultime responsabilité publique en matière de santé, peut-elle nous garantir ici, aujourd'hui, en cette Chambre, que chaque patient qui a besoin d'un traitement en chimiothérapie a accès, aujourd'hui, à ses traitements de chimiothérapie?

Le Président: Mme la ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: M. le Président, la question d'abord soulevée par notre collègue mentionnait qu'effectivement certaines chirurgies électives, c'est-à-dire des chirurgies que l'on peut faire dans un temps déterminé et qu'il est possible parfois de retarder parce qu'elles ne créent pas d'inconvénients majeurs à la santé des personnes, sont effectivement retardées. Donc, certaines chirurgies de ce type le sont.

Selon l'information que je possède, M. le Président, il n'y a pas effectivement de traitements de chimiothérapie qui auraient été empêchés ou retardés. Je le dis bien: Selon l'information que j'ai à ce moment-ci, M. le Président.

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup et après M. le député de Nelligan.

M. le député de Rivière-du-Loup, en question principale.


Projet de fusion des municipalités de l'île de Montréal


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, Merci, M. le Président. Dans quelques minutes, ce midi, le maire de Montréal va prononcer un très important discours concernant l'union des forces dans la grande région de Montréal, en fait sur l'île de Montréal, pour faire des différentes villes de Montréal une seule ville, comme tant de grandes métropoles nord-américaines l'ont fait devant nous pour unir leurs forces. Dans un débat de société, comme aime l'appeler la ministre des Affaires municipales, sur la fusion des grandes municipalités, entre autres dans le cas de la métropole au Québec, c'est une position qui est éminemment importante.

Ma question à la ministre de la Métropole: Est-ce que la ministre peut nous dire si le scénario d'une île, une ville est à l'étude, et si elle va accueillir la proposition du maire de Montréal avec ouverture?

Le Président: Mme la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, je remercie le député de sa question. Le maire de Montréal avait eu l'amabilité de me faire transmettre son discours qu'il prononcera aujourd'hui devant la Chambre de commerce du Grand Montréal. J'ai reçu également une déclaration que le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain fera également à cette occasion.

Divers scénarios sont actuellement examinés, j'en saisirai d'ailleurs le Conseil des ministres aujourd'hui même, et je serai en mesure dans quelques jours de faire connaître à l'Assemblée nationale les orientations gouvernementales.

Le Président: M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Est-ce que la ministre peut déjà donner une indication à savoir est-ce que le leadership qui est en train d'être exercé par le maire de Montréal pour unir les forces dans la grande région de Montréal pèse davantage dans son esprit – oui, le leadership du maire de Montréal, parce que le gouvernement nous a dit, la semaine passée ou il y a deux semaines, qu'il n'avait pas de position sur la question – versus ceux qui jusqu'à maintenant ont défendu sur l'île de Montréal le maintien d'un certain nombre de paradis fiscaux?

Des voix: ...

Le Président: Mme la ministre.

Mme Harel: M. le Président...

Le Président: Bien, je comprends que la fiscalité intéresse tout le monde, mais là c'est au tour de la ministre des Affaires municipales de répondre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, je crois que le député de Rivière-du-Loup pose une question de fond, celle de l'équité fiscale. Sans parler de paradis fiscaux, je crois qu'on peut parler parfois d'enclave fiscale. Et cette orientation en faveur d'une équité fiscale est celle-là même qui a présidé aux propositions qui seront examinées par le gouvernement. Et j'aimerais ajouter que, en cette période de mondialisation, il est évident qu'il faut faire cesser la concurrence municipale pour mieux affronter la concurrence internationale.

Le Président: En question principale, M. le député de Nelligan.


Inscription de l'Aricept sur la liste des médicaments remboursables par la RAMQ


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. La maladie d'Alzheimer bouleverse quotidiennement la vie de plus de 40 000 Québécois et leur famille. Aricept est le seul médicament disponible au pays pour alléger les symptômes de la maladie et améliorer la qualité de leur vie, mais ce médicament n'est pas remboursable par le gouvernement péquiste. Aricept n'est pas accessible pour une grande partie de la population, et de plus en plus des patients utilisent un système de santé qui est plus cher. Le gouvernement péquiste a refusé plusieurs fois, mais le gouvernement de l'Ontario a récemment accepté de rembourser ce médicament.

Ma question est fort simple, M. le Président: Quand le gouvernement acceptera-t-il d'inclure Aricept sur la liste des médicaments remboursés, ou est-ce que la ministre de la Santé va garder deux classes de patients: ceux qui peuvent payer et ceux qui n'ont pas les moyens?

(10 h 30)

Le Président: Mme la ministre d'État à la Santé et aux Services sociaux.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Notre collègue de Nelligan soulève une question pour laquelle il m'a déjà demandé aussi, par écrit, un certain avis. J'ai signé la lettre, je crois, hier, si ma mémoire est bonne, et elle dit ceci: Vous savez que la façon d'approuver l'inscription d'un médicament sur la liste de médicaments, médicament qui va ensuite être couvert par le régime d'assurance-médicaments, passe d'abord par une acceptation par le conseil consultatif d'approbation des médicaments.

Alors, nous avons demandé à ce conseil de nous donner un avis. Je dois vous dire que j'ai même rencontré personnellement le président, parce qu'on avait fait des représentations à mon bureau, on avait soulevé cette possibilité qu'un médicament nouveau ou particulièrement performant puisse aider les personnes malades de l'Alzheimer. J'ai donc pris la peine de rencontrer le président et le secrétaire général du Conseil consultatif de pharmacologie, et ils ne sont pas prêts à nous faire une recommandation et ne considèrent pas que le médicament comporte toutes les valeurs qu'on lui attribue ou toutes les possibilités de gain au plan de l'amélioration de la santé qu'on lui attribue. Effectivement, il n'est actuellement reconnu par aucune autre province. On me dit cependant qu'il le serait prochainement, si ce n'est ces jours-ci, par l'Ontario.

Alors, c'est généralement un éclairage que nous acceptons, des recommandations que nous suivons. Il est tout à fait exceptionnel que nous ne retenions pas les avis du Conseil consultatif de pharmacologie. Et j'ai même demandé à ce Conseil de réviser, s'il était possible, l'ensemble des aspects de ce médicament et de ses effets, mais, pour l'instant, le Conseil ne me recommande pas de l'inscrire à la liste des médicaments, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marquette, en question principale.


Dépôt d'avis juridiques à l'Assemblée


M. François Ouimet

M. Ouimet: En principale, M. le Président. Dans l'affaire impliquant le vice-premier ministre du Québec...

Des voix: ...

Le Président: Je pense que je vous demanderais, M. le député de Marquette, d'être prudent dans la façon dont on utilise les termes. Le mot «affaire», en soi, n'est pas un terme antiparlementaire, sauf que, dans le contexte actuel et dans la façon dont les choses sont présentées, ça laisse entendre que le ministre aurait manqué à son serment, et ça, je pense que c'est... M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, dans un dossier où le vice-premier ministre et ministre du Revenu a admis à deux reprises qu'il y avait eu violation de la loi, le terme utilisé est parlementairement très prudent et très acceptable.

Des voix: Bravo!

Le Président: Sur la question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Bien, M. le Président, le député de Marquette devrait être effectivement très prudent dans l'utilisation des mots, parce que hier, concernant les avis juridiques, disons qu'il a tourné les coins ronds.

Le Président: M. le député de... Je pense que, si on parlait de dossier plutôt que d'affaire, dans ce cas-ci, si on ne référait pas à un... M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, dans le cas impliquant, depuis plusieurs semaines, le vice-premier ministre du Québec, tout le monde sait qu'il tente de sauver sa peau et son poste en refusant de demander un avis à la CAI et en se servant de la ministre de la Justice et de son avis juridique secret.

Hier, pour garder secret son avis juridique, la ministre a invoqué deux raisons. Premièrement, que cela ne s'était jamais fait dans toute l'histoire – ce sont ses propos. C'est faux, puisque, à trois reprises, deux ministres et un premier ministre péquistes ont déposé de tels avis juridiques. Puisque cette défense ne tient plus, la ministre a alors indiqué, et je la cite au texte: «Ces opinions pourraient par la suite être utilisées dans le procès.»

Puisque la Procureur général a elle-même parlé hier de procès pour justifier sa décision de garder secret l'avis juridique, peut-elle nous dire sur quels éléments du dossier son ministère travaille actuellement quant à d'éventuelles poursuites judiciaires?

Le Président: Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: M. le Président, d'abord, je vous dirais que le député de Marquette a une facilité de sortir hors contexte ce qui a été cité. Ce que j'ai mentionné hier, c'est que, en regard des opinions juridiques, de façon générale, lorsqu'on demande des opinions juridiques... Et les raisons pour lesquelles j'ai invoqué qu'il n'était pas de coutume de déposer de tels avis juridiques, c'est parce que, effectivement, dans le cadre d'un procès, si on émettait des opinions juridiques sur la place publique, ça pourrait avoir des incidences. Par sur un procès en particulier, mais sur les procès en général.

D'abord, il faut bien savoir... Et je me permettrai, M. le Président, puisque le député de Marquette hier, lorsqu'il a parlé de certains dossiers... Je vais les reprendre un par un, parce que, dans tous les dossiers auxquels il a fait référence hier, il ne s'agissait pas d'opinions juridiques.

D'abord, M. le Président, dans l'affaire que le député de Marquette a appelé «Le Hir», il s'agissait d'une note de transmission qui reprenait les conclusions de l'opinion juridique. Alors, ce n'est pas une opinion juridique.

Des voix: Ah!

Mme Goupil: Dans le dossier FLQ, comme il l'a appelé hier également, il s'agit encore de conclusions d'une opinion juridique et non pas d'une opinion juridique.

Des voix: Ah!

Mme Goupil: Dans le dossier, M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît! Merci. Mme la ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

Mme Goupil: Alors, merci, M. le Président. Dans le dossier du Club Rez, encore une fois, c'était un document qui était déposé par le député de Brome-Missisquoi qui était leader officiel à ce moment-là, et je ne sais pas à quel endroit il avait pris son document, donc je ne peux le citer.

Et, M. le Président, je vous ferais remarquer que ce qui a été transmis à même l'opinion de la jurisconsulte, ce sont les conclusions qui apparaissent dans le communiqué de presse, des conclusions au même titre que celles qui apparaissent là.

M. le Président, en terminant, je vous déposerai, si j'ai l'autorisation de le faire... Le ministre de l'époque, M. Gil Rémillard, à une question qui avait été posée par ma collègue de Hochelaga-Maisonneuve, dans laquelle elle demandait qu'une opinion juridique soit déposée concernant la création du Fonds d'aide aux victimes d'acte criminel, la réponse de M. Gil Rémillard était la suivante: «En ce qui concerne les opinions juridiques, il n'est pas d'usage pour le ministère de la Justice d'en transmettre copie.» Je suis tout à fait...

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'on comprend là que le ministre du Revenu applaudit la ministre de la Justice qui vient de lire sa note? Est-ce qu'on peut rappeler à la ministre de la Justice que la note du ministre du Revenu était incomplète, que le Journal des débats du jeudi 4 juin 1998 cite l'ancienne ministre du Revenu qui a déposé un avis juridique en cette Chambre – de brefs extraits, M. le Président, ce n'est pas le député de Brome-Missisquoi qui l'a fait?

Des voix: Ah!

M. Paradis: Excusez, là. Si vous la voulez au complet, M. le Président, il me fera plaisir de la déposer au complet pour que le premier ministre puisse en prendre connaissance, et il demandera à sa ministre de la Justice de faire pareil avec l'avis qu'elle cache sur l'illégalité commise par le ministre du Revenu.

M. le Président, je cite, de la lettre déposée par l'ex-ministre du Revenu, l'article 17 de la Loi concernant l'impôt sur le tabac, qui prévoit que «le ministre peut, afin de faciliter la perception et la remise de l'impôt établi par la présente loi, conclure, avec toute personne titulaire d'un certificat d'enregistrement, les ententes...»

Des voix: ...

M. Paradis: Excusez, là. Est-ce qu'on en veut juste un bref extrait ou si on veut tout le contexte? Est-ce qu'on a d'autre chose à cacher?

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, je pense que vous êtes un des vétérans de l'Assemblée, vous étiez en question complémentaire, je vous le rappelle. Alors, en conclusion, M. le député.

M. Paradis: J'ai peut-être commis une erreur en prenant pour acquis qu'on voulait l'ensemble du dossier, que j'avais consentement pour lire l'ensemble de l'opinion juridique qui a été déposée le 4 juin 1998 par l'ex-ministre du Revenu. Je vais sauter à la conclusion, demander le consentement pour le dépôt du transcript du Journal des débats , M. le Président: «Compte tenu de ce qui précède, il est inexact de prétendre que l'entente du 23 février 1996 contrevient aux lois fiscales.» Ça, c'était l'avis qui avait été déposé à l'époque dans l'affaire du Club Rez. La ministre conclut en disant: «Et c'est signé: Pierre Séguin, avocat au ministère de la Justice.» Je voudrais le déposer.

(10 h 40)

Donc, contrairement à ce qu'a dit la ministre, est-ce qu'elle peut réviser son dossier dans ce cas-là? Est-ce qu'elle peut également réviser son dossier dans le cas de l'affaire Le Hir, où l'ex-premier ministre, M. Parizeau, a déposé ce qu'il a qualifié lui-même d'un avis juridique, et cesser de tenter de tromper l'Assemblée nationale pour protéger son collègue?

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, jusqu'à la fin de votre intervention, tout était réglementaire. Mais je pense que vous conviendrez que vous ne pouvez pas à ce moment-ci, en formulant une question, prétendre que, de la façon dont la ministre se comporte, elle trompe la Chambre. Elle peut induire en erreur involontairement. Ça, c'est votre prétention. Mais je ne pense pas que, à ce moment-ci, vous puissiez indiquer, comme vous l'avez fait, qu'elle a trompé l'Assemblée. Alors, je vous demande de retirer cette partie-là.

M. Paradis: M. le Président, je vais remplacer mes propos par le dépôt des deux transcripts du Journal des débats qui confirment mes propos.

Le Président: M. le leader du gouvernement.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, manifestement, on cherche à semer la confusion en cette Chambre.

Des voix: ...

M. Brassard: Tout à fait. Le premier ministre Parizeau a déposé une note. La ministre de la Justice, à l'époque, a déposé des conclusions, et c'est ce qu'elle a fait la semaine dernière également. Et, dans le cas du Club Rez, c'est le leader de l'opposition qui a déposé l'avis juridique. On a été un peu trop conciliant. On aurait dû refuser notre consentement. Ça, c'est une erreur qu'on a commise. Et le leader de l'opposition devrait avoir plus de respect pour son ex-collègue...

M. Paradis: M. le Président, question de règlement.

M. Brassard: ...M. Rémillard, qui a été un grand ministre de la Justice, n'est-ce pas, puisqu'il a très clairement affirmé les coutumes en cette Chambre, qui consistent à ne pas déposer des avis juridiques.

Le Président: Alors, je considère que l'intervention du leader du gouvernement n'était pas une question de règlement mais une réponse à la question posée par le leader de l'opposition officielle. M. le leader de l'opposition officielle.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Est-ce qu'il y a consentement pour dépôt des documents complets?

Le Président: M. le leader.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, j'hésite à donner mon consentement, parce qu'on l'a donné une fois et il a déposé un avis juridique. Alors, pas de consentement.

Le Président: M. le député de Marquette.


Avis du jurisconsulte concernant la transmission de renseignements par le ministère du Revenu


M. François Ouimet

M. Ouimet: M. le Président, la Procureur général, ministre de la Justice et jurisconsulte se rend-elle compte que le vice-premier ministre, à plusieurs reprises, s'est servi d'elle pour se sortir d'un mauvais pas?

Des voix: Ah!

M. Ouimet: Toute la défense du vice-premier ministre, qui refuse de demander un avis à la CAI qui viendrait jeter de la lumière sur l'ensemble de ce dossier... Il se réfugie derrière un avis juridique de la Procureur général, qu'elle souhaite conserver secret. Le vice-premier ministre est en train de nous demander de le croire sur parole, M. le Président, alors que les faits dans cette affaire sont troublants. Depuis quatre semaines, on a assisté à toutes sortes de manoeuvres de maquillage qui sont tout à fait inacceptables.

Des voix: Bravo!

Le Président: Encore une fois...

M. Chevrette: ...

Le Président: M. le député de Joliette, je pense que le président est capable de diriger l'Assemblée sans appui. Alors, M. le député de Marquette, à chaque fois qu'on utilise ce genre de propos non seulement on...

Une voix: ...

Le Président: Bien. Alors, à chaque fois qu'on utilise ce genre de propos, d'abord on enfreint le règlement et, deuxièmement, on fait en sorte que l'Assemblée se transforme en un lieu qui n'est pas digne, comme il devrait l'être. Alors, je vous demanderais de reformuler votre question et de retirer les propos, parce que, effectivement, les propos que vous venez de prêter au ministre des Finances, au vice-premier ministre ne sont pas acceptables à l'Assemblée, et vous le savez très bien.

M. Ouimet: M. le Président, la Procureur général réalise-t-elle que le vice-premier ministre...

Des voix: ...

Le Président: Dois-je comprendre, M. le député de Marquette, que vous retirez vos propos? Très bien. Alors...

M. Ouimet: Je retire et je reformule, M. le Président. La Procureur général, qui doit avoir un rôle tout à fait indépendant par rapport à un de ses collègues au Conseil des ministres, réalise-t-elle qu'il se sert d'elle depuis maintenant plus de quatre semaines pour se sortir d'un mauvais pas? Il est dans le pétrin. Il refuse de demander des avis à la Commission d'accès à l'information, qui viendraient jeter la lumière sur l'ensemble du dossier, et la Procureur général se fait complice de toute la manoeuvre en refusant de déposer...

Des voix: Ah!

Le Président: M. le député de Marquette, je crois que vous aviez compris que vos propos n'étaient pas acceptables. Vous avez accepté de les retirer et, en reformulant votre question, vous retombez dans le même problème; alors, je vous demande de retirer vos propos. Et je pense que la question est posée, il n'y aura pas de reformulation. Retirez vos propos, s'il vous plaît.

M. Ouimet: Alors, je retire mes propos, M. le Président.

Le Président: Merci. Mme la ministre de la Justice.


Mme Linda Goupil

Mme Goupil: Alors, M. le Président, je peux comprendre que le député de Marquette ne soit pas heureux que je ne dépose pas l'opinion juridique, mais ça ne justifie en rien de faire les propos qu'il a tenus en cette Chambre. D'abord, ça a pour effet de discréditer le rôle du jurisconsulte tel qu'il a été fait depuis de nombreuses années. Et non seulement, M. le Président, ça discrédite, mais ça discrédite également les spécialistes du droit qui donnent des opinions juridiques en toute transparence et dans le respect de la règle de droit.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Goupil: M. le Président, lorsque des opinions sont demandées, ce qui a été rendu public, ça a été les conclusions dans lesquelles on retrouve exactement l'opinion juridique qui a été émise du ministère de la Justice.

Et, M. le Président, tout à l'heure, lorsque j'ai pris la peine de reprendre toutes les allégations, s'il y a quelqu'un ici qui essaie de discréditer nos institutions, c'est le député de Marquette. Depuis plusieurs semaines qu'il fait allusion à des choses qui ne sont absolument pas fondées. Et je vous dirais que, parce qu'on agit en toute transparence, parce qu'on répond exactement, à chaque journée, depuis deux, trois semaines – mais je comprends bien qu'ils ne sont pas satisfaits – nous n'avons pas à changer les règles d'une institution parce que des gens s'acharnent à faire ressortir quelque chose qui n'existe pas, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Charest: Je constate...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Jean J. Charest

M. Charest: On constate, M. le Président, que le gouvernement actuel, de jour en jour, continue à creuser son trou, malheureusement. On connaît bien les règles de l'administration publique. On n'a pas besoin de se les faire rappeler, que les avis que le gouvernement reçoit de l'intérieur sont généralement des avis qui sont confidentiels. Sauf, M. le Président, qu'il y a des exceptions que la ministre reconnaît elle-même: lorsqu'un ministre du gouvernement choisit délibérément d'invoquer un avis juridique en défense à sa cause. Ce que le ministre du Revenu a fait. C'était son choix à lui. Ce n'est pas l'opposition qui lui a demandé de citer un avis juridique. Il a choisi de faire cela puis il l'a fait en dépit du fait qu'il y a une autre institution, que la ministre de la Justice devrait connaître, qui s'appelle la Commission d'accès à l'information, qui, elle, a un mandat précis de donner des avis qui sont objectifs, qui est mandatée par l'Assemblée nationale du Québec, qui n'est pas une collègue de son ministre du Revenu.

(10 h 50)

Je demande au premier ministre s'il ne veut pas mettre fin finalement à cette mascarade et dire franchement ce que contient l'avis juridique, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.


M. Lucien Bouchard

M. Bouchard: M. le Président, le chef de l'opposition officielle a prétendu que l'avis du jurisconsulte a été sollicité pour venir en aide à la cause du vice-premier ministre. Il ne s'agit pas de la cause de personne. Il s'agit d'un avis qui a été demandé dans l'exercice de la gestion des affaires publiques...

Des voix: ...

Le Président: Alors, je pense que le chef de l'opposition officielle a pu poser sa question; maintenant, c'est au premier ministre. M. le premier ministre.

M. Bouchard: L'avis a été demandé, M. le Président, pour éclairer cette Chambre de même que l'ensemble des fonctionnaires du gouvernement quant au sens à donner à l'application d'une loi très importante relativement à la possibilité ou non de recourir à des tiers dans l'exercice d'un cadre légal.

Il se trouve que la loi est rédigée de façon imparfaite – ça arrive à cette Assemblée d'adopter des lois imparfaites – puisque, d'une part, la Commission d'accès à l'information est arrivée à une conclusion et que, d'autre part, le jurisconsulte du gouvernement arrive à une conclusion différente. Qu'est-ce qu'on fait dans ce temps-là? Comme on veut assurer l'intégrité et la stabilité du fonctionnement des institutions de gestion des revenus du Québec, il faut clarifier la loi.

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Bien, là, je ne sais pas si vous avez entendu? Vous avez sûrement entendu parce que vous vous êtes tourné vers le leader de l'opposition. Il a proféré des termes qui sont absolument antiparlementaires.

Des voix: ...

Le Président: Un instant! Est-ce que les députés pourraient laisser le leader du gouvernement terminer? Je pense qu'il a fait un point. Il n'a pas besoin que personne d'autre ajoute à ce moment-ci.

M. Brassard: Non, je me suis trompé. J'ai dit «indigne de lui», indigne de sa fonction, de la fonction qu'il occupe.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: M. le Président, je vais donner le bénéfice du doute au premier ministre. Je vais oublier qu'il a dit que le gouvernement ou le ministre du Revenu avait sollicité un avis de la Commission d'accès à l'information et un avis du Procureur général qui se contredisaient. Je vais oublier que le premier ministre, qui veut se montrer digne de sa fonction, a tenté d'induire l'Assemblée nationale en erreur.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, non seulement vous ne pouvez pas traiter le premier ministre de menteur, ce que vous avez fait, mais, en plus, vous ne pouvez pas prétendre, sans en encourir les conséquences que vous connaissez très bien, que le premier ministre a volontairement induit la Chambre en erreur. Alors, de deux choses l'une: ou vous retirez vos propos ou le processus va devoir suivre son cours.

M. Paradis: M. le Président, si le premier ministre accepte de dire que c'est involontairement qu'il a induit la Chambre en erreur, je vais me plier à votre directive.

Le Président: À ce moment-ci, M. le leader de l'opposition, la question n'a pas rapport à ce que vous demandez au premier ministre, la question a rapport avec vos propos. Alors, M. le... Oui.

M. Paradis: Je m'excuse, M. le Président. Je réitère l'offre au premier ministre. Si c'est involontairement qu'il a induit l'Assemblée nationale en erreur, je suis prêt à retirer mes propos, sinon enclenchez le processus.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le leader du gouvernement, je vais terminer, je pense, avec l'intervention. Vous savez très bien les conséquences, alors je vous demande une deuxième fois de retirer vos propos. Alors, à ce moment-ci, je vous retire le droit de parole pour toute la séance. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, l'opposition officielle vient d'applaudir et d'ovationner un comportement qui n'est pas très honorable de la part d'un leader.

Le Président: Bon. M. le leader du gouvernement, la présidence a tranché, le cas est réglé pour le moment, et je ne crois pas qu'on puisse rajouter, par une question de règlement, sur une décision qui vient d'être rendue par la présidence.

Alors, nous allons poursuivre. Nous avons terminé aujourd'hui la période de questions et de réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.


Motions sans préavis

Aux motions sans préavis, nous avons une motion annoncée du ministre responsable de la Recherche, de la Science et de la Technologie. M. le ministre.


Souligner la participation de Mme Julie Payette à la mission spatiale de la navette Discovery

M. Rochon: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la participation de l'astronaute québécoise Mme Julie Payette à la mission spatiale de la navette Discovery ainsi que sa contribution exceptionnelle à l'avancement des connaissances et à la promotion de la science auprès des Québécoises et des Québécois.»

Des voix: Bravo!

Le Président: Y a-t-il d'abord consentement pour débattre de la motion? M. le leader adjoint de l'opposition officielle?

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, M. le Président, c'est demain, si enfin la météo est favorable, que la navette spatiale Discovery s'envolera vers la station spatiale internationale à 25 000 km de la terre. Il s'agira, on le sait, de la 94e navette spatiale lancée depuis la première qui avait été larguée en avril 1981.

Mais, pour le Québec, cette envolée revêt un caractère tout à fait particulier parce que, pour la première fois, une Québécoise, Mme Julie Payette, sera l'une des sept astronautes qui ont été choisis par la NASA pour participer à cette grande aventure qui est une mission spatiale. Elle deviendra ainsi la première Québécoise à se rendre dans l'espace, réalisant du coup son rêve de toujours, comme elle l'a bien dit, pour lequel elle a consacré des années et des années de travail, de perfectionnement et d'entraînement.

M. le Président, sa détermination et sa compétence ont suscité un véritable engouement depuis quelques mois auprès des Québécoises et des Québécois, qui seront nombreux, demain, c'est sûr, à suivre le lancement de cette navette. Cet engouement est tout à fait justifié. Le parcours de Mme Payette constitue un très bel exemple de persévérance, de dynamisme et de volonté de réussir, et cet exemple suscite l'admiration des jeunes, bien sûr, mais aussi de tous les adultes du Québec.

Mme Payette est diplômée en génie électrique et détentrice d'une maîtrise en sciences appliquées. Elle a été notamment responsable d'un projet sur la compréhension et la reconnaissance de la parole par les ordinateurs. Elle est également pilote d'avion. Et elle a été choisie pour cette mission parmi 5 300 candidats pour faire partie de l'Agence spatiale canadienne. Son parcours académique, ses travaux, pourtant complexes, n'ont pas empêché Mme Payette de développer des talents de musicienne, d'apprendre plusieurs langues et de devenir une sportive accomplie. Mais c'est aussi surtout par sa simplicité et sa capacité de communiquer qu'elle a contribué à créer ce sentiment d'admiration chez nous tous.

M. le Président, à l'heure où le Québec souhaite intéresser davantage les jeunes aux sciences et à la technologie, le cheminement de Mme Julie Payette a bien démontré, par son parcours et sa passion, que la science et la technologie sont des domaines qui sont très stimulants et qui présentent des défis très grands qui consistent à repousser constamment les limites du savoir et à être capable de toujours innover pour vaincre les obstacles. Même si toutes les carrières en sciences et en technologie bien sûr ne seront pas aussi spectaculaires, elles offrent toutes les mêmes possibilités de s'épanouir et de contribuer au bien-être de ses concitoyens et de ses concitoyennes.

La participation de Mme Payette à cette mission contribuera à la construction de la station spatiale internationale à bord de laquelle il sera possible d'effectuer différents travaux de recherche tant sur des phénomènes biomédicaux, il sera possible d'améliorer des procédés de fabrication et aussi de développer de nouveaux médicaments, bref de faire avancer nos connaissances pour améliorer la qualité de vie de tous.

(11 heures)

C'est pourquoi, M. le Président, j'invite cette Assemblée à appuyer sans réserve cette motion pour que le Québec tout entier puisse fièrement et officiellement souhaiter à Mme Julie Payette un très bon voyage et un heureux retour.

Des voix: Bravo!

Le Président: Sur la même motion, M. le député de Verdun maintenant.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je peux m'associer à cette proposition. Mme Payette, une grande canadienne née à Ahunstic, formée à l'Université McGill, ayant fait sa maîtrise à l'Université de Toronto, est à l'image de ce qu'on pourrait appeler avoir bénéficié de nos deux systèmes d'éducation. Je pense qu'il y a trois points sur lesquels je voudrais insister ici dans le symbole que peut représenter Julie Payette pour l'ensemble des jeunes. Mais je suis d'accord avec le ministre, c'est important de le rappeler.

Premièrement, elle est le symbole de l'ouverture des femmes à la technologie et à la science. Je pense qu'il est important aussi de remarquer que ses succès sont aussi le propre d'une femme. Et je pense que l'entrée des femmes dans le monde de la technologie, c'est quelque chose que l'on doit souligner.

Deuxième élément, M. le Président – et il y a une dimension que le ministre n'a peut-être pas oubliée – Mme Payette est bien sûr une scientifique, une scientifique importante, c'est aussi une artiste. Et le lien qu'il y a à faire entre à la fois bien sûr le développement scientifique mais le développement aussi artistique, parce que le développement culturel ne se fait pas uniquement sur le plan scientifique, mais se fait en lien avec l'art et les sciences, c'est quelque chose sur lequel je pense qu'on doit souligner. On peut être à la fois une scientifique de renom, une scientifique de qualité et aussi une artiste, et je pense que c'est quelque chose qu'on est en mesure de signaler ici.

Troisième élément, M. le Président, je crois qu'il est important de rappeler que ce symbole, comme celui de Julie Payette, va permettre et devrait être un symbole de permettre, dans cette société qui s'ouvre à l'innovation, aux jeunes de rentrer de plus en plus important dans ces carrières scientifiques et technologiques qui sont à mon sens la clé de l'ouverture vers le XXIe siècle. Donc, M. le Président, l'opposition est heureuse aussi de souhaiter bonne chance à Julie Payette. Merci.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Président: Je comprends que la motion est adoptée. Alors, s'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Brassard: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 31, Loi modifiant le Code de procédure civile, projet de loi n° 38, Loi modifiant le Code civil relativement à la publication de certains droits au moyen d'avis, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 26, Loi modifiant la Loi sur les centres de la petite enfance et autres services de garde à l'enfance, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des transports et de l'environnement terminera l'étude détaillée du projet de loi n° 24, Loi modifiant la Loi sur l'assurance automobile et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. J'espère que les collègues ont compris les avis.

Une voix: ...

Le Président: Moi non plus. Mais, pour ma part, je vous avise que la commission d'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation va se réunir en séance de travail aujourd'hui, de 11 heures à midi, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement, afin d'organiser les travaux de la commission; et

Que la commission de l'éducation va se réunir en séance de travail également aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures, à la même salle, afin d'étudier un projet de mandat d'initiative.


Affaires du jour

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, s'il n'y a pas d'interventions, nous allons immédiatement aborder les affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, continuité avec hier soir, je vous réfère à l'article 10 du feuilleton.


Projet de loi n° 42


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Alors, à cet article, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 25 mai sur l'adoption du principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.

M. le député de Nelligan, vous avez la parole maintenant.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai demandé une opportunité de faire une intervention pour le projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député. On va mettre un peu d'ordre ici, j'ai de la difficulté à vous comprendre. S'il y a des députés qui ont d'autres occupations, ils peuvent bien y aller.

M. le député, si vous voulez poursuivre et commencer votre intervention.

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. La loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Bill 42, An Act respecting the construction of infrastructures and equipment by Hydro-Québec on account of the ice storm of 5 to 9 January 1998.

M. le Président, le titre, dans mon opinion, ça va être plus la loi pour détourner la décision de la juge Rousseau. Laissez-moi expliquer, parce que, quand vous lisez ce projet de loi, c'est un article après article qui essaie de détourner la décision que les tribunaux du Québec ont rendue sur cette question. Je vais expliquer, pendant ma brève intervention aujourd'hui, pourquoi c'est aussi clair que ça. Mais, avant de commencer, je voudrais féliciter la députée de Bonaventure pour son excellente intervention, qui était très claire, précise, bien fondée. Je pense que, au moins de ce côté de la Chambre, on essaie d'avancer la cause de la population québécoise, de protéger la population québécoise, protéger la démocratie, et c'est à cause de ses excellentes interventions que, je pense, nous avons de la clarté dans ce dossier.

M. le Président, c'est un gouvernement à la fin de son régime, déjà. Ils montrent qu'ils ne sont pas capables de respecter la démocratie, les règles démocratiques établies par l'État. Ils montrent qu'ils préfèrent gérer le gouvernement par décrets. Ils ont passé, le 14 janvier 1998, une première série de quatre décrets, 34-98, 35-98, 50-98 et 51-98; une deuxième série de décrets, le 28 janvier, ce sont les décrets 85-98, 93-98 et 108-98; et, à la fin aussi, le 13 mai de la même année, 1998, ils ont passé 652-98 et 653-98. En total, parce que ce sont juste des chiffres, c'est huit décrets, huit décrets, en arrière-chambre, en se cachant, avec aucune consultation, ils peuvent décider qu'est-ce qu'ils vont faire dans ce dossier de Hertel–des Cantons. C'est clair et net un abus de pouvoir, parce que, après ça, les citoyens ont utilisé leurs droits, encouragés par le premier ministre. Imaginez-vous ça, ils ont encouragé ces citoyens à plaider devant les tribunaux. Quelle grande surprise! Ils ont gagné. La juge Rousseau a dit clairement que ces décrets que j'ai mentionnés, les huit décrets, sont reconnus illégaux, inapplicables, inopérants et sans effet. C'est assez clair. Ce n'est pas une bonne façon de gouverner, ils sont illégaux. Mais juste rappeler ici que le gouvernement a géré par décrets. Les citoyens ont utilisé tous leurs droits devant les tribunaux. Ils ont gagné.

Maintenant, qu'est-ce que le gouvernement va faire? Ils arrivent avec le projet de loi n° 42. Ils disent: Nonobstant la décision de nos propres institutions... Les juges, ils ne respectent pas ça. Ils vont bouleverser, ils vont tout changer ça, nonobstant la décision.

(11 h 10)

Laissez-moi juste citer quelques articles de ce projet de loi. La note explicative: «Ce projet de loi a pour objet d'assurer la légalité de la construction par Hydro-Québec...» Pour assurer la légalité, c'est une admission de culpabilité, déjà. Ils ne sont pas légaux. Ils vont dire: Nonobstant tout ça... Ils vont mettre toutes les vraies procédures, d'aller au BAPE, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Ils ne respectent pas les règles, ils ne respectent pas la décision de la cour. Ils ne respectent pas la décision de la juge Rousseau. Ils continuent.

Article 2: «Les constructions d'infrastructures et d'équipements visés à la partie I de l'annexe, effectuées par Hydro-Québec avant le 11 mars 1999, sont rétroactivement exemptées de l'autorisation du gouvernement prévue par la Loi sur Hydro-Québec.» Rétroactivement exemptées. Nous sommes en train de légiférer rétroactivement.

Article 4: «Les exemptions prévues dans les articles 2 et 3 sont applicables, tant pour les opérations passées que pour l'avenir...»

Je continue. Ce n'est pas un long projet de loi, M. le Président, mais c'est assez important, qu'est-ce qui se passe ici, au Québec, avec ce type de comportement.

Article 8: «Nul acte auquel est partie Hydro-Québec n'est invalide du seul fait qu'il se rapporte à une opération qui, en l'absence de la présente loi, contreviendrait aux objectifs d'un schéma d'aménagement ou à une disposition d'un règlement de la municipalité régionale de comté, d'une loi mentionnée à l'article 2 ou 3 ou d'un texte d'application de ces lois.»

M. le Président, cette loi est en train de mettre tout à côté nos lois. Ça enlève le pouvoir à la population. Dans mon opinion, c'est beaucoup plus important, qu'est-ce que le gouvernement est en train de faire démocratiquement ou antidémocratiquement, que juste sur le fond du projet de loi qui est aussi assez important, le fond du projet de loi, la ligne Hertel–des Cantons et les autres infrastructures. Mais, démocratiquement, c'est une démonstration flagrante de non-respect de nous, les 125 parlementaires, un non-respect plus important de la population québécoise, un non-respect pour notre système judiciaire.

Laissez-moi juste rappeler encore, M. le Président, qu'est-ce qui s'est passé. Le décret en cachant est tout passé en privé. Les citoyens ont plaidé leur cause devant le tribunal. Ils ont gagné complètement. Complètement, ils ont gagné. La juge Rousseau a dit: Vous avez raison. Qu'est-ce que le gouvernement a fait malgré les engagements du premier ministre de respecter le jugement? Il arrive avec un projet de loi. Les décisions du tribunal, ce n'est pas important pour nous. Nous avons tout le pouvoir. On peut gérer. On sait mieux que tous les autres choses, nous allons arriver avec un projet qui met tout ça de côté. C'est grave. Et vous savez, M. le Président, c'est dangereux, c'est dangereux parce que, ici, au Québec et au Canada, nous avons des règles démocratiques et on doit protéger ces règles.

Nous avons vu aussi une farce organisée, les fameuses consultations qui respectent les simples règles de base, une farce qui, dans mon opinion, est complètement illégitime. Et ce n'est pas surprenant que l'opposition officielle, qui a eu la plus forte majorité de vote – nous avons gagné la majorité des votes; avec ça, nous avons un poids moral malgré que la façon dont nous avons divisé les comtés nous ait mis en opposition, mais nous avons gagné la majorité des votes – ait quitté ces audiences. Aussi, la Coalition des citoyens de Val-Saint-François, ils ont tous dit que c'est inacceptable, qu'est-ce qui se passe.

M. le Président, il me semble que c'est assez clair que le gouvernement est en train de faire quelque chose avec le pouvoir de la majorité. C'est un bon exemple de la tyrannie de la majorité. Il peut faire n'importe quelle chose. C'est le bulldozer démocratique et les bulldozers dans les Cantons-de-l'Est. C'est les deux choses. Alors, c'est vraiment... Ils disent: Nonobstant tout ça, on arrive, et là nous allons aller. «Just to bad», les règles. C'est assez effrayant.

Et, moi, c'est mon deuxième mandat dans l'opposition, je commence à voir une certaine tendance de ce gouvernement-là, une certaine tendance assez inquiétante. Si vous êtes en désaccord avec leur opinion, vous êtes ridiculisé, vous êtes mis de côté, vous êtes marginalisé ou vous êtes menacé. Oui, oui, oui. C'est vrai, là. Vous le savez, que c'est vrai. Laissez-moi... quelques exemples. Je vais expliquer quelques exemples.

Souvenez-vous du Protecteur du citoyen quand il a émis un avis contre le gouvernement sur les dossiers de recherche et développement, les abris fiscaux. Le gouvernement n'a pas aimé l'avis du Protecteur du citoyen. Ils ont eu une visite du chef de cabinet du bureau du premier ministre, une visite spéciale du chef du cabinet du bureau du premier ministre. Ils ont dit: À cause de votre avis sur les abris fiscaux de recherche et développement, nous n'allons pas renouveler votre mandat. C'est grave, M. le Président, une menace comme ça du Protecteur du citoyen, c'est grave qu'il y a un non-respect pour les jugements de nos cours, et ils arrivent avec le projet de loi n° 42.

Un autre exemple, M. le Président. Toutes les questions, et nous avons juste eu un débat ici, en cette Chambre, sur la protection de la vie privée. Nous avons vu les fuites d'informations, nous avons vu la vente d'informations, nous avons vu l'échange d'informations sur la vie personnelle de la population québécoise. M. le Président, c'est encore une autre démonstration que le gouvernement ne respecte pas la population québécoise, et ne respecte pas la vie privée, et ne respecte pas les règles démocratiques, et ne respecte pas les institutions démocratiques.

Laissez-moi continuer, M. le Président. On peut mentionner une série de nominations politiques. Vous vous souvenez de la fameuse citation de l'ancien ministre de la Justice qui veut «placer ses gars»? Il veut placer ses gars. Voyons donc, M. le Président, c'est inacceptable de gérer un gouvernement comme ça. Je pense qu'on doit être au-dessus de ça, M. le Président.

Laissez-moi continuer. Un autre dossier que j'ai suivi, la question du sang, Héma-Québec. Ils sont arrivés devant cette Chambre avec Héma-Québec déjà créée par des lettres patentes avant même de déposer le projet de loi. Un autre exemple, M. le Président, de non-respect de l'institution parlementaire.

Moi, M. le Président, je peux passer tout mon temps, les 20 minutes que m'avez accordées, avec une autre liste, mais je pense que j'ai déjà fait exemple qu'il y a une tendance, il y a une marque de commerce de ce gouvernement: il ne respecte pas les institutions démocratiques formées par la population québécoise.

L'exemple que nous sommes en train de discuter aujourd'hui, c'est le projet de loi n° 42. Rappelez-vous, M. le Président, qu'ils ont passé les décrets et ils ont eu un jugement de cour après que les citoyens aient plaidé leur cause, et ils ont gagné. Le gouvernement, qu'est-ce que le gouvernement péquiste a fait? Il n'a pas respecté le jugement, il arrive avec un projet de loi qui met ça à côté. Quel message ce gouvernement est en train de passer à la population québécoise? Quel message? Qu'il est omniprésent. Ils vont décider tout, comme ils ont décidé pour les garderies à plein temps, à demi-temps. Il sait quelle est la meilleure chose pour la population québécoise. Cinq ans passés, quand ils ont commencé à couper les médecins, les spécialistes partout, parce qu'ils savent ce qui est bon pour la population québécoise. Parce qu'ils pensent qu'ils peuvent décider toutes ces choses pour nous.

Mais, M. le Président, ce gouvernement n'est pas au-dessus de la loi, il doit respecter la loi, mais il arrive avec une astuce. Oui, on peut passer des lois ici. Il peut utiliser la tyrannie de la majorité. Avec des bulldozers sur les lignes de parti, il va arriver avec ça, il va passer ses projets de loi. Est-ce que ça respecte les institutions démocratiques? Non.

Ça montre aussi – et ça m'inquiète beaucoup, qu'est-ce que je vois de l'autre côté de la Chambre – le niveau d'intolérance quand vous avez une opinion différente qu'eux. Quand vous avez une opinion différente qu'eux, ils utilisent chaque moyen, comme je l'ai mentionné, de vous ridiculiser, vous marginaliser, ou maintenant ils disent: Ce n'est pas important, un jugement de la Cour supérieure du Québec, ce n'est pas important, on arrive «anyway». Pourquoi ils ont demandé aux citoyens d'aller devant les tribunaux? Quel message ils sont en train de passer à la population? Ils peuvent faire ce qu'ils veulent faire, et c'est ça, le message que le gouvernement veut passer.

Mr. Speaker, this is a government that wants to rule by order in council. This is a government that has shown a complete disrespect for the democratic institutions of our province. This case, Bill 42, is not just about hydro lines. Obviously that's a fundamental key issue in the environmental impact of those hydro lines in the Eastern Townships and throughout Québec. It's crucial and we have to respond and build and improve our hydro system.

(11 h 20)

But this debate is far more important than that. This is the Government. Let me tell you what happened in this case. In the middle of January, eight orders in council passed, crossed the street, hidden, in complete lack of transparency, passed in the bunker! In the bunkerm, they all got together around their table and said: We know what's best for Québec, we're going to decide and we're gonna pass the orders in councils. That's what they did! Citizens, to their credit, organized, presented a well developed case, went to the courts and, Mr. Speaker, they won, they won clear and straight. They won in a way that judge Rousseau said: These decrees are illegal, inapplicable, and therefore should be thrown out.

What did this government do? It didn't accept the judgement of the Court, it comes up with their own Bill, Bill 42 that... Quickly, let me... the time is passing, Mr. Speaker. But they talk about – article 2 – retroactively exempting from authorization by the government under Hydro-Québec Act. Retroactively exempting. So what they can do is they can do anything they want. And then they'll come, use the theory of the majority, they'll use their party line and their votes to ram anything through. As they're trying to ram a hydro line through Québec, they're going to ram this law through Québec National Assembly.

It continues on, Mr. President. And it's a simple law but it's very, very dangerous in philosophy and approach. It talks about... these exemptions regard both the past and the future operation. Serious, Mr. President, article 8 continues that. If I understand, article 8 basically says that if they have forgotten something, in terms of not having to respect the law, whatever they're doing doesn't have to listen to the law.

Mr. Speaker, la vie démocratique est quelque chose de très, très important. Nous avons, pendant les années, les décennies, les millénaires, à bâtir cette démocratie. Ce gouvernement est en train, et c'est un autre exemple, de montrer qu'il n'a aucune valeur démocratique, il n'a aucun respect pour nos institutions démocratiques. Il est en train de couper les arbres, certainement, mais couper les doigts aussi à la population québécoise. C'est assez grave, M. le Président.

M. le Président, j'espère, après quelques autres interventions de mes collègues, pour ceux et celles qui nous écoutent, qu'ils vont comprendre qu'il y a certainement une question de fond, une question de fond sur les lignes d'Hydro et toutes les procédures environnementales qu'on doit respecter. Je ne mets pas ça en doute, parce qu'on doit améliorer notre réseau d'Hydro. Je ne mets pas ça en doute. Mais il y a une question plus fondamentale que ça, et j'espère que les quelques membres de l'autre côté qui sont ici aujourd'hui vont mieux comprendre qu'effectivement ils doivent d'abord et avant tout respecter la démocratie.

Et je pense qu'ils vont avoir de la misère à retourner dans leur bureau de comté et expliquer comment ils sont en train d'utiliser une espèce de... une autre clause «nonobstant», dans un certain sens. Ils disent qu'une décision du tribunal du Québec, ce n'est pas important. Si on n'aime pas la décision d'un tribunal de la justice, ce n'est pas important pour nous, nous allons demander à nos juristes, vite, d'écrire un projet de loi, nous allons déposer ça, nous allons utiliser le pouvoir de la majorité dans cette Chambre, nous allons assurer que, nonobstant que les citoyens ont gagné leur bataille, nous allons montrer que, M. le Président, le gouvernement péquiste pense qu'il peut faire tout.

Ma question est très fondamentale: Où ce comportement va arrêter? J'ai déjà mentionné qu'il y a de graves problèmes dans ce projet de loi, M. le Président. J'ai déjà mentionné le comportement que je trouve complètement inacceptable et comment le Protecteur du citoyen a été traité, toutes les questions de comment le gouvernement ne protège pas la vie privée de la population. J'ai mentionné aussi, dans les autres cas, qu'ils arrivent avec des projets de loi... avec les institutions déjà créées par les lettres patentes. Où ça s'arrête? Est-ce que ça va continuer de dire: Nonobstant les décisions de nos tribunaux, ils vont arriver dans cette Chambre, la pierre angulaire de la démocratie au Québec, et ils vont mettre ça tout à côté?

Je pense qu'on doit arrêter ça maintenant. On doit arrêter les bulldozers des péquistes, on doit arrêter ça dans les Cantons-de-l'Est, mais on doit arrêter les bulldozers antidémocratiques dans cette Chambre. Et j'espère que vous allez avoir le courage de ne pas suivre la ligne de votre parti, parce que je sais que c'est dur. J'espère que vous allez avoir le courage de vous lever avec nous et voter contre ce projet de loi, un, pour l'environnement et la protection pour l'environnement, mais aussi pour protéger la démocratie au Québec, parce que, sans ça, vous allez aider ce gouvernement à réduire les droits et les protections de la démocratie ici, au Québec. Merci beaucoup, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Nelligan. Nous poursuivons l'étape de l'adoption du principe du projet n° 42, et je reconnais maintenant M. le député de Shefford. M. le député, la parole est à vous.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. J'aurais aimé mieux ne pas prendre la parole sur un projet de loi de ce genre-là. J'aurais aimé mieux qu'on nous présente autre chose, par exemple une annonce de consultations publiques, ce que les gens de ma région réclament.

Tout d'abord, je dois vous dire que c'est un projet de loi qui veut assurer la légalité à une action qui est en soi d'origine illégale. C'est la nouvelle façon de gouverner qu'a ce gouvernement. On en avait entendu parler en 1994, vous vous souviendrez, M. le Président: l'autre façon de gouverner. Avec les années, on apprend quelle est cette autre façon de gouverner du gouvernement, c'est-à-dire: Qu'il ait tort ou raison, il a toujours raison, il fait une loi pour avoir raison. Et on est devant ça.

M. le Président, avant d'aborder le sujet en tant que tel, vous savez que le comté de Shefford était au coeur de la tempête de verglas. Et j'ai déjà souligné le courage de la population de la région, pendant la crise du verglas et un peu après. Mais c'est la première fois qu'on a la chance vraiment de discuter du problème et des solutions à apporter au problème, des vraies solutions à apporter au problème.

Tout d'abord, M. le Président, la population du comté de Shefford à cette époque-là a vécu ce qu'on peut dire une catastrophe. Elle était consciente qu'elle vivait une catastrophe. Elle est aussi consciente aujourd'hui qu'on légifère sur une chose qui aurait nécessité de vraies consultations. La ligne Hertel–des Cantons coupe le comté de Shefford en deux, et je peux vous assurer que ce n'est pas des groupuscules qui s'élèvent contre cette façon de procéder du gouvernement. Et je vois le député de Salaberry-Soulanges qui s'amuse, là. Je pense que lui aussi a vécu une crise du verglas, et je pense que les gens ne l'ont pas trouvé si drôle que ça, et il ne la trouverait pas si drôle que ça non plus, si cette ligne-là passait dans son comté. Donc, ces gens-là ont vécu une vision d'apocalypse. Je veux un peu imager en quelques minutes ce qu'ont vécu ces gens-là.

Souvent, on a vu des images à la télévision qui ne reflètent pas nécessairement ce que les gens vivaient au quotidien. Je vais vous donner un exemple d'un petit village, le petit village de Sainte-Cécile-de-Milton, dont, après quelques jours, on n'avait eu aucune nouvelle. Et je parlais justement au maire, il y a quelques jours. Il me parlait de la crise du verglas et il me parlait aussi des mesures qu'on prend présentement pour régler le problème définitivement. C'était un petit village retiré; après quelques jours, on n'avait eu aucune nouvelle. Il n'y avait pas d'électricité, on ne pouvait pas rejoindre ces gens-là par téléphone. Donc, je m'y suis rendu moi-même un soir, en passant par un petit rang où les arbres étaient tombés, les fils étaient écrasés. Tout ce qu'il y avait au village, c'était une petite lueur dans le centre communautaire. Quand je suis arrivé là, M. le Président, ils étaient pour manquer d'essence, donc, les gens étaient en état de panique. Ce que ces gens-là ont réalisé, ils l'ont fait sans le concours du gouvernement; ils ont réalisé ça seuls. Donc, je salue le courage de la population de la région qui a vécu ces événements-là de façon très difficile. C'est un exemple de solidarité, là, qu'on doit souligner.

(11 h 30)

Ceci étant dit, M. le Président, les citoyens de la région, en premier lieu, sont très conscients qu'on ne veut pas que des événements du même genre se réalisent. Ils ne veulent pas non plus qu'on fasse en sorte qu'on ne prenne pas de mesures pour les sécuriser en ce qui concerne l'alimentation en électricité. Seulement, j'ai eu l'occasion de discuter de la ligne Hertel–des Cantons tout de suite après la crise de verglas jusqu'à aujourd'hui, avec beaucoup, beaucoup de gens de la région, et je signifie au gouvernement que c'est une grande partie de la population qui appuie les démarches qu'ont faites les résidents, autant du Val-Saint-François que du comté de Shefford. Et je pense que, lorsqu'on dit que c'est des groupuscules, c'est parce qu'on n'est pas conscient de ce qui se passe sur le terrain. Ces gens-là n'acceptent pas la façon de procéder du gouvernement qui, en fin de compte, a gouverné par décret, n'a opéré aucune consultation. Les gens du Val-Saint-François autant que les gens de l'opposition ont quitté cette commission parlementaire bidon, M. le Président.

C'est évident que, lorsqu'on demande, par exemple, je ne sais pas, moi, à un concessionnaire d'automobiles: Est-ce que vous voulez toujours vendre des automobiles? il va dire: Oui. Mais, si on demande à Hydro-Québec: Est-ce que ça va bien dans Hydro, dans l'alimentation d'électricité? Est-ce que vous voulez en vendre plus? c'est: Oui. Si on demande à des syndicats: Est-ce que vous voulez que vos travailleurs continuent à travailler pour monter des lignes d'Hydro? ils vont dire: Oui. Ça, c'est certain, M. le Président. Sauf que ce dont on a besoin, ce que le gouvernement doit comprendre, c'est que des évaluations environnementales, des évaluations sur l'impact du tracé, qui est déjà fait malheureusement, M. le Président, et qui devrait plutôt faire place à une évaluation complète...

On est aujourd'hui, M. le Président, en mai 1999. La crise du verglas s'est terminée en février 1998. Un an et demi plus tard, on n'a toujours pas fait d'évaluation. Ce qu'on fait là, c'est de gérer des perceptions. On gère des perceptions. Je vais vous donner un exemple de gérer des perceptions. Je me rappelle, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, les appareils téléphoniques, si vous voulez les fermer, ce serait plus utile. M. le député, si vous voulez poursuivre, je m'excuse de vous avoir interrompu.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Je parlais justement de gérer les perceptions, ce que le gouvernement fait. Je me rappelle, durant les mois de janvier et février 1998, à Granby, on a vu, on a étalé un grand savoir de communication de la part du gouvernement. On se souviendra que le premier ministre a fait des tours d'hélicoptère. Je l'ai vu passer au-dessus de la ville de Granby, je me suis dit: Je vais aller l'accueillir. Le temps que j'arrive où avait atterri l'hélicoptère, il était déjà reparti.

On a organisé des conférences de presse un peu partout. Je me souviendrai toujours, M. le Président, à l'hôtel de ville de Granby, de la conférence de presse organisée par le président d'Hydro-Québec et le premier ministre, une conférence de presse organisée pour que les gens qui ont de l'électricité puissent savoir ce qui se passe. Mais, en fin de compte, c'était plutôt, jour après jour, un rapport journalier de ce que les autres font pour régler leurs problèmes. On n'a jamais, jamais senti vraiment une collaboration du gouvernement, sauf que la perception a été très, très, très bien gérée. À la suite de...

Une voix: ...

M. Brodeur: Pardon?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député! Il y a un intervenant, c'est le député de Shefford. Je demanderais la collaboration de tous les députés dans cette Assemblée. Je n'en nommerai pas pour le moment, mais, s'il faut que j'en nomme, j'en nommerai plus tard. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. D'ailleurs, suite aux propos du député d'en face, je souligne aussi l'excellent travail du chef de l'opposition de l'époque, M. Daniel Johnson, qui a pour ainsi dire été là tous les jours, a communiqué avec les députés des régions concernées de façon, je dirais, quotidienne. Et cet homme-là a été d'une grande inspiration pour tous les gens, particulièrement les gens de mon comté qu'il a rencontrés dans tous les centres communautaires. Donc, je tiens à souligner l'excellent travail du chef de l'opposition de l'époque, un travail sur le terrain.

M. le Président, on a assisté, et particulièrement chez nous... on a assisté dans le Val-Saint-François, mais on a assisté aussi dans le comté de Shefford à une séance de bulldozage sans précédent sur la population. Je me souviendrai toujours qu'au printemps 1998... Je me souviendrai toujours de ma rencontre avec des gens d'Hydro-Québec qui venaient proposer ou au moins nous faire prendre connaissance du tracé de la ligne Hertel–des Cantons.

Je me souviendrai, on arrive à mon bureau avec deux plans: un plan A et un plan B. On m'assure que le plan qui était pour être retenu était le plan A: une ligne qui passait, en fin de compte, dans le cordon des terres et qui ne touchait aucune résidence. Parce que ma première préoccupation et la première préoccupation des gens du comté de Shefford, c'était de préserver la santé, aussi l'intégrité du territoire, mais surtout préserver la santé et faire en sorte que cette ligne-là passe le plus loin possible des résidences. Et un plan B qui, des propos mêmes des représentants d'Hydro-Québec, était une solution de rechange. Le plan B faisait en sorte que la ligne passait à proximité de quelques maisons de ferme et en plein coeur d'un développement résidentiel.

Donc, j'ai pris la parole des gens d'Hydro-Québec me disant que après, forcément, des consultations, si on allait seulement sur le plan A ou le plan B, le plan A était beaucoup plus intéressant. Pas de nouvelles par la suite, M. le Président. Et ce qu'on apprend quelques mois plus tard: on ne parle plus du plan A, mais on y va sur le plan B. Donc, le décret, le décret lui-même n'a eu aucune considération pour les gens, les résidents de la région. Ce qu'on fait, on passe en plein coeur d'un développement, alors que le plan original faisait en sorte qu'on passait dans le cordon des terres, d'une façon tout à fait, je dirais, au moins plus prudente pour la santé des gens. Donc, on n'a tenu aucunement compte des développements domiciliaires de la région pour passer, on ne sait trop pourquoi, à un endroit qui est moins propice que d'autres. On sait que le gouvernement est sensible à certains groupes de pression, mais ce qu'on aurait dû faire – ce qu'on aurait dû faire – c'est tout simplement opérer des consultations et savoir pourquoi on a privilégié un tracé plutôt que l'autre.

