L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 17 mars 1998 - Vol. 35 N° 156

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour


Projet de loi n° 186


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Nous allons reprendre nos travaux aux affaires du jour. L'Assemblée reprend le débat, ajourné le 11 mars 1998, sur l'adoption du principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Alors, je vais accorder la parole à Mme la députée de Sherbrooke, pour une intervention de 20 minutes. Mme la députée.


Mme Marie Malavoy

Mme Malavoy: Je vous remercie, M. le Président. Je suis heureuse de prendre la parole sur ce projet de loi n° 186 parce que j'ai fait partie des personnes qui en ont suivi la trajectoire depuis les tout débuts. Et, avec d'autres collègues députés qui font partie également comme moi de la commission des affaires sociales, nous avons vraiment eu tout le loisir qu'il faut pour discuter de ce projet de loi, écouter aussi longuement en commission parlementaire ce que les personnes, ce que les groupes avaient à nous dire. Donc, je suis heureuse, aujourd'hui, de vous en parler, en mettant l'accent sur un aspect, particulièrement, de ce projet de loi. Parce qu'il y en aurait beaucoup dont on pourrait traiter, mais, dans le peu de temps dont je dispose, j'ai choisi de parler essentiellement des différentes formes de prestations d'aide financière.

Vous le savez, la réforme de la sécurité du revenu est une réforme de ce qu'on appelle les prestations, l'aide de dernier recours, partant du fait qu'il y a, malheureusement, dans notre société, des personnes qui sont démunies, qui ont perdu leur emploi ou encore qui n'ont jamais réussi à accéder à un emploi et qui, donc, ont besoin de différentes formes d'assistance pour leur permettre de vivre, pas dans des conditions idéales, mais tout au moins de vivre et, surtout, pour leur permettre de trouver, pendant cette période désagréable de leur vie, des moyens de s'en sortir.

Ça me permet de dire, en passant, que, contrairement à ce que les gens pensent, il y a beaucoup de va-et-vient à la sécurité du revenu. Ça n'est pas un certain nombre de personnes qui sont en vase clos et qui y restent à vie. Il y a, bien sûr, des personnes qui y restent longtemps, mais il y a des entrées, par milliers, chaque mois, à la sécurité du revenu, et il y a aussi des sorties, par milliers, à la sécurité du revenu. Donc, il s'agit de voir ce que l'on peut faire dans ce projet de loi pour améliorer la situation et pour faire, finalement – pour reprendre la même image – qu'il y ait de moins en moins de personnes qui y entrent et, bien évidemment, de plus en plus de personnes qui en sortent.

La première prestation d'aide financière, le premier programme, c'est celui qui, dans la loi, s'appelle Programme d'assistance-emploi. C'est peut-être le programme le plus fondamental, parce que c'est celui autour duquel on a fait des modifications qui, je crois, peuvent donner espoir aux gens de sortir de leur situation précaire. Et je vais reprendre avec vous, M. le Président, les différents éléments qui constituent ce Programme d'assistance-emploi.

D'abord, il y a, on le comprendra bien, ce qu'on appelle une prestation de base, c'est-à-dire un montant d'argent auquel chaque personne prestataire de la sécurité du revenu a droit et qui est calculé selon sa situation. Alors, évidemment, quelqu'un qui vit seul a moins que quelqu'un qui vit avec, par exemple, des enfants à charge. Il y a des tables qui permettent de calculer ce à quoi chacun a droit.

Ce qu'il est important de dire tout de suite, c'est qu'il y a, pour tout le monde qui le souhaite, moyen d'ajouter à cette prestation de base ce qu'on appelle une allocation de participation. Ça n'est pas nouveau, ça existe déjà, l'allocation de participation, et ça permet d'ajouter un montant qui ne peut pas être inférieur à 120 $ par mois à la prestation de sécurité du revenu.

On appelle ça «allocation de participation» parce qu'on va offrir, dans ce projet de loi, un certain nombre de moyens aux gens à l'intérieur de ce qu'on va appeler un parcours vers l'insertion en emploi. On va leur offrir des moyens qui supposent de leur part, évidemment, qu'ils participent à des activités. Et l'on sait fort bien que la moindre participation implique des coûts. Donc, c'est normal qu'on dise aux gens: Si vous inscrivez bel et bien dans un parcours, que ce soit pour de la formation, que ce soit pour des stages, que ce soit pour même des services psychosociaux, ou que ce soit, bien évidemment, pour vous trouver un emploi, vous avez droit, donc, à une allocation de 120 $ par mois, au minimum.

Autre allocation qui est accessible, c'est ce qu'on appelle l'allocation pour contraintes temporaires à l'emploi. Il y a des gens qui font partie de ce qu'on appelle la population active, et ça pourrait être vous ou moi, M. le Président. Il y a des gens qui, à un moment donné de leur vie, ont des contraintes temporaires. Je pense qu'un des meilleurs exemples, c'est quelqu'un qui est malade tout d'un coup et qui, donc, ne peut faire des démarches d'intégration en emploi. Autre exemple, c'est quelqu'un qui a un enfant à sa charge, et un enfant qui souffre d'un handicap. Donc, cette personne est toute consacrée aux soins de cet enfant, et on peut comprendre qu'elle ne puisse pas aller sur le marché du travail. C'est la même chose pour quelqu'un qui a 55 ans ou plus et qui en fait la demande, on considère que cette personne a une forme de contrainte temporaire à l'emploi.

Il y a également, donc, qui s'ajoute, une allocation pour contrainte permanente ou d'une durée indéfinie à l'emploi. C'est une possibilité qui s'ajoute. Vous voyez, au départ, on a une prestation de base à laquelle on peut ajouter une allocation de participation, ou encore on peut ajouter une allocation pour contrainte temporaire à l'emploi, ou encore un peut ajouter, troisième possibilité, une allocation pour une contrainte permanente à l'emploi. C'est dans le cas où des gens ont un problème d'ordre physique ou d'ordre mental qui est soit permanent ou encore ce qu'on appelle d'une durée indéfinie, c'est-à-dire qu'on ne peut pas juger à ce moment-ci de la durée que va prendre le rétablissement de la personne. Donc, on peut avoir accès dans ces cas à une allocation spéciale.

J'aimerais peut-être, à ce moment-ci, faire une parenthèse importante avant de continuer sur les différents programmes d'aide financière, une parenthèse importante parce que c'est au coeur de l'esprit de cette loi n° 186. Il y a un certain nombre de principes. Et le premier principe qui est au coeur de cette loi, c'est le principe de réciprocité, c'est-à-dire que, à l'aide que fournit l'État en toute légitimité à des gens qui sont mal pris, si on peut dire, correspond une contrepartie dans l'effort que la personne elle-même fait pour trouver des moyens d'améliorer sa situation. On appelle ça le principe de réciprocité. Autrement dit, l'État ne fait pas que donner quelque chose en disant: C'est tout, on n'exige rien en retour. L'État est responsable de fournir aux gens de quoi vivre. En même temps, les personnes sont responsables d'elles-mêmes et sont responsables d'un certain nombre d'efforts.

(10 h 10)

Si on veut faire un parallèle, on peut bien le comprendre en comparant avec des exigences de l'assurance-emploi, où l'on sait fort bien que, quand quelqu'un devient, donc, chômeur ou chômeuse, il y a des contraintes pour recevoir les prestations d'assurance-emploi, et parallèlement, donc, on peut dire: Il y a également un principe de réciprocité quand des personnes sont sur la sécurité du revenu. On suppose donc que les personnes doivent être disponibles. Elles doivent être disponibles pour occuper un emploi, s'il y a effectivement un emploi qui se présente.

Mais je tiens à dire tout de suite que, dans le projet de loi, on parle d'un emploi convenable. Le mot «convenable» a été ajouté. Ce que ça veut dire, c'est qu'on pense que les gens, bien, normalement, doivent occuper un emploi si on leur en offre un, mais encore faut-il que cet emploi corresponde au minimum à leurs intérêts, à leurs capacités, à leur formation. Quelqu'un, par exemple, qui aurait fait des études spécialisées dans un secteur pourrait en toute légitimité chercher quelque chose d'autre que d'être plongeur dans un restaurant. Je prends un exemple comme ça. Mais, quand on dit «emploi convenable», ça veut dire un emploi qui corresponde aux capacités de la personne; peut-être pas à tous ses rêves et à toutes ses ambitions, mais qui soit tout au moins réaliste par rapport à sa situation.

Autre principe qui est dans la loi et qui crée du remous – et je sais bien que, en commission parlementaire, puisque la ministre, Mme Harel, a annoncé qu'il y en aurait une avec des audiences publiques, cette question va revenir – c'est le caractère obligatoire du parcours pour les jeunes de 18 à 24 ans. Alors, là, il y a des points de vue qui s'affrontent. Je n'ai pas la prétention de régler le problème aujourd'hui, mais je voudrais simplement vous redire dans mes mots à moi pourquoi je pense qu'il est défendable d'avoir un parcours obligatoire pour les jeunes de 18 à 24 ans.

D'abord, parce que les jeunes dont on parle, ce sont des jeunes qui ne sont ni aux études ni en emploi, bien évidemment, qui n'ont pas d'enfants à charge, qui objectivement n'ont pas de raison de rester non disponibles ou de rester en attente de quelque chose sans eux-mêmes être inscrits dans une démarche. Et c'est un âge de la vie qui est extrêmement fragile du point de vue de l'emploi. Si, entre 18 et 24 ans, on n'est pas orienté dans des démarches qui mènent à un emploi, si on n'est pas encadré, même, à cette période de la vie, il est trop tard après. Après, c'est extrêmement difficile, quand vous avez commencé votre vie active par quelques années sur la sécurité du revenu, de retrouver une orientation de travail.

L'effort qu'on demande aux jeunes, je pense qu'on le demande en leur garantissant qu'on va faire autant d'efforts de notre côté pour les aider, pour leur offrir les services dont ils ont besoin. Et les jeunes, vous savez, quand ils viennent nous voir dans nos bureaux de comté – et je suis sûre que je ne suis pas la seule à qui ça arrive – ils nous demandent quoi faire pour s'en sortir. Ils ne nous disent pas: On veut avoir notre chèque d'aide sociale ou de BS – comme ils disent – et puis laissez-nous tranquilles. Non, ils nous disent: Comment pouvons-nous sortir de cette situation?

Et donc, ce projet de loi, je dirais, il prend les taureaux par les cornes pour ce problème qui est dramatique, parce qu'une société ne peut pas, ne pourra jamais se priver de la force que représente sa jeunesse de 18 à 24 ans. Ce n'est pas tellement que nous n'en avons pas les moyens, je dirais, économiquement – c'est vrai aussi – mais je pense que, moralement, nous n'avons pas les moyens de priver la société québécoise de la force que représente cette jeunesse. Et, moi, je suis prête à défendre donc ce principe, même si je sais bien qu'une obligation, ça a l'air d'être une coercition, mais je crois qu'il faut en faire l'exercice, il faut en faire l'expérimentation et en faire peut-être un bilan d'ici quelques années. Mais, pour le moment, je pense que c'est le meilleur choix que nous puissions faire.

Il faut dire également que, dans le projet de loi, on indique clairement que la personne pourra demander une révision de son parcours si elle en est insatisfaite. C'est important, ça, parce qu'il y a des gens qui nous disent, à juste titre, que parfois on les oriente dans n'importe quoi. J'ai eu, effectivement, moi, dans mon bureau, il y a un peu plus de 10 jours, quelqu'un qui est venu me raconter une histoire un petit peu abracadabrante, et je ne veux pas en donner les détails parce que je veux garder la discrétion sur cette personne. Mais, effectivement, je pense qu'il y a parfois des orientations que l'on fait malgré ou contre la volonté des gens et qui ne sont pas pour le meilleur. Donc, il y a moyen de faire réviser son parcours si on en est insatisfait.

Je change de chapitre. Je vous parle maintenant, rapidement, de quelque chose qui fait aussi l'objet de beaucoup de discussions, et je suis sûre que ça va continuer. C'est le Programme de protection sociale, qui est nouveau dans le projet de loi. On distingue, donc, le Programme d'assistance-emploi du Programme de protection sociale.

Pourquoi fait-on cela? On fait cela parce qu'on pense qu'il y a des personnes – il faut le reconnaître et il faut l'admettre, et ça ne sert à rien de se cacher cette réalité-là – dans la société qui ont des problèmes tels qu'elles ne peuvent pas espérer avoir accès à un emploi. Ce n'est pas à nous, remarquez bien, de poser ce jugement. Le Programme de protection sociale n'est pas un programme dans lequel on va contraindre les gens d'aller contre leur gré. Mais c'est un programme que les gens auront le choix d'adopter, s'ils pensent que c'est la meilleure solution dans leur cas.

Ce programme, donc, permet d'envisager l'augmentation de la prestation de base, celle dont j'ai parlé au tout début. Elle peut être augmentée d'une allocation des aînés, pour les personnes qui ont 55 ans ou plus; on leur rajoutera 100 $ à la prestation de base. Elle peut augmenter, également, de ce qu'on appelle l'allocation d'invalidité, pour laquelle on augmente la prestation du même montant, de 100 $; l'allocation d'invalidité voulant dire que, pour les personnes qui reçoivent cette allocation, il y a le constat, d'abord, de leur part, que leur situation ne permet pas d'envisager un emploi.

Je voudrais dire deux choses, rapidement, sur cette question, parce que je sais, là encore, que ça va être l'objet de beaucoup de discussions en commission parlementaire. D'abord, dans le livre vert, qui était un peu le livre de consultation sur la réforme de la sécurité du revenu, on avait dit que, jusqu'à 59 ans, les gens devaient s'inscrire dans un parcours d'insertion vers l'emploi. Dans le projet de loi, on arrête à 55 ans, et, à partir de 55 ans, on peut avoir droit, donc, à l'allocation des aînés. Je pense que c'est quelque chose de réaliste qu'on a fait en changeant de cap, si vous voulez. Parce qu'on sait fort bien que, dans la société actuelle, à partir de 55 ans, c'est très difficile de penser trouver un emploi. Donc, permettons aux gens qui le veulent de passer à l'allocation des aînés; s'ils le souhaitent, bien entendu, ça n'est pas une contrainte.

Je veux dire un mot également de cette allocation pour invalidité. Il y a des gens, honnêtement, qui ont déformé notre intention, puis qui vont certainement continuer à le faire encore, en disant que nous voulons carrément parquer dans un coin et ne plus nous occuper des personnes qui ont des problèmes graves d'insertion en emploi. Ça n'est pas la situation, M. le Président. Le programme qui sera accessible aux personnes pour une allocation d'invalidité, c'est un programme volontaire.

Si, moi, j'en avais besoin, je peux dire: Écoutez, au lieu de me contraindre à faire des démarches d'emploi... si, moi, je considère que ma situation est telle que je ne peux pas y arriver, je peux demander l'allocation d'invalidité. Mais je pourrais très bien aussi, ma situation changeant ou encore le contexte économique changeant, faire le choix contraire peu de temps après et donc revenir dans le peloton, si vous voulez, des gens qui bénéficient de l'assistance-emploi. J'insiste là-dessus. C'est donc un programme qui est un programme volontaire, auquel les gens adhèrent s'ils le veulent, mais dont ils peuvent sortir n'importe quand.

Et puis le troisième programme, donc après assistance-emploi, après le Programme de protection sociale, le troisième programme, c'est le programme Aide aux parents pour leurs revenus de travail. C'est un programme qui existait, mais auquel on a apporté certaines améliorations parce que, jusqu'ici, curieusement, les prestations de maternité et les prestations parentales de l'assurance-emploi, elles n'étaient pas considérées comme étant des revenus de travail. Donc, quand les gens étaient dans un congé de maternité, on considérait qu'ils avaient cessé d'être en emploi et ça leur coupait donc la possibilité d'avoir accès à certaines prestations. On a corrigé le tir, on a corrigé cette lacune.

(10 h 20)

On a également corrigé une autre lacune qui était importante, parce qu'il s'agit ici, donc, du programme APPORT, on a corrigé le problème suivant. C'est que les gens recevaient un montant d'argent, ou on anticipait une absence de revenus sur une année. Et, s'ils avaient un revenu en cours de route, on leur demandait de rembourser ce qu'ils avaient déjà perçu en trop. Ce que la loi introduit maintenant, c'est qu'on va simplement imaginer un délai raisonnable pour que les gens déclarent que leur situation a changé, mais tout ce qu'ils ont reçu au nom du programme APPORT, avant, jusqu'à cette déclaration, ils pourront le conserver. Parce que ça avait comme effet pervers que des gens n'osaient pas aller chercher de l'argent dans le programme APPORT parce qu'ils se disaient: Je risque d'être coupé en cours de route. Et, quand on a peu d'argent, vous savez, M. le Président, on n'a pas beaucoup les moyens de faire des remboursements.

Je vous parle finalement d'une autre amélioration de la loi. Et je vais terminer sur ce point-là, qui est, je crois, important. Beaucoup de gens sont venus nous dire: Dans la réforme de la sécurité du revenu, vous devriez introduire quelque chose qui permette aux gens de se plaindre et même de faire réviser leur situation en profondeur. Parce que, dans bien des cas, on nous dit: Il n'y a rien à faire. Si notre agent d'aide sociale juge que notre situation est réglée, il n'y a rien à faire. Les bureaux de députés servent parfois à faire un petit détour pour vérifier la situation, mais souvent ça ne va pas beaucoup plus loin.

