L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 2 juin 1998 - Vol. 35 N° 187

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Présence de l'ambassadeur de la République de Bolivie, M. René Soria Galvarro

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.


Présence de l'ambassadeur de la République de Bolivie, M. René Soria Galvarro

Alors, pour débuter la séance, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes de l'ambassadeur de la République de Bolivie, Son Excellence M. René Soria Galvarro.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, veuillez prendre en considération l'article c de notre feuilleton.


Projet de loi n° 234

Le Président: Alors, à cet article, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 234, Loi concernant la Ville de Granby. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.


Mise aux voix

M. le député de Saint-Jean présente le projet de loi d'intérêt privé n° 234, Loi concernant la Ville de Granby. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Oui.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Jolivet: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: L'article d.


Projet de loi n° 267

Le Président: Alors, à cet article, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 267, Loi concernant la Ville de Saint-Laurent. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Alors, je dépose ce rapport.


Mise aux voix

M. le député de Bourget présente le projet de loi d'intérêt privé n° 267, Loi concernant la Ville de Saint-Laurent. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Oui.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Jolivet: Je fais donc motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Alors, cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre de l'Éducation.


Avis de la CAI favorables à des ententes d'échange de renseignements conclues par le ministère de l'Éducation avec l'ensemble des établissements universitaires

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Je dépose copie des avis favorables à des ententes conclues par le ministère de l'Éducation avec l'ensemble des établissements universitaires du Québec, émanant de la Commission d'accès à l'information.


Déclaration de Montréal sur l'éducation relative à l'environnement au Forum Planèt'ERE

Le Président: Très bien, ces documents sont déposés. Pour ma part, j'ai reçu copie du texte de la Déclaration de Montréal sur l'éducation relative à l'environnement, dans le cadre du Forum francophone international dénommé Planèt'ERE. Alors, je dépose ce document.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le député de La Peltrie.


Étude détaillée du projet de loi n° 434

M. Côté: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 28 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 434, Loi sur la Société Innovatech du Grand Montréal. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 435

M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 28 mais 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 435, Loi sur la Société Innovatech Régions ressources. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 436

M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 28 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 436, Loi sur la Société Innovatech Québec et Chaudière-Appalaches. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Étude détaillée du projet de loi n° 437

M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 28 mai 1998 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 437, Loi sur la Société Innovatech du Sud du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Alors, très bien, ces rapports sont déposés. J'invite maintenant le président de la commission de l'administration publique et député de Westmount– Saint-Louis.


Auditions conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics et consultations particulières sur les emplois occasionnels au gouvernement

M. Chagnon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'administration publique qui a siégé afin de procéder aux auditions ci-dessous énumérées, en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics:

Le 4 février 1998, les sous-ministres de la Culture et des Communications, de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et la directrice générale de l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec, concernant la gestion des écoles gouvernementales;

Le 11 février 1998, les sous-ministres des Transports, de l'Environnement et de la Faune, des Ressources naturelles, des Finances, de la Santé et des Services sociaux et l'Inspecteur général des institutions financières, concernant la tarification des biens et services du gouvernement du Québec;

Le 19 février 1998, la sous-ministre de l'Éducation, concernant les services offerts aux adultes par la formation continue;

Le 24 février 1998, le directeur général de la Sûreté du Québec, concernant le suivi de la vérification de l'optimisation des ressources à la Sûreté;

Les 24 et 25 février 1998, le secrétaire du Conseil du trésor et des consultations particulières portant sur les emplois occasionnels au gouvernement du Québec;

Le 26 février 1998, la sous-ministre associée de Tourisme Québec, concernant la gestion administrative de l'unité autonome de services, le sous-ministre de la Justice, concernant le suivi des recommandations du Vérificateur général contenues dans son rapport pour l'année 1992-1993;

Le 11 mars 1998, le sous-ministre de la Santé et des Services sociaux, concernant la durée des séjours et la pertinence des hospitalisations; le 1er avril 1998, le sous-ministre de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, concernant les mesures d'aide directe à la recherche et au développement.

La commission a également tenu des séances de travail le 28 janvier, les 4, 12, 19, 24, 25 et 26 février, les 11 et 25 mars, les 1er et 22 avril et les 13 et 20 mai 1998. Le rapport de la commission, M. le Président, contient 38 recommandations.

Vous me permettrez de remercier les membres de la commission, le Vérificateur général et le secrétaire général de la commission, M. Major.

Le Président: Très bien. Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Alors, ce rapport de commission est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de déposer une pétition légèrement non conforme.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, pour aider les autres députés et le député actuel, j'accepterais qu'il la dépose, mais en signalant ceci: la pétition qu'il va déposer, elle est caduque. Les raisons qu'ils invoquent, le ministre des Affaires municipales a indiqué qu'il a répondu. En conséquence, M. le Président, j'inviterais les députés à prendre ce que l'on a dit, de la part du ministre des Affaires municipales et de moi-même, pour le dire aux citoyens qui demandent de déposer des pétitions. J'accepterais cette dernière, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

(10 h 10)

M. Paradis: Oui, M. le Président. Vous avez demandé au leader du gouvernement s'il y avait consentement. Il y a consentement ou il n'y a pas consentement. Ce sont les pétitionnaires qui s'adressent à l'Assemblée nationale pour demander de redresser un tort. Si le leader n'est pas d'accord, bien, qu'il aille rencontrer les pétitionnaires et qu'il leur en fasse part.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, le problème étant réglé, la pétition est caduque. C'est aux députés à faire valoir ça à leurs propres commettants. J'accepte qu'il la dépose quand même.

Le Président: Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, il y a consentement.


S'assurer que la Société d'habitation du Québec demeure l'unique propriétaire des HLM

M. Copeman: Je remercie le leader pour sa largesse, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 70 pétitionnaires, résidents et résidentes de Notre-Dame-de-Grâce.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Whereas the 65 000 low-cost housing units, built in Québec over the last 30 years, are part of our social heritage and an important economic asset that should be preserved in order to benefit the whole society;

«Whereas the proposal to transfer the ownership of low-cost housing to municipalities, as stated in the Government's plan of action on housing, threatens the survival of low-cost housing;

«Whereas the Québec Government has promised, since March 1997, to create measures in order to protect low income workers, but has done nothing about it;

«Whereas low-cost housing tenants wish to obtain regulations enforcing their right to fully participate in a democratic and transparent management of their buildings;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«We, the undersigned, ask the National Assembly to intervene so that: the Société d'habitation du Québec remains the sole owner of low-cost housing units and does not transfer this responsibility to municipalities; the Société d'habitation du Québec adopt positive measures for low income workers living in low-cost housing and does not raise rents; the law regarding the Société d'habitation du Québec be modified to allow tenants'associations to be effectively involved in the management of their buildings.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Très bien. Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, mais je vous avise qu'après la période de questions et de réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre des Finances proposant que le principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, soit adopté.


Questions et réponses orales

Alors, nous allons engager maintenant la période de questions et de réponses orales. Mme la chef de l'opposition officielle.


Manque de ressources dans les centres jeunesse de Lanaudière

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. La Commission des droits de la personne publiait hier un rapport alarmant sur la situation des centres jeunesse dans Lanaudière. Les situations relevées sont inquiétantes et, surtout, mettent en lumière les effets pervers des compressions budgétaires du gouvernement. Et, au-delà des cas individuels qui sont soulevés dans le rapport accablant de la Commission, ce rapport pointe le sous-financement comme problème principal. Ce sous-financement empêche les centres jeunesse et le directeur de la protection de la jeunesse de faire leur travail dans des délais prescrits par la loi et les règlements.

M. le Président, devant le refus du gouvernement de tenir une commission parlementaire sur la santé qui nous aurait permis de faire toute la lumière notamment sur les centres jeunesse, je vous demande le consentement de déposer le rapport de la Commission des droits de la personne.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement?

Une voix: Consentement.


Document déposé

Le Président: Il y a consentement, Mme la chef de l'opposition officielle.

Mme Gagnon-Tremblay: Alors, M. le Président, le gouvernement est-il conscient qu'on marche au bord d'un gouffre? Et va-t-il attendre que des événements malheureux se produisent, surtout en ce qui touche les enfants? Et le premier ministre entend-il demander à son ministre de la Santé d'injecter les fonds nécessaires pour permettre aux jeunes en difficulté, surtout dans la région de Lanaudière, d'avoir les services que la loi leur permet?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la région de Lanaudière est une des quelques régions au Québec qui, de façon chronique et historique, depuis très longtemps, a eu énormément de difficultés à avoir assez de ressources pour l'ensemble des services de santé et des services sociaux, comparativement aux autres régions, et singulièrement pour ce qui regarde les services à la jeunesse.

En plus, depuis le début des années quatre-vingt-dix, dans cette région, la population des jeunes de moins de 18 ans a progressé plus rapidement que n'importe où ailleurs au Québec. On me dit que c'est de l'ordre de plus de 7 % que la population des jeunes a augmenté, alors que, dans l'ensemble du Québec, ça diminuait de 0,7 %. Donc, une situation historique, de longue date, chronique, de ressources moins importantes que dans d'autres régions et, en même temps, la proportion des enfants de moins de 18 ans qui augmente plus vite qu'ailleurs.

Conscient de ce problème, au cours des dernières années, malgré les difficultés, et ça n'a pas été facile, dans le contexte qu'on a traversé sur le plan, on le sait très bien, de l'assainissement des finances publiques et de la réorganisation, on a tenté de tenir le cap le mieux possible. Et de façon plus spéciale, depuis l'automne dernier, il y a une action très concertée et très intensive qui se fait dans toutes les régions, surtout dans celles où le problème est plus aigu. Il y a un plan d'action qui a été redéployé avec la Régie et les établissements de cette région, et la situation qui est décrite dans le rapport de la Commission, qui était réelle à l'automne – je peux au moins rassurer les gens – est déjà modifiée. Il y a eu un ajout par exemple, dans les derniers mois, de six personnes, de six travailleurs sociaux à l'évaluation, de six travailleurs sociaux qui s'occupent plus des mesures qui sont mises en application.

Et je terminerais, M. le Président, en rappelant que, cette situation difficile, qui est déjà améliorée, il y a déjà des ressources qui ont été rajoutées, du personnel, et on prévoit en rajouter encore dans les prochains mois dans la mise en oeuvre du plan d'action, il faut réaliser que les difficultés sont assez contextées. Il y a trois étapes, quand les jeunes se présentent à la suite d'un signalement.

La première étape, qui est l'étude du signalement, permet de classifier l'ordre de priorité. Ici, ce que les gens nous disent dans le milieu, c'est qu'ils classent ça 1 ou 2 comme priorité: 1, c'est vu dans les heures qui suivent; et, 2, c'est vu dans les jours qui suivent. Quand le travailleur social, après avoir parlé aux parents et apprécié la situation au moment de la réception, juge qu'il ne s'agit pas d'une priorité dans les prochains jours ou dans les prochaines heures, c'est là que c'est mis ce qu'ils appellent en évaluation et où il y a un temps d'attente. Après ça, une fois l'évaluation faite, la mise en application des mesures, on n'a pas de problème d'attente. Donc...

Le Président: M. le ministre. Mme la chef de l'opposition.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, au-delà du discours du ministre de la Santé, il y a des enfants, actuellement, qui sont en attente, il y a des enfants qui risquent beaucoup.

Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a l'intention d'augmenter les ressources? Parce qu'on sait très bien que tous les cas qui sont codés 3 devraient être réglés dans les quatre jours qui suivent, selon les règlements qui ont suivi la loi et que ces cas, maintenant, sont traités dans 30, parfois 54 jours et plus. Alors, le ministre peut-il accepter que les intervenants, qui doivent donner le service rapidement, soient forcés de ne pas appliquer sa propre loi?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, j'ai tenté d'être le plus synthétique possible, mais c'est une situation complexe qu'il faut prendre le temps d'expliquer, M. le Président, si on veut comprendre et ne pas faire de démagogie avec ça. C'est sûr que les demandes d'attente à l'évaluation... que cette deuxième étape est encore trop longue et qu'on a à la diminuer. Des ressources, on en a déjà rajouté. Est-ce qu'on écoute les réponses, là, au moins? On a dit que, dans les derniers mois, il y a six travailleurs sociaux qui ont été rajoutés dans cette région-là pour s'occuper des jeunes au niveau de la protection de la jeunesse, et je redis ce que je viens de dire, que, oui, dans la mise en oeuvre du plan d'action, on va rajouter des ressources à mesure que ça va être nécessaire dans les prochains mois.

Maintenant, depuis trois ans, ce qui se passe, c'est qu'on a, en moyenne, à peu près autour de 1 200 jeunes en attente à la DPJ dans Lanaudière. Si on regarde ce qui se passait avant, en 1992, il y en avait 1 400 en attente, 1 460. Puis, en 1990, si on recule encore, il y en avait 1 660. Alors, tout ce que je veux dire avec ça quand on dit que c'est un problème chronique qui remonte à longtemps et qui se corrige graduellement, bien, c'est qu'il avait commencé à se corriger un peu avant nous autres, il a continué de façon plus importante et il va continuer à se corriger.

Et, dans le temps – je vais finir là-dessus, M. le Président – en 1993, qu'est-ce qu'on disait: «La DPJ est toujours débordée.» Elle est toujours débordée, la DPJ. «La direction de la DPJ reconnaît bien ses problèmes.» On est toujours en 1993 puis on peut reculer comme ça dans le temps, c'était pire comme situation, et les journaux en parlaient encore plus. Alors, il y a encore de l'amélioration à faire, ça a commencé à se faire et ça va continuer, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire, M. le député de Chomedey.

(10 h 20)

M. Mulcair: M. le Président, est-ce que, au lieu d'être synthétique, le ministre de la Santé et des Services sociaux peut essayer d'être sympathique? Est-ce qu'il peut comprendre que, au-delà de ses cases de fonctionnaire 1 et 2, il y a des enfants dont la vie, la santé, la croissance sont en danger dans bien des cas? Est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux réalise que, dans le seul cas de Mme la juge Ruffo, déjà plus de 1 000 000 $ ont été dépensés pour régler des chicanes de bureaucrates avec l'administration? Et est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux réalise que, d'ici à la fin de la semaine, un autre rapport de la Commission des droits de la personne, celui-ci concernant les Laurentides, doit être déposé et qu'il va s'ensuivre d'autres chicanes devant les tribunaux pour tenter de stopper certaines informations, pour tenter de corriger une situation qu'ils considèrent avoir été trop d'un côté?

M. le Président, plutôt que de voir ces ressources dépensées en chicanes de bureaucrates de toutes sortes et devant les tribunaux, est-ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux peut accepter notre invitation de tenir une commission parlementaire où toute la lumière peut être faite sur cette situation, et qu'on arrête de dépenser l'argent des payeurs de taxes qui est voué aux enfants sur les chicanes stériles entre des instances bureaucratiques et institutionnelles?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Bon, alors, le député, là, fait référence à un cas qui est bien connu, qui a fait les manchettes depuis longtemps au Québec, dans la région de Lanaudière. C'est régulièrement devant les tribunaux, retour aux tribunaux. Alors, je ne ferai pas de commentaires là-dessus. Mais, effectivement, quand des professionnels ne peuvent pas s'entendre et ne sont pas capables de travailler ensemble, ça n'aide pas. Ça n'aide pas le gouvernement. Ça n'aide pas la régie régionale. Ça n'aide pas l'établissement. Et là je pense que les individus ont tous une responsabilité à assumer pour trouver le moyen de travailler ensemble plutôt que de se chicaner, on est d'accord là-dessus.

Maintenant, on est allé bien au-delà de la sympathie. Non seulement on n'a pas été juste empathique, mais on a été sympathique et on a agi. C'est ça que je vous explique, M. le Président. On a une situation chronique qui était, je vous le dis, 1 600 en attente, en 1990. Ça s'est amélioré un peu à 1 400, en 1993. Là, on est rendu à 1 200 puis on a rajouté des ressources: six travailleurs sociaux au cours des derniers mois, puis il y en a d'autres qui vont venir pour compléter ça. Le vent a tourné. On a derrière nous la phase des compressions et des coupures de budget, et on est après réinvestir dans le domaine de la santé et des services sociaux. Ça a commencé à donner des résultats et ça va en donner encore plus, M. le Président.

Le Président: En principale, Mme la députée de Bourassa.


Examen médicolégal des victimes d'agression sexuelle

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, en cette Chambre, on dénonçait vivement le fait que les femmes victimes de viol de la région de Québec se voyaient refuser l'examen médicolégal essentiel et devant servir de preuve devant une cour de justice. Le premier ministre affirmait en cette Chambre que tous les moyens seraient pris et qu'ils seraient mis en place pour que les femmes victimes de viol puissent avoir accès à l'examen médicolégal requis, et ce, dès qu'elles se présentent.

M. le Président, dimanche dernier, une jeune fille de 15 ans, de la région de l'Outaouais, victime d'une agression sexuelle, s'est vu refuser coup sur coup, d'abord par l'hôpital des Vallées et, ensuite, par le pavillon de Hull, l'examen médicolégal requis. Tant du côté de l'hôpital que du côté de la régie régionale, on dit à cette victime de 15 ans et aux membres de sa famille qu'il s'agit d'un vulgaire accident de parcours.

M. le Président, est-ce que c'est là la seule réponse que le ministre de la Santé peut offrir aux femmes du Québec qui sont victimes d'agression sexuelle? Ne trouve-t-il pas qu'elles sont déjà assez meurtries et qu'elles n'ont pas, en plus, à subir les dérapages du réseau de la santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je vais répéter ce que j'ai déjà dit en cette Chambre. C'est entendu qu'il n'y a pas de raison pour qu'une personne victime de violence, une femme victime d'un viol se voie refuser des services ou qu'on complique les choses pour donner des services à la suite d'une agression qui a été faite. Il n'y a pas de raison pour ça et, à chaque fois qu'il est arrivé que les services n'ont pas été satisfaisants, on est intervenu avec vigueur, et c'est ce qu'on va faire dans ce cas-là aussi.

Maintenant, je ne voudrais pas sauter aux conclusions puis condamner trop vite, par exemple, parce qu'il peut arriver des circonstances où, à un endroit particulier, à un hôpital, à une urgence, pour une raison ou pour une autre, on ne soit pas en mesure de donner correctement le service et qu'on communique avec un autre centre pour faire un transfert, pour s'assurer que ce soit fait.

Alors, tout ce que je dis, c'est qu'on ne condamnera pas les gens avant d'avoir vu exactement ce qui s'est passé. C'est possible que les gens, pour une raison ou pour une autre, aient été incapables d'agir rapidement et ont demandé la collaboration d'un autre hôpital. Mais, si ce n'est pas le cas, si c'est pour des raisons de quelque nature que ce soit qui ne sont pas explicables et acceptables, comme on l'a déjà fait, on va intervenir et ces cas-là ne se reproduiront pas, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé est conscient que les femmes du Québec qui sont victimes d'agression sexuelle vont finir par ne plus porter plainte parce qu'elles font, en plus, les frais des dérapages du réseau de la santé, fruits d'une réforme mal planifiée?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, au contraire, et la députée le sait très bien, on apporte des améliorations et de l'assouplissement à ce qu'on appelle le système de plaintes et de services à la clientèle pour que ce soit plus facile, pour que les gens puissent s'exprimer s'ils ne sont pas satisfaits des services reçus.

Mais, quand je vous disais, M. le Président, que, dans les conditions dans lesquelles on travaille, les difficultés qu'on rencontre, on remonte de loin et on revient d'une situation où on peut penser que c'est à cause du virage ambulatoire qu'il y a des difficultés... On est parti de loin.

Par exemple, parce qu'on se réfère toujours... C'est les journaux qui font autorité ici, dans cette Chambre, à la période de questions, hein? Les malades sont pris en otages. Ils sont pris en otages. «Ça a été transmis cette semaine au premier ministre – du temps – M. Robert Bourassa, et au ministre de la Santé – du temps – le refus de l'Hôtel-Dieu d'admettre de nouveaux patients en radio-oncologie pour toute la période estivale. On craint d'ailleurs que de telles mesures aient un effet d'entraînement sur d'autres services et de telles compressions, un effet dévastateur sur les patients cancéreux.» A dit qui? La présidente du Comité provincial des malades, qui est aujourd'hui la députée de Bourassa, en 1993.

Des voix: Ah!

Le Président: Mme la députée de Bourassa, en complémentaire.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que le ministre de la Santé est conscient qu'il n'est pas ici question de porter plainte, il est question ici, pour une jeune fille de 15 ans, tout comme pour les femmes du Québec qui sont victimes d'agression sexuelle, qui sont profondément meurtries, d'avoir un service au moment où elles en ont besoin? C'est ça, là.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, à leur face même, les allégations concernant ce qui serait survenu en fin de semaine à cette jeune fille posent des problèmes de compréhension. Si les choses se sont produites comme on les allègue, c'est inacceptable. Nous avons demandé un rapport et, lorsque nous serons saisis du rapport, nous ferons ce qu'il faudra faire.

Le Président: M. le député de Brome-Missisquoi, leader de l'opposition officielle, en principale?

M. Paradis: En principale, M. le Président.

Le Président: Très bien.


Meurtre commis par un bénéficiaire de l'hôpital psychiatrique Douglas

M. Paradis: Vendredi dernier, Le Journal de Montréal titrait: John Lipinsky est une victime de la réforme du ministre en santé mentale . «"Nous considérons John Lipinsky, assassiné mardi au Centre le Ressort de l'hôpital psychiatrique Douglas, comme une victime des économies recherchées par la réforme du ministre de la Santé." Alain Foisy, président du SQEES [...] comme tous les travailleurs de l'hôpital, attribue le meurtre de M. Lipinski au manque flagrant de surveillance et de soutien des bénéficiaires qu'on place à l'extérieur sans surveillance ni soutien adéquat[...]. "Le même geste aurait pu se produire sur un enfant ou toute autre personne à la portée du malade. C'est le danger d'une réforme précipitée en santé mentale."»

Que répond le ministre de la Santé à M. Foisy qui dit: Nous dénonçons les dangers de la désinstitutionnalisation lorsqu'elle se résume à la seule volonté de vider les hôpitaux à tout prix sans évaluation des capacités réelles de réinsertion sociale des personnes?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Je vais comprendre de la conclusion du leader de l'opposition, M. le Président, qu'une désinstitutionnalisation qui se résume à sortir le monde sans faire suivre les services, ça peut entraîner des problèmes aux gens qu'on renvoie. D'ailleurs, c'est ce que le Vérificateur général a confirmé dans son enquête qui suivait une analyse faite par le ministère, que la désinstitutionnalisation, ça ne fait pas partie du virage ambulatoire, ça, ç'a été fait avant, ç'a été commencé en 1989. En 1989. Ç'a été fait dans les années qui ont suivi, puis le Vérificateur général nous l'a dit: Oui, ils ont fait la désinstitutionnalisation, oui, ils ont sorti le monde, mais ils n'ont pas fait suivre les ressources, et le monde n'est pas dans la communauté, il est dans la rue. C'est ça qu'il nous a dit, le Vérificateur général, puis c'est depuis ce temps-là qu'on a commencé à réparer les pots cassés et que, là, on a fait des réinvestissements de façon importante, et qu'on continue à en faire, de la réallocation en première ligne.

(10 h 30)

Dans le cas particulier qui est cité, il faut faire attention parce que, moi, les commentaires que j'ai eus de l'hôpital... Je respecte les commentaires que le chef syndical peut faire, mais, moi, les commentaires que j'ai eus, c'est que, dans des situations comme ça, il s'agit de gens qui sont très malades, dans des situations très vulnérables, très instables et que, malgré tous les soins qui sont donnés, malheureusement, ce genre d'incident, d'accident peut arriver. Alors, je ne peux pas aller plus loin sur le cas d'espèce, mais, de là à conclure que c'est là un problème du virage ambulatoire, on se trompe. C'est un problème qu'on essaie de réparer parce que c'est eux autres qui ont fait la désins, puis c'est eux autres qui n'ont pas fait suivre les ressources, puis c'est pour ça qu'on a des problèmes comme ça aujourd'hui.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce que le ministre de la Santé, M. le Président, peut assumer ses responsabilités et au moins prendre les avis des travailleurs et des travailleuses qui travaillent auprès des bénéficiaires? Il y avait M. Foisy qui s'était prononcé. L'an passé, vous avez été mis en garde contre la situation par Mme Louise Valiquette, du Syndicat canadien de la fonction publique, qui vous disait, en ce qui concerne la réforme de la santé mentale à l'hôpital Douglas, le même hôpital: «L'hôpital coupe des lits, mais les ressources communautaires ne sont pas là.»

Est-ce que le ministre de la Santé va, aujourd'hui, rassurer les gens de Douglas, de la région, et les autres qui sont désinstitutionnalisés que les ressources communautaires vont être là, avant de poursuivre dans la désinstitutionnalisation?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: C'est justement ce qu'on a commencé à faire depuis deux ans. Et, avant de poursuivre, on s'est assuré de commencer à redéployer des ressources. On l'a fait de façon plus intensive encore pendant la dernière année et on continue de faire ça. Alors, déjà, par rapport à l'an passé, c'est amélioré. Et, rappelons-nous, on a cette situation-là parce que c'est au moment où la désinstitutionnalisation s'est faite qu'on aurait dû faire suivre les ressources. On part en rattrapage, là. On a un bon chemin de fait puis on va continuer à le faire. Et je peux assurer la population de ça, c'est une priorité, M. le Président. Et, dans les prochains mois, on va encore réinvestir plus de ressources dans ce domaine-là.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Comment le ministre de la Santé peut-il concilier sa réponse avec le rapport du Protecteur du citoyen, qui lui a demandé un moratoire sur la désinstitutionnalisation, avec les propos de M. Foisy: «Alain Foisy précise que le manque de surveillance et de soutien chez les personnes est tel qu'on laisse sortir de l'hôpital[...]. Un nombre d'entre elles se réfugient au Dunkin' Donuts de Verdun par désoeuvrement. Les employés du Dunkin' doivent appeler la sécurité de l'hôpital pour qu'on vienne les chercher.»?

Comment peut-il concilier sa réponse avec le rapport du Protecteur du citoyen et le représentant des travailleurs de Douglas? Qui dit vrai? Le Protecteur du citoyen, le représentant des travailleurs ou le ministre de la Santé?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: On a continué à donner plus d'informations au Protecteur du citoyen, on va continuer à en donner à tout le monde, ici. Je peux vous assurer, M. le Président, que ce qui se passe présentement en santé mentale, ce n'est pas des coupures de ressources, c'était le développement de ressources dans la communauté, le renforcement d'équipes d'intervention de crise pour favoriser l'intégration des gens et le soutien de ces gens-là dans leur communauté et dans leur réintégration sociale. C'est ce qui se passe. Ça se passe dans toutes les régions, c'est de plus en plus intensif et c'est ça qu'est la réalité.

Encore une fois, on a des gens qui vivent des situations très dramatiques, des gens qui sont vraiment malades et qu'il faut aider de façon importante, et, malheureusement, il arrive parfois des incidents ou des accidents. Mais les encadrements qui sont donnés et la sécurité qui est donnée aux gens, elle est grandissante à chaque mois, M. le Président, je peux vous l'assurer.

Le Président: M. le député de Robert-Baldwin.


Opinion des infirmières concernant la réforme de la santé

M. Marsan: M. le Président, les infirmières sont la pierre angulaire du système de santé au Québec. Elles sont quotidiennement au service des patients, en raison de leur formation spécialisée. Toutefois, depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, ce sont les infirmières qui font les frais de la réforme de la santé.

«Il y a eu des ratés majeurs dans le réforme de la santé du ministre, estime la présidente de la Fédération des infirmières du Québec, Mme Skene. Nous avions, comme organisation, donné notre accord au principe d'une telle réforme, mais jamais nous n'avons cautionné les moyens mis en oeuvre pour en assumer l'implantation.»

Ma question est bien simple, M. le Président: Qui la population doit-elle croire? Le ministre de la Santé, le président du Conseil du trésor, le premier ministre, qui soutiennent que la réforme de la santé est un véritable succès, ou encore les infirmières, qui, elles, vivent les ratés de la réforme à tous les jours?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, quand on regarde les résultats qui commencent à apparaître, en termes de résultats... Non, non. En termes de...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: S'ils ont peur des réponses, ils sont aussi bien de ne pas poser de questions.

Quand on regarde les résultats, le personnel qui a été réalloué dans les soins de première ligne, l'augmentation du nombre de places de soins de longue durée pour les personnes âgées, contrairement à ce qui se faisait avant... Eux avaient dit qu'il en fallait 1 000 de plus par année, de places de longue durée; ils en ont fait à peu près une centaine de plus par année. Alors, nous, on en a mis 2 000 de plus dans l'ensemble du Québec et autour de Montréal, et 2 500 de plus dans la région de Montréal, M. le Président.

Quand on regarde l'ensemble des résultats, la diminution des attentes dans les urgences, malgré qu'il y ait encore des problèmes... On le citait, le chiffre, tout à l'heure. Ce n'est plus 50 000 personnes qui attendent dans les urgences, c'est moins de 20 000. C'est des résultats très parlants.

Par contre, c'est vrai que le processus pour arriver là, dans les trois dernières années, il a été difficile, puis qu'à plusieurs endroits c'est encore difficile, parce que, on l'a dit souvent, il a fallu faire vite parce qu'on commençait en retard, puis pas mal en retard, comparativement aux autres. Et il a fallu le faire dans un contexte de contraintes budgétaires. Pourquoi? À cause de l'héritage qu'ils nous avaient laissé. Ils nous ont laissé un mandat quasiment impossible à faire. C'est sûr que c'est dur pour le monde, mais la responsabilité, si on veut en trouver une, n'est pas de ceux qui font le travail, qui passent à travers, c'est ceux qui ont causé le problème puis qui l'ont laissé là, par exemple.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: M. le Président, une question bien simple: Qui dit vrai, les infirmières ou le ministre de la Santé?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Il n'y a pas à se poser qui dit vrai, on dit la même chose, M. le Président. On est d'accord sur le changement qu'il fallait faire. Moi, je vous parle des résultats qui sortent et qui sont positifs. Les infirmières disent que ça a été difficile puis qu'elles auraient aimé mieux que ça se fasse dans des conditions différentes. Bien d'accord là-dessus, moi aussi. Mais ça aurait été des conditions différentes si on ne s'était pas ramassés avec la situation qu'on avait. C'est là qu'on n'avait plus bien, bien le choix, par exemple, M. le Président.

Alors, on est d'accord que ça a été difficile, puis qu'on est après sortir d'une période qu'on aimera autant oublier. Et on espère qu'on n'aura jamais un autre gouvernement comme celui qui nous a précédés, qui va recréer des situations comme ça au Québec, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Marsan: Une question au premier ministre: Est-ce que le premier ministre est d'accord avec son ministre de la Santé et est prêt à endosser que les infirmières n'ont pas raison et que c'est le ministre de la Santé qui a raison? Est-ce que le premier ministre pourrait confirmer ce que le ministre de la Santé vient de nous dire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre vient de répondre de façon très nuancée, très respectueuse de la situation que vivent les infirmières présentement. J'endosse totalement ce que dit et ce que fait le ministre dans l'intérêt public du Québec.

Le Président: M. le député de Richmond, en principale.


Fermeture appréhendée du foyer Sainte-Anne-Marie, de Danville, et qualité des aliments offerts aux personnes âgées en établissement

M. Vallières: Oui, M. le Président. De nombreuses représentations ont été faites au ministre de la Santé et des Services sociaux quant à la fermeture appréhendée du foyer Sainte-Anne-Marie, de Danville. Les appuis sont venus de tous les milieux, que ce soit des élus municipaux, des employés, des personnes âgées, du pasteur de la communauté, des gens d'affaires, des groupes communautaires, pétition de plus de 2 000 noms, plusieurs lettres de celui qui vous parle qui sont restées, d'ailleurs, sans réponse de la part du ministre. Malgré cette opposition, le ministre persiste et signe une lettre récente confirmant sa volonté de fermer l'établissement.

M. le Président, ma question au ministre: Est-ce qu'il est informé du contexte particulier qui a entouré la prise de décision par la Régie régionale de la santé et des services sociaux de l'Estrie, soit l'égalité des votes lors de la décision finale recommandant au ministre la fermeture de l'établissement – décision prise, d'ailleurs, sur la foi d'un sondage de dernière minute – et est-ce que le ministre a été informé que le plan de transformation qui avait été approuvé lors des consultations avec la population prévoyait une réduction du nombre de lits dans cet établissement et non pas sa fermeture comme il se propose de le faire?

(10 h 40)

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je ne saurais pas, de mémoire, vous parler des détails de la situation, mais c'est une situation qui a été suivie de près avec le ministère et la régie régionale. Dans cette région, il y a un rééquilibrage important, qui est déjà pas mal avancé, des services qui sont donnés aux gens.

Il faut toujours se rappeler que, quand on parle des soins pour des personnes âgées, ce qu'il est très important d'avoir pour une communauté, c'est un bon équilibre de services complets qui vont de ce qui se fait à domicile aux différentes formules de service ambulatoire et ultimement de soins, aux places de longue durée, alors qu'on était dans un fonctionnement avant où on institutionnalisait les gens à outrance parce qu'il n'y avait pas assez de services à domicile et qu'il n'y avait pas assez de formules intermédiaires qui gardaient les gens plus actifs dans leur communauté.

Alors, je ne saurais pas revenir ce matin sur les détails de la situation, mais je peux vous assurer que ces décisions-là ne sont pas prises à la légère, ni localement, ni au niveau de la région, ni au niveau du ministère, et que c'est fait avec une vue d'ensemble pour donner à la communauté l'ensemble des services dont elle a besoin, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre, qui est en train de nous dire qu'il va fermer l'établissement, peut nous indiquer comment il se fait qu'il a réussi à trouver plus de 10 000 000 $ pour se refaire une beauté auprès de la population, en publicité, comment il peut expliquer qu'il ne peut pas trouver une somme de 200 000 $ à 300 000 $ – c'est les économies qui seraient générées par cette fermeture sur une base annuelle – afin de rassurer la population, les travailleurs, les personnes âgées? Comment peut-il prétendre nous répondre adéquatement quand il nous dit, au tout début de sa réponse, qu'il ne connaît pas ce dossier?

Est-ce que, M. le Président, le ministre peut s'engager ici, dans les millions qui sont à sa disposition – il y a plus de 6 000 000 $ à la Régie régionale de l'Estrie – à trouver les quelques centaines de milliers de dollars qui sont demandés de façon générale par la population dans cette région pour sauver l'établissement?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Si le raisonnement, c'est qu'à tout prix il faut sauver un établissement puis une bâtisse, ça, c'est un genre de situation. Mais ce n'est pas ça qu'on essaie de faire, là. Ce qu'on essaie de faire, c'est de s'assurer que les populations et les personnes âgées, dans le cas en particulier, aient les services et le type de services dont ils ont besoin, et la gamme complète des services. Il ne faut pas voir un établissement de façon isolée, il faut voir l'ensemble des services faits à la population, l'ensemble des services dont elle a besoin et comment on fait la réorganisation de ces services-là.

Alors, ce que ça peut représenter – 300 000 $ ou peu importe le montant – pour un établissement, quand il est réorienté autrement ou qu'il est fermé, c'est autant d'argent qui, en bonne partie, sert à donner d'autres services plus adaptés aux besoins des gens. Alors, il ne faut pas voir ça hors contexte, M. le Président. Et justement, on est obligé d'investir, puis ça va être normal que le ministère continue toujours à informer la population, surtout quand il faut remonter le courant de désinformation qui est faite de façon systématique, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le ministre, qui fait sienne la décision de la Régie régionale de l'Estrie et qui est très préoccupé par la qualité des soins qui sont donnés aux personnes âgées dans le milieu, peut nous indiquer s'il partage également le point de vue de la même Régie qui recommandait récemment aux établissements de la région l'utilisation de produits de quatrième et de cinquième gamme dans les établissements, comme nourriture, et qui se sont fait répondre que les gens, localement, refusaient de réduire la qualité de la nourriture pour leur clientèle? Est-ce qu'il est aussi d'accord, lui qui semble vouloir signer n'importe quoi, sur à peu près n'importe quelle recommandation en provenance des régies, avec ce genre de recommandation?

Pourquoi est-ce que le ministre, M. le Président, ferme les yeux? On les lui ouvre ici, en cette Assemblée. Pourquoi garde-t-il les yeux fermés sur des situations qu'on lui décrit dans des milieux, qui sont existantes, que nous décrions, et continue-t-il de s'appuyer sur des propositions qui sont faites par les régies régionales qui sont trop souvent déconnectées de la réalité des milieux?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Quand on est rendu à faire des procès d'intention, c'est qu'on est en manque d'arguments pas mal. Alors, à ce moment-là, on pourrait passer à d'autres choses.

Alors, ce que je vous dis, c'est que toutes ces décisions-là sont suivies et sont suivies de près, qu'à chaque étape elles sont validées correctement et qu'on ne prend jamais à la légère ce genre de décision là. Ce qui nous guide, encore une fois, ce n'est pas de regarder un établissement, une bâtisse hors contexte, c'est de regarder l'ensemble des services auxquels a droit une population et de s'assurer qu'ils sont organisés pour répondre adéquatement à ces besoins. Quant à l'autre cas qui est souligné, je ne sais pas à quoi ça fait référence, je vérifierai sûrement, mais ça me surprendrait bien gros que la régie régionale ait décidé et recommandé de donner des services inadéquats à son monde. Mais je vais vérifier le cas d'espèce, je ne le connais pas.

Le Président: M. le député.

M. Vallières: M. le Président, puisque le ministre s'engage à répondre ultérieurement, j'imagine, en cette Chambre, à la question qui est posée sur la qualité de la nourriture qui était proposée, est-ce qu'il peut par la même occasion vérifier si, dans d'autres régies régionales de la santé et des services sociaux, sur le territoire québécois, ce type de proposition a été fait aux établissements pour réaliser des économies sur le dos des bénéficiaires?

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, j'ai dit qu'il nous sort ça, une autre phrase hors contexte. Je vais voir de quoi il s'agit exactement puis s'il y a une situation là qui est anormale, qui n'est pas correcte ou si une erreur a été faite, on va la corriger.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, en principale.


Patient en attente de chirurgie au centre hospitalier Pierre-Boucher de Longueuil

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Le 21 octobre 1997, un citoyen de mon comté, M. Jean-Claude André, âgé de 68 ans, est avisé par son médecin qu'il doit être opéré à l'hôpital Pierre-Boucher pour une hernie grave. Il a également été informé qu'à cause des coupures aveugles dans les soins directs aux malades ça pourrait prendre jusqu'à trois ans avant d'avoir son opération.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il assurer M. André, qui attend déjà depuis sept mois, qu'il ne souffrira pas encore pendant les deux prochaines années avant d'être opéré?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président, je peux assurer au patient, M. André, qu'il va avoir les services qui sont nécessaires compte tenu de son état de santé et les services dont il a besoin, et qu'il va les avoir dans les délais qui sont des délais raisonnables compte tenu de son état de santé, et qu'à mesure qu'on sort de la situation où on a été, à mesure qu'on se prépare à réinvestir dans le domaine de la santé, cette situation-là va être de plus en plus facile.

Il faut bien se rappeler que nos listes d'attente, qui sont encore parfois un peu longues, au-delà de ce qu'on voudrait, sont déjà plus courtes que ce qu'elles étaient avant qu'on entreprenne cette réorganisation-là. C'est ça qu'il ne faut pas oublier. Si on regarde, aujourd'hui, hors contexte, on oublie que c'était pire avant, qu'on a déjà commencé à améliorer sensiblement. Une fois qu'on est sortis du bourbier où on nous avait laissés, ça va continuer à s'améliorer, et plus rapidement, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: M. le Président, quand M. André aura-t-il son opération, lui qui a déjà attendu sept mois? Qu'est-ce que le ministre répond à M. André, qui l'a saisi par écrit le 8 mai dernier et qui dit ceci, et je cite la lettre de M. André: «Je ne peux faire d'efforts physiques et je dois utiliser des compresses de glace régulièrement. Jamais je n'aurais cru que je pataugerais dans un labyrinthe pareil. Ce n'est pas beau à voir et à entendre, notre système de santé.»? Quand M. André sera-t-il opéré, lui qui attend depuis sept mois?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: La décision de quand et comment on fait une intervention chirurgicale, c'est les cliniciens, c'est les médecins qui la prennent, ce n'est pas le ministre de la Santé qui prend cette décision-là. Et, pour les assister, quand ils ont des difficultés, il y a des directeurs et des gestionnaires dans les établissements avec qui ils travaillent, il y a des directeurs de département. Et, quand un patient doit être priorisé et qu'on doit le faire avancer plus vite sur la liste parce qu'il a besoin d'une intervention plus rapidement, c'est ça qui est fait. Alors, c'est au niveau de l'établissement que ça va se régler, et c'est là qu'on va donner une réponse à monsieur. Et je le réfère à son médecin pour la suite des choses, M. le Président.

(10 h 50)

Le Président: M. le député de Viger, en principale.


Demande de moratoire sur le projet de loi n° 188 sur la distribution de produits et services financiers

M. Maciocia: Oui. Merci, M. le Président. Le premier ministre, M. le Président, est pertinemment au courant que le projet de loi n° 188 est contesté par quasiment tout le monde, sauf Desjardins. On sait aussi, M. le Président, que le projet de loi n° 188 peut mettre en péril au-delà de 2 000 petites et moyennes entreprises au Québec, et particulièrement en région. On sait que ce projet de loi touche au-delà de 40 000 familles qui sont touchées directement par ce projet de loi là. On sait aussi, et le premier ministre est au courant, qu'il y a eu un rapport, le rapport qu'on appelle communément la «commission et le rapport Baril», où, unanimement, des députés du côté ministériel et du côté de l'opposition, on a fait des propositions concrètes au ministre des Finances, mais que le ministre a balayées du revers de la main.

On se rappelle, M. le Président, on sait que le premier ministre avait pris un engagement formel, au sommet économique, en disant que, comme pour chaque projet de loi, on devait faire une analyse économique sur les répercussions du projet de loi n° 188. Hier, au-delà de 2 000 courtiers venus de toutes les régions du Québec ont manifesté devant le bureau du premier ministre pour tenter de le sensibiliser et pour demander un moratoire sur le projet n° 188, moratoire pour faire, justement, l'analyse dans le contexte économique de ce projet de loi n° 188.

Ma question, M. le Président, est: Est-ce que le premier ministre peut s'engager auprès de ces personnes-là à avoir un moratoire sur le projet de loi en question et à faire aussi l'analyse de l'impact économique du projet de loi n° 188?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement prend très au sérieux les préoccupations qui sont exprimées par les courtiers et intermédiaires de marché. Au cours des récents mois, d'innombrables rencontres ont eu lieu entre les gens du gouvernement, que ce soit le ministre lui-même, son entourage immédiat, des députés, et des intermédiaires de marché pour se pencher sur les propositions et les remarques qu'ils ont faites à l'endroit du projet de loi.

Le projet de loi a été conçu en tenant compte d'un grand nombre de ces préoccupations des courtiers et intermédiaires de marché; nous avons noté les remarques additionnelles qui sont venues, les réactions auxquelles a fait référence le député, M. le Président. Le ministre déposera un très grand nombre de modifications au projet de loi au cours des prochaines journées, et on va suivre l'affaire comme nous l'avons fait depuis le début.

Le Président: M. le député.

M. Maciocia: Est-ce que le premier ministre peut s'engager, M. le Président, à déposer ces papillons, qui devraient normalement être déposés, tel que s'y était engagé le ministre des Finances, avant l'adoption du projet de loi article par article devant la commission?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre, en commission parlementaire, à l'étape de la commission parlementaire, va déposer tout près de 200 modifications. Donc, j'ai lieu d'espérer que ces modifications qui seront apportées au projet de loi vont rencontrer les préoccupations exprimées par les intéressés.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Kamouraska-Témiscouata, en principale.


Avenir de l'usine General Motors de Boisbriand

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. le Président, les travailleurs et travailleuses de l'usine GM à Boisbriand, dans le nord de Montréal, sont inquiets de leur avenir. Au cours de l'été, le nombre d'employés pourrait baisser jusqu'à 1 000. Selon le président du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile, M. Luc Desnoyers, on parle d'une perte de plus de 2 000 emplois dans cette usine au cours des dernières années. Le 31 mars dernier, le ministre du Travail recevait un avis de licenciement collectif visant 350 travailleurs et travailleuses de cette usine.

M. le Président, est-ce que le ministre du Travail, voyant le nombre d'employés passer de 3 500 à 2 000, puis à 1 000, peut nous dire ce qu'il a fait depuis le 31 mars, depuis le nouvel avis de licenciement collectif, et surtout qu'est-ce qu'il va faire pour éviter la fermeture de cette usine-là et la perte de 1 000 emplois supplémentaires dans la région?

Le Président: M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, je dois vous indiquer que mon collègue ministre d'État de l'Économie et des Finances est en très étroite discussion avec les autorités de GM sur ce dossier. Il faut se rappeler que l'usine de GM conserve des atouts absolument fantastiques. Premièrement, il s'agit – l'usine de Boisbriand – d'une des plus performantes chez GM, et le gouvernement, se basant sur la mobilisation des travailleurs et l'efficacité de l'usine, travaille donc en étroite collaboration avec la direction de la société pour s'assurer de la pérennité de cette entreprise. Nous sommes confiants que l'usine de Boisbriand sera choisie pour une autre production si GM décide d'abandonner la fabrication de Camaro et Firebird. Et, d'ailleurs, les ventes d'automobiles de l'entreprise sont en hausse au Québec, la meilleure performance depuis 1984, ce qui, je pense, est un excellent indice. Je vous remercie.

Le Président: M. le député.

M. Béchard: M. le Président, ma question au ministre du Travail: Depuis qu'il a reçu l'avis de licenciement collectif pour 350 autres personnes qui vont perdre leur emploi, depuis ce temps-là, on a beau se fier sur GM, mais, en tant que gouvernement, qu'est-ce que lui a fait en tant que ministre du Travail pour éviter ces pertes d'emplois là et, à long terme, éviter la fermeture de l'entreprise? On est passé de 3 500 à 1 000 emplois et on en met encore 350 à pied. Qu'est-ce qu'ils vont faire pour éviter que cette usine-là ferme, M. le Président?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, ce serait peut-être important de rappeler aussi à l'Assemblée que, à GM, à Boisbriand, il y avait de très sérieux problèmes de santé et sécurité au travail. J'ai eu l'occasion de rencontrer la présidente de GM Canada, et, depuis lors, on a réglé à peu près tout ce qui était problème de santé et sécurité. J'imagine que, le député, ça l'intéresse un peu, ça aussi.

Quant au dossier des relations de travail et des licenciements, le ministre de l'Industrie et du Commerce vient de nous donner un certain nombre d'informations qui sont très importantes. En même temps aussi, étant donné qu'il se préoccupe beaucoup du sort des travailleurs et des travailleuses, j'aimerais demander au député de Kamouraska-Témiscouata de se lever dans cette Chambre et de déposer une motion blâmant le fédéral sur la gestion des pêches et le moratoire sur le poisson de fond qui a créé à peu près 300 chômeurs en Gaspésie. Ça, ça serait intéressant, mais, là-dessus, il ne bougera pas, par exemple.

Le Président: Rapidement...

M. Béchard: M. le Président, est-ce que le ministre du Travail se rend compte que, depuis deux semaines, on lui a posé des questions sur des emplois qui se perdaient dans des entreprises? C'est au-delà de 1 000 emplois qui sont en train de se perdre parce qu'il n'a rien fait. C'en est une raison importante. Et est-ce qu'il est en train de nous dire que sa façon de régler les problèmes de santé et sécurité au travail dans les entreprises, c'est de mettre des gens à pied et de fermer l'entreprise à long terme?

Le Président: M. le premier ministre.

M. le député, s'il vous plaît. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le sort de cette usine est très important non pas seulement pour la région concernée, pour les travailleurs d'abord, bien sûr, mais pour le Québec et la place que le Québec tient dans cette industrie automobile qui est si importante, où on a déjà une part qui est infime dans l'ensemble canadien. Donc, il est essentiel que tous les moyens soient pris pour maintenir cette usine et la faire progresser.

J'ai eu l'occasion, récemment, de rencontrer, M. le Président... Le gouvernement se préoccupe beaucoup de la question, tout le monde s'en mêle ou à peu près. J'ai rencontré moi-même récemment les dirigeants syndicaux de l'usine qui manifestent des inquiétudes, bien sûr, et le diagnostic qui est posé, c'est qu'il y a une décision très importante à prendre par la haute direction de GM aux États-Unis, et la décision va se prendre là, M. le Président. C'est pour cela que le ministre de l'Économie et des Finances est en contact avec la haute direction de GM, et nous n'hésiterons pas à nous rendre là-bas s'il le faut. Moi-même, s'il faut que j'y aille, M. le Président.

(11 heures)

Nous savons que c'est quelque chose d'essentiel, que, bien sûr, c'est lié à des décisions stratégiques qui sont prises par une très grande compagnie qui fabrique une grande variété de modèles, et il semble que Camaro va être discontinué à un moment donné, ce qui veut dire qu'il faudra qu'un autre mandat soit donné à l'usine, et, à ce moment-là, je pense que nous aurons besoin d'une forme d'unanimité d'action pour maintenir cette usine.


Votes reportés

Le Président: Alors, la période des questions et des réponses orales est terminée, nous allons immédiatement aux votes reportés. Tel qu'annoncé précédemment, nous allons procéder au vote sur la motion de M. le ministre des Finances qui propose que le principe... M. le leader.

M. Paradis: Oui. Strictement pour permettre au leader du gouvernement... Parce que lui seul peut faire une telle motion, s'il le juge approprié. Le ministre des Finances n'est malheureusement pas parmi nous ce matin. Il s'agit d'un projet de loi qu'il porte à bout de bras. Est-ce qu'il voudrait permettre à son ministre des Finances d'être là? À ce moment-là, il y aurait consentement à ce que le vote soit reporté pour que le ministre des Finances soit parmi nous.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Le leader de l'opposition a eu les raisons pour lesquelles le ministre est absent et, en conséquence, M. le Président, nous allons procéder, puisqu'il y aura d'autres étapes où le ministre aura l'occasion de voter.


Adoption du principe du projet de loi n° 188

Le Président: Alors, nous allons donc voter sur la motion de M. le ministre des Finances qui propose que le principe du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, soit adopté.

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, d'abord.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), M. Bertrand (Portneuf), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Jutras (Drummond), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Lefebvre (Frontenac), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

M. Filion (Montmorency), M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Y a-t-il des abstentions? Un instant, juste un instant! M. le député Rivière-du-Loup...

Une voix: ...

Le Président: Alors, il y a consentement.

Le Secrétaire adjoint: M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Secrétaire: Pour:61

Contre:36

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de M. le ministre des Finances est adoptée. Donc, le principe du projet de loi n° 188 est adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Jolivet: Oui. Je fais donc motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée, M. le Président.

Le Président: Très bien, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté.

Alors, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, j'avise...

Le Président: Juste un instant! Je m'excuse!

Motions sans préavis, au préalable. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: M. le Président. «Que l'Assemblée nationale procède à des auditions publiques sur l'état du système de santé au Québec, notamment en ce qui concerne les conséquences des compressions budgétaires et de la réforme du ministre de la Santé sur l'accessibilité et la qualité des services offerts aux Québécois et aux Québécoises et qu'à cette fin elle entende des individus et organismes représentant les malades, les infirmiers et infirmières, les médecins, les administrateurs, le personnel de soutien, les professionnels de la santé et les bénévoles;

«Que le gouvernement convoque donc à compter du 9 juin prochain la commission des affaires sociales et demande aux individus et aux organismes de transmettre au Secrétariat des commissions leur mémoire au plus tard le 4 juin.» Merci, M. le Président.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Des voix: Non.

M. Boulerice: Non.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, pour les avis touchant les travaux des commissions.

M. Boulerice: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 417, Loi prolongeant l'effet de certaines dispositions de la Loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets-pilotes, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 12 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions procédera aux consultations particulières sur la déclaration de Calgary, notamment en ce qui a trait à une future entente-cadre sur l'union sociale, et ce, en regard des droits et compétences de l'Assemblée nationale, du gouvernement du Québec et des revendications historiques de ces derniers, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

De plus, que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, aujourd'hui, de 15 heures à 17 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 188, Loi sur la distribution de produits et services financiers, aujourd'hui, de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Et finalement, M. le Président, que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 422, Loi modifiant la Loi sur les cours municipales et la Loi sur les tribunaux judiciaires, de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Très bien. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique va se réunir en séance de travail aujourd'hui, de 14 heures à 15 heures, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement afin de décider des suites à donner à l'audition du Curateur public en vertu de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics. À l'occasion de cette séance, deux documents seront particulièrement examinés, soit le Plan de redressement du Curateur public et le projet de recommandations de la commission.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée


Décision du président sur la question de règlement soulevée par le député de Verdun concernant la procédure du vote sur l'article 56 du projet de loi n° 441

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vais donner la directive à la question de règlement soulevée par M. le député de Verdun concernant l'article 56 du projet de loi n° 441, Loi sur l'Institut de la statistique du Québec.