J'ai communiqué personnellement, à plusieurs reprises, avec des gens du gouvernement, avec des gens d'Hydro-Québec. Je me souviens d'avoir organisé une réunion à Granby avec M. Robert Abdallah d'Hydro-Québec et d'autres gens chargés de la planification de la construction, pensant qu'on était pour peut-être arriver à une solution concrète avec les citoyens de la région. Sauf que ce qu'on a eu, c'est une réponse relativement claire: Écoutez bien, le décret, c'est comme ça. Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Ça va être de même. Ça fait que c'est la nouvelle façon de gouverner. C'est l'autre façon de gouverner qu'a le gouvernement du Québec, c'est-à-dire agir par décret, agir sans consultation ou, pire que ça, M. le Président, faire accroire à des gens qu'on fait des consultations. On s'est promené partout dans la région pour, en fin de compte, plutôt vendre sa salade que consulter.

Pourquoi ne pas avoir, immédiatement après la crise du verglas, entamé des audiences, une audience du BAPE, par exemple, qui aurait pu clairement nous faire savoir quel était le meilleur tracé, quels étaient les impacts environnementaux et quels seraient les impacts moins grands? Et, au moins, à partir de ce moment-là, on aurait pu faire en sorte de modifier le tracé, de changer le système. Même le rapport Nicolet... M. Roger Nicolet, que j'ai fréquenté déjà pendant 45 jours, nous disait qu'on aurait pu peut-être enfouir des fils, ce qui aurait pu être fait au moins à certains endroits.

Donc, M. le Président, en ne suivant pas les lois du Québec, le gouvernement fait en sorte qu'on se retrouve aujourd'hui devant un problème qui aurait pu être réglé il y a un an et demi. On peut encore le faire. Je ne pense pas qu'il y ait de verglas dans notre région dans le mois de juillet ni dans le mois de septembre. Donc, il est encore possible aujourd'hui pour le gouvernement de nous démontrer une bonne foi, et de faire marche arrière, et de consulter vraiment, vraiment des experts et faire en sorte qu'on puisse améliorer le réseau Hertel–des Cantons.

Il faut savoir, M. le Président, et les gens de mon comté en sont très conscients, que cette construction-là est là pour longtemps. Donc, on donne comme prétexte la catastrophe de 1998. Je comprends que le prétexte est important, sauf que la réalité est autre aussi: que l'on peut, dans un temps relativement raisonnable, là, opérer des consultations et faire en sorte que la démocratie québécoise redevienne ce qu'elle était auparavant.

(11 h 40)

On a vu aussi de la part d'Hydro-Québec, qui agit sous le décret du gouvernement, des façons d'agir qu'on doit dénoncer. On a vu chez nous, et on l'a vu dans le Val-Saint-François aussi, des déboisements tout à fait sauvages, des propriétaires de terres appeler au bureau de comté et nous dire que ce matin les gens d'Hydro-Québec, sans avoir averti personne, déboisaient, installaient des installations, en fin de compte, qui étaient pour devenir permanentes sur leur terrain sans avoir préalablement eu au moins la délicatesse de les avertir ou de prendre une entente quelconque avec ces gens-là.

Donc, M. le Président, ce qu'on voit, c'est un gouvernement arrogant. Et d'ailleurs certains collègues ont cité un peu des articles parus dans les journaux dernièrement, dont celui de Michel David du Soleil , lorsqu'on parle d'arrogance du pouvoir. Et la construction de Hertel–des Cantons en est un exemple éloquent.

Donc, M. le Président... puis je pense que, pour le bénéfice des gens qui nous écoutent, il est souhaitable de vous citer un petit extrait. Et, lorsqu'on parle justement de Hertel–des Cantons puis quand qu'on parle de groupuscule, Michel David nous dit: «Ça ne justifie cependant en rien le mépris qu'il a manifesté lui aussi – en parlant du ministre des Ressources naturelles – à l'endroit de ce qu'il a qualifié de "groupuscule de Val Saint-François qui se qualifie pompeusement de coalition et à qui la victoire judiciaire manifestement monte à la tête".» Donc, c'est un exemple concret d'arrogance de la part du gouvernement.

Moi, je n'ai vu personne du Conseil des ministres venir consulter les gens chez nous. Je n'ai vu personne du niveau politique venir faire un tour chez nous ou aller faire un tour du Val-Saint-François, puis dire: Qu'est-ce que vous en pensez de ça? M. le Président, c'est plus qu'un groupuscule, chez nous. Les gens sont conscients, malgré qu'il faille sécuriser le réseau d'Hydro-Québec d'une façon logique, qu'il faut absolument consulter, puisque ce n'est pas des groupuscules, c'est une majorité des gens des territoires concernés. On ne parle pas des gens qui sont à l'extérieur de cette région-là. Mais les gens qui sont victimes présentement de cette arrogance du gouvernement demandent à ce qu'on mette sur pied au minimum une consultation très élargie afin de faire le point sur cette affaire.

Donc, M. le Président, ce qu'on demande tout simplement au gouvernement, c'est de soumettre cette affaire au processus régulier du BAPE. Je vois le député de Saint-Jean ici, qui lui aussi a une région excessivement touchée par la crise du verglas, et je suis convaincu que lui aussi, régulièrement à son bureau, on fait allusion que les gens veulent un réseau sûr, mais un réseau réfléchi aussi et un réseau qui convient à tous les Québécois, et ça, réalisé de façon démocratique.

Donc, M. le Président, plutôt que de prendre ses responsabilités, là, le gouvernement cherche plutôt à esquiver les lois. Et ce qu'on a devant nous, c'est tout simplement un projet de loi qui rend légale une démarche illégale. Donc, c'est la nouvelle façon de procéder et c'est pour ça que l'opposition a choisi de ne pas participer à ces consultations bidon qui ne constituent pas de consultations qui ont pour but de réaliser un projet qui va permettre au moins une utilisation raisonnable de l'environnement.

Ce qu'on fait présentement, c'est toutes sortes d'acrobaties pour contourner un jugement de la Cour supérieure. Plutôt que de prendre acte du jugement, de procéder à des consultations, ce qu'on fait, on passe à côté du problème, on devient arrogant, comme le dit l'article de Michel David. Et c'est pour ça, M. le Président, comme conclut Michel David – et vous me dites qu'il me reste à peine une minute – que, lorsqu'un gouvernement devient arrogant de cette façon, lorsqu'il n'est plus à l'écoute de sa population, lorsqu'il n'est plus connecté au terrain, il passe tout simplement à l'opposition, M. le Président.

Et c'est comme ça dans tous les dossiers. On l'a vu dans le dossier des transports, on l'a vu dans plusieurs autres dossiers, le ministère du Revenu. Présentement, le gouvernement ne gouverne que pour lui-même et ne gouverne plus pour la population, ne gouverne plus pour l'intérêt de tous les Québécois, mais gouverne pour l'intérêt simplement de son parti et de son option.

Donc, M. le Président, je me fais porte-parole des gens qui ont été non seulement touchés par la crise du verglas, mais ces mêmes gens-là qui sont touchés par la façon de procéder du gouvernement, pour dire au gouvernement que nous n'endosserons d'aucune façon la façon que le gouvernement a d'appliquer la démocratie au Québec. Et ces gens-là signifient au gouvernement également qu'ils veulent absolument, absolument avoir des consultations. Il est toujours temps de le faire. Et ces consultations-là doivent être faites immédiatement pour qu'on puisse en arriver à une conclusion qui pourra satisfaire particulièrement toute la population des régions touchées par cette ligne-là. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Shefford. Nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 42, et je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Je reconnais le porte-parole officiel de l'opposition dans les dossiers d'emploi et député de Robert-Baldwin. M. le député, la parole est à vous.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. C'est difficile pour un député de prendre la parole sur un projet de loi qui va légaliser des décrets illégaux. C'est assez paradoxal, M. le Président, que nous soyons arrivés à une étape comme celle-là. Pourquoi est-ce qu'on est rendu là, M. le Président? Eh bien, c'est surtout parce que le gouvernement péquiste a essayé de nous faire croire qu'il y avait une urgence dans le cadre de la crise du verglas, alors que les raisons sont tout autres, et nous aurons l'occasion de vous en parler.

Alors, suite à la crise du verglas, le gouvernement du Québec a adopté trois décrets permettant à Hydro-Québec la formation de trois boucles, soit une en Montérégie, une à Montréal et une dans l'Outaouais. Ces décrets ont été adoptés, on le sait, en janvier 1998. Selon Hydro-Québec, les trois nouvelles lignes d'approvisionnement en électricité ont pour objectif une source alternative d'approvisionnement pour les principaux postes pouvant tomber en panne. Et, en autorisant la construction de ces lignes, le gouvernement a provoqué la mise en veilleuse des contrôles environnementaux. Ça, M. le Président, c'est la vraie raison pourquoi le gouvernement est intervenu par décret, c'est qu'il n'avait pas l'intention de faire analyser ces décrets par les contrôles environnementaux.

Une autre raison cachée en arrière de cette action du gouvernement, eh bien, c'est d'édifier dans les plus brefs délais une ligne pour exporter notre électricité au Vermont. Et ça, ça va rapporter des argents au gouvernement, ça va aller dans le sens du gouvernement de poursuivre ses objectifs dans d'autres dossiers, dont un que nous connaissons bien, son dossier de la souveraineté.

Alors, M. le Président, pour éviter les contrôles gouvernementaux, le gouvernement passe des décrets un peu à la va comme je te pousse, en profitant, mais vraiment, en profitant d'une crise que les citoyens ont eu à subir. L'invocation de l'urgence d'agir a, pour plusieurs groupes, sonné faux, pas seulement pour l'opposition officielle, mais pour beaucoup de gens. En effet, à titre d'exemple, la ligne Hertel–des Cantons ne sera pas complétée avant trois ans. Cette année, Hydro-Québec a construit une ligne de 230 kV, puisque le matériel requis à la construction d'une ligne de 735 n'est même pas disponible.

La soustraction des projets de bouclage de l'application de certaines lois a suscité, comme on le sait, la colère de la population et même, à plusieurs reprises, celle de l'opposition officielle. Et je pense que c'est important de noter l'excellent travail de la députée de Bonaventure dans ce dossier, M. le Président. Il importe de souligner également que l'opposition au projet en Estrie a été telle qu'elle a donné naissance à la Coalition des citoyens du Val-Saint-François. Depuis le début, cette Coalition se bat pour être entendue par le gouvernement et par Hydro-Québec et réclame une audience publique sur la légitimité du projet Hertel–des Cantons.

(11 h 50)

M. le Président, est-ce qu'on peut se demander qu'est-ce que ces citoyens-là ont à nous dire? Pourquoi le gouvernement a-t-il refusé de les entendre? Pourquoi le gouvernement, les ministres, les députés refusent-ils d'écouter les citoyens? Eh bien, j'aimerais rappeler que, après le jugement Rousseau et la publication du rapport Nicolet, le ministre des Ressources naturelles a annoncé devant la commission de l'économie et du travail, le 16 avril dernier, qu'il ne peut y avoir d'audiences publiques sur le projet Hertel–des Cantons, car il ne peut envisager l'éventualité de démanteler la ligne qui a déjà coûté 200 000 000 $. Ce serait, dit-il, dilapider les fonds publics.

La Coalition tient à faire le point sur ces déclarations, car le processus de dilapidation évoqué par le ministre a été, dans les faits, enclenché délibérément par le gouvernement lui-même, et ce, dès l'été dernier. Et nous avons tous été informés que le gouvernement, à de nombreuses reprises, à partir du mois de mai 1998, de la part des points que l'on retrouve dans le rapport Nicolet... Alors, nous avons été informés de certains... Puis là je prends les termes du communiqué qui est donné par les citoyens: le mensonge sur la charge de la glace, la chute prématurée de certaines lignes et la faiblesse sous-jacente des pièces d'équipement et le fait que la ligne Hertel–des Cantons servirait finalement à l'exportation.

Alors, la Coalition a avisé le gouvernement que cette ligne ne serait pas prête pour le début de l'hiver 1998-1999, tout simplement, bonne raison: pénurie d'acier, pas capable de construire les pylônes. Le 3 août, devant la surdité toute factice du gouvernement péquiste, la Coalition des citoyens l'avisait également, par le biais d'une mise en demeure, que les décrets étaient illégaux, et ils ont déposé une requête en illégalité de décrets quelques semaines plus tard. Cette requête établissait déjà clairement à l'époque en quoi les décrets étaient illégaux.

Eh bien, ici, M. le Président, on s'aperçoit que ce sont les citoyens qui doivent utiliser les tribunaux pour aller contre leur propre gouvernement. Il faut le faire. Il y a vraiment quelque chose, là, qui est rendu dégradant avec la façon dont le gouvernement péquiste utilise ses pouvoirs, ses pouvoirs de gouvernement, sa force de gouvernement pour imposer ses vues aux citoyens.

Il faut se rappeler que, autour du 1er septembre, la Coalition des citoyens avait soumis des solutions de rechange à la commission Nicolet, lorsqu'ils étaient de passage à Richmond, et que, encore une fois, il a été démontré le mensonge sur la charge de la glace et sur l'effondrement prématuré du réseau. Il y avait plusieurs personnes qui étaient présentes.

Il y a eu d'autres rencontres. On a cité, dans leur communiqué, les représentants d'Hydro-Québec, MM. Clair, Régis, Abdallah, même des députés, Yvon Vallières et le député Boucher, le député de Johnson, M. le Président. Je pense qu'il faut absolument dire les noms des comtés.

Et je me permettrais, puisqu'on parle du député de Johnson, de le citer, lorsqu'il parlait, ici même, à cette Assemblée nationale, le jeudi 13 mai dernier: «Nous savons, M. le Président, et mes collègues de cette Chambre le savent, j'ai été en désaccord avec la position du gouvernement – alors, c'est donc un député péquiste qui dit qu'il était en désaccord avec la position du gouvernement – et j'ai pris les moyens qui sont à la disposition d'un député, même ministériel, pour expliquer ma position au gouvernement. J'ai souhaité dès le départ qu'il y ait consultation publique. J'ai pris les moyens qui s'imposaient.» La réponse du gouvernement n'a pas été dans le sens que ce député souhaitait, «mais c'était le gouvernement qui devait prendre ces décisions-là». C'est toujours le député de Johnson qui parle.

«Le vice-premier ministre et ministre d'État à l'Économie et aux Finances est venu, après la crise, rencontrer les citoyens du Val-Saint-François. Le gouvernement lui-même est venu écouter ce que les gens avaient à dire. Le vice-premier ministre a écouté, a fait son rapport au gouvernement et, suite aux analyses qui ont été faites par le premier ministre, il a été quand même décidé...» Alors, tout le monde, là, s'est déplacé pour écouter ce que les citoyens avaient à dire. Mais on n'a pas écouté les citoyens, M. le Président. Les ministres, les députés ministériels ont été... et personne n'a écouté ce que les citoyens, les citoyens qui votent, qui forment un gouvernement... Eh bien, ces gens-là n'ont pas été écoutés.

Alors, M. le Président: «Évidemment – et c'est le député de Johnson qui parle – je n'étais pas très heureux de cette décision-là, mais je l'ai acceptée – écoutez bien ça – en toute solidarité, puisque c'est le choix que j'avais à faire pour rester dans le caucus du Parti québécois et du gouvernement actuel.» Alors, un député qui a choisi la ligne de parti plutôt que de défendre ses concitoyens, c'est le député de Johnson.

M. le Président, il y a aussi dans la liste des demandes des citoyens du Val-Saint-François beaucoup de choses extrêmement importantes qui n'ont pas encore été mentionnées. Ces citoyens ont donc largement averti les ministres et les responsables et ils ont continué malgré tout, ce n'est pas des lâcheux, on peut vous le dire: «Nous leurs avons dit qu'ils faisaient fausse route, que c'était du gaspillage de fonds publics, qu'il fallait tenir des audiences avant de dilapider ces fonds. La seule déduction que nous puissions faire face à cet entêtement, c'est que le gouvernement appréhendait les conclusions qui pourraient être tirées lors de telles audiences et qu'il voulait les éviter à tout prix.» C'est-à-dire au prix de 104 000 000 $, parlons clairement.

C'est les citoyens du Val-Saint-François qui parlent aux supposés bons gestionnaires. On identifie le ministre des Ressources naturelles. «Si la conclusion du BAPE mène au démantèlement de la ligne, il ne s'agira plus alors d'un gaspillage de fonds publics, mais plutôt d'une économie nette de plus de 200 000 000 $, car tous les équipements, pylônes, fils, isolateurs, peuvent être réaffectés au redressement d'un réseau que les experts de la commission Nicolet considèrent à l'heure actuelle comme étant d'un niveau inférieur à la norme.»

Je pourrais continuer, M. le Président, longtemps sur ce que les citoyens du Val-Saint-François ont à dire. Ça mériterait qu'on puisse le faire, puisque les gens d'en face ont refusé de les écouter. Mais le temps passe, il y a sûrement d'autres points aussi importants, M. le Président, et je pense à la référence que les citoyens du Val-Saint-François ont faite au rapport Nicolet.

Vous savez que M. Nicolet a publié un rapport extrêmement important sur la gestion de la crise et a fait plusieurs recommandations au gouvernement. Je vais en reprendre quelques-unes. La plus importante, c'est que Québec a tout le temps pour des audiences publiques, dit M. Roger Nicolet. C'est confirmé dans son rapport, et on se demande encore une fois pourquoi les citoyens du Val-Saint-François, l'opposition au Parlement, à l'Assemblée nationale... Et aussi même un expert choisi par le gouvernement, expert externe, M. Nicolet, qui nous dit: Vous avez le temps de faire des audiences publiques, pourquoi le gouvernement s'entête-t-il à refuser ces audiences?

Alors, je cite le président. Le président de la Commission scientifique sur le verglas de l'an dernier estime que Québec a tout le temps de soumettre tout le projet de ligne de haute tension Hertel–des Cantons aux processus d'audiences publiques et d'études d'impact prévues à la loi québécoise de l'environnement, d'autant plus que la Commission se dit convaincue que cette ligne laisse en fait présager de nouvelles interconnexions avec le Québec à des fins d'exportation, ce que nie Hydro-Québec.

Alors, c'est toujours la raison que nous avons mise de l'avant. Pourquoi est-ce que ces gens-là ont précipité leur décision? C'est parce qu'ils veulent faire de l'exportation d'électricité, et, plutôt que de le dire franchement, eh bien, on a choisi de ne pas écouter les citoyens, de bulldozer – pour reprendre l'expression de mon collègue tantôt – les citoyens et de passer le rouleau compresseur sur ce que les gens ont à dire dans ce dossier.

Le président de la Commission sur le verglas précise qu'on peut prendre un risque calculé dans le dossier de la ligne Hertel–des Cantons et donner à tout le monde le bénéfice d'un exercice en profondeur sur tous les aspects du projet, y compris celui des exportations que sa Commission perçoit comme un des objectifs de cette ligne dont la capacité déborde les besoins de la région.

Nous sommes là, comme ailleurs en province, dans une situation de risque calculé. La Commission a proposé d'améliorer l'ensemble du réseau progressivement. On n'a pas proposé, parce qu'il y a des risques de verglas importants dans plusieurs régions, de tout faire l'an prochain; on propose d'y aller par étapes. Et c'est confirmé, M. le Président, encore une fois par M. Roger Nicolet, qui a fait cette recommandation et qui confirme la position des citoyens du Val-Saint-François, qui confirme la position de l'opposition libérale à l'Assemblée nationale.

(12 heures)

M. le Président, je lisais dernièrement un article dans le journal Le Soleil , un article de Michel David qui s'intitule L'arrogance du pouvoir . Et c'est important ce qu'il mentionne dans son article, puisqu'il fait un peu un parallèle entre ce qui a été fait par le ministre des Ressources naturelles et aussi par le ministre des Transports. Il mentionne: «Certains collègues du ministre des Transports, député de Joliette – vous connaissez bien, M. le Président – ont grimacé à l'Assemblée nationale en l'entendant écarter de façon pour le moins cavalière, voire méprisante, toute idée de tenir une commission parlementaire sur les modifications qu'il comptait apporter à un projet de loi sur l'assurance automobile», M. le Président. «Je ne donnerai pas une tribune à quelqu'un qui veut remettre en question le système qu'on a présentement...»

Et, de nouveau, M. le Président, il n'est pas question de remettre en question quelque système que ce soit. Mais c'est pour souligner l'arrogance de ce gouvernement. Vous avez le ministre des Transports... Dans le précédent mandat, on a connu – vous étiez là, M. le Président, vous aussi – l'arrogance d'un ministre de la Santé qui, pendant quatre ans, s'est permis de nous dire que tout allait bien dans le système de santé, alors que dans les faits, dans la réalité... Et on voit les résultats aujourd'hui: les listes d'attente sont à des niveaux record, les urgences continuent d'être engorgées, on a permis à des médecins de prendre des retraites anticipées alors qu'on a des besoins criants dans certains secteurs ou dans certaines spécialités, on pense à la radio-oncologie.

M. le Président, je reviens à l'article L'arrogance du pouvoir , de Michel David: «Doit-on comprendre que le jour [...] où son prédécesseur aux Transports [...] avait annoncé formellement que ce projet de loi ferait l'objet d'audiences publiques le gouvernement péquiste s'apprêtait à remettre en question le "no fault" – parce que c'est un autre projet de loi? Bien sûr que non, mais si on suit la logique [...] – du ministre des Transports – le gouvernement ne consultera désormais la population que si elle est d'accord avec lui. Voilà une conception singulière de la démocratie.»

Eh bien, M. le Président, du côté ministériel, du côté du gouvernement péquiste, on ne consulte la population que lorsque la population va être d'accord avec lui. Ç'a été fait, je vous l'ai dit, M. le Président, dans le domaine de la santé. Quand on a procédé aux fermetures d'hôpitaux, le parti ministériel a refusé les consultations; même chose, M. le Président, dans le dossier de l'assurance automobile; et maintenant des consultations bidon au niveau de la ligne Hertel–des Cantons.

M. le Président, il existe quand même une conclusion à l'article de M. David: «On serait tenté de porter cet incident au compte du manque de tact légendaire [...] – du ministre qui est nommé, vous savez de qui nous parlons, M. le Président – si son collègue [...] – l'actuel ministre des Ressources naturelles – aujourd'hui responsable des Ressources naturelles, n'avait réagi de façon tout aussi déplorable face à la Coalition des citoyens du Val-Saint-François.» Ça, c'est deux ministres qui vont enguirlander nos citoyens. «Il est facile de comprendre l'irritation [...] – des ministres – en voyant les travaux de la commission parlementaire qui examine les travaux de la sécurisation du réseau d'Hydro-Québec être perturbés par le boycott de la Coalition et de l'opposition[...]. Ça ne justifie cependant en rien le mépris manifesté à l'endroit de ce qu'il a qualifié de "groupuscule de Val-Saint-François qui se qualifie pompeusement – selon leur dire – de coalition et à qui la victoire judiciaire manifestement monte à la tête.»

Bien, M. le Président, je pense qu'il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond dans notre démocratie ici même, au Québec, en 1999, à l'aube du prochain millénaire. Deux ministres qui qualifient de groupuscule des citoyens qui sont impliqués au premier chef dans l'établissement de cette ligne dans l'Estrie. Cette ligne passe sur leurs terrains, sur leurs terres. M. le Président, les gens du côté ministériel, deux ministres montrent leur arrogance parce que ces gens-là ne sont pas d'accord avec le gouvernement, parce que ces gens-là, au moment où le gouvernement a pris les décisions de faire des décrets, pendant la crise du verglas, ils ont osé dire la vérité, que tout cela, c'était illégal. Mais ça donnait un beau portrait, une belle jambe au gouvernement du Parti québécois. Eh bien, c'est l'arrogance au pouvoir, M. le Président.

Je termine son article: «En août dernier, le premier ministre [...] avait entrepris une tournée des régions du Québec, expliquant que son gouvernement avait décidé de se mettre en "mode d'écoute" – vous vous souvenez de ça, M. le Président, c'était avant les élections. "On veut aller voir les gens, calmer les appréhensions, écouter leurs suggestions pour l'avenir", disait-il. Évidemment, c'était avant les élections. Maintenant qu'elles sont passées», bien, l'écoute est moins bonne, et, M. le Président, je pense que c'est vraiment... L'identification de ce gouvernement en début de deuxième mandat, eh bien, c'est l'arrogance au pouvoir. Les citoyens de côté, on ne les écoute plus, ce n'est pas important, ils ont eu leur réélection, même s'ils n'ont pas gagné par beaucoup, ils n'ont même pas eu une majorité de votes en cette Chambre.

Eh bien, M. le Président, on va continuer de bulldozer, pour reprendre l'expression de mon collègue, de passer le rouleau compresseur, et c'est surtout pour cette raison que nous allons... et que je m'associe avec ma collègue la députée de Bonaventure pour voter contre le projet de loi n° 42. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député. Nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 42, et je reconnais le prochain intervenant, M. le député de Duplessis. M. le député, la parole est à vous.


M. Normand Duguay

M. Duguay: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens dans le cadre du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.

M. le Président, dans ce contexte, au Québec, vous savez, depuis quand même des décennies, on a fait un choix, soit tirer parti de nos immenses ressources hydrauliques, qui font d'ailleurs l'envie d'autres pays, tant pour nous donner un levier de croissance économique qu'un outil indéniable pour assurer le confort dans tous les foyers et garantir la sécurité de nos approvisionnements. Et qui dit choix, bien entendu, M. le Président, on parle des avantages et de certaines conséquences.

Les avantages sont nombreux. Notre électricité est produite par nous et pour nous, nous en avons le plein contrôle. Elle nous met à l'abri des sursauts des autres filières énergétiques, notamment le pétrole ou autres énergies. À ce chapitre, les Québécois sont devenus de grands bâtisseurs. On a même tourné un film pour démontrer ce qui se faisait au Québec. Bien sûr, pour construire de tels ouvrages, pour bâtir un tel réseau, pour devenir les géants que nous sommes devenus, nous avons dû, en tant que gouvernement, en tant que population, subir certaines conséquences qui, somme toute, demeurent sinon minimes, du moins bien acceptables face aux avantages que nous en tirons.

Je peux en parler, étant natif de la Côte-Nord et député du deuxième plus grand comté du Québec où le roc côtoie de magnifiques cours d'eau; la Côte-Nord, qui abrite Manic 5, dénommé barrage Daniel-Johnson, la Côte-Nord qui verra bientôt la mise en fonction du barrage érigé sur la Sainte-Marguerite, qui, soit dit en passant, est un des plus beaux ouvrages fait à même les matériaux, soit du roc et de la terre battue. Si ces ouvrages sont construits loin des villes et des villages, contrairement aux lignes de transport et aux postes d'approvisionnement, il n'en demeure pas moins que leur construction a des impacts sur l'environnement des populations. Pour construire un barrage, on doit harnacher des rivières, détourner le naturel des cours d'eau, remblayer, dynamiter, couper des arbres et aussi se préoccuper du réaménagement. C'est un choix. C'est un choix qu'en tant que peuple nous avons fait en gardant en mémoire le respect de l'environnement, en tâchant de rectifier les brèches que ces ouvrages ont pu créer pour la faune et la flore, en gardant en mémoire que le bien de l'individu passe par le bien de la collectivité.

Les Nord-Côtiers et les Nord-Côtières ont compris ça depuis belle lurette. Chez nous, qu'on détourne, qu'on dynamite, qu'on transporte de la pierre, sable, matériaux, pour le bien de Montréal, de Québec, du Bas-Saint-Laurent, ce sont nos cours d'eau et nos ressources qui doivent être passablement modifiés pour répondre à nos propres besoins, bien sûr, mais aussi à ceux de l'ensemble du Québec. Les gens de mon comté comprennent la nécessité de ces travaux, comme ils l'ont d'ailleurs compris lors du désastre du verglas et ont contribué de façon spontanée et généreuse en soulageant l'inconfort des sinistrés.

(12 h 10)

M. le Président, lors de ces événements, même si nous étions situés aux limites du Québec, nous avons fait un certain effort. Et, en collaboration avec les compagnies minières du secteur, avec l'utilisation de leurs services aériens, on a transporté au-delà de 130 personnes et on les a accueillies dans nos foyers pour leur faire bénéficier aussi de la chaleur humaine des nord-côtiers.

Je vous le répète, le bien d'un individu passe par le bien de la collectivité. Et c'est bien la collectivité de l'ensemble des Québécois et des Québécoises que ce projet de loi vient défendre, M. le Président. C'est l'action d'un gouvernement responsable qui devant la crise a fait des choix; ces choix s'imposaient. Non seulement la situation était urgente, elle conviait le gouvernement à solutionner le problème immédiat en réparant et en maintenant les équipements nécessaires et demandait de contrer les problèmes futurs en augmentant le niveau de sécurité de l'alimentation électrique des régions qui ont été touchées par le verglas. Nous avons fait un choix, un choix responsable face à une situation potentiellement catastrophique.

D'ailleurs, le jugement Rousseau ne met pas en doute ce choix, le bien-fondé de la décision gouvernementale, mais bien le processus. C'est hautement différent. Le gouvernement du Québec a été responsable en prenant cette décision; il a prouvé qu'il le demeurait en respectant le jugement Rousseau, qui somme toute était une ordonnance d'arrêt des travaux. Et non seulement a-t-on arrêté les travaux dans le secteur Hertel–des Cantons, nous avons cessé toutes les autres activités qui avaient été permises par les décrets adoptés lors de cette crise. Cette situation, nous l'avons prise au sérieux, tout en sachant que le réseau devait absolument être protégé et renforcé. Il est ici extrêmement important de se souvenir que le jugement Rousseau indique qu'une intervention de l'Assemblée nationale par le biais d'une loi aurait pu autoriser les différents travaux. D'une certaine manière, c'est ce que nous faisons aujourd'hui.

Mais pouvons-nous, en tant que gouvernement responsable, demander aux contribuables québécois, qui se sont serré la ceinture durant les dernières années, d'accepter le démantèlement des infrastructures construites, dont Hertel–des Cantons, qui ont coûté jusqu'à présent près de 300 000 000 $, alors que c'est la forme et non le fond de cette histoire qui a été contestée? La population accepte-t-elle que son gouvernement reste inactif et se croise les doigts en priant le ciel que Dame Nature demeure clémente pour les 100 prochaines années? La tempête de verglas n'était pas prévue, simplement parce qu'elle n'était pas prévisible. L'opposition attendrait peut-être un nouveau drame avant d'agir, pas nous. Les infrastructures qui ont été construites, nous en avons besoin pour assurer les bouclages qui consistent à l'ajout d'un autre axe d'alimentation pour un corridor géographiquement donné. Ces bouclages, on l'a dit à plusieurs reprises et répété, sont nécessaires.

La commission Warren, la commission Nicolet 2 et Hydro-Québec, tous jugent que la sécurisation du réseau passe par là. Non seulement les bouclages sont-ils nécessaires, mais ils sont efficaces. En agissant rétroactivement, le projet de loi n° 42 permet donc à Hydro-Québec et au gouvernement de se donner les moyens de faire face à toute éventualité qui plongerait à nouveau le Québec dans la noirceur. Il protège le gouvernement contre d'éventuelles poursuites visant entre autres le démantèlement des infrastructures érigées avant le 11 mars dernier, démantèlement qui, je le répète, ne rencontrerait pas l'assentiment de la population québécoise. Il prévoit aussi à l'article 5 que les travaux à venir seront faits dans le cadre des procédures prévues aux lois de la qualité de l'environnement, de l'aménagement et de l'urbanisme et la Loi sur la protection du territoire, et des activités agricoles.

Je terminerai, M. le Président, en mentionnant que, si le gouvernement a commis des erreurs de droit qui ont été mises en lumière par le tribunal et que le projet de loi n° 42 vient contrer, il n'y a pas eu erreur d'action. Nous ne pourrons jamais être blâmés d'avoir laissé passer le train. Nous avons procédé rapidement pour établir et sécuriser le réseau d'alimentation électrique. Une action de bonne foi est et restera une bonne action.

Je veux finalement m'adresser directement aux gens touchés par la ligne des Cantons–Hertel, moi qui ai grandi et vécu entouré, dans un petit village figé dans la nature presque sauvage, en bordure du fleuve qu'on appelle chez nous la mer et à deux pas d'une forêt. Je peux vous dire que je vous comprends. Vous, comme nous, subissez certaines contraintes. Mais pensez que, pour écouler l'énergie de nos barrages, ça prend des lignes électriques, des pylônes, des postes d'alimentation. Donc, je suis persuadé, comme les gens de la Côte-Nord, que vous pouvez accepter sinon comprendre que c'est notre bien-être, celui de nos enfants, de nos voisins et de l'ensemble de la Montérégie que le gouvernement du Québec veut assurer. Nous ne devons pas nous en excuser. Nous devons toutefois vous remercier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Duplessis. Nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 42 quant à son adoption de principe, et je cède la parole à la porte-parole de l'opposition officielle en matière de culture et de communications et députée du comté de Sauvé. Mme la députée, la parole est à vous.


Mme Line Beauchamp

Mme Beauchamp: Merci, M. le Président. Effectivement, je considère important de prendre la parole sur le projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Je reprendrai les propos d'entrée de mon collègue de Robert-Baldwin, je considère qu'il est extrêmement malheureux de devoir, par ailleurs, prendre la parole sur un projet de loi qui tient à rendre légal ce qui a été décrété comme illégal.

Effectivement, les gestes posés par ce gouvernement ont été considérés illégaux. Je vous rappelle le jugement rendu par l'honorable Jeannine Rousseau le 23 février 1999. La juge de la Cour supérieure statuait de façon très claire que les décrets adoptés à l'égard de Hertel–des Cantons outrepassent les pouvoirs du Conseil exécutif et sont illégaux, inapplicables, inopérants, ultra vires, nuls et sans effet. Pourtant, on se retrouve aujourd'hui devant un projet de loi qui tente de mettre un peu le bâillon sur ce jugement et de considérer que tout doit être normal.

M. le Président, il est clair qu'au mois de janvier 1998 le Québec a connu une catastrophe naturelle importante. Je crois qu'il est extrêmement clair que le Québec devait réagir pour sécuriser son réseau. La table était mise. Et pourtant, au moment où on se parle, il n'y a pas beaucoup de citoyens au Québec et de citoyennes au Québec qui considèrent que toutes les actions posées par ce gouvernement ne répondaient pas à d'autres impératifs que tout simplement sécuriser le réseau. J'invite aussi les gens qui nous écoutent à se mettre à la place des citoyens et citoyennes du Val-Saint-François. C'est des gens qui se sont établis au Québec, qui ont sûrement eu l'impression d'avoir trouvé leur coin de paradis. Surtout, c'est des gens qui considéraient, qui étaient sûrs et certains que, au Québec, ils étaient protégés, que, s'il devait y avoir un projet majeur attaquant leur bout de terrain, leurs immeubles, il y avait des processus démocratiques, entre autres des processus d'audiences au niveau environnemental, où ils auraient la parole, où ils pourraient être entendus et que, donc, au Québec, on a le respect des citoyens et des citoyennes.

Or, ces citoyens, 11 citoyens, et également la Coalition des citoyens et citoyennes du Val-Saint-François ont dû, eux, avoir recours au tribunal pour se faire entendre, puisque le gouvernement du Québec avait décidé d'agir de façon unilatérale pour exproprier leurs terrains et leurs immeubles pour le projet Hertel–des Cantons. N'oublions pas – et c'est assez ironique, malheureusement ironique – que le premier ministre du Québec a à ce moment-là encouragé, félicité les citoyens du Val-Saint-François pour leur initiative devant la Cour supérieure. C'est assez ironique, quand on considère que ces citoyens contestaient une décision gouvernementale, que ce gouvernement payait des avocats pour contester l'action des citoyens, mais, malgré tout – on est un peu habitué à ça – le premier ministre a tenu deux discours en même temps: J'adopte un décret, je m'oppose à vous en engageant des avocats devant la Cour supérieure qui vont contester vos dires, mais, en même temps, je vous félicite et je vous encourage à le faire.

(12 h 20)

Les citoyens du Val-Saint-François se sont tenus debout, se sont pris en main. Et je crois qu'on doit les féliciter pour l'action qu'ils ont menée devant la Cour supérieure, et l'honorable juge Rousseau leur a donné raison. Et ceux qui nous écoutent devront toujours se rappeler que ce jugement du 23 février 1999 donne entièrement raison aux citoyens et citoyennes du Val-Saint-François. En réaction à ce jugement, le ministre des Ressources naturelles a dit, et je crois que c'est à l'image du comportement de son premier ministre, nous a lancé deux messages en même temps. Il a dit publiquement en conférence de presse qu'il n'irait pas en appel sur ce jugement. Mais, en même temps, il a annoncé cette loi conservatoire, le projet de loi n° 42, où on veut tout simplement protéger les actions du gouvernement. Autrement dit, M. le Président, le ministre des Ressources naturelles a dit aux citoyens du Val-Saint-François: Vous avez gagné et vous avez perdu en même temps.

Il y a un autre aspect important dans le jugement Rousseau, c'est le fait que l'honorable juge Rousseau disait que le projet de nouvelles infrastructures énergétiques pour le Québec devait être vu comme un tout, qu'on ne pouvait pas le morceler. Ça fait plein de sens, M. le Président, parce que, avec le projet de loi n° 42, on est en train de confirmer des décisions gouvernementales qui sont pourtant dommageables, qui n'ont pas respecté les droits des citoyens et des citoyennes.

Mais mettez-vous à la place du BAPE, du Bureau d'audiences publiques en environnement, que l'on invitera peut-être à se pencher sur les autres sections du projet. Une fois qu'il y a une section confirmée, qu'on a dit: Oui, c'est correct, ça va marcher comme ça, c'est ça, les infrastructures qu'on met en place, c'est une ligne aérienne, etc., bien, les audiences du BAPE par la suite deviennent complètement inefficaces, puisque ce premier tronçon qu'on a confirmé, qu'on est en train de couler dans le ciment, bien, va déterminer par la suite l'ensemble du projet. Ce que l'opposition libérale revendique, c'est que l'ensemble du projet soit soumis à des audiences publiques environnementales, audiences au cours desquelles on pourra également revoir, non pas dans une situation d'urgence, mais bien avec plein de bon sens et en exerçant le bon jugement des citoyens et des citoyennes et des membres du BAPE, on pourra revoir la justification du projet. En fait, ce que l'opposition libérale revendique, M. le Président, c'est de la transparence sur l'ensemble du projet de nouvelles installations énergétiques.

Mais n'oublions pas non plus le vrai objet du projet de loi n° 42. Le vrai objet du projet de loi n° 42, c'est de protéger Hydro-Québec contre d'éventuelles poursuites. On a l'impression, M. le Président, d'être devant le début de cette législation, d'être devant un air connu. On a appris le refrain, on commence à bien connaître les couplets. Ça ressemble à: Oui, on a commis des erreurs, oui, on a commis des erreurs de droit, mais c'est la loi qui est mal faite. Ici, le ministre des Ressources naturelles a reconnu que, oui, ce gouvernement, le gouvernement péquiste, a commis des erreurs de droit, n'a pas respecté les droits des citoyens et des citoyennes du Val-Saint-François. Qu'est-ce qu'on fait? Comment on réagit? Bien, on dit: On va passer une loi rétroactive qui va dire, de façon rétroactive, que tout était correct et on protège Hydro-Québec contre d'éventuelles poursuites que pourraient faire les citoyens et citoyennes du Val-Saint-François.

Je vous disais que ça ressemblait à un air connu, on commence à apprendre et les couplets et les refrains. Je vous rappellerai que dans cette Assemblée nous discutons depuis plusieurs semaines sur certaines actions menées au sein du ministère du Revenu dans la transmission de données personnelles et confidentielles à des firmes privées et à certaines organisations relevant du gouvernement. Le ministre du Revenu en titre a reconnu à plus d'une occasion qu'il y avait eu viol de la loi. Nous demandons, nous, réparation, entre autres, démission du ministre du Revenu. Quelle est la réponse de ce gouvernement? La réponse de ce gouvernement, c'est: La loi est mal faite, on va refaire la loi.

En quelques semaines, M. le Président, dans cette législation, par deux fois ce gouvernement bafoue les droits des citoyens et des citoyennes. Et, lorsqu'ils commettent des erreurs, ils n'ont pas la dignité de le reconnaître et de réparer les droits des citoyens et des citoyennes. Par deux fois, ce qu'on nous dit, c'est: C'est bien simple, la loi, elle est mal faite. Et on pousse l'audace jusqu'à demander l'appui de l'opposition pour corriger ces lois. M. le Président, les citoyens et citoyennes du Québec s'attendent d'un gouvernement démocratique qu'il respecte ses propres lois, et c'est tout à fait ce qu'a reconnu la juge Rousseau dans son jugement en donnant raison aux citoyennes, citoyennes du Val-Saint-François.

J'aimerais également insister et déplorer l'attitude qu'a ce gouvernement face aux citoyens et citoyennes du Québec. Je vous rappelle que le premier ministre du Québec a félicité et encouragé les citoyens du Val-Saint-François à intenter une poursuite en Cour supérieure contre son propre gouvernement. Mais il faut dire qu'à ce moment-là on était proche d'une campagne électorale et ça sentait les élections. On est passé donc d'un premier ministre qui félicite et encourage les citoyens à le poursuivre, à poursuivre son gouvernement devant une cour à, maintenant, des ministres qui se plaisent à répéter sur les places publiques qu'on a affaire à des groupuscules. On veut insinuer par là, M. le Président, que c'est une, deux, trois personnes, j'imagine, des farfelus qui poursuivent le gouvernement pour rien.

Remettons les pendules à l'heure. Nous ne sommes pas devant des groupuscules, M. le Président. Et d'ailleurs, une chance qu'ils ne sont pas plus nombreux; s'ils étaient beaucoup plus nombreux, ça signifierait que les dommages causés directement en violation de loi aux citoyens et citoyennes de cette cirsconscription auraient été encore plus importants, plus dommageables. C'est tout à fait normal qu'on se retrouve devant un groupe de citoyens qui sont les premiers concernés.

Et je crois que – pour ceux qui nous écoutent en ce moment – on est plusieurs à avoir vécu, au moins une fois dans notre vie de citoyen et citoyenne du Québec, la sensation très malheureuse d'être un peu dépassé par les événements et surtout d'être dépassé par la machine, de ne pas être écouté, de ne pas être capable de faire entendre nos droits. Je pense que l'ensemble des députés de cette Assemblée accueillent dans leurs bureaux de comté, à maintes reprises, en maintes occasions, des citoyens et des citoyennes qui se sentent complètement démunis face à la machine gouvernementale. C'est notre rôle, comme députés au sein de cette Assemblée, de les seconder, de les appuyer, de profiter du fait qu'on les représente, de la légitimité qu'on a d'être députés au sein de cette Assemblée pour pouvoir cogner à des portes de ministères, cogner à des portes de ces services du gouvernement et protéger les droits de nos citoyens et citoyennes.

Ceux que les ministres de ce gouvernement appellent des groupuscules, ils ont eu un courage que l'on doit admirer. Ils affrontaient une machine considérable, le Conseil exécutif et Hydro-Québec, et ils ont décidé de se prendre en main et d'intenter une poursuite, ce qui n'était pas un geste aisé, M. le Président.

La Cour supérieure a donné raison à ces citoyens et citoyennes, ne l'oublions pas, ils ont gagné leur cause. Et qu'est-ce qu'on rétorque? On rétorque: On va changer la loi. Et surtout, c'est qu'on essaie de dire maintenant que c'est des groupuscules, de les diminuer dans leur dignité.

M. le Président, moi, quand j'ai un citoyen qui vient me rencontrer à mon bureau de comté parce qu'il a un problème avec l'administration publique au Québec – et je crois que c'est le cas pour l'ensemble des députés – on se doit d'écouter ce citoyen et, surtout et avant tout, de le respecter. Et si jamais ce citoyen intente une poursuite contre le gouvernement du Québec et gagne cette poursuite, je pense que, plus que tout, on se doit de le respecter. Et un des respects, c'est de ne pas passer une loi rétroactive qui va dire à ces citoyens: Vous avez gagné, mais vous avez perdu. C'est ça qu'on est en train de leur annoncer.

Je vous rappelle que ce jugement de la juge Rousseau, c'est suite, bien sûr, à des délibérations en cour où les avocats du gouvernement du Québec ont, bien sûr, tenté d'invoquer le fait que l'ensemble des lois avait été respecté par ce gouvernement. Or, il n'en est rien, la juge Rousseau a bel et bien déclaré que les décrets imposés par ce gouvernement étaient illégaux.

(12 h 30)

J'aimerais, M. le Président, vous rappeler que nous nous penchons plus spécifiquement sur le cas de Hertel– des Cantons en ce moment, mais que le projet de loi n° 42, comme je vous le disais, son vrai objet est de protéger Hydro-Québec contre toute éventuelle poursuite concernant les décrets pris en 1998 suite à cette tempête de verglas. Dans ces décrets, il y a eu d'autres actions prises par ce gouvernement qui vont pourtant à l'encontre de consultations publiques et même de recommandations du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Je veux ici vous rappeler que ce gouvernement a décidé d'aller de l'avant avec une autre ligne électrique qu'on appelle la ligne Duvernay–Anjou. C'est une ligne à haute tension qui borde une des frontières de ma circonscription de Sauvé. C'est un autre cas, M. le Président, où ce gouvernement n'a pas réussi à convaincre les citoyens et citoyennes de l'est de l'île de Montréal qu'il y avait urgence de procéder avec la ligne Duvernay–Anjou et que c'est par décret qu'on devait procéder. Pourquoi? Je veux juste vous rappeler les propos du président du Syndicat professionnel des scientifiques de recherche en électricité du Québec, M. Jean-Marc Pelletier, qui a mentionné que, pour que la ligne Duvernay serve au centre-ville, donc c'est pour sécuriser le réseau, entre autres, du centre-ville de la ville de Montréal, il disait qu'il faudrait qu'Hydro-Québe caresse le projet de construire une ligne aérienne de 315 Kv le long de la rue Sherbrooke ou celui de transformer Montréal en gruyère de fils à 120 Kv.

La preuve que la ligne Duvernay–Anjou ne sert pas à sécuriser le réseau du centre-ville de Montréal, la preuve est que, durant la panne, en 1998, alors que l'électricité était disponible dans l'est de l'île – moi, personnellement, je suis une résidente de l'est de l'île de Montréal et je n'ai pas manqué une minute d'électricité en janvier 1998, même si j'ai compati avec les citoyens et citoyennes touchés par cette catastrophe naturelle – on n'a pas réussi à faire dévier cette électricité par le réseau existant pour alimenter le centre-ville de Montréal.

Donc, on est devant une ligne qui, sous prétexte de dire qu'elle va sécuriser le réseau, plusieurs personnes dont des professionnels du secteur de l'électricité remettent en doute cette décision. Je vous rappelle que c'est une décision, Duvernay–Anjou, qui a aussi été prise par décret, alors qu'en 1996 un rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a complètement répudié, si on peut dire, le projet d'Hydro-Québec. Entre autres, c'est un aspect important, en 1996, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement a décrété que le tracé retenu par Hydro-Québec soit refusé. Le Bureau d'audiences publiques demandait à ce que le tracé proposé par Hydro-Québec soit refusé et qu'il soit modifié pour comporter une ligne en partie souterraine pour le tronçon Rivière-des-Prairies et le point d'Anjou, souterraine également pour la traversée de la Rivière-des-Prairies et aérienne pour la partie agricole sur l'Île-Jésus.

Donc, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, après avoir écouté, entre autres, des citoyens et citoyennes de l'est de l'île de Montréal, directement touchés par cette nouvelle ligne aérienne, eh bien, le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement avait répudié le projet d'Hydro-Québec et demandé – et ça ressemble d'ailleurs à certaines recommandations du rapport Nicolet – à ce qu'une partie de la ligne Duvernay–Anjou soit souterraine.

En 1998, catastrophe naturelle. Sous prétexte de sécuriser le réseau, par décret, le gouvernement décide d'aller de l'avant avec la ligne Duvernay–Anjou telle que proposée par Hydro-Québec. Et, en ce moment, on se retrouve avec une ligne aérienne au-dessus de la Rivière-des-Prairies. Je veux vous rappeler, M. le Président, qu'en cas de catastrophe naturelle, par exemple de tempête de verglas, c'est des lignes aériennes qui ont cédé sous le poids du verglas, et nous ne sommes absolument pas sécurisés face au fait que cette nouvelle ligne aérienne Duvernay–Anjou résisterait, elle, éventuellement à un autre type de tempête.

Je tiens également à souligner que l'aile libérale est en accord, comme l'ensemble des citoyens du Québec, avec la nécessité de sécuriser le réseau électrique au Québec. On en a eu la démonstration sans équivoque. Mais tout est dans la manière de faire, M. le Président, et c'est ça que les citoyens du Val-Saint-François, entre autres, ont remis en question. Et je répète que ce gouvernement, même si la table était mise pour pouvoir procéder à des actions, n'a convaincu personne que les décrets pris, que les actions entreprises pour de nouvelles infrastructures énergétiques l'étaient uniquement sur des questions de sécurisation du réseau. Et d'ailleurs je tiens à rappeler un extrait du rapport Nicolet où on nous dit que «la puissance énergétique de la boucle prévue entre Hertel–des Cantons se comprend mal dans la seule perspective de la croissance anticipée du marché de la Montérégie. Le projet d'une nouvelle ligne de transport en direction nord-sud laisse en fait présager de nouvelles interconnexions avec le Québec.»

M. le Président, ce gouvernement ne nous a jamais convaincus que cet ensemble de décrets pris pour de nouvelles infrastructures énergétiques ne l'a pas été en vue d'éventuelles exportations par Hydro-Québec vers des marchés américains. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons, bien sûr, être favorables au projet de loi n° 42 et nous rappelons notre demande que le Bureau d'audiences publiques en environnement se penche sur l'ensemble du projet d'Hydro-Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Sauvé, pour votre intervention. Nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 42, et je cède la parole au porte-parole officiel de l'opposition en matière de justice et député de Marquette. M. le député, la parole est à vous.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Comme l'ont dit mes collègues qui ont pris la parole précédemment, on est face à un gouvernement qui a décidé de se placer au-dessus des lois du Québec et dans combien de dossiers. Les lois, M. le Président, sont contraignantes et trop contraignantes pour le gouvernement. Lorsque des jugements sont rendus par les tribunaux disant que le gouvernement n'a pas respecté la loi, lorsque des avis viennent de commissions indépendantes qui relèvent de l'Assemblée nationale pour dire que le gouvernement, ou un ministre, ou une ministre, ou un ministère n'a pas respecté les lois, on tente par tous les moyens possibles et imaginables de contourner les lois, M. le Président, et, lorsqu'on ne peut pas y arriver, on tente de changer les lois.

C'est vrai dans le cas du projet de loi n° 42, le gouvernement tente rien de moins que de passer outre à la Loi de la Régie de l'énergie qui prévoit des dispositions très précises à l'article 73, où Hydro-Québec, qui semble exercer un contrôle absolu sur non seulement le ministre responsable des Ressources naturelles, mais sur le premier ministre et l'ensemble du gouvernement, et on l'a vu dans le cas, M. le Président, la semaine passée, où il y a des directives qu'Hydro-Québec devrait suivre concernant l'électricité dans des foyers de personnes qui sont prestataires de la sécurité du revenu, on n'est pas censé couper l'électricité à ces personnes-là lorsque ces personnes-là ont un très faible revenu, on est censé tenter d'en arriver à une entente... On a assisté à des aveux de la part du ministre des Ressources naturelles qui témoignait de sa grande impuissance de rappeler Hydro-Québec à l'ordre dans ce dossier-là. Il y a eu deux rappels à l'ordre, et ma collègue la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne a clairement indiqué, avec une série de cas, comment Hydro-Québec passe complètement à côté des rappels à l'ordre du gouvernement.

Mais, dans le dossier du projet de loi n° 42, ce que l'on soupçonnait depuis le départ, c'est que le gouvernement a saisi une occasion d'une catastrophe humaine, la crise du verglas de 1998, pour tenter de faire indirectement ce que le gouvernement ne pouvait pas faire directement. Alors, ils ont utilisé le prétexte de la crise du verglas pour dire que, dans le fond, on doit absolument sécuriser l'ensemble du réseau d'hydroélectricité pour faire en sorte que nous puissions éviter de telles crises à l'avenir.

(12 h 40)

M. le Président, dans un jugement de la Cour supérieure du Québec, la juge Rousseau a donné tort au gouvernement sur toute la ligne: le gouvernement a illégalement fait adopter des décrets pour contourner les lois, contourner les exigences de consulter la population. Imaginez-vous, vous êtes propriétaire d'un terrain – et en ce qui concerne les citoyens de Val-Saint-François, ils sont très nombreux – où vous faites face, M. le Président, à l'arrogance du pouvoir et au non-respect de la part d'Hydro-Québec qui a décidé qu'elle allait tracer une ligne sur votre terrain, sur le terrain de votre voisin, sur le terrain de toutes les personnes qui ont été ni plus ni moins affectées dans leurs droits par ce qu'a fait Hydro-Québec.

On s'attendrait à ce que les lois du Québec soient respectées, les lois qui prévoient que la population doit être consultée avant que de tels projets puissent voir le jour. Le gouvernement, le ministère des Ressources naturelles et le ministre responsable devaient sans doute être au courant de ces lois-là. Ils ont décidé d'être complices d'Hydro-Québec. On ne sait pas, M. le Président, si le gouvernement est complice d'Hydro-Québec ou si Hydro-Québec est complice du gouvernement, mais le véritable objet poursuivi par le gouvernement, c'était de faire installer des infrastructures pour pouvoir faciliter l'exportation d'hydroélectricité aux États-Unis. Et on s'est servi d'un prétexte, la crise du verglas, pour atteindre ces fins.

M. le Président, la Régie de l'énergie, qui a été mise sur pied par le gouvernement, dans le cadre de l'actuel projet de loi, est complètement sortie du dossier. On parle d'un organisme quasi judiciaire à qui l'ensemble des parlementaires ont décidé d'accorder des fonctions et des pouvoirs bien précis pour pouvoir réglementer l'industrie, entre autres, de l'hydroélectricité. Eh bien, le gouvernement avec Hydro-Québec ont décidé dans ce dossier-ci encore une fois de sortir la Régie de l'énergie du portrait. On le voit à l'article 5 du projet de loi, M. le Président. Je vais prendre la peine d'en faire la lecture. On dit ceci, à l'article 5 du projet de loi n° 42: «La construction par Hydro-Québec des infrastructures et équipements visés à la partie II de l'annexe peut être poursuivie, sous réserve des dispositions qui suivent.» Et là on dit, dans le troisième alinéa: «La poursuite de ces constructions est subordonnée à l'autorisation du gouvernement, laquelle tiendra lieu de celle prévue au paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 73 de la Loi sur la Régie de l'énergie.» Le gouvernement a décidé de se substituer à la Régie de l'énergie pour tenter de venir bonifier et légaliser ce qui est illégal dès le départ. On l'a vu dans d'autres dossiers...

Je vois la députée de Rosemont qui est présente avec nous aujourd'hui. M. le Président, comment est-ce qu'une personne députée d'une circonscription électorale, qui a eu un mandat comme ministre au Conseil des ministres, peut accepter qu'elle subisse un traitement et qu'une autre personne, placée dans une situation identique, au Conseil des ministres, elle, puisse bénéficier d'un autre traitement? Ça fait l'objet de questions depuis quatre semaines à l'Assemblée nationale. Comment peut-on accepter que les députés d'arrière-ban, du côté ministériel, cautionnent de telles démarches de la part de leur gouvernement? Comment peuvent-ils accepter de voir que le gouvernement a réservé un traitement différent à la députée de Rosemont par rapport au député de Verchères et vice-premier ministre du Québec? Pourtant, il s'agit de gestes illégaux posés dans les deux cas: dans le cas de la députée de Rosemont, un avis de la Commission d'accès à l'information; et, dans le cas du député de Verchères, il admet à deux reprises que les lois du Québec ont été violées. Mais, lui, il décide, M. le Président... Et c'est pertinent par rapport au débat parce que ça indique un pattern, un pattern de ce gouvernement-là, de se placer au-dessus des lois.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, s'il vous plaît, en vertu de l'article 211, la règle de la pertinence. Je vous avoue que chaque fil peut finir par se rattacher à un fil, mais là c'est un peu trop cousu pour être authentique. Merci.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous voulez poursuivre votre intervention sur le projet de loi n° 42, et je vous écoute.

M. Ouimet: Je sais que mes propos embarrassent le gouvernement. Je sais que le leader adjoint a été envoyé, probablement par le cabinet du premier ministre, pour tenter de vous faire des directives, M. le Président, comme vice-président, de cesser nos interventions.

Une voix: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint, s'il vous plaît. Vous avez la parole.

M. Boulerice: M. le Président, je dois avouer que le député de Marquette siège depuis moins longtemps que moi en cette Assemblée, sauf que je suis persuadé qu'en plus de son Barreau il a étudié le code de procédure et le règlement de l'Assemblée nationale. Donc, je le référerais à l'article 35, attaquer la conduite d'un député. En l'occurrence, il s'agit du leader adjoint. Le leader adjoint l'a déjà dit en cette Chambre: Il agit d'autorité, il n'a pas besoin d'ordre de qui que ce soit pour intervenir.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, monsieur, je vais prendre la parole du leader adjoint. Si vous voulez poursuivre votre intervention sur le projet de loi n° 42, s'il vous plaît, M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, il s'agissait d'un exemple pour démontrer qu'il y a un pattern où le gouvernement tente de se placer au-dessus des lois votées par l'Assemblée nationale.

Je pourrais rappeler un autre exemple à la mémoire du leader adjoint du gouvernement et député de Sainte-Marie–Saint-Jacques en ce qui concerne le projet de loi n° 32. Le projet de loi n° 32, M. le Président, nous sommes face, dans ce dossier-là également, à un jugement de la Cour supérieure rendu par le juge Vaillancourt, le 13 novembre 1998, qui a dit au gouvernement que les lois, en particulier la loi sur la Régie des rentes du Québec, violent les dispositions de la Charte québécoise et de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne. Le jugement de la Cour supérieure a donné à ce gouvernement une période de six mois pour apporter les correctifs qui s'imposent. Le gouvernement a décidé de s'exécuter. Ils ont déposé le 6 mai dernier le projet de loi n° 32 pour venir corriger ce qui était illégal et discriminatoire à l'endroit des conjoints de fait de même sexe.

