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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mercredi 1 avril 1998 - Vol. 35 N° 163

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Je vous souhaite la bienvenue au salon bleu.


Affaires du jour


Affaires inscrites par les députés de l'opposition


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il tienne une consultation générale avant la mise en place d'Héma-Québec

Nous allons débuter les affaires du jour à la rubrique Affaires inscrites par les députés de l'opposition. À l'article 42 de votre feuilleton, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, en vertu de l'article 97 de notre règlement, M. le député de Nelligan présente la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il tienne une consultation générale avant la mise en place d'Héma-Québec.»

Nous avons tenu une rencontre avant le début de la séance et nous avons réparti le temps de parole pour le déroulement de ce débat. Le partage du temps a été établi de la façon suivante: l'auteur de la motion disposera d'un droit de réplique de 10 minutes; cinq minutes seront allouées à chacun des députés indépendants; 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant le gouvernement; et 50 % du temps restant est alloué au groupe parlementaire formant l'opposition officielle.

Dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes s'ajoutera à celui de l'autre groupe, tandis que le temps non utilisé par les députés indépendants pourra être redistribué équitablement entre les groupes parlementaires. Les interventions ne sont soumises à aucune limite de temps.

Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant. M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai proposé cette motion: «Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il tienne une consultation générale avant la mise en place d'Héma-Québec», parce que je suis loin d'être satisfait de ce que j'ai entendu du ministre de la Santé.

Comme la population québécoise, nous, on ne veut pas avoir un système qui est basé plus sur des considérations politiques que sur celles de santé et sécurité de notre système sanguin. M. le Président, c'est une motion simple mais tellement importante. Parce que nous avons eu un gouvernement qui, pendant les derniers quatre à six mois, a travaillé en cachette, sans aucune discussion avec ses partenaires, avec l'idée, clairement, qu'il va créer son propre réseau isolé, indépendant, et je trouve ça inacceptable.

M. le Président, le seul et unique temps où ce ministre a parlé du système sanguin, c'était quand... Et je suis heureux que le président de la commission des affaires sociales soit avec nous, parce que, quand la commission des affaires sociales a forcé, obligé ce gouvernement à sortir en public, c'est le mandat d'initiative que nous avons eu unanimement, à la commission des affaires sociales, qui a commencé le débat.

Nous sommes en train d'avoir un changement fondamental de notre système sanguin. Et on mérite une discussion ouverte, transparente et qui puisse inclure toutes les personnes, M. le Président. Pas toutes les personnes contrôlées financièrement par le ministre, pas toutes les personnes qui peuvent avoir, comme nous l'avons entendu dans les autres dossiers, le harcèlement d'un ministère qui doit suivre la ligne du parti. Non. Nous avons, M. le Président, besoin d'un débat public ouvert à tout le monde.

M. le Président, comme vous le savez, nous sommes tous liés par le sang, «we are all related by blood». Rien n'est plus fondamental que ça, M. le Président, rien. Nous n'avons pas le droit de jouer les politiques, les partisaneries sur le dos des citoyens du Québec. Nous n'avons pas le droit. Nous n'avons pas le droit de mettre en place un système qui est potentiellement plus risqué qu'un autre système. Nous n'avons pas le droit, M. le Président. Et c'est pour ça que je vais insister pour avoir une consultation générale.

Pourquoi nous allons avoir ça, M. le Président? Parce que, effectivement, partout au Canada, Québec inclus, nous avons eu une tragédie, une tragédie humaine, une tragédie inacceptable, un point noir dans notre histoire qui, j'espère, ne va jamais arriver encore. C'est une tragédie qui fait partie de notre histoire, de nos partenaires canadiens, et on doit corriger ce problème, M. le Président. La population québécoise, et vous le savez, M. le Président, a perdu confiance envers le ministre de la Santé, a perdu confiance en ce gouvernement péquiste.

(10 h 10)

M. le Président, le ministre de la Santé a travaillé en cachette sur cette décision, et c'est un manque flagrant de transparence, à la toute dernière minute, lundi passé, de dire que, dans cinq mois, il va avoir sa propre agence québécoise, Héma-Québec. Il est en train de faire les mêmes erreurs du passé, et nous n'avons pas le droit de faire les mêmes erreurs du passé, M. le Président. C'est inacceptable et c'est exactement contre l'avis que nous avons eu de plusieurs experts.

Ce ministre du séparatisme sanguin annonçait une nouvelle agence de sang, Héma-Québec, qu'il va dire une agence indépendante, intégrée, associée, partenaire. C'est comme un débat de souveraineté-association. C'est le même débat. Il va essayer de dire qu'il peut avoir le meilleur des deux mondes, mais ce n'est pas la place pour vendre son obsession de séparation. Ils ont poussé ce concept à la limite la plus basse que j'aie jamais pensé qu'ils seraient capables de faire.

Ici, on doit faire un débat, M. le Président, sur le sang. On parle de la sécurité d'un système, on parle de la protection de chaque citoyen. Ce n'est pas la place pour faire un débat politique, on doit mettre la politique de côté. On parle d'un système qui va toucher les 7 000 000 de Québécois, mais aussi les 20 000 000 d'autres Canadiens et aussi une population plus large que ça.

Le ministre a ciblé les hôpitaux, et c'est de ça qu'il va parler aujourd'hui. Il va sortir son affaire technique de technocrate. C'est ça qu'il va faire, son petit flash partout. Ils ont ciblé les hôpitaux, mais ce n'est pas là que nous avons eu les problèmes. Nous avons eu des problèmes quand quelqu'un a donné du sang contaminé. Ils ont envoyé ça, et, avec le manque de contrôle de la qualité, ils ont fractionné ça ensemble, ils ont donné ça à une autre personne, du sang contaminé, et lui a été infecté par le sida, ou l'hépatite C, ou d'autres maladies.

Avec ça, peut-être qu'on peut faire quelque chose de mieux dans les hôpitaux – on va discuter de ça plus tard – mais ce n'est pas là le problème. Et ce n'est pas juste un simple échange de sacs de sang, là. Ce n'est pas: Je donne du sang, je vous le donne, c'est beaucoup plus compliqué que ça, M. le Président. On doit s'assurer que nous avons un système veine à veine, un système qui protège le donneur et le receveur veine à veine. Comment, avec la création de deux systèmes parallèles, deux systèmes différents, nous allons faire cette protection? On doit être plus responsable que ça.

Et nous rappelons, M. le Président, que c'est le même ministre qui a essayé politiquement de déménager le centre des greffes du poumon de Montréal à Québec pour des raisons partisanes. Nous rappelons que c'est le même ministre qui fait, année après année, avec les commandes du ministre des Finances, des coupures aveugles dans le système de santé. Rappelons que c'est le même ministre qui a tenté de retirer l'offre de service à la communauté d'expression anglaise. C'est le même ministre qui oblige les hôpitaux à hypothéquer leurs bâtisses. C'est le même ministre qui fait mal au système de santé et à la population québécoise. Je n'ai aucune confiance. Je n'ai aucune confiance au ministre de la Santé.

J'ai plusieurs questions, M. le Président, sur le nouveau système sanguin, et la population aussi a plusieurs questions. Il propose un modèle isolé qui doit faire les choses extra de intégré à un système qui est assez bon pour le reste du Canada. Il est en train de créer un deuxième système, un système différent, unique, distinct. Il n'y a pas de place pour avoir ce... Et ça va être plus cher. Vous savez que ça va être plus cher. Je vais discuter de ça un peu plus tard, M. le Président. Et je suis convaincu qu'il y a une augmentation des risques potentiels dans le système, parce qu'on ne collecte pas le sang juste ici, au Québec, dans les frontières du Québec; on collecte ça partout. Et j'espère que de plus en plus le monde va donner du sang. C'est un don de vie, comme on dit.

Mais, une fois que c'est collecté, on fait le mélange de ces produits, et ce n'est pas une opération de quartier, M. le Président, c'est une opération mondiale. Et nous avons besoin de participer à un système beaucoup plus transparent que celui qu'il propose et aussi attaché avec nos partenaires canadiens. C'est clair, M. le Président. Ce n'est pas juste ici, au Québec, qu'on doit protéger le sang. Effectivement, on doit faire ça ici, mais on doit faire ça, comme membre officiel, avec les autres membres.

M. le Président, rien n'empêche le gouvernement de prendre ses responsabilités dans notre système de santé et services sociaux. On peut être responsable de notre système, comme l'Ontario, comme la Colombie-Britannique, mais on peut être aussi membre d'un service canadien. Mais rappelons, M. le Président, qu'on fait tout ce changement parce qu'il y a eu une tragédie humaine.

Malgré l'émotion du 2 décembre, quand nous avons parlé d'un programme d'indemnisation pour toutes les victimes – primaires, secondaires – nous n'avons pas parlé des années 1986 à 1990, nous avons parlé d'un programme d'indemnisation juste et raisonnable. M. le Président, j'ai parlé hier avec deux personnes: Mme Marthe Landry-Allard, infectée le 8 juillet 1990, sept jours après la date artificielle, la date limite artificielle. Infectée par l'hépatite C, elle doit payer environ 3 000 $ pour ses médicaments. Avec l'approche légaliste du ministre, elle a été oubliée, mise de côté par ce ministre. Inacceptable, dégueulasse comme approche, M. le Président!

Je peux aussi citer un autre exemple: Mme Sylvie Surprenant, qui a été infectée en octobre 1985, juste avant la limite artificielle de ce ministre qui décide qu'il va jouer le Dieu. Pour beaucoup de personnes, il va décider que non, malgré que la réponse à ma question, que je vais lui sortir... Il a dit: Si vous voulez parler, vous avez le droit de parler plus tard.

M. le Président, on parle d'un système sanguin. On parle d'un système sanguin et on change le système sanguin à cause des victimes du sang contaminé. Le ministre est en train de, effectivement...

Une voix: ...

M. Williams: Et je sais que le député n'est pas fier de ce que le gouvernement a annoncé, mais ils ont oublié beaucoup de victimes. Ils ont sorti pas un programme de compassion, ils ont sorti un programme basé sur l'avis des avocats. M. le Président, c'est inacceptable. Où est la compassion? Est-ce que le ministre a un coeur? Est-ce que la population est sa préoccupation? J'ai de forts doutes. M. le Président.

Le timing de cette annonce, c'est assez intéressant, et les deux sujets sont connectés. Il a annoncé son demi-programme d'indemnisation vendredi; lundi, il a annoncé qu'il va faire sa propre agence québécoise fleur de lys. Le timing est intéressant parce qu'il ne veut pas qu'on parle – je vois qu'il essaie de me bâillonner – du programme d'indemnisation. Il ne veut pas parce qu'il a honte. Effectivement, M. le Président, c'est un timing assez intéressant.

M. le Président, le juge Krever, qui a étudié le dossier pendant quatre ans, a sorti plusieurs recommandations. Laissez-moi en lire deux. Recommandation 3: «Il est recommandé que le Canada se dote d'un système national pour la collecte et la distribution des constituants sanguins et des produits sanguins.» Recommandation 4: «Il est recommandé que les fonctions principales du système national d'approvisionnement en sang soient exécutées par un seul exploitant et qu'elles ne soient pas imparties à d'autres.» Recommandations 3 et 4, quelle partie de ces recommandations le ministre ne comprend pas? M. le juge Krever a dit: Nous avons besoin d'un système unifié. Et, comme le chroniqueur Franco Nuovo, du Journal de Québec , l'a dit: «Le juge Krever a raison, il faut un système unique, une centralisation des responsabilités facilement identifiée, l'enjeu est trop important.»

Mais non, le ministre sait mieux que nous autres et il annonce sa propre agence pour des raisons purement partisanes et politiques. Il n'y a aucune autre raison. Je lui lance le défi de produire aujourd'hui l'étude scientifique qui va démontrer que nous sommes mieux protégés dans un système isolé, indépendant qu'avec nos partenaires canadiens.

J'ai même entendu que le Bureau de transition du sang a recommandé qu'effectivement nous ayons le même système unifié. Et, si ce système est assez bon pour tout le reste du pays, c'est quoi, la différence avec le système québécois? Et, si c'est mieux que le système du reste des provinces, d'être responsable comme partenaire, il doit participer à la table décisionnelle. Si c'est mieux que ça, ça va être notre responsabilité de défendre une autre perspective. Il est encore en train d'abdiquer sa responsabilité. Je suis convaincu que nous allons avoir moins de protection à cause de ça, parce que, si c'était aussi bon que ça, pourquoi les autres provinces ne le prendraient pas? Pourquoi il ne participe pas avec les autres provinces?

(10 h 20)

M. le Président, c'est clair, là, ils ont décidé de faire ça purement pour des raisons politiques. Toutes les questions de surveillance, deux systèmes... Le juge Krever a clairement dit que nous avons besoin d'un système. Deux systèmes, par définition, ça va compliquer les choses. Est-ce que nous allons avoir le même logiciel? M. le ministre va dire: Ne vous inquiétez pas, nous allons utiliser le même. Mais pourquoi ne pas être membre, pourquoi ne pas participer à une table décisionnelle? Qui va faire le monitoring? Qui va faire l'échange? Qui va garantir que nous allons avoir un échange d'informations? Qui mène cette nouvelle affaire? Comment nous allons avoir la sécurité? Et pourquoi je ne trouve pas dans l'organigramme le Laboratoire de santé publique?

Avec le bilan de ce ministre, le ministre qui coupe aveuglément dans le système de santé, à qui la population québécoise ne tient pas à coeur, je n'ai aucune confiance. Je ne le crois pas, le ministre; le reste du Canada non plus, parce que, pendant les négociations, ils ont toujours donné l'image qu'effectivement ils peuvent être partenaires, qu'ils peuvent être membres du service canadien, et, à toute vapeur – parce qu'ils ont travaillé en cachette – ils ont sorti leur fameux Héma-Québec. Et vous avez déjà eu les réactions d'Ottawa sur ça. J'espère qu'il va accepter l'invitation de s'asseoir ensemble, parce qu'on doit faire mieux que ça.

Il y a toute la question des achats. J'ai plein de questions sur cette affaire, c'est pourquoi, M. le Président, je voudrais avoir une consultation générale. Ça va être plus cher. Alors, il va dire: Ne vous inquiétez pas, nous allons faire un «joint processing», une entente conjointe. Mais qui va négocier les prix? Est-ce que, comme d'habitude, avec son modèle, Québec va être à la remorque des autres? Et, s'il veut vraiment commencer à avoir la facturation, le «billing» aux hôpitaux, le service canadien fait ça à chaque province, il peut faire ça aux hôpitaux. S'il veut montrer de la bonne foi...

Il y a toute la question des dédoublements des coûts. C'est clair, c'est 30 000 000 $ de plus. Il veut acheter sa fleur de lys, et ça coûte 30 000 000 $. Mais c'est plus cher que ça, M. le Président. C'est aussi les 20 000 000 $ qu'ils vont perdre des 81 000 000 $ qui provenaient là du fédéral pour commencer un nouveau système, 20 000 000 $ de plus. Et n'oubliez pas le coût des polices d'assurance. C'est des coûts cachés. Où est-ce qu'il est, le coût de l'assurance? Ça va être plus cher, M. le Président. Au moins, ça va être un autre 60 000 000 $, en même temps qu'il coupe dans le système de santé.

M. le Président, c'est toute la question des délais. Est-ce que ça va être possible de faire ça le 1er septembre 1998? Cinq mois. Est-ce qu'il peut avancer toutes les questions de surveillance, de contrôle, de management, toutes les questions en cinq mois? Deux des mois sont l'été. Certainement, les services canadiens, déjà plus avancés, ils disent que ça va être assez serré de mettre ça en place. Comment le Québec peut mettre tout ça en place en cinq mois?

Il y a toute la question des licences, M. le Président. J'ai entendu au bureau de biologie qu'ils n'ont pas eu une, pas une demande officielle, pas une application officielle. Rien jusqu'à maintenant. Est-ce qu'ils ont commencé les discussions avec le FDA? Parce que, une fois qu'ils sortent des centres de transfusion québécois, ils doivent renégocier ces ententes. Est-ce qu'ils ont fait tout ça? Et ils peuvent dire qu'il y a des ententes, des résolutions, mais où sont les modalités? Où sont les standards? Où sont les règlements? Comme j'ai dit, ce n'est pas juste échanger un sac de sang, M. le Président.

M. le Président, comment on peut assurer que nous allons avoir la même efficacité de communication entre deux systèmes qu'avec un seul? Qui peut sonner l'alarme s'il y a encore un problème, M. le Président? J'espère que ça ne va jamais arriver. Et qui va sonner l'alarme? Je n'ai aucune réponse à cette question.

Et les pénuries de sang, M. le Président. Vous avez vu hier, dans Le Journal de Québec , le ministre a dit: Ah! nous sommes autonomes. Nous ne sommes pas autonomes, malheureusement, M. le Président. Il y a des pénuries de sang. Qu'est-ce qui va se passer s'il y a une pénurie de sang pancanadienne? Effectivement, il peut y avoir des ententes pendant les jours réguliers, mais, s'il y a une pénurie, qu'est-ce qui va se passer? Ils vont, je pense, privilégier les membres avant de privilégier les partenaires. M. le Président, c'est logique. Et pourquoi le ministre veut mettre les Québécois en deuxième place comme ça? C'est irresponsable comme approche, M. le Président. C'est irresponsable.

Mais là j'ai essayé de comprendre, parce qu'il arrive avec ses astuces tout le temps, et je pense que j'ai trouvé la raison pour laquelle il fait tout ça. C'est toute la décentralisation du financement. Il veut contrôler les budgets des 20 hôpitaux, parce qu'il va désigner 20 hôpitaux des centres pour le sang. Il dit: Ne vous inquiétez pas, je vais garantir que le budget est pour trois ans. Mais, après ça, comme il a fait dans toutes les autres choses du système, il coupe.

Et c'est une stratégie machiavélique du ministère et du ministre, parce qu'il peut couper le budget du sang. Il peut couper le sang, et ça avoir un impact domino dans le reste du système de santé parce que pas de sang, pas d'intervention chirurgicale. C'est assez stratégique de sa part, parce que vous savez qu'il fait tout pour le ministre des Finances. Souvent, je l'appelle l'adjoint parlementaire du ministre des Finances parce que c'est clair qu'il ne prend pas les soins de santé et de services sociaux comme sa priorité. C'est la réponse du ministre des Finances. Avec ça, M. le Président, il veut contrôler le budget du sang de nos hôpitaux. Avec ça, il peut contrôler toutes les dépenses de nos hôpitaux.

Il y a toute la question d'imputabilité. Il a fait ça sans jamais en parler avec son propre Comité d'hémovigilance. Il y a déjà deux personnes qui ont quitté ce Comité. Où est la transparence? C'est vrai, il y a deux personnes. Il ne le sait pas, peut-être qu'il ne discute pas avec son Comité d'hémovigilance. Même pas. Peut-être qu'il y a un projet de loi qui s'en vient. Nous sommes le 1er avril, nous n'avons pas vu un projet de loi. On ne peut pas commencer un débat sur le projet de loi avant le 1er mai à cause des crédits du budget. Comment on peut avoir un débat aussi important que ça à toute vitesse, M. le Président?

Et toute la question d'assurance, une police d'assurance. Comment on peut protéger le citoyen, le résident? Et comment on peut protéger le système? J'ai entendu que ça va être assez cher pour Ottawa de faire ça, mais Québec va faire notre propre police d'assurance? Mais vous savez que, stratégiquement, ça va être beaucoup plus sage et efficace de partager le risque avec 30 000 000 de personnes qu'avec juste 7 000 000 de personnes, M. le Président.

Mr. Speaker, this decision is politically motivated. This decision to create Québec's own blood agency is politically motivated, is part of the PQ's obsession of separation. They have put everything in place to put a «fleur de lys» on a stamp, and they're putting aside the health and safety of Quebeckers. It's scandalous, Mr. Speaker. We should have the courage to say: We will build a system that is cost effective, that doesn't increase risk, that protects citizens. But this recommendation, Mr. President, this new blood agency goes against everything judge Krever, everything the world experts are saying. They are saying: Create a unified, seamless blood system, make sure there is communication. We do not have the right to make the same errors of the past. We have to make sure that we, above all doubt, protect the health and safety of citizens.

What this Minister is doing, he's playing politics on the backs of citizens. He is playing politics with the health and safety of citizens. That is unacceptable, Mr. Speaker. We must make sure that we have a full and complete debate on this issue. We are fundamentally changing the blood system. The Minister of Health comes along and says that he is going to have everything in place by September, he is going to pass a law. He is going to ram in through. The people of Québec deserve a full and total debate. We are fundamentally changing our blood system, and I want to know, as a citizen of Canada, as a resident of Québec, as a human being, as a father, as a friend of many people, I want to know, when I give blood or when a receive blood, it will be safe. I want to know that our blood will be safe. And it seems to me we should be inspired not by a partisan political minister, but by the excellent work of judge Krever. We should be inspired to create a seamless, effective blood system, but that's not what we're hearing today.

(10 h 30)

En conclusion, M. le Président, nous n'avons pas besoin de deux systèmes. Nous n'avons pas besoin de deux systèmes qui compliquent les affaires. Je pense que nous avons besoin de prendre notre responsabilité locale. On doit faire tout ce que nous avons besoin de faire dans notre système de santé et de services sociaux, je ne mets pas ça en doute, mais on doit participer pleinement, pas avec des nuances, pas comme un membre associé, pas comme un observateur, on doit être membre. On doit être fier de ce que nous allons offrir. On doit influencer les décisions parce que le sang ne connaît pas de frontières. Le sang n'arrête pas aux frontières, M. le Président. Le sang n'est pas différent ici, au Québec, qu'ailleurs.

Je voudrais savoir, s'il y a une pénurie, si je vais avoir accès au sang. J'ai de forts doutes, M. le Président, avec cette proposition.

M. le Président, nous avons besoin d'un débat. Nous avons, effectivement... Je sais que les députés ministériels ne veulent pas avoir de débat, mais nous avons besoin d'un débat. Un seul programme d'indemnisation... Parce que c'est dégueulasse ce que j'ai entendu par le ministre hier, avec les réponses au chef de l'opposition, le député de Vaudreuil. Inacceptable! Une réponse de technocrate.

On parle d'êtres humains. On veut avoir un programme d'indemnisation qui respecte que c'est une tragédie. Mais non. Les cas de Sylvie Surprenant ou de Mme Marthe Landry-Allard, ils sont oubliés. Ils sont oubliés avant le programme et après le programme. Deux personnes qui sont des victimes innocentes, mais le ministre dit que ce n'est pas important pour lui. Il veut sortir juste une réponse légale. C'est ça. C'est inhumain, M. le Président. C'est inhumain comme approche.

C'est pourquoi je pense, M. le Président, que nous avons besoin d'un débat avec la pleine participation de tout le monde. Pas juste le monde qui est contrôlé par le ministre de la Santé.

Nous avons besoin aussi d'un débat sur le système. C'est quoi, la sécurité? C'est quoi, la surveillance? C'est quoi, l'imputabilité? C'est quoi, l'efficacité? C'est quoi, le coût? Et je voudrais m'assurer qu'après l'exercice, au-dessus de tout doute, nous allons dire: On peut regarder dans les yeux de la population québécoise et on peut dire que votre sang est protégé.

Mais je ne crois pas ce ministre. Le ministre qui, à mon opinion, est le pire ministre de la Santé, qui a fait des coupures aveuglément. Je lui lance encore un défi aujourd'hui: de déposer aujourd'hui l'étude scientifique sur laquelle vous avez basé votre décision politique. Je ne veux pas avoir une étude politique écrite par les stratèges du Parti québécois. Je voudrais avoir une étude scientifique de pourquoi il pense qu'avoir un système indépendant, isolé, ça va être mieux qu'un système protégé avec le reste du Canada.

La population mérite mieux que ça. On mérite un débat ouvert. On ne veut pas en avoir un qui a été concocté dans l'arrière-chambre du Parti québécois, M. le Président.

Héma-Québec est une décision motivée politiquement, et les décisions politiques sont une partie des problèmes des années quatre-vingt qui ont causé la tragédie du système sanguin. On ne peut pas, on ne doit pas faire les mêmes erreurs.

Héma-Québec, in my opinion, Mr. Speaker, is politically motivated, is politically motivated because, above everything else, this government is obsessed with separation. We are not separate. We work hand and hand with our fellow citizens. We are not separate. He knows it, Mr. Speaker. This is a politically motivated decision. And politically motivated decisions are part of the tragedy of the nineteen-eighties. We cannot, Mr. Speaker, we must not repeat those errors.

M. le Président, j'espère que j'ai convaincu le ministre aujourd'hui que la chose qu'il pense... S'il pense que son système est aussi défendable que ça, il peut faire cette consultation générale. Il peut défendre ça. Mais j'espère qu'il va accepter aussi que, si la population dit, comme je sais qu'elle va dire: On ne veut pas jouer de la politique sur le dos de la santé de la population québécoise... Si la population dit: Ce n'est pas ça qu'on veut, j'espère qu'il va avoir le courage de dire: Non. Ils ont fait une erreur.

Dernière remarque, M. le Président, j'espère, j'espère, avec le débat que nous avons eu en Chambre aujourd'hui et hier, et avec le débat que nous allons avoir avec le mandat d'initiative à la commission des affaires sociales, qu'il va rouvrir les discussions sur le programme d'indemnisation.

C'est inacceptable de sortir une réponse qu'il va indemniser juste les personnes de 1986 à 1990. Le fédéral a sorti 800 000 000 $. Toutes les provinces ensemble ont sorti 300 000 000 $, soit 75 000 000 $ pour la province de Québec. Pour moi, M. le Président, ce n'est pas un niveau acceptable. Ça ne respecte pas la parole du premier ministre ni celle du ministre de la Santé. Ils ont voté unanimement pour une motion afin de faire leur propre programme d'indemnisation. Ils ont rejeté ça. Ils ne respectent pas leur parole.

M. le Président, c'est clair et net. Je sais que je n'ai pas le droit de dire «menteur», et c'est pourquoi je serai prudent, mais c'est dommage, je n'ai pas le droit de dire la vérité dans cette Chambre.

M. le Président, j'espère que le ministre va nous écouter. J'espère que le ministre va dire: Non. Effectivement, il va arrêter de jouer à la politique avec le sang, qu'il va dire qu'il va être membre du Service canadien, qu'il va être responsable pour tout ce qui se passe à Québec, qu'il va participer, qu'il va assurer qu'ici, sur notre terrain, notre système est bel et bien protégé, mais aussi qu'il va jouer son rôle responsable de ministre de la Santé, et qu'il va être membre, et qu'il va assurer que notre parole est bel et bien représentée à la table décisionnelle. Parce que vous savez, M. le Président, les absents ont toujours tort. Si vous n'êtes pas là, vous ne pouvez pas influencer les décisions. Si vous n'êtes pas là, vous êtes à la remorque des autres.

Je voudrais que notre gouvernement soit là, à la table, pour assurer qu'on peut décider ensemble que nous avons le meilleur système de sang dans le monde. Et j'espère qu'il va mettre de côté ses politiques partisanes et qu'il va écouter la population québécoise. Et la première chose, j'espère, qu'il va dire, c'est qu'il va y avoir des consultations générales le plus tôt possible. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de Nelligan. Nous cédons maintenant la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Alors, M. le Président, je peux vous assurer que je vais bien me garder, contrairement à ce qu'on vient d'entendre, de faire de cette question une discussion politique parce qu'il s'agit vraiment d'une question de santé, de service de santé, et non pas d'une question de politique comme a essayé de le démontrer le député de Nelligan.

D'ailleurs, le député de Nelligan nous a parlé de beaucoup de choses mais très peu, très peu de la proposition et de sa propre motion, et très peu de ce qui est la proposition qui est faite du système de santé qui se met en marche. Il nous a parlé des programmes d'indemnisation, des problèmes budgétaires qu'on a eus dans le système de santé, en oubliant toujours qui en est responsable. Il a parlé de beaucoup d'autres choses et très peu de ce dont il est censé être question ce matin. Comme je ne peux pas lui faire le procès d'intention de ne pas connaître son dossier et de ne pas savoir de quoi il parle – je ne peux pas penser ça du député – je suis donc obligé de supposer qu'il n'est peut-être pas tellement convaincu de ce qu'il essaie de nous démontrer. C'est l'un ou l'autre, ou, s'il y a une troisième explication de ça, il faudrait la chercher ailleurs.

Ce que je veux expliquer... parce qu'il ne faut pas jouer avec ça. La population doit savoir ce qu'on fait, doit comprendre ce qu'on fait et doit être sécurisée avec ce qu'on fait, parce qu'il est question d'un service de santé très important et c'est complètement irresponsable d'essayer de dériver la discussion ailleurs. Et ça, je pense qu'il faut vraiment être parmi ceux qui n'ont pas confiance en ce que le Québec est et en ce que le Québec peut faire par lui-même, et en collaboration avec d'autres, pour toujours avoir un réflexe de se lancer ailleurs, n'importe où, dans n'importe quoi, sauf de prendre nous-mêmes nos propres responsabilités, parce que c'est ça qu'on fait.

Alors, je voudrais, dans le court temps qui m'est imparti, essayer de rappeler trois choses, M. le Président. D'abord, revoir la petite histoire de ce qui nous a amenés là aujourd'hui. Ce n'est pas une idée, tout d'un coup, qui est arrivée comme ça, ce n'est pas un projet de dernière minute. Il y a eu une évolution très régulière, qui est passée à peu près par toutes les étapes qu'on peut penser pour en arriver à ce genre de décision que l'on a prise. Deuxièmement, on va se rappeler quels sont les principes de base sur lesquels tout le monde est d'accord, les principaux principes qui sont la base d'un bon service, d'un bon approvisionnement et d'une bonne assurance de qualité et de sécurité du sang, en se référant aux principales conclusions de la Commission Krever de même qu'au comité québécois qui a travaillé sur la question. Et, finalement, j'essaierai de rappeler comment ces principes-là, on les retrouve intégrés dans le système québécois qui est à se mettre en place et, je pense, de façon peut-être meilleure – je crois, meilleure – que n'importe quelle autre proposition qu'on a pu considérer.

Bon, rappelons-nous d'abord de la petite histoire. En 1994, moment jusqu'où il existait déjà une agence canadienne – on a connu ça, ce que c'est qu'une agence canadienne, on avait ça avant – les provinces qui formaient cette Agence canadienne en sont venues à la conclusion, après étude, qu'il y avait des problèmes importants. Ce qui est arrivé avec le sang ici, comme dans d'autres pays de la planète, avait soulevé beaucoup de questions, et on a réorganisé cette Agence canadienne. Et ça a donc commencé sous l'ancien gouvernement, ce questionnement-là, et c'est sous le gouvernement actuel, un peu plus tard, en 1995, qu'on a convenu toutes les provinces ensemble d'un nouveau fonctionnement d'une agence canadienne. Et le Québec a été très impliqué dans les comités techniques et dans toutes les discussions qui ont essayé de remonter cette Agence canadienne.