Alors, à la demande du député de Verdun, qui voulait savoir si l'Assemblée peut, à la majorité simple des voix, adopter l'article 56 du projet de loi n° 441, qui prévoit la fin du mandat de personnes qui ont été nommés aux deux tiers par l'Assemblée nationale en vertu de l'article 5 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives, l'article 56 du projet de loi n° 441 prévoit que le mandat des membres de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération prendra fin à la date d'entrée en vigueur de cet article. Quant à l'article 5 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives, il prévoit notamment que le président et les vice-présidents de l'Institut sont nommés par résolution de l'Assemblée nationale adoptée par au moins les deux tiers de ses membres, sur motion du premier ministre. En outre, l'article 7 de cette loi prévoit que le président et les vice-présidents de l'Institut sont nommés pour au plus cinq ans.

(11 h 10)

Tout d'abord, sur sa question de directive, le député de Verdun cherche en partie à avoir une opinion de la présidence quant à la cohérence juridique de l'article 56 du projet de loi n° 441 avec la procédure de nomination prévue à l'article 5 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives.

Il importe, à ce stade-ci, de rappeler le rôle de la présidence de l'Assemblée quant à l'interprétation législative. Il est admis, en droit parlementaire, que la présidence est la seule compétente pour interpréter les règles de procédure qui régissent les travaux parlementaires. Il est même admis que la présidence a le pouvoir exclusif d'appliquer et d'interpréter des lois qui contiennent de la procédure parlementaire. Elle ne peut toutefois interpréter les lois sur un aspect qui n'a aucun rapport avec une règle de procédure parlementaire. C'est pourquoi, en l'espèce, la présidence n'a pas à se questionner sur les conséquences de l'adoption d'un projet de loi sur les dispositions d'une loi. La présidence ne s'intéresse au contenu d'un article d'un projet de loi que s'il contient une règle de procédure parlementaire; or, l'article 56 du projet de loi n° 441 ne contient aucune règle de procédure parlementaire.

Et afin de mieux illustrer mon propos sur le rôle de la présidence eu égard à l'interprétation législative, mentionnons, à titre d'exemple, que la présidence pourrait vraisemblablement être amenée à déterminer ce que signifie l'exigence d'un vote aux deux tiers des membres de l'Assemblée contenue dans une loi. Est-ce les deux tiers des 125 sièges de l'Assemblée ou plutôt les deux tiers des sièges effectivement occupés? Comme il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une question contentieuse, la présidence n'a pas à y répondre; elle doit plutôt se questionner sur la nature des votes qui seront pris à l'Assemblée et en commission sur le projet de loi n° 441, plus particulièrement sur l'article 56 de ce projet de loi, lors de l'étude détaillée.

Il n'y a aucun doute quant à la compétence de la présidence pour décider de cette question, puisqu'il s'agit d'un sujet qui relève résolument de la procédure parlementaire. Et, en cette matière, la règle est claire: à moins d'une disposition explicite à l'effet contraire, les questions à l'Assemblée sont décidées à la majorité des voix. Il s'agit, au demeurant, d'une règle de procédure établie à l'article 49 de la Loi constitutionnelle de 1867, lequel article est applicable à l'Assemblée nationale en vertu de l'article 87 de la même loi.

En ce qui concerne le processus législatif, il n'y a aucune disposition prévoyant une procédure parlementaire qui déroge à la règle générale qui veut que l'Assemblée adopte les question qui lui sont soumises à la simple majorité des voix. D'ailleurs, en guise d'illustration de ce principe, l'article 5 de la Loi sur le régime de négociation des conventions collectives, qui prévoit la procédure de nomination aux deux tiers du président et des vice-présidents de l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, a été lui-même adopté à la majorité des voix.

Compte tenu de ce qui précède, tous les votes sur le projet de loi n° 441, même celui portant sur l'article 56 en commission parlementaire, seront pris à la majorité simple des voix. Alors, voilà la décision qui fait suite à la demande de directive de M. le député de Verdun.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres questions ou renseignements sur les travaux de l'Assemblée, nous allons aller aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous réfère à l'article 12 du feuilleton.


Projet de loi n° 445


Adoption du principe

Le Président: Très bien. À cet article de notre feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi n° 445, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction. M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. Nous débattons aujourd'hui du principe du projet de loi n° 445 modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction. Par l'adoption de ce projet de loi, nous voulons modifier la loi afin d'en faciliter l'application.

Un effort du gouvernement du Québec, depuis un certain nombre d'années, est de procéder à des allégements, à faciliter l'application des lois et à rendre les règlements beaucoup plus simples. Ce projet de loi s'inscrit donc dans cette démarche qui vise à responsabiliser davantage les intervenants du secteur de la construction, et c'est par l'établissement de divers partenariats et par des ententes de délégation de pouvoir que nous voulons parvenir à cette responsabilisation accrue de toutes les parties dans l'industrie. La prise en charge, par exemple, par les corporations des maîtres électriciens du Québec et des maîtres tuyauteurs, de l'administration de la Loi sur le bâtiment en ce qui a trait à la qualification de ses membres constitue un premier geste.

D'ailleurs, M. le Président, il faut dire que même si, aujourd'hui, par ce projet de loi, nous rendons les corporations des maîtres électriciens du Québec et des maîtres tuyauteurs responsables de la qualification – c'est-à-dire que c'est une délégation de la qualification entre les mains des deux corpos – il reste que, depuis un certain nombre d'années, la Régie du bâtiment du Québec assumait cette responsabilité. D'un commun accord, aujourd'hui, on transfère cette responsabilité-là aux deux corporations, qui sont munies d'un code d'éthique, qui ont une expérience professionnelle très vaste, et je pense que le moment est venu de leur faire confiance.

M. le Président, au sujet de cette délégation de la qualification, il faut dire que nous sommes préoccupés. au Québec depuis beaucoup d'années, de ce que les entrepreneurs dans l'industrie de la construction soient des gens compétents, qu'ils obtiennent une licence et que, par ailleurs, les travailleurs qui exercent leur métier aient un permis de travail, une carte de compétence émise par la Commission de la construction du Québec.

Alors, M. le Président, je tiens à vous rappeler que, en matière de qualification, le système de licences décrit par la Loi sur le bâtiment a pour objet d'assurer la qualité des travaux de la construction afin de protéger les personnes. Pourquoi on attache tellement d'importance à la qualification des travailleurs et des entrepreneurs? C'est qu'on veut que les gens qui achètent des produits de la construction, des maisons, soient des consommateurs protégés. Protégés parce que les employeurs sont des gens compétents et que les travailleurs le sont aussi.

Donc, il a été mis en place, afin de protéger le consommateur et de favoriser la compétence des entrepreneurs, tout un système qui fait en sorte que, au Québec, aujourd'hui, on peut fonctionner avec un minimum de sécurité. La Corporation des maîtres-électriciens du Québec participe déjà au processus de qualification des entrepreneurs dans le domaine de l'électricité. En effet, c'est la Corporation, sous la supervision de la Régie du bâtiment, comme je viens de le dire, qui prépare et administre la partie de l'examen destiné à mesurer les connaissances techniques et les compétences professionnelles des entrepreneurs. De plus, les exigences des citoyens en matière de qualité des travaux de construction et de sécurité du public dans le bâtiment étant nombreuses et croissantes, bien, le projet de loi que je présente aujourd'hui va permettre justement à la Régie du bâtiment du Québec de déléguer certaines fonctions qu'elle exerce dans ce domaine à des organismes du même genre, soit les deux corporations dont je viens de parler.

On comprendra donc, M. le Président, que ce transfert sera accompagné de la mise en place de moyens nécessaires pour permettre à l'État d'assumer son rôle à l'égard des mandats publics. Il n'est pas question pour l'État de se débarrasser de ses responsabilités ou il n'est pas question, non plus, de déresponsabiliser la Régie du bâtiment, mais, cependant, on croit que les corporations dont il est question ici aujourd'hui sont capables d'assumer cette fonction de qualification sans aucun problème. Le gouvernement pourra révoquer en tout ou en partie des mandats ayant été délégués à ces corporations s'il y a des manquements à la loi. On garde donc un pouvoir de surveillance et de contrôle. Un tel pouvoir de révocation est souhaitable, car il découle du pouvoir de surveillance de l'État, et il n'est pas question de se départir de cette responsabilité.

Des recours sont également prévus pour les entrepreneurs à l'encontre de décisions des corporations portant sur la délivrance, le renouvellement ou encore la modification, la suspension ou l'annulation et le refus, même, de renouveler une licence. Alors, comme vous pouvez le constater, M. le Président, les modifications suggérées vont permettre de recentrer la qualification des entrepreneurs de construction sur des objectifs de protection des consommateurs et d'incitation aux entrepreneurs d'être toujours mieux formés et de toujours être mieux qualifiés.

De la même manière, le projet de loi assouplit certaines règles portant sur la normalisation dans le domaine du bâtiment, ce qui permettra d'amener les intervenants à une meilleure prise en charge par le milieu de la qualité des travaux de construction et de la sécurité du public dans les bâtiments et pour le gouvernement de rencontrer davantage les objectifs d'allégement administratif.

(11 h 20)

Ce projet de loi, M. le Président, prévoit également la création d'une nouvelle instance, et ça, c'est important de bien saisir cet aspect du projet de loi. La Commission de l'industrie de la construction, issue de la fusion de l'actuel Bureau du Commissaire de la construction institué par la Loi sur les relations de travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction, bien, ce Bureau du Commissaire de la construction va être fusionné avec le Conseil d'arbitrage qui, lui, est institué par la loi de la formation et de la qualification de la main-d'oeuvre.

M. le Président, de ce fait, il existe une relation suffisamment étroite entre les activités de chacun des deux organismes pour en arriver à la conclusion logique aujourd'hui que, plutôt que d'en avoir deux, on n'en aura qu'un seul. Et le monde de l'industrie de la construction est très satisfait, puisque ça va désengorger le système, ça va permettre d'accélérer les procédures et, en plus, M. le Président, il y aura des économies d'échelle réalisées en vertu du fait que nous aurons désormais un seul organisme au lieu de deux.

Le projet de loi suggère de plus d'introduire un mécanisme de conciliation pour favoriser le règlement sans audition de certaines contestations soumises au Commissaire de l'industrie de la construction. Une telle démarche aura le mérite, d'une part, de permettre le règlement d'un certain nombre de dossiers pour lesquels une entente est envisageable par les parties, sans pour autant nécessiter une audition devant le Commissaire, et, d'autre part, celui de réduire les délais liés à la résolution des litiges.

M. le Président, la fusion du Commissaire, du Conseil d'arbitrage et du Bureau du commissaire de la construction en un seul organisme, veut dire que, désormais, et de façon beaucoup plus efficace, nous allons pouvoir procéder à la prise en charge de responsabilités nouvelles à des coûts moindres, et ça, à la grande satisfaction d'à peu près tous les intervenants de l'industrie. C'est un grand jour – c'est un grand jour – pour la Corporation des maîtres électriciens du Québec et la Corporation des maîtres tuyauteurs qui, pendant des années, depuis 1985, réclament du gouvernement du Québec qu'on leur transfère la qualification professionnelle dont il est question aujourd'hui. M. le Président, si nous en arrivons à poser un tel geste, c'est parce que ces deux corpos en sont arrivées à un stade de leur évolution où il est normal de leur confier de nouvelles responsabilités. C'est pourquoi, étant donné que les parties ont exprimé leur volonté d'agir, et d'agir avec compétence, et respectueux des lois et des règlements du gouvernement, nous en arrivons à cette formule et nous soumettons cette proposition à l'Assemblée nationale pour acceptation.

M. le Président, je voudrais également souligner à l'Assemblée que, depuis que nous avons des négociations sectorielles dans l'industrie de la construction et que quatre conventions collectives seront bientôt signées, ce qui est une première au Québec dans notre industrie, il arrive, comme il est arrivé d'ailleurs dans le secteur résidentiel, que le différend soit soumis à l'arbitrage. Les dispositions actuelles de la loi prévoyaient que les décisions arbitrales se prenaient par un seul commissaire. L'organisme que nous avons créé pour régler le différend dans l'industrie de la construction, plus précisément dans le secteur résidentiel, nous avons nommé un tribunal de trois membres. Alors, étant donné que cette disposition n'existait pas dans nos lois, nous avons jugé bon de l'intégrer au projet de loi qui est devant nous présentement.

Enfin, ce projet de loi vise à accorder des pouvoirs supplémentaires à la Commission de la construction pour favoriser l'application des conventions collectives, notamment en facilitant la mise en preuve de ces conventions et en lui permettant, en certains cas, des recours directs contre les administrateurs ou toute personne morale.

M. le Président, en résumé, c'est quoi, ce projet de loi? Ça vise d'abord à responsabiliser nos partenaires de l'industrie en leur confiant des responsabilités additionnelles. Ça vise également à rationaliser les opérations en fusionnant deux organismes en un seul pour créer le Commissaire de l'industrie de la construction. Et, troisièmement, ça facilite le mécanisme d'arbitrage au cas où les parties dans l'industrie voudraient soumettre leurs différends à un tribunal d'arbitrage.

M. le Président, c'est un effort de modernisation, de simplification et, en plus, c'est un projet de loi qui respecte nos partenaires de l'industrie auxquels nous voulons nous associer afin de ramener dans cette industrie plus d'efficacité, plus de cohérence et un peu plus aussi de bon fonctionnement. Parce que vous savez que la construction est une industrie réglementée, conventionnée et, lorsqu'on peut faire entrer un peu d'oxygène dans la machine, c'est à la grande satisfaction de tout le monde. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. M. le Président, nous sommes ici ce matin pour écouter le principe du projet de loi n° 445, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction.

M. le Président, je tiens d'abord à souligner que ce projet de loi fut déposé le 14 mai 1998, soit une journée avant la fin de la date limite pour l'adoption des projets de loi à cette session-ci sans le consentement de l'opposition, donc on peut dire un peu à la dernière minute. Et, comme l'a dit le ministre, bien, ce projet de loi vise à modifier certaines dispositions touchant le bâtiment et l'industrie de la construction dans le but d'en faciliter l'application, nous dit-on.

Il faut aussi mentionner que ce projet de loi modifie 11 lois, contient 128 articles. Donc, on a ce matin devant nous un projet de loi extrêmement complexe, qui modifie les règles qui prévalent dans l'industrie de la construction, sous différents aspects, et de façon souvent bien technique. Il y a des éléments majeurs, mais, souvent de façon très technique, on modifie ce projet de loi là.

Et, vous savez, M. le Président, avant d'amorcer comme tel sur des points qui sont dans ce projet de loi, je tiens à souligner une chose, c'est qu'effectivement ça fait quelques années qu'il est question des éléments compris dans ce projet de loi là, mais on a eu une surprise, du côté de l'opposition. Quand ce projet de loi a été déposé, quelques jours après, on a fait quelques consultations auprès des groupes qui sont directement concernés par ce projet de loi là; ils nous disaient que le projet de loi comme tel, ils ne l'avaient pas vu, ils n'avaient pas eu l'occasion d'en prendre connaissance et de voir de façon précise l'implication des modifications apportées dans ce projet de loi, dans leur secteur respectif.

Vous savez, M. le Président, quand on arrive avec un projet de loi qui contient plusieurs volets comme ça, il est souvent facile, et je dirais même très facile et même machiavélique de faire passer des éléments majeurs sur lesquels il se dégage des consensus, mais de les accompagner de mesures, je dirais, indirectes ou de mesures techniques qui peuvent avoir un effet contraire ou qui peuvent avoir un effet négatif sur certains secteurs de l'industrie de la construction et au niveau du bâtiment.

Donc, M. le Président, je pense que, nous, ça a été un peu notre surprise de voir que le ministre, même s'il y a eu des consultations il y a longtemps sur le projet de loi comme tel, plusieurs organismes n'avaient pas été consultés, ils n'avaient pas eu le temps d'en prendre connaissance. Et c'est pour ça que plusieurs de ces organismes-là et de ces associations-là, au cours des derniers jours, nous ont fait part de l'importance de prendre le temps d'étudier très attentivement ce projet de loi là. Parce que c'est beau de parler de grands principes et de dire des choses qui attendent depuis longtemps, c'est un fait, mais, de l'autre côté, il faut faire attention pour ne pas mettre en place des éléments qui, par la suite, vont venir nuire à l'évolution dans certains secteurs.

M. le Président, on a fait ces consultations-là, et il y a plusieurs de ces groupes auxquels on a parlé qui veulent être entendus en commission parlementaire et qui veulent venir dire ce qu'ils pensent de ce projet de loi là et des éléments compris dans ce projet de loi là. M. le Président, il faut se rendre compte d'une chose: on modifie une loi qui est très, très technique. Les gens, il y a énormément de questions qu'ils soulèvent – je vais en soulever tout à l'heure – mais les gens veulent venir dire en commission parlementaire quelles sont les implications de ce projet de loi là sur leur organisme et sur l'évolution de leur dossier.

Bien, moi, je pense, M. le Président, que c'est très important, quand on modifie une loi d'une telle importance et quand on veut respecter les consensus qui se sont créés, de prendre la peine de consulter ces gens-là, de les écouter et de voir ce qu'ils ont à apporter, non pas seulement pour dire qu'on est contre ou qu'on est pour le projet de loi, mais d'écouter tous les gens qui veulent améliorer la substance de ce projet de loi là.

(11 h 30)

M. le Président, en ce qui a trait aux grandes lignes du projet de loi, d'abord, on parle de permettre à la Régie du bâtiment d'exiger d'un entrepreneur ou d'un constructeur-propriétaire la production d'un certificat de conformité avec le code de construction. On parle d'obliger les entrepreneurs titulaires d'une licence à indiquer dans leur publicité, sur leurs estimations, soumissions, contrats, factures, etc., leur numéro de licence et la mention qu'ils sont détenteurs d'une telle licence.

On parle dans ce projet de loi là, M. le Président, de punir les personnes coupables d'infraction à une loi fiscale ou d'un acte criminel relié à l'industrie en donnant à la Régie du bâtiment le pouvoir de refuser la délivrance d'une licence si cette infraction s'est produite dans un délai de cinq ans avant la demande et si cette personne n'a pas obtenu le pardon et la réhabilitation. M. le Président, on parle aussi d'autoriser la Régie à refuser la délivrance d'une licence à une personne qui, dans les 12 mois précédents, a cessé ses activités d'entrepreneur.

On parle aussi, dans le projet de loi n° 445 qui nous est présenté ce matin, d'autoriser le gouvernement à confier aux corporations des électriciens et des plombiers le mandat de voir à l'application de la Loi sur le bâtiment au chapitre de la qualification professionnelle en négociant une entente soumise à une publication dans la Gazette officielle . Donc, on a, à ce niveau-là, l'avènement d'un nouveau principe qui est de déléguer la qualification aux corporations. Je pense que ça pourrait être très intéressant, sur ce point-là entre autres, de voir s'il ne serait pas pertinent d'entendre les spécialistes de ça qui viendraient nous dire exactement l'importance de cette modification législative là et aussi l'impact vraiment dans l'application quotidienne, comment ils vont faire ça. Je pense que le public est en droit de savoir de quelle façon cela va se traduire dans les faits.

Je reviens, M. le Président, pour dire que ça pourrait être une belle occasion, en commission parlementaire, d'entendre des spécialistes, des groupes. Pas de faire une commission parlementaire de deux semaines là-dessus, je parle qu'il pourrait être intéressant que, sur invitation, des groupes soient entendus et viennent parler de cet élément-là en ce qui a trait à la qualification comme telle. Parce qu'on nous a souligné, entre autres, que, oui, bon, toute la responsabilité de la qualification sera déléguée à ces deux corporations-là, sauf qu'on se pose plusieurs questions dans certaines associations sur le fait que c'est quand même la Régie qui va garder les examens.

Donc, un est responsable de la qualification, l'autre sera responsable des examens. Donc, comment l'arrimage entre les deux va se faire? Comment concrètement ça va se passer? Est-ce qu'il va y avoir, suite à l'examen, des possibilités de révision, des possibilités de reprise? Et toutes ces choses-là, je pense que ça pourrait être des plus intéressant parce que, M. le Président, je pense que tous les députés dans les bureaux de comté, on a de façon hebdomadaire, de façon régulière, des questions et des demandes en ce qui a trait à ces arrimages-là qui se font dans l'industrie du bâtiment et de la construction, et qui doivent se faire.

Ce projet de loi là, M. le Président, parle aussi d'accorder un pouvoir de révocation du mandat en tout temps en faveur du gouvernement. On parle aussi de donner à la Régie du bâtiment le pouvoir de déléguer ses pouvoirs à une association ou à un groupe d'associations d'entrepreneurs en vue d'assurer la qualification des membres de cette association par le biais d'une entente. Tout de suite, M. le Président, à ce niveau-là... On parlait tantôt de la qualification et de la formation au niveau de la plomberie et des électriciens, là on arrive et on ouvre un peu plus en parlant d'associations ou groupes d'associations d'entrepreneurs de façon plus large. On se souvient que, dans le cas de l'électricité et de la plomberie, c'est soumis à une parution dans le Gazette officielle . Dans le présent cas, donc, qui est à venir, ce ne serait pas soumis au même processus.

C'est exactement le genre de questions que les gens se posent, M. le Président: Est-ce qu'il va y avoir deux régimes de délégation différents? Comment ça va s'arrimer, ça, dans la réalité? Quand on parle de déléguer des pouvoirs à une association ou à un groupe d'associations d'entrepreneurs, est-ce que c'est tout le monde qui peut faire la demande? Est-ce que c'est n'importe quelle association qui peut arriver et faire la demande? Comment tout cela va procéder? Est-ce que le modèle mis en place pour les électriciens et les plombiers va servir dans le cas des autres délégations? Si oui, à ce moment-là, est-ce que ça va paraître aussi dans la Gazette officielle ?

Donc, vous voyez, M. le Président, ce n'est pas l'envolée oratoire de l'année, mais ce sont des questions bien techniques, bien terre à terre que les gens se posent et qui, à date, n'ont pas trouvé de réponse dans l'actuel projet de loi. Ça supporte encore l'importance d'avoir une étude rigoureuse de ce projet de loi et d'entendre les groupes intéressés pour qu'ils puissent venir dire concrètement quelles sont les questions qu'ils ont à poser, quelles sont leurs peurs, leurs craintes.

D'un autre côté, M. le Président, du côté de l'opposition, la question n'est pas de bloquer ou pas le projet de loi, la question est de voir: Est-ce que ce projet de loi là, dans l'application quotidienne, répond vraiment aux attentes des groupes, oui, des groupes qui ont été intéressés, des groupes d'électriciens et de plombiers, mais aussi aux autres groupes qui, dans les prochains mois, les prochaines années, pourraient se voir donner cette responsabilité, d'assurer la qualification des membres de leur association par le biais d'une entente?

M. le Président, le ministre a parlé de remplacer l'ancien Conseil d'arbitrage et le Commissaire de la construction par une nouvelle institution appelée commissaire de l'industrie de la construction. Si c'est pour simplifier, on peut dire, bon, bien, pourquoi pas. Mais il y a quelque chose, l'expérience d'autres domaines sous la responsabilité du ministre fait en sorte qu'on peut et qu'on doit se poser certaines questions.

Je me souviens, M. le Président, entre autres en ce qui a trait à la santé et la sécurité, avec la création l'an dernier de la Commission des lésions professionnelles, le ministre nous avait parlé à ce moment-là des économies qui allaient se réaliser par la création de ce nouvel organisme, comme on le dit présentement dans le cas du commissaire de l'industrie de la construction, qui se devait d'être plus souple, plus rapide, plus efficace, qui coûterait moins cher, et on se rend compte que, un an plus tard, cet organisme-là, la Commission des lésions professionnelles a occasionné des coûts supplémentaires de 15 000 000 $ pour les employeurs.

Alors, il faut faire attention, M. le Président, quand le ministre parle d'économies. Il faut se souvenir un petit peu du passé et voir ce qui s'est fait au niveau des économies au niveau de la Commission des lésions professionnelles. En plus, quand on parle d'efficacité, au niveau de la Commission des lésions professionnelles, ce ne sont pas des économies qui se sont réalisées, et en plus les délais sont plus longs, les listes d'attente sont plus longues, et il y a plus de gens qui sont en attente. Donc, il faut faire attention quand on entend le ministre du Travail nous parler de simplification et d'efficacité, parce que, dans les faits, ce n'est pas toujours de cette façon-là que ça se traduit.

M. le Président, plus loin dans le projet de loi, on parle aussi de permettre à la Régie d'adopter le code de construction et le code de sécurité par catégories de bâtiment, d'installations sous pression. On parle de permettre aux électriciens et aux plombiers d'implanter un programme de formation obligatoire ou facultatif et d'en déterminer les frais et les droits exigibles.

Sur ce point-là, M. le Président, on doit se demander: Est-ce qu'il y a des barèmes quelque part? Comment on encadre ça? C'est bien beau de dire qu'on va permettre à ces gens-là d'implanter un programme de formation obligatoire, mais, étant donné que la régie se garde des examens comme tels, comment on va en pratique faire l'arrimage entre, d'un côté, les programmes qui sont faits et qui sont offerts par ces corporations-là et les examens de la Régie du bâtiment? Parce qu'il ne faudrait surtout pas qu'on se retrouve dans les bureaux de comté, dans les régions du Québec, avec des cas où on nous dit: Bien, on est allé faire l'examen de la Régie du bâtiment; malheureusement, on a échoué, mais cet examen-là ne correspondait pas du tout, du tout, du tout à ce que notre corporation nous a donné comme formation.

C'est cette nécessité d'arrimage là, M. le Président, qui, je crois, doit être précisée davantage et aller beaucoup plus loin que ce que nous retrouvons dans le projet de loi. On parle aussi de préciser la compétence du nouveau commissaire de l'industrie de la construction dans les conflits relatifs au champ d'application de la loi R-20 relatifs à l'exercice d'un métier ou d'une occupation et relatifs à la qualification. Donc, ça, c'est une question d'ajustement.

M. le Président, il y a aussi la création d'un fonds de formation pour les électriciens et un autre pour les plombiers. Il y a aussi la création d'un fonds du commissaire de l'industrie de la construction constitué des crédits du gouvernement et des sommes versées par la CCQ, par la Régie du bâtiment, par une corporation mandataire et par des tarifs et droits payés par la clientèle. Trois nouveaux fonds, notamment au niveau de la formation.

On se souvient tous, M. le Président, qu'au mois de décembre dernier nous avons adopté un projet de loi pour justement ajuster le fonds de formation à la Loi sur la formation et la qualification professionnelles, la loi sur le 1 % de formation au niveau de la masse salariale. Moi, j'aimerais bien qu'on me confirme et qu'on me dise que ces fonds-là, contrairement à ce qui a été fait précédemment, au mois de décembre, où on avait accumulé des sommes mais on n'était même pas capable de dépenser au niveau de la formation professionnelle, bien, j'espère qu'on ne recrée pas le même élément avec ces projets de loi là.

(11 h 40)

M. le Président, on parle de préciser les règles d'arbitrage et de permettre au ministre du Travail d'assumer une partie des coûts d'arbitrage de différends dans le secteur résidentiel. Quand j'ai vu ça, et c'est évident selon moi, la première question qu'on doit se poser: Est-ce que de façon rétroactive ou par une loi on n'essaie pas de se donner un moyen justement pour régler l'arbitrage et payer l'arbitrage qu'on a présentement au niveau résidentiel? C'est donc dire qu'on aurait accordé un mandat à des arbitres, à des négociateurs, sans avoir concrètement de moyen ou d'autorisation dans les lois pour les payer. Est-ce que cette question-là a vraiment un lien avec ce que je viens de dire? C'est moi qui me pose cette question-là, mais c'est aussi des gens qu'on a rencontrés et qui sont touchés par l'actuel projet de loi.

On parle par la suite d'autoriser la Commission de la construction du Québec à poursuivre les administrateurs d'une personne morale et se prévaloir d'une hypothèque légale en faveur du salarié qu'elle représente. Donc, on voit qu'il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses dans ce projet de loi là. Il y a beaucoup d'éléments qui sont là, c'est très technique. C'est très technique. Et je le redis parce que ça m'a énormément surpris de voir que ce projet de loi là avait été un peu déposé à la dernière minute et surtout de voir que les gens concernés par ce projet de loi là, quand on les appelle pour avoir leur impression, ils nous disent qu'ils n'ont même pas encore fini d'en faire l'analyse totale et complète et de voir quelles seront les véritables implications de ce projet de loi là. Donc, si les principaux acteurs concernés ne savent pas exactement ce qu'il y a dedans, c'est très difficile à ce moment-là de demander à des parlementaires de voter rapidement là-dessus puis de le passer en se fiant sur la bonne foi et la bonne volonté du ministre qui nous recommande l'adoption du principe de ce projet de loi là. Donc, moi, je répète encore qu'il est important d'entendre en commission parlementaire les groupes directement concernés par ce projet de loi.

Et ce projet de loi soulève plusieurs questions. On a parlé de la création de trois nouveaux fonds. La question qu'on peut se poser, c'est: Est-ce que cette multiplication de fonds est une bonne chose pour l'industrie? On peut se demander comment concilier le financement de ces nombreux fonds, avec les obligations qu'assument les employeurs de l'industrie à la hauteur de 0,20 $ l'heure travaillée, pour le Fonds de formation de l'industrie qui existe déjà. On peut se demander comment faire l'arrimage avec la loi favorisant la formation, de la ministre de l'Emploi. Est-ce que les employeurs devront assumer encore une fois une nouvelle taxe, de nouveaux tarifs, de nouvelles obligations, de nouveaux droits à payer pour financer ces nouvelles dispositions? M. le Président, ce sont toutes des questions qui, selon moi, sont des plus importantes et on doit entendre les gens nous répondre là-dessus et nous dire quelles seront les implications, et surtout entendre le ministre nous répondre qu'est-ce que sera vraiment la réalité pour ne pas qu'on arrive dans trois mois, dans quatre mois avec l'obligation d'adopter un autre projet de loi à la dernière minute pour faire ces arrimages-là que nous n'aurons pas prévus.

On parle aussi de la création d'un nouveau tribunal administratif en remplacement du Commissaire de la construction et du Conseil d'arbitrage. Comment ce nouveau tribunal sera-t-il financé? Est-ce que la Loi sur les tribunaux judiciaires va s'appliquer? Quelles seront les modalités d'encadrement de ce nouveau tribunal pour assurer une totale impartialité et une totale indépendance? Qu'est-ce que l'industrie en pense?

Le projet de loi propose aussi la désintégration partielle de la Régie du bâtiment par délégation aux corporations des électriciens et des tuyauteurs et par sous-délégation aux associations d'entrepreneurs de la formation et de la qualification professionnelles. Est-ce que les corporations vont se retrouver avec des pouvoirs encore plus grands que ceux de la Régie quant à l'accès à la pratique de la profession? Et comment se fera cet arrimage-là? Est-ce qu'on est en train de faire quelque chose indirectement qu'on ne veut pas faire directement avec la Régie du bâtiment? Quels seront les effets de ces délégations et de ces sous-délégations sur les ressources humaines, sur les effectifs de la Régie du bâtiment?

M. le Président, juste quelques chiffres sur la Régie du bâtiment. Depuis le début des années quatre-vingt-dix, les revenus de la Régie, à partir des droits, permis et tarifs à payer, ont augmenté de 20,2 % alors que les dépenses ont été réduites de 26,7 %. Actuellement, ce qu'on peut dire, c'est que la Régie sert au Conseil du trésor qui verse les surplus dans le fonds consolidé de la province au lieu de les retourner à l'industrie. Les effectifs de la Régie, en ce qui a trait aux effectifs, aux ressources humaines, les effectifs de la Régie depuis le début des années quatre-vingt-dix ont été réduits de 39,5 %. Ils étaient de 762 personnes en 1992; ils sont aujourd'hui de 461 personnes.

Donc, M. le Président, par respect pour ces travailleurs et travailleuses spécialisés, je pense qu'il est important, dans le cadre de ce projet de loi là, pour rassurer les gens, pour voir vraiment quelles sont les véritables intentions du ministre en ce qui a trait à la Régie du bâtiment, je pense qu'on doit avoir des éclaircissements en ce qui a trait à la position du ministre et à la vision du ministre sur la Régie du bâtiment et sur son avenir. C'est important parce que la Régie du bâtiment, on a parlé depuis quelque temps de la possibilité de voir la Régie être fusionnée avec la Commission de la construction du Québec. Est-ce que ce projet de loi là est un premier pas dans ce sens? On ne le sait pas. Et ça, il y a beaucoup, beaucoup de gens dans l'industrie qui, présentement, se posent des questions là-dessus.

M. le Président, est-ce que les entrepreneurs seront mieux servis et à meilleur coût par ce nouveau procédé en ce qui a trait à la qualification? Est-ce que les entrepreneurs devront à l'avenir cogner à plusieurs portes pour se qualifier? Ce sont des questions que l'on se pose, ce sont des questions que les gens se posent. Et là je tiens à souligner, M. le Président, je dirais, par connaissance des réactions du ministre et par les quelques expériences passées que nous avons eues, qu'il n'est pas question, là, de partir et de faire de la démagogie là-dessus. Ce sont toutes des questions des plus légitimes que l'opposition se pose mais qu'aussi des gens de l'industrie de la construction se posent. Je pense que, quand on légifère et on touche directement à ces gens-là, il est important de les consulter et de savoir quel sera l'impact de ces modifications sur eux-mêmes en tant qu'associations et les secteurs qu'ils représentent.

M. le Président, est-ce qu'on s'en va vers un guichet unique ou vers de multiples guichets? Par exemple, avec ce projet de loi là, est-ce qu'un entrepreneur devra se présenter à la Régie et payer des frais pour passer son examen sur le code de la sécurité et sur le code de plomberie? Ensuite, le même entrepreneur devra se présenter à sa corporation pour se qualifier pour le reste? Est-ce que cette situation est acceptable, raisonnable et susceptible de réduire les coûts de l'entreprise? Il faut bien faire attention, M. le Président, pour ne pas, en ayant une volonté de rationaliser, en ayant une volonté de simplifier et, à la limite, de mettre en place un guichet unique, poser des gestes qui, finalement, amènent une multiplication de structures, amènent une multiplication des éléments qui concernent une industrie déjà très réglementée, déjà très complexe et où, souvent, les travailleurs se retrouvent isolés, sans moyens et avec des décisions qu'il est difficile de contester et, surtout, d'en voir l'applicabilité.

M. le Président, pour ces raisons, moi, je pense que, comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, une commission parlementaire, des audiences sur invitation en commission parlementaire s'imposent avant d'amorcer l'étude article par article de ce projet de loi là. Et, M. le Président, je vais vous lire quelques lettres qu'on a reçues et qui nous demandent justement ces consultations-là. On a reçu, par exemple, de l'Association de la construction du Québec... les gens nous demandent: «Compte tenu de l'importance du projet de loi n° 445 et des amendements qui seront apportés à la Loi sur le bâtiment et à la Loi R-20, l'Association de la construction du Québec souhaite être entendue en commission parlementaire.»

Il y a l'Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec, l'APCHQ, qui nous dit aussi: «Après étude et considération de son contenu, nous devons constater, à l'évidence, que les modifications proposées au projet de loi affecteront de façon importante – de façon importante – l'encadrement réglementaire des employeurs du secteur de la construction résidentielle. Au regard de ce qui précède, nous vous soumettons, M. le ministre, qu'il s'avérerait essentiel qu'une commission parlementaire soit tenue sur la question de manière à pouvoir sensibiliser le législateur sur les conséquences de ce projet de loi.» L'APCHQ elle-même a écrit au ministre pour lui demander des audiences publiques sur ce projet de loi là.

(11 h 50)

Et ce sont des spécialistes, M. le Président, c'est des gens qui ont pris la peine de regarder ce projet de loi là article par article, paragraphe par paragraphe, alinéa par alinéa pour voir ce qu'il y a dedans, et eux-mêmes viennent nous demander d'être entendus en commission parlementaire. Donc, je pense qu'à ce moment-là, M. le Président, c'est un devoir que le ministre a de permettre à ces gens-là de venir s'exprimer. Le but n'est pas de partir en peur et de dire: On est pour ou on est contre le projet de loi, puis, bon, on va faire une guerre là-dessus. Ce n'est pas ça, M. le Président, on veut travailler à améliorer une situation qui touche des centaines de milliers de travailleurs au Québec. Donc, je pense que c'est important d'entendre les associations qui les représentent qui, elles-mêmes, nous disent qu'elles ont des doutes, qui, elles-mêmes, nous disent qu'elles ont des questions et qui, elles-mêmes, ces associations-là, viennent nous dire qu'elles veulent être entendues. Donc, je pense que c'est important de le faire.

M. le Président, il y a aussi un autre groupe qui est la Fédération des associations et corporations en construction du Québec. Cette Fédération-là représente des PME de l'industrie de la construction, des plus petites entreprises, et on sait fort bien que les éléments que l'on étudie ce matin ont beaucoup de chances d'influencer justement la vie quotidienne et l'administration quotidienne de ces PME-là. Je pense qu'il serait important d'entendre aussi ces groupes-là et d'entendre cette Fédération-là qui viendrait nous dire ce qu'elle pense du projet de loi, et c'est dans ce but-là, dans cet esprit-là, que, suite aux interventions de ces groupes-là, suite, possiblement, aux amendements qu'ils proposeraient, on pourrait en venir à avoir la meilleure législation possible en ce qui a trait à l'industrie de la construction au Québec et en ce qui a trait à l'avenir de la Régie du bâtiment.

Et, M. le Président, moi, je pense qu'il est très important... Surtout que, à l'APCHQ, ils l'ont demandé eux autres mêmes au ministre en personne, ils ont envoyé une lettre. Le ministre ne pourra pas dire qu'il ne l'a pas su, puis qu'il ne le sait pas, puis qu'il n'a pas vu ça, on a eu la copie de la lettre qui lui a été acheminée dans laquelle, justement, ils disent: En raison de la complexité de ce projet de loi là et de ses impacts sur notre industrie, on veut être entendu, on veut aller dire ce qu'on en pense.

Et, M. le Président, moi, je pense que, au-delà des groupes qui veulent être entendus, ce serait des plus importants pour les parlementaires ici que, avant de voter sur le projet de loi n° 445 qui, comme je le répète, modifie diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction, en raison de l'impact que ce projet de loi là peut avoir sur l'avenir de l'industrie, sur l'avenir des corporations professionnelles... Oui, fort probablement que les corporations professionnelles, les électriciens, au niveau de la tuyauterie sont, à ce stade, capables de fournir la qualification, sauf qu'il faut se rendre compte d'une chose, c'est que: Est-ce que, par ce projet de loi là, on leur donne les outils, on leur donne une crédibilité et on les assure que ce ne sera pas plus de problèmes que de solutions, cet arrimage-là? Parce qu'il ne faut pas oublier qu'ils vont faire la formation à la qualification, mais la Régie sera toujours responsable des examens.

Et, M. le Président, par cette délégation-là, est-ce que ce n'est pas l'avenir, carrément, de la Régie du bâtiment qu'on est en train de jouer un petit peu par à côté, alors que, depuis des mois et des années, on parle de fusion avec la Commission de la construction du Québec? Et là on commence à lui enlever certaines de ses responsabilités? Ce n'est pas la question de savoir si c'est opportun ou pas de les enlever, je pense que la question, c'est de savoir: Est-ce qu'on n'est pas en train de faire indirectement ce qu'on n'a pas le courage de faire directement ou ce qu'on ne veut pas faire directement de l'autre côté?

Et, M. le Président, là-dessus, moi, je vous dirais qu'il serait important d'avoir une commission parlementaire pour entendre ces gens-là et entendre ce qu'ils ont à nous dire, et la majorité des groupes, je suis convaincu, nous dirait que, au lieu d'adopter une loi à laquelle il manque des éléments et sur laquelle il faudrait sans doute revenir dans les prochains mois, moi, je suis à peu près convaincu que ces gens-là nous diraient qu'ils aimeraient beaucoup mieux être entendus, qu'on prenne un peu plus de temps et qu'on prenne le temps de le faire comme il faut. Et, dans cet esprit-là, si le ministre collabore à ce niveau-là, si le ministre est d'accord pour entendre ces groupes-là, moi, je peux l'assurer de la collaboration de l'opposition pour que ce projet de loi là soit le mieux possible et réponde le mieux possible aux attentes des gens. Sauf que, si le ministre se borne à ne pas vouloir entendre de groupes, à ne pas vouloir entendre ce que les gens ont à lui dire et les commentaires et les suggestions que ces gens-là ont à lui faire, bien, s'il se borne à ne pas vouloir les entendre, ça va être très difficile pour nous de nous faire ses complices et de faire en sorte qu'on vienne boycotter le droit d'expression de ces gens-là qui sont formés en association, qui sont des spécialistes et qui n'ont même pas eu le temps de réagir et n'ont pas été appelés à réagir sur le projet de loi que nous étudions ce matin. Il ne faut pas l'oublier, là. Même s'il y a des consultations depuis quelque temps, les gens nous ont dit pas plus tard que la semaine dernière qu'ils n'avaient pas été consultés sur le projet de loi comme tel, sur ses implications.

Donc, M. le Président, je pense que tout le monde s'entend pour dire que la commission de l'économie et du travail n'a pas un horaire extrêmement chargé en cette fin de session. Calgary, c'est à la commission des institutions. Nous, au niveau de l'économie et du travail, ça ne semble pas être la priorité du gouvernement, donc on a beaucoup de temps. Je pense que ce serait important de prendre au moins une journée pour avoir des audiences et entendre des groupes qui peuvent être l'APCHQ, l'Association de la construction, l'ACRGTQ, Pourquoi pas la Fédération des associations et corporations en construction du Québec? Et aussi, du côté syndical, pourquoi ne pas entendre la FTQ-construction, le Conseil provincial des métiers de la construction, la Centrale des syndicats démocratiques, la CSN-construction?

C'est une liste, ce n'est pas 50 organismes pour bloquer la commission. C'est de voir, de faire le tour et que, sur invitation, ces gens-là viennent nous dire ce qu'ils pensent du projet de loi, comment on peut l'améliorer. Moi, je pense, M. le Président, que c'est pour ces raisons-là que l'opposition souhaite que le ministre accepte de tenir sur invitation cette commission parlementaire, afin qu'on puisse vraiment démontrer que c'est une industrie importante, que c'est une industrie qui touche tout le monde et qu'on ne veut pas légiférer à la petite semaine, en cachette, et faire en sorte qu'on soit obligé de revenir dans les prochaines semaines, les prochains mois parce qu'on n'aura pas fait notre travail.

Donc, M. le Président, si le ministre veut avoir l'ouverture d'esprit de consulter ces gens-là qui sont directement touchés, l'opposition va collaborer sans problème sur cette consultation-là, mais, s'il se bouche les oreilles, s'il ne veut pas entendre ces groupes-là qui sont directement concernés par cette loi-là, ça va être extrêmement difficile pour l'opposition officielle de se faire complice de cette manoeuvre. Même s'il y a des bons éléments dans ce projet de loi, je pense qu'il faut regarder l'ensemble d'une législation, et c'est dans cet esprit-là, M. le Président, que nous devons, je pense, passer aux prochaines étapes de l'adoption du projet de loi n° 445. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur ce projet de loi? Alors, je vais mettre aux voix le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 445, Loi modifiant diverses dispositions législatives relatives au bâtiment et à l'industrie de la construction, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, cette Assemblée se réjouissant du retour du ministre de l'Environnement et de la Faune qui malheureusement a été absent pour des raisons de santé, et heureux de le retrouver en excellente forme, nous allons en profiter et vous demander de bien vouloir considérer l'article 8 du feuilleton, qui est un projet émanant de son ministère.


Projet de loi n° 421


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 8, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du principe du projet de loi n° 421, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, c'est avec un grand plaisir et, je dirais même, émotion que je présente le projet de loi n° 421 qui modifie la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune ainsi que la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales.

Le domaine de la conservation et de la mise en valeur de la faune occasionne à chaque année de nombreuses interventions auprès du gouvernement pour modifier soit les conditions d'exploitation de la faune, soit les limites des zones ou des territoires fauniques sur lesquels se pratiquent les activités de chasse, de pêche, de piégeage ou d'aquaculture. Pour illustrer l'ampleur du phénomène, disons qu'entre le 1er avril 1994 et le 31 mars 1997 le gouvernement a adopté 74 décrets en matière de conservation et de mise en valeur de la faune, dont la moitié portait sur la détermination de normes d'exploitation de la faune et l'autre moitié sur la délimitation des zones ou des territoires fauniques.

(12 heures)

Conscients de la quantité et des coûts d'adoption de ces décrets, j'ai identifié les responsabilités que la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune confie actuellement au gouvernement et qui pourraient être assumées par le ministre dans la perspective d'un allégement du processus d'adoption.

Il s'agit essentiellement de s'assurer que les étapes qui ne représentent pas une valeur ajoutée réelle soient purement et simplement éliminées du processus. En conséquence, pour rendre ce processus de modification plus efficace, je propose aujourd'hui de modifier la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune afin de transférer au ministre de l'Environnement et de la Faune certains pouvoirs du gouvernement concernant la détermination des normes d'exploitation de la faune et la délimitation des zones ou des territoires fauniques.

Les normes relatives aux conditions d'exploitation de la faune sont déterminées par les périodes de chasse ou de piégeage, les limites de capture, les moyens, les armes ou les pièges qui peuvent être employés ainsi que les modalités de délivrance des certificats et permis. Actuellement, ces conditions d'exploitation de la faune sont déterminées par règlement du gouvernement, et ce, à partir d'un plan de gestion par espèce faunique applicable aux zones et aux territoires fauniques.

À la suite de ce transfert de pouvoirs, les conditions d'exploitation de la faune seraient toujours déterminées à partir de ces plans de gestion, mais, à l'avenir, elles le seraient par arrêté ministériel plutôt que par décret gouvernemental. Actuellement, les zones et les territoires fauniques sont délimités par décret après consultation, selon le cas, parce qu'elles touchent différents territoires, du ministre des Ressources naturelles, du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et, en vertu de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, des municipalités régionales de comté concernées. Ce transfert de pouvoirs permettra de délimiter les zones et les territoires fauniques par arrêté ministériel après les consultations que je viens de mentionner.

Dans tous les cas, M. le Président, les clientèles visées sont préalablement consultées par le ministère de l'Environnement et de la Faune avant de soumettre un projet de décret au gouvernement. En effet, quels que soient les outils de gestion mis de l'avant, leur efficacité est étroitement liée à leur acceptation par les citoyens et par les utilisateurs de la ressource. Ainsi, le ministère de l'Environnement et de la Faune consulte présentement au niveau d'un groupe faune national et au niveau des groupes faune régionaux.

Il importe d'observer que, au cours des trois dernières années, c'est réellement par le mécanisme de consultation ministérielle que les organismes et les citoyens ont transmis leurs représentations en matière de détermination des conditions d'exploitation de la faune et de délimitation des territoires fauniques. C'est ce qui explique que le mécanisme de publication préalable des règlements dans la Gazette officielle du Québec n'a pratiquement jamais été à la source des avis et mémoires acheminés au ministère de l'Environnement et de la Faune.

Au total, en trois ans, huit avis ou mémoires ont été transmis pendant la période de publication préalable des règlements et il s'agissait dans tous les cas d'avis initiés dans le cadre du mécanisme de consultation ministérielle sur les plans de gestion. Par contre, la participation aux assemblées publiques d'information et de consultation mérite d'être soulignée. À titre d'exemple, la consultation sur le plan de gestion de l'orignal a permis de rejoindre 7 800 personnes dans le cadre de 44 assemblées publiques.

Dans les domaines reliés à la conservation et à la mise en valeur de la faune, l'expérience démontre que la clientèle est rejointe plus facilement par le mécanisme de consultation ministérielle que par le mécanisme de publication préalable à la Gazette officielle . Cependant, il y a aussi, à l'égard de cette publication à la Gazette officielle ... qui reste à l'égard de certaines modifications de territoire qui sont extrêmement importantes en termes de coûts et en termes d'espace occupé.

Je pense que l'on peut, par exemple, réduire énormément les coûts en supprimant ou en ne publiant pas dans la Gazette officielle les descriptions techniques qui accompagnent les plans. Je ne connais pas beaucoup de personnes, sauf un arpenteur géomètre, qui peuvent lire ces longues descriptions qui s'étalent sur des pages, qui indiquent, à partir du point 0,3 nord-est en direction de... jusqu'à tel point, on fait telle mesure, etc. Ça ne concerne et n'intéresse pas les gens. Par contre, les plans qui montrent ce que représente cette description, eux, sont extrêmement importants et continueront d'être publiés dans la Gazette .

M. le Président, le transfert de pouvoirs dont il s'agit ne constitue pas une première, puisque, actuellement, la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune me confie déjà des pouvoirs similaires qui, autrefois, relevaient du gouvernement. Il s'agit de modifications aux périodes de chasse ou de piégeage, qui étaient fixées par le gouvernement, et de modifications au nombre de permis, fixé par le gouvernement.

Il en est de même également pour d'autres juridictions. À titre d'exemple, mentionnons que la loi fédérale sur les pêches, via le règlement de pêche du Québec, me confie la responsabilité de modifier les périodes de fermeture, des contingents et des limites de taille ou de poids du poisson fixés par règlement.

Le projet de loi vise d'autres modifications qui sont, je pense, importantes mais qui ne méritent pas une élaboration détaillée. Entre autres, il y aura des modifications pour soustraire les amphibiens du régime juridique relatif aux activités piscicoles, on modifie les conditions de piégeage en regard du barrage de castors et de la tanière du rat musqué – voyez, des choses extrêmement pertinentes, percutantes, terre à terre, pour ne pas dire mer à mer. Il s'agit également de transférer au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation l'application des normes concernant l'exploitation des étangs de pêche.

Finalement, c'est permettre également que certaines activités scientifiques, éducatives ou de gestion de la faune dans les habitats fauniques soient faites suite à la délivrance d'un permis autorisant cette personne à passer outre à l'interdiction de la loi de modifier quelque élément d'un habitat faunique.

Donc, pour des fins scientifiques, éducatives et gestion de la faune, on sera capable de faire de telles interventions qui sont normalement prohibées mais pour des fins que l'on reconnaît comme étant essentielles. On dit, à titre d'exemple: Des dommages qui seraient autorisés aux barrages de castors pour des fins scientifiques constituent une activité dans un habitat de poissons assujettie à l'obtention d'une autorisation préalable. Il y aura lieu d'exempter cette obligation aux fins précitées afin d'éliminer l'incohérence d'une double autorisation au sein de la même loi. Le projet de loi a également pour objet de soustraire la fourrure apprêtée et la fourrure d'élevage du régime juridique relatif au commerce de la fourrure.

Finalement, le projet de loi donnera le pouvoir de déléguer l'enregistrement d'animaux et de poissons, de fixer des droits et de permettre aux délégataires de conserver des droits perçus à cet effet. Cette disposition a fait l'objet de nombreuses discussions et d'articles dans les journaux et même d'interventions du Protecteur du citoyen, puisque le ministère avait autorisé des personnes, des sociétés, des organismes, afin – et je le dis parce que c'était l'intention première – d'accommoder les chasseurs qui avaient abattu une bête et qui voulaient la faire enregistrer, comme la loi l'exige, de le faire le plus près possible, avec le moins d'inconfort et de coûts possible moyennant qu'ils paient à la personne mandatée pour faire l'enregistrement un certain montant d'argent.

On doit cependant reconnaître que ce n'était pas un pouvoir qui était habilitant dans la loi, et il faut donc permettre cette chose-là mais en l'autorisant préalablement dans la loi. Alors, le projet de loi vise à régulariser cette situation. Enfin, le projet de loi contient diverses dispositions transitoires et les modifications de concordance.

En bref, M. le Président, le projet de loi vise à permettre que le ministre de l'Environnement et de la Faune puisse plus facilement faire en sorte d'adapter l'action à la situation prévalant sur le terrain. C'est une loi, une situation qui varie énormément. Les conditions de pêche, de chasse ne sont pas immuables, il y a beaucoup d'éléments qui peuvent varier, les saisons. L'hiver plus difficile ou moins difficile va permettre, par exemple, au gibier d'être plus prolifique au printemps, puisqu'il y aura eu moins de pertes durant l'hiver. Inversement, on peut avoir des difficultés parce que l'hiver a été extrêmement dur, il y a des conditions variables au niveau du nombre de réussites, une année par rapport aux années antérieures. On peut vouloir augmenter le gibier et pour ça on doit prendre certaines mesures.