Alors, on introduit dans la loi deux choses. On introduit un bureau des renseignements et plaintes, donc un bureau dans lequel on va accueillir, évidemment, les demandes d'information, mais aussi les plaintes des personnes qui vont être prestataires de la sécurité du revenu. Mais on introduit aussi – et ça, c'est vraiment nouveau – un service de révision. Ça veut dire que, si, au moment de la plainte et après, donc, avoir essayé de régler le problème, la situation ne change pas à la satisfaction de la personne qui est prestataire, il y a moyen d'aller à un bureau de révision. Et ce qui est vraiment nouveau, c'est que le cas va être jugé par quelqu'un d'autre que la première personne. Autrement dit, il y a comme, je pense, un effort pour aller dans une révision objective de la situation en demandant le regard de quelqu'un qui n'a pas été associé à la première version et qui, donc, fera preuve de plus d'impartialité.

Je termine simplement en disant que ce projet de loi, on va en parler encore beaucoup. On va certainement mettre l'accent sur des choses qui pourraient être améliorées. Et je ne cacherais pas que peut-être, oui, d'ici son adoption finale, il y a des aspects qui pourraient être améliorés. Je voudrais juste terminer en disant que le coeur de ce projet de loi, c'est de croire d'abord que, sur les 80 % d'adultes qui sont des chômeurs et des chômeuses à l'aide sociale, il y a moyen d'aider ces gens-là à se réinscrire dans un parcours vers l'emploi.

Et je termine aussi en disant qu'il n'y a aucune raison pour que nous sacrifiions... pour que nous pensions qu'il y a un certain nombre de personnes, par centaines de milliers dans notre société, qui ont décroché et qu'on ne pourra plus raccrocher. Je pense que c'est notre devoir, dans ce projet de loi, de mettre l'accent sur l'instauration d'un véritable parcours. Et nous aurons à faire les preuves, ensuite, dans l'action, sur le terrain, que ça rend vraiment service aux gens, que ça leur rend service personnellement, que ça rendra service à leur famille, mais c'est bien évident que tout gain de ce côté-là rend service à la société québécoise tout entière. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Sherbrooke. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, c'est avec une grande tristesse et désolation que je prends aujourd'hui la parole sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. La conjoncture économique actuelle n'est pas facile, et les difficultés que connaît le Québec à suivre le rythme de croissance de l'ensemble canadien depuis qu'il est sous la gouverne du Parti québécois nous confrontent à un problème insoluble: permettre à tous et chacun de se trouver un emploi.

Le spectre référendaire, faut-il le rappeler, constitue l'une des principales causes de cette croissance, pour le moins qu'on puisse dire, anémique. Pour plusieurs de ces citoyens sans emploi, l'aide sociale incarne l'ultime recours. Le Québec s'est doté au cours des 30 dernières années d'un régime qui n'a rien de spectaculaire, mais qui assure tout de même un coussin de sécurité sociale à toute personne qui se voit atteindre le bout de ses ressources matérielles et financières, puisque la plupart des requérants doivent d'abord épuiser leur avoir liquide pour y être éligibles. Je crois qu'il est aussi nécessaire de se rappeler, M. le Président, que personne n'est à l'abri, un jour ou l'autre, d'aller frapper aux portes de l'aide sociale.

La question devant laquelle nous sommes en présence aujourd'hui est la suivante: Est-ce que nous désirons, en tant que société, préserver un régime d'aide sociale qui soutient dans la dignité – et j'insiste sur le mot «dignité» – les plus démunis de notre société, et ce, dans un constant souci d'égalité des chances, ou plutôt le transformer, au moyen de mesures coercitives, de pénalités multiples et cumulatives, de clauses discriminatoires, en régime d'aide sociale punitif? Le projet de loi n° 186 vise, entre autres, à mettre sur pied des mécanismes par lesquels les 18-24 ans seront contraints par des pénalités sévères à réintégrer de force le marché du travail.

Avant de trancher sur une telle question, M. le Président, vous me permettrez, j'espère, d'instruire Mme la ministre du cas d'un bénéficiaire de l'aide sociale de mon comté qui, à vrai dire, ne représente qu'un cas parmi tant d'autres. Je vous lis donc des extraits d'une lettre reçue dernièrement à mon bureau de comté de Saint-Georges, et je cite:

«Je suis de ces gens que les médias appellent les "nouveaux pauvres". Je suis finissant universitaire sur l'aide sociale qui suit présentement un cours du soir dans une école professionnelle dans le but d'avoir un métier, métier qui me permettra de payer mes dettes d'études dans un domaine qui, dû autant aux nombreux changements technologiques qu'au fait qu'on me juge insolvable, fera que je ne pourrai réaliser ce rêve de profession universitaire. Les gens dans ma situation ne disposent que de peu de ressources pour venir en aide ou aider de nouveaux finissants à se sortir de cette passe parfois déprimante qu'on appelle la recherche d'emploi.

«Bien sûr, il y a l'assurance-emploi, Travail-Québec, le club de recherche d'emploi, "passeport-travail" de Beauce et le Carrefour jeunesse-emploi. J'ai eu la chance et la malchance de participer à tous ces programmes. Le seul ennui est que l'heureux candidat se retrouve vis-à-vis un travailleur salarié qui souvent n'a probablement jamais connu le chômage chronique ou l'assistance sociale.»

Alors, la lettre continue encore sur ces quelques lignes, et c'est signé: Un simple citoyen.

Au Québec, nombreux sont les jeunes de moins de 30 ans qui viennent gonfler les rangs de l'aide sociale. Le remboursement des dettes d'études est devenu un problème si important qu'aujourd'hui il n'est pas rare d'entendre le dicton Qui s'instruit s'appauvrit . Ce texte est un témoignage concret des diverses difficultés que certains de nos jeunes, qui au sortir de l'école ont rejoint le rang des plus démunis de notre société, doivent traverser. Il est aussi le témoignage vivant que ce dont les assistés sociaux n'ont vraiment pas besoin, c'est d'être matraqués par une série de mesures plus dures les unes que les autres.

M. le Président, le projet de loi n° 186 témoigne, une fois de plus, du manque d'imagination de l'autre façon de gouverner. De plus, il démontre que le gouvernement est prêt à tout, même sur le dos des plus démunis, pour tenter de sauver des sommes qui pourraient être utilisées à meilleur escient. Il faut aussi rappeler que ce dernier fait suite à la consultation publique qui s'est tenue en janvier, février et mars 1997, durant laquelle de nombreux experts ont dénoncé avec rigueur les dangers d'appauvrissement inhérents au projet.

Malgré le tollé de critiques et de protestations soulevées, la ministre se présente avec une loi dont personne ne veut, y compris des membres de sa propre formation politique, mais, en plus, la loi contrevient directement à plusieurs engagements que le PQ avait pris dans son programme Des idées pour mon pays , une autre preuve du double langage de ce gouvernement péquiste, et je m'explique.

Dans la deuxième partie de ce programme, intitulée Garantir l'accès à un régime de revenu minimum , on peut y lire ceci: «Un gouvernement du Parti québécois, dans les 12 mois suivant son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 27 sur la sécurité du revenu, de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» Et j'insiste, «à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants». J'espère que le gouvernement pourra nous expliquer si l'article 53 de leur projet de loi, qui instaure une pénalité de 150 $ et une deuxième cumulative du même montant en cas de récidive si un prestataire refuse de se présenter en entrevue, est ce qu'ils appellent un élément incitatif et valorisant. Incitatif, certes, je l'avoue, je dirais même plutôt répressif, mais pour ce qui est du valorisant, eh bien, on repassera.

(10 h 30)

De plus, ce même article contrevient au point 2.4 qui stipule que «les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit». Alors, encore une fois, le gouvernement ne respecte pas ses engagements, et c'est inadmissible. En ce moment, une personne apte au travail, barème non-participant, reçoit 490 $ par mois, ce qui veut dire que, dans le cas d'un jeune de 18 à 24 ans qui, pour une raison ou une autre, devrait refuser de se présenter en entrevue, sa prestation serait diminuée à 340 $.

Pire encore, l'article 53 ouvre la porte à une deuxième coupure de 150 $, ce qui porte, cette fois, la prestation à 190 $. Ce projet de loi aurait pu mettre sur pied des incitatifs sérieux ayant pour but d'encourager dans la dignité nos jeunes à intégrer le marché du travail de façon motivée et volontaire. Il n'en est rien. Il est de plus en plus évident que le gouvernement péquiste déleste les jeunes de façon dégradante. Comment peut-on vivre avec 340 $ par mois? Alors, imaginez avec 190 $ par mois. On n'y va pas avec le dos de la cuiller. Cette mesure, je crois, vient envenimer les relations entre les plus démunis et le gouvernement. Elle veut enfoncer davantage les jeunes dans la pauvreté. Le caractère obligatoire et coercitif de cette mesure, accompagné d'une pénalité applicable au barème de base, a été dénoncé de toutes parts.

Dès le départ, on associe la notion de parcours individualisé de la ministre Harel à la notion de punition et de répression. De plus, l'obligation sous peine de pénalité suscite des comportements de soumission. Les personnes les moins motivées s'inscriront donc dans des parcours uniquement afin d'éviter les sanctions monétaires. Comme le nombre de places, on le sait, dans les parcours, sera contingenté, les personnes non motivées pourront prendre la place de celles qui veulent vraiment s'en sortir. Et on peut aisément imaginer la suite.

Il est aussi nécessaire de se rappeler que la Loi sur la sécurité du revenu offrait le barème de disponibilité aux personnes désireuses de participer à des mesures d'intégration en emploi et qui ne le pouvaient en raison du manque de place. Alors, cette mesure a été abolie par le gouvernement du Parti québécois en 1995, il faut se le rappeler. On a démantelé un système qui fonctionnait de façon plus que convenable pour, aujourd'hui, le remplacer par un qui transformera le recours à l'aide sociale en expérience dégradante.

Ce qui me fait le plus peur dans une mesure comme celle-ci, M. le Président, c'est que l'application de cette dernière va faire appel à l'arbitraire. En effet, chaque fois qu'un emploi se présentera, le prestataire sera forcé de justifier les motifs qui l'ont poussé à refuser celui-ci. À chaque fois, l'agent responsable du bénéficiaire devra trancher, à savoir si, oui ou non, le refus est acceptable. Alors, si quelqu'un ici devrait savoir que les relations entre prestataires et employés de Travail-Québec n'ont pas besoin de cela, ça devrait bien être la ministre.

Un projet de loi comme le 186 n'aidera en rien à améliorer les relations parfois difficiles entre les fonctionnaires de l'État et les citoyens. Le mince lien de confiance qui existe toujours est déjà sérieusement entamé par l'hémorragie de coupures que le Parti québécois a fait subir à la population dans plusieurs secteurs d'activité névralgiques, dont l'éducation, la santé et les services sociaux. La liste est longue.

Les parcours individualisés vers l'insertion, la formation et l'emploi qui nous sont proposés demandent une vive collaboration de la part des partenaires locaux, notamment avec les groupes communautaires, qui n'endossent aucunement cette approche punitive qui suscite la méfiance entre les parties et les transforment en préfets de discipline. Il est pertinent de se questionner, à savoir si ce que le projet recherche est véritablement l'intégration d'assistés sociaux au marché du travail ou plutôt celle de faire des économies au moyen de sanctions financières substantielles.

D'ailleurs, un expérience menée au sein du ministère de la Sécurité du revenu par le centre Travail-Québec de Saint-Laurent vient confirmer cette contre-productivité. La moitié des prestataires était invitée sur une base volontaire et l'autre moitié sur une base obligatoire à rencontrer d'éventuels employeurs. Alors, l'expérience a démontré que les résultats étaient meilleurs dans le cas des personnes qui se présentaient volontairement. Devant ce constat, on a donc décidé de ne plus obliger les gens à venir à ces rencontres, mais de fonctionner uniquement sur une base volontaire.

De plus, de nombreux experts ont soutenu, en commission, que le gouvernement faisait fausse route avec cette nouvelle notion d'obligation sous peine de pénalité pour les jeunes de 18 à 24 ans.

Alors, après 400 000 000 $ de coupures dans les trois dernières années et 50 000 000 $ en prévision de l'année prochaine, le modeste 60 000 000 $ qu'on réinjecte ici semble vouloir atténuer la colère qui gronde chez les plus pauvres. Le projet comporte certaines bonifications, certes, mais ressemble davantage à un bonbon visant à se faire pardonner pour avoir fait des assistés sociaux la cible privilégiée des mesures visant à atteindre le déficit zéro. Alors, on leur en donne sept fois moins qu'on leur en a enlevé. Et 60 000 000 $ réinjectés, c'est d'ailleurs bien peu comparé au plancher de 100 000 000 $ qu'avait demandé ou promis Louise Harel et des 170 000 000 $ exigés par les 10 députés péquistes. Alors, on peut dire: Trop peu, trop tard.

Avec un montant annuel de 6 000 $ versé individuellement aux bénéficiaires de la sécurité du revenu qui sont aptes au travail et vivant seuls, on atteint à peine 39 % du seuil de la pauvreté, qui est fixé à 16 061 $ par année et que l'on considère déjà comme étant nettement insuffisant. Ce maigre 6 000 $ représente seulement 27 % du salaire moyen des travailleurs québécois qui est de 22 919 $. Je le répète, la mise sur pied de telles mesures ne peut que permettre la détérioration des relations entre l'État et les assistés sociaux, relations déjà sérieusement marquées par les 412 000 000 $ de compressions en deux ans que ces derniers ont dû subir.

De plus, M. le Président, chaque année, les assistés sociaux s'enfoncent davantage dans la trappe de la pauvreté parce que leurs prestations ne sont pas indexées au coût de la vie. Alors, l'année dernière, cet appauvrissement a été de l'ordre de 1,6 %. Puisqu'on sait que le prix moyen d'un logement, chiffre qui émane du président du front d'action en aménagement urbain, est de 372 $ par mois, faites le calcul: 490 $ moins 372 $ pour le logement, il reste 118 $ pour combler tous les autres besoins, autres que le logement. Alors, c'est inacceptable, et ce, sans compter les pénalités aux 18-24 ans qui menacent de diminuer la prestation à 190 $. Auparavant, la prestation minimum était de 500 $. Je crois qu'elle aurait dû être rétablie. Normalement, la proportion du salaire devant être consacrée au logement ne devrait pas dépasser 30 %. Bien là, c'est 75 % du revenu que l'on demande aux assistés sociaux.

M. le Président, plus de 700 000 personnes sont touchées au Québec par ce projet de loi. À voir la réaction des groupes concernés par ces mesures, on peut facilement comprendre qu'elles ne font l'affaire de personne. À quoi bon faire des réformes si elles ne peuvent répondre aux besoins de la population? Des mesures instaurant des mécanismes de perception pour les loyers non payés parlent d'elles-mêmes. Les assistés sociaux ne sont plus capables d'être victimes des coupures sauvages et surtout improvisées du gouvernement Bouchard.

L'article 31 du projet de loi n° 186 donne le pouvoir à la Régie du logement de forcer le versement direct de la composante logement de la prestation d'aide sociale au propriétaire. En 1994, la Direction du droit constitutionnel du ministère de la Justice émettait un avis juridique qui alléguait que cette mesure portait atteinte au droit à l'égalité protégé par l'article 15 de la Charte canadienne et par l'article 10 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. La Commission des droits de la personne soutenait aussi, dans son mémoire, que de telles dispositions ouvriraient une brèche dans le principe de l'inaccessibilité des prestations. Il va sans dire que tous les groupes de défense des assistés sociaux sont contre cet article.

M. le Président, le projet de loi n° 186 constitue un véritable tour de force. Comment peut-on faire une réforme de l'aide sociale sans pour autant injecter des fonds dans le programme? On change les mots, on abolit certains barèmes, on les met dans d'autres programmes, mais aucune nouvelle idée innovatrice n'est mise sur la table. Ce projet de loi joue à la chaise musicale avec les appellations des programmes dans le seul but de détourner l'attention de la partie qui soulève la colère, soit celle des droits et obligations réciproques. En abolissant la parité que les libéraux avaient accordée aux jeunes de moins de 30 ans en 1988, on n'a fait que les enfoncer davantage dans la pauvreté. Alors, comme les ressources de certains jeunes ne font que diminuer, tôt ou tard le gouvernement les fera basculer vers le désespoir, la délinquance et l'itinérance. Est-ce vraiment de cette façon que le Parti québécois s'occupe de sa population? La ministre n'a donc pas vu les chiffres? Montréal est devenue la grande ville la plus pauvre au Canada, et le recours aux soupes populaires y a augmenté de 50 %. Les mesures que propose le projet de loi n° 186 vont nous mener, bien sûr, à des situations où, pour une raison jugée non sérieuse ou par simple souci de dignité, des bénéficiaires de l'aide sociale risquent de se retrouver avec des prestations de 190 $. On peut facilement imaginer qu'un tel virage nous mènera directement vers des records peu enviables de délinquance et d'itinérance.