Or, M. le Président, il est important de faire cette démonstration-là parce que ce n'est pas un cas isolé, le projet de loi n° 42, il y a d'autres cas. Il est important, comme parlementaire, que je puisse l'indiquer pour le bénéfice des téléspectateurs qui nous écoutent, que nous sommes face à un gouvernement qui se place au-dessus des lois.

Or, dans le cadre du jugement du juge Vaillancourt, M. le Président, d'une part, on dépose un projet de loi qui vise à corriger la situation, mais, par ailleurs, et comme le disait la députée de Sauvé un peu plus tôt, on prend deux décisions contradictoires en même temps. On dit aux quatre personnes: Vous avez gagné, mais vous avez perdu. Comment ont-ils perdu, ces gens-là? Le Procureur général, la ministre de la Justice a déposé un mémoire devant la Cour d'appel, de 50 pages, pour dire que le jugement de la Cour supérieure est erroné en droit, alors qu'on dépose ici, en cette Chambre, un projet de loi n° 32 pour venir corriger la situation. Ça n'a aucun bon sens. Et ce sont les droits de ces quatre personnes-là qui sont bafoués par le gouvernement, parce que ces gens-là ont fait ce que les gens du Val-Saint-François ont fait. Lorsqu'on se fait bafouer par un gouvernement, M. le Président, qu'est-ce qu'il nous reste à faire? Il nous reste à prendre notre cause, aller devant les tribunaux et demander à un juge de trancher le débat. Dans le cas du Val-Saint-François, les gens l'ont fait, ils ont obtenu un jugement qui leur a donné raison sur toute la ligne – sur toute la ligne – c'est la juge Rousseau qui a rendu la décision. Dans le cadre, M. le Président, du jugement Vaillancourt, les quatre citoyens l'ont fait également; leurs droits étaient brimés et eux aussi ont remporté une décision.

Mais, dans les deux cas, le gouvernement a un comportement identique. Au niveau du projet de loi n° 32, il décide de porter la cause en appel pour nier à ces quatre personnes-là les droits qu'ils se sont fait reconnaître par le tribunal et que le gouvernement veut par la suite faire pour aller de l'avant, mais qui va exclure les quatre personnes. Et ici, le projet de loi n° 42, c'est la même chose: indépendamment du jugement rendu par la juge Rousseau dans le cadre de la ligne Hertel–des Cantons, le gouvernement décide, par le biais du projet de loi n° 42, de l'écarter complètement, ce jugement-là. Comment pensez-vous que ces citoyens-là se sentent face à un gouvernement?

(12 h 50)

Les éditorialistes et les journalistes ont écrit énormément sur ce sujet-là, M. le Président. Il y a même un député du Parti québécois qui s'est prononcé là-dessus récemment. Et je vais citer ses propos au texte parce que, pour les téléspectateurs qui nous écoutent... les gens vont comprendre que ce ne sont pas juste les députés de l'opposition qui tiennent cette ligne-là, c'est même un de leurs propres membres, le député de Boucher... le député de Johnson...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ouimet: ...M. Claude Boucher. Il n'est pas encore député de Boucher, mais peut-être qu'il travaille là-dessus. Mais son comté, c'est le comté de Johnson. Voici ce qu'il disait, M. le Président, et je cite ses propos au texte: «Le vice-premier ministre et ministre des Finances et ministre d'État à l'Économie et aux Finances est venu, après la crise, rencontrer les citoyens du Val-Saint-François. Le gouvernement lui-même est venu écouter ce que les gens avaient à dire. Le vice-premier ministre a écouté, a fait son rapport au gouvernement et, suite aux analyses qui ont été faites par les ministres, par le premier ministre, il a été quand même décidé d'aller de l'avant sans procéder à des consultations publiques formelles, tel que recommandé par la juge Rousseau dans le jugement de la Cour supérieure.» Alors, lui, le député de Johnson, a eu le mérite de l'indiquer, mais il n'est pas allé au bout du rouleau, M. le Président, il s'est arrêté, parce qu'il a dit, immédiatement après la citation que je viens de vous lire, évidemment, il dit: Je n'étais pas très heureux de cette décision-là, parce qu'il a des concitoyens qui sont affectés, mais cependant la ligne de parti est venue jouer, comme dans d'autres cas, dans cette Législature-ci et dans les Législatures précédentes. Mais je l'ai acceptée, dit le député de Johnson, en toute solidarité, puisque c'est le choix que j'avais à faire pour rester avec le caucus du Parti québécois et du gouvernement actuel.

Une voix: Il est fidèle.

M. Ouimet: Voilà, M. le Président. Certains appellent ça de la fidélité, d'autres pourraient dire que le député s'est écrasé, s'est littéralement écrasé, parce qu'on lui a sûrement fait des menaces en lui disant: Si tu veux rester député de Parti québécois, là, tais-toi, ça suffit, tu as assez parlé. Le gouvernement a pris sa décision. On va bulldozer et on va écraser les citoyens. Le jugement de la Cour supérieure, ce n'est pas grave, on va changer la loi, on l'a fait dans d'autres cas.

Le vice-premier ministre qui se débat comme un diable dans l'eau bénite est en train d'essayer de faire la même chose. Il dit: La loi, elle est embarrassante, gênante et contraignante; je n'ai pas respecté la loi, ce n'est pas de ma faute, on va changer la loi. Et on va demander à la Procureur général de nous donner un coup de main là-dedans puis on va demander aussi à l'opposition si elle ne voudrait pas nous aider à le dédouaner, à le sortir du pétrin dans lequel il se retrouve.

Dans ce cas-ci, M. le Président, face à la même situation, face à la même décision, le chroniqueur du Soleil , Michel David, disait, pas plus tard que samedi, dans une chronique assez révélatrice: L'arrogance du pouvoir ... L'arrogance du pouvoir pour un gouvernement de deuxième mandat qui a des problèmes avec des questions d'éthique, des questions d'intégrité, des questions de probité. Quand on est mal pris, quand on est pris en flagrant délit d'avoir violé des lois, que fait-on? On essaie de changer les lois. Pas aujourd'hui pour l'avenir, on essaie de le faire de façon rétroactive. C'est ce que le vice-premier ministre tente de faire. C'est ce que le projet de loi n° 42 tente de faire également pour écarter, dans les deux cas, des décisions prises par la magistrature ou pour des décisions prises par des organismes autonomes et indépendants, nommés par l'Assemblée nationale pour contrôler, pour surveiller le gouvernement. Qu'a fait le gouvernement? Il fait tout simplement les écarter, M. le Président, pour poursuivre dans son illégalité. Mais l'opposition ne se fera pas complice de cela, et c'est la raison pour laquelle nous allons voter contre le projet de loi n° 42.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député. Alors, compte tenu de l'heure, je vais suspendre les travaux jusqu'à 15 heures. Les travaux de cette Assemblée reprendront...

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous avez une question?

M. Boulerice: Ajournement du débat et suspension des travaux.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ah! le leader adjoint du gouvernement demande l'ajournement du débat. Est-ce que la proposition d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, compte tenu de l'heure, les travaux de cette Assemblée reprendront à 15 heures, et le débat est ajourné sur le projet de loi n° 42, quant à son principe.

(Suspension de la séance à 12 h 56)

(Reprise à 15 h 1)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous allons reprendre nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer l'ordre du jour, s'il vous plaît.

M. Brassard: M. le Président, je vous réfère à l'article 47 du feuilleton.


Projet de loi n° 2


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ce ne sera pas très long, je vais y arriver, là; il y en a plusieurs cet après-midi... 47, on va aller vers la fin. Voilà! À l'article 47, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 2, Loi sur la réforme de la comptabilité gouvernementale. J'inviterais M. le ministre d'État à l'Économie et aux Finances à prendre la parole. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, quelques brèves remarques sur un sujet qui a déjà été largement abordé en cette Chambre et en commission, et qui n'est pas véritablement contentieux. Il est plus technique que contentieux, puisque l'opposition officielle avait appuyé, tout au long de la démarche, le changement des normes comptables, et c'est chose faite.

Les normes comptables dans l'univers comptable anglo-saxon, mais dans le monde entier, ont beaucoup évolué au cours des 10 dernières années, surtout en raison de l'évolution des marchés. On a eu des croissances spectaculaires dans des types d'entreprises qui n'avaient pas d'équivalent dans l'histoire humaine. Les Bill Gates, dans l'histoire de l'humanité – accumuler des technologies et des fortunes aussi considérables en si peu de temps – ne s'étaient pas vus, même du temps des Ford et des Rockefeller. Et aussi, en même temps et avec liens, bien sûr, l'un par rapport à l'autre, la globalisation des marchés et la mondialisation des marchés, l'effondrement des barrières permet d'atteindre des chiffres de ventes spectaculaires, parce qu'un produit peut s'adresser pratiquement à l'ensemble de l'espèce humaine, et, quand la demande solvable répond, les chiffres prennent des dimensions prodigieuses, et toute la gestion, du privé comme du public, a dû se réorienter.

La dernière fois qu'on a modifié les conventions comptables, c'était en 1986-1987, dans cette Assemblée. Ça a été fait par un de nos regrettés prédécesseurs, Gérard D. Levesque, à qui le présent gouvernement, d'ailleurs, a fait l'honneur de donner le nom de l'édifice du ministère des Finances en son souvenir. Mais, quand Gérard D. a fait ça, il n'avait pas obtenu l'accord complet du Vérificateur général sur les régimes de retraite. C'est pourquoi, à chaque année, la petite astérisque est revenue, et le Vérificateur général a toujours fait une notation négative de la comptabilisation des régimes de retraite, entre autres choses. Parce que avec les années s'étaient accumulées plusieurs scories, et la crédibilité globale des états financiers du gouvernement commandait que de nouvelles conventions comptables soient conçues, mises de l'avant et surtout appuyées totalement par le Vérificateur général, cette fois-ci sans réserve, pour que la mise à jour soit véritable et complète.

Pourquoi est-il si important que les nouvelles conventions comptables respectent les normes comptables de l'Institut canadien des comptables agréés pour le secteur public? D'abord, pour être en mesure de porter un jugement sur notre situation financière véritable. Ce sont les contribuables qui paient pour les dizaines de milliards de dépenses publiques qui vont essentiellement, on le sait, à la santé, à l'éducation, aux transferts sociaux et à l'activité gouvernementale en général. Et ceux et celles qui paient, la moindre des reconnaissances qu'on peut avoir envers eux et envers elles, c'est bien de leur expliquer les chiffres de façon compréhensible. Ça ne veut pas dire que tout le monde se passionne pour les états financiers du gouvernement. Il n'y a pas, comme on dit, de bagarre dans les chaumières. Mais ceux et celles qui veulent s'intéresser, même les simples citoyens et citoyennes, ont simplement à regarder des états montrables, compréhensibles, avec des tableaux qui donnent une idée véritable de notre situation financière.

Autre raison pour faire cette réforme, c'est de pouvoir se comparer avec les autres gouvernements. Est-ce que l'Ontario est mieux géré que le Québec ou est-ce que le Québec est mieux géré que la Colombie-Britannique ou l'État américain du Wisconsin ou du Texas? Alors, tout ça commence à faire un ensemble cohérent. Ça tombe bien, parce que en même temps on allait au déficit zéro. Alors, pour que ce déficit zéro soit apprécié à sa juste valeur par la population et qu'il soit un véritable zéro, il faut que la comptabilité soit transparente. Et elle est devenue transparente.

Soit dit en passant, on écrit beaucoup de choses sur le modèle québécois actuellement, modèle québécois que notre gouvernement a profondément rajeuni. Et on en est venu à assumer, ce qui est une erreur – et je demande à nos collègues de l'Assemblée d'y penser, de l'expliquer – à penser que les taxes élevées sont partie inhérente du modèle québécois. Ce n'est pas ça du tout. Les taxes élevées sont une conséquence des négligences antérieures. Si le modèle québécois avait été pratiqué avec rigueur et discipline financière par ceux qui nous ont précédés, le modèle québécois aurait toutes les vertus du modèle québécois puis on aurait les impôts de l'Ontario. Alors, c'est une erreur que souvent des gens commettent de bonne foi.

Claude Castonguay, qui est un ancien collègue qui était membre du gouvernement Bourassa – il aurait dû y penser dans ce temps-là – il laisse entendre qu'impôts élevés et modèle québécois vont de pair. Non. Gabegie libérale et impôts élevés vont de pair. Mais on peut très bien être progressiste et être rigoureux en même temps, et c'est ce qu'on fait depuis quatre ans, et c'est pour ça qu'on a réussi à atteindre le déficit zéro et en même temps à déjà baisser les impôts et les taxes. Beaucoup de monde essaie de nous convaincre de baisser les impôts et les taxes, et c'est sympathique d'entendre ça parce que ça nous réconforte dans une chose qu'on a déjà décidée. Nous ne sommes pas à convaincre de baisser les impôts et les taxes, nous en sommes convaincus. Mais, pour le faire, faut avoir les moyens de le faire, et il y avait un passage obligatoire par le déficit zéro. Et, maintenant que nous y sommes, bien, ce sera beaucoup plus simple.

Des fois, certains de mes collègues me reprochent d'employer l'expression «qu'on est obligé d'être Thatcher et Tony Blair en même temps». Ils n'aiment pas du tout Mme Thatcher, c'est le contraire de leur modèle idéologique. Ha, ha, ha! Ils me disent: Tu ne devrais pas dire ça. Ce n'est pas parce que j'aime Mme Thatcher, c'est parce que j'aurais aimé que ceux qui nous ont précédés fassent de l'ordre dans les finances publiques comme on l'a fait; ça nous permettrait d'être simplement des progressistes en conservant le déficit à zéro. Mais ce n'est pas ça qui a été notre malheureux sort, ça a été de le prendre à 6 000 000 000 $, de l'amener à zéro en restant progressistes. Ça fait donc un double mandat dont nous nous sommes acquittés jusqu'à ce jour, avec évidemment le soutien de nos compatriotes qui nous ont même réélus, mais qui ont fait plus que nous réélire, qui ont fait les efforts voulus pour que la chose arrive. Alors, le moins qu'on puisse leur rendre, c'est de leur donner des chiffres exacts; le moins qu'on puisse leur rendre, c'est de leur donner des états financiers qu'ils peuvent lire. Donc, les doutes qu'on pouvait avoir quant à l'utilisation des fonds spéciaux, c'est terminé, ils sont intégrés aux états financiers.

On aurait pu dire: Oui, vous êtes à zéro, mais il y a tel et tel fonds spécial qui traîne à droite et à gauche, ce n'est pas un vrai déficit zéro. Non, fonds spéciaux: terminés, intégrés aux états financiers. Les doutes en ce qui concerne le fait de camoufler des emprunts pour payer l'épicerie, c'est terminé, puisque dorénavant nos états financiers présenteront les déficits d'opération ainsi que la valeur de notre parc immobilier. Alors, c'est une comptabilité qui commence à intégrer des éléments de comptabilité de patrimoine. Alors, si le patrimoine ne monte pas et que le déficit monte ou que les dépenses d'une certaine nature montent, c'est parce qu'on le fait pour payer l'épicerie. Remarquez qu'on a une loi pour interdire le déficit maintenant, et on n'en fait pas, mais il est bon que les gens sachent quel est notre actif et quel est notre patrimoine et quelles sont nos capacités de payer et de servir la dette.

(15 h 10)

Aussi, dans une économie axée sur la mondialisation des marchés, avec des investisseurs qui sont nos concitoyens et concitoyennes ainsi que des gens qui sont à l'étranger, il est important d'avoir une bonne note tant sur notre situation financière que pour la façon dont nous présentons les résultats. Vous savez que toute cette dette, elle a été encourue largement auprès d'étrangers. Largement auprès de nos concitoyens et de nos concitoyennes, c'est vrai, mais largement sur la place de New York, de Londres, de Boston, de Francfort et de Tokyo, parce qu'on a une partie de notre dette qui est en yens.

Bien, pour que les investisseurs gardent confiance, il faut deux choses. Une principale, que les finances soient bien gérées et que le déficit soit maîtrisé, qu'il soit à zéro, mais qu'ils le croient. Et, si les états financiers ne sont pas crédibles pour un investisseur lointain qui verrait des astérisques et des notes négatives du Vérificateur général en bas de chaque page, il dirait: Ils disent déficit zéro, mais ce n'est pas ça. Et c'est là que les fameuses décotes sont survenues, que les agences ont décoté à plusieurs reprises nos prédécesseurs. Alors, il faut avoir un bonne gestion et il faut qu'elle soit transparente et qu'elle soit perçue comme bonne. Alors, la réforme de la comptabilité sert ces fins doubles.

Après le dépôt du budget 1998-1999, on a vu une belle illustration de ce que je viens d'expliquer, les agences de cotation ont toutes augmenté leurs perspectives de cote du Québec, ce qui devrait mener à des hausses de la cote de crédit à l'aube de l'an 2000, donc à des baisses de coûts d'emprunt. Ça veut dire que, là, il y a de l'argent qui est stérilisé, qui est comme jeté dans le fleuve parce que notre cote, n'étant pas ce qu'elle devrait être, on paie plus cher d'intérêt.

La cote se rétablissant... C'est déjà commencé, avant même que... Là, les perspectives négatives ont été enlevées par les agences, mais, avant même qu'on soit recoté, nos taux d'intérêt ont baissé parce que les prêteurs ont pris acte du fait qu'on était à déficit zéro. Alors, il y a des sommes dont nous allons disposer cette année pour la santé, pour l'éducation, pour les transferts sociaux et autres dépenses gouvernementales uniquement dû au fait que nous ne les paierons plus en faux frais d'intérêt. Payer des intérêts normaux sur une dette normale, c'est une chose. Payer de faux frais d'intérêt parce qu'on a une mauvaise réputation sur le marché, c'en est une autre. Alors, la mauvaise réputation, elle a été liquidée. La crédibilité du Québec sur les places prêteuses est rétablie, de même qu'auprès de nos compatriotes. Donc, ce projet de loi soutient une grande réforme comptable, une réforme qui démontre clairement la volonté du gouvernement de maintenir l'équilibre budgétaire, en toute transparence auprès de nos concitoyens et de nos concitoyennes.

Nous n'avons pas fait les choses à peu près: notre Vérificateur général, qui mettait des notes négatives et des notes de bas de page d'avertissement depuis un quart de siècle, ne s'est pas gêné pour dire qu'on avait pris une avance et qu'on avait la comptabilité étatique, maintenant, la plus moderne du Canada, et à l'avant-garde. Et c'est probablement aussi vrai à l'échelle continentale, parce que les normes canadiennes de comptabilité, encore une fois, sont les normes plutôt anglo-saxonnes de comptabilité, donc du continent nord-américain et de la Grande-Bretagne.

Et je pense qu'il ne serait pas surprenant que les comptables publics du monde entier s'inspirent maintenant de ce que fait notre Assemblée nationale cet après-midi pour provoquer de telles réformes dans d'autres administrations. Donc, c'est avec beaucoup de labeur qu'on a pu arriver à ça, mais nous sommes contents du fruit de nos labeurs, et c'est avec fierté que je vais demander à l'Assemblée d'appuyer ce projet.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, moi, j'aimerais soulever trois points principalement. Le premier point que j'aimerais soulever, M. le Président, c'est le fait que ce projet de loi n'arrive pas comme par hasard, il arrive à la suite de commentaires qui ont été formulés par le Vérificateur général, commentaires qui ont blâmé ce gouvernement pour la façon avec laquelle il faisait le rapport des dépenses budgétaires de son gouvernement.

Rappelons-nous que ce gouvernement a pelleté des déficits dans la cour des cégeps, des universités, des hôpitaux, des commissions scolaires. Au niveau des hôpitaux seulement, il y a eu 700 000 000 $ qui ont été mis dans ses comptes à l'extérieur de la comptabilité gouvernementale, si bien que ce déficit, plus les 350 000 000 $ qui appartenaient aux cégeps, le ministre des Finances a pu l'effacer par le 1 400 000 000 $ qu'il recevait du gouvernement fédéral dans les transferts fiscaux.

Le Vérificateur général avait grandement blâmé ce gouvernement. Il l'avait blâmé en juin 1997. Mais, en décembre 1997, le Vérificateur général disait ceci: «Compte tenu, entre autres, de l'importance des sommes en cause en regard des fonds des autres entités qui ne sont pas inclus dans les états financiers du gouvernement, nous sommes d'avis que ces états ne représentent pas fidèlement, selon les conventions comptables applicables au gouvernement et aux recommandations par l'ICCA, la situation financière du gouvernement du Québec au 31 mars 1997.»

Alors, il a fallu que les chroniqueurs, l'opposition, tous s'acharnent sur le ministre des Finances pour que celui-ci décide finalement d'apporter des changements à la comptabilité du gouvernement. Ce projet de loi représente 15 000 000 000 $, soit 13 000 000 000 $ pour inscrire la totalité du passif actuariel non inscrit des régimes de retraite, 650 000 000 $ pour ajuster la méthode comptable concernant les emprunts et 1 000 000 000 $ de dépenses non inscrites au budget pour absorber les déficits cachés par le gouvernement Bouchard.

Que sont ces dépenses cachées? Ce sont des dépenses d'immobilisation cachées dans des fonds du réseau routier. Il y en avait pour 340 000 000 $. C'est donc dire qu'il y avait un compte dans le fonds qui n'était pas consolidé et qui appartenait dans un compte à part, comme ça, de 340 000 000 $. Il y a eu, de plus, les départs assistés volontaires, qui suivaient la restructuration des réseaux de la santé, principalement, de l'éducation et le secteur public en général. Il y en avait pour 685 000 000 $. C'est donc dire qu'il y a eu des sommes importantes qui ne sont pas apparues dans les comptes publics de l'État, à part ce 1 000 000 000 $ qui appartenait aux hôpitaux et aux universités.

Alors, aujourd'hui, on peut se réjouir. Je suis ravie d'entendre le ministre des Finances tout à coup découvrir les vertus de M. Tony Blair, qui, soit dit en passant, s'accommode parfaitement des réformes qui ont eu lieu avant par Mme Thatcher. D'ailleurs, le ministre des Finances, j'étais étonnée et je me suis demandée s'il avait perdu la mémoire, parce qu'il semble avoir complètement oublié les déficits accumulés par le Parti québécois alors qu'il avait été au pouvoir. A-t-il oublié les velléités de déficit de son prédécesseur ministre des Finances, M. Parizeau? A-t-il oublié que, durant le mandat du Parti québécois, la dette a été plus que quintuplée à cause, dans le fond, de l'irresponsabilité du gouvernement du Parti québécois? Alors, je pense que le Parti libéral n'a pas de critique à prendre de la part du ministre des Finances. Je comprends que ça lui fait une belle jambe, ça lui donne une bonne allure que de blâmer constamment ce qui s'est passé les quatre années avant l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, mais, de vouloir imputer 100 000 000 000 $ aux quatre années qui ont précédé ce gouvernement, je pense que c'est vouloir prendre les vessies pour des lanternes.

(15 h 20)

Nous avons appuyé, M. le Président, le principe de ce projet de loi. Nous sommes en accord, bien sûr, avec les recommandations du Vérificateur général. Nous sommes également, bien sûr, en accord avec l'objectif qui est d'assurer une transparence des comptes publics, et c'est la raison pour laquelle nous appuyons complètement ce projet de loi.

Par ailleurs, je voulais simplement rappeler au ministre des Finances que les vertus qu'il accepte aujourd'hui et qu'il fait siennes, bien, je pense que, si le gouvernement – et le gouvernement du Parti québécois qui l'avait précédé – avait fait siennes les vertus et s'il avait appuyé le Parti libéral quand il était au pouvoir dans l'idée de contrôler les dépenses publiques, on ne se retrouverait pas aujourd'hui là où on se trouve. C'est donc dire que je pense qu'il faut prendre les propos du ministre des Finances un peu avec un grain de sel. C'est donc dire, M. le Président, que j'appuie non seulement le principe, mais j'appuie ce projet de loi. Le Parti libéral appuie le projet de loi, et nous nous associons à la démarche qui a été entreprise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je remercie Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Il y a possibilité d'une réplique de cinq minutes après chaque intervention. Alors, M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry

M. Landry: Oui, M. le Président, ça va être quelques phrases, puisque l'opposition, de toute façon, appuie. D'abord, pour souligner lourdement qu'il ne faut pas enlever de mérite à la réforme. Le Vérificateur général, depuis un quart de siècle, réclamait des gouvernements que cette réforme se fasse. Et j'ai évoqué, en étant très courtois pour le parti de notre regretté collègue Gérard D. Levesque, ce que Gérard D. a fait. J'aurais pu dire aussi, pour rendre justice à notre propre parti, que Jacques Parizeau avait commencé le premier train de mesures en capitalisant les fonds de pension et en amorçant lui-même, lors du mandat du gouvernement Lévesque, la réforme comptable. Alors, le Vérificateur a du mérite, c'est vrai, mais il fallait avoir le courage de faire cette opération. Quand on a accepté de la faire, on ne savait pas quels seraient ses résultats nets projetés dans la réalité. On a établi les principes comptables, et puis ça a tourné très bien, on l'a su. Mais le gouvernement, d'aucune façon, ne fait de l'argent avec la réforme. Il a alourdi son propre fardeau, parce que, sur le terrain, en réel, ça a, en apparence, déboursé quelques centaines de millions de dollars de plus, simplement parce qu'on a présenté notre comptabilité de façon claire. Alors, ça prenait du courage pour le faire, je le souligne.

D'autres auraient pu le faire, là, ce n'est pas la trouvaille du siècle. Il fallait simplement se décider. Et ce qui nous a décidés, nous, et ce qui n'avait pas décidé nos prédécesseurs, c'est parce que, ayant une gestion serrée des finances publiques et cheminant vers le déficit zéro, et même l'atteignant un an avant le temps, on avait tout intérêt que cet objectif ne puisse être mis en cause, par personne. Il y avait déjà des gens qui se préparaient, dans diverses publications et dans l'opposition officielle, on les entendait déjà, les remarques, M. le Président. Ils disent: Le déficit zéro, ce n'est pas vrai parce qu'il y a tel et tel et tel fonds. Vous avez tous entendu ça. Mais non, tous ces fonds-là sont intégrés. Le déficit zéro, c'est un vrai déficit zéro.

Je sais que, sans être trop partisan, pour le Parti libéral, c'est un peu frustrant parce que, pendant des années, ils ont essayé de développer cette image de bon gestionnaire, de créateur d'emplois. Vous vous souvenez, quand Paul Gobeil – je peux le nommer par son nom – était au Conseil du trésor et qu'il y avait eu le fameux rapport Gobeil: et on va gérer l'État comme une business, puis c'était l'État Provigo à la place de l'État-providence. Bien, tout ça n'a pas marché. Et c'était supposé être leur image de marque à eux. Alors, quand ils ont vu que nous, quelques années plus tard, réalisions à la fois la transparence des finances publiques, plus le déficit zéro, plus la création d'emplois, qui repart alors qu'ils avaient été à zéro net de création d'emplois pendant quatre ans, ça devenait psychologiquement très, très, très difficile à supporter. Et on peut avoir une certaine sympathie pour eux.

Mais la population du Québec a bien compris: maintenant, le parti de la bonne gestion, le parti de la création d'emplois, de la stimulation économique, c'est le parti gouvernemental d'aujourd'hui, c'est le Parti québécois. Et toutes ces illusions qui entouraient le Parti libéral ont été dissipées, je crois, pour des années et des années, en raison des performances catastrophiques qui ont été celles de ceux qui nous ont précédés immédiatement de ce côté-ci de la Chambre. C'est pour ça d'ailleurs qu'on est resté de ce côté-ci depuis la dernière élection. Et c'est pour ça maintenant que, ce point crucial étant passé, nous allons mettre autant d'ardeur à baisser le fardeau fiscal qu'on en a mis à atteindre le déficit zéro et à donner à la population des états financiers clairs.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre des Finances. Il n'y a plus d'autres intervenants. Le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 2, Loi sur la réforme de la comptabilité gouvernementale, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: L'article 50, M. le Président.


Projet de loi n° 9


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 50, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 9, Loi sur Financement-Québec. M. le ministre des Finances, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry: Ce projet de loi, M. le Président, est une conséquence directe et logique du précédent. En effet, à l'occasion de la réforme comptable, nous sommes obligés de modifier la gestion de ce que l'on appelle le Fonds de financement. Actuellement, il existe un tel fonds au gouvernement qui s'appelle le Fonds de financement, qui réalise le financement regroupé des organismes publics, qu'ils soient compris ou non dans le périmètre comptable du gouvernement. C'est la phrase clé: les organismes publics, qu'ils soient compris ou non dans le périmètre comptable du gouvernement. Ce fonds se finance à même les emprunts effectués par le gouvernement. En d'autres termes, le gouvernement emprunte et, parce qu'il peut emprunter à meilleur compte et plus facilement – réalisant des économies d'échelle – que certains organismes publics qui ont besoin de fonds, le gouvernement emprunte et reprête aux organismes en question.

Alors, je reviens à la distinction «périmètre comptable» pour comprendre ce qui se passe là, elle est centrale. Le périmètre comptable du gouvernement, il comprend les fonds spéciaux, les organismes et des entreprises publics, à l'exception des organismes exerçant des activités fiduciaires. Les organismes publics qui se trouvent hors du périmètre comptable en raison de l'absence de liens de propriété ou de contrôle, ceux qui ne sont pas dans notre périmètre parce qu'on n'en est pas propriétaire ou qu'on ne les contrôle pas, sont les commissions scolaires – il y a des élus scolaires, tout le monde le sait – les cégeps – il y a des conseils d'administration – les universités, la même chose, les hôpitaux et autres organismes de la santé et des services sociaux, même chose – élection par les usagers, par les personnels, etc. – ainsi que les organismes municipaux, maires, conseillers municipaux qui, dans ce cas-là, d'ailleurs, ont leur propre financement, comme les commissions scolaires.

Les activités du Fonds de financement comprennent des opérations de financement à long terme et à court terme. Ainsi, au 31 mars 1999 – vous allez voir que ce n'est pas une petite affaire – l'en-cours des prêts à long terme du Fonds de financement était de 8 200 000 000 $ et l'en-cours des prêts à court terme était de 2 400 000 000 $, pour un total de 10 600 000 000 $, et la présence du Fonds de financement permet d'accroître la compétitivité des marchés sur lesquels il opère. Ce phénomène influence favorablement l'ensemble des activités d'emprunt des organismes du secteur public québécois. Donc, c'est une question d'économie d'échelle, une question de connaissances techniques, de marge de manoeuvre et de familiarité avec les marchés qui fait que des organismes, au lieu d'aller directement au marché, nous laissent aller sur les marchés, et, à travers le Fonds de financement, on les finance.

La réforme comptable sur laquelle nous travaillons et pour laquelle nous allons adopter des lois reclassifie les organismes du gouvernement et a pour effet d'intégrer à la dette du gouvernement lui-même le Fonds de financement, à l'exception de celle afférente aux entreprises publiques. De plus, une nouvelle norme comptable a été appliquée, dès 1997-1998, celle-là. Les nouvelles règles comptables canadiennes prévoient que, si le Fonds de financement effectue un prêt à une commission scolaire, par exemple, ce prêt, s'il est accompagné d'une subvention couvrant son service de la dette, deviendra une dépense pour le gouvernement. Alors, ça nous force à voir les choses d'une autre manière.

(15 h 30)

Alors, la consolidation, combinée avec l'application de la nouvelle norme comptable, nous amène à revoir les structures et les processus existants de façon à continuer de réaliser le financement de l'ensemble des organismes publics et parapublics. Le financement regroupé, pour les organismes hors du périmètre comptable du gouvernement, devra être effectué par une entreprise publique plutôt que par le Fonds de financement.

Nous créons une entreprise publique qui va faire la même chose que ce que faisait avant le Fonds de financement, mais qui doit le faire à l'extérieur, pour les raisons que je viens d'expliquer. Alors, cette entreprise publique, elle va emprunter en son nom plutôt que recevoir des avances du gouvernement, et cela permettra d'exclure la dette de ces organismes de la dette directe du gouvernement. Quant au financement regroupé des autres organismes, soit ceux compris dans le périmètre comptable, bien, ils vont continuer à être réalisés comme avant par le Fonds de financement, mais qui sera une entreprise publique.

Le projet de loi sur Financement-Québec vise donc à instituer Financement-Québec pour effectuer le financement regroupé des organismes hors du périmètre comptable, à élargir la mission du Fonds de financement afin qu'il puisse rendre d'autres services financiers aux organismes compris dans le périmètre comptable.

Financement-Québec permettra, un, de préserver les avantages du financement regroupé, qui procure des économies de l'ordre de 100 000 000 $ par année. Le fait qu'on regroupe le financement, là, ça nous permet d'économiser 100 000 000 $. Vous rendez-vous compte? Si on n'avait pas une procédure aussi ingénieuse, ça serait encore un autre 100 000 000 $ jeté dans le fleuve, en faux frais. Alors, 100 000 000 $ et, en plus, on va distinguer la dette des réseaux de celle du gouvernement.

Pour ce faire, Financement-Québec empruntera en son nom sur les marchés financiers pour prêter aux organismes des réseaux. La société autofinancera ses activités par l'entremise des tarifs qu'elle exigera à ses clients, comme le Fonds de financement le faisait auparavant. Donc, ça ne coûte rien aux contribuables, ça fait épargner 100 000 000 $ dans l'ensemble, mais on prélève des petits frais à nos clients et on s'autofinance.

Également, la nouvelle société, qui est une version remodelée de l'ancien Fonds de financement, pourra prêter aux municipalités et aux organismes municipaux qui en feront la demande si c'est avantageux pour eux. Personne n'est forcé d'être notre client, mais, si certaines municipalités y trouvent leur compte, comme ça fait économiser, il se peut bien qu'elles viennent à Financement-Québec.

Cette solution rencontre les exigences du Vérificateur général, inutile de le dire, puisque c'est dans la foulée de la réforme comptable. La solution préconisée par le Comité d'étude sur la comptabilité du gouvernement afin de préserver les avantages économiques du financement regroupé est observée.

Le financement des organismes compris dans le périmètre comptable continuera à être réalisé selon les meilleures opportunités, soit auprès du Fonds de financement, soit directement par les organismes en leur nom, sur les marchés financiers, à leur choix, suivant la conjoncture. Pour les organismes qui sont consolidés ligne par ligne, leurs emprunts s'ajouteront à ceux du gouvernement. Peu importe qu'ils soient contractés auprès du Fonds de financement ou sur les marchés, ils sont intégrés.

De plus, la mission du Fonds de financement sera élargie afin de rendre d'autres services financiers aux organismes compris dans le périmètre comptable. Par exemple, ce Fonds pourra gérer les émissions de titres émis au nom des organismes sur les marchés financiers. C'est une espèce de service technique que nous allons vendre moyennant des honoraires modestes. L'idée, c'est d'économiser de l'argent – alors, on le fait déjà à hauteur de 100 000 000 $ – pas de faire de l'argent, des profits, en termes de comptes d'exploitation, mais de rendre service et que ça ne coûte pas un sou de plus au contribuable.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: M. le Président, nous avons appuyé le principe du projet de loi. Je ne vais pas faire un grand plaidoyer au sujet de ce projet de loi qui crée un nouvel organisme essentiellement pour venir en aide aux municipalités, aux hôpitaux et au secteur scolaire. Je pense que c'est là une formule qui risque d'être intéressante. En tous les cas, les partenaires pourront décider s'ils trouvent avantageux d'emprunter via le gouvernement plutôt que d'emprunter via le secteur privé. Ce sera à eux de le déterminer. Ce sera là une avenue ouverte et qui relèvera du ministère des Finances.

Par ailleurs, j'aimerais simplement souligner, parce que, évidemment, c'est le cheminement du projet de loi n° 2, c'est celui qui – le projet de loi n° 9 – accompagne effectivement le projet de loi n° 2, j'aimerais juste rappeler au ministre des Finances que le Parti libéral du Québec fait encore appel auprès de ce gouvernement pour qu'il baisse les impôts plus que ce que le budget nous a annoncé lors du dépôt du budget, au printemps cette année. Le ministre s'engage, en l'an 2000, à baisser les impôts de 200 000 000 $. Or, les experts, aujourd'hui, parlent d'un surplus, au niveau du gouvernement, de 700 000 000 $, allant jusqu'à 1 000 000 000 $. C'est donc dire que, cette réserve que se gardent le ministre des Finances et le gouvernement, ça prive les Québécois de revenus additionnels qui leur permettraient de relancer l'économie encore plus, et certainement l'économie de Montréal qui, soit dit en passant, va bien mais ne va pas aussi bien qu'on veut bien l'invoquer.

J'aimerais simplement également, M. le Président, ouvrir une petite parenthèse. Le ministre dit qu'il n'aime pas être trop partisan, moi non plus, mais j'aimerais lui rappeler que, si j'avais été à sa place, j'aurais rapporté un déficit, quant à moi, de 2 400 000 000 $ additionnels, et je vais énumérer les chiffres que j'inclus dans ça: j'inclurais le 350 000 000 $ qui a été envoyé aux municipalités; j'inclurais le 700 000 000 $ qui a été cumulé par les hôpitaux; j'inclurais le 350 000 000 $ cumulé par les universités, en plus du 1 000 000 000 $ qu'on vient d'effacer avec le projet de loi n° 2, soit le 350 000 000 $ du Fonds routier et le 685 000 000 $ des départs assistés.

Alors, de nous dire aujourd'hui, peut-être même un peu cavalièrement, qu'on a atteint le déficit zéro, et c'était dur, difficile, mais qu'on l'a bien réussi, je pense qu'il y a eu là des déficits qui ont été cachés, qu'on repasse, d'une part, à la dette, et qu'on a également effacés dû à la péréquation. Alors, c'était simplement une correction que je voulais souligner, M. le Président, dans cette Chambre, parce que je pense que les propos tenus par le ministre des Finances n'étaient pas exacts.

Alors, je vous remercie. Nous approuvons le projet de loi n° 9.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais céder la parole à M. le ministre pour une intervention de cinq minutes, maximum.


M. Bernard Landry

M. Landry: Les propos de la critique me surprennent un peu. Ça veut dire que, si elle faisait ce qu'elle vient de dire qu'elle ferait, elle se ferait remettre des notes aux états financiers par le Vérificateur général à tous les ans, et on retomberait dans l'ancienne ornière. Nous, on a fait très exactement ce que le Vérificateur disait de faire parce que c'est conforme aux normes de comptabilité publique nord-américaines et qu'on est à l'avant-garde de ça.

Si on se met à jouer avec les principes, faire semblant que ça n'existe pas, l'Institut des comptables, qu'on est seul au monde puis qu'on va avoir des comptabilités fantaisistes, puis rentrer ci, rentrer ça, bien, là, on va tout détruire ce qu'on vient de bâtir. Il faut que ça soit cohérent avec les autres pays occidentaux qui ont les mêmes genres de normes, il faut que ça soit approuvé par le Vérificateur général, il faut que ça soit suivant les normes de l'Institut canadien des comptables agréés.

Si on ne fait pas ça, ça va nous ramener très exactement où on était, c'est-à-dire qu'un contribuable québécois va vouloir comparer Québec et Wisconsin, disons, ou Québec et Colombie-Britannique, il ne pourra pas, ça ne sera plus comparable à cause d'idées qu'aurait émises, avec beaucoup d'originalité, la députée de Marguerite-Bourgeoys. L'originalité intellectuelle, c'est une vertu, mais les comptables ne la tolèrent pas. Les comptables, ils ne font pas dans l'originalité, les comptables. C'est un métier normatif: telle chose rentre dans telle provision pour amortissement, telle façon de comptabiliser les stocks, premier entré, premier sorti, ou l'inverse, et telle façon de comptabiliser les déficits d'un hôpital ou d'une commission scolaire. Si on a le contrôle, c'est bien, c'est rentré dans le périmètre comptable. On n'avait pas le contrôle, le Vérificateur général s'en est aperçu et il a rendu son verdict, lui et toute la commission qui l'accompagnait.

Alors, les propos de la députée sont originaux mais ne sont pas rassurants. Et, si jamais une telle chose était faite, ça serait ruiner le patient ouvrage de réforme de notre comptabilité publique.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre. Il n'y a plus d'autres intervenants? Le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 9, Loi sur Financement-Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

(15 h 40)

M. Brassard: Alors, M. le Président, passons à l'article 21.


Projet de loi n° 56


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 21. M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 56, Loi sur la Société de développement de la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry: Madame, pouvez-vous m'apporter la petite tribune, s'il vous plaît? Ça va aller mieux.

M. le Président, le budget que j'ai déposé devant cette Chambre le 9 mars dernier a mis de l'avant un ensemble de mesures visant à intensifier nos efforts en faveur de la création d'emplois. Vous vous en souvenez, il y avait tout un train de mesures, comme à chacun des budgets qu'on a présentés. Et d'ailleurs, ce n'est pas tout à fait par hasard que le chômage est passé d'autour de 14 % à 10 % ou en bas au cours des derniers mois. C'est parce que la conjoncture s'est améliorée dans le monde, vrai, mais c'est parce que le gouvernement du Québec, aussi, a fait des efforts considérables pour que la conjoncture ait de bons effets ici.

On fait souvent des comparaisons entre le gouvernement qui nous a précédés et le nôtre. Je vous l'ai dit: Zéro emploi net en quatre ans. Alors, ils pourraient dire: Oui, mais la conjoncture était mauvaise. Non. Le Canada, en même temps, qui est dans un même espace économique, et douanier, et monétaire faisait, lui, 200 000. Alors, l'argument de la conjoncture ne vaut pas. La conjoncture, elle était la même pour le Canada et le Québec dans le temps où ils étaient au pouvoir, et elle est la même maintenant que nous sommes au pouvoir.

Et je signale aussi, en passant, qu'elle sera la même en cas de souveraineté du Québec, puisque maintenant, de douanes, il n'y en a plus. On fête le 10e anniversaire du traité de libre-échange, et donc son entrée en vigueur totale. Les douanes sont disparues par tranches égales annuelles d'un dixième par année depuis 10 ans. Et les projets de souveraineté des États modernes – et il y a eu 30 nouveaux pays aux Nations unies au cours des dernières années – ils comportent tous des espaces économiques communs. Donc, a donné l'exemple la Communauté économique européenne, et il n'y a pas un pays souverain aujourd'hui qui voudrait se déshonorer en pratiquant un protectionnisme attardé, même en matière monétaire.

Même en matière monétaire, vous le savez, la plupart des observateurs et experts prédisent la constitution de très grandes zones monétaires. L'Europe est en train d'en construire une, déjà, en fait, depuis 1957. L'euro est entré en vigueur le 1er janvier dernier, mais le traité de Rome a été signé en 1957, et il prévoyait tout ce cheminement d'intégration, et c'est par étapes que ça s'est fait. Avant l'euro, il y a eu l'écu, et puis il y a eu le serpent monétaire européen, et ainsi de suite. Tout ça pour vous dire qu'on s'en va vers des économies intégrées, c'est un mouvement irréversible. Il y a beaucoup d'avantages à cela, il y a un certain nombre d'inconvénients dont il faut se méfier.

Mais notre zone de commerce international de Mirabel, elle prend en compte précisément la globalisation des marchés, la mondialisation et le rôle de cet ancien aéroport intégral. C'était le projet des fédéraux, ils l'ont lamentablement raté, hélas. C'était leur projet quand même. Bien, il va être sauvé in extremis par l'action du gouvernement du Québec et ce qu'il fera autour de cet équipement, qui est quand même un équipement prodigieux. Il est là.

La malheureuse histoire, elle découle du fait que, d'abord, ça a commencé dans une controverse horrible. Ils ont exproprié 97 000 acres de terrain, alors qu'ils en avaient besoin d'à peu près 10 000. Ils ont déplacé 10 000 personnes. Il y a un auteur qui a comparé ça à la déportation des Acadiens, puis, en nombre de personnes, c'était à peu près ça. Il faut dire que la déportation des Acadiens s'est faite dans des conditions d'une extrême brutalité, en détruisant les fermes, brûlant les églises, les maisons et séparant les familles. Ce n'est pas comme ça que ça s'est fait à Mirabel, mais déplacer 10 000 personnes d'un territoire d'enracinement, avec des dizaines de paroisses, de traditions, etc., ça a commencé de façon lamentable, disons-le. Quand j'étais jeune avocat, à cette époque, j'ai eu à travailler auprès de ces expropriés, et ça m'a laissé un souvenir impérissable de ce qu'un gouvernement agissant d'une façon aussi légère peut créer comme tragédie et comme bouleversement de l'histoire des familles.

Non content de faire ça, le projet initial, c'était de faire de Mirabel la porte d'entrée au Canada, ce qui aurait pu être une bonne idée. En France, pays de 50 000 000 d'habitants et plus, il n'y a pas 50 portes d'entrée; on a concentré l'essentiel sur Charles de Gaulle, Paris, un des plus grands aéroports du monde. La même chose à Heathrow. Il peut y avoir des portes secondaires, mais l'aéroport, c'est Heathrow, et c'est là que ça se passe: 60 000 000 de passagers par année.

Alors, ç'aurait pu être une idée de tout concentrer sur Mirabel, sauf qu'ils ne l'ont pas fait. Ils n'ont pas été capables vraiment de faire ça pour le Québec et son économie, de faire un aéroport qui aurait accueilli le trafic transatlantique pour tout le Canada, une espèce de «hub», pour parler le langage anglo-saxon de l'aviation. Et, de ce «hub», on aurait réparti jusqu'à Winnipeg par la suite. Non, il n'ont pas pu faire ça, les fédéraux. C'est plus fort que leur vouloir, comme disait Séraphin. Ils ont fait un aéroport du même genre à Toronto, avec aussi des avatars assez considérables, on s'en souvient, parce qu'ils voulaient en faire un à Pickering et que les gens de Pickering, ils n'ont pas voulu. Alors, ils l'ont laissé à son emplacement actuel, Pearson.

Mais, pendant tout ce temps-là, laissant Dorval ouvert et Mirabel ouvert et ne donnant pas l'exclusivité des vols à Mirabel, bien, on est arrivé à une situation désespérée où l'un ou l'autre devait céder les vols internationaux. Je ne me prononce pas sur lequel des deux; ç'aurait pu se défendre. Sans doute que Mirabel aurait pu jouer le rôle des deux. Plusieurs de nos concitoyens et concitoyennes pensent ça, mais on n'en est pas à vivre l'histoire à l'envers, on est à organiser l'histoire pour la suite. On est au stade de transformer un cafouillis, qui a pris des allures de tragédie, en un succès.

Alors, c'est ça qu'on va faire maintenant à travers cette loi et les actions qui en découleront. D'abord, reconnaissons les avantages du lieu, de son équipement et d'une vertu qu'il a que peu d'aéroports situés dans des grandes conurbations ont encore, la virtualité de travailler 24 heures sur 24. Évidemment, ils ont fait le désert autour. Alors, une fois qu'on fait le désert... Remarquez qu'ils n'avaient pas besoin d'exproprier 97 000 acres; avec 10 000, ça suffisait très largement. Bien, là, on peut travailler 24 heures sur 24.

Le positionnement géographique est avantageux, puisque nous sommes à l'est du continent nord-américain et plus précisément dans sa partie nord-ouest, qui est une partie extrêmement développée: évidemment, c'est New York, Boston, Philadelphie, Washington, villes aux aéroports encombrés. Pour New York, c'est prodigieusement encombré, comme vous le savez, et ça devient un désavantage pour les passagers. Et si, en plus, on intercale du tout-cargo comme ça se fait, bien, ça ne fait que compliquer le problème.

Donc, nous allons, pour utiliser cet équipement qui est là et qui est physiquement en bon état, créer la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel pour attirer des entreprises étrangères et pour aider des entreprises québécoises exportatrices. Alors, pour ce faire, nous mobilisons de puissantes incitations fiscales. On n'y va pas avec le dos de la cuillère. Autant les fédéraux ont été lamentables dans leur gâchis, autant ils n'y sont pas allés avec le dos de la cuillère dans le mauvais sens, autant nous allons tenter d'aller dans le bon sens avec des moyens plus puissants: alors, un congé fiscal de 10 ans, des aides à l'investissement jusqu'à 25 %, des crédits d'impôt remboursables pour les salaires, 40 % au début, 20 % à la fin, de l'aide à la formation et au recrutement de la main-d'oeuvre et de l'assistance pour opérer une zone franche, car, en plus, ce sera une zone franche.

Pour assurer le succès de cette stratégie, nous mettons en place la Société de développement de la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel. La Société de développement aura une structure légère, une dizaine de personnes. Ce n'est pas à la Société que ça se passe, c'est sur le terrain puis c'est dans les implantations. Elle sera située sur le site même. Elle sera en quelque sorte l'opérateur de la Zone, un peu comme dans les «foreign trade zones» aux États-Unis où chacune a un opérateur qui aide les entreprises. Alors, ils seront là et ils seront en vue des pistes, comme on dit.

(15 h 50)

Son mandat, c'est un centre multiservices pour les entreprises implantées dans la Zone. Alors, accueil des entreprises, qui sont très souvent étrangères, gestion intégrée des propositions d'investissement et d'implantation des entreprises et une offre globale intégrée et coordonnée incluant des partenariats potentiels, incluant aussi les efforts d'ADM qui est le gestionnaire de l'aéroport. Des aéroports, en fait, de la Société. C'est ADM qui gère et Dorval et Mirabel.

Investissement-Québec, Société générale de financement, Emploi-Québec, ville de Mirabel, contacts, évidemment, avec les organismes privés et publics québécois, une interface avec le milieu local et régional. Local parce que la région, localement, a été blessée et bouleversée, et le moins qu'on puisse faire en la rebâtissant, c'est de la rebâtir avec les gens qui sont là. Mais aussi régional. Pourquoi? Parce que le projet, ça s'appelle Zone de commerce international de Montréal à Mirabel – de Montréal à Mirabel – parce que, dans ce contexte de globalisation des marchés, les grandes métropoles et leurs noms sont devenus des unités agissantes de globalisation.

Je vous donne un petit exemple. Il y a quatre grandes villes dans le monde qui sont vraiment spécialisées en aérospatiale, construction d'avions, de fusées, équipement. Les quatre villes sont les suivantes: Seattle, pour des raisons évidentes, c'est Boeing; Wichita; Toulouse, pour des raisons évidentes, c'est Airbus; et Montréal. Et d'ailleurs, Montréal plus que Toulouse, parce qu'il y a 40 000 emplois dans l'aérospatiale à Montréal, puis il y en a 25 000 à Toulouse. Est-ce que quelqu'un peut me nommer une banlieue de Toulouse? Est-ce que quelqu'un peut me nommer une banlieue de Seattle ou une banlieue de Wichita? En tout respect pour les banlieues et les merveilleuses potentialités qu'elles recèlent, dans la globalisation, on ne parle pas par banlieue, on parle par grande conurbation. C'est pour ça que la zone s'appelle Zone de commerce de Montréal à Mirabel. On respecte les gens du lieu et leur historique et leurs traditions. On respecte la globalisation en parlant de Montréal.

Alors, comme je l'ai dit, il s'agit de favoriser l'implantation d'entreprises dans la zone, en particulier par la coordination des partenaires que j'ai évoqués, la Société des aéroports de Montréal, ADM, le CLD de Mirabel, Montréal international, Investissement-Québec, qui est un organisme du gouvernement du Québec que nous avons mis sur pied dans le nouveau modèle québécois il y a un an environ, et il se classe déjà dans les 10 meilleures agences de ce type en Amérique du Nord. Investissement-Québec. Alors, Investissement-Québec sera à l'oeuvre.

Et plusieurs partenaires peuvent contribuer à faire connaître la Zone à l'étranger. La Société mettra sur pied un comité de coordination de la promotion et de la prospection qui fera appel à l'expertise et aux ressources des organismes déjà en place.

Le chef Joe Norton, de Kahnawake, que j'ai rencontré dans d'autres conventions avec le gouvernement il n'y a pas si longtemps, m'a fait rencontrer des aborigènes, des autochtones très intéressés dans ces activités de promotion de la Zone. Nous sommes en contact avec eux et avec elles, et il se peut qu'on ait un puissant partenaire aborigène qui travaille avec nous au développement de Mirabel. Tout ça est à l'étude et analyse. Donc, plus il y aura de gens structurés autour de ce projet, plus il y a de chances qu'il réussisse.

Et cette organisation, cette Société de développement aura aussi le mandat de faire des recommandations au ministre des Finances sur l'admissibilité des projets et de s'assurer que les entreprises continuent de respecter leurs engagements, car, évidemment, avant d'émettre une attestation d'admissibilité à la zone pour une entreprise qui veut s'y implanter, on s'assurera que cette dernière ne déplace pas dans la Zone des activités qu'elle réalisait au Québec auparavant. On n'est pas pour dire: Je quitte Laval pour aller dans la Zone faire la même chose que je faisais à Laval pour profiter des avantages de la Zone. Il n'en est pas question. Ce n'est pas du déplacement, c'est de la création. C'est un peu comme dans la Cité du multimédia, c'est pour des nouveaux emplois.

Également, pas de certificat d'admissibilité si se décèle la moindre trace de concurrence indue à une autre entreprise du Québec. Même si ce n'est pas elle qui se déplace, si l'une qui veut s'implanter là se sert de la Zone pour faire une concurrence indue à l'entreprise qui est déjà installée au Québec, nous ne donnerons pas ce certificat. Et seule, donc, la Société pourra nous conseiller convenablement sur ces questions, et elle est sur place, elle est motivée.

L'organisation et le fonctionnement, maintenant, tels qu'ils se profilent dans notre loi. Les affaires de la Société sont administrées par un conseil d'administration composé de 11 membres, dont un directeur général nommé par le gouvernement. Le conseil d'administration veillera en particulier à élaborer les grandes orientations stratégiques de la Société et à les présenter au gouvernement dans son plan d'affaires pour approbation, favoriser l'établissement de réseaux avec les acteurs locaux, les représentants des milieux des affaires du Québec et de l'étranger et les acteurs québécois chargés de la promotion et de l'accueil des investisseurs étrangers afin de favoriser le maximum de synergie dans leurs actions respectives. La composition du conseil d'administration reflétera les forces vives du milieu du développement économique, tant celles de la région de Mirabel que celles du Grand Montréal et du Québec.

Le chef de l'opposition est allé en Europe dernièrement et il s'est émerveillé de l'Irlande – ce qui n'était pas une mauvaise idée, d'ailleurs. Je peux lui dire, au chef de l'opposition, qu'on a beaucoup regardé ce qui s'est fait à Shannon. Shannon, c'est un grand aéroport où on a développé, en Irlande, toute une stratégie autour de Shannon. Et Shannon a inspiré Mirabel.

Ce qu'il faudrait que le chef de l'opposition comprenne bien, c'est que maintenant le Québec doit s'inspirer de l'Irlande au complet, la république d'Irlande, l'État souverain, indépendant et libre d'Irlande, la fière Erin. Et cette république d'Irlande, dont la population est plus petite que celle du Québec, dont le produit national brut n'est pas celui du Québec, ne se voit contester par personne son statut de nation libre et de peuple souverain. C'est difficile à comprendre que, quand on peut s'inspirer de l'Irlande pour tant de choses, on ne veuille pas s'en inspirer pour l'essentiel. En tout cas, nous, on s'en est inspiré pour Shannon et on va s'en inspirer pour la suite aussi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Alors, d'abord, je voudrais tout de suite rassurer le ministre des Finances: le Parti libéral avait dans son programme la création d'une «zone franche», qu'on avait appelée dans notre programme. C'est donc dire que nous appuyons le principe de ce projet de loi et que nous endossons tout à fait l'esprit du projet de loi.

Il s'agit d'un guichet multiservices qui va permettre une zone dérogatoire, c'est-à-dire, comme l'a mentionné le ministre des Finances, dans le fond, essayer d'utiliser les infrastructures aéroportuaires de Mirabel pour offrir potentiellement à des entreprises un lieu, un environnement, un site où il y aura de nombreux avantages fiscaux. Et ce pourquoi je veux soulever les nombreux avantages, c'est qu'ils sont très alléchants, ils sont riches, mais, dans tout ce programme, il risque d'y avoir des effets pervers. Et je veux les souligner au ministre des Finances et certainement au citoyens du Québec.

On donne, par exemple, une aide à l'investissement. L'aide, comme je vous le disais, M. le Président, n'est pas négligeable. Il y a un crédit d'impôt remboursable de 25 % pour l'acquisition ou la location de biens et d'équipements. Ça peut être des sommes importantes. Qu'arrive-t-il si quelqu'un profite de ces bénéfices mais décide, au bout de deux ans, finalement, de partir et d'aller s'installer ailleurs? Il y a une possibilité. C'est là un effet dangereux. Un deuxième point – là, c'est plus rassurant – c'est l'aide financière à la construction de bâtiments, encore là, 25 % de la valeur.

(16 heures)

L'aide aux opérations. Il y a des exemptions d'impôt, des exemptions importantes sur le revenu, sur la taxe sur le capital, la cotisation au Fonds des services de santé, crédit d'impôt remboursable sur le salaire d'employé, crédit d'impôt quant aux honoraires visés à un courtier de douanes et exemption d'impôts à certains spécialistes étrangers, tout ça sous la surveillance, finalement, sous l'autorité du ministre des Finances. C'est le ministre des Finances qui, en fin de compte, suite aux recommandations que va lui faire cette Société – éminemment le conseil d'administration ou les employés qui y travaillent – c'est le ministre des Finances, et son personnel, qui va autoriser les projets, oui ou non.