Donc, à chaque année, après une analyse et une évaluation de la situation, il est nécessaire de prendre des décisions et, pour ça, il faut avoir des instruments de gestion. Mais de prendre cinq mois, ou trois mois, ou quatre mois pour être capable d'exprimer cette opinion-là, c'est beaucoup trop long. Et on n'est pas capable d'avoir une gestion concrète, efficace.

Le projet de loi vise à faire en sorte, sans priver d'aucune manière la population de la possibilité d'exprimer son opinion sur ce que l'on veut faire, de le faire et de le faire de façon adéquate mais en même temps de le faire dans un temps relativement court, ce qui permet aussi d'atteindre l'objectif qu'on s'est fixé et que tout le monde partage.

Voilà l'essentiel du projet de loi, M. le Président. Je vous remercie.

(12 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je remercie M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Bertrand. M. le député.


M. Denis Chalifoux

M. Chalifoux: Merci, M. le Président. Nous sommes aujourd'hui face à un projet de loi, le projet de loi n° 421, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales.

C'est avec beaucoup d'intérêt que j'ai, encore une fois, écouté le ministre de l'Environnement et de la Faune. Le ministre se souviendra sans doute que c'est la deuxième fois que nous nous rencontrons à titre de vis-à-vis dans le dossier de la faune en cette Chambre. La première fois, c'était pour le projet de loi n° 179, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur du territoire. À cette occasion, j'avais dit au ministre de l'Environnement et de la Faune que la raison pour laquelle je l'avais écouté et je l'avais lu, c'était pour apprendre et aussi pour répondre avec le plus de précision possible aux questions que je peux me poser, que ma formation politique peut aussi se poser et que la population en général se pose. Cette fois-ci, j'ai répété le même exercice. J'ai écouté le ministre avec beaucoup d'attention.

D'entrée de jeu, M. le Président, j'aimerais mentionner au ministre de l'Environnement et de la Faune qu'il y a plusieurs aspects du projet de loi n° 421 qui sont évidemment beaucoup moins enthousiasmants que d'autres. Vous comprendrez qu'à titre de porte-parole de l'opposition officielle en matière de faune j'insisterai un peu plus sur ces aspects que ma formation politique et moi-même croyons négatifs plutôt que sur ceux où nous ne voyons pas de problème ou même où on pense que c'est tout à fait normal qu'on passe un projet de loi comme celui-ci. La raison pour laquelle nous allons procéder de cette façon est qu'il est essentiel de faire comprendre à la population qui nous écoute aujourd'hui où se situe ce qu'il faut vraiment comprendre et ce qu'il faut vraiment faire entre les deux versions, soit la version ministérielle et la version de l'opposition officielle.

Donc, j'ai devant moi le projet de loi n° 421 qui modifie la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales. C'est le projet de loi que nous allons étudier aujourd'hui en cette Chambre. Avant toute chose, M. le Président, j'aimerais établir ce à quoi se réfère le projet de loi n° 421. Dans un premier temps, comme le ministre l'a lui-même expliqué il y a quelques instants, il vise à transférer au ministre certains pouvoirs du gouvernement concernant l'établissement des territoires fauniques et la détermination des normes relatives aux conditions d'exploitation de la faune.

Le deuxième objectif du projet de loi est de confier au ministre le pouvoir de déterminer la période et les conditions permettant à un piégeur d'endommager un barrage de castor pour y installer un piège ou pour vérifier la présence de l'espèce, ainsi que la période et les conditions permettant à un piégeur d'ouvrir la tanière d'un rat musqué pour y installer un piège. Comme le ministre disait tantôt, c'est des éléments d'articles assez terre à terre.

Le projet de loi soustrait aussi le statut piscicole des amphibiens ainsi que la fourrure apprêtée et la fourrure d'élevage du régime juridique applicable aux activités relatives au commerce de la fourrure.

Enfin, ce projet de loi transfère du ministère de l'Environnement et de la Faune au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec la juridiction des étangs de pêche exploités à des fins commerciales, notamment la délivrance des permis et la détermination des normes d'exploitation.

La première chose, M. le Président, sur laquelle j'aimerais élaborer concerne les pouvoirs que le gouvernement semble vouloir déléguer au ministre. À plusieurs reprises à l'intérieur du projet de loi n° 421, nous nous apercevons que les pouvoirs qui étaient auparavant dévolus au gouvernement sont maintenant dévolus au ministre. Aux articles, principalement, 8, 12, 13, 15, 17, 18, 20, 22 et 27, nous constatons que ce ne sera plus le gouvernement mais le ministre qui s'occupera de ces choses-là. En ce sens, on doit acquiescer à cette façon de faire qui va évidemment régler les choses dans des délais beaucoup plus courts et beaucoup moins fastidieux.

Nous sommes parfaitement conscients que le ministre nous dira probablement que les raisons l'ayant poussé à amener ces modifications quant à la répartition de certaines modifications entre le gouvernement et le ministre de l'Environnement et de la Faune suivent une logique bien définie, et on en conçoit. Cependant, est-ce que le ministre est conscient qu'en s'appropriant autant de responsabilités il risque d'y avoir certains problèmes? Effectivement, nous sommes dans une société où tous les groupes ont le droit de se faire entendre et tous les groupes effectuent énormément de lobby auprès du gouvernement. Nous vivons dans une société où la liberté d'expression est la base même de la démocratie. Que maintenant ce soit le ministre qui puisse, par règlement, décider que la chasse ou le piégeage d'un animal peut être permis peut être dangereux pour notre faune.

Comment le ministre peut-il nous assurer à 100 % qu'il ne fera pas son travail sous l'influence de certains groupes et que son travail sera tout à fait éclairé, alors que nous avons pu lire tout récemment un article dans le journal Le Soleil qui s'intitulait Orignal, le MEQ va vite ? Effectivement, l'article de M. Bellemare, publié le 27 mai 1998 et que M. le ministre a sûrement consulté, débute avec ceci, et je cite: «Pourquoi le ministre de l'Environnement et de la Faune agit-il avec autant de précipitation dans le cas de la chasse de l'orignal en pourvoirie, alors qu'il tiendra des assemblées publiques de consultation en août avant l'adoption du plan quinquennal de gestion de l'original pour 1999-2003? Pourquoi, à la mi-mai, le ministre a-t-il fait publier dans la Gazette officielle un projet de règlement permettant à 179 pourvoiries à droit exclusif de faire chasser l'orignal par leurs clients en même temps que dans les réserves fauniques gouvernementales voisines, c'est-à-dire environ trois semaines ou un mois plus tôt que dans les zones d'exploitation contrôlées et ailleurs?»

Voilà, M. le Président, un point pour lequel j'ai peur que seul le ministre soit responsable de l'application d'autant d'articles. Il ne semble pas vouloir s'appliquer à faire une politique de développement durable, une politique où tous les éléments vivent en harmonie.

Une autre raison pour laquelle nous sommes quelque peu nerveux quant à l'idée de déléguer autant de pouvoirs au ministre est que nous nous souvenons très bien de ce qui est arrivé lorsque certains groupes de pression se sont mis, effectivement, à faire des pressions sur le gouvernement juste en rapport avec le symposium sur l'eau. Souvenez-vous, M. le Président, que son gouvernement a décidé d'adopter un moratoire qui, selon nous, est bâclé suite aux pressions de ces groupes. Le gouvernement n'a pas réellement pris le temps de réfléchir sur la question et d'amener un projet de loi complet; il s'est dépêché d'écrire quelque chose afin de faire taire les récriminations des groupes. Le gouvernement a plié aux groupes. Imaginez donc quelle peut être notre peur quand nous savons que ces groupes n'auront pas à convaincre un gouvernement entier, mais seulement le ministre!

Le deuxième élément important du projet de loi est celui concernant l'enregistrement du gibier. On se souviendra que, à l'automne 1996, on apprenait que, dans quelques régions, le ministère de l'Environnement et de la Faune ne comptait plus uniquement sur ses propres agents de conservation pour faire l'enregistrement du gibier, puisqu'il déléguait des pouvoirs à des entreprises privées. Plusieurs groupes, à l'époque, estomaqués disaient: Voici un pas de plus sur le terrain de la privatisation et de la sous-traitance des activités de l'État.

Si l'enregistrement des carcasses de gros gibier abattu était fait gratuitement par les agents de conservation de la faune du ministère, il n'en était pas de même chez les délégataires. Ces derniers étaient autorisés par le ministère à percevoir une somme d'argent pouvant aller jusqu'à 5 $ par bête enregistrée, et le ministre, tantôt, en a parlé justement. En 1996, on laissait entendre que cette mesure était prise en raison du bon nombre de chasseurs de gros gibier qui se plaignaient d'avoir de la difficulté à enregistrer les carcasses des bêtes abattues auprès des agents de conservation de la faune dans certaines régions, surtout à cause du nombre restreint des bureaux de ces agents, de leur éloignement, de la pénurie d'agents en devoir et des heures d'ouverture insatisfaisantes des bureaux.

(12 h 20)

D'ailleurs, j'ai eu l'occasion d'en discuter avec le ministre lors de l'étude des crédits. On amenait un cas très précis. Dans ma région, les Laurentides, où on a décidé de fermer deux bureaux d'agents de conservation de la faune, un à Sainte-Agathe-des-Monts, l'autre à Saint-Eustache, pour relocaliser ça dans un bureau à Saint-Jérôme, loin, évidemment, très loin des lieux où est abattu le gibier, on sait bien que le gibier n'est pas abattu sur la rue Saint-Georges, à Saint-Jérôme, mais plutôt vers le parc du Mont-Tremblant et dans les montagnes à Saint-Donat.

Alors, quand les gens ont 50 milles à parcourir pour aller faire enregistrer leur gibier, et ce, de façon gratuite, bien, il est évident que, au coût que ça leur coûte, ils préfèrent aller faire enregistrer leur gibier chez un délégataire, bien qu'ils sachent qu'ils ont à payer 5 $ qui devient pour eux, il faut le dire, un genre de taxe. Alors, c'est ces fermetures de nombreux bureaux à travers la province de Québec, dans toutes les régions du Québec, qui ont fait en sorte qu'on doit arriver aujourd'hui à légaliser ce qui n'était pas légal.

J'aimerais à ce moment-ci faire une petite parenthèse en disant que c'est la faute du gouvernement si les chasseurs n'ont pas accès aux agents de conservation de la faune – je citais un exemple très précis. C'est le gouvernement qui se refuse à cesser les coupures dans le nombre d'agents – on en a aussi discuté à l'étude des crédits. C'est le gouvernement qui se refuse à voir la réalité en face et à assumer son rôle de façon efficace et responsable. Donc, je reprendrai en disant que la Fédération québécoise de la faune aurait bien aimé que le ministère délègue à ses associations affiliées le pouvoir de procéder à l'enregistrement du gros gibier récolté, contre rémunération évidemment.

Quant au réseau de conservation de la faune que le ministère veut engager de plus en plus dans la lutte au braconnage ainsi que dans l'application d'un nombre accru de lois et de règlements sur la protection de la faune, des habitats fauniques et de l'environnement, il n'aurait pas aussi détesté que le ministère de l'Environnement et de la Faune multiplie ses bureaux, le nombre d'agents en devoir et le nombre d'heures de travail rémunérées.

Si la possibilité de faire enregistrer le gros gibier dans des commerces relativement faciles d'accès peut plaire à des chasseurs, la privatisation de ce service ne fera certainement pas l'affaire de tous. Il y a, comme je l'ai mentionné tantôt, le débours de 5 $, survenant après les hausses répétitives du coût des permis de chasse qu'on a aussi mentionnées à l'étude des crédits.

Puis certains se poseront des questions concernant le sérieux de la formation des préposés à l'enregistrement chez les délégataires du ministère de l'Environnement et de la Faune, comme: Ont-ils la compétence? Ont-ils les outils nécessaires pour faire la différence entre un gros gibier abattu à l'arc ou à la carabine? Ont-ils l'expérience requise pour savoir si un gros gibier enregistré après le début de la saison de chasse a été récolté avant ou après le début de la saison? Jouissent-ils de pouvoirs d'enquête pour démasquer les braconniers? Voilà des questions que nous nous posons mais qu'aussi les agents sur le terrain, les gens qui pratiquent la chasse et plusieurs autres se posent.

En octobre dernier, on apprenait par Le Soleil que des chasseurs de gros gibier n'étaient pas heureux d'avoir à verser 5 $ à des entreprises privées pour faire enregistrer des carcasses de gros gibier récoltées, alors qu'ils pouvaient antérieurement le faire gratuitement auprès d'agents du ministère de l'Environnement et de la Faune. Certains chasseurs avaient constaté à l'époque qu'il n'existait aucune loi ni aucun règlement au Québec les obligeant à verser un tel montant d'argent pour faire enregistrer leur gros gibier abattu et se proposaient d'entreprendre des procédures en recours collectif contre le ministère de l'Environnement et de la Faune.

À cette époque, Mme Claudette Blais, directrice générale des territoires fauniques, de la réglementation et des permis au ministère de l'Environnement et de la Faune, admettait que, depuis 1994-1995, le ministère avait signé des contrats de services avec des entreprises privées, surtout dans la région de l'Estrie, au début pour que ces derniers suppléent à la pénurie d'agents de conservation de la faune ou de fonctionnaires préposés à l'enregistrement du gros gibier.

M. le Président, dois-je encore revenir sur le pourquoi il y avait une pénurie d'agents et de fonctionnaires préposés? C'est parce que le gouvernement avait coupé à cette époque dans le nombre d'agents et le nombre de fonctionnaires préposés à l'enregistrement du gros gibier. Au départ, c'est le ministère lui-même qui avait payé ces délégataires agréés pour le travail d'enregistrement accompli au nom du gouvernement, mais, plus récemment, le ministère de l'Environnement et de la Faune a pris la décision administrative de faire payer les chasseurs pour le service d'enregistrement vendu par les délégataires à l'enregistrement.

En avril 1998, on apprenait que, à la suite d'une requête du Protecteur du citoyen, M. Daniel Jacoby, le ministère de l'Environnement et de la Faune préparait un projet de loi qui permettrait à des groupes privés de faire l'enregistrement du gros gibier moyennant rétribution. Le ministère continuerait à offrir ces services, évidemment, gratuitement dans ses bureaux régionaux, mais ses bureaux régionaux sont de plus en plus dispersés sur le territoire du Québec. Selon M. Jacoby, qui, comme vous le savez, est le Protecteur du citoyen, la perception de ces sommes était illégale. Des dizaines de milliers de chasseurs pourraient d'ailleurs être remboursés.

L'enregistrement du gros gibier étant obligatoire au Québec depuis fort longtemps, le Protecteur du citoyen entend d'ailleurs suivre à la trace le processus réglementaire entamé par le ministère de l'Environnement et de la Faune afin de légaliser la situation. Nous sommes maintenant rendus dans le processus de légalisation. Il nous reste à savoir comment le Protecteur du citoyen interprétera les étapes que le ministre a faites et s'apprête à faire.

J'aimerais d'ailleurs entendre le ministre plus tard sur ce qu'il pense de la situation qui s'est déroulée à l'intérieur de son ministère. J'aimerais savoir ce qu'il en pense. J'aimerais savoir quelles sont les actions qu'il a prises à cet égard. J'aimerais savoir aussi où en est rendu le processus de remboursement des chasseurs. Vous vous souviendrez que j'avais demandé, lors d'une période de questions au cours de cette session-ci, ce que ferait le ministre quant à cette situation. Je lui avais demandé très clairement si les chasseurs allaient être remboursés, et il m'avait répondu: Oui. Alors, où en sommes-nous rendus maintenant? Voilà donc plusieurs questions que nous avons quant au projet de loi n° 421 et qui touchent l'enregistrement du gibier.

J'aimerais faire un parallèle, M. le Président, entre l'enregistrement du gibier et la situation des agents de conservation de la faune. Je trouve désolant de voir à quelle vitesse le ministre a pu régler cette situation, celle de l'enregistrement du gibier, qui était illégale, et avec quelle lenteur, dois-je admettre, il semble vouloir régler la situation des agents de conservation de la faune. Ce n'est pas une situation illégale, c'est une situation quelque peu compromettante pour le ministère de l'Environnement et de la Faune. C'est une situation, M. le Président, où nous pouvons nous demander où en est l'intégrité du gouvernement, où en est l'intégrité des ministres impliqués dans le processus. Nous savons fort bien que les agents de conservation de la faune ont droit à leur augmentation salariale en raison de l'étude de relativité salariale qui a été faite à leur compte, débutée en 1993 et terminée en 1997, mais que le gouvernement ne veut toujours pas mettre en place. Je trouve donc désolant de voir que le ministre prend des dossiers, mais ne les finit pas toujours.

Naturellement, le ministre n'a pas seulement prévu ces deux modifications à la loi. Il a prévu, entre autres, le transfert du ministère de l'Environnement et de la Faune au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec de la responsabilité de l'application des normes concernant l'exploitation des étangs de pêche à des fins commerciales. Cette modification prouve encore une fois que le ministère de l'Environnement et de la Faune s'appauvrit de responsabilités année après année sous ce gouvernement. Depuis les quatre dernières années, nous n'avons pu que constater avec consternation que le ministère ne semblait pas du tout préoccupé par ses responsabilités et que, quand il pouvait se départir de certaines d'entre elles, il le faisait avec un grand plaisir.

Un des derniers commentaires que j'aimerais amener quant au projet de loi est le suivant. À l'intérieur du projet de loi n° 421, nous constatons qu'il y a des modifications qui visent à transférer au ministère de l'Environnement et de la Faune certains pouvoirs du gouvernement concernant l'établissement des territoires fauniques tout en s'assurant d'une concertation avec le ministère des Ressources naturelles. Cette modification confirmera la pratique et surtout permettra de désengorger les travaux du gouvernement. Il s'agit ici d'efficacité administrative.

(12 h 30)

Cependant, l'objectif poursuivi pourra être atteint dans la mesure où le ministre disposera des outils complémentaires visant à s'assurer de protéger le potentiel des terres du domaine public désignées à des fins d'utilisation de la ressource faunique. À cet égard, M. le Président, je propose au ministère de l'Environnement et de la Faune, et principalement au ministre, qu'il puisse statuer temporairement qu'un territoire soit réservé à des fins de droit exclusif de pêche.

Je vous annonce dès maintenant, M. le Président, que j'amènerai donc un amendement au projet de loi n° 421 que le ministre nous a présenté. L'ajout de l'article de loi que je vous propose a pour effet que le pouvoir du ministre pourrait être balisé de la façon suivante: le statut de droit exclusif temporaire est limité à trois ans; ce statut ne peut être accordé qu'une seule fois; le détenteur potentiel de bail devra répondre à des conditions préétablies par le ministre.

Les conditions essentielles pour être admissible à l'obtention de ce statut pourraient être exprimées par règlement. Le détenteur de bail devrait donc posséder un permis de pourvoyeur sans droit exclusif dans le territoire visé depuis plus de cinq ans, avoir démontré dans la gestion de son entreprise le respect des lois, règlements et normes gouvernementales en matière de gestion faunique et de l'environnement, posséder un dossier vierge en matière de braconnage, avoir démontré par son plan de gestion une exploitation active et rationnelle de la ressource faunique, avoir démontré le potentiel faunique des plans d'eau visés, avoir reçu l'appui de la direction régionale du ministère de l'Environnement et de la Faune et de la Fédération des pourvoyeurs du Québec, pouvoir démontrer la solvabilité et la rentabilité de l'entreprise, s'engager à ne pas augmenter l'offre d'activités de prélèvements durant ces années et s'engager à ne pas ériger de bâtiments supplémentaires sur le territoire accordé temporairement en droit exclusif.

Les précisions que je viens de vous énumérer visent essentiellement à prescrire le cadre d'intervention dans lequel le ministre pourrait utiliser ce nouveau pouvoir et assurer la notion de temporaire dans l'application de celui-ci. La raison pour laquelle j'amène cet amendement à la loi est qu'actuellement la Fédération des pourvoyeurs du Québec – le ministre doit être au courant aussi – voit des pourvoiries sans droit exclusif réellement menacées par la création de nouveaux accès sur des territoire exploités à des fins de prélèvements fauniques.

L'avancement des coupes forestières dans certains secteurs favorise l'accès à ces pourvoiries et augmente considérablement la pression faunique sur les plans d'eau. La fréquentation journalière suscite la prise du quota de pêche de façon répétitive. Il est à considérer que peu de mesures de protection sont possibles dans ces secteurs éloignés. Les pourvoyeurs du Québec sont actuellement très inquiets de cette situation qui les menace. De plus, il est à noter que la politique touristique du Québec interpelle énormément les milieux naturels comme axe de développement.

Nous n'avons qu'à regarder toute les publicités que le gouvernement met en place à la veille de la période estivale pour constater à quel point il mise sur notre environnement, il mise sur notre faune. Donc, pour répondre à cette volonté gouvernementale, les pourvoyeurs du Québec doivent être absolument assurés que le gouvernement va posséder les infrastructures nécessaires et le produit recherché par les clientèles québécoise, hors Québec et internationale.

Il est donc essentiel, M. le Président, de s'assurer que le produit offert aura des garanties quant à son développement durable. J'espère donc que le ministre de l'Environnement et de la Faune sera en accord avec nous et qu'il acceptera d'apporter cet amendement au projet de loi dont nous discutons présentement, le projet de loi n° 421. J'ajouterai que j'ai même été un peu surpris de ne pas voir ce volet abordé dans le présent projet de loi, puisque c'est une situation qui existe depuis un certain temps et qui s'aggrave avec le temps et de façon très, très rapide. Mon étonnement vient principalement du fait que le ministre n'est, sans aucun doute, pas sans savoir que les pourvoiries sans droit exclusif vivent des moments difficiles.

Et je me permettrai de citer un exemple en particulier, qui est la pourvoirie Demi-Lune, où il y a des coupes de bois, comme je le disais précédemment, qui étaient prévues pour être faites à proximité de ces pourvoiries-là en l'an 2002 ou en l'an 2003. À cause des feux de forêt qu'il y a eu dans le bout de Parent et un petit peu partout, les compagnies forestières, Kruger et compagnie, sont rendues à couper beaucoup plus au sud. Et ces pourvoiries à droit exclusif là font face maintenant à des autoroutes qui passent à proximité de plans d'eau, des plans d'eau qui contiennent des géniteurs et qui sont même, concernant celle-là, une source d'approvisionnement pour le réservoir Gouin un petit peu plus bas.

Alors, je pense que c'est important pour cette industrie – et là je parle d'une pourvoirie en particulier, on pourrait parler de beaucoup d'autres, et je suis convaincu que le ministre est très au courant – qui est très importante pour le Québec, pour l'industrie aussi du transport, pour les pilotes de brousse, ce qui est aussi une industrie très importante, quand on est rendu à des coupes de bois aussi près de ces plans d'eau là qui ont des richesses indescriptibles, je pense que le ministre doit se donner le pouvoir de décréter de façon temporaire et aux conditions qu'on a énumérées tantôt ces pourvoiries-là à droit exclusif, pour protéger l'investissement qui a été fait, pour protéger l'industrie dans son entier et pour protéger surtout la ressource.

M. le Président, les pourvoyeurs du Québec ont un besoin pressant de cette protection législative, et on pourrait, si le ministre était consentant, si le gouvernement était consentant, l'inclure dans ce projet de loi là qui nous donne cette opportunité de régler un problème criant juste avant la fin de cette session. Cette protection temporaire leur permettra de sauvegarder notre environnement faunique.

Je tiens aussi à souligner que plusieurs articles de son projet de loi sont les bienvenus, spécialement lorsqu'ils viennent corriger une incohérence au sein de la loi actuelle.

Une autre modification du projet de loi n° 421 touche le commerce de la fourrure. Le ministre semble vouloir, à première vue, déréglementer le contrôle du commerce de la fourrure apprêtée ou des fourrures d'élevage. Pourquoi, M. le Président, le ministre souhaite-t-il déréglementer ce type de commerce? A-t-il consulté des groupes qui militent en faveur des droits des animaux? A-t-il de réels motifs pour changer cette disposition? Voilà bien des questions sur cette disposition pour lesquelles je souhaite que le ministre nous éclaire.

Finalement, je tiens à préciser au ministre de l'Environnement et de la Faune que je me permettrai d'être plus précis sur nos opinions lors de l'étude détaillée qui va se dérouler en commission parlementaire. Et je terminerai mon intervention en précisant que, si le gouvernement veut bien accepter l'amendement que l'opposition officielle vient d'amener, nous serons en faveur du projet de loi. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bertrand. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Ce n'est pas vraiment habituel, le ministre le reconnaîtra, que le député de Westmount–Saint-Louis non seulement s'intéresse, mais se lève pour parler de questions qui touchent évidemment la faune et la protection de la faune au Québec. Les gens qui me connaissent mieux savent que, malgré le fait d'être député du centre-ville de Montréal, j'ai parmi mes activités secondaires ou, du moins, de plaisir, un sens halieutique, étant un amateur de nature, de chasse, de pêche et ayant même, jusqu'à il y a quelques années, fait du piégeage, mais pas dans le centre-ville de Montréal, veuillez bien me croire.

Le projet de loi que nous avons devant nous...

Une voix: ...

M. Chagnon: Le député de Mercier a sûrement un commentaire assez rigolo par rapport à ce qu'on pourrait piéger dans le centre-ville de Montréal, mais, comme on ne piège pas et qu'on n'a pas de permis particulier pour chasser ou pêcher au centre-ville, malgré le fait que j'aie une partie du lac des Castors dans le comté, ce n'est quand même pas à partir de cet étang, qui n'est pas un étang de pêche, comme le signale le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques....

(12 h 40)

Bref, M. le Président, le projet de loi n° 421 est intéressant pour ceux qui ont à coeur le développement et la protection de la faune. Il y a des questions qui ont été soulevées, je pense, par mon collègue qui me demandait de parler sur cette question. J'ai été un peu surpris de constater dans le projet de loi que l'on s'apprête, pour les gens qui font du piégeage, particulièrement du rat musqué, à leur permettre la possibilité d'ouvrir les tanières en dehors des saisons de piégeage connues. On s'attend à ce que le piégeage du rat musqué puisse... C'est curieux, encore une fois, de parler de ça ici, à l'Assemblée nationale, mais le piégeage de rat musqué sera permis en période hivernale.

Je voudrais rappeler que, strictement pour des raisons de protection de la faune, ouvrir une tanière de rat musqué quelque part comme au mois de décembre ou au mois de janvier, c'est condamner toute une famille de rats musqués à une mort certaine. La tanière d'un rat musqué est une espèce de protection écologique, une protection qui permet au rat musqué de pouvoir passer l'hiver avec un rythme cardiaque qui frise le deux ou trois pulsations par minute, donc à un niveau de pulsations qui ne permettrait pas à un individu ou à n'importe quelle espèce animale de pouvoir survivre sauf dans un état d'hibernation. Et la possibilité que pourrait permettre ce projet de loi là de pouvoir vérifier l'intérieur des tanières en hiver risque, encore une fois, d'être extrêmement dangereuse pour l'espèce et l'avenir de l'espèce; si elle n'est pas menacée au moment où on se parle, elle risquerait certainement d'en subir des contrecoups à court et moyen terme.

M. le Président, je voulais davantage parler de la possibilité que le ministre se donne le droit, qu'il n'avait pas, de pouvoir laisser des tiers, qu'il aura choisis, exiger un montant forfaitaire de 5 $ pour permettre aux gens de pouvoir montrer les bêtes qu'ils ont abattues, particulièrement pour l'établissement d'une certification du gros gibier abattu, particulièrement le chevreuil et l'orignal.

C'est un peu particulier de constater que le ministère lui-même ne charge pas lorsqu'il y a une volonté... D'abord, il y a une obligation du chasseur d'enregistrer son gibier lorsqu'il a tué un chevreuil ou un orignal, ce qui est tout à fait sain et normal, pour permettre au ministère de pouvoir faire une étude et pouvoir tenir à jour le nombre de ces espèces qui sont abattues au cours d'une période de chasse. Par contre, il est assez particulier de constater que le ministre va permettre à des établissements de pouvoir réclamer 5 $ par permis d'enregistrement de ce gros gibier, alors que le ministère lui-même... Lorsque les chasseurs vont au bureau du ministère, on ne leur demande rien. Il n'y a pas de frais pour les chasseurs qui vont aux bureaux du ministère pour enregistrer leur gros gibier. Alors, le fait de permettre à des tiers de pouvoir exiger 5 $ m'apparaît être un frein à l'idée même de dire aux chasseurs: Enregistrez vos gibiers, même si c'est obligatoire.

Je sais que ça a été fait l'an dernier. En commission parlementaire, j'avais questionné, ainsi que le député de Bertrand, on avait questionné la sous-ministre du ministère de l'Environnement et de la Faune et évidemment elle nous avait dit qu'il n'y avait pas d'assises juridiques légales ou réglementaires au fait que certains concessionnaires avaient exigé 5 $ par enregistrement de gibier. Mais peut-être, rapidement, je sais que le ministre est occupé et qu'il devra nous quitter bientôt, je voudrais lui faire une suggestion, une suggestion que j'ai faite à sa sous-ministre, aussi.

Le ministère pourrait fort bien, au cours des périodes de chasse, particulièrement pour le gros gibier – alors, c'est orignal puis chevreuil, puis généralement l'orignal, c'est pendant une courte période à partir de la fin septembre, début octobre, puis, dans le cas du chevreuil, bien on va le partir du début novembre – mettre sur les grandes routes, autour des grandes agglomérations urbaines que sont Québec et Montréal – profiter du fait que la route 20, la route 40, la route 15 ou la route 10 ont des endroits pour permettre aux automobilistes d'arrêter – mettre une tente puis faire un enregistrement directement là où les gens passent avec leur gibier, de façon à permettre, à un coût relativement bas, de pouvoir faire l'enregistrement beaucoup plus facilement de ces bêtes-là.

Moi, je suis certain qu'il y a un grand nombre de gibiers, de gros gibiers qui ne sont jamais enregistrés, parce que c'est tellement compliqué de faire l'enregistrement que les gens, finalement, décident qu'ils s'en vont avec leur chevreuil puis qu'ils ne l'enregistrent pas. Et c'est fort malheureux parce que ça enlève la possibilité au ministère d'avoir des informations des plus pertinentes quant au nombre et au type de gibiers qui sont chassés à chaque année.

Bref, M. le Président, l'amendement que j'ai vu du député de Bertrand concernant la protection des pourvoiries, en permettant au ministre de pouvoir leur donner un caractère d'exclusivité au moment où il y a un bûchage, au moment où on a fait une coupe de bois autour d'une section qui est déjà une pourvoirie, devrait être accepté par le gouvernement parce qu'il permettrait la sauvegarde d'espèces, dans ce cas-là piscicoles, plus particulièrement d'espèces de poissons, il protégerait des lacs où il y a des géniteurs en nombre assez important, pour permettre, d'abord, la pérennité des espèces, mais aussi, en même temps, pour éviter que des gens s'accaparent une partie importante de notre faune. Je pense que le ministre m'a eu l'air d'accepter ou, du moins, d'avoir l'intention d'étudier l'amendement de mon collègue de Bertrand, et je lui en sais gré, parce que ça m'apparaît être un amendement extrêmement logique, plein de bon sens, qui permet justement une amélioration et une protection adéquate, une protection accrue, je dirais, de notre faune piscicole.

Je pense que l'application des normes concernant l'exploitation des étangs de pêche à des fins commerciales, qu'elles soient transférées du ministère de l'Environnement et de la Faune au MAPAQ m'apparaît être une décision qui va dans le meilleur sens; c'est la meilleure des choses qui puissent être faites, compte tenu du fait que les gens qui ont déjà des étangs de pêche ont des obligations à l'égard du MAPAQ, le ministère de l'Agriculture et des Pêches, pour opérer leur centre de pêche, pour opérer leur étang de pêche. Alors, que le ministère de l'Environnement et de la Faune se délaisse de son autorité à l'égard du MAPAQ, ça va éviter aux gens qui opèrent des étangs de pêche d'avoir à se chercher dans deux ministères pour avoir des autorisations pour travailler puis pour faire en sorte que leur commerce puisse fonctionner.

Bref, M. le Président, c'étaient les commentaires que je voulais apporter au projet de loi. J'espère avoir été relativement bref et avoir en même temps permis au ministre de peut-être lui apporter une réflexion supplémentaire quant à la façon de procéder, particulièrement en ce qui concerne la façon dont le ministère s'occupe de l'enregistrement du gros gibier pendant les périodes de chasse. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Il n'y a pas d'autres intervenants?


Mise aux voix

Alors, je mets aux voix le principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 421, Loi modifiant la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune et la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des transports et de l'environnement

M. Boulerice: Oui, M. le Président, j'aurais souhaité que mon collègue, ami et voisin, député de Westmount–Saint-Louis, qui a abondamment parlé du lac des Castors, glisse quelques mots sur mon étang du parc Lafontaine! Ceci étant dit avec humour, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des transports et de l'environnement pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Je fais motion, M. le Président, pour que nous reprenions nos travaux cet après-midi, à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée? Adopté. Alors, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 49)

(Reprise à 15 h 6)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, veuillez prendre en considération un article qui permettra au ministre de prendre son droit de parole, le ministre des Ressources naturelles et responsable de la Réforme électorale, donc c'est l'article 14.


Projet de loi n° 450


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 14 de votre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 29 mai 1998 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. Lors de l'ajournement de nos travaux, Mme la députée de Beauce-Sud avait effectivement complété et terminé son intervention.

Alors, je serais prêt maintenant à céder la parole au ministre, sur la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Tout d'abord, je suis particulièrement heureux d'intervenir sur le projet de loi et d'être le parrain de ce projet de loi, mais je voudrais tout d'abord remercier mon collègue, M. le leader du gouvernement, d'avoir appelé ce projet de loi à l'Assemblée nationale, un projet de loi qui va nous permettre, j'en suis convaincu, d'améliorer nos législations en matière de règles électorales, nos règles démocratiques.

C'est la deuxième fois, M. le Président, en cette Chambre que je suis appelé à piloter un projet de loi d'importance en ce qui regarde la réforme électorale. La dernière fois que j'ai été appelé à piloter un projet de loi, ça a été la création de la liste électorale permanente. Je me souviens, ça a fini en queue de poisson en commission parlementaire. Les libéraux étaient très inquiets du fait qu'on amenait la liste électorale permanente. On a discuté pendant des heures et des heures. Ils ont fait ce qu'on appelle un filibuster, ils ont parlé pour ne rien dire, en fait, pendant des heures et des heures.

M. le Président, ne sachant pas trop quoi dire, ces gens-là ont dû, bien sûr, se voir imposer une limite de temps par l'Assemblée nationale. Et, à ma grande surprise, le fédéral, leur grand frère, a trouvé ça tellement bon qu'il a décidé de signer une entente avec le Québec, qui dorénavant fournira au fédéral notre liste électorale permanente. Ce qui n'avait pas d'allure pour les petits frères provinciaux est devenu quelque chose d'assez important, important au point qu'il achète annuellement les renseignements que l'on donne, moyennant le versement de quelques centaines de milliers de dollars. Voilà, M. le Président, comme quoi un type d'opposition, ça peut faire dur dans certains cas, ça peut faire pitié.

Parce que c'est les moyens modernes, on évolue, tout le monde s'informatise. Les compagnies s'informatisent, les sociétés d'État s'informatisent, le gouvernement s'informatise, et les libéraux voulaient garder le système manuel. Ils sont habitués, d'ailleurs, à jouer avec leurs mains. Dans la Loi électorale, anciennement, on parlait de quelqu'un qui manipulait trop les objets avec les mains. On avait tendance à parler de tripotage.

Donc, M. le Président, je répète que la liste électorale permanente est venue, qu'on a aujourd'hui l'occasion rêvée pour la mettre à l'épreuve, avec le scolaire qui aura lieu dans quelques semaines – dans deux semaines, effectivement, moins de deux semaines, présentement – et qu'on pourra la roder davantage et faire en sorte d'avoir une loi électorale fort améliorée.

(15 h 10)

Fier de cela, M. le Président, notre système électoral, qui a toujours évolué, depuis des années... Ça fait 21 ans que je suis dans ce Parlement, et continuellement le régime électoral a évolué, s'améliorant, et ce fut un départ par M. René Lévesque, on se rappellera tous, qui, fatigué, las de voir les formations politiques s'abreuver auprès des grandes multinationales, a décidé que le financement populaire, ça ferait l'objet d'une législation et que seules les personnes physiques pourraient démocratiquement financer une formation politique de leur choix.

M. le Président, je me rappelle quand Robert Burns, qui était à l'époque leader du gouvernement et responsable de la réforme électorale, avait présenté ce projet de loi créant le financement des partis politiques, encadrant le financement des partis politiques, créant la loi sur les consultations populaires et faisant ainsi en sorte que seuls les citoyens pouvaient subventionner. Ni les syndicats, ni les multinationales, ni les personnes morales ne pouvaient subventionner les élections ou les partis politiques. C'était dans le but ultime qui est le suivant, c'est que les partis ou les formations politiques appartiennent véritablement aux citoyens et non pas à une minorité possédante sur le plan financier. Les Québécois et les Québécoises ont applaudi à cela, les Québécois et les Québécoises ont été heureux de cela et ont rendu d'ailleurs un vibrant hommage à René Lévesque qui avait démocratisé et qui avait, je pense, contribué à assainir les moeurs politiques dès 1977, au lendemain de l'élection de 1976. C'est avec beaucoup de fierté en cette Chambre que les députés se levaient pour voter en faveur de cette législation visant à assainir les moeurs politiques.

Je me souviens encore jusqu'à quel point René Lévesque tenait au fait suivant, c'est que le vote ne devait pas être synonyme du signe de piastre, mais que le vote était quelque chose de fondamental en démocratie. Quelle que soit la grosseur ou l'épaisseur de ton porte-monnaie, ton vote valait la même chose. C'est ça que M. René Lévesque visait et c'est ça qu'il avait obtenu.

Cette loi-là sur les consultations populaires et la Loi électorale, ces deux lois-là ont fait en sorte qu'on a été sollicités à travers le monde. Beaucoup de pays en voie de démocratisation faisaient appel au Québec: Venez donc nous dire ce qui se passe chez vous, vous êtes cités en modèle un peu partout à travers le monde. Effectivement, M. le Président, le DGE de l'époque et son équipe, M. Pierre-F. Côté, ont véritablement sillonné le continent et sillonné, même, plusieurs continents pour donner des conférences, expliquer ce qu'on avait dans nos législations, quels étaient les objectifs fondamentaux de ces législations-là. Nous en étions fiers. Nous en sommes toujours fiers, M. le Président.

Et je crois que le fondateur du Parti québécois, M. René Lévesque, a été l'âme dirigeante de tout ce processus de démocratisation auquel on a tous contribué, nous qui, dès 1976, nous étions présentés dans cette Chambre, et, je me souviens, nous étions encore quelques-uns à peine... Nous sommes rendus, quoi, cinq de l'époque de 1976, en cette Chambre. Le député d'Abitibi-Ouest, le député de Lévis, le député, pas de Saint-Maurice, mais le député de Laviolette, le député, à l'époque, de... – un instant – M. Godin qui est décédé, notre ami Perron qui est décédé également, mais avec combien de fierté, pendant 21 ans, nous nous sommes levés dans cette Chambre pour améliorer continuellement ce processus démocratique.

M. le Président, aujourd'hui, c'est avec autant de fierté que je dépose, oui, ce projet de loi là et que je demande aux gens de contribuer à son adoption. Ce projet de loi là, il vise quoi aujourd'hui? À améliorer, tout simplement, notre système. Qu'est-ce qu'il vient faire? Il vient d'abord ratifier à peu près tous les consensus existants entre les formations politiques, parce que déjà on a réuni à moult reprises des représentants des deux grandes formations politiques du Québec et nous avons convenu d'améliorer notre système. Donc, il y a beaucoup de points techniques qui seront améliorés, mais il y a aussi des points fondamentaux.

Pourquoi venons-nous à ce moment-ci avec des amendements majeurs, par exemple sur le financement des partis politiques et, par exemple, aussi sur le financement des comités issus, bien sûr, de la loi sur les consultations populaires? C'est parce qu'il y a eu un jugement qu'on appelle le jugement Libman. On se rappellera que l'ex-député du Parti Égalité a contesté devant les tribunaux et que la Cour suprême, tout en vantant notre loi pendant des pages et des pages... On peut lire je ne sais pas à combien d'endroits que notre loi est fondamentalement démocratique, qu'elle peut être citée en modèle. On invalide toute la partie de la loi touchant le financement, parce que, dit-on, le 600 $ qui était dévolu à ceux qui voulaient se prononcer et qui n'étaient d'accord ni avec le Oui ni avec le Non, bien, que c'était peut-être insuffisant.

M. le Président, je me souviens avec quelle, je ne dirais pas «agressivité», mais je dirais avec quelle force je suis sorti au lendemain de ce jugement. Personnellement, j'ai été profondément blessé. Blessé pourquoi? Parce que cette loi-là, qui avait été votée en cette Chambre à l'unanimité – je rappellerai qu'elle avait été votée à l'unanimité – par un jugement de la Cour suprême, a été invalidée, prétextant qu'elle ne permettait pas la liberté d'expression au sens de l'article 2e de la Charte des droits et libertés de la personne. Pourtant, le Parti libéral avait utilisé cette loi. Le gouvernement du Parti québécois l'avait utilisée, cette loi, et tout le monde en a vanté les mérites. C'était une règle démocratique. C'était quelque chose d'accepté. C'était quelque chose qui faisait en sorte qu'on en était fier à peu près partout. Et je me souviens, autant M. Bourassa que M. Lévesque ou M. Johnson, qu'ils ont toujours vanté les mérites de cette législation. Et, du jour au lendemain, la Cour suprême a dit: Bon bien, ceux qui sont ni pour, qui sont ni contre et qui veulent s'exprimer auront le droit, et le 600 $, ce n'est pas assez. C'est un peu ça, le résumé du jugement de la Cour suprême, tout en reconnaissant, je le répète, que notre loi était profondément, mais profondément admirable, démocratique, bonne, excellente, mais qu'il faudrait majorer.

Donc, on avait trois choix, dans le fond. On avait le choix, dans un premier temps, de dire: Bien, écoutez, notre loi, on y croit. On la croit profondément démocratique et on pense qu'on a, de par M. Trudeau en 1982, un moyen de se mettre à l'épreuve de ces citoyens qui voudraient, par souci d'expression de base, contester les législations. On aurait pu utiliser la clause «nonobstant», effectivement, mais on s'est dit: Bah! On est aussi bien de montrer notre bonne foi, on est aussi bien d'amender dans le sens que la Cour suprême le propose, c'est-à-dire majorer un tant soit peu, un peu à la suggestion de la commission Lortie, au fédéral, d'un mille dollars. Donc, on a amendé la loi de bonne foi. On l'a amendée. C'est la formule qu'on a choisie.

D'autres qui nous avaient proposé: Choisissez donc à la fois les amendements et la clause «nonobstant». Le gouvernement, après consultation du ministère de la Justice, a décidé d'y aller par la voie d'amendement. C'était un consensus majoritaire de notre côté – il n'y a pas de cachette – que l'on a présenté sous forme de législation. On est convaincu – j'espère, en tout cas, de tout mon coeur – que cette législation sera donc adoptée très facilement par l'ensemble de cette Assemblée et qu'on pourra véritablement s'assurer que nos règles démocratiques soient réinstaurées et qu'elles soient valides à toutes fins que de droit. Ça, c'était donc le premier point.

On a donc voulu revalider notre loi sur le financement des consultations populaires et sur le financement des partis politiques. Mais, quant à faire une législation, il valait la peine aussi de corriger d'autres choses. On s'est dit: Si on amende la loi pour permettre à ceux qui ne seraient pas d'accord, par exemple, avec le comité du Oui mais ni d'accord avec le comité du Non de pouvoir s'exprimer selon les limites, selon un encadrement très précis, eh bien, ça, c'est une chose.

(15 h 20)

Il y aura plus que ça. Ceux qui seraient d'accord avec le Oui mais qui ne seraient pas d'accord avec la stratégie... C'est un peu le cas de M. le député Libman. Il était d'accord avec le gouvernement du Parti québécois au référendum sur Charlottetown. Il était d'accord pour voter contre, mais il ne partageait pas notre point de vue et, au contraire, il ne se sentait pas à l'aise à côté de nous autres. Donc, il a dit: Je voudrais avoir de l'argent. On lui a donné 60 000 $, à l'époque.

Vient un autre référendum, celui du Québec. Là, il était d'accord avec M. Daniel Johnson sur le Non, mais il n'était pas d'accord pour se placer à côté des libéraux. Il disait qu'ils n'allaient pas assez loin. Donc, il a demandé de l'argent. Ils lui ont offert à la dernière minute quelque 10 000 $, je pense, puis là il était en furie et il s'est présenté devant les tribunaux pour dire que ce n'était pas assez. Puis voilà, à peu près, toute l'histoire du Parti Égalité ou de l'ancien chef du Parti Égalité dans tout ce processus-là.

Donc, on aura des mécanismes, mais des mécanismes compensatoires. Il ne faut pas que cette législation, M. le Président, serve d'échappatoire à ceux qui veulent faire une petite partie personnelle – exemple, qu'ils se réunissent, 1 000 à 2 000 personnes à 1 000 $ chaque – et qui iraient chercher plus d'argent que, par exemple, le camp du Oui ou le camp du Non. Il faut absolument trouver un mécanisme d'encadrement pour éviter que ce soit une stratégie voulant contrer l'un ou l'autre, parce que là on dévierait du principe fondamental que le signe de piastre égale une force politique, et ce n'est pas le cas, ce n'est pas ce que nous voulons. Et j'ose espérer que les mécaniques que nous avons proposées vont nous donner une certaine assurance de ce côté-là. Donc, on verra. Et, en commission parlementaire, si on peut bonifier cette partie-là, je suis ouvert à toute proposition de bonification, parce que l'essentiel, c'est quoi? C'est de garder, à toutes fins pratiques, tout le sens et tout l'esprit de cette législation qui vise à faire en sorte que la démocratie n'est pas dépendante du signe de piastre, ou de la grosseur ou de l'épaisseur du portefeuille.

M. le Président, on en a aussi profité pour répondre à des demandes qui nous sont faites depuis un bon bout de temps. Plusieurs groupes de jeunes à travers le Québec nous disaient: Bien, vous savez, nous, les jeunes, on n'est pas intéressés tant que ça à la politique, puis, s'il faut faire une démarche pour s'inscrire sur les listes électorales, je ne suis pas sûr qu'il y aura la moitié de nos jeunes qui iront s'inscrire; puis, démocratiquement, quant à avoir une liste permanente, puisque vous le faites par du recoupage avec la Régie de l'assurance-maladie, pourquoi ne pas inscrire automatiquement ceux qui ont 18 ans, et qui ont le droit de vote, et qui ont les qualités de voteur? Ce projet de loi là permettra donc effectivement d'inscrire automatiquement ceux qui ont 18 ans.

Également, grâce à une entente avec Immigration Canada, tous les citoyens qui recevront leur certificat de citoyenneté seront également inscrits sur la liste automatiquement. Je pense que c'est un plus pour notre voie démocratique, pour notre vie démocratique. Et nous avons là, en toute objectivité, les clientèles qui n'iraient peut-être pas s'inscrire, bien, qui le seront automatiquement et qui auront plutôt le fardeau inverse: elles auront le fardeau de se soustraire de la liste si elles ne veulent pas être inscrites. Mais, au moins, on ne pourra pas reprocher à notre législation de ne pas les inclure automatiquement sur la liste électorale. Voilà un point qui, à mon point de vue, sera également partagé par l'ensemble de la députation de cette Assemblée nationale, quelle que soit l'allégeance politique.

Maintenant, M. le Président, il y a un point sur lequel... J'ai relu très attentivement l'exposé du député de Laurier-Dorion qui, de deux choses l'une, ou manifestement ne veut pas comprendre ou bien, de bonne foi, n'a pas compris. Et je suis prêt, jusqu'à la preuve du contraire, à lui donner le bénéfice du doute en disant qu'il n'a pas compris. Il soutient dans son argumentaire, puis de façon assez virulente, que l'identification de l'électeur, c'est quelque chose d'épouvantable, c'est quelque chose d'effrayant, c'est quelque chose qui devrait être banni.

Je vous rappellerai, M. le Président, que cet idée-là n'est pas d'aujourd'hui. L'identification de l'électeur, je «peux-tu» vous dire que ça ne se fera pas seulement qu'ici. Ça se fait dans plusieurs pays, puis des pays qui ont un passé démocratique passablement plus long que le nôtre. La France n'est pas un pays antidémocratique, la Suède, l'Allemagne et plusieurs autres pays, M. le Président, ont la carte de l'électeur avec la photo dessus.

Et c'est tout simplement un renforcement du système démocratique. On se présente, l'objectif n'est pas d'avoir le pedigree, puis le dossier médical, puis le dossier de police de l'individu; fondamentalement, le processus d'identification qui est réclamé depuis des années au Québec, c'est de voir si le nom de l'individu et l'adresse correspondent bien à la figure que l'on a sur une carte avec l'adresse puis le même nom. C'est aussi simple que ça.

Là, on est parti pour la gloire. On a dit: «C'est-u» effrayant! Le dossier médical, parce qu'ils proposent la carte de l'assurance-maladie, ou le dossier du permis de conduire pourrait être étalé, parce qu'on peut proposer également le permis de conduire avec photo. Et il y a le passeport canadien qui est aussi une photo. M. le Président, l'objectif n'est pas du tout, mais pas du tout de connaître quelque dossier que ce soit, c'est de voir si l'adresse et la face de l'individu correspondent bien à l'adresse de l'individu qui se présente.

Dans plusieurs pays, qu'est-ce qu'on fait? On fait même écrire le nom de l'individu pour voir si sa signature correspond à la signature avec laquelle il s'est enregistré sur une liste électorale. Il y a la confrontation de l'écriture.

Nous, on dit: C'est tout simplement la face. Est-ce que la face de l'individu puis le nom qui est écrit en dessous, c'est bien le nom qui est écrit sur la liste électorale? Puis ça lui permet de voter. C'est tout ce qu'on demande, tout, M. le Président.

M. Comeau est venu en commission parlementaire nous dire qu'il faudrait qu'on fasse la preuve de tricherie. «Faut-u» attendre qu'il y ait corruption, d'abord, pour éviter quelque chose? Ça, c'est la première question qu'on doit poser à ces gens-là. Le système démocratique, c'est fondamental, ça, puis, dans des votes très serrés, plus on aura d'encadrement, plus on permettra aux individus qui ont réellement les qualités puis qui ne peuvent pas usurper le droit de vote d'un autre... Plus notre système est étanche, plus c'est parfait. C'est ça, en démocratie, M. le Président. Le droit de vote, c'est sacré, ça.

Moi, je pourrais relater... J'ai eu même des gens décédés qui ont voté dans une élection. Pourquoi? Parce qu'on n'avait pas le moyen de l'identification. On en a vu, de ça, puis je pourrais vous nommer les noms. Ça ne sert à rien, quand on gagne par 9 000, 10 000, de faire des enquêtes puis d'essayer de trouver celui, ou les cinq, ou les six, ou les 10, ou les 20 qui ont usurpé le nom d'un électeur. Mais c'est ça qui est arrivé dans bien des cas. Ça arrive d'autant plus, M. le Président, dans des circonscriptions électorales où les gens ne se connaissent pas. C'est vrai que ça n'arrive pas dans un petit village de 150 personnes où on se connaît tous, c'est vrai, ça, mais on ne peut pas avoir deux poids, deux mesures. Si on exige l'identification, ce sera l'identification pour le citoyen d'un petit village autant que d'une ville moyenne, que d'une grande ville, ça, c'est clair.

Et on offre trois moyens. La carte d'assurance-maladie, tout le monde devrait l'avoir. Je vais expliquer, par contre, la nuance qui est faite dans le projet de loi et qui manifestement, de bonne foi, n'a pas été comprise par le député de Laurier-Dorion. Tous les citoyens québécois l'ont, cette carte-là, M. le Président, à quelques exceptions près: il y en a qui déménagent ou bien qui perdent leur carte puis qui ne la demandent pas. Mais il y a des élections scolaires, puis, à chaque mois, il y a du recoupage avec la RAMQ et avec la Société d'assurance automobile du Québec. Il y a tout près de 4 000 000 de permis de conduire avec photo, où ce sera terminé en février prochain, la photo sur le permis de conduire. La RAMQ, c'est fini.