(10 h 40)

Les pressions sur les services de santé et les services sociaux qui vont s'ensuivre vont rendre nécessaire le déploiement de ressources supplémentaires dans ces secteurs d'activité déjà durement touchés. Ainsi, on peut spéculer que non seulement il n'y aura pas d'économies, mais qu'en plus ce mauvais pari n'aura pas épargné le matraquage des plus démunis. Le projet de la ministre nous force à sauter de plain-pied dans la spirale de l'appauvrissement. Dans une région comme Chaudière-Appalaches, qui possède l'un des plus hauts taux de suicide à l'échelle provinciale pour les moins de 25 ans, la loi n° 186 risque d'attiser une détresse déjà palpable.

La discrimination que l'on introduit dans le projet de loi n° 186 démontre clairement le manque de confiance du gouvernement envers les jeunes de 18 à 24 ans. Ce n'est pas en brandissant la menace des pénalités et des moyens coercitifs que l'on va redonner l'estime de soi, la confiance et la motivation à nos jeunes, ingrédients essentiels à la réintégration en milieu d'emploi.

Nous avons devant nous une réforme majeure au niveau de la sécurité du revenu, particulièrement au niveau de l'intégration en emploi. L'objectif de la ministre visant la réintégration durable en emploi de 100 000 prestataires est fort louable, mais relève de l'utopie. Ça n'est pas en réaménageant des structures et en changeant les noms qu'on va y arriver, mais pas non plus en fusionnant les mêmes programmes et en coupant dans des budgets de formation et d'intégration en emploi qu'on va solutionner le problème criant de la pénurie du nombre de places accessibles.

Il faut créer de nouveaux programmes, éviter le coercitif et rechercher des incitatifs, assouplir les règles et surtout réinjecter les fonds nécessaires à la facilitation de l'accessibilité à ces mesures d'insertion, de formation et d'emploi; il faut permettre à un plus grand nombre d'en bénéficier; en résumé, M. le Président, faire tout ce que ce projet de loi ne fait malheureusement pas.

Alors, dans son discours d'assermentation, le 29 janvier 1996, le premier ministre disait, et je cite: «Il n'y aura donc pas, au Québec, de "Massacre à la tronçonneuse". Nous ne tournerons pas le dos à la solidarité et à la compassion. Le voudrait-on que nous ne le pourrions pas. Ce serait, pour nous Québécois, contre nature.» Il ajoutait aussi: «Nous voulons que notre État ne soit pas appauvri; ce serait un comble si, pour y arriver, nous appauvrissions les Québécois.»

Eh bien, c'est précisément là où nous en sommes rendus. Et, comme disait Montaigne: «À trop embrasser, nous n'étreignons que du vent.» La tronçonneuse du déficit zéro a soutiré aux plus pauvres plus de 400 000 000 $. L'hémorragie doit cesser immédiatement. Si compassion et solidarité il y a dans le projet de loi n° 186, j'aimerais bien, M. le Président, que la ministre me montre où elles sont.

Alors, M. le Président, je voterai donc contre le principe du projet de loi n° 186 parce qu'il n'améliore en rien le sort des plus démunis de notre société, à savoir les assistés sociaux. Les mesures punitives qu'il contient sont de véritables sables mouvants qui risquent d'enfoncer davantage les prestataires de la sécurité du revenu dans la spirale de l'appauvrissement. Et enfin les assistés sociaux ont assez fait les frais des compressions budgétaires du gouvernement Bouchard, ils ne méritent pas qu'on leur impose ces mesures dégradantes. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Rimouski.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. À entendre la collègue de l'opposition, c'est à croire qu'elle n'a pas suivi le débat et les interventions de nombreux représentants des citoyens et des citoyennes qui ont recours à l'aide sociale régulièrement, pour avoir une perception pas tout à fait juste de la réalité, comme elle nous l'a démontré tout au long de son discours.

Mais je reviendrai, M. le Président, pour le bénéfice de cette Assemblée, sur le projet de loi comme tel. Ce projet de loi sur la réforme de l'aide sociale, il faut se rappeler, c'est le fruit d'une longue démarche. Oui, elle a été longue, mais elle fut une démarche concertée et surtout cohérente. Ce projet de loi est avant tout le résultat de plusieurs étapes franchies depuis 1996, que ce soit par la présentation des rapports Fortin et Bouchard, en mars 1996, que ce soit par la publication du livre vert sur la réforme de la sécurité du revenu, en décembre 1996, suivie d'une large consultation publique à l'occasion de la commission parlementaire des affaires sociales, en février et mars 1997, où plus d'une centaine d'organismes sont venus se prononcer sur le livre vert. Et, à cette occasion, permettez-moi de rappeler que ce que les gens nous ont surtout fait connaître, c'étaient leurs récriminations ou leurs doléances par rapport au projet de loi qui existait et non pas par rapport au futur projet de loi, celui dont on parle aujourd'hui. Ils nous ont fait part de leurs insatisfactions par rapport au projet de loi de la réforme Bourbeau, et ça, je pense que c'est une distinction très nette qui a été faite lors des présentations par la centaine d'organismes qui sont venus se prononcer lors de la commission parlementaire en février et mars derniers.

Il faut se rappeler aussi que, dans le processus qui a eu cours sur le projet de la réforme de l'aide sociale, il y a eu les recommandations d'un groupe de députés ministériels qui ont, eux aussi, contribué à améliorer le projet de loi avant de procéder à son dépôt par la ministre responsable, en décembre dernier. Donc, ces éléments nous permettent de dire et de confirmer que la consultation de tous les partenaires a toujours occupé une place prépondérante dans le processus qui a mené au dépôt du projet de loi actuel.

Ce projet de loi, que nous discutons aujourd'hui, c'est l'aboutissement, en quelque sorte, d'une réorganisation majeure de la sécurité du revenu. Ce qu'il propose, dans le fond, ce projet de loi, c'est une transition importante pour la population concernée. C'est de passer d'un régime d'aide sociale à un régime d'assistance-emploi. C'est un changement de mentalité qu'il propose. C'est un changement dans la façon de voir et de traiter toute la question de la sécurité du revenu au Québec.

Je vous dirais que, dans ce projet de loi là, il y a des mots clés comme «assistance-emploi» et «protection sociale». C'est ça qui caractérise, en quelque sorte, le projet de loi n° 186 sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Le titre du projet de loi est très révélateur à cet effet, en termes de virage important dans la façon de traiter la population concernée et dans la façon de voir comment doit être gérée la sécurité du revenu au Québec.

Ce projet de loi concerne tout le monde, M. le Président. Ceux qui ne sont pas sur la sécurité du revenu et toute la population qui a recours, à un moment ou l'autre de leur vie, en particulier les chômeurs qui sont à l'aide sociale et qui ont des besoins particuliers à combler en matière d'emploi, sont concernés par ce projet de loi.

C'est également pertinent de se rappeler que plus de 80 % des prestataires de la sécurité du revenu sont, avant tout, des chômeurs et des chômeuses à la recherche d'un emploi. Ce projet de loi doit donc nous permettre de lutter collectivement contre le chômage, contre l'exclusion sociale, en venant en aide aux plus démunis.

Depuis la réforme de l'assurance-chômage par le gouvernement fédéral, et cela conjugué à une restructuration du marché du travail, du marché de l'emploi, de plus en plus de personnes, malheureusement, se retrouvent, malgré elles, à la sécurité du revenu, et j'insiste là-dessus. Parce que, en tant que députés, à toutes les semaines, nous recevons dans nos bureaux de comté des citoyens et des citoyennes à la recherche d'un emploi et qui ont, au cours de leurs années de vie active, toujours travaillé et qui, malheureusement, avec la réforme de l'assurance-emploi, se retrouvent rapidement à la sécurité du revenu. Ce n'est pas ce qu'ils veulent, ce n'est pas ce qu'ils s'attendaient de vivre, mais la conjoncture, qui est celle qui prévaut présentement, en quelque sorte, les projette, malgré eux, très rapidement à la sécurité du revenu.

(10 h 50)

Pour venir en aide aux plus démunis, pour, collectivement, lutter contre l'exclusion sociale, pour combattre la pauvreté, nous avons conçu, à l'intérieur de ce projet de loi, une série de mesures, des programmes et des services d'insertion sociale, de formation et d'aide à l'emploi qui seront accompagnés de différents programmes d'aide financière.

C'est ce qui nous permet d'affirmer que nous passons d'un régime d'aide sociale à un régime d'assistance-emploi.

Le projet de loi, dans un premier temps, j'aimerais rappeler qu'il va prévoir une simplification majeure du régime de la sécurité du revenu. En effet, on avait, dans le passé, quelque 80 barèmes différents pour établir la mensualité des différentes personnes à la sécurité du revenu. Des 80 barèmes, ils seront réduits à sept. Et je pense que, là-dessus, c'est un effort majeur de simplifier les barèmes d'admissibilité à la sécurité du revenu auxquels nous assisterons dans les semaines et les mois à venir. Dorénavant, l'aide financière va se présenter sous la forme de trois programmes: il y aura le Programme d'assistance-emploi, le Programme de protection sociale et le fameux programme APPORT qui sera reconduit. C'est le programme qui aide les parents, pour les soutenir, compte tenu que leur revenu de travail est insuffisant.

Et, si je regarde le Programme d'assistance-emploi, c'est que les personnes qui sont inscrites à ce programme, en plus de recevoir leurs prestations de base, recevront une allocation de participation si elles s'inscrivent à des mesures pour s'insérer sur le marché du travail, si elles s'inscrivent à des mesures pour recevoir une formation adéquate ou tout simplement à des mesures qui vont leur permettre d'intégrer le travail. Elles pourront recevoir, en plus, s'il y a lieu, une allocation pour contrainte temporaire à l'emploi. Parce que, vous savez, on peut être à la sécurité du revenu pour un temps très limité, compte tenu que, momentanément, on fait face à des contraintes qui sont temporaires dans le temps et qui ne nous permettent pas d'avoir accès à l'emploi. Alors, ces personnes seront inscrites au Programme d'assistance-emploi et elles pourront recevoir une allocation de 100 $ de plus par mois.

Et celles qui ont une contrainte permanente à l'emploi pourront également recevoir une allocation de 209 $ de plus que l'allocation de base, et elles seront à l'intérieur du Programme d'assistance-emploi. Pour les personnes qui ont des contraintes sévères à l'emploi, ces contraintes sont parfois permanentes ou parfois elles sont de durée indéfinie parce que, à un moment, on ne sait pas si elles seront de six mois, si elles seront de trois mois ou si elles seront de un an, et tout ça. Et ces personnes qui sont à la sécurité du revenu et toutes les autres personnes de 55 ans et plus qui sont en difficulté pour se trouver un travail, si elles le désirent, elles pourront se prévaloir du Programme de protection sociale. Ça veut dire qu'elles seront inscrites sous le Régime de rentes du Québec. Et ça, cette inscription au Programme de protection sociale, c'est libre, parce qu'elles pourront toujours réintégrer le Programme d'assistance-emploi si elles le désirent.

Mais je pense que les personnes de 55 ans et plus, qui ont, souvent après avoir vécu de nombreuses années dans un même type d'emploi, plus de difficulté que d'autres clientèles à se retrouver un nouveau travail pourront être protégées, en quelque sorte, dans le cadre du Programme de protection sociale.

Le programme APPORT, quant à lui, qui existait avant cette présente loi, va subir des modifications majeures pour permettre d'adapter ce programme aux différentes situations qui sont vécues par les personnes qui reçoivent ce type d'aide. À titre d'exemple, il faut savoir que le projet prévoit d'annuler le remboursement réclamé aux familles dont la situation a changé de façon importante en cours d'année et qui ont signifié ce changement-là dans les délais raisonnables. Je pense que, dans le passé, les familles qui voyaient leur situation modifiée se voyaient réclamer certaines sommes d'argent qui parfois représentaient des montants importants pour elles. Dorénavant, compte tenu qu'elles auront fait cette déclaration dans des délais raisonnables à la Sécurité du revenu, leur remboursement ne leur sera plus réclamé.

Et je ne voudrais pas, M. le Président, intervenir sur ce projet de réforme de l'aide sociale sans vous parler du parcours individualisé. On en a dit beaucoup de choses parfois à tort, comme la collègue de l'opposition tout à l'heure, mais parfois aussi avec beaucoup de justesse et d'à-propos. Alors, ce que le projet de loi propose comme tel, c'est d'instituer un parcours individualisé pour permettre aux personnes à la sécurité du revenu, à toutes ces personnes qui sont susceptibles de connaître une période de chômage plus ou moins longue, une insertion à l'emploi, d'aller chercher un programme d'activités qui va leur permettre soit de se former, soit d'intégrer le travail ou soit de recevoir le soutien dont elles ont besoin. Et ces parcours individualisés le disent très bien, c'est vers l'insertion sociale, la formation et l'intégration à l'emploi. Donc, c'est à partir du portrait de chacun des individus de voir quels sont les moyens pour eux les plus facilitants pour leur permettre de se trouver un travail, de rester à l'emploi et de pouvoir profiter des services qui leur sont offerts.

Ce parcours sera offert sur une base volontaire à l'ensemble des personnes à la sécurité du revenu, sauf pour les jeunes de 18 à 24 ans. M. le Président, je pense qu'il est bon de rappeler qu'un jeune qui a entre 18 et 24 ans, qui est à la sécurité du revenu parce qu'il ne travaille pas, il n'étudie pas, il n'est pas chef de famille, donc il n'a pas d'enfants à sa charge, il n'est pas malade, il n'a aucune contrainte permanente, temporaire ou de longue durée, ne peut pas et ne doit pas – et, moi, j'insiste, je dis même «ne doit pas» – demeurer à la sécurité du revenu parce que ce n'est pas un service à lui rendre, à ce jeune, si on le maintient dans une situation qui ne lui permet pas de retrouver la possibilité d'intégrer le marché du travail. Alors, nous sommes persuadés – et, moi, j'en suis persuadée – que le parcours individualisé est un outil qui peut être utilisé pour les jeunes entre 18 et 24 ans pour leur permettre de réintégrer le marché du travail.

Je voudrais également rappeler que le projet de loi prévoit des services d'assistance-emploi. Vous savez, pour tous les citoyens et les citoyennes qui sont à la recherche d'un emploi, ceux-ci pourront bénéficier de services d'aide personnalisée qui leur conviennent. Ce qui me convient à moi ne convient pas nécessairement à mon voisin. Et je pense que le projet de loi a eu une attention particulière pour s'adresser avant tout aux individus, et c'est de cette façon que le projet de loi permet de prévoir des services d'aide personnalisée, soit des conseils ou des soutiens particuliers, en vue, toujours, de permettre aux citoyens à la sécurité du revenu de réintégrer dans des délais raisonnables le marché du travail.

Ces services-là seront publics, ils seront sous la responsabilité d'Emploi-Québec, et ils vont être offerts sur la base de diffusion d'informations sur les possibilités d'emploi dans chacune des MRC du Québec. Et ces services d'information et de soutien vont être offerts non seulement aux personnes qui sont à la recherche d'un emploi, mais également aux employeurs qui, eux, se cherchent des candidats ou des candidates pour répondre aux besoins de leur entreprise. Et ces nouveaux services de placement d'Emploi-Québec, naturellement, c'est dans les centres locaux d'emploi, les CLE, que nous allons pouvoir les retrouver, tout comme les services de référence en formation, en recherche et en suivi d'emploi se retrouveront à l'intérieur des CLE. Alors, je pense que, là-dessus, les CLE sont un outil majeur pour les personnes qui veulent avoir du soutien et des services particuliers pour leur permettre de réintégrer le marché du travail.

(11 heures)

Vous savez, quand nous sommes à la sécurité du revenu depuis plusieurs semaines ou quelques mois, ce n'est pas toujours facile de réintégrer le marché du travail, parce que travailler, ça coûte des sous. Ça prend des sous pour avoir des chaussures de qualité pour pouvoir travailler, ça prend des sous pour payer le transport, ça prend des sous pour payer son repas du midi, et ainsi de suite. Alors, pour faciliter le retour sur le marché du travail des prestataires, et pour ceux qui obtiendront un emploi, ils pourront compter sur une prestation spéciale de 500 $, et ça, ça va permettre à environ 40 800 personnes par année de pouvoir bénéficier de cette aide spéciale. Cette aide spéciale concrétise en quelque sorte le voeu que nous avons en instaurant cette nouvelle loi sur la sécurité du revenu, qui est celui de permettre aux citoyens et aux citoyennes de retourner sur le marché du travail le plus rapidement possible en leur facilitant le passage de la sécurité du revenu au marché de l'emploi.

Et, naturellement, le projet de loi prévoit plusieurs mesures qui sont destinées à accroître l'admissibilité au programme d'aide de dernier recours et surtout à améliorer l'établissement des prestations de la sécurité du revenu pour les citoyens et les citoyennes qui y ont recours malgré eux. Parce que, moi, je suis persuadée que la majorité des citoyens qui sont à la sécurité du revenu ne sont pas tous des volontaires, dans le sens suivant: c'est que, suite à la perte d'un emploi, ces gens-là se retrouvent à la sécurité du revenu.