C'est donc dire que le ministre des Finances aura énormément de pouvoir. Il ne peut pas en être autrement, M. le Président, parce que c'est le ministre des Finances qui peut autoriser, dans le fond, des bénéfices de ce type-là. Mais il n'en demeure pas moins qu'il y a un danger énorme, s'il n'y a pas des protections, s'il n'y a pas des contrôles très importants, des dangers énormes de fraude, de favoritisme, de situations de cette envergure.

D'ailleurs, le projet de loi reconnaît quatre grands secteurs d'activité: la logistique internationale, processus de gestion et de contrôle des mouvements de marchandises, l'étiquetage; tous ces bénéfices doivent être liés au transbordement ou à l'entreposage de marchandises. Dans un deuxième temps, il y a l'entretien et la réparation d'aéronefs. Et, troisièmement, la formation complémentaire dans le domaine de l'aviation, complémentaire encore à ce qui se fait déjà au Québec. Le personnel navigant ne vivant pas au Québec ne doit pas avoir résidence au Québec.

C'est donc dire qu'encore là il y a un danger, M. le Président, qu'il y ait des gens qui profitent de ces incitatifs fiscaux, financiers, pour se retirer d'un endroit puis aller s'installer ailleurs. Il est clair, de toute façon, qu'il risque d'y avoir des effets pervers au niveau de la compétition, c'est-à-dire qu'un nouvel employeur qui va venir s'installer dans cette région pourra bénéficier d'avantages importants comparativement à un employeur qui faisait déjà ce travail-là ailleurs au Québec et qui n'est pas dans le périmètre déterminé de la zone franche; il ne pourra pas, cet autre employeur, bénéficier des mêmes avantages.

Alors, évidemment, le projet de loi se fait en complémentarité, complémentarité, supposément, à ce qui se fait ailleurs au Québec. Encore là, on veut créer des emplois. Et on encourage, finalement, non seulement la création d'emplois, mais la masse salariale doit atteindre environ 400 000 $ dans un délai raisonnable. Qu'est-ce qu'un délai raisonnable pour que la masse salariale atteigne 400 000 $? Est-ce que c'est un an? Est-ce que c'est deux ans? Est-ce que c'est six mois? Ce n'est pas déterminé, ce n'est pas inscrit. Et je pense que c'est, là encore, un danger, puisqu'on risque d'avoir des critères différents selon que l'on s'adresse à un individu ou un autre, une corporation ou une autre corporation.

Au niveau des bénéfices, encore là, si vous allez vous installer dans ce périmètre, vous avez des crédits d'impôt d'un salaire, un maximum de 15 000 $ jusqu'à l'an 2001, et ensuite 12 000 $, et éventuellement 8 000 $. Encore là, il faudra surveiller de près ce nouveau programme parce qu'il risque d'avoir des effets très démotivants pour d'autres entreprises qui travaillent dans les secteurs analogues et qui ne sont pas situées dans le périmètre, tel que déterminé par le ministre des Finances, à Mirabel.

Alors, voyant tous ces bénéfices que risquent d'avoir certains employeurs et le pouvoir entre les mains du ministre des Finances et du ministère des Finances, nous sommes en accord avec le principe, M. le Président, mais je mets en garde le ministre des Finances contre les effets pervers que j'ai soulignés antérieurement, puisqu'il ouvre la porte au favoritisme et, à cause d'employés, à cause, finalement, des incitatifs, et possiblement également de corruption. Donc, il va falloir que quelqu'un surveille de très près comment ce programme est géré, parce qu'il laisse une telle marge de manoeuvre au ministre des Finances, une telle latitude que c'est extrêmement dangereux.

D'ailleurs, tout ce qui est discrétionnaire est dangereux. Et, bien sûr, quand on assume le poste de ministre des Finances, il y a énormément de discrétion qu'impose le poste. Mais je soulève ce point-là parce que je pense que c'est un effet qui risque d'être difficile à gérer, difficile à contrôler. Et je pense que nous allons tous suivre ce programme avec intérêt, mais nous allons le suivre scrupuleusement pour être bien sûrs que ne se glissent pas de ces effets pervers dont j'ai parlé.

Alors, M. le Président, c'est un projet de loi que le Parti libéral du Québec endosse en totalité, puisqu'il faisait partie de notre programme électoral également et que nous appuyons la démarche du gouvernement aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: La dernière phrase de la critique de l'opposition m'enlève toute réplique. Ils endossent le projet de loi en totalité. Alors, je m'en réjouis. L'imitation est le meilleur des compliments et le plus sincère. Si c'était dans leur programme, en plus, bien, ça nous fera plaisir de réaliser un des rêves que la population ne leur a pas laissé réaliser.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin, donc, au débat sur l'adoption du principe. Le principe du projet de loi n° 56, Loi sur la Société de développement de la Zone de commerce international de Montréal à Mirabel, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté? M. le leader du gouvernement.

M. Brassard: Alors, on peut passer à l'article 22, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader, est-ce que vous envoyez le...


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Ah! C'est une adoption de principe? Excusez-moi. J'ai une motion à faire et je la fais immédiatement pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement, on poursuit. Et là, l'article, excusez?

M. Brassard: Article 22.


Projet de loi n° 57


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, à l'article 22, M. le ministre des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières. Alors, M. le ministre, c'est encore à vous.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je propose à cette Assemblée l'adoption de principe du projet de loi n° 57, qui est la loi visant la Loi sur les valeurs mobilières. On veut modifier la Loi sur les valeurs mobilières. Je vais faire venir la petite tribune. Madame, s'il vous plaît.

Alors, ce projet de loi, c'est l'occasion pour notre gouvernement de traduire dans le milieu des valeurs mobilières un certain nombre de politiques relatives au bon fonctionnement et au développement du secteur financier québécois, le tout dans le souci de maintenir les hauts niveaux de protection de l'investisseur.

Vous vous êtes rendu compte, M. le Président – et ça c'est une excellente chose – qu'il y a un débat dans le milieu financier québécois, actuellement, qui découle de plusieurs choses, notamment d'une politique gouvernementale où on a relancé vigoureusement les centres financiers internationaux, et avec succès: on a déjà annoncé l'implantation à Montréal d'un très grand nombre de centres financiers internationaux et, deuxièmement, un projet mis de l'avant par la Bourse de Montréal qui consiste essentiellement à spécialiser la Bourse de Montréal dans les options et les futurs, comme on dit, les produits dérivés, celle de Toronto dans les grandes capitalisations et une Bourse de l'Ouest dans les petites capitalisations et les minières. En gros, c'est ça, le projet.

(16 h 10)

Vous savez que le gouvernement ne s'est pas buté ou révulsé devant le projet de la Bourse, mais le gouvernement, avec prudence, a voulu qu'un débat en profondeur se fasse. Et, avant d'approuver ce projet, et nous en sommes loin, le gouvernement a voulu d'abord qu'un comité de gens dévoués provenant du milieu financier et agissant à titre bénévole fasse une première analyse pour le ministre des Finances. Cela a été fait, et non seulement ils m'ont fait un rapport, ils m'en ont faits deux, parce qu'il y a un rapport minoritaire. Et ça ne m'a pas déplu qu'il y ait un rapport minoritaire. Pourquoi? Parce qu'une analyse en profondeur par des gens très spécialisés conclut, pour certains points, à la même chose, mais, pour certains autres, à des positions assez différenciées. Ça veut dire que ce comité nous permet une réflexion plus profonde.

Et vous pensez bien que ce qui fait la différence, c'est le sort des petites capitalisations, petites et moyennes entreprises, les petites compagnies minières, et là j'ai été très heureux de voir qu'un grand nombre de chefs d'entreprises du Québec, et de très grandes entreprises, se sont souvenus qu'ils avaient dirigé des PME, des PME qui ont grandi, et ont fait des déclarations très puissantes pour qu'on garde à Montréal toute la question des capitalisations des petites entreprises. En d'autres termes, ce n'est pas des grands chefs d'entreprises devenus ingrats qui regardent les petites comme du menu fretin puis qui disent: Ça ne nous dérange pas. De très grands ont dit: Nous nous souvenons que nous avons eu besoin de services boursiers. La plupart d'entre eux, d'ailleurs, c'est une prodigieuse réalisation de notre gouvernement qui les a propulsés là où ils sont: c'est le fameux Régime d'épargne-actions qui avait été mis de l'avant par un de mes illustres prédécesseurs, Jacques Parizeau, une des grandes mesures de stimulation de l'économie du Québec.

Alors, pour toutes ces raisons, la place de Montréal est sous examen par la population, par les gens d'affaires. Le gouvernement n'a pas pris de décision. La Commission des valeurs mobilières, dont nous modifions la loi, va faire des auditions, là, dans les jours qui viennent, au début de juin, je crois, pour encore aller plus loin, et le gouvernement se prononcera le temps venu, quand il aura toutes les informations en main de ses interlocuteurs et aussi de consultants que nous avons de diverses places financières du monde, afin que l'intérêt de la communauté financière, économique et de la communauté québécoise en général soit bien servi par tout projet qui pourrait émaner du milieu boursier.

La Bourse de Montréal, c'est curieux, c'est une résultante historique, elle est contrôlée à partir de Toronto. Tout le monde sait ça. Ça ne me rend pas vindicatif. Je ne veux dire rien de mesquin vis-à-vis de Toronto, je veux faire une constatation brutale, qu'il est bien connu que toutes les villes du monde sont en concurrence pour attirer des investissements, pour attirer des services, pour attirer de l'action économique. Donc, Montréal et Toronto sont en concurrence. Cette concurrence est saine, mais il faut en tenir compte dans toute analyse qu'on fait de ce projet de la Bourse.

Pendant longtemps, par exemple, on a dit: Montréal a perdu la bataille des sièges sociaux. J'ai entendu ça, moi, je ne sais pas combien de fois de la part des gens du Parti libéral, en face. Quand j'étais dans le gouvernement Lévesque, ils me questionnaient presque aussi souvent qu'ils me questionnent comme ministre du Revenu depuis un mois, en me disant: Les sièges sociaux sont partis.

Une voix: Ce n'est pas peu dire.

M. Landry: C'était faux et archifaux. C'était une légende pure et simple, comme dans le cas qui nous occupe d'ailleurs depuis un mois, pour l'essentiel de ce que les libéraux disent. Non, Montréal était dans la partie des sièges sociaux. Toronto en a reperdu un très grand nombre aux mains de Calgary ou d'endroits plus à l'ouest encore, comme Vancouver, et Montréal en a perdu, Montréal en a gagné, Montréal est restée le centre des sièges sociaux au Canada. Alors, c'est pour ça qu'il n'est pas question d'abandonner la partie et c'est pour ça qu'on veut que notre Commission des valeurs mobilières ait une loi moderne et ait une loi qui la rend capable d'agir dans un milieu financier dynamique.

Alors, ce projet de loi qui est devant nous donne suite au rapport quinquennal sur la mise en oeuvre de la Loi sur les valeurs mobilières. À tous les cinq ans, comme le mot le dit, nous révisons, et notre gouvernement a complété cette révision avec le document d'accompagnement intitulé Décloisonnement et globalisation: s'adapter aux nouveaux enjeux. Notre réflexion s'est poursuivie et s'est, je pense, bonifiée à la faveur de consultations publiques qui ont été tenues par la suite par une commission parlementaire, on s'en souvient. Au cours de ces consultations, un large consensus s'est dégagé autour de la nécessité de moderniser la législation encadrant les marchés financiers du Québec. Une première étape a été franchie en juin 1997. Nous avons transformé la Commission en agence gouvernementale. On lui a donné une liberté plus grande, on l'a mise à distance du gouvernement.

Donc, dans un premier temps, les nouveaux participants, les développements technologiques, la globalisation des marchés ainsi que notre propre désir de réaffirmer la compétence et la compétitivité du Québec dans le secteur des valeurs mobilières nous ont convaincus du besoin de réformer en profondeur l'administration financière de la Commission des valeurs mobilières du Québec. En juin 1997, nous avons donc transformé la Commission en un organisme capable de répondre à ces enjeux en la dotant du statut de personne morale et en la rendant financièrement autonome.

Seconde étape, le projet de loi n° 57. Aujourd'hui, avec le projet de loi n° 57, nous proposons de passer à la seconde étape des réformes amorcées, c'est-à-dire la concrétisation législative des recommandations formulées au rapport quinquennal et à son document d'accompagnement, avec le bénéfice de l'éclairage des consultations en commission parlementaire.

Nouveaux pouvoirs réglementaires octroyés à la Commission des valeurs mobilières du Québec. Nous proposons, comme on le voit un peu partout dans le monde, que ce soit la Commission et non plus le gouvernement qui, en général, adopte les règlements d'application de la loi. La Commission pourra répondre plus rapidement à l'évolution des marchés et compléter l'exercice de reformulation des règles et normes qu'elle applique. Par ailleurs, le gouvernement n'abdique pas ses responsabilités de gardien ultime de l'intérêt public. En effet, le projet de loi prévoit que les règlements de la Commission devront faire l'objet de l'approbation du gouvernement. Celui-ci pourra également, à défaut par la Commission d'agir, adopter lui-même un règlement à la place de cette dernière. Enfin, l'État, c'est l'État, l'État gouverne et est toujours responsable, ultimement, du bien commun.

De plus, le gouvernement conservera, pour des matières très précises ayant trait aux politiques économiques, la faculté d'exercer lui-même des pouvoirs réglementaires. Il nous apparaît normal de conserver ce pouvoir de coordination et d'initiative au plan réglementaire afin d'assurer au gouvernement sa latitude d'action en matière de politiques économiques.

Nous allons aussi alléger le fardeau de la réglementation par des régimes de concertation multilatéraux. Dans le souci de diminuer le plus possible les coûts supportés par les usagers du marché et les intermédiaires, la Commission participera à la mise sur pied de régimes de concertation multilatéraux. Ces régimes permettront de créer des systèmes plus efficaces pour l'examen des prospectus, l'inscription des courtiers et les demandes de dispense adressées aux régulateurs de marché.

Cette possibilité de collaboration nous apparaît toute naturelle dans le contexte de la libéralisation du marché mondial des produits financiers et des services financiers. Toutefois, cette voie de la concertation organisée devra respecter certains paramètres fondamentaux. La Commission doit garder intactes en toutes circonstances son autonomie décisionnelle et sa discrétion. Elle doit aussi avoir la faculté de se retirer d'un régime de concertation si elle choisit d'assumer seule le traitement d'une affaire. Alors, concertation, oui, mais responsabilité ultime à la Commission.

Parmi les dispositions qui visent des gains d'efficience par la concertation, il y a notamment de pouvoir se fier à l'analyse d'un dossier qui aura été faite par un régulateur de marché d'une autre juridiction – alors, se fier à une analyse faite par la Bourse de New York, ou la Bourse de Toronto – d'être en mesure de reconnaître une documentation étrangère pour les fins de l'application de la loi, de se donner la possibilité de rendre exécutoire au Québec, par homologation devant les tribunaux ordinaires, une décision rendue par un autre régulateur de marché, par simple homologation devant nos cours.

Les régimes particuliers d'information, maintenant. Prospectus. Pour mieux répondre à l'évolution des marchés, le projet de loi donne à la Commission la latitude d'établir par règlement des régimes particuliers d'information en fonction du type d'émetteur ou de la nature des titres à placer. Au-delà du prospectus ordinaire, du prospectus simplifié et du prospectus préalable, il sera dorénavant possible d'établir, par exemple, des régimes particuliers d'information pour régir les émissions internationales.

Au chapitre de la protection des investisseurs, la supervision des marchés se doit d'être efficace; la confiance de l'investisseur, qu'il soit individuel ou institutionnel, est à ce prix. Alors, il y a des pénalités administratives. La Commission se verra octroyer le pouvoir d'imposer des pénalités administratives aux courtiers ou aux émetteurs qui font défaut de respecter les obligations prescrites par la loi.

Conflit d'intérêts ou apparence de conflit d'intérêts. Le projet de loi agit également sur le processus de placement de valeurs mobilières par les entreprises de manière à en assurer la régularité lorsque ce processus implique des intermédiaires liés aux banquiers de ces entreprises. Les situations de conflit d'intérêts potentiel à l'occasion des placements de valeurs seront mieux encadrées. En effet, le courtier aura l'obligation de se comporter avec les intervenants auxquels il est lié de la même manière que lorsqu'il traite à distance. Parce que vous parlez des dangers de ces concentrations, mondialisation, fluidité, bien, un des dangers, c'est justement l'occasion beaucoup plus grande de conflits d'intérêts. Alors, c'est la raison pour laquelle nous agissons de façon nouvelle en cette matière, ou, en tout cas, de façon modernisée.

(16 h 20)

L'encadrement, maintenant, des systèmes électroniques de négociation. La Commission se voit également accorder certains pouvoirs spécifiques afin d'encadrer les systèmes électroniques de négociation, notamment ceux dont on dit qu'ils sont à propriété privée. Ces systèmes de nature hybride par rapport aux marchés boursiers traditionnels soulèvent une problématique tout à fait cruciale au niveau de la fragmentation des marchés et de la protection des investisseurs. C'en est une autre, révolution, ça. C'est celle de l'électronique où les investisseurs eux-mêmes et les zinzins, les investisseurs institutionnels, utilisent à un haut degré l'informatique, l'informatique connectée sur les places financières qui elles-mêmes utilisent à un haut degré l'informatique. Alors, ça pose des problèmes de régulation, évidemment, qui n'existaient pas quand tout se faisait à la criée puis qu'on voyait les agents sur le parquet de la Bourse se faire des signes visuels. La Commission pourra décider que le promoteur d'un tel système électronique doit être reconnu à titre d'organisme d'autoréglementation ou de courtier pour pouvoir opérer au Québec et établir des régimes particuliers adaptés aux différents systèmes.

Quant à la divulgation de la rémunération des dirigeants de personne morale, c'est un débat qu'on a eu dans notre société. Il y a même un projet de loi privé qui a été mis de l'avant par notre ancien collègue Jean Garon. Nous avons cheminé, et maintenant voici ce que nous proposons dans le but d'assurer une application encore plus efficace de la Loi sur l'information concernant la rémunération des dirigeants de certaines personnes morales. Cette loi doit être modifiée afin d'octroyer à la Commission, aux fins de son application, les mêmes pouvoirs qu'elle possède en rapport avec la divulgation dans la Loi sur les valeurs mobilières. Ainsi, la Commission pourra également ordonner la modification des documents d'information lorsqu'elle jugera que l'information présentée ne rencontre pas les objectifs de transparence et de clarté recherchés par le législateur.

Enfin, comme plusieurs de ces lois, il y a des modifications de concordance. Plusieurs modifications de concordance sont apportées à la Loi sur les valeurs mobilières afin, d'une part, de refléter la nouvelle terminologie employée par le Code civil, comme on le fait dans plusieurs de nos lois. On essaie d'avoir une cohérence de vocabulaire et de langage entre le Code civil, qui est le coeur de notre législation civile, et les textes administratifs, et les autres dispositions réglementaires.

Je conclus, M. le Président, en disant que nous avons au Québec une Commission des valeurs mobilières qui est en mesure, j'en suis convaincu, de remplir adéquatement les importantes fonctions que nous lui avons confiées et de faire connaître et même de faire prévaloir le point de vue québécois en matière de réglementation des marchés financiers au plan canadien et même international. Avec le projet de loi n° 57, nous assurerons à la Commission une efficacité optimale dans la poursuite de ses objectifs.

Je dois dire qu'une personne qui nous a profondément aidés dans la transformation de notre Commission des valeurs mobilières, et qui a accepté de la diriger pendant un certain nombre d'années, et qui la quitte maintenant, c'est Me Jean Martel, qui est un homme d'une extrême compétence et probité. D'ailleurs, sa compétence a attiré la convoitise – ha, ha, ha! – d'un grand bureau d'avocats privé. Il va aller maintenant bâtir le secteur corporatif et commercial d'une grande étude d'avocats privée. Mais, pendant qu'il était avec nous, il a sûrement été l'âme dirigeante de la plupart de ces réformes. Je pense que notre société doit lui en être reconnaissante.

Il n'a pas terminé totalement son oeuvre, parce qu'il y a encore d'autres choses à faire, qu'on est en train de faire: d'abord, ajouter des effectifs et du personnel – le Conseil du trésor en a déjà approuvé une série, il y en a d'autres qui sont en voie d'approbation – et aussi, je dois le dire, ajuster la rémunération. Les gens de la Commission des valeurs mobilières, avec des variations suivant les diverses fonctions, ne sont pas payés suivant ce que le marché pourrait exiger, sauf qu'ils émargent à un pouvoir fiscal que leur donne le gouvernement. Le gouvernement leur donne le droit de faire payer leurs services par les usagers, et ils le font. C'est comme si nous leur déléguions notre pouvoir fiscal. Donc, ils collectent de l'argent du public, et le public ne peut pas refuser. C'est ça, un pouvoir fiscal, comme le reste de notre fiscalité.

Donc, ils émargent aux finances publiques, et vous savez que notre gouvernement est extrêmement rigoureux en matière de rémunération des salariés suivant nos moyens. Toutes les personnes assises aux banquettes de cette Assemblée nationale ont vu leur salaire diminuer de 6 %, les députés et les ministres, incluant vous-même, M. le Président, et celui qui vous parle a baissé son salaire de 6 % parce que nous avions eu un héritage désastreux et que nous devions donner l'exemple dans la reprise en main de nos affaires. Les fonctionnaires aussi ont vu non pas leur salaire diminuer, mais au moins la masse d'entre eux diminuer de façon telle qu'on est arrivé à 6 % sans que ça se fasse sur chacun des individus. Mais il y a eu les départs assistés, il y a eu toutes sortes de choses. Donc, toutes les couches de la société ont fait leur effort. Puis, là, on est arrivé à un déficit zéro et on est en mesure de refaire des offres, qui ne sont pas évidemment adaptées aux attentes, mais qui sont adaptées à notre capacité de payer.

Dans ce contexte, la Commission des valeurs mobilières, pour rencontrer les exigences du marché, aurait eu la possibilité raisonnable d'avoir des augmentations de salaire spectaculaires. Et nous n'avons pas dit oui, le gouvernement n'a pas dit oui. Le gouvernement n'a pas dit oui, parce qu'il a dit à à peu près tout le monde, sauf pour des montants, encore une fois, raisonnables et adaptés à notre capacité de payer, et pour les gardiens et les gardiennes de nos enfants et de nos petits-enfants...

Là, il y avait une priorité. Ni les juges, ni les hauts fonctionnaires, ni la Commission des valeurs mobilières n'ont eu les augmentations auxquelles, peut-être, dans un contexte de finances publiques qui auraient été bien gérées depuis 10 ans, ils auraient pu aspirer. On a fait une exception.

Nous ne voulions pas, en tout respect pour les gens de la Commission des valeurs mobilières, donner des augmentations telles – et si on voulait payer, disons, comme à Toronto, c'est ça qu'on aurait fait – qu'elles auraient, pour une seule de ces augmentations, été l'équivalent du salaire de 10 gardiens ou gardiennes d'enfants. Vous voyez ce que je veux dire, M. le Président?

Alors, on n'a pas nié que des choses importantes devront être faites en matière d'ajustement de rémunération. Nous le ferons quand nous le pourrons. Nous le ferons quand l'économie nous aura donné tout ce qu'elle doit nous donner et qu'on aura baissé les impôts et les taxes de tout le monde, ce qui est la prochaine priorité. Et le temps viendra où ceux et celles qui aspirent à des rémunérations plus importantes, y compris les députés, d'ailleurs, qui ont donné l'exemple de baisser leur salaire, pourront revenir à des choses plus considérables. Mais, malheureusement, on n'a pas pu le faire pour la Commission des valeurs mobilières. On va leur donner plus de personnel. On étudie leur projet d'ajustement de rémunération. Mais l'État doit assurer le bien commun et ne pas semer la frustration en traitant les uns autrement que les autres.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Les enjeux de la Commission des valeurs mobilières, je l'ai soulevé dans cette Chambre, sont très importants. Comme la plupart des observateurs, nous croyons qu'une Commission des valeurs mobilières qui est bien gérée, qui est forte, qui est saine constitue le pilier des marchés financiers. La Commission des valeurs mobilières, c'est le chien de garde de l'épargne des Québécois. C'est la Commission des valeurs mobilières, beaucoup plus que la Bourse de Montréal, qui est importante pour assurer la vigueur du marché financier et pour assurer également la qualité du fonctionnement du secteur financier.

Or, la Commission des valeurs mobilières se trouve aujourd'hui dans une situation que je qualifierais d'intolérable. Pourquoi est-ce une situation intolérable? C'est une situation intolérable parce qu'elle se trouve dans la difficulté de ne pouvoir embaucher le personnel dont elle a besoin. Elle ne peut embaucher le personnel dont elle a besoin parce que c'est le Conseil du trésor qui tatillonne, qui évalue le nombre de personnes-année et qui détermine si on a besoin ou on n'a pas besoin de ces employés.

(16 h 30)

Or, la Commission des valeurs mobilières a estimé qu'elle avait besoin de 200 personnes, même plus de 200 personnes, et elle se trouve toujours à n'avoir que 150 employés. Ce ne serait pas trop grave, M. le Président, d'avoir seulement 150 employés si on n'avait pas 350 cas en attente, de fraude potentielle. Ça, c'est énorme. C'est deux fois plus que la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, avec la moitié moins de monde.

C'est donc dire que la Commission des valeurs mobilières est dans une situation... Elle a aujourd'hui les mains attachées et elle ne peut pas accomplir les tâches qu'elle est appelée à combler à cause du rôle important que lui donnent le secteur financier et tous les Québécois, à savoir évaluer la qualité des investissements qu'ils vont faire dans les diverses sociétés québécoises.

C'est donc dire que le ministre s'est vanté, et à juste titre, d'avoir donné plus de latitude au projet de loi. Et je vais le citer, quand ce projet de loi a été voté, le 28 mai 1997, c'est donc dire il y a deux ans: «Les objectifs visés, disait le ministre des Finances, par les modifications que je propose sont d'abord de responsabiliser davantage les participants au marché des valeurs mobilières, d'accorder à la Commission toute la souplesse d'action requise pour lui permettre d'assurer un leadership. Actuellement, cette Commission est un organisme gouvernemental financé à même les crédits alloués au ministère des Finances, et plus spécifiquement par le programme 7. Elle est également régie par la Loi de la fonction publique.»

Or, la Commission des valeurs mobilières aujourd'hui ne relève plus du gouvernement, en ce sens que son financement est autonome. Elle se finance, dans le fond, basé sur le principe de l'utilisateur-payeur, c'est-à-dire les frais par les entreprises qui veulent utiliser le service et les frais par les investisseurs qui achètent les titres. C'est donc dire que la Commission des valeurs mobilières, en dépit du fait qu'on a passé un loi pour lui donner plus d'autonomie, plus de liberté et plus de marge de manoeuvre dans ses opérations, se voit, aujourd'hui encore, les mains attachées, les mains nouées. Et le président de la Commission des valeurs mobilières doit constamment faire des demandes au Conseil du trésor pour obtenir le personnel qu'il devrait avoir et qu'il est non seulement sage mais nécessaire d'avoir pour assurer un bon fonctionnement de la Commission des valeurs mobilières.

Je vais citer à nouveau, lorsque ce projet de loi, le 28 mai 1997, a été passé, ce que le ministre des Finances disait à l'époque: «Alors, M. le Président, le projet de loi n° 139 – à l'époque, donc il y a deux ans – il est donc globalement important, pour des raisons que j'ai évoquées et par le fait qu'il transforme la Commission des valeurs mobilières du Québec en un organisme financièrement autonome et mieux en mesure de répondre rapidement – entendons-nous, là, rapidement! – aux besoins des marchés et aux préoccupations des participants aux marchés.» «Rapidement». Je ne sais pas ce que ça veut dire, «rapidement», ça. Quand ça fait deux ans qu'on a passé un projet de loi pour précisément donner plus d'autonomie à un organisme quelconque, je pense que c'est là avoir une notion du temps qui ne reflète pas la notion du temps dont on souhaite que se prévale tout le secteur financier.

Il y a eu plusieurs critiques faites à l'endroit du gouvernement au sujet de la Commission des valeurs mobilières. Ce pourquoi il y a eu beaucoup de critiques, c'est que les gens sont parfaitement conscients, et les analystes financiers sont parfaitement conscients du danger de ne pas avoir une Commission des valeurs mobilières de qualité. Parce que, si la Commission des valeurs mobilières n'a pas le service, les employés et tout le personnel auxquels elle doit faire appel pour assurer la qualité des investissements et du secteur financier, eh bien, il va se passer des choses. C'est qu'il va se passer des erreurs, il va arriver des erreurs, il va y avoir des fraudes, et les gens ne seront pas au courant.

Et rappelons-nous que les gens qui investissent dans les entreprises québécoises, surtout les petites entreprises, ce sont des épargnants du Québec. Rappelons-nous d'ailleurs qu'il y avait 18 % des Québécois qui avaient des actions il y a de ça 10 ans. Aujourd'hui, c'est monté à 25 %, 10 ans plus tard. C'est donc dire que les Québécois, aujourd'hui, ont décidé d'utiliser leurs épargnes qu'ils font fructifier dans des entreprises au Québec et qu'il est donc très important d'avoir une Commission des valeurs mobilières de qualité.

Aujourd'hui, donc, je disais, la Commission des valeurs mobilières a bien 150 employés, elle en aurait besoin de 200 pour suffire à la tâche. D'ailleurs, durant cette même période de temps – je vais citer Miville Tremblay, qui écrivait ça, M. le Président, en avril 1999: «La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario est passée de 225 employés à 319. Le Commission des valeurs mobilières de Montréal est passée de 125 à 150. Elle a besoin de 200 personnes.»

Le drame de tout ça, c'est qu'il y a un commissaire, une personne, un enquêteur pour quatre dossiers en Ontario; il y a un enquêteur pour 25 dossiers au Québec. C'est donc dire qu'on joue avec le feu, on prend des risques. On prend des risques, nous, que je juge inutiles, M. le Président, surtout que la Commission des valeurs mobilières avait un surplus de 12 000 000 $. Quand on a un surplus de 12 000 000 $, je pense qu'il y a lieu de s'interroger quand on ne permet pas à cette même Commission d'embaucher les personnes dont elle a besoin. C'est, dans le fond, de faire le contraire de ce qu'on avait dit dans le projet de loi. Et, si le ministre des Finances est sincère quand il parle, bien, il devrait se rappeler et lire ses propres propos qu'il tenait il y a deux ans au sujet de la refonte de cette loi-là – à l'époque, le projet de loi n° 139 – et se rappeler de ce qu'il disait, de l'importance de donner à la Commission des valeurs mobilières son autonomie, de s'assurer que ces gens-là peuvent embaucher les personnes qui sont aptes à effectuer le travail.

Aujourd'hui... On me disait hier qu'on a de la misère à embaucher un comptable agréé à la Commission des valeurs mobilières parce que imaginez-vous que l'échelle de salaire est la même que celle du gouvernement, sauf que les employés de la Commission des valeurs mobilières n'ont plus de sécurité d'emploi, ils ne relèvent plus du gouvernement. Donc, vous n'êtes même plus capable de venir recruter des personnes qui seraient des employés du ministère des Finances, par exemple, parce que, pour un salaire analogue, les employés du ministère des Finances vont hésiter à aller à la Commission des valeurs mobilières.

Je disais donc, M. le Président, qu'aujourd'hui, avec 150 employés au lieu des 200 dont elle a besoin, la Commission des valeurs mobilières est en danger, et je pense que c'est important qu'on se rappelle de ce phénomène, de cette situation-là aujourd'hui, et que non seulement on s'en rappelle, mais qu'on en tienne compte et qu'on tienne parole. Quand on dit quelque chose dans cette Chambre et qu'on dit qu'un projet de loi va faire quelque chose, il faudrait que ça ait des répercussions, il faudrait qu'on se rappelle de ce qu'on a dit et qu'on mette en vigueur la réforme qui s'impose.

On apprenait d'ailleurs il y a à peine de ça deux semaines la démission du président de la Commission des valeurs mobilières, M. Jean Martel. M. Martel a invoqué auprès du ministre... Le ministre nous a rappelé qu'il a démissionné. Il avait pris un engagement de trois ans – et c'est vrai – puis il est resté quatre ans. Donc, il a décidé d'aller ailleurs. Sauf que M. Martel a parlé à d'autre monde également – je ne peux pas les citer personnellement, mais je sais qu'il a parlé à d'autres personnes – à l'effet qu'il trouvait épuisant de devoir toujours se battre, alors que lui est en compétition avec des organismes analogues au Canada, notamment en Ontario, à Toronto, où la qualité du personnel... Ils sont capables de recruter le personnel qu'ils désirent recruter. Ils sont capables d'offrir les salaires auxquels ces gens s'attendent généralement dans ce milieu financier. Et, par conséquent, il devient complètement démotivant pour un président qui veut accomplir une tâche professionnelle et qui se voit dans l'impossibilité d'accomplir la tâche pour laquelle on l'a mandaté d'accomplir.

(16 h 40)

Donc, nous nous retrouvons aujourd'hui avec une Commission des valeurs mobilières sans président, au moment où les bourses canadiennes, et par le fait même la Bourse de Montréal, sont à une phase critique de leur développement. On a entendu le projet de réforme qui est proposé par la Bourse de Montréal, projet de réforme, d'ailleurs, qui a été analysé par un groupe d'experts qu'a choisis le ministre des Finances, et qui nous a dit combien toutes ces personnes étaient compétentes, des gens issus du milieu financier. Et ce comité a également, dans son rapport qu'il a remis au ministre des Finances, émis des réserves au niveau de la Commission des valeurs mobilières.

Le comité Turmel, comme on l'a identifié, soulève donc plusieurs problèmes. Il affirme que la Commission des valeurs mobilières devra avoir les moyens d'accompagner et d'aider la Bourse de Montréal afin d'accroître et de permettre une croissance dans ses activités futures. On a parlé, par exemple, de transformer la Bourse de Montréal et de lui donner principalement le rôle des produits dérivés. Les produits dérivés, ce sont des produits extrêmement sophistiqués. Je ne veux pas les décrire aujourd'hui, parce que, dans le fond, ce sont des principes d'assurance du secteur financier, ce sont des principes qui nous permettent d'éviter de prendre de grands risques, tout comme le domaine de la réassurance, par exemple. Et donc, la Bourse de Montréal se verrait donner cette nouvelle mission de produits dérivés.

Or, ce qu'on me disait, c'est que, actuellement à la Commission des valeurs mobilières du Québec, on est incapable... on n'a pas, d'abord, de personnes qualifiées, de ressources capables de travailler dans ce monde complexe des produits dérivés. Non seulement on n'est pas capable d'avoir de personnes, mais on n'est pas capable d'en recruter. Et c'est donc dire que, si on n'est pas capable de recruter des personnes dans ce secteur de produits dérivés, qui est névralgique, je pense que ça va nuire au secteur financier de Montréal.

Ce qui se passe, M. le Président, dans tout ça, c'est que la nature a horreur du vide. Quand un organisme n'accomplit pas le mandat pour lequel il a été créé, que font les gens dans ces situations? Bien, c'est simple, ils vont à une autre Commission des valeurs mobilières, ils vont s'inscrire ailleurs, ils vont s'inscrire seulement à Toronto, ils vont s'inscrire à NASDAQ, ils vont s'inscrire à New York. Mais, si les gens sentent que la Commission des valeurs mobilières n'accomplit pas sa mission, il est clair que les gens vont déserter Montréal. Ils vont déserter Montréal pour la simple raison qu'ils vont trouver que c'est risqué de passer par cet organisme.

Donc, je ne veux pas, M. le Président, créer trop d'émoi autour de la Commission des valeurs mobilières, mais je pense qu'il est important qu'on se rappelle l'importance de cet organisme au niveau du secteur financier. D'ailleurs, quand un homme de l'envergure de M. Turmel, celui qui a présidé ce comité mis en place par le ministre des Finances, lui-même soulève des réserves au niveau de la Commission des valeurs mobilières, je pense que nous pouvons nous interroger quant à la politique suivie par le ministère des Finances actuellement, c'est-à-dire de contrôler la Commission des valeurs mobilières, de contrôler les salaires qui sont donnés à la Commission des valeurs mobilières et de contrôler le nombre de personnes que peut utiliser la Commission des valeurs mobilières.

D'ailleurs, dans un article publié en juin 1998, il y a de ça, donc, un an, Miville Tremblay avait encore une fois sonné l'alarme. Parce qu'il y a peu de gens... Vous comprenez, c'est un domaine ésotérique, c'est abstrait, les gens ne se retrouvent pas beaucoup dans cette Commission des valeurs mobilières: À quoi ça sert finalement? Les gens ne savent pas reconnaître l'importance de cette Commission, puisque c'est utilisé par un petit pourcentage de la population – important mais petit pourcentage de la population.

Et donc, je vais citer ce que disait Miville Tremblay, puisqu'il citait le président de la Bourse de Montréal: «"La Bourse de Montréal aimerait lancer de nouveaux produits dérivés – vous vous rappelez qu'on veut donner à la Bourse de Montréal la vocation des produits dérivés – mais personne, dit-il, à la Commission des valeurs mobilières du Québec ne comprend ces instruments complexes. Elle aimerait établir des liens avec de grandes bourses nord-américaines, mais la Commission des valeurs mobilières n'a pas d'analyste de la réglementation internationale", explique M. Lacoste», qui d'ailleurs a déjà présidé la Commission des valeurs mobilières du Québec.

D'ailleurs, dans ce même article de Miville Tremblay, puisque Miville Tremblay fait beaucoup d'articles sur ou la Bourse ou la Commission des valeurs mobilières, il écrivait ceci, il citait Guy Jolicoeur, de la firme CIBC–Wood Gundy: «On joue avec des allumettes et de la dynamite – d'accord, c'est ce qu'il disait. C'est la crédibilité du secteur financier dans la population qui est en jeu.»

Or, rappelons-nous que le ministre des Finances avait à juste titre tenu tête au ministre des Finances à Ottawa, qui avait voulu créer une Commission des valeurs mobilières nationale. Et cette Commission des valeurs mobilières se serait trouvée à Toronto. C'était supposément par souci d'efficacité. On a voulu regrouper à Toronto, puisque le secteur financier se retrouve en majorité dans la capitale de l'Ontario qu'est Toronto. Or, je pense que le ministre des Finances a eu raison. Il fallait garder une Commission des valeurs mobilières au Québec pour répondre aux besoins des Québécois, et en particulier bien sûr non seulement à cause de la culture différente, mais la langue nécessitait qu'on garde une Commission des valeurs mobilières.

Mais il y a des choses qui parfois, si elles ne se passent pas légalement, peuvent se passer de facto, comme j'en parlais plus tôt. C'est-à-dire que, si la Commission des valeurs mobilières n'accomplit pas, ou on n'a pas l'impression qu'elle effectue son travail correctement, et si on est conscient qu'il y a plus de 300 cas d'enquêtes actuellement à la Commission des valeurs mobilières, et si on est conscient qu'il y a une personne pour 25 dossiers à la Commission des valeurs mobilières, bien, on peut s'interroger sur la qualité du travail. Et il est clair que, progressivement, et c'est ce que disait d'ailleurs à un autre moment le président de la Bourse de Montréal, la Commission des valeurs mobilières de Toronto est en train de devenir de facto la Commission des valeurs mobilières nationale.

C'est la raison pour laquelle, M. le Président, j'insiste beaucoup sur la Commission des valeurs mobilières du Québec, parce que je crois sincèrement qu'il faut qu'il y ait une Commission des valeurs mobilières au Québec. Il faut que cette Commission des valeurs mobilières au Québec fonctionne bien et qu'elle soit équipée pour répondre aux besoins des Québécois et de tout le secteur financier au Québec.

(16 h 50)

D'ailleurs, M. le Président, au moment du dépôt de la loi 139 qui accordait un nouveau statut à la Commission des valeurs mobilières, en mai 1997, le critique du Parti libéral avait affirmé qu'il souhaitait que le ministre des Finances dépose un projet de loi concernant ce qu'il appelait la deuxième phase de la loi. C'était l'actuel député de Westmount–Saint-Louis, et je vais le citer, M. le Président: «Donc, que le ministre des Finances dépose le plus rapidement possible, disait-il, ce que je pourrais appeler la "deuxième phase de la Loi modifiant les valeurs mobilières" de façon à ce qu'on puisse accélérer le processus de modification de cette loi et de façon à la rendre plus efficace et plus dynamique le plus vite possible parce que les marchés financiers de Montréal ont besoin de moderniser leur loi et que la partie de modernité que nous avons aujourd'hui n'est en fait que la moitié, ou le tiers, de ce qui doit être fait en ce qui concerne les valeurs mobilières.» Or, aujourd'hui, nous sommes bien loin de cette deuxième étape, nous sommes bien loin de cette deuxième phase de la Commission des valeurs mobilières qui donnerait l'autonomie à la Commission des valeurs mobilières dont elle a besoin.

Le projet de loi actuel apporte des clarifications et, comme le disait le ministre des Finances, dans un domaine incontournable, notamment l'utilisation de l'informatique. Il est clair que l'informatique, c'est la base du système financier. Tout se fait par informatique aujourd'hui et il faut absolument donner à la Commission des valeurs mobilières ce dont elle a besoin pour rendre légitime et légal le travail qu'elle fait dans ce secteur. D'ailleurs, tout le secteur financier utilise l'informatique depuis près de 20 ans pour les transactions en Bourse. Il est même inquiétant de se rendre compte que ça a pris tout ce temps-là pour reconnaître les mécanismes nécessaires à l'application de la Loi sur les valeurs mobilières.

Si le ministre continue à réagir aussi lentement, comme il l'a fait avec le présent projet de loi, et qu'il tarde toujours à accorder le plan d'effectif demandé par le président de la Commission des valeurs mobilières, je pense que nous allons nous trouver dans une situation grave. Je mentionnais plus tôt, M. le Président – et d'ailleurs je me demande si c'est un hasard – que Jean Martel, le président de la Commission des valeurs mobilières, démissionnait le 7 mai et que, le 14 mai, le ministre ressortait ce projet de loi qui était apparu l'an dernier et qui était mort au feuilleton. Y a-t-il eu une coïncidence? Est-ce un heureux hasard ou est-ce parce que finalement il fallait absolument que l'on fasse quelque chose au niveau de la Commission des valeurs mobilières parce qu'on savait très bien que le milieu financier serait très inquiet si on ne faisait rien du tout?

Non seulement le milieu financier a raison d'être inquiet, mais les Québécois qui, de plus en plus, choisissent cette forme d'investissement ont raison d'être inquiets. Ils doivent savoir ce qui se passe dans les investissements qu'ils font. On a eu des ratés, M. le Président, on a eu des ratés au niveau du Québec. Je pense à des MURB, à un moment donné, où j'ai rencontré des dizaines et des dizaines de familles qui, suite à un manque de travail de la part de la Commission des valeurs mobilières, avaient raté les fraudeurs dans ce secteur, n'avaient pas pu les reconnaître, si bien que vous aviez des gens qui avaient hypothéqué la totalité de leur maison. J'ai vu des gens hypothéquer la totalité de leur maison et se voir perdre toutes leurs épargnes.

Donc, quand on parle ici de la nécessité pour la Commission des valeurs mobilières de bien faire son travail, ce n'est pas un caprice, M. le Président, ce n'est pas parce qu'on veut simplement prendre l'attention de cette Chambre et susciter un débat pour susciter un débat, il s'agit effectivement de nous assurer que l'épargne des Québécois est protégée, votre épargne et mon épargne. C'est de ça qu'il faut s'assurer.

Je disais donc, M. le Président... D'ailleurs... Est-ce que je pourrais avoir un verre d'eau, s'il vous plaît?

D'ailleurs, il y avait un autre article dans la Gazette , par Don Mac Donald, qui est un journaliste qui écrit périodiquement dans la Gazette et qui dit ceci de très important, c'était le 14 mai 1999: «Martel's resignation should be an additional, if unfortunate, wake up call for Bouchard and Landry.» Vous me pardonnerez, je cite, M. le Président. «It's time for the Government to stop playing petty politics with the Québec Securities Commission and start thinking about its crucial role in protecting and educating Quebeckers in a world where fraud, deceit and greed are all too prevalent.»

M. le Président, c'est donc dire que, quand un journaliste de l'envergure de M. Mac Donald rappelle tout le côté dangereux de ce secteur financier... Ce ne sont pas toujours des enfants de choeur, là, qui veulent venir chercher notre argent et qu'on leur prête notre argent, il y a très souvent des gens qui ont finalement des objectifs qu'on pourrait qualifier de malhonnêtes, et c'est la raison pour laquelle je fais appel au ministre des Finances pour qu'il apporte les correctifs de façon urgente dans l'administration de la Commission des valeurs mobilières.

Et, si le ministre des Finances veut s'offenser quant au salaire qu'on devrait offrir au président de la Commission des valeurs mobilières, peut-être qu'il pourrait nous dire aujourd'hui quel est le salaire qu'il donne au président de la Société générale de financement. Et je pense qu'il doit y avoir autant d'autonomie, d'accord? à la Commission des valeurs mobilières, et même plus puisque, dans ce cas-là, ce n'est pas financé par les payeurs de taxes, mais c'est financé par le secteur lui-même. Et, s'il manquait d'argent, je serais d'accord pour reconnaître qu'il y a un manque d'argent et que le secteur financier ne veut pas payer davantage et qu'il y a des impératifs, mais il s'avère qu'il y a 12 000 000 $ de surplus à la Commission des valeurs mobilières, argent, d'ailleurs, que va chercher le ministère des Finances. Argent que va chercher le ministre des Finances, il s'en sert lui-même pour ses propres dépenses gouvernementales.

M. le Président, comme l'avait fait le critique des finances du Parti libéral, le député de Westmount–Saint-Louis, il y a un an, alors que nous avions demandé, il y a deux ans, ce projet de loi... Et nous croyons qu'il contient des mesures importantes pour que la Commission ait une partie importante... Et j'insiste, une partie seulement, car la Commission est encore aux prises avec de graves problèmes d'effectif. Par ailleurs, nous appuyons, bien sûr, le principe du projet de loi n° 57.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Avant de vous céder la parole pour la réplique, je vais reconnaître le député de Chomedey et le leader adjoint de l'opposition officielle. M. le leader adjoint.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières, Bill 57, An Act to amend the Securities Act.

Mr. Speaker, one the obvious aspects of regulatory practice is the need to enforce the legislation. In the case of securities legislation, it's all the more important to ensure that the provisions that are in place are going to be able to be applied.

(17 heures)

Ce qui va sans dire, M. le Président, lorsqu'on est dans un texte de réglementation comme celui-ci, lorsqu'on crée un organisme qui doit veiller à protéger un aspect de l'intérêt public au nom du gouvernement, il faut s'assurer qu'on dispose de tous les moyens appropriés pour y arriver. Vous savez comme moi que c'est de plus en plus commun de passer devant une usine et de voir que l'usine a reçu un agrément ISO. Ça veut dire qu'il y a certaines normes qui sont respectées: les pratiques, la manière de procéder, la fabrication, ce qui veut dire que d'autres personnes qui transigent avec peuvent se fier, que ces procédures-là ont été suivies et que ce qui sort de cette usine-là va être compatible avec ce qu'ils doivent faire comme travail.

Dans le domaine de la réglementation, ça ne me surprendrait pas qu'un jour on arrive à une situation un peu semblable, que les commissions des valeurs mobilières, qu'il s'agisse de celle du Québec ou d'une autre province ou d'un État aux États-Unis, arrivent à comparer la valeur de leur travail respectif, et ça irait dans l'intérêt de la population.

Vous remarquerez sans doute, M. le Président, quand vous lirez notre Loi sur les valeurs mobilières, que, dans la version anglaise, on parle toujours de «the investor», l'investisseur, la personne qui procède à un investissement. La version française utilise le terme «l'épargnant». Même si on renvoie à la même notion, je trouve que la version française est plus juste, parce que ça nous rappelle que, justement, il s'agit de personnes comme vous, comme moi, comme d'autres qui nous écoutent, qui se disent: C'est une autre manière de placer notre épargne. On peut la mettre dans un compte avec un taux d'intérêt fixe, et on sait qu'il n'y a pas de risque pour notre capital, puis ça va croître lentement, dans le monde où on est aujourd'hui. Par contre, les gens qui sont ainsi disposés peuvent décider d'investir une partie de leurs économies – ce sont des épargnants – dans une Bourse. Quand ils le font, ils veulent s'assurer qu'il y a des règles de base qui sont suivies, par exemple qu'il n'y a personne qui dispose d'une information interne; en anglais, on parle de «inside», d'où le terme, en anglais, «insider trading», c'est-à-dire de faire des délits d'initié, d'être au courant d'informations, à cause de notre position, que personne d'autre n'a. Ça, c'est un travail important de la Bourse.

Aussi – et ce sont des aspects qui ont été évoqués tout à l'heure – il faut s'adapter constamment aux nouvelles réalités technologiques, notamment en matière de technologies de l'information. On se souviendra tous de la débâcle, voilà deux ans, quand ça a été rendu public que beaucoup de restaurants, notamment dans la région de Montréal, utilisaient ce qu'ils appelaient un «clipper chip», c'est-à-dire un microprocesseur qui permettait de court-circuiter l'addition juste des revenus du restaurant. Et c'était intrigant de constater que notre ministère du Revenu semblait vraiment être d'une autre époque là-dessus. Il n'y a personne qui avait catché ça, il n'y a personne qui était au courant, puis les journalistes sont tombés dessus puis ils l'ont dévoilé. Je me souviens même d'avoir entendu le ministre des Finances dire: Bien, c'était très bien que les journalistes aient agi de la sorte. Mais la vraie question était: Comment ça se fait qu'avec les milliers et les milliers d'employés personne au ministère du Revenu du Québec n'avait vu ça? C'est à se demander si on ne se base pas plus sur les mémérages – voir celui qui conduit un plus gros camion qu'il ne devrait – que sur le fait qu'il y a aujourd'hui des mécanismes qui existent pour contourner la loi, comme l'utilisation des microprocesseurs dans le domaine de la restauration.

Ce qui nous amène au projet de loi qui est devant nous, M. le Président, est l'aspect, justement, de l'application de la loi. À l'article 81 du projet de loi, qui vient ajouter un nouvel article 297.1 à la Loi sur les valeurs mobilières, on peut lire ceci: «La Commission peut communiquer un renseignement nominatif, sans le consentement de la personne concernée, à une personne ou un organisme qui est chargé en vertu d'une loi de prévenir, détecter ou réprimer le crime ou les infractions – et ça, c'est un terme très important dans la rédaction de cet article-là – aux lois à l'extérieur du Québec, si le renseignement porte sur une infraction à la présente loi ou à une loi en matière de valeurs mobilières applicable à l'extérieur du Québec.»

The English version of Section 297.1, which is to be added by Section 81 of the bill under study, Mr. Speaker, provides as follows: «The Commission may communicate nominative information – that means with your name on it, the information that you've already given over to the Commission to get your prospectus, for example, approved – without the consent of the person concerned, to a person or organization responsible, by law, for the prevention, detection or repression of crime or statutory offences outside Québec, if the information relates to an offence under this Act or under securities legislation applicable outside Québec.»

À première vue, M. le Président, ça vise un but louable. On se dit: Bon, si on a de l'information, même nominative, c'est-à-dire qui concerne une personne et qui permet de l'identifier, mais que ça concerne une loi semblable, on peut le communiquer à une personne physique ou morale ou à un organisme gouvernemental, même à l'extérieur du Québec.

Ce qui est intéressant ici, c'est qu'on parle d'une infraction, et justement, lu littéralement, ça voudrait dire qu'il faudrait avoir une condamnation avant de pouvoir faire une telle transmission de renseignements, ce qui serait un moindre mal. Parce qu'on ne peut pas avoir une infraction sans condamnation, sinon on utiliserait un autre terme. Puis, dans la version anglaise, c'est la même chose. Sauf que, si on parle tout simplement d'un dossier qui porte sur quelque chose qui serait une infraction, si preuve il y avait devant un tribunal, il y a lieu de s'inquiéter quelque peu de la rédaction proposée de l'article 297.1.

On se souviendra tous qu'au mois de novembre 1997, lorsque les premiers grands dossiers ont éclaté au grand jour concernant la vente d'informations nominatives au sein de différents ministères et organismes, il y a eu plusieurs personnes congédiées au ministère du Revenu. Il y avait eu même un congédiement à la Société de l'assurance automobile du Québec. Il y avait quatre organismes qui avaient été évoqués. Mais il y en a un, qui est la Commission des valeurs mobilières du Québec, où l'enquête n'a jamais abouti. Du moins, malgré nos questionnements en Chambre, on n'a jamais su qui, à la Commission des valeurs mobilières du Québec, pouvait être impliqué, si c'était le cas, dans une telle difficulté à l'égard de la conservation de l'information confidentielle et nominative, qui pouvait être en train d'utiliser sa position. Parce qu'il va sans dire que, lorsqu'on a le pouvoir de faire des enquêtes comme ça, on sied notre demande d'information sur toute l'autorité de la loi votée par l'Assemblée nationale, on va avoir accès à plein de choses.

L'information, qui était publique, qui a été publiée à l'époque, était à l'effet qu'il y avait des problèmes non seulement aux organismes et ministères que je viens de nommer, mais aussi à la Commission des valeurs mobilières du Québec. Il faut bien s'entendre, il n'y a personne, de ce côté-ci de la Chambre, qui est en train de dire qu'il ne faut pas donner à la Commission des valeurs mobilières du Québec tous les outils dont elle a besoin pour appliquer sa loi. Cependant, avec toute l'expérience qu'on a eue avec ce gouvernement depuis les 18 derniers mois en matière d'accès à l'information, d'incapacité de préserver le contrôle des renseignements confidentiels nominatifs, la rédaction proposée de l'article 297.1 nous inquiète quelque peu. Et, dès ce stade-ci, dès la première occasion, avec ma collègue responsable du dossier des finances, comme porte-parole de l'opposition, on tenait à signaler qu'on va porter une attention particulière sur cette section-là.

Mr. Speaker, given everything that's happened over the past 18 months in Québec with regard to the successive failures to provide adequate protection for personal and nominative information, we're going to require of this Government detailed explanations concerning the drafting of Section 297.1 which they're proposing to add to the Québec Securities Commission Act. No one on this side of the House, Mr. Speaker, is going to say that small investors, people who are putting in good faith their money into the stock market, shouldn't have every occasion to be protected.

We've also got to be careful however and look at the track record, what's happened during their watch. In this Government, there have been a succession of failures to provide adequate protection for private confidential nominative information. So, before allowing what could become an occasion to allow this sort of information to circulate too freely, we're announcing now, right at the outset, that we're going to hold the Government to account on the drafting of this article.

(17 h 10)

We want to make sure that, in the spirit of this legislation, Québec is giving itself the ability to apply its securities regulations properly. Our securities regulations are wanting right now. My colleague has just made a very eloquent demonstration of the fact that here, in the Province of Québec, in some respects, we're lagging far behind. We don't have sufficient resources at the Québec Securities Commission to carry out the necessary investigations. We don't have the necessary expertise, as she quite correctly pointed out, to deal with some of the new matters that can be dealt with on the market in particular with regard to derivatives.

These are new means of investing, they're also quite complex, they require a great deal of expertise. They also require us to put in place people who have the experience and the training and the knowledge to be able to apply existing rules to these new documents, to these new means that exist, as we say, in particular with regard to derivatives.

Il est dit que Montréal, si tout va bien, pourrait devenir un chef de file dans l'échange de ces nouveaux produits. Évidemment, il est souhaitable que l'expertise qui existe déjà à Montréal serve le mieux possible justement non seulement pour ce qui existe déjà, mais aussi pour attirer d'autres compétences. C'est sûr que, avec une capacité de travailler en anglais et en français dans notre coin de l'Amérique du Nord, ça nous donne un pied vers l'Europe, ça nous donne la capacité de transiger, on espère, ou continuer de transiger avec les États-Unis. Mais, à la base, M. le Président, toute la crédibilité de notre Bourse, de nos structures est fonction de la crédibilité, de notre capacité de mener des enquêtes, de notre capacité d'appliquer notre loi.

Quand j'entends ma collègue de Marguerite-Bourgeoys expliquer qu'il y a une grande difficulté dans le fait qu'en ce moment il y a au-delà de 300 causes qui devraient faire l'objet d'enquêtes et d'actions en vertu de la loi qui sont en attente, je m'inquiète. J'ai trop souvent vu au cours de ma carrière ici, à Québec, des structures mises en place, et on pense que – justement, c'est le cas de le dire – par pensée magique, ça va s'appliquer tout seul, tout ça, on va faire suffisamment de réunions de fonctionnaires, puis, tout d'un coup, tout le monde va avoir peur de l'organisme en question. Faut chercher les gens compétents dans le domaine de la répression de l'inconduite à l'égard de la Bourse et de ces produits-là. C'est une idée qui circule beaucoup de ce temps-ci à propos des corps policiers, on veut s'assurer que les gens sont formés de plus en plus. Lorsqu'on regarde la formation que ça exige aujourd'hui pour être policier, on fait un cours au secondaire, trois ans postsecondaires au cégep, ensuite l'Institut de police du Québec, et ça, c'est pour rentrer dans la police moderne où tous les gens qui sont appelés à faire ce travail-là maintenant sont confortables avec les ordinateurs, ont une longueur d'avance sur la formation qui existait il y a à peine une génération.