(15 h 30)

Et là vous me direz: Oui, mais la RAMQ, il y a des personnes de 75 ans et plus qui ne l'ont pas, la photo. C'est exactement ce que dit l'article 61, et je voudrais corriger ce que le député de Laurier-Dorion a probablement, de bonne foi, échappé. Quand on dit qu'il doit présenter une carte d'assurance-maladie, ça veut dire qu'il doit présenter la carte avec les obligations qu'il y a. En haut de 75 ans... Et je sais que, par exemple, la députée de Jean-Talon va comprendre très facilement ce que je veux dire. Si la loi dit qu'en haut de 75 ans il n'a pas besoin de photo, ça veut dire qu'il présente sa carte pas de photo, c'est aussi simple que ça.

C'est que, en bas de 75 ans, là il y a une photo obligatoire, sauf pour les jeunes, mais qui n'ont pas le droit de vote également, les tout-petits. Mais, de 18 à 75, il y a obligation de photo et, dans la réglementation d'en haut de 75, il n'y a pas obligation de photo. Et, malgré tout, il y en a à peu près 50 %, me dit-on, qui ont la photo. Donc, prétendre qu'on veut rayer les personnes âgées du droit de vote, c'est une mauvaise interprétation.

Je comprends que le texte légal, c'est du juridique, que ce n'est pas très, très clair, qu'il faut l'expliquer. C'est des juristes qui rédigent ça. Mais le sens exact – et je n'ai pas peur de l'affirmer de mon siège – de cette législation, c'est que pour voter on présente la carte d'assurance-maladie et, si tu as 75 ans et plus et que tu n'es pas obligé d'avoir une photo, c'est valide pour fins de voter. Ça, c'est clair.

Donc, je demanderai sans doute en toute bonne foi au député de Laurier-Dorion de bien rectifier son tir parce que ce n'est pas ça l'interprétation, et le voeu n'est pas d'empêcher des gens de voter. Le jeu, c'est de permettre à tous ceux qui y ont droit de voter, et à la bonne personne, dont le bon nom est écrit sur la liste, de voter à sa place sans que personne puisse d'aucune manière usurper, voler le vote de l'autre. C'est clair de même. Je tenais à le préciser, M. le Président, parce que c'est important. C'est important pour notre régime démocratique d'avoir le plus de limpidité, le plus de transparence.

Vous allez me dire: Mais pourquoi tenez-vous à l'identification de l'électeur? Pourquoi tenez-vous à ça? M. le Président, dans un système où on veut que le voteur exerce son droit... Voter, c'est un droit fondamental. On l'a vu au dernier référendum, 94 % des citoyens du Québec se sont prévalus de leur droit de vote. Savez-vous que ça n'arrive pas dans toutes les sociétés? Savez-vous que dans certains pays, même aux élections présidentielles, quand on a voté à 47 %, à 48 %, à 49 %, c'est un gros vote? Ici, aux élections générales, on vote bon an mal an entre 70 % et 75 %, des fois 80 %, 81 %. Dans les consultations populaires, c'est du jamais vu, 94 %. C'est clair.

Mais on se demande pourquoi des gens ont pensé d'exiger l'identification. Quand, dans une circonscription électorale, durant la période de révision, il s'inscrit 20 % de nouveaux voteurs, quand, dans d'autres circonscriptions électorales, il s'est inscrit quasiment plus de voteurs qu'il y en avait sur la liste originale, je «peux-tu» vous dire qu'il y a des gens qui disent: Ouais! Qu'est-ce qui se passe? Y «avait-u» tant de monde que ça qui n'était pas recensé au Québec?

Quand tu te présentes à la porte du vote avec une belle licence de l'Ontario ou que tu es à l'Université Bishop et que tu utilises un droit de vote parce que tu as été recensé, mais tu n'as pas nécessairement la photo, oui, oui, je pense que la photo, c'est... Moi, je n'ai pas honte de montrer mon facial, là. Je m'en viens voter: Je suis Guy Chevrette, voici ma photo, et ça me ressemble. Il n'y a pas personne à ce moment-là qui peut arriver, je pense bien, avec une photo qui me ressemble tellement que ça. Je me ferais reconnaître par les greffiers ou par les greffiers secrétaires en avant.

Quand le député de Papineau va se présenter dans son poll, il n'y a pas un gars qui va l'imiter. Je suis sûr de ça. Il va voter et il n'aura pas honte de montrer sa carte. Quelle est cette lutte? Quelle est cette bataille? Quelle est cette volonté de ne pas rechercher l'identification?

J'aurais pu proposer effectivement une carte d'électeur. J'aurais pu, parce qu'il y en a plusieurs qui demandent ça depuis des années, une carte d'électeur. D'abord, un, ça prend du temps. Deux, il y a un débat qui est en train de se faire. Il y a même eu une commission parlementaire, je pense que les parlementaires sont au courant. Parce que le nombre de cartes commence à être assez imposant: on a le passeport avec photo, la carte d'assurance-maladie avec photo, le permis de conduite avec photo, puis il y en a qui voulaient un certificat de citoyen avec photo. Puis on s'en va où?

Il fallait donc faire un débat; il est en train de se faire via le ministère des Relations avec les citoyens sur une carte de citoyen éventuelle. Tant mieux s'il y en a une seule, puis qu'au niveau informatique il y aura des moyens – ce qu'on appelle les cartes à puce pour différents usages – mais je trouvais à ce moment-ci un petit peu osé d'arriver avec une nouvelle carte avec photo qui serait la carte d'électeur. Pourquoi ne pas utiliser des cartes qu'on a tous, la carte d'assurance-maladie, qu'un grand nombre a, le permis de conduire? Ajoutez à ça le passeport, ça fait trois possibilités.

Et je suis prêt à aller plus loin que ça. J'ai même demandé à M. Paul-André Comeau, le président de la Commission d'accès à l'information, s'il avait des suggestions à me faire en plus. Prenez la carte de l'Assemblée nationale, ici, où la majorité des employés ou des fonctionnaires du Québec sont identifiés avec leur nom et leur photo. Moi, si on me suggère d'ajouter des choses du genre, qui vont de soi, je ne suis pas fermé à cela. Le principe, c'est l'identification avec des pièces, bien sûr, ce n'est pas quelque chose qui s'invente dans 30 secondes, mais des cartes reconnues comme telles, une accréditation sûre. Je ne suis pas fermé, même, à l'ajout de certaines cartes qui pourraient facilement aider. Moi, je ne suis pas là pour essayer d'imposer des moyens, je n'ai pas la science infuse, je n'ai peut-être pas l'ensemble des moyens, mais j'ai même demandé à M. Comeau, s'il avait des idées, de me les faire valoir. Je les attends pour l'instant et je vais le faire entrer en communication dans les prochaines heures pour voir s'il n'aurait pas des suggestions concrètes à nous faire, puisqu'il s'est présenté devant nous en disant: Bien, c'est dangereux.

Ce n'est pas dangereux de reconnaître la figure de quelqu'un, je le maintiens de mon siège, il n'y a aucun danger. Il n'y a rien d'antidémocratique et il n'y a aucun impact sur les droits et libertés de la personne que d'exiger que quelqu'un dise: «C'est-u» bien toi qui demeure à telle adresse? Ton nom, c'est quoi? Puis ta figure, c'est quoi? C'est tout. Ce n'est pas d'entrer dans les secrets de la vie privée des gens comme on a essayé de le faire croire puis essayé de faire croire qu'on voulait envahir la vie personnelle des individus. Non. Je répète qu'il y a beaucoup de pays très démocratiques, avec un passé historique beaucoup plus grand que celui du Québec, qui ont cette exigence minimale. Notre formation politique a voulu précisément contribuer à améliorer davantage ce processus démocratique en y ajoutant une contrainte qui vise essentiellement à garantir le droit de vote au bon individu à la bonne adresse, et ça, c'est fondamental.

Donc, M. le Président, vous avez là un peu l'essentiel des grands points de la législation que nous présentons à l'Assemblée nationale pour adoption. Je préférerais de beaucoup, bien sûr, que cette législation soit adoptée le plus rapidement possible, dans un contexte et une ouverture d'esprit dont on est capable de faire preuve ici, à l'Assemblée nationale, j'en suis convaincu. J'ose espérer qu'on ne partira pas sur des procès d'intention, qu'on n'essaiera pas de faire miroiter que l'on veut entraver les droits et libertés individuels des personnes.

Je m'excuse, à part de ça, de le dire, mais je vais le dire comme je le pense: j'ai remarqué que les gens les plus sévères vis-à-vis ce type de législation sont souvent ceux qui n'ont jamais eu la chance de vivre ces aspects démocratiques que nous avons au Québec. Ça m'a toujours frappé, ça. On a la chance de se bâtir ici un projet bien à nous, pour lequel plusieurs pays peuvent nous envier. Mais, à mon point de vue, quand on veut se donner ces règles fondamentales, ces règles démocratiques, ne cherchons pas à faire de la petite politique.

(15 h 40)

Ce n'est pas dans le but d'empêcher des gens de voter, ça, ce n'est pas dans le but d'exclure des clientèles, ce n'est pas dans le but, mais pas du tout, d'alourdir le système, comme j'ai lu dans certains extraits de discours; le but fondamental, c'est de faire en sorte que le droit de vote, qui est un des droits les plus fondamentaux dans une société démocratique, que ce droit de vote là soit sacré pour l'individu à qui il appartient.

Je peux vous dire une chose, M. le Président: avec tous les moyens modernes que nous avons de dresser des listes électorales permanentes, de faire la confrontation de ces noms, de faire le croisage de listes, de faire même une entente avec le fédéral sur ce point précis, démontrant la qualité des moyens démocratiques que nous avons, j'ose espérer que ce Parlement-ci, que cette Assemblée nationale votera le projet de loi avec enthousiasme, et nous ferons confiance...

Je le répète: ça a été un consensus majoritaire en ce qui regarde la clause «nonobstant». Le premier intervenant de notre côté, après le député de Laviolette, vous aurez remarqué qu'il avait manifesté un choix, me dit-on: lui, il aurait préféré la clause «nonobstant». C'est possible. J'ai bien dit que c'était un consensus majoritaire. Mais je pense que, collectivement, ici, si on veut avoir de la crédibilité vis-à-vis de ceux qui ont à interpréter les législations, ils ne pourront jamais dire, il n'y a aucune cour qui pourra dire dorénavant que le Québec n'a pas cherché, tout en améliorant son processus démocratique, à respecter les jugements de cours, à apporter des nuances cependant.

On ne peut pas jouer aux fous quotidiennement avec ce type de législation. Il y en a qui se sont présentés devant la commission parlementaire et qui nous ont dit: Change 600 $ à 1 000 $, ce n'est pas grave, je vais contester pareil. On mettrait 2 000 $, ce ne serait pas assez non plus. Vous le savez très bien, ce que je veux dire. On mettrait 3 000 $ que ça ne serait pas assez, probablement, pour l'ex-député du Parti «Equality».

Mais, au niveau des grandes formations politiques qui ont une tradition démocratique, quand un gouvernement et une opposition se lient ensemble et disent: On respecte l'esprit du jugement qui a été rendu, on corrige notre législation en conséquence, il ne faudrait pas, M. le Président, que nos jugements de cours viennent carrément accréditer ce que plusieurs pensent dans notre société, accréditer ce que les gens, plusieurs, de plus en plus de gens pensent dans notre société à l'effet que les cours sont souvent là pour ne pencher que sur le même bord. Je le dis avec beaucoup de modération. C'est accrédité de plus en plus, ça, dans l'opinion publique, et vous le savez, ce que je veux dire. Vous comprenez très bien ce que je veux dire.

On a majoritairement conclu que le jugement de la Cour suprême nous indiquait une voie de correction. On fait cette correction sans avoir recours à un mécanisme qui est prévu dans la Constitution canadienne. Le «nonobstant» est une clause qui est prévue dans la Constitution canadienne. On ne serait pas antidémocratique utilisant la clause «nonobstant»; vous le savez, ça. C'est d'autant plus vrai que le Québec n'a pas adhéré au rapatriement de la Constitution de 1982, qui prévoyait précisément cette clause «nonobstant». Il ne faudrait donc pas penser que c'est anormal que des citoyens pensent – quel que soit le côté de la Chambre qu'on voudra – qu'utiliser un moyen qui est dans la Constitution canadienne est devenu un moyen tout à fait aberrant, tout à fait fou. J'ai entendu ce type de déclarations, par exemple, dans cette Chambre.

Écoutez, quand on nous fait avaler une constitution, quand on ne veut pas y adhérer, et ça, de part et d'autre, quand on marque dans une constitution des moyens pour protéger certaines législations et qu'on nous dit: Si vous les utilisez, vous êtes des antidémocratiques, vous êtes des gens qui n'avez pas le respect des règles démocratiques, je m'excuse. Je respecte autant ceux qui sont pour la clause «nonobstant» que ceux qui ne le sont pas, parce que c'est un moyen qui est prévu dans la Constitution canadienne, c'est un moyen qui nous a été imposé unilatéralement, c'est un moyen que les libéraux ont utilisé, à fond de train, à part de ça, dans le domaine des législations linguistiques en particulier et pour d'autres domaines également.

Il ne faudrait pas penser que, parce que ce gouvernement-ci, qui ne l'a pas utilisée cette fois-ci, à dessein, démontrant notre bonne foi, allant dans le sens d'un jugement de la Cour suprême, espérant que de part et d'autre on va bien comprendre la portée de cette législation et qu'on fera en sorte que, tous ensemble au Québec, on aura contribué à améliorer davantage nos règles démocratiques... Moi, j'y crois fondamentalement. J'espère très sérieusement qu'on pourra faire cette étude de façon correcte, avec une ouverture d'esprit.

Je sais qu'il y a quelques points également qui fatiguent le critique de l'opposition, le député de Laurier-Dorion, mais déjà il y a possibilité, je crois, avec certains amendements, d'en arriver à un consensus général. Mais, de là à rejeter le principe de l'identification, je lui dis tout de suite: Ce n'est pas moi qui vais le faire, parce que c'est une volonté qui est non seulement politique... Ce n'est pas une volonté péquiste, ça. La firme Léger & Léger a fait un sondage sur l'identification de l'électeur. Lepage, qui est connu comme un grand sondeur au niveau du Québec, respecté par toutes les formations politiques au Québec, arrive à la même conclusion, c'est plus de 85 % des citoyens qui trouvent normal d'en arriver à une identification de l'électeur. De plus en plus, dans une société individualiste, on ne connaît même pas ses voisins, vous le savez très, très bien, et la meilleure garantie de faire en sorte que le vote est bien attitré à celui qui en possède le droit, c'est d'obliger à une identification.

Il y aura une mécanique pour ceux qui, par exemple, se seraient fait voler leur carte, par exemple, ou bien le feu aurait tout rasé, puis qui n'auraient pas eu le temps... Il y aura une mécanique exceptionnelle pour ne pas enlever le droit de vote à un individu, mais ce sera quand même assez compliqué, alors que, dans certains pays, ceux qui n'ont pas leur carte d'électeur n'ont tout simplement pas le droit de vote. Donc, qu'on ne vienne pas me dire que ce n'est pas démocratique. C'est plus resserré, mais ça correspond à une volonté, et une volonté qui est partagée par des sondages scientifiques auprès d'électeurs qui démontrent que le citoyen ne trouve pas cela aberrant que quelqu'un qui veut voter pour son gouvernement ou qui veut voter sur une idée fondamentale lors d'un référendum puisse le faire en toute quiétude, sachant que personne ne peut lui substituer son vote.

M. le Président, je fais donc appel à la bonne volonté des parlementaires, à la compréhension des parlementaires. Au lieu de déclarer n'importe quoi sur l'interprétation des textes, qu'on vienne en commission parlementaire suggérer des moyens constructifs d'amender ou d'améliorer la législation. Je suis persuadé que le Québec continuera d'être cité en exemple, que le Québec continuera d'être appelé à la grandeur de la planète pour aller exposer carrément ses règles démocratiques, que ce soit sur le financement, que ce soit sur l'inscription, que ce soit sur l'utilisation du vote, que ce soit sur l'expression d'opinion, même pour ceux qui ne sont ni pour ni contre, bien au contraire. Mais au moins ça sera fait dans un cadre correct, dans un cadre qui permet le respect des droits et libertés.

Et je peux vous dire que c'est avec fierté, en troisième lecture, que je vous montrerai ma carte de la RAMQ avec ma photo. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour sur le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. J'avouerai d'entrée de jeu que le député de Joliette nous a fait la démonstration, cet après-midi, que la modération a bien meilleur goût. Je fais ici référence, vous comprendrez, à l'attitude et à la réaction qu'il a eues lorsque le jugement Libman est sorti, lorsque la Cour suprême a rendu son jugement et lorsque le député de Joliette et ministre responsable de la Loi électorale et de son application ainsi que le député de Lac-Saint-Jean et ministre des Transports ont eu une attitude totalement différente. À croire ces deux personnes très influentes au sein du gouvernement du Parti québécois, on se serait cru devant un complot, et c'était à croire finalement que la Cour suprême en voulait tellement au Parti québécois qu'elle avait fait exprès pour rendre un tel jugement. Donc, je suis contente aujourd'hui d'entendre les propos du ministre et de constater qu'il a modéré – et de beaucoup – l'interprétation qu'il faite aujourd'hui du jugement de la Cour suprême en ce qui a trait à la cause Libman.

(15 h 50)

Vous me permettrez un bref retour historique. Je m'inspire justement du résumé que l'on retrouve dans les Recueils de la Cour suprême sur ce qui a motivé d'abord le ministre et le gouvernement à déposer ce projet de loi là. Je reviendrai sur d'autres éléments.

Alors, on se rappellera que le chef du Parti Égalité, M. Robert Libman, qui a été député en cette Chambre, de 1989 à 1993, avait décidé de contester la constitutionnalité de la Loi sur la consultation populaire, cette loi qui régit, comme on le sait, la tenue des référendums au Québec, qui prévoit, encore à ce moment-ci, jusqu'à ce que la loi soit amendée, que les groupes qui souhaitent participer à une campagne référendaire pour une option donnée aient la possibilité soit de s'inscrire directement au comité national soutenant la même option, soit de s'y affilier.

Je m'inspire toujours de ce résumé-là. La loi prévoit également le financement des comités nationaux et limite leurs dépenses et celles des groupes affiliés. Les dispositions qui sont contestées par M. Libman portent sur les dépenses possibles pendant une campagne référendaire, les articles qui établissent le principe des dépenses réglementées aussi. Ces dépenses englobent le coût de tout bien ou service qui favorise ou défavorise, directement ou indirectement, une option qui est soumise à la consultation populaire. Donc, qu'on pense ici au camp du Oui, au camp du Non, lors d'un référendum.

Dans ce cas-ci, il s'agissait du référendum sur l'accord de Charlottetown. M. Libman souhaitait voter non. Toutefois, il ne voulait pas se retrouver sous ce qu'on appelle le «parapluie» du Parti québécois. Il voulait évidemment pouvoir réclamer certaines dépenses, voulait réclamer des montants d'argent du parapluie du Non, à l'époque. La même chose s'est produite, on se rappellera, lors du référendum de 1995 sur la souveraineté du Québec. Donc, le jugement est tombé à l'automne dernier, et le jugement a donné en partie raison à M. Libman.

Vous me permettrez de vous rappeler que, pour donner suite à ces amendements-là, le ministre responsable de la Loi électorale a dû déposer un projet de loi. Il est vrai qu'il aurait pu recourir à la clause «nonobstant»; il en a parlé. Il a fait le choix, je pense, très sagement, de ne pas recourir à la clause «nonobstant», qui était notre recommandation, et d'appliquer, finalement, dans la loi, des éléments qu'on retrouvait dans les propositions ou dans le jugement de la Cour suprême.

Donc, les modifications que nous retrouvons dans le projet de loi, ça concerne évidemment les interventions de ce qu'on appelle les tiers lors d'une consultation populaire. Il s'agit donc d'apporter des modifications à la fois à la Loi sur la consultation populaire, à la Loi électorale et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités aussi qui sont touchées en y introduisant une section sur les intervenants particuliers.

En période électorale, ce qu'on prévoit, c'est que ces intervenants particuliers là, qui sont des individus ou des groupes d'individus, auront le droit de dépenser jusqu'à 300 $ pour prôner l'abstention ou l'annulation du vote de même que pour se prononcer sur un sujet d'intérêt public ou pour obtenir un appui à une telle opinion. Ça, c'est en période électorale.

En période référendaire, maintenant, ces intervenants particuliers, en plus d'être des individus ou des groupes d'individus, qui s'abstiendront – bien qui s'abstiendront, je vais m'expliquer, là: qui ne voudront pas faire partie ni d'un chapeau, ni de l'autre – pourront être constitués d'individus et non pas de groupes d'individus. C'est très important. Je pense que le consensus là-dessus a été important. Il ne faut pas se retrouver dans une situation où on aurait pu avoir un groupe d'individus qui, chacun, réclame un montant d'argent et qui, pour toutes sortes de raisons, ne le dépense pas, faisant gonfler finalement les montants d'argent auxquels auraient eu droit les partis politiques.

Donc, en période référendaire, ces intervenants particuliers, en plus d'être des individus ou des groupes d'individus, peuvent être constitués d'individus qui sont dans l'impossibilité de s'affilier ou de s'associer à l'un des deux comités nationaux, même s'ils favorisent l'une ou l'autre des deux options. Le montant maximal des dépenses pour les intervenants particuliers en période référendaire est de 1 000 $. Les intervenants particuliers doivent obtenir une autorisation du Directeur général des élections, s'engager à produire un rapport de dépenses et ne pas mettre en commun des sommes qu'ils sont autorisés à dépenser. M. le Président, je pense que ça, ç'a rencontré effectivement un consensus. On sait qu'il y a eu un comité consultatif qui a siégé en 1997, fin 1997 et jusqu'à tout récemment, et ça, ce sont des éléments qui ont fait parti du consensus.

On retrouve dans le projet de loi d'autres éléments qui ont fait l'objet d'un consensus entre les partis. Vous me permettrez d'en nommer quelques-uns. Je pense que c'est important, parce que, quand on parle d'un consensus, ça veut dire que les deux grandes formations politiques... et j'inclurais ici l'ADQ qui faisait partie du comité. Donc, on prend pour acquis, tout le monde, que ces gens-là étaient d'accord avec ce que je vais vous mentionner.

Donc, depuis 1996, il y a eu des discussions au sein du comité. Le fruit de ces discussions-là se retrouve dans le projet de loi: l'abolition de l'obligation de tenir une élection partielle lorsqu'une vacance survient dans la dernière année du mandat; modification des heures d'ouverture des bureaux de révision; élargissement de la clientèle qui est admissible aux choix de l'article 3; avis aux électeurs des décisions des commissions de révision; révision des décisions d'une commission de révision; permettre la radiation fondée sur le décès lors de la révision spéciale; vérification des signatures d'appui d'une déclaration de candidature; commission de révision nationale pour les électeurs hors Québec; certificat de transport pour les personnes handicapées; assistance pour voter; adoption du bulletin de vote de type belge; affichage en campagne électorale; conditions d'autorisation des partis politiques; prévoir que le coût d'un repas servi lors d'une activité politique en période électorale n'est pas considéré ou ne sera pas considéré comme une dépense électorale; et l'inscription automatique des jeunes de 18 ans et des néo-Canadiens.

D'autres sujets n'ont pas tout à fait rencontré l'objet de consensus, donc ne se retrouvent pas dans ce projet de loi là. J'ai entendu, M. le Président, le député de Joliette et ministre responsable de la Loi électorale – et je pense le citer textuellement, j'ai eu le temps de l'écrire – dire ceci: «L'objectif principal de ce projet de loi là est de garantir le droit de vote au bon individu à la bonne adresse.» Je pense que tout le monde souscrit à ça. Il n'y a personne qui va, en cette Chambre, venir dire qu'on est contre une telle affirmation. Je pense que c'est à la base, finalement, de notre processus démocratique. Puis il est vrai qu'on est chanceux de vivre dans un pays où on a des lois qui protègent les citoyens et qui leur permettent de pouvoir exercer leur droit de vote.

J'aimerais, par contre, dire au ministre que, moi, j'ai quelques craintes. Ces craintes-là, je les ai pas juste pour moi, je les ai pour les électeurs que je représente. Et je suis convaincue que, au sein de la députation du Parti québécois, ces craintes-là se sont exprimées, parce qu'on représente le même monde, on représente les citoyens et les citoyennes du Québec.

S'il y a eu certaines réticences ou certaines questions qui ont été soulevées en regard de l'identification de l'électeur, je pense que ça touche davantage les personnes âgées. Le ministre a fait une mise au point tout à l'heure, je l'en remercie. Moi, je pense qu'il y aura quand même quelques problèmes, il l'a dit lui-même. Il a même dit que, si quelqu'un se faisait voler sa carte ou si le feu prenait dans la maison puis qu'il était incapable de retrouver sa carte, cette personne-là aurait le droit de vote – c'est clair – mais aurait bien de la misère à aller voter. Il a dit: Ça va être très compliqué.

(16 heures)

Moi, je ne pense pas qu'il faille partir du principe que ça va être compliqué. Moi, je demande au ministre de trouver un moyen pour permettre à ces gens-là de l'exprimer le plus facilement, leur droit de vote. Puis ce qui m'inquiète, c'est encore les personnes plus âgées. Que les personnes plus âgées n'aient pas leur photo sur leur carte d'assurance-maladie, je veux bien, c'est vrai, elles ne sont pas obligés de l'avoir. Mais ce n'est pas tout le monde qui a encore un permis de conduire à 75 ans. Ce n'est pas tout le monde qui a un passeport. Cette génération-là, elle n'a pas toute voyagé comme notre génération voyage. Ça, c'est un fait de la vie. Ce n'est pas une expression de notre côté, de dire: Bien, écoutez, on ne veut pas qu'il y ait une carte d'électeur ou on ne veut pas qu'il y ait une carte, qu'on exige une carte d'identification. S'il faut exiger une carte, bien, soit, qu'on l'exige, mais qu'on ne rende pas ça tellement compliqué que les gens soient à ce point nerveux pour aller voter que ça devienne... Au lieu de devenir un droit qu'on a hâte d'exercer, bien, il ne faudrait pas que ça devienne une contrainte puis un exercice que les gens ne voudront même pas vouloir exercer.

Donc, au niveau de la carte, combien de gens se promènent à 78 ans puis à 80 ans avec des cartes avec photo, un passeport? Puis l'article 61, c'est vrai qu'il est clair, dans le projet de loi. Il dit: «L'électeur doit en outre s'identifier en présentant, malgré toute disposition inconciliable, sa carte d'assurance-maladie du Québec, son permis de conduire du Québec, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne.» Bien, moi, je ne suis pas sûre que ma mère a tout ça, elle. En tout cas, si elle ne l'a pas, je vais m'arranger pour qu'elle l'ait, parce que, je vais vous dire franchement, s'il faut qu'elle arrive pour aller voter puis qu'elle ait oublié sa carte d'assurance-maladie ou qu'elle n'ait pas une de ces cartes-là en main – je comprends qu'il y en a quatre qu'elle peut utiliser – je voudrais bien savoir quelle sera la mécanique pour lui permettre de voter. Or, voter, c'est un privilège, c'est sûr, mais c'est un droit qu'on a comme citoyens et citoyennes canadiens. Alors, moi, j'ai un peu de misère. J'aimerais que le ministre trouve une solution avec l'opposition pour voir de quelle façon on peut en arriver à s'assurer que ce ne soit pas compliqué de voter.

L'autre crainte que j'ai, puis ça, là, je dois vous dire, M. le Président, qu'on l'a vu venir. J'ai fait partie de la commission parlementaire qui a revu toute la Loi électorale, en 1995, en prévision du référendum, puis qui a revu toute la mécanique, qui a mis en place les listes électorales permanentes. Et on avait, c'est vrai, questionné. On voulait s'assurer que les gens puissent avoir le droit de vote. Mais, «pour pouvoir – et je cite toujours le ministre – garantir le droit de vote au bon individu à la bonne adresse, il faudrait d'abord que son nom soit sur la liste».

Et, quand on me dit que tout va bien dans les listes électorales scolaires, je vous mets au défi d'appeler les gens qui sont en processus de se faire élire dans deux semaines, le 14, puis vous allez en entendre de toutes les couleurs. Des gens que ça fait 35 ans qu'ils habitent dans leur maison, leur nom n'est pas sur la liste. Puis pas juste une personne, pas seulement dans Jean-Talon; il y en a partout. Puis on veut nous faire croire à nous que ce qu'on cherche ici, en cette Chambre, c'est de s'assurer, et uniquement ça, s'assurer qu'on va garantir au citoyen qu'il va non seulement avoir le droit de vote, mais que son nom va être sur la liste puis qu'il va pouvoir être celui qui est à la bonne adresse, qu'il va pouvoir se présenter pour aller voter... C'est un peu compliqué, ce que je viens de dire là, mais je me répète: Si on veut garantir le droit de vote au bon individu, à la bonne adresse, il faut que son nom soit sur la liste. Puis j'implore, M. le Président, le ministre responsable de la Réforme électorale, responsable de s'assurer que les listes permanentes qui sont utilisées autant au niveau municipal, autant au niveau scolaire... Puis il le sait, c'est ce que j'ai défendu à chaque fois que je suis intervenue en janvier 1995, quand on a commencé à parler de la réforme électorale. Bien, il y a encore du monde qui ne sont pas sur les listes.

On a vécu des élections municipales à l'automne dernier. Moi, j'ai parlé avec des greffiers. Ça ne me tente pas de me faire dire, moi, qu'il y a 3 000 personnes qui ne sont pas sur une liste, en quelque part, puis 7 000 personnes qui ne sont pas sur une liste. Ça ne me tente pas de me faire dire que, parce qu'un couple qui est âgé – parce que c'est là que ça arrive souvent – qui doit se séparer, l'un des deux est malade, s'en va vivre dans une maison d'hébergement... Ce n'est pas drôle, une situation comme celle-là. Le conjoint ou la conjointe est appelé à aller voter dans la même municipalité où il a voté pendant 15 ans, ou 20 ans, ou 30 ans. Bien, ils ont déménagé le conjoint ou la conjointe dans une circonscription voisine ou dans la ville voisine. Il y a quelque chose qui ne marche pas, là. Bon.

Alors, si on veut s'assurer que tout le monde est sur la liste électorale, on «peut-u» mettre en place, s'il vous plaît, des mécanismes pour que tous les gens se retrouvent sur la liste électorale, qu'ils aient 18 ans, qu'ils aient 25 ans, qu'ils en aient 50, qu'ils en aient 60, qu'ils en aient 85 ou qu'ils en aient 95? Moi, je pense que c'est ça, fondamentalement, ce qu'on défend, tout le monde ici, c'est l'expression la plus fondamentale. C'est notre droit de vote, notre droit de choisir les hommes et les femmes qui vont gouverner puis qui vont nous élire pour venir gouverner ici.

M. le Président, je sais qu'il y aura, en commission parlementaire, des ajustements à faire. Alors, je pense que les deux formations politiques vont travailler à harmoniser, en fait, certains différends et surtout à s'assurer que tous les hommes, que toutes les femmes, qu'ils soient jeunes ou moins jeunes, l'aient, ce droit de vote là. Nous, on s'en va en élection, là. C'est important, on s'en va en élection d'ici un an. Bien, moi, je ne voudrais pas qu'on vive ce qu'ont vécu des candidats et des candidates au niveau municipal et ce que vivront, dans les 13 jours ou 12 jours qui viennent, des candidats et des candidates qui se présentent de bonne foi aux élections scolaires, qui veulent travailler à l'amélioration du sort de leurs concitoyens et de leurs concitoyennes puis qui se retrouvent à aller demander le support de ces gens-là, si les gens ne sont pas sur la liste. Puis le délai est très, très court, là. C'est dans 12 jours, les élections.

Alors, M. le Président, je fais appel au bon sens, au bon jugement du ministre pour qu'il puisse s'assurer que ce projet de loi là ne sera pas voté dans un bâillon. On sait que c'est arrivé en 1995, à la session du printemps 1995. Historiquement, lorsqu'on touche à la Loi électorale, on touche à quelque chose de très important ici, au Québec, et de passer ça dans un bâillon, à mon point de vue, serait absolument et totalement inacceptable. C'est donner une image qu'on n'est pas capables, finalement, de s'entendre sur ce qu'il y a de plus fondamental, c'est-à-dire l'exercice de notre droit de vote. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Nous allons maintenant céder la parole au député de Montmagny-L'Islet. M. le député.


M. Réal Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Toujours dans le cadre de la loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives, comme plusieurs ici, en cette Chambre, l'ont déjà mentionné, c'est une loi qui est devenue nécessaire. En fait, c'est une suite à donner au jugement de la Cour suprême qui avait indiqué au gouvernement du Québec, à l'Assemblée nationale et au ministre responsable de la Loi électorale que nous avions avantage... que nous devions forcément modifier la Loi électorale pour en arriver à permettre à certaines personnes d'exercer leur droit, leur libre choix de faire partie d'un groupe ou d'un autre, d'une part. Ça a été détaillé par plusieurs d'entre nous.

C'est un projet de loi qui permet à un électeur, comme je vous le mentionnais, M. le Président, de se reconnaître ou d'être reconnu au sein d'un groupe, s'il n'a pas choisi de faire partie d'un groupe majoritaire, soit le chapeau du Oui ou du Non, de pouvoir personnellement, comme individu ou comme regroupement d'individus, défendre la même cause, de pouvoir y investir de l'argent sur la publicité pour faire connaître son option, sa position. Donc, la Cour suprême a été très claire, elle a statué.

(16 h 10)

Le ministre responsable, à ce moment-là, comme d'autres ministres du gouvernement du Parti québécois, avait eu une réaction. M. le ministre, député de Joliette, l'a admis lui-même il y a quelques minutes, il avait eu une réaction assez sévère à l'égard du jugement de la Cour suprême, mais c'est de là qu'on a vu l'importance de prendre, comme ministre, ou député, ou autres décideurs ici, au Québec, quelques heures de réflexion. L'opposition a collaboré à permettre, je pense que le ministre est en mesure de l'admettre, et on doit le dire, au ministre responsable de pouvoir mieux comprendre la portée du jugement, qu'il y avait moyen de corriger cette situation-là sans nécessairement avoir recours à la clause «nonobstant», d'une part, et d'en profiter pour revoir la Loi électorale. Et la première réaction du ministre avait été de présenter une loi qui ne répondait pas, mais ne répondait pas du tout à ce que souhaitaient l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Ils l'ont mentionné sur des tribunes, sur des lettres ouvertes ou des tribunes publiques, d'une part.

Donc, l'opposition a collaboré et a participé, j'oserais même dire, à faire réfléchir le ministre et ses collaborateurs pour avoir une loi qui répondait davantage et qui sécurisait l'électeur, d'une part, une loi qui viendrait corriger ce qu'avait relevé la Cour suprême, permettre à certains électeurs, comme on le mentionnait, de ne pas nécessairement être obligés de faire partie d'un groupe organisé et de pouvoir individuellement défendre leur point de loi, d'une part.

D'autre part, un projet de loi qui se ferait avec le consensus de l'Assemblée nationale. On a une histoire, ici, au Québec, M. le Président, et c'est historique, et on doit continuer à sauvegarder cette règle de base des parlementaires, ici, à l'Assemblée nationale. Quand on touche à la Loi électorale, on doit trouver un moyen pour s'entendre pour que les partis d'opposition et le gouvernement s'entendent pour le mieux-être, je dirais, pour la meilleure liberté et pour les droits de chacun de nos électeurs de chacune de nos régions.

Si je prends la parole ici aujourd'hui, M. le Président, c'est surtout pour réagir et exprimer ma profonde volonté de jouer mon rôle ici, à l'Assemblée nationale, pour m'assurer que les électeurs de Montmagny-L'Islet aient tous les droits à l'occasion d'un événement, soit une élection scolaire, soit une élection municipale, soit un référendum dans chacun de nos milieux ou un référendum au niveau national, ou soit à l'occasion d'une élection au niveau de toute la province pour choisir les députés à l'Assemblée nationale, que ces individus, électeurs, électrices, aient une facilité d'aller exprimer leur choix. Et, quand je dis «une facilité», M. le Président, il s'agit de voir la réaction de certains électeurs quand vous leur demandez de s'assurer d'aller, le jour d'un scrutin donné, exprimer leur choix. Ils ont toujours cette réserve sur les difficultés qu'ils peuvent rencontrer, parce qu'ils ne sont pas nécessairement familiers avec tout ce processus, d'abord à se faire reconnaître et identifier, que ce soit par la personne qui a le contrôle de la sécurité dans un lieu de vote, d'une part, ou que ce soit les officiers responsables dans un poll.

Donc, le débat s'est fait, M. le Président, autour de l'identification, dans un deuxième temps, de l'individu. Quels moyens doit-on prendre pour clairement identifier un électeur, soit par une carte d'électeur – et ça, le ministre l'a mentionné et d'autres collègues l'ont mentionné – ou soit reconnaître certaines cartes déjà existantes d'identification, comme on le mentionne à l'article 61 qu'a relaté le ministre. Donc, c'est important de le préciser, l'électeur va pouvoir se présenter au scrutin, de par la loi, avec une carte d'identification qui est définie ici.

Mais, ma collègue de Jean-Talon vient juste de le relater et je me permets d'ajouter, il va falloir aussi s'assurer que les instructions à l'avenir – comme ça aurait dû toujours l'être et que ça a été fait de bonne foi... qu'à l'avenir les officiers responsables de chacun des polls aient toute l'information nécessaire et la mise en garde nécessaire pour faciliter à la personne qui se présente dans un poll, qui s'identifie, son droit à aller faire un choix, c'est-à-dire aller voter. Ce que je veux dire par là, M. le Président, c'est de ne pas exagérer, ne pas démontrer de zèle exagéré pour tenter de faire identifier hors de tout doute l'électeur. Et ça, c'est toujours laissé à la discrétion des officiers, mais il va falloir le répéter en commission parlementaire. Nous, de l'opposition, face au ministre, il va falloir aussi lui rappeler aussi souvent que nécessaire pour faire clarifier la loi et qu'elle soit facile à comprendre pour l'électeur et facile à comprendre pour les officiers qui vont avoir à exercer ce rôle-là, c'est-à-dire mener à bien la journée du vote dans chacun des polls, d'une part.

Donc, M. le Président, je pense que nous avons tous une responsabilité ici, à l'Assemblée nationale, comme députés élus, soit celle de représenter nos électeurs au niveau de la législation. Mais je pense qu'elle est d'autant plus importante à l'occasion d'une loi qui vient modifier d'une façon ou d'une autre la Loi électorale. Aujourd'hui, elle le fait. Je pense qu'elle touche plusieurs points, dont un, entre autres celui que j'ai mentionné. Le deuxième est au niveau d'identifier, pour permettre à un individu de s'identifier facilement. On l'a mentionné.

Et c'est tout notre système démocratique, M. le Président, qui est en cause, pour la simple raison que – vous voyez, si on reprend l'expérience qu'ont connue certaines régions au niveau des élections scolaires, par exemple, comme on va vivre dans quelques semaines – le taux de participation est très peu élevé. Et je dois vous dire que, dans certains cas, ça sert très mal la démocratie. Ça sert très mal la démocratie dans ce sens que ce n'est pas un événement qui est connu, médiatisé, comme je pourrais dire, par le bouche à oreille. Dans chacune de nos petites communautés, les gens, d'un commun accord, conviennent qu'il y aura un événement dans quelques jours pour choisir un représentant soit à la commission scolaire, soit au niveau municipal, et que ça permettra à cette communauté-là de comprendre et de bien évaluer l'enjeu, donc de faciliter, de permettre au plus grand nombre d'individus possible d'aller exercer leur droit. Il faut être capable de démontrer sur la place publique, M. le Président – et chacun d'entre nous, on a la responsabilité de le faire – que la modification apportée à la Loi électorale va avoir suffisamment de souplesse pour que les gens soient à l'aise d'aller exercer leur droit de vote, que les gens soient à l'aise d'y aller, l'exercer, et leurs proches également.

On a fait souvent appel aux personnes âgées, qui ont parfois certaines réserves, à cause de leur santé, d'abord. Elles sont moins impliquées dans leur milieu, les personnes plus âgées qui sont depuis quelques années à la retraite, et elles ne sentent pas le besoin nécessairement d'aller exprimer leur vote. Donc, c'est leurs proches qui ont normalement la responsabilité de les inviter à le faire et à leur expliquer que le processus va être souple, simple et qu'elles ne vivront pas de frustrations comme on a décrit aux dernières élections, surtout au dernier référendum, de 1995, où nos électeurs et électrices ont vécu des frustrations, et j'ajoute à nouveau, parfois à cause du zèle de certains officiers dans les bureaux de scrutin. Et ça, c'est humain, on ne peut pas garantir à personne que ça ne se reproduira pas de part et d'autre, mais il va falloir s'assurer que les gens ont bien compris, que les officiers ont bien compris leur responsabilité qui est celle de faciliter aux électeurs la capacité d'exprimer leur droit de vote.

M. le Président, je pense qu'on a touché deux points importants. Il y en aura d'autres. On prévoit aussi qu'un député indépendant devra obtenir l'autorisation lui permettant de solliciter et de recueillir des contributions. Je pense que ça vient clarifier un point qui n'était peut-être pas considéré comme un problème majeur, mais ça vient clarifier un point... que certains députés indépendants seront probablement très fiers, à un moment donné, de se voir reconnaître dans la loi, la possibilité d'aller recueillir des contributions dans des situations particulières.

(16 h 20)

Il y a un autre point. C'est un passage, je pense, qui va sauver, qui va éviter des dépenses qui pourraient être considérées, dans certains cas, comme inutiles, des dépenses qui permettent à un gouvernement, qui n'est pas tenu de prendre un décret pour ordonner une élection partielle dans les derniers mois d'un mandat, sachant qu'il y aura une élection à court terme... Je pense que le chef du gouvernement va avoir la possibilité de reporter de quelques mois une partielle, sachant qu'il y a une élection générale qui s'en vient, et c'est peut-être une situation qu'on aura à vivre dans les prochains mois.

La nouvelle disposition a introduit aussi, comme je viens de parler, le déroulement du scrutin lui-même. Je pense qu'on va clarifier certaines situations à l'occasion d'un déroulement du scrutin, de façon générale. M. le Président, je pense que d'autres de mes collègues vont probablement avoir la chance de l'exprimer. Je le dis à nouveau et il y en a qui l'on fait dans cette Chambre, nous avons tous la responsabilité de participer, de suivre de près le débat en commission parlementaire, l'étude article par article de ce projet de loi pour nous assurer que tout ce que nous avons connu comme irritants à l'occasion des dernières élections, ce qu'on va relever à l'occasion des élections scolaires du 14 juin prochain, d'une part, et les commentaires qui nous sont faits, ce que nous avons connu, comme je vous l'ai déjà mentionné, au dernier référendum et ce que d'autres ont connu comme expériences dans chacun de leur milieu... de pouvoir le relever ici, en commission parlementaire, et de trouver des moyens, à cette commission, de corriger ces situations-là pour faire en sorte que cette Loi électorale là, une fois adoptée, s'il y a lieu de l'adopter à cette session-ci, reflète assez bien les inquiétudes qu'avaient soit les députés du côté de l'opposition, soit ceux du gouvernement qui ont eu la chance de l'exprimer par le biais du ministre responsable, d'une part, et que ça se fasse autant que possible par consensus, qu'on évite...

Et, si on le fait, comme on l'a mentionné souvent, par consensus, s'entendre pour pouvoir faire bénéficier chacun de nos électeurs d'une facilité d'exprimer son droit de vote, bien, on en sera tous gagnants. On en sera tous fiers, et, dans le futur, la population québécoise, nos électeurs et électrices, quand des députés à l'Assemblée nationale se pencheront sur un projet de loi pour réformer une loi électorale parce que ça sera devenu nécessaire à cause de certains événements ou des circonstances, bien, ils feront confiance aux élus ici, à l'Assemblée nationale, pour donner probablement une loi la mieux adaptée et qui corrigera le plus de situations et d'irritants qui auront été exprimés dans le passé.

Donc, M. le Président, je vous remercie de m'avoir entendu, et j'aimais exprimer mon point de vue au nom des électeurs de mon comté. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Montmagny-L'Islet. Nous allons maintenant céder la parole au député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de pouvoir me joindre à mes collègues de ce côté-ci de la Chambre pour le projet de loi n° 450, projet de loi modifiant la loi sur les consultations populaires et d'autres dispositions législatives. Je pense qu'il est important de pouvoir expliquer à ma manière et de résumer le projet de loi n° 450, la loi qui a comme objectif principal de donner suite à un jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, ancien collègue ici, à l'Assemblée nationale, de 1989 à 1994. Il vise aussi à inclure dans notre Loi électorale certains consensus établis entre les trois formations politiques représentées à l'Assemblée nationale au cours des discussions qui ont eu lieu depuis 1996 au sein du Comité consultatif. Enfin, il a pour objectif de donner suite aux autres sujets abordés dans le rapport Côté et la commission parlementaire d'avril 1998.

Concernant les suites à donner au jugement de la Cour suprême, le projet de loi introduit dans nos lois électorales une section sur les intervenants particuliers qui permet à des individus ou à des groupes d'individus de participer au débat pour un maximum de 1 000 $ en campagne référendaire et de 300 $ en campagne électorale. Le projet ne comporte pas de clause dérogatoire. Il s'agit d'un recul pour le gouvernement, qui adopte finalement la position libérale, mais d'une victoire, M. le Président, pour la démocratie, et dont je suis sûr que vous êtes complètement d'accord avec, vous connaissant comme un grand démocrate.

Concernant les autres sujets abordés par le projet de loi, ils concernent pour la plupart des consensus établis entre les trois formations politiques. Cependant, l'identification obligatoire des électeurs ne correspond pas tout à fait à la position défendue jusqu'à maintenant par nous, de ce côté-ci de la Chambre. La disposition pénale soulève un questionnement quant aux objectifs poursuivis. Les critères de remboursement des candidats soulèvent aussi un questionnement quant à l'objectif poursuivi.

Comme je vous le disais tantôt, M. le Président, le projet de loi n° 450 a pour objectif principal de donner suite au jugement de la Cour suprême. Il vise aussi à inclure les consensus des trois partis. Très important. La clause dérogatoire suite à la Cour suprême. Malgré l'avis exprimé par le député de Joliette tout récemment en commission parlementaire, en avril 1998, ce projet de loi ne comporte pas de clause nonobstant. Il s'agit d'un recul du gouvernement péquiste, mais d'une victoire pour la démocratie. L'opposition officielle peut humblement se féliciter de voir que le calme et la réflexion ont permis au gouvernement péquiste de voir plus clair et de finalement adopter la position du Parti libéral du Québec.

Les modifications, M. le Président, concernant l'intervention des tiers. Afin de se conformer au jugement de la Cour suprême, le projet de loi apporte des modifications à la Loi sur la consultation populaire, la Loi électorale et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités en y introduisant une section sur les intervenants particuliers.

En période électorale, ces intervenants particuliers, qui sont des individus ou des groupes d'individus, ont le droit de dépenser jusqu'à 300 $ pour prôner l'abstention ou l'annulation du vote, de même que pour se prononcer sur un sujet d'intérêt public ou obtenir un appui à une telle opinion.

En période référendaire, M. le Président, ces intervenants particuliers, en plus d'être des individus ou des groupes d'individus qui peuvent être absents dans le débat, peuvent être constitués d'individus, et non de groupes, qui sont dans l'impossibilité de s'affilier ou de s'associer à l'un des deux comités nationaux, même s'ils favorisent l'une des deux options. Le montant maximal de dépenses pour les intervenants particuliers en période référendaire est de 1 000 $. Les intervenants particuliers doivent obtenir une autorisation du DGE, s'engager à produire un rapport de dépenses et ne pas mettre en commun des sommes qu'ils sont autorisés à dépenser.

En période référendaire, M. le Président, un mécanisme de rééquilibrage est prévu, lequel fait en sorte que le comité national qui représente l'option en faveur de laquelle le moins grand nombre d'intervenants particuliers non affiliés... voit le plafond des dépenses qu'ils peuvent engager augmenter de 50 % de la différence des dépenses que sont autorisés à faire les électeurs non affiliés favorables à une option, par rapport à l'autre.

Concernant le mécanisme de rééquilibrage, notons que c'est le Parti libéral du Québec et le Directeur général des élections qui ont proposé l'introduction de cette mesure lors d'une commission parlementaire d'avril 1998. Cependant, lors de cette réunion subséquente du Comité consultatif, certains ont fait valoir que ce mécanisme pourrait avoir un effet pervers. Par exemple, un certain nombre de faux noms affiliés pourraient demander des autorisations pour engager 1 000 $ chacun en faveur du Non, alors qu'en réalité ils ne dépenseraient pas les sommes qu'ils auraient reçu l'autorisation d'engager, ce qui ferait artificiellement augmenter le plafond du comité du Oui de 500 $ pour chacune de ces personnes.

Cette réflexion a amené le représentant libéral à recommander, M. le Président, compte tenu qu'il n'y a pas lieu de croire qu'un référendum surviendrait dans un avenir prévisible, de ne pas inclure ce mécanisme de rééquilibrage dans la loi, laissant ainsi plus de temps pour trouver une nouvelle solution.

(16 h 30)

Concernant la possibilité pour un individu ou un groupe d'individus qui ne peut être une personne morale de dépenser 300 $ pour faire valoir une opinion sur un sujet d'intérêt public ou obtenir un appui quant à cette opinion, il faut aussi noter un éventuel effet pervers. Ainsi, une organisation politique pourrait susciter des demandes d'autorisation par des intervenants particuliers de ce type qui, à défaut de favoriser directement un candidat ou un parti, pourraient favoriser indirectement un candidat ou un parti. C'est le cas, par exemple, d'une publicité négative sur un sujet d'intérêt public qui serait un enjeu électoral.

Il n'y a pas seulement eu, comment je dirais, entre les gens du Comité consultatif ou les partis politiques... il y a eu des objets de consensus entre les partis, et j'aimerais vous les mentionner. Je pense qu'il est important que les gens qui nous écoutent en ce moment puissent comprendre qu'il y a eu des résultats dans toutes ces discussions-là au sein du Comité consultatif.

Depuis 1996, les discussions au sein de ce comité ont permis d'en arriver à un certain nombre de consensus, lesquels sont traduits en forme juridique dans le projet de loi n° 450. Ces consensus concernent l'abolition de l'obligation de tenir une élection partielle lorsque la vacance suit dans la dernière année du mandat – et mon collègue de Montmagny tantôt l'a mentionné; modification des heures d'ouverture des bureaux de révision; élargissement de la clientèle admissible au choix de l'article 3; avis aux électeurs des décisions des commissions de révision; révision des décisions d'une commission, aussi, de révision; permettre la radiation fondée sur le décès lors d'une révision spéciale.

M. le Président, je pourrais continuer encore plusieurs autres items: l'affichage en campagne électorale; conditions d'autorisation des partis politiques; inscription automatique des jeunes de 18 ans et des méo-Canadiens. À cette liste, il faut ajouter un certain nombre de sujets nouvellement proposés par le ministre lors de la réunion du Comité consultatif du 6 mai 1998 et que les représentants du Parti libéral du Québec jugeaient, à première vue, acceptables: autorisation des candidats et des députés indépendants; nomination du président de commission de révision; exception à l'avis de convocation d'une commission de révision; exemption à l'établissement d'un seul bureau de vote pour une section de moins de 50 électeurs.

En 1997, la question des critères de remboursement des dépenses électorales fut discutée par le Comité consultatif de même que par un sous-comité technique. Les trois formations politiques ont pu en arriver à un consensus quant à l'imposition d'un seuil minimal de 1 % des votes valides pour accorder un remboursement aux partis politiques. Par ailleurs, bien que le sous-comité technique ait établi un consensus, le Comité consultatif n'a pas réussi à en arriver à un consensus concernant la proposition de l'Action démocratique du Québec d'abaisser de 20 % à 10 % le seuil exigé aux candidats pour avoir droit à un remboursement.

Commentaires, M. le Président. Si une telle modification avait été en vigueur au moment de l'élection, en 1994, seuls le Parti québécois et l'ADQ auraient pu en retirer un avantage; ainsi, en 1994, 32 candidats adéquistes, 6 candidats péquistes, 2 candidats indépendants et 0 candidat libéral avaient obtenu plus de 10 % mais moins de 20 % des votes valides. Toujours en fonction de l'élection de 1994, cette mesure aurait pu engendrer potentiellement un coût supplémentaire pour l'État, supérieur de 800 000 $.