(10 h 40)

On a convenu d'une entente; ça avait été fait lors d'une conférence fédérale-provinciale en Colombie-Britannique. Et on s'était donné un an pour voir si les changements faits à l'Agence canadienne qui existait déjà pouvaient corriger les problèmes qu'on avait. Et, un an plus tard, on a dû reconnaître que le système qui avait été rebâti ne fonctionnait pas. On est, à ce moment-là, en 1996.

Dans l'intervalle, qu'est-ce qui est arrivé? On avait eu, en 1995, le dépôt du rapport provisoire du juge Krever, où il y avait déjà une cinquantaine de recommandations, qui donnait les principales indications et les principaux alignements de ce que devrait être l'organisation d'un système de santé et les différents paramètres sur lesquels on devrait travailler pour s'assurer de la qualité et de la sécurité du sang et des dérivés du sang. Et c'est sur la base, donc, en bonne partie, des recommandations déjà du juge Krever que l'analyse a été refaite, un an plus tard, en 1996, du fonctionnement de l'Agence canadienne, version deux, pour réaliser que ça ne pouvait pas fonctionner et qu'il fallait créer autre chose.

Devant ce constat d'échec et l'examen d'une autre formule, dès ce moment-là, donc en 1996, le Québec a expliqué clairement aux autres provinces canadiennes et au fédéral qu'on chercherait avec eux comment on pourrait peut-être trouver une autre façon de faire fonctionner un système pancanadien quelconque, mais qu'on verrait aussi comment on pourrait travailler de façon plus intégrée avec le service de santé du Québec.

Pendant tout ce temps-là, on a eu une implication très grande avec le bureau de transition qui a été créé pour passer de l'Agence canadienne, version deux, qui avait été un échec, pour créer autre chose, de sorte qu'on puisse voir jusqu'à quel point cette organisation-là pourrait être meilleure pour les gens du Québec. Et, en même temps, on a fait des travaux pour voir quelle pourrait être une autre approche, s'il y en avait une autre.

Ces travaux-là n'ont pas été faits en catimini et en cachette, comme semble le suggérer le député de Nelligan. Il y a eu un comité, qu'on avait appelé le comité Gélineau, du nom de son président, M. Guy Gélineau, qui était à l'époque secrétaire général de l'Institut Armand-Frappier, comité qui était formé de spécialistes dans les différents aspects qui sont impliqués dans le sang, autant au niveau de la production, de la collecte qu'au niveau des transfusions et de l'utilisation des différents produits, avec aussi des représentants de la population plus générale, de gens bien informés sans être des techniciens du secteur.

Ce comité a travaillé pendant l'année 1996, a consulté à peu près tout le monde qui était impliqué là-dessus dans nos centres hospitaliers, tous ceux qui étaient représentés par des gens du même type qu'eux sur le comité. Et, sur la base, donc, d'une très large consultation, on a eu un rapport à la fin de 1996 – où on est rendu à ce moment-là – du comité Gélineau. Et c'est là que sont sortis des éléments intéressants, qui n'avaient pas été dans la discussion jusqu'ici et qui n'étaient pas sortis clairement comme ça dans les recommandations du juge Krever.

Donc, ça n'allait pas contre, mais ça rajoutait, ça enrichissait, je pense, les recommandations du juge Krever, de son premier rapport, en reconnaissant très bien et en définissant que, si on voulait avoir un système qui fonctionnait bien pour le sang, il fallait qu'on reconnaisse qu'il y avait trois éléments là-dedans et que, si on voulait avoir des responsabilités claires, il fallait bien camper ces trois éléments-là.

Un premier élément c'est, bien sûr, le fournisseur, une organisation, une partie du système, un module, si vous voulez, qui est responsable de collecter le sang, d'en assurer la qualité, de préparer les produits dérivés du sang, d'une part. Ça, c'est le donneur qui fait affaire avec le fournisseur de sang.

Mais ce qui est important aussi, beaucoup, et c'est là qu'on n'y avait pas autant pensé de façon explicite, c'est le receveur, la personne qui reçoit le sang, qui est un patient dans un hôpital. Alors, on est allé plus loin que la recommandation générale du juge Krever: Comment responsabiliser les hôpitaux? Parce que, jusqu'à maintenant, dans les hôpitaux, ce qu'on avait, c'était littéralement une banque, c'est-à-dire qu'on recevait du fournisseur le sang ou ses produits, on les gardait en réserve et, quand on en avait besoin, on les donnait au patient.

Là, ce qui a été proposé et ce qu'on a mis en place au cours des six derniers mois, c'est que, dans chacune des régions, donc intégré dans le fonctionnement de notre système de santé et en utilisant la façon dont le système est habitué de fonctionner et assure des services de qualité pour tout le reste de ce qui est donné, y compris les médicaments dans nos établissements, on a créé des comités de médecine transfusionnelle pour la transfusion au receveur qui relèvent du Conseil des médecins et dentistes et qui, comme les autres comités de cette nature dans un hôpital, vont assurer, avec des médecins spécialisés en hématologie et en oncologie, la qualité des procédures. On ne refera pas tous les tests qui ont été faits par le fournisseur, il n'y a pas besoin de répéter ça, mais les protocoles cliniques pour s'assurer qu'on donne au patient une transfusion quand c'est vraiment nécessaire, que ce qui est donné au patient... du sang ou un dérivé du sang – de plus en plus, ce sont des produits de dérivés du sang qui sont utilisés – lequel on doit choisir et quels sont les contrôles cliniques pour le patient qui doivent être faits.

Donc, maintenant, au Québec, dans chaque région, il y a un hôpital – parfois deux dans les régions où la population est plus nombreuse et où le territoire est plus grand – qui a ce comité de médecine transfusionnelle et qui assure la responsabilité. L'hôpital va avoir les budgets aussi pour acquérir le sang directement du fournisseur, et ces deux-là vont être en collaboration directe, chacun avec ses responsabilités très claires vis-à-vis du donneur, vis-à-vis du receveur de sang et en s'assurant aussi qu'ils ont les moyens pour gérer correctement et utiliser correctement le sang. Alors, ça, c'est une autre étape. Au Québec, ce n'est pas un rêve en couleur, c'est déjà en place. Et chacun des centres hospitaliers régionaux responsables pour le sang est en lien avec les autres hôpitaux qu'on a appelés des «hôpitaux associés» – c'est un réseau dans chacune des régions – de sorte que ce contrôle de qualité vaut pour partout dans la région où on peut devoir utiliser du sang ou des produits dérivés du sang.

Donc, il y a un autre élément essentiel, là, qui s'est rajouté comme proposition. Finalement, le comité Gélineau nous a proposé un autre élément qui est une recommandation générale dans le rapport Krever, mais qui ressort de façon beaucoup plus précise dans le rapport du comité Gélineau, c'est que le contrôle de la sécurité du sang, qui ne peut se faire qu'une fois qu'on a les bons moyens de contrôle cliniques auprès du patient, cliniques auprès du donneur et au niveau de la production des produits du sang... Il reste un contrôle à rajouter qui n'existait pas, qui est la surveillance épidémiologique, qu'on n'attende pas que, dans un centre hospitalier, parce qu'il y a beaucoup de cas de complications qui se présentent, on observe tout d'un coup qu'il y a quelque chose d'anormal qui se passe; qu'on ait, en faisant les ajustements nécessaires, mais un peu semblablement aux maladies contagieuses, une surveillance de l'ensemble du Québec et des comparaisons avec ce qui se passe ailleurs, au Canada et ailleurs, dans d'autres pays de sorte que, s'il y a un profil qui se dessine que quelque chose d'anormal peut se passer, tout de suite, on ait un système. Et c'est le Comité d'hémovigilance qui se met en place pour intervenir au niveau de l'hôpital ou au niveau du fournisseur, dépendant de la cloche d'alarme qui peut être sonnée.

Donc, le comité Gélineau, fin 1996, nous a introduit des éléments qui allaient dans le sens des premières recommandations de Krever et qui les enrichissaient beaucoup parce que ça les reliait de façon plus directe à ce qu'on a déjà au Québec comme système de santé, reconnaissant que le sang, ça fait partie des services de santé.

En 1997, à peu près un an plus tard, il y a eu la décision de créer les services canadiens du sang, à laquelle on s'est associé comme, de toute façon, un partenaire éventuel pour ce qu'on aurait à partager ensemble, mais en gardant toujours ouverte l'option de voir comment le modèle québécois pourrait s'ajuster avec les services canadiens du sang. Donc, toutes les provinces canadiennes, le fédéral, tout le monde était au courant de ça, et on a travaillé à trois tout le temps. Pour faire la transition, la Croix-Rouge canadienne, les services canadiens du sang et le Québec, on a travaillé à trois au niveau des négociations, au niveau du bureau de transition, jusqu'à temps qu'on reçoive le rapport Krever à la fin de 1997, avec les recommandations finales, où, là, il était recommandé qu'on s'assure que l'organisation du sang repose sur un certain nombre de principes et de paramètres dont je vais parler dans une petite minute.

(10 h 50)

Maintenant, juste pour compléter cette évolution de Krever 1, le comité Gélineau, Krever 2, où on a fait le lien tout le temps, la collaboration du Québec, toujours à travers les conférences interprovinciales et fédérales-provinciales et avec les comités techniques, avec des gens du plus haut niveau, même le sous-ministre en titre de la Santé et des Services sociaux étant aussi lui-même directement impliqué avec les équipes du ministère, on est allé plus loin et on s'est assuré que la commission parlementaire... Et ce n'est pas vrai qu'on a résisté d'aucune façon, on a plutôt, d'emblée, convenu de ce mandat d'initiative de la commission parlementaire pour qu'on puisse exposer, et y compris... Toujours de façon dépolitisée, les fonctionnaires du ministère sont venus exposer quelle était cette orientation, quelle était cette réflexion et quelle était l'option qui était ouverte pour les Québécois. D'ailleurs, les seuls qui se sont vraiment opposés à cette option, c'est les représentants de la Société canadienne de l'hémophilie qui ont fait le choix d'un modèle pancanadien, qu'on peut respecter, et qui se sont opposés à ça. Mais on verra tout à l'heure comment ils réagissent vraiment, maintenant, à la proposition du Québec, après avoir commencé à en prendre connaissance, avoir passé par-dessus la première réaction et réalisé, quand on regarde vraiment ce qu'il y a, ce qui est proposé, qu'il y a quelque chose là qui est très valable.

Donc, historiquement, une évolution depuis 1994, des étapes franchies normalement, des vérifications, des validations, une grande transparence avec tous les partenaires qui ont été établies. Alors, ça nous amène à dire: Comment on applique – je vais compléter l'explication du système québécois – les principes qui sont vraiment essentiels pour s'assurer qu'on a quelque chose qui fonctionne bien? On nous a dit, Krever et le comité Gélineau, qu'il nous faut un système qui va être bien intégré. Intégré, pour nous, on a bien compris que ce n'était pas seulement d'être intégré en ce qui regarde le fournisseur, que, si on veut qu'il y ait un bon contrôle de veine à veine, comme on dit, de la veine du donneur à la veine du receveur, il faut que le système qu'on mettra en place soit intégré avec le réseau des centres hospitaliers et avec un système de surveillance épidémiologique, de sorte que, sur un territoire d'une population de 7 000 000, on ait, d'abord là, un bon contrôle. S'il n'y a pas un bon contrôle sur le terrain, sur le territoire, au niveau où ça se passe, on ne peut pas penser qu'à quelque part ailleurs il va y avoir un contrôle de ça.

Comment on peut penser qu'on peut mieux définir un contrôle sur le système hospitalier du Québec, à partir de n'importe où ailleurs au Canada ou dans le monde, qu'à partir du Québec même? Donc, l'intégration, on a bien compris ce que ça voulait dire, c'était d'être en lien avec ce qui se passe ailleurs – au Canada, oui – mais d'être surtout bien intégré, ce qui manquait dans le système auparavant, avec le système des services de santé québécois. Des responsabilités plus claires, a dit le juge Krever, et notre comité a renchéri aussi là-dessus. Ce qui a fait défaut dans le passé, essentiellement, ça a été que l'agence canadienne qui existait, version 1 et version 2, dont j'ai parlé, et la Croix-Rouge... Il y avait un seul fournisseur, on a toujours eu un seul fournisseur au Canada, qui était la Croix-Rouge canadienne. Mais, de la façon dont cette Croix-Rouge fonctionnait avec l'agence canadienne qui, elle, payait les factures pour assurer qu'on avait des produits du sang qui étaient distribués aux hôpitaux qui, eux, recevaient ça, n'avaient rien à payer, aucun contrôle qu'à prendre le sang et à le donner...

Alors, la responsabilisation, où on a vraiment – et c'est ce que je rappelais tout à l'heure – une approche beaucoup plus précise là-dessus, on s'est dit: On responsabilise qui de quoi? Alors, on a identifié les trois éléments essentiels: le fournisseur, celui qui s'occupe du patient et ceux qui sont responsables du contrôle épidémiologique du système. Alors, trois responsabilités très claires. Et, pour le fournisseur qu'est le nouveau Héma-Québec que l'on vient de créer, ce qu'on va chercher – on ne commence pas à zéro, là, à inventer quelque chose – on va chercher... et ça, c'est une négociation qui se fait à trois, les services canadiens du sang, le Québec et la Croix-Rouge canadienne, pour faire un transfert de ce qu'on appelle les actifs de la Croix-Rouge aux deux nouvelles organisations. Les trois travaillent ensemble. Parce que la Croix-Rouge, avec les problèmes et les déboires qu'elle a eus avec le sang, ça a été à cause de l'organisation du système, à cause d'un système qui n'avait pas de bons contrôles efficaces; ce n'est pas l'expérience, ce n'est pas la qualité, ce n'est pas l'expertise technique et professionnelle de son personnel et de ceux qui dirigeaient les unités sur le terrain.

Alors, là, tout le monde a compris qu'on a intérêt à ne pas perdre cette expertise, à s'assurer que l'on continue, et que tout le savoir-faire, les connaissances, les listes de donneurs que possède la Croix-Rouge permettent de faire une transition et une continuité. Alors, au Québec, on a, par chance – toutes les provinces n'ont pas cette chance-là – d'installée à Montréal une unité très importante, une des plus importantes unités de la Croix-Rouge actuelle, qui dessert d'ailleurs tout l'Est du Canada. Et là-dessus je veux reconfirmer des points, des questions qui ont été soulevées. J'ai revérifié ce que j'avais dit, le Québec comme tel, avec sa population de plus de 7 000 000, a, en ce qui regarde le sang, les globules rouges et les plaquettes, pour entrer un peu dans les détails, une autosuffisance. On est même, à cet égard, capable d'aider régulièrement d'autres régions du Canada qui peuvent manquer parfois de ces produits. Par contre, il est vrai de dire que, pour certains produits des dérivés du sang, d'autres produits dérivés du sang, comme les autres provinces canadiennes, là, on doit faire partie même de systèmes plus larges que ce qu'on retrouve au Canada et parfois être capable d'acquérir certains produits même ailleurs qu'au Canada.

Donc, il y a une unité qui existe déjà au Québec, qui, dans les transferts des actifs de la Croix-Rouge, peut continuer à opérer pour la population du Québec et à rendre d'autres services aussi ailleurs au Canada. On a une population qui fournit assez de sang pour qu'on ait un fournisseur qui ait une autonomie réelle de fonctionnement et qui a l'avantage de la mettre en lien, de l'intégrer dans le système de santé, en lien très étroit avec les hôpitaux.

Et là il faut s'assurer, par exemple, qu'on a un lien aussi avec les services canadiens du sang, parce qu'il y a des échanges qu'il faut continuer à faire. Ça, c'est déjà acquis avec les autres provinces canadiennes, on a déjà établi ça clairement à travers le comité de transition. Il y a une information qui doit circuler aussi sur les donneurs et sur les réactions, ce qui peut se passer dans la production des produits du sang. On a déjà convenu – ce n'est pas un projet en l'air, c'est déjà convenu – qu'on va partager un système d'information qui va nous permettre des échanges réguliers d'informations.

Donc, on a, en créant ce fournisseur au Québec, l'avantage d'assurer une responsabilisation très claire au niveau de la collecte du sang et de la production des produits, et de mettre cette responsabilité en lien, pour la population du Québec, avec deux autres responsabilités clairement établies, au niveau de l'hôpital et au niveau de l'hémovigilance qui est assurée techniquement par la Direction générale de santé publique. Ce n'est pas vrai de dire, comme a dit le député de Nelligan, que la santé publique du Québec n'est pas impliquée. C'est la Direction générale de santé publique qui assure l'expertise technique, mais avec un comité qui regroupe des experts qui viennent des différents secteurs qui sont impliqués, y compris des représentants du public.

Et on est allé même jusqu'à ouvrir, depuis que ce comité existe, depuis six mois, ce comité aussi à la Société canadienne de l'hémophilie, alors qu'on savait que, eux, ils préféraient un autre modèle, pour qu'ils soient vraiment autour de la table, qu'ils assistent à toutes les discussions, qu'ils y participent et qu'ils voient vraiment comment on évolue là-dedans et qu'il n'y a rien de mystérieux pour personne. Alors, donc, responsabilisation très nette d'un nouveau fournisseur qui peut travailler sur les deux tableaux: notre système de santé et en lien avec les services canadiens du sang.

Maintenant, on dit: En plus d'être intégré, d'être responsable – il y a une imputabilité très claire – il faut que ça soit national. Oui, il y a effectivement des aspects nationaux, et je viens d'y référer. Nationaux, d'abord, il y a une partie – et ça, on n'a pas à s'en excuser – il y a un système national québécois qui est très intégré, pour tout ce qui est du sang, avec les services de santé. Il faut bien se rappeler que, là, on a une responsabilité qui revient d'abord aux provinces, parce que le sang, c'est un service de santé. La santé, c'est une juridiction des provinces qu'on doit assumer. Et, quand on a de la difficulté à l'assumer, c'est parce qu'on manque d'argent. Et on manque d'argent pourquoi? Je pense qu'on l'a assez démontré, parce qu'on a un gouvernement fédéral qui nous a retiré de l'argent qu'on devait avoir là.

Le fédéral, le seul rôle qu'il a toujours joué là-dedans, le seul rôle, et qu'il va continuer à jouer quand on parle de national, c'est d'être responsable de la réglementation. Le fédéral n'a jamais eu aucune implication dans les agences du sang, avant – version un, version deux – ça n'a toujours été que les provinces entre elles. Le fédéral ne paie rien dans tout ça, il n'a jamais rien payé, il ne paiera pas dans l'avenir. Tout ce qu'il fait, puis ça, ça fait partie de sa responsabilité selon la Constitution actuelle, c'est d'être responsable des normes et des standards. Et on en a toujours convenu clairement que les normes et les standards auxquels on va adhérer sont ceux auxquels on adhère déjà et qui sont des standards fédéraux, comme l'Agence canadienne. Et on est en lien tout le temps avec eux.

(11 heures)

Au moment où je vous parle, là, les contacts officiels sont faits. On a tenu à informer le fédéral, on a tenu à informer le Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques, qui est responsable de cette réglementation, de notre évolution. Et les rencontres étaient informelles parce que Héma-Québec n'était pas encore créé. Héma-Québec existe, maintenant. Et, au moment où je vous parle, des représentants d'Héma-Québec sont avec les représentants du Bureau des produits biologiques et radiopharmaceutiques pour discuter, justement, et en lien avec les services canadiens du sang, du transfert des licences aux deux nouvelles organisations et de l'application des normes et des standards qui seront les mêmes partout, ici, au Québec. Cet aspect national là est assuré. Et ça, c'est important parce que beaucoup de ces standards-là, c'est même des standards internationaux qui sont utilisés par le fédéral et auxquels on adhère. Donc, le rôle du fédéral là-dedans – encore une fois, je le répète, qui n'a toujours été qu'à ce niveau de normes et de standards – le fédéral ne fait pas partie des services canadiens du sang; c'est une organisation sans but lucratif, cette organisation-là, où les régions du Canada sont représentées, c'est-à-dire les provinces, par région, sont représentées, et le Québec y sera aussi. Le Québec y sera aussi, parce que les provinces ont souhaité...

Là, à la dernière conférence fédérale-provinciale, il y a eu une proposition de faite par une province, secondée par une autre et votée à l'unanimité, pour que la nouvelle société, dont le conseil d'administration a été formé vendredi dernier, désigne un membre de son conseil d'administration pour siéger sur Héma-Québec. Parce qu'à ce moment-là j'avais informé les ministres qu'on procéderait dans les jours qui suivent à la création formelle d'Héma-Québec et qu'on demandait en retour qu'Héma-Québec nomme un membre de son conseil d'administration, désigne un membre de son conseil d'administration pour siéger sur le conseil d'administration des services canadiens.

Donc, il y aura un lien qui va être créé au plan national entre les deux conseils d'administration – national dans le sens de Canada – un lien qui va être créé là, de sorte que le national québécois, notre national à nous, va être lié au système pancanadien au niveau des deux conseils d'administration pour commencer. Les deux organisations vont adhérer aux mêmes standards. C'est ce qu'on négocie présentement. Et finalement il y a des ententes à établir pour que l'information et que le sang circulent. Et ça, c'est déjà établi aussi qu'on va s'assurer de ça.

Donc, je pense sincèrement, M. le Président, que, si on regarde ça vraiment objectivement, le sang s'intègre comme un service de santé, pas un système en parallèle. Et comment peut-on penser qu'une organisation sans but lucratif – siège social à Toronto – va être capable d'avoir un meilleur contrôle pour le patient qui reçoit du sang en transigeant avec des hôpitaux dans toutes les régions du Québec qu'un fournisseur pour le Québec qui s'intègre à notre système et qui établit avec les autres le système qu'il faut? D'ailleurs, il y en a peut-être qui ne peuvent pas le dire mais qui doivent un peu envier ce qu'on est après monter, là, comme système, du point de vue des patients du Québec et des patientes du Québec.

Un dernier point, avant de conclure, pour apporter des précisions aussi dans tout ce qu'on a dit: les coûts. Ce système-là, l'an prochain, va coûter plus cher que ce que ça nous coûte présentement. Cette année, l'année budgétaire qui se termine, je pense que c'est de l'ordre de 86 000 000 $ que le Québec a mis dans le système canadien qu'on partage présentement. On prévoit déjà que, toutes choses par ailleurs étant égales, si on ne changeait rien, la quote-part qu'on a – et ça, c'est établi avec les autres provinces – que si on ne changeait rien et qu'on continuait avec le système comme il était avant, notre portion va augmenter de toute façon autour de probablement 105 000 000 $, 110 000 000 $, parce que les produits dérivés du sang coûtent cher, c'est comme les médicaments – d'ailleurs, il y a certains de ces produits-là qui sont rendus sur notre liste de médicaments avec l'assurance-médicaments, il y a donc un lien entre les deux.

Les produits dérivés du sang – encore une fois qu'on utilise de plus en plus, plus que le sang intégral – coûtent de plus en plus cher, et, suite aux recommandations de la commission Krever et du comité Gélineau, au Québec, il y aura plus de moyens de contrôle, plus de rigueur dans le système, et ça, il y a un certain prix à payer pour ça. Donc, le prix qu'on a vraiment analysé que ça nous coûterait de plus dans le système est aussi ce que ça nous coûte pour faire marcher un système mieux intégré, comme je l'ai décrit, au Québec.

Alors, l'augmentation n'est pas à cause du système qu'on met sur pied, elle est prévue de toute façon, et ça nous coûterait ça de toute façon comme quote-part dans un système canadien où on n'aurait pas vraiment cette intégration avec le système québécois. Il y a des frais additionnels que devra assumer le réseau hospitalier pour avoir un système d'information. Sur trois ans, on prévoit 17 000 000 $ par année pour installer le système d'information qui va nous permettre d'avoir l'hémovigilance la meilleure possible. Ça, je présume que les autres provinces vont devoir de quelque façon faire la même chose ou s'installer quelque système du genre. Ça va être dans un sens des coûts cachés par rapport au service canadien du sang, mais, nous, on les met tout à fait transparents, et on montre tout ce que ça va nous coûter.

Donc, ce n'est pas vrai de dire que ce qu'on fait là est un système qui va nous coûter plus cher parce qu'on duplique. Ce qui serait vraiment une duplication, je crois sincèrement, M. le Président, c'est de tout essayer d'avoir un système du sang parallèle. Et à ce moment-là, si on suit la même logique – on va publier une politique pour le cancer bientôt, dans les prochains jours, les prochaines semaines – on pourrait avoir un système pancanadien du cancer et après ça on en aurait un autre pour les maladies cardiovasculaires. Ça, avec tout le respect, je pense qu'il faut dire que ça a été des modèles un peu antérieurs de système de santé par maladie. Maintenant, on travaille sur des systèmes qui desservent une population et qui sont mieux intégrés selon le type de services, soit que c'est la première ligne, soit que c'est des services spécialisés ou des services sous-spécialisés, et c'est ça qu'on fait comme intégration de nos services.

Le dernier point sur les coûts, le député de Nelligan a fait référence aux 80 000 000 $ que le fédéral a mis là-dedans. Je vous ai dit et je répète que le fédéral ne paie rien pour le fonctionnement, ne paiera rien pour le fonctionnement des services canadiens du sang. Dans le 81 000 000 $ que le fédéral a mis là-dedans, il y a deux parties: il y a 21 000 000 $ qui est pour la révision, la mise à jour de la réglementation – et ça, on va en avoir notre part parce que ça va s'appliquer partout et on a déjà dit dès le début qu'on adhère à cette réglementation – l'autre 60 000 000 $, il est mis dans un pot, si vous voulez, comme étant une contribution pour aider à la transition dans la négociation avec la Croix-Rouge et dans l'acquisition des acquis. Il y a donc une participation où, là, le fédéral aide pour faire la transition des acquis, et ça, comme on négocie ça à trois, bien, le Québec va y retrouver sa part aussi.

Alors, M. le Président, c'est un sujet qui a sa complexité. Ce n'est pas le système qu'on crée qui est complexe. La chose est complexe en elle-même. C'est peut-être pour ne pas avoir assez, entre autres choses, reconnu cette complexité dans le passé qu'on a toujours eu un système un peu déficient, puis qu'il y a eu les problèmes que ça nous a créés. Reconnaissant cette complexité, ça nous a amenés à conclure, nous, que, oui, il y a des choses qui sont pancanadiennes là-dedans, mais il y a un élément de système de santé qui est excessivement important, et ce n'est jamais un système pancanadien qui va vraiment pouvoir prendre ça bien en compte: un système comme ça, ça se base d'abord sur la personne qui reçoit le sang. On part du receveur, du patient ou de la patiente qui a besoin de sang ou des produits du sang, et on monte le système à partir de là. Le donneur vient se greffer à ça, mais on ne monte pas le système à partir du donneur de sang. La personne la plus vitale là-dedans, qui a besoin de la sécurité, qui a besoin d'une assurance de qualité, c'est la personne qui reçoit le sang. Bien sûr, il faut une sécurité à celui qui va donner son sang, celui ou celle qui va donner son sang, mais ça, ce n'est pas compliqué à faire et ce n'est pas ça qui a jamais posé problème.

Alors, ça, on est profondément convaincus. Tous les spécialistes du Québec supportent cette décision du gouvernement qu'on a là un système qui donne la plus grande sécurité, la plus grande qualité, et qu'on ne fait pas ça de façon isolée, qu'on s'associe avec le reste du Canada pour des éléments qui doivent se faire sur une plus grande plateforme. D'ailleurs, Héma-Québec a déjà la responsabilité et les pouvoirs, quand ce sera nécessaire, de faire même affaire avec d'autres agences ailleurs dans le monde, parce que, pour certains produits dérivés du sang, il faut déjà faire ça présentement. Ce sera donc un rayonnement non seulement à travers tout le Canada, mais à travers l'Amérique du Nord et, au besoin, le monde qu'aura Héma-Québec.

Alors, M. le Président, j'espère qu'on va résister à la tentation d'essayer de politiser une question comme ça. Ce n'est pas du tout de ça qu'il est question. Il y avait deux options avec leurs avantages et des inconvénients. Les options ont été regardées et on a conclu, avec l'appui encore une fois de tous les experts qui ont été consultés là-dedans, que l'option qu'on a choisie est meilleure pour le Québec et va assurer à court terme...

Ceux qui pensent qu'on risque de ne pas être prêts pour le mois de septembre peuvent être rassurés, parce que c'est aussi sinon plus compliqué de faire tout le transfert et la préparation d'une grande agence pancanadienne, probablement plus compliqué et plus lourd à faire que de faire cette intégration au Québec où on a déjà les actifs en place, où déjà on a un personnel compétent qui pourra être transféré, et que même la directrice générale de la région de l'Est du Canada, le Dr Francine Décary, a accepté d'assumer la direction générale d'Héma-Québec. Je pense que le Dr Décary, personne ne doute le moindrement de sa grande compétence dans le domaine et de sa grande capacité de gestion.

Alors, on a là un lien de continuité qui est assuré et toutes les assurances qu'on va être prêts pour le mois de septembre. La seule chose qui nous empêcherait d'être prêts, c'est qu'on nous mette des enfarges injustifiées qui pourraient venir compliquer la situation. Mais, avec un minimum de collaboration – et j'ai confiance qu'on va l'avoir – nos gens sont déjà à discuter de ça avec les responsables au niveau du fédéral pour la réglementation, le lien est très bon avec les autres provinces, et on a eu des politiciens, des ministres qui ont réussi à travailler là-dessus pendant deux ans, presque trois ans, à monter un système pour la santé des gens, pour la qualité d'un produit essentiel pour la santé des gens, et qui ont réussi à faire ça sans jamais politiser la question et en établissant des liens de collaboration exemplaires, par ailleurs. Et j'espère qu'on va aller comme ça jusqu'à la fin et que ce n'est pas d'autres, venant d'autres avenues, qui vont venir nous compliquer et nous politiser quelque chose qui est en dehors de la politique ou, si ça a à être politisé, c'est en tant que politique de santé. C'est de ça qu'on parle, M. le Président.

(11 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Nous cédons maintenant la parole au député de Châteauguay et leader adjoint de l'opposition. Alors, M. le député.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. J'interviens sur la motion de mon collègue de Nelligan. Je voudrais, d'entrée de jeu, le remercier, le remercier de ses efforts qu'il fait dans le dossier du sang, du travail qu'il y consacre, de l'opportunité qu'il nous donne ce matin de discuter, de débattre. Parce que je comprends bien que le ministre n'aime pas beaucoup que nous existions, nous, de l'opposition, nous qui faisons écho aux vrais spécialistes, ceux qui sont là pour représenter ceux qui reçoivent le sang, la Société d'hémophilie. C'est de ça qu'on va parler. C'est eux les vrais spécialistes, c'est eux qui sont directement concernés. Je comprends que le ministre n'aime pas ça, mais c'est notre devoir, c'est notre travail, et il devrait respecter ça, il devrait nous respecter.