Alors, dans les mesures qui sont destinées à faciliter, en quelque sorte, la vie de tous les jours, il faut rappeler qu'une partie de la pension alimentaire qui est versée au bénéfice des enfants sera dorénavant considérée comme un revenu permis, et ça, jusqu'à concurrence de 100 $ par mois pour un enfant âgé de moins de cinq ans, ce qui n'était pas le cas sous l'ancien régime.

Nous allons également permettre, avec cette nouvelle loi, des revenus de travail pour environ 40 000 ménages. Ça veut dire que, si nous sommes en couple et que nous sommes sur la sécurité du revenu, nous pourrons aller nous chercher des revenus de travail de 287 $ par mois, et ce sera permis sans pénalité. Et, si je suis un individu à la sécurité du revenu et que je suis seul, c'est 222 $ de plus que je pourrai aller me chercher que ce que mon allocation de base me permet.

Il y aura également le partage du logement pour les familles monoparentales qui sera maintenant considéré, et ces familles ne seront pas pénalisées. C'est 14 000 familles monoparentales qui pourront profiter du partage du logement. C'est certain, M. le Président, que, si nous avions pu le faire pour l'ensemble des prestataires de la sécurité du revenu, nous l'aurions fait. Compte tenu du contexte budgétaire actuel, nous avons fait le choix, nous avons opté pour favoriser le partage du logement chez les familles les plus défavorisées et aussi pour permettre aux enfants les plus défavorisés d'avoir, en quelque sorte, un certain allégement. Et c'est ce qui nous a permis d'abolir la coupure de 100 $ par mois pour partage de logement pour les familles monoparentales, dans un premier temps.

Nous avons également, suite à plusieurs représentations que nous avons eues dans nos bureaux de comté, augmenté l'exemption de la valeur nette d'une maison. Auparavant, si votre maison valait 60 000 $ et plus, vous n'aviez pas droit à la sécurité du revenu. Dorénavant, la valeur nette d'une maison passera à 80 000 $ pour que vous ne soyez pas éligibles à la sécurité du revenu.

Une mesure qui m'apparaît fondamentale et qui permet à l'État de ne pas ignorer ce que fait la main droite quand la main gauche intervient, c'est l'harmonisation de la contribution parentale avec celle du régime de prêts et bourses. On a harmonisé cette contribution parce que celle de la sécurité du revenu était beaucoup plus élevée que celle que nous demandions dans le cadre du régime des prêts et bourses. Et la révision de cette mesure est prévue dans deux ans.

Avant de terminer et pour conclure rapidement, M. le Président, je vous dirais que le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, vient compléter un vaste redéploiement des services d'emploi et de soutien du revenu en mettant l'accent sur les mesures qui favorisent l'accès à l'emploi tout en préservant la solidarité sociale pour les personnes en besoin de protection. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: En vertu de 213, est-ce que la députée accepterait une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de Rimouski, est-ce que vous accepteriez une question de la part de M. le député de Notre-Dame-de-Grâce?

Mme Charest: Je vais accepter, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui? Très bien. Alors, M. le député, votre question.

M. Copeman: M. le Président, étant donné que le parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi est la pierre angulaire, semble-t-il, de cette réforme, est-ce que la députée peut nous expliquer la différence entre ce parcours prévu dans le projet de loi et le plan individualisé d'action prévu dans la loi 37, la loi actuelle?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée, sans être trop long, s'il vous plaît.

Mme Charest: M. le Président, sans faire l'exégèse des deux types de programmes, les objectifs du projet de loi actuel sont de permettre aux bénéficiaires de la sécurité du revenu d'avoir des outils adaptés à leurs besoins, soit de formation, d'intégration ou de réinsertion, pour leur permettre de quitter le plus rapidement possible la sécurité du revenu pour revenir sur le marché de l'emploi. Ça, je pense que, là-dessus, en vous résumant de cette façon, je pense que pour l'essentiel c'est cela.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Mme la députée.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je tenais à intervenir sur le projet de loi n° 186 qui édicte les bases de ce que sera la soi-disant réforme de l'aide sociale au Québec et qui vient déterminer les règles visant le filet de sécurité sociale au Québec.

En débutant, M. le Président, je voudrais, tout comme mon collègue de Notre-Dame-de-Grâce, porte-parole officiel pour la sécurité du revenu pour notre parti, dénoncer vivement le fait que l'adoption du principe de ce projet de loi se fasse avant même que les groupes et les experts aient pu venir se prononcer dans le cadre d'une consultation en commission parlementaire. Il m'apparaît illogique qu'on ne puisse pas consulter avant l'adoption du principe de ce projet de loi d'une si grande importance, qui déterminera les conditions de vie et le sort de plus de 730 000 personnes au Québec. Je ne comprends pas non plus, M. le Président, l'urgence de la ministre de la Solidarité de vouloir précipiter l'adoption de ce projet de loi. Tout comme moi, les groupes et les intervenants communautaires en sont fort déçus. De plus, la ministre a déposé mercredi dernier un sondage venant soi-disant appuyer les mesures et les dispositions de sa réforme. Ce que la ministre de la Solidarité a oublié de dire, c'est que 72 % des personnes interrogées ignoraient le contenu de sa réforme; un petit détail, M. le Président, qui a toute son importance.

Ce projet de loi n° 186 fait donc suite au dépôt du livre vert de la ministre de la Solidarité et fait suite également à la consultation publique qui s'est tenue en janvier 1997. Lors de cette consultation, nous avons eu l'occasion d'entendre non seulement des experts et des organismes de la défense des droits des assistés sociaux, mais également, M. le Président, des témoignages extrêmement troublants de personnes qui vivent les conséquences du fléau de la pauvreté.

Vous savez, M. le Président, la pauvreté est malheureusement et dramatiquement bien présente au Québec. D'ailleurs, depuis plus de deux ans, le Québec détient le triste record du plus haut taux de pauvreté au Canada, à égalité avec Terre-Neuve. Cet appauvrissement de la population québécoise se traduit par une détérioration alarmante du tissu social. Cette pauvreté, M. le Président, on la voit et on la sent dans toutes les régions du Québec. Au cours des dernières années, le nombre de personnes qui doivent avoir recours à des banques alimentaires a plus que doublé, même triplé dans la région de Montréal et doublé dans la région de Québec. Les groupes communautaires ne savent plus où donner de la tête pour venir en aide à ces personnes qui ont de la difficulté à se nourrir.

Les jeunes sont également confrontés durement à cette pauvreté. D'ailleurs, les statistiques le démontrent très bien: le taux d'itinérance ne cesse d'augmenter et vise les jeunes de plus en plus jeunes. Également, M. le Président, le taux de suicide chez nos jeunes est alarmant. Le taux est de 38,6 pour 100 000 jeunes. Mais le plus troublant, c'est que le suicide est rendu la principale cause de mortalité chez les jeunes Québécois de 15 à 24 ans.

(11 h 10)

De plus, ce que je trouve le plus désolant, c'est que ce projet de loi arrive après de nombreuses coupures, après de nombreuses mesures appauvrissantes mises en place depuis près de trois ans par ce gouvernement du Parti québécois. En effet, M. le Président, près de 412 000 000 $ en deux ans, soit 10 % du budget du ministère de la Solidarité, a été coupé. Tout près de 500 000 000 $ de compressions sur le dos des plus démunis de notre société. Jamais, M. le Président, un gouvernement ne s'est attaqué avec autant de force aux plus démunis de notre société, jamais. Je n'énumérerai pas ici toutes les coupures qui sont venues affecter les gens qui vivent de l'aide sociale, mais, quand on applique des coupures de 30 $, de 50 $ ou de 100 $ sur des chèques qui ne couvrent même pas les besoins essentiels reconnus, on peut s'imaginer que ça fait très mal.

L'abolition du barème de disponibilité, barème qui est accordé aux personnes qui démontraient une volonté de vouloir s'en sortir, en abolissant ce barème, les gens se sont vu appliquer une coupure de 50 $ sur un chèque de 550 $ par mois.

La fin de la gratuité des médicaments pour les personnes assistées sociales a été vécue, dans certains cas, de façon extrêmement dramatique. À cet égard, M. le Président, on se rappelle que le Regroupement des organismes communautaires et les pharmaciens ont lancé un cri d'alarme au gouvernement et dénonçaient fortement le nouveau régime d'assurance-médicaments. Les conséquences découlant de l'application de la fin de la gratuité des médicaments pour les personnes à l'aide sociale ont été désastreuses. On a vu des gens qui ont été obligés de délaisser leur médication et se sont retrouvés en traitement à l'hôpital. D'autres ont été obligés d'arrêter de manger et de se nourrir convenablement pour pouvoir payer ces médicaments.

Il y a eu également, M. le Président, la coupure au niveau de l'allocation-logement qui a fait passer le taux de subvention de 75 % à 55 %, des pertes énormes pour les personnes les plus démunies de notre société.

Les mères monoparentales ont également été touchées durement par les différentes politiques mises de l'avant par ce gouvernement. Je pense ici, M. le Président, à la politique familiale dont la prestation familiale au niveau des mères monoparentales qui vivent à l'aide sociale n'apporte pas un sou de plus par rapport à ce qu'elles avaient. Je pense également à l'abolition du barème de non-disponibilité pour les mères monoparentales ayant un enfant à charge de cinq ans.

Même l'annonce de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité à l'effet d'abolir la coupure pour le partage du logement pour les familles monoparentales laisse beaucoup de familles très sceptiques. Quand on regarde le projet de règlement qui est sur la table, on se demande si les familles monoparentales ne seront pas finalement pénalisées par rapport à la situation qu'elles vivent présentement. Rappelons, M. le Président, que la famille monoparentale qui subissait une coupure de 100 $ pour le partage du logement voyait les revenus de chambre et pension exclus du calcul de sa prestation. Le nouveau projet de règlement vient effectivement abolir la coupure pour le partage du logement pour les familles monoparentales mais, en contrepartie, viendra comptabiliser les revenus de chambre et pension.

À titre d'exemple, M. le Président, la famille monoparentale qui se faisait couper 100 $ pour le partage du logement, mais qui avait des revenus de chambre et pension de 200 $, elle avait un bénéfice net de 100 $ par mois. En appliquant les règles édictées par le projet de règlement, cette même famille monoparentale aura une perte de 200 $ par mois. D'ailleurs, cette modification nous a été confirmée par la Direction des politiques et programmes du ministère de l'Emploi et de la Solidarité. J'espère, M. le Président, que la ministre de la Solidarité aura la décence de corriger ce tour de passe-passe.

Pourtant, M. le Président, on se rappelle les beaux discours de compassion qui ont été prononcés par notre premier ministre, et je le cite: «Je tiens à rassurer nos citoyens, il n'est pas question de réduire les prestations de base des bénéficiaires de l'aide sociale.» C'est le premier ministre actuel du Québec qui parle, M. le Président. Alors, quand on voit que la prestation de base de 500 $ est passée à 490 $ parce que le gouvernement a décidé d'abolir l'allocation pour le remboursement de l'impôt foncier et quand on voit que le projet de loi n° 186 vise à appliquer des pénalités pouvant aller de 150 $ à 300 $, il faut se questionner sur les belles promesses, les beaux discours et les engagements que ce gouvernement a pris envers les plus démunis de notre société.

M. le Président, à la lecture du projet de loi, on s'aperçoit rapidement que les différents chapitres contenus dans la Loi sur la sécurité du revenu se retrouvent presque intégralement dans le projet de loi n° 186. Je pense ici aux différents programmes, aux barèmes, aux critères d'admissibilité, aux règles de recouvrement, de vérification et d'enquête. Et on veut nous faire accroire aujourd'hui qu'il s'agit ici d'une réforme majeure de l'aide sociale.

M. le Président, ce qui est encore plus aberrant avec le projet de loi n° 186, c'est qu'on ne fait que changer les noms. Exemple: le programme Soutien financier devient le Programme de protection sociale; le programme APTE, lui, devient le Programme d'assistance-emploi; et les barèmes, eux, deviennent des allocations. Plein de changements de noms, mais rien de bénéfique, rien de concret pour les prestataires. Le projet de loi n° 186 change les appellations, joue avec les programmes, réaménage les barèmes, mais l'essentiel est complètement négligé, soit le mieux-être du prestataire, car le projet de loi n° 186 ne prévoit aucune augmentation, ne prévoit aucune bonification du montant de la prestation existante; bien au contraire, on favorise les pénalités.

M. le Président, le changement majeur de ce projet de loi réside au niveau du chapitre des droits et obligations réciproques prévus aux articles 33 à 55. En effet, l'article 44 du projet de loi introduit un nouveau principe de preuve de disponibilité. Il est important de rappeler que ce principe de disponibilité existait déjà dans l'ancienne loi. La différence se situe au niveau des pénalités qui y seront appliquées. On se rappelle que les personnes qui se déclaraient disponibles obtenaient une bonification financière de 50 $ par mois, soit le barème de disponibilité. Si elles démontraient qu'elles n'étaient pas vraiment disponibles, on leur accordait le barème de non-participant, qui était de 50 $ inférieur au barème de disponibilité. Là, il faut bien comprendre que non seulement le projet de loi n'offrira plus aucune incitation financière à ceux et celles qui démontrent leur disponibilité, mais viendra appliquer une pénalité à ceux et celles qui seront incapables d'en faire la preuve. Le plus inquiétant, c'est que cette pénalité sera appliquée à partir de la prestation de base et viendra briser le filet de sécurité sociale au Québec.

L'article 53, lui, M. le Président, vient introduire le caractère obligatoire accompagné d'une pénalité pour les jeunes de 18 à 24 ans qui refuseront soit de se présenter à une entrevue ou de participer à une activité dans le cadre de parcours individualisés vers l'insertion à la formation et l'emploi. Ça, c'est la nouvelle appellation. C'est le nouveau terme employé pour faire référence au plan d'action en matière d'intégration en emploi de l'ancienne loi. Je vous rappelle que cette pénalité sera de 150 $ et pourra aller jusqu'à 300 $ et viendra réduire la prestation de 490 $ à 340 $, pouvant même aller jusqu'à un minable petit 190 $ pour vivre. Cette mesure viendra enfoncer davantage les jeunes dans la pauvreté. De plus, cette mesure est inéquitable et discriminatoire envers les jeunes puisqu'elle vient enlever la parité que le gouvernement du Parti libéral leur avait accordée.

Il va sans dire, M. le Président, que ce caractère obligatoire, accompagné d'une pénalité applicable aux barèmes de base, a été très fortement dénoncé par la grande majorité des groupes en commission parlementaire. Les experts tels que Camil Bouchard ou Alain Noël, professeurs d'université à Montréal, ont tous soutenu que la ministre faisait fausse route, puisque ce régime obligatoire est contre-productif. Contre-productif, parce que, dès le départ, on associe la notion du parcours à la notion de punition. Alors, la menace de punition vient donc briser le lien de confiance qui est essentiel à la réussite d'un parcours. De plus, ce nouveau système obligatoire suscitera des comportements dits de soumission, c'est-à-dire que les personnes les moins motivées s'inscriront dans un parcours uniquement afin d'éviter la sanction. Elles viendront finalement prendre la place des personnes plus motivées qui veulent vraiment s'en sortir. Et, on le sait, ce qui est le plus malheureux, c'est que les parcours seront contingentés. Il est important de mentionner que tous les groupes communautaires n'endossent aucunement cette approche punitive qui suscite la méfiance entre les parties et transforme les groupes communautaires en préfets de discipline.

(11 h 20)

Alors, M. le Président, je suis très surprise de voir que la ministre aille de l'avant avec ce régime obligatoire pour les 18-24 ans. Malgré le fait que la majorité des groupes était contre ce principe obligatoire accompagné d'une pénalité, malgré le fait que son propre ministère, à partir d'une expérience effectuée dans le centre Travail-Québec de Ville Saint-Laurent, avait fait la preuve que c'était contre-productif, la ministre maintient quand même sa position. Cela démontre que, tout au long de la commission parlementaire, la ministre n'a pas vraiment entendu les commentaires et les analyses des experts qui étaient venus faire la preuve que finalement elle était complètement dans l'erreur. M. le Président, ce n'est pas en remplaçant un régime de sécurité du revenu à caractère incitatif par un régime à caractère coercitif qu'on va régler finalement le problème de pauvreté au Québec, et je ne crois pas que c'est en appliquant des pénalités variant entre 150 $ et 300 $ qu'on va aider les jeunes les plus démunis du Québec à s'en sortir. Je suis plutôt convaincue qu'on va les enfoncer davantage dans la trappe de la pauvreté. Comme je l'ai toujours soutenu, M. le Président, autant j'étais contre les mesures appauvrissantes contenues dans le livre vert de la ministre de la Solidarité, autant aujourd'hui je ne peux donner mon accord au projet de loi n° 186 qui, de toute évidence, viendra appauvrir davantage les plus démunis de notre société, et en ciblant particulièrement les jeunes.