C'est la même chose ici. Ce n'est pas parce qu'on adopte une loi qu'on va pouvoir s'assurer que l'argent des épargnants va être sauvegardé. Et ce n'est pas parce que c'est un but louable de veiller à sauvegarder l'intérêt des épargnants qu'on va permettre qu'un article comme 297.1 soit adopté tel quel, sans qu'on ait reçu la garantie que les autres garde-fous, les autres murs de feu qui doivent exister entre cette information-là et non seulement les organismes dans notre propre gouvernement, mais à l'extérieur... À moins que, tout ça, ça soit bien expliqué et bien défini, parce que, malheureusement, on a eu trop d'exemples au cours des 18 derniers mois où, toujours avec un but valable... Ah! On veut arrêter la fraude fiscale, donc on va permettre le croisement de fichiers entre des milliers d'organismes. On veut arrêter quelque chose d'illégal, on va permettre que cette information sorte. De la même manière que la crédibilité de notre Commission des valeurs mobilières est fonction de sa capacité d'appliquer la loi, il va être d'autant plus important de s'assurer que toute l'information secrète que l'on donne à un organisme comme la Commission des valeurs mobilières...

Au moment de remplir tous les documents très compliqués, si on veut faire un prospectus, il faut décrire dans les moindres détails qui nous sommes, quels sont nos intérêts, pourquoi on est en train de faire cette offre publique. On invite les gens à venir investir dans sa compagnie. Pour que tout ça, ça joue correctement, il faut que les gens donnent énormément d'information, exactement comme les impôts. Le secret fiscal, c'est la même chose. M. Parizeau l'avait très, très bien dit, c'est un des fondements même de l'intégrité gouvernementale, le secret fiscal. Si on veut que ça fonctionne, notre système fiscal, il faut qu'on dise aux gens: Donnez-nous toute l'information qu'on vous demande; ça va rester là, et toutes les lois vont être respectées. C'est la même chose ici pour la Commission des valeurs mobilières du Québec. On dit: Vous voulez demander aux épargnants de vous donner leur argent, d'investir, d'acheter des actions chez vous? Très bien. Il va falloir procéder avec un système très ouvert, très public. On va publier un prospectus, il y a des règles très détaillées là-dessus, et vous devez tout mettre là-dedans, et vous devez surtout montrer patte blanche à l'égard de nous autres, nous dire qui vous êtes. S'il y a le moindre doute quant à l'étanchéité des dispositions en place à la Commission des valeurs mobilières du Québec, bien, ça pourrait venir nuire, au lieu d'aider, à la Commission des valeurs mobilières du Québec dans son but ultime.

Mr. Speaker, with regard to the legislation that's before us, we want to make sure that the Government is cognizant of our preoccupation with regard to the preservation of confidential information, much like our tax legislation which requires that people hand over to the State all sorts of personal, private information, with the guarantee that that information is going to be kept private, confidential. In the case of a Securities Commission like the one that we're dealing with here, it's also going to be very important for the Government to be able to say that the information that has to be handed over is going to be treated carefully. So that's why, given the experience of the past 18 months with this Government, we're obliged to say that when we hear them provide for a new rule that would allow them to communicate nominative information, we're going to make very sure that nothing is being done to, a: compromise the secret and confidential nature of that information and, b: to compromise the very effectiveness of the Québec Securities Commission, because if that information is not kept airtight, unless certain very well-defined criteria are met, if it's not kept airtight, at the end of the day, what we, in the Official Opposition, fear is that, far from helping the Québec Securities Commission, we might make it clear to people who are intending to use our Commission to put out new products onto the market... they might say: But there's a problem in Québec. That information is not kept secret, or it's a little bit too loose, the drafting in their legislation. We have to be more careful.

The credibility of our system rests on the ability of our Securities Commission to do its job properly. My colleagues and I are going to do everything that we can to make sure that small investors, all investors are protected properly.

Notre but, M. le Président, c'est de s'assurer que tous les épargnants soient correctement protégés et que la crédibilité de notre Commission des valeurs mobilières soit maintenue. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey et leader adjoint de l'opposition officielle. Y a-t-il d'autres intervenants? M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? M. le ministre des Finances.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry: Très brièvement pour dire que la Commission des valeurs mobilières du Québec travaille très, très fort. Je voudrais donner quelques comparaisons, là, pour dire que nos épargnants peuvent dormir en paix. Comparée à l'Ontario, notre Commission est extrêmement active, et ça prouve que, même s'ils n'ont pas les salaires que le marché pourrait leur donner, ces hommes et ces femmes travaillent bravement et font leur travail, comme la plupart des députés de cette Chambre, hein? Bien sûr que le marché pourrait leur donner du... Ha, ha, ha! Est-ce que le premier ministre du Québec travaille moins parce qu'il ne gagne pas autant que le président de BCE? Ce n'est pas une question d'argent, c'est une question de faire son travail consciencieusement. Et puis, si on peut avoir l'argent qui va avec, tant mieux. Mais, avec le trou des finances publiques qu'ils nous ont laissé, on sait quelle est notre situation, et il faut traiter la population du Québec avec équité.

(17 h 20)

Alors, je donne mes chiffres. Le nombre de dossiers d'enquête ouverts par la Commission des valeurs mobilières est de 345, comparativement à 193 pour la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Ils ouvrent des dossiers, ils regardent, ils réfléchissent et ils prennent action. Le ratio dossiers-enquêteur est beaucoup plus élevé au Québec qu'en Ontario, c'est bien clair, parce qu'ils ouvrent beaucoup plus de dossiers. Au Québec, le ratio est de 26,53 dossiers par enquêteur, comparé à 4,38 pour l'Ontario.

Mais ce qu'il faut dire, c'est que, historiquement, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario était beaucoup moins active dans les opérations de surveillance du respect des lois régissant ces matières, beaucoup moins active. Ce n'est que récemment, en juin 1998, qu'elle a mis de l'avant des politiques de surveillance plus rigoureuses et qui sont susceptibles de faire augmenter le nombre de dossiers d'enquête dans cette province. Ce qui veut dire que l'Ontario rattrape le Québec pour la qualité du travail et des opérations de sa Commission des valeurs mobilières.

Et, comme je l'ai dit dans mon discours de présentation du projet de loi, le Conseil du trésor a déjà débloqué des postes. La Commission est en recrutement. Il y en a d'autres qui s'en viennent. C'est provisoire, ça, ce ratio anormalement élevé, mais ça dénote que les gens travaillent et que ce sont des gens dévoués qui ont à coeur le bien commun et l'intérêt public. Et ce n'est pas vrai que les gens ne sont motivés dans la vie que par l'argent. L'argent est une motivation importante, oui, mais – et c'est très noble peut-être de faire ça – quand on veut s'obséder uniquement sur cette question, on s'en va dans l'entreprise privée capitaliste et on fait ça.

Mais, quand on est dans des organismes publics, on doit tenir compte du contexte général, on doit tenir compte de ce que gagne une gardienne d'enfants au Québec, de ce que gagne un député qui a réduit son salaire de 6 %, ou un ministre, de ce que gagne un juge de la Cour du Québec, de ce que gagne une infirmière. Et c'est dans ce contexte général que le gouvernement, tout en reconnaissant que beaucoup de gens pourraient gagner beaucoup plus... il faut respecter une justice distributive.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre des Finances et vice-premier ministre. Alors, le principe du projet de loi n° 57, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilière, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté sur division? Sur division. Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Brassard: Alors, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. Brassard: Et je vous réfère à l'article 6.


Projet de loi n° 29


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 6 de votre feuilleton, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 29? M. le ministre du Revenu.


M. Bernard Landry

M. Landry: M. le Président, je soumets aujourd'hui à cette Assemblée pour qu'elle en adopte le principe le projet de loi n° 29, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives.

Ce projet de loi a pour objet principal d'harmoniser la législation fiscale du Québec avec celle du Canada, comme on le fait depuis fort longtemps. À cet effet, il donne suite principalement à certaines mesures d'harmonisation prévues dans les discours sur le budget du 25 mars 1997 et du 30 mars 1998. Ce projet de loi donne également suite à certaines mesures prévues dans le bulletin d'information 95-4 émis par le ministre des Finances le 5 juillet 1995.

Ce projet de loi, à l'instar de la plupart des projets de loi à caractère fiscal qui ont été présentés devant cette Assemblée au cours des dernières années, contient plusieurs mesures, vous le verrez, très techniques. Il modifie principalement la Loi sur les impôts afin d'y apporter des modifications semblables à une partie de celles qui ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada par le projet de loi fédéral C-28, toujours avec le souci d'harmonisation.

Ce projet de loi renferme trois sujets principaux, lesquels affectent tous la Loi sur les impôts.

Le premier sujet dont je vais discuter porte sur les régimes enregistrés d'épargne-études. Le présent projet de loi, M. le Président, propose que le montant annuel des cotisations qui peut être versé à un tel régime passe de 2 000 $ à 4 000 $ par enfant. Par ailleurs, M. le Président, dans l'éventualité où les enfants ne poursuivraient pas d'études de niveau postsecondaire, ce projet de loi propose de permettre aux parents de recevoir directement le revenu d'un régime enregistré d'épargne-études dans certaines circonstances.

Enfin, M. le Président, si aucun des bénéficiaires du régime ne poursuit d'études de niveau postsecondaire après avoir atteint l'âge de 21 ans et que le régime a existé depuis au moins 10 ans, le parent pourra, dans la plupart des cas, retirer le revenu du régime. Le montant ainsi retiré du régime ne sera pas imposable pour le parent s'il est en mesure de le transférer dans un régime enregistré d'épargne-retraite dont il est le rentier.

Par ailleurs, ce projet de loi propose d'assouplir les règles régissant les régimes enregistrés d'épargne-études pour que le revenu accumulé dans un tel régime puisse être versé à un enfant qui poursuit des études au niveau postsecondaire au moyen de cours à distance, par exemple des cours par correspondance.

Comme on peut le constater, M. le Président, le gouvernement, par le biais de ce projet de loi, prend des moyens concrets afin d'accroître l'intérêt des contribuables pour ce véhicule d'épargne servant à financer des études postsecondaires. Puisque tous s'entendent pour reconnaître l'importance d'une formation académique adéquate, force est de conclure que ces mesures ne pourront que rejaillir de façon positive sur l'ensemble de la société québécoise.

M. le Président, le deuxième sujet que je vais aborder porte sur les fiducies de restauration en matière environnementale. Certaines entreprises qui désirent s'engager dans des travaux pouvant avoir un impact sur l'environnement doivent garantir la restauration de l'emplacement qui fera l'objet de leur exploitation. Cette garantie peut se traduire par le versement de cotisations à une fiducie créée uniquement pour détenir des fonds à cette fin.

Dans le cadre du discours du budget du 9 mai 1996, l'introduction des règles particulières concernant les fiducies de restauration minière avait été annoncée. Sans ces règles, le contribuable qui mettait des fonds de côté en vue de faire des travaux de restauration d'un emplacement ne pouvait déduire ces montants que lorsqu'il engageait des dépenses pour restaurer l'emplacement, moment auquel il ne tirait probablement plus de revenus de son exploitation minière, évidemment.

Ainsi, ces cotisations devaient être versées à même des sommes nettes d'impôt, et l'écart entre l'année du versement d'une telle cotisation et celle de l'engagement des dépenses de restauration pouvait être significatif. Le versement de ces cotisations pouvait donc entraîner des problèmes importants de liquidités aux entreprises. De surcroît, la dépense pouvait ne jamais être déductible si la seule source de revenu du contribuable consistait dans l'exploitation d'un emplacement ne générant plus assez de revenus pour l'absorber au moment de sa restauration.

Le présent projet de loi propose, entre autres, M. le Président, que les règles concernant les fiducies de restauration minière s'appliquent à d'autres fiducies semblables pour l'environnement, de manière à pallier aux difficultés énoncées plus haut pour ces autres fiducies. De façon générale, ces nouvelles fiducies pour l'environnement devront être maintenues dans le seul but de financer la restauration d'un emplacement situé dans leur province et remplir certaines autres conditions, dont celle à l'effet que l'emplacement devra avoir servi principalement à l'exploitation d'une mine, à l'extraction d'argile, de tourbe, de sable, de schiste ou d'agrégats ou d'autres dépôts de déchets.

Le troisième sujet principal contenu dans le projet de loi n° 29 a trait aux pertes impliquant des personnes affiliées. Plus précisément, la législation fiscale contient des règles visant à contrer certaines situations dans lesquelles un bien est aliéné puis acquis à nouveau en vue de profiter immédiatement d'une perte accumulée sur ce bien. Le cas d'un bien identique acquis en remplacement du bien aliéné est également couvert par ces mesures. La situation visée, M. le Président, survient entre des personnes ayant des liens assez étroits.

À titre d'exemple, un contribuable qui possède une immobilisation dont la valeur a diminué depuis qu'il l'a acquise pourrait vouloir réaliser immédiatement la perte accumulée sur ce bien mais conserver celui-ci. À cette fin, il pourrait aliéner le bien, réaliser la perte et, tout de suite après, acquérir à nouveau le même bien ou un bien identique. Dans un tel cas, des mécanismes sont prévus afin de retarder la reconnaissance de la perte du point de vue fiscal. Toutefois, un examen plus détaillé de ces mécanismes démontre qu'ils comportent des différences notables selon la catégorie de biens aliénés et aussi quant à leurs conditions d'application, alors que l'objectif recherché par la législation est essentiellement le même dans chaque cas.

C'est pourquoi ce projet de loi propose des modifications visant l'amélioration et l'uniformisation de ces règles. Notamment, elles ne s'appliqueront plus qu'à une seule catégorie de personnes regroupées sous la nouvelle notion de «personnes affiliées». Ces modifications favoriseront, M. le Président, l'administration et l'observation de la législation à cet égard.

Enfin, la Loi sur les impôts est par ailleurs modifiée, à l'instar de certaines autres lois fiscales, afin d'y apporter diverses modifications de concordance et de terminologie.

(17 h 30)

Je vais m'abstenir d'énumérer les autres sujets qui composent le projet de loi n° 29, puisque ses notes explicatives en font état et que nous aurons l'occasion de l'examiner plus en détail, article par article, en commission parlementaire. C'est pourquoi j'invite l'Assemblée à adopter le principe du projet de loi n° 29.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Revenu et vice-premier ministre. Nous allons maintenant céder la parole à la critique officielle de l'opposition en matière de finances, Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, j'ai écouté encore une fois attentivement l'intervention du ministre du Revenu sur le projet de loi n° 29, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives. Il s'agit d'un imposant projet de loi qui comporte 175 pages et 308 articles.

Je voudrais signaler que je n'ai eu que trois pages de notes explicatives pour essayer de comprendre toute la portée qu'aura ce projet de loi sur les citoyens et les contribuables du Québec. Malheureusement, je n'ai pas encore obtenu le cahier explicatif de chacun des articles qui m'aurait peut-être permis de saisir un peu mieux la portée de ce projet de loi. Néanmoins, j'ai fait quelques recherches qui me permettent de vous commenter les mesures suivantes, et je suis assurée, encore une fois, que nous allons passer de très nombreuses heures en commission parlementaire à essayer de comprendre le langage législatif compliqué qui a pour but principalement, dans ce cas-ci, d'harmoniser la législation fiscale du Québec avec celle du Canada.

Alors, c'est un projet de loi qui donne suite principalement à certaines mesures d'harmonisation qui étaient prévues dans le discours sur le budget du ministre des Finances du 25 mars 1997 et celui du 31 mars 1998. Chaque année, le ministre des Finances choisit de retenir et d'harmoniser dans son budget certaines des mesures que le gouvernement fédéral a adoptées quelques semaines avant son propre budget. De manière accessoire, ce projet de loi donne suite à certaines mesures, également, prévues dans le bulletin d'information 95-4 émis par le ministre des Finances le 5 juillet 1995.

Ce projet de loi modifie en premier lieu la Loi concernant les droits sur les mines en concordance avec les modifications apportées à la Loi sur les impôts pour étendre les règles concernant les fiducies de restauration minière à d'autres fiducies semblables pour l'environnement. Il modifie, en deuxième lieu, la Loi sur les impôts principalement afin d'y apporter des modifications semblables à une partie de celles qui ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada par le projet de loi fédéral C-28 sanctionné le 18 juin 1998.

Ces modifications concernent notamment, premièrement, les régimes enregistrés d'épargne-études afin d'accroître l'intérêt des contribuables pour ce véhicule d'épargne qui sert, on le sait, à financer des études postsecondaires, et ce, notamment en permettant au souscripteur d'un tel régime de retirer en certaines circonstances le revenu qui s'y est accumulé. Ceci est une bonne mesure, parce qu'on sait que dans l'avenir, vous savez, M. le Président, les études vont coûter de plus en plus cher. Les universités québécoises et canadiennes devront augmenter les coûts d'admission et copier de plus en plus le modèle américain, donc ça coûtera des milliers de dollars pour étudier à l'université, et cette mesure est une mesure qui viendra alléger le fardeau des parents et des étudiants.

En deuxième lieu, l'instauration d'un impôt spécial relatif aux paiements de revenu accumulé versés en vertu d'un régime enregistré d'épargne-études. Alors, le rendement de ce régime enregistré d'épargne-études devient imposable, alors qu'auparavant il était tout simplement impossible de le retirer pour d'autres motifs que pour les études. On voit que cette mesure-là est encore une fois à l'avantage du contribuable qui voit souvent les plans qu'il avait faits pour ses enfants changer en cours de route.

Troisièmement, on parle des règles relatives aux différents régimes de revenu différé, notamment en ce qui a trait aux modalités de transfert entre les régimes. Ça signifie que dorénavant on pourra glisser le rendement d'un régime enregistré d'épargne-études dans son Régime enregistré d'épargne-retraite, et ça, sans pénalité, sans aucune perte pour le contribuable.

Quatrièmement, le traitement fiscal applicable aux prestations versées à un contribuable en vertu d'un régime d'assurance-invalidité de sorte qu'il demeure inchangé dans les cas où, l'assureur étant devenu insolvable, l'employeur maintient les prestations. C'est là encore une mesure qui est la bienvenue pour les familles ou les citoyens qui ont à faire face à une invalidité.

En cinquième lieu, M. le Président, l'élargissement de la liste des frais médicaux reconnus pour l'application du crédit d'impôt non remboursable pour frais médicaux et l'instauration, cette fois, d'un crédit d'impôt remboursable pour frais médicaux qui vise à compenser en partie la perte des prestations spéciales pour un prestataire de la sécurité du revenu qui entre sur le marché du travail. Puisque les assistés sociaux qui entrent sur le marché du travail perdent des prestations spéciales telles que les prestations pour les lunettes ou encore les soins dentaires et ont aussi également une prime annuelle, on le sait, de 175 $ à payer, alors, cette modification-là viendra partiellement corriger une lacune qui a fait suite à l'instauration du programme d'assurance-médicaments par ce gouvernement.

En sixième lieu, l'introduction, à l'égard des fiducies pour l'entretien d'une sépulture, de règles semblables à celles applicables aux fiducies régies par des arrangements de services funéraires. C'est un petit peu de la concordance qu'on voit là.

L'élargissement, également, en septième lieu, des règles relatives aux fiducies de restauration minière à d'autres fiducies semblables pour l'environnement. On l'a vu tantôt. Alors, pour cette mesure, on crée, si vous voulez, une entité fiscale distincte afin de diminuer l'impôt à payer. Il s'agit dans ce cas-ci d'allégement, d'un nouveau véhicule, finalement, qu'on permet parce que, dans ce domaine, vous savez, en matière de restauration minière, ce n'est pas toujours facile d'aller chercher du capital financier. Alors, les bénéficiaires de ces fiducies pourront retirer des allégements fiscaux afin de fractionner le revenu, mais ça a également pour but de fractionner le risque. C'est donc une bonne mesure qui pourra inciter les gens à investir dans le domaine minier.

Huitièmement, le regroupement, l'amélioration et l'uniformisation des règles permettant le report des pertes résultant de certains transferts de biens impliquant des personnes affiliées.

En neuvième lieu, le resserrement de certaines règles qui visent à faire obstacle aux promotions abusives d'abris fiscaux.

Et, en dixième lieu, l'élargissement de l'assiette de l'impôt minimum de remplacement aux pertes de sociétés de personnes attribuées aux membres à responsabilité limitée et à certains associés passifs et aux pertes provenant d'abris fiscaux.

Alors, je suis certaine que mes collègues sont passionnés par ce que je vous dis aujourd'hui. Ça a l'air de les intéresser énormément, M. le Président.

En onzième lieu, les règles relatives aux méthodes d'évaluation de biens décrits dans l'inventaire d'une entreprise.

En douzième lieu, les règles relatives à l'exonération d'impôt dont bénéficient certains organismes gouvernementaux, afin d'en préciser le champ d'application.

En treizième lieu, certaines règles de nature administrative, soit celles relatives aux cotisations, aux pénalités, aux oppositions et aux appels, pour prévoir, notamment, que la détermination de certains montants peut être faite au niveau d'une société de personnes.

En quatorzième lieu, il y aura aussi dans ce projet de loi diverses modifications à caractère technique, incluant notamment des modifications de concordance et de terminologie.

Il modifie également la Loi sur le ministère du Revenu notamment afin de tenir compte des modifications apportées dans la Loi sur les impôts relativement à certaines règles qui touchent les sociétés de personnes, afin d'y apporter d'autres modifications semblables à une partie de celles qui ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada par le projet de loi fédéral C-28. On l'a dit tantôt.

(17 h 40)

Alors, ces modifications concernent notamment le pouvoir du ministre d'imprimer tout livre, registre ou autre document conservé sur support autre que le papier et qu'il a examiné ou obtenu ou dont il a pris possession, notamment lors d'une vérification. Aussi, la création de nouvelles infractions pour avoir obtenu ou tenté d'obtenir un remboursement ou un crédit sans droit, ou encore pour avoir conspiré pour obtenir un tel remboursement ou crédit. On a procédé hier à l'étude détaillée du projet de loi n° 21, par lequel le gouvernement du Québec augmente de beaucoup ses pénalités, passant de 25 000 $ à 1 000 000 $ pour des cas où on élude le versement au fisc. Alors, on peut voir que maintenant le ministère a vraiment des dents et qu'il va sévir très sévèrement pour les contribuables qui seront pris en défaut. En troisième lieu, la reconnaissance de la valeur probante d'un imprimé réalisé à partir d'un document dont le support d'origine est autre que le papier ou un microfilm. Enfin, il modifie diverses lois pour tenir compte de certaines modifications apportées à la Loi sur les impôts.

Les lois qui seront modifiées par ce projet sont les suivantes: la Loi concernant les droits sur les mines, la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi modifiant la Loi sur les impôts ou la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, la Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, mais, cette fois-là, le chapitre 31, 1997, et enfin la Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, 1997, chapitre 85.

Je comprends donc, M. le Président, de ce projet de loi, que les Québécoises et les Québécois resteront, encore une fois, les citoyens les plus taxés en Amérique du Nord. Étant donné que ce projet de loi compte 307 articles et que certains d'entre eux touchent le fardeau fiscal des particuliers, et qu'habituellement ces modifications ne sont pas à l'avantage des contribuables, le principe de ce projet de loi sera donc adopté sur division, d'autant plus qu'on a découvert récemment que des règles d'harmonisation avec le fédéral allaient à l'encontre des intérêts des travailleurs autonomes; c'est un exemple parmi tant d'autres. Le ministre du Revenu, qui aime bien s'affranchir, normalement, du gouvernement fédéral et démontrer son indépendance, se montre beaucoup moins indépendant des pratiques fiscales en usage au gouvernement canadien quand ça fait son affaire, quand c'est à l'avantage du fisc québécois. C'est ainsi que ce gouvernement fait fi de ses engagements électoraux à l'égard des travailleurs autonomes, qui ont perdu, on le sait, 50 % de leurs déductions dans ce dernier exercice d'harmonisation.

Combien d'aberrations de la sorte, combien de règles insipides découvrirons-nous à la lecture, à l'étude détaillée de ce projet de loi? Eh bien, c'est ce que l'étude détaillée nous permettra de savoir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Beauce-Sud et critique officielle de l'opposition en matière de revenu. Nous cédons maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, d'emblée, disons tout de suite que, pour ce qui est de l'utilisation et la reconnaissance de l'utilisation des nouvelles technologies informatiques dans le cadre du ministère du Revenu, il n'y a pas de problème de notre côté.

Je vais me lever une fois de plus, comme je le fais année après année, M. le Président, sur la manière dont sont rédigées les lois fiscales. Je l'ai fait l'année dernière, je le fais encore, et ça fait une dizaine d'années que je le fais chaque année. Et c'est dû à un jargon totalement incompréhensible. Je dis bien «totalement incompréhensible», sauf peut-être pour vous, M. le Président. Et j' ai pris trois articles que je vais vous lire, et vous allez voir la clarté de ces articles, vous allez voir à quel point vous les comprenez tout de suite à la première lecture.

Rappelez-vous, M. le Président, que, quand même, dans le système parlementaire, les lois fiscales, c'est-à-dire la manière dont on va gérer les impôts, c'est probablement la fonction la plus importante du parlementaire, c'est celle dans laquelle on est mandaté par nos concitoyens pour savoir comment on partage les argents qui sont collectés par l'impôt.

Alors, M. le Président, j'ai pris au hasard un certain nombre d'articles que je vais me permettre de vous lire. Vous allez certainement les comprendre, et j'imagine que le ministre pourra me les expliquer. Et je dois dire que ce n'est pas particulièrement ce ministre du Revenu. J'ai, depuis le temps que je fais ce genre d'intervention, fait ce genre de débat avec le député d'Abitibi-Est lorsqu'il était ministre du Revenu, il était de ma formation politique. Je l'ai fait avec la députée de Rosemont lorsqu'elle était ministre du Revenu. Je l'ai fait avec l'ancien président de la Chambre lorsqu'il était ministre du Revenu. Je poursuis ma croisade, M. le Président, pour la simplification des lois du Revenu.

Et, M. le Président, je n'accepte pas, comme parlementaire ici, qu'on me dise: On est obligé d'écrire dans ce langage totalement abscons parce que nous sommes obligés de nous harmoniser avec le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral écrit dans un langage qu'on ne comprend pas et que personne ne peut comprendre, donc nous écrivons, nous aussi, dans un langage que personne ne peut comprendre. Je crois, M. le Président, que les lois qui sont les lois du Revenu doivent être compréhensibles par les citoyens.

Je vous donne donc le premier exemple d'un exemple de loi compréhensible, vous allez tout de suite le comprendre à première vue. Je prends l'article 21 du projet de loi, celui, comme le ministre l'a rappelé, qui crée la fiducie pour l'environnement. Ça se lit comme ça: Une fiducie est, à un moment quelconque, une fiducie pour l'environnement si elle réside dans une province et est maintenue, à ce moment, dans le seul but de financer la restauration d'un emplacement qui est situé dans cette province et qui sert ou a servi principalement soit à l'exploitation d'une mine, à l'extraction d'argile, de tourbe, de sable, de schiste ou d'agrégats, y compris la pierre, la taille...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: ...le gravier et le dépôt de déchets, soit...

Une voix: ...

M. Gautrin: ... – le dépôt de déchets – en y combinant ses activités, et si les conditions suivantes sont remplies. Vous comprenez, c'est déjà ça, il faut les conditions suivantes. Alors, ça, ça commence à devenir très intéressant, je vois le ministre qui est passionné. Petit a.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gautrin: Le maintien de la fiducie est prévu, ou peut le devenir, soit par contrat conclu avec le gouvernement du Canada ou de cette province au plus tard au dernier en date du 1er janvier 1996...

Vous verrez, à l'intérieur de projet de loi, alors, c'est plein de choses qui retournent en 1994, en 1996. Enfin, on est en train de bâtir... Je vous rappellerai ça tout à l'heure, vous verrez, je vais vous trouver un autre article qui revient, lui, en 1994. C'est très amusant.

Donc, je continue, M. le Président. Alors: Les fiducies auxquelles réfère le paragraphe b du premier alinéa sont les suivantes:

a) une fiducie qui, au moment visé au premier alinéa, appelé «moment donné» dans le premier article, a pour objet la restauration d'un puits;

b) une fiducie qui, au moment donné, n'est pas maintenue en vue de garantir l'exécution des obligations en matière de restauration d'une ou de plusieurs personnes ou sociétés de personnes qui sont bénéficiaires de la fiducie;

une fiducie dont l'un des fiduciaires au moment donné est une personne autre que le gouvernement du Canada ou de la province visée au premier alinéa ou qu'une société qui réside au Canada et qui est munie d'une licence ou autrement autorisée en vertu des lois du Canada ou d'une province à offrir au Canada les services de fiduciaire;

une fiducie qui emprunte de l'argent au moment donné;

une fiducie qui acquiert au moment donné un bien qui n'est pas décrit à l'un des alinéas a, b et f de la définition de l'expression «placement admissible» prévue à l'article 204 de la Loi de l'impôt sur le revenu – Lois révisées du Canada, 1985.

Ça veut dire que je ne pourrai même pas comprendre, strictement avec le corpus législatif ici, qui est derrière le trône, M. le Président, parce que vous n'avez pas en disponibilité la Loi sur l'impôt du Canada. Je continue, M. le Président.

f) une fiducie à laquelle la première cotisation a été faite avant le 1er janvier 1992;

une fiducie qui a attribué un montant avant le 23 février 1994.

Et je pourrais continuer comme ça, M. le Président, pour vous expliquer à quel point cette loi est limpide et que tous les parlementaires en face ont compris en première lecture, sans aucune difficulté. Et ça, c'est un élément sur les fiducies sur l'environnement. Il y en a d'autres, M. le Président, d'autres éléments très intéressants, que je vais pouvoir vous lire aussi, à l'intérieur de ce projet de loi.

Je me permettrais de vous rappeler, M. le Président, que les lois de l'impôt sont tellement en retard à l'heure actuelle, et tellement complexes que ce qu'on a à notre disposition ici, dans le salon bleu... Et comprenez-moi bien, M. le Président, le salon bleu, c'est l'endroit où nous votons les lois actuellement. Les lois sur l'impôt, parce qu'elles sont tellement complexes... Ça, c'est la Loi sur l'impôt, il y en a deux volumes comme ça. Eh bien, les lois sur l'impôt ne sont pas à date, c'est-à-dire que, si je veux référer et comprendre le projet de loi... Et j'ai demandé, ici, à nos pages de me sortir les lois de l'impôt. Elles ne sont pas à date parce qu'on n'a pas mis à date en fonction de la dernière modification. Je comprends qu'avec la limpidité avec laquelle on écrit les lois c'est un peu difficile de les mettre à date.

(17 h 50)

Je vous ai parlé des fiducies sur l'environnement, comme exemple. Il y en a d'autres qui sont aussi jolies. Il y en a... Enfin, ça fourmille, hein, d'exemples aussi suaves et jolis. J'en ai trouvé d'autres, par exemple... Je vais rester dans l'environnement. Vous allez comprendre tout de suite, M. le Président, on va rester toujours... On prend vraiment un seul exemple: les crédits relatifs aux fiducies pour l'environnement. Alors, là, c'est comment on calcule. Alors, je me permets de vous dire... Je vais vous lire ça, vous allez voir ça, vous allez adorer ça.

«L'intitulé de la section II.6.4. du chapitre III.1 du titre III du livre IX de la partie I de cette loi est remplacé par le suivant: "Crédit relatif aux fiducies pour l'environnement".

«2. Le paragraphe 1 s'applique à une année d'imposition qui se termine après le 18 février 1997.»

Vous allez voir, c'est après, parce qu'il y a toutes sortes de choses.

L'article suivant: L'article 1029.8.36.52... Vous voyez comme c'est... Je vous rappelle, comprenez-moi bien... Je rappelle, pour le ministre:

L'article 1029.8.36.52 de cette loi est modifié, dans le deuxième alinéa:

1° par le remplacement, dans le paragraphe a, des mots «fiducie de restauration minière» par les mots «fiducie pour l'environnement» – ça, on comprend;

2° par le remplacement du paragraphe b par le suivant:

«la lettre B» – qui est calculée dans une formule qui se trouve dans une formule pour calculer le taux de taxation, qui n'est même pas disponible dans notre corpus de lois parce que ça a été passé dans une loi qu'on n'a pas encore adoptée, remise à l'intérieur de notre corpus de lois, je continue – représente l'excédent de l'ensemble des montants relatifs à la fiducie qui sont inclus en raison de l'article 692.1, autrement qu'en raison du fait que le contribuable est membre d'une société de personnes, dans le calcul du revenu du contribuable pour l'année donnée, sur l'ensemble des montants relatifs à la fiducie qui sont réduits en raison de cet article 692.1, autrement qu'en raison du fait que le contribuable est membre d'une société de personnes, dans le calcul de ce revenu.»

Je suis sûr que vous avez tout à fait compris. Merci, M. le député de Trois-Rivières. J'imagine que vous allez pouvoir m'expliquer ça en détail. Je continue.

«2. – c'est toujours le même article, M. le Président, et, vous, vous comprenez ça parce que vous êtes notaire; moi, je ne comprends pas – Le sous-paragraphe 1° du paragraphe 1 s'applique à une année d'imposition qui se termine après le 18 février 1997.

«3. Le sous-paragraphe 2° [...] s'applique à une année d'imposition qui se termine après le 22 février 1994.» Donc, ça pourrait s'appliquer en 1995 et 1996. Alors, il faudra qu'on m'explique aussi ces subtilités, M. le Président, des lois sur la fiscalité.

Je répète: Le paragraphe 2 du paragraphe 1 s'applique à une année d'imposition qui se termine après le 22 février 1994. Là, c'était le 18 février, mais enfin... 1994. Et, comprenez, on est dans le paragraphe qui porte sur les fiducies sur l'environnement, et je vous ai rappelé qu'on est en train de créer des fiducies sur l'environnement qui, avant, s'appelaient des fiducies minières. Donc, ça ne peut pas s'appliquer sur les fiducies sur l'environnement.

Je vous dis ça et je suis en train de poursuivre actuellement... à quel point ce genre de loi, M. le Président... Et j'en avais mis une autre, si vous voulez. Je pourrais vous redonner un autre exemple si ça vous amuse, ça vous permet de vous dérider aussi. J'en avais trouvé, par exemple... Et, la députée de Beauce-Sud l'a rappelé, il y a des éléments qui sont importants, bien sûr, sur les régimes d'épargne-études, mais la manière dont c'est écrit... La manière dont c'est écrit, M. le Président... Je pourrais encore vous en dire d'autres mots, sur ce qu'on appelle les frais de scolarité, le concept d'abri fiscal.

C'est même écrit... Et, je m'excuse de le lire au ministre, c'est écrit par des gens... Et, le ministre qui connaît bien, quand même, notre système d'éducation, c'est clairement écrit par du monde qui n'a pas une connaissance de la philosophie même derrière les termes qu'on utilise dans le réseau de l'éducation et dans l'enseignement supérieur. C'est réellement écrit avec une pensée... Je fais référence, si vous voulez, aux articles 280, 281, où on définit ici les concepts de frais de scolarité. Bon, nous, dans nos termes, il y a le concept de frais de scolarité, il y a le concept de frais afférents, là, on utilise, dans une terminologie... C'est presque comme si...

Et il y a des fois, certains des ministres du Revenu avec qui j'ai eu l'occasion de discuter année après année – parce que, vous savez, c'est une croisade que je mène et que je continuerai de mener jusqu'au moment où on aura changé... Année après année, bien, vous savez, c'est écrit comme ça par nos amis qui écrivent les lois au fédéral. Et je le dis, des fois, ce n'est pas nécessairement écrit comme dans notre terminologie.

Je vois le député de Lac-Saint-Jean, qui connaît aussi bien la question de... il a été ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur. Non? Bien, presque.

Une voix: ...

M. Gautrin: Mais je lui suggère... Ha, ha, ha! Ou il va le devenir. Il va le devenir bientôt, au prochain remaniement ministériel. Alors, pour sa formation, si vous me permettez, je lui suggère de... Il connaît quand même la terminologie qu'on utilise, et, vous verrez, ça ne correspond pas exactement, quoiqu'on comprenne quand même le sens... Et le sens qui est là, bien, ça ne correspond pas aux termes qu'on utilise dans notre manière de fonctionner, la manière dont on exprime les termes dans le monde de l'éducation.

Alors, M. le Président, c'est toujours... Et j'en ai pris un certain nombre. Vous comprenez la difficulté dans laquelle va se trouver ma collègue de Beauce-Sud lorsqu'elle va devoir, article par article... Et, moi, je vais aller lui donner un coup de main, là, je vous jure. Dans ma poursuite de la croisade, je le fais régulièrement, année après année, j'essaie d'aller avec le critique du revenu. Il y a 260.. 200... Attendez un instant, je...

Une voix: Trois cent huit.

M. Gautrin: Trois cent huit.

Une voix: Oui.

M. Gautrin: Merci. Alors, voyez-vous, on peut les prendre au hasard, là. Voulez-vous, je vais faire un exercice avec vous? Parce que vous allez me dire que j'ai triché, que j'ai pris les articles qui étaient les plus... Ce n'est pas vrai, je prends avec vous, ici, le projet de loi, M. le Président. Vous voyez, je prends le projet de loi, je l'ouvre absolument, ici, au hasard, hein, et je prends un article, et vous allez voir comme vous allez le comprendre. Je l'ai pris au hasard, et vous allez voir, M. le député de Lac-Saint-Jean, que vous allez immédiatement le comprendre. Je vois: L'article 336.0.2 de cette loi, édicté par l'article 116... Je l'ai pris au hasard, M. le Président. Voyez-vous, je n'ai même pas essayé de dire: Je prends un article pour essayer de montrer à quel point cette loi est mal écrite et d'un langage totalement incompréhensible. Donc, j'ai pris l'article au hasard. Il s'agit de l'article 88. Je vous le lis:

L'article 336.0.2 de cette loi, édicté par l'article 116 du chapitre 16 des lois de 1998, est modifié par le remplacement du deuxième alinéa par le suivant:

«Pour l'application de la définition de l'expression "pension alimentaire" – c'est important qu'on ait une pension alimentaire – prévue au premier alinéa, les règles suivantes s'appliquent:

«a) une pension alimentaire ne comprend pas un montant décrit à cette définition qui, s'il était payé et reçu, d'une part, le serait en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement d'un tribunal compétent ou en vertu d'une entente écrite à l'égard de laquelle ou duquel, selon le cas, il n'y a pas de date d'exclusion et, d'autre part, n'aurait pas à être inclus dans le calcul du revenu du bénéficiaire si, à la fois – parce que ce n'est pas fini, si à la fois:

«i. les paragraphes – je l'ai pris au hasard, hein, vous avez bien vu, j'ai ouvert la loi, je l'ai prise, j'ai mis mon doigt au hasard sur un pour vous montrer à quel point c'est écrit dans un langage totalement abscons – a et b.1 de l'article 312, dans leur version applicable avant leur suppression, s'appliquaient à l'égard d'un montant reçu après le 31 décembre 1996 et se lisaient sans tenir compte des mots "et durant le reste de l'année".»

Deuxième petit i, i deux fois, ii, l'article 312.4 n'existait pas:

«b) la partie de cette définition qui précède le paragraphe a doit se lire sans tenir compte des mots "le bénéficiaire peut utiliser le montant à sa discrétion et que", lorsqu'elle s'applique à l'égard d'un montant à payer en vertu d'une ordonnance ou d'un jugement d'un tribunal compétent rendu, ou en vertu d'une entente écrite conclue, après le 27 mars 1986 et avant le 1er janvier 1988.»

M. le Président, vous voyez que mon temps s'écoule, je comprends que mon temps s'écoule, mais je vais quand même dire et continuer à plaider, à plaider pour que nos lois fiscales, qui sont probablement les lois qui touchent le plus le citoyen, soient écrites dans un langage que le citoyen normal puisse comprendre.

(18 heures)

J'ai pris trois articles, je n'ai pas voulu abuser, je pourrais... Il y en a 308. Et, vous avez vu, la dernière fois, vous avez été témoin, M. le Président, vous avez regardé, j'ai ouvert la loi au hasard, j'ai mis mon doigt sur un article de la loi, exactement au hasard, je vous ai lu l'article, il était totalement incompréhensible, si on ne prend pas la peine de revoir, de s'asseoir et de bien comprendre. Je plaide une fois de plus, comme je plaide depuis 10 ans ici, dans cette Assemblée, pour une révision des lois fiscales, pour faire en sorte que nos lois fiscales soient adaptées à la réalité de...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Verdun. Est-ce que vous désirez poursuivre? Il vous reste un temps de parole de quatre minutes. Dans ce cas-là, vous pourrez poursuivre ce soir à compter de 20 heures.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que vous avez terminé, M. le...

M. Gautrin: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, s'il y a consentement, vous pourriez poursuivre. Bon. Alors, M. le député de Verdun, vous allez poursuivre votre intervention, d'un temps de parole de quatre minutes, à compter de ce soir, 20 heures, et je suspends donc nos travaux, effectivement, jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Alors, nous étions aux affaires du jour, sur la proposition du ministre du Revenu proposant l'adoption du principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives. Et, lors de la suspension du débat, M. le député de Verdun avait la parole, et je lui indique qu'il reste quatre minutes à son temps de parole. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je pense que j'ai clairement établi, dans les 16 minutes qui ont précédé, mon point. Mon point était le suivant: c'est que les lois du Revenu sont totalement incompréhensibles. Et, s'il y a des nouveaux parlementaires qui n'étaient pas là avant, je pourrais leur rappeler, en prenant ce que j'ai fait – et vous étiez témoin, M. le Président, enfin celui qui était sur la chaise à l'époque – j'ai pris le projet de loi – je vous raconterai l'histoire – j'ai ouvert le projet de loi au hasard, mais vraiment au hasard, pour que je ne sois pas taxé ici d'avoir voulu réellement faire quelque chose qui était arrangé... J'ai ouvert le projet de loi au hasard, j'ai mis le doigt sur un article et j'ai lu l'article, et, M. le Président, sans aucune gêne, je n'ai rien compris, moi, personnellement, à l'article, et je suis sûr – parce que j'en ai parlé quand même avec mes collègues – que mes collègues n'ont pas compris non plus ce que voulait dire cet article.

Alors, je m'élève aujourd'hui. Je m'élève, comme je l'ai fait régulièrement depuis que nous faisons des lois fiscales, sur la manière dont les juristes du ministère du Revenu ont d'écrire les lois. Et je vois la députée de Rosemont qui, ce soir, doit partager mon point de vue. Elle a déjà été ministre du Revenu, et j'ai déjà fait ce débat avec elle. Les lois du Revenu sont totalement incompréhensibles. Et vous savez parfaitement, M. le Président, que, s'il y a une loi qui doit être compréhensible par les citoyens, s'il y a une loi qui touche l'ensemble des citoyens, c'est bien la loi du Revenu. Et je plaide encore comme je l'ai fait, et je le fais d'une manière non partisane.

Ceux qui siègent ici depuis plus de cinq ou six ans se rappelleront que j'ai fait exactement les mêmes interventions lorsque le ministre du Revenu était de ma formation politique. Donc, ce n'est pas, ici, une intervention partisane en aucune manière, je trouve les lois du Revenu totalement incompréhensibles et je mets au défi chacun des parlementaires dans cette Chambre de pouvoir prendre un article des lois sur le Revenu et de pouvoir facilement, à première vue, comme s'ils lisaient La Presse , ou Le Devoir, ou un autre journal, le comprendre. Et, comprenez-moi bien, M. le Président, la croisade qu'un certain nombre de parlementaires ont faite pour faire en sorte que les lois du Revenu soient accessibles aux citoyens... Et c'est ça que je plaide aujourd'hui, c'est que les lois du Revenu doivent être accessibles et compréhensibles par les gens qui sont directement touchés. C'est une croisade à long terme, à très long terme. Je comprends, mais je n'ai pas abandonné. Vous savez à quel point, M. le Président, je suis tenace. Je ne lâche pas et je ne lâcherai jamais. Le pire qui pourrait arriver, c'est qu'un jour je devienne ministre du Revenu et que je vienne présenter – ha, ha, ha! – une loi sur le Revenu. Je vous garantis qu'elle serait au moins lisible – ha, ha, ha! – au minimum, qu'elle serait lisible.

M. le Président, ce que je plaide, en fin de compte, ce que j'ai voulu faire valoir ici, c'est que nous devrions avoir pour nos concitoyens une manière de revoir l'ensemble du corpus de la Loi sur les impôts de manière – et on pourrait parfaitement l'écrire – qu'il soit compréhensible pour l'ensemble de nos concitoyens. C'était le but de mon intervention, et je suis sûr qu'elle est partagée par l'ensemble des parlementaires de cette Chambre. Merci.

Une voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Verdun, de votre intervention. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet de loi n° 29 quant à son adoption du principe?

Le principe du projet de loi n° 29, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

M. Gautrin: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

M. Gautrin: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: Oui. L'article 13, M. le Président, du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 45


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 13, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 45, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant le curateur public. Alors, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. je vous cède la parole.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Alors, merci, M. le Président. Il s'agit d'un projet de loi important dans la mesure où il touche sans doute les personnes qui, dans notre société, sont les plus vulnérables, puisque, comme vous le savez, le Curateur public du Québec a la responsabilité de gérer les biens mais aussi de s'occuper du bien-être des personnes qui sont, dans notre société, déclarées, pour toutes sortes de raisons, inaptes à exercer ces fonctions. Donc, il s'agit de gens qui sont démunis, par définition, puisqu'ils ne sont pas en mesure d'exercer les responsabilités habituelles que chacun de nous est amené à exercer dans la vie.

(20 h 10)

D'abord, M. le Président, je voudrais un petit peu rappeler à l'Assemblée la démarche que j'ai annoncée en mars dernier pour rétablir la situation du Curateur public, saluer le travail de mon collègue le ministre de la Solidarité sociale qui n'a pas hésité à demander au Vérificateur général du Québec de regarder la nature des problèmes qui se posaient à la curatelle publique. Je pense qu'il ne s'agit de lancer la pierre à personne, mais, lorsque des institutions importantes de l'État du Québec connaissent des difficultés, je pense qu'il faut reconnaître le courage de mon collègue de ne pas avoir hésité à, comme on dit, prendre le taureau par les cornes et à regarder ce qui se passait en faisant appel à probablement une des personnalités de l'État les plus crédibles, qui est le Vérificateur général du Québec, M. le Président.

Alors, en mai 1998, lorsque le Vérificateur général a rendu publique la situation de la curatelle publique, je pense que le gouvernement, comme l'ensemble de la population, ont été bouleversés. Trois constats majeurs s'imposaient. Premièrement, l'absence de compréhension de sa mission; le Curateur public était incapable d'exercer son rôle convenablement et de remplir ses obligations légales. Deuxièmement, les ressources et le financement de l'organisme s'avéraient totalement inappropriés. Et, troisièmement, le Vérificateur général estimait que les pratiques de gestion étaient désuètes, inadéquates.

C'était un bilan, M. le Président, plutôt sévère. Et, suite à ce bilan... De fait, ce bilan faisait suite, plutôt, au rapport du Protecteur du citoyen, qui concluait lui-même que le Curateur public connaissait peu les personnes qu'il représente et que ses interventions devaient justement se tourner davantage vers la protection de ces personnes plutôt qu'uniquement vers la protection des biens de ces personnes, parce que la première des choses à protéger, ce sont les personnes, M. le Président. Je suis convaincu que vous-même en êtes également convaincu.

Alors, on devait agir rapidement pour redresser la situation, de telle sorte que nous corrigions ces lacunes. Alors, c'est ce que nous avons fait, M. le Président. Et, le 8 mars dernier, je faisais connaître publiquement, au nom du gouvernement du Québec, les mesures que nous souhaitions apporter pour que des solutions permanentes voient le jour aux problèmes rencontrés, et de façon prioritaire pour agir en faveur justement de la protection des personnes représentées par le Curateur public.

D'abord, il faut dire en premier lieu que le gouvernement, et malgré la difficulté du contexte budgétaire qui était le nôtre, a octroyé 10 000 000 $, M. le Président, 120 postes additionnels au Curateur public pour justement permettre la mise en oeuvre de la réforme. Quand on sait comment il est difficile de convaincre, par exemple, mon collègue du Conseil du trésor, par les temps qui courent, de rajouter du personnel, il y avait là véritablement, de la part du gouvernement, une lecture juste des solutions qui devaient être apportées au problème du Curateur public. Il s'agissait donc d'une première initiative pour s'assurer que l'organisme aura en main dès cette année des ressources additionnelles nécessaires pour prendre le virage en faveur de la protection de la personne.

M. le Président, il fallait faire plus, et on l'a fait. Le gouvernement, donc, propose aujourd'hui plusieurs modifications législatives qui n'ont qu'un seul et même objectif: protéger davantage les personnes inaptes, au Québec. Le gouvernement a donc donné des orientations claires à l'égard de la réforme du Curateur public. Et, à la lumière des travaux de réflexion menés notamment sur la mission du Curateur et des recommandations du Vérificateur général et du Protecteur du citoyen, quatre orientations ont été retenues afin de guider les interventions de cet organisme.

Premièrement, la personne représentée sera au centre des interventions. Le Curateur public se dotera des outils nécessaires à une connaissance adéquate de la personne inapte, s'assurera que les décisions prises à son endroit soient dans son intérêt. Et, donc, il y a là une réforme en profondeur.

Deuxième grand bloc, le Curateur public se rapprochera des personnes représentées afin d'accroître la qualité de ses interventions. Donc, les activités du Curateur public devront se décentraliser sur le territoire du Québec. On fait souvent le reproche que parfois les institutions québécoises sont centralisées à Québec ou à Montréal. Dans le cas présent, il y a un objectif d'établir sur l'ensemble du territoire du Québec des bureaux territoriaux, ce qui devrait permettre justement de se rapprocher de la personne, d'avoir une meilleure connaissance des dossiers de ces personnes, de leur milieu de vie, des ressources qui sont disponibles pour répondre à leurs besoins.

Troisièmement, le Curateur public développera avec les intervenants du milieu une étroite collaboration et participera plus activement aux débats de société dont les enjeux les concernent.

Quatrièmement, le Curateur public va valoriser la participation des proches, des familles à la protection des personnes représentées. Souvent, les familles ne sont pas en mesure, en quelque sorte, d'assurer l'ensemble de la responsabilité de la personne inapte, confient la personne inapte à la curatelle publique, ce qui ne veut pas dire, M. le Président, que, pour autant, elles doivent être dépossédées de toute responsabilité et de tout suivi, de tout amour à l'égard de la personne qu'elles confient ainsi à la curatelle publique. On va donc davantage intégrer cette participation.

Donc, c'est l'esprit qui va animer cette réforme, M. le Président. Et c'est dans cet esprit également que nous apportons aujourd'hui des modifications législatives pour soutenir cette démarche.

Première modification. Le gouvernement a jugé essentiel d'apporter une modification au Code civil du Québec pour qu'il n'y ait plus dorénavant aucune faille à l'égard de la protection de la personne inapte. Et je m'explique. À l'heure actuelle, entre le moment où s'effectue la demande d'ouverture de ce qu'on appelle un «régime de protection» en faveur d'une personne inapte et l'obtention de ce régime, il peut s'écouler parfois une période qui va jusqu'à six mois, au cours de laquelle cette personne inapte est dans une situation transitoire. Alors, en effet, M. le Président, malgré le fait que certaines personnes aient besoin de protection, elles ne bénéficient pas nécessairement immédiatement d'un régime de protection qui leur offrirait tout le soutien nécessaire.

Alors, donc, pour éliminer les risques d'abus ou de pertes, le Code civil du Québec prévoit que le Curateur civil peut administrer provisoirement les biens; mais, malheureusement, le Code civil omet la protection provisoire de la personne. Il y a toutes sortes de dispositions, là, qui tournent autour de ça, mais les mesures, en général, sont jugées insuffisantes, et surtout lorsque des personnes inaptes sont maintenues, parfois, dans une sorte d'isolement social tel que, souvent, ça empêche même le réseau de la santé et des services sociaux de rendre les services requis. Alors, il faut reconnaître, M. le Président, que ces situations existent, malheureusement. Il s'agit souvent, parfois, de personnes victimes d'abus, de négligence, parfois même de violence. D'après le Curateur public, il pourrait y avoir chaque année plus d'une cinquantaine de personnes dans cette situation.

Alors, pour éviter que ces personnes subissent des préjudices si elles ne sont pas protégées immédiatement, l'article 272 du Code civil devra être modifié de sorte qu'avant même l'ouverture d'un régime de protection le tribunal puisse désigner provisoirement le Curateur public ou une autre personne pour assurer la protection de la personne inapte, la représenter dans l'exercice de ses droits civils. Il va de soi, M. le Président, que le Curateur public sera nommé en dernier recours, c'est-à-dire lorsque la personne est isolée, sans famille ou ami en mesure d'en prendre soin.

Je voudrais, M. le Président, ouvrir ici une parenthèse pour rappeler aux membres de l'Assemblée ce que signifie la protection de la personne représentée et dans quel esprit l'État entend intervenir pour protéger les plus vulnérables de notre société. Je crois qu'il est important de rappeler qu'une personne inapte est d'abord et avant tout un citoyen à part entière qui doit être traité sur un pied d'égalité avec les autres membres de la société. Dans une société démocratique comme la nôtre, retirer l'exercice des droits civils à une personne qui est jugée incapable de se prévaloir de ces droits, c'est un geste grave qu'on ne pose qu'en dernière instance. De ce point de vue là, la responsabilité du représentant légal de cette personne inapte, elle est grande. Il doit protéger la personne, c'est-à-dire s'assurer de son bien-être moral et matériel: nourriture, vêtements, sécurité et hébergement; il doit administrer ses biens, ses meubles, ses effets personnels, ses revenus, ses placements; il doit exercer en son nom ses droits civils, représenter la personne devant les tribunaux, consentir aux soins médicaux, parler en son nom auprès des milieux concernés. La représentation légale d'une personne inapte, c'est donc un défi de taille, considérant que, dans bien des cas, celle-ci exprime évidemment difficilement ses besoins personnels. Il est donc essentiel de développer le plus possible une relation personnelle avec elle pour comprendre ses besoins, respecter son degré d'autonomie et agir dans son intérêt.

Et la meilleure façon de s'assurer d'un lien continu de qualité avec la personne représentée, c'est de favoriser justement la participation de sa famille et de ses proches. Ce sont eux qui connaissent bien son histoire, ses croyances, ses valeurs. Ce sont les mieux placés pour intervenir auprès d'elle. Et le rôle de l'État, c'est justement de les aider à comprendre leur rôle, à faciliter leur tâche. C'est là un des éléments importants de la réforme en cours au Curateur public.

(20 h 20)

Par ailleurs, lorsque le Curateur public est nommé à titre de représentant de la personne, il doit assurer adéquatement, M. le Président, sa protection. La sécurité financière – c'est un des aspects importants de la protection des personnes – et une administration rigoureuse, performante de son patrimoine sont essentielles pour répondre à ses besoins matériels et lui procurer pour l'avenir la sécurité nécessaire.

Depuis le mois de février dernier, le Curateur public a confié à la Caisse de dépôt et placement – je pense que tout le monde reconnaîtra la crédibilité de la Caisse – la gestion des fonds collectifs, liquidités, placements à court, à moyen et à long terme qui appartiennent aux personnes sous régime de protection public. Le gouvernement, M. le Président, évidemment appuie cette initiative. La Caisse de dépôt, comme je le disais, possède une grande expertise en la matière et, depuis sa création, elle a fait la preuve des rendements optimaux qu'elle peut obtenir. Donc, le gouvernement est fier de constater que la Caisse de dépôt et placement du Québec, se plaçant parmi les plus grands gestionnaires de portefeuilles en Amérique du Nord, va justement permettre aux personnes qui sont sous régime de protection public de bénéficier de la gestion globale de la Caisse.

L'article 44 de la Loi sur le curateur public est donc modifié dans la proposition que nous faisons pour faire en sorte que le Curateur public ne soit pas soumis aux règles du Code civil relativement aux placements présumés sûrs lorsqu'il confie la gestion des fonds des personnes inaptes à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Comme je l'ai mentionné précédemment, M. le Président, un des volets de la réforme du Curateur public consiste à développer une collaboration étroite avec les intervenants locaux concernés par la protection des personnes représentées. Cette collaboration est essentielle, prendra diverses formes, dépendamment des besoins de celle-ci.

On sait que le Vérificateur général a fait part de lacunes importantes à l'égard de la communication entre le Curateur public, le réseau de la santé et des services sociaux et les organismes communautaires. Je suis informé, M. le Président, toutefois, que des améliorations ont déjà été apportées par le Curateur public et je suis confiant de voir la situation progresser davantage. Mais, pour contribuer à briser l'isolement dans lequel se trouve parfois le Curateur public, le gouvernement crée un comité consultatif voué à la protection et à la représentation des personnes inaptes. Le Curateur public pourra donc bénéficier de l'expertise de six personnes-ressources qui le conseilleront dorénavant dans ses interventions. Ces personnes interviendront bien sûr à titre de bénévoles, compte tenu de leur connaissance de ces dossiers. La création de ce comité marque donc un virage en faveur de la protection des personnes et donne suite aux recommandations du Protecteur du citoyen qui avaient été faites en ce sens.

Dans la pratique, la collaboration avec les divers intervenants du milieu s'exprime de plusieurs façons. Le Curateur public délègue, on le sait, depuis quelques années aux établissements de santé et de services sociaux la gestion et l'allocation mensuelles pour les dépenses personnelles d'une personne inapte hébergée dans un établissement. C'est une allocation mensuelle, M. le Président, qui se chiffre à 148 $ par mois. Ça défraie le coût des menues dépenses de la personne représentée: les journaux, les friandises, la coiffure, les cigarettes. Évidemment, c'est une pratique utile, elle permet de répondre rapidement aux besoins quotidiens de la personne tout en réduisant au minimum les coûts de la gestion et de l'allocation.

Toutefois, on a un problème depuis 1990: des modifications législatives ont restreint le pouvoir de délégation du Curateur public et lui interdisent de déléguer ces fonctions à un employé ou à une personne qui exerce une telle fonction dans l'établissement de santé où la personne est hébergée. Or, dans ce contexte, M. le Président, il serait, je pense, souhaitable – et c'est ce que nous proposons – de faire en sorte que le Code civil soit modifié de sorte qu'il permette au Curateur public de confier à des personnes de ces établissements la gestion de ces allocations mensuelles. Je pense qu'on réduit les coûts, qu'on sert la personne, et puis, dans le fond, tout ça va être l'objet d'un suivi, je pense, sans problème.