La motion du député de Nelligan nous permet d'aborder un débat hautement humanitaire, et j'aimerais qu'on puisse prendre quelques minutes pour se mettre à ce niveau-là. J'aimerais que le ministre fasse lui aussi un effort. Je l'écoutais tantôt accuser les autres de faire de la partisanerie, mais j'ai écouté son discours bassement partisan qu'il a tenu et j'aimerais qu'on puisse s'élever au-dessus de ça.

Le but de la motion d'aujourd'hui, pour ceux qui ne l'ont pas lue au feuilleton, il est bien simple. Elle ne tente pas de convaincre le ministre d'arguments contraires aux siens; elle tente d'amener le ministre à avoir ne serait-ce qu'une petite portion d'humanisme qui l'amène à écouter les gens en consultation générale pour venir dire ce qu'ils en pensent de son système séparé de collectes de sang, une décision qu'il a prise, d'ailleurs, qui va en sens contraire du rapport Krever. Il me semble que, pour ceux qui ont suivi un tant soit peu ces débats, ils ont pu voir combien ce rapport Krever s'est appuyé sur une consultation approfondie, large. Et nous, au Québec, avec ce gouvernement du Parti québécois, eh bien, sans aucune consultation, on irait juste à l'encontre du rapport Krever, à l'encontre des recommandations qui sont faites. J'ai de la misère à croire que ce gouvernement puisse ensuite se targuer d'être démocrate alors qu'il nous refuse une consultation sur une décision qui va à l'encontre d'une recommandation qui suivait une consultation, elle, éminemment large.

Deux éléments, M. le Président, dans le dossier du sang: d'abord, l'indemnisation pour les victimes du passé, c'est un des éléments; deuxième élément, la mise en oeuvre d'un système qui garantit qu'il n'y aura pas de victimes à l'avenir. Le passé et l'avenir, M. le Président. Et ces questions nous interpellent dans le présent. Parce que c'est l'action du gouvernement du Parti québécois aujourd'hui à l'égard de ces deux questions dont nous débattons aujourd'hui.

En ce qui regarde l'indemnisation pour le passé, doit-on rappeler ici une motion adoptée par l'Assemblée nationale où les gens d'en face se sont levés les uns après les autres...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, auriez-vous l'obligeance de rappeler M. le leader adjoint de l'opposition à la pertinence du débat? Puisque la motion se lit: «Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il tienne une consultation générale avant la mise en place d'Héma-Québec», qu'il nous dise pourquoi une consultation générale en commission parlementaire, qu'il nous dise d'abord cela, et après, sa pertinence, on acceptera qu'il soit légèrement impertinent.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement, je tiens à vous mentionner qu'habituellement il est coutume en cette Chambre que les députés, lors de leur allocution, établissent leurs prémisses et leur préambule avant d'en arriver au noeud de leur allocution. Alors, jusqu'ici ce matin, on a respecté en tous points le sens de la motion du député de l'opposition, le député de Nelligan. Alors, M. le député de Châteauguay, je vous prierais de continuer, s'il vous plaît.

M. Fournier: Je suis extrêmement gêné, M. le Président, et l'ensemble de la population est sans doute extrêmement gêné d'entendre un leader adjoint du Parti québécois nous dire que c'est impertinent de regarder ce qui s'est passé pour des victimes – et je vais en parler tantôt – pour lesquelles le ministre essaie de se dissocier d'une responsabilité en invoquant le droit civil, en invoquant des notions de juridisme alors que le gouvernement a une responsabilité humanitaire.

S'il y a un endroit où on veut se distinguer, où le Québec peut démontrer de l'excellence, servir et être à l'avant-garde, c'est bien dans ce domaine-là, plutôt que d'essayer de créer un système séparé des autres pour nous amener plus de complications, dénoncé par le rapport Krever. C'est une honte! C'est une honte d'avoir des gens au Parti québécois qui se lèvent pour dire que c'est impertinent de voir que des motions adoptées par l'Assemblée nationale sont bafouées par le gouvernement du Parti québécois. C'est une honte de voir que ces gens-là viennent dire qu'on n'est pas capables d'avoir de la compassion, on n'est pas capables de s'élever au-delà de la partisanerie, on n'est pas capables de s'élever au-delà du juridisme, quand on sait que, à l'égard du verglas, M. le Président, ou du Saguenay lorsqu'il y a une inondation, on ne vient pas nous dire que le gouvernement est tenu à prouver une responsabilité avec un dommage, une faute, un lien entre les deux. Bien non. Bien non, le gouvernement s'élève au-delà de ça et constate qu'il y a un dommage de causé, constate qu'il y a une cause, une responsabilité humanitaire du gouvernement d'intervenir.

Et, moi, j'ai entendu le ministre hier, le premier ministre dire le contraire d'une motion qui avait été adoptée. Et aujourd'hui on voudrait nous dire que nous sommes impertinents. Nous sommes là pour travailler pour les Québécois et nous allons le faire même si les gens d'en face aimeraient mieux qu'on se taise.

M. le Président, j'ai honte de voir que ce gouvernement du Parti québécois veut se cacher derrière le juridisme et se défiler devant des responsabilités humanitaires qu'il devrait avoir. Je le disais, s'il y a un endroit où le Québec peut être à l'avant-garde, où il y a lieu de se distinguer, où notre identité dont nous sommes fiers pourrait être mise en oeuvre pour servir d'exemple non pas juste pour les autres Canadiens, mais pour le monde, c'est bien dans celui du dédommagement des victimes. Là, il y a une opportunité pour le ministre d'aller plus loin, de démontrer, de prendre l'initiative.

Pourquoi, dans le dossier d'un service comme Héma-Québec, là il tente de se distinguer? Dans le dédommagement pour les personnes victimes avant 1986, eh bien, on fait comme les autres. Les autres provinces ont fait ça, donc on fait pareil. Pourquoi ne pas se distinguer, dans ce cas-là? On peut faire mieux. Alors, il y a une chance, là, de démontrer que la fierté québécoise peut être mise en oeuvre, servir encore, être un exemple. Lorsqu'on arrive avec Héma-Québec, eh bien, là on va tout simplement dans le sens contraire. Là, on veut se distinguer, mais pour être moins bons.

Si le gouvernement ne veut pas nous croire, je vais juste citer quelques passages de la Société canadienne de l'hémophilie, section Québec, d'un communiqué de presse où on disait: «En novembre 1997, le rapport final de la Commission d'enquête sur le système d'approvisionnement sanguin au Canada demandait instamment d'éviter la mise sur pied – d'éviter la mise sur pied – de nombreux systèmes locaux ou régionaux d'approvisionnement sanguin et que le Canada ait un système national de cueillette et de livraison de composés et de produits sanguins.»

Je pourrais citer Franco Nuovo qui n'est quand même pas réputé, là, pour être détenteur d'une carte de membre du Parti libéral, pour dire le moins, et je cite simplement un passage, je n'aurai pas assez de temps: «Non, le juge Krever a raison. Il faut un système unique, une centralisation et des responsabilités facilement identifiables. L'enjeu est trop important.» Et nous, nous allons nous distinguer avec un ministre de la Santé, M. le Président, qui a décidé d'aller à l'encontre du rapport Krever qui a fait pourtant l'objet d'une très large consultation. Et on lui demande: Peut-il y avoir une consultation au Québec qui lui permettrait de ne pas suivre le rapport Krever? Et il nous dit: Non. Parce que ça fait mal de se faire dire qu'on a tort.

(11 h 20)

Certes, M. le Président, notre société québécoise nous permet de nous donner et de développer une identité propre, source de fierté, mais celle-ci ne peut pas, ne doit pas s'opposer, se dissocier de notre appartenance à la communauté humaine. Je peux bien constater que ce gouvernement veut séparer le Québec du Canada, mais je ne peux pas admettre que le sang qui coule dans les veines québécoises soit différencié du sang qui coule dans les veines canadiennes. Je dis au ministre: N'écoutez pas votre idéologie, élevez-vous au-dessus de la partisanerie. Rêveriez-vous d'un pays... que celui auquel vous songez? Personne n'en veut.

Le ministre nous parle du point de départ et du point d'arrivée. Il ne nous dit mot de la normalisation, de la fragmentation, du contrôle de qualité, du suivi assuré pour que les vrais spécialistes, ceux qui représentent les receveurs, puissent être confiants que le système qui est mis sur pied sera de qualité. Oui, le Québec peut se distinguer, oui, le Québec peut être à l'avant-garde, mais pour cela ce gouvernement doit découvrir la notion d'humanisme et ne pas s'enfarger dans un nationalisme trop étroit, humanisme qui lui rappellerait que ses responsabilités gouvernementales vont au-delà du droit civil et du juridisme – ce n'est pas un litige entre parties privées lorsqu'on regarde l'indemnisation offerte aux victimes du sang, notamment avant 1986 – humanisme, et je termine là-dessus, M. le Président, qui lui rappelle qu'en matière de santé et surtout de sang la cause de son parti et les batailles tactiques et autres astuces qui l'accompagnent n'ont pas leur place, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. Nous cédons maintenant la parole, en vous rappelant, madame, qu'il reste au groupe parlementaire formant le gouvernement 17 min 30 s. Mme la députée de Rimouski.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je voudrais, moi aussi, intervenir sur cette motion, parce que je pense que la question du sang, c'est avant tout une question de santé publique, c'est également une question humanitaire. Ça requiert de la compassion, oui, c'est vrai, mais je vous dirais aussi que ça requiert une bonne information sur le système du sang au Québec pour que la population, les citoyens et les citoyennes du Québec qui ont recours au service du système de sang sachent jusqu'à quel point le gouvernement, et le ministre responsable de la santé, a eu comme objectif d'assurer non seulement la qualité du système, mais la sécurité du système. Ça, je pense que là-dessus il faut insister pour que la population sache jusqu'à quel point ces préoccupations-là ont été présentes tout au long du cheminement, du processus qui nous amène aujourd'hui à voir naître un système québécois du sang.

Je voudrais rappeler aussi au député de Nelligan et au député de Châteauguay que la Société canadienne de l'hémophilie, lorsqu'elle est venue en commission parlementaire, en novembre 1997, c'est vrai qu'elle préférait, dans un premier temps, le système canadien. Ils faisaient état, quant à eux, de certaines craintes quant à la réforme qu'on se proposait de faire. Mais, comme par hasard, j'entendais hier, sur les ondes de CKAC – hier, c'était mardi, le 31 mars – le même M. Pierre Desmarais, qui était présent en novembre à la commission parlementaire, il est toujours le directeur général de la Société canadienne de l'hémophilie, il déclarait ceci, et je vais le citer pour être bien certaine que l'opposition officielle se rende compte que des groupes, des partenaires ont cheminé avec les groupes de travail et ont fait un bout de chemin dans le sens suivant. Alors, c'est M. Desmarais qui dit: «Si jamais le ministère du Québec voulait absolument une structure québécoise, je pense que ce qu'on nous présente en ce moment est pas mal ce qu'on a présenté en commission parlementaire. Pour ça, on s'en vient bien.» Donc, je pense que, de la Société canadienne de l'hémophilie, il y a un net cheminement qui s'est fait entre le moment où ils sont venus présenter leur position à la commission parlementaire et la présentation hier du système sanguin au Québec.

J'invite les députés de l'opposition à s'instruire du système, de ses modalités de fonctionnement et j'ose espérer que, d'ici peu, ils sauront nous rejoindre sur l'adoption du système québécois du sang.

Je voudrais aussi rappeler, dans un deuxième temps, M. le Président, que ce nouveau système québécois du sang intégré au réseau de la santé, ça va garantir à la population l'accès à des produits sanguins qui vont être sécuritaires et de grande qualité. Ça, il faut que ça soit clair. Parce que, vous savez, avec la commission Krever, après ça le rapport Gélineau, ce que ça mettait en question, c'était toute la question organisationnelle et non pas la question de l'expertise professionnelle ou de l'expertise technique. Ce n'était pas cet élément-là qui était questionné, mais c'était la structure organisationnelle.

Le système québécois, c'est un système, à l'encontre de celui canadien qui est proposé... Le système canadien est centralisé, alors que celui du Québec, il est décentralisé, parce qu'il s'articule sur un mode de fonctionnement décentralisé, donc orienté vers les principaux utilisateurs du système sanguin, c'est-à-dire le centre hospitalier. Et je pense que, là-dessus, les centres hospitaliers ont toujours été, hier, aujourd'hui et demain, ils demeureront toujours les principaux utilisateurs du sang, de ses dérivés ou de ses substituts. Et ça, je pense que, là-dessus, il faut que les gens soient rassurés. Parce que, vous savez, la population du Québec a confiance dans son système de santé, connaît bien les hôpitaux avec lesquels ils font affaire régulièrement. Et le fait d'avoir intégré à l'intérieur du réseau de la santé le système de sang, c'est un plus pour la population, parce que c'est beaucoup plus facile, pour les individus et les partenaires, d'identifier la chaîne des responsabilités, la chaîne des rôles que chacun et chacune devra assumer à l'intérieur de ce système-là.

Donc, c'est un modèle organisationnel qui tient compte de la régionalisation des services de santé et des services sociaux. Je pense que, là-dessus, tout le monde est d'accord au Québec pour dire que nos services de santé sont régionalisés et qu'à partir des régions on offre l'ensemble des services de santé et des services sociaux par territoire. Et ça, là-dessus, il n'y a rien de nouveau en intégrant le système du sang à l'intérieur du réseau de la santé.

Ça permet aussi, cette intégration-là, d'utiliser de façon optimale à la fois les ressources humaines et financières, et c'est surtout que ça a comme avantage de ne pas créer de nouvelles structures. On utilise celles qui sont déjà en place, on utilise l'expertise et les professionnels qui oeuvraient déjà à des niveaux différents dans le système antérieur.

Ça permet également, je pense, ce nouveau système, de réitérer – puis ça, c'est important, M. le Président – la volonté du Québec d'assumer sa pleine responsabilité de l'ensemble du domaine de la santé. Vous savez, le système de sang, ça relève également de sa juridiction. Ça va dans la continuité des choses qui se font et qui doivent se faire.

Il faut rappeler aussi que le système que nous mettons en place, il respecte, je dirais, en tous points, en totalité pratiquement, les recommandations de la commission Krever et les conclusions du Comité québécois d'approvisionnement, de la gestion et de la distribution du sang, le rapport Gélineau, en réalité.

Alors, ce n'est pas venu comme ça, là. Ce n'est pas une génération spontanée, et ça n'a pas été fait en catimini ou en cachette, comme l'a dit le député de Nelligan. Au contraire, ça a été fait avec l'ensemble des partenaires, suite à des consultations, suite à des analyses et suite à des processus qui ont été vérifiés, validés. Après avoir reçu des recommandations, on a choisi, je vous dirais, à la lumière des recommandations des différents partenaires, un système qui sera caractérisé par une clarification des rôles, des fonctions puis aussi une imputabilité des éléments du système par rapport aux responsabilités qui doivent être assumées par les différentes composantes, par les différents partenaires de ce dossier.

(11 h 30)

Vous savez, je pense que, dans le système de gestion du sang au Québec, si on connaît bien la façon dont fonctionne le système de santé, on sait très bien que ce système-là va nous donner des assurances pour repérer rapidement s'il y a un problème, le lieu, ou la source, ou la base de ce problème, et ça va nous permettre de réagir rapidement et avec les bonnes informations.

Alors, le système de gestion du sang, au Québec, il repose, je vous dirais, sur un système d'information du donneur au receveur. Parce que là il faut qu'on sache ce qui se passe et comment ça s'est passé du donneur qui fait un don de son sang qui est transmis à quelqu'un qui en a besoin, donc au receveur. Et ce système intégré d'information, ça va nous permettre d'augmenter au maximum la sécurité et la qualité du produit sanguin, puis ça va nous permettre également d'avoir les informations qui sont pertinentes. Un système unique d'information, vous savez, ça nous permet d'être plus efficace, et je pense que là-dessus on a une sécurité en sachant que le système prévoit d'avoir toutes les informations organisées et structurées pour mieux nous permettre de réagir.

Il y aura également des comités de médecine transfusionnelle qui vont nous assurer une meilleure utilisation des produits sanguins et du sang comme tel et de ses dérivés. Qu'est-ce que c'est que les comités de médecine transfusionnelle? Je pense que c'est important de l'expliquer parce qu'il faut que les gens sachent les moyens qu'on a mis de l'avant pour assurer toute la question de la sécurité. Vous savez, les centres hospitaliers... Parce que, dans le système, il est prévu qu'il y aura une vingtaine de centres hospitaliers désignés, environ un par région grosso modo, qui eux vont être associés à des hôpitaux, assignés aussi, qui vont, à titre d'utilisateurs du sang et de ses dérivés, assumer de plus en plus de responsabilités.

Parce qu'on sait que déjà les centres hospitaliers assurent la gestion puis le contrôle des activités qui sont reliées à la transfusion, ne serait-ce qu'en question de gestion des stocks, que l'on parle de la transfusion comme telle ou de la conservation du sang et de ses substituts ou de ses dérivés. Je pense que les 20 centres hospitaliers désignés, dont celui de Rimouski... Ça me fait plaisir de le souligner, parce que le centre hospitalier régional de Rimouski sera le centre désigné pour le système du sang au Québec pour la région du Bas-Saint-Laurent. Ce centre hospitalier devra voir à mettre en place un comité de médecine transfusionnelle. Et ça, c'est pour encadrer les pratiques médicales en matière de transfusion et toujours selon des normes et des standards qui sont reconnus internationalement. Alors, ce n'est pas parce qu'on met un système québécois sur pied que ce système-là est complètement déconnecté de ce qui existe ailleurs en termes de qualité, de normes et de standard.

Vous savez, pour toute personne qui travaille dans le domaine, on sait très bien que, pour maintenir une expertise et un service de qualité et approprié, il faut garder un certain niveau de standard, et là-dessus les comités de médecine transfusionnelle auront ce mandat, de voir à respecter ça. Les comités de médecine transfusionnelle, c'est supervisé, dans chacun des établissements hospitaliers, par le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens, ce qu'on appelle le CMDV.

Alors, je pense que là-dessus les comités des médecins et dentistes de chacun des hôpitaux, ils ont comme devoir et mandat de surveiller les pratiques médicales. Ils le font déjà pour toutes les autres activités médicales qui ont lieu présentement dans les centres hospitaliers; ils vont également le faire pour encadrer les pratiques, les façons de faire à la fois du personnel médical et des échanges qui pourront exister avec les autres intervenants reliés au système de sang. Je pense que là-dessus il fallait donner une information pour dire que chaque fois qu'il y a un acte de posé il y a un mécanisme qui est prévu pour en assurer la qualité et pour en assurer la sécurité.

Je voudrais également, M. le Président, vous entretenir sur le système d'hémovigilance. Toujours dans l'esprit de garantir aux Québécoises et aux Québécois la plus grande sécurité dans la collecte, la production et l'utilisation des produits du sang, il faut être à même de réagir rapidement. Et, vous savez, dans la question des transfusions sanguines, il y a toujours certains risques qui existent et la possibilité de transmettre certains virus par le sang, c'est bien connu. C'est comme ça que la commission Krever a eu à se pencher sur le problème de la qualité et de la sécurité du sang au Canada. Ce n'est pas toujours évident, ce n'est pas toujours facile de quantifier le niveau du risque qui peut exister dans le cas de la transfusion sanguine.

Vous savez, le rapport Krever, lui, définissait la sécurité comme étant, je vous dirais, l'absence de risque. Hein, la sécurité, pour lui, c'est qu'il n'y a pas de risque. Mais ça, c'est très difficile et c'est pratiquement impossible de garantir, comme on dirait, qu'il n'y a aucun risque. Il y a toujours un risque lorsqu'il y a une transfusion. Il suffit de prendre les bons moyens et de s'assurer que tout est fait selon les règles de l'art pour qu'on puisse diminuer le plus possible les risques qui peuvent être associés à ce type d'activité.

Mais, vous savez, la commission Krever soulignait que l'amélioration de la sécurité est étroitement liée à la réduction des risques. Ça, ça voulait dire que les risques doivent être déterminés et compris. Pour qu'on sache c'est quoi, les risques, et qu'on puisse bien les encadrer, bien, il faut que l'on ait un système qui nous permette d'assurer une meilleure surveillance et une meilleure protection des personnes, soit du donneur au receveur.

Pour s'assurer d'une sécurité optimale du système de sang, le système intégré de surveillance des risques liés à la transfusion sanguine, c'est-à-dire le système d'hémovigilance, sera un mécanisme de plus qui sera copié par l'ensemble des autres partenaires canadiens. Parce que je pense que le Québec innove dans ce secteur et permet au système québécois de se donner des balises pour s'assurer de son efficacité.

Alors, je pense que, là-dessus, un système d'hémovigilance efficace, ça veut dire qu'il va s'assurer non seulement de surveiller la qualité des donneurs, il va s'assurer aussi de la réaction des receveurs. Parfois, il peut y avoir des receveurs... S'il s'aperçoit qu'il y a un certain nombre de réactions suite à des transfusions, il pourra déterminer de quel type de groupe sanguin cette réaction provient. Est-ce qu'elle est réputée être présente chez plusieurs receveurs? En quel nombre? En quelle quantité? Ça, je pense que, là-dessus, c'est un système qui va nous permettre de pouvoir avoir un temps de réaction beaucoup plus rapide et beaucoup plus court.

M. le Président, j'aurais beaucoup d'autres choses à vous parler sur le système du sang, mais je pense que la question qui se pose à nous, c'est d'assurer, avec le maximum d'efficacité, un service adéquat pour la population du Québec. Je voudrais dire, en conclusion, que le gouvernement, et le ministre de la Santé, a adopté une approche pragmatique en se dotant d'un système de gestion du sang au Québec. Le gouvernement a adopté un mécanisme d'approvisionnement, de gestion et de distribution du sang qui soit accessible – parce que, quand on se réfère... et quand l'établissement de base est celui du centre hospitalier, je pense que, là-dessus, on est assuré de l'accessibilité – et également d'une grande qualité et d'une sécurité accrue pour l'ensemble de la population.

Moi, je vous dirais que nous tenons compte de l'utilisation optimale du système de santé québécois. On a identifié des mécanismes et des collaborations nécessaires pour en assurer le bon fonctionnement. Et, dès le départ, le gouvernement a choisi d'examiner la problématique du sang à partir des problèmes à la base du système et de faire le tour de la filière systémique. Je pense que c'est ce qui nous a permis de voir là où ça accrochait. C'est pourquoi on propose des mécanismes pour améliorer le système comme tel. Je vous dirais que le gouvernement a eu comme préoccupation d'introduire des changements qui s'inscrivent naturellement dans le système de santé du Québec, et ce, sans recourir à des modifications réglementaires ou législatives ni créer de nouvelles structures organisationnelles comme telles. Nous utilisons la structure organisationnelle existante.

(11 h 40)

Alors, j'invite la population du Québec à continuer à faire le don du sang. Ils peuvent le faire en toute sécurité. Et le système du sang au Québec est là pour demeurer. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Rimouski. Nous cédons maintenant la parole à Mme la députée de Bourassa. Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, puis-je m'assurer du temps dont je dispose?

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous avez un temps de parole de 10 minutes, madame.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Il est question ici, premièrement, d'une décision, soit la décision du gouvernement du Québec de créer son propre organisme d'approvisionnement de sang; deux, de responsabilités: les responsabilités du gouvernement et, deux, les responsabilités du ministre à l'égard de la santé et de la sécurité de la population; trois, il est aussi question de droits: les droits de la population du Québec et le droit fondamental, légitime, pour chaque individu qui a besoin d'un produit sanguin ou de ses dérivés d'avoir une assurance formelle qu'il aura des produits en qualité, en quantité sécuritaires. Et je ne pense pas qu'on ait toutes les assurances. Donc, un, une décision; deux, des responsabilités; trois, des droits; et, quatre, des critiques.

Je pense qu'on peut effectivement... Et vous comprendrez que mes collègues de l'opposition officielle et moi-même, on est fondés de dénoncer nos inquiétudes pour nous assurer du respect ou nous assurer que la population du Québec aura toutes les assurances, soit les garanties formelles d'avoir accès en tout temps à des produits de qualité en quantité suffisante et dont l'accès ne sera pas encore une fois, comme on voit dans le réseau de la santé, compromis par les coupures ou les fluctuations du contexte économique.

Il est question aussi de reproches qu'on peut adresser. Un, les délais très courts. Je pense qu'on est face ici à un défi sinon à une performance. Il est question d'un délai de moins de six mois pour mettre en place, pour implanter un système, puis appelez ça – je ne sais pas, là, je ne me souviens pas du terme – un modèle organisationnel, dont les failles vont être vécues au quotidien par les personnes qui ont besoin de produits sanguins et dont la santé et la sécurité en dépendent.

Deux, au niveau des reproches, au-delà des délais qui sont très courts, il est question des intentions, de plans qui devaient être détaillés, appuyés de toute l'information nécessaire pour que la population soit bien en mesure de comprendre ce qui se passe. Et j'écoutais ma collègue dire – et je ne sais pas d'où elle tire cette belle assurance personnelle... J'ai, M. le Président, été pendant plus de 10 ans dans le réseau de la santé. Pendant plus de 10 ans, au quotidien, j'ai battu le terrain. Dans des belles années, je visitais plus de 200 établissements de santé. Et, s'il y a une critique constante qui est revenue... Et, d'ailleurs, M. le ministre sait pertinemment que, dans le dernier document du Conseil de la santé et du bien-être, le Conseil se sent obligé de rappeler encore une fois la nécessité d'informer la population, donc de lui donner droit à toute l'information nécessaire, pertinente, dont elle a besoin pour justement comprendre.

M. le ministre parlait de la petite histoire. Il a raison de parler de la petite histoire, mais il ne faut pas juste en parler; il faut retenir de l'histoire, retenir pour éviter de répéter. Et je pense que l'histoire, on en parle toujours, mais on ne retient pas assez. Si on regarde l'histoire du virage ambulatoire... Et M. le ministre s'en souviendra parce qu'on participait ensemble à une émission de télévision sur le virage ambulatoire, une émission qui avait interpellé des représentants du réseau de la santé, donc des établissements, des infirmières, et j'y étais personnellement pour représenter la population du Québec. J'avais soulevé à M. le ministre, à cette occasion-là, avoir arrêté sur la rue 10 personnes et leur avoir demandé ce qu'était le virage ambulatoire.

Et là je vous parle d'une époque où les gens étaient précipités depuis longtemps... Un peu comme dans les portes de Eaton, les portes tournantes: quand vous avez quelqu'un qui est pressé derrière vous puis qui vous lance dans la porte, je vous jure que vous tournez dans la porte. J'avais soulevé au ministre avoir arrêté des gens, et il n'y a pas la moindre personne qui avait la moindre idée de ce qu'était le virage ambulatoire. Puis ce n'est pas parce qu'ils ne sont pas capables de comprendre. La population est intelligente, elle est dotée d'un bon sens inégalé.

Malheureusement, les technocrates... Et j'attirerais l'attention de M. le ministre. Je sais qu'il est heureux d'apprendre qu'il y a un volume qui s'appelle Artistes, artisans et technocrates de Patricia Pitcher. La grande vertu des technocrates, c'est de s'intéresser aux structures. Je ne sais pas si vous avez remarqué, M. le Président, moi, je le déplore personnellement puis je sais que mes collègues de l'opposition partagent cette... je ne sais pas si c'est une impatience, je ne sais pas comment mettre l'étiquette. Depuis 1994, on parle d'argent, d'argent, d'argent, de structures, de structures, de modèle organisationnel. La personne malade, celle qui dépend des soins et des services, elle est oubliée au profit de structures, au profit de préoccupations qui sont extrêmement pécuniaires, financières, économiques, et c'est très regrettable.

J'écoutais les commentaires qui ont été faits et j'ai été sidérée de constater que le sang, qui est un produit vital pour la personne qui en a besoin, la personne qui doit avoir des assurances, bien, le sang, imaginez-vous, c'est devenu un produit politicisé, hein, le sang, c'est devenu une question de juridiction, une bataille entre le provincial puis le fédéral. On ne voit plus le sang comme un produit essentiel à la personne qui en a besoin, mais c'est une petite guéguerre. On ne réalise pas que la personne en dépend et que, parce qu'elle en a besoin parce que sa santé et sa survie ou sa mort en dépendent, on a besoin d'offrir à cette population-là le maximum de garanties, des garanties formelles, écrites, validées, qu'elle va les avoir, ces garanties-là, et que, dans les faits, dans la vraie vie – parce que c'est ça qu'on ne considère pas quand on est technocrate ou bureaucrate – la vraie vie, le vrai monde, ça peut se traduire par une baisse dans la qualité et la quantité des produits sanguins.

Encore une fois, il ne faut pas voir ici les structures – depuis 1994, on n'a fait que ça, et, moi, personnellement, ça m'excède – il ne faut pas voir un modèle organisationnel, il faut voir une personne, pas un usager, pas un client. Parce que, vous savez, aujourd'hui, si on voyait la personne humaine comme étant fragile, vulnérable, pas comme un client, c'est impersonnel, pas comme un usager, là, dans le sens d'usé, pas comme un consommateur parce qu'il va payer, mais comme une personne dont le don qu'on va lui faire peut être un don de vie ou un don de mort... C'est ça qui est important, puis je sais que M. le ministre va être sensible à ce que nous lui disons. D'ailleurs, son rôle, ce n'est pas de faire de la politique. Il est là pour garantir à la population sa santé et sa sécurité. Moi, j'aimerais personnellement qu'il m'illustre concrètement les garanties qu'il a et qu'il me fasse la démonstration.

Moi, j'ai regardé ça, là, sur le fil de presse, c'est des réactions premières. Ah! ne riez pas. Vous savez, il n'y a rien comme l'expérience terrain. Je vais vous donner un exemple. Les CMDP dont vous parliez tout à l'heure. Vous savez, on a une belle assurance quant à la garantie par les centres hospitaliers. On délègue et on doit prendre pour acquis, puisqu'on délègue, puisqu'on met un système en place et puisqu'on affirme que ce système-là est bon, qu'il va fonctionner.

Je vous donne un exemple. Il y a une circulaire qui existe dans le réseau de la santé, et les établissements ne sont même pas capables de la respecter. Et ça fait des années et des années que c'est dénoncé. C'est une petite circulaire qui touche l'entretien, les biens et les services qui sont dispensés par les établissements et qui va venir dire dans quelles conditions une personne peut payer et ne doit jamais payer. Mais cette petite circulaire là, banale, insignifiante, qui émane du ministère de la Santé, depuis des années, elle n'est pas respectée. Depuis des années, c'est dénoncé, mais dans les faits, concrètement, la situation n'est même pas corrigée.

Là, on parle d'un système essentiel, d'un produit essentiel à la sécurité et à la vie. Moi, je veux bien y croire, mais j'ai besoin de garanties. Parce que l'opposition officielle et moi, personnellement, on va continuer de dénoncer tant qu'on n'aura pas cette garantie absolue que la sécurité et la santé sont garanties. Puis, moi, là, je ne l'ai pas, cette garantie-là.