Au nom de toutes les personnes qui souffrent des conséquences de la pauvreté, au nom de toutes les personnes qui ont subi l'appauvrissement suite aux décisions de ce gouvernement, et comme le disait si bien la députée d'Hochelaga-Maisonneuve alors qu'elle était dans l'opposition – et maintenant ministre responsable de cette réforme – et je cite la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, à l'époque: «Une coupure, si minime soit-elle à un chèque de bien-être social ou à des besoins spéciaux en matière de santé, de médicaments, de garde d'enfants, c'est une coupure dans le strict minimum, et cela, nous ne pouvons pas le permettre.» M. le Président, vous comprendrez que je ne peux m'associer à ces nouvelles attaques contre les plus démunis de notre société et que je m'oppose avec vigueur à l'adoption du principe du projet de loi n° 186. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe. M. le député.


M. Léandre Dion

M. Dion: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de satisfaction que je prends la parole aujourd'hui sur ce projet de loi. Je viens d'entendre des propos fort émouvants de la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et je ne doute pas de la sincérité de ses sentiments quand elle s'apitoie sur la situation des gens à l'aide sociale. Je pense que nous partageons tous cette vision que c'est une situation difficile à vivre; sauf que ce qui est aussi une chose qu'il faut savoir, c'est qu'il ne suffit pas de s'apitoyer, il faut trouver des solutions.

Vous savez, M. le Président, la situation des assistés sociaux, des gens qui sont à l'aide sociale, elle est difficile. En vertu d'ententes fédérales-provinciales, on avait convenu d'un partage des coûts pour faire en sorte qu'on puisse aider ces gens-là à faire face aux difficultés de la vie. Et vous savez que depuis trois ans près de 2 000 000 000 $ de transferts fédéraux, transferts que le fédéral s'était engagé à faire au Québec dans le domaine de la sécurité du revenu, ont été coupés. Près de 2 000 000 000 $, M. le Président; ça affecte un budget, ça.

Alors, évidemment, notre gouvernement, qu'est-ce qu'il a fait? Il a fait tout ce qu'il a pu pour diminuer l'impact négatif de ces coupes fédérales qui affectaient directement les plus pauvres de notre société, tellement que, malgré qu'on ait eu à couper dans tous les ministères, que ce soit la Voirie, que ce soit la Santé, que ce soit l'Éducation, c'est plus de 400 000 000 $ que notre gouvernement a mis en plus dans le budget de la sécurité du revenu.

Et, pendant que le fédéral coupait comme ça dans ses transferts, il y avait un autre phénomène qui se produisait. Le fédéral a transformé tout le système d'assurance-emploi, d'assurance-chômage, de façon à réduire, en mettant des critères beaucoup plus sévères, le nombre de personnes qui auraient droit aux prestations d'assurance-emploi. Ce qui fait qu'il y a une dizaine d'années c'était 85 % environ des gens qui étaient chômeurs officiels qui recevaient des prestations d'assurance-chômage alors que maintenant c'est 45 %. Qu'est-ce que ça fait, ça, M. le Président? Ça fait culbuter à la sécurité du revenu des gens qui normalement devraient vivre de l'assurance qu'ils se sont payée eux-mêmes. Et, pendant que le fédéral fait cela, M. le Président, qu'est-ce qu'il fait avec l'argent? Il fait des surplus et il va chercher 5 000 000 000 $ pour mettre dans son déficit. Du détournement de fonds, pendant que leurs amis, ici – leur succursale du Québec – ne disent pas un mot de ça. Alors, évidemment, le gouvernement du Québec, qui est celui qui doit faire face à toutes ces situations-là, fait de son mieux pour faire en sorte d'alléger les difficultés immenses que doivent affronter les gens à la sécurité du revenu.

Quel est le problème, M. le Président? C'est quoi, le problème de la sécurité du revenu? C'est ceci. Vous souvenez, M. le Président, quand le gouvernement du Parti québécois a quitté le pouvoir en 1985; depuis trois ans, on assistait à une expansion économique considérable. Les REA, Corvée-Habitation et beaucoup d'autres mesures avaient provoqué une expansion économique et la création de très nombreux emplois. On espérait. Au moment où le Parti libéral a pris le pouvoir, les gens se disaient: Le Parti libéral, c'est le parti de l'économie, donc il va créer des emplois, donc il va prendre des mesures pour stimuler l'économie. L'année 1986 passe, ils ne font rien; 1987, rien; 1988, rien; 1989, encore rien. Ils n'ont rien fait pour alimenter l'économie et pour stimuler la reprise économique. Alors, avec le temps, évidemment l'énergie qu'on avait impulsée à l'économie a fini par s'émousser et a fait en sorte que l'économie a commencé à ralentir. En 1989, déjà, elle ralentissait.

Pendant ce temps-là, qu'est-ce qui se passait, du côté de la sécurité du revenu, M. le Président? Évidemment, il y a eu à peu près pas, très peu, quelques diminutions, un certain nombre de gens qui ont pu quitter la sécurité du revenu et trouver des emplois, mais très peu. Malgré l'essor économique, très peu de personnes en ont profité, dans cette classe de gens qui, à ce moment-là, dépendaient de l'aide de dernier recours. Qu'est-ce qu'on a fait, au niveau du gouvernement libéral? Tout ce qu'on a fait, c'est une campagne de dénigrement, pour les faire passer pour des paresseux qui ne voulaient pas travailler. On a envoyé des boubous macoutes dans les chambres à coucher pour surveiller les gens. On a pris la formule sévère, la formule pour punir des gens qui étaient déjà trop punis par la vie.

Et, quand sont arrivées les années 1989, 1990, alors qu'ici déjà l'économie commençait à s'épuiser parce qu'on n'avait rien fait au niveau du gouvernement pour favoriser l'essor économique, qu'est-ce qui s'est produit? Eh bien, en Ontario, à ce moment-là, il y avait une surchauffe de l'économie. Alors, tout le monde sait que le fédéral, pour protéger l'économie ontarienne, a augmenté les taux d'intérêt et provoqué une récession artificielle deux ans plus tôt que partout ailleurs en Amérique du Nord et en Occident. Et ça, ça a fait mal au Québec. Et c'est de ça dont on a hérité, M. le Président. Alors, c'est ça, le problème qu'il faut régler maintenant.

Alors, qu'est-ce qu'on a fait? Vous savez, M. le Président, toute cette situation qui est faite aux assistés sociaux, cette politique qui avait été menée pendant près de 10 ans par nos prédécesseurs, qui n'ont rien fait pour eux, ça a conduit des centaines de milliers de personnes à l'exclusion sociale. Alors, face à cela, ce qu'on fait, c'est de développer une approche non pas d'exclusion, mais de rassemblement, d'inclusion. On ne veut pas développer comme eux une approche de laisser-aller, de laisser-faire – qu'ils s'arrangent! – et les punir en plus. On veut développer une approche de responsabilité.

Pendant que, sous le régime antérieur, on exacerbait les divisions sociales, pendant que les gens à l'aise disaient que les gens à la sécurité du revenu étaient des paresseux, les gens qui étaient à la sécurité du revenu apprenaient à détester les autres et à se méfier de la société. C'était une politique d'exclusion, une politique d'opposition, une politique de mépris.

Contre ça, contre la politique du poing levé, ce que nous voulons développer, c'est la politique de la main tendue pour que toutes les classes de la société se donnent la main pour développer l'économie et faire en sorte qu'il y ait du travail pour tout le monde. Face à une politique de méfiance, ce que nous voulons développer, c'est une politique de confiance, de confiance en soi, de confiance dans les autres, de confiance dans la société.

(11 h 30)

Et c'est pour ça que toute la loi est bâtie sur cette idée de la confiance: aider, s'entraider, apporter quelque chose de plus à ceux qui font un effort, de façon à donner confiance, de façon à les aider à réaliser leur rêve qui est... Vous savez, M. le Président, quand on parle avec les gens qui sont à l'aide de dernier recours, un par un, l'un après l'autre, qu'est-ce qu'on découvre? Ils sont tous comme nous. Ils sont tous des gens qui veulent faire leur part pour faire fonctionner la société, pour être en mesure de satisfaire leurs propres besoins et aider leurs semblables.

Alors, c'est à réaliser cela que l'on travaille. Pour cela, il faut développer deux choses: il faut développer de l'emploi et il faut développer aussi de l'employabilité. Il faut faire en sorte que les gens soient en mesure d'occuper les emplois disponibles et qu'ils soient en mesure aussi de participer à la création d'emplois.

Alors, M. le Président, la création d'emplois, c'est une chose importante. C'est une chose qui repose sur le dos de tout le monde. Ça repose sur le dos des entreprises, bien sûr, qui emploient des gens et qui ont intérêt à faire en sorte que leurs employés aient intérêt à travailler et à faire des produits de plus en plus performants, avoir une productivité de plus en plus grande pour qu'on puisse avoir des commandes de plus en plus nombreuses et développer l'emploi. Donc, c'est une responsabilité des entreprises. C'est une responsabilité aussi de l'État. L'État a une responsabilité de prendre des politiques fiscales, des politiques monétaires, des politiques de toutes sortes qui soient incitatives, qui incitent les compagnies, qui incitent les entreprises à se développer et à créer de l'emploi.

Mais c'est aussi, M. le Président, la création d'emplois, une responsabilité qui touche tout le monde, quel qu'il soit, qui nous touche nous, personnellement, qui touche aussi les assistés sociaux comme les autres. Ce sont des gens qui non seulement sont capables d'occuper des emplois, mais ce sont des gens qui sont capables de développer aussi des emplois pour les autres. Il faut cesser de les regarder comme des gens qui ne valent pas cher, comme des gens qui n'ont pas grand-chose à apporter, comme des gens qui sont dépendants. C'est une condition qui leur a été faite, mais dont ils ne sont pas heureux et dont ils veulent se sortir.

Qu'est-ce qui se passe quand quelqu'un perd son emploi, tombe à l'aide de dernier recours? Qu'est-ce qui se passe? Ce n'est pas agréable, M. le Président. Un père de famille sort dans la rue, rencontre un ami qui lui demande: Qu'est-ce que tu fais? Ah! pour le moment, je n'ai pas d'emploi. Mais comment est-ce que tu vis? Bien, j'ai l'aide sociale, je vis de la sécurité du revenu. Il n'est pas très fier de dire cela. Ce n'est pas agréable à dire. Alors, il a tendance, de plus en plus, à sortir de moins en moins parce que, quand il rencontre ses amis, il n'est pas fier. Il a tendance à s'exclure lui-même, il a tendance à s'isoler, il a tendance évidemment à dévaloriser ses propres talents. Et la solitude entraînant souvent une dépréciation de la personne fait en sorte qu'avec le temps on devient moins disponible pour travailler, parce que c'est plus difficile d'occuper un emploi parce qu'on a moins confiance en soi.

Alors, ce qu'il faut, M. le Président, c'est renverser la machine. Il faut renverser la vapeur. Il faut faire en sorte de remplacer l'isolement par la participation dans la société. Il faut faire en sorte de remplacer la solitude par des rapports qui soient positifs avec les gens à l'aide de dernier recours. Il faut faire en sorte qu'ils sortent de cet isolement et de remplacer la dépréciation qu'ils peuvent avoir par l'appréciation de tous leurs semblables, de la société tout entière.

Dans ce contexte-là, M. le Président, à Saint-Hyacinthe... Je vais vous parler juste deux minutes d'une expérience que j'ai menée la dernière année avec des gens justement à la sécurité du revenu. Il s'agit de l'expérience de Chantier Québec, où on a justement expérimenté une nouvelle approche pour faire en sorte que ces gens aient l'occasion de réaliser leur rêve, leur rêve de participer à la vie de la société, leur rêve de participer à la vie de leurs semblables, d'apporter leur contribution économique pour transformer les choses. Alors, nous avons créé un groupe comme ça de gens qui, tous les jours, se sont rassemblés, des gens qui n'avaient pas d'emploi et qui se sont rassemblés tous les jours pour discuter de leurs projets d'avenir. Et, avant que l'année ne soit terminée, M. le Président, plus de la moitié de ces gens ont développé leur propre entreprise.

Alors, M. le Président, quand on donne confiance, quand on fait confiance à des gens, quand on leur inspire confiance en eux-mêmes, eh bien, ils sont capables de faire des choses extraordinaires. Et c'est la base même de la réforme de la Loi sur la sécurité du revenu. On ne la change pas complètement, on prend ce qu'il y a de bon et on la transforme. On transforme surtout l'attitude. Il ne s'agit pas uniquement d'accorder des prestations aux gens, M. le Président, il faut faire en sorte de les aider à développer leur rêve, développer leur projet qui est de participer pleinement à la vie de la société.

C'est pour ça, M. le Président, que différentes mesures ont été adoptées. Mme la députée de Rimouski a passé en revue l'ensemble des mesures de la loi. Donc, je ne passerai pas tous les détails, toutes les parties de la loi, je m'attarderai seulement à quelques aspects, comme, par exemple, l'allocation de participation.

On nous dit qu'on avait coupé le barème de disponibilité. C'est exact, M. le Président, mais on sait très bien, tout le monde sait que le barème de disponibilité donnait lieu à des distorsions considérables. Vous aviez des personnes seules, hommes ou femmes, dans la force de l'âge qui se déclaraient disponibles, certaines. Donc, elles avaient droit à ce barème-là. À côté d'elles, vous aviez des jeunes femmes avec un, deux enfants qui étaient considérées non disponibles, il fallait qu'elles s'occupent des enfants. Donc, alors que ces femmes-là n'y avaient pas droit, ceux qui étaient seuls, qui étaient disponibles pour travailler y avaient droit, c'est-à-dire ceux qui se déclaraient disponibles.

Alors, ce qu'on veut, M. le Président, c'est aller au-delà des déclarations et régler les vrais problèmes, de telle sorte que toutes les personnes puissent vraiment avoir le moyen et l'occasion de retourner à l'emploi. C'est pour ça qu'une allocation de participation sera donnée, de 120 $, à toutes les personnes qui vraiment s'insèrent dans un processus de cheminement vers l'emploi, que ce soit en suivant des cours, que ce soit en suivant des stages ou que ce soit en commençant à travailler.

Une autre chose. Il y aura une prestation spéciale pour une personne qui trouve un emploi ou développe un emploi, une prestation de 500 $. Le problème qu'on avait autrefois était celui-ci: les gens qui bénéficiaient de l'aide de dernier recours avaient droit à un certain nombre de choses, par exemple les médicaments, les lunettes, les dents, toutes ces choses-là gratuitement, alors qu'une personne qui sortait de la sécurité du revenu et qui prenait un emploi à revenus modestes perdait tous ces avantages-là et se retrouvait dans une situation pire. Quelqu'un, par exemple, qui avait trois ou quatre enfants, il risquait très fort de ne pas pouvoir les faire soigner. Alors, on a mis en place l'assurance-médicaments. Pourquoi tout cela? Pour qu'il soit clair qu'il y a avantage à devenir un travailleur ou une travailleuse. C'est pour ça que la loi est organisée de cette façon-là.

Alors, M. le Président, l'objectif de la loi, c'est quoi? L'objectif de la loi, c'est d'aider les personnes qui sont actuellement à l'aide de dernier recours, les aider, mais les aider efficacement. Nous savons que la meilleure façon d'aider ces gens, c'est de leur permettre d'en sortir, de s'en sortir et de participer comme tout le monde à la vie de la société, et c'est à ça qu'on s'emploie.

C'est ce qui fait, M. le Président, que, depuis un an, on a assisté au Québec à près de 100 000 emplois nouveaux qui ont été créés. Ça, c'est grâce à un effort de tout le monde: les entreprises; on a eu le Sommet économique qui a permis de créer tout un mouvement, ou d'encourager, ou de stimuler un mouvement de création d'emplois; il y a eu le Fonds de lutte à la pauvreté; il y a eu une prise en charge, de l'ensemble des gens – les industriels, les possédants, comme les autres, les groupes communautaires, les syndicats – du phénomène du développement économique. Tout cela doit s'intégrer dans un processus qui fera en sorte qu'on pourra aider les gens à l'aide de dernier recours, mais les aider efficacement. La façon de les aider efficacement, c'est quoi? C'est de leur permettre de s'en sortir et de s'en sortir la tête haute. C'est ça, l'objectif de la loi, M. le Président.

(11 h 40)

Je félicite Mme Harel d'avoir su mener cette consultation depuis le début. En faisant la consultation, elle a amené tout le monde à se mettre autour de la table et à chercher des bonnes solutions. Et les bonnes solutions, elles sont dans la loi, ce qui va faire qu'on va assister de plus en plus à une diminution du nombre de personnes à l'aide sociale. Actuellement, il y a 60 000 ménages de moins cette année à l'aide sociale. Pourquoi? Parce qu'on a tout fait pour les aider à s'en sortir.

Alors, M. le Président, si, avec la vieille loi, qui présentait un tas d'embûches, un tas d'obstacles, on a réussi à faire cela, à faire en sorte que 60 000 ménages quittent l'aide sociale, tout ce qu'on pourra faire avec une loi rajeunie, qui va mettre l'accent sur l'essentiel, qui va mettre l'accent sur ce qu'il y a de plus important: la dignité de la personne, la fierté de la personne, qu'elle soit à l'aide sociale ou autrement, la confiance en elle et la confiance dans la société... Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Hyacinthe. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. J'écoutais, il y a quelques instants, mon collègue le député de Saint-Hyacinthe et j'ai l'impression qu'on ne parle pas du même projet de loi, on ne parle pas de la même réalité. Le député de Saint-Hyacinthe faisait référence au fait que le gouvernement avait ajouté, semble-t-il, 400 000 000 $ au programme d'aide sociale. C'est tout à fait le contraire. Au cours des deux dernières années, il y a eu des coupures de 400 000 000 $. Alors, je pense, M. le Président, qu'on va avoir l'occasion, au cours de mon exposé, de faire référence à ce qui s'est passé dans la réalité des choses.