Identification des électeurs. Je pense que, suite au rapport Côté qui recommandait au moment du scrutin que les électeurs aient obligatoirement à s'identifier au moyen de la carte d'assurance-maladie, la carte de citoyenneté ou le passeport, j'aimerais vous lire intégralement la lettre du Protecteur du citoyen. Je pense que c'est intéressant à rajouter dans ce débat sur le projet de loi n° 450. La lettre est adressée à M. Marcel Landry, commission des institutions, Secrétariat des commissions, Québec.

«L'identification des électeurs.

«Monsieur, j'ai pris connaissance des propositions du récent rapport de M. Pierre-F. Côté concernant notamment l'identification de l'électeur lors d'un scrutin. Il y suggère que l'instauration d'un moyen additionnel, tel qu'une carte d'identité de l'électeur, apporterait une valeur ajoutée à l'intégrité de notre système électoral. Mais, en cela fidèle à ses propos lors de la consultation publique sur les cartes d'identité, en mars 1997, l'ex-Directeur général des élections ne fait pas de l'instauration d'une telle carte une recommandation formelle. Sa première recommandation porte plutôt sur le droit d'exiger de tout électeur la présentation d'une carte d'identité avant qu'un bulletin de vote ne lui soit remis. Afin d'éviter la supposition de personne, il lui apparaît nécessaire de procéder à une identification visuelle de l'électeur. Sa seconde recommandation est à l'effet de permettre au scrutateur d'exiger alors soit la carte d'assurance-maladie, soit le permis de conduire, soit le passeport canadien.

«Je conçois bien que la crédibilité du processus électoral repose largement sur la possibilité d'identifier valablement la personne qui veut exercer son droit de vote, qui, faut-il le rappeler, est un droit affirmé par nos chartes des droits et libertés. Donc, je ne crois pas devoir m'opposer au fait que l'on exige une pièce d'identité de tout électeur. D'ailleurs, dans un certain sens, le fait d'exiger de tout le monde élimine tant la crainte de la discrimination que la discrimination elle-même. Procéder à l'assermentation, dans les cas où le scrutateur doute de l'identité d'un électeur, ouvre effectivement la porte à bien des pratiques arbitraires ou qui peuvent le sembler.

«Ceci dit – et je cite toujours le Protecteur du citoyen – je trouve étonnant que votre commission sollicite l'avis de citoyens sur un sujet qui a fait l'objet d'un large débat en 1997 et dont nous attendons toujours les conclusions. En effet, la commission de la culture, qui a présidé la consultation publique sur les cartes d'identité, n'a pas encore remis son rapport. Un certain consensus avait émergé à l'issue de ces auditions, à l'effet qu'il serait souhaitable que le gouvernement émette une carte d'identité aux personnes qui en feraient la demande. Cette proposition visait et vise toujours à permettre aux personnes qui désirent s'identifier autrement qu'à l'aide de la carte d'assurance-maladie ou du permis de conduire de pouvoir le faire. Ainsi que je l'expose dans le mémoire complémentaire que j'ai présenté à cette commission, en septembre 1997, les citoyennes et citoyens de Québec doivent pouvoir s'identifier sans avoir à fournir des informations personnelles non nécessaires et comportant des risques d'utilisation frauduleuse.

«La proposition soumise montre que ce choix doit être donné au plus tôt à l'ensemble de la population du Québec. Dans ce contexte, il me semblerait alors acceptable qu'un scrutateur puisse exiger la présentation de l'une des quatre pièces d'identité suivantes, au choix du citoyen: la carte d'identité facultative émise par le gouvernement du Québec, la carte d'assurance-maladie, le permis de conduire ou le passeport canadien. Il est bien entendu qu'aucune information figurant sur ces pièces ne devrait être colligée; seul devrait pouvoir être noté le fait que la vérification de l'identité a été effectuée sur la base de telle ou telle pièce. Les craintes reliées à l'usage des cartes de services portant des numéros et codes inscrits dans des banques de données donnant elles-mêmes accès à des informations confidentielles seraient ainsi sans objet, sous réserve que le processus garantisse réellement ces conditions sine qua non.

«Les réticences bien légitimes au sujet de la création des conditions propices à la transformation du permis de conduire et de la carte d'assurance-maladie en cartes d'identité auraient aussi moins de raison d'être dans la mesure où une véritable carte d'identité serait disponible. Quant aux cartes de services et au permis de conduire, ils pourraient être utilisés comme moyens d'identification, selon le choix qu'en feraient les titulaires.»

Alors, c'est une lettre datée du mois d'avril 1998 par le Protecteur du citoyen.

(16 h 40)

M. le Président, il me reste peu de temps. Je pense qu'il serait important de signaler que le vote des gens, des particuliers... Hier, on a vécu – et ce n'est pas relié directement à la loi n° 450, M. le Président, aux changements qui ont été faits soit par la loi n° 450 – on n'est pas d'accord sur tous les changements de la loi n° 450, mais, hier on a vécu encore des expériences dans la partielle d'Argenteuil, et nous devons absolument, si possible avant les prochaines élections, parler de la liste électorale. Parler de la liste électorale, pas pour la changer complètement, je pense que les gens commencent à être d'accord, à être habitués. Les commissions scolaires, bientôt, qui seront...

Mais il y a un problème qui se relie avec les noms qui sont sur les listes, les noms qui peuvent être radiés. Si ton voisin ne t'aime pas, et que tu as déménagé juste à un kilomètre de là, et on dit qu'il est parti en dehors du pays, tu peux radier son nom. Alors, c'est des points, comme avec la loi n° 450, qui devraient être discutés soit par les partis politiques, soit par le Comité de la Loi électorale ou de la réforme électorale pour améliorer, pour donner le libre choix aux gens de pouvoir voter n'importe quand, à n'importe quel endroit dans chacun de nos comtés. Il serait très important de pouvoir le défendre et l'améliorer. Je pense que c'est un peu le rôle que nous, comme parlementaires, devons apporter ici, dans cette Chambre.

Pour terminer, M. le Président, il y a quelque chose, et je dois le mentionner, qui m'a frappé vendredi passé. Nous avons ici reçu les gens de l'Eastern Regional Council – c'est une famille de l'Assemblée nationale avec des gens des États-Unis, moi et mon collègue de Groulx qui participons – et le ministre responsable de l'Outaouais et ministre des Affaires internationales – je pense que c'est le bon titre – a mentionné quelque chose et je pense que j'aimerais terminer avec ça, ça m'a quand même fait réfléchir un peu. C'est qu'au dernier référendum 92 % des Québécois ont voté, proche, 92 %, 91 %, 93 %, même, et aucune violence. Comme disait le ministre responsable de l'Outaouais: Aucune violence, 92 %, 50-50 ou, si vous voulez, 49,9 % et 50,1 % pour les bons gars, pour le bon côté. Aucune violence, il faut le faire!

Dans la Loi électorale, il y a eu des problèmes, et on l'a défendu, et ça a été en cour, etc., mais, quand même, c'est tout à l'honneur du peuple, Québécois et Québécoises. Et venant d'un très bon fédéraliste comme moi, on doit féliciter nos Québécois et nos Québécoises qui ont voté, qui ont émis leur opinion, et il n'y a eu aucune violence qui a été faite. D'après moi, il n'y en aura plus, de référendum, mais souhaitons qu'à la prochaine élection, d'ici un an, 92 % ou 93 % des Québécois se prévalent de leur droit de vote pour vraiment que le gouvernement qui devrait être présent soit choisi par tous les Québécois et Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, merci, M. le Président. J'aimerais moi aussi ajouter ma voix au sujet du projet de loi n° 450. Les gens de notre génération, ou ceux qui nous suivent, ou ceux qui ont été avant nous qui sont venus au monde au Québec, on prend pour acquis que la démocratie, c'est quelque chose qui doit fonctionner, que c'est quelque chose qui doit aller bien et que c'est quelque chose où il n'y a pas vraiment de problème. Dans la vraie vie, c'est parce qu'on est dans un régime qui est un peu un modèle pour l'ensemble de l'univers, mais on a à voir comment, à travers le monde, même dans les régimes dits démocratiques, on a toutes sortes de contraintes pour permettre à des individus d'aller voter. Peu de peuples se sont prévalus de mécanismes aussi sérieux, aussi bien organisés.

Il faut se rappeler qu'il n'y a pas si longtemps, sous la fin du règne du M. Duplessis, deux curés, deux prêtres ont écrit ce livre au Québec déplorant toutes ces manigances qu'il y avait dans le mode électoral. On doit admettre que de ce volume sortent un certain nombre de législations, mais souvent on a prétendu que ça avait été la grande oeuvre de René Lévesque. Certains ont prétendu que ça a été de prêcher l'indépendance, d'autres de parler de la langue, mais beaucoup prétendent, au fur et à mesure que les colloques prennent place sur René Lévesque, que la grande oeuvre de René Lévesque a été effectivement de mettre un peu d'ordre dans un système démocratique où tout le monde allait voter, mais c'était peu organisé, finalement, autant au niveau du financement qu'au niveau de la journée du vote ou de l'organisation du vote.

Pourquoi nous sommes réunis avec le projet de loi n° 450? Fondamentalement, un député de l'Assemblée nationale qui s'appelait Robert Libman, qui était le président du Parti Égalité, qui est un architecte de métier, M. Libman a voulu faire démontrer par la Cour suprême que la Charte des droits et libertés n'était pas observée totalement. Ce sont des données fondamentales de la Charte des droits et libertés: le droit de regroupement, le droit d'émettre son opinion, le droit d'écrire, le droit de professer sa religion. Et M. Libman prétendait qu'au moment d'un référendum il n'avait pas le droit de dépenser des sommes d'argent pour faire valoir son point de vue et qu'il avait dû s'associer avec l'un ou l'autre des parapluies avec lesquels, dans un cas où l'autre, il n'était pas d'accord. Or, il est allé en Cour, et, contrairement à ce qu'a dit le député de Joliette le lendemain ou la journée même du jugement... Je pense qu'il était un peu sous l'effet du choc. Quand on fait partie d'une chapelle, souvent on a l'impression qu'on possède la vérité. Et, quand quelqu'un nous dit: Bien, non, même si vous êtes dans cette chapelle-là, vous ne possédez pas la vérité, on a une tendance à se rebiffer.

Mais finalement je pense que le distingué député de Joliette, tranquillement et sagement, aidé par son confrère du grand Lac-Saint-Jean, a commencé à lire ce jugement et s'est aperçu encore une fois que nos pairs de la Cour suprême avaient totalement, totalement erré et avaient bien fait la part des choses entre notre mode électoral propre au Québec et celui de la Charte des droits et libertés qui permet l'association et qui permet l'opinion au moment d'un vote référendaire ou électoral.

Je dois avouer que l'opposition, ici, a très bien joué son rôle, M. le Président. Oui, je le dis avec beaucoup de fierté, notre confrère député de Laurier a très bien aidé le gouvernement à cheminer. Il faut comprendre que le Parti libéral, c'est la plus ancienne formation politique au Québec. Elle en a vu, des référendums; elle en a vu, des élections; elle a toute une expertise pour comprendre ce qui se passe; on a une commission de l'organisation. Ces gens-là, via notre confrère de Laurier, ont aidé le gouvernement d'abord à se dépeinturer dans une position où il s'était opposé au jugement de la Cour suprême, comme si on était souverain, et je rappelle à ce gouvernement que, jusqu'à preuve du contraire, nous sommes Canadiens. Nous en sommes fiers, et la Cour suprême demeure pour nous, fédéralistes, une des très grandes institutions au monde et certainement la plus grande institution au Canada.

Les jugements qui furent rendus par la Cour suprême, on peut les aimer ou ne pas les aimer, mais je pense que, dans tous les cas, on doit les respecter, M. le Président. Or, c'était l'article 2e de la Charte des droits et libertés qui était questionné, et ce que la Cour suprême a dit, finalement, c'est qu'un individu devrait avoir le droit, au moment d'un référendum, de pouvoir débourser 1 000 $ et, au moment d'une élection, de pouvoir débourser jusqu'à 300 $. Il y a peut-être des mécanismes de rééquilibrage que nous devrons faire, et le député de Joliette, responsable de la réforme électorale, s'est montré ouvert à trouver des mécanismes. Et, comme il n'y aura pas de référendum d'ici la prochaine année, je pense qu'on a le temps, même si nous devions passer ce projet de loi là, de trouver des solutions pour rééquilibrer ce 1 000 $. Quand je parle de rééquilibrer, est-ce qu'on peut le regrouper? Alors, il y a un certain nombre de questionnements à faire là-dessus, et, moi, j'invite le gouvernement à prendre son temps – ce sont des gestes importants que nous allons poser là – et à s'assurer que nous posons le bon geste dans le rééquilibrage.

M. le Président, d'autres l'ont dit avant moi et je tiens à le redire, la démocratie se porte bien au Québec, mais, là comme ailleurs, il n'y a jamais rien de parfait. Et la règle d'or, c'est: Pour rendre les choses parfaites, est-ce qu'il faut les rendre plus compliquées? Est-ce qu'il faut les mettre avec plus de règlements, plus de normes ou est-ce qu'on peut rendre meilleurs nos modes électoraux sans pour autant compliquer la vie d'une façon démesurée à l'électeur? Nous dont c'est le métier, nous qui pensons à ça le matin, le midi et le soir, sommes capables de vivre avec toutes ces contraintes-là. L'individu qui, lui, travaille dans une shop, voyage en métro, il ne faut peut-être pas essayer... On veut tellement qu'il vienne voter, on veut tellement le convaincre que c'est son devoir de citoyen, il ne faut peut-être pas non plus lui rendre l'accès à un poll trop compliqué. Combien de fois ai-je vu dans ma carrière...

(16 h 50)

J'ai commencé comme bénévole dans cette formation politique en 1978 avec l'arrivée de M. Ryan, le référendum de 1980 dans lequel j'avais décidé, avec mon épouse et mes enfants, de m'impliquer, j'y croyais vraiment. Ça a été l'amorce d'une carrière politique, devrais-je dire. Et déjà, ce qui m'avait frappé, moi qui étais néophyte totalement à l'organisation, en 1980, c'était de voir ces lignées de monde, de gens qui avaient décidé d'aller poser ce geste tout à fait démocratique. Mais, devant les lignes à n'en plus finir, devant des procédurites à l'intérieur du poll, des gens quittaient. Je ne pourrai jamais vous dire s'ils sont revenus voter ou pas. Ce que je sais, c'est que, si on rend la procédure trop compliquée... Bien sûr, on veut que seulement les gens qui ont le droit de voter votent, on veut que seulement ceux qui ont le bon âge votent, ceux qui ont la bonne citoyenneté, ceux qui ont la bonne adresse, on en est tous, M. le Président.

Mais à titre d'exemple je vais vous donner un comparable. En ce moment, on dit, au Québec: Il faut que ça soit une adresse permanente, etc., etc. Nous avons tous vu les jugements dans les dernières années. On peut peut-être simplifier les choses, M. le Président. La Communauté économique européenne, j'en parle presque dans tous mes discours, c'est un modèle en ce moment de réorganisation de fédérations d'un grand nombre de pays. Alors, là-bas, on va permettre à quelque citoyen qui, depuis trois mois, vivra dans un autre pays, de voter à quelque niveau électoral – municipal, de la Commune, de la commission scolaire s'il y en a une, à la présidence, etc., à la Communauté européenne, parce que, oui, il y a un Parlement, M. le Président. Après trois mois. On a simplifié la procédurite là-bas; Ici, on en est encore à se demander si on vit là depuis tant de semaines, si c'est un chalet, une résidence principale. Bon. Le législateur a voulu que les choses aillent ainsi, et je ne veux pas questionner ça, ce n'est pas l'essence de ce projet de loi là.

Le but de mon propos, M. le Président, c'est que, si on veut que le plus grand nombre de citoyens aillent voter, si on veut que le plus grand nombre de citoyens jeunes aillent voter, ceux qui bougent beaucoup, dans notre société, entre la polyvalente, le cégep, l'université, le chalet des parents, l'été, la blonde la fin de semaine, ces jeunes qui bougent beaucoup, pouvons-nous nous organiser pour leur donner une certaine latitude? La Communauté économique européenne semble avoir trouvé des compromis tout à fait acceptables.

Ici, on demandera la carte, le passeport ou l'assermentation, bien qu'il ne soit fait de demander à des citoyens de s'identifier. D'autre part, l'assermentation est un processus qui est long et qui découlera, ici, du fait que les citoyens devront avoir sur eux des papiers d'identité.

Peut-être vous conter un incident où, il y a quelques semaines, j'étais président d'honneur d'une clinique de don de sang et un individu très connu dans la ville de Magog s'est présenté pour aller donner du sang. Malheureusement, il n'avait pas sa petite carte de la Croix-Rouge. Tout le monde le connaissait, et son père. Alors, on a dit: Non, monsieur, vous ne pouvez pas donner de sang, ça prend absolument une pièce d'identité. Il essayait d'expliquer qu'il avait laissé son auto au garage, tous les papiers étaient dans sa voiture. Alors, le bon monsieur, que tout le monde connaissait dans la petite ville de Magog, a finalement pu donner du sang, mais ç'a été bien compliqué. À un point où il me disait, après: Franchement, là, c'est quasiment plus compliqué que de venir voter.

La conclusion de tout ça, que j'illustre un peu, c'est que cet individu, il a attendu, il a répondu à toutes les questionnaires et finalement – il n'avait aucune pièce d'identité mais tout le monde pouvait l'identifier – il a pu donner du sang.

Je ne voudrais pas que des citoyens plus fragiles que d'autres soient pris dans des dilemmes, dans des procédurites tellement longues, M. le Président. D'abord, qu'il y ait ce «line up», ces gens qui attendent pour voter, et qu'on fasse que des gens qui, pour toutes sortes de raisons, auraient perdu leurs papiers, auraient été volés, les auraient oubliés, que ces gens-là décideraient de tout simplement ne pas venir voter parce que le processus d'assermentation pourrait être long.

Quand on dit que tout va bien dans notre processus démocratique, tout est aussi relatif. J'ai vu de mes yeux vu, au dernier référendum, dans la ville de Stanstead – et à ce jour ces chiffres-là n'ont jamais été contestés – dans un poll, 30 % des votes, surtout anglophones, furent cancellés le soir du décompte, M. le Président. Pire que ça, j'ai vu de mes yeux vu, pendant la journée, cette bonne dame de 92 ans qui demeurait à La Maison blanche, à Stanstead, auprès de qui on insistait pour avoir l'adresse. Cette bonne dame disait qu'elle avait 92 ans, elle donnait son nom et elle disait: Je demeure à La Maison blanche – elle était anglophone. On lui disait: Oui, mais quelle est l'adresse de La Maison blanche? Elle disait: Je ne le sais pas. Quatre-vingt-douze ans. C'est une résidence pour personnes âgées. Elle, elle n'a pas vraiment à la savoir, cette adresse-là.

Alors, les gens du comité du Non l'ont ramenée l'après-midi, la bonne dame, pour qu'elle vote de nouveau – toujours 92 ans, toujours anglophone. Les gens au poll lui ont demandé: Où demeurez-vous? Alors, elle a dit: «I'm living at The White House.» Stanstead, ce n'est pas très grand, c'est 3 000 citoyens. Quelle est l'adresse du White House? «I don't know.» «She didn't know and that was all right.» M. le Président, on a refusé à cette dame de 92 ans, parce qu'elle n'avait pas l'adresse de la résidence de personnes âgées où elle demeurait, un droit inaliénable, celui de voter.

Or, quand on dit que notre processus électoral, il est bon, il est bon, mais il n'est pas parfait parce que les individus ne sont pas parfaits. Aussi longtemps que je serai en politique, j'inviterai les gens qui travaillent avec moi, ou alentour de moi, ou contre moi à essayer, quand on parle de procédures électorales, d'élever les standards le plus haut possible, d'éviter les manigances, d'éviter les crocs-en-jambe et de faire les choses comme les individus les aiment, M. le Président: propres, claires. Les individus, comme les peuples, aiment les choses bien organisées, les choses qui sont propres. Et, quand je vois des choses comme j'ai vu à Stanstead pendant le référendum, j'ai beaucoup de difficultés, surtout quand on le fait à des gens âgés.

Alors, dans ce projet de loi n° 450, il y a un grand nombre de points où les deux formations politiques s'entendent. Et je tiens à souligner encore comment le Parti libéral a aidé, suite au jugement de la Cour suprême, où, du côté du gouvernement, on a un peu répondu avec enthousiasme contre le jugement de la Cour suprême. M. le Président, je pense que ce jugement-là était équilibré. Et la démonstration du fait que le jugement de la Cour suprême était bien équilibré, c'est que même le gouvernement souverainiste est arrivé à l'adapter, entre autres grâce au Parti libéral du Québec, entre autres grâce à l'opposition, à une législation qui, il me semble, rejoint assez bien les préoccupations des citoyens de cette province. Merci infiniment, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Y a-t-il un autre intervenant? M. le député de Bertrand, alors je vous cède la parole.


M. Denis Chalifoux

M. Chalifoux: Merci, M. le Président. Alors, j'aimerais aussi, à mon tour, m'exprimer sur le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, ce projet de loi introduit d'abord dans la Loi électorale de nouvelles dispositions afin de permettre à un électeur ou à un groupe composé majoritairement d'électeurs de faire ou d'engager des dépenses de publicité sans favoriser ni défavoriser directement un candidat ou un parti. Il contient un paquet, aussi, d'autres modalités.

Mais j'aimerais, M. le Président, retenir que le projet de loi modifie la Loi électorale et la Loi sur l'assurance-maladie afin de faciliter l'inscription sur la liste permanente des nouveaux électeurs. À ce chapitre, M. le Président, nous devons concevoir que la carte d'assurance-maladie n'a pas été conçue comme une carte d'identité à des fins électorales. La carte d'assurance-maladie a été instituée afin que les gens puissent avoir des soins de santé de façon relativement gratuite en la présentant.

M. le Président, l'obligation de présenter des cartes d'identité quand on va voter, que ce soit le passeport, que ce soit un permis de conduire, que ce soit une carte d'assurance-maladie, brime, à mon avis, la liberté des gens. Il faut avoir confiance aux gens qui se présentent au bureau de scrutin la journée d'un vote pour venir exprimer leur opinion. Et l'obligation de ces gens-là de se prévaloir de cette identification-là, je pense que ça n'a pas lieu d'être à l'intérieur. Quand les gens sont inscrits sur une liste électorale et qu'ils viennent se présenter pour exercer leur droit de vote, je pense que ces gens-là le font en toute connaissance de cause et en toute légalité.

(17 heures)

J'ai vécu, voilà pas tellement longtemps, M. le Président, une élection dans mon comté de Bertrand, à l'automne dernier. Et puis tous les gens qui étaient sur la liste électorale et qui s'y sont présentés pour exercer ce droit de vote le faisaient en toute connaissance de cause. Il y a des règlements, à mon avis, à l'intérieur de la Loi électorale qui stipulent que, si un électeur dans une circonscription, peu importe où il se situe ou elle se situe, va voter en sachant qu'il peut être dans l'illégalité, à l'intérieur de la Loi électorale, il y a des mécanismes de prévus pour intenter une poursuite envers cet électeur ou cette électrice. Et il y a des amendes qui sont prévues, aussi.

Les radiations, M. le Président. M. le ministre disait tantôt que le droit de vote ne doit pas être attaché au signe de piastre, et j'en conviens très bien. Mais l'exercice du droit de vote ne doit pas être non plus attaché à l'origine du nom. Des radiations, et c'est là que ce projet de loi me semble faible, des radiations, il en existe à tour de bras. Dans le comté de Bertrand, lors de la dernière élection, l'automne passé, il y a eu tout près de 500 demandes de radiation. Curieusement, ces radiations avaient des noms à consonance anglophone, italienne, grecque, ukrainienne. Je vous dirais qu'il n'y avait pas 3 % des demandes de radiation dont le nom avait une consonance francophone.

Il est trop facile pour un tiers de s'adresser au Directeur des élections et de demander une radiation. Il s'agit tout simplement, M. le Président, qu'on habite dans le même poll où on doit voter. Et pour n'importe quelle raison, n'importe quelle raison qu'on peut invoquer – la mortalité, le déménagement, peut-être qu'on a des doutes sur son lieu de résidence permanente – on peut demander qu'une telle personne soit radiée. Ça, c'est apparemment fait sous le serment, sauf qu'il n'y a aucune imputabilité de la personne qui demande cette radiation-là. Elle n'est pas imputable devant la loi. Elle peut nous conter n'importe quel mensonge. Elle peut invoquer n'importe quelle raison. Son imputabilité n'est jamais mise en cause. Ça, je pense que c'est... On avait demandé, lors d'une commission parlementaire, que cette imputabilité de la personne qui demande qu'une autre soit radiée soit reconnue à l'intérieur du projet de loi n° 450.

M. le Président, encore hier, j'étais dans Argenteuil. Il y avait des élections hier dans Argenteuil, et j'ai pu encore, dans la municipalité où j'oeuvrais, voir malheureusement, je dois le dire, des anglophones qui habitent la municipalité de Saint-Adolphe-d'Howard depuis 40 ans, toujours restés à la même place, exactement, au 359, chemin Montfort: Steven, Gordie et Barry Jones. Ils demeurent là, M. le Président, depuis 40 ans. Ils se présentent au bureau de scrutin pour exercer leur droit de vote; ils ne sont pas sur la liste électorale. Comment se fait-il que le voisin y soit, que les voisins de gauche et de droite y soient, que le voisin d'en face est là aussi, et qu'eux, qui sont là depuis 40 ans, ne soient pas sur la liste électorale? J'ai fait une vérification, et ils n'ont pas été, eux, radiés. Mais il y en a d'autres qui ont été radiés, M. le Président. Et le processus de radiation est tellement facile. De la façon dont ça fonctionne, c'est que le Directeur général des élections est au fait qu'il y a des personnes dont la radiation est demandée. Il y a un comité d'enquête qui siège, mais rarement arrive-t-il à contacter cette personne-là pour vérifier les faits.

Alors, ce qu'on fait, M. le Président, c'est qu'on envoie un avis à ces gens-là leur demandant de se présenter – exemple, dans mon comté, c'était à Sainte-Adèle – dans les 48 heures suivant l'avis pour venir faire la démonstration qu'ils sont bien vivants, s'ils ont été déclarés morts, ou faire la démonstration qu'ils demeurent bel et bien à l'adresse qui est mentionnée sur la liste électorale et effectivement en faire la preuve.

M. le Président, ça nous a amenés, dans le comté de Bertrand, et ça amènera à la prochaine élection générale aussi, dans plusieurs comtés du Québec, d'autres cas semblables. Souvent, à 48 heures d'avis, il peut arriver n'importe quelle raison pour que la personne ne se présente pas au bureau de révision. Elle peut être partie en vacances; quand elle revient de vacances, elle a reçu l'avis de 48 heures, le 48 heures est passé. Trop tard, radiée automatiquement. Elle peut l'avoir laissé sur le coin de la table, elle l'oublie, il peut arriver n'importe quel facteur qui fait en sorte que... La distance. Dans des comtés en région où il y a des distances énormes entre le bureau de révision – parce qu'il n'y en a pas dans toutes les villes et tous les villages – et l'endroit où le citoyen qui a fait la demande de radiation existe, souvent on dit: Bon, bien, si je suis pour faire 50 milles pour exercer un droit de vote... Il y en a qui démissionnent, malheureusement. Malheureusement, il y en a qui démissionnent, puis qui ne peuvent pas exercer leur droit de vote tout simplement à cause de la facilité qu'on a de radier des noms.

Et je reviens là-dessus, M. le Président. Les noms des gens qui sont radiés, je n'ai pas de statistiques précises, mais je ne me tromperais pas beaucoup en disant que 95 % des gens qui sont radiés, c'est des gens qui possèdent des noms à consonance non francophone. Ça, nous avions insisté, le Parti libéral du Québec, pour qu'à l'intérieur de la loi n° 450 les gens qui demandent des radiations soient imputables, et ça nous a été refusé. Alors, comme il est facile de radier des gens quand on n'est pas imputable puis quand on ne peut pas savoir non plus... On ne peut jamais savoir ça, parce que la loi dit ça, hein, on ne peut pas savoir qui a demandé qu'on soit radié. Peut-être que c'est bien ainsi, sauf qu'on a beau prêter serment, on ne peut pas savoir c'est qui, la personne qui a pu faire une fausse déclaration, après vérification, parce que... Après vérification, si on en vient au constat que cette personne-là n'est pas décédée puis que cette personne réside là, bien, la personne qui a fait la plainte, elle devrait être coupable d'une amende pour fausse déclaration parce qu'elle l'a faite sous serment, cette déclaration-là. Alors, ce n'est pas le cas.

Je pense qu'à l'intérieur de notre belle démocratie... Et je pense que le Québec est un exemple de démocratie assez évident et souvent cité, oui, en exemple. Je pense que notre loi prévoit que, s'il y a des gens dans différentes circonscriptions électorales du Québec qui utilisent un droit de vote et qui n'avaient pas le droit de voter dans cette circonscription-là, il y a des poursuites qui soient engagées par suite du scrutin envers ces personnes-là qui ont exercé un droit qu'elles n'avaient pas le droit d'exercer à l'endroit où elles l'ont fait. Il y a des règlements, il y a des stipulations à l'intérieur de la Loi électorale qui permettent que ces gens-là soient poursuivis et, eux, pénalisés. Contrairement aux gens qui se font presque un devoir, à toutes les fois, à toute veille électorale, de concocter une liste de gens qu'on dit... Puis on va se trouver, comme on dit, des poteaux un peu partout, là, on va se trouver des gens dans différents polls puis on va s'en prendre un chacun.

C'est même arrivé dans Bertrand, M. le Président – et ça, c'est le Directeur général qui me l'a dit – il y a des gens qui sont arrivés avec des listes de 15 noms, ils avaient 15 noms à faire radier. Alors là c'était un petit peu fort. Ça fait que le président, il leur a expliqué qu'une personne ne pouvait pas en faire radier 15 rien que d'une «shot», comme on dit. Alors là on se trouve d'autres personnes à l'intérieur du même poll puis on dit: Bien, toi, tu vas aller faire radier celui-là, toi, tu vas aller faire radier celui-là. Alors, je pense que ça, c'est trop facile, et on ne sert pas bien la démocratie quand on ne permet pas ou quand on veut tout simplement empêcher des gens qui légitimement auraient le droit d'exercer un droit de vote. On les empêche de le faire, de façon mesquine.

(17 h 10)

Alors, ça, on avait demandé que ce soit à l'intérieur du projet. Ça n'y est pas, et, moi qui vis en région et qui viens de vivre l'expérience très, très précise, une expérience qui date de six mois... Je viens d'en vivre une autre aussi dans Argenteuil qui s'est finie hier, où on a vu un paquet de cas similaires. Alors, on aimerait, le Parti libéral du Québec aimerait le bonifier, le projet de loi, il aimerait le bonifier, parce qu'on en est pour une bonne partie de ce projet de loi là. On a contribué, l'opposition officielle a contribué à ce projet-là. Je pense que, quand on touche à des projets aussi importants que la réforme électorale, il faut, à l'intérieur de cette Assemblée, qu'il y ait un consensus, qu'il y ait accord entre les deux partis, entre tous les partis pour faire en sorte que les gens qui vont aller s'exprimer aient tous les droits et ne soient brimés dans aucun de leurs droits, et d'autant plus que, comme je le disais tantôt, il y a déjà des pénalités ou il y a déjà de la réglementation de prévue, des stipulations prévues à l'intérieur de la loi pour punir les gens qui se serviraient d'un droit de vote auquel ils n'auraient pas droit dans la circonscription visée.

Alors, je reviens et je maintiens, c'est trop important, la prochaine campagne électorale s'en vient à grands pas, tout le monde a envie d'exprimer son droit de vote, et c'est tout à fait légitime, c'est notre système, mais le système de radiation actuel par un tiers qui n'est pas imputable est un accroc à la démocratie. Dans ce sens-là, si le projet de loi ne peut inclure cette disposition qui fait en sorte qu'on ne peut pas radier comme on veut ou qu'on soit imputable d'une radiation, alors j'aurai beaucoup de difficulté à me prononcer en faveur de ce projet de loi. Et, quand on parle de réforme électorale et on parle de notre système démocratique, c'est ce système-là qui est mis en cause.

Alors, M. le Président, c'étaient les commentaires que j'avais à effectuer sur ce projet de loi. J'espère énormément que le ministre qui souscrit à ce projet de loi et qui est si fier de notre système démocratique... Il a dit à plusieurs reprises que le droit de vote, c'était sacré, puis que le droit de vote, c'était un droit inaliénable. Alors, s'il croit vraiment à ça, qu'on donne le droit à tous les Québécois et les Québécoises, peu importe leur origine au Québec, peu importe leur nom, de pouvoir voter. Et la façon de faire ça, c'est de mettre un système plus efficace au niveau des tiers qui vont faire des radiations et que ces tiers-là deviennent imputables. Étant sous serment quand ils font la déclaration, donc, si cette déclaration devait s'avérer fausse, ces gens-là devraient être poursuivis. Alors, peut-être qu'à ce moment-là tous les Québécois et Québécoises, de toutes les souches de notre société, pourront en toute légitimité exercer leur droit de vote. Je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bertrand. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, M. le Président, le projet de loi n° 450 est certainement un projet de loi très important non seulement pour les parlementaires, nous qui sommes ici et qui avons à vivre les conséquences de l'application de la Loi électorale, mais aussi pour les citoyens et les citoyennes, les Québécois et les Québécoises, car, en effet, ce projet de loi là vise à régir les dispositions ou certaines dispositions électorales qui font que nous pouvons vivre une élection en toute quiétude et en tout respect de la démocratie.

En effet, nul n'est, au Québec, censé utiliser indûment le privilège de pouvoir voter. Au contraire, c'est quelque chose qui est respecté et qui fait en sorte que seulement les Québécois et les Québécoises, les Canadiens et les Canadiennes résidant au Québec puissent avoir ce droit, ce privilège qui est essentiel et à la base de la démocratie. Dans d'autres pays, on assiste régulièrement à toutes sortes de contestations suivant les élections. On pouvait le voir encore il y a quelques semaines dans certains pays différents, autres que le nôtre, où les gens de l'opposition dénonçaient le résultat électoral en disant: L'élection s'est déroulée en dehors des normes régulières. Il y a eu de la fraude fiscale. Des gens qui avaient le droit de voter n'ont pas pu voter, des gens qui n'avaient pas le droit de voter ont voté.

Nous, au Québec, nous tendons et nous essayons d'arriver à cette solution optimale, idéale qui fait que seuls les citoyens qui ont le droit de vote puissent le faire, puissent se prévaloir de ce droit et que, bien sûr, ceux qui n'ont pas le droit, ne sont pas éligibles pour cette chose-là ne puissent le faire.

Alors, pourquoi, M. le Président? Parce que c'est évident que le droit de vote, c'est le premier élément de la démocratie, le premier élément de la citoyenneté. Ça remonte très loin: ça remonte à la Grèce antique, ça remonte au début de la démocratie, où seul le citoyen, celui qui était reconnu comme étant membre de la cité et du peuple pouvait assurer son droit de vote. Ça voulait dire que les gens qui venaient de l'extérieur, qui étaient des marchands, qui étaient des touristes, pas des touristes, à l'époque, mais des gens de passage, des voyageurs, ne pouvaient avoir ce privilège et ce droit qui était de voter pour élire les gouvernants, pour élire, bien sûr, ceux qui allaient diriger les gens, mais aussi pour décider de certaines grandes orientations, certaines décisions importantes qui liaient l'avenir de la cité, à l'époque, de la région, et du peuple, et du pays par la suite.

Alors, M. le Président, nous, c'est important, au Québec, nous avons développé cette habitude de consensus en ce qui concerne les changements à la Loi électorale. Très rarement, et, de mémoire, après 13, 14 ans de vie politique ici, j'ai des difficultés à découvrir ou à me souvenir d'un moment ou d'une période où nous aurions adopté un projet de loi qui modifie la Loi électorale qui n'aurait pas fait ce consensus de base entre les partis, entre les élus, entre les parlementaires, relativement à la modification de la Loi électorale. Je n'ai jamais vu ça. Si ça a existé, je souhaiterais que, dans des allocutions subséquentes, les parlementaires me le rappellent.

Et que voyons-nous cette fois-ci, M. le Président? On voit que nous n'avons pas consensus, nous n'avons pas d'entente, pour la première fois depuis très longtemps. Je me souviens de René Lévesque, l'ancien premier ministre, cher à nos amis d'en face, qui apportait une attention particulière à ces choses-là, particulière parce qu'il savait lui-même l'importance et le poids d'un vote, l'importance et le poids du respect du résultat parlementaire d'une élection, en termes d'élection de députés, le respect, aussi, du résultat référendaire lors d'un référendum. Alors, il est important que lorsque... C'est un peu comme lorsqu'on était dans d'autres...

Pour simplifier pour les citoyens, les Québécois et les Québécoises qui nous écoutent, rappelons-nous, lorsque nous étions plus jeunes, que nous établissions à certaines occasions, à certaines activités des règles communes pour administrer une entreprise ou même pour des jeux. Simplement, lorsque nous étions jeunes, on disait: Bon, bien, voilà, on fait un jeu dans la cour de l'école, ou dans la colonie de vacances, ou quelque part, et on établit une règle. Et la règle était respectée parce que tout le monde y souscrivait. Le jour où une partie cherche à établir sa règle personnelle sans avoir l'acquiescement, sans avoir la collaboration de l'autre partie, eh bien, les règles du jeu s'en trouvent faussées, parce que, qui nous dit qu'elles vont être respectées vers la fin, lorsqu'il faudra trancher? Rien ne nous le dit, parce que c'est une règle qui a été établie unilatéralement.

C'est tellement vrai que dans certains pays – et j'y ai participé, et de nombreux parlementaires québécois qui sont ici, en cette Chambre, y ont participé – il existe, lorsque les partis ne s'entendent pas sur les règles électorales, des commissions internationales d'observateurs pour aller s'assurer que le processus électoral se déroule dans toute la légalité et le respect de certaines normes qui sont établies. Nous, au Québec, on est très loin de ça. Nous sommes certainement des exemples de la démocratie, parce que, justement, nous avons toujours été capables de nous entendre sur les règles à suivre en élections ou en référendums. Et c'est pour ça que très rarement il y a eu contestation, ou alors ce fut marginalement. Et nous avions confiance en l'institution qui était là pour juger ou administrer ces règles et rendre sa décision.

(17 h 20)

On a vu au dernier référendum, M. le Président, dans certaines circonscriptions, des gens insatisfaits qui se sont plaints et ont dit: Nous avons eu des difficultés à faire reconnaître notre droit de vote., nous avons été éliminés. On nous a dit: Vous avez été radiés, vous ne pouvez pas voter. On a vu des gens qui ont même eu de la difficulté à faire reconnaître leur bulletin de vote. On a vu des bulletins de vote, dans certaines circonscriptions électorales, qui ont été annulés de façon massive. On a dit par la suite que c'était dû au manque de formation, à l'excès de zèle de certains officiers électoraux nommés par les partis politiques. Et cela est inadmissible. Nous ne pouvons accepter ça. Pourquoi nous ne pouvons accepter ça? Parce qu'un vote d'une personne qui le fait en toute légitimité, en tout respect de la loi, se doit d'être un vote respecté, un vote légitime. Et, lorsqu'il y a des flous dans la loi, lorsque les partis n'ont pas cette vision dans la même direction, eh bien, ça ouvre la porte à ce genre de contestation. Et là, en plus d'aller voir des juges, on est obligé d'avoir des enquêtes. Et ça mène où? Ça mène à discréditer le processus électoral.

On a vu aussi, M. le Président, des gens dans certaines circonscriptions qui se plaignaient parce que d'autres avaient voté alors qu'ils étaient résidents dans d'autres circonscriptions, des fois de bonne foi et des fois de mauvaise foi. De mauvaise foi, je ne le sais pas, ça n'a pas été prouvé, mais au moins de bonne foi en disant: Bien voilà, j'ai une maison, une résidence d'été où je passe sept, huit mois par année ici, puis une autre résidence dans une autre partie du Québec où je passe trois, quatre, cinq, six mois. Bon, je résidais là à ce moment-là, j'ai pensé que je devais voter là. Là encore, ça interpelle une espèce de compréhension et d'administration de règles. Si les règles ne sont pas consenties et ne sont pas acceptées entre les parties, bien, c'est évident que ça apporte ce que nous avons connu, des contestations importantes, des recours à la justice.

Et nous aurions pensé que dans le projet de loi on aurait pu trouver des solutions à cela. Au contraire, M. le Président, on a l'impression qu'on cherche à restreindre le droit de vote. On cherche à faire en sorte de dire: Il y a des gens qui sont de mauvaise foi puis qui veulent absolument voter pour nous voler un vote, puis on va mettre des lois et des normes et des règlements pour l'empêcher. C'est traditionnel, de l'autre côté, du gouvernement, toujours la politique de l'assiégé. On demande des cartes d'identité, on demande de l'identification de plus en plus complexe, alors qu'au Québec aucune loi, aucun règlement... Ce gouvernement n'a jamais eu le courage ou jugé la nécessité de passer un projet de loi ou un règlement qui oblige une carte d'identité pour s'identifier. Jamais.

Au contraire, depuis des décennies, ils se font les chantres d'aller contre ceux qui auraient voulu le faire. Bien voilà qu'on nous arrive avec un projet de loi et qu'on nous dit que maintenant, pour pouvoir voter, on devra, si on nous le demande, s'identifier avec une carte d'identité avec photo. On va même jusqu'à aller à la carte d'assurance-maladie, alors qu'on se rappellera en cette Chambre les débats qui ont eu lieu, débats très importants, des fois passionnés, où il était question de dire: Non, les Québécois et les Québécoises n'auront pas à utiliser la carte d'assurance-maladie pour d'autres choses que la santé. Eh bien, on va même jusqu'à dire maintenant: On peut déroger à ce règlement, cette loi-là, et on pourra s'en servir pour aller voter.

Alors, deux choses l'une, M. le Président, ou on appelle un chat un chat ou alors on continue à faire des projets de loi hypocrites. Et c'est ce qui arrive. On n'ose pas dire les choses comme on les voit, de l'autre côté. On n'ose pas dire ce que l'on voudrait dire clairement, alors on essaie de le faire par la bande, comme beaucoup de choses.

On pourrait dire maintenant: Peut-être que nous n'avons pas confiance dans les Québécois et les Québécoises qui veulent voter, on va exiger une carte d'électeur, comme ça se fait dans certains pays, d'ailleurs, et qui n'en sont pas pour autant plus antidémocratiques. Des pays que nous connaissons bien, point n'est besoin ici de les citer. Non. On dit: On pourra s'identifier, on pourra utiliser la carte d'assurance-maladie ou d'autres pièces d'identité avec photographie.

Double langage, M. le Président. Ce que l'on vise ici, c'est laisser croire qu'il y a des gens qui utilisent ou qui usent anormalement de ce droit de voter. Moi, je ne le crois pas. Moi, je crois que la majorité et l'ensemble des Québécois et des Québécoises qui se déplacent pour aller voter, bien, sont des gens qui utilisent d'une manière raisonnable, responsable le droit de vote, ce dont ils ont besoin pour faire valoir leur opinion ou leur sanction sur les partis politiques, les gouvernements, les hommes et les femmes qui l'administrent.

Mais on voit ça là-dedans. Moi, je ne peux pas être d'accord avec ça. Ou on va vraiment où on veut aller puis on le dit, puis là on fera un débat là-dessus, ou alors on n'y va pas puis, à ce moment-là, on essaie de ne pas aller avec des expédients puis de fausses solutions à des problèmes que l'on n'ose pas identifier. En tout cas, si vraiment il y a un problème d'identification qui est nécessaire, ce n'est pas la carte d'assurance-maladie qui va régler le problème.

On parle de cartes avec photographie. Est-ce que, tout à l'heure, on va devoir prendre la carte du Club Price pour s'identifier? M. le Président, soyons sérieux. S'il y a un problème, réglons-le. Démontrons-le, prouvons-le, puis réglons-le. Mettons une carte d'électeur. Si on n'est pas capable de dire: On va faire ça, ça veut dire qu'on n'est pas sûr qu'il y a un problème. S'il n'y a pas de problème, à ce moment-là, pourquoi exiger d'avoir des pièces d'identification avec photographie, alors que la loi québécoise, comme la loi canadienne, n'exige dans aucun cas une carte d'identité obligatoire? C'est illégal ici, au Québec, d'exiger une carte d'identité obligatoire, encore plus en ce qui concerne l'exercice du droit de vote.

Un autre point, M. le Président. On voit que, dans le projet de loi, une personne peut décider de faire radier une autre personne sur la liste électorale. Là, il y a quelque chose d'un peu pervers, d'inadmissible, à la limite, qu'une personne puisse se rendre dans un bureau électoral et dire: M. Untel ou Mme Unetelle, ils n'ont pas le droit de vote. Voulez-vous les radier de la liste électorale? On fait là appel au sentiment de dénonciation, au sentiment de rapportage, en disant: Moi, je vais vous le dire confidentiellement. Nommez-moi pas, citez-moi pas. Je ne signerai pas de papier officiellement pour appuyer mes dires et mes dénonciations, mais M. Untel puis Mme Machin, là, ils n'ont pas le droit de vote. Là, le système électoral se met en place et si, par malheur, par hasard, la personne n'est pas là ou ne se présente pas à une convocation, eh bien, elle risque simplement de perdre son droit de vote, et sans appel. Dans quel genre de société sommes-nous? Est-ce que c'est ça qu'on a bâti au Québec?

Moi, je me souviens quand je suis arrivé au Québec, au Canada, en 1972, M. le Président. J'arrivais d'un pays, jeune, immigrant, 21 ans, qui s'appelle la France, que beaucoup d'entre nous connaissent, que les Québécois connaissent. Eh bien, je vais vous dire que, à cette époque-là, ce qui m'avait surpris au Canada, ce qui m'avait impressionné au Québec, c'est qu'on pouvait se promener ici sans être obligé de montrer sa carte d'identité, parce qu'on n'en avait pas, qu'on pouvait se présenter et, sur simple déclaration, eh bien, être autorisé à entrer dans une université, dans un collège. Alors que dans le pays d'où je venais, nous avions cette tradition de contrôle de police, de contrôle d'identité, nous n'avions pas ça ici. C'est une des choses qui m'a peut-être le plus frappé à l'époque. Je m'attendais à beaucoup de choses en venant ici, dans ce nouveau pays, dans ce nouveau monde, mais je ne m'attendais pas à cela.

Très rapidement, j'ai découvert qu'il y avait une raison pour cela. C'était le respect de la liberté individuelle des citoyens et des citoyennes. Ce qui était sous-entendu à ce respect-là, c'était la responsabilisation, la responsabilisation des individus, une société libre, démocratique, ouverte qui faisait en sorte que, au lieu de faire un État de contrôle, un État policier, on faisait un État de responsabilité.

(17 h 30)

Force est de constater, M. le Président, que ce gouvernement, malheureusement, qui à l'époque était certainement... peut-être, avec des citoyens ou des militants de ce parti qui étaient en faveur de cet état de chose, parce que eux aussi, à cette époque-là, ils étaient pour cette grande liberté, cette grande responsabilisation des citoyens, bien, force est de constater qu'aujourd'hui, après avoir connu diverses fortunes électorales, ils essaient ou retombent dans le vieux travers, ou certains d'entre eux tombent dans le vieux travers de vouloir contrôler le système.

Est-ce qu'on a besoin de contrôler le système? Est-ce qu'il a été démontré, au Québec, qu'on avait besoin d'avoir un système de contrôle comme celui qu'ils veulent instaurer pour faire respecter la démocratie, faire respecter le droit de vote des citoyens? Est-ce qu'on a besoin qu'au Lac-Saint-Jean, dans Roberval, dans Chicoutimi, les gens montrent leur carte d'identité ou leur carte d'assurance-maladie pour avoir le droit de vote? Je ne le crois pas. Est-ce qu'on a besoin que, dans le comté de LaFontaine, dans le comté de Viger, dans le comté d'Anjou, quels que soient les comtés dans la région de Montréal, les citoyens se fassent exiger une carte d'identité pour exercer le droit de vote? Est-ce que, à ce jour-ci, ç'a empêché le député d'Anjou d'être élu et le député de Viger d'être élu, chacun d'un parti différent? Je ne le crois pas, M. le Président. Peut-être que ça peut en faire sourire certains lorsque je dis ça, mais la réalité en est là. Alors, pourquoi, demain, ou dans six mois, ou dans un an, nous aurions besoin de cette carte d'identité ou de cette identification pour garantir un meilleur état du vote et une meilleure intégrité du vote? Pour faire quoi? Que les députés d'Anjou, de Viger ou de LaFontaine soient réélus? Ils l'ont été avant et il n'y avait pas de carte d'identité, il n'y avait pas cette chose-là.

Nous tombons, nous sombrons dans une espèce de paranoïa, d'asservissement vis-à-vis de l'opinion publique, d'une certaine opinion publique partisane qui peut dire: Il y en a qui votent puis qui n'ont pas le droit. Moi, je ne le crois pas. Je crois, M. le Président, que chaque Québécois, Québécoise qui vote a le droit, pense qu'il a le droit et fait en sorte de respecter l'esprit de la Loi électorale qu'il y a au Québec. Bon, certes, à l'occasion, il peut y avoir quelques individus qui essaient, pour des raisons x ou qu'on ne connaît pas, de passer à travers ça, mais cela n'est certainement pas significatif. Est-ce qu'on doit enrégimenter tout le monde pour une minorité très minoritaire ou quelques individus? Est-ce qu'on doit le faire? Moi, je ne le crois pas.

Alors, nous aurions souhaité, M. le Président, qu'avant de pouvoir radier les gens sur une liste électorale il y ait un autre processus que celui-là. Nous aurions souhaité qu'avant d'obliger une identification, eh bien, ou on décide d'avoir une carte électorale, au Québec, puis on la fait clairement, ou alors on n'essaie pas de passer par la bande, par en arrière, avec la carte d'assurance-maladie, entre autres choses. Nous aurions souhaité qu'il y ait un consensus entre les partis, car, je le répète, la Loi électorale est une loi qui est fondamentale. C'est la loi sur laquelle la confiance des gens repose lorsqu'ils élisent leur gouvernement, c'est la loi peut-être qui est la plus fondamentale en termes de respect de la démocratie, donc c'est une loi qui demande le consentement, qui demande l'assentiment et la collaboration de l'ensemble des parlementaires, qu'ils soient d'un côté comme de l'autre.

Parce que, aujourd'hui, nous sommes l'opposition, ils sont le gouvernement. Demain, ça pourrait être le contraire. Et, dans 10, 15, 20 ans, on ne le sait pas, qui sera là et qui seront là, mais les gens qui auront à vivre avec seront les héritiers de nos décisions d'aujourd'hui. Et, pour ça, faut penser qu'on n'agit pas en termes de Loi électorale comme dans toute autre loi. On n'agit pas seulement pour appliquer un programme électoral, que ce soit économique, social, qui pourrait être changé par un autre gouvernement parce que les citoyens ne sont pas satisfaits de ça, on parle d'une des lois les plus fondamentales de l'Assemblée nationale, de la loi fondamentale de l'Assemblée nationale, sur laquelle repose le concept de démocratie.

Nous aurions souhaité que le gouvernement n'aille pas si vite. C'est vrai qu'il y a d'autres dispositions dans la loi, entre autres choses suite à la cause de M. Libman, ancien député lui-même, d'ailleurs, ici, en ce qui concerne la possibilité pour des tiers partis ou des tierces personnes en particulier de pouvoir dépenser des sommes en dehors des cadres des partis politiques. C'est vrai que cela demande certains éclaircissements. Mais nulle part ailleurs dans notre pays n'avons-nous vu des lois aussi parfaites, quasiment, que celle que nous avons ici, au Québec.

Et, M. le Président, ce que j'aimerais dire et resouhaiter, c'est qu'avant d'aller plus loin le gouvernement fasse en sorte de rétablir un consensus entre les partis politiques pour que cette loi électorale qui va être modifiée reflète, comme elle a su refléter, le consentement et l'assentiment de la plus vaste majorité, en commençant par les partis politiques.

Alors, nous ne sommes pas d'accord avec ça et nous demandons bien sûr au gouvernement de s'arrêter, de le regarder de nouveau, de s'asseoir avec les partenaires qui sont l'opposition et les autres intervenants et de trouver des solutions et des moyens pour arriver à ce consensus, qui est fondamental pour moi, pour le respect de cette Loi électorale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Maintenant, le prochain intervenant sera le député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Moi aussi, j'aime intervenir sur le projet de loi n° 450. Il faut se rappeler les objectifs du projet de loi n° 450. Les objectifs poursuivis dans le projet de loi n° 450, c'est de donner suite au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, premièrement. Deuxièmement, il vise aussi à inclure dans notre Loi électorale certains consensus établis entre les trois formations politiques représentées à l'Assemblée nationale au cours des discussions qui ont eu lieu depuis 1996 au sein du Comité consultatif. Enfin, il a pour objectif de donner suite aux autres sujets abordés dans le rapport Côté et la commission parlementaire d'avril 1998.