Vingt centres hospitaliers, imaginez-vous. Les codes d'éthique, un autre bel exemple terrain de l'histoire. Ils se sont tous mis, dans des délais très courts, la course à la barrière, à faire des petits codes d'éthique, du collage, du photocopiage. Vous avez, dans les faits, deux individus sur la même rue qui n'ont pas les mêmes droits. On va confier à des établissements, 20 établissements, plus des centres hospitaliers associés dont on ne connaît pas le nombre, dont on ne connaît pas l'expertise, on ne sait pas s'ils auront des budgets, s'ils vont être suffisants, s'ils vont être récurrents, on ne connaît pas la réglementation, on ne connaît pas les assurances... Qui me dit, moi, que déjà les 20 centres hospitaliers n'ont pas connu des incidents et des accidents concernant la réception, le stockage du produit?

Permettez-moi! Non, vous allez me... Ha, ha, ha! En tout cas, je pense que ce qu'il faut comprendre: lâchons l'argent, lâchons les structures, parlons de monde et du respect de la dignité de la vie.

(11 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Nelligan, vous avez un droit de réplique de 10 minutes. M. le député.


M. Russell Williams (réplique)

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai peur pour la santé de la population québécoise avec ce séparatisme sanguin à la charge du ministère de la Santé. Vous riez, mais c'est tellement dangereux, M. le député. Je suis heureux que les députés de Bourassa et Châteauguay aient participé au débat aujourd'hui, parce qu'on essaie de défendre la population québécoise. Le ministre a décidé de politiser les débats sur ça. Il met ça comme un débat constitutionnel. Il dit: C'est le champ de compétence du Québec, c'est lui qui mène. Il peut jouer d'une façon... aveuglément comme ça, mais le sang ne connaît pas les frontières. Le virus n'arrête pas aux frontières; ça passe partout.

M. le Président, le ministre a parlé qu'on doit penser aux receveurs, ceux et celles qui reçoivent le sang. Juste deux exemples de la façon dont il pense, le receveur. Mme Surprenant, Sylvie Surprenant, qui a été infectée, octobre 1985, qui a été oubliée, qui a eu une excellente carrière comme infirmière auxiliaire, mais, à cause de ce ministre, elle a été oubliée dans le programme d'indemnisation. Rien! Elle dit que le ministre Rochon a oublié vite la motion adoptée en Chambre au mois de décembre 1997. Elle a raison.

Un autre receveur, Marthe Landry-Allard, infectée le 8 juillet 1990, sept jours, juste sept jours après sa date limite artificielle. Pas indemnisée. Elle paie 3 000 $ par année et elle a été oubliée par ce ministre qui supposément va penser au patient. On sait que c'est un ministre qui est sans-coeur.

M. le Président, on ne peut pas politiser ce débat. On doit s'assurer que les Québécoises et les Québécois ont le meilleur système sanguin, bel et bien protégé. La députée de Rimouski a essayé de sortir, hors contexte, une interview. J'ai juste parlé à 11 h 15 avec le même Pierre Desmarais. La Société canadienne de l'hémophilie est encore contre le mandat d'Héma-Québec. Et ce sont les experts, les vrais experts, ceux et celles qui utilisent le système sanguin. Avec ça, on peut jouer à la politique ici, mais, sur le terrain, on doit protéger les patients. Et on risque d'augmenter les risques avec ce modèle, M. le Président. C'est clair et net.

M. le Président, j'ai une copie de la lettre que M. Rochon a reçue aujourd'hui de M. Rock. Il a dit, et je cite vite, qu'il doit faire part de ses préoccupations sur la sécurité du système. Il dit: «Le fait que vous insistiez pour avoir votre propre système de sang crée une situation qui soulève de nombreuses questions qu'il faut régler.» Nombreuses questions qui doivent être réglées. «Les critères de santé et sécurité exigeront un niveau très élevé d'intégration. Mais, suite à l'annonce concrétisant la création de la corporation d'Héma-Québec, nous devrons avoir rapidement des discussions sérieuses et concrètes sur le processus pour me permettre de rencontrer mes obligations afin que toute la population canadienne – y compris celle du Québec – ait accès à du sang et des produits sanguins sécuritaires en temps libre.»

M. le Président, c'est assez important et c'est un débat fondamental. C'est pourquoi je voudrais avoir une consultation générale. Je ne veux pas avoir juste les commentaires des personnes payées par le ministre, payées par le ministère, qui ont un parti pris, qui vont toujours répondre de la façon qu'il veut. On veut avoir un système qui protège la population québécoise.

M. le Président, je sais que son style est d'essayer de compliquer les choses. Il sort une affaire comme ça et il essaie avec les flashs: Voilà, ça va marcher. Dans la vraie vie, M. le Président, le monde comprend. Deux systèmes. Deux systèmes, c'est plus compliqué qu'un. C'est vrai. Deux systèmes pour avoir la complication de communication. Il n'y a aucune raison d'avoir un système isolé, indépendant ici, à Québec. On peut être fier de ce qu'on peut faire ici, mais on peut être un membre du système avec nos partenaires canadiens. On sait, la population sait que deux systèmes, c'est plus cher. Elle sait que ça va être un système beaucoup plus cher. Ils dépensent de l'argent qui n'est pas nécessaire, doublement.

Le ministre veut contrôler le budget de nos hôpitaux. Parce qu'on connaît le bilan de ce ministre: une fois qu'il a la main sur son budget, il coupe, il serre la vis. Et il sait que, s'il peut couper le budget du sang dans un hôpital, il va avoir un impact domino dans tous les autres frais de nos hôpitaux. J'espère que la population va comprendre sa stratégie machiavélique en arrière de tout ça, parce qu'il veut contrôler le budget. Il veut couper. Il veut jouer son rôle habituel comme adjoint parlementaire du ministre des Finances. C'est purement politique, ce que le ministre a annoncé lundi passé.

M. le Président, je lance encore une fois, s'il vous plaît: Est-ce que le ministre peut déposer au moins un rapport scientifique qui défend son option? Nous sommes tannés d'être prisonniers de son obsession de séparation. Mais, lui, il a décidé que non; il veut à tout prix avoir une fleur de lys sur notre système sanguin. C'est inacceptable. La population québécoise mérite mieux que ça.

Mr. Speaker, this is a politically motivated decision. This is a decision that is based on an understanding that is not real. This is just like the compensation package offered by this Minister, legalistic, not, in any way, based on what the population needs. This will increase costs. It is potentially dangerous.

Now, the Minister may want to pretend judge Krever recommended this. Read the report. He said: A seamless blood system, no more interlocutors than necessary, one system. That's what judge Krever said. Maybe you could borrow my report and read it, Mr. Minister. We need one system. He can be an ostrich, he can put his head in the sand, but Quebeckers know that blood comes from everywhere. Blood doesn't know borders. We travel, we share our blood. When you give blood, when you give the gift of life, it is not one bag of blood given to another person; it's a very complicated process. We need to be fully and totally integrated in the Canadian system. But what the Minister is saying: No. His obsession of separation is more important. He has to have his own system, that is the only way... And he is prepared to risk the health of Quebeckers, he is prepared to pay more money for it, he is prepared to put the whole process of judge Krever's report in doubt.

M. le Président, c'est inacceptable, ce que le ministre a proposé. La population veut avoir un système qui contrôle notre système sanguin. On ne veut pas avoir une expérience de décentralisation. On veut avoir un système où on peut avoir le contrôle, où on peut être certain que, quand je donne du sang ou quand je reçois du sang, ou mes collègues reçoivent du sang, ou ses enfants ou ses parents, on doit être certain que c'est bel et bien protégé. Mais non, le ministre a décidé, il préfère jouer la politique sur le dos de la population québécoise. Il préfère mettre tout le système de sécurité en doute.

M. le Président, ce programme d'indemnisation offert vendredi passé, c'est un exemple que le ministre ne respecte pas ses paroles parce qu'il a dit qu'il allait faire un programme d'indemnisation pour toutes les victimes. Avec ça, M. le Président, la population québécoise a perdu toute confiance en ce ministre. Il a coupé aveuglément dans le système, et, maintenant, comme ils ont fait avec le Centre de greffe de poumons, il a dit que la politique, pour lui, c'est le plus important. Le patient, ce n'est pas important. Il va faire tout pour faire avancer la cause de la séparation. C'est inacceptable, M. le Président. C'est inacceptable.

C'est pourquoi je pense que, avec un changement aussi fondamental que ça, nous avons besoin au moins d'une consultation générale. Parce que la population demande beaucoup de questions: Qui va contrôler ce système? Comment nous allons nous assurer que nous allons avoir le même contrôle que les autres provinces? Ou est-ce que, à toute vitesse – parce qu'ils doivent tout faire ça en cinq mois – ils vont faire les «shortcuts» sur les règlements, sur les modalités? Comment est-ce que je peux être assuré... Comment est-ce que je peux regarder dans les yeux de mes enfants et dire que le système est bel et bien protégé? Parce que ce ministre joue la politique sur le dos des Québécois, et je trouve ça inacceptable, M. le Président.

S'il est aussi fier de sa proposition, s'il est aussi fier de sa proposition d'avoir un système québécois, la seule chose qu'il peut faire: amener ça devant la population, laisser la population faire ses commentaires, faire une consultation générale et avoir le courage... Quand la population dit: On ne veut pas avoir cette isolation, on ne veut pas avoir un système d'indépendance dans notre système, on veut être membre du système canadien, quand la population dit ça, j'espère qu'il va avoir le courage de dire qu'il a trompé la population, que ce n'était pas correct, ce qu'il a proposé, et c'est irresponsable. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Ceci met fin au débat sur la motion présentée par M. le député de Nelligan. Nous allons maintenant mettre aux voix la motion du député de Nelligan.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Un vote nominal? Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

(12 heures)

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Conformément à l'article 223 de notre règlement, je vous demanderais de reporter ce vote à la fin de la période des affaires courantes de cet après-midi.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le vote sera repris cet après-midi aux affaires courantes. En considérant l'heure, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 1)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir un moment.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons aborder les affaires courantes à ce moment-ci, immédiatement.


Déclarations ministérielles

Aux déclarations ministérielles, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Mise en place des nouveaux services publics d'emploi


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce 1er avril 1998 marque une phase décisive pour la mise en place par le gouvernement du Québec et ses partenaires de services publics d'emploi intégrés et efficaces. Après plus de 30 ans de revendications ininterrompues et fort d'un consensus québécois des plus solides et des plus tenaces, le Québec rapatrie à compter d'aujourd'hui les budgets, le personnel et les programmes financés par la caisse d'assurance-emploi. Cela lui permet enfin de franchir un pas déterminant vers le regroupement, le décloisonnement et la gestion unifiée de tous les outils qui permettront à la main-d'oeuvre du Québec de mieux s'intégrer à l'emploi et de mieux s'adapter aux changements qui s'opèrent sur le marché du travail.

Aujourd'hui, 150 centres locaux d'emploi sont implantés partout sur le territoire québécois. Nous accueillons en ce jour au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, dans la fonction publique du Québec, 1 084 employés du gouvernement fédéral et 966 employés de l'ex-Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre qui conjugueront leurs efforts aux 911 employés du module de sécurité du revenu de la ville de Montréal et aux 3 500 employés de l'ex-ministère de la Sécurité du revenu. Toutes ces personnes mettent leur talent, leur savoir-faire, leurs efforts au profit de deux grandes missions: la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale et le développement de la main-d'oeuvre et de l'emploi.

C'est également aujourd'hui qu'Emploi-Québec prend son envol. Emploi-Québec, c'est une structure originale sans précédent au gouvernement qui, bien qu'intégrée au ministère de l'Emploi et de la Solidarité, est cogérée par la ministre et les partenaires du marché du travail.

Forte d'un budget de 704 000 000 $ et pouvant compter sur 3 000 des employés du ministère, Emploi-Québec offre à compter d'aujourd'hui sur tout le territoire québécois des services et mesures souples adaptés aux besoins de chaque personne à la recherche de services d'emploi et adaptés aux réalités de nos localités et de nos régions, tels que déterminés par le milieu et tout particulièrement par les centres locaux de développement.

Emploi-Québec offrira également des services aux personnes en emploi et supportera les employeurs québécois pour le placement, la concertation et le soutien à la formation. Désormais, toute la main-d'oeuvre québécoise aura accès aux mêmes mesures d'adaptation et d'insertion sociale et professionnelle. Fini le cloisonnement des clientèles selon qu'elles reçoivent des prestations d'assurance-emploi ou de la sécurité du revenu ou qu'elles soient sans chèque. Fini la stigmatisation des prestataires de la sécurité du revenu qui, pour plusieurs, faut-il le rappeler, sont des chômeurs et des chômeuses.

Pour en arriver à cette gestion unifiée, il a fallu accomplir une tâche colossale au cours de la dernière année. J'en rappelle les étapes les plus significatives: 21 avril 1997, signature de l'Entente de principe Canada-Québec relative au marché du travail; 12 juin, cette Assemblée adoptait la Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail; 10 septembre, nomination par le Conseil des ministres des membres de la Commission des partenaires du marché du travail; décembre 1997, signature, cette fois, de l'Entente de mise en oeuvre relative au marché du travail; 1er janvier, création d'Emploi-Québec. Dans les jours qui viennent, une entente devrait être entérinée avec la ville de Montréal pour le prêt de services de 288 personnes du module de sécurité du revenu de la ville à Emploi-Québec.

M. le Président, nous avons également entrepris des discussions avec les 10 organisations syndicales administrant 16 conventions collectives, pour regrouper le personnel. De nombreux travaux ont été nécessaires pour que nous puissions procéder à compter d'aujourd'hui à la mise en place d'une infrastructure technologique permettant de mettre en réseau les équipements, les données, afin de traiter les clientèles des quatre organisations initiales et pour doter bientôt chaque centre local d'emploi de guichets de placement.

Nous avons également regroupé en 10 mesures souples de soutien à l'emploi les 50 programmes qui existaient jusqu'ici dans le secteur de la main-d'oeuvre afin d'en éliminer les dédoublements et les chevauchements. Au cours des prochaines semaines, nous signerons avec les partenaires du marché du travail l'entente de gestion relative à Emploi-Québec. Tout cela a été effectué en assurant, bien évidemment, la continuité des services actuels.

Jusqu'au 12 décembre et à partir d'aujourd'hui, soit environ un par jour ouvrable, nous regrouperons sous un même toit, dans les 150 locaux d'emploi, les centres locaux d'emploi, un par MRC ou par quartier dans les communautés urbaines, les services de sécurité du revenu et d'emploi qui étaient dispersés dans les 129 centres Travail-Québec, les 51 bureaux de la SQDM et les 72 bureaux des centres d'emploi fédéraux. Tous les efforts requis sont consentis pour doter le Québec de services d'emploi adaptés aux réalités locales, capables d'aider nos concitoyennes et nos concitoyens à relever les nouveaux défis de l'emploi.

J'ai dit plus tôt que nous franchissions aujourd'hui une étape décisive dans l'organisation des services intégrés d'emploi. Il reste encore des outils importants à intégrer, notamment les programmes et les budgets fédéraux destinés à la jeunesse en difficulté. Mais, aujourd'hui, je tiens à insister davantage sur le travail accompli et à saluer le nouveau départ des services publics d'emploi et la cohésion que ces services tisseront avec l'ensemble du régime québécois de sécurité sociale. J'en appelle donc à cette Assemblée, à nos partenaires, aux milliers de personnes qui cherchent une intégration sociale ou professionnelle, notamment aux jeunes en difficulté, j'en appelle au personnel du ministère de l'Emploi et de la Solidarité: Puissions-nous, ensemble, entreprendre cette lutte plus efficace contre le chômage et l'exclusion et faire prospérer la société québécoise vers l'emploi. Merci.

Le Président: Alors, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-François pour ses commentaires.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. J'interviens au nom de l'opposition officielle et au nom de mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce et porte-parole en matière de sécurité du revenu.

(14 h 10)

La mise en place de nouveaux services publics d'emploi au Québec et le décloisonnement des mesures actives en emploi sont le résultat, bien sûr, d'une longue négociation entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral. Et, à cette occasion, j'aimerais souligner l'apport important de mon collègue le député de Laporte, ex-ministre de la Main-d'oeuvre, qui a pavé le chemin et permis, bien sûr, à la ministre d'en arriver au transfert des programmes de main-d'oeuvre et des effectifs, et ce, dans l'intérêt des sans-emploi. Alors, encore une fois, M. le Président, le succès de cette opération est la preuve que, quand il y a de la volonté de part et d'autre, le Québec peut s'épanouir et peut se développer à l'intérieur de la fédération canadienne, comme on l'a fait d'ailleurs avec l'entente sur l'immigration et, tout récemment, avec les commissions scolaires linguistiques. Tout comme le Québec a obtenu la maîtrise d'oeuvre au niveau de l'intégration des immigrants, aujourd'hui le Québec obtient la maîtrise d'oeuvre au niveau de la formation de sa main-d'oeuvre et de son intégration en emploi.

Tous les groupes qui se sont fait entendre en commission parlementaire sur le livre vert de la ministre ont accueilli favorablement le décloisonnement des mesures actives en emploi. Toutefois, M. le Président, il est important de mentionner que, malgré le fait que le budget semble important, soit 704 000 000 $, il ne faut surtout pas oublier que la clientèle qui pourra bénéficier de ce nouveau service en sera doublement augmentée, et je pense ici aux prestataires de la sécurité du revenu, aux prestataires de l'assurance-chômage, aux personnes sans chèque ainsi qu'aux étudiants en recherche d'emploi. Alors, il faudra voir dans les prochains mois si le budget qui nous apparaît confortable aujourd'hui pourra atteindre les objectifs visés par la politique.

La ministre devra aussi, M. le Président, être très vigilante, et je lui fais une mise en garde. Elle devra être vigilante et s'assurer que les sommes qui proviennent du gouvernement fédéral pour la mise en place des nouveaux services publics d'emploi ne soient pas détournées à d'autres fins, soit, par exemple, au financement de son ministère et de ses structures, tant au niveau local que régional.

M. le Président, on aura compris que quand la ministre nous dit qu'aujourd'hui 150 locaux d'emploi sont créés partout sur le territoire québécois la majorité de ces locaux sont encore conceptuels et virtuels, puisqu'elle nous dit par ailleurs, à la page 7 de cette déclaration, qu'elle en ouvrira environ un par jour ouvrable et que c'est seulement dans neuf mois que cette implantation sera terminée, c'est-à-dire que la clientèle pourra profiter entièrement de ce service. J'espère que la mise en place de tout ce nouveau système, que ce soit au niveau des CLE, des CLD, des CDEC, des carrefours jeunesse-emploi, des commissions des partenaires du marché du travail, de la Commission nationale des partenaires du marché du travail, ne sera pas uniquement des voeux pieux sur papier mais répondra vraiment aux besoins des sans-emploi, et Dieu sait qu'ils sont nombreux. J'espère seulement qu'on ne connaîtra pas, avec ce nouveau système, des lenteurs ou les lenteurs qu'on connaît avec le Programme d'apprentissage des jeunes en entreprise, alors que l'on se souviendra que la ministre nous en promettait 1 000 par année, alors que dans les faits c'est environ 50. Et il semblerait que ce programme n'atteindra pas sa vitesse de croisière avant possiblement deux ou trois ans.

M. le Président, on ne sait toujours pas non plus, parmi les plus démunis de notre société, soit la clientèle de la sécurité du revenu, combien d'entre eux pourront profiter de ces nouvelles mesures actives en emploi. À plusieurs reprises, mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce a questionné à ce sujet la ministre, mais il attend toujours la réponse.

Malgré tout, M. le Président, la ministre a raison de se réjouir aujourd'hui de l'implantation de ces nouveaux services publics d'emploi, mais nous savons d'avance que les résultats seront tributaires des partenaires locaux et régionaux, tant au niveau du communautaire, au niveau de l'entreprise privée, des syndicats. Et, bien sûr, nous les invitons tous à la collaboration. Merci, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre, pour votre droit de réplique.


Mme Louise Harel (réplique)

Mme Harel: Alors, M. le Président, je voudrais rassurer immédiatement les membres de cette Assemblée et bien évidemment Mme la députée de Saint-François à l'effet qu'il n'y a aucune compression dans aucun des budgets dévolus aux prestataires d'aide sociale, qui dorénavant pourront bénéficier des programmes d'Emploi-Québec comme tout autre demandeur d'emploi dans notre société.

J'aimerais également immédiatement signifier que les centres locaux pour l'emploi sont implantés dès aujourd'hui. C'est simplement cette gestion unifiée au sein d'un même bureau qui, compte tenu des contraintes, des baux déjà signés et des contraintes technologiques, va, elle, graduellement se dérouler à raison d'un centre local à gestion unifiée par jour ouvrable d'ici décembre prochain, mais les services, le décloisonnement des services, la livraison des services, c'est à partir d'aujourd'hui que c'est entrepris.

Également, M. le Président, je crois que nous devons tirer une leçon de ce qui, je pense, aujourd'hui, je le constate avec plaisir évidemment, nous réjouit tous dans cette Assemblée nationale. Cette leçon, elle est simple. Elle est la suivante. Quand le Québec est uni et quand il parle d'une seule voix, en particulier quand son Assemblée nationale s'exprime à l'occasion de motions unanimes, comme ce fut le cas en matière de main-d'oeuvre, nous gagnons. Mais encore nous faut-il ici démontrer cette solidarité nationale essentielle. Ça a été, je suis convaincue de ça, M. le Président, la condition qui a fait bouger le gouvernement fédéral, qui était sourd et aveugle depuis plus de 30 ans, et qui l'avait même été avec un gouvernement précédent, tout fédéraliste fut-il.

Alors, on comprend bien que c'est après 30 ans de revendications. Je rappelle que c'est le premier ministre de l'époque, Jean Lesage, qui, le premier, a formulé cette revendication. J'en appelle, bien évidemment, en terminant, à d'autres motions unanimes, y compris à l'égard de la jeunesse. Puisque nous avons réussi à faire sur mesure en matière de main-d'oeuvre, il n'y a pas de raison que le gouvernement fédéral fasse du mur-à-mur à l'égard des jeunes en difficulté.


Présentation de projets de loi

Le Président: Bien. Nous allons passer maintenant à l'étape de présentation des projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 416

Le Président: Alors, à l'article b de ce feuilleton, M. le ministre des Transports présente le projet de loi n° 416, Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi sur le transport par taxi. M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Oui, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur les transports et la Loi sur le transport par taxi afin de préciser la compétence de la Commission des transports du Québec en matière de tarifs de transport et de transport privé par taxi ainsi que le pouvoir du gouvernement de restreindre les pouvoirs de tarification de celle-ci.

Ce projet de loi contient également une disposition afin de valider les tarifs actuels fixés par la Commission en application de la Loi sur les transports et de la Loi sur le transport par taxi. Enfin, ce projet comporte des modifications de nature technique et de concordance.

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que le leader ou le ministre responsable peuvent assurer les parlementaires que les diverses parties intéressées pourront être entendues en commission parlementaire?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, il y aura une proposition faite en ce sens bientôt.


Mise aux voix

Le Président: Alors, Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents


Prévisions budgétaires et rapports financiers préliminaires du Directeur général des élections et de la Commission de la représentation électorale

Au dépôt de documents, je dépose les prévisions budgétaires du Directeur général des élections pour l'exercice financier 1998-1999 et son rapport financier préliminaire pour l'exercice budgétaire 1997-1998. Je dépose également les prévisions budgétaires de la Commission de la représentation électorale pour l'exercice financier 1998-1999 et son rapport financier préliminaire pour l'exercice budgétaire 1997-1998.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Chicoutimi.


Audition de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes publics

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 25 mars 1998 afin d'entendre la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial dans le cadre du mandat de surveillance d'organismes publics, conformément à l'article 294 du règlement. Je vous remercie.

(14 h 20)

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Consultations particulières sur le document intitulé Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec

M. Sirros: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 24, 25, 26 et 31 mars 1998 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le Document de réflexion sur le travail des enfants au Québec .

Le Président: Très bien. Ce rapport est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit et de privilège, mais je vous avise à ce moment-ci qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le député de Nelligan présentée aux affaires inscrites par les députés de l'opposition.


Questions et réponses orales

À ce moment-ci, nous allons aborder maintenant la période des questions et des réponses orales. M. le député de Laporte, en principale.


Rôle accru de la Société générale de financement

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le ministre des Finances a fait état hier d'une nouvelle politique de développement économique qui consisterait à engloutir 400 000 000 $ par année de fonds publics dans une nouvelle Société générale de financement agrandie. Je pense qu'on aurait pu intituler cette politique-là La relance économique du Québec par les sociétés d'État! C'est ce qu'il en est.

Selon l'ensemble des milieux économiques, il s'agit là d'une politique rétrograde. Je défie le ministre des Finances de me nommer un gouvernement en Amérique du Nord, dans les quelque soixante juridictions qu'on y trouve, qui imite le gouvernement du Québec et qui pompe des centaines de millions de dollars par année dans des sociétés d'État pour faire du développement économique. La France privatise ses sociétés d'État, l'Angleterre ne songe pas à y revenir. En fait, je ne connais pas un seul pays moderne qui aujourd'hui, en 1998, songerait à investir dans une société d'État des argents neufs pour stimuler le développement économique.

La nouvelle Société générale de financement et ses huit filiales et fonds spécialisés, ce nouveau partenaire des investisseurs, selon le gouvernement, sera un échec comme le sont, en 1998, toutes les sociétés d'État de ce genre.

M. le Président, ma question au ministre des Finances est la suivante: Au lieu de construire un nouveau monstre, est-ce que le gouvernement n'aurait pas mieux fait de faire un bilan sérieux des sociétés d'État actuelles, de fermer celles qui ont fait leur temps et de demander des comptes aux autres? En fait, ce que nous avons là, est-ce que ce n'est pas un bâtissage d'empire sous la férule du ministre des Finances pour faire croire aux Québécois à une pseudopolitique économique?

Et la question, en fait, que nous devrions nous poser tous, c'est celle que posait Hélène Baril dans le journal Le Soleil : «Ce plan est peut-être bon pour l'ego de MM. Blanchet et Landry, mais l'est-il aussi pour l'économie du Québec?»

Le Président: M. le vice-premier ministre, ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, quand le député de Laporte utilise le mot «engloutir», il fait référence au vocabulaire du passé. Son voisin de gauche sait très bien c'est quoi, engloutir dans les chantiers maritimes de Davie. Plusieurs de ses anciens collègues savent très bien c'est quoi, engloutir dans d'anciennes catastrophes de la SGF, qui d'ailleurs...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): ...qui d'ailleurs ne doivent pas être jugées si sévèrement que ça, parce que, à l'aube de la Révolution tranquille, nous avions une telle lutte à faire contre ce qui était littéralement du colonialisme économique qu'on pouvait pardonner certains errements. Par la suite, la Société générale de financement a réalisé, dans une seule transaction instaurée par le gouvernement de René Lévesque, avec Pechiney-Ugine-Kuhlmann et des intérêts américains et japonais, à Bécancour, 500 000 000 $ de profits d'un seul coup. La SGF des libéraux et notre SGF, c'est deux choses différentes.

Et je voudrais profiter de la question pour affirmer dans cette salle précisément que nous ne sommes pas des libéraux ni des néo-libéraux, ni des paléo-libéraux; nous sommes un gouvernement qui se sert des solidarités collectives...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Bon, alors, je disais donc que nous ne sommes pas les porte-étendards de la droite ultralibérale qu'est devenu le Parti libéral du Québec, surtout avec les propos du député de Laporte ce matin. Car, en effet, le Conseil du patronat, par la bouche de M. Garon, que tout le monde connaît, qui est un homme estimable, trouve louable la décision...

Une voix: ...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Non pas que le député de Lévis n'est pas estimable, mais on ne parle pas de lui actuellement. Alors, M. le vice-premier ministre, en conclusion.

M. Landry (Verchères): Celui dont je parle s'appelle Jacques, mais j'ai une estime évidemment immémoriale pour celui qui s'appelle Jean, et je vois que l'opposition officielle a l'air à partager cette estime, puisqu'il s'agit que j'y fasse allusion pour qu'on entende les bruits qu'on entend.

Revenons aux choses plus sérieuses. M. Garon, du Conseil du patronat, il trouve qu'en ce qui concerne la SGF notre initiative est louable, de sorte que le gouvernement ne fera plus concurrence au secteur privé à travers les sociétés d'État.

Le Parti libéral du Québec, celui de Jean Lesage, celui de René Lévesque, celui d'Eric Kierans, est rendu plus à droite que Mme Thatcher et plus à droite que le Conseil du patronat du Québec!

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président...

Le Président: Est-ce que je pourrais inviter tout le monde au calme? On est au début de la période de questions. Si on continue comme ça, on va passer plus de temps à attendre que le président considère que le calme est revenu plutôt que de poser des questions et de répondre. M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le ministre socialiste des Finances, d'après ses propres aveux, a oublié ses propres échecs des années soixante-dix, alors que son gouvernement a englouti malencontreusement, il faut le dire, dans Tricofil, dans Quebecair, dans l'amiante, etc.? Est-ce qu'il ne se souvient pas des centaines de millions de dollars que les Québécois ont perdus à la suite de ces erreurs d'aiguillage? Et n'a-t-il pas appris des leçons du passé pour éviter de répéter les mêmes erreurs aujourd'hui?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Bon. D'abord, tout ce qu'il a mentionné n'est pas l'équivalent du 1 000 000 000 $ qu'ils ont gaspillé dans la SDI au cours de la dernière administration. Mais le grand échec de l'histoire de ce genre d'opération, c'est une opération libérale qui s'appelait Sidbec-Normines. Je pense qu'en dollars du temps c'était 600 000 000 $; ça ferait 1 200 000 000 $, 1 300 000 000 $ aujourd'hui.

Mais le point n'est pas tout à fait là. Le député de Laporte m'avait dit: Nommez-moi des États qui ont des secteurs publics importants. Bien, ça tombe bien. Ça me fait de la peine de le voir afficher son ignorance, par ailleurs, mais je suis obligé de le dire. Je suis allé, la semaine dernière, visiter, à Bécancour, Norsk Hydro. Ça vous dit quelque chose? Vous avez signé des accords secrets avec eux. Vous souvenez de ça? C'est un très bel investissement. C'est un très bel investissement à Bécancour, avec un avenir extraordinaire parce qu'ils ont énormément confiance au Québec d'aujourd'hui, au point de vouloir y remettre plus d'argent. À qui appartient Norsk Hydro, avec qui vous avez signé et tellement vanté? Au gouvernement de la Norvège, seul actionnaire.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le ministre socialiste des Finances, en manque d'humilité, on doit le dire, ne réalise pas que son projet d'une politique économique axée sur les investissements gouvernementaux, dans la Société générale de financement, ça correspond à une vision du développement économique du Québec des années soixante, que cette formule de l'État qui intervient massivement dans l'économie a fait la preuve de son inefficacité dans le passé, que, somme toute, le gouvernement ferait bien mieux de se concentrer sur son rôle primordial qui est de créer des conditions propices au développement économique, tels que la déréglementation, l'allégement des contraintes sur le marché du travail, par exemple, la fin des incertitudes politiques, et que, finalement, M. le Président, les 400 000 000 $ par année qu'il compte engloutir dans la SGF seraient bien mieux placés s'il décidait de réduire les impôts et les taxes des Québécois, qui sont les plus taxés en Amérique du Nord?