Alors, le projet de loi n° 186 est évidemment un projet de loi extrêmement important, et, si on ne fait que lire deux paragraphes qui situent l'ampleur du projet de loi, on dit, dans les notes explicatives:

«Ce projet de loi prévoit des mesures, programmes et services dans les domaines de la main-d'oeuvre et de l'emploi visant à favoriser l'autonomie économique et sociale des personnes et à les aider dans leurs démarches d'intégration, de réintégration ou de maintien en emploi.

«Le ministre de l'Emploi et de la Solidarité peut, à ces fins, accorder une aide financière et offrir aux personnes des services d'information, d'orientation, et de placement. Il peut également proposer à une personne de réaliser certaines activités dans le cadre d'un "Parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi".»

M. le Président, le principe est très louable, et là-dessus nous n'avons évidemment qu'à appuyer le gouvernement sur le principe. Le problème, c'est de regarder quels sont les moyens que prend le gouvernement et dans quel contexte se situe ce projet de loi n° 186, et on va voir que la réalité est très différente des beaux principes énumérés dans les notes explicatives.

M. le Président, actuellement, le projet de loi est important, et c'est la raison pour laquelle j'ai voulu intervenir à cette étape de l'adoption de principe, parce que le projet de loi va toucher plus de 730 000 personnes au Québec, dont 225 000 enfants. Ce sera des personnes, ce sera des individus les plus démunis de notre société.

Je crois que, comme parlementaires, des deux côtés de la Chambre, on a l'obligation, la responsabilité et le devoir de protéger ces gens-là qui sont les gens qui sont actuellement en situations les plus difficiles dans notre société. Alors, ce n'est pas un projet de loi comme un autre type de projet de loi qui peut toucher différents programmes gouvernementaux; dans ce cas-là, on touche à la population des Québécois les plus démunis. Alors, c'est extrêmement important et c'est la raison pour laquelle il est important d'intervenir dans le cadre de ce projet de loi.

Malheureusement, ce qu'on doit observer, c'est que ce projet de loi est essentiellement une opération de maquillage. Ma collègue la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne a fait référence, tout à l'heure, au fait qu'on changeait les noms. Effectivement, je pense que pour beaucoup là-dedans on fait une opération de maquillage pour cacher tout simplement la stricte vérité. La stricte vérité, c'est qu'on coupe dans l'aide sociale. On coupe depuis deux ans dans l'aide de dernier recours, M. le Président, qu'on fournit aux citoyens de notre société qui sont en difficulté, qui sont les plus démunis de notre société. C'est ça, l'importance de ce projet de loi.

Si on regarde exactement quel est le contexte actuel dans lequel se situe le projet de loi n° 186, c'est qu'il faut observer d'abord que jamais, jamais un gouvernement québécois ne s'est attaqué avec autant de véhémence à cette catégorie de citoyens, ceux qui sont obligés d'avoir recours à l'aide sociale, à un programme d'aide de dernier recours parce qu'ils n'ont plus d'autre choix. Jamais un gouvernement du Québec ne s'est attaqué à cette catégorie avec autant de véhémence, que j'ai mentionné.

On remarque actuellement que, au cours des dernières années, le nombre de recours aux banques alimentaires, par exemple dans la région de Montréal, a augmenté de 50 %. C'est pitoyable, M. le Président, quand on a à faire part de ces chiffres, de voir que les gens, pour se nourrir, sont obligés d'aller dans des banques alimentaires et que, au cours des dernières années, il y a eu une augmentation de près de 50 %. Il faut se poser des questions sur les gestes concrets que pose le gouvernement.

Le taux d'itinérance, M. le Président. On n'a qu'à se promener dans les rues de Montréal pour s'apercevoir que, depuis quelques années, c'est effarant. C'est effarant et c'est malheureux de constater que, à tous les coins de rues, on a de plus en plus de personnes qui vivent dans une situation d'itinérance. C'est absolument intolérable et inacceptable pour une société comme la nôtre.

Parlons, M. le Président, du taux de suicide. Et le taux de suicide, il faut bien comprendre que c'est quand les gens ne voient plus aucune possibilité que les gens en sont forcés d'arriver à des gestes aussi dramatiques. Et ça, M. le Président, ça se passe au Québec. Le taux de suicide le plus élevé à travers le Canada, il se situe au Québec et à Terre-Neuve. Alors, c'est souvent dans cette catégorie de personnes qui sont touchées par le projet de loi n° 186 qu'on observe des gestes aussi inacceptables.

La pauvreté, M. le Président. On n'a qu'à regarder les indices et on s'aperçoit que la pauvreté est la plus forte au Québec et également dans la province de Terre-Neuve. Alors, il faut regarder dans quel contexte se situe ce projet de loi.

Au cours de la dernière année, depuis août 1986, il y a plus de 30 000 personnes qui ne sont plus sur l'aide sociale, et on s'en réjouit. Je pense que, avant de se réjouir qu'il y ait 30 000 personnes de moins sur l'aide sociale, il faut d'abord se poser la question: Qu'est-ce qui peut expliquer cette réalité, M. le Président? Cette réalité, elle ne s'explique certainement pas par une reprise économique. Ce n'est pas vrai que ces 30 000 personnes là ont trouvé de l'emploi et, maintenant, sont sur le marché du travail. On aura l'occasion d'y revenir un peu plus loin. Ce n'est pas également parce qu'on continue d'offrir les mêmes services de dernier recours qu'on offrait avant. Ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait en sorte qu'une grande quantité des citoyens qui étaient éligibles à l'aide sociale ne le soient plus présentement, et c'est pour ça que le nombre a diminué, tout simplement parce qu'on les a exclus de l'aide sociale sans nécessairement leur permettre d'avoir un emploi.

On a fait également en sorte que les personnes de 60 ans et plus, qui pouvaient ne pas retirer leur rente mais avoir accès à l'aide sociale, maintenant on les oblige, à compter de 60 ans... Et on sait qu'une personne qui perd son emploi à 60 ans a énormément de difficultés à se trouver de l'emploi. On les oblige à retirer leur régime de rentes même si ce fait va avoir un impact sur les années futures au niveau de la capacité qu'ils auront à retirer des rentes plus élevées. Et, tout simplement, M. le Président, ce faisant, on les exclut d'un recours à l'aide sociale.

Pour toutes ces raisons, je crois qu'on peut certainement se questionner beaucoup sur les raisons qui font en sorte que nous observons aujourd'hui une diminution de 25 000 à 30 000 familles sur l'aide sociale. Ça n'est certainement pas, encore une fois, parce que la situation économique du Québec va bien.

Quand on regarde d'une façon plus détaillée ce que comprend le projet de loi n° 186, on remarque tout simplement que ce sont des coupures qui font en sorte qu'on donne de moins en moins aux individus. Je vais juste les énumérer rapidement. On élimine le barème de disponibilité de 50 $ par mois – éliminé, M. le Président.

On élimine le fait que les gens pouvaient avoir une petite réserve pour faire face à l'imprévu. Maintenant, ces gens-là n'ont plus le droit d'avoir de petite réserve, à ce moment-là ils seront pénalisés. Alors, on élimine cette possibilité-là, que les gens puissent se constituer un petit fonds pour faire face à certains imprévus.

On réduit le barème de participant à des mesures actives, qui était de 150 $, on le ramène à 120 $ par mois.

On met en place un processus individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi. Il faut bien se questionner, par exemple, M. le Président que, quand on met un programme comme ça, il faut regarder quelles sont les ressources financières que le gouvernement met en place pour répondre à cet objectif-là. Les ressources financières que le gouvernement met sont extrêmement minimes.

Dernier point, M. le Président, on traite d'une façon discriminatoire la situation des gens sur l'aide sociale qui ont entre 18 et 24 ans. Notre parti avait accordé la parité à cette catégorie de personnes là de façon à ce qu'elles soient traitées de la même façon que tous les autres assistés sociaux. Le gouvernement actuel ramène une discrimination en les forçant, en les obligeant à poser certains gestes.

(11 h 50)

Maintenant, quelles sont les réactions du milieu, et je pense aux personnes les premières concernées, les assistés sociaux? Les assistés sociaux, M. le Président, contrairement à ce que pouvait laisser entendre le député de Saint-Hyacinthe, ne sont pas venus ici, en face du parlement, camper durant plusieurs semaines parce que ça allait bien dans le système de sécurité sociale. Ce n'est certainement pas parce que, contrairement à ce que disait le député quand il affirmait qu'on allait ajouter 400 000 000 $... Ces gens-là ne sont pas venus ici, en face du parlement, pour se plaindre qu'on avait ajouté 400 000 000 $; ils sont venus se plaindre parce qu'on avait coupé 400 000 000 $, M. le Président, au cours des dernières années.

De quelle façon ces gens-là se sentent traités? Je pense qu'il y a un article qui est paru récemment, le 10 janvier, où tout simplement le titre – c'est un article qui est écrit par des gens qui travaillent avec les assistés sociaux – nous dit: «Aucune personne pauvre ne peut sentir, à travers le projet de loi n° 186, qu'on l'apprécie, qu'on lui fait confiance, qu'on tient compte d'elle et de ses besoins, qu'on cherche à remédier à ce qui la rend pauvre». Voilà, M. le Président, le jugement que posent les gens les plus démunis, encore une fois, de notre société, qui regardent les gestes que le gouvernement actuel est en train de poser.

Et ce qui est le plus odieux, M. le Président, dans toute cette opération, c'est que le gouvernement a laissé croire aux gens tout autre chose, et ce, à de multiples reprises. On n'a qu'à regarder le programme politique du PQ au moment de l'élection. En 1994, c'était facile de parler.

Et on dit: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» M. le Président, je vous ferai remarquer que ça ne fait pas 12 mois, là, depuis 1994. Ça va faire quatre ans dans quelques mois, et il n'y a rien de réglé. Alors, on avait dit qu'on réglerait ça dans 12 mois, qu'on éliminerait les éléments punitifs. C'est justement ce qu'on est en train de faire: on en inclut, des éléments punitifs, entre autres, pour la catégorie des jeunes de 18 à 24 ans, où on va leur couper l'allocation sociale d'une façon telle que ça devient absolument ridicule pour un jeune qui se retrouverait dans une situation comme ça.

«La barème actuel sera maintenu et indexé en fonction de l'indice du coût de la vie.» Ça n'a jamais été fait, M. le Président, et ça, on promettait ça en 1994, les gens d'en face.

«Les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit.» Allez demander, M. le Président, aux jeunes de 18 à 24 ans s'ils considèrent que le gouvernement a rempli son engagement à ce niveau-là quand on les traite d'une façon discriminatoire, qu'on les traite d'une façon différente de tous les autres assistés sociaux. Encore là, M. le Président, double discours, double langage.

«Tous les prestataires qui le demanderont pourront participer à un programme de soutien et d'encadrement reconnu par le ministère. Après coup, ils auront accès à un bon d'emploi qui leur facilitera l'entrée sur le marché du travail.» Tout ce qu'on peut observer, M. le Président, c'est qu'on ne met pas les ressources financières nécessaires pour permettre aux jeunes, à tous les jeunes, à toutes les personnes, en fait, à tous les assistés sociaux de pouvoir se retrouver dans un programme d'insertion vers l'emploi. Et l'autre problème fondamental, c'est que ce gouvernement, compte tenu de son incapacité à créer la croissance économique, de son incapacité de créer de l'emploi, fait en sorte qu'ils ne peuvent pas réaliser cette chose-là. Et on ne parle pas a priori. On parle a posteriori, quand on regarde ce qui s'est passé au cours des quatre dernières années. C'est bien beau de dire: On va vous aider, on va vous pousser vers l'emploi, mais le gouvernement actuel est absolument incapable de créer de l'emploi au Québec.

«La définition de "conjoint de fait" utilisée actuellement dans la loi de l'aide sociale est un concept arbitraire et discriminatoire à l'égard des femmes assistées sociales.» Est-ce qu'on a réglé ça, M. le Président? Non, et le projet de loi n° 186 n'en parle pas non plus.

Alors, voilà de beaux exemples de double langage. On a promis des choses à la population, on a promis ça aux gens qui sont en difficulté dans notre société et on les a trompés, M. le Président. Ce n'est pas ce qui s'est passé.

Ma collègue, tout à l'heure, citait la ministre actuelle de la Solidarité et de l'Emploi où elle nous disait, au moment où elle était dans l'opposition, en 1987: «Une coupure, si minime soit-elle, à un chèque de bien-être social ou à des besoins spéciaux en matière de santé, de médicaments, de garde d'enfant, c'est une coupure dans un strict minimum, et cela, nous ne pouvons pas le permettre. Il est impossible de décrire, au moyen des mots seulement, les effets dévastateurs, les torts qu'on risque de faire subir à la santé physique et au bien-être psychologique des gens qui doivent vivre sous le seuil que représente le minimum vital absolu.» M. le Président, c'était la ministre actuellement responsable de ces coupures qui disait ça, en 1987, quand elle était dans l'opposition.

Et qu'est-ce qu'elle nous dit maintenant? Le 8 février dernier – ça ne fait pas longtemps, M. le Président – alors qu'elle fait des coupures qui n'ont pas respecté leurs engagements dans le programme du PQ de 1994, elle nous dit, tout récemment, dans un article qui est paru dans le journal Le Soleil : «"Gelées depuis 1994, les prestations d'aide sociale devront tenir compte de la hausse du coût de la vie le plus tôt possible", affirme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité. "La question du relèvement des prestations a été mise de côté l'automne dernier, mais on n'y échappera pas", a assuré la ministre lors d'une entrevue accordée au Soleil . Mme Louise Harel demande un peu de patience aux groupes de défense des droits des assistés sociaux: "Réglons d'abord ce qui est sur la table; une fois que ce sera fait, on engagera les débats sur les indexations."»

Comment pensez-vous, M. le Président, que la population du Québec peut croire ce que les gens d'en face nous disent? On a promis des choses, on fait le contraire, on coupe dans l'aide sociale et, au moment où on étudie un projet de loi qui a pour effet de couper dans l'aide sociale, la ministre nous dit qu'on va s'occuper de l'indexation, qu'on va faire ça après.

Écoutez, M. le Président, est-ce qu'il n'y a pas là des contradictions assez évidentes? On est en train d'étudier un projet de loi qui coupe, qui n'a jamais indexé les barèmes, et elle nous dit qu'il va falloir qu'on s'en occupe. Alors, on se demande où ce gouvernement-là s'en va.

Le premier ministre – évidemment, il n'a pas donné l'exemple plus que les autres – dans son discours d'assermentation, le 29 janvier 1996, nous disait: «Il n'y aura donc pas, au Québec, de massacre à la tronçonneuse, nous ne tournerons pas le dos à la solidarité et à la compassion. Le voudrait-on que nous ne le pourrions; ce serait, pour nous, Québécois, contre nature.» Écoutez, M. le Président, ça fait quatre ans que ces gens-là font exactement le contraire de ça, et, depuis que le premier ministre est en fonction, le premier ministre actuel, il continue sur la même lignée et, même, il l'accentue.

Il nous disait aussi, dans le même discours, son discours d'assermentation: «Nous voulons que notre État ne soit pas appauvri. Ce serait un comble si, pour y arriver, nous appauvrissions les Québécois.» Les Québécois n'ont jamais été aussi pauvres, M. le Président. Regardons tout simplement les revenus annuels moyens et on s'aperçoit que c'est le cas.

M. le Président, on pourrait poursuivre – vous me faites signe que le temps achève – on pourrait démontrer d'une façon très claire – je n'ai malheureusement pas le temps de le faire – que ce gouvernement, à cause de son option politique, à cause également d'une foule d'autres préoccupations, est absolument incapable de créer de l'emploi, ce qui est la vraie solution au Québec. Créer un climat favorable à la croissance économique, créer un climat favorable à la création d'emplois, c'est la seule façon d'éliminer la pauvreté, c'est la seule façon de faire en sorte que des gens ne se retrouvent pas sur l'aide sociale, parce qu'ils auront eu la chance de travailler.

Alors, M. le Président, ce gouvernement-là a démontré depuis quatre ans son incapacité à ce niveau-là. Alors, c'est clair que, dans ce contexte, nous allons voter contre le projet de loi n° 186 et que la population du Québec va se souvenir du double langage du gouvernement actuel et va s'en souvenir à la prochaine élection, parce que c'est totalement inadmissible, ce que ce gouvernement-là a fait à la catégorie de personnes la plus démunie de notre société. On les a attaquées d'une façon absolument inacceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de l'Acadie. Étant donné l'heure, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 heures)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien, veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes.


Présentation de projets de loi

Puisqu'il n'y a pas de déclarations ministérielles, nous allons aller à la présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article b.