Maintenant, le second volet, M. le Président, au-delà de toute cette attention apportée à la personne, de la réforme du Curateur public, c'est d'apporter une solution permanente aux problèmes de financement de l'organisme. Deux mesures ont été retenues par notre gouvernement pour régler de façon permanente les problèmes financiers du Curateur public. La première mesure – je l'ai annoncée le 8 mars dernier – consiste à suspendre dès le 1er juillet prochain la tarification des activités du Curateur public, donc les honoraires pour la protection et la représentation de la personne sous régime de protection publique et pour l'administration de ses biens. Il s'agit d'une décision importante qui va occasionner un coût additionnel d'un peu moins de 12 000 000 $ par année au gouvernement, donc, d'ici le 1er avril 2000. C'est une mesure dont le coût est élevé, M. le Président, mais je dois dire – et je rends hommage à mes collègues au Conseil des ministres – que le gouvernement n'a pas hésité à prendre cette décision, que les critiques sévères du Vérificateur général étaient, à cet effet, éloquentes.

Et je cite. Le Vérificateur général disait: «Actuellement, les sommes investies dans les placements collectifs sont doublement tarifées. Depuis l'entrée en vigueur du règlement 90, nous estimons à près de 4 200 000 $ les revenus ainsi perçus à double titre dans les dossiers des personnes représentées par le Curateur. De plus, la tarification actuelle amène les personnes sous régime public nanties d'un patrimoine substantiel à assumer une part plus importante du financement des activités du Curateur.»

Donc, c'étaient des propos sévères du Vérificateur général. Je pense que le gouvernement, M. le Président, ne pouvait tolérer pareille situation plus longtemps. Et, en attendant que le Curateur public ait révisé, donc, sa grille de tarification, nous suspendons, dans le projet de loi, la tarification, de sorte à mettre fin immédiatement au problème dénoncé par le Vérificateur général. Et j'espère, M. le Président, que tous les membres de cette Assemblée applaudiront cette initiative et supporteront, en conséquence, les modifications à la Loi sur le curateur public. D'ici au 1er avril 2000, le Curateur public aura donc révisé sa grille de tarification en s'assurant que les tarifs exigés reflètent les coûts réels de ses activités. Il n'est plus question d'utiliser les tarifs du Curateur public pour interfinancer ses activités entre les différentes clientèles. Il y a là un principe d'équité, M. le Président, et je pense que tout le monde va reconnaître ce principe.

La seconde mesure financière consiste à modifier le statut extra-budgétaire du Curateur public. Ainsi, dès le 1er avril 2000, le Curateur public deviendra un organisme budgétaire, et ses dépenses seront financées à même les crédits de l'État. Donc, dorénavant, le financement des dépenses du Curateur public sera assuré par l'État, qui devra obtenir les ressources nécessaires. Donc, pour les personnes qui sont représentées, je pense qu'il y a là, M. le Président, une amélioration significative, d'autant plus quand on considère qu'il s'agit des personnes les plus vulnérables de notre société.

Enfin, M. le Président, le troisième volet de la réforme du Curateur public consiste à garantir son imputabilité. Dorénavant, le Curateur public devra répondre devant l'Assemblée nationale, doublement: à la fois parce qu'il sera un organisme budgétaire et en même temps parce que la décision que nous mettons de l'avant, c'est de faire en sorte que le Vérificateur général du Québec soit aussi le Vérificateur général pour la curatelle publique. Il y a d'autres dispositions, M. le Président, notamment des questions administratives de délégation de pouvoirs et de signature.

En conclusion, M. le Président, je souhaite dire ceci: Il est rare qu'un gouvernement prenne l'initiative, en quelque sorte, de demander, en toute transparence, à une personne indépendante, en l'occurrence le Vérificateur général du Québec, de faire une analyse d'une situation qui, à l'évidence, devait être corrigée. Nous l'avons fait. Je pense qu'il faut en donner le mérite, non pas au ministre actuel, mais au ministre précédent, M. le Président. Et je voudrais souligner que, devant l'ampleur des réformes qui s'imposaient, je crois qu'il faut rendre hommage aussi à l'action du gouvernement, à la promptitude de l'action du gouvernement d'avoir amené les corrections nécessaires dans la situation.

Je dois dire également, M. le Président, ma confiance totale dans le travail de l'actuel Curateur public du Québec. Je pense qu'il a à coeur le mandat qui est le sien. Je suis convaincu qu'il est déterminé à apporter les réformes qui s'imposaient. Donc, M. le Président, je souhaite que cette Assemblée approuve le projet de loi qui est devant elle. Je pense que c'est dans l'intérêt de ces milliers de personnes au Québec qui sont parmi les plus vulnérables de notre société.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre, de votre intervention. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étude du projet de loi n° 45 quant à son adoption du principe, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant le curateur public. Et je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations avec les citoyens et d'immigration et député de Hull. M. le député de Hull, la parole est à vous.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 45, qui modifie certaines dispositions législatives concernant le Curateur public. On doit se rappeler que, si on est ici en train de débattre ce projet de loi là, c'est parce que le Curateur public a été sévèrement blâmé. Il a été blâmé par le rapport notamment du Protecteur du citoyen en 1997 et par le Vérificateur général du Québec en 1998, qui ont démontré très clairement que le Curateur public était incapable de protéger les personnes inaptes ou protégées, d'assurer leur représentation, d'administrer leurs biens ainsi que d'exercer la surveillance des régimes de protection privés.

(20 h 30)

Et, à cet effet, M. le Président, vous me permettrez de citer quelques passages qu'on pouvait lire dans un quotidien du Québec le 12 août 1998, qui relataient certains faits saillants de ce rapport du Vérificateur général qui dénotait les faiblesses importantes que l'on pouvait retrouver chez le Curateur. Alors, tout d'abord, Guy Breton disait ou concluait: «Tous les secteurs d'activité du Curateur comportent des déficiences importantes.» Les principales constatations étaient les suivantes: «Les entorses aux lois et règlements sont nombreuses, ainsi que les éléments de gestion à corriger. La plupart des faiblesses décelées au sujet de la mission du Curateur ont pour origine une administration générale déficiente. Les pratiques administratives et l'affectation inadéquate des ressources représentent des écueils de taille à la mise en place de certaines pratiques de gestion. L'encadrement du personnel est déficient, et les employés sont peu responsables de leurs décisions. Les méthodes et outils de travail sont peu appropriés, ce qui entrave le traitement rigoureux des dossiers. Les conséquences des problèmes constatés se répercutent sur la clientèle particulièrement vulnérable du Curateur, soit la personne inapte.»

Alors, c'est des propos très durs que le Vérificateur général tenait à l'égard de la curatelle, du Curateur public. Étant moi-même issu du bureau du Vérificateur général du Canada, où j'ai oeuvré pendant plus de 10 ans, je peux vous dire que le choix des mots du Vérificateur général du Québec amène l'ensemble des Québécois à s'interroger vraiment sur ce qui s'est passé chez le Curateur parce que les mots sont excessivement sévères, excessivement durs, et les conséquences de ces lacunes sont dévastatrices pour l'ensemble des Québécois qui sont justement touchés par le régime de protection du Curateur.

Je dois vous dire que demander au Vérificateur général de faire une enquête ou une évaluation, c'est un peu la moitié de la bataille, parce que la véritable bataille doit se continuer. Et ce qu'on voit aujourd'hui, c'est un projet de loi qui vient répondre en partie à ces préoccupations-là. Mais le véritable test, ce sera pour le gouvernement de demander au Vérificateur général de poursuivre cette enquête dans deux ans lorsqu'on aura vu les résultats de ce qu'on est en train d'implanter aujourd'hui, non pas simplement en termes de reddition de comptes, M. le Président, avec une vérification statutaire, mais vraiment de demander au Vérificateur général de conduire le même genre d'enquête qu'il a déjà mené pour voir si les mesures proposées vont répondre justement à ces interrogations, et là on pourra voir si vraiment il y a eu des progrès de réalisés.

Si je me reporte justement au 14 mai 1998, l'ancien ministre responsable du Curateur public a pris l'engagement de faire tout le nécessaire pour assurer que le Curateur remplisse sa mission auprès de notre société. Et, lorsqu'il a pris cet engagement-là, il a maintenant demandé au Vérificateur général de vérifier chez le Curateur, et aujourd'hui on arrive avec une proposition, une réforme en trois points, c'est-à-dire: le virage pour protéger les clients, le financement de l'organisme et les mesures pour garantir l'imputabilité du Curateur. Est-ce que cette réforme va être la bonne? Le Vérificateur général nous le dira dans deux ans.

Les personnes sous la protection du Curateur public sont les personnes les plus vulnérables de la société, on le sait tous, mais il faut travailler, donc, avec leurs parents, leurs amis et pour assurer une qualité de vie qui, essentiellement, au Québec est un droit fondamental. Déjà, on a certains doutes parce que l'Association de surveillance des gens sous curatelle, un regroupement bien connu et bien impliqué pour la défense des droits de ces personnes, se méfie du projet de loi, puisque c'est nous, l'opposition officielle, qui avons informé ce regroupement de la présentation du projet de loi. On aurait pu comprendre, croire que, avec un projet de loi, essentiellement, qui bonifie la curatelle, on aurait pu informer ce groupe de surveillance. Mais non, les informations qu'on possède, c'est que c'est nous qui avons appris à cet organisme que le projet de loi était déposé.

En substance, M. le Président, les changements que propose le ministre aujourd'hui, bien, on a un changement de statut du Curateur public qui va passer d'extrabudgétaire à budgétaire. Et il faut applaudir cette mesure parce que c'est à partir de cette sanction de projet de loi que l'Assemblée nationale va vraiment avoir un droit de regard sur ce qui se passe chez le Curateur, et finalement l'obligation de l'autofinancement sera terminée, ce qui pesait lourd dans les travaux, justement, du Curateur. Mais on doit aussi se questionner sur le fait que le projet de loi propose de laisser les revenus justement au fonds consolidé du revenu. Notamment, est-ce que les honoraires pour l'administration des biens des personnes vont être équitables? C'est encore des choses sur lesquelles on se questionne.

Le deuxième fondement porte sur la suspension d'honoraires pour le financement du Curateur. En principe, c'est très louable, et on veut refaire l'équité entre tous les clients du Curateur, mais pourquoi suspendre les honoraires du Curateur pour un an? Pendant cette année, est-ce qu'il va y avoir d'autres consultations pour voir comment rétablir ce financement? Lorsque le Curateur va recommencer à exiger des honoraires pour l'administration des biens et des portefeuilles, comment va-t-il tarifer ses actes? Présentement, nous l'ignorons.

La gestion des portefeuilles collectifs par la Caisse de dépôt et placement du Québec, ça forme le troisième grand volet, si vous voulez, de la modification. Le mandat du Curateur public est d'assurer une gestion équilibrée des biens confiés à sa gestion. Pourquoi choisir la Caisse de dépôt? Bien, on a la réponse dans le communiqué de presse du ministre, mais est-ce qu'on va découvrir d'autres réponses qui ne sont pas dans le communiqué alors qu'on va étudier le projet de loi? Nous verrons.

Pourquoi créer deux types de gestion: une pour le Curateur public dans la gestion des portefeuilles et une autre pour les tuteurs et curateurs privés, pour les placements sûrs? Est-ce que le ministre va nous assurer que le traitement de ces deux différentes dispositions va être fait de façon équitable?

Le quatrième aspect porte essentiellement sur la délégation de la gestion de l'allocation mensuelle, des dépenses personnelles du majeur, au personnel de l'établissement où il est soigné. Et, selon nous, la protection du Code civil en cette matière est amoindrie par le projet de loi qui est devant nous. Les politiques mises en place par le Curateur doivent être extrêmement sécuritaires, M. le Président, car, tout le monde l'admet, il y a eu abus dans le passé dans ce genre de domaine. Et de permettre à un tiers, employé, à qui on va confier la gestion des biens pécuniaires des gens sous curatelle, ça prend une extrême prudence pour s'assurer d'une très grande conformité avec non pas seulement les lois, mais aussi le code d'éthique qui doit être suivi par ce personnel.

Essentiellement, M. le Président, pour nous, on constate que ces mesures sont positives. Mais la question demeure: Sont-elles suffisantes? En fait, nous avons des questions sur la réparation des pertes financières des personnes représentées. Puis ça, ce n'est pas encore réglé, à nos yeux. Quand est-ce que le Vérificateur général du Québec va vérifier le progrès du Curateur – c'est ce que je mentionnais au début? Est-ce qu'on peut avoir un engagement ministériel dans ce domaine-là? Est-ce que ceux qui réclament depuis fort longtemps un ménage chez le Curateur vont être satisfaits? La preuve reste à faire.

Et ce qui est encore plus important que tout cela, c'est lorsqu'on regarde – encore en juin 1998 – l'opinion de deux groupes de défense, c'est-à-dire l'Association des groupes d'intervention en santé mentale du Québec et l'organisme Handicap-Vie-Dignité, qui représente les handicapés physiques. Et eux disent essentiellement ceci: «Le rapport du Vérificateur général s'occupe principalement des questions d'argent, qu'il illustre abondamment. Mais les abus ou les négligences sur les personnes constituent des histoires d'horreur encore bien pires, dont on n'a pas véritablement d'exemples dans le rapport.» En somme, ces groupes de défense estiment que le Vérificateur général a fait un bon travail dans son champ de compétence. Mais l'impact humain, le traitement humain doit primer au-delà de ces questions. Et, pour l'instant, nous sommes suffisamment convaincus que les mesures proposées sont positives, mais plusieurs interrogations demeurent au niveau, justement, de l'impact humain de ces mesures.

Alors, essentiellement, M. le Président, on est d'accord avec le principe, mais on devra former une opposition vigilante quant aux différents articles du projet de loi, pour vraiment regarder l'ensemble des tenants et aboutissants, article par article, lorsque que nous ferons l'étude. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Hull. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur le projet de loi n° 45 quant à son adoption du principe? Est-ce qu'il y a un droit de réplique? Non? Alors, le principe du projet de loi n° 45, Loi modifiant certaines dispositions législatives concernant le curateur public, est-il adopté? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Boisclair: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour son étude détaillée.

(20 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, l'article 15 du feuilleton de ce jour, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 49


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 15, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 49, Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration, la parole est à vous.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui, merci, M. le Président. Alors, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi tout aussi important, mais en des matières probablement moins dramatiques ou moins complexes que celui que nous venons d'aborder. Il s'agit d'un projet de loi tout simple, qui vise, d'une part, à consolider les diverses décisions qui ont été prises dans l'histoire du Québec concernant le drapeau du Québec et les emblèmes du Québec, M. le Président, et de faire en sorte, ce faisant, de mettre un peu d'ordre dans notre législation, mais également de prévoir certains mécanismes pour la suite des choses dans l'adoption de ces emblèmes.

Alors donc, un projet de loi important, puisque, chaque fois qu'on parle du drapeau du Québec, on parle de quelque chose qui est important, c'est le symbole qui nous rallie tous. Je pense bien qu'on peut dire que, depuis que le Québec s'est doté d'un drapeau, il y a eu unanimité en cette Assemblée nationale pour en reconnaître la valeur symbolique, se rallier derrière ce qu'il représente comme emblème officiel de l'État du Québec.

Mais, en même temps, le moment est peut-être venu pour le Québec de mettre un petit peu d'ordre dans les textes et de doter des pouvoirs qui permettraient de préciser, de clarifier les usages qu'on peut faire du drapeau du Québec de même que des emblèmes officiels, de même que la méthode par laquelle on adopte ces emblèmes. On constate, en effet, à l'examen des documents législatifs et administratifs, notamment relatifs au drapeau, qu'ils sont soit incomplets soit caducs parce qu'ils n'ont pas toujours suivi l'évolution des institutions.

À titre d'exemple, on peut signaler que le drapeau, l'emblème floral et l'emblème aviaire – l'emblème aviaire, c'est l'oiseau, M. le Président, l'oiseau emblématique – ont été reconnus, par exemple, par voie législative, alors que les armoiries, l'arbre emblématique ont été établis par décret. Alors, le présent projet de loi vise à corriger ces incohérences.

Il vise aussi, je l'ai dit, à combler certaines lacunes observées à l'égard du drapeau du Québec. Le drapeau, au fil des années, est devenu l'emblème principal du Québec, je l'ai dit, mais aussi non seulement celui de l'État, mais, je pense, celui de toute la collectivité québécoise. Ce drapeau a su rallier, au cours des années, la classe politique de toute allégeance, M. le Président. Je vois que vous présidez à gauche de ce drapeau, il est à votre droite, donc c'est un signe, je pense bien, de la présence de l'État et de l'emblème de l'État du Québec.

Alors, ce drapeau, on le sait, a été adopté par le gouvernement de M. Maurice Duplessis le 21 janvier 1948. Je pense qu'il est sans contredit l'image de la fierté de tous les Québécois. Alors donc, les textes relatifs à cette image de marque du Québec méritent d'être revus, et c'est le sens de l'exercice que nous présentons. Le projet de loi va donc habiliter le gouvernement à corriger certaines lacunes lorsque c'est nécessaire.

Nous voulons également profiter de l'occasion pour regrouper sous un même texte législatif tous les emblèmes officiels du Québec. Comme vous le savez, M. le Président, le Québec s'est doté jusqu'à maintenant de trois emblèmes officiels. Il l'a fait un peu comme l'ont fait les autres provinces du Canada, comme l'ont fait certains États américains, comme l'ont fait d'autres pays. Donc, un emblème aviaire, c'est-à-dire un oiseau, un oiseau indigène, c'est le harfang des neiges, je pense que tout le monde reconnaît la justesse de ce choix, le bouleau jaune comme arbre emblématique et finalement le lis blanc comme fleur emblématique.

Le projet de loi va permettre dorénavant aux membres de l'Assemblée nationale de se prononcer comme représentants de la collectivité québécoise sur toute proposition de nouvel emblème ou de modification de l'un de ces emblèmes. Je pense, M. le Président, qu'en ces matières, puisqu'il s'agit de points de ralliement, de fierté et d'identification, c'est normal que l'Assemblée nationale du Québec soit appelée à décider de ces questions.

Il faut prévoir aussi un certain laps de temps. On sait que souvent ça soulève beaucoup d'intérêt. C'est par dizaines de milliers, autour, par exemple, de l'emblème du poisson fossile ou d'autres emblèmes, que des écoliers, que des gens de la Gaspésie, que des gens de diverses régions du Québec se sont mobilisés pour faire la promotion de certains de ces emblèmes. Donc, il est normal, lorsqu'une telle mobilisation se fait, bien, qu'on se donne, comme Assemblée nationale, des règles, un peu de temps pour voir comment on va choisir parmi les différentes propositions qui sont faites, puisque, une fois qu'on les aura faits, ces choix, bien, on va vivre, au cours des années qui suivent – pardon, M. le Président; je ne voulais pas y aller tant que ça, je ne voulais pas faire un vol d'oiseau, là – avec les choix qu'on va faire.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Perreault: Également, M. le Président, le projet qui est devant nous va permettre de corriger ce qui a peut-être été une erreur historique, du point de vue du gouvernement, et va permettre d'adopter l'iris versicolore comme emblème floral du Québec en remplacement du lis blanc de jardin. Parce que, en 1963, le législateur québécois a choisi le lis blanc de jardin comme emblème floral en s'inspirant, à tort à notre avis et de l'avis de beaucoup de gens au Québec, de l'emblème héraldique représenté dans le drapeau et les armoiries du Québec, alors ce même lis blanc qu'on retrouve depuis 1921 d'ailleurs notamment dans les armoiries du Canada.

Le Québec est la seule province à avoir désigné comme emblème floral une fleur qui n'est pas indigène à son territoire, puisque le lis blanc de jardin croît plutôt dans la région méditerranéenne. Je pense que je ne veux pas induire cette Chambre en erreur, me faire accuser, M. le Président, mais je crois qu'il est originaire de la Turquie, ce qu'on appelle le «lis blanc indigène».

Ce choix n'avait jamais fait l'unanimité, au contraire, puisque, dès son adoption, l'ensemble des gens dans le domaine de la botanique intéressés à ces questions de même que la Fondation québécoise en environnement, le Comité de l'iris versicolore, le Jardin botanique de Montréal, la Société Saint-Jean-Baptiste, des municipalités, des milliers de Québécois avaient indiqué au gouvernement qu'ils souhaitaient que le gouvernement adopte comme emblème floral une fleur indigène du Québec, ce qui est tout à fait normal. Or, il faut rappeler que l'iris versicolore, c'est une plante indigène qui est, je pense, bien connue. J'en ai une photo, ici. D'ailleurs, elle fleurit la semaine prochaine, M. le Président. Vous pourrez peut-être en cueillir au cours de vos excursions en forêt, ou enfin dans les... Ça pousse surtout dans les endroits plus humides. C'est magnifique, le spectacle, dans un marais ou près d'un marais, de milliers d'iris versicolores.

Alors, M. le Président, je pense que, en faisant ce choix, on vient corriger ce qui avait été une confusion, puisqu'on avait souhaité maintenir le lis à partir de l'approche héraldique. Or, on sait que le lis fait partie des emblèmes héraldiques depuis plus d'un millénaire dans des dizaines de pays et que ça n'a rien à voir avec les fleurs indigènes. C'est une histoire complexe, un peu comme le lion qui fait partie des armoiries d'Angleterre; pour autant, ce n'est pas un animal indigène à l'Angleterre. Alors donc, ce que nous proposons, ce n'est pas de modifier le drapeau du Québec, ce n'est pas de modifier l'emblème héraldique du Québec. Nous maintenons le lis héraldique sur le drapeau du Québec ou dans toutes les armoiries officielles du Québec, mais nous retenons comme emblème floral une fleur indigène au Québec qui est l'iris versicolore. Ce faisant, je dois dire que je pense très honnêtement qu'on va rejoindre ce que sont les préoccupations de tous les gens qui s'intéressent à ces questions.

Alors, M. le Président, tout simplement, en terminant, il s'agit d'un tout petit projet de loi sur une grande question, question qui, à mon avis, devrait rallier l'ensemble des gens qui s'intéressent à la question des symboles qui sont ceux que nous choisissons comme Québécois pour représenter l'État du Québec. J'espère que nous aurons l'appui de l'opposition dans ce dossier.

Une voix: Bravo!

(20 h 50)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi n° 49, Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec, et je cède la parole au porte-parole de l'opposition officielle en matière de relations avec les citoyens et d'immigration et député de Hull. M. le député, je vous cède la parole.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je dois vous dire que, de ce côté-ci de la Chambre, on rejoint le gouvernement dans sa volonté de mettre de l'ordre dans ses lois pour tenter de regrouper les différents éléments sous une même loi. Mais, d'un autre côté, je dois vous dire que ce côté-ci de la Chambre est en train aussi de se poser de sérieuses questions quant au...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je pense que...

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Le ministre s'est exprimé de façon très correcte, et je voudrais que le député de Hull s'exprime de la même façon, avec la même collaboration de tous les membres de cette Assemblée. M. le député de Hull, vous avez la parole.

M. Cholette: Merci. Alors, ce que je disais, c'est que, d'un autre côté, de ce côté-ci de la Chambre, on se questionne tout au moins sur les priorités gouvernementales. Et, M. le Président, si on regarde seulement quatre éléments – je vais en ressortir quatre – du menu législatif depuis le début de la session, on a vu que le projet de loi n° 1, c'est essentiellement l'identification de l'électeur. Certainement une préoccupation légitime, mais, de là à en faire le projet de loi n° 1, on peut se questionner. Le deuxième, c'est la volonté gouvernementale d'interdire le libre choix des parents pour prénommer les enfants avec les accents sur les mots qu'ils désirent. Le gouvernement a décidé de légiférer pour aplanir les différences au Québec. Encore un choix questionnable. Enfin, aujourd'hui on a vu le projet de loi sur la réforme de la comptabilité. Sûrement très intéressant pour les comptables, mais d'intérêt public? Questionnable. Et aujourd'hui un projet de loi sur les emblèmes. Ça aussi, certainement très louable, mais de priorité? Questionnable.

Et toutes ces modifications législatives au menu qu'on a eues depuis l'ouverture de la session nous arrivent dans un temps de chaos total dans quatre secteurs. Vous allez me permettre de les identifier. Dans le domaine de la santé: les urgences bondées; pénurie de médecins et de spécialistes, grève des pharmaciens, il y a des gens qui n'auront pas de soins parce qu'on a des spécialistes, des pharmaciens en grève; pénurie chez les infirmières surtaxées de travail, surchargées de boulot, manque de personnel, essoufflement total; problèmes de suicide chez les jeunes. Pas un mot du côté gouvernemental.

Au niveau de l'éducation, M. le Président: sous-financement du réseau, surtout dans le domaine universitaire; exode de nos meilleurs cerveaux; manque de ressources spécialisées dans nos écoles; taux de décrochage inquiétants. Aucun geste gouvernemental.

Au niveau de l'économie, tous, même de l'autre côté, ils le disent tous: taux d'impôts les plus importants en Amérique du Nord, les plus taxés en Amérique du Nord, on a rien fait, on a reporté; taux de chômage plus élevés par rapport à l'Ontario; surréglementation de nos entreprises.

Et, finalement, intégrité et transparence. Bien, écoutez, on n'a pas besoin de faire de démonstration en quatre, au niveau de l'intégrité du gouvernement: les fuites d'informations qui ont occasionné le départ d'une ministre; les fuites d'informations au bureau du premier ministre; les fuites d'informations au bureau du nouveau ministre du Revenu, qui est l'ex-ministre du Revenu, vice-premier ministre et ministre des Finances; refus de rendre public un avis juridique, avec lequel le ministre du Revenu se camoufle; refus de consultations publiques dans le dossier de la Société de l'assurance automobile du Québec; contournement pour le moins douteux des tribunaux dans le dossier Hertel–des Cantons. Ce n'est pas un bilan extrêmement reluisant, ça, M. le Président.

Le gouvernement décide d'amener sur la place publique des projets de loi qui traitent de l'électeur, de l'emblème et de la comptabilité. Mais vous savez que les symboles dont on parle aujourd'hui, c'est des symboles qui appartiennent à tous les Québécois, peu importe leur langue, leur religion, leur race, leur appartenance politique, leur région ou leur dévotion. C'est à tous les Québécois, ces symboles-là. Puis, pour nous, il n'y en a pas, de problème avec le bouleau jaune, les armoiries ou l'harfang des neiges. Il n'y en a pas. Il n'y en a pas, de problème avec une correction d'une erreur historique, soi-disant, au niveau de l'iris versicolore.

Mais je dois vous dire qu'il y a certains aspects, par contre, du projet de loi qui nous inquiètent grandement. Ils nous inquiètent parce qu'il y a notamment des pouvoirs de réglementation énormes qui constituent, pour nous, à ce stade-ci, avec l'information dont on dispose, un chèque en blanc. Et je fais la demande, M. le Président, je fais la demande au gouvernement: Est-ce que c'est possible, dans la plus grande transparence dont on se vante, de l'autre côté, de déposer l'ensemble des règlements reliés à ce projet de loi là? Et là on serait capable de prendre une décision vraiment à la lumière de toutes les informations parce que, dans le projet de loi n° 49, plusieurs éléments font référence au pouvoir réglementaire. Pour en débattre intelligemment, on aimerait bien pouvoir les lire, ces dispositions réglementaires.

Alors, pour cette raison, parce qu'on est en train de demander un chèque en blanc, la règle de la prudence la plus élémentaire nous force, de ce côté-ci, à s'opposer à l'adoption du principe de ce projet de loi. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Hull. Est-ce qu'il a d'autres interventions? Le projet de loi n° 49, Loi sur le drapeau et les emblèmes du Québec, est-il adopté?

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de la culture

M. Boisclair: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de la culture pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, je vais suspendre pour quelques instants, puis je reviens tout de suite.

(Suspension de la séance à 20 h 57)

(Reprise à 20 h 59)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. Merci.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boisclair: M. le Président, je vous prie d'appeler l'article 10 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 42


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 10 du feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.

(21 heures)

Le débat a été ajourné par le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. Alors, je reconnais la porte-parole de l'opposition officielle en matière de finances et députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée, la parole est à vous.


Mme Monique Jérôme-Forget

Mme Jérôme-Forget: Merci, M. le Président. Ce projet de loi, le projet de loi n° 42, a quelque chose de troublant. Troublant parce que, pour une deuxième fois, le gouvernement fait fi de ses lois et de nos institutions démocratiques.

Ce projet de loi suit la tempête de verglas qui a dévasté nos vies pendant des jours, en janvier 1998. Nous avons presque tous été privés d'électricité, ce qui nous a fait vivre des moments de grande noirceur, noirceur au sens propre et au sens figuré, M. le Président.

Rappelons un peu les faits. Suite à la situation effectivement alarmante, le gouvernement, à la suite de la crise du verglas, adopte trois décrets permettant à Hydro-Québec la formation de trois boucles. Opération bouclage: Montérégie, Montréal et Outaouais. Ces décrets sont adoptés le 28 janvier 1998. La version officielle d'Hydro-Québec est la suivante: les trois nouvelles lignes d'approvisionnement en électricité ont pour objectif d'offrir une source alternative d'approvisionnement pour les postes pouvant tomber en panne.

En autorisant la construction de ces lignes, le gouvernement fait fi des contrôles environnementaux. Le processus normal, bien sûr, c'est de se présenter devant le BAPE, dont la mission, le rôle est précisément d'évaluer les données environnementales d'un projet de cette envergure.

Urgence. Comment expliquer qu'il y a urgence quand on sait, à titre d'exemple, que Hertel–des Cantons sera terminé dans trois ans? S'il y a urgence, effectivement, il fallait que ce soit terminé pour l'année suivante. Mais de dire qu'il y a urgence et que ce sera terminé dans trois ans, c'est là, je pense, outrepasser le bien-fondé d'une interprétation de l'urgence.

La soustraction des projets de bouclage, comme on les appelle, a bien sûr soulevé la colère, à plusieurs reprises, de l'opposition officielle. Et ma collègue la députée de Bonaventure a soulevé des réserves à cet effet. Il importe de souligner, M. le Président, que l'opposition au projet de l'Estrie a été telle qu'elle a donné naissance par ailleurs à la Coalition des citoyens de Val-Saint-François. Depuis le début, la Coalition se bat pour être entendue par ce gouvernement, gouvernement, dans le fond, qui ignore les revendications et les demandes répétées de ce groupe.

La Coalition s'oppose au projet de Hertel–des Cantons pour les raisons suivantes. Le gouvernement et Hydro-Québec ont outrepassé les mécanismes habituels de consultation publique. Donc, ils ont refusé de se faire entendre par le BAPE, et, par conséquent, c'est là la première raison et la principale. Hydro-Québec entend tôt ou tard utiliser cette infrastructure pour exporter de l'énergie aux États-Unis, deuxième raison. Donc, les conditions qu'on invoque à l'effet qu'il y a urgence pour combler la demande québécoise, il est démontré de plus en plus que, ça, ce n'était pas une urgence au niveau du Québec. Et la troisième raison, c'est que le gouvernement refuse d'évaluer les solutions de rechange proposées tant par la Coalition que par l'opposition officielle. Malgré tout le tollé de la Coalition, le gouvernement du Québec est allé de l'avant avec le projet Hertel–des Cantons en adoptant le 5 août 1998 un décret d'expropriation qui autorise effectivement Hydro-Québec à exproprier les terrains et immeubles nécessaires pour la phase des travaux.

Le 31 août 1998, la Coalition et 11 personnes s'adressent à la cour et lui demandent la cessation des travaux du projet Hertel–des Cantons. D'ailleurs, le premier ministre du Québec a encouragé la Coalition à poursuivre le gouvernement: C'est là un mécanisme normal et honorable. Le jugement tant attendu est rendu par l'honorable juge Rousseau le 23 février 1999. Les conclusions du jugement sont non équivoques: «Les décrets adoptés à l'égard de Hertel–des Cantons outrepassent les pouvoirs du Conseil exécutif et sont illégaux, inapplicables, inopérants, ultra vires, nuls et sans effet.» Je pense qu'il n'y a pas de confusion quant au verdict de la juge Rousseau. Le tribunal, en plus, émet une injonction et une ordonnance enjoignant Hydro-Québec de cesser et de faire cesser immédiatement tous les travaux et interventions sur le terrain reliés à la mise en chantier et construction de Hertel–des Cantons.

À la suite de ce jugement, le ministre des Ressources naturelles, par la voie d'une déclaration ministérielle, informait l'Assemblée nationale que le gouvernement du Québec n'interjettera pas appel et entend se conformer à l'injonction émise. Les travaux sont suspendus. Des audiences publiques sur le niveau de sécurité se tiendront dans les meilleurs délais, invoque-t-on. Une loi conservatoire sera déposée à l'Assemblée nationale avec effet à compter de la date de la déclaration ministérielle. C'est cette loi conservatoire, le projet de loi n° 42, que nous débattons aujourd'hui.

Cette déclaration ministérielle a été décriée en Chambre par notre chef, M. Charest. «Le gouvernement avoue aujourd'hui avoir dépensé 300 000 000 $ de fonds publics pour se faire virer de bord par un tribunal», disait le chef de l'opposition. Tant à l'intérieur de l'Assemblée nationale qu'à l'extérieur, on lui a dit qu'il avait tort d'agir ainsi.

À la page 32 du même jugement, la juge Rousseau relate dans les faits dont elle a tenu compte: «Le 10 juillet 1998, le député Claude Boucher me téléphone pour me dire que M. Bernard Landry propose de nous offrir dans la semaine qui suit des mini-audiences du BAPE qui pourraient être présidées par MM. Duhaime et Claude Boucher. Ces derniers accepteraient de présider de telles audiences à la condition expresse qu'ils puissent émettre aussi des recommandations.»

M. Payne: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le député de Vachon, est-ce que vous avez une demande à faire à la présidence?

M. Payne: Oui, juste une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Quelle est votre question de règlement?

M. Payne: En vertu de l'article 35.1°, pouvez-vous rappeler la députée à l'ordre, s'il vous plaît, pour qu'elle puisse ne pas appeler les personnes par leur nom, qui sont ici élues à l'Assemblée nationale?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, vous savez, le règlement dit qu'il faut appeler les députés par leur nom... Des fois, il peut arriver que vous oubliiez, mais essayez de les nommer par leur nom de comté, et ce sera apprécié évidemment. Et ça s'adresse à tous les membres de l'Assemblée, lorsqu'on prononce un discours, d'appeler les députés et les ministres par leur nom de ministère et de comté. Mme la députée, si vous voulez poursuivre votre intervention.

Mme Jérôme-Forget: Alors, si ça peut plaire... On me dit que c'est le député de Johnson, au cas où il aurait oublié. Alors, on apprend, lors d'une conversation téléphonique, que le ministre des Ressources naturelles d'alors estime que toute forme d'audiences publiques constituerait pour lui un désaveu, et il s'y objecte.

Lors d'une rencontre à Sherbrooke, le premier ministre, comme je disais, a félicité les citoyens d'avoir eu recours aux tribunaux. Imaginez-vous, un chef de gouvernement qui se décide de féliciter les gens de le poursuivre et de les encourager à le poursuivre. Peut-être était-il sincère, M. le Président, parce qu'il ne pensait pas qu'il allait perdre. En refusant d'avoir recours au BAPE, le gouvernement cherche toujours l'esquive au lieu de faire face à ses responsabilités.

Autre fait troublant, M. le Président, la commission Nicolet dévoilait les conclusions de son rapport en ce qui a trait au bouclage de la Montérégie, et la commission précise: «Le poste de Saint-Césaire doit être sécurisé. Cependant, le choix de la solution devrait être fait dans une plus large perspective que celle qui a été retenue durant les derniers mois. Or, la puissance énergétique de la boucle prévue entre Hertel et des Cantons se comprend mal dans la seule perspective de la croissance anticipée du marché de la Montérégie.»

(21 h 10)

Serait-ce qu'on est en train déjà de planifier d'exporter de l'électricité dans le Maine, en Nouvelle-Angleterre et qu'on utilise le verglas pour outrepasser les obligations que nous imposent les lois de l'Assemblée nationale, à savoir faire voir par le BAPE tous les aspects du côté environnemental des propositions qui touchent à l'environnement?

Selon la commission, ces interconnexions avec les réseaux et la Nouvelle-Angleterre constituent un moyen important de sécurisation du réseau québécois, pour peu qu'elles soient opérables dans les deux sens. C'est donc dire que ça commence à sentir que ce n'est pas pour régler le problème de la Montérégie, toute cette histoire, mais qu'il y a un autre objectif. Il n'y a pas de mal à avoir un autre objectif, M. le Président, il n'y a pas de mal à tout ça, à condition qu'on suive la procédure de nos institutions, et qu'on explique pourquoi, et qu'on n'invoque pas des arguments, des explications qui sont fausses et qui sont erronées.

Le 26 avril 1999, les procureurs de la Coalition envoyaient une mise en demeure au gouvernement. Et voici les conclusions: «La Coalition des citoyens et citoyennes de Val-Saint-François vous demande de renoncer à tout projet de loi rétroactive et d'enclencher dès maintenant et pour l'ensemble du projet Hertel–des Cantons la procédure d'évaluation et d'examen prévue à l'article 31.1 de la Loi sur la qualité de l'environnement. De plus, nos clients exigent le respect intégral des exigences de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur la Régie de l'énergie. En attendant les résultats du processus prévu par la loi, la Coalition vous somme d'éviter toute décision ou engagement en vue de la poursuite du projet Hertel–des Cantons.» Il n'y a pas plus clair, M. le Président.

Le 5 mai dernier, une motion est débattue au sujet de la tenue de consultations particulières sur le niveau de sécurité atteint grâce aux travaux déjà effectués sur la ligne Hertel–des Cantons. La porte-parole en matière de ressources naturelles, la députée de Bonaventure, Mme Nathalie Normandeau, s'est opposée à la tenue de ce type de consultations pour des raisons évidentes: on ne peut scinder le projet, comme le propose le gouvernement. Autre raison évidente: on ordonne au gouvernement de respecter le processus de consultations par des mesures moindres. Une autre des raisons évidentes: le gouvernement a refusé de soumettre la ligne Hertel–des Cantons à ce processus en invoquant que cela mettait en péril les équipements construits et que ceux-ci pourraient être démantelés.

Summum de l'arrogance, M. le Président, le projet de loi prévoit une disposition qui empêchera que tout recours soit reçu ou maintenu contre le gouvernement ou Hydro-Québec en raison du fait que des opérations étaient faites en contravention d'une loi. Ça, effectivement, c'est le comble. Le gouvernement émet une loi, développe une loi, développe une argumentation pour dire: Vous ne pourrez pas nous poursuivre; on fait une loi, vous n'aurez pas le droit de le faire. Il y a eu d'autres instances où ça s'est passé, et ça a toujours été décrié, ça, M. le Président, parce que le gouvernement ne peut pas outrepasser comme ça les besoins et les aspirations des citoyens. C'est là une approche, à mon avis, ignoble. Et je suis renversée de voir qu'un gouvernement, de nos jours, au Québec, ne se prive pas de faire appel à une mesure aussi odieuse et aussi grotesque.

Dans la même veine, le projet de loi n° 42 ne peut être endossé par l'opposition officielle. Il s'agit d'une loi spéciale. Nous nous sommes engagés à plusieurs reprises dans le passé à combattre le gouvernement qui a, en tout temps, cherché l'esquive, comme le disait ma collègue députée de Bonaventure, plutôt que de faire face à ses responsabilités.

Rappelons enfin que le chef de l'opposition officielle, dans son discours de réplique à la déclaration ministérielle du ministre des Ressources naturelles, disait: «...l'opposition officielle, nous combattrons jusque dans nos dernières énergies, nos derniers retranchements, cette loi spéciale qu'il cherche à faire avaler à la population du Québec.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Je cède maintenant la parole au président de la commission de l'aménagement du territoire et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture et député de Richmond. M. le député, la parole est à vous.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Je vous remercie, M. le Président. Alors, vous me permettrez d'abord, avant d'entrer comme tel dans le vif du sujet, de vous indiquer que je suis de ceux qui, en cette Chambre et dans la région de l'Estrie, ont été personnellement touchés par la crise du verglas, ce qu'on a appelé chez nous «le grand verglas», et verglas qui a touché celui qui vous parle dans sa propre municipalité de Shipton et celle de Danville et qui a affecté l'ensemble des municipalités que je représente à cette Assemblée nationale. Alors, c'est donc vous dire, M. le Président, que celui qui vous parle, toute ma famille, mes parents également ont eu à souffrir de ce manque d'électricité, ont eu, comme beaucoup d'autres citoyens de mon comté, à souffrir d'un manque de chauffage, d'un manque d'installations, et, comme tous les autres, j'ai eu à chercher refuge ailleurs que chez nous et à faire appel à des gens qui ont accepté de contribuer à héberger ceux et celles qui étaient en large difficulté au cours de cette crise du verglas.

Durant toute cette crise, j'ai sillonné, M. le Président, le comté de Richmond, j'ai fait le tour des centres d'hébergement de fortune, j'ai travaillé avec les municipalités, les nombreux élus municipaux de mon comté, également les centaines de bénévoles de mon comté. J'ai, à plusieurs occasions, eu l'occasion de m'inscrire en support à ceux qui ont servi des repas aux sinistrés. J'ai encouragé les gens de mon comté. Je les ai, à ma manière, aidés de la plus modeste façon à traverser cette crise que nous avons connue.

Cette crise du verglas, je ne l'ai pas vécue, M. le Président, par personne interposée, je l'ai vécue personnellement, et nul autre que moi ne peut être plus favorable à ce que nous sécurisions le réseau électrique. Mais, comme j'ai eu l'occasion de le mentionner, et ce, à maintes et maintes et maintes reprises, nous pouvons sécuriser le réseau, mais encore faut-il reconnaître qu'il y a des règles à suivre, qu'il y a les démarches à respecter, et, afin d'arriver à sécuriser le réseau, il n'est absolument pas nécessaire que l'on doive bafouer les lois de l'Assemblée nationale comme ça a été le cas par le biais de ce gouvernement et comme ça continue d'être le cas avec la proposition de législation que nous avons présentement devant nous.

Vous me permettrez, M. le Président, de vous dire que je me sens donc, comme premier concerné, tout à fait à l'aise, parfaitement à l'aise de dénoncer le contenu de ce projet de loi qui est la démonstration, mais encore la démonstration parfaite, de l'attitude arrogante du gouvernement du Parti québécois, attitude qu'il a manifestée depuis le début de cette saga en adoptant coup sur coup plusieurs décrets, dont trois le 28 janvier 1998 pour soi-disant – toujours le même motif – sécuriser le réseau en invoquant l'urgence d'agir, l'urgence d'une intervention.

(21 h 20)

Le verglas de janvier 1998, ce malheur qui a frappé de trop nombreuses familles québécoises, allait malheureusement servir de toile de fond au gouvernement pour tisser son vaste réseau de lignes ayant pour objectif d'offrir une source alternative d'approvisionnement pour les principaux postes pouvant tomber en panne. Quelle belle mise en scène qui a permis au gouvernement d'enfreindre ses propres lois au mépris de la démocratie! Non seulement le gouvernement a-t-il bafoué les droits les plus fondamentaux des Québécois en ne menant aucune étude d'impact sur l'environnement, sur le patrimoine, mais il a infligé aux paysages québécois d'une beauté exceptionnelle comme ceux de la vallée de Saint-Cyr, dans ma région, des cicatrices indélébiles qui rappelleront aux générations futures jusqu'à quel point peut nous conduire la bêtise humaine. Oui, M. le Président, il faut être de ce milieu, il faut être de cette région pour voir jusqu'à quel point le gouvernement, par son intransigeance, par sa volonté d'agir rapidement, au plus grand mépris de la population de ce territoire, comment ce gouvernement aura réussi à balafrer littéralement une des plus belles régions du Québec.

Et, M. le Président, vous nous permettrez et vous permettrez à celui qui vous parle ce soir, qui intervient ce soir, de vous indiquer jusqu'à quel point la déception est grande en Estrie, jusqu'à quel point la déception est grande dans la municipalité régionale de comté du Val-Saint-François, jusqu'à quel point la déception est grande dans la municipalité de Richmond, dans la municipalité de Cleveland, dans la municipalité de Melbourne, en grande partie dans le comté de Johnson également, comment la population est déçue de l'attitude du gouvernement dans ce dossier. Et je pense qu'il est de notre devoir, en cette Chambre, de nous lever et d'indiquer jusqu'à quel point la population, qui a connu un grand désarroi en janvier, lors de la crise de verglas, aujourd'hui nous témoigne de sa grande déception à l'endroit de ce gouvernement qui ne tient aucunement compte des représentations qui lui ont été faites dans ce dossier, et qui continuent de lui être faites de toutes parts et de toutes sources.

Pourtant, M. le Président, je veux le rappeler, les mises en garde au gouvernement ont été nombreuses et sont venues de partout, et non seulement le fait d'un groupe de villégiateurs, comme se plaisait à nous dire le ministre d'État aux Ressources naturelles de l'époque. Je me rends compte que, plus on change de ministre, plus c'est pareil. Et, à en juger par les propos que l'actuel ministre des Ressources naturelles a tenus en commission parlementaire, où il s'en est pris aux groupuscules qui continuent de douter de la bonne foi des intervenants, bien, il faut conclure que le ministre qui a succédé au ministre des Richesses naturelles de l'époque, finalement, emprunte le même sillon, qui est celui de la surdité totale face aux représentations qui lui sont faites dans ce dossier. Et, M. le Président, même s'il demeure un peu plus poli, le ministre des Richesses naturelles actuel, très probablement, s'inscrit dans la lignée des propos qui étaient tenus par son prédécesseur, qui qualifiait carrément ceux qui s'opposaient au projet en Estrie de «gosseux de poils de grenouille». M. le Président, il faut le mentionner, parce que ça témoigne, ce genre de termes, de l'inattention de ce gouvernement à l'endroit de ceux qui, de bonne foi, font des représentations à l'intérieur du dossier. Et, à maints égards, l'attitude et le langage utilisé ont constitué dans ce dossier une véritable insulte à ceux qui prennent au sérieux un dossier qui aura chez eux des incidences et des conséquences sur des générations et des générations à venir.

Je disais donc, M. le Président, que les mises en garde venaient de partout. Une vingtaine d'associations écologiques et récréotouristiques demandent au premier ministre du Québec un moratoire sur le projet de construction prochaine par Hydro-Québec de la ligne de transport hydroélectrique de 735 kV entre les postes des Cantons, à Val-Joli en Estrie, et Hertel à Saint-Césaire. Les élus de la municipalité régionale de comté du Val-Saint-François ont pris position publiquement dans ce dossier et ont également réclamé, à leur tour, un moratoire sur ce projet de ligne hydroélectrique. J'ai moi-même réclamé, à titre de député du comté de Richmond, un moratoire sur l'application des décrets relatifs à la ligne de 735 kV qui doit passer sur le territoire du Val-Saint-François, car il s'agit là d'un parcours représentant un haut potentiel patrimonial, culturel, récréotouristique et écologique. Les impacts environnementaux seront considérables sur cette partie de la région estrienne et, dans certains cas, voire irréparables. Et j'ajoutais qu'il m'apparaissait donc prématuré de procéder à des travaux de cette envergure sans avoir au préalable obtenu un consensus régional sur la meilleure localisation possible d'un corridor pour la construction de cette ligne de transport énergétique.

Le 3 avril 1998, M. le Président, le secrétaire régional de l'Estrie a, pour sa part, donné l'assurance que la population du Val-Saint-François, et je le cite, «sera adéquatement consultée avant qu'Hydro-Québec ne débute ses travaux, estimant, disait-il, que, jusqu'ici, Hydro-Québec a davantage informé que consulté les gens».

Le 25 avril 1998, c'est plus de 300 personnes qui ont fustigé ce projet, lors d'une assemblée publique convoquée par le conseil de la municipalité régionale de comté du Val-Saint-François. Tour à tour, agriculteurs, citoyens, représentants d'organismes environnementaux, et autres ont alors pris la parole pour dénoncer avec vigueur la façon de procéder du gouvernement dans ce dossier et aussi l'utilité du projet. Ils demandent et ils demandaient la tenue d'une vraie consultation publique. On se rend vite compte, M. le Président, qu'on est loin de la poignée de villégiateurs qui ne veut rien savoir, comme on nous l'indiquait ici, en cette Chambre, aux questions que nous posions.

Je me souviens, également, M. le Président, j'ai pu prendre connaissance dans les journaux que le député de Johnson était présent mais présent purement au plan stratégique, puisque, quelques semaines plus tard, il s'écrasait littéralement pour sauver son appartenance, nous disait-il, au caucus péquiste, préférant faire primer les intérêts de son parti et de son gouvernement sur ceux de ses électeurs.

Et, M. le Président, vous me permettrez d'en prendre à témoin – et je veux citer les débats qui se sont tenus ici, le jeudi 13 mai, donc la semaine dernière – le député de Johnson, qui nous disait, et je le cite: «Le vice-premier ministre a écouté, a fait son rapport au gouvernement et, suite aux analyses qui ont été faites par les ministres, par le premier ministre, il a été quand même décidé d'aller de l'avant sans procéder à des consultations publiques formelles. Évidemment, je n'étais pas très heureux de cette décision-là, mais je l'ai acceptée en toute solidarité puisque c'est le choix que j'avais à faire pour rester avec le caucus du Parti québécois et du gouvernement actuel.» Fin de la citation.

Vous comprendrez, M. le Président, que nous ne sommes pas obligés de faire comme ça, de ce côté-ci de la Chambre. Vous comprendrez qu'avec un projet de loi comme celui qui nous est présenté nous avons, de ce côté-ci, non seulement le droit, mais le devoir de nous tenir debout et de dénoncer le projet de loi qui nous est présenté par le ministre.

Un peu plus tard, M. le Président – je vous parlais du mois d'avril – au mois de mai, le 21 mai, avec mon collègue le député de Laurier-Dorion, en conférence de presse, nous proposions une voie alternative qui était moins coûteuse que ce qui était proposé et beaucoup moins néfaste pour l'environnement estrien tout en assurant, rappelons-le, le renforcement du réseau hydroélectrique, parce que nous sommes favorables à cette option. En présentant cette alternative, nous avancions que, s'il y avait une alternative, il est bien possible qu'il y en ait d'autres. Celle que nous avions présentée n'était pas une proposition scientifique, mais ça démontrait quand même qu'il était possible de trouver des alternatives au projet qui nous était présenté.

Mais encore fallait-il permettre à Hydro-Québec de nous présenter son plan, ce que le gouvernement a refusé, en adoptant les décrets qui ont donné carrément carte blanche à Hydro-Québec, et cette proposition a été rejetée du revers de la main. En l'espace d'une demi-journée, Hydro-Québec était déjà en conférence de presse pour indiquer que ce n'était pas retenu.

(21 h 30)

M. le Président, en Estrie, force nous est de constater que le conquérant est arrivé. Tassez-vous, Hydro-Québec est arrivée! Hydro-Québec arrive avec ses gros souliers, tassez-vous! Il n'y a pas d'autre alternative. Et, quand on voit l'attitude même des ministres en cette Chambre, on constate qu'Hydro-Québec continue d'être l'État dans l'État. Hydro-Québec mène même le gouvernement du Québec. Et je pense que, de ce côté-ci de la Chambre, nous nous devons de démontrer devant la population jusqu'à point il devient difficile, face à la suprématie de certaines sociétés comme Hydro-Québec, de faire valoir son point de vue.

Les gens du Val-Saint-François ont eu l'occasion de s'adresser aux tribunaux, ont dû s'adresser aux tribunaux, face à la faiblesse de leur gouvernement pour y arriver. Mais, malgré tout ça, le gouvernement trouve le moyen, avec la loi qu'il nous présente aujourd'hui, de contourner, d'annuler les efforts qui ont été faits par les contribuables, les citoyens du Val-Saint-François pour se faire entendre par le biais des tribunaux.

Hydro-Québec, dans cette affaire, s'est comportée en véritable dictateur, ce qui a fait dire au député de Johnson, et je veux le citer à nouveau: «Je suis déçu parce qu'Hydro-Québec va de l'avant et que le débat sur le bien-fondé de cette ligne-là n'aura pas lieu.» Il s'est même avoué plutôt secoué par l'espèce de discours unique qui a prévalu face au projet de la ligne de 735 kV, Hertel–des Cantons, et a estimé que les gens du Val-Saint-François n'ont pas eu droit à une analyse indépendante. Il a ajouté, et je le cite: «Les gens de l'Estrie et du Val-Saint-François auraient souhaité avoir une expertise autre que celle d'Hydro-Québec, mais il semble bien que la société d'État fonce vers son objectif.» Fin de la citation, M. le Président. Cet aveu-là émane d'un député des bancs ministériels. Cela illustre bien la froide détermination dont ont fait preuve le gouvernement et Hydro-Québec dans la conduite de ce dossier.

Heureusement que l'exemple du député de Johnson, qui a rapidement tourné la page, n'a pas été suivi, puisque je pourrais continuer à vous énumérer toutes les interventions qui se sont multipliées pour ramener à la raison ce gouvernement qui a profité de la détresse de la population pour imposer sa solution, son tracé de ligne à haute tension, son calendrier des travaux.

J'ai moi-même questionné ici, en cette Chambre, le gouvernement à au moins trois reprises. Le 30 avril 1998, entre autres, à mes questions que je posais à ce moment-là pour ramener le gouvernement sur le droit chemin, je veux vous citer ce que le vice-premier ministre répondait aux gens de l'Estrie, M. le Président. À l'occasion de cette question que je lui posais le 30 avril, M. le vice-premier ministre nous indiquait, je le cite: «Mais pour certains individus, ça cause un mécontentement. Et nos lois de l'environnement ont été parfaitement respectées en cette matière. Tout ce qui a été fait l'a été en se basant sur des virtualités de nos législations de l'environnement. Que la voie suggérée par le député n'ait pas été celle qui a été suivie, ça peut être exact. Ça ne veut pas dire que les lois et règlements n'ont pas été suivis.» Quelle belle contradiction avec le jugement de la juge Rousseau!

Mais je pourrais également vous mentionner, si le temps me le permettait – malheureusement il ne me reste que quelques minutes – aux autres questions qui ont été posées en cette Chambre par celui qui vous parle, toute la désinvolture avec laquelle les ministres que j'ai questionnés ont répondu, faisant fi des arguments et également des mises en garde que l'opposition faisait au gouvernement, qui n'ont pas été, comme les autres, prises au sérieux. Et ce que nous devons regretter aujourd'hui, c'est que les citoyens concernés paient encore le prix, malgré tout, de l'incompétence et de l'intransigeance du gouvernement. Mais je dois me rendre à l'évidence, le gouvernement n'a pas compris.

Vous me permettrez, en terminant, de continuer... je continue à réclamer de ce gouvernement qu'il tienne des audiences publiques par le biais du Bureau des audiences publiques du Québec afin d'entendre tous les intéressés sur l'ensemble de ce projet. Qu'on revienne à la régularité, qu'on revienne aux outils normaux qu'on doit utiliser en pareil projet. Et la façon d'agir de ce gouvernement dans ce dossier est définitivement un déni de démocratie. Il ne saurait donc être question de devenir complice des maladresses et de l'incompétence d'un gouvernement qui n'a ou bien absolument rien compris ou qui, de façon volontaire, nie à tous égards les exigences les plus fondamentales qu'impose la démocratie en ce territoire québécois.

M. le Président, je veux, dans les quelques secondes qui restent, les 15 secondes, inviter à nouveau le gouvernement à refaire ses devoirs et à tenir compte des représentations que l'opposition lui fait au nom de la population qui est directement concernée par ce projet.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Richmond. Alors, je vous rappelle que nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député d'Outremont, la parole est à vous.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, j'aimerais profiter du temps qui m'est imparti pour faire comprendre aux personnes qui nous écoutent – et je ne parle pas des personnes d'en face parce qu'elles ne nous écoutent pas, je dis bien «aux personnes qui nous écoutent» – pourquoi l'opposition officielle... Enfin, si elles nous écoutent, les personnes d'en face, elles ne nous entendent pas. J'aimerais donc faire comprendre aux gens qui nous écoutent pourquoi l'opposition officielle est opposée au projet de loi n° 42.

Il y a deux raisons fondamentales à cela, M. le Président. Une première série de raisons qui ont été admirablement mises en avant par la juge Jeannine Rousseau dans son jugement sont d'ordre légal. Ce que la juge Rousseau démontre avec brio, c'est que, pour qu'un gouvernement soit justifié de déroger à une procédure comme celle qui était prévue dans le cadre de l'évaluation du grand projet et des installations dont on parle maintenant, pour que le gouvernement soit légalement justifié de prendre une décision pareille, il faut qu'il soit capable d'invoquer des motifs sérieux, des motifs crédibles, des motifs convaincants. Or, la juge montre que le gouvernement n'en a pas été capable. D'une part, la juge montre très bien qu'il n'y avait pas d'urgence de procéder à la construction des installations, et la juge démontre aussi d'une façon très convaincante et claire que le gouvernement n'a pas réussi à faire la preuve de l'opportunité de construire des installations et de procéder à leur implantation. Mais ça, c'est un argument légal qui est un argument extrêmement important, mais qui n'a pas retenu, non pas l'attention, mais, disons, l'assentiment du gouvernement, le gouvernement sachant fort bien que l'argument de la juge étant un argument absolument incontournable, il était contraire à l'intérêt du gouvernement, à son intérêt, de contester ce jugement et d'aller de l'avant avec des procédures judiciaires.