Le Président: M. le ministre.

(14 h 30)

M. Landry (Verchères): M. le Président, je sais que le député de Laporte et moi avons développé une certaine fraternité. Alors, c'est pour ça qu'il veut tellement m'aider en me traitant de socialiste pour me prémunir contre certaines critiques venant des éléments les plus à gauche de mon parti. Vous venez de me faire...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): À bon entendeur salut, mes chers collègues! Quand il nous traite de néo-libéraux, M. le Président... Ah oui, ah oui, vous avez raison. M. le Président, je le dis à vous, mais pour que les autres entendent: quand on se fera traiter de néo-libéraux et d'être trop à droite, rappelez que l'opposition officielle me qualifie, moi, le ministre des Finances et de l'Économie, de socialiste. Grand merci, grand merci.

Bon. Les lendemains de budget, M. le Président, surtout des budgets accueillis de façon universellement positive dans notre société, il est sûr que le critique de l'opposition officielle doit s'inscrire au club des sceptiques et qu'il va dire blanc quand je vais dire noir et vice versa. Alors, il sait ce que j'ai l'habitude de faire; il devait le faire dans son temps. On va vers des voies neutres. Alors, je vais citer le journal Le Soleil , Jean-Jacques Samson, qui n'affiche pas de penchant envers nous, généralement.

Une voix: Il est objectif. Il est objectif, c'est le moins qu'on puisse dire.

M. Landry (Verchères): Il dit: «Mais M. Landry s'est surtout comporté, hier, en véritable ministre d'État et de l'Économie, ce que le Québec n'a pas eu depuis une quinzaine d'années.»

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre, à ce moment-ci, je pense qu'on va se contenter de la réponse, et on va donner la question.

M. Landry (Verchères): Je n'ai pas fini.

Le Président: M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, la véritable question...

Le Président: M. le député, oui.


Demande du Vérificateur général de procéder à la vérification de l'optimisation des ressources à la Caisse de dépôt et placement

M. Chagnon: M. le Président, outre la rhétorique séparatiste que nous avons entendue hier dans le discours du budget, non, la question, ce n'est pas de savoir si le ministre des Finances est plus à droite ou plus à gauche que Gengis Khan.

Outre la rhétorique séparatiste de son message d'hier, il est écrit en page 9, et je cite le ministre quand il en parle, parlant du Vérificateur général, dis-je, il dit: «Sa constance dans le reproche et ses demandes répétées ont enfin convaincu le gouvernement de se moderniser et de moderniser ses conventions comptables.»

M. le Président, la constance dans le reproche et les demandes répétées du Vérificateur général vont-elles enfin avoir un écho chez le premier ministre et chez le ministre des Finances pour permettre au Vérificateur général de faire la vérification d'optimisation qu'il veut faire à la Caisse de dépôt?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, j'ai été obligé d'avoir recours à un arbitre neutre, hein – ha, ha, ha! – M. Samson, qui a dit qu'il n'y avait pas eu de ministre d'État de l'Économie depuis une quinzaine d'années. D'abord, il n'a pas parlé des ministres des Finances, mes distingués collègues qui m'ont précédé, il parlait de ministres de l'Économie. Mais ce qui me fait... Ce qui me fait rougir... M. le Président...

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Ce qui me fait rougir, M. le Président, phénomène très difficile chez moi, c'est qu'il y a 15 ans c'était moi aussi, le ministre de l'Économie. Ha, ha, ha! Et, il y a 15 ans, le Vérificateur général nous faisait des reproches. Ça fait même 20 ans, je crois, que sur les fonds de pension l'astérisque s'y trouve. Jacques Parizeau, notre collègue, avait amorcé une réforme qui nous avait mis à l'avant-garde, à l'époque. Gérard-D. Levesque en a tenté une aussi quelques années plus tard – je l'ai relaté – en 1989.

Mais pourquoi, après nous avoir tellement critiqués sur les méthodes comptables, avez-vous laissé écouler 10 belles années sans faire ce qui aurait dû être fait depuis longtemps? Aujourd'hui, nous sommes à l'avant-garde du Canada, suivant le rapport signé conjointement par les vérificateurs, en matière de conventions comptables. Nous sommes très fiers de cela. C'est une opération qui ajoute énormément non pas à notre crédibilité à nous, mais à celle du Québec sur les marchés financiers, aux yeux des créanciers et aux yeux des contribuables. Alors, c'est sûr que d'aussi bonnes discussions avec le Vérificateur général sur les conventions comptables pourraient nous amener à d'autres discussions tout aussi utiles sur la Caisse de dépôt et placement.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: Est-ce que le ministre va répondre à la question que je lui posais, à savoir: Est-ce qu'il va permettre au Vérificateur général de pouvoir faire la vérification d'optimisation des ressources qu'il requiert de faire à la Caisse de dépôt, premièrement? Puis j'ajoute: Deuxièmement, à la SGF dont on a parlé, allez-vous laisser le Vérificateur général faire la vérification de ce holding?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): D'abord, nous, quand le Vérificateur parle et fait des critiques justifiées, on ne prend pas ça à la légère. Des fois, on ne réagit pas le lendemain, mais on n'attend pas 10 ans. Alors, le Vérificateur général a fait des remarques sur la Caisse de dépôt, nous allons les étudier en profondeur, peut-être prendre la même méthode que celle que nous avons prise pour enfin corriger vos négligences comptables et éventuellement en arriver à une entente aussi bonne que celle que nous avons vue dans le budget d'hier.

Une voix: Bravo!


Services de garde à 5 $ pour les enfants de trois ans

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier, en principale.

M. Kelley: Merci, M. le Président. Hier, lors de la présentation du discours du budget, le gouvernement a annoncé qu'il y aurait 23 000 places à 5 $ en garderie pour les enfants de trois ans. Cependant, il y a 94 000 enfants de trois ans au Québec. Selon le ministère de la Famille, 70 % des deux parents de ces enfants travaillent à l'extérieur de la maison et ils ont donc besoin d'avoir accès aux services de garde de qualité. En plus, l'expérience de l'année passée avec les enfants de quatre ans nous démontre que, même à 35 000 places, l'offre est insuffisante pour combler les besoins des familles québécoises. Il y a déjà des longues listes d'attente dans les garderies pour les enfants de quatre ans.

(14 h 40)

Lors de la conférence de presse de la ministre, cet après-midi, est-ce que la ministre responsable de la Famille va expliquer aux parents des 71 000 enfants exclus de son système comment elle va répondre à leurs besoins?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je remercie le député de sa question et je considère que c'est, par sa question, un appui à la politique que nous avons présentée et contre laquelle il a, à une certaine époque, voté.

Alors, effectivement nous annoncerons le développement d'un certain nombre de places autant pour les quatre ans, pour les trois ans, pour les deux ans, pour les un an. Nous annonçons donc une planification pour les quatre ou cinq prochaines années, M. le Président. Et ce que l'on constatera, c'est qu'après ce que j'annoncerai aujourd'hui nous couvrirons l'ensemble des besoins pour les enfants de quatre ans et qu'au fur et à mesure que ces besoins se manifesteront pour les enfants de trois ans nous rendrons disponibles, par le plan de développement qui est prévu, les places nécessaires.

Ce qu'il faut savoir, M. le Président, c'est qu'effectivement nous faisons une évaluation sur la base d'un sondage fait auprès des parents de leurs besoins de garde. Et, à partir de ce sondage, nous évaluons évidemment le nombre de places nécessaires à offrir aux parents. Dans les faits, actuellement nous couvrons, pour ce qui est des quatre ans, à hauteur de presque l'ensemble des besoins identifiés par les parents. Notre politique cependant, étant à ce point intéressante, a modifié le comportement des parents.

Nous sommes donc à revoir l'état de situation quant aux besoins des parents, quant à leurs demandes. Ça a eu un effet aussi – vous êtes bien conscient de ça, M. le Président – sur le travail au noir, puisqu'un certain nombre de parents qui faisaient garder autrement leurs enfants ont utilisé les places à 5 $. Alors, nous sommes à refaire l'ensemble de l'état... c'est-à-dire nous sommes à refaire un sondage auprès des parents pour connaître l'état des besoins et nous développerons progressivement pour répondre aux besoins, comme nous l'avons fait dans le passé.

Le Président: M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Étant donné que la ministre est déjà consciente du fait qu'il n'y a pas assez de places – je pense que l'expérience de l'année passée a fait la preuve qu'à 23 000 places il y aura beaucoup de parents exclus cette année – comment est-ce qu'elle va octroyer les places disponibles, et comment est-ce qu'on va financer l'ajout des places? Parce que je pense qu'on peut estimer dès aujourd'hui, malgré un sondage, qu'on aura besoin d'au moins 30 000 à 35 000 places pour combler les besoins des familles qui, il faut le rappeler, ont perdu leurs allocations pour jeunes enfants, ont souvent perdu leurs allocations familiales. L'entente a été faite: on va enlever les allocations, on va fournir les services. Il y a déjà des parents d'enfants de quatre ans exclus et il y aura des enfants de trois ans exclus l'année prochaine.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Cette question me rassure, M. le Président, parce que ça veut dire que j'aurai enfin l'appui de l'opposition sur ce projet extraordinaire.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: Nous avons su en cours d'année, M. le Président, par certains réaménagements budgétaires, répondre aux besoins des enfants pour la garde et aux besoins de leur famille. Le ministre des Finances a lui-même dit, lors d'une intervention en réponse à une question, que nous trouverions à travers les crédits disponibles les sommes nécessaires pour répondre aux besoins des familles si ces besoins se manifestent. Et, comme nous l'avons fait dans le passé, nous le ferons dans le futur.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Montmorency, en principale. En complémentaire, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, qu'annoncera la ministre de l'Éducation aux parents de plus de 75 000 enfants qui sont inscrits dans des garderies en milieu scolaire, un sujet qui semble avoir été oublié dans le budget, hier? Est-ce que les parents vont avoir droit de payer 5 $ uniquement pour les places, tel qu'elle s'y était engagée dans sa politique familiale?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je leur annoncerai de bonnes nouvelles, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Montmorency, en principale.


Application de nouvelles conventions comptables par le gouvernement

M. Filion: Merci, M. le Président. Outre le virage à 180° pour adopter les principes comptables généralement reconnus comme base de comptabilisation des finances publiques, il y a très peu de choses dans le discours sur le budget. En ce qui concerne justement la comptabilisation de la dette au niveau des régimes de retraite, la réforme comptable corrige la situation. La recommandation du Comité conjoint pour la vérification dans le domaine public concernant la comptabilisation des modifications aux régimes de retraite sera appliquée, et ce, dès l'année financière 1997-1998. Conséquemment, l'obligation actuarielle non amortie à cet égard, qui est estimée à 3 300 000 000 $ au 31 mars 1997, sera inscrite aux états financiers.

M. le Président, le 25 mai 1995, le premier ministre de l'époque, M. Parizeau, dans un communiqué de presse, nous indiquait, et je cite: «Les gouvernements rétorquent que cela est vrai, mais qu'on ne peut charger indûment la population à chaque année.»

Ma question, M. le Président: Comment le ministre des Finances concilie-t-il son discours quand il dit qu'il n'y a aucune implication ou pratiquement aucune incidence avec les remarques de M. Parizeau, le 25 mai, quand il disait qu'un changement de la comptabilisation chargerait indûment la population?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Landry (Verchères): Bon. D'abord, M. le Président, j'ai eu un petit pincement de coeur à la question du député de Montmorency, parce que, s'il dit que la réforme comptable, c'est peu de chose, comme il a quitté notre formation politique à cause de ça, il a quitté pour peu de chose.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Quant au reste, je sais que le député de Montmorency est un spécialiste de ces questions, c'est même son métier, c'est même sa profession. Il a sûrement joué un rôle dans l'évolution du gouvernement vers ces nouvelles conventions comptables. Je lui en rends volontiers hommage, mais je ne vois pas son point de mettre en contradiction les propos de l'ancien premier ministre Parizeau qui disait qu'on ne veut pas changer à tous les ans. Non, ça faisait 25 ans qu'il fallait le faire. Alors, une fois par 25 ans, ce n'est pas trop. Puis j'espère que, si nos conventions qui sont aujourd'hui les plus avant-gardistes du Canada venaient à se périmer au cours des prochaines années, on n'hésiterait pas à les changer encore.

Le Président: M. le député.

M. Filion: M. le Président, le ministre des Finances a probablement mal saisi mon introduction. J'ai dit: «Outre le virage à 180° au niveau de l'application.» Alors, je pense qu'il avait mal compris.

M. le Président, et toujours dans la même continuité, j'aimerais poser une question au ministre des Finances: Alors, pourquoi, à la page 38 de son budget, lorsqu'on parle de la dette totale à la fin de l'année financière, le gouvernement n'a-t-il pas inscrit le montant de la dette de 3 300 000 000 $ attribuable aux régimes de retraite? C'est le document, M. le Président, qui informe la population. Quel est le montant de la dette qui devrait apparaître au document budgétaire à la page 38 de la section 3 où n'apparaît pas encore la fameuse dette de 3 300 000 000 $ qu'il a dite lui-même, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Ah, non, je dois vous dire, là, M. le Président, que le présent budget applique les nouvelles conventions comptables. Je veux bien qu'on nous demande la lune, là, mais on a intégré strictement les recommandations d'un rapport conjoint signé de la main du Vérificateur général adjoint et auquel le Vérificateur général a lui-même souscrit. Alors, là, je veux bien qu'on fasse tous les efforts possibles, mais si c'était ça, je pense que, si le député était encore avec nous, il repartirait de l'autre bord, parce qu'on est allé au bout de tout, puis il en demande encore.

Le Président: M. le député.

M. Filion: M. le Président, le ministre des Finances est-il conscient qu'il y a le discours et qu'il y a aussi la présentation des documents financiers? Et son discours et la présentation du document budgétaire ne coïncident pas. C'est ce que je suis en train de lui faire remarquer. Pourquoi la dette n'est-elle pas inscrite au document budgétaire? C'est ça, ma question.

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Comme je vous dis, là, je veux bien regarder ça davantage, mais j'ai annoncé dans le discours que les conventions s'appliquaient à partir de maintenant. Ces conventions ont été appliquées strictement par les meilleurs spécialistes du ministère des Finances, et le Contrôleur des finances, et toute l'équipe habituelle. Alors, moi, je ne suis pas de taille à avoir une discussion de fiscaliste avec le député de Montmorency, je n'en ai pas la prétention, mais je veux bien faire des recherches plus approfondies.

(14 h 50)

Mais, écoutez, là, vous avez vu dans quel concert d'éloges cette réforme a été accueillie. Alors, en tout respect pour le député de Montmorency, il ne peut pas être le seul à avoir raison, pas forcément tort non plus; on va regarder ça de plus près. Mais ce dont je l'assure, c'est que la réforme s'applique dès maintenant et qu'elle est strictement conforme à toutes les demandes les plus modernes de la comptabilité et du Vérificateur général.

Le Président: M. le député de Mont-Royal, maintenant, en principale.


Subvention pour la concentration musique et danse à l'école secondaire Pierre-Laporte de Mont-Royal

M. Ciaccia: M. le Président, l'école secondaire Pierre-Laporte, située à Mont-Royal, a une vocation provinciale et jouit d'une réputation nationale et internationale grâce à sa concentration musique et danse. Cette concentration est aujourd'hui fréquentée par quelque 320 élèves de talent de partout au Québec. J'ai moi-même assisté à la naissance, à la création de cette école. Notre gouvernement libéral a toujours soutenu et a cru à l'importance d'une école axée sur divers aspects de la culture et a soutenu son développement. Les enfants de cette école, par la suite, font carrière dans les orchestres symphoniques et dans les troupes de danse.

Lundi dernier, d'une façon, je crois, un peu brutale, la ministre de l'Éducation leur a signifié qu'elle coupait la subvention de son ministère de 1 300 000 $ nécessaire à la survie de cette concentration en musique et danse. Aujourd'hui, beaucoup de parents manifestent devant l'école pour la survie de cette vocation particulière. Avant de poser la question, je voudrais juste citer, M. le Président, l'opinion des parents, ce que les parents disent de cette école. Ils disent, et je cite: «Nous pouvons vous assurer que le décrochage scolaire n'existe pas à Pierre-Laporte, car l'enseignement des arts est une puissante source de motivation pour les élèves.»

Alors, ma question à la ministre: Pourquoi la ministre de l'Éducation a-t-elle décidé d'anéantir un projet qui, depuis près de 25 ans, non seulement poursuit mais atteint l'excellence?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, la ministre de l'Éducation n'a pas décidé d'anéantir une école qui soutient et appuie l'excellence. Au contraire, je vous dirai, M. le Président, que, dans la réforme que nous avons déposée, l'une des perspectives que je développe, que j'appuie et que je voudrais voir surtout mise en oeuvre dans l'ensemble de nos écoles, c'est que se développent dans chaque école du Québec des projets particuliers qui reconnaissent les difficultés de certains jeunes mais qui reconnaissent aussi les talents et les besoins de l'ensemble des jeunes qui fréquentent ces écoles. Est-ce que c'est du sports-étude? Est-ce que c'est arts-étude du type de ce que l'on retrouve à Pierre-Laporte? Est-ce que ce sont des projets d'éducation internationale? Est-ce que ce sont des projets dans le secteur de l'environnement, dans le domaine scientifique? Je crois qu'avec la nouvelle façon que nous proposons, avec les nouvelles responsabilités que nous confions, il sera possible de le développer.

Je reviens maintenant au cas plus spécifique de l'école secondaire Pierre-Laporte. C'est une hypothèse qui a effectivement été discutée avec l'école, parce qu'on me dit – et j'ai été saisie il y a peu de temps de ce dossier – que le programme de l'école ne serait plus reconnu par l'École supérieure de danse. Alors, sous toutes réserves, M. le Président, je vais regarder l'ensemble de la situation et voir comment nous pourrions proposer certains aménagements pour continuer de reconnaître cette école et continuer de l'aider.

Je dis aussi aux membres de cette Assemblée qu'il existe d'autres projets de ce type, cependant, et que, aidant l'un, il faudra, bien sûr, être équitable et pouvoir aider d'autres projets du même genre, M. le Président.

Alors, le dossier n'est absolument pas fermé. Nous sommes en discussion avec ces institutions.

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Enquête sur l'arrestation de M. Réjean Perreault

M. Lefebvre: M. le Président, le Comité de déontologie policière a, le 20 février dernier, conclu que quatre policiers de la Sûreté du Québec ont, le 15 juillet 1993, enfreint le Code de déontologie des policiers du Québec en utilisant une force plus grande que nécessaire. C'est la conclusion, M. le Président, du Comité de déontologie à l'endroit de M. Réjean Perreault dont quatre policiers avaient procédé à l'arrestation. La sanction du comité devrait être rendue, selon les informations qu'on a, d'ici quatre à six semaines. M. Réjean Perreault, lors de ces incidents, a subi des blessures sérieuses et garde, cinq ans plus tard, de très graves séquelles.

La semaine dernière, le directeur général de la Sûreté du Québec a ordonné une enquête policière, mais par des policiers de la Sûreté du Québec. Alors, M. le Président, la Sûreté du Québec enquête la Sûreté du Québec.

En l'absence du ministre de la Sécurité publique, ma question s'adresse au premier ministre: Est-ce que le premier ministre va demander à son ministre de la Sécurité publique d'exiger – ce qu'il a le droit et ce qu'il doit faire – que cette enquête soit confiée à un autre corps de police que la Sûreté du Québec – à titre d'exemple, ça pourrait être la police de la Communauté urbaine de Montréal – afin de garantir la transparence et l'impartialité d'une telle enquête?

On pourrait se rappeler, M. le Président, que c'est comme ça qu'on a procédé dans l'affaire Barnabé. C'est souhaité, une enquête par d'autres policiers que la Sûreté du Québec, par le président l'Association des policiers provinciaux, M. Cannavino. Est-ce que le premier ministre va intervenir auprès de son ministre pour qu'une enquête soit faite de cette façon-là, garantissant par là l'impartialité puis la transparence?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre est présentement en train de visiter les lieux des inondations sur la rive nord du Saint-Laurent et, comme on a pu le constater, il ne peut pas être présent parmi nous. C'est une question qui soulève des aspects importants et sérieux. J'en prends avis. Je communiquerai avec le ministre au cours des prochaines heures et j'espère qu'il sera en mesure très bientôt de répondre à la question en cette Chambre.

Le Président: M. le député de Chomedey.


Nomination à la Commission des affaires sociales

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Plus tard cet après-midi, le ministre de la Justice va tenir une conférence de presse au cours de laquelle il va annoncer l'entrée en vigueur du nouveau Tribunal administratif du Québec. Un des pires problèmes qui est censé être adressé par ce nouveau tribunal, c'est les nominations politiques partisanes qui minaient la crédibilité du système, parce que le contribuable était souvent face à des gens nommés par le gouvernement, et qui étaient leurs amis, et finalement on leur demandait de décider qui avait tort entre le gouvernement et eux autres. Il y avait un parti pris.

Un problème auquel le ministre de la Justice pense depuis un certain temps, car, lorsqu'il était bâtonnier du Québec, il a eu ceci à dire, il l'a écrit dans le journal du Barreau: «Pour comble de malheur, plusieurs juges administratifs n'ont aucune expertise ou compétence particulière justifiant leur présence au sein du tribunal.»

Dans le plus récent numéro de la Gazette officielle du Québec qui vient juste d'être publié, on apprend que c'est sur recommandation du ministre de la Justice, le même, que M. Michel Daviault vient d'être nommé à la Commission des affaires sociales. Puis on a le droit de consulter son curriculum vitae. On y apprend que, pendant neuf ans, M. Daviault était vendeur chez Couvre-plancher Mercier et que, pendant un autre neuf années, il a travaillé avec le Parti québécois et le Bloc québécois.

Dans un premier temps, on aimerait demander au ministre de la Justice laquelle de ces deux expériences-là, vendeur de tapis ou vendeur de souveraineté, lui donne la compétence pour siéger à la Commission des affaires sociales? Et pourquoi, maintenant qu'il est dans une position pour enfin appliquer les principes qu'il a édictés lorsqu'il était bâtonnier du Québec, choisit-il plutôt de donner raison à son prédécesseur en montrant que le Tribunal administratif du Québec va juste être une planque où on va nommer ses gars?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Bon. Je voudrais dire qu'il s'agit de deux nominations parmi plusieurs qui ont été faites. En fait, je pense que, depuis le début de l'année, il y en a 27 qui ont été faites, et même à la Commission des affaires sociales, 11.

Deuxièmement, chez les gens qui ont dénoncé cette situation, ils ont bien spécifié que les deux personnes qui ont été nommées, M. Daviault et M. Landry, ils ne remettaient pas en question leur compétence.

Nous avons nommé ces gens en vertu de l'ancien système, alors qu'à partir d'aujourd'hui un nouveau système, instauré par nous, prévoit justement...

(15 heures)

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: ...qui est un système que vous avez appliqué pendant une bonne vingtaine d'années. Et, justement, avec le nouveau système, les gens vont devoir passer devant un comité de sélection qui s'assurera qu'ils sont aptes à siéger sur ce tribunal.

En attendant, je pense qu'il faudrait regarder l'ensemble des nominations qui ont été faites. Nous avons nommé à des postes beaucoup plus importants d'ex-députés libéraux. Il ne faudrait pas conclure que le fait de faire de la politique est nécessairement un signe d'incompétence. Si le fait de faire de la politique empêche toute carrière possible dans la fonction publique, vous limitez largement le bassin de gens qui pourraient éventuellement faire de la politique, et les démocraties vivent parce qu'on fait de la politique. Mais souvenez-vous de M. Saintonge, qui était député libéral. J'en avais d'autres ici que je ne retrouve pas.

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Ménard: On me rappelle que le député, lui-même, qui me pose la question a été nommé président de l'Office des professions et que le député d'Outremont a été...

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Alors, d'abord, leur compétence est reconnue par ceux mêmes qui dénonçaient ces nominations à l'époque, les autres ont été nommés aussi pour leur compétence, et je dirais que, au Tribunal administratif, pour n'importe qui a été député ou qui a travaillé pour un député, vous savez très bien que l'immense majorité des cas de comté qui nous viennent viennent justement des tribunaux administratifs du Québec. Vous ne croyez pas, aussi, que l'activité politique donne parfois certaines expériences qui peuvent être utiles sur les tribunaux administratifs?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre, vous voulez intervenir?

M. Bouchard: Je voudrais brièvement compléter la réponse.

Le Président: Rapidement.

M. Bouchard: Très brièvement, M. le Président. Pour surenchérir sur la nécessité de ne pas déprécier le service public, le service des élus, notre gouvernement le reconnaît, c'est pour ça que nous avons reconduit un ex-député libéral, M. Michel Denis, à la Commission des affaires sociales, que nous avons nommé M. Georges Lalande, un ex-député libéral, président-directeur général de la SEPAQ...

Des voix: ...compétents!

M. Bouchard: ...oui, compétents parce qu'ils ont été députés, parce qu'ils ont joué un rôle important dans la vie collective, il faut le reconnaître. M. Roland Dion également, un ancien député libéral que nous avons nommé à la Commission municipale, M. Marcel Ostiguy, un ancien député libéral que nous avons nommé à la Commission de protection agricole, M. Rémy Poulin, un ancien député libéral que nous avons nommé à la Commission municipale.

M. le Président, ce n'est pas parce que quelqu'un a été député, élu par la confiance des citoyens, qu'il faut le considérer comme incompétent.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre se rend compte que personne ici n'est en train de mettre en cause que...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il vient de nous donner une série d'exemples de députés – on pourrait en trouver des deux côtés de la Chambre, incidemment – mais que la question portait sur M. Michel Daviault? De quel comté a-t-il été le député? Pourquoi est-ce que le ministre de la Justice dit maintenant, après avoir dit, comme bâtonnier, qu'il faut nommer des gens compétents – et on donne des exemples de députés – et qu'il nomme M. Michel Daviault, qui n'a jamais été député, qui a travaillé pour des péquistes et des bloquistes? Ça a l'air d'être ça, son seul mérite. Voyons donc!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. Michel Daviault a été député de Ahuntsic au parlement fédéral. Le seul problème, M. le Président, c'est que la compétence d'un député est mise en cause quand il est souverainiste, jamais quand il est libéral.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Papineau, s'il vous plaît, je pense que, à ce moment-ci, je vous inviterais à la prudence pour éviter que ça dégénère.

Alors, j'ai une demande du chef de l'opposition officielle, même si la période de questions et des réponses... M. le premier ministre.

Des voix: ...

Le Président: Alors, un instant. Un instant. Puisque la période de questions et de réponses orales est terminée mais qu'il y a un consentement, une question de la part du chef de l'opposition officielle...

Une voix: Et une réponse.

Le Président: ...et une réponse, bien sûr. M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre et le ministre de la Justice... Dans le fond, la question est au ministre de la Justice, mais le...

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Le ministre de la Justice, c'est clair là, le ministre de la Justice a dit que l'ancien système, lorsqu'il était bâtonnier, là, lorsqu'il était bâtonnier, faisait en sorte que des gens qui n'avaient pas la compétence étaient nommés. C'est ça qu'il est en train de nous dire.

Une voix: ...

M. Johnson: Bien, absolument! Qu'est-ce qui a changé depuis le moment où il était bâtonnier, pour dire qu'aujourd'hui il est condamné à nommer des gens qui sont, à l'évidence, de son entourage politique, à l'évidence, qu'ils n'ont pas de qualifications professionnelles pour occuper un poste à Commission des affaires sociales? Je lui demande pourquoi il a changé d'idée depuis qu'il était bâtonnier, par opposition à ce qu'il est maintenant, c'est-à-dire ministre issu d'un gouvernement du Parti québécois. C'est ça, la différence.

Le Président: M. le premier ministre.

(15 h 10)

M. Bouchard: M. le Président, nous aurons tous noté que le chef de l'opposition considère que M. Michel Daviault n'est pas un vrai député puisqu'il est député fédéral. Pourtant, ce n'est pas parce que quelqu'un a été député fédéral qu'il devient incompétent pour tout cela. Et, que je sache, le Parti libéral, en face de nous, attend des compétences qui viennent également du fédéral. Alors, il faut être juste.

Des voix: Bravo!


Votes reportés


Motion proposant que l'Assemblée exige du gouvernement qu'il tienne une consultation générale avant la mise en place d'Héma-Québec

Le Président: Très bien. Maintenant, nous allons passer au vote différé que j'ai annoncé précédemment. Alors, ce vote concerne la motion de M. le député de Nelligan qui propose:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il tienne une consultation générale avant la mise en place d'Héma-Québec.»

Alors, que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), M. Bordeleau (Acadie), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa), M. Béchard (Kamouraska-Témiscouata).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), M. Bertrand (Portneuf), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), M. Blais (Masson), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), Mme Papineau (Prévost), M. Duguay (Duplessis), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau).

Le Président: Y a-t-il des abstentions? M. Filion (Montmorency)?

M. Filion: Pour.

Le Président: Je vous signale simplement, M. le député de Montmorency, que, quand on a fait l'appel pour les gens qui étaient en faveur, vous auriez dû vous lever. Mais ce n'est pas grave. Alors, nous allons maintenant écouter le décompte.

Le Secrétaire: Pour:37

Contre:62

Abstentions:0

Le Président: Très bien. Alors, la motion est donc rejetée. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Compte tenu de l'opposition du gouvernement à ce que les intéressés soient entendus dans un sujet aussi important que celui du sang, quel autre moyen ont-ils pour se faire entendre par ce gouvernement?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il aurait pu poser cette question-là à un autre moment donné; je peux lui répondre. La commission parlementaire peut se réunir en commission de travail puis décider ce qu'il y aura à faire.

Le Président: Très bien. Alors, aux motions sans préavis.

M. Jolivet: M. le Président, avant de passer aux motions sans préavis, avec l'accord du leader de l'opposition, j'aimerais faire l'appel de la commission de cet après-midi, puisque nous sommes en auditions particulières.

Le Président: Est-ce que, M. le leader de l'opposition officielle, vous êtes... Alors, il y a consentement, M. le leader.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: J'avise donc cette Assemblée que la commission des institutions poursuivra les consultations particulières sur le rapport de M. Pierre-F. Côté sur les suites du jugement de la Cour suprême dans l'affaire Libman et sur des modifications à des législations électorales aujourd'hui, dès maintenant jusqu'à 16 h 30 environ, à la salle du Conseil législatif, pour une heure, M. le Président.