Projet de loi n° 411

Le Président: À l'article b du feuilleton, Mme la ministre de la Culture et des Communications présente le projet de loi n° 411, Loi modifiant la Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal et la Loi sur la Société du Grand Théâtre de Québec. Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Ce projet de loi modifie la Loi sur la Société de la Place des Arts de Montréal et la Loi sur la Société du Grand Théâtre de Québec. Les modifications apportées à chacune de ces lois sont identiques.

Ce projet de loi modifie le mode de nomination des membres du conseil d'administration des deux sociétés afin de prévoir la consultation d'organismes socioéconomiques et culturels.

Ce projet de loi confie aux deux sociétés le mandat d'exploiter une entreprise de diffusion des arts de la scène et d'administrer leur établissement respectif ou tout autre établissement dont le gouvernement leur confie la gestion. Il précise que leurs activités ont particulièrement pour but de procurer un lieu de résidence aux organismes artistiques majeurs, de favoriser l'accessibilité aux diverses formes d'art de la scène et de promouvoir la vie artistique et culturelle au Québec.

Par ailleurs, ce projet de loi autorise les deux sociétés à produire, coproduire ou présenter au public des oeuvres artistiques du Québec et de l'étranger et à organiser des activités visant la sensibilisation et l'accroissement du public. Il permet aux sociétés d'offrir des services particuliers aux organismes artistiques et aux producteurs, d'établir une politique de fonctionnement à cet égard et de se doter d'équipements spécialisés afin de répondre aux besoins spécifiques de ceux-ci.

Ce projet de loi prévoit également l'obligation pour les deux sociétés de faire approuver par le ministre leur plan triennal d'activité qui devra tenir compte des orientations et objectifs donnés par ce dernier.

Enfin, ce projet de loi contient une disposition transitoire et certaines modifications d'harmonisation avec le Code civil du Québec.

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys.

Mme Frulla: M. le Président, est-ce que la ministre prévoit des consultations?

M. Jolivet: Je vais vérifier et on donnera la réponse subséquemment.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.

M. leader du gouvernement.

M. Jolivet: Veuillez prendre en considération l'article c.


Projet de loi n° 412

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce présente le projet de loi n° 412, Loi modifiant la Loi sur les matériaux de rembourrage et les articles rembourrés. M. le ministre délégué.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Alors, ce projet de loi modifie la Loi sur les matériaux de rembourrage et les articles rembourrés afin de prévoir la délivrance d'un nouveau permis, soit le permis d'artisan, et de soustraire du champ d'application de la loi certaines catégories d'articles rembourrés. Il permet également au gouvernement d'établir par règlement différentes classes de permis d'artisan.

Des voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le leader du gouvernement.


Réponses à des questions inscrites au feuilleton

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je dépose les réponses aux questions 42, 43 et 44 inscrites au feuilleton du 18 décembre 1997 par le député de Lévis.


Rapport de mission de la réunion du Bureau de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, en Guadeloupe

Le Président: De mon côté, je dépose le rapport d'une mission que j'ai effectuée à la réunion du Bureau de l'Assemblée internationale des parlementaires de langue française, tenue à Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, du 14 au 16 décembre dernier. J'ai participé à cette réunion en ma qualité de vice-président de l'AIPLF.

Préavis d'une motion des députés

de l'opposition

Par ailleurs, j'ai reçu dans les délais prescrits préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, conformément à l'article 97, alinéa un du règlement. Alors, je dépose copie de ce texte.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, Mme la députée de Jean-Talon n'est pas ici, alors M. le député de Crémazie.

M. Campeau: M. le Président, je demande l'autorisation de cette Assemblée afin de déposer l'extrait d'une pétition non conforme.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement? Il y a consentement, M. le député.


Cesser les compressions budgétaires dans le réseau collégial

M. Campeau: Je dépose l'extrait d'une pétition par 1 533 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Crémazie.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le réseau collégial a absorbé plus de 200 000 000 $ de compressions depuis 1992-1993 dont 136 000 000 $ au cours des deux dernières années seulement, entraînant, entre autres, de multiples pertes d'emplois;

«Considérant que les étudiants n'ont plus accès aux services auxquels ils ont droit, conséquence directe de la surcharge de travail du personnel de soutien, des professionnels, des cadres et du corps professoral;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, exigeons du gouvernement du Québec et du ministère de l'Éducation: qu'ils cessent les compressions budgétaires dans le réseau collégial; qu'ils investissent dans le réseau collégial pour garantir la mission et les objectifs de ce réseau, notamment en bonifiant le régime des prêts et bourses; qu'ils rétablissent la gratuité scolaire.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Mme la députée de Jean-Talon.


Intervenir en faveur du personnel temporaire de la fonction publique oeuvrant dans la région de Québec–Chaudière-Appalaches

Mme Delisle: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée aux membres de l'Assemblée nationale par près de 5 000 pétitionnaires, membres du Syndicat de la fonction publique du Québec oeuvrant dans la région de Québec–Chaudière-Appalaches.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Depuis 1991, le gouvernement du Québec a procédé au recrutement de personnels réguliers pour combler ses besoins en effectifs. Parmi les milliers de postes ainsi créés, quelque 200 furent abolis avant que les personnes occupant ces postes puissent atteindre le statut de permanent (deux ans).

«En 1994, l'employeur et le Syndicat de la fonction publique du Québec (SFPQ) ont signé une lettre d'entente pour privilégier l'embauche du personnel temporaire. Une liste de rappel prioritaire fut établie dans le but de replacer ces personnes sur des postes occasionnels en attendant leur nomination sur des postes permanents. Depuis cette époque, seulement quelques personnes ont été nommées sur des postes réguliers (il n'y a pratiquement pas eu d'embauche de personnel permanent depuis quatre ans). La liste de rappel vient bientôt à échéance pour ce personnel qui s'est qualifié sur de longs et coûteux concours de recrutement et rien ne semble indiquer que ces personnes retrouveront ces emplois qui leur furent enlevés.

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Considérant que ces personnes sont les victimes d'une opération administrative qui ne règle en rien les problèmes financiers de l'État;

«Considérant que ces mises à pied ne sont pas une économie pour l'État qui a consacré beaucoup de temps et d'argent pour recruter et former ces personnes;

«Considérant que ces personnes sont les mieux placées pour générer des économies pour l'employeur, puisqu'elles sont déjà en poste, formées et compétentes;

«Considérant que dans quelques mois la majorité des personnes inscrites sur la liste de rappel auront perdu leur droit de rappel prioritaire à des postes occasionnels et réguliers;

«Considérant que la moyenne d'âge élevée (43,8) dans la fonction publique, l'attention et les nombreux départs volontaires à la retraite devraient inciter l'État à réviser sa politique d'embauche;

(14 h 10)

«Considérant que les mises à pied définitives de ces personnes ne feront que grossir les rangs des sans-emploi dans notre région qui est déjà très affectée par les coupures de postes au sein de la fonction publique du Québec, ce qui n'est pas créateur de richesse mais d'appauvrissement collectif;

«Nous, soussignés, demandons aux membres de l'Assemblée nationale d'intervenir en faveur du personnel temporaire (180 personnes) de la fonction publique du Québec afin de corriger l'injustice commise à leur endroit.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Très bien. Cette pétition est également déposée. M. le député de Drummond.

M. Jutras: Oui, M. le Président, je demande l'autorisation de déposer une pétition qui n'est pas conforme.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


Cesser les compressions budgétaires dans le réseau collégial

M. Jutras: Alors, je dépose donc l'extrait d'une pétition signée par 1 223 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Drummond.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Attendu que le réseau collégial a largement contribué à la réduction du déficit budgétaire, les cégeps ont absorbé plus de 200 000 000 $ de compressions depuis 1992-1993, dont 136 000 000 $ au cours des deux dernières années seulement;

«Attendu que toutes les catégories de personnel cadre, professionnel, de soutien, enseignant ont vu leur tâche augmentée et que les étudiantes et les étudiants n'ont plus accès aux services auxquels ils seraient en droit de s'attendre;

«Attendu que les salaires des employées et des employés des cégeps sont largement en retard par rapport aux emplois comparables dans d'autres secteurs publics ou privés;

«Attendu que, depuis deux ans, les gens susceptibles de prendre leur retraite ont été incités à le faire et qu'un très grand nombre de personnes éligibles a adhéré à cette proposition;

«Attendu la hausse des frais exigés des étudiantes et des étudiants au moment même où le régime des prêts et bourses devient de moins en moins généreux et accessible;

«Attendu que la qualité de la formation est essentielle tant à la réussite scolaire qu'au développement social, économique et culturel du Québec et qu'elle ne peut plus souffrir de coupures pour se maintenir;

«Attendu que les compressions budgétaires annoncées pour l'année 1998-1999 sont de plus de 82 000 000 $;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons au gouvernement du Québec et au ministère de l'Éducation de renoncer à toutes nouvelles compressions budgétaires dans les cégeps et de maintenir les ressources nécessaires à l'enseignement collégial.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, très bien. Cette pétition est également déposée.


Questions et réponses orales

Puisqu'il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, nous allons immédiatement aborder la période des questions et des réponses orales. Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Services de garde à 5 $ pour les enfants de trois ans

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Le silence de la ministre de la Famille face à l'implantation, pour septembre prochain, des places en garderie à 5 $ pour les enfants âgés de trois ans génère beaucoup d'incertitude et surtout du mécontentement de la part des parents et des intervenants des centres de la petite enfance. Je rappelle à la ministre que les garderies à 5 $ sont la pierre angulaire de la politique familiale annoncée en grande pompe par le premier ministre lors du dernier sommet socioéconomique. Pour mettre en place ces garderies à 5 $, le gouvernement du Parti québécois a sacrifié l'universalité des allocations familiales, a aboli les allocations à la naissance et a coupé les allocations pour les jeunes enfants.

La ministre de la Famille peut-elle nous dire si, oui ou non, les services de garde à 5 $ pour les enfants de trois ans seront disponibles en septembre prochain?

Le Président: Mme la ministre de la Famille et de l'Enfance.

Mme Marois: Alors, heureusement, M. le Président, qu'à l'égard de la famille je n'ai pas attendu les propositions de l'opposition, parce qu'on n'aurait pas fait grand-chose à cet égard-là.

M. le Président, c'est plus de 2 800 000 000 $ que nous investissons auprès de l'aide aux familles soit par de l'aide directe aux familles à bas revenus ou soit par de l'aide directe à toutes les familles, peu importe leur revenu, soit par des mesures fiscales ou par de l'accessibilité à des services de garde.

Et, oui, les services de garde à 5 $ sont là pour rester, M. le Président. Nous avons été à cet égard, d'ailleurs, victimes de notre succès, puisque nous avions prévu le développement de places en services de garde, pour les quatre ans, de l'ordre de 30 000 places et que, dans les faits, c'est 35 000 places qui sont actuellement disponibles soit dans les centres de la petite enfance, en installation, en milieu familial ou aussi dans nos prématernelles quatre ans, qui sont donc accessibles pour les parents, et même, dans certains cas, pas à 5 $, mais complètement gratuitement.

Alors, nous évaluons actuellement la façon de continuer à développer les services de garde à 5 $ pour les enfants de trois ans, selon un échéancier, oui, qui s'étalera dans le temps, mais où nous respecterons les engagements à l'égard des familles, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, comment la ministre peut-elle refuser de s'engager, de promettre les garderies à 5 $ pour septembre prochain? Et réalise-t-elle, M. le Président, que son refus est l'équivalent d'une arnaque envers les familles québécoises?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je pense qu'on est un peu malvenu, M. le Président, d'utiliser de tels propos, compte tenu de l'investissement considérable que nous avons fait à l'égard des familles. Et, en ce sens, il est évident, et les garderies sont prévenues puisque nous sommes régulièrement en discussion avec celles-ci, les centres à la petite enfance sont prévenus que très bientôt nous procéderons à l'annonce, d'une part, du développement du nombre de places prévues pour les années à venir, du rythme du développement pour les places à 5 $, parce ce que, effectivement, cette politique est là pour rester, de même que d'autres mesures qui viendront encore améliorer la politique à l'égard des familles.

Cependant, j'aimerais aussi rappeler, M. le Président, aux membres de cette Assemblée que, si Ottawa, au lieu de procéder comme il le fait, en envoyant directement des chèques aux familles, nous transférait les sommes, cela...

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Si effectivement Ottawa nous transférait les sommes qu'il prévoit envoyer en allocations aux familles, que nous envoyons déjà, d'ailleurs, M. le Président, et qu'il nous transférait donc ces sommes, cela nous faciliterait la planification de l'ensemble des services que nous voulons offrir aux familles québécoises.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, le premier ministre du Québec a pris un engagement envers les familles québécoises, la ministre a pris un engagement devant les familles québécoises, ce n'est pas le gouvernement fédéral. Allez-vous respecter...

Des voix: ...

Le Président: En complémentaire, Mme la députée. Posez votre question.

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Allez-vous respecter votre parole? Allez-vous respecter la parole du premier ministre du Québec? Allez-vous respecter l'engagement que vous avez fait envers les familles québécoises d'implanter pour septembre prochain des garderies à 5 $ pour les enfants de trois ans, oui ou non?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je redis aux membres de cette Assemblée, M. le Président, que nous avons respecté notre parole, que nous avons même investi davantage que ce qui était prévu à l'égard des familles québécoises et que c'est en ce sens que nous continuerons notre action à leur égard.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Compressions budgétaires dans les écoles primaires et secondaires

M. Ouimet: Merci, M. le Président. La situation dans les écoles primaires et secondaires du Québec est rendue critique, et là la ministre ne pourra pas blâmer Ottawa. Les parents, les enseignants et les directions d'écoles ont sonné l'alarme l'automne dernier. En effet, les élèves sont privés de manuels scolaires dans deux écoles sur trois et les enfants n'ont presque plus accès aux services professionnels.

Aujourd'hui, on apprend que le gouvernement du Parti québécois va couper 200 000 000 $ aux élèves. Pourtant, afin de soulager les coupures budgétaires, la ministre avait promis que les économies découlant des fusions des commissions scolaires, le 100 000 000 $, seraient réinjectées dans les services aux élèves et dans le transport scolaire. Or, M. le Président, rien dans les règles qui ont été acheminées aux commissions scolaires la semaine dernière ne laisse voir quoi que ce soit dans ce sens.

(14 h 20)

Alors, ma question: La ministre de l'Éducation peut-elle nous expliquer où s'appliqueront les coupures budgétaires cette année et pourquoi les enfants ne pourront pas bénéficier et profiter des économies des fusions des commissions scolaires, comme elle l'avait promis?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je croyais que la première intervention de notre collègue le député de Marquette, en se levant devant cette Assemblée pendant la période des questions, ce serait d'abord pour féliciter les élèves du Québec, qui ont eu les meilleurs résultats en mathématiques de tous les élèves canadiens qui ont participé au concours.

Des voix: Bravo!

Mme Marois: J'en profite d'ailleurs pour féliciter et les élèves et les professeurs qui ont su les accompagner pour leur permettre d'obtenir de si bons résultats. D'ailleurs, le député n'est pas revenu non plus sur la question des manuels scolaires, puisqu'il sait très bien, comme le titrait La Tribune de Sherbrooke, que la bombe leur est sautée entre les mains en ce qui a trait à ces chiffres qu'ils ont littéralement tripotés, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre, vous comprendrez que la présidence ne peut pas accepter ce type de propos et qui prêtent des intentions à des collègues. Alors, je vous demanderais de formuler votre réponse en évitant d'utiliser des propos qui prêtent des intentions à des collègues.

Mme Marois: M. le Président, je suis prête à retirer le terme et à utiliser «manipulés». Je n'ai aucun problème avec ça, puisque, dans les faits, commentaire après commentaire, on se rend compte qu'on a voulu faire dire à peu près n'importe quoi aux chiffres que l'on a utilisés et présentés à sa façon. Ça explique d'ailleurs pourquoi on se retrouve dans la situation financière dans laquelle on est, si on considère la façon dont ils ont géré les finances publiques.