Mais, en plus de cet argument, qui est un argument légal, j'aimerais faire comprendre aux gens qui nous écoutent un autre argument qui est un argument politique. À mon avis, M. le Président, ce que la loi n° 42 met clairement en évidence, c'est un comportement, de la part du gouvernement du Parti québécois, qui déroge profondément, mais profondément par rapport à l'idéal de gouvernance, à la façon de gouverner, à la façon de diriger les choses, de prendre des décisions au nom de l'intérêt public. Je dis bien que c'est une façon de gouverner qui déroge profondément du modèle de gouvernance québécois qu'on a construit ici, au Québec, au cours des 30 dernières années. Ce modèle présume que les citoyens ont le droit de participer aux prises de décision qui influencent, qui ont des effets, qui ont des impacts sur leur sort, aux prises de décision qui touchent leurs intérêts. Dans le cas présent, la prise de décision gouvernementale déroge non seulement de ce modèle qui affirme le droit des communautés locales d'avoir une voix dans les décisions qui les affectent, mais

encore elle le fait d'une façon qui, à plus d'un égard, peut nous apparaître non pas seulement disgracieuse, mais honteuse, M. le Président.

(21 h 40)

Depuis les trois années que je suis en politique, j'assiste avec ahurissement à l'émergence de ce qui me paraît être, du côté du Parti québécois, une nouvelle forme de paternalisme. Nous avons connu, M. le Président, à l'époque du Québec traditionnel, une ancienne forme de paternalisme qui faisait dire à Maurice Duplessis, qui fut en son temps un politicien remarquable, un politicien capable de la plus grande ironie et des plus grands subterfuges, lorsque ses adversaires s'opposaient à ses décisions: «Toé, tais-toé!»

Or, dans les circonstances actuelles, on assiste, M. le Président, sans aucun doute, à la résurgence d'une forme de paternalisme comparable lorsqu'on entendait l'ancien ministre responsable d'Hydro-Québec traiter les gens qui s'opposaient au projet de crosseux de poils de grenouille. Bien, M. le Président, on est exactement – gosseux de poils de grenouille – dans le même style de gestion de la dissidence, le même style de gestion de l'opposition qu'on retrouvait au Québec dans les années quarante et dans les années cinquante. En d'autres mots, on ne dit plus aux citoyens de se taire, on ne le dit plus avec la candeur et la franchise dont Maurice Duplessis était capable, on le leur dit d'une façon détournée, avec des propos qui sont d'ailleurs des propos qui sont – disons – relativement grossiers, n'est-ce pas. On le leur dit d'une façon que Maurice Duplessis n'aurait pas lui-même utilisée, parce que Maurice Duplessis, il n'était tout de même pas disponible pour ce genre de grossièreté. On leur dit: Vous êtes des gosseux de poils de grenouille. En d'autres mots, nous, du gouvernement, nous, d'Hydro-Québec, nous savons mieux ce qu'il faut faire et, dans votre cas, évidemment, vous devriez vous comporter comme des enfants dociles, puisque vous devriez finalement consentir à la décision du père, à la décision de celui qui en sait plus long que les autres parce que c'est lui qui commande, c'est lui qui sait quel est votre meilleur intérêt, et vous conduire conséquemment comme de bons enfants.

Eh bien, M. le Président, au-delà des enjeux légaux de ce jugement, au-delà d'un comportement d'un gouvernement qui décide de suspendre les procédures légales normales d'évaluation environnementale, et qui décide de le faire d'une façon qui témoigne d'un manque de considération scandaleux à l'égard, disons, des préoccupations des gens des communautés locales, en d'autres mots, on décide, sans égard à leur opinion, de faire passer sur leur terrain les pylônes, et tout le reste. On n'a aucune préoccupation pour les questions environnementales, on n'a aucune préoccupation pour les questions panoramiques. Ces questions-là ne font pas partie des enjeux qui sont importants pour Hydro-Québec et pour le gouvernement.

Mais, au-delà de ces considérations, au-delà de cette façon disgracieuse et quasi antidémocratique de gouverner, de cette façon de gouverner qui remet en cause l'idée même que les citoyens ont le droit au chapitre, ont le droit d'exprimer leur voix sur des décisions qui les touchent, des décisions qui ont des impacts sur leurs intérêts, des décisions qui ont des impacts sur leur vie, des décisions qui ont des impacts sur leur façon de vivre, sur leur confort, comme collectivité et comme individus, on utilise aussi pour les paralyser, pour les amener à se taire, des propos qui sont ceux qu'on entendait au Québec sous une forme un peu moins disgracieuse, dois-je ajouter, il y a 45 ans.

En écoutant parler l'ancien ministre des Ressources naturelles, M. le Président, je me rappelais la façon dont Harpagon, dans L'Avare de Molière, réagissait à sa fille qui refusait d'obéir à sa décision de la marier contre son gré. Et Harpagon disait exactement à sa fille... Sur le même ton que le disait le ministre responsable des Ressources naturelles, il lui disait: «Ma fille, je suis votre père et je sais ce qu'il vous faut.»

C'est ça qui est l'enjeu ici, M. le Président. Nous sommes devant un mode de gouvernance néopaternaliste qui non seulement décide de suspendre une procédure légale normale visant à protéger l'environnement et les intérêts des citoyens concernés, mais qui, en plus, le fait sous un mode de gouverner qui est un mode paternaliste et qui est un mode finalement autocratique. Mais pas autocratique dans le sens des bonnes manières autocratiques de l'ancien temps, mais autocratique dans le sens des manières autocratiques d'aujourd'hui où tout cela est très camouflé, tout cela est très justifié, tout ça est très rationalisé au nom de l'intérêt supérieur d'Hydro-Québec et du Québec.

Mais, fondamentalement, la situation devant laquelle on se trouve, c'est la situation que j'ai décrite plus tôt, à savoir celle d'une grande entreprise d'État et d'un gouvernement qui, en alliance l'un avec l'autre, prennent une décision qui va à l'encontre d'un modèle de gouvernement que nous avons construit ici, au Québec, de peine et de misère, et ce serait moins gênant si nous pouvions dire que cette dérogation par rapport à un modèle de gouvernement est faite par un gouvernement qui s'acharne, qui s'évertue, qui se drape dans la vertu du partenariat et de l'approche partenariale.

Le gouvernement, dans le cas de la loi n° 42, montre son vrai visage, le visage d'un gouvernement qui, lorsque le besoin de la rente hydroélectrique se fait sentir, est prêt à sacrifier les principes qui président à une gestion des choses publiques, de l'intérêt public, qui respectent les valeurs fondamentales du modèle de gouvernement dont j'ai parlé plus tôt. Et on se trouve devant un gouvernement qui se fait le chantre de ce modèle, qui se fait le défenseur de ce modèle, qui se fait le prédicateur de ce modèle, mais qui, néanmoins, lorsqu'il est devant une situation où son intérêt de gouvernement, son intérêt et l'intérêt d'une société d'État qui est une société d'État qui lui rapporte une rente énorme, une rente dont il a besoin, une rente dont il dépend, ce gouvernement décide, dans ces circonstances, de suspendre non seulement la loi, mais de suspendre le fonctionnement du modèle de gouvernement dont il fait l'éloge à tous les jours ici, dans cette Assemblée nationale.

(21 h 50)

On est donc, M. le Président, véritablement en présence d'une imposture, et c'est ce que je souhaiterais faire comprendre aux gens qui nous écoutent. Et je répète que je ne pourrai pas le faire comprendre aux gens d'en face. De toute façon, les gens d'en face savent fort bien de quoi je parle, mais ils n'ont aucun intérêt ni à me comprendre ni à m'écouter. Tantôt, lorsque mon collègue de Richmond parlait, il mentionnait une chose qui est d'un commun accord entre nous, à savoir que nous sommes favorables au renforcement du réseau hydroélectrique. Et qu'est-ce que j'ai entendu, à ce moment-là? C'est des gens du gouvernement qui ont dit: Ah bon!

C'est donc à dire que, lorsqu'on invoque un argument sérieux, lorsque, nous, on dit franchement ce pour quoi on est, ce qu'on défend, le gouvernement réagit par une sorte de basse ironie qui est, en fait, sa pratique courante à l'Assemblée nationale; on le voit tous les jours à l'Assemblée nationale. C'est encore là une façon de réagir à un travail d'opposition que je qualifierais non seulement de disgracieux, mais aussi de très paternaliste.

Il y a donc – et je conclus là-dessus, M. le Président – aux yeux de ce gouvernement, des gens, une élite, des décideurs, un gouvernement qui sait mieux, qui sait quel est l'intérêt général, qui sait mieux ce qu'est l'intérêt général que quiconque et qui est prêt non seulement à suspendre les procédures légales, normales d'évaluation, mais à dire aux gens qui ont des raisons valables de s'opposer, que ce soient l'opposition officielle ou les gens des communautés: Le mieux serait de vous taire, le mieux serait de ne pas parler. Et, dans le cas de l'ancien ministre des Ressources naturelles, évidemment ce qu'il nous dit, c'est que, si nous osons parler, si nous osons avoir le courage de parler, si nous osons ne pas pratiquer ce que ce gouvernement souhaiterait que nous pratiquions quotidiennement, à savoir la soumission volontaire, n'est-ce pas, qui est une forme d'esclavage politique que tout le monde connaît fort bien... Lorsqu'on fait preuve de courage, lorsqu'on dit franchement ce qu'on pense, lorsqu'on motive son opposition, on se fait traiter par les gens d'en face de gosseux de grenouilles, de poils de grenouille.

Je termine là-dessus, M. le Président. Ce n'est pas très, très encourageant de s'être battu durant tant d'années pour un renouvellement des moeurs politiques, un renouvellement du discours, un renouvellement de la mentalité, un renouvellement de la façon de gouverner. Les gens de ma génération se sont battus pour ça, moi, je me suis battu pour ça. Moi, je me suis battu pour qu'on ait au Québec un gouvernement qui prenne des décisions compte tenu de la voix qu'on a droit d'avoir sur les décisions qui sont prises. Je me suis battu contre l'autoritarisme de Maurice Duplessis, et ça me scandalise, ça me met en colère de constater, devenu député d'Outremont à l'Assemblée nationale, que je me retrouve devant une formation politique au pouvoir qui pratique le même genre de comportement qu'on pratiquait au Québec dans les années cinquante, mais qui le pratique d'une façon beaucoup plus subtile, qui le pratique sous un décor qui est beaucoup moins – comment dirais-je? – transparent, du point de vue de ses intentions, du point de vue des valeurs qu'elle véhicule, que c'était le cas dans les années cinquante et dans les années quarante.

Au moins, à cette époque-là, au Québec, les gens qui se comportaient d'une façon paternaliste avaient le culot de faire en sorte que tout le monde le sache et que tout le monde soit consentant à ce genre de jeu. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, mais on est néanmoins en présence d'un gouvernement qui s'évertue à se comporter de cette façon et qui le fait en toute bonne conscience, M. le Président! Nous sommes en présence d'un gouvernement qui viole des normes légales mais aussi des normes morales que la société québécoise a construites au cours des 40 dernières années et qui le fait en se drapant dans la vertu.

Je termine là-dessus, M. le Président. J'ose espérer que j'aurai réussi à faire comprendre ce que sont les véritables enjeux de notre opposition. Mais je sais que je n'ai guère d'espoir de faire changer ce gouvernement d'avis parce qu'un gouvernement paternaliste ne change pas d'avis. Un gouvernement paternaliste ne change pas d'avis parce qu'il sait mieux que tout autre et qu'il sait finalement qu'il a toujours raison, indépendamment de ce que l'opposition peut penser, parce que, finalement, ce qu'il souhaite, ce gouvernement paternaliste, c'est que l'opposition et les citoyens se conduisent comme de bons enfants, de bons enfants obéissants et de bons enfants consentants à ses diktats. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Et je cède la parole à Mme la députée de Crémazie.


Mme Manon Blanchet

Mme Blanchet: Merci, M. le Président. Tout d'abord, il me semble bien inutile de répondre aux propos du député d'Outremont, puisque toutes celles et ceux qui nous écoutent savent très bien que la démocratie a en sainte horreur la démagogie.

Une voix: Bravo!

Mme Blanchet: Sur ce, M. le Président, il me fait très plaisir de pouvoir intervenir ce soir sur le dépôt du projet de loi n° 42, suite à son dépôt par mon collègue le ministre des Ressources naturelles. Comme vous le savez, ce projet de loi vise à protéger la construction d'infrastructures et d'équipements par Hydro-Québec suite à la tempête du verglas qui est survenue du 5 au 9 janvier 1998.

Lors de cette tempête, plusieurs régions du Québec furent touchées, obligeant ainsi plus de 3 000 000 de personnes à quitter leur domicile, certaines pour quelques jours, alors que d'autres, comme les résidents et les résidentes du fameux triangle noir de la Montérégie, eux, pour plusieurs semaines.

Tout comme la majorité des Québécois, les événements du début janvier 1998 vont rester à jamais gravés dans ma mémoire. Au début, les médias nous rapportaient seulement quelques pannes, plutôt dans des coins...

Une voix: Temporaires.

Mme Blanchet: ...temporaires, comme il en survient à chaque année. Mais, tout à coup, des pylônes, des poteaux se sont mis à s'écrouler, des quartiers de Montréal, de la Rive-Sud, de la Montérégie se sont retrouvés plongés dans le noir. Même le centre-ville de Montréal a été vraiment évacué pendant plus d'une semaine, étant évidemment sans électricité et les édifices et les rues étant éminemment dangereux. Encore plus grave aussi, la ville de Montréal est passée à un cheveu de voir son réseau d'eau potable complètement à sec.

Donc, M. le Président, la population du Québec a vraiment vécu des heures difficiles, du 5 au 9 janvier 1998. Tous pouvaient s'inquiéter pour des membres de la famille, des amis ou des voisins dont ils étaient sans nouvelles. Et, malheureusement, en plus, à certains endroits, même le service téléphonique n'était plus en service.

Je fus moi-même sinistrée pendant plus d'une semaine, puisqu'une bonne partie de la circonscription de Crémazie, à Montréal, a été touchée par cette tempête sans précédent. D'ailleurs, c'est la maison de mes parents, tout comme la résidence de plusieurs milliers de Québécois et de Québécoises, qui est devenue le centre d'hébergement des autres membres de la famille qui étaient sinistrés tout comme moi. Alors, ensemble, nous avons pu constater...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Mulcair: Oui. Est-ce que vous auriez l'obligeance de vérifier s'il y a quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce qu'il y a une commission qui siège actuellement? Non? Alors, qu'on appelle les députés.

(22 heures – 22 h 1)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous avons largement quorum, nous allons pouvoir reprendre nos travaux. Je vais céder la parole à Mme la députée de Crémazie.

Mme Blanchet: Merci, M. le Président. C'est malheureux que l'opposition se préoccupe d'un quorum pendant que, nous, on se préoccupe de la population et de sa sécurité.

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Blanchet: Alors, M. le Président, je disais donc que, pendant toute cette crise, nous avons pu constater la grande générosité de la population du Québec ainsi que la solidarité exprimée tout au long de cette crise. Comme l'a déjà mentionné mon collègue de Saint-Hyacinthe, les citoyens et les citoyennes des régions non touchées par cette tempête ont prêté main-forte aux sinistrés, que ce soit par l'envoi de génératrices, de bois de chauffage ou même l'offre de places d'hébergement chez eux pour justement aider au désengorgement des centres d'hébergement et des centres d'accueil temporaires. Comme elle l'avait aussi démontré lors des pluies diluviennes de l'été 1996 ou, si vous préférez, le déluge du Saguenay, la population du Québec a ouvert son coeur à ses compatriotes en difficulté.

Il faut également rendre hommage, M. le Président, au premier ministre du Québec qui a mené d'une main de maître toute cette crise. Malgré les circonstances parfois très graves, il a su mettre en confiance toutes les citoyennes et tous les citoyens, il a vu aussi à ce que toutes les procédures entreprises, les démarches de rétablissement du réseau, et tout ça, soient bien expliquées à tout le monde, et il nous transmettait le vrai portrait de la situation avec un calme remarquable. Il faut aussi souligner le travail du président-directeur général d'Hydro-Québec, M. André Caillé. Sans mauvais jeu de mots, il a su mobiliser toutes les énergies de son personnel, et son personnel a travaillé des fois dans des circonstances qui n'étaient pas vraiment évidentes, et ils ont travaillé des heures et des heures, et ce, des jours durant.

Après une tempête de cette envergure, le seul constat qu'ont pu faire le gouvernement du Québec et Hydro-Québec, c'était que, malgré qu'il soit un des meilleurs réseaux en Amérique du Nord, notre réseau n'était pas infaillible. Alors, on s'entendait tous pour dire qu'il fallait tout mettre en oeuvre pour éviter qu'une telle crise ne se reproduise pour les citoyennes et les citoyens du Québec. Plusieurs options donc se présentaient à la société d'État: premièrement, reconstruire les réseaux et attendre la suite des choses au cas où il y aurait une nouvelle crise du verglas; deuxièmement, renforcer l'ensemble du réseau existant pour qu'il puisse résister à une aussi grande charge de glace, comme celle qu'on avait connue en janvier 1998; ou encore – et c'est celle qui a été retenue – adopter une approche ciblée du renforcement du réseau en procédant au bouclage des régions touchées par le verglas, soit la Montérégie, la Rive-Sud de Montréal, l'Outaouais de même que le centre-ville de Montréal. Il a été aussi convenu de renforcer le réseau dans la région, ici, de Québec et celui de la ville de Québec, de construire une interconnexion avec l'Ontario pour donner une nouvelle source d'énergie au Québec et surtout dans le but d'accroître la sécurité de l'alimentation électrique de ces régions et de Montréal.

C'est ainsi que, le 28 janvier 1998, le gouvernement du Québec adoptait quelques décrets, dont ceux autorisant diverses constructions et divers travaux par Hydro-Québec, comme la ligne Hertel–des Cantons, et aussi celui créant la commission Nicolet, Commission technique et scientifique chargée d'analyser les événements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, dont le rapport fut déposé le 7 avril dernier.

La construction de la ligne Hertel–des Cantons, on le sait, a soulevé les protestations de personnes habitant cette région. C'est ainsi qu'on a fait la connaissance de la Coalition du Val-Saint-François. Ce groupe s'oppose à la sécurisation du réseau en alléguant que la seule et unique raison d'être de la ligne Hertel–des Cantons est l'exportation de l'électricité vers les États-Unis. C'est également la position de l'opposition officielle qui a décidé de s'associer à cette petite coalition au détriment des 3 000 000 de personnes qui, elles, ont été victimes du verglas.

Malheureusement, la Coalition du Val-Saint-François ainsi que l'opposition officielle, les libéraux, font fausse route. La ligne Hertel–des Cantons est construite afin de boucler la Montérégie, amener 2 000 MW à Montréal et ainsi sécuriser le réseau d'alimentation électrique de ces régions. Malgré toutes les explications données par Hydro-Québec et par le gouvernement, explications qui justifient le projet, le groupe s'est adressé à la Cour supérieure afin de demander l'annulation des décrets adoptés. Ils ont demandé aussi à ce que tous les projets soient étudiés par le BAPE parce que, selon eux, il n'y avait eu aucune consultation avant l'exécution de ces travaux, et ils contestent également les travaux et le tracé retenu pour la construction de la ligne Hertel–des Cantons.

À ce sujet, M. le Président, j'aimerais rappeler une chose qui me semble bien importante. Le tracé qui a été retenu par Hydro-Québec est le tracé de moindre impact qui a été proposé par la MRC du Val-Saint-François qui, elle, avait justement engagé une firme, la firme Aménatech inc., pour justement faire une proposition à Hydro-Québec d'un tracé de moindre impact. Donc, c'est un peu curieux de voir un groupe protester contre le tracé qui a été proposé par leurs élus, les gens de la MRC du Val-Saint-François.

Il est aussi faux de prétendre qu'il n'y a eu aucune consultation, ou aucune implication, ou aucune concertation avec les citoyens, puisque Hydro-Québec a tenu 53 rencontres publiques sur le projet du bouclage montérégien et fait aussi plus de 1 600 rencontres individuelles avec les propriétaires concernés. Si ce n'est pas de la consultation, je ne sais pas comment je pourrais qualifier ce processus-là. Donc, il me semble important de rectifier certains faits.

Le 23 février dernier donc, Mme la juge Rousseau rendait sa décision. Elle ordonnait l'arrêt immédiat des travaux sur Hertel–des Cantons et déclarait illégaux les décrets adoptés par le gouvernement en janvier 1998. Ce jugement ne signifie pas que les travaux ne sont pas justifiés. Ce jugement tient compte des lois actuelles qui ne prévoient pas de procédure d'urgence et qui nous obligent à un long processus de consultations publiques.

Dans sa déclaration ministérielle du 11 mars dernier, le ministre des Ressources naturelles annonçait donc la décision du gouvernement de ne pas en appeler du jugement de Mme la juge Rousseau et la décision aussi de respecter ce même jugement. Toutefois, il faut dire, M. le Président, qu'Hydro-Québec et le gouvernement sont allés plus loin dans le respect de ce jugement-là, c'est-à-dire que, non seulement Hydro-Québec a-t-elle interrompu et arrêté les travaux sur Hertel–des Cantons, mais a aussi arrêté tous les autres travaux qu'il y avait de bouclage du réseau à travers le Québec.

C'est évident que l'arrêt de ces travaux cause des maux de tête à plusieurs entreprises et travailleurs. C'est ce que sont venus nous dire des représentants de la Coalition patronale-syndicale en faveur de la reprise rapide des travaux de renforcement électrique du Québec et des représentants de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec lors des audiences particulières la semaine dernière. Plus de 2 200 travailleurs sont présentement sans emploi suite à ces arrêts de travaux. Plusieurs intervenants entendus à la commission parlementaire de l'économie et du travail ont accepté la décision du gouvernement de ne pas en appeler du jugement et aussi la décision du gouvernement de soumettre les prochaines opérations à faire aux consultations publiques du BAPE, mais ils espèrent que ces consultations pourront se faire de façon plus rapide pour justement permettre à toutes ces entreprises et à tous ces travailleurs de se remettre au boulot le plus tôt possible.

M. le Président, je voudrais maintenant vous dire quelques mots sur ces audiences publiques et consultations particulières qu'a tenues la commission parlementaire de l'économie et du travail la semaine dernière. Lors de la sortie des députés libéraux à l'ouverture des travaux mardi dernier, accompagnés par quelques représentants de la Coalition du Val-Saint-François, j'ai tenté de comprendre comment pouvaient se sentir les quelque 3 000 000 de personnes qui ont été victimes du verglas, réalisant que les libéraux ne se souciaient pas de ce qu'ils avaient vécu, eux, pendant toutes ces semaines et que les libéraux avaient décidé de ne supporter qu'un seul groupe de citoyens et citoyennes.

Parlant d'appui, M. le Président, seulement une petite parenthèse, c'est que les libéraux disent avoir beaucoup d'appuis, mais, dans le fond, on ne les connaît pas vraiment, alors qu'Hydro-Québec et le gouvernement du Québec, dans sa politique de sécurisation du réseau, ils ont l'appui de plusieurs organismes ou municipalités. D'ailleurs, il y a des lettres d'appui qu'on a reçues à la commission, lettres d'appui de la MRC des Collines-de-l'Outaouais, de la municipalité de L'Ange-Gardien, de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud au projet de sécurisation, de l'Institut de développement urbain du Québec, des industries Davidson, de l'entreprise Makibois et de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Tous ces organismes ou toutes ces municipalités appuient les projets de travaux de sécurisation du réseau.

(22 h 10)

Et, plus particulièrement, M. le Président, j'aimerais vous citer trois réflexions que la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud nous a mentionnées. Elle dit: «Si cela s'est produit, cela peut se reproduire.» C'est évident qu'il n'y a pas personne qui a une boule de cristal, qui pourra prédire un nouveau verglas, sauf qu'on doit quand même s'y préparer. Hydro-Québec et le gouvernement ont le devoir d'agir. Je pense que c'est ce que l'on a fait, et il y a urgence d'agir justement pour prévenir une telle situation comme on a connue en janvier 1998.

Ces trois jours d'échanges ont été très enrichissants. Les échanges entre les invités et les membres ministériels de la commission ont été fort intéressants, et à ceux qui disaient que nous allions nous ennuyer, eh bien, détrompez-vous, ce ne fut pas le cas, bien au contraire. Les députés du Parti libéral auraient eu avantage à participer à ces consultations, puisqu'ils auraient ainsi pu comprendre dans quel contexte ont été prises ces décisions – un contexte d'urgence, ne l'oublions pas – et aussi comprendre ce qui s'est vraiment passé dans le réseau d'Hydro-Québec entre le 5 et le 9 janvier 1998, et aussi comment les gens et les entreprises ont vécu cette catastrophe.

M. le Président, par cette intervention, je désirais à ma façon rappeler les circonstances qui ont mené à la construction d'infrastructures et d'équipements par Hydro-Québec suite à la tempête de verglas. Des investissements de 300 000 000 $ ont été effectués à ce jour. Ai-je besoin de rappeler qu'Hydro-Québec est une société d'État qui appartient aux Québécoises et aux Québécois? Et je pense qu'à la suite de tels investissements il fallait que mon gouvernement, le gouvernement du Parti québécois, s'assure de protéger ces infrastructures et ces équipements et aussi de les prémunir d'une possibilité de démantèlement. C'est ce que le ministre des Ressources naturelles a fait par le dépôt du projet de loi n° 42. Je suis persuadée que la population du Québec n'aurait jamais accepté que nous démolissions ces infrastructures et ces équipements après avoir investi autant d'argent, et ce, dans le but – et ça, ils l'ont compris – de les protéger et d'éviter que des familles, des enfants, des personnes âgées, des malades et des personnes handicapées aient à revivre des événements semblables.

Le projet de loi n° 42, M. le Président, prévoit aussi que les travaux à venir se feront dans le cadre des procédures prévues aux lois comme la Loi sur la qualité de l'environnement, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles. On peut comprendre que certaines personnes trouvent que des pylônes n'ont pas de qualité esthétique et veulent éviter de les avoir dans leur champ de vision, mais il ne faut pas remettre en cause la bonne foi du gouvernement et d'Hydro-Québec dans la prise de toutes ces décisions visant à procéder rapidement pour rétablir et sécuriser le réseau d'alimentation électrique.

Il faut le rappeler, personne n'avait d'idées croches en prenant de telles décisions. Je fais référence ici au prétendu désir d'Hydro-Québec d'exporter de l'électricité vers les États-Unis avec la ligne Hertel–des Cantons selon l'opposition officielle et la Coalition du Val-Saint-François. D'ailleurs, M. Caillé nous a démontré clairement lors des audiences de la semaine dernière que ce n'est pas du tout le cas. Je l'ai déjà dit plus tôt, la ligne Hertel–des Cantons est construite pour boucler toute la Montérégie et sécuriser Montréal par l'arrivée de 2 000 MW. De plus, les interconnexions existantes en ce moment dans le réseau ne sont utilisées que pour à peine 40 % de leur capacité. Alors, pourquoi Hydro-Québec investirait dans de nouvelles interconnexions alors que celles existantes ne sont pas pleinement utilisées? Poser la question, c'est y répondre.

Donc, M. le Président, en terminant, permettez-moi évidemment de rappeler mon appui au ministre des Ressources naturelles pour son projet de loi n° 42 et parce qu'il est tout simplement impensable que l'on accepte que des citoyens et des citoyennes puissent vivre ou revivre une crise comme celle que nous avons connue en janvier 1998. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Crémazie. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Pardon?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, ça va.

Mme Loiselle: Je pensais que vous m'aviez interpellée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: M. le Président, je tenais à intervenir ce soir, à l'adoption du principe du projet de loi n° 42, la loi qui concerne Hydro-Québec, les infrastructures et l'équipement, suite de la tempête de verglas survenue au Québec en janvier 1998.

M. le Président, avec les orientations contenues dans le projet de loi n° 42, le tout, il faut le dire, enrobé d'une commission parlementaire bidon et orchestré par le ministre des Ressources naturelles, il est évident que ce gouvernement nous fait, encore une fois, la démonstration de son arrogance envers tous ceux et celles qui ne pensent pas comme lui.

Il nous fait aussi la démonstration, M. le Président, ce gouvernement, de sa froideur également à l'égard des préoccupations et des inquiétudes des citoyens et des citoyennes du Val-Saint-François, qui sont les premières victimes de l'attitude méprisante du gouvernement péquiste et qui se voient également, ces citoyens, avec le projet de loi n° 42, bernés à nouveau par ce gouvernement.

Comment ne pas réagir avec colère? Comment ne pas réagir avec vigueur et opposition devant ce gouvernement qui en est rendu à inventer de toutes pièces un projet de loi qui a pour but premier de rejeter et d'ignorer les gestes déclarés illégaux dans un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec, un jugement, M. le Président, sans équivoque quant à l'illégalité des nombreux décrets adoptés à toute vapeur par ce gouvernement lors de la crise du verglas?

Non, M. le Président, les députés du Parti libéral du Québec ne feront pas partie de cette mise en scène trompeuse. Non, M. le Président, les députés du Parti libéral du Québec ne s'associeront pas à un projet de loi qui bafoue et ridiculise un jugement rendu par la Cour supérieure du Québec. Non, M. le Président, les députés du Parti libéral du Québec n'appuieront pas un gouvernement qui méprise ses propres lois et qui, par son attitude intransigeante, fait ombrage à notre démocratie.

Les Québécoises et les Québécois ne sont pas dupes de la supercherie de ce gouvernement. Gouverner par décrets, c'est gouverner en sachant très bien que des lois sont violées et non respectées. Refuser d'entendre des citoyens qui réclamaient tout simplement un débat public, des citoyens qui réclamaient tout simplement la vérité, refuser de les entendre, M. le Président, c'est indigne d'un gouvernement qui prône le respect de la démocratie.

Traiter les citoyens d'une région de gosseux de poils de grenouille, comme l'a fait le député de Joliette, c'est plus que méprisant, M. le Président; c'est ignoble, c'est odieux. Et, si le premier ministre du Québec avait eu un minimum de respect pour les citoyens du Val-Saint-François, il aurait ordonné au député de Joliette de faire des excuses publiques. Mais, M. le Président, le premier ministre du Québec ne l'a pas fait.

Tout ce que les citoyens du Val-Saint-François demandaient et étaient en droit de demander à leur gouvernement, c'est de la transparence. Et qu'est-ce qui poussait le gouvernement à imposer à la hâte et dans l'illégalité les tracés de la ligne Hertel–des Cantons? Est-ce que vraiment, M. le Président, au profit des citoyens de cette région ou bien, au contraire, au profit d'Hydro-Québec, afin que la société d'État réalise le plus tôt possible ses projets d'exportation? Poser cette question, c'est y répondre.

Il est clair qu'Hydro-Québec et le gouvernement péquiste, ensemble, comme les doigts de la main, M. le Président...

M. Béchard: Question de règlement. Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de...

M. Béchard: Oui, M. le Président, juste pour qu'on puisse vérifier s'il y a bel et bien quorum pour le discours de ma collègue de Sainte-Marie–Sainte-Anne.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, je vais prendre quelques secondes, là, pour vérifier.

Alors, nous n'avons pas tout à fait quorum.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! On ne sonnera pas tout de suite, je vais laisser quand même quelques secondes pour donner la chance à tout le monde de pouvoir venir.

Alors, nous avons présentement quorum, et je cède la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Des voix: ...

Mme Loiselle: Est-ce que le party est parti, M. le Président?

(22 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y en a plusieurs qui entrent encore, là. Je vous inviterais, s'il vous plaît, à...

Nous avons quorum, donc on peut reprendre nos travaux et je... S'il vous plaît! Alors, je vais céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.

Mme Loiselle: Je disais donc, M. le Président, qu'il est clair qu'Hydro-Québec et le gouvernement péquiste, ensemble, comme les doigts de la main, ont profité de la crise du verglas pour mousser de façon médiatique la situation d'urgence afin d'aider Hydro-Québec à réaliser ses visées d'exportation d'électricité vers les États-Unis et ainsi arriver à ses fins. Toujours en invoquant l'urgence d'agir et en gouvernant par décrets, le gouvernement a éliminé tous contrôles gouvernementaux et a fait fi du processus normal quand on veut autoriser la construction d'une ligne, soit de présenter le tout devant le BAPE. Mais, aujourd'hui, sachant ce que l'on sait, il est évident que l'urgence d'agir du gouvernement n'était que de la frime, car nous savons tous maintenant que la ligne Hertel–des Cantons ne sera pas complétée avant trois ans.

Heureusement, M. le Président, que les citoyennes et les citoyens du Val-Saint-François sont des gens de coeur, des gens tenaces, des gens qui n'acceptent pas d'être méprisés par ceux qui les gouvernent! C'est grâce à leur ténacité et c'est grâce à leur conviction que la Coalition des citoyens du Val-Saint-François, se voyant refuser un débat public et devant le rejet du gouvernement péquiste d'au moins analyser leur solution de rechange... C'est là qu'ils ont décidé ensemble de s'adresser à la Cour supérieure du Québec pour mettre fin à l'illégalité des décrets imposés par ce gouvernement et aussi pour arrêter les travaux entrepris par Hydro-Québec pour son projet Hertel–des Cantons.

M. le Président, le 23 février 1999, un jugement clair, un jugement limpide, sans équivoque, est rendu en faveur de la Coalition des citoyens du Val-Saint-François par la juge, l'honorable Jeannine Rousseau. Le tribunal émet une injonction et ordonne à Hydro-Québec de cesser immédiatement tous ses travaux.

Permettez-moi, M. le Président, de vous rappeler un passage important de ce jugement qui démontre clairement que le gouvernement du Québec a volontairement ignoré nos propres lois à teneur environnementale avec l'émission de tous ces décrets. Le jugement dit ceci, et je cite la juge, M. le Président: «Ce quasi-mépris de ces lois se manifestait par l'imposition d'un délai très court, mais aussi par l'attitude d'Hydro-Québec qui voulait imposer les conclusions qu'elle désirait avant même que ces conclusions n'aient été étudiées conformément à la loi.» Et la juge Rousseau continue ainsi: «Le gouvernement devait agir en conformité avec toutes les lois. Il ne pouvait s'autoriser de la situation de crise pour les ignorer, y passer outre ou ne les respecter qu'en apparence.»

Eh bien, au lieu de respecter le jugement de la Cour supérieure du Québec, que fait le gouvernement du Parti québécois? Eh bien, c'est facile, sa nouvelle habitude, M. le Président, il modifie la loi en sa faveur. Il est très tentant ici de faire un parallèle avec le dossier de la transmission des renseignements nominatifs au ministère du Revenu, qui a provoqué malheureusement la démission de la députée de Rosemont et ex-ministre du Revenu. Le nouveau ministre du Revenu, lui, et député de Verchères, qui a enfreint également la loi au niveau de la transmission des renseignements nominatifs au Bureau de la statistique, eh bien, lui, M. le Président, le député de Verchères, il fait exactement comme le ministre des Ressources naturelles: il légifère, il modifie la loi et il la modifie en sa faveur.

On ne pouvait pas s'imaginer que l'autre façon de gouverner, cela voulait dire faire n'importe quoi et légiférer par la suite pour légitimer sa propre décision. En allant de l'avant avec le projet de loi n° 42, le gouvernement n'a fait que prouver l'irrespect envers nos institutions, le mépris envers la population et un manque flagrant et délibéré de transparence.

En tant que législateur, vous comprendrez, M. le Président, que je ne peux m'associer à ce genre de projet de loi qui découle de stratégies tortueuses et d'astuces de la part de ce gouvernement et qui est finalement uniquement une façon détournée pour se soustraire rétroactivement de l'application de l'article 73 de la Loi sur la Régie de l'énergie. Il est presque scandaleux, M. le Président, de voir un gouvernement se soustraire d'une loi, une loi qu'il a lui-même initiée, créée, parce que c'est le gouvernement du Parti québécois qui a créé la Loi sur la Régie de l'énergie. Il est important de rappeler en cette Chambre que l'article 73 stipule clairement qu'«Hydro-Québec doit obtenir l'autorisation de la Régie, aux conditions et dans les cas qu'elle fixe par règlement, pour acquérir, pour construire ou disposer des immeubles ou des actifs destinés à la production, au transport ou à la distribution d'électricité ou de gaz naturel». Hydro-Québec, M. le Président, doit aussi obtenir l'autorisation de la Régie pour étendre, modifier son réseau de distribution, pour changer l'utilisation de son réseau de distribution ou pour exporter de l'électricité hors du Québec. De plus, M. le Président, le projet de loi n° 42 prévoit une disposition qui empêchera que tout recours soit reçu ou maintenu contre le gouvernement ou contre Hydro-Québec en raison du fait que des opérations ont été faites en contravention de la loi.

Devant ces faits, devant l'attitude malsaine et devant la désinvolture du gouvernement du Parti québécois, il va sans dire, M. le Président, que l'opposition va s'opposer vigoureusement à l'adoption du projet de loi n° 42. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton. Mme la députée.


Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 42 vise principalement à assurer la légalité de la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements suite à la tempête de verglas survenue au mois de janvier 1998. Pour ce faire, le gouvernement a adopté trois décrets qui allaient à l'encontre de ses propres lois. Le gouvernement justifiait cette mise en veilleuse de ses propres lois en invoquant l'urgence d'agir.

Je vous rappelle, M. le Président, que le Parti libéral s'était opposé à la façon de procéder du gouvernement du Parti québécois dans ce dossier d'Hertel–des Cantons, et c'est ce qui nous amène aujourd'hui à discuter sur le principe du projet de loi n° 42 qui s'appelle «loi conservatoire», mais, en réalité, c'est une loi spéciale qui autorise le gouvernement à légaliser ce qu'il a fait illégalement. C'est pourquoi, M. le Président, nous, du Parti libéral, avons appuyé avec sincérité la Coalition des citoyens du Val-Saint-François qui s'opposait à la construction de la ligne Hertel–des Cantons. Le Parti libéral appuyait la Coalition non pas pour se faire du capital politique, mais bien par respect des lois et des droits des citoyens édictés par ce même gouvernement. Le gouvernement, M. le Président, a profité de la crise du verglas pour outrepasser les mécanismes habituels des consultations publiques, pour imposer cette ligne électrique aux citoyens du Val-Saint-François. C'est inacceptable, M. le Président.

Imaginez un peu si les citoyens prenaient cette liberté de construire n'importe où ou n'importe comment un chalet, une maison sans l'autorisation de la CPTA. Ce ne serait pas long, M. le Président, que ce même citoyen recevrait une ordonnance de la CPTA de démolir et d'enlever immédiatement ce bâtiment. Ce même citoyen n'aurait pas le pouvoir de faire appel à une loi spéciale dite conservatoire afin de conserver son investissement qui, pour lui, serait aussi important, sinon plus, que les 300 000 000 $ dépensés par Hydro-Québec.

(22 h 30)

M. le Président, les citoyens formant la Coalition du Val-Saint-François sont tellement persuadés de la validité de leur opposition que, le 31 août 1998, ils s'adressent à la Cour supérieure et lui demandent, par une série de considérants, de mettre de côté les discussions du gouvernement et d'ordonner au gouvernement et à Hydro-Québec la cessation des travaux du projet Hertel–des Cantons. Ce même gouvernement et Hydro-Québec plaident que ces lois ont été respectées et attaquent le droit des demandeurs d'intenter les procédures devant la Cour supérieure. Mais, heureusement, la Cour supérieure a décidé d'entendre les citoyens. Le jugement tant attendu par la Coalition des citoyens du Val-Saint-François ainsi que par le gouvernement et Hydro-Québec a été rendu par l'honorable Jeannine Rousseau, le 23 février 1999. M. le Président, les conclusions de ce jugement ont été bien claires. Ce que dit Mme la juge: «Les décrets adoptés à l'égard de Hertel–des Cantons outrepassent les pouvoirs exécutifs et sont illégaux, inapplicables, inopérants, ultra vires, nuls et sans effet. Le tribunal émet donc une injonction d'arrêter tous les travaux en cours.»

À la suite de ce jugement, le 11 mars 1999, le ministre, par une déclaration ministérielle, informait l'Assemblée nationale que le gouvernement du Québec n'interjettera pas appel du jugement de la Cour supérieure et se conformera à l'injonction émise. Quelle grande soumission, M. le Président! Mais, dans cette même déclaration ministérielle, le ministre des Ressources naturelles nous annonce, en toute candeur, le dépôt d'une loi conservatoire, loi spéciale pour légaliser ce que ce gouvernement a fait illégalement.

Inutile de vous dire, M. le Président, car vous vous en souviendrez sûrement, que cette déclaration ministérielle a été décriée par notre chef, M. Jean Charest, qui, encore une fois, a dénoncé l'attitude de ce gouvernement. Et, M. le Président, je vais vous citer quelques-uns de ses arguments.

Le gouvernement avoue aujourd'hui avoir dépensé 300 000 000 $ de fonds publics pour se faire virer de bord par un tribunal, et ce, après s'être fait dire à plusieurs reprises, tant à l'intérieur de l'Assemblée nationale qu'à l'extérieur, qu'il avait tort d'agir ainsi. À la page 22 du jugement Rousseau, il est écrit: «Le conseiller spécial du premier ministre, M. Jean-Roch Boivin, nous fait part que M. Lucien Bouchard s'est engagé publiquement à ce que la population du Val-Saint-François soit largement consultée avant que la construction de la ligne d'énergie de 735 kW soit entreprise. En refusant d'avoir recours au BAPE, le gouvernement cherche toujours l'esquive au lieu de faire face à ses responsabilités.» L'opposition officielle combattra jusque dans ses dernières énergies, ses derniers retranchements, cette loi spéciale qu'il cherche à faire avaler à la population du Québec. Eh bien, oui, M. le Président, nous, de l'opposition libérale, combattrons jusqu'à la fin ce projet de loi.

Le seul processus de consultation qui aurait dû être retenu est le BAPE. Le gouvernement a refusé de soumettre la ligne Hertel–des Cantons à ce processus en invoquant que cela mettrait en péril les équipements construits et que ceux-ci pourraient être démantelés. On a demandé, M. le Président, à plusieurs reprises, que le gouvernement respecte ses propres lois. Nous pensons qu'il était possible de faire le travail que demandait Hydro-Québec en respectant ces lois-là, en étudiant des alternatives et en faisant des évaluations environnementales. Malgré les nombreuses demandes des citoyens du Val-Saint-François demandant au gouvernement de revenir sur sa décision et de respecter ses propres lois, le gouvernement a profité de la crise du verglas pour pousser son projet et faire passer trois décrets.

Dans toute cette histoire, il ne faut pas oublier qu'il y a eu une rencontre entre le premier ministre et les citoyens du Val-Saint-François. C'est d'ailleurs lors de cette rencontre que le premier ministre avait félicité les citoyens d'avoir eu recours aux tribunaux. Est-ce normal, M. le Président, qu'un chef de gouvernement encourage des citoyens à utiliser les tribunaux pour se battre contre son propre gouvernement, le gouvernement qu'ils ont élu? Le premier ministre leur avait dit également qu'il respecterait le jugement de la Cour. Ce que le premier ministre a oublié de dire, c'est qu'il déposerait, par l'entremise de son ministre des Ressources naturelles, une loi conservatoire pour légaliser ce qu'il avait fait illégalement.

Je m'en voudrais d'oublier le rôle du député de Johnson et adjoint parlementaire du ministre des Finances qui a, lui aussi, rencontré à plusieurs reprises les citoyens du Val-Saint-François et dont les journaux ont fait largement mention. Je vais vous citer quelques-unes de ses paroles. En gros titre, on pouvait lire, dans La Tribune : Ligne d'Hydro, Boucher assure qu'il y aura une vraie consultation . «J'ai obtenu cette assurance du premier ministre, Lucien Bouchard, et du ministre des Ressources naturelles, Guy Chevrette, qu'ils vont consulter les intervenants du Val-Saint-François, analyser ce qu'ils ont à dire et en tenir compte, dit M. Boucher en entrevue. Cela implique une notion d'écoute et de respect, ajoute-t-il.»

Et toujours dans le même dossier, toujours en gros titre dans le journal: Hydro-Québec prendra le temps nécessaire, dit M. Boucher . Je cite encore les paroles de M. Boucher: «J'ai la conviction, avec les échanges que j'ai eus avec Hydro-Québec, qu'Hydro-Québec va tenir une consultation correcte et dans le respect des gens.» Et, comme nous le savons tous, les bonnes paroles du député de Johnson n'ont pas été entendues; son gouvernement est passé outre ses bons conseils, le jugement Rousseau a été rendu. Le député de Johnson avait-il vraiment les informations nécessaires pour faire toutes ces affirmations ou n'était-ce pas, là encore, que des déclarations vides de sens pour faire les manchettes dans les journaux de la région?

Malgré le jugement rendu, le député de Johnson poursuit toujours sa croisade dans les journaux, et je cite: «Moi, depuis le début, j'ai toujours souhaité qu'il y ait une consultation formelle.» Le député de Johnson a dû comprendre qu'il y a une grande différence entre ses souhaits et les décisions des membres de son gouvernement. Et je poursuis en vous citant les propos d'un journaliste: «Le député de Johnson n'est pas étonné du jugement rendu par la Cour supérieure qui donne raison sur toute la ligne aux opposants du projet.» Le député de Johnson ajoute, et je le cite: «Je me sens très à l'aise avec ça. J'ai quand même défendu mon point de vue jusqu'à la limite. Plus loin que ça, tu démissionnes.» Pourquoi pas, M. le Président? Peut-être que la proposition de démission du député de Johnson aurait été entendue et même acceptée par son gouvernement, contrairement à ses autres recommandations et propositions concernant Hertel–des Cantons.

Et, en mars dernier, concernant une possible loi spéciale dans ce dossier, et je cite à nouveau le député de Johnson...

Une voix: Il jase, lui.

Mme Bélanger: Il jase beaucoup, dans la tribune; ça n'a pas grand effet, mais ça jase: «Je ne suis pas juriste, et c'est loin d'être mon domaine. Quant à une éventuelle loi spéciale, je ne veux même pas envisager cette hypothèse-là.» Nous sommes pourtant ici à discuter de la loi spéciale que le député de Johnson ne pouvait même pas envisager.

Où est le pouvoir du député de Johnson? Tout en critiquant l'attitude de son gouvernement dans le dossier Hertel–des Cantons et l'imposition des décrets pour permettre la réalisation du projet, le député de Johnson dit se sentir très à l'aise aujourd'hui avec la décision du gouvernement. Eh bien, M. le Président, je ne peux comprendre le bien-être du député de Johnson dans ce dossier. Je ne peux comprendre son bien-être devant un projet de loi qui prévoit une disposition qui empêchera que tout recours soit reçu ou maintenu contre le gouvernement ou Hydro-Québec en raison du fait que des opérations ont été faites en contravention d'une loi.

Le député de Johnson change d'idée assez rapidement; ce qui était inadmissible en 1998 devient soudainement acceptable en 1999. Les citoyens du Val-Saint-François jugeront en temps et lieu de la capacité de leur député à défendre les intérêts. Et c'est pour cette raison, M. le Président, que le projet de loi ne peut être endossé par l'opposition officielle. Il s'agit bel et bien d'une loi spéciale qui témoigne encore une fois du manque de respect et de considération de ce gouvernement envers les citoyens et les citoyennes du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull. M. le député.


M. Roch Cholette

M. Cholette: Merci, M. le Président. Alors, je ne peux pas dire que je suis très heureux de prendre la parole sur le projet de loi n° 42, parce que ce n'est jamais un moment heureux de devoir parler sur un projet de loi qui est négatif, néfaste et surtout contradictoire aux valeurs fondamentales du gouvernement, semble-t-il, mais surtout des gens du Québec.

(22 h 40)

Dans la tempête du verglas, du 5 au 9 janvier 1998, on a subi un gel important, un gel physique, au Québec. Mais, en même temps, on a aussi subi, avec le gouvernement d'en face, un gel du respect des institutions, un gel pour le respect de la démocratie et un gel surtout pour le respect des citoyens. Alors, d'un trait, entre ces quatre jours là, bien, la démocratie, les citoyens et nos institutions en ont pris pour leur rhume, M. le Président.

Mais, aujourd'hui, ce dont je voulais vous parler particulièrement, c'est de l'impact notamment sur des comtés qui ont été touchés mais moins que les comtés près de Val-Saint-François. Puis mon comté a été touché par le gel, par la tempête du verglas. Et je tiens à vous parler de comment le gouvernement s'est acquitté de façon lamentable de ses obligations dans ce domaine-là et, par contre, a décidé d'aller à toute vapeur, avec des gestes illégaux qu'on connaît maintenant, et d'adopter des décrets, donc, qui maintenant sont ultra vires.

Alors, d'un côté, on a un gouvernement qui est lent comme une tortue pour régler des choses qu'il avait pourtant promises, alors que, de l'autre, il va à toute vapeur, en faisant fi du respect fondamental des citoyens. Mais la réalité, dans les villes touchées, M. le Président, c'est que ça a pris un an et demi pour régler les réclamations que les municipalités ont faites au gouvernement du Québec.

Pourtant, en pleine crise, le premier ministre nous disait: N'ayez pas peur – et, à ce moment-là, j'étais au conseil municipal, M. le Président – prenez les moyens qui sont nécessaires pour justement protéger les citoyens, réconforter les citoyens, et on va s'acquitter de nos responsabilités, de nos factures dans un délai raisonnable. Un an et demi pour régler les réclamations auprès des municipalités, ce n'est pas raisonnable.

Le premier ministre a pourtant fait une grande consultation. Il décide de ne pas en faire maintenant dans plusieurs sujets, il décide surtout de ne pas en faire dans le dossier de Val-Saint-François, il décide surtout de ne pas parler aux citoyens dans ce dossier-là, mais vous savez qu'il a parlé aux citoyens durant la tempête de verglas. Il s'est promené, en capitaine héros, à bord d'un hélicoptère pour distribuer des chèques de 10 $. Très beau «stunt» publicitaire! Quelle manoeuvre électorale! Incroyable! Je lui donne un 10 sur 10 sur ses relations publiques, M. le Président. Cependant, ce qu'on oublie...

Des voix: ...

Une voix: C'est mieux que rien.

M. Cholette: Oui, ce que j'entends en arrière, c'est que c'est mieux que rien. Ça a bien du bon sens, des chèques de 10 $ distribués par les airs, via le premier ministre, alors qu'il aurait peut-être dû se concentrer à adopter des décrets qui étaient légaux, M. le Président, plutôt que de faire le tour des airs pour distribuer... justement distribuer de l'argent du fédéral.

Mais ce que je voulais vous dire, M. le Président, c'est que c'est les municipalités qui ont dû aussi assumer les frais pour ce genre de 10 $ là. Parce que, dans plusieurs comtés, c'est les municipalités qui ont assumé ces frais-là. Et les municipalités ont dû assumer ces frais-là pour plus de six mois parce que le gouvernement, bien que très empressé d'aller distribuer de main à main, via le premier ministre, certains chèques, a dit aux municipalités, comme il l'a fait si longtemps: Prenez la facture puis ne chiâliez pas! Eh bien, c'est comme ça que ça s'est passé encore dans la tempête du verglas.

Puis je dois continuer l'histoire, parce que ça s'améliore, l'histoire du gouvernement du Québec dans les réclamations avec les municipalités. Chez nous, à Hull, le ministère nous a dit: Vous avez fait une bonne job, savez-vous, somme toute, là – il y a des gens qui ont été pris, on a fait des abris de secours, on a fourni de l'eau, tu sais, ça a bien été, les mesures d'urgence – mais on doute de vos comptes. Et, dans un souci de transparence et d'équité, ce qui n'a jamais effleuré l'esprit du cabinet quand il a adopté les décrets, le souci de transparence et d'équité, mais, pour les comptes à recevoir, il a un très grand souci d'équité et de transparence, bien, ils ont envoyé des vérificateurs, chez nous, à la ville de Hull, trois fois pour – et je vais vous faire la liste – qu'on leur – ces vérificateurs-là – remette des copies notamment de nos états de temps supplémentaire pour nos cols bleus.

On a dû inscrire sur des cartes de la ville de Hull où on a replanté des arbres, M. le Président. On a dû fournir toutes sortes de documents qui ont justifié les dépenses notamment en eau potable, en sel, pour être capable de réclamer ces montants-là. Juste pour faire ça, M. le Président, la municipalité a dû engager une personne à temps plein pour trois mois, simplement pour répondre aux caprices du ministère. Pendant ce temps-là, le cabinet adoptait à toute vapeur ce qu'on sait aujourd'hui comme étant un décret illégal.

Durant cette période-là, les municipalités du Québec, puis je vous cite le cas de Hull, n'avaient aucune assurance que les montants étaient pour être réglés par Québec, alors que l'argent provenait du fédéral, alors que le premier ministre s'y était engagé, alors qu'il se promenait dans les airs pour distribuer de l'argent; mais les municipalités, elles, zéro.

Mais, vous savez, le principe de la sécurisation du réseau, c'est souhaitable, c'est un bon principe, mais là où le bât blesse, c'est dans les méthodes qu'on a utilisées. C'est là que ça choque, parce que les méthodes, elles, ont été condamnées par les tribunaux. Mais vous savez que, pour contourner le jugement Rousseau, là on a trouvé une autre façon de faire et on a décidé d'utiliser un projet de loi conservatoire pour adopter une loi rétroactive, de façon rétroactive. Mais là-dedans, qui est servi? Est-ce que c'est l'intérêt public? Est-ce que c'est les citoyens? Pas vraiment. Est-ce que c'est Hydro-Québec? Fort probablement.

Quand on lit la déclaration ministérielle, M. le Président... Je vais la lire: «En ce qui concerne les infrastructures déjà construites et dont les coûts et engagements approchent les 300 000 000 $, l'effet du jugement est d'invalider le processus suivi. Des mesures correctives s'imposent pour protéger ces mêmes équipements qui permettent aujourd'hui d'envisager le retour aux procédures habituelles. Une loi conservatoire sera donc déposée à l'Assemblée nationale, avec effet à compter d'aujourd'hui.»

Mais faire cela, M. le Président, c'est un petit peu comme si on avait un voleur de banque qui se présente à la banque un soir, prend le magot, déclenche l'alarme, nos services de police arrivent et on prend les voleurs sur le fait, avec le magot dans les mains, et on lui dit: Vous savez, ce n'est pas correct, ce que vous venez de faire, vous avez violé des lois. Le voleur dit: Oui, c'est vrai, mais, moi, je vais être au-dessus de la loi. Donnez-moi les sanctions que vous voulez, mais, savez-vous, le magot, je le garde. C'est ce que le gouvernement est en train de faire. Il veut garder le magot, même s'il a été reconnu coupable d'avoir violé des lois fondamentales de respect de démocratie.

Si on était si transparent dans ce dossier-là et si on faisait ça pour le bien de tous, le bien collectif, comme on se plaît à dire de l'autre côté, pourquoi ne fait-on pas appel au Bureau d'audiences publiques en environnement? Pourquoi a-t-on peur? Pourquoi a-t-on peur de se faire valider ses agissements par un tiers, comme d'autres l'ont fait dans d'autres dossiers, de l'autre côté de cette Chambre? Mais non, un refus total, abnégation totale par rapport au BAPE, de peur sûrement d'avoir une autre gifle. Déjà, on est allé en cour, pas parce qu'on voulait, mais parce qu'on a été traîné devant les tribunaux. On s'est fait dire que c'était contraire aux lois. Et maintenant la peur du BAPE nous empêche d'aller devant lui.

Les consultations qu'on a tenues, écoutez, je n'ai pas besoin de faire la démonstration en quatre pour montrer que c'étaient des consultations pipées d'avance, des consultations bidon, des consultations qui n'étaient que pour la forme, que pour la frime. D'ailleurs, ce n'est pas seulement que nous qui l'avons dit.

Mais ce qui est le plus inquiétant, M. le Président, dans tout cela, c'est de voir l'attitude du ministre responsable des Ressources naturelles qui, sûrement dans un grand élan de générosité et de transparence, dit, je le cite, il accuse l'opposition de ne pas s'acquitter de son devoir, de quitter la commission parlementaire sur la sécurisation du réseau de distribution d'électricité et de s'accrocher aux basques d'un groupuscule de Val-Saint-François qui se qualifie pompeusement de coalition et à qui la victoire judiciaire manifestement monte à la tête.

(22 h 50)

Là, il y a des limites! Si on reprend les faits, là, on a un gouvernement qui fait un geste illégal, qui est reconnu comme tel par le tribunal, on a une opposition qui représente des citoyens de façon très correcte, de façon très légitime, et on a un ministre qui, lui, se dit: Parce que vous avez mis en doute mon jugement, mon gouvernement et la légalité de nos actes, moi, je qualifie premièrement ces gens-là de groupuscule, je les qualifie... deuxièmement, que le succès judiciaire a monté à leurs têtes.

Qu'ils s'en prennent à l'opposition, M. le Président, ça, c'est dans la partie, c'est dans la game, comme on dit. Mais, qu'ils s'en prennent aux gens du Québec qui défendent leurs intérêts à bout de bras avec l'énergie du désespoir, il y a une marge. L'arrogance a atteint son point tel dans ce gouvernement que le point de rupture est proche. Les gens du Québec, ils ne sont pas dupes, ils voient ce qui se passe. On a des gens qui travaillent pour défendre leurs intérêts fondamentaux, à qui le tribunal a donné raison, et on les traite comme ça du côté ministériel, on les qualifie... qui sont qualifiés pompeusement de coalition à qui la victoire judiciaire manifestement monte à la tête.