Motions sans préavis

Le Président: Très bien. Alors, aux motions sans préavis, maintenant. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


Condoléances à la famille et aux proches du père Julien Harvey, fondateur du Centre justice et foi

M. Boisclair: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec exprime ses profonds regrets pour la disparition subite, ce mardi 31 mars 1998, à l'âge de 74 ans, du père Julien Harvey, fondateur du Centre justice et foi, et qu'en cette occasion elle présente, au nom du peuple québécois, ses condoléances à la famille spirituelle du défunt, la Société de Jésus, ainsi qu'à ses proches et à ses nombreux disciples et amis.»

Le Président: Alors, il y a consentement pour débattre de cette motion? Une intervention de chaque côté? Très bien. Alors, M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: M. le Président, nous avons appris en effet avec consternation le décès du père Harvey, que rien ne laissait présager puisqu'il vaquait encore, jusqu'au dernier moment, à ses activités habituelles, ce qui nous vaut la joie de pouvoir encore le lire, une dernière fois, dans l'édition d'avril de la revue Relations . Quelques mois après Fernand Dumont, avec qui il avait travaillé à la commission d'étude sur les laïcs et l'Église, le Québec perd ainsi un autre de ses grands esprits qui l'ont accompagné et guidé dans son accession à la modernité. Professeur érudit et grand vulgarisateur, le père Harvey était de ceux dont l'érudition est mise au service du débat public et à l'avancement du peuple qui est le sien, en particulier du sort des plus humbles.

Érudit, il l'était néanmoins, comme peuvent en témoigner ses étudiants à l'université où il enseigna de nombreuses années. Spécialiste de la bible, il maîtrisait les langues du Proche-Orient ancien: le latin, le grec, l'hébreu, l'akkadien et l'araméen, la langue de Jésus et de ses contemporains qu'on parle encore aujourd'hui dans quelques villages reculés de la Syrie. Mais nos concitoyens l'ont surtout connu pour ses interventions remarquées sur des sujets d'actualité, de la tribune que lui offrait la revue Relations , où il a publié quelque 220 articles depuis mai 1968, comme de celles qu'il a su créer lui-même pour la diffusion des idées qui lui tenaient à coeur, par exemple le Centre justice et foi, à Montréal, dont il fut directeur-fondateur de 1983 à 1990 et qui multiplie depuis lors les soirées de réflexion, les colloques, les sessions de formation et les publications sur les relations civiques au Québec et sur le rôle de l'Église catholique dans la cité.

On me permettra de retenir, parmi ses contributions à la société québécoise, celles qui se rapportent aux dossiers du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration qui, sous ma direction comme sous celle de mes prédécesseurs, sollicita et reçut fréquemment son avis. Car il a consacré beaucoup de son temps et de son énergie aux multiples facettes de l'immigration et de l'intégration, de la cohésion sociale et de la diversité, en ne craignant pas d'ouvrir des chemins, au risque parfois de heurter. À cet égard, il a conseillé le gouvernement à la fin des années soixante-dix quant à la régularisation du statut des immigrants haïtiens clandestins. De 1985 à 1988, il fut membre de ce qui s'appelait alors le Conseil des Communautés culturelles et de l'Immigration. Au Centre justice et foi, il créa un secteur des communautés culturelles qui publie, quatre fois l'an, un bulletin au titre éloquent: Vivre ensemble .

Encore l'an dernier, il a collaboré étroitement à l'institution des Prix québécois de la citoyenneté et il a présenté publiquement le prix Jacques-Couture du rapprochement interculturel. Lundi, la veille de sa mort, il portait ses commentaires sur le rapport du Groupe de travail externe sur la révision de l'offre de service en francisation, que nous recevrons vraisemblablement aujourd'hui ou demain, si bien qu'il nous interpelle maintenant d'au-delà de la vie terrestre.

(15 h 20)

Avec l'audace des pionniers alliée à la prudence des jésuites, le père Harvey s'est prononcé sur toutes ces questions en proposant souvent des voies nouvelles, adoptées ensuite largement, comme en font foi ses combats pour diffuser les notions de culture publique commune et de laïcité scolaire ouverte, notamment au moyen d'une initiation à la culture religieuse commune, notions reprises depuis lors dans la foulée des réformes et apportées à mon ministère et aux autres programmes d'études du primaire et du secondaire.

Prêchant par la parole et par l'exemple, le père Harvey a poursuivi ses activités de citoyen engagé tout en travaillant continûment à une Église catholique renouvelée et présente au monde ainsi qu'à l'adaptation de la vie religieuse dans notre société. Aussi n'est-il pas étonnant que, lui-même ardent défenseur de l'avenir du Québec au sein du Canada ou hors du Canada, il ait consacré son article d'avril, dans la revue Relations , aux interventions publiques des évêques sur la question constitutionnelle, notamment à la brève polémique déclenchée par la déclaration de Mgr Turcotte sur le renvoi fédéral en Cour suprême. «À mon avis, écrit-il, on a trop souvent oublié, dans ce débat et ailleurs, que l'unité sociale et politique passe le plus souvent par la décision majoritaire, dans l'État comme dans l'Église, et qu'on ne peut vivre longtemps dans une société à la fois ordonnée et adaptable qu'en étant parfois dans la majorité et parfois dans l'opposition.» Voilà un rappel des valeurs démocratiques que nous tous, dans cette Assemblée, sommes à même d'apprécier, quelle que soit notre option.

Mais je garderai pour la fin une autre de ses grandes préoccupations. Ardent partisan, comme l'écrivent ses collaborateurs, de l'option préférentielle pour les pauvres, il a toujours dénoncé les risques et les limites du capitalisme sauvage, critiqué vertement le néolibéralisme et milité pour les plus démunis. Défenseur de la social-démocratie, il insistait beaucoup sur la nécessité d'une critique constructive, c'est-à-dire soucieuse de proposer des solutions aux problèmes soulevés. Ses interrogations sont encore notre lot quotidien à nous, représentants de citoyens. Sa réflexion et sa présence vont nous manquer. Aussi, permettez-moi, M. le Président, d'inviter les membres de l'Assemblée nationale à appuyer cette motion qui leur est présentée.

Le Président: M. le député d'Outremont, maintenant.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, le père Julien Harvey a été, au long de sa vie active, une source d'inspiration féconde pour toute personne qui aspire à l'exercice d'une citoyenneté active assortie d'une très grande indépendance d'esprit. Fondateur du Centre justice et paix, auquel j'ai été activement associé à l'époque où mes activités parlementaires ne me contraignaient pas à être présent à Québec à partir du lundi soir, il a été aussi un collaborateur à la revue Relations , à laquelle il a soumis jusqu'à tout récemment des contributions.

Le père Harvey était un grand érudit, un grand savant et, avec d'autres éminences intellectuelles du Québec – je pense en particulier à Fernand Dumont – il a été très étroitement associé au travail de reconstruction du nationalisme québécois, le faisant passer d'une orientation qui, à une époque, était celle qui était surtout une orientation ethnique à maintenant, où l'orientation, je pense, est surtout ce qu'on qualifie d'orientation civique. Le père Harvey a été très actif dans le travail de transition, de construction et d'élaboration qui a mené à la redéfinition du nationalisme québécois et des loyautés québécoises qui nous rassemblent au-delà des distinctions partisanes et d'options constitutionnelles ultimes.

Le père Harvey a pris, sur ce terrain, des positions courageuses et très avant-gardistes. On se rappelle en particulier des positions qu'il a prises sur la question de l'immigration, la question de la participation des immigrants à la société québécoise, la question de leur intégration culturelle. Ses positions étaient courageuses, souvent controversées, et elles ont évidemment contribué à alimenter et à soutenir la qualité du débat public sur ces questions.

Il faut aussi souligner la grande implication du père Julien Harvey dans la transformation de l'Église catholique au Québec depuis Vatican II. Je sais également, pour en avoir discuté avec lui, que Julien Harvey se sentait souvent à contre-courant de l'ambiance actuelle qui, au nom d'une remise en question de l'État-providence et de la société «assurancielle», impose trop souvent des frustrations douloureuses à ceux et celles d'entre nous qui sont les moins bien nantis. Le père Harvey a été un défenseur très actif et très intense de ces catégories de personnes qui sont les plus fragiles, les plus susceptibles d'être frappées par l'insécurité financière dans notre société.

Je veux donc m'associer au ministre de l'Immigration et de la Citoyenneté et à tous mes collègues de l'Assemblée nationale afin d'offrir mes condoléances à tous les amis du père Julien Harvey, à ceux et celles qui l'ont connu, qui ont pris plaisir à échanger avec lui et qui, comme moi, manqueront sa présence, sa chaleur, son intensité et aussi sa grande intégrité. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, je considère que la motion est adoptée et, compte tenu que personne ne mettra en cause la contribution à la patrie du père Harvey, je pense qu'on devrait se lever pour un moment de recueillement en sa mémoire.

(15 h 28 – 15 h 29)

Bien. Alors, toujours à l'étape des motions sans préavis, M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce, maintenant.


Souligner la Semaine québécoise du commerce de détail

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, alors, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Semaine québécoise du commerce de détail qui se déroule du 29 mars au 4 avril et, ce faisant, reconnaisse l'apport économique des gens qui opèrent dans ce secteur d'activité, contribuant ainsi à la croissance de l'emploi et de la richesse au Québec.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Il y a consentement. Alors, M. le ministre.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui. M. le Président, il me fait plaisir de prendre brièvement la parole dans le cadre de cette motion. En fait, le secteur du commerce de gros et de détail est un secteur important pour beaucoup de Québécoises et de Québécois, bien sûr parce qu'ils sont d'abord et avant tout consommateurs et consommatrices, mais également parce que ce secteur-là représente un des leviers majeurs de l'économie québécoise. Il représente, en effet, plus de 12 % de notre produit intérieur brut. Le produit intérieur brut, c'est la totalité des biens et des services que nous produisons dans une année au Québec. Donc, le secteur de détail, c'est 12 % de cette production totale. On voit donc l'importance pour l'économie québécoise des activités dans ce domaine. C'est un secteur qui fournit également de l'emploi à plus de 550 000 personnes. Ça représente également 17 % des emplois locaux.

(15 h 30)

Le secteur commercial québécois repose aussi sur la présence de plus de 27 000 entreprises responsables d'environ 65 000 points de vente. C'est donc un contact quotidien très distribué dans l'ensemble des régions du Québec. On voit donc encore une fois qu'il s'agit d'un secteur important, et d'autant plus important que 99 % de ces entreprises sont des petites et des moyennes entreprises et que ce secteur a connu en 1997 une hausse de son niveau d'activité de 7,3 % par rapport à 1996. Néanmoins, c'est un secteur qu'il faut accompagner, qu'il faut suivre de près, puisque de profondes modifications sur le plan structurel marquent actuellement l'évolution des réseaux de distribution.

La dynamique du marché québécois tend vers la continentalisation. Le Québec a signé des accords qui lui facilitent l'accès au marché extérieur; mais, en contrepartie, on comprendra que ces accords ouvrent aussi notre commerce intérieur aux produits en provenance de ces partenaires. De plus, l'arrivée de joueurs internationaux dans les réseaux de distribution entraîne une concurrence accrue, notamment au niveau des coûts de distribution. Alors, ce sont des nouvelles données, un nouvel environnement qui se dessine peu à peu et qui représente des défis pour les commerçants. Ils doivent ainsi relever ce défi en misant notamment sur l'adaptation de leur système de gestion et de distribution, sur la formation de leur personnel et sur toutes ces initiatives qui, au sein d'une entreprise, font en sorte qu'on continue à être à la pointe et à être ainsi compétitifs par rapport au marché.

Compte tenu que le marché québécois se trouve aussi desservi majoritairement par des entrepreneurs indépendants, il s'agit donc d'un secteur, avec toutes ses petites et moyennes entreprises, relativement fragmenté. Les réseaux traditionnels devront, à cet égard, mettre les bouchés doubles pour demeurer concurrentiels. À cet égard toujours, M. le Président, le ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie a entrepris un certain nombre d'actions et de mesures pour justement soutenir et accompagner ces entreprises dans leur développement et dans ce contexte d'économie très concurrentielle. C'est le cas, par exemple, en ce qui regarde les approvisionnements en produits québécois. Ces approvisionnements des commerces en place au Québec ont des répercussions directes sur notre économie. Nous fabriquons ici des produits d'excellente qualité, très compétitifs autant de par leur nature que de par leur prix, et ce sont deux facteurs qui doivent nous inciter à poursuivre des démarches pour faciliter l'accès des fournisseurs québécois au grand réseau de distribution.

Dans ce contexte, le ministère que je dirige travaille de concert avec différents intervenants du milieu du détail et du gros à des projets de promotion des produits québécois ou de rapprochement entre fabricants et détaillants québécois. Cette action ne peut qu'être bénéfique, on le comprendra, pour tous, puisqu'en s'approvisionnant au Québec de produits de qualité, dans toutes les régions du Québec, on contribue à la création d'une richesse, à la création d'emplois et, d'une certaine façon, à donner à l'économie du Québec le mordant qu'elle est capable d'avoir.

M. le Président, vous comprendrez donc, dans les circonstances, qu'il me fait plaisir de présenter cette motion soulignant la Semaine québécoise du commerce de détail, et je compte bien qu'elle pourra être adoptée à l'unanimité. Merci.

Le Président: Merci, M. le ministre. Sur la même motion, M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Oui. Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, au nom de l'opposition officielle, de me joindre au gouvernement en souhaitant une excellente semaine et une excellente année à tout le monde qui travaille dans le domaine du commerce au détail au Québec.

Le point que nous voulons faire cet après-midi concerne un peu moins les chiffres bruts que le ministre vient de nous expliquer dans le domaine du commerce au détail, et on va plutôt se concentrer sur un aspect très particulier qu'est le vol à l'étalage. M. le Président, dans un article publié dans Le Devoir au mois d'octobre, on apprenait qu'il y avait eu une augmentation de 50 % dans le vol à l'étalage à Montréal, donc évidemment on parle du même secteur, le secteur du commerce de détail.

Pour reprendre les chiffres fournis par le Conseil québécois du commerce de détail et publiés dans une étude du même mois, étude commanditée et vérifiée par Samson, Bélair, Deloitte et Touche, on apprend que, par année, au Québec, les détaillants subissent des pertes de plus de 600 000 000 $. M. le Président, c'est une somme énorme qui est perdue, et ce même Conseil québécois du commerce de détail, par la voix de son président-directeur général, Me Lafleur, explique que la raison principale pour cette augmentation dans le vol à l'étage à Montréal en particulier et au Québec en général, c'est le système de déjudiciarisation mis en place par le gouvernement du Parti québécois.

Permettez-moi, M. le Président, d'expliquer très brièvement de quoi il s'agit. Il s'agit d'un système qui a été mis en place pour faire en sorte que des délits comme le vol à l'étalage ne feraient plus l'objet d'une poursuite au pénal. En clair, M. le Président, ce que ça veut dire, c'est que, à défaut d'avoir suffisamment de procureurs de la couronne pour poursuivre ces causes-là, à défaut d'avoir suffisamment de ressources dans les tribunaux pour pouvoir entendre ces causes-là, le gouvernement du Parti québécois a choisi plutôt un évitement total, c'est-à-dire que, si la cause n'est jamais amenée en cour, il n'y aura jamais de dépense.

M. le Président, si un membre de votre famille est en attente d'une intervention chirurgicale et ne peut pas l'obtenir à cause des coupures dans le système de santé, vous le savez tout de suite. Si vos enfants sont à l'école primaire et, comme c'est de plus en plus le cas au Québec malheureusement aujourd'hui, ils n'ont pas de livres, de manuels scolaires à cause des coupures, cela aussi, ça se sait tout de suite.

Dans le domaine de la justice, M. le Président, cela prend un petit peu plus de temps à se faire ressentir. Mais les mêmes coupures aveugles, les mêmes coupures faites avec une scie à chaîne, avec une tronçonneuse, ont été faites dans le domaine de la justice. On a des dizaines de procureurs de la couronne en moins, on a donc moins la possibilité de faire les poursuites. Les tribunaux ne s'en occupent pas et les résultats se sentent dans le domaine du commerce au détail d'une manière aiguë. Ce n'est pas l'opposition officielle qui le dit, M. le Président, comme je le mentionnais tantôt, ce sont des études faites par des firmes d'experts-comptables complètement externes et par des associations avec autant de sérieux et de prestige que le Conseil québécois du commerce de détail.

M. le Président, quand on joue à l'apprenti sorcier, quand on se dit: On n'a qu'à faire ci, on n'a qu'à faire ça, on n'a qu'à couper partout, il faut commencer à se rendre compte que ça a toujours des implications dans la société. Si on coupe dans le domaine de la justice, il y a des articles qui vont faire la une en ce qui concerne la protection de la jeunesse. On va savoir s'il y a eu des cas graves. C'est rapporté dans le public. Mais le fait que le commerce de détail au Québec subit, d'une manière aiguë, le fléau du vol à l'étalage à cause de ces coupures, c'est un fait beaucoup moins compris, beaucoup moins connu dans le grand public.

Alors, je profite de l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui, on parle d'une semaine justement du commerce de détail, une semaine au cours de laquelle on doit se rendre compte de l'importance de cette industrie au Québec, et je me permets encore une fois de citer les chiffres fournis par le Conseil par le biais de son directeur général, Me Gaston Lafleur. Celui-ci expliquait que les sommes qui manquent, toutes catégories comprises, par le vol dans la vente de détail au Québec pourraient représenter 25 000 emplois. Il explique, par ailleurs, que 49 %, soit la moitié de l'ensemble de ces vols, parce que ça inclut le vol par les employés, 49 %, la moitié, c'est du vol à l'étalage. Appliquant les chiffres fournis par le Conseil québécois du commerce de détail même, on pourrait aisément conclure qu'il y a plus de 12 000 emplois qui pourraient exister si ce vol-là pouvait être réprimé, si cette inconduite pouvait être sanctionnée correctement par suffisamment de ressources dans le domaine de la justice.

Or, M. le Président, contrairement à la santé, contrairement à l'éducation où ces coupures se sont fait sentir tout de suite, on est face à une situation particulière où c'est en train justement de commencer à se faire sentir. Alors, quand un organisme avec autant de sérieux, autant de prestige, autant de connaissances et d'expertise que le Conseil québécois du commerce de détail nous explique qu'ils sont en train de subir ces augmentations-là, que ces augmentations sont, d'après ce même Conseil, dues aux coupures imposées dans le domaine de la justice par le gouvernement du Parti québécois, on est en droit, comme société, de se poser des questions fondamentales.

Il n'y a rien de ce que nous connaissons dans notre société très civilisée, un modèle dans le monde qui doit ou qui peut être pris pour acquis, y compris la paix dans notre société, y compris les forces de l'ordre, y compris l'existence de lois, y compris l'application de ces lois par des tribunaux indépendants. Si un Parlement, dans un domaine de sa compétence, veut changer une loi, libre à lui de le faire. Mais, M. le Président, ce qui est d'autant plus pernicieux dans la situation que je suis en train de signaler, c'est que ce système de déjudiciarisation des dossiers de vol à l'étalage – un crime dans notre code criminel – c'est une décision qui n'est jamais passée dans cette Assemblée nationale, qui n'est jamais passée au Parlement, à Ottawa; c'est une décision bureaucratique, une décision administrative, c'est une décision du gouvernement...

(15 h 40)

M. Boulerice: M. le Président.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Est-ce que vous auriez la gentillesse de bien vouloir nous relire la motion qui a été présentée par M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce? Est-ce qu'elle dit qu'on doit souligner la Semaine québécoise du commerce de détail? Je pense que le discours est tout à fait à côté de la track, un procès général de tout et de rien et forcément de l'administration auquel il appartenait.

M. Mulcair: M. le Président, je le mentionnais tout à l'heure, ce n'est pas facile de comprendre, on vient d'avoir la preuve. Mais on va conclure pour que même le député d'en face puisse avoir le début d'une compréhension de l'importance de ce qu'on est en train de dire dans le contexte très précis justement qui nous est accordé cet après-midi de la Semaine québécoise du commerce de détail.

Au Québec, selon les chiffres les plus récents, il y a plus de vols à l'étalage que dans les autres provinces. Ça, ce n'est pas nous qui le disons, c'est encore une fois des études indépendantes externes. Pourquoi? Parce qu'on n'applique plus nos lois. Est-ce que c'est une décision qui est passée à l'Assemblée nationale? Réponse négative. Est-ce que les députés au Parlement, à Ottawa, qui nous représentent, l'ont vue? Réponse négative. C'est une décision prise par la machine administrative, par la bureaucratie, parce qu'ils avaient une commande de sauver de l'argent. Ils ont décidé qu'ils allaient sauver de l'argent en coupant dans les procureurs de la couronne, en coupant les services des tribunaux, en coupant à la police ce qui était destiné pour réprimer cette inconduite. Donc, M. le Président, de notre côté de la Chambre, on souhaite que le commerce du détail au Québec aille bien, mais ça prend plus que des souhaits, ça prend plus que des voeux pieux; ça prend des lois, ça prend leur application.

Le gouvernement actuel a embauché, l'année dernière, 1 000 nouveaux collecteurs d'impôts – 1 000, M. le Président! – et ils ont congédié 30 procureurs de la couronne et 450 policiers juste à la Sûreté du Québec. C'est dire où sont les priorités. Mais, s'il manque des millions et des centaines de millions dans le commerce de détail, toutes les taxes qui vont avec ça manquent aussi, tous les emplois qui auraient pu être créés manquent aussi, avec tout l'apport que ça aurait pu faire dans l'économie. Ça ne se fait pas dans un vide, ce genre de coupure, M. le Président, ça se fait dans un contexte. Et le contexte social est celui que l'on décrit, un contexte où le commerce du détail subit les contrecoups des coupures aveugles imposées par le gouvernement du Parti québécois.

Et il était grandement temps que le même ministre qui vient de parler sur le commerce de détail réalise qu'une partie des ressources qui sont appliquées pour faire plus de collection d'impôts auraient peut-être dû être appliquées pour que l'on puisse appliquer les lois dûment votées par les élus du peuple afin de s'assurer que ce n'est pas l'administration qui décide quand les appliquer ou pas, mais que ce soient bel et bien les juges et les tribunaux qui décident quand ils vont appliquer les peines que nous avons décidé d'imposer. Merci, M. le Président.

Le Président: Attention, là, il ne s'agit pas d'un débat de fin de séance, à moins qu'on revienne sur le consentement qui avait été donné d'une intervention de chaque côté. M. le ministre, puisque nous sommes aux motions sans préavis, il n'y a pas de droit de réplique, là. Sur une question de règlement...

M. Bertrand (Portneuf): Est-ce que – et c'est d'ailleurs une question qui n'a jamais été clarifiée du temps où j'occupais votre poste – le fait de convenir d'un intervenant de chaque côté enlève au proposeur automatiquement son droit de réplique? Je n'en suis pas sûr du tout. D'ailleurs, on n'a jamais statué là-dessus, et je souhaiterais que vous puissiez le faire un de ces jours.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Je vous invite tout simplement, M. le Président, à appliquer les us et coutumes de la jurisprudence établie par votre prédécesseur en ce domaine: il n'y a pas de réplique.

Le Président: Vous comprendrez que je ne changerai pas les règles du jeu, M. le ministre, cet après-midi, comme ça, de but en blanc. Sauf que la question mérite qu'on s'y attarde, et je vais faire le nécessaire pour qu'il y ait une réflexion qui se fasse sur le fait de savoir si, oui ou non, dans un cas comme celui-ci, le proposeur peut avoir un droit de réplique. À ce moment-ci, est-ce que... M. le ministre.

M. Bertrand (Portneuf): Ça m'apparaît important, puisque, à défaut de pouvoir effectivement, comme proposeur, revenir en finale, ça peut créer des situations où des grossièretés pouvant être dites ne peuvent pas être corrigées. Je vous remercie.

Le Président: Possiblement qu'un droit de réplique peut avoir certains avantages pour une partie qui présente une motion, mais, en l'occurrence, il ne s'agissait pas d'une déclaration ministérielle.


Mise aux voix

Alors, à ce moment-ci, est-ce que la motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté, malgré tout, si je comprends bien.

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions... Est-ce qu'il n'y avait pas une autre motion sans préavis? M. le leader adjoint du gouvernement.


Procéder à des consultations particulières sur le projet de loi n° 416

M. Boulerice: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des transports et de l'environnement procède à des consultations particulières sur le projet de loi n° 416, Loi modifiant la Loi sur les transports et la Loi sur le transport par taxi, le mercredi 8 avril 1998, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, et, à cette fin, entendre les organismes suivants: de 9 h 30 à 9 h 45, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement; de 9 h 45 à 10 heures, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition; de 10 heures à 10 h 45, l'Association de camionnage du Québec; de 10 h 45 à 11 h 30, l'Association des propriétaires de machinerie lourde du Québec; de 11 h 30 à 12 h 15, la Société québécoise d'assainissement des eaux; de 15 heures à 15 h 45, l'Association québécoise des entrepreneurs en égouts et aqueducs; de 15 h 45 à 16 h 30, Hydro-Québec; de 16 h 30 à 17 h 15, l'Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec; de 17 h 15 à 18 heures, l'Association nationale des camionneurs artisans;

«Que la durée maximale de l'exposé de chaque organisme soit de 15 minutes et l'échange avec les membres de la commission soit d'une durée maximale – habituelle – de 30 minutes partagées également entre les membres du groupe parlementaire formant le gouvernement et les députés formant l'opposition;

«Que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»


Mise aux voix

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la présentation? Est-ce que la motion est adoptée?

Une voix: Oui.

Le Président: C'est adopté. Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Il n'y a plus d'autre avis, M. le Président. Il y avait la commission des institutions qui a été annoncée par le leader. Je sais qu'il y a une séance de travail de la commission de la culture, mais ça, je vous en réserve le privilège, M. le Président.

Le Président: Merci. C'est un gros privilège effectivement que d'annoncer que la commission de la culture va se réunir en séance de travail, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle RC. 171 de l'hôtel du Parlement. Et l'objet de cette séance est d'étudier les projets de rapport sur le rapport quinquennal de la Commission d'accès à l'information et sur les cartes d'identité.

Alors, il n'y a pas de renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

M. Copeman: Merci, M. le Président. On se souviendra tous, M. le Président, de l'empressement avec lequel le gouvernement a déposé le projet de loi n° 186 avant l'ajournement de nos travaux au mois de décembre. On se souviendra également, M. le Président, que le débat a été ajourné sur cet important projet de loi sur la réforme de l'aide sociale depuis le 19 mars, bientôt deux semaines. On attend, semble-t-il, la réplique de la ministre.

Est-ce que je peux m'enquérir auprès du leader adjoint quand on va procéder à l'adoption de principe du projet de loi n° 186? Ou est-ce qu'on prévoit déjà le mettre dans le bâillon pour la fin de l'année, M. le Président?

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce nous prête de mauvaises intentions. Je n'ai pas la tradition parlementaire que de sombrer dans l'odieux comme il l'a fait. Je lui répondrai que la ministre répliquera dans les délais les meilleurs, si ce n'est pas les meilleurs délais. Je vais d'ailleurs en rediscuter avec elle immédiatement à la fin des travaux. Et je peux assurer le député que, s'il souhaite un nouveau temps d'intervention, nous serons heureux de l'entendre.

Le Président: M. le député.

(15 h 50)

M. Copeman: Là-dessus, je peux vous assurer, M. le Président, que les interventions du côté de l'opposition sont terminées. Elles se sont terminées le 19 mars. On n'attend que la ministre là-dessus. Moi, je ne comprends pas, M. le Président. Comment se fait-il qu'il faut attendre au moins deux semaines pour une réplique à une motion d'adoption de principe d'un projet de loi? C'est important, parce que la ministre a annoncé des auditions particulières là-dessus. Il y a le débat sur le budget qui intervient, le débat sur les crédits, le congé pascal.

Quand on regarde le calendrier, on s'approche bien vite de la mi-mai pour l'étude sérieuse d'un projet de loi d'une envergure importante pour 730 000 Québécois et Québécoises. Mi-mai jusqu'à la fin de juin, M. le Président, pas beaucoup de temps. Alors, on souhaite, de ce côté de la Chambre, qu'on procède le plus rapidement possible avec une étude sérieuse de ce dossier et on souhaite également qu'on évite une compression, à la fin de l'année parlementaire, qui va nous amener éventuellement à un bâillon.

Le Président: Rapidement.

M. Boulerice: Rapidement. Les bâillons sont malheureusement trop souvent la seule réponse à une obstruction de l'opposition. Mais je peux assurer le député que la ministre répliquera le plus rapidement possible, dans les délais les meilleurs. Et, comme le sujet a autant d'importance pour votre humble serviteur que pour vous-même, soyez assuré que le nécessaire sera fait.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Vous me permettrez d'intervenir à ce moment-ci, M. le Président.

M. Boulerice: Si le leader de l'opposition me permet d'ajouter un supplément d'information très court, la ministre désire également – je pense que le député s'en réjouira – apporter certains amendements. Donc, il faut les rédiger, et nous vous les apporterons. Et vous verrez, faites-moi confiance.

M. Paradis: Oui. Je suis prêt à faire confiance au leader adjoint du gouvernement, M. le Président, mais il faut qu'on comprenne où ça se situe dans le débat parlementaire. Présentement, au niveau de l'adoption du principe, les députés ont fini d'intervenir de part et d'autre. Il ne manque qu'une intervention, qui a été réservée, comme le prévoit le règlement: la réplique de la ministre. Les amendements, je pense qu'il a suffisamment d'expérience parlementaire pour savoir que ça s'apporte au niveau de la commission parlementaire, à l'étude article par article.

Compte tenu, là, qu'il connaît maintenant la situation du projet de loi, est-ce qu'il peut nous répondre qu'il ne savait pas de quoi il en retournait mais qu'il va consulter la ministre et que demain il nous donnera une réponse à l'Assemblée nationale?

M. Boulerice: M. le Président, je peux même déjà, tenez, vous dire que le discours de réplique de la ministre sera dans au plus tard une semaine, c'est-à-dire le jeudi 9. Est-ce que M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, à ce moment-là, est rassuré par l'échéance que je lui soumets? Oui? Je vous remercie.

Le Président: Très bien. On ne fera pas de débat sur ça, là, l'information est donnée.


Affaires du jour

Alors, aux affaires du jour, maintenant, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Aux affaires du jour, M. le Président, je vous demanderais de vous référer à l'article 9 du feuilleton.


Projet de loi n° 415


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 9 du feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, président du Conseil du trésor, propose l'adoption du principe du projet de loi n° 415, Loi instituant le Fonds relatif à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Oui, M. le Président. Comme vous venez de le mentionner, il s'agit d'un projet de loi qui crée un fonds spécial, lequel sera affecté à la gestion et au financement des dépenses exceptionnelles supportées par les ministères du gouvernement ainsi que des dépenses des différents programmes d'assistance financière mis en place pour compenser les dommages occasionnés par la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier dernier.