M. le Président, il y a certains sujets sur lesquels nous sommes complètement d'accord, je pense qu'on l'a démontré; on a toujours dit que, sur certains aspects de cette loi-là, spécialement pour se conformer au jugement de la Cour suprême, nous sommes complètement d'accord avec les visées du projet de loi n° 450. Pour en énumérer quelques-uns, comme je le disais tout à l'heure, afin de se conformer au jugement de la Cour suprême, le projet de loi apporte des modifications à la Loi sur la consultation populaire, la Loi électorale et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, en introduisant une section sur les intervenants particuliers.

Et, M. le Président, je peux en énumérer quelques-uns. En période électorale, ces intervenants particuliers qui sont des individus ou des groupes d'individus ont le droit de dépenser jusqu'à 300 $ pour prôner l'abstention ou l'annulation du vote, de même que pour se prononcer sur un sujet d'intérêt public ou obtenir un appui à une telle opinion.

Deuxièmement, en période référendaire, ces intervenants particuliers, en plus d'être des individus ou des groupes d'individus abstentionnistes, peuvent être constitués d'individus qui sont dans l'impossibilité de s'affilier ou de s'associer à l'un des deux comités nationaux même s'ils favorisent l'une des deux options. Le montant maximal de dépenses, pour des intervenants particuliers, en période référendaire est de 1 000 $; nous sommes d'accord avec ça, M. le Président. Les intervenants particuliers doivent obtenir une autorisation du D.G.E., s'engager à produire un rapport de dépenses et ne pas mettre en commun des sommes qu'ils sont autorisés à dépenser; nous sommes d'accord avec ça, comme je le disais tout à l'heure.

Il y a d'autres choses avec lesquelles nous sommes d'accord, M. le Président, c'est le résultat de certaines discussions qui ont eu lieu au Comité consultatif. Et je peux en faire une certaine énumération. Ce consensus, sur le Comité consultatif, des trois partis politiques, le Parti québécois, le Parti libéral et l'Action démocratique, on a fait un consensus concernant l'abolition de l'obligation de tenir une élection partielle lorsque la vacance survient dans la dernière année du mandat; nous sommes d'accord avec ça. Modification des heures d'ouverture des bureaux de révision, nous sommes d'accord avec ça; élargissement de la clientèle admissible au choix de l'article 3; avis aux électeurs des décisions des commissions de révision; révision des décisions des commissions de révision; permettre la radiation fondée sur le décès lors de la révision spéciale; vérification des signatures d'appui et des déclarations de candidature; commission de révision nationale pour les électeurs hors Québec; certificat de transfert pour les personnes handicapées; assistance pour voter; adoption du bulletin de vote de type belge; affichage en campagne électorale; conditions d'autorisation des partis politiques; prévoir que le coût des repas servis lors d'une activité politique en période électorale n'est pas une dépense électorale; inscription automatique des jeunes de 18 ans et des néo-Canadiens. M. le Président, nous sommes d'accord avec ça. Nous l'avons dit et nous le répétons encore aujourd'hui.

(17 h 40)

Où ça accroche, c'est un peu sur la question de l'identification obligatoire. M. le Président, qu'est-ce qu'il y a actuellement dans le projet de loi n° 450? C'est justement l'obligation qui est faite à un électeur de s'identifier par l'entremise de la carte d'assurance-maladie, par le permis de conduire, par la carte de citoyenneté ou par un passeport. Ça veut dire une carte d'identification avec photo. On se rappellera que, pour la carte d'assurance-maladie, on a eu des avis sur cette possibilité-là, et je pense que tout le monde était d'accord pour dire qu'il ne fallait pas utiliser la carte d'assurance-maladie pour identification.

M. le Président, nous avons fait ces représentations auprès du gouvernement et nous avons dit à ce moment-là, on se rappellera, que le Parti libéral du Québec, dans son mémoire déposé à la commission parlementaire d'avril 1998, recommandait plutôt l'identification facultative afin de s'assurer que personne ne perde indûment son droit de vote parce que l'électeur aurait perdu ou oublié sa carte-soleil au moment du vote et ne disposerait pas, par ailleurs, de permis de conduire ou de passeport. En vertu de cette proposition, l'utilisation d'une carte serait laissée à la discrétion de l'électeur, qui pourrait choisir de présenter une carte ou, lorsqu'il le préfère, prêter serment, tel que le prévoit la loi actuelle.

M. le Président, qu'est-ce que nous disons? Nous disons: Laissons à la discrétion de l'électeur s'il veut s'identifier par une carte avec photo, que ça soit la carte-soleil, que ça soit le passeport, que ça soit le permis de conduire, que ça soit la carte de citoyenneté. Je pense que c'est la meilleure chose en démocratie. On parle ici de démocratie. Quelle est la meilleure chose que de pouvoir laisser à l'électeur, à la personne la faculté de s'identifier à sa manière. Et, si la personne, par hasard, elle ne peut pas s'identifier avec une de ces cartes-là, qu'elle prête serment. Pas de problème. C'est déjà prévu dans la loi actuelle. Tandis que, dans la loi n° 450, on dit qu'on oblige cette personne-là. L'obligation est faite. Si la personne ne peut pas s'identifier avec un document comme celui-là, qu'on vient d'énumérer, avec une photo, elle est obligée de faire quoi? Elle est obligée, pas seulement de s'assermenter, mais elle doit avoir avec elle quelqu'un qui la connaît. Et c'est là que nous disons: Est-ce qu'il faut se promener avec une autre personne à côté de nous?

Si, par hasard, moi, j'arrive, M. le Président, devant la porte du bureau de scrutin et que je m'aperçois que j'ai oublié ma carte-soleil... Ça peut arriver très facilement, spécialement à des personnes d'un certain âge. Ces personnes-là, premièrement, elles ont beaucoup de difficultés. Elles ont toujours peur, vous le savez, de s'identifier, de donner des cartes de reconnaissance. Mais admettons qu'elles l'ont oubliée et qu'elles s'en aperçoivent à l'entrée du bureau de scrutin. Elles doivent faire quoi, ces personnes-là? Elles ont deux choix: ou de retourner en arrière et probablement d'aller faire encore, je ne sais pas, quatre, cinq, six kilomètres, ou 10, ou 20, dépendamment des bureaux, dépendamment des comtés électoraux, pas chez nous mais sûrement dans des comtés ruraux, où elles sont obligées de faire probablement 20 km pour aller voter... Elles sont obligées de faire quoi, à ce moment-là? Ou de retourner chez elles pour aller chercher la carte-soleil, parce que probablement elles n'ont pas de permis de conduire, ou elles sont obligées d'aller chercher quelqu'un pour dire: Est-ce que tu me connais? Parce que je ne peux pas voter si tu ne me connais pas.

C'est ça, la réalité. Et, à ce moment-là, qu'est-ce qui va arriver, M. le Président? Il va arriver que la personne, elle va dire: Je ne peux pas voter; on m'empêche de voter. C'est carrément un empêchement de vote, M. le Président. C'est quasiment, disons, brimer le droit d'un citoyen, parce qu'à ce moment-là cette personne-là, elle n'a pas d'autre choix. Parce que le scrutateur qui a la section de vote, il est obligé de lui demander une identification. Si elle ne peut pas la produire, il est obligé de lui demander: Est-ce qu'il y a quelqu'un dans la salle ici que tu connais, qui a sa carte d'identification et qui, par conséquent, peut prêter serment lui aussi pour dire qu'il te connaît? Vous voyez, M. le Président? Et c'est là que nous disons: Essayez de trouver une autre façon pour que ces personnes-là ne soient pas brimées dans leur droit de vote, c'est primordial. Je pense que, en démocratie, le droit de vote est la chose la plus sacrée qu'on puisse avoir. Et, nous, en tant que parlementaires, nous n'avons pas le droit d'empêcher quiconque d'avoir ce droit très démocratique de voter.

C'est pour ça que je fais appel au côté ministériel, au ministre, n'importe qui, pour trouver une solution pour qu'on puisse vraiment aller de l'avant et faire un consensus, parce qu'un droit électoral qui ne fait pas consensus, il va y avoir toujours des problèmes, M. le Président, pour l'application, parce qu'il y aura toujours des problèmes. Et, moi, je dis: Asseyons-nous, essayons de trouver une solution. Et je suis convaincu que la solution, on peut la trouver très facilement, M. le Président.

Il y a un autre problème qu'on avait dans la Loi électorale antécédente et que le projet de loi n° 450 ne corrige pas: c'est la question de la radiation. Il y a déjà des collègues qui en ont parlé, M. le Président. Et, nous, dans le rapport qu'on avait fait, dans les recommandations qu'on avait faites... Lors de la commission d'avril dernier, le Parti libéral, dans son mémoire, recommandait que soient introduites dans la loi des dispositions pénales afin de sanctionner des personnes qui, de mauvaise foi, feraient des demandes de radiation non fondées. M. le Président, le gouvernement a refusé cette demande-là. Pourquoi on refuse de mettre dans la loi des pénalités vis-à-vis de la personne qui, de mauvaise foi, va radier d'autres citoyens qui ont droit de vote? Vous le savez très bien: aujourd'hui, c'est très facile. Une personne peut arriver puis dire: Ah! Bien, mon voisin – ou une autre personne – je ne l'aime pas beaucoup. Pour une raison quelconque, il va dire: Bien, je vais le faire radier. C'est suffisant pour qu'il se présente au bureau pour dire: Écoutez, telle personne, elle n'habite pas là, ou telle personne est décédée, ou telle personne a déménagé, ou telle personne est partie je ne sais pas trop où, quand, en réalité, ce n'est pas vrai. Et cette personne-là, qu'est-ce qui lui arrive, M. le Président? Au moment où elle va se présenter au bureau de vote, la journée de votation, elle va s'apercevoir à ce moment-là qu'elle n'est pas sur la liste électorale puis qu'elle n'a pas le droit de vote parce que quelqu'un, de mauvaise foi, s'est permis de la radier de la liste électorale.

M. le Président, comment peut-on laisser cette personne-là pas redevable vis-à-vis de la personne qui est radiée et, je dirais, pas redevable vis-à-vis de la société, vis-à-vis de la population, vis-à-vis de tout le monde? Nous croyons encore que cette personne-là doit être pénalisée si elle l'a fait de mauvaise foi. Mais, pourtant, le gouvernement, il ne veut pas.

Lors des discussions de 1996 et de 1997 au sein du Comité consultatif, les représentants du Parti libéral, appuyés par le DGE, ont proposé que le nom des personnes qui déposent des demandes de radiation ne soit plus tenu confidentiel. Pourquoi tenir confidentiel mon nom quand j'essaie de faire radier une autre personne sur la liste électorale? Pourquoi être confidentiel? Si, moi, je suis convaincu que j'ai posé le bon geste, que j'ai posé le geste qu'il fallait poser pour radier une personne, pourquoi mon nom doit rester confidentiel? Pour rester confidentiel, j'ai quelque chose à cacher, j'ai quelque chose qui probablement ne va pas dans l'intérêt de tout le monde, ne va pas dans l'intérêt de la personne dont j'ai essayé de brimer le droit le plus fondamental, et c'est le droit de vote. C'est ces choses-là que, moi, je pense qu'il faut absolument corriger à l'intérieur du projet de loi, et d'autres petites affaires, et je pense qu'on peut le faire très facilement avec la bonne volonté d'un côté comme de l'autre côté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viger. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il reste neuf minutes avant l'heure de suspension. Alors, je vous cède la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Alors, de tout évidence, faudrait que je scinde mon discours un peu en deux, dans des temps égaux, si on revient là-dessus après notre suspension de 18 heures jusqu'à 20 heures.

(17 h 50)

M. le Président, le projet de loi n° 450 qui est devant l'Assemblée nationale, comme vient de l'indiquer mon collègue le député de Viger, repose sur un certain nombre de consensus, mais il y a plusieurs points de litige. Moi, j'aimerais m'adresser à, semble-t-il, quelques points de consensus, je pense, auxquels personne ne s'est adressé à date et je vais reprendre, j'imagine, lors de notre reprise des travaux à 20 heures, sur le litige en ce qui me concerne comme député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. le Président, quelqu'un m'a demandé il y a quelques mois c'était quoi, mon bilan comme député pendant cette Législature. Difficile de tracer tout un bilan, mais il y a un élément dont je suis particulièrement fier, il s'agit d'un amendement qui a été proposé par moi-même lors de l'étude d'un autre projet de loi qui amende la Loi électorale, celui-là adopté par bâillon, mais quand même fait en 1995, qui a trait à l'accessibilité des personnes handicapées aux bureaux de vote.

M. le Président, vous vous rappelez peut-être que, lors des discussions autour des amendements sur la Loi électorale, j'avais eu le grand privilège et honneur de proposer un amendement au ministre d'alors, le député de Joliette qui était responsable de la Réforme électorale. Cet amendement est maintenant intégré dans la Loi électorale, à l'article 303. On indique, à l'article 303 existant, que les bureaux de vote d'un secteur électoral doivent être regroupés et situés dans un endroit facile d'accès et être accessibles aux personnes handicapées. Ce que j'avais amené comme amendement qui a été adopté à l'unanimité par la Chambre était le paragraphe suivant: «En outre, si le directeur de scrutin ne peut établir un bureau de vote dans un endroit accessible aux personnes handicapées, il doit obtenir l'autorisation du Directeur général des élections avant de l'établir dans un endroit qui n'est pas ainsi accessible.»

M. le Président, ce modeste amendement a eu un certain succès dans beaucoup de comtés. Je prends simplement l'exemple du mien, où, pendant l'élection générale de 1994, il y avait jusqu'à 20 % des endroits électoraux, des sections de vote qui n'étaient pas accessibles aux personnes handicapées, jusqu'à 20 % qui étaient inaccessibles aux personnes handicapées. Avec l'application de cet amendement qui oblige un directeur de scrutin à aller chercher l'autorisation préalable du Directeur général des élections avant qu'il établisse une section de vote dans un endroit non accessible aux personnes handicapées, dans le seul comté de Notre-Dame-de-Grâce, notre taux d'accessibilité est passé d'à peu près 80 % des sections de vote à 100 %. Je suis particulièrement fier du travail effectué par mon directeur de scrutin lors du référendum de 1995, où il n'y a eu même aucun bureau de vote, section de vote située à un endroit non accessible aux personnes handicapées. Alors, c'est une très modeste contribution de ma part, mais, M. le Président, une contribution dont je suis particulièrement fier.

On arrive avec le projet de loi n° 450, M. le Président, qui, je pense, à première vue, bonifie encore, même, l'accessibilité des personnes handicapées à l'exercice de leur droit de vote. À l'article 1 du projet de loi, on élargit la notion de choix de domicile, de lieu de domicile, pour une personne qui est hébergée dans un centre de réadaptation ou autre. C'est une bonne chose, je pense, en principe. Mais, à l'article 59, on introduit la notion d'un certificat de transfert. Le mécanisme est là, il reste à évaluer si le mécanisme est assez simple. Mais le principe du certificat de transfert est très intéressant. Le principe va permettre à une personne handicapée ou avec une mobilité réduite qui sait d'avance que sa section de vote n'est pas accessible... Malgré l'article 303 de la Loi électorale, cette personne-là peut être autorisée à voter dans une autre section de vote, dans un endroit accessible, pour s'assurer que, le jour du vote, cette personne-là puisse se prévaloir de son droit de vote même si elle a une mobilité réduite. M. le Président, je pense que c'est une très bonne chose.

J'ai émis une simple réserve vendredi passé. J'ai référé à l'article 1 du projet de loi, l'article 59, qui parle du certificat de transfert, l'article 66, qui traite de la question du bulletin de vote du type belge, les articles 67 et 68, qui définissent la notion de comment on marque le bulletin, et l'article 94, l'assistance à l'électeur, au président-directeur général de l'Office des personnes handicapées du Québec pour que cet organisme gouvernemental puisse émettre un commentaire, s'il y a lieu, sur les dispositions dans le projet de loi n° 450 qui ont trait à l'accessibilité des personnes handicapées. Je vous le dis encore une fois, M. le Président, à première vue, après avoir regardé de façon préliminaire les amendements qui sont apportés, il s'agit d'une amélioration, mais on ne peut jamais être trop prudent avec quelque chose qu'une personne avec une limitation fonctionnelle peut concevoir comme une amélioration. Ça peut avoir des effets néfastes ou pervers sur des personnes à mobilité réduite ou d'autres personnes handicapées. Alors, par prudence, j'ai pris l'initiative – et je suis convaincu que le ministre responsable de la Réforme électorale est d'accord avec moi – de renvoyer ces articles du projet de loi au président-directeur général de l'OPHQ pour avoir son opinion. Je ne sais pas si le ministre l'a déjà fait. Si c'est le cas, il s'agirait évidemment d'un dédoublement, mais je n'ai pas pris de chance. Je pense que c'était important d'avoir l'input, si je peux m'exprimer ainsi, M. le Président, de l'Office des personnes handicapées du Québec sur ces articles, encore une fois, qui m'apparaissent comme une amélioration de toute la question d'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite ou qui ont des contraintes physiques dans l'exercice de leur droit de vote.

M. le Président, si, d'un côté, on améliore l'accessibilité au droit de vote pour les personnes handicapées, j'ai une crainte très personnelle qu'on restreigne l'accessibilité au droit de vote d'autres catégories de citoyens. Je pense notamment à des personnes d'un certain âge. Je pourrais revenir là-dessus, M. le Président, à moins que vous... Je peux continuer? Très bien... Toute la question de l'identification obligatoire de l'électeur.

(18 heures)

Mr. Speaker, as you may be aware, the Riding of NDG has the second highest proportion of senior citizens in the Province of Québec. The only other riding with a higher proportion is that of my colleague the MNA for D'Arcy-McGee. I don't have the figure in front of me, Mr. Speaker, but working from memory, I think something like 17 % of the population of Notre-Dame-de-Grâce is over 65. We had, during the Referendum of 1995, a certain number of very regrettable incidents with regard to the unfolding and the normal routine of voting in the riding, regrettable incidents that put into question, I think, the reliability of the electoral law with regard to certain categories of persons. Mr. Speaker, if I'm permitted, at 8:00 p.m., I'll come back and finish these preoccupations that I have as the Member for Notre-Dame-de-Grâce.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 11)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Alors, nous allons poursuivre nos travaux. J'inviterais M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui avait son droit de parole, à bien vouloir poursuivre, s'il vous plaît, son exposé. M. le député.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Alors, je faisais valoir des difficultés, quant à moi, avec l'application des articles 61 et 64 du projet de loi n° 450, surtout dans un comté comme le mien, comté avec une grande proportion de personnes âgées et avec également une grande proportion de nouveaux immigrants au Québec.

M. le Président, je vous lis simplement l'article 61 du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives.

C'est la deuxième fois de suite dans cette session-ci que le gouvernement nous présente un projet de loi sur la réforme électorale qui contient des éléments sur lesquels il n'y a pas de consensus. Un fait assez inusité, M. le Président, le gouvernement, en 1995, a été obligé de faire passer sa réforme électorale par le bâillon parce qu'il n'y avait pas de consensus. Là, il n'y a pas de consensus sur plusieurs points contenus dans la présente législation aussi, incluant l'article 61.

«L'électeur doit en outre s'identifier en présentant, malgré toute disposition inconciliable, sa carte d'assurance-maladie du Québec, son permis de conduire du Québec, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne.»

M. le Président, dans un premier temps, dans l'article 61, on admet d'avance qu'il y a un problème avec l'obligation de présenter la carte d'assurance-maladie. On dit «malgré toute disposition inconciliable», parce qu'effectivement il y a un article dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui dit très clairement que personne ne peut exiger ou ne peut demander l'utilisation de notre carte d'assurance-maladie, carte-soleil, pour des fins autres que l'accessibilité à des soins de santé ou à des services sociaux. Alors, de par sa nature même, sa face même, cet article va à l'encontre de la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

La Régie de l'assurance-maladie du Québec, lors des audiences sur une carte d'identification d'électeur, a démontré devant la commission de la culture que la Régie de l'assurance-maladie du Québec ne veut pas que la carte d'assurance-maladie, la carte-soleil, soit utilisée à d'autres fins que l'accessibilité à des services de santé et des services sociaux.

Il est complètement incohérent, il va à l'encontre, déjà, des lois votées ici, en cette Chambre, et il va à l'encontre de l'éthique de la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'exiger la carte d'assurance-maladie pour identifier l'électeur lors d'un scrutin. Complètement irresponsable et inacceptable de l'autre côté de la Chambre, M. le Président.

The second issue, Mr. Speaker, as I mentioned previously, before we broke for supper, is the entire issue of the obligatory identification and the impact it has among certain groups in society, including senior citizens and newly arrived immigrants. Mr. Speaker, I give you simply article 61 of the Bill. It says: «Each elector shall, in addition – in addition of giving his name and his address, his age if necessary – identify himself by presenting, notwithstanding any inconsistent provision, his Québec health-insurance card, Québec driver's license, Canadian passport or Canadian citizenship certificate.»

In the article 64, Mr. Speaker, it says: 338.1. An elector who cannot present identification in accordance with the second paragraph – which I just cited– may nevertheless be admitted to vote if the elector declares under oath that he is the elector whose name appears on the list of electors and is domiciled at that address, and if the elector is accompanied by a person who, under oath, identifies himself in accordance with the first paragraph of section 337.

Mr. Speaker, I am particularly concerned about these two provisions and Bill 450, and, to be quite honest, Mr. Speaker, I have lots of reasons to be concerned because what we saw in 1995 in the Referendum in my riding was systematic and widespread attempts by representatives of the committee for the Yes, the members on the government benches, to obstruct the vote, to delay the vote, to retard the vote by any means possible, and especially with senior citizens, Mr. Speaker, who form such a large proportion of my riding. This position in Bill 450 only raises another barrier, as far as I'm concerned, to the ability of people to exercise their right to vote. The obligatory and systematic identification of electors, either by a health-insurance card – which is, by the way, against our own law on health and social services in Québec, and against the wishes of the Québec Health Insurance Board – or a driver's license. Not everyone has a driver's license in Québec, Mr. Speaker, especially people of a certain age who may have been active previously, but left the driver's license as they got older. Not everyone has a Canadian passport, Mr. Speaker – I certainly hope no one on the other side has a Canadian passport – or a certificate of citizenship, Mr. Speaker. Not everyone has those documents.

It is to my mind, Mr. Speaker, enough I would suggest to you, perhaps, to require that a person who does not have these documents swear under oath that he is who he says he is. But to require that person have another person accompanying them, who has the papers and can attest to the fact that I am who I say I am, and I live where I say I live, Mr. Speaker, strikes me as being «KGBesque», practically. Practically. It is 1984 all over again, Mr. Speaker, where we are going to have cards that allow and say certain things, and allow certain people to do certain things. The Members of the governing side don't like to hear that. But if they had been through what I saw with my very eyes in the last referendum, they would be as skeptical as I am about the intentions of this Government with regard to obligatory identification of electors. People of 80 and 85 years old, Mr. Speaker, who are frail enough under the best of circumstances, forced to wait in line for hours because the representatives of the Yes Committee deliberately stole the vote by requiring that they swear themselves in on every occasion, doing everything possible to slow the vote down, Mr. Speaker. I saw that with my own eyes, and I need no confirmation of it from anyone in this House.

Mr. Speaker, the rejected ballots scandal also affected the Riding of NDG where we had, in one poll... In one advanced poll, 34 % of the votes were rejected by the returning officer appointed by the Yes Committee. That gives one food for thought with regard to this Government's intentions when it comes to electoral reform.

(20 h 20)

Mr. Speaker, we believe, I believe that these provisions are too restrictive, that they strike to the heart of citizens' abilities to freely exercise their right to vote while balancing the state's necessity for preventing electoral fraud. Mr. Speaker, in my riding, to my knowledge, in 1995, or in fact, in 1994, where I have a personal experience as a candidate, not a single elector in the Riding of NDG was charged with voting fraudulently, there were no charges of telegraphing votes. Why does the Government feel obliged to proceed with this particular disposition at this particular time? Less than a year, I would suggest you, Mr. Speaker, in less than a year away from a vote, a general election in this province. It is more than food for thought, it sets alarm bells off in my riding, based on real experiences in 1995, and it sets alarm bells off with my party and with myself after having seen what happened in 1995.

Alors, M. le Président, je trouve démesurée, à l'article 61, l'identification obligatoire des électeurs. Ça ne peut que, quant à moi, dans mon comté, restreindre l'accessibilité des personnes à l'exercice du droit le plus fondamental, c'est-à-dire le droit de vote. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Je prends la parole sur le projet de loi n° 450 qui vient modifier la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. Et je crois que dans toute démocratie on doit reconnaître la règle suivante: le Parlement, normalement, ne modifie pas la Loi électorale s'il n'y a pas un consensus unanime à l'Assemblée nationale. Ça a toujours été comme ça, sauf pour un épisode qui s'est déroulé en décembre dernier, face à ce gouvernement où ils ont décidé d'imposer un bâillon sur une loi électorale. C'est du jamais vu dans l'histoire du parlementarisme britannique dans lequel nous nous inscrivons. Je crains, M. le Président, que nous soyons à nouveau, avec le projet de loi n° 450, devant une menace semblable. Le but du projet de loi, au départ, c'était de répondre au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman. Il y a eu entente entre les parlementaires, et une bonne partie du projet de loi reflète cette entente. Il y a eu également consensus entre les différentes formations politiques et il y aura unanimité, M. le Président, sur des dispositions, telles les dispositions favorisant, par exemple, le vote des personnes qui sont handicapées.

Mais il y a un autre volet sur lequel il y a discorde entre les parlementaires et sur lequel le gouvernement n'a pas le droit de procéder, s'il respecte l'éthique parlementaire qui prévaut dans toute démocratie. M. le Président, nous ne sommes pas les seuls à avoir des craintes par rapport aux dispositions que veut introduire le gouvernement – je rappelle les hésitations et les dénonciations de la part de la Commission d'accès à l'information et de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse – des objections fondamentales par rapport à une loi qui donne à tous les parlementaires ici présents, à l'Assemblée nationale, leur légitimité de représenter une population.

M. le Président, on se pose la question: Pourquoi apporter des modifications à notre Loi électorale qui fait l'envie de plusieurs autres juridictions? Nous avons une démocratie saine au Québec qui a toujours bien fonctionné, sauf quelques épisodes, entre autres pendant la campagne référendaire, et on sait que des cas ont été devant les tribunaux concernant trois circonscriptions électorales. Soudainement, on semble invoquer un problème qui n'a jamais existé au Québec et on dit qu'il faut trouver une solution à un problème qui n'a jamais existé. Ce qui est en cause, c'est le danger que d'honnêtes citoyens résidents soient privés de leur droit de vote pendant la prochaine campagne électorale, et ça, c'est inadmissible dans notre démocratie.

Il y a des dispositions bien identifiées, le gouvernement sait, le ministre responsable de la Réforme électorale sait qu'il y a des objections majeures, des objections de fond, et on ne comprend pas comment il se fait qu'à ce moment-ci on retrouve ces mêmes dispositions dans le projet de loi alors que le ministre et le gouvernement savent qu'il y a de l'opposition importante de la part de plusieurs parlementaires et également de la Commission d'accès à l'information et de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse qui ont vivement dénoncé ces mesures. De quoi s'agit-il, M. le Président?

Il s'agit, entre autres, de l'article 61 de la loi qui dit ceci: «L'électeur doit en outre s'identifier en présentant, malgré toute disposition inconciliable, sa carte d'assurance-maladie du Québec, son permis de conduire, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne.» On est en train de créer un obstacle entre la volonté du citoyen d'aller s'exprimer lors d'une élection générale et le geste qu'il voudrait poser, c'est-à-dire d'inscrire un x face au candidat de son choix. Et on y met des obstacles: les quatre obstacles qui ont été identifiés.

M. le Président, lorsqu'on connaît les moeurs électorales au Québec, et on sait comment les citoyens peuvent être vexés lorsqu'ils se présentent dans un bureau de vote et que tout d'un coup on leur demande: Présentez des cartes d'identité, sinon vous n'avez pas le droit de voter, ça va à l'encontre de nos principes démocratiques, principes qui ont toujours été respectés, sauf à quelques occasions dans notre système électoral.

Il y a une objection de fond également par rapport à l'article 64, et là je vais m'inspirer de mon expérience au niveau scolaire, parce que le gouvernement provincial semble vouloir importer une disposition d'élection scolaire qui a été abandonnée au scolaire en 1994 parce que, lorsqu'elle était en vigueur en 1990, elle avait donné lieu à des fraudes importantes. Pourtant, je ne sais pas comment il se fait que le gouvernement ait décidé de récupérer une disposition que le législateur avait lui-même abandonnée pour les élections scolaires. Et ça, c'est la notion, M. le Président, qu'une personne peut être accompagnée d'une autre personne qui va attester de son identification, du domicile de l'électeur.

Et on sait comment, aux élections scolaires de 1990, des candidats – je ne ferai pas référence à des formations politiques – faisaient en sorte qu'il y avait des autobus scolaires remplis de personnes qui allaient exprimer leur droit de vote et avec une personne qui allait toutes les assermenter. Le député de Gouin me pointait du doigt, M. le Président. Je lui rappelle que ces actes-là ont été commis par un parti politique dont il connaît très bien les affinités et les sympathies par rapport à sa formation politique. Ça avait été dénoncé, M. le Président, dans les journaux, et là on ne comprend pas qu'aujourd'hui on retrouve un principe semblable dans la Loi électorale.

(20 h 30)

Les parlementaires d'expérience vous diront que, lorsqu'un gouvernement à la veille du déclenchement d'une élection générale propose des amendements à la Loi électorale, ça devient suspect. Ça devient suspect. Pourquoi le faire à ce moment-ci? On comprend que, sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, il faut corriger le tir, et ça, des deux côtés, il y a un accord prêt à aller de l'avant avec ça. D'autres dispositions où il y a consensus entre les formations politiques pour apporter des améliorations, le gouvernement doit aller de l'avant avec ces dispositions-là.

Mais, lorsqu'un gouvernement sait qu'un parti d'opposition, appuyé par des organismes comme la Commission des droits de la personne du Québec, s'objecte à des dispositions, et appuyé également par la Commission d'accès à l'information, un gouvernement a le devoir moral, l'obligation morale de ne pas se servir de sa majorité pour imposer des dispositions qui feront en sorte que des électeurs, d'honnêtes citoyens, d'honnêtes citoyennes qui paient leurs taxes, qui veulent participer au processus électoral, soient privés de leur droit de vote.

On n'a qu'à comprendre et on n'a qu'à s'inspirer de ce qui s'est déroulé lors du dernier référendum, en 1995. J'ai été témoin, j'ai vu de mes yeux des gens, M. le Président, qui, de façon systématique, se servaient des dispositions de la loi et des règlements pour retarder le déroulement du vote parce que ça faisait l'affaire de l'option qu'ils défendaient. J'ai vu ça dans mon comté et j'ai porté plainte parce que je trouvais inadmissible que, dans une démocratie comme la nôtre, on se livre à de telles pratiques.

Moi, j'ai toujours dit: Je respecterai le vote des citoyens, quel qu'il soit, en ma faveur, contre moi, pour le Oui, pour le Non. On se doit de respecter la volonté d'un électeur qui décide en son âme et conscience de quelle façon il va voter. Mais on ne doit pas se servir des dispositions d'une loi pour contrarier et pour empêcher la volonté de cet électeur-là de s'exprimer. Je crains, nous craignons de ce côté-ci, la Commission des droits de la personne du Québec craint et la Commission d'accès à l'information craint également qu'il y ait un tel risque avec ce qui est contenu aux articles 61, 62 et 64 de ce projet de loi.

Je dis, M. le Président, et je le répète, que tout démocrate, dans tout système démocratique qui se respecte, n'impose pas sa majorité pour imposer son interprétation, sa vision alors que cette majorité sait fort bien qu'il y a des objections de fond. Et je me demande, si René Lévesque était ici en cette Chambre, si nous serions face au projet de loi tel qu'il est libellé présentement. J'ai énormément de respect pour ce grand démocrate qu'il a été; je ne partageais pas ses convictions politiques, mais je respectais cet homme-là parce qu'il était reconnu comme étant un homme droit et un homme respectueux de la démocratie. Je vous soumets que l'actuel premier ministre, qui a souvent voulu s'inspirer des gestes et des qualités d'un de ses prédécesseurs, je lui soumets bien respectueusement que lui et sa formation politique devraient abandonner les dispositions qui sont litigieuses, parce qu'elles ne serviront pas la démocratie.

On a vu, dans un contexte semblable, en décembre 1997, 23 h 55, la loi qui a un impact sur le plan des élections scolaires, la loi n° 185 qui a été imposée par le gouvernement par le biais du bâillon. On voit dans quel fouillis on se retrouve aujourd'hui avec les élections scolaires. C'est ça qui arrive, M. le Président, lorsque le législateur ou une partie du législateur décide de se servir de sa majorité pour bâillonner l'opposition, pour bâillonner les commissions qui ont été mises sur pied par l'Assemblée nationale pour protéger l'intérêt du public, l'intérêt des citoyens et des citoyennes. Ces commissions-là sont venues devant nous, en commission parlementaire, pour dire au gouvernement, pour dire à l'Assemblée nationale tout entière d'abandonner ces dispositions-là.

Il y a consensus sur un grand nombre d'articles dans ce projet de loi là. Allons de l'avant avec ce sur quoi nous nous entendons. Pour le reste, mettons ça de côté parce que, de un, ça ne se fait pas dans une démocratie que de se servir de sa majorité pour faire adopter des lois électorales et, de deux, M. le Président, ça ne servira pas l'intérêt des électeurs que nous avons le mandat de représenter ici, à l'Assemblée nationale.

Et je rappellerai également, M. le Président... Je sais que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques brûle d'impatience de se lever. Il va probablement faire référence à ce qui s'est passé dans des élections scolaires antérieures, possiblement en 1994. Je lui dis, M. le Président, et je dis à sa formation politique de ne pas répéter l'erreur commise par le gouvernement en décembre 1997, lorsqu'ils ont imposé la loi n° 185 par le bâillon, parce que le fouillis dans lequel les élections scolaires se retrouvent présentement, je l'avais prédit. Et on est revenu à la charge pour le démontrer. Ça fait deux fois que le président ou le Directeur général des élections est obligé de s'expliquer sur des élections scolaires où – passez-moi l'expression, M. le Président – c'est le bordel le plus total.

(20 h 40)

Lorsqu'on est mis devant ces situations-là et qu'un gouvernement semble faire la sourde oreille par rapport à ce que les parlementaires disent ici, en cette Chambre, je pense que c'est extrêmement dangereux pour la démocratie. Et j'espère que, lorsque le projet de loi reviendra devant cette Assemblée, après son étude détaillée en commission parlementaire, le gouvernement aura omis les dispositions litigieuses afin que nous soyons tous fiers d'adopter un projet de loi qui est digne de mention. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. M. le député.


M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, le moins qu'on puisse dire est que le député de Marquette est intervenu d'une façon très calme. Peut-être a-t-il profité des bienfaits de l'overdose de Ritalin qu'il avait prescrit à l'ensemble du Québec, puisque tout le monde se souvient qu'il y avait grossière exagération dans ses chiffres. D'ailleurs, je me permets de rappeler que M. le président a voulu présenter une motion sans préavis félicitant TVA de s'être rétractée le lendemain, alors que l'opposition officielle, le Parti libéral et surtout son porte-parole, ne l'a pas fait, ce qui n'est pas la plus grande preuve d'honnêteté intellectuelle.

Ceci étant dit, M. le Président, le discours est connu, le discours de l'opposition officielle est connu, il s'agit d'arranger la vérité de façon à servir ses fins, c'est très évident. On le voit à chaque jour à la période des questions où on ne sait trop quoi inventer, oubliant d'ailleurs un passé passablement douloureux pour leur part. Eh bien, on invente, on invente à peu près n'importe quoi. Et voici que, dans ce projet de loi, on invente le spectre de l'état totalitaire. L'honorable député de Notre-Dame-de-Grâce tantôt brandissait le spectre du KGB, l'ancienne police politique soviétique, alors qu'il sait fort bien que, s'il y avait un KGB au Québec, il n'aurait même pas la chance de le dire au départ. Sans doute a-t-il fait également quelques lectures, il brandissait Orson Welles, 1984, enfin un élément pathos complètement démesuré, mais, comme il sert à leurs fins, il devient à la fois justifié et justifiable.

D'après eux, et d'après le député de Notre-Dame-de-Grâce d'ailleurs, puisque que c'est lui qui le disait bien, le fait de demander une carte d'identité, notamment la carte d'assurance-maladie, ferait en sorte que l'on voudrait interdire aux personnes âgées – on préfère dire les aînés – le droit de vote, puisqu'on sait qu'il y a une exception qui dit qu'à partir de l'âge de 75 ans une personne âgée, aînée, homme ou femme, n'a pas besoin d'avoir sa photo sur la carte d'identité. Et l'article 61 dit: «...malgré toute disposition inconciliable, sa carte d'assurance-maladie du Québec – et je ne vois pas que ce soit inscrit: et, dans le cas des personnes de plus de 75 ans, elles devront aller s'en procurer une autre et y faire mettre une photo; non, cette carte-là sera valable, un point, c'est tout – son permis de conduire du Québec, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne.»

Mais c'est beau, un certificat de citoyenneté canadienne. Vous êtes contre ça, vous autres, de présenter cette carte-là? Je veux bien admettre que c'est une carte très temporaire, on le sait. Ça a une espérance de vie limitée dans le temps, mais quand même. Non, non. Et ça, c'est antidémocratique de dire à la personne qui vote: Vous devrez vous identifier? À mon point de vue, ce qui est antidémocratique, c'est de laisser quelqu'un qui n'a pas le droit de vote aller voter. Ça, c'est une atteinte à mes droits démocratiques; c'est de laisser quelqu'un qui n'a pas le droit de voter parce qu'il ne répond pas aux exigences de la citoyenneté ou du domicile aller contrebalancer mon droit, à moi, qui est citoyen de ce pays et résident et qui n'est pas limité par quelque jugement à cause de gestes que j'aurais posés. Ça, c'est antidémocratique.

Alors, ces grands démocrates proposent une variante de la démocratie qui est... Mais, au nom de la démocratie, on fait tout. Au nom de la démocratie, on peut tricher, et interdire quelqu'un de tricher, c'est antidémocratique, parce que la démocratie, c'est pur. «Dêmos kratos», c'est pur. Mais regardons notre système. Ici, au Québec, l'État recense tous les électeurs. Chez nos voisins du Sud, les États-Unis d'Amérique, les électeurs doivent aller s'inscrire, sinon ils ne votent pas. L'opposition officielle, le Parti libéral, est en train de dire que les États-Unis d'Amérique, ce n'est pas une démocratie.

Dans bien des pays d'Europe, ce n'est pas votre carte d'assurance sociale, ce n'est pas votre carte d'identité, votre carte bleue, carte grise, pour employer les expressions françaises, c'est une carte d'électeur que vous devez présenter au moment du vote.

Est-ce que M. le député de Verdun, d'origine française, né en France, est capable de se lever en cette Chambre et de dire que la France, en exigeant une carte d'identité pour le vote, n'est pas une démocratie, alors que la France est le flambeau de la démocratie? En 1789, première Déclaration des droits de l'homme. La France n'est pas une démocratie, et il en rigole, M. le Président, il en rigole. C'est un peu triste. Donc, la France n'est pas une démocratie, l'Allemagne n'est pas une démocratie, alors qu'on connaît bien l'action de l'Allemagne dans l'édification d'une Europe pacifique. Ah! Et puis l'Assemblée nationale n'est pas une démocratie? Non, l'Assemblée nationale n'est pas une démocratie.

Voyez-vous, cet après-midi, au retour du déjeuner avec ma collègue la députée de Deux-Montagnes et notre collègue le député de L'Assomption, nous avons décidé d'entrer, M. le Président, dans l'enceinte du parlement par l'édifice C qui donne sur le boulevard René-Lévesque, dont certains d'ailleurs tantôt célébraient sa mémoire. Mon Dieu que les gens sont bons quand ils sont morts! Quand ils étaient vivants, par contre, quelle pire atrocité ont-ils dite sur lui! Mais enfin. Alors, nous sommes entrés par la porte C, et le gardien m'a demandé ma carte d'identité de député. Eh oui! Et la carte d'identité de député, elle a une photo dessus. L'Assemblée nationale est antidémocratique, puisqu'elle m'oblige à avoir une carte d'identité avec photo, donc est en train de m'empêcher d'exercer mes obligations de parlementaire qui m'ont été confiées par un mandat populaire. Le déraisonnement de l'opposition officielle.

Et, pour revenir, on cite abondamment l'article 61: «L'électeur doit en outre s'identifier en présentant, malgré toute disposition inconciliable, sa carte d'assurance-maladie du Québec...» Ah! sa carte d'assurance-maladie du Québec. Bon. Attendez, on va continuer. Alors, comme je n'ai pas, heureusement, encore 75 ans – mais ça viendra bien un jour, M. le Président – bien, voilà, voici ma carte d'assurance-santé. Je vous avoue que je n'aime pas tellement la photo, mais tant pis. Voilà. Alors, j'ai ma carte d'identité. Bon, voilà. Et on dit, après, «son permis de conduire». Alors, M. le Président, attendez, il y a une élection à brève échéance, donc... Ah! mon permis de conduire, il n'a pas de photo. Non, je n'ai pas de photo. Non, non, mon permis de conduire, moi, il n'a pas de photo. Bien non, pas de photo. Je me regarde puis je ne me vois pas, alors il n'y a pas de photo. Donc, je peux voter avec mon permis de conduire. Bon. Je n'ai pas...

Une voix: ...

M. Boulerice: Non, non. Non, non. Comme on dit en bon québécois, il est flambant neuf. Oui. Il a été renouvelé le 8 mai. Vous vous rappelez? Cette journée-là, vous m'avez offert vos voeux, M. le ministre.

Et là il y aurait le passeport. Le passeport, je ne l'ai pas, c'est la Direction des relations interparlementaires, ici, de l'Assemblée nationale, qui l'a actuellement pour y faire estampiller un visa. Mais je peux voter, là, je peux voter, il n'y a personne qui m'en empêche. Voilà. Remarquez que, moi, je traîne toujours deux passeports, j'ai également un passeport québécois, un très beau passeport bleu, etc. C'est de voir le plaisir que bien des douaniers européens ont à l'estampiller, d'ailleurs une belle collection. Alors, quand on me disait: Vous allez perdre votre passeport canadien, je disais: Je m'en fous, j'ai déjà mon passeport québécois et j'entre partout où je veux! À Roissy, là, ils disent: Avec plaisir! Bang! On le fait, hein? Bang! On le fait, on s'amuse, on vous le fait. Au Costa Rica, ils sont sympathiques, les gens du Costa Rica. Je me souviendrai toujours du douanier: Bueno, bueno, señor. Bang! Et voilà! Alors, j'ai des tampons d'un petit peu tout partout.

(20 h 50)

Mais, sur un ton plus sérieux, je peux voter, je peux voter, je peux voter. C'est tout ce que ça dit: sa carte d'assurance-maladie, son permis de conduire, son passeport canadien ou son certificat de citoyenneté canadienne. On n'a pas demandé de tous les amener, là. Je fais un choix. Il se pourrait que je n'aie pas de permis de conduire. Il se peut, il y a des gens qui n'ont pas de permis de conduire. Il y a des gens qui ont perdu leur permis de conduire, mais j'ai un permis de conduire. Alors, je présente mon permis de conduire. Je n'ai de permis de conduire – bien, le député de Verdun dit qu'il n'a pas de permis de conduire, ou il n'a plus de permis de conduire, ou il a retrouvé un permis de conduire, je ne le sais plus – ...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: ...alors je présente l'assurance-maladie, voilà, ou mon passeport. Et, pour vous faire plaisir ce soir-là, je prends mon passeport canadien, cette journée-là. Voilà, c'est un des trois. Qui est empêché de voter?

Vous trouvez que c'est démocratique de faciliter la tâche à ces cinq étudiants, je crois, de l'Université Bishop's qui sont allés voter sans avoir eu le droit de voter au dernier référendum? C'est ça, votre concept de la démocratie? Monsieur, vous viendriez voter pour moi illégalement que je vous renierais. Ce n'est pas pour qui ou pour quoi vous votez; avez-vous, oui ou non, le droit de vote? Et il est normal qu'un pays civilisé exige des gens une pièce d'identification.

J'ai été moi-même personnellement témoin dans un bureau de votation du type qui, connaissant les lacunes de la loi, a dit: Je n'ai pas de papier de ci, je n'ai pas de papier de ça, vous êtes obligé de m'assermenter, assermentez-moi, etc., alors que les gens alentours de la table disaient: Non, non, ce monsieur-là n'est pas ce monsieur-là. On connaît ce monsieur-là, c'est un monsieur du quartier. Quand on est dans un bureau de scrutin dans une circonscription de quartier aussi tricoté serré que le mien, on connaît un peu le voisinage. On sait à l'école Garneau que c'est les gens de la rue Champlain qui vont voter là, les gens de la rue Logan, et les gens se connaissent. Mais la loi disait ça. Il a été assermenté. Et lui, de peu de foi, qui dit: Bien oui, je vais prêter serment, pour lui, c'est un geste banal renier la signification profonde qu'un serment peut avoir.

Une voix: ...aller en enfer.

M. Boulerice: Oui, et l'enfer est rouge, M. le député, vous avez bien raison.

Alors, je ne vois pas la raison pour laquelle l'opposition officielle brandit les menaces d'un État totalitaire contrôlant tout, alors que, pour un geste beaucoup plus banal que le droit de vote, on vous exige je ne sais combien de pièces d'identité. Pour changer un chèque, on vous en demande deux, trois, puis ça ne vous gêne pas. Et, pour voter, je vous dis: Monsieur X, vous pouvez présenter une des pièces tel que prévu à la loi: votre carte d'assurance-maladie du Québec, votre permis de conduire du Québec, votre passeport canadien ou, si vous n'avez pas encore de passeport, au moins votre certificat de citoyenneté. Parce que ce n'est pas tout le monde qui a un passeport. Entre parenthèses, il y a à peu près 800 000 à 900 000 personnes au Québec qui ont un passeport. Ça me rappelle encore quand on disait au dernier référendum: Vous allez perdre vos passeports. Sur les 7 500 000 Québécois, il y en a 900 000 peut-être qui étaient inquiets, les autres ont dit: Perdre quoi? Un passeport? Je n'en ai même pas, comment est-ce que je vais le perdre?

Une voix: ...

M. Boulerice: Voilà. Surtout qu'on en avait en réserve des bien plus beaux, et ils serviront. Alors, une de ces pièces-là... Pardon?

Une voix: Le plan P.

M. Boulerice: Oui, le plan P. Mais je ne sais pas ce qui vous gêne là-dedans, honnêtement, là, à part vouloir faire de la petite politique. Parce qu'on entend souvent l'ineffable députée de La Pinière qui dit: Si on faisait quelque chose de non partisan, alors que c'est un parangon de partisanerie, hein... Moi, d'ailleurs, quand quelqu'un me dit: Si on adoptait une attitude non partisane, je me dis: Justement, il est tellement partisan de son option qu'il voudrait que, moi, je renonce à la mienne. Ça, c'est classique comme coup.

Mais qu'est-ce qu'il y a là-dedans, très honnêtement? Tâchez d'être sérieux cinq minutes au moins. Essayez d'oublier l'uniforme qu'on vous oblige à porter et oubliez les ordres que vous recevez d'une autre capitale, puisque vous êtes une franchise, là, tout le monde le sait. Qu'est-ce qu'il y a? C'est quoi? C'est quoi, l'empêchement? Qu'est-ce qui gêne là-dedans? De vous identifier? Vous acceptez que le policier vous intercepte sur la route et vous demande votre permis de conduire? Bon, bien, à ce moment-là, ça aussi, c'est antidémocratique. Mais tout est antidémocratique!

Non. Ce qui est antidémocratique, c'est quelqu'un qui s'arroge un droit qu'il n'a pas et qui s'en sert à ses fins à lui, contrebalançant mon droit à moi et notre droit à nous qui avons ce droit. Si votre conception de la démocratie est autre que celle-là, c'est vous qui êtes profondément antidémocrates ou qui êtes partisans d'une démocratie qui vous avantage à votre manière et à votre façon, basée sur des intérêts et non pas sur des principes.

On dit: Mais, pour la voter, vous passerez un bâillon. Le jeune député du Témiscouata, du Kamouraska ou...

Des voix: Kamouraska-Témiscouata.

M. Boulerice: ...du Kamouraska-Témiscouata dit: Un bâillon! Mais qu'il a la mémoire courte! Il était au cabinet de l'ancien premier ministre Bourassa, il a vécu sous le règne d'ineffables personnages qui s'appelaient Michel Pagé... Après, il a connu Bourbeau. Me semble que Bourbeau a été leader. Je me «trompe-tu»?

Une voix: Non.

M. Boulerice: Non? Bon. Alors, Dieu nous aura épargné ce péril. L'actuel député de Brome-Missisquoi, Michel Gratton également. J'allais oublier notre ami Michel Gratton. Voulez-vous que j'appelle à notre Service de recherche immédiatement, puisque nous avons fait faire une très belle compilation là-dessus?

Et je vois le député de Richmond, qui est un homme honnête, qui est ce qu'on appelle un bon gars et qui, là, M. le Président, me regarde avec un petit sourire parce que, lui, il a une histoire dans ce Parlement, le député de Richmond. D'ailleurs, il a occupé la fonction que j'occupe, il a été leader adjoint. Whip, pardon. Whip. Eh bien, le député de Richmond sait fort bien que, si je faisais sortir le nombre de bâillons qui ont été imposés durant les neuf dernières années du régime libéral, il serait gêné d'entendre le chiffre, le brave député du Kamouraska-Témiscouata, parce qu'on a connu une loi où il y avait même presque un bâillon dans le bâillon.

(21 heures)

Ça fait 13 ans que je suis présent dans cette Chambre, M. le Président, et je peux vous dire dans la minute qu'il me reste que, pour ce qui est des leçons de moralité qu'ils veulent donner quant à l'utilisation du bâillon, pour employer l'expression habituelle, ils peuvent toujours aller se rhabiller, parce qu'ils ont fait un record, effectivement, de 24 ou 26 – un des deux – bâillons, le pire bilan de toute l'histoire du parlementarisme depuis 1792. Alors, leur histoire de croquemitaine... Ce soir, on essaie de faire peur aux aînés; ça ne poigne plus. Puis, deuxièmement, soyez donc un petit peu plus décents, ça ne vous fera pas de tort pour l'avenir. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Le prochain intervenant sera M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.

Une voix: Bravo!


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur le principe du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives, Bill 450, An Act to amend the Election Act, the Referendum Act and other legislative provisions.

Moi, je pense qu'il y a quelque chose qu'il faut rétablir. On a beau aimer le spectacle du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, mais il faut revenir au texte qui est devant nous et le contexte dans lequel on est en train de regarder le projet de loi n° 450. On est à quelques mois d'une élection, et je pense qu'un des principes de base qui ont toujours géré notre Parlement c'est qu'il faut avoir une unanimité ou un consensus autour des changements à la Loi électorale, parce que ce n'est pas une loi comme les autres. On n'est pas en train de toucher à la loi sur l'aménagement du territoire ou la loi sur la sécurité publique, ce qu'on touche ici, ce sont nos règles du jeu. C'est ça qui va déterminer comment on va procéder aux élections prochainement. Alors, moi, je pense qu'il faut à tout prix s'assurer, des deux côtés de la Chambre, qu'il y a le confort, qu'il y a la sécurité, qu'il y a l'appui pour les mesures qui sont dans le projet de loi.

Il y a beaucoup de travail qui a été fait pour s'assurer qu'effectivement, pour beaucoup d'articles qui sont dans ce projet de loi, il y ait le consensus nécessaire. Les articles qui donneraient suite à la décision de la Cour suprême dans l'affaire Libman sont le sujet d'un consensus des deux côtés de la Chambre, on peut procéder immédiatement.

Mais qu'est-ce qui cause le problème? Nous avons regardé ça à la commission de la culture depuis un an, c'est toute la problématique de l'identité, les cartes d'identité et l'obligation de s'identifier. Moi, je dis qu'avant de procéder, avant de mettre une obligation dans la loi, il faut réfléchir comme il faut, et le projet n'est pas mûr à ce sujet. Moi, je reviens toujours sur la problématique soulevée dans le projet de loi n° 40 où le gouvernement a maintenu le même discours: C'est antimoderne, la position du Parti libéral, c'est antimoderne, la position de l'opposition officielle.