En ce qui a trait à l'effort qui sera demandé aux commissions scolaires ou à l'ensemble du réseau de l'éducation, nous connaîtrons évidemment la hauteur de l'effort au moment où nous déposerons les crédits devant cette Assemblée, une chose que le député connaît très bien, M. le Président. Et, oui, il y aura un effort de demandé, mais à travers les règles budgétaires, qui sont d'ailleurs simplement de l'ordre des propositions à l'heure actuelle, puisque ce ne sont pas des règles définitives, ce ne sont pas des règles adoptées. Nous proposerons justement de préserver les services directs aux élèves et nous aurons l'occasion d'en faire la preuve et la démonstration très largement tant ici qu'en commission parlementaire au moment de l'étude des crédits, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, la question est de savoir où s'appliqueront les coupures budgétaires. Puisque la ministre vient d'admettre qu'il va y avoir des coupures budgétaires, où s'appliqueront-elles? Et pourquoi les enfants ne pourront-ils pas bénéficier des économies des fusions des commissions scolaires, de 100 000 000 $, comme la ministre s'y était engagée?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je suis heureuse de constater qu'effectivement le député admet enfin nos chiffres, soit de l'amélioration de l'efficacité au plan budgétaire par la fusion des commissions scolaires, de l'ordre de 100 000 000 $. Nous avons prévu qu'une partie de cette somme servirait à atténuer l'impact quant à la réduction du transport scolaire, mais il reste quand même quelque 70 000 000 $ encore qui resteront disponibles effectivement dans les commissions scolaires pour soit absorber des efforts budgétaires qui seront demandés ou soit pour se permettre d'améliorer les services disponibles aux élèves, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Comment la ministre de l'Éducation peut-elle faire de telles affirmations alors qu'elle et son gouvernement ont signé des protocoles de transfert de personnel qui gèlent la situation de tous les personnels jusqu'au 1er juillet 1999, qu'il n'y aura pas un seul dollar d'économie des fusions des commissions scolaires, parce qu'elle et son gouvernement ont signé des ententes avec des représentants syndicaux pour le personnel de soutien, personnel professionnel et le personnel d'encadrement? Où vont s'appliquer les coupures budgétaires si on ne peut pas bénéficier de la réduction des commissions scolaires, M. le Président?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, j'imagine que le député reconnaîtra avec moi qu'il était absolument essentiel, dans une période aussi importante en termes de changements, que l'on assure au personnel concerné une certaine stabilité d'emploi pendant la période de transition. Cela étant, M. le Président, ça ne veut pas dire que l'on ne peut pas escompter ou voir venir les réductions budgétaires dues à la rationalisation et effectivement à la réduction tant, d'abord, de frais administratifs, mais aussi, bien sûr, de personnel.

En ce sens, les commissions scolaires ont la capacité de planifier sur plus d'une année un certain nombre d'efforts qui leur sont demandés. C'est dans cette perspective que, je crois, sagement nous avons fait des ententes, pas seulement avec les syndicats mais avec les représentants des cadres aussi, pour nous assurer que nous puissions passer cette année de transition de façon harmonieuse, étant entendu que c'est très exigeant, ce que nous attendons de la part des commissions scolaires, mais que les économies escomptées allaient pouvoir être tenues en compte par les commissions scolaires au fur et à mesure qu'elles allaient pouvoir y procéder dans les années à venir.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, je répète ma question à la ministre: Où s'appliqueront les coupures budgétaires, parce que les commissions scolaires vont devoir supporter le personnel pour 156 commissions scolaires, alors qu'au 1er juillet elles ne seront que 72 ou 73? Qui fera les frais si ce n'est pas les enfants, les élèves?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, j'invite le député à venir discuter de l'ensemble de ces questions que nous aborderons au moment de l'étude des crédits. Mais, effectivement, les règles budgétaires que nous avons évaluées, que nous étudions actuellement, que nous avons proposées et qui deviendront éventuellement des règles formellement adoptées prévoient que nous n'allons pas vers les services aux élèves, M. le Président, de telle sorte que justement nous préservions l'acte éducatif, si essentiel à la réussite des jeunes du Québec.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, pourquoi la ministre de l'Éducation, sur la question des manuels scolaires, n'accepte pas qu'une commission parlementaire soit tenue pour faire la lumière sur cette question-là? Je l'ai demandé à son leader en Chambre, je l'ai demandé à sa présidente, je l'ai demandé à la ministre de l'Éducation, elle refuse. Elle a préféré cacher les résultats du sondage. Je dis et je maintiens que deux écoles sur trois au Québec manquent de manuels scolaires à cause de l'incurie de ce gouvernement!

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je ne nie pas qu'il y ait un certain problème à l'égard des manuels scolaires. D'ailleurs, c'est pour ce faire que nous avons procédé à un échantillon et à une évaluation de cette situation. On ne peut cependant pas tirer les conclusions que tire notre collègue.

Par ailleurs, de ces études... D'ailleurs, la preuve, il a été dénoncé partout à travers le Québec par toutes les directions d'écoles, les enseignants, etc. D'ailleurs, la preuve en est, M. le Président – et peut-être que je vous apprendrai quelque chose, de même qu'aux membres de cette Assemblée – que ce ne sont pas les efforts budgétaires que nous avons demandés aux commissions scolaires qui ont eu un impact sur les manuels scolaires, puisque, entre autres en 1990-1991 – et je ne crois pas que nous étions au pouvoir, n'est-ce pas? est-ce que je ne m'abuse? – la dépense par élève pour les manuels scolaires était de 71 $ par année, et qu'en 1996-1997 elle est toujours de 71 $ par année. Nous investissons donc les mêmes sommes qui s'investissaient il y a sept ans.

Ceci ne veut pas dire, cependant, qu'il n'y a pas effectivement un certain nombre de difficultés. Nous avons donc procédé, d'abord par la loi, à créer une obligation de rendre disponibles les manuels scolaires pour les élèves, la première chose. La deuxième, je suis actuellement à documenter d'une façon systématique cette question avec, d'une part, les directions d'écoles concernées, là où il y a certaines difficultés. Par ailleurs...

Des voix: ...

(14 h 30)

Le Président: En conclusion, Mme la ministre.

Mme Marois: Certainement, M. le Président. Nous travaillons donc, avec les écoles concernées où des problèmes existent d'une façon plus particulière, avec les écoles et les commissions scolaires, où on réussit de façon absolument remarquable à répondre aux besoins de tous les enfants, pour essayer de voir quelles sont les difficultés qui sont rencontrées par les commissions scolaires à cet égard et quels sont les supports qui peuvent être apportés. Je n'ai pas renoncé, et le député le sait puisqu'on en avait déjà discuté, je crois, soit à cette Assemblée ou à une commission parlementaire, entre autres à avoir des échanges avec les éditeurs, avec ceux et celles qui conçoivent les manuels scolaires...

Le Président: Alors, Mme la députée de Bourassa.


Transfert du service d'orthopédie du Centre hospitalier de Gatineau vers le Centre hospitalier régional de l'Outaouais

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, à compter de demain, tous les services hospitaliers, sauf l'urgence...

Le Président: Je m'excuse, Mme la ministre, mais je pense que le temps consacré et normalement dévolu pour une réponse est largement complété. Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. À compter de demain, tous les services hospitaliers, sauf l'urgence, vont être annulés au Centre hospitalier de Gatineau. En effet, les médecins de ce centre contestent le transfert du service d'orthopédie vers le centre hospitalier régional de Hull et qualifient cette décision de non-sens, puisque le Centre hospitalier de Gatineau est la plaque tournante des services orthopédiques de l'Outaouais.

M. le Président, ce que ça signifie concrètement, c'est que des patients qui sont en attente d'une chirurgie – vous savez, sur une liste qui n'en finit plus – même si c'est une chirurgie non urgente, qui sont là depuis des mois et des mois et des mois, bien, ils vont rester chez eux. Ça signifie également, pour les autres services qui nécessitent la présence d'un médecin, pour d'autres patients qui ont besoin d'examens, de radiographies et même d'électrogrammes, qu'ils n'en auront pas, il n'y a pas de médecins.

Concrètement, M. le Président, le ministre peut-il nous dire, un, s'il est au courant de ce conflit, et, deux, ce qu'il a fait à ce jour pour le régler?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président. Ce qui se passe en fait dans l'Outaouais, c'est la création d'un nouveau centre, le Centre hospitalier des vallées de l'Outaouais, qui est le résultat de la fusion de deux centres hospitaliers et qui, déjà, a fait sentir une amélioration de la qualité et de l'accessibilité aux services. Et c'est une fusion qui se passe dans l'ensemble très, très bien.

D'ailleurs, dans cette région de l'Outaouais, il y a eu des investissements importants d'immobilisation de l'ordre de plus de 25 000 000 $ et des augmentations des budgets de fonctionnement pour rapatrier les services pour lesquels la population devait aller à Ottawa. C'est donc une région qui a connu, au cours des dernières années, malgré les difficultés financières, une situation de développement.

Là, il reste une discussion, un débat à savoir où le service d'orthopédie... Il y aura de l'orthopédie aux deux pavillons, à ce qu'on m'explique, mais il y a une concentration à décider des services spécialisés et surspécialisés en orthopédie. Et il y a une discussion qui n'est pas résolue. On me dit que les médecins considèrent prendre certains moyens de pression pour influencer la décision. Jusqu'à maintenant, je n'ai pas de raison de ne pas avoir confiance qu'ils vont se comporter de façon responsable et assurer l'accessibilité aux services à la population et je n'ai pas de raison de douter que les administrateurs vont être capables d'en arriver, comme ils l'ont fait pour toute la fusion, à une solution harmonieuse de cette discussion. Et, si on veut les aider, il ne faudrait peut-être pas surtout essayer de faire le chef cuisinier dans la soupe à la place d'eux autres, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, concrètement, demain, tous les services hospitaliers sont suspendus. Le ministre peut-il nous dire s'il entend dès maintenant intervenir pour que les patients ne soient pas injustement pénalisés?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je vais répéter à la députée de Bourassa – elle va peut-être écouter cette fois-ci – qu'il y a des administrateurs et des médecins qui, là, sont responsables. Je n'ai pas de raison de ne pas leur faire confiance jusqu'à maintenant. Je leur fais confiance qu'ils vont se comporter de façon responsable et, si j'ai des informations à l'effet que la situation se passe comme elle ne devrait pas se passer, je saurai bien intervenir en temps voulu et en temps utile, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, demain, concrètement, tous les services seront suspendus, parce que les médecins ne les dispenseront pas, demain. Est-ce que le ministre peut intervenir dès maintenant...

Le Président: Mme la députée, s'il vous plaît!

Mme la députée de Bourassa.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, est-ce que le ministre peut intervenir aujourd'hui pour que demain les patients ne soient pas les victimes innocentes de ce conflit?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je répète que je ferai ce que le ministre doit faire quand ce sera nécessaire de le faire, et on verra bien ce qui se passera demain et ce qu'il y aura à faire d'ici là. Et peut-être que la députée sera très déçue parce que ça n'aura peut-être pas été aussi mal qu'elle le pense, M. le Président.

Une voix: Voilà!

Le Président: M. le député de LaFontaine, en principale.


Pénurie de médecins au CLSC Octave-Roussin de Pointe-aux-Trembles

M. Gobé: Merci, M. le Président. La pénalité salariale de 30 % imposée aux jeunes médecins diplômés qui pratiquent sur l'île de Montréal contribue à créer une pénurie de médecins dans cette région. Dans l'Est de Montréal plus particulièrement, le CLSC Octave-Roussin, de Pointe-aux-Trembles, est durement touché. En effet, ce CLSC, qui opère un service d'urgence depuis maintenant une quinzaine d'années et qui dessert jusqu'à 30 000 patients par année, a vu ses effectifs médicaux baisser de 19 médecins à neuf médecins.

M. le Président, depuis le début du mois de décembre 1997, le conseil d'administration du CLSC, relayé en cela par les députés de Pointe-aux-Trembles et de LaFontaine, a demandé au ministre d'intervenir afin de faire une chose: premièrement, de donner une exemption pour quatre médecins afin de maintenir minimalement le service, pour éviter que les gens aillent s'entasser dans les urgences de l'hôpital Maisonneuve qui est à 30 ou 40 minutes de là; et, deuxièmement, de remédier, pour le long terme, à cette situation. Or, depuis ce temps-là, nous n'avons eu absolument aucun changement, et le CLSC est maintenant confronté à une décision imminente de réduction de services.

Ma question au ministre est: Qu'attendez-vous, M. le ministre, pour agir afin que les citoyens de Pointe-aux-Trembles et du bout de l'île de Montréal – comtés de LaFontaine et de Pointe-aux-Trembles – puissent continuer à obtenir le service d'urgence de leur CLSC, avec lequel ils sont très satisfaits, et éviter ainsi d'aller s'entasser dans les salles d'urgence des hôpitaux déjà surchargées?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: À cette question, M. le Président, je vais pouvoir redire ce que le député sait très bien, d'ailleurs, parce qu'on a eu la chance de discuter de cette situation à plusieurs reprises depuis le mois de décembre, et il sait très bien que le ministère, la régie régionale et le ministre, avec ma collègue, d'ailleurs, la députée de Pointe-aux-Trembles, on a été très actifs et on a apprécié la collaboration du député de LaFontaine. Je savais bien que, tôt ou tard, il ne pourrait pas se retenir puis qu'il en ferait une question en Chambre. Il fallait que ça vienne, c'est venu.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Alors, expliquons et rappelons que – puis on entend les différentes régions s'exprimer là-dessus aujourd'hui – jusqu'ici, au Québec, on a beaucoup amélioré la répartition des effectifs médicaux entre les régions. Et, parmi les outils, les mesures, qui ont été utilisés, il y a eu cette fameuse rémunération différente selon les territoires où on a besoin de plus de médecins. La solution qui était demandée – toute courte, toute simple – de lever la rémunération des médecins de 70 % à 100 % du tarif dans tout Montréal ne peut pas être une solution. On voit que, quand on mentionne, qu'on regarde cette solution, toutes les régions, ailleurs, craignent immédiatement, et avec raison, que, si on procédait de façon aussi simpliste, on revienne à la situation qui était celle du Québec avant, où plusieurs régions non urbaines, plus rurales, manquaient énormément de médecins.

(14 h 40)

On a fait ce bout de chemin là, et c'est important que la population sache, M. le Président, que, au Québec, per capita, c'est l'endroit au Canada où il y a le plus de médecins et que c'est encore l'endroit où on en forme le plus. Donc, on n'a pas un problème chronique de manque de médecins, mais on en est rendu – et le député le sait très bien aussi – à travailler, avec une très bonne collaboration d'ailleurs de la Fédération des médecins omnipraticiens, sur des mesures plus fines pour s'assurer qu'à l'intérieur des régions, là aussi, la répartition se fasse mieux, et c'est vrai pour l'ensemble.

La plupart des CLSC de l'île de Montréal devraient avoir plus de médecins dans leur organisation, et certains territoires de l'île de Montréal, surtout dans l'est de Montréal, manquent de médecins. On est très actifs là-dessus et, avec le président de la Fédération des médecins omnipraticiens, on s'est donné comme objectif d'essayer, d'ici l'été, de rendre opérationnelle, autour de l'organisation d'un département de médecine familiale sur le territoire, cette question-là. Je pense qu'on peut s'attendre à des améliorations, mais malheureusement ça ne peut pas se faire en un clin d'oeil, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Gobé: Est-ce que le ministre est conscient de la situation particulière du CLSC Octave-Roussin qui est situé aux limites d'autres régions, comme la région de Lanaudière, à moins de 5 km, 6 km de là, qui n'est pas soumis à cette même réglementation, et que cela a pour effet de drainer les jeunes médecins vers cette région-là et de totalement faire en sorte qu'il n'y en ait pas au CLSC de Pointe-aux-Trembles? Est-ce qu'il ne pourrait pas faire comme le gouvernement précédent qui, en 1993, avait décrété une exemption pour des médecins pour pratiquer au CLSC Octave-Roussin et qu'ils ne soient pas soumis à cette pénalité pour compenser cet effet de localisation inter-frontières ou régionale?

Est-ce que le ministre n'aurait pas pu accepter ça depuis le mois de décembre et régler provisoirement cette situation afin de donner le temps de faire ce qu'il dit de faire maintenant? Et qu'attend-il pour régler ça maintenant? Car c'est maintenant qu'au CLSC on va faire des coupures de services et c'est maintenant que les citoyens de Pointe-aux-Trembles et du bout de l'île vont devoir faire des 45, 50 minutes d'autobus pour aller s'entasser dans les salles d'urgence de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Qu'attend-il pour agir?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: J'aimerais bien, M. le Président, que la situation et la solution soient aussi simples que le dit le député, et il le sait très bien. Cette mesure qui permettait aux universités d'envoyer des effectifs additionnels dans un CLSC pour fins d'un programme d'enseignement, elle est toujours là, elle existe toujours, et j'ai parlé avec les gens; j'ai eu la chance de voir en commission parlementaire, d'ailleurs, ce matin, la directrice générale de ce CLSC. On en a parlé. Ma collègue de Pointe-aux-Trembles en a discuté avec les gens du CLSC. On va continuer à les rencontrer pour chercher tous les moyens palliatifs qu'on peut trouver pour le moment. Mais cette solution-là ne peut pas s'appliquer parce que l'Université de Montréal n'a pas de professeurs en médecine familiale qui peuvent aller à cet endroit-là, présentement.

Alors, je le répète, M. le Président, c'est une situation qui crée effectivement beaucoup de difficultés aux CLSC. C'est une situation où les médecins, qui sont en nombre insuffisant, doivent travailler de façon assez ardue. Mais tout le monde en est conscient, et il y a une volonté réelle, de la part du gouvernement, de la Régie, des médecins et de ceux qui sont impliqués dans les établissements, de trouver une solution, et il y a des moyens sur la table. Je suis obligé de demander un peu de patience à tout le monde et je pense que, dans les prochains mois, on devrait être capables de trouver une solution qui va vraiment corriger de façon stable et pour longtemps cette situation.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, en principale.


Manque de ressources pour l'exécution des ordonnances du Tribunal de la jeunesse

Mme Loiselle: Merci. M. le Président, Le Point présentait, la semaine dernière, un reportage troublant et il faisait ressortir l'épuisement et l'incapacité du réseau à protéger nos enfants maltraités. On vit aujourd'hui les conséquences dramatiques découlant des compressions que le ministre de