Mon intervention vise à vous démontrer la pertinence de la démarche législative que nous entreprenons afin d'effectuer le meilleur suivi possible des coûts de ce sinistre. Permettez-moi tout d'abord de faire un rappel des événements que nous avons connus. Du 5 au 9 janvier 1998, une tempête de verglas exceptionnelle s'est abattue sur tout le sud-ouest du Québec, touchant plus spécifiquement les régions de la Montérégie et du Grand Montréal qui font partie de ce qu'on a appelé le «triangle de glace». Le réseau de transport et de distribution d'Hydro-Québec a été lourdement endommagé, privant par le fait même les citoyens d'un service essentiel pour une période plus ou moins longue. Au plus fort du sinistre, près de 3 000 000 de personnes se sont retrouvées sans électricité en plein coeur de l'hiver.

Étant donné l'ampleur de cette catastrophe naturelle, les conséquences ont été de diverses natures: la population a subi des pertes de revenus et de biens périssables, des dommages aux résidences et autres biens personnels ont également été constatés, les municipalités ont dû faire face à des dépenses imprévues pour la mise en place, entre autres, de centres d'hébergement pour accueillir leur population privée d'électricité. Des entreprises se sont vues dans l'obligation de ralentir sinon d'arrêter complètement, de façon provisoire, leurs activités. Les agriculteurs, quant à eux, ont subi des pertes de production non négligeables, en plus d'avoir eu à encourir des frais de toute nature. Les acériculteurs et les producteurs forestiers ont également subi des dommages. Hydro-Québec a, pour sa part, engagé des sommes importantes pour faire face aux mesures d'urgence et assurer le maintien des services publics essentiels d'électricité. Ce sont là, à grands traits, les principaux événements qui se démarquent de cette catastrophe naturelle.

Vous avez pu constater, M. le Président, que ces mêmes événements ont entraîné des gestes de solidarité comparables à ceux connus lors du déluge du Saguenay. En effet, la population du Québec s'est mobilisée pour venir en aide aux personnes sinistrées, en offrant des dons ou en hébergeant des citoyens et des citoyennes privés d'électricité. Plusieurs organismes communautaires, à caractère national ou local, se sont également impliqués pour offrir un soutien essentiel à la population touchée par la tempête de verglas. Il m'est impossible, bien sûr, de tous les nommer, mais leur contribution a permis aux personnes impliquées de mieux vivre cette période difficile. Je m'en voudrais d'oublier les entreprises du secteur privé qui ne sont pas restées insensibles aux difficultés vécues par la population en fournissant, à titre gratuit, main-d'oeuvre, équipement, bois de chauffage pour venir en aide aux sinistrés.

Il y a également les travailleurs d'Hydro-Québec et de la sécurité civile qui ont travaillé sans compter pour rétablir le plus rapidement possible les services d'électricité ou pour offrir des meilleures conditions de vie aux personnes évacuées de leur logement. Mais ils ne sont pas les seuls à s'être impliqués dans cette grande corvée. En effet, tout le personnel des secteurs publics, donc de la fonction publique, et des secteurs parapublics a mis l'épaule à la roue. Il faut également noter l'apport important des Forces armées canadiennes qui ont contribué, à divers niveaux, à la logistique des opérations menées pour assurer le retour le plus rapide possible à la vie normale. Ce n'est là, bien entendu, qu'un tableau sommaire des conséquences de ce sinistre dont les effets se font encore sentir, entre autres sur l'activité économique des régions concernées.

Je profite de l'adoption du principe de ce projet de loi pour faire le point sur les interventions du gouvernement du Québec à l'égard de la tempête de verglas survenue au début du mois de janvier 1998. En effet, pour venir en aide à la population et aux entreprises sinistrées, le gouvernement a mis en place des mesures d'urgence et un certain nombre de programmes d'assistance financière. Au total, les coûts prévus des interventions gouvernementales, aussi bien aux titres de mesures d'urgence que de programmes d'assistance financière, sont évalués à 1 400 000 000 $. Ces coûts se répartissent de la façon suivante: 963 500 000 $ pour les mesures d'urgence prises par les ministères et les organismes et pour les programmes d'assistance financière mis en place par le gouvernement; 435 000 000 $ pour compenser Hydro-Québec à l'égard, d'une part, des frais encourus pour les mesures d'urgence, soit 200 000 000 $, et, d'autre part, pour le rétablissement du réseau d'électricité dans l'état où il se trouvait avant le sinistre, soit 235 000 000 $, auxquels il faut ajouter des frais de financement.

(16 heures)

Toutefois, sur ce dernier point, selon les données les plus récentes, les coûts et les pertes encourus par Hydro-Québec s'élèvent à un grand total de 815 000 000 $, les dépenses reliées aux mesures d'urgence sont estimées à 200 000 000 $, comme je le disais, ainsi que les dépenses relatives à la remise en état du réseau de transport et de distribution qui se chiffrent, elles, à 525 000 000 $. Et, pour arriver au total de 815 000 000 $, il faut ajouter des pertes de revenus de 90 000 000 $. Les dépenses relatives aux mesures d'urgence ainsi que les coûts de remise en état du réseau tel qu'il était avant le sinistre sont pris en charge par le gouvernement du Québec, donc ce qui explique la somme de 435 000 000 $. En terminant sur ce sujet, il est bon de souligner que des échanges se poursuivent entre les gouvernements du Canada et du Québec pour départager le paiement des dépenses encourues en vertu des divers programmes mis sur pied et admissibles à l'aide financière fédérale en cas de catastrophe.

Les coûts prévus pour les mesures d'urgence prises par les ministères s'élèvent à 211 600 000 $ et chevauchent les exercices 1997-1998 et 1998-1999. Une bonne partie de ces coûts peut s'expliquer par les deux éléments suivants: les frais encourus par les établissements de la santé et de services sociaux pour maintenir les services à la population ainsi que pour assurer par la suite l'accessibilité normale aux soins généraux et spécialisés représentent environ la moitié des coûts de ces mesures d'urgence; et la transformation d'écoles en centres d'hébergement ainsi que la réparation et l'entretien des biens meubles et immeubles du réseau de l'éducation.

En plus des mesures d'urgence mises en place pour faire face à la situation, je crois qu'il est important de vous faire part des programmes d'assistance financière annoncés par le gouvernement pour venir en aide aux personnes, aux municipalités et aux entreprises. Tout d'abord, parlons des programmes mis en place pour indemniser les personnes. Le coût de ces programmes est estimé à 138 500 000 $. On se rappellera qu'un premier programme accordait une aide financière de 70 $ par personne, par semaine d'interruption d'électricité aux habitants des régions touchées par le verglas.De plus, les citoyens qui ont subi une interruption d'électricité de moins de sept jours à compter du 12 janvier 1998 ont également eu droit à une compensation de 10 $ par jour par personne. Finalement, une allocation de réintégration des prestataires de la Sécurité du revenu et des autres personnes à faibles revenus a également été octroyée pour l'achat de denrées alimentaires perdues lors des pannes électriques.

En ce qui a trait à l'aide financière destinée aux municipalités, elle est évaluée à 263 000 000 $. La majeure partie de ces coûts est attribuable aux programmes d'assistance financière mis en place pour rembourser aux municipalités les dépenses encourues notamment pour la mise sur pied de centres d'hébergement essentiels pour accueillir la population sinistrée et pour certaines opérations de nettoyage des rues et des lieux publics.

Il faut également parler de l'aide aux entreprises. Selon les estimations actuelles, l'aide financière qui leur est destinée pourrait atteindre 350 400 000 $, répartie sur 1997-1998 et l'année 1998-1999. Cette aide se partage ainsi: Le programme pour les entreprises victimes de la tempête de verglas vise à rembourser certaines dépenses reliées à la location et à l'entretien de génératrices ainsi qu'à la réparation de dommages causés par la tempête de verglas. À lui seul, ce programme représente plus du tiers des coûts de l'aide aux entreprises; le programme de redémarrage d'entreprises offre une garantie de remboursement de la perte nette sur un prêt accordé par une institution financière; le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation a annoncé deux programmes visant à indemniser les entreprises du secteur agroalimentaire ainsi que les agriculteurs. Le programme destiné aux entreprises a pour but de compenser une partie de la perte de produits agroalimentaires en inventaire ou en processus de transformation. Quant au programme pour les agriculteurs, il prescrit le remboursement des frais suivants: frais de location et d'entretien de génératrices, coûts de la main-d'oeuvre pour le nettoyage d'érablières, de vergers, et divers autres frais et pertes encourues.

Tous ces programmes mis de l'avant pour venir en aide aux personnes, aux municipalités et aux entreprises sont un bon indicateur de l'ampleur des dégâts causés par la tempête de verglas de janvier dernier.

La solution administrative et comptable retenue relativement aux coûts de la tempête de verglas est celle de la constitution d'un fonds spécial qui sera affecté à la gestion et au financement des dépenses encourues pour compenser les dommages occasionnés par ce sinistre. Un des avantages certains de cette solution est de regrouper dans une même entité comptable tous les coûts reliés à la tempête de verglas, aussi bien ceux provenant des ministères et des organismes budgétaires que des organismes extrabudgétaires. On peut facilement dénombrer près d'une quarantaine d'organisations qui ont eu à encourir des dépenses dans le cadre de ce sinistre. Et, en outre, M. le Président, le revenu provenant de la compensation fédérale pourra y être inscrit. De plus, la création du fonds facilitera la préparation des réclamations au gouvernement fédéral. Sa constitution permettra donc d'établir clairement la dépense attribuable au Québec pour ce sinistre dont les coûts dépassent ceux engendrés par le sinistre du Saguenay de juillet 1996.

M. le Président, au début de mon intervention, je vous ai fait part de mon intention de vous démontrer la pertinence de cette démarche législative visant à instituer le Fonds relatif à la tempête de verglas du 5 au 9 janvier, compte tenu du nombre d'intervenants en cause et de l'ampleur des sommes impliquées. J'espère que mes propos vous auront convaincus, vous, les membres de cette Assemblée, sur le bien-fondé de cette approche qui permettra un regroupement de tous les revenus et de toutes les dépenses attribuables à la tempête de verglas dans une même entité comptable, dans le respect des principes et des règles comptables applicables au gouvernement. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. À mon tour, en débutant l'étude du projet de loi instituant le Fonds relatif à la tempête de verglas, eh bien, mes premières pensées vont sûrement aux sinistrés, d'abord pour le courage des personnes qui ont dû subir les difficultés associées à ce genre de sinistre, aussi leur détermination, leur entraide et également – et je pense que ça a été très important – leur patience.

En 1998, on est habitué à un certain confort, et, tout à coup, pendant une période qui commençait à être vraiment longue, bien, il a fallu réapprendre à vivre lorsqu'on manque de chauffage, lorsque la nourriture ne peut pas être faite sur un poêle conventionnel, lorsqu'on manque d'eau chaude. Et aussi, et je pense que c'est très, très important maintenant, c'est lorsqu'on est privé de communication. Alors, je pense que nos pensées, évidemment, vont d'abord et avant tout à ceux qui ont dû subir les difficultés associées à cette tempête de verglas, particulièrement les personnes âgées, les personnes qui étaient seules et aussi les enfants. Pour les enfants – et je peux vous en parler un peu – eh bien, au début, c'était peut-être une partie de plaisir pour la première journée, la deuxième, coucher avec des amis, inviter des gens, mais très rapidement il fallait vraiment s'en occuper, et il y a des gens qui se sont acquittés de ces tâches de façon remarquable.

Je voudrais, M. le Président, souligner également le support des bénévoles à travers toute cette grande opération, et c'est souvent eux qui n'étaient pas connus mais qui ont apporté peut-être, si vous me permettez l'expression, le fer de lance, qui ont aidé vraiment à garder ce tissu social extrêmement important dans une période aussi grave. Je pense, en tout cas, aux différents centres d'hébergement qui ont eu le support et l'appui des bénévoles, et je voudrais souligner leur contribution. Je pense aussi à tous les travailleurs municipaux, qui ont été, eux, sur la première ligne – également les gens d'Hydro-Québec, et je vais y revenir – mais je pense à ces travailleurs qui étaient en mesure de communiquer très rapidement avec la population. Je pense aux conseillers municipaux et aux maires des différentes municipalités, à leur travail remarquable.

Vous allez me permettre, M. le Président, comme député de Robert-Baldwin, de souligner l'effort qui a été fait et l'excellent travail par les trois maires... sur lesquels le comté de Robert-Baldwin a des municipalités. Je pense au maire Ovide Baciu, de Roxboro, je pense au maire Marcel Morin, de Pierrefonds, et je pense également au maire de Dollard-des-Ormeaux, le maire Ed Janiszewski. C'est des gens qui ont été présents, près de leur population, avec toute leur grande équipe, et je voudrais les remercier, en tout cas souligner l'excellent travail qui a été accompli.

(16 h 10)

Je pense également, M. le Président, aux travailleurs d'Hydro-Québec, qu'on a pu voir... et même discuter, parler avec eux. Eh bien, eux aussi, ils étaient sur la première ligne, et je pense qu'ils méritent nos félicitations. Ils méritent notre admiration. Je pense également aux soldats qui font partie des Forces armées, qui ont été impliqués dans l'opération. Moi, j'aurais aimé qu'on les remercie davantage parce que, eux aussi, ils ont collaboré, et ils étaient prêts à toutes les demandes du gouvernement, à se déplacer très rapidement, partir d'un endroit à un autre et aider la population.

Alors, en terminant, c'est de remercier tous les Québécois qui ont contribué de près ou de loin à ces moments difficiles, et aussi tous les Canadiens des autres provinces... Parce qu'on sait que, lorsque le fédéral contribue, eh bien, c'est à travers tous les Canadiens. Je pense qu'ils méritent, eux aussi, nos remerciements. Alors, à tout ce monde, félicitations. Nous les remercions bien sincèrement et nous souhaitons qu'il n'y ait pas d'autres événements comme celui-là.

M. le Président, j'aimerais faire un court rappel de ce qui s'est passé au Saguenay, les pluies diluviennes, au Manitoba, les inondations, et peut-être faire un court parallèle avec cette crise du verglas pour la région de Montréal et particulièrement la Rive-Sud de Montréal.

Eh bien, moi, j'étais fier qu'on puisse appartenir à un pays qui est le Canada et qui avait, dans les années quatre-vingt-dix, créé un fonds, le Fonds des derniers recours, pour ce genre de difficultés lorsqu'elles se présentent. On sait que, le Québec, nous représentons 25 % de la population et que le reste, les autres Canadiens, représente 75 % de la population. Mais, depuis la création du Fonds, c'est quand même le Québec qui a, malheureusement – je pense qu'il faut le dire; on ne cherche pas à avoir ce genre d'événements – reçu 60 % de la contribution du Fonds des derniers recours, M. le Président. On sait, dans ces opérations, que le gouvernement fédéral contribue pour un montant d'à peu près 90 % des dépenses. Et j'écoutais, hier encore, le ministre des Finances qui employait un ton un peu, si vous me permettez, sarcastique par rapport à l'aide du gouvernement fédéral. Je voulais souligner cet aspect de chicane qui semble revenir; je ne sais pas si c'est à cause des élections... Mais j'avais l'impression que ce qui s'était passé au Saguenay ou dans d'autres parties du Canada, eh bien, qu'il y avait eu des façons de bien régler les litiges potentiels et à la satisfaction de tous les partis.

Alors, M. le Président, j'inviterais sûrement le gouvernement à faire preuve d'une certaine ouverture et à travailler ensemble, avec le gouvernement canadien, pour s'assurer que les difficultés qui se présentent à travers le financement du Fonds des derniers recours, eh bien, qu'elles puissent être aplanies.

Je pense que nous avons des exemples. Tantôt, nous écoutions la députée de Hochelaga-Maisonneuve, ministre de la Solidarité, qui donnait l'exemple d'une entente sur la main-d'oeuvre. Dans le passé, il y avait eu des ententes sur l'immigration. Plus récemment, avec un début de chicane du gouvernement péquiste, il semble qu'on a été en mesure de mieux contrôler le dossier des bourses du millénaire. Le dossier n'est pas terminé, mais, de part et d'autre, gouvernements fédéral et provincial, il y a eu une convention d'accepter qu'il y ait des médiateurs qui puissent regarder de près cette solution.

De nouveau, M. le Président, je souhaite que ce gouvernement évite les chicanes, qu'on travaille ensemble – on l'a fait dans le passé – dans l'intérêt de nos concitoyens et qu'on puisse trouver vraiment les meilleurs moyens d'aider ceux que nous devons servir.

M. le Président, notre formation politique demande au gouvernement fédéral et au gouvernement du Québec que les Québécois soient traités équitablement, avec les mêmes balises, les mêmes paramètres que les autres Canadiens. On ne veut pas de traitement de faveur; pas plus, mais pas moins.

Il faudrait savoir véritablement si Hydro-Québec et Hydro-Ontario peuvent profiter du programme fédéral. Il faudrait évaluer ce qui s'est fait dans le passé. Est-ce qu'il y a eu des exceptions qui permettraient à Hydro-Québec ou à Hydro-Ontario de profiter du programme? On peut aussi se questionner: Comment ça se fait que ces entreprises, ces grandes entreprises, n'avaient pas les assurances nécessaires dans ce cas de difficultés? Mais, de grâce, M. le Président, et nous le demandons au premier ministre: Arrêtez la chicane, arrêtez les chemises déchirées, de crier contre le fédéral. Il serait temps d'adopter un plan C, C pour calme!

Je me rappelle, et tous les députés l'ont également vu, le premier ministre qui se promenait en hélicoptère pour distribuer les chèques. Mais, ça, c'était l'argent des Québécois, mais aussi des autres Canadiens. C'était: visibilité. Puis, hier, on accusait les vis-à-vis du fédéral d'insister pour avoir de la visibilité, alors que c'était lui-même qui se comportait de cette façon. M. le Président, de nouveau, nous pensons qu'en discutant on serait en mesure de trouver une solution équitable dans le respect des juridictions de chacun, mais surtout dans le respect des individus.

M. le Président, j'aimerais quand même poursuivre avec le rôle et peut-être mettre en lumière ce que beaucoup d'entre nous, nous savons déjà, c'est les faiblesses de la Sécurité civile pendant cette crise du verglas. Il y avait, il n'y a pas tellement longtemps, suite aux événements du Saguenay, un rapport de la commission Nicolet qui blâmait le ministère de la sécurité civile. Un peu moins de deux ans après, eh bien, rien n'avait été fait pour améliorer la sécurité civile au Québec.

M. le Président, je me suis permis de relire quelques éditoriaux, en particulier celui de Lysiane Gagnon, qui est une de nos éditorialistes remarquables et appréciées, et qui intitulait son éditorial du 22 janvier dernier Le ministère de l'insécurité publique . «À tout seigneur tout honneur, commençons par le ministère de l'insécurité publique et son plus beau fleuron, l'insécurité civile. Cet organisme, censé coordonner les mesures d'urgence en cas de désastre majeur, aurait pu ne pas exister, on se demande si cela aurait changé grand-chose[...]. Failles au niveau le plus élémentaire[...]. Les scénarios de l'insécurité civile ne prévoyaient même pas l'entrée en scène de l'armée[...]. Le symbole le plus éloquent de l'inefficacité de cet organisme aura été que ses dirigeants sont restés pépèrement pendant plus d'une semaine dans la ville de Sainte-Foy, à 300 km de l'épicentre du désastre[...]. Bref, à l'insécurité civile, ce fut le déploiement dans toute sa beauté de la mentalité du parfait petit fonctionnaire[...]. On n'a pas besoin de centaines de fonctionnaires pour préparer les scénarios de catastrophe; on a besoin d'une bonne petite équipe formée, bien renseignée, bien au fait des réalités du terrain et des méthodes modernes, une petite équipe qui serait, en outre, vite sur ses patins.»

Mais, avec le ministère de la sécurité civile que nous avons, suite aux événements où on nous avait déjà avertis des problèmes de ce ministère, suite aux événements du Saguenay, eh bien, on n'est pas vite sur nos patins du côté du gouvernement, M. le Président.

Un peu plus loin dans son éditorial, elle nous indique: «Montréal, a-t-on appris, est passée à un cheveu de la catastrophe majeure. Il aurait pu y avoir notamment absence d'eau potable durant des jours et des jours, comme dans les pays du tiers-monde. L'une des raisons est que les usines de filtration de Montréal, contrairement à d'autres villes, n'ont pas de génératrices.» On m'explique qu'un problème aussi complexe, compte tenu de la dimension des réservoirs, compte tenu de l'insouciance, je dirais, du ministère de la sécurité civile, eh bien, ce n'était pas important à ce moment-là, M. le Président.

(16 h 20)

M. le Président, l'opposition libérale, l'opposition officielle a demandé, par la voix de ses représentants, le député de Frontenac, porte-parole officiel en matière de sécurité publique, ainsi que la députée de La Pinière, présidente du caucus de la Montérégie, d'avoir une commission parlementaire sur le rôle de la Sécurité civile lors de la tempête de verglas.

C'était dans une communication écrite du 28 janvier dernier: «Je fais motion pour que la commission des institutions se donne le mandat d'initiative, par l'entremise de consultations particulières, d'examiner les mesures mises en place par l'organisation de la Sécurité civile du Québec et les responsables de la sécurité civile lors de la tempête de verglas survenue en janvier 1998 et d'examiner toutes les mesures à être prises par la Sécurité civile pour améliorer l'efficacité du programme.» À notre grand étonnement, tous les députés ministériels, tous les députés du gouvernement péquiste ont refusé de voter en faveur de cette motion qui voulait entendre les gens, aider le gouvernement, aider notre société à trouver des moyens pour qu'on n'ait plus à vivre les événements que nous avons vécus.

Parce que le gouvernement refusait de faire une séance parlementaire, des auditions publiques, eh bien, plusieurs de nos députés ont décidé de le faire, eux. Je faisais partie du groupe de quatre députés, dont le député de Nelligan, le député de Jacques-Cartier et celui de Marquette, et nous avons décidé d'entendre ce que les gens avaient à nous dire dans la région de l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Pendant trois jours, nous avons tenu des séances où les gens pouvaient déposer des mémoires ou venir se faire entendre verbalement, et je pense que ça a été très instructif. Nous sommes à terminer nos travaux. Nous avons l'intention de présenter un rapport à la commission Nicolet. C'est notre intention aussi de le présenter ici même, à l'Assemblée nationale.

Mais j'aimerais quand même rappeler ce que les gens ont pu dire à quatre députés dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. C'est un article de M. Pelchat dans le journal La Presse : «La Sécurité civile et Hydro-Québec en ont pris pour leur rhume cette semaine à un forum qui a fait le bilan de la tempête de pluie dans l'Ouest-de-l'Île. Les lacunes de coordination de la Sécurité civile et le manque de fiabilité des communications de la société d'État ont été invoqués par la majorité des intervenants au cours de ce forum public de trois jours. La tendance est presque unanime, que l'Ouest-de-l'Île n'était pas traité comme une priorité.» Nous remettrons le rapport de ces audiences à la commission Nicolet et nous serons en mesure de faire cette démonstration.

Une autre tendance assez unanime: le scepticisme des maires quant au remboursement par Québec des frais encourus. Déjà, ils venaient d'avoir la confirmation, à leur grande consternation, que les travaux d'émondage et de nettoyage ne feront pas partie des dépenses admissibles s'ils ne doivent pas être réalisés de façon immédiate pour des raisons de sécurité. Et je voulais rappeler l'intervention de certains maires qui disaient: Bien, vous souvenez-vous, le premier ministre est venu sur les ondes puis a dit: Ce n'est pas une question d'argent, on va payer; il faut rétablir le service?

Au dernier jour des audiences, le directeur de la régie des incendies de LaSalle–Verdun, M. Pierre Damico, qui est aussi président de l'Association des chefs de service d'incendie de Montréal métropolitain, a dressé un bilan extrêmement critique de l'intervention de la Sécurité civile. «Pendant la crise, la Sécurité civile a réquisitionné de 300 à 400 employés d'autres ministères qui n'avaient aucune formation en urgence. Les villes de l'île auraient cependant pu mettre à leur disposition de 30 à 50 officiers pompiers retraités, mais ils ont préféré des gens non formés.»

Toujours, M. Damico déplore aussi le peu de place qu'on a faite à l'expertise des pompiers, en général. Et j'aimerais ajouter, un peu plus loin, «ce sont les policiers qui ont été également mis à contribution dans la ville de LaSalle. Les policiers ont dû faire du porte-à-porte dans tous les foyers afin d'aviser les citoyens que l'eau n'était pas potable, mais, dans un secteur de la ville, l'eau est fournie non pas par l'usine de Montréal mais par celle de Lachine. Alors, on a averti des gens qu'il fallait faire bouillir l'eau, alors qu'ils n'en avaient pas vraiment besoin. Il y a eu problème de coordination.»

D'autres faits saillants à ce forum, M. le Président. À LaSalle, un petit hôpital, l'Hôpital Sainte-Thérèse, a été privé d'électricité pendant plusieurs jours. Le poste de pompiers en a également été privé pendant deux jours, alors que le dépanneur de l'autre côté de la rue, lui, était branché.

Dollard-des-Ormeaux a été rebranchée un mardi, alors qu'Hydro avait annoncé que ce serait fait le vendredi précédent. Heureusement, la ville, les gens qui ont les pieds sur la terre, le maire Jamiszemski, étaient très sceptiques. Ils avaient pris soin de trouver de la nourriture pour plus longtemps pour les sinistrés.

Le YMCA de l'Ouest, à Pointe-Claire, a hébergé 660 personnes et servi jusqu'à 2 000 repas par jour sans que ça ne lui coûte plus de 2 000 $, grâce à des dons. Hydro lui a toutefois émis une facture de 10 000 $ plus élevée pour janvier, mais, heureusement, la société d'État a fini par réviser la note à la baisse.

La ville de Saint-Pierre a reçu ses lits de camp alors que le courant était revenu dans la municipalité. L'Hôpital général de Lachine, fermé en avril 1996, dont 137 lits étaient fermés depuis avril 1996, eh bien, n'a même pas été utilisé. On aurait pu l'utiliser comme centre d'hébergement.

M. le Président, tout ça pour vous dire que, si la recommandation de ma collègue la députée de La Pinière et de mon collègue le député de Frontenac avait été suivie, on aurait pu avoir des audiences publiques, des commissions parlementaires où on aurait pu écouter ce que les gens avaient à nous suggérer.

Il y a eu différents problèmes, des drames dans certains cas, mais, M. le Président, je voudrais quand même souligner la caractéristique des gens qui ont été touchés par un drame aussi important, et c'était l'entraide. Il fallait aider les autres, pas seulement dans la région de Montréal, l'Ouest de Montréal ou la Rive-Sud, mais aussi à travers tout le Québec. Nous avons reçu des cordes de bois de différents endroits, et c'était du bois de qualité, M. le Président, je peux vous le confirmer.

Je pourrais continuer longtemps, M. le Président, différentes régions, je pense à la région de Vaudreuil-Soulanges, où on faisait la distribution des fameux chèques. Alors, pour les chèques, les gens de Saint-Lazare, eux autres, ont toutefois frappé un mur. Saint-Lazare n'était pas sur la liste des villes officiellement sinistrées, donc pas de chèque pour le moment. Cependant, au village voisin qui était rétabli depuis quelques jours, on a assisté à la distribution des chèques d'assistance à la lumière, tandis qu'à Saint-Lazare, qui n'avait toujours pas d'électricité, bien, il n'y avait même pas de chèque. Toute cette démarcation: Qui avait droit? Qui n'avait pas droit? Toute cette distribution, à partir d'une décision qui a été prise par Québec et qui a obligé les municipalités à intervenir, alors que les municipalités n'étaient pas nécessairement prêtes.

Tantôt, le président du Conseil du trésor a souligné à juste titre l'impact que cette crise a pu avoir sur les hôpitaux. Le réseau de santé de la région de Montréal estime entre 12 000 000 $ et 15 000 000 $ les dépenses qui ont été faites en personnel et en matériel, beaucoup de dépenses associées à l'achat de litres d'eau. On parle de 200 000 litres d'eau embouteillée pour alimenter tous les établissements du réseau quand les usines d'épuration des eaux ont fait défaut.

L'opération de relogement des établissements de quelque 2 300 personnes âgées en perte d'autonomie et de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, eh bien, a mobilisé une grande partie des efforts. M. le Président, au cours de l'opération, les autorités médicales ont d'ailleurs découvert des foyers illicites, des foyers clandestins. Alors, je pense qu'il y a quand même ça à retenir. On a gardé environ de 40 à 60 de ces patients qui ne pouvaient pas rester dans leur milieu de vie. Alors, il y a quand même eu une identification des patients qui vivaient dans des foyers clandestins.

M. le Président, je pourrais poursuivre longtemps, mais, si nous pensons d'abord et avant tout aux sinistrés, à ceux qui ont perdu des biens matériels et à ceux qui ont souffert de cette crise, eh bien, il faut que nous soyons d'accord avec la création du Fonds relatif à la tempête de verglas. Il faut d'abord penser aux sinistrés.

(16 h 30)

Nous avons beaucoup, mais beaucoup de réserves sur la façon dont le ministre et le ministère de la sécurité civile se sont acquittés de leurs responsabilités. Nous aurions souhaité avoir plus d'informations plus tôt dans la crise de la part des autorités d'Hydro-Québec, et sûrement qu'on aurait apprécié, de la part du premier ministre, que sa visibilité, en tout cas, puisse être au moins mieux gérée, pour ne pas dire autre chose, M. le Président.

Nous avons l'intention de questionner en commission parlementaire le pourquoi de toutes ces improvisations. Combien le gouvernement du Québec a déboursé à ce jour, vraiment? Ça serait intéressant de le savoir. Les indemnités, est-ce qu'elles vont être payées en totalité? Quels vont être les différents barèmes? Combien, à date, le gouvernement du Québec a sorti de sa poche? C'est ça qu'il serait intéressant de savoir. Pas seulement le gouvernement d'Ottawa; ça, on est capable de le savoir.

M. le Président, je termine sur une note qui nous amène à émettre une crainte, une crainte quant à notre démocratie. On ne peut passer sous silence le fait que le gouvernement, à la suggestion d'Hydro-Québec, a profité de la situation d'urgence pour passer des décrets à toute vapeur en se soustrayant aux processus normaux. Et, là encore, je me suis permis d'aller fouiller dans les presses, les notes, les éditoriaux du mois de janvier et du mois de février; je me suis aperçu d'une ligne que certains avaient adoptée sûrement sans se consulter. D'abord, Lise Bissonnette, dans Le Devoir , dit que «l'autorité de M. Duplessis – parce qu'on fait une comparaison avec M. Duplessis et le premier ministre – aussi brutale qu'elle ait été, s'accordait à l'ordre alors établi, avec ses hiérarques et ses plébéiens. Il n'est plus le nôtre – semble-t-il.