Mais qu'est-ce qu'on a vu aujourd'hui, trois ans après? On a une liste électorale permanente avec des ratés importants. On a estimé que 200 000 noms ne sont pas sur la liste électorale permanente. J'ai parlé au maire de Verdun où il y a eu une élection à partir de la liste électorale permanente au mois de novembre passé, 15 % des électeurs de la ville de Verdun sont exclus de la liste électorale permanente. J'ai eu le même discours du maire de la ville de Québec qui m'a dit qu'environ 10 % des adresses et des noms étaient soit oubliés, incorrects, en tout cas il y avait un nombre important d'électeurs dans la ville de Québec, dans la ville de Sainte-Foy, dans la ville de Verdun, dans beaucoup de municipalités où il y a eu des élections au mois de novembre passé, qui ont perdu leur droit de vote grâce à la mauvaise gestion de la dernière bonne idée de ce gouvernement, c'est-à-dire une liste électorale permanente.

Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant, M. le Président, à la veille d'une élection? On veut passer une autre petite vite. On va obliger une carte d'identité pour tout le monde pour assurer leur droit de vote. On va tout changer l'économie de nos élections, parce qu'on a une tradition ici qui date depuis 130 ans: je peux me présenter, je peux voter si je suis inscrit sur la liste. Et je pense qu'avant de créer un autre obstacle qui va inévitablement empêcher le monde de voter, il faut faire preuve d'un problème.

Alors, j'ai questionné l'ancien Directeur général des élections, M. Côté, qui a dit: Effectivement, il n'y a aucune évidence du «telegraphing» des votes, c'est-à-dire, qu'il n'y a aucune évidence qu'il y a du monde qui a triché. Le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a soulevé tantôt la question des étudiants de Bishop's, mais la proposition qui est ici n'a aucun lien avec ça, parce que j'imagine que les étudiants de Bishop's ont une carte d'identité. Alors, ils peuvent présenter ça et voter. Ce n'était pas ça qui était en question. Alors, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques veut mélanger tout le monde, mais le problème qu'il a soulevé n'a aucun lien avec l'obligation qui est devant nous ce soir.

Mais, moi, je vais prendre un cas, M. le Président, personnel, moi-même. Moi, je suis quelqu'un qui n'a pas, par choix, un permis de conduire. Alors, une des pièces qui sont ici, j'ai pas ça. Deuxièmement, la carte de l'assurance-maladie du Québec – et c'est très clair – est une carte pour avoir accès aux services médicaux, point. Quand l'ancien président de la Régie de l'assurance-maladie du Québec est venu témoigner devant la commission de la culture l'année passée, il a dit clairement qu'il ne veut pas mélanger l'utilisation de la carte-soleil avec toute autre fin. Alors, c'est une carte avec un objectif unique, c'est-à-dire que c'est pour avoir accès aux soins de santé, point.

Alors, moi, comme identifiant, je ne veux pas utiliser ma carte-soleil pour d'autres fins. Mais qu'est-ce que la loi ici va faire? Elle va m'obliger soit de faire ça ou... Encore une fois, comme père de famille, j'ai moins l'opportunité que le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques de me promener à travers le monde. Alors, ça fait des années que je n'ai pas eu un passeport, parce que mes moyens de voyager sont beaucoup plus modestes. Alors, je n'ai pas de passeport. Est-ce que, pour aller voter à la prochaine élection, je dois utiliser une carte-soleil qui est réservée à d'autres fins? J'ai le droit, dans la loi sur la santé publique, de refuser d'utiliser ma carte-soleil. Je ne suis pas obligé et je veux garder ça comme ça. Acheter un passeport à 70 $? Et, après ça, on tombe dans la mécanique qui est dans l'article 64 de ce projet de loi. M. le Président, c'est une mécanique qui est fort compliquée, qui va, encore une fois, créer un autre obstacle pour les personnes qui aimeraient voter.

Je vais lire ça, M. le Président, parce que je pense que c'est fort important pour le monde de comprendre ce qui est proposé. C'est ça qui va être l'empêchement pour les personnes d'aller voter. Je cite: «L'électeur qui n'a pu s'identifier conformément au deuxième alinéa de l'article 337 peut quand même être admis à voter s'il déclare sous serment qu'il est bien l'électeur dont le nom apparaît sur la liste électorale et qu'il est bien domicilié à l'adresse qui y apparaît et s'il est accompagné d'une personne qui, sous serment, s'identifie conformément au premier alinéa de l'article 337, atteste de l'identité et du domicile de l'électeur, déclare ne pas avoir accompagné au cours du scrutin un autre électeur qui n'est pas son parent au sens de l'article 205 et présente un document visé au deuxième alinéa de l'article 337 pourvu que ce document comporte sa photographie. Mention de ces serments est faite au registre du scrutin.»

Est-ce que c'est assez clair, M. le Président? Au contraire, ça va être un obstacle, encore une fois, pour les personnes pour exercer leur droit de vote. Comme j'ai dit, avant de mettre les obstacles, le fardeau de la preuve réside chez le gouvernement de faire une preuve qu'il y avait une fraude antérieurement. Mais, à ma connaissance, le seul cas de fraude électorale, de voter illégalement qu'on a vu, était la députée de Sherbrooke qui a avoué qu'elle a voté sans être citoyenne du Canada. Alors, ça, c'est quelque chose qu'on a vu, mais, à part de ça, on n'a pas vu ça comme un problème avec une très grande ampleur qui sera corrigé avec une obligation de s'identifier.

Alors, moi, je pense qu'avant de mettre un processus fort compliqué, parce qu'il faut rappeler... J'imagine que c'est comme ça dans les autres comtés à travers le Québec. Mais, dans mon comté, le monde vote après les heures de travail. Alors, ils arrivent dans un grand rush vers 17 heures, 17 h 30 pour voter. Alors, si j'arrive et je n'ai pas la carte dans ma poche, c'est à la maison ou je l'ai laissée au bureau, il y aura quelqu'un à la porte qui va dire: Non. Vous ne pouvez pas vous identifier, vous devrez retourner à la maison, revenir avec les papiers, ou les cartes d'identité, ou quelque chose comme ça. Si je ne peux pas les trouver, parce que l'heure de fermeture du bureau de vote s'en vient, je dois être capable de trouver quelqu'un. Moi, je suis assez chanceux, M. le Président, j'ai toujours quelques amis qui résident dans le comté de Jacques-Cartier. Mais mettons qu'on est quelqu'un seul, mettons qu'on est quelqu'un qui ne connaît pas trop ses voisins, qui doit aller, en panique, trouver quelqu'un qui est près de... Peut-être qu'il a déjà voté. Alors, retourner au bureau de vote une deuxième fois pour s'identifier comme il faut, à la veille d'une élection.

Moi, je pense, comme j'ai dit, M. le Président, que le gouvernement n'a pas fait la preuve du besoin. Alors, avant d'embarquer dans un processus comme ça, je pense qu'il faut réfléchir deux fois. Et, à la veille d'une élection, moi, j'insiste que la proposition qui est incluse dans le projet de loi n° 450 n'est pas prête. Alors, il faut laisser ça à côté. On peut donner comme mandat d'initiative à la commission des institutions de revenir après des élections. On peut regarder le problème comme il faut.

(21 h 10)

Mais qu'est-ce que j'ai dit? Qu'est-ce que la commission de la culture a fait? Ils ont publié un rapport unanime, des deux côtés de la Chambre, qu'une carte d'identité obligatoire, on ne veut pas ça au Québec. Et ça, ce n'est pas uniquement les députés libéraux qui ont signé ça, c'est une commission formée avec une majorité du gouvernement du Parti québécois, et tout le monde a signé le rapport pour dire: On ne veut pas une carte d'identité obligatoire, on ne veut pas avoir un État avec le grand pouvoir de s'identifier comme ça. Alors, ça, c'est une commission de l'Assemblée nationale qui a publié le rapport il y a deux mois. C'est très nouveau, M. le Président, alors je ne vois pas comment une autre commission peut arriver avec une conclusion autre.

Mr. Speaker, it is incumbent upon the Government to make the case that there has been widespread electoral fraud before changing the rules of the game on the eve of an election. And the government has failed to do this, they have not come up with a case that there were people voting in the place of other people, that there were people cheating, that there were people telegraphing their votes, and it's incumbent.

I took the time to ask the former Director general of elections, M. Pierre F. Côté: Is this a problem? And M. Côté answered me, in parliamentary commission: On the contrary, it's a phenomenon that is now disappearing. So in his eyes, if anything, this was becoming less and less of a problem. And I say: Every time we put into place an obstacle to people's right to vote, people will lose their right to vote. We saw that with the creation of a permanent electoral list where it is now estimated 200 000 people in Quebec are not on the list. They're going to show up on election day, they were probably enumerated last time during the referendum, and all of a sudden, they're going to find out that their fundamental right, their democratic right to vote has been taken away.

This we've seen, Mr. Speaker, it's not an abstract problem. In the municipal elections that were held last fall in Verdun, in Quebec city, in Sainte-Foy, in other districts, I spoke to the mayors, and the mayors told me that between 10 % and 15 % of the electors in their cities lost their right to vote because of the poor management of the permanent electoral list. So that's already one obstacle, because there are all sorts of problems. We have seen it, we saw it yesterday in Argenteuil. I was speaking to one of my colleagues who told me that in one family the son moved out, so he reported to the Health Board that he had moved out, so they immediately struck his parents, and his brothers, and sisters off the electoral list as well. So instead of just taking the one name off the list, they took all five names off the list, and four people lost their right to vote.

That's what's happening in the existing system with the existing obstacles, what Bill 450 will do will create another obstacle which will be that after you finished a hard day's work, you've run around, you finally get to the voting station, you want to exercise your democratic right to vote before you go on to home and help your children with their homework or whatever, now we're going to ask for all sorts of pieces of paper to identify yourself, either a health card... Despite the fact that our Health Act is quite clear, Mr. Speaker, you cannot use that card for another use. And the president of the Health Insurance Board, the outgoing president, Mr. André Dicaire, made it quite clear in parliamentary commission, that card is for one thing and one thing only, access to health services. And that's what our «carte soleil», that's what our health card should be used for.

Driver's licenses. I was quite surprised when we looked at this in parliamentary commission, one Quebec adult in four does not have a driver's license. So it's very imperfect. The Canadian passport is something that you can use, but it's an expansive tool. It costs, I think, 70 $ to get a passport, so you're not going to require an expensive document to allow people to exercise their fundamental right to vote. So we do not have the instruments required to satisfy everybody's need. So the obstacle to identify oneself is going to cost people their right to vote.

And the procedure in Bill 450 contained in article 64 to correct the situation is very, very complicated. You'll have to go out of the polling station, find someone else who can identify himself, who's willing to swear you in order to exercise your right to vote. But we all know, in our elections, everyone votes late in the afternoon or early in the evening. I've worked outside at the voting booths, and in the morning, from 10:00 o'clock in the morning till 3:00, 3:30 in the afternoon, you may see 10 % or perhaps 15 % of the electorate. But on the way home from work, there's a rush that starts about 5:00 p.m. and runs till about 7:00 p.m. or 7:30 p.m. where everyone comes in to vote.

So you're running home from work, you have other things to do, you show up, and someone is going to try to create this obstacle for you to vote by saying: I need this piece of paper and that piece of paper. And if you can't find that, you have to go out and find somebody to come back and swear you in, in order to right to vote. The risks are: the people are not going to go through all that and they're going to lose their right to vote, Mr. Speaker. So I think this is something that has to be thought out quite carefully. It's not something that we do very quickly at the end of a parliamentary session, on the eve of an election, just pass «une petite vite», a little quickie through here which will have a fundamental change on how we do our elections.

So what I propose is that we give the «commission des institutions» of the next Parliament, the mandate to go through and look at this problem of identification of voters, again to take into account what the culture commission did in terms of the problems with the existing identity cards. None of them is perfect, and by requiring them here, we're creating all sorts of problems which I think the Government has not foreseen. This idea is not right, Mr. Speaker. And for that reason, I think the whole thing has to be put off.

They're other parts of Bill 450, as we have said before, that had made the object of consensus between two sides. We're willing to proceed with the articles from the Libman Affair, the decision of the Supreme Court. Those are things that have to be done before the election, and the spokesman from the Official Opposition, the Member for Laurier-Dorion, has indicated his willingness to cooperate to make sure that those articles are adopted before the end of the session. But this whole notion of identity which, as I say, the Government has failed when it comes to making a proof that it is a problem, that there is something that needs to be addressed here. As long as that proof has not been made, that's a debate that must be put off to another day.

En conclusion, M. le Président, comme j'ai dit dès le départ, chaque fois qu'on met une obligation, c'est en créant un autre obstacle au monde pour exercer leur droit de vote. Et, nous autres, ici, au parlement, on est familier avec nos projets de loi, on lit notre législation, on a un accès privilégié aux renseignements sur comment fonctionnent les élections et les autres institutions de notre société. Pour le monde ordinaire, les personnes qui suivent moins nos débats, qui ne sont pas impliquées dans un parti politique mais, quand même, qui sont les citoyens et citoyennes qui suivent les grands débats de notre société dans les journaux et qui, une fois par quatre ans, exercent leur droit fondamental de s'exprimer, le droit de vote, il faut être très prudent de ne pas mettre des obstacles, des bâtons dans les roues de ces gens-là qui vont s'intéresser, pendant la campagne, qui vont dire: Ce monsieur a de l'allure, cette madame fait mon affaire. Je ne sais pas trop, mais ils vont prendre cette décision d'envoyer leur représentant ici, au parlement. Et chaque fois qu'on leur met un obstacle dans les roues, ça va empêcher le monde de voter.

On est très fiers, comme Québécois, du taux de participation de nos concitoyens à nos élections. Moi, je pense qu'entre autres, au référendum de 1995, tout le monde était fier. Je pense que le taux de participation était au-delà de 94 %, 95 %. Dans mon comté, c'était 96 %. Alors, il y a un grand intérêt, et je pense qu'il faut encourager ça au lieu de créer des lois, de créer des obligations de s'identifier qui vont empêcher le monde de voter. Il faut être très, très prudent avant de procéder. Et c'est pourquoi, moi, je propose, encore une fois, qu'on prenne les éléments de ce projet de loi qui sont mûrs, c'est-à-dire ceux pour lesquels il y a un consentement des deux côtés de la Chambre, on va les adopter, qu'on les adopte avant les prochaines élections. Mais, sur les questions de litige et surtout sur toute la notion d'identité et l'obligation de s'identifier, il n'y a pas de consensus. Il faut envoyer ça de nouveau devant la commission des institutions pour une décision après les élections, parce que c'est une question trop importante pour régler ça rapidement à la veille d'une élection. Merci beaucoup, M. le Président.

(21 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie M. le député de Jacques-Cartier. Maintenant, le député de Kamouraska-Témiscouata va prendre la parole. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. Avant de commencer à parler sur ce projet de loi, je tiendrais à soulever quelques éléments que l'ineffable député de Sainte-Marie–Saint-Jacques a mentionnés au cours de son envolée oratoire, digne de son passé, en cette Chambre. M. le Président, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, en ce qui a trait au projet de loi n° 450, quand il est question de la nécessité qu'une des pièces qu'on demande pour avoir droit de vote soit le passeport canadien, a dit quelque chose qui est à peu près l'équivalent de la déclaration de son ancien chef, M. Parizeau, en fin de semaine dernière. Parce qu'on se rend compte d'une chose, c'est que le programme constitutionnel du Parti québécois, c'est à options multiples, dépendamment des circonstances et dépendamment de l'endroit où on parle de ce programme-là. Il a dit que la citoyenneté canadienne était quelque chose de temporaire et que, avec un Québec souverain, il n'y aurait pas de passeport canadien, et tout ça. C'est exactement le contraire de ce qu'il disait en campagne référendaire il y a quelques années, et il me semble que c'est exactement le contraire de ce qu'il y a dans le programme même du Parti québécois. Donc, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, ou il vient d'écrire un nouveau chapitre du programme de l'article 1 puis il s'inscrit dans les nombreux virages qu'on a vus au Parti québécois, ou il va tout simplement être rappelé à l'ordre et amené dans le chemin que les gens du Parti québécois vont lui dicter.

Lorsque mon collègue de Marquette a mentionné qu'un autre ancien chef du Parti québécois et premier ministre du Québec, M. René Lévesque, était un grand démocrate, on a entendu des cris et on a d'ailleurs toujours entendu le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques nous dire, après, que les gens sont toujours bons quand ils sont morts. C'est exactement ce qu'il a dit. Pourtant, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, s'il a un peu d'histoire – et il semble avoir une grande culture – devrait savoir qu'en 1984 René Lévesque n'a pas quitté le Parti québécois, qu'il n'a pas quitté son poste de premier ministre suite à une élection, qu'il a quitté suite à un putsch de gens de son propre parti. Peut-être qu'il était trop démocrate pour eux. Et il y en a, des témoins qui sont ici ce soir et qui pourraient nous en parler, de cet épisode-là en 1984, il y a des gens qui sont là ce soir et qui étaient là, en 1984. Ils pourraient nous le dire, comment ça s'est passé et expliquer vraiment qui est le grand démocrate et sur quel exemple on devrait se fier. Peut-être parce que lui, à cette époque-là, M. Lévesque, avait décidé de respecter les idées des Québécois et les choix que les Québécois avaient faits.

M. le Président, dernier point sur l'intervention du député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Il a dit à mon collègue de Jacques-Cartier qu'il aimerait mieux renier quelqu'un plutôt que de voir quelqu'un voter illégalement pour lui. Il y a une variante, effectivement. Je ne crois pas que la députée de Sherbrooke a voté pour le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, mais je ne sais pas s'il l'a reniée. C'est une bonne question qu'on devrait lui poser, savoir s'il va y répondre, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques. Est-ce qu'il a renié sa collègue de Sherbrooke? Parce qu'il a dit clairement qu'il renierait quelqu'un qui votait illégalement.

M. le Président, on est avec ce projet de loi n° 450, Loi modifiant la loi sur les consultations populaires et d'autres dispositions législatives. On dirait une habitude du gouvernement actuel, du régime actuel. Depuis trois ans, chaque année, il y a des modifications à la Loi électorale, chaque année depuis qu'ils sont en poste. Et autre coïncidence assez particulière, c'est que chaque fois, jusqu'à maintenant, ça s'est fait avec un bâillon. Et ça, un bâillon, là, pour les gens qui nous écoutent, c'est bien simple, c'est que, à partir du moment où tu modifies une loi, et que tu te rends compte que l'opposition n'est pas d'accord, et que tu veux absolument avoir ce projet de loi là parce que t'en as besoin, bien, là, tu le déposes, tu le passes dans ce qu'on appelle le bâillon, tu suspends les règles, et on le passe.

Et ce n'est pas de n'importe quelle loi qu'on parle, là, ce n'est pas d'une loi sur les amendements, je dirais, de pertinence ou de concordance, c'est la Loi électorale. C'est ce qui est à la base de notre démocratie. C'est une loi qui, je dirais, historiquement et par respect pour l'esprit de la loi elle-même, se doit d'être adoptée le plus souvent possible quand il y a un consensus. Mais c'est devenu exactement une habitude contraire, M. le Président, de ce gouvernement-là. Et qu'on ne vienne pas nous faire croire que, à l'aube d'une élection, on vient remodifier la Loi électorale et qu'on vient nous dire... Et on y tient, là, on y tient, de l'autre côté.

Il y a une partie sur laquelle, oui, il faut répondre et donner suite au jugement de la Cour suprême. D'accord. Il semble y avoir consensus là-dessus, les comités qui se sont réunis semblent avoir consensus et il semble qu'on a trouvé des solutions à cette problématique-là. Mais, M. le Président, on essaie encore de nous en passer une petite vite à côté et de profiter du fait qu'il faut la modifier pour répondre au jugement de la Cour suprême pour faufiler quelques petits amendements. Et encore une fois qu'on ne vienne pas faire croire aux gens que ces amendements-là, c'est pour favoriser l'opposition puis c'est pour favoriser la démocratie; c'est pour favoriser la gang qui est au gouvernement présentement. C'est aussi simple que ça. C'est aussi simple que ça.

M. le Président, le droit de vote... Au Québec, on peut se vanter d'une chose, c'est qu'on a un beau taux de participation à nos élections. On a un des taux les plus intéressants; la démocratie est vivante. Et le droit de vote, si on en est là, c'est qu'il s'est toujours exprimé le plus librement possible et dans un esprit de justice. Il ne faut pas partir de la prémisse que tous les Québécois et toutes les Québécoises veulent frauder la Loi électorale et voter illégalement. Mais ça semble être de cette façon-là qu'on s'aligne, de dire que les Québécois et Québécoises, si on ne les encadre pas de façon bien serrée et qu'on ne les force pas à s'identifier la main sur la Bible ou presque, ils vont voter illégalement. Bien, voyons donc!

M. le Président, le droit de vote est un droit d'expression, est un droit que les citoyens ont. Et, moi, je crois qu'il faut faire confiance aux citoyens. Les gens du Québec sont responsables, sont capables de voter eux-mêmes – on a quelques exceptions; il y en a dans certains comtés représentés ici, à l'Assemblée nationale. Ils sont capables, ils sont assez matures pour voter quand ils en ont le droit. C'est ce qu'ils font dans une immense majorité des cas. Mais avec ce projet de loi là on a l'impression que le gouvernement part de la prémisse que tous les Québécois et toutes les Québécoises n'ont qu'un but, c'est-à-dire frauder la Loi électorale. Mais je m'excuse. Quand on a des taux de participation comme on a, quand on a aussi peu de plaintes que ce qu'on a présentement...

Il y a des cas à régler, des cas particuliers, mais on se rend compte que ces cas particuliers là, ils augmentent depuis que ce gouvernement-là est en place et depuis la première fois où ils ont modifié la Loi électorale, encore une fois parce qu'ils en avaient besoin pour leur référendum en 1995. C'est depuis ce temps-là qu'on a des problèmes, qu'on a une aussi grande hausse des cas problématiques au niveau du droit de vote.

M. le Président, dans ce projet de loi là, que les gens comprennent bien, il y a une nécessité: sur certains éléments, il faut modifier effectivement la Loi électorale pour répondre à un jugement de la Cour suprême. Et là-dedans il y a, entre autres, le fait que ce projet de loi là ne comporte pas de clause dérogatoire comme telle. On a réussi à trouver des ajustements au lieu d'avoir recours à une clause dérogatoire. C'est certain qu'il s'agit d'un recul pour le gouvernement qui... On a entendu le ministre responsable qui a déchiré sa chemise deux fois plutôt qu'une là-dessus. C'est un recul pour ce gouvernement-là, mais ils adoptent quand même une position libérale. Mais c'est une victoire pour la démocratie aussi, parce qu'on a été capable de trouver dans cette loi-là des ajustements qui permettent de répondre au jugement de la Cour suprême.

Mais encore une fois, M. le Président, on en profite pour en passer une petite vite et parler là-dedans de l'identification obligatoire des électeurs, de parler des dispositions pénales, des critères de remboursement des candidats. Ça, à ce que je sache, ce n'était une nécessité pour répondre au jugement de la Cour suprême, et ça, je dirais que, le critère de remboursement des candidats depuis l'élection partielle d'hier, il y a peut-être des gens qui vont demander qu'il y ait encore des modifications pour qu'il y ait des ajustements qui soient faits pour répondre au nouveau pourcentage qu'on a vu hier.

Mais, M. le Président, ce qui est important de souligner là-dedans, comme je l'ai mentionné, ce projet de loi là ne comporte pas de clause «nonobstant», et c'est certain que, s'il y a quelque chose... On voit quand il y a une collaboration, quand il y a une certaine ouverture, quand il y a un esprit de consensus pour une loi aussi importante pour notre démocratie que la Loi électorale... Je pense que les libéraux et les péquistes ont collaboré pour réussir à trouver un compromis là-dedans.

(21 h 30)

Mais, encore une fois, encore une fois, M. le Président, il faut souligner qu'on profite de ce consensus-là pour réussir à faire passer autre chose. Parlons-en, là, du consensus. Les résultats des discussions au sein du Comité consultatif. Depuis 1996, les éléments qui concernent les discussions qu'ils ont eu là, on les retrouve. Il y a eu, entre autres, l'abolition de l'obligation de tenir une élection partielle lorsque la vacance survient dans la dernière année du mandat; modification des heures d'ouverture des bureaux de révision; élargissement de la clientèle admissible au choix de l'article 3; avis aux électeurs des décisions des commissions de révision; révision des décisions d'une commission de révision; permettre la radiation fondée sur le décès lors de la révision spéciale; vérification des signatures d'appui d'une déclaration de candidature; commission de révision nationale pour les électeurs hors Québec; certificat de transfert pour les personnes handicapées; assistance pour voter; adoption du bulletin de vote de type belge; affichage en campagne électorale; conditions d'autorisation des partis politiques; et deux autres éléments, dont l'inscription automatique des jeunes de 18 ans et des néo-Canadiens.

M. le Président, tous ces éléments-là sont la base d'un consensus et sont le résultat du travail d'un comité consultatif qui s'est penché sur cette question-là. Mais, M. le Président, on s'entendait déjà sur tout ça. On est à l'aube d'élections générales. Est-ce qu'on ne pourrait pas simplement se dire: On va jouer selon les mêmes règles, on ne viendra pas changer les choses en cours de route? Il y a des éléments qu'il faut ajouter. Il y a eu consensus là-dessus, tout le monde s'entend. Et que ce gouvernement-là ne vienne pas nous dire que les autres points qu'il veut modifier, ce n'est pas pour l'avantager. Bien, voyons donc, pourquoi il les modifierait, si ce n'est pas pour l'avantager? On «peut-u» jouer sur les mêmes règles?

Moi, je suis certain, M. le Président, en ce qui a trait aux autres éléments qu'il y a dans ce projet de loi là, je suis sûr et certain que, en dehors de cette Chambre, quand il y a des caucus, quand ils se parlent entre eux autres, ils se disent: On va leur en passer une petite vite avec ça. On va se cacher derrière le consensus, derrière la nécessité de modifier la Loi électorale puis, encore une fois, comme on l'a fait trois fois depuis qu'on est en poste, on va modifier la Loi électorale pour restreindre le droit de vote et faire en sorte que ce soit encore plus compliqué d'aller voter. Et on va partir du principe que tous les Québécois et les Québécoises sont de mauvaise foi quand ils vont voter et cherchent à en passer une au système. M. le Président, je pense qu'on est loin de ça.

Toute la question de l'identification des électeurs. Je pense que tous ont vécu des situations au cours de leur vie où il n'y en a pas, de carte sur toi. Si on regarde, là, dans un comté rural, les gens arrivent de travailler en fin de journée, 18 h 30, 19 heures, ils passent pour aller voter. Ça peut arriver qu'ils aient oublié certaines pièces. Là, on va leur refuser le droit de vote. Même dans un village de 200 personnes où tout le monde se connaît, il y a un des scrutateurs qui peut dire: Identifiez-vous et prouvez-nous que vous êtes la bonne personne. Même s'il le connaît, juste parce qu'il a un doute quelque part sur son allégeance, il peut faire en sorte que cette personne-là va perdre son droit de vote.

M. le Président, ce n'est pas ça, la démocratie, selon moi. Ce n'est pas ça, mais c'est exactement ce qu'on va permettre de faire. Tantôt, avec éloquence, encore une fois, le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques disait qu'il a plusieurs passeports et, pour lui, ça n'existe pas, quelqu'un qui n'a pas de carte d'assurance-maladie, qui n'a pas de permis de conduire et qui n'a pas de carte de citoyenneté ou de passeport. Je pense qu'il devrait sortir un peu de sa bulle. Ça peut arriver.

Et l'autre chose qu'il ne faut pas oublier là-dedans, c'est l'utilisation qu'on fait de ces cartes et de ces outils-là. Et tous s'entendent, la Régie de l'assurance-maladie le dit, la carte d'assurance-maladie, ce n'est pas une carte d'identification pour aller voter. Comment on réagit du côté gouvernemental à une déclaration comme ça du président de la Régie de l'assurance-maladie? Il ne pense pas comme nous autres, on ne s'en occupe pas. On ne s'en occupe pas, on va le mettre là quand même. Ce n'est pas pour ça que ces cartes-là ont été faites. Et, lors de la commission parlementaire, la Commission d'accès à l'information, la Commission des droits de la personne et de la jeunesse l'ont dénoncée, cette mesure-là. La Commission d'accès à l'information a même parlé d'un détournement illégal de la finalité desdites cartes. Ce n'est pas l'opposition, ce n'est pas le député de Kamouraska-Témiscouata qui ce soir sort ça, puis aie! c'est nouveau. Ces gens-là l'ont dit en commission parlementaire. Ça n'a eu aucun impact.

L'autre point sur lequel il faut se pencher, M. le Président, c'est aux articles 61, 62 et 64 du projet de loi n° 450. Là-dedans, on voit que le gouvernement propose que la présentation d'une pièce d'identité – comme on l'a mentionné, d'une carte qui à l'origine n'est pas faite pour ça – soit obligatoire, que l'électeur qui serait dans l'incapacité de remplir cette obligation soit, en plus de prêter serment, accompagné d'une personne qui, elle, est en possession d'une telle carte et qui est en mesure d'identifier l'électeur.

M. le Président, voyez-vous ça, le scénario, à 17 h 30, l'après-midi, le jour du vote, quand il y a le plus de gens qui se déplacent pour aller voter dans ces blocs-là, entre 16 heures et 18 heures, vous imaginez-vous ça, que, là, on se mette – excusez le mot – à niaiser le monde et à leur demander de s'identifier, à leur demander leurs cartes, à leur demander ci et à leur demander ça? Vous imaginez-vous la file d'attente? Vous imaginez-vous le nombre de personnes qui, au lieu d'attendre pour des choses plus ou moins essentielles, vont retourner chez elles et éviter de voter?

Ça va arriver. Ça va arriver, M. le Président, c'est certain. On l'a déjà vu. Dans les élections partielles, on l'a vécu. Il y en a certains, justement, des scrutateurs, qui cherchaient plutôt à empêcher les gens de voter qu'à favoriser le vote. On a vu ces gens-là, presque volontairement pour ne pas dire directement volontairement, retarder le vote, retarder les gens, demander de s'identifier, demander de prêter serment, demander ci, demander ça. Ça fait en sorte que notre démocratie, à ce moment-là, est moins en santé. Les gens se connaissent, les gens le savent, et on demandait quand même des choses comme ça, ce qui fait qu'on a limité le droit de vote.

M. le Président, vous savez, on a adopté, encore une fois sur le bâillon, en 1995, le projet de loi qui a mis en place la liste permanente des électeurs. On nous disait, à ce moment-là, qu'il n'y aurait pas un seul électeur qui serait privé de son droit de vote, qu'il n'y aurait pas un seul électeur qui ne se retrouverait pas sur ces listes-là. J'ai vécu une élection partielle. Je «peux-tu» vous dire qu'il y en a plusieurs, des personnes, qui n'ont même pas déménagé, qui restent au même endroit, exactement à la même place et qui ne se retrouvaient pas sur la liste permanente? Et là tu rentres dans tout le processus de révision, et c'est compliqué, et là les gens ne savent plus où aller, et là on demande de prêter serment et de...

M. le Président, il y a eu des failles majeures. Il y a eu des failles majeures pourquoi? Parce qu'on a préféré passer une loi dont on avait besoin pour ses propres intérêts, du côté gouvernemental, plutôt que de passer une loi dans l'intérêt de la démocratie québécoise. Et c'est ces gens-là qui se prétendent des grands démocrates. Ça se prétend des grands démocrates, et tout ce que ça fait, c'est faire en sorte qu'il va y avoir moins de gens qui ont le droit de vote. Ça va être encore plus restrictif.

M. le Président, vous savez, il y a un autre élément dans ce qu'on dit... Il y a eu un consensus sur lequel il faut s'ajuster et sur lequel tout le monde est d'accord, mais, dans les petites vites qu'on essaie de nous passer, il y en a une autre: l'article 85 qui vise à introduire et à rendre illégal et punissable d'une amende pouvant aller jusqu'à 10 000 $ quiconque, par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse, tente d'influencer le vote d'un électeur de même que quiconque se sert indûment de sa position d'autorité pour tenter d'influencer le vote d'un électeur. Si ça, c'était en place présentement, il y a des gens qui pourraient être traînés en cour pour ce qui se passe à la commission des institutions sur la commission de Calgary. Et il y a des gens qui l'ont dit, que c'était une ruse. On peut les nommer, les anciens chefs l'ont dit, que c'était une ruse. On pourrait se prévaloir de ça. Mais ça, c'est partir directement du fait qu'on dit que les gens sont des tricheurs en ce qui a trait à la Loi électorale.

Moi, je pense qu'il y a une leçon qu'on doit retenir de ce projet de loi et de la façon dont il est présenté, c'est que, du côté du Parti québécois, on a besoin de cette loi-là parce que ça peut nous avantager, ça peut empêcher quelques personnes de voter. Ce n'est pas une loi qui cherche à ouvrir le droit de vote, à faire en sorte que notre démocratie se porte mieux; c'est un projet de loi qui sert à encadrer encore de façon plus serrée, à restreindre le droit de vote et, à la limite, de priver des Québécois et Québécoises d'un droit légitime et d'un droit que, dans plusieurs cas, ils exercent depuis des dizaines d'années. M. le Président, je pense qu'il y a une partie du projet de loi qui est nécessaire, mais il y a une partie du projet de loi qui n'a d'autre but que de servir les intérêts du gouvernement. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Y a-t-il d'autres intervenants?

M. Gautrin: Ah! Bien sûr.

(21 h 40)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il me semblait. Ha, ha, ha! Alors, M. le député de Verdun, je vous cède la parole.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. On a un projet de loi, le projet de loi n° 450, qui comporte 111 articles. Je vous signalerai simplement, pour votre gouverne, que l'article 101 se subdivise en 26 sous-articles. Donc, vous avez essentiellement ici un projet de loi qui comprend de nombreuses modifications à la Loi électorale. Dans la très grande majorité des cas, M. le Président, l'opposition considère que ce projet de loi, dans la très grande majorité des articles, va faciliter et va améliorer le processus électoral. J'insiste là-dessus, dans la très grande majorité des cas.

Il est important de vous rappeler ce à quoi nous adhérons ici. Nous adhérons, bien sûr, aux modifications nécessaires à la Loi électorale suite au jugement de la Cour suprême. Nous adhérons au principe de l'abolition de l'obligation de tenir une élection partielle lorsque la vacance survient dans la dernière année du mandat. Nous adhérons à la modification des heures d'ouverture des bureaux de scrutin et de révision. Nous adhérons à l'élargissement de la clientèle admissible au choix de l'article 3. Nous adhérons à l'avis aux électeurs des décisions des commissions de révision. Nous adhérons pour permettre la radiation fondée sur le décès lors de la révision spéciale. Nous adhérons à la commission de révision nationale pour les électeurs hors Québec. Nous adhérons au principe – et ça va être une bonification dans la loi – des certificats de transfert pour les personnes handicapées. Nous adhérons aussi aux provisions qui sont dans la loi pour permettre une meilleure assistance aux personnes qui sont handicapées pour leur permettre d'aller voter. Nous adhérons aussi à la modification du type de bulletin de vote pour diminuer le nombre des bulletins qui sont radiés.

Nous adhérons au changement sur les règles d'affichage, et là c'est une question extrêmement importante. Vous rappelez-vous à quel point on peut avoir des débats éternels, savoir où on a le droit d'afficher et où on n'a pas le droit d'afficher. La loi vient ici clairement préciser ce qu'il y aura. Nous adhérons aux nouvelles conditions d'autorisation pour les nouveaux partis politiques. Nous adhérons au fait que les repas servis lors d'une activité politique ne sont pas considérés comme des dépenses électorales. Nous adhérons au principe qu'on ait une inscription automatique sur la liste électorale des jeunes qui vont avoir 18 ans et de ceux qui sont nouvellement citoyens canadiens. Nous adhérons à l'autorisation des candidats et des députés indépendants. Nous adhérons à la nomination du président des commissions de révision. Nous adhérons à l'exception à l'avis de convocation d'une commission de révision, c'est l'article 47. Nous adhérons à l'exemption à l'établissement d'un seul bureau de vote pour une section d'au moins 50 électeurs.

M. le Président, l'opposition ne fait pas ici un blocage systématique de ce projet de loi, mais il y a quatre articles à l'intérieur de ce projet de loi sur lesquels nous ne somme pas d'accord. Et je dois ici signaler à quel point je regrette que la tradition de ce Parlement qui faisait en sorte que les lois électorales n'étaient adoptées que lorsqu'un large consensus était atteint... Et, alors qu'un large consensus est atteint ici sur la majorité des articles, le gouvernement essaie d'inclure dans ce projet de loi quatre articles sur lesquels il n'y a pas consensus. Les articles sur lesquels il n'y a pas consensus – le député de Kamouraska-Témiscouata l'a rappelé, tout à l'heure – sont l'article 61, l'article 62, l'article 64 et l'article 85.

À première vue, on pourrait dire: Bon, c'est banal de demander à l'électeur de s'identifier. On pourrait dire: C'est une chose simple, que tout le monde fait, et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques, avec la faconde qu'on lui connaît, a décrit les multiples cas dans lesquels le citoyen habituel doit s'identifier. La réalité des choses, M. le Président – et je veux ici vous soulever les problèmes – c'est que cette obligation, au moment du vote, de devoir s'identifier va, et je vais vous expliquer pourquoi, ralentir le processus électoral, va faire en sorte que le déroulement de l'élection va être plus lent. Vous allez augmenter les files d'attente dans les bureaux de votation, ça va avoir un effet pervers de diminuer, ou de ne pas inciter, ou d'inciter les gens à ne pas voter.

Qu'est-ce qu'on gagne, de l'autre côté? Je sais bien qu'on passe son temps à dire: Oui, il peut y avoir des gens qui vont voter à la place de quelqu'un d'autre. Vous faites des élections depuis longtemps, M. le Président. Moi, j'ai fait ma première campagne électorale en 1960; j'avais 17 ans. Il y a une évolution, bien sûr, dans les moeurs électorales, et on ne peut plus dire, à l'heure actuelle, que la pratique des télégraphes qu'on a peut-être pu connaître à certaines époques de notre jeunesse est une pratique qui existe actuellement dans le vote, dans les élections du Québec. Je dois dire que ça n'existe pratiquement plus dans les élections provinciales ou fédérales.

L'obligation de s'identifier, par contre, va avoir deux effets qui peuvent être pernicieux, et je vais vous les décrire. Un homme clairement connu de tous dans sa circonscription, dans la soixantaine, qui a toujours eu l'habitude d'aller voter en utilisant le papier que le directeur de scrutin de sa circonscription, le président d'élection lui envoie pour dire: Vous devez voter au poll 46, se présente, comme d'habitude, à l'école où il doit voter avec ce papier-là qui lui dit: Monsieur X, Y, Z, vous votez, et c'était le papier qu'il utilisait. Il ne pourra plus le faire, même si tout le monde le connaît, s'il n'a pas sur lui un des quatre documents prévus à l'article 61, à savoir soit le permis de conduire, la carte d'assurante-santé, le passeport canadien ou le certificat de citoyenneté canadienne.

Je m'excuse de vous le dire, M. le Président, il est possible qu'il y ait un pourcentage important d'électeurs qui, lorsqu'ils se présenteront aux bureaux de vote, même s'ils sont clairement des électeurs ayant le droit de voter, n'auront pas nécessairement sur eux et avec eux un de ces quatre documents, et qui sont connus, reconnus par et le scrutateur, et le greffier, et le représentant du Parti libéral, et le représentant du Parti québécois, et même le représentant des candidats indépendants parce que ce sont des gens connus dans leur communauté. Mais ils n'auront pas le fameux document. Alors, j'ai fait de nombreuses élections. Le citoyen va réagir en disant: Bon, vous me connaissez, je suis un tel, etc., et on ne le laissera pas voter, et ça va commencer à être, entre guillemets, des perturbations dans les bureaux de scrutin.

(21 h 50)

Deuxième élément, la provision de l'article 64 dit: Si la personne se présente au bureau de scrutin mais n'a pas ses papiers pour pouvoir être identifiée, elle pourra prêter serment si tant est qu'une autre personne puisse, avec un document qui l'identifie, dire: Oui, je certifie que le monsieur est bien M. X, Y, inscrit sur la liste électorale. Sauf que la provision de l'article 64 dit bien: Vous ne pourrez le faire qu'une seule fois. C'est-à-dire que les gens qui sont dans le bureau de scrutin, qui voient arriver quelqu'un qu'ils connaissent, qui savent pertinemment... qu'ils connaissent, qui savent qu'il est l'individu inscrit résidant à tel endroit sur la liste électorale, ne pourront que pour un seul électeur l'identifier et identifier son serment; pour les autres, ils ne pourront plus le faire. Et ça, M. le Président, vous êtes en train de ralentir considérablement le processus électoral.

Vous savez tous dans cette Chambre que, le jour d'une élection, c'est dans la période qui suit, à la fin de la journée, que vous avez la plus grande concentration d'électeurs. Vous savez tous ce qui va arriver. Des gens qui terminent leur travail, qui habituellement vont vouloir aller voter en revenant de leur travail, qui, pour toutes sortes de raisons, n'auront pas avec eux les fameux documents, les fameux quatre documents, ils vont se voir éventuellement retirer leur droit de vote ou... l'impossibilité d'aller voter.

Alors, M. le Président – et vous êtes un philosophe et vous devez y réfléchir profondément – entre le risque éventuel, qui, à mon sens, est un risque purement virtuel, qu'une personne se substitue à quelqu'un qui est sur la liste électorale et aille jusqu'à prêter serment en disant qu'elle est la personne identifiée sur la liste, ce qu'on essaie d'empêcher en obligeant des gens à s'identifier avec un document, et, de l'autre côté, le risque qu'un certain nombre de personnes dûment autorisées et ayant dûment ce droit sacré de vote soient amenées à ne pas pouvoir l'exercer, entre ces deux risques, entre ces deux éléments, je choisis de faciliter au maximum l'exercice du droit de vote, car je crois en ceux qui l'exercent et je crois à la bonne foi de la majorité des gens lorsqu'ils prêtent serment, M. le Président. Si le gouvernement avait voulu être cohérent avec lui-même, il aurait même pu aller jusqu'à l'établissement d'une carte d'électeur. Il ne l'a pas fait, heureusement, M. le Président, mais il essaie de récupérer, parce que ça aurait été de créer un tollé inacceptable dans la population.

Pensez, M. le Président – et vous avez fait des élections, il faut voir comme ça se fait, hein – qu'il est 17 heures, 17 h 30, ce qu'on appelle dans le langage – excusez le terme anglais – les «runners» reviennent, disent que M. X ou Mme Y n'a pas été voter...

Une voix: Les coursiers.

M. Gautrin: Merci, M. le député de Taschereau... n'a pas été voter. Les téléphonistes dans votre bureau téléphonent: Il faut aller voter. Vous envoyez une automobile pour aller chercher cet électeur, parce que vous trouvez qu'il est important qu'il puisse exercer son droit de vote. Vous arrivez chez lui: Bon, voici, il est important de venir; vous avez une auto, on va vous emmener, vous emmener voter. Dans la précipitation, cette personne oublie un de ces quatre papiers d'identité et se trouve absolument, à ce moment-là, dans l'impossibilité de voter. Et, M. le Président, c'est ça que je trouve grave dans ces articles 61, 62, 64.

Pour combattre actuellement une menace virtuelle, on risque à l'heure actuelle de priver de leur droit de vote des citoyens dûment habilités à voter. Et c'est ça qui est, de notre point de vue, M. le Président, particulièrement grave.

Je ne ferai pas ici de grandes tirades sur la démocratie, ou on pourrait en faire ou pas. Je tiens à répéter que le but de la Loi électorale doit être de faciliter, à tous et à chacun qui ont le droit de vote, la possibilité de l'exercer de la manière la plus facile et naturelle possible. Et, lorsque vous allez créer des barrières, des possibilités de retard dans les bureaux de votation, vous allez exactement à l'inverse et à l'encontre de ce que devrait être normalement une loi électorale.

Alors, M. le Président, je dois rappeler que nous avons adhéré à la majeure partie des articles qui sont dans ce projet de loi, sauf ces trois articles, 61, 62 et 64. Je soulèverai un autre article qui, dans le projet de loi, pose problème. Il s'agit de l'article 85. Et je sais que vous l'avez lu. Je me permets de vous le lire: Est passible d'une amende de 200 $ à 1 000 $ quiconque... «Est passible d'une amende de 1 000 $ à 10 000 $ – excusez-moi, je me trompais du niveau des amendes – quiconque:

«1° par intimidation, contrainte ou quelque prétexte ou ruse, tente d'influencer le vote d'un électeur;

«2° se sert indûment de sa position d'autorité pour tenter d'influencer le vote d'un électeur.»

Ou bien, cet article ne veut rien dire et on ne pourra pas l'appliquer, c'est un article qui est déclaratoire, ou bien... Je ne sais pas si vous en saisissez la portée, «se sert indûment de sa position d'autorité pour tenter d'influencer le vote d'un électeur». J'ai connu, par exemple, un certain nombre d'enseignants, en général du parti ministériel, qui essaient d'indiquer les raisons pourquoi ils voudraient que certains jeunes choisissent l'option qui est la leur. Peut-on dire, à ce moment-là, qu'on utilise indûment une position d'autorité? Nous avons tous, dans la société, des positions d'autorité plus ou moins forte. Nous avons tous des positions d'autorité, M. le Président. Et vous voyez à ce moment-là toute la question qui va être soulevée après par la portée de cet article.

Ensuite, tenter d'influencer un électeur par ruse. Y a-t-il ruse, M. le Président, lorsqu'un candidat ne déclarera pas exactement la portée complète de ce qu'il propose? Y a-t-il ruse, par exemple, lorsque les ministériels n'ont pas déclaré l'ensemble des conséquences possibles dans le référendum de l'accession à la souveraineté du Québec? Était-ce une ruse ou pas? On pourrait le voir. Si c'est cela, est-ce que c'est la lecture qu'il va faire de cet article-là ou bien on va avoir un article qui va être utilisé d'une manière ou d'une autre, un article qui, je pense, est dangereux et mal rédigé, car va pouvoir donner prise, M. le Président, à toutes sortes d'excès, d'une manière ou d'une autre...

(22 heures)

En terminant – parce que je crois que vous m'indiquez que mon temps arrive à sa fin, M. le Président – je tiens à vous rappeler – laissez-moi conclure, M. le Président, c'est important – que ce projet de loi, dans la majeure partie de ses articles, a obtenu l'adhésion de l'opposition à l'exception de quatre articles, 61, 62, 64, 85, qui, d'après nous, ne vont pas dans le sens d'une loi électorale, mais, au contraire, vont gêner l'expression du vote plutôt que faciliter l'expression du vote. Et c'est pour ça, M. le Président, que nous allons nous exprimer contre le projet de loi n° 450.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Le 14 mai dernier, le ministre responsable de la Réforme électorale et parlementaire a présenté le projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. Ce projet de loi vise essentiellement trois objectifs.

Le premier, auquel nous souscrivons entièrement, consiste à se conformer au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, ce qui constitue un recul pour le gouvernement, mais un grand pas de réussi pour l'opposition officielle.

Un deuxième objectif qui découle de ce projet de loi vise à intégrer à la Loi électorale actuelle certains consensus qui se sont dégagés au sein du comité consultatif de l'Assemblée nationale où siègent les représentants des trois formations politiques depuis 1996. Ces consensus soulèvent un certain nombre de questionnements qui demeurent à être clarifiés, mais l'opposition officielle est prête à faire le débat sur ces dispositions-là pour bonifier le projet de loi.

Le troisième objectif est celui qui pose réellement problème parce qu'il introduit des dispositions qui pourraient avoir pour effet de priver des citoyens d'exercer leur droit de vote, et ça, M. le Président, c'est un problème majeur qui nécessite de notre part, des deux côtés de l'Assemblée, une discussion approfondie et une ouverture d'esprit pour pouvoir comprendre les arguments que l'opposition officielle amène, qui sont fondés, qui sont légitimes et qui ne reposent pas seulement sur des hypothèses.

J'ai suivi, M. le Président, les travaux de la commission des institutions lors des consultations particulières sur le rapport Pierre-F. Côté sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et entendu les réserves qui se sont exprimées par les différents groupes et institutions à l'égard de certaines dispositions du projet de loi qui est devant nous. Et je fais ici référence de façon explicite à la question de la carte d'identité ou à l'identification obligatoire des électeurs, qui est une nouvelle disposition introduite dans le projet de loi n° 450.

Alors, au chapitre des suites à donner au jugement de la Cour suprême, on se rappellera que le ministre responsable de la Réforme électorale a fait une sortie comme lui seul est capable d'en faire au lendemain du jugement de la Cour suprême, menaçant de recourir à la clause «nonobstant». Je suis heureuse de constater que le gouvernement s'est enfin rallié à la position de l'opposition officielle et que le ministre responsable de la Réforme électorale n'a pas inscrit cette clause dans le projet de loi n° 450. Je crois que, de tous les groupes qui se sont présentés devant nous en commission parlementaire, le ministre était le seul à soutenir ce point de vue. Il a fini par comprendre qu'il ne peut aller nulle part avec un tel argument.

Alors, concrètement, le projet de loi, conformément au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman, modifie la Loi sur la consultation populaire, la Loi électorale et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités de façon à y introduire une section sur les intervenants particuliers. Ces intervenants particuliers, qui peuvent être soit des individus, soit des groupes d'individus, ont désormais le droit, en période électorale, de dépenser jusqu'à 300 $ pour réclamer l'abstention ou l'annulation du vote de même que pour se prononcer sur un sujet d'intérêt public ou obtenir un appui à une opinion politique.

En période référendaire, à ces individus ou groupes d'individus abstentionnistes peuvent s'ajouter des individus qui sont dans l'impossibilité de s'affilier ou de s'associer à l'un ou l'autre des deux comités nationaux, même s'ils favorisent l'une des deux options. Dans le cas de la période référendaire, les intervenants particuliers peuvent dépenser un maximum de 1 000 $. Les intervenants particuliers sont tenus d'obtenir une autorisation du Directeur général des élections et de s'engager à produire un rapport de dépenses séparé.

Voici en ce qui a trait au premier volet du projet de loi qui est devant nous.

Pour ce qui est du deuxième volet, en ce qui a trait au consensus, je ne reviendrai pas sur les aspects qui touchent tous ces éléments-là dans la mesure où les trois formations politiques ont siégé et où elles ont dégagé un certain nombre de points de rencontre. Mais je mentionnerai au passage un certain nombre d'éléments sur lesquels s'est établi ce consensus qui ne nous dispense pas cependant de la discussion et du questionnement.

À titre d'exemple, quand on parle de consensus entre les trois formations politiques, il y a eu effectivement une certaine entente en ce qui a trait à l'abolition de l'obligation de tenir une élection partielle lorsque la vacance survient dans la dernière année du mandat. Modification des heures d'ouverture des bureaux de révision, avis aux électeurs des décisions des commissions de révision, révision des décisions d'une commission de révision, permettre la radiation fondée sur le décès lors de la révision spéciale, et ainsi de suite, M. le Président, ça peut paraître comme étant des points de vue techniques, mais ce sont également des dispositions qui peuvent avoir un impact sur l'exercice du droit de vote.

Le point de divergence majeur en rapport avec le projet de loi n° 450 touche, bien entendu, l'identification des électeurs qui fait l'objet du troisième volet de ce projet de loi. Le Parti québécois et le rapport Côté veulent rendre obligatoire l'identification de chaque électeur au moyen de l'une ou l'autre des pièces d'identité suivantes: la carte d'assurance-maladie, le permis de conduire, le certificat de citoyenneté canadienne ou le passeport. On fait référence ici de façon explicite aux articles 61, 62 et 64 du projet de loi. Ce sont ces articles-là, M. le Président, qui posent problème dans le moment et qui nous amènent à questionner le bien-fondé de ces dispositions et les motivations réelles qui ont poussé le gouvernement et le ministre responsable de la Réforme électorale à les introduire.

Alors, on parle ici, M. le Président, de l'obligation de présenter une identité comme condition sine qua non et indispensable pour exercer le droit de vote. Non seulement l'identification deviendra-t-elle obligatoire, mais l'électeur qui n'est pas muni de la carte d'identité doit, en plus de prêter serment, comme cela était le cas auparavant, être accompagné d'une personne qui possède une carte d'identité et qui est en mesure d'identifier ledit électeur.