Puis, aussi, on continue. Alors, c'est le ministre, toujours, qui parle: «J'en arrive à la conclusion – a soutenu le ministre – que, faute d'être capables de mener un débat de fond sur les grands enjeux – et là, c'est nous – les libéraux se cantonnent dans le superficiel, le futile, les petites combines médiatiques et s'attachent au clinquant.» Bien, je ne sais pas si c'est ce qu'il pense du jugement de la juge Rousseau, je ne sais pas si c'est ce qu'il pense de tout ce dossier-là, à savoir que c'est des niaiseries, des clinquants, c'est futile, c'est superficiel, mais ils ont adopté un décret qui est illégal. La juge l'a dit: Ce n'est pas superficiel, ça, ce n'est pas insignifiant, ça. C'est ça, la démocratie, c'est de venir devant l'Assemblée puis de faire voter une loi. Il a décidé de ne pas faire ça de par l'urgence de la situation, urgence que personne n'a reconnue suite à l'étude approfondie de tout ce dossier-là. Et là il va qualifier nos propos dans ce dossier-là de futiles et de petites combines médiatiques. Je crois qu'il oublie les tours d'hélicoptère de son premier ministre. En tout cas.

M. le Président, ce qui est bien déplorable, c'est quand on est en train de faire passer les priorités d'Hydro-Québec et du gouvernement au-dessus des intérêts des citoyens et de la démocratie; et ce n'est certainement pas ce que ma collègue de Bonaventure, porte-parole dans le dossier, est en train de faire. Elle est en train de remettre les pendules à l'heure, elle est en train de remettre les vraies valeurs fondamentales sur la table, à savoir qu'il faut respecter la démocratie dans ce domaine-là, il faut respecter les citoyens, il faut respecter le jugement, il ne faut pas arriver par la porte d'en arrière avec un projet de loi qui va aller contrer ce qu'un juge a décidé et ce à quoi les citoyens ont le droit de s'attendre d'un gouvernement dûment élu. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Alors, M. le député de Chicoutimi, je vous cède la parole.


M. Stéphane Bédard

M. Bédard: Merci beaucoup. Évidemment, dans un premier temps, M. le Président, concernant les commentaires du député de Hull, il me fait très drôle d'entendre des leçons de gestion de crise de la part de l'opposition libérale. Et vous me permettrez, tout d'abord à titre de député du comté de Chicoutimi et à titre de personne aussi qui, lors des événements de la crise du verglas qui a assisté aux actions concertées du gouvernement et d'Hydro-Québec pour faire en sorte que la population, malgré ce temps de crise là, puisse disposer des éléments ainsi que des infrastructures nécessaires pour assurer une certaine sécurité, eh bien, je ne peux que féliciter les actions du gouvernement pendant cette période-là et les actions d'Hydro-Québec. Et permettez-moi de rappeler au député que, en gestion de crise, le Parti libéral, à une occasion, a eu à gérer une crise, et on se souvient ce qu'a donné cette gestion-là de la crise.

Permettez-moi aussi, M. le Président, de rappeler certains événements qui ont entouré la crise du verglas, car j'entends les commentaires... On dit souvent que la mémoire collective est d'environ six mois ou un an; dans le cas de l'opposition, on dirait que c'est quelques heures. On dirait qu'on ne se souvient plus des événements qui se sont déroulés lors de la crise du verglas.

Tout d'abord, j'aimerais rappeler à l'opposition qu'il y avait 3 000 000 de nos concitoyens qui ont été privés d'électricité, certains jusqu'à un mois. Je me souviens, moi, j'étais à Chicoutimi à ce moment-là, M. le Président, et j'ai eu à collaborer. Vous savez, la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean a collaboré en envoyant du bois de façon à chauffer les occupants qui habitaient dans les résidences. D'ailleurs, ça a donné l'objet à un exercice de solidarité qui est sans commune mesure et qui me rappelle d'ailleurs les événements qu'on a connus dans ma région lors de ce qu'on appelle désormais «le déluge».

Je rappellerai aussi, lors de ces événements, que des gens âgés, des malades ont souffert d'insécurité et en souffrent encore. Parce que, pour avoir vécu une crise, M. le Président, vous savez que la population reste marquée, les individus restent marqués par ces événements-là et conservent un état d'insécurité, surtout les personnes âgées et les malades. Et il me semble que l'opposition se soucie très peu de cet état d'insécurité. Pour avoir vécu les événements du Saguenay–Lac-Saint-Jean, du déluge, encore aujourd'hui les gens se rappellent, et même lors de grands déversements de pluie diluvienne, les gens ont tout de suite un souvenir des événements qui se sont déroulés à ce moment-là et vivent cette insécurité. Alors, il était pressant... Je vous le rappellerai aussi, il y a eu des drames humains, il y a eu des pertes de vie, il y a eu aussi des coûts économiques astronomiques. Et, comme je le disais tantôt, encore aujourd'hui on vit dans un état d'insécurité.

Qu'aurait dû faire le gouvernement? À écouter tous les commentaires, ce que je comprends de la position de l'opposition, ce qu'aurait dû faire le gouvernement, c'est se croiser les bras et ne rien faire, tout simplement, attendre, finalement, que l'événement se reproduise dans quelques années ou dans quelques dizaines d'années, on ne le sait pas. Or, le gouvernement, lui, a agi de façon responsable et surtout de bonne foi. Il a agi devant l'urgence, il n'a pas attendu... Les décrets ont été adoptés dès le mois de janvier. Et c'était l'urgence de la situation qui commandait cette façon d'agir. Si, par la suite...

Parce que le jugement, on le cite, vous savez. Depuis le début des interventions sur le projet de loi, on entend de grands pans du jugement. Un peu plus et on va lire tout le jugement au complet. Et on cite, entre autres, à l'effet que les décrets étaient illégaux, ultra vires, en termes très légaux. Sauf que, sur le fond, la réalité demeure, soit celle de la nécessité de sécuriser les populations et de faire un réseau qui va faire en sorte que les événements qui se sont produits ne se reproduisent plus. D'où l'importance d'agir. Vous savez, la position de l'opposition, moi, je la résume en deux mots, soit celle d'être incohérente et irresponsable.

Des voix: ...

M. Bédard: Oui. Incohérente! Incohérente! Et, je vous dirai, pour la première chose – nos collègues nous citent souvent des extraits des journaux – ce que je ferai, je les renverrai à ce que disait leur chef de l'époque, Daniel Johnson, lors des événements, tout d'abord, qui avait souligné – et je me souviens très bien – le travail du gouvernement et, entre autres, de M. Bouchard, dans la gestion de la crise. Et je tiens à le souligner, effectivement.

M. Johnson avait aussi, à l'époque, réclamé une commission parlementaire, de façon à faire un éclairage nouveau sur les événements vécus lors du verglas. Je vous dirais aussi que même la critique de l'opposition, lors de l'étude des crédits, avait réclamé une commission parlementaire afin d'écouter M. Nicolet et son fameux rapport. Et je vous rappellerai effectivement qu'elle n'était pas présente, malheureusement, lors de la commission parlementaire.

Incohérence aussi, et c'est pour moi la plus grave, en ne se prononçant pas sur les lignes déjà construites. Vous savez, le jugement a eu pour effet d'invalider de façon légale – et c'est un domaine que je connais bien parce que j'ai eu à pratiquer le droit pendant plusieurs années – il a eu pour effet d'invalider sous un aspect purement légaliste. Donc, la procédure qui a été suivie n'était pas conforme aux lois et aux règlements qui étaient prévus dans les lois sur l'aménagement du territoire, la Loi sur la protection du territoire agricole ainsi qu'une autre loi que j'oublie. Peu importe. Sauf que le fond demeure.

Des voix: ...

(23 heures)

M. Bédard: La Loi sur l'environnement, effectivement. Mais le fond demeure. La question est simple, c'est tout simplement: Qu'est-ce qu'on doit faire avec les travaux en cours, les travaux qui ont déjà eu lieu? Est-ce qu'on doit adopter la position de l'opposition, qu'on ne connaît pas d'ailleurs, qui est celle de dire: Faisons une consultation? Mais qu'est-ce qui se passe, après ça, avec les travaux? Est-ce qu'on démantèle les travaux? Et j'aimerais ça, lors d'une prochaine intervention, savoir quelle est la position du Parti libéral sur les constructions qui sont déjà faites. Est-ce qu'on veut les démanteler? Si on veut cette position-là, qu'on le dise. Et ça ne me surprendrait pas, vous savez, si... Et ça serait peut-être une illustration de la façon de gérer de l'opposition qui, pendant des années, est arrivée, comme on le sait, à un déficit de 6 000 000 000 $ que j'aurai à payer presque toute ma vie, et mes enfants aussi, malheureusement. Alors, si on recommande à ce moment-là le démantèlement, eh bien, qu'on le dise, qu'on le dise tout simplement. Et on aura à défendre cette position-là devant la population. Mais l'opposition a peur, M. le Président, de se présenter devant la population pour défendre son point de vue.

J'ai dit tantôt «incohérence». Je vous dirais aussi «irresponsable». Tout d'abord, depuis, j'ai entendu la critique ainsi que plusieurs députés libéraux feindre de ne pas connaître et nier l'état d'insécurité dans lequel se sont trouvés 3 000 000 de nos concitoyens et dans lequel plusieurs se trouvent encore. Irresponsable aussi parce que, en ne se présentant pas à la commission parlementaire, on s'est désintéressé de la sécurisation du réseau hydroélectrique. Et je vous rappellerai que les travaux de la commission, auxquels j'ai assisté et qui furent, ma foi, très intéressants, portaient sur la sécurisation des lignes électriques et du réseau hydroélectrique. Or, l'opposition ne se préoccupe pas de ces questions-là.

Irresponsable aussi en tronquant ses responsabilités parlementaires en refusant de se présenter à la commission. Et je vous avouerais que je suis un nouvel élu, j'ai le respect des institutions et du devoir qu'on a de faire nos représentations parlementaires. Alors, on s'est dérobé à ces responsabilités parlementaires et démocratiques là pour un petit 15 secondes de sparage devant les médias. Et, moi, comme représentant de la population, je ne peux accepter un tel comportement.

On a été irresponsable aussi, M. le Président, en accusant le gouvernement et Hydro-Québec d'avoir fait ces travaux dans le seul but de faire de l'exportation, alors que les preuves et les déclarations et les informations qui ont été données par Hydro-Québec démontrent sans nul doute que le réseau actuel convient très bien pour faire l'exportation de nos ressources hydroélectriques. Donc, on induit à ce moment-là en erreur la population du Québec.

Vous savez, M. le Président, défendre les minorités, c'est une chose; par contre, défendre une position irresponsable est quant à moi inacceptable. J'ai même entendu un peu plus tôt une députée comparer la construction d'un chalet aux travaux de sécurisation du système de nos installations hydroélectriques. Vous savez, ça démontre l'état d'esprit dans lequel se trouve l'opposition. Il peut y avoir une critique constructive. Dans ce cas-ci, sans prendre parti – parce qu'on n'a pas encore pris parti – on ne fait que critiquer, on compare un chalet, la construction d'un chalet, à des travaux de sécurisation pour la population du réseau électrique. J'espère que la population écoute ce débat. En tout cas, moi, je l'écoute.

Alors, M. le Président, assez d'effets de toge. Ce qu'il faut décider, c'est – et d'où le but du projet de loi n° 42 – de rendre les travaux actuels conformes à la loi. Et je peux vous dire que je ne peux qu'appuyer une telle démarche. C'est tout près de 300 000 000 $ d'engagés par le gouvernement. Et il serait tout à fait irresponsable envers la population du Québec de ne pas faire en sorte que ces travaux-là, et les sommes investies pour ces travaux, ne soient pas sécurisés d'un point de vue légal.

Permettez-moi aussi, M. le Président... Vous savez, les libéraux n'ont pas assisté malheureusement à la commission. Ils ne m'écoutent guère, ils n'écoutent guère les positions qui sont défendues par le gouvernement; ils écouteront peut-être celles qui ont été défendues par les gens qui sont venus déposer des mémoires lors de la commission. Ma collègue, un peu plus tôt, en a fait état, et vous me permettrez d'en rappeler quelques extraits.

Tout d'abord, il y a eu la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, qui représente plusieurs centaines de milliers de travailleurs au Québec, qui est venue déposer un mémoire de gros bon sens. D'ailleurs, comme ils n'étaient pas présents, je vais les mettre à la disposition de nos collègues libéraux de façon à ce qu'ils puissent prendre connaissance des avis qui ont été déposés ainsi que des discussions et des présentations. Alors, je les laisse sur mon bureau. S'il y a un député qui veut effectivement prendre connaissance de ces éléments-là, alors je l'y invite. Parce que ce fut très intéressant.

Alors, je vous rappellerais un extrait du mémoire qui a été déposé par la Fédération des travailleurs du Québec, qui, en conclusion, disait: «Au-delà de l'aspect juridique, il nous semble que nous avons collectivement la responsabilité de s'assurer que plus jamais 3 000 000 de Québécois et de Québécoises ne revivent le cauchemar de l'hiver 1997-1998. Nous encourageons le gouvernement du Québec à continuer dans le même sens. Ça, pour nous, ce n'est pas du bidon.»

Vous me permettrez aussi de vous citer quelques extraits du mémoire déposé par la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud, qui mentionnait au tout début: «Par la présente, je vous prie de recevoir l'opinion solidaire des membres de la Chambre de commerce et d'industrie de la Rive-Sud pour qui tous les moyens raisonnables doivent être mis de l'avant pour assurer la sécurité de l'alimentation électrique du Québec, incluant, au premier chef, la reprise des travaux de renforcement du réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec.»

Je vous citerai ici un extrait de la municipalité de L'Ange-Gardien, qui nous fait état de son appui, effectivement, aux travaux et qui dit: «La présente se veut l'opinion du conseil et de la population de la municipalité de L'Ange-Gardien dans le dossier de la sécurisation en matière de transport et de distribution mise de l'avant par Hydro-Québec pour la grande région de l'Outaouais. La municipalité de L'Ange-Gardien est tout à fait d'accord avec le projet tel que défini par Hydro-Québec.»

Il y a plusieurs industries qui sont venues témoigner au même effet, ainsi que l'UPA qui s'est dite satisfaite des consultations qui ont été menées par le gouvernement lors des travaux qui ont mené à la construction de la ligne Hertel–Saint-Césaire. Et on dit souvent, on semble vouloir faire croire à la population que le gouvernement n'a pas consulté. Or, il y a eu beaucoup de consultations. Des centaines de citoyens ont été consultés, plusieurs entreprises et dont l'UPA. Le tracé a été fait en consultation et avec la collaboration des gens de l'Union des producteurs agricoles.

Alors, j'ai ici aussi l'Association des ingénieurs-conseils, la Coalition patronale-syndicale en faveur de la reprise des travaux de renforcement électrique du Québec qui, en plus, elle, d'appuyer les travaux déjà réalisés, recommande au gouvernement, le plus rapidement possible, de faire les travaux en ce qui concerne les autres lignes dans l'Outaouais.

Et vous me permettrez aussi... On entend souvent, on cite souvent des extraits même de certains députés de notre côté. Je vous rappellerai un éditorial de Michel Morin, le journal La Tribune , d'ailleurs dans cette région-là, tout d'abord, qui intitulait son éditorial: Trêve de plaisanterie – alors, M. le Président, j'exhorte l'opposition à faire la trêve de plaisanterie, aussi – et il mentionnait ce qui suit: «Dans tout litige, quel qu'il soit et peu importe qu'il oppose des citoyens à leur administration municipale, à leurs voisins ou au gouvernement provincial, la communication doit toujours être une prémisse à un règlement final.» Et là, à ce moment-ci, Michel Morin commentait le refus du Parti libéral et des gens de Saint-François de se présenter en commission parlementaire. Alors, il mentionnait: «La communication doit toujours être une prémisse à un règlement final. Que l'une ou l'autre des deux parties fasse la sourde oreille ne permet jamais, et ne permettra jamais, de trouver un terrain d'entente. Cette fois, la Coalition des citoyens dépasse les bornes. Et même s'ils ont l'inébranlable conviction que ce dialogue en commission parlementaire ne changera virtuellement rien à l'existence de la ligne Hertel–des Cantons, les opposants ont néanmoins le devoir d'aller dire ce qu'ils pensent.» Et c'était le devoir de l'opposition aussi.

Vous savez, en quoi la démocratie a-t-elle été servie par ce refus de l'opposition de se présenter en commission parlementaire? En quoi les intérêts de la population de l'ensemble du Québec, et plus particulièrement des 3 000 000 de citoyens qui ont été touchés lors de la crise du verglas, mais de l'ensemble de la population parce que c'est un problème qui nous touche tous, en quoi les droits de ces 3 000 000 de citoyens ont été défendus?

Alors, le message que nous a lancé l'opposition et qu'ils nous lancent encore, c'est tout simplement: Nous, la sécurisation du réseau, c'est une question qui ne nous intéresse pas; nous, ce qu'on veut tout simplement, c'est faire un sparage devant les médias sans prendre position. Et, vous savez, ce refus de prendre position là pourrait avoir des conséquences néfastes s'ils étaient au pouvoir. Très heureusement pour la population du Québec et pour notre grand bien à tous, c'est le gouvernement du Parti québécois qui est au pouvoir.

Des voix: Bravo!

Une voix: ...

M. Bédard: Alors, monsieur, oui, avec grand plaisir, d'ailleurs. Je pourrais en parler très longtemps, vous savez.

(23 h 10)

En terminant, M. le Président, on a entendu souvent le commentaire que les travaux de la commission étaient bidon. Or, le gouvernement a agi de façon responsable. Ce qu'il a dit, et je vais l'expliquer une fois – je ne sais pas si tout le monde va comprendre, c'est tout simple... Alors, voilà, le gouvernement a dit: Nous avons des travaux d'une valeur de 300 000 000 $; nous avons sécurisé une partie de la population, pas toute mais une partie de la population; ces travaux-là vont demeurer où est-ce qu'ils sont. Voici la position du Parti québécois et du gouvernement. C'est très clair, c'est net.

Or, nous n'avons pas la contrepartie... Ce qu'il nous manque plutôt... Mon Dieu! c'est l'émotion qui me gagne, M. le Président, parce que ce projet de loi me prend au coeur, effectivement, oui. Alors, la position est très claire, voilà. Donc, tout simplement, ces travaux qui sont là doivent demeurer. Nous avons engagé 300 000 000 $, nous devons sécuriser, d'une façon légale, parce que les travaux sont réalisés... Alors, tout ce qu'il reste à faire, par le biais d'une loi conservatoire, c'est de faire en sorte que les travaux qui sont là soient protégés d'une façon légale. Et voilà, c'est tout simple.

Or, en tenant une commission comme... Et seulement sur ce tronçon-là, parce que, sur l'ensemble des travaux, le gouvernement s'est prêté aux lois existantes. Alors, il y aura des audiences devant le BAPE, il y aura une conformité avec les lois existantes. Par contre, sur ce tronçon-là, nous, ce que nous disons: Peu importe le résultat effectivement, nous avons 300 000 000 $ d'engagés, nous avons consulté la population, nous avons consulté l'UPA, nous avons consulté les entreprises et les résidents du coin, et nous sommes arrivés à la conclusion que c'est le meilleur tracé, et il ne bougera pas. Voilà. Alors, comme le réseau ne bougera pas, pourquoi on se prêterait à un autre exercice qui, lui, serait bidon? Parce que, en bout de ligne, la ligne, elle va rester où est-ce qu'elle est et elle doit rester là. Et ce n'est que par respect pour la population, respect pour sa sécurité, mais respect aussi pour son argent, respect pour l'argent qu'elle nous envoie.

Alors, M. le Président, oui, le gouvernement a été responsable, oui, le gouvernement a été cohérent, oui, le gouvernement a été aussi de bonne foi. Et je vous soumettrai en tout dernier lieu que la seule position qui est bidon malheureusement, je vous dirais, c'est la position de l'opposition. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Chicoutimi. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Merci. J'ai beaucoup de respect pour le député de Chicoutimi.

En général, c'est quelqu'un qui, jeune parlementaire, étudie ses dossiers et est en train de démontrer une certaine cohérence dans ce qu'il dit. Malheureusement, je ne peux pas partager ce qu'il a dit aujourd'hui. Je dois vous dire clairement que, sur la question de la sécurisation du réseau, l'opposition dit: Nous sommes en faveur de la sécurisation du réseau. Personne de notre côté ne l'a jamais remise en doute, M. le Président. Je crois que ça doit être clair, admis, réaffirmé, repositionné. Notre critique la députée de Bonaventure l'a répété maintes fois, les orateurs qui sont intervenus de notre côté l'ont répété: Nous sommes d'accord avec la sécurisation du réseau.

M. le Président, nous ne sommes pas d'accord avec le fait suivant: on ne peut pas sécuriser le réseau à n'importe quel prix. Et là le débat fondamental entre le parti gouvernemental et l'opposition va chercher ses racines où elles sont, et très profondes. Nous croyons, nous, parce que nous sommes des libéraux, nous croyons profondément à la défense des droits individuels. Quelles que soient les lois, si une loi va oppresser ou oppresse, ou des décisions gouvernementales oppressent des individus, nous sommes toujours sur le principe que le droit de l'individu est quelque chose qui doit être respecté.

Et le problème que l'on a actuellement dans ce débat, M. le Président, c'est que le gouvernement... Et je ne voudrais pas discuter actuellement sur le bien-fondé ou non de la ligne Hertel–des Cantons. Mais le principe est le suivant: Nous nous sommes dotés collectivement de moyens pour protéger l'individu contre le gouvernement, de mesures qui permettent à l'individu de faire valoir son point de vue même s'il est seul contre l'ensemble de l'État. S'il y a un petit groupe qui a une cause juste sur le plan environnemental, par exemple, il peut, de l'autre point de vue, faire valoir et pouvoir faire reculer normalement le gouvernement même si des montants importants ont été investis. Et là est toute la base de la discussion, M. le Président.

Le projet actuellement de sécurisation du réseau aurait dû et devrait être soumis à une loi dont nous nous sommes dotés collectivement, qui est celle qui permet à un organisme indépendant... Et je suis sûr que le député de Vimont, qui a déjà été ministre de l'Environnement, je suis sûr que le député de Louis-Hébert, qui est l'actuel ministre de l'Environnement, je suis sûr aussi que nombre de députés qui sont présents ici, dans cette Chambre, et qui sont des députés ministériels et qui croient eux aussi à l'importance de la protection de l'environnement, et j'en connais, le député de Saint-Jean, par exemple, qui, lui aussi, croit à la protection de l'environnement, je le sais, ces gens-là doivent dire: Oui, nous nous sommes dotés collectivement d'un organisme qui s'appelle le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, un organisme qui, lorsque l'État ou un autre groupe doit faire des investissements importants ou des modifications profondes dans le secteur de l'environnement, permet au citoyen de pouvoir faire valoir son point de vue.

Et ça, c'est quelque chose de fondamental pour nous ici, de ce côté-ci de la Chambre, de dire: Bien sûr, il n'y a pas seulement l'intérêt collectif, mais il y a aussi l'intérêt de l'individu. L'intérêt de l'individu, c'est quelque chose auquel nous croyons, et de permettre à ces individus de pouvoir s'exprimer et de faire valoir leurs points de vue à l'intérieur d'un mécanisme légal, authentique, qui existe, qui s'appelle le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

M. le Président, vous le savez, vous le savez parfaitement, il n'y a personne qui fait du développement immobilier, qui a des projets, qui aime le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Personne ne l'aime parce que, dans le fond, il est là pour représenter les citoyens qui peuvent être dérangés par tel et tel investissement économique dans telle et telle région. Mais nous croyons, nous, de notre côté, qu'il est important de permettre au citoyen de pouvoir s'exprimer, à l'individu, même s'il représente simplement une seule personne, de pouvoir faire valoir son point de vue.

Dans le cas qui est devant nous, M. le Président, malheureusement premièrement on n'a pas soumis l'ensemble du projet. Parce qu'il faut bien être conscient, là, on parle de différentes lignes. C'est un projet unique, c'est un projet qui est global pour sécuriser l'ensemble du réseau, et je suis sûr que l'ensemble, ici, des parlementaires ministériels qui connaissent un peu les questions de transport électrique vont dire, vont être d'accord avec moi: Nous avons ici un projet qui est un projet global qui se tient, qui ne peut pas être fractionné.

Et je vous expliquais, M. le Président – ça va être la deuxième partie de mon intervention – comment cette loi-ci est incohérente. Mais ça va être la deuxième partie, et j'espère que le député de Chicoutimi va comprendre à quel point ce qu'il propose actuellement est complètement incohérent.

(23 h 20)

Mais l'idée de base, c'était de dire que nous avons ici un projet global pour sécuriser le réseau, et on doit permettre aux citoyens de s'exprimer. Là, M. le Président, vous qui êtes un philosophe, et vous le savez bien, mettez-vous à la place du citoyen. On a dit aux gens: Vous n'êtes pas d'accord avec le projet de la loi, le projet Hertel–des Cantons, vous pouvez vous adresser aux tribunaux. De bonne foi, ces citoyens se sont adressés aux tribunaux, ils ont pensé qu'ils avaient une chance de pouvoir aller devant les tribunaux et de faire valoir leur point de vue. Et le juge leur a donné raison. Bien sûr, le juge leur a donné raison, mais, ne vous énervez pas, le gouvernement gagne sur tous les côtés. Si on a le juge... Si nous nous sommes trompés, nous sortons une loi spéciale qui va permettre de dire aux citoyens d'Hertel–des Cantons: Vous avez gagné, nous avons eu tort, etc., mais nous allons changer complètement, nous allons repasser une loi et nous allons ratifier ce que nous avons fait tout croche.

M. le Président, lorsque la députée de Bonaventure et le comité de citoyens sont sortis de la commission parlementaire, c'était un geste justement de protestation pour dire: Nous ne pouvons pas admettre ces consultations qui sont déjà tout organisées. Et le député de Chicoutimi, dans son intervention, a tout à fait ratifié ce point de vue là en disant: Nous ne pouvions pas remettre en question cet investissement de 300 000 000 $ qui avait été construit.

Justement, le fait que la députée de Bonaventure soit sortie de la commission parlementaire, le fait que le comité de citoyens de Val-Saint-François soit sorti, c'était de dire: Si on ne peut pas remettre en question... Si le jugement que nous avons gagné, le fait que nous avons pu gagner quelque chose devant les tribunaux, ne peut pas même remettre en question parce que la loi va venir rechanger après ce qui a été fait, à quoi sert qu'on puisse écouter ou à quoi sert qu'on puisse faire des consultations si, quel que soit ce qui est consulté, quel que soit ce que nous puissions dire dans une consultation, la décision restera la même?

M. le Président, dans leurs interventions, les députés ministériels – ça va être le deuxième élément de mon intervention – ils disent: Bon. Bien, voici, il y a une partie qui va malgré tout être soumise au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Et ils font référence... Je vous invite, M. le Président, et j'invite les députés ministériels aussi à prendre le projet de loi. Vous voyez, dans le projet de loi, il y a une annexe. Elle est importante, l'annexe, parce qu'elle fait le détail des projets. Alors, dans l'annexe, on voit les projets qui sont déjà construits et ceux qui sont à construire.

Vous voyez, M. le Président, on fait état de la ligne Duvernay–Anjou, la ligne des Cantons–Montérégie– Hertel, la ligne Outaouais–Masson, la ligne Aqueduc– Atwater et la ligne Jacques-Cartier–Mauricie. Et on dit: Ces investissements ont déjà été faits, nous allons les dispenser du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. C'est essentiellement le but du projet de loi. Et on dit, dans les articles 2 et 3: Ce qui est à l'élément I de l'annexe, vous en êtes dispensés.

Par contre, dans ce qui est dans la partie II de l'annexe – et j'invite les gens ici à lire la partie II de l'annexe – vous avez ceux qui sont soumis à l'article 5 du projet de loi, dans lequel on dit: On va les considérer d'abord comme des projets distincts, et ils vont être soumis à l'ensemble des lois. Et les interventions, particulièrement celles du leader du gouvernement, nous amènent à penser que ces projets de loi vont être soumis aux audiences publiques du BAPE.

M. le Président, vous savez lire. Alors, on va regarder la deuxième ligne, si vous me permettez, de la partie I et la première ligne de la partie II. Si vous regardez avec moi, à la première ligne de la partie I, on parle de la ligne Hertel–des Cantons et, dans la partie II, on parle de la ligne Hertel–Saint-Césaire. Alors, il faut bien comprendre ce qui se passe. Il y a une partie du tronçon qui est construite et une partie qui n'est pas construite. La partie qui est construite est incluse dans la partie I, et maintenant on veut prétendre qu'il s'agit de projets séparés. On est en train de nous faire croire que vous commencez à construire une ligne électrique, et puis vous arrêtez à un certain endroit, pour finir par la raccorder... L'autre morceau, qui est le morceau qui s'appelle des Cantons–Montérégie–Hertel–Saint-Césaire – ça, c'est le deuxième morceau – lui, il est soumis au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Alors, ou bien on croit... et on essaie de nous faire croire ici que les audiences sur le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, pour la partie II, vont se faire sérieusement, ou bien on nous fait croire... on nous prend pour des canards sauvages. M. le Président, non, mais sérieusement, si vous regardez, si on soumet la partie II et on dit: C'est deux projets distincts... Comprenez-moi bien. Vous êtes en train de dire que vous avez construit de cette chaise-ci à cette chaise-ci une ligne électrique, elle s'arrête ici, et, après, vous avez soumis l'autre morceau au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Et, si jamais le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement vous disait: Voici, monsieur, ça n'a pas de sens de construire ce deuxième, est-ce que vous allez la laisser s'arrêter ici au milieu? Sérieusement, honnêtement, M. le Président, regardez, est-ce que vous allez la laisser s'arrêter ici?

Alors, c'est ça, tout le débat. Tout le débat à l'heure actuelle, c'est qu'on est faussé depuis le début dans la manière de fonctionner. Il faut reconnaître que l'ensemble du projet Hydro-Québec, l'ensemble du projet Hydro-Québec pour sécuriser le réseau ne peut pas être fractionné. Je viens de vous en donner un exemple, je pourrais reprendre d'autres exemples.

Il y a l'exemple Outaouais–Masson, et puis ça, c'est un morceau, puis l'autre morceau, il s'en va jusqu'à la ligne qui va Outaouais à la frontière de l'Ontario. Celle-là aussi, il y a une partie qui est déjà construite. Et celle qui est construite, on dit: On l'exempte de toute autre consultation; mais l'autre, on va consulter. Pensez-vous sérieusement, M. le Président, que les consultations qui vont être ouvertes sur la partie... On a construit un morceau, puis l'autre morceau, on va faire les consultations du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Mais ces consultations-là, si jamais elles n'étaient pas dans le sens dans lequel on veut avoir le résultat, nous, on allait stopper le projet? Pas du tout, on ferait encore une autre loi spéciale où on irait, où on renverserait les positions du BAPE.

Alors, M. le Président, le débat de fond est là, si vous me permettez. Je crois que le gouvernement devrait, et il aurait eu tout avantage, ça aurait été tellement plus facile pour lui de soumettre l'ensemble du projet – je dis bien, M. le Président, «l'ensemble du projet» – au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, l'ensemble du projet. Parce que, écoutez, vous le comprenez tout de suite vous-même, le projet se tient, il fait un tout, c'est un projet unique qui se tient ensemble. Et non pas d'essayer de croire qu'on puisse le fractionner, de dire: On efface le passé et, dans le futur, on va se comporter correctement en respectant les lois. Ou, si jamais on arrivait à une réponse négative pour les morceaux qui ne sont pas construits, on se retrouverait avec l'aberration d'avoir des pylônes qui iraient dans le ciel et qui finiraient nulle part et qui commenceraient nulle part. Enfin, écoutez, sérieusement, est-ce que c'est quelque chose qu'on pourrait concevoir, de dire: On commence nulle part et on finit nulle part, mais on a des guirlandes qui se promènent dans le ciel.

Une voix: Des beaux arbres de Noël.

M. Gautrin: Sérieusement, M. le Président. Alors, c'est ça qui arrive si on essaie de nous faire croire, dans l'incohérence de ce projet de loi... de dire: Bon, ce qu'on a construit là, on le conserve, mais le reste, on le soumet au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Si jamais le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement vous disait: Ça n'a pas de bon sens, ce que vous faites, ah, ou bien on suit ce qu'ils vont dire ou bien, dès le début, on dit: Quel que soit ce que vous allez faire, quel que soit ce que va dire le Bureau d'audiences publiques, on raccordera le petit bout ici puis on raccordera le petit bout là.

Bon. Alors, ce n'est même pas la peine de nous faire croire qu'il y a une partie I et une partie II. Soyez au moins cohérents avec votre projet de loi. Portez l'opprobre jusqu'au bout, portez les stigmates de ce que vous voulez faire jusqu'au bout. N'essayez pas de nous faire croire qu'il y a une partie I et une partie II, dites: Il y a un seul... reconnaissez au moins, si vous me permettez, M. le Président, qu'il y a un seul projet que vous refusez de soumettre au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement.

Parce que c'est là tout le débat, je pense, M. le Président. Et vous comprenez facilement avec moi qu'on ne peut pas décemment fractionner actuellement les différents morceaux en disant: Ce qui est construit va rester construit; on va consulter sur le reste, mais en sachant bien qu'on ne peut pas conserver ce qui est construit sans qu'on connecte les bouts qui vont raccorder ce qui est déjà construit. C'est strictement le simple bon sens et le minimum d'honnêteté, si vous me permettez, sans vouloir changer et prêter des intentions à personne. En réalité, c'est de dire: Bon, bien, voici, nous acceptons de ne pas respecter le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, nous ne respectons pas les lois que nous avons mises de l'avant et nous allons strictement exempter tout des audiences prévues.

(23 h 30)

Alors, ceci, M. le Président, ça aurait été peut-être plus cohérent. Ça aurait été plus cohérent, mais certainement pas nécessairement plus acceptable, parce que ça reste le point de fond qui a été celui que nous avons défendu jusqu'ici. Et je crois que c'est une position à laquelle les députés... Il y a un certain nombre d'entre les députés ministériels qui doivent être sensibles aussi à ce point de vue là, que le poids de l'État ne peut pas oppresser l'individu. Et le rôle des lois, bien souvent, c'est de protéger l'individu contre l'omniprésence de l'État. Et, si on oublie cette question fondamentale, qui est que vous pouvez être un, mais un, vous pouvez avoir des droits contre l'État, et vos droits sont protégés quand même, peuvent être protégés parce qu'il existe des lois qui vous protègent.

Et c'est ça qui est la question de fond, ici. C'est le fait que, nous, ici, nous, du Parti libéral, et ça a été un des éléments constitutifs et fondamentaux de notre parti, nous croyons que les droits des individus priment sur parfois l'ensemble des droits collectifs si un droit va être brimé.

Alors, on fait valoir les arguments économiques, on fait valoir telle et telle chose. Je dis, M. le Président, il y a un principe qu'on doit savoir, c'est pouvoir respecter le droit des citoyens et le droit des individus. On ne peut pas, M. le Président, et, d'un autre point de vue, nous ne l'acceptons pas, et c'est pour ça, l'opposition se lève les uns après les autres, les parlementaires de l'opposition se lèvent les uns après les autres pour dire: Nous ne pouvons pas accepter quelque chose qui brime une des croyances profondes de notre parti, à savoir le principe que les droits individuels, les droits d'un citoyen ou d'un groupe de citoyens peuvent primer sur des lois ou sur des décrets qui sont passés par le gouvernement.

Nous croyons, nous croyons, de ce côté-ci, M. le Président, et je vais terminer là-dessus... Je voudrais réaffirmer que ce débat qu'il y a ici entre nous, c'est le principe de la défense des droits individuels qui sont prévus: le droit de se faire entendre à l'intérieur du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement, le droit de pouvoir ne pas être... Parce qu'on m'a dit: Bon, il faut qu'on sécurise le réseau. Mais on peut écraser votre propriété, on peut traverser... on peut mépriser et oublier les lois sur l'agriculture, etc. Mais de dire: Nous, comme citoyens... Le citoyen peut avoir des droits face à l'État.

Et, vous comprenez, M. le Président, c'est pour ça qu'on essaie... Nous, les parlementaires libéraux, de ce côté-ci de la Chambre, nous allons tous nous lever pour essayer de leur faire comprendre qu'un groupe de citoyens a le droit de se faire entendre. La loi, le principe de la loi sur le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement doit être respecté.

Mais je terminerai, M. le Président, avec les quelques minutes qui me restent, pour rappeler qu'aussi nous sommes tout à fait d'accord sur le principe de sécuriser le réseau mais pas de la manière... au mépris et en méprisant actuellement les droits des citoyens. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Ce n'est pas avec gaieté de coeur que je me lève ce soir pour m'adresser à vous en relation avec le projet de loi n° 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.

M. le Président, les notes explicatives de ce projet de loi disent, et je cite: «Ce projet de loi a pour objet d'assurer la légalité de la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements par suite de la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.» Mais cette note explicative n'est pas correcte. Ces notes n'expliquent pas le vrai but du projet de loi devant nous, ce soir. Le vrai libellé du projet et les vraies notes explicatives doivent dire que le gouvernement péquiste a décidé de ne pas respecter un jugement validement rendu par une cour de droit. Ce projet de loi fait suite à la déclaration ministérielle du gouvernement péquiste prononcée le 11 mars 1999, où le gouvernement a clairement indiqué qu'il n'entend pas respecter le jugement Rousseau.

M. le Président, il faut se rappeler que ledit jugement a déclaré que les décrets adoptés durant la crise du verglas étaient illégaux, inopérants et sans effet. Le jugement a aussi souligné que le projet en question, le projet Hertel–des Cantons, est unique et forme un tout. Le jugement validement rendu doit être entièrement respecté, c'est la base de notre démocratie, c'est l'essence de la règle de droit. Quel bel exemple pour notre population quand son gouvernement même ne suit pas nos lois. Dans le contexte du jugement, le gouvernement ne peut pas fragmenter le projet en deux ou trois étapes, c'est-à-dire protéger ce qui a été fait par une loi et soumettre les autres étapes au processus de consultation en vigueur.

À mon avis, M. le Président, le gouvernement surpasse ses pouvoirs en déposant ce projet de loi. Le gouvernement doit respecter toutes les lois en vigueur et soumettre l'ensemble du projet au processus régulier de consultation du BAPE. Comment est-ce que le gouvernement peut faire ces manoeuvres inimaginables pour éviter de soumettre l'ensemble du projet au processus de consultations publiques du BAPE?

Ce projet de loi, M. le Président, est preuve que le gouvernement péquiste tente de se situer au-dessus de nos propres lois. Aucune personne, aucun groupe, aucun gouvernement n'est au-dessus de la loi dans aucun domaine. C'est un signe dangereux, un signe d'arrogance, un signe que ce gouvernement est fatigué et disconnecté du peuple.

M. Michel David, dans Le Soleil du 22 mai 1999, a bien libellé la situation dans un article intitulé L'arrogance du pouvoir . M. David a écrit et je cite: «Il y aura bientôt cinq ans que le PQ est au pouvoir. Tous ceux qui sont passés par là vous diront que le plus grand danger qui guette un gouvernement, à ce stade de son existence, c'est l'arrogance. Ça n'arrive pas tout d'un coup. Petit à petit, on s'éloigne de la population. On devient plus insensible à ses malheurs.» Fin de citation.

M. le Président, même le député péquiste de Johnson, dans cette Assemblée, a confirmé cette arrogance. Le député péquiste, dans cette Chambre, le 13 mai 1999, a dit et je cite: «J'ai été en désaccord avec la position du gouvernement et j'ai pris les moyens qui sont à la disposition d'un député, même ministériel, pour expliquer ma position au gouvernement.» Il dit aussi: «La réponse du gouvernement n'a pas été dans le sens que je souhaitais.» Et il dit: «Mais je l'ai acceptée en toute solidarité, puisque c'est le choix que j'avais à faire pour rester avec le caucus du Parti québécois et du gouvernement actuel.» Fin de citation. Imaginez, M. le Président, la pression et les manoeuvres mises sur le député péquiste qui n'est pas en accord avec son propre gouvernement.

Mr. Speaker, Bill 42 before us this evening is proof in no uncertain terms of the arrogance of this Péquiste Government. The explanatory notes preceding this bill begin the charade before us. The notes explain us that the basis of this bill is to assure the legality of the construction by Hydro-Québec of infrastructures and equipment following the ice storm from January 5 to January 9, 1998. This bill, in my opinion, is a clear announcement by the Péquiste Government that it has decided not to respect a judgment validly rendered by a Québec court of law.

(23 h 40)

Mr. Speaker, Bill 42 before us this evening clearly follows a ministerial declaration that the PQ Government pronounced on March 11, 1999 where the Government clearly indicated that it does not intend to respect the Rousseau judgment. This judgment clearly said that the decrees adopted by the Government during the ice storm were illegal, inoperative and without effect. The judgment also said that the Hertel–des Cantons project is unique and is one entity.

Mr. Speaker, the bases of our democratic system are values in the respect of our laws and traditions. How can a government be so arrogant as not to respect a clear judgment of a court of law? The judgment clearly shows us that we cannot break up the Hertel–des Cantons line into two or three parts – that is to say faulty respect, what has been done by a law, in this case Bill 42 – and to submit the other stages to a consultation process.

The Government before us is actually, in my opinion, exceeding its powers by depositing this bill in the National Assembly. The Government must and should respect the laws of this Assembly and submit the entire Hertel–des Cantons project for consultation to the BAPE. The PQ Government is not above the law but, with this bill, they are acting as if they are. Mr. Speaker, it's a dangerous sign, a sign of arrogance, a sign of a tired government.

M. le Président, nous sommes d'accord avec la nécessité, mais pas sur la manière dont le gouvernement procède à ce moment. Un ne va pas sans l'autre. On ne peut pas parler d'une nécessité sans parler de manière, et vice versa. La commission Nicolet s'est aussi prononcée sur le comment, sur le côté nécessité et sur l'autre côté, manière de faire.

La commission dit, et je cite: «Le déroulement des événements du Val-Saint-François met douloureusement en évidence les difficultés qu'il faudra prévoir et surmonter à l'avenir pour mettre en oeuvre tout projet de ligne à haute tension en milieu habité. D'autre part, la sécurisation des approvisionnements énergétiques du Québec ne se fera pas sans un développement soigneusement planifié du réseau d'Hydro-Québec. La commission, forte de témoignages entendus en audience, est convaincue que la population est consciente de cette réalité. Il faudrait toutefois l'associer à une démarche transparente et publique.»

Nous, l'opposition officielle, demandons la transparence dans les décisions gouvernementales sur cette question. Mais on ne voit aucune transparence par le gouvernement péquiste. En fait, on voit le contraire. Et le grand perdant est M. et Mme Tout-le-monde au Québec.

Le projet de loi n° 42 est une procédure faite à la mesure... On voit que le gouvernement péquiste, après avoir reçu un blâme du juge Rousseau, le 23 février dernier, pour avoir fait appel à des mesures moindres durant le verglas, répète encore le même historique, avec ce projet de loi. Le gouvernement contourne à nouveau le jugement.

Mr. Speaker, we are in agreement with the concept of necessity but not with the manner in which the Government is proceeding. One cannot speak of necessity without speaking of the manner and procedure and vice versa. The Nicolet commission was quite clear on this concept and would seem to agree with the necessity of an equal balance between necessity and manner. We of the Official Opposition demand transparency in governmental decisions with respect to matters discussed in this Bill and in fact with respect to all governmental matters. However, the péquistes don't seem to understand the word «transparent». They better understand duplicity and arrogance. This, Mr. Speaker, is a negative combination, one with which the big losers are the population of Québec.

M. le Président, pour ces raisons mentionnées, nous, l'opposition officielle, voterons contre ce projet de loi n° 42. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie M. le député de D'Arcy-McGee. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. le Président j'interviens ce soir sur le projet de loi 42, Loi concernant la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements suite à la tempête de verglas. Vous savez, M. le Président, c'est toujours les notes explicatives qui résument assez bien le sens et le but d'un projet de loi. Et, dans ce cas-ci, il y a seulement trois lignes et il est dit que «ce projet de loi a pour objet d'assurer la légalité de la construction par Hydro-Québec d'infrastructures et d'équipements». C'est donc dire que, si on vise, après, à assurer la légalité, c'est qu'il y avait un petit problème avant, et c'est ce qu'on reconnaît de façon très claire dans ce projet de loi.

Mais je dirais, avant ça, M. le Président, je pense que, dans mon comté, dans ma région et dans tout le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la dernière crise du verglas remémore surtout des souvenirs de solidarité et d'efforts. Je tiens à profiter de l'occasion pour saluer le travail de tous ces bénévoles qui ont travaillé d'arrache-pied pendant ces semaines-là pour venir en aide à leurs concitoyens touchés par le verglas au Québec et qui ont, je dirais, tissé des amitiés qui, au-delà du verglas, ont tenu le coup, et ont tenu le coup, je pense, pour de nombreuses années. Je vous dirais que tout le Québec en entier a été pris d'une grande solidarité à cette époque-là.

On se souviendra tous des apparitions quotidiennes du premier ministre, de quelques-uns des ministres qui étaient là, mais qui avaient plutôt l'air de jouer un rôle de figurants à l'époque, et de tout l'aspect médiatique qu'on a eu, même le premier ministre, en hélicoptère, qui allait délivrer les chèques un peu partout. Un an plus tard, on se rend compte qu'il y a près de la moitié des municipalités qui n'ont pas encore reçu ce qu'on leur devait, ce qu'on leur avait promis suite au verglas. Mais va pour l'aspect médiatique. Et ça a entraîné une espèce de sentiment, au Québec, qu'on avait besoin, de façon urgente, d'une nouvelle ligne électrique. Est apparu un nouveau terme, je dirais, dans le répertoire québécois, c'est-à-dire le terme de «bouclage». Et là on a employé ça à toutes les sauces. Il fallait absolument boucler tout le réseau.

Et on arrive avec la situation que l'on a aujourd'hui dans la ligne Hertel–des Cantons, et plus particulièrement le tronçon dont il est question, c'est-à-dire le tronçon des Cantons–Saint-Césaire, qui, dans tout cet aspect de médiatisation, a mené, ni plus ni moins, au fait que le gouvernement a dû poser des gestes illégaux, se situer au-dessus de ses propres lois, faire en sorte que des citoyens, des gens, par la suite, trouvent justement que le gouvernement est allé trop loin, n'a pas respecté ses propres lois, n'a pas respecté un processus au niveau environnemental – et il y a d'ailleurs l'ancien ministre de l'Environnement ici – un processus qui a été long à mettre en place et qui fait consensus au Québec.

Donc, on a passé par-dessus sous l'aspect de l'urgence, sous l'aspect qu'il fallait immédiatement boucler le réseau le plus rapidement possible. Mais, malgré tout, cependant, il y a toujours des doutes sur la nécessité comme telle de ce bouclage et quelles sont les vraies raisons, finalement, derrière ça. Il y a toutes sortes de versions. Il y a la version qui dit, entre autres, que la ligne Hertel– des Cantons est depuis longtemps dans les tiroirs d'Hydro-Québec pour l'exportation et que finalement le gouvernement est prêt à toutes les hypocrisies pour la faire payer par les Québécois, a déclaré Mme Fournier, présidente de la Coalition.

Des voix: ...

M. Béchard: C'est normal qu'on chahute, M. le Président, elle fait partie d'un groupuscule, et, quand quelqu'un d'un groupuscule s'exprime, on...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez. Je m'excuse, j'étais distrait, ici. Alors, M. le député de Saint-Jean, sur une question de règlement.

M. Paquin: M. le Président, on vient d'entendre des propos qui sont complètement antiparlementaires, «un gouvernement qui est prêt à toutes les hypocrisies». Je pense qu'il faudrait que le député retire ses propos.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Effectivement, je n'avais pas entendu tantôt, j'étais justement distrait, là, je parlais avec quelqu'un, ici, sur un autre sujet de procédure. Alors, non, cette expression-là n'est pas parlementaire. Alors, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas dépasser la limite. Merci.

(23 h 50)

M. Béchard: Merci, M. le Président. Je ne faisais que citer les paroles de Mme Fournier, mais je remarque les talents éventuels de président du député de Saint-Jean qui, peut-être, éventuellement aura la chance d'être président de cette Assemblée, on verra, si son parti lui permet, bien sûr.

Mais, M. le Président, je tiens à vous souligner que, dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui et sur cet aspect, je dirais, de l'importance de la démarche comme telle qu'on veut mettre en place et de voir quelles sont les vraies raisons... Les vraies raisons, est-ce qu'elles sont vraiment le bouclage? Est-ce qu'elles sont l'exportation? La commission Nicolet le mentionne, page 276: «La puissance énergétique de la boucle prévue entre Hertel et des Cantons se comprend mal dans la seule perspective de la croissance anticipée du marché de la Montérégie.» Et, dans ce cas-là – c'est un rapport qui peut-être finira sur les tablettes, M. le Président – il faut quand même avouer qu'il y a de nombreux doutes sur, je dirais, la vraie raison derrière la mise en place de cette ligne.

Par ailleurs, dans le projet de loi... et j'écoutais avec attention mon collègue de Verdun qui, dans une de ses nombreuses et excellentes allocutions, a fait ressortir l'aspect illogique de la démarche actuellement. On va d'un côté retirer du processus comme tel une partie, un tronçon comme tel de la ligne, on le retire, on le laisse là, et, pour la suite, oui, on va le soumettre à un processus d'évaluation, oui, on va suivre les règles.

Et, si, en bout de ligne, M. le Président, la suite du tronçon ne se fait jamais, qu'est-ce qu'on va faire avec la ligne qui est en place? On va faire des cordes à linge? Qu'est-ce qu'on va faire avec ça? Ça va être là, on va la laisser là et on n'aura aucune autre utilisation pour l'avenir de cette ligne-là. Et là on entend des gens du côté ministériel qui disent: Mais c'est épouvantable, l'opposition, des investissements majeurs, de nombreux millions de dollars sont en cause, on ne peut pas reculer dans ce cas-là.

Mais, M. le Président, cette démarche-là est illégale. Il y a eu un jugement qui le mentionne clairement, le jugement Rousseau, qui a déclaré que les décrets adoptés durant la crise du verglas étaient illégaux, inopérants et sans effet. La démarche est illégale, et on tente de nous faire croire qu'elle est absolument légale. Et non seulement légale, mais que c'est épouvantable de la dénoncer parce qu'on avait tous les droits de la construire même si les jugements de la cour disent exactement le contraire.

Alors, M. le Président, dans cette situation-là, qu'est-ce qu'il reste? Imaginez, là, le citoyen qui, face, je dirais, à la machine d'Hydro-Québec, se pose comme question: Qu'est-ce que je vais faire si j'ai à contester un des gestes d'Hydro-Québec? Et ça, c'est à part de se faire traiter de groupuscule ou encore les mots qu'emploie le député de Joliette et ministre, que malheureusement je n'ose pas répéter en cette Chambre, mais qui font en sorte que le citoyen se pose de sérieuses questions sur le système démocratique dans lequel il est.

Il a recours à un processus judiciaire, un processus légal pour contester les actions qui se passent, la cour lui donne raison, la cour est d'accord avec la démarche du groupe de citoyens, l'appuie, dit: Oui, ces gens-là, c'est fondé, leur demande, ils ont raison dans ce qu'ils dénoncent. Et la réponse du gouvernement, c'est: Ce n'est pas grave, on va passer une loi spéciale, on va se soustraire au jugement comme tel et on va faire en sorte que ce qui a été fait va demeurer.

Et ça donne beaucoup de confiance pour l'avenir. Imaginez, si on a pris ces moyens-là pour faire en sorte qu'une démarche qui a été jugée illégale soit par la suite, de façon rétroactive, amenée de façon légale dans un projet de loi, quelle est la confiance que les citoyens peuvent avoir dans le processus d'évaluation, dans le processus d'analyse des autres tronçons qui vont suivre, alors que, peu importe ce qui se passera, sans doute on sera peut-être appelé à voter d'autres lois spéciales pour venir encore une fois contrecarrer ce qui a été décidé et ce que les citoyens auront dit dans ce cas-là des autres lignes qui devront être construites?

Je vous dirais, M. le Président, que, oui, il y a sûrement le syndrome du deuxième mandat. Et je suis un peu déçu d'entendre le député de Chicoutimi, qui pourtant est un nouveau parlementaire ici et qui ne devrait pas, je dirais, souffrir de ce syndrome de deuxième mandat qui affecte malheureusement plusieurs de ses collègues. Et il a bien dit, c'est clair pour lui, là, il l'a dit en terminant son allocution: Cette ligne-là, elle est là et elle va y rester.

Donc, chers amis, chers citoyens, peu importe ce que vous pensez, peu importe si vous êtes d'accord ou pas avec le gouvernement, comme M. le député de Joliette l'a souvent mentionné, on va consulter quand on sera sûr que les gens seront d'accord avec nous, sinon c'est sans doute vous qui avez tort. Et je suis assez déçu de voir le député de Chicoutimi en arriver lui aussi à cette façon-là de voir les choses, c'est-à-dire qu'on ne va consulter que quand ça fera notre affaire. Quand on sera certain que la majorité des groupes qui se présenteront en commission parlementaire et qui viendront parler seront de notre côté, oui, on consultera. Mais, en attendant, on va changer les lois, on va modifier les choses et on va surtout faire en sorte que ce soit nos idées et nos façons de faire qui passent. C'est ça, je dirais, l'attitude du gouvernement qui est aujourd'hui en face de nous et qui, je crois, ne peut pas être fier de cette façon-là de faire les choses, de cette façon-là d'entretenir le lien qui existe et qui est primordial, le lien de confiance entre les citoyens et, je dirais, son gouvernement ou ses institutions démocratiques.

Et je vous dirais que cette méprise-là, de la part du gouvernement actuel, va encore plus loin, et c'est avec beaucoup de peine que je vois ces actes-là se produire. On a tous été témoins, M. le Président, je dirais, du débat et de l'attitude du député de Johnson qui a tenté, au cours des derniers mois, de vraiment faire passer son rôle de député avant son rôle de collègue complaisant et de sympathisant de la cause du gouvernement actuel. Et, malheureusement pour lui, et très malheureusement pour lui, on l'a d'abord invité à ne pas parler davantage, à ne plus parler de ce dossier-là, et on a aussi... Lui-même, dans son allocution, l'a mentionné: «Vous savez, M. le Président, et mes collègues de cette Chambre le savent, j'ai été en désaccord avec la position du gouvernement et j'ai pris les moyens qui sont à la disposition d'un député, même ministériel, pour expliquer ma position au gouvernement.»

Par la suite, il mentionne: «Le vice-premier ministre et ministre des Finances est venu, après la crise, rencontrer les citoyens du Val-Saint-François. Le gouvernement lui-même est venu écouter ce que les gens avaient à dire. Le vice-premier ministre a écouté, a fait son rapport au gouvernement, et, suite aux analyses qui ont été faites par les ministres et par le premier ministre, il a été quand même – quand même – décidé d'aller de l'avant sans procéder à des consultations publiques formelles.

«Évidemment – c'est le député de Johnson qui le mentionne – je n'étais pas très heureux de cette décision-là...» Écoutez ça, M. le Président, jusqu'à quel point on peut menacer quelqu'un. Il mentionne: «Je n'étais pas très heureux de cette décision-là, mais je l'ai acceptée en toute solidarité puisque c'est le choix que j'avais à faire pour rester avec le caucus du Parti québécois et le gouvernement actuel.» C'est le choix: Ou tu cesses de défendre tes concitoyens dans ton comté, les gens de ta région, et tu embarques dans notre gang et tu es avec nous autres, ou encore tu t'en vas les défendre et tu vas rester tout seul dans ton coin, et nous, on va te laisser tomber. C'est ça, le message qu'on a passé au député de Johnson qui a tenté – il pourra au moins se vanter de ça dans son bilan, dans quatre ans – une fois de défendre les citoyens de son comté et de faire passer les intérêts de sa région avant les intérêts de son gouvernement. Et la réponse qu'il a eue a été assez claire, merci, c'est non. Ou tu défends nos intérêts ou tu n'es plus dans notre gouvernement.

Et après ça on vient nous dire que ce gouvernement-là est un gouvernement qui est très démocrate, qui écoute la population, qui va consulter, qui va faire toutes sortes de démarches. Ayez confiance. C'est ça, ayez confiance. Je pense que le député de Johnson a eu confiance, mais je ne suis pas sûr, suite à ses propos lors de son allocution, qu'il a encore autant de confiance.

Mais, M. le Président, vous savez, on peut citer d'autres exemples de cette indifférence du gouvernement actuel envers les groupes qui forment notre société. Je vais vous lire, M. le Président, un débat qui s'est passé à une commission parlementaire et qui, moi, m'a surpris quand j'ai entendu parler de ça et a surpris beaucoup de gens. Je serais bien heureux d'entendre les gens du comté du député en question réagir à cela.

Un député, le député de Montmorency, a dit: «Moi, je suis quand même satisfait des enveloppes qui sont imparties aux députés, en ce sens que – et on parlait du support à l'action bénévole, juste pour vous démontrer, encore une fois, un autre exemple de l'arrogance du gouvernement – quand bien même on donnerait trois fois plus à chaque député – au support à l'action bénévole – ça ne réglerait pas le problème parce que l'action communautaire, ce qu'on peut donner aux groupes, c'est comme une espèce de trou sans fond.» Il a mentionné ça, dans la mesure où, dans ce genre de domaine-là, l'offre crée la demande.

On a l'exemple qu'on ne respecte pas les décisions et les intérêts des citoyens dans le cas d'Hertel–des Cantons et ça se poursuit juste... L'exemple qu'on donne au député de Johnson: Tu vas défendre notre gouvernement et non pas les gens de ton comté, bien, il y a d'autres députés qui prennent le même réflexe, et c'est très malsain pour notre démocratie et pour l'avenir de notre démocratie, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata.

(minuit)

Il est présentement minuit. Alors, nous allons lever la séance et ajourner nos travaux à demain... Excusez?

M. Mulcair: ...député conserve son droit de parole pour le reste de son temps.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Il lui reste cinq minutes. Cinq minutes. Alors, nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 1)


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