«La façon de gouverner de M. Bouchard – de M. le premier ministre, je respecte le règlement de la Chambre – nous y ramène pourtant, et trop souvent pour ne pas susciter l'inquiétude.

«La crise actuelle aura confirmé avec éclat son goût pour le gouvernement de droit divin. On l'a vu adopter des décrets en enfilade, sans le moindre avertissement ou débat préalable. Confronté par la presse, il commençait par s'impatienter de toute question où il invoquait l'urgence, alors que l'objet de ces décrets dépassait de loin les exigences de l'après-tempête. Pire, il invoquait le "développement du Québec", vaste couverture de tous ses actes durant ces jours agités, chèque en blanc qu'il aurait été choquant, parait-il, de ne pas lui consentir.

«Ce comportement est le même qui lui fait hausser les épaules quand on lui rappelle aujourd'hui qu'il n'a pas de mandat pour gouverner le Québec[...]. Un mandat électoral, c'est le fondement même de la démocratie.» Ça, c'était Lise Bissonnette, et je ne pense pas que Mme Bissonnette est associée à notre formation politique.

Même chose pour Mme Gagnon, Lysiane Gagnon: «Cette crise aura fait ressortir la déplorable tendance du premier ministre à l'autoritarisme. Pire, le premier ministre s'est indigné quand quelques reporters ont osé l'interroger sur cette atteinte caractérisée aux principes démocratiques les plus élémentaires.»

Et même Alain Dubuc a voulu en rajouter en mentionnant que «la tempête de verglas, aussi grave ait-elle été, ne justifie pas ces entorses – il fait référence aux décrets – entorses qui ne reposent sur aucune forme de logique. Pour éviter de nouvelles erreurs, il faudrait, au contraire, éviter d'agir à la sauvette et à la vapeur. Les "deals" – c'est l'expression qu'il reprend entre guillemets – en dessous de la table entre Québec et Hydro, la complaisance du gouvernement envers sa société d'État sont en effet largement responsables de la dépendance à l'électricité qui nous coûte si cher, maintenant. La crise ne nous aura-t-elle rien appris?»

Alors, ça termine l'exposé et la position de notre formation. Nous pensons d'abord et avant tout aux sinistrés. C'est pourquoi, notre formation, nous allons voter en faveur de la création du fonds spécial. On sait que c'est une situation vraiment spéciale aussi. On ne serait sûrement pas d'accord de créer un autre fonds comme on l'a fait, au cours des ans, pour les aménagements de la route ou pour les dépenses d'épicerie. On pense d'abord aux sinistrés, et c'est pour ça qu'on va être en accord avec le projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Nous allons maintenant céder la parole au député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui, en cette Chambre, au sujet du projet de loi n° 415, Loi instituant le Fonds relatif à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998. Premièrement, j'aimerais offrir aussi mes félicitations aux sinistrés pour leur courage pendant cette tempête et aussi féliciter tous les bénévoles qui ont donné leur temps librement pendant cette crise.

I would like to express to all those who went through a very difficult time through the ice storm my sincere appreciation and congratulations for their courage and their tenacity and the way all of the population acted together in good faith. Many spent time with their neighbours, many spent time in the shelters. And, of course, we also have to think of our senior citizens who were put into a very difficult situation, acted very bravely, and they gave an example to the entire population. I would also think it would be appropriate to thank the many volunteers who gave off their time and energy so freely when called upon with short notice. Some gave off their time overnight to help as volunteers in shelters, others acted to deliver food to neighbours. And in many, many areas of our society, I think that the good came out of many, many people, and they were able to appreciate each other's actions in this very, very difficult time.

As the MNA for D'Arcy-McGee, of course, I would like to congratulate and thank Mayor Lang and the city council of Côte-Saint-Luc for all what they did to help the citizens of Côte-Saint-Luc, and also Mayor Adesski and the entire city council of the city of Hampstead for the services that they rendered to the citizens of Hampstead.

Une autre explication nous indique que ce Fonds est affecté à la gestion et au financement des dépenses exceptionnelles occasionnées par la tempête de verglas du mois de janvier dernier et qui ont dû être supportées par les ministères et organismes du gouvernement, ainsi que les dépenses des différents programmes d'assistance financière mis en place pour compenser les dommages survenus lors de ce sinistre. Le projet de loi prévoit également les règles de fonctionnement de ce Fonds.

M. le Président, le projet de loi n° 415 nous permet de commenter la performance du gouvernement du Parti québécois lors de la tempête de verglas. Mais j'aimerais indiquer que les dates indiquées au titre du projet de loi ne sont pas correctes. Demandez un peu aux résidents du triangle noir si la tempête de verglas a pris fin le 9 janvier 1998, et je pense qu'ils vous répondront sans hésitation qu'il doit s'agir sans aucun doute d'une erreur, puisqu'ils ressentent maintenant, encore aujourd'hui, les effets de cette tempête.

Mr. Speaker, what is the evaluation of the PQ Government's performance during the ice storm? From a public relations' point of view, probably excellent; from a point of view of substance, from the point of view of protecting our citizens from the devastating effects of the storm, a failure. Sure, the Premier was holding nightly TV shows at the prime time, but those of us who didn't have electricity, those of us who were blacked out didn't see the use of these nightly public relations' exercises, an empty gesture when our citizens were sitting in the dark or in shelters, some short of supplies, especially cots, beds in the early stages of the crisis, as result of the Government's exceedingly slow reaction to the fact that a life threatening emergency was existing.

Comment le gouvernement peut-il nous expliquer son inaction au début de la tempête? Pourquoi l'armée canadienne n'a-t-elle pas été appelée plus tôt? C'est les questions qui sont posées jusqu'à ce jour par nos citoyens. Pourquoi le premier ministre du Québec n'a-t-il pas appelé l'armée canadienne plus tôt, alors que la vie de milliers de personnes était touchée? M. le Président, l'armée canadienne, nous devons le reconnaître toujours, a accompli un travail positif et efficace dans notre lutte contre les éléments déchaînés de la nature et a réassuré la population par sa seule présence sur les lieux. Je mets au défi le premier ministre du Québec de nous indiquer les raisons pour lesquelles il a tant retardé à faire appel à l'armée canadienne alors que nous faisions face à une crise sans précédent dans l'histoire du Québec.

(16 h 40)

Le gouvernement du Parti québécois doit s'engager dès maintenant qu'à l'avenir, lorsque le bien-être de la population du Québec sera menacé, il devra mettre de côté les petites chicanes fédérales-provinciales et qu'il agira comme un gouvernement responsable.

Je vous demande, M. le Président, quel a été le rôle de la Sécurité civile lors de la tempête de verglas? Une chose certaine, c'est que le ministre de la Sécurité publique n'a sûrement pas pris le temps d'étudier en profondeur le rapport Nicolet suite aux événements du Saguenay. S'il avait seulement mis en place quelques-unes de ces recommandations, les sinistrés de la tempête de verglas n'auraient pas eu à subir certaines des situations horribles qu'ils ont vécues. Le ministre de la Sécurité publique, le premier ministre du Québec et le gouvernement du Parti québécois doivent reconnaître leur responsabilité pour leur inaction et leur défaut de suivre les recommandations de ce rapport.

M. le Président, il faut aussi se rappeler que le gouvernement du Parti québécois a abusé du système législatif durant la tempête de verglas. On ne peut pas passer sous silence, comme mentionnait le député de Robert-Baldwin, le fait que le gouvernement, à la suggestion d'Hydro-Québec, a profité de la situation d'urgence pour passer des décrets à toute vapeur en se soustrayant aux procédures normales.

And many groups which should have been heard, environmental groups, have not been heard until this day on plans which were passed by «les décrets du gouvernement, sans avoir les consultations qui sont nécessaires pour ce type de situation.» This abuse must never occur again and it's in nobody's interest when the Government abuses its powers, and this PQ Government is not an exception, it must not be excused from abuses of powers during the ice storm.

Alors, en conclusion, nous pensons aux sinistrés, et c'est pour cette raison, même si nous avons des commentaires à faire sur le projet de loi, que nous voulons faire des corrections, des additions, pour le bien-être de la population. Nous pensons aux sinistrés et nous allons, comme l'a indiqué mon collègue le député de Robert-Baldwin, voter pour ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Nous allons maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Alors, je voudrais, M. le Président, intervenir sur le projet de loi n° 415, Loi instituant le Fonds relatif à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998.

M. le Président, dans les notes explicatives de ce projet de loi, on peut lire que «ce Fonds est affecté à la gestion et au financement des dépenses exceptionnelles supportées par les ministères et organismes du gouvernement ainsi que des dépenses des différents programmes d'assistance financière mis en place pour compenser les dommages occasionnés par ce sinistre».

M. le Président, on a déjà eu un précédent, puisqu'on nous avons eu à étudier un projet de loi sur une autre catastrophe naturelle qui avait affecté le Saguenay, et je fais référence ici à la Loi instituant le Fonds d'assistance financière pour certaines régions sinistrées à la suite des pluie diluviennes survenues les 19 et 20 juillet 1996. Ce projet de loi créant le Fonds pour l'aide financière des zones sinistrées du Saguenay et autres régions touchées par les pluies diluviennes a été adopté, et, dans ce sens et en toute logique, suite à la tempête de verglas, l'opposition officielle, soucieuse de son rôle constructif, tient à appuyer l'adoption du principe du projet de loi n° 415.

Ceci étant dit, M. le Président, à l'analyse, lorsque nous regardons le projet de loi dans les détails – c'est un projet de loi qui a 14 articles – de nombreuses questions se posent, et nous allons les exprimer tout au long du processus menant à l'étude du projet de loi n° 415.

Mais, auparavant, je tiens à rappeler que, moi-même, j'ai été une députée sinistrée. Donc, quand je parle de la tempête de verglas, pour moi, ça signifie quelque chose. Je l'ai vécue au quotidien, je l'ai vécue avec ma famille, je l'ai vécue avec mes amis, je l'ai vécue aussi avec les citoyens de mon comté que je voyais tous les jours dans les centres d'hébergement. Donc, ce n'est pas juste une connaissance intellectuelle d'une tempête de verglas qui s'est passée quelque part; c'est aussi une expérience que j'ai vécue personnellement. Et, parce que je l'ai vécue personnellement, je pense pouvoir en parler avec émotion, mais aussi avec des faits concrets.

Permettez-moi, tout d'abord, de rendre un hommage spécial à toutes les personnes, les bénévoles, les organismes qui se sont impliqués et qui ont offert leur collaboration, leur solidarité, leur appui aux personnes sinistrées durant cette période assez difficile que nous avons vécue.

Il faut aussi rappeler que le comté de La Pinière a été affecté directement par la tempête de verglas. La Pinière se trouve dans la Montérégie qui est la région la plus affectée. Au niveau des 3 000 000 de personnes qui ont été directement affectées par la panne d'électricité et par les conséquences de la tempête de verglas, les deux tiers se trouvaient en Montérégie. C'est dire que cette région, qui est le jardin du Québec au niveau de l'agriculture, a été douloureusement affectée.

Par ailleurs, les bénévoles, on ne saura jamais leur dire merci assez, suffisamment, et de la bonne manière. Je l'ai vécu, M. le Président, dans le quotidien; voir des gens, des jeunes, des adultes, qui se relayaient quasiment jour et nuit pour aider les personnes sinistrées qui se sont ramassées dans les centres d'hébergement. J'ai vu des centres d'hébergement avec des personnes cordées les unes à côté des autres, de différentes races, de différentes ethnies, qui vivaient, qui couchaient à côté les unes des autres durant cette période-là et qui vivaient cette expérience difficile dans l'harmonie, malgré que les gens ne se connaissaient pas antérieurement. Et tout ça a pu se faire grâce à la logistique qui a été offerte par les municipalités, par les organismes communautaires et par les bénévoles.

J'ai eu l'occasion, M. le Président, de les voir, de les encourager à tous les jours dans les visites que je faisais tous les matins, à 7 h 30, dans les centres d'hébergement de mon comté. J'allais prendre le petit déjeuner avec les gens, leur parler, les réconforter, voir quels étaient leurs besoins et essayer d'y répondre. Et ça, ça été toute une expérience humaine, extrêmement enrichissante. Et, d'ailleurs, une des questions que j'ai posée aux bénévoles le jour où on a fermé le dernier centre d'hébergement: Qu'est-ce que cette expérience vous a apporté? Ils m'ont tous dit que c'était la richesse humaine et que, malgré que c'était une expérience dramatique, ils l'ont vécue comme un enrichissement personnel.

La Croix-Rouge a joué un rôle majeur. Dans mon comté, elle a ouvert le premier centre d'hébergement. J'étais là pour accueillir les personnes sinistrées et distribuer également les services à la population et servir la soupe aux personnes qui arrivaient. Et on se rappellera qu'à défaut d'avoir une planification et de savoir un peu ce à quoi ça a rimé, toute cette tempête-là, les gens ont dû se prendre en main au quotidien. Il fallait répondre à leurs besoins jour après jour.

Dans ce concert d'hommages à toutes les personnes qui ont aidé les personnes souffrantes durant la période de verglas, il faut également souligner le rôle de l'armée canadienne. Là encore, M. le Président, moi, j'ai vécu dans le milieu et j'ai été là pour accueillir les premiers soldats de l'armée canadienne qui sont arrivés dans mon comté. J'ai eu droit à un briefing par le commandant qui était sur place, qui m'a expliqué toutes les opérations et le déploiement de l'armée canadienne à la grandeur de la Montérégie. Et on peut dire qu'ils ont fait une oeuvre remarquable. Quand ils sont partis, les gens étaient là pour leur dire au revoir et leur dire merci, tellement ils ont été touchés par leur participation. Ils étaient là pour ouvrir les centres d'hébergement, ils ont amené les génératrices, ils ont monté des cuisines, parfois avec des moyens du bord, ils ont servi des repas chauds à la population, et ça a été un élément extrêmement rassembleur et extrêmement fort durant cette période de verglas.

(16 h 50)

Je souligne également, M. le Président, le rôle des services de police dans les municipalités. Dans mon comté, les services de police étaient là, près de la population, coordonnant les opérations, aidant à l'organisation de la logistique sur l'ensemble du territoire.

Il faut aussi souligner le rôle des familles d'accueil qui ont accueilli chez elles des personnes sinistrées et qui se sont accommodées avec les moyens du bord pour que cette tempête de verglas, et ses conséquences, et sa crise puissent être vécues avec le moins d'anicroches possible.

Ayant dit cela, M. le Président, je constate cependant que les citoyens ont vécu d'énormes problèmes, parce que le gouvernement a manqué à la gestion de crise de la bonne façon, et je fais référence ici de façon plus particulière au rôle de la Sécurité civile. Les citoyens de la Montérégie ont appris que la Sécurité civile, il ne fallait pas compter dessus, parce que la coordination se faisait à partir de Québec, avec les fonctionnaires de la Sécurité civile qui étaient à Québec.

Et, pour avoir parlé avec des maires des petites municipalités de la Montérégie, on m'a dit que, lorsqu'on appelait la Sécurité civile, qu'on demandait des services et qu'on demandait des informations, où trouver des génératrices, les fonctionnaires de la Sécurité civile à Québec ne savaient même pas où étaient localisées ces municipalités sur la carte de la Montérégie. Alors, comment est-ce qu'on peut leur venir en aide? Il faudrait peut-être leur donner des cours de géographie, pour qu'ils apprennent à localiser, sur le territoire du Québec, les populations, en cas d'urgence. Je n'insisterai pas longtemps là-dessus, M. le Président, ça a été largement documenté, les défaillances de la Sécurité civile.

Lysiane Gagnon, dans La Presse du 22 janvier 1998, écrit ceci: «Commençons par le ministère de l'insécurité publique et son plus beau fleuron, l'insécurité civile. Cet organisme, censé coordonner les mesures d'urgence en cas de désastre majeur, aurait pu ne pas exister, on se demande si cela aurait changé grand-chose.» Et elle ajoute: «Les scénarios de l'insécurité civile ne prévoyaient même pas l'entrée en scène de l'armée canadienne.» Quand on sait le rôle que cette institution a joué dans la coordination des services d'urgence et de l'aide à la population, on peut comprendre le commentaire de Mme Gagnon, qui est très judicieux.

«Bref, à l'insécurité civile, écrit-elle, ce fut le déploiement, dans toute sa beauté, de la mentalité du parfait petit fonctionnaire.» Et ça, je peux en témoigner, elle a parfaitement raison. Et j'ajouterai, encore dans le texte qu'elle a écrit: «On n'a pas besoin de centaines de fonctionnaires pour préparer des scénarios de catastrophe: on a besoin d'une bonne petite équipe bien formée, bien renseignée, bien au fait des réalités du terrain et des méthodes modernes, une petite équipe qui serait en outre vite sur ses patins.» Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Sécurité civile ou ce que Mme Gagnon appelle «l'insécurité civile» était loin d'être sur des patins; je me demande même s'ils en avaient, des patins, les fonctionnaires de l'insécurité civile.

Un autre élu local, M. le Président, qui a vécu cette tempête de verglas avec ses conséquences témoigne, toujours dans La Presse du 19 janvier 1998, sous la signature d'Éric Trottier, et il écrit ceci: «N'allez surtout pas parler de la Sécurité civile au préfet de la MRC de Vaudreuil-Soulanges, Luc Tison, ça lui donne de l'urticaire. Par ici, on surnomme l'organisme civil qui relève du ministère de la Sécurité publique l'insécurité civile. Nous avons appris une grande leçon des fonctionnaires de la Sécurité civile, a déclaré M. Tison hier à La Presse . Ces gens-là sont tellement désorganisés que, dès que la crise sera passée, nous allons mettre sur pied nos propres mesures d'urgence. La prochaine fois, c'est la MRC qui va s'occuper des secours à apporter à la population.»

On se rappellera, M. le Président, du cas du maire de Saint-Jean, M. Smereka, qui a été obligé de lancer des S.O.S. via les messages radio pour dire à la population que la population de Saint-Jean était en détresse et qu'il fallait lui venir en aide. Il faut se replacer dans le contexte et se rappeler que les gens n'avaient même pas accès au bois pour se chauffer. Moi-même, j'ai vécu cette expérience: il fallait aller à des kilomètres à la ronde pour trouver du bois de chauffage. Tout ça parce que la Sécurité civile, elle, n'a pas fait ses devoirs et n'a pas prévu de mesures d'urgence et n'a pas prévu de coordonner les mesures d'urgence localement avec les municipalités, avec les MRC et avec tous les organismes communautaires du milieu qui, eux, étaient vite sur leurs patins quand il s'agit de gérer une crise.

Alors, concrètement, cette tempête de verglas a amené un certain nombre de problèmes. On se rappellera que, lorsque le premier ministre est sorti – et il faut dire qu'il n'a ménagé aucun moyen pour pouvoir profiter de sa visibilité durant cette période-là – avec ses décrets concernant l'indemnisation des personnes sinistrées, le premier décret ne portait que sur le fameux triangle noir, le triangle de glace. Or, le triangle de glace, ça touchait peu de gens comparativement à l'ensemble de la population sinistrée, ne serait-ce qu'en Montérégie. J'ai dû écrire une lettre, le 13 janvier 1998, au premier ministre pour le rappeler à l'ordre et lui dire que la glace, dans mon comté et dans les comtés voisins de ce qu'on a déterminé comme étant le triangle de glace, était aussi froide à Brossard qu'à Chambly, qu'à Iberville et qu'ailleurs en Montérégie. Et c'est suite à ces interventions qui ont été faites et aux pressions par les municipalités qu'on a élargi le fameux décret concernant l'indemnisation des personnes.

Toujours en faisant le tour des centres d'hébergement – parce que, lorsqu'on fait le tour des centres d'hébergement durant cette période, on est en contact avec la réalité, on parle au vrai monde, on est au courant des vrais problèmes – des dizaines de travailleurs autonomes, M. le Président, sont venus me voir et ils m'ont dit: Écoutez, madame, moi, j'ai des pertes de revenus, je ne sais pas comment je vais être compensé. Et, encore une fois, j'ai pris l'initiative de communiquer avec le cabinet du premier ministre, d'écrire au premier ministre d'intervenir publiquement par la voie des médias, de parler au président de la SDI, de parler au président de la Chambre de commerce du Québec pour leur dire: Il y a des centaines et des centaines de personnes qui ont qualité de travailleur autonome et qui ne sont pas touchées par les programmes et les mesures mises de l'avant par le gouvernement pour les petites et moyennes entreprises. Encore une fois, on a eu un exemple concret du manque de coordination, du manque de sensibilisation, du manque de connaissance du terrain, de ce qui se passe. Il fallait, à la pièce, arracher au gouvernement des mesures pour aider les gens qui étaient dans le besoin.

(17 heures)

Une fois que j'ai obtenu l'élargissement du programme d'aide aux petites et moyennes entreprises pour inclure les travailleurs autonomes, une autre catégorie de citoyens, M. le Président, s'est présentée à ma porte: ce sont les professionnels. Ils ont dit: Comment ça se fait que, lorsqu'on se présente à la banque pour bénéficier des programmes d'aide qui sont gérés par la SDI, on nous dit qu'on n'est pas éligibles à ces programmes-là? Les professionnels, ils sont très nombreux au Québec, et surtout dans les zones sinistrées. Encore une fois, en discutant avec le président de la SDI, on m'a expliqué qu'il y avait peut-être une petite fenêtre à ouvrir puis qu'on allait peut-être modifier légèrement les barèmes pour permettre à certains professionnels, sous certaines conditions, de pouvoir bénéficier de l'aide financière. Encore faut-il savoir que ces programmes d'aide financière, ça s'appelle de l'aide financière, mais en fait ce n'est pas une aide, c'est un prêt qui est donné aux petites entreprises qui sont affectées par le verglas.

Mais toutes n'ont pas les moyens de s'endetter davantage pour survivre. Et une des conséquences que nous avons connues sur le terrain, c'est qu'il y a des petites entreprises qui ne sont pas capables de survivre et qui ont été tout simplement forcées de faire faillite parce que le gouvernement, dans les programmes qu'il leur offre, il ne leur donne pas la bouée de sauvetage pour pouvoir ramer et s'en sortir; il leur donne un prêt qui va les endetter, et elles ne sont pas toutes en mesure de prendre davantage une dette supplémentaire.

La population a été également aux prises avec tous les problèmes de réclamations reliées aux assurances. Tout d'un coup, les citoyens qui ont subi des dégâts ne savaient pas vraiment comment gérer la question. À la pièce, encore une fois, cas par cas, dans les bureaux de comté; dans mon bureau de comté, j'ai fait des interventions dans ces dossiers-là pour qu'enfin le gouvernement décide de parler aux assurances et que les compagnies d'assurances finissent par émettre un communiqué de presse pour dire que certaines choses pourraient être réglées.

On a eu le sinistre du Saguenay, on a eu des sinistres auparavant. Jusqu'à quand on va continuer, ce gouvernement va continuer à gérer les crises à la pièce, morceau par morceau, au lieu d'avoir un plan de coordination qui s'appliquerait dans des situations semblables et qui soit mis en oeuvre immédiatement pour que les gens ne soient pas pris au dépourvu, pour que la population ne vive pas les privations qui ont été vécues par les familles, par les enfants, notamment au niveau de l'approvisionnement alimentaire?

Savez-vous ce que ça veut dire, ça, de rentrer d'un centre d'hébergement à la maison et, parce qu'on n'a pas eu d'électricité pendant 10 ou 15 jours, de savoir qu'il faut tout jeter ce qu'on a dans son frigidaire et de ne pas avoir assez d'argent en banque pour aller chercher à manger pour les enfants? Il y a des familles qui ont vécu cette situation-là, et elles sont très nombreuses. J'ai été obligée, à partir de mon budget de Support à l'action bénévole, de donner de l'argent aux paroisses pour qu'on puisse donner à manger aux familles parce qu'elles n'avaient rien à manger. Ça, c'est des réalités... le gouvernement doit prendre note de cette situation-là pour qu'à l'avenir ce genre de problème ne se produise pas et, surtout, que l'on n'agisse pas à la hâte, dans l'improvisation et à la pièce, comme ça a été le cas.

Au niveau économique, la Montérégie a été durement affectée. Je terminerai là-dessus en disant que le fonds qui est mis sur pied aujourd'hui, on est d'accord en principe, mais on a des réserves sur lesquelles on va revenir ultérieurement. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de La Pinière. Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants, M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique? M. le ministre.


M. Jacques Léonard (réplique)

M. Léonard: Oui, M. le Président. Quelques remarques à la suite de ce que j'ai entendu et aussi pour conclure ce débat de deuxième lecture. D'abord, je tiens à dire une chose qui est évidente pour tous, c'est qu'il s'agit d'un sinistre, c'est un sinistre. Un verglas comme celui-là n'avait pas été vu de mémoire d'homme, et je pense qu'il n'y avait pas de relation, même au Québec, qu'un tel événement se soit jamais produit. Donc, oui, il y a eu des événements malheureux. L'événement en lui même est plus qu'un événement malheureux, c'est un sinistre. Et le mot lui-même décrit la réalité.

J'entends la critique de l'opposition. Évidemment, elle n'est pas là pour faire des compliments au gouvernement, elle est là pour le critiquer tout le temps puis prendre toujours le petit côté des choses. Alors, je voudrais quand même féliciter les gens qui ont participé à donner le meilleur service puis à faire face à la situation durant toute cette période. Il y en a eu, je l'ai dit dans mon discours tout à l'heure, il y en a eu de partout, il y a eu plein d'organismes, il y a eu des municipalités et des populations qui ont aidé, qui ont essayé de faire du mieux qu'ils pouvaient, mais il y avait quand même un fait fondamental, c'est qu'il n'y avait plus d'électricité et que tout était pris dans la glace, qu'on ne pouvait pratiquement pas circuler, dans les jours où ce verglas s'est produit, notamment le vendredi. Là, je pense qu'il fallait aussi donner le temps de faire face à la situation.

Je pense que le gouvernement a pris les dispositions qui s'imposaient. J'ai eu à y participer personnellement, et je crois que la Sécurité publique a joué son rôle. Je sais qu'on peut déplorer certains événements malheureux, mais, dans l'ensemble, la coordination a été exercée. Ce témoignage a été rendu de bien des façons. Je dirais aussi que peut-être, effectivement, il s'est révélé que certains plans d'urgence n'existaient pas dans les municipalités. Alors que, justement, la Sécurité publique l'avait demandé à toutes les MRC, ce n'étaient pas toutes les municipalités qui en avaient. Et, même encore aujourd'hui, dans d'autres municipalités, les plans d'urgence sont très rudimentaires. Mais ce que cet événement, ce sinistre a fait, c'est qu'il a donné conscience qu'il fallait que dans chaque municipalité il y ait des plans d'urgence et que, maintenant, lorsque la Sécurité publique va en demander aux municipalités, aux MRC, tout le monde va considérer qu'il s'agit là d'une demande importante et non farfelue, donc qu'on va prendre les dispositions pour faire face à des situations comme celle que nous avons vécue.

M. le Président, nous aurons, paraît-il, une interpellation vendredi sur cette question. L'opposition va avoir l'occasion d'y revenir. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est que nous créons un fonds dans lequel on va enregistrer toutes les dépenses, dans lequel on va verser les revenus et qui va permettre une très grande transparence de toutes les opérations administratives relatives à ce sinistre.

Sur un autre plan, le député de Robert-Baldwin a parlé, évidemment, de l'aide fédérale. Oui, il y en a une parce qu'il y a un programme au fédéral. Parce que les Québécois versent la moitié de leurs taxes au fédéral, ils sont en droit d'en avoir certaines retombées minimales. Alors, là-dessus, je pense que, si nous avons eu un sinistre, oui, nous avons droit à ce programme, parce que, tant que nous payons des taxes au fédéral, nous allons aller chercher un minimum de retombées, et le plus possible. Et j'espère bien que le gouvernement fédéral va contribuer et va collaborer à payer aux Québécois ce qui leur est dû.

Ce que mon collègue a relevé hier, c'était justement que, dans le cas d'Hydro-Québec, ce traitement n'avait pas été égal, parce que, à Terre-Neuve, le fédéral a payé. Au Manitoba, il a payé toutes les dépenses et il n'a pas fait d'exception pour les entreprises publiques. Je me souviens, M. le Président, lorsque le président du Conseil du trésor fédéral est venu nous rencontrer avec Jean Chrétien, le samedi, lendemain du vendredi, qu'il nous a dit, comme cela, qu'Hydro-Québec, c'était un cas spécial, laissant entendre que, oui, il y aurait compensation, comme nous pensions, mais qu'il y aurait quelques éléments spéciaux en ce qui concerne le remboursement des dépenses et des coûts engendrés pour Hydro-Québec. Or, tout le monde a vu la suite: lorsque l'électricité fut revenue, lorsque les caméras se sont éteintes, le fédéral a dit non à Hydro-Québec. Alors que, hypocritement, au début, on nous laissait entendre que c'était simplement un cas spécial et qu'il y aurait compensation, à la fin, ç'a été un non. Pourquoi? Il n'y a pas eu de justification là-dessus.

On a dit: C'est une entreprise du Québec. Les entreprises partout ailleurs ont été compensées. Quand je fais référence à Terre-Neuve, quand je fais référence au Manitoba, oui, les entreprises ont été compensées, ce qui n'a pas été le cas d'Hydro-Québec, et, là-dessus, nous crions à l'injustice, à l'injustice de la part du gouvernement fédéral, à l'hypocrisie de la part du gouvernement fédéral. De l'hypocrisie parce que, pendant qu'on était dans la glace, on ne donnait pas de réponse, mais on laissait penser qu'Hydro-Québec serait admissible. Mais, quand les caméras n'ont plus été là, ç'a été fini.

(17 h 10)

Et l'opposition officielle, qui défend le Canada, les Canadiens, devrait appuyer à fond le gouvernement du Québec là-dessus, parce qu'ils sont ici non pas comme députés fédéraux, ils sont ici comme députés du Québec, de l'Assemblée nationale, et ils doivent réclamer ce qui est dû aux Québécois, ici. M. le Président, je pense que nous n'avons pas fini d'en entendre parler, de cette question, parce qu'ils sont confrontés à une certaine réalité, puis nous verrons leur attitude. J'ai pris bonne note qu'ils étaient d'accord avec le projet de loi, qu'ils étaient d'accord avec les dispositions que nous voulions apporter pour comptabiliser ces coûts et peut-être aussi pour comptabiliser des grands points d'interrogation qui, j'espère, se transformeront dans les retombées des taxes fédérales qui devraient nous revenir ici. Merci.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. Le débat étant terminé sur l'adoption du principe du projet de loi, est-ce que le principe du projet de loi n° 415, Loi instituant le Fonds relatif à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998, est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Je fais motion que ce projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Je fais motion, M. le Président, que nous ajournions nos travaux au jeudi 2 avril, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous ajournons. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Nous ajournons nos travaux au jeudi 2 avril, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 13)