(22 h 10)

Je regarde l'article 64. Ça vaut la peine de le lire parce qu'il est très parlant et ça donne une indication assez précise du problème: «L'électeur qui n'a pu s'identifier conformément au deuxième alinéa de l'article 337 peut quand même être admis à voter s'il déclare sous serment qu'il est bien l'électeur dont le nom apparaît sur la liste électorale et qu'il est bien domicilié à l'adresse qui y apparaît et – ajoute l'article du projet de loi, M. le Président – s'il est accompagné d'une personne qui, sous serment, s'identifie conformément au premier alinéa de l'article 337, atteste de l'identité et du domicile de l'électeur, déclare ne pas avoir accompagné au cours du scrutin un autre électeur qui n'est pas son parent au sens de l'article 205 et présente un document visé au deuxième alinéa de l'article 337 pourvu que ce document comporte sa photographie. Mention de ces serments est faite au registre du scrutin.»

M. le Président, nous sommes dans un pays qui fait l'envie du monde aux termes d'un certain nombre de valeurs qui le caractérisent, notamment la démocratie. Un pays de liberté. Les Québécoises et les Québécois sont des gens qui adhèrent à cette valeur de liberté. Et le droit de vote est une façon d'exercer cette liberté. Et voilà que le gouvernement nous amène par ce projet de loi tout un dispositif pour créer des barrières supplémentaires à l'exercice de ce droit de vote. Et quand on sait qu'on parle ici d'un droit fondamental... On ne parle pas de n'importe quel exercice de liberté, on parle du droit fondamental. Et la démocratie, elle peut se mesurer de multiples façons, mais, ultimement, lors d'une élection, la démocratie se mesure aussi par le taux de participation des électeurs. Et je ne peux admettre, comme parlementaire, qu'on puisse ériger des barrières pour empêcher que tous ceux qui ont qualité d'électeur puissent voter. Tous ceux qui ont qualité d'électeur puissent voter.

On est face à un gouvernement qui est obsédé par les mesures de contrôle, un gouvernement qui part du principe que les citoyens sont des fraudeurs potentiels. Nous, de ce côté de la Chambre, on donne la chance au coureur et on pense que les citoyens sont des gens de bonne foi et que, lorsqu'ils s'inscrivent et qu'ils vont voter, c'est parce qu'ils ont la conscience d'exercer un droit fondamental et non pas de frauder, M. le Président.

Alors, le gouvernement qui est devant nous est un gouvernement qui est obsédé par la fraude, et le ministre responsable de la Réforme électorale, particulièrement, est quelqu'un qui projette cette perception-là à plusieurs reprises, pour l'avoir entendu, et ça pose énormément de problèmes. Notre souci comme parlementaires doit être de nous assurer que personne, personne ne perde son droit de vote pour une raison quelconque, encore moins pour une raison technique du genre de présenter une pièce d'identité.

J'écoutais les interventions qui ont été faites de l'autre côté, et on parle de diminuer la fraude, d'éliminer les tricheries. Mais pourquoi partir du principe que les citoyens vont tricher, qu'il y a des fraudeurs? Est-ce qu'on a des données exactes qui démontrent qu'il y a des fraudeurs? Est-ce qu'on peut mesurer cette fraude? Est-ce qu'on peut la quantifier d'une manière ou d'une autre de façon à ce qu'on puisse avoir des éléments d'information sur lesquels on puisse baser notre raisonnement? On part d'hypothèses, et d'hypothèses qui n'existent que dans la tête de certaines personnes, parce qu'il faut croire que, dans cette enceinte, ce n'est pas tout le monde qui adhère à cette idéologie.

Concrètement, comment cela pourrait-il se traduire? Si je prends, par exemple, mon comté, j'ai une communauté assez diversifiée, et je vois d'ores et déjà des personnes âgées, par exemple, qui n'ont pas été habituées à porter sur elles des cartes d'identité à gauche et à droite. Et peut-être même, dans certaines communautés rurales ou des petites communautés, elles se connaissent entre elles, et les personnes, lorsqu'elles se présentent au bureau de votation, se présentent en toute confiance. Elles savent qu'elles sont connues, elles savent qu'elles seront reconnues. Et, tout d'un coup, il y a quelqu'un à la table qui va leur dire: Si vous n'avez pas de carte d'identité, vous ne pouvez pas exercer votre droit de vote.

M. le Président, nous sommes dans une des plus grandes démocraties du monde. Ce Parlement a célébré son bicentenaire. On n'est pas dans une république de bananes ici, on est dans une société démocratique où les citoyens sont responsables, où les citoyens exercent volontairement leur droit de vote. Et, tout d'un coup, on va leur dire: Là, à partir d'aujourd'hui, on va commencer à contrôler l'exercice du droit de vote; si vous n'avez pas de carte, parmi les cartes que j'ai énumérées, vous ne pouvez pas passer dans l'isoloir pour exercer votre droit de vote. Et je peux mesurer tout le zèle qui pourrait être fait par un certain nombre de personnes qui, parce qu'on va leur donner ce pouvoir-là par ce projet de loi, par cette disposition-là de l'article 64, vont devoir décider qui doit voter et qui ne devrait pas voter.

Toujours en référence aux articles que j'ai mentionnés, on dit que, si une personne n'a aucune de ces cartes-là, il faut qu'elle prête serment et il faut qu'elle soit accompagnée de quelqu'un qui, lui, est muni d'une carte d'identité et qui peut l'identifier, elle, comme étant une personne ayant le droit de vote. Est-ce qu'on a pensé, techniquement, comment cela pourrait se faire? Est-ce qu'on a pensé qu'il y a des citoyens qui habitent seuls, qui n'ont pas nécessairement des gens à leur disposition à l'heure H, au jour J, au moment où il faut aller voter, pour être accompagnés? Pourquoi multiplier les embûches? Pourquoi dresser des barrières? Pourquoi créer des difficultés pour empêcher les gens de voter? Nous, on croit que les citoyens sont honnêtes, on croit que les gens vont aller voter.

Déjà, M. le Président, et pour avoir fait du porte-à-porte encore tout récemment dans le comté d'Argenteuil, il y a un certain désintéressement de la population à l'égard de la classe politique, et là on veut encore les décourager. Ceux et celles qui commencent à dire: À quoi ça sert d'aller voter? Ça va changer quoi? on va leur donner les munitions pour les décourager d'aller voter. Une personne qui va se présenter pour voter, puis à qui on va dire: Tu ne peux pas voter parce que tu n'as pas ta carte d'identité, est-ce que cette personne va prendre son courage à deux mains, va aller chez elle, va aller chercher sa carte d'identité, va revenir faire la file pour voter ou si elle va abandonner? Il y a de très forts risques que cette personne abandonne l'exercice et n'enregistre pas son vote. Et ça, ça serait dommageable pour la démocratie, ça serait dommageable pour le droit de vote des citoyens qui est un droit fondamental.

Cela entache la crédibilité même du système et cela inquiète un certain nombre de personnes et d'organismes. Notamment, pour revenir à deux que j'ai sélectionnés, il y a, bien entendu, la Commission des droits de la personne qui s'est insurgée contre ce procédé, mais il y a également le Protecteur du citoyen. Je lis la lettre datée du 27 mars que le Protecteur du citoyen a écrite à M. Marcel Landry qui est le président de la commission des institutions, à la page 2, le Protecteur du citoyen écrit ceci: «La proposition soumise – et je fais référence ici à la carte obligatoire pour exercer le droit de vote – montre que ce choix doit être donné au plus tôt à l'ensemble de la population du Québec. Dans ce contexte, il me semblerait alors acceptable qu'un scrutateur puisse exiger la présentation de l'une des quatre pièces d'identité suivantes, au choix du citoyen: la carte d'identité facultative – «facultative», insiste le Protecteur du citoyen – émise par le gouvernement du Québec, la carte d'assurance-maladie, le permis de conduire ou le passeport canadien.» Et il ajoute: «Il est bien entendu qu'aucune information figurant sur ces pièces ne devrait être colligée; seul devrait pouvoir être noté le fait que la vérification de l'identité a été effectuée sur la base de telle ou telle pièce.»

(22 h 20)

Il y a également le président de la Commission d'accès à l'information du Québec qui, lui aussi, en date du 28 mai, a écrit au ministre responsable de la Réforme électorale pour lui indiquer que la carte d'identité obligatoire posait un risque et que c'était quelque chose, une voie sur laquelle il ne fallait pas nécessairement partir. Et que dit le président de la Commission d'accès à l'information? Il réfère à la commission de la culture qui a déjà indiqué que la carte d'identité obligatoire n'était pas quelque chose à prescrire.

Pour toutes ces raisons, j'exprime mon désaccord avec les dispositions du projet de loi qui touchent à l'identification obligatoire de l'électeur. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Je cède maintenant la parole au député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Oui, merci, M. le Président. Alors, je désirerais intervenir dans le cadre de l'adoption de principe du projet de loi n° 450, Loi modifiant la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire et d'autres dispositions législatives. Il s'agit d'un projet de loi extrêmement important, extrêmement important dans ce sens que c'est un projet de loi qui affecte directement le processus démocratique comme tel. On sait que toute réforme qui touche à la Loi électorale est évidemment importante, comme je le mentionnais, et, à mon avis, nécessite l'implication de tous les parlementaires de cette Assemblée, car nous avons l'obligation d'assurer la confiance de la population envers nos institutions parlementaires et notamment le processus démocratique qui préside aux consultations populaires ou aux élections. Alors, c'est la raison pour laquelle je souhaitais intervenir à l'intérieur de l'adoption du principe de ce projet de loi.

M. le Président, essentiellement, le projet de loi n° 450 touche deux aspects excessivement importants. Un aspect concerne la réponse qui est donnée à la décision qui a été rendue par la Cour suprême, il y a quelques mois, et, dans une deuxième partie du projet de loi, on trouve toute une série de retouches à la Loi électorale. J'aurai l'occasion peut-être, en cours d'exposé, dans la mesure où le temps me le permettra, d'y faire référence de façon plus précise. Mais je pense qu'il faut garder à l'idée qu'il y a deux blocs spéciaux: la réponse à la Cour suprême et une série de modifications que le gouvernement actuel souhaite apporter et profite de cette occasion pour associer toutes ces modifications dans le même projet de loi.

M. le Président, je veux tout d'abord souligner l'importance de faire des réformes, au niveau de la Loi électorale, par consensus. Je mentionnais tout à l'heure la confiance que nous devons susciter chez nos concitoyens, et il n'y a rien de tel pour améliorer cette confiance envers les parlementaires et envers le Parlement que de faire en sorte que, quand on touche au processus général de notre démocratie, la façon de procéder, ce soit fait par consensus.

Il ne s'agit pas là, dans un cadre comme ça, M. le Président, de jouer sur la loi du nombre et de dire: La majorité l'emportera, peu importe ce qui se passe. C'est évident que, dans n'importe quel gouvernement, dans n'importe quelle Législature, il y a un gouvernement qui a la majorité et il y a l'opposition qui a la minorité. Si on joue cette règle-là, on se retrouve dans des situations, malheureusement, comme on s'est retrouvé trop souvent au cours des dernières années, c'est-à-dire que le gouvernement utilise sa majorité pour passer ses décisions à lui, et ça, peu importe que l'opposition soit d'accord ou non, et ce n'est certainement pas, M. le Président, de nature à améliorer la confiance de nos concitoyens envers les parlementaires et le fonctionnement de l'Assemblée nationale.

Alors, M. le Président, cette importance-là, je pense, a été soulignée à plusieurs reprises, et notamment par M. Gilles Lesage, dans un article du 8 décembre 1997 où il mentionnait: «La réforme électorale et parlementaire n'est pas une réforme comme les autres. S'agissant de partis en lutte constante pour le pouvoir à conquérir ou à conserver, l'arrière-plan partisan est, certes, inévitable. Mais, pour que le renouveau souhaité soit valable et durable et pour qu'il soit accepté par ceux-là même qui doivent le mettre en oeuvre, le gouvernement libéral ou péquiste, d'ailleurs, a pris l'habitude de rechercher non pas une illusoire unanimité, mais un consensus social solide.»

Un peu plus loin, il mentionne: «Au lieu de jouer avec ses billes dans sa cour, laissant les libéraux, les adéquistes et tous les tiers partis en faire autant dans leur enclos, le gouvernement devrait s'employer dès maintenant à la seule démarche qui s'impose, respectueuse de la tradition québécoise.» Alors, M. le Président, c'était à la fin de 1997, et je pense que M. Lesage exprime très bien la façon dont on doit envisager les réformes à la Loi électorale.

Malheureusement, comme je le mentionnais, peut-être à de trop nombreuses reprises, on a été témoin, avec ce gouvernement, de bâillons. Plus précisément dans trois cas où on touchait à la Loi électorale, le gouvernement du Parti québécois a utilisé le bâillon pour les faire passer, et ce, en faisant fi du consensus qui est souhaitable et qui a toujours pratiquement fonctionné au fil des ans en matière de loi électorale.

Et, dans le cas de la loi qu'on a aujourd'hui, il y a également M. Michel Venne, tout récemment, le 10 avril dernier, qui disait: «La consultation menée sur les suites à donner au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman fait ressortir le rejet par la majorité du recours à la clause dérogatoire et un appui important à l'identification des électeurs le jour du scrutin. Québec devrait suivre la sagesse populaire dans le premier cas et s'abstenir dans le second.» Alors, M. le Président, il n'y a certainement pas là unanimité sur tous les plans qui nous sont présentés dans le projet de loi n° 450.

D'ailleurs, M. le Président, je pense qu'on est tous à même de déplorer l'utilisation que fait le gouvernement actuel des instances de notre Assemblée nationale à des fins strictement partisanes. On a devant nous un projet de loi qui touche à la réforme électorale. On craint que le gouvernement se comporte comme il l'a fait les autres fois – le bâillon – et on bouscule tout le monde. Et on fait passer ce qu'on veut, nous, sans rechercher plus longtemps un consensus, sans prendre le temps de rechercher le consensus souhaitable.

On a vu la même chose, M. le Président, au niveau de l'utilisation des commissions parlementaires. Présentement, aujourd'hui même, a commencé la commission parlementaire sur ce qu'on appelle la déclaration de Calgary. On a juste à citer des éditoriaux de fin de semaine, Mme Lysiane Gagnon: «L'exercice de propagande se déroulera en vase clos, avec la collaboration de quelques politicologues fiables, et il est fort probable que la population n'y prêtera guère attention. Mais, quand même, quelle perte de temps!»

Et, de façon encore peut-être plus critique, M. Pierre Gravel, dans La Presse du 30 mai, disait: «...le contexte éminemment partisan dans lequel cette commission a été convoquée lui a enlevé, dès le départ, toute crédibilité et justifiait tout à fait le refus du PLQ d'y apporter sa contribution.»

Un peu plus loin: «La manoeuvre était tellement grosse que plusieurs des experts qui avaient été invités par le gouvernement ont refusé de s'y prêter. Et, pour les péquistes manquant de subtilité qui auraient pu être tentés de prendre la démarche au sérieux, l'ancien chef du parti, M. Parizeau, s'est chargé de leur expliquer qu'il fallait "prendre ça drôle"[...].

«On peut bien aujourd'hui prétendre le contraire, mais il reste qu'à compter de mardi, à cause d'un piège qui n'a pas marché, des parlementaires vont gaspiller des énergies, du temps précieux et des fonds publics à faire semblant d'étudier avec le plus grand sérieux un texte que, hier encore, on jugeait insignifiant[...]. On se retrouve dans une situation où le gouvernement, qui devait être le premier garant du respect des institutions parlementaires, se montre disposé à s'en servir comme d'un vulgaire traquenard pour piéger un adversaire. Ce n'est pas que décevant. C'est également assez inquiétant pour un parti qui se targue d'être un champion de la démocratie.»

M. le Président, c'est dans ce contexte-là que l'opposition est extrêmement craintive à l'égard des intentions réelles du gouvernement et surtout de sa façon de procéder.

(22 h 30)

Alors, M. le Président, comme je le mentionnais tout à l'heure, dans le projet de loi, il y a d'abord une réponse qui est apportée à la plainte qui a été formulée par M. Libman, qui était un parlementaire ici lors de la dernière Législature, et qui avait jugé, lors de la consultation sur l'entente de Charlottetown en 1992, que la façon dont la Loi sur la consultation populaire obligeait les gens à soit faire partie du chapeau du Oui ou du Non lui prêtait préjudice, lui apportait préjudice et qu'il n'avait...

Évidemment, à ce moment-là, M. Libman ne voulait pas s'identifier au groupe du Oui parce qu'il était en désaccord avec cette initiative constitutionnelle. Par contre, il n'avait pas d'autre choix à ce moment-là que d'être dans le camp du Non, soit le camp dirigé par M. Parizeau, mais la raison pour laquelle il était contre l'entente de Charlottetown était tout autre, complètement, que les raisons, ou les objectifs, ou les stratégies que visait le camp du Non à ce moment-là. Et M. Libman a porté sa cause devant la Cour suprême en indiquant que cette façon de procéder brimait sa liberté d'expression, garantie à la fois par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne.

Et je pense, M. le Président, que c'est sage qu'on ait un processus comme ça au moment où les législateurs, que ce soit par mauvaise volonté – ce qui arrive probablement assez peu souvent – ou tout simplement par inadvertance, créent des situations qui ne respectent pas les lois fondamentales comme les chartes. Alors, M. Libman a utilisé un processus qui était à sa disposition, et la Cour suprême lui a donné raison.

Essentiellement, M. le Président, sur ce qui concerne cet aspect du projet de loi, l'opposition est d'accord, sur les grandes lignes de ce qu'on trouve comme réponse, et même l'opposition est flattée que le gouvernement du Parti québécois ait suivi ses suggestions parce qu'on sait que, au début, les gens d'en face avaient l'indignation facile et la chemise déchirée allègrement. Qu'on se souvienne, au lendemain de la décision de la Cour suprême, de l'attitude du ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et du ministre responsable de la Réforme électorale. Alors, vous vous souvenez, M. le Président, qu'on avait l'insulte facile à l'endroit de ce qu'était le fédéral, même à l'endroit de la Cour suprême, l'instance supérieure qui existe au pays. Alors, je pense qu'on peut se questionner sur le respect, à ce moment-là, que les parlementaires ont manifesté dans cette situation.

Je veux juste rappeler exactement ce qui s'est passé à ce moment-là et je vais citer M. Auger, du Journal de Québec , le 11 octobre: «Quand l'indignation sur commande de certains ministres péquistes sera apaisée, ils pourront relire le jugement et se rendre compte que certains de ses passages sont une véritable publicité pour le modèle référendaire québécois.»

M. David, du Soleil , à la même date: «Il était écrit dans le ciel que Guy Chevrette déchirerait sa chemise et roulerait une tonne de r, mais, dans l'indignation comme ailleurs, la modération a bien meilleur goût.»

M. Gravel, dans La Presse du 11 octobre: «On est donc loin d'une attaque fédéraliste visant à pulvériser un monument législatif hérité de René Lévesque, comme l'ont laissé entendre plusieurs ministres péquistes manifestement plus pressés à déchirer leur chemise devant les caméras que d'étudier dans le calme la portée exacte des critiques formulées.»

M. Vastel, dans Le Soleil du 10 octobre: «Contrairement à ce qu'en ont dit hier les ministres Guy Chevrette et Jacques Brassard, qui avaient d'ailleurs l'indignation un peu facile, la Cour suprême n'invalide pas toute la loi sur les consultations populaires.»

Alors, M. le Président, nous sommes heureux de voir que le gouvernement en est venu à des meilleurs sentiments et a suivi la voie qu'on avait suggérée, c'est-à-dire de ne pas avoir recours à la clause dérogatoire. On a trouvé les solutions appropriées, et, dans l'ensemble, M. le Président, je dois vous dire que le gouvernement, comme je le mentionnais, est relativement d'accord avec la façon dont on suggère de solutionner ce problème, qui est respectueuse de la décision rendue par la Cour suprême et qui est respectueuse de trouver un équilibre entre les consultations démocratiques et la liberté d'expression des individus. Et je pense que les lois, comme la Loi électorale ou la Loi sur la consultation populaire, ne doivent pas brimer la liberté d'expression, et c'est ce que la Cour suprême nous a rappelé, M. le Président. Et c'est heureux qu'il en soit ainsi.

M. le Président, il y a toute une autre série de modifications qui sont apportées. On est porté à croire que le gouvernement a voulu profiter du règlement du litige qui a été porté en Cour suprême pour faire passer toute une autre série de modifications qui portent sur... D'abord, soulignons que, dans les modifications apportées, il y en a un grand nombre avec lesquelles l'opposition est également d'accord, mais il y en a d'autres importantes sur lesquelles il n'y a pas eu de consensus qui s'est développé. Et je pense ici à toute la question des dispositions pénales qu'on mentionne dans ce projet de loi, également, au remboursement de certaines dépenses électorales et surtout à l'identification des électeurs. Je pense, M. le Président, que mes collègues ont déjà exprimé un certain nombre de points de vue à ce niveau-là, qui illustrent très bien les risques qui sont associés à cette obligation faite de présenter des cartes d'identité.

Alors, évidemment, le temps passe assez rapidement, je ne pourrai pas reprendre tous ces points-là. Mais soulignons tout simplement la question des cartes d'identité. Expliquez-moi, M. le Président, en quoi, fondamentalement, le fait d'obliger les électeurs à présenter une carte d'identité, que ce soit le permis de conduire, la carte d'assurance-maladie, le passeport canadien, ça va faciliter l'exercice du droit de vote. M. le Président, la réponse, c'est: En rien, absolument en rien. Et je pense que les partis politiques, et nous, à l'Assemblée nationale, de façon générale, nous avons la responsabilité de faire en sorte que tous les citoyens du Québec, quels qu'ils soient, aient le plus de facilité possible à exercer leur droit de vote. C'est ça, l'objectif de la démocratie, encourager les gens, créer les meilleures conditions possibles pour permettre aux gens d'exercer leur droit de vote.

On avait une situation, actuellement, qui fonctionnait relativement bien, et le gouvernement n'a pas, à date, fait de démonstration claire et évidente qu'il y a eu des abus qui méritaient qu'on apporte les correctifs qu'on veut apporter. On sait que, quand il y avait des doutes sur l'identification des personnes, on faisait assermenter les personnes et, à part le cas de la députée de Sherbrooke qui a voté illégalement, il n'y a pas beaucoup, beaucoup de cas qui ont été portés à l'attention du public. Et on nous arrive avec une procédure qui va alourdir sensiblement l'exercice du droit de vote. À mon avis, M. le Président, c'est tout à fait injustifié. C'est tout à fait injustifié et il y a des risques, comme on l'a mentionné tout à l'heure.

Alors, je ne pourrai pas plus longtemps m'attarder sur les différents aspects du projet de loi comme tels, je pense que ça a été fait de façon relativement complète par mes collègues qui m'ont précédé. Par contre, M. le Président, comme il y a des aspects dans ce projet de loi avec lesquels nous sommes d'accord, et je pense entre autres au bloc qui concerne la réponse à la Cour suprême, comme il y a d'autres aspects des modifications avec lesquels nous pouvons être en accord et d'autres sur lesquels il n'y a pas de consensus, et je rappelle l'importance du consensus dans les réformes électorales... alors, M. le Président, dans ces conditions, il serait certainement préférable que l'on puisse dissocier certains des aspects, parce que nous pourrons certainement être en accord sur certaines dimensions du projet de loi facilement et nous pourrons peut-être, sur d'autres aspects du projet de loi, avoir des réserves et, dans certains cas, des désaccords complets. Et, dans cette optique, je crois qu'il serait préférable de scinder ce projet de loi en différentes parties.

D'ailleurs, je me réfère à la présentation qui a été faite par le député et ministre délégué à la Réforme électorale, qui nous disait au moment de sa présentation: «J'ai regroupé les différentes dispositions essentielles sous trois grandes têtes de chapitre: d'abord, l'intervention des tiers et les suites au jugement Libman; deuxième point, les mesures visant l'intégrité de nos lois électorales et la confiance des citoyens envers celles-ci; et, troisièmement, les diverses autres mesures visant notamment à améliorer l'accessibilité au vote, la participation des candidats indépendants et la présence des tiers partis.» Le ministre qui nous a présenté le projet de loi nous l'a présenté de cette façon-là.


Motion de scission

Alors, M. le Président, je voudrais faire la motion suivante:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 450 soit scindé en trois:

«Un premier intitulé Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les suites au jugement de la Cour suprême relatif à l'intervention des tiers et comprenant les articles 70, 71.2°, 73, 78, 87.2°, 89, 95, 96, 97.8°, 97.11° à 16°, 97.21°, 98 à 108 et 111;

«Un deuxième projet intitulé Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'amélioration de l'accès au vote et la participation des candidats indépendants et comprenant les articles 1 à 54, 57 à 60, 65 à 69, 71.1°, 72, 74, 75, 77, 79, 81 à 84, 86, 87.1°, 88, 90, 93, 94, 97.1° à 7°, 97.9°, 97.10°, 97.17°, 97.19°, 97.20° à 97.22°, 97.24°, 97.25°, 109, 110 et 111;

«Un troisième projet de loi intitulé Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'intégrité des lois électorales ainsi que la confiance des citoyens et comprenant les articles 55, 56, 61 à 64, 76, 80, 85, 91, 92, 97.18°, 97.23° et 111.» Alors, merci M. le Président.

(22 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui. Vous savez qu'avec la nomenclature...

Le Vice-Président (M. Pinard): ...des copies de cette motion.

M. Jolivet: M. le Président, justement, c'est ce que je voulais vous proposer. Compte tenu de la motion présentée par le député, il me semble qu'on devrait avoir un peu de temps pour l'examiner. Je sais qu'on aura à regarder, après, quant à nous, à faire l'examen de ça, à vous faire une représentation. J'imagine que le leader de l'opposition aura une représentation à faire aussi sur la recevabilité de la motion présentée par l'opposition. Mais, pour nous permettre de nous préparer, il me semble que 15, 20 minutes de répit pourraient nous permettre d'examiner notre argumentation aussi, de notre côté. Parce que, s'ils sont déjà préparés à nous faire une argumentation, il vont nous permettre de nous préparer en conséquence.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que la motion est déposée? Bon. Alors, la motion étant déposée, nous allons en faire des copies et nous allons immédiatement suspendre pour vous permettre de l'examiner et de nous faire, de part et d'autre, certaines représentations. Alors, nous allons revenir à 23 h 15.

(Suspension de la séance à 22 h 43)

(Reprise à 23 h 16)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous reprenons maintenant les affaires du jour.


Débat sur la recevabilité

Nous allons discuter sur la recevabilité de la motion du député de l'Acadie. J'aimerais entendre de part et d'autre l'argumentation des deux leaders, à la fois du gouvernement et de l'opposition, avant que je prenne le tout en délibéré pour acceptation ou refus de la motion du député de l'Acadie. Alors, M. le leader de l'opposition, s'il vous plaît.

M. Paradis: Oui. Moi, je suis certain, M. le Président, que le leader du gouvernement ne voudrait pas argumenter s'il n'y avait pas quorum. Est-ce que vous auriez l'obligation de le vérifier?

Le Vice-Président (M. Pinard): C'est bien évident que, lorsqu'un député entre et est au milieu de la porte, il est à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de l'enceinte, alors nous allons nous organiser pour avoir des portes qui vont faire en sorte de propulser les députés vers l'intérieur. Bon. Alors, ayant maintenant notre quorum, il me ferait plaisir d'entendre vos arguments, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, nous croyons que la motion, à sa face même, est recevable.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon, alors...

M. Jolivet: J'ai compris que vous avez demandé à chacune des parties de déterminer si c'était recevable ou pas recevable. Donc, le leader de l'opposition a fait son argumentation, je peux faire la mienne maintenant?

M. le Président, depuis quand y a-t-il un droit de réplique à une argumentation? Vous avez dit un de chaque côté, alors il me semble qu'il n'y a pas de droit de réplique à ce niveau-là.

Le Vice-Président (M. Pinard): À ce stade-ci, puis-je me permettre de vous demander de me donner de part et d'autre votre argumentation? Et, lorsque je considérerai que j'ai suffisamment d'arguments pour me faire une idée et donner un jugement le plus juste et équitable, je...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader de l'opposition, il me fait plaisir...

M. Jolivet: M. le Président, il me semble qu'ils ont présenté une motion. Il devrait donner son argumentation, je l'attends. Donnez votre argumentation, je verrai après.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Je dois comprendre qu'il n'y a pas de motifs d'irrecevabilité présentés à l'encontre de notre motion.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie. À ce stade-ci, je vous remercie infiniment de vos argumentations respectives et...

M. Jolivet: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, si le leader de l'opposition n'est pas capable de défendre sa position, je vais au moins voir de quelle façon on pourrait argumenter à partir de la proposition qu'ils nous ont faite et qui est sur la table à ce moment-ci.

Je vous dirai d'abord que, si l'opposition s'était donné la peine de procéder à une lecture attentive du projet de loi, elle aurait constaté que le projet de loi n° 450 n'est pas constitué de plusieurs principes, parce que j'ai cru comprendre de la part du député qui a fait la motion... Il a terminé en disant: Et voilà la motion que je présente. Il y a des articles pour lesquels on est d'accord, des articles pour lesquels on est en désaccord, et, en conséquence, M. le Président, parce qu'on est en désaccord, il faudrait scinder le projet de loi. C'est la première fois que j'entends parler d'une telle argumentation. Parce que, s'il fallait que, à toutes les fois... Il faudrait que tous les projets de loi soient scindés. Sur l'ensemble du projet de loi, il y a des articles avec lesquels ils sont en accord et en désaccord, alors ils ont l'occasion, lors d'une commission parlementaire article par article, de faire valoir leur point de vue. Ça, c'est la première argumentation de base. C'est de même qu'il a amené sa motion de scission du projet de loi.

Maintenant, le projet de loi, il apporte, c'est évident, des modifications identiques à la Loi sur la consultation populaire, à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités et à la Loi électorale. Il s'agit de modifications qui sont interreliées entre elles et qui touchent différents chapitres de ces lois. Il est toujours de tradition, M. le Président, pour des modifications apportées à la Loi électorale, de faire des projets de loi qui modifieront à la fois la Loi électorale, la Loi sur la consultation populaire, la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, puisque ces lois sont toutes liées entre elles.

Je vous citerai, par exemple, le projet de loi 104. Je vais juste le prendre, ça vaut la peine de le regarder comme tel, M. le Président, parce que c'est un projet de loi qui a été présenté en 1989 par M. Gratton, qui était responsable de la Loi électorale à cette époque. Et l'objet du projet de loi 104, il parlait de la qualité d'électeur, du financement, du recensement, de la révision de la liste, de la déclaration de candidature, du vote par anticipation, du vote hors Québec, des bureaux de scrutin et des dépenses électorales. Donc, on avait en même temps des modifications à plusieurs lois, et vous avez juste à le regarder dans le texte, M. le Président, de ce projet de loi 104 qui a été déposé par M. Michel Gratton le 9 décembre 1988.

On avait adopté le principe le 14 décembre 1988. On avait eu une commission parlementaire des institutions le 24 et le 31 janvier 1989, le 1er et le 2 février 1989. Ça a été adopté le 15 mars et sanctionné le 22 mars 1989, donc l'entrée en vigueur était le 24 avril. Et ça donnait, les lois modifiées: Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Loi sur l'Assemblée nationale, Loi sur la consultation populaire, Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, Loi sur les impôts, Loi sur les jurés, Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services, Loi sur les permis d'alcool. Et les lois remplacées étaient la Loi électorale et la Loi sur la représentation électorale. Donc, voilà un projet de loi qui a été présenté, qui a été jugé recevable et qui n'a jamais été scindé.

Je continue parce que, le 5 décembre 1994, il y a un autre projet de loi qui a été présenté, lui, par le ministre actuel, le député de Joliette, la Loi sur l'établissement de la liste électorale permanente et modifiant la Loi électorale et d'autres dispositions législatives. On parle de renseignements nominatifs dans ce cas-là, on parle de toutes sortes de choses, M. le Président. Et je vous rappelle simplement les lois qui étaient amendées par ce projet de loi. Donc, on avait la Loi sur l'assurance-maladie, la Loi sur la consultation populaire, la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, la Loi sur les élections scolaires, la Loi électorale, la Loi sur les jurés. Donc, ça, c'est le projet de loi 40 présenté en 1994 par le député de Joliette et ministre responsable de la Réforme électorale. Donc, ce projet de loi, il n'a jamais été scindé même s'il a plusieurs modalités d'application.

Dans le cas qui nous occupe, le projet de loi n° 450, il introduit, entre autres, la notion d'«intervenant particulier». Cette notion doit donc être introduite à la fois à la Loi électorale, à la Loi sur la consultation populaire et à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, puisqu'il s'agit de lois qui sont liées l'une à l'autre. Et là on peut aller voir dans le projet de loi, l'article 78 de la Loi électorale, et on dit: Cette loi est modifiée par l'insertion, après l'article 457.1, de la section suivante: Dépenses des intervenants particuliers. Première chose.

On va à l'article 97, on dit que c'est justement dans le même cas, Loi sur la consultation populaire, et là on parle toujours du principe de l'«intervenant particulier» à l'article qui est modifié, à 97, et qui est l'alinéa 8. À l'article 401, on parle de l'intervenant particulier.

Et on va aller, M. le Président, à la partie de la loi, toujours concernant les municipalités... C'est l'article 98. Si on va à l'article 98 de la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, on voit qu'à l'article 98 on parle toujours de l'intervenant particulier.

Ça, c'est dans le projet de loi actuel. Ça nous donne donc des lois qui sont Loi électorale, Loi sur la consultation populaire et loi sur la municipalité, là, au niveau des lois électorales qui voient introduire le principe, la notion d'«intervenant particulier». Il serait donc tout à fait absurde d'exiger que le législateur procède par le biais de trois projets de loi différents pour apporter des modifications similaires à ces lois.

(23 h 20)

Je vous mentionnerai un autre exemple, M. le Président. Les articles 71 et 99 du projet de loi n° 450 sont identiques. Allons-y. À l'article 71, l'intervenant particulier, on en parle au niveau de l'article complet. Après ça, l'article 99. Donc, allons-y, à l'article 99. Et, regardez, toujours on parle d'intervenant particulier. Dans un cas, juste à l'article 13, on dit: «Les dépenses de publicité, dont le total pour toute la période électorale n'excède pas 300 $, faites ou engagées par un intervenant particulier autorisé conformément...» Puis, quand on s'en va à l'autre, on dit: «Les dépenses du publicité, dont le total pour toute la période électorale n'excède pas 300 $...» C'est des identiques compte tenu que ça fait interface l'un à l'autre.

Pourquoi? Vous allez me demander ça. Parce que le projet de loi introduit la même disposition dans la Loi électorale et la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Ces deux lois étant interreliées, il est donc nécessaire de modifier les deux de façon concordante.

Ça, c'est le gros bon sens qui se place dans nos débats, M. le Président. Le leader de l'opposition tente de faire perdre du temps à la Chambre, lui qui pourtant, le 26 mai dernier, dans le cadre du débat sur Héma-Québec, s'était érigé en ardent défenseur d'une utilisation la plus efficace possible du temps du salon bleu. Je vais rappeler les propos du député de Brome-Missisquoi: «Un individu qui fait perdre le temps à l'Assemblée viole les droits et privilèges des membres de cette Assemblée.» Est-ce à dire, M. le Président, que le leader de l'opposition, par l'intermédiaire de son député, il parle des deux côtés de la bouche? Je pense que vous ne devriez pas, M. le Président, vous embarquer dans le jeu du leader de l'opposition.

Le projet de loi n° 450 vise à introduire des modifications similaires autant à la Loi électorale qu'à la Loi sur la consultation populaire et à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Bien que des modifications proposées comportent plusieurs modalités, le projet de loi n° 450 ne comporte qu'un seul principe. Relativement aux motions de scission, je vais vous rappeler notre jurisprudence à l'article 241/4 qui établit deux critères utiles. En premier lieu, rappelons ce que le député de Frontenac, alors vice-président de l'Assemblée nationale, signalait, à l'effet que chaque partie d'un projet de loi ne constitue pas des parties distinctes. Il s'agit de fractions qui forment un tout uniforme. Dans le cas qui nous concerne, le projet de loi n° 450 est divisé en différentes fractions, comme je l'ai d'ailleurs expliqué à l'époque de mon discours, mais toutes ces fractions réunies ne forment qu'un seul principe: l'harmonisation entre les lois électorales et référendaires.

Le deuxième critère dégagé par le député de Frontenac était la distinction importante entre l'essence et les modalités d'un projet de loi. L'opposition prétend que le projet de loi n° 450 contient des principes distincts, mais, M. le Président, cela est inexact puisque le projet de loi n° 450 introduit différentes modifications de concordance à la Loi électorale, à la Loi sur la consultation populaire, à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Donc, les différentes parties du projet de loi n° 450 ne sont que des modalités.

Et, contrairement à ce que prétend l'opposition, le projet de loi n° 450 ne peut être scindé en parties distinctes, qui formeraient un tout cohérent, puisque toutes les modifications proposées sont interreliées entre elles. Là, aurait-il fallu à ce moment-là, comme ils nous le proposent, déposer trois projets de loi distincts pour satisfaire les attentes de ces gens d'en face? Mais je vais vous rappeler, M. le Président, que ça n'a aucun bon sens.

Là, je vais juste dire, en regard de ce que propose, comme les autres projets de loi l'avaient fait, le projet de loi n° 450: autorisation et financement des partis politiques; révision de la liste des électeurs hors Québec; affichage électoral; certificat de transfert; identification de l'électeur; type de bulletin de vote; type de crayon; intervenant particulier; et les infractions puis les amendes. Et là je vous rappellerai, M. le Président, dans la proposition qu'ils nous ont faite – et là je vais prendre exactement leur texte – dans leur texte, on dit ceci.

Dans le premier, on va retrouver – et prenez-le dans votre texte – l'article 97, alinéa 21°. Puis je vous rappellerai qu'ils ont préparé ça assez vite, j'imagine, pour essayer de nous embêter. Mais prenez le deuxième paragraphe, le deuxième projet de loi, M. le Président, et allez à la dernière ligne, vous voyez 97.20° à 97.22°, et le 21° se retrouve à la fois dans le premier puis dans le deuxième projet de loi. Première chose. Ça, c'est la première erreur qu'on peut voir dans leur proposition.

La deuxième. Si on reprend toujours 97.22°, qui se trouve dans le deuxième paragraphe, et qu'on le relie à l'article 78 dans le premier paragraphe, dans le premier, bien là, on voit... Il fallait mettre 97.22° avec l'article 78 parce que, à 97.22°, on traite des dispositions – allez voir dans votre projet de loi, M. le Président – de 407.11 à 407.17 qui sont introduites par l'article 78 et qui concernent des intervenants particuliers. Donc, c'est suite, bien entendu, au jugement de la Cour suprême. Donc, il fallait mettre 97.22° en regard de 78. Or, 78 se trouve dans le premier projet de loi présenté, puis 97.22° se trouve dans le deuxième. Il y a un manque quelque part là.

(23 h 30)

Finalement, pour prouver cela, vous avez 78 qui est dans le premier projet de loi, qui est en relation avec 87.2°. Regardez-le dans la troisième ligne du premier intitulé, projet de loi. Ils l'ont fait parce qu'il est évident qu'à 87.2° on traite de 457.3, intervenant particulier, qui est incorporé par le biais de l'article 78. Donc, même dans leur proposition qu'ils nous font, s'il fallait écouter et tout diviser comme ils le font, il y aurait déjà des erreurs. Vous avez un principe de base qui est le suivant: si une motion contient une partie qui n'est pas bonne, c'est toute la motion qui n'est pas bonne.

Dans ce contexte-là, M. le Président, je vous demanderais... Malgré l'argumentation que pourrait vous apporter le leader de l'opposition qui, comme je vous le rappelais, semble vouloir faire perdre le temps de cette Assemblée, bien, on doit se retrouver dans un contexte où la façon de retirer une disposition législative à laquelle on s'oppose, comme l'a dit le député qui a présenté leur motion, comme, par exemple, l'identification de l'électeur, bien, c'est de présenter un amendement lors de l'étude détaillée et non pas par le moyen de la scission d'un projet de loi.

Nous sommes actuellement à l'étape de l'adoption du principe, vous le savez très bien. Donc, il est important de ne pas dénaturer cette étape législative. À cette étape, nous devons nous limiter à discuter les grands principes du projet de loi. Premièrement, la motion de scission proposée par l'opposition ne peut pas être recevable puisqu'elle ne touche qu'une modalité du projet de loi. En effet, l'identification de l'électeur est une modalité du projet de loi n° 450 au même titre que le type de bulletin de vote utilisé, que les dépenses électorales ou autres modalités incluses dans ce projet de loi.

Je le répète, M. le Président, la bonne façon de procéder à l'égard des dispositions relatives à l'identification de l'électeur est de présenter un amendement visant à retirer ces articles à l'étape qui est prévue à cette fin, c'est-à-dire à l'étape de l'étude détaillée. M. le Président, notre règlement fait preuve d'une certaine sagesse, et vous êtes le dispensaire de cette sagesse. Il est important de respecter chaque étape de notre procédure législative.

En terminant, je veux ajouter que la motion de scission ne peut être déclarée recevable parce qu'un projet de loi qui résulterait de la motion de scission telle que présentée, ce serait le vacuum de trois articles, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le leader du gouvernement. M. le leader de l'opposition, s'il vous plaît, votre argumentation.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président. Ce n'est pas la première fois que le leader du gouvernement lit en cette Chambre un texte préparé d'avance concernant ce projet de loi. M. le Président, ce n'est pas vous qui, à ce moment-là, occupiez le fauteuil de la présidence, c'était votre collègue le député de Chauveau, vice-président de la Chambre, qui a eu l'avantage, dès l'ouverture du débat sur ce projet de loi, de l'entendre, et, à ce moment-là – il faut le dire, parce que ce ne serait pas correct de ne pas lui rendre justice – il fallait entendre le leader du gouvernement lire des notes que le cabinet du ministre à la Réforme électorale avait préparées. C'est à l'intérieur de ces notes, M. le Président, que vous allez retrouver ce qu'on appelle, dans le jargon juridique, «the pith and substance», la substance réelle qui doit être à la base de la décision que l'Assemblée nationale vous demande de rendre.

En lisant les notes du ministre à la Réforme électorale, le leader du gouvernement, et je le cite, M. le Président, au texte à partir des transcripts du Journal des débats , qui pourront vous être remis par vos conseillers ou, s'il le faut, nous en ferons faire des photocopies: «Pour les fins de l'adoption, j'ai regroupé – c'est le leader du gouvernement qui lisait les notes du ministre à la Réforme électorale – les différentes dispositions essentielles sous trois grandes têtes de chapitre: d'abord, l'intervention des tiers et les suites du jugement Libman; deuxième point, les mesures visant l'intégrité de nos lois électorales et la confiance des citoyens envers celles-ci; et, troisième principe, les diverses autres mesures visant notamment à améliorer l'accessibilité au vote, la participation des candidats indépendants et la présence des tiers partis.»

M. le Président, ça, c'étaient les paroles lues en cette Chambre, le texte remis par le ministre responsable de la Réforme électorale au leader du gouvernement qui lui-même admettait que le projet de loi contenait trois principes. Maintenant, M. le Président, si nous plaçons en parallèle les déclarations du leader du gouvernement au nom du ministre responsable de la Réforme électorale avec la motion qui a été déposée par le député de l'Acadie, voyons ce que nous retrouvons dans la motion, simplement une bonne compréhension des propos prononcés par le leader du gouvernement au nom du ministre responsable de la Réforme électorale:

«Qu'en vertu de l'article 241 du règlement de l'Assemblée nationale le projet de loi n° 450 soit scindé en trois – suivant les prescriptions du leader du gouvernement:

«Un premier intitulé Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les suites au jugement de la Cour suprême relatif à l'intervention des tiers...» Ça, c'est la façon dont s'exprimait le député de l'Acadie. Le député leader du gouvernement nous disait: «D'abord, l'intervention des tiers et les suites du jugement Libman.» Si la présidence juge bon d'apporter une correction de forme, comme le règlement l'y autorise, nous n'avons pas d'objection pour que ça rencontre exactement les propos du leader du gouvernement.

«Un deuxième projet intitulé Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'amélioration de l'accès au vote et la participation des candidats indépendants...» Reprenons les propos du leader du gouvernement, qui parlait au nom du ministre responsable de la Loi électorale: «...les diverses autres mesures visant notamment à améliorer l'accessibilité au vote, la participation des candidats indépendants et la présence des tiers partis.» Je pense qu'il n'y a absolument aucune correction à apporter, ça reprend le libellé, les propos, l'argumentation et la sagesse exprimés par le leader parlementaire, qui reprenait le texte du ministre responsable de la Réforme électorale.

«Un troisième projet de loi intitulé – et je le mets en parallèle, c'est le député de l'Acadie qui le propose – Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'intégrité des lois électorales ainsi que la confiance des citoyens...» Voyons ce que disait le leader du gouvernement au nom du ministre responsable de la Réforme électorale: «...les mesures visant l'intégrité de nos lois électorales et la confiance des citoyens envers celles-ci.» «Envers celles-ci», il y aurait peut-être une petite correction de forme, s'il fallait se rendre aux voeux exprimés par le porte-parole gouvernemental en la matière.

Donc, M. le Président, après avoir entendu de part et d'autre les arguments, vous aurez compris que le gouvernement lui-même a indiqué – et c'était sage de le faire – dès le début, qu'il y avait trois principes contenus dans ce projet de loi: Répondre au jugement de la Cour suprême dans le cas Libman. Et c'est un projet de loi qui constitue un tout, qui se tient en lui-même et qui peut recevoir l'assentiment des parlementaires, suite à des discussions normales en commission parlementaire. Il y a peut-être quelques articles sur lesquels il va y avoir certaines discussions, mais c'est un principe qui se tient lui-même. Le jugement de la Cour suprême a posé des problèmes qu'il faut corriger sur le plan législatif, et le gouvernement propose un principe pour les corriger.

Un deuxième principe: projet de loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'amélioration de l'accès au vote et la participation des candidats indépendants. M. le Président, ça se tient. La participation au vote des candidats indépendants, ça forme un tout et, ça aussi, en commission parlementaire, ça va sans doute faire l'échange lorsque le projet de loi sera déposé. Il y aura peut-être un vote pour, il y aura peut-être un vote contre, on verra à ce moment-là. Ce n'est pas une question d'être d'accord ou en désaccord, comme a tenté de le faire croire le leader du gouvernement, c'est quelque chose qui se tient comme projet de loi.

Et un troisième projet de loi, Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire concernant l'intégrité des lois électorales ainsi que la confiance des citoyens, qui forme un autre tout, comme nous l'a si bien indiqué le leader du gouvernement au moment où il parlait au nom de son collègue le ministre responsable de la Réforme électorale. Le leader du gouvernement a souligné avec justesse des articles qui pouvaient se retrouver à un endroit ou à un autre. Ça peut s'expliquer, M. le Président, parce que les articles n'ont pas été repris, le gouvernement n'a pas choisi, lui, de le scinder, sauf dans le discours du leader du gouvernement.

Si, pour les fins d'une meilleure compréhension, une fois que vous aurez pris votre décision et que vous aurez décidé de scinder comme tels les projets de loi, vous deviez apporter quelque modification que ce soit à la motion présentée par le député de l'Acadie... On ne peut se rendre à l'argument de mon collègue le leader du gouvernement, en disant: S'il y a quelque chose qui ne marche pas, tout doit casser, il n'y a plus rien qui tient. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. Les gens qui nous ont précédés en cette Chambre, les gens qui ont concocté le règlement de l'Assemblée nationale du Québec avaient prévu ces cas de scission où un article peut se retrouver et dans un projet de loi et dans l'autre, et, à ce moment-là, c'est par le biais de l'article 193 que vous avez, vous, le pouvoir d'intervenir: «193. Le président doit refuser tout préavis ou toute motion contraire au règlement. Il peut en corriger la forme pour les rendre recevables.»

(23 h 40)

Sur le plan de la forme, si le leader du gouvernement a quelques problèmes, vous pouvez trouver remède à ces problèmes; l'article 193, deuxième alinéa vous le permet. Et je dirais même plus, M. le Président, si on se fie aux décisions antérieures, vous êtes un peu obligé de le faire à partir du moment où vous en arrivez à la conclusion que ce projet de loi contient trois principes. Et, si vous vous rendez à l'argumentation du député de l'Acadie, vous vous rendrez également – et c'est ça qui nous permet une telle sérénité dans nos débats ce soir – en même temps à l'argumentation du leader du gouvernement et à celle du leader de l'opposition, qui vont dans le même sens.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader de l'opposition. M. le leader du gouvernement.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: M. le Président, vous n'avez pas à refaire les devoirs mal faits de l'opposition. Il y a une erreur, et ce n'est pas de forme, mais c'est de fond. Il y a un article qui se retrouve en première partie et en deuxième partie. Donc, ne prenez pas l'argumentation du leader de l'opposition, M. le Président, vous n'avez pas le pouvoir de changer leur erreur. Vous avez le pouvoir de faire des corrections de forme, mais pas de fond. Ça, c'est la première chose. Et, dans tous les cas, depuis que je suis ici, depuis 22 ans presque maintenant, à toutes les fois que, dans une motion, une partie a été jugée irrecevable, c'est toute la motion au complet qui été jugée irrecevable.

L'autre chose que le député leader de l'opposition oublie, dans sa mesquinerie, quand il insiste...

M. Paradis: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je n'ai point compris les propos qui ont été prononcés par le leader.

M. Paradis: Est-ce qu'il aurait l'obligeance de les répéter pour que vous lui demandiez de les retirer?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Jolivet: Ce que j'ai dit, c'est «dans sa mesquinerie». Alors, si vous pensez que ce n'est pas correct, vous me le direz.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je vous demanderais d'être beaucoup plus...

M. Jolivet: Plus doux.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...souple dans vos propos.

M. Jolivet: Plus souple. Alors, je dirai: dans la façon de présenter son affaire, avec sa façon mielleuse de vous la présenter, il a oublié le règlement de l'Assemblée nationale. Le règlement de l'Assemblée nationale prévoit qu'il y a un droit au porte-parole gouvernemental du projet de loi, qui est le ministre de la Réforme électorale. Mais il sait très bien aussi que j'ai utilisé, en vertu du règlement, à titre de ministre délégué à la Réforme électorale, puis ce n'est pas à titre de leader que je l'ai fait, le droit que possède le gouvernement d'avoir deux interventions. Je l'ai pris, M. le Président. Donc, je voudrais simplement lui rappeler que j'ai parlé au nom de ce que je suis, ministre délégué à la Réforme électorale. Et le ministre, ce matin, je n'ai pas pris son droit de parole ni ses façons de voir les choses, il a fait lui-même son argumentation.

Et, dans un contexte comme celui-là, M. le Président, je vous rappelle simplement les derniers propos du député, avant de faire sa motion. Qu'est-ce qu'il a dit? Il a dit: Parce que nous sommes en désaccord avec une partie, parce que nous sommes en accord avec une partie, nous demandons de scinder le projet de loi. Ce n'est pas de cette façon-là qu'on agit, M. le Président. En vertu de notre règlement, l'étape à laquelle nous sommes à ce moment-ci, c'est de faire la présentation des principes. J'ai simplement élaboré dans ce que j'ai présenté à l'Assemblée au moment de l'étude de ce principe comment je verrais l'étude de la discussion qui était enclenchée.

Mais, d'un autre côté, M. le Président, je vous rappellerai que le député a bien insisté sur la deuxième partie qui est de son pouvoir: en commission parlementaire, s'il est en désaccord avec un projet de loi, il fera les amendements qu'il voudra; comme le gouvernement, s'il veut apporter quelques amendements, il pourra le faire. Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, l'argumentation se détruit très facilement, l'argumentation du leader de l'opposition.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, une dernière intervention?


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, très brièvement, M. le Président, simplement pour me rendre à l'argument du leader du gouvernement à l'effet que ce n'est pas comme porte-parole du ministre responsable, mais que c'est en tant que ministre délégué que ces propos ont été prononcés à l'effet qu'il y avait trois principes au projet de loi.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, MM. les leaders à la fois du gouvernement et de l'opposition. Je vais prendre la motion du député de l'Acadie en délibéré. Et, considérant...

M. Jolivet: Avant de suspendre, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le leader.

M. Jolivet: Non, mais c'est parce que, s'il veut suspendre, je peux lui suggérer autre chose.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je peux suggérer, à ce moment-ci, M. le Président, d'ajourner nos débats à demain, le mercredi 3 juin, à 10 heures.

M. Paradis: Est-ce que c'est débattable, M. le Président?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous ajournons. Je prends la décision en délibéré et je lève la séance. Nous reprendrons nos travaux demain aux affaires du jour, le mercredi 3 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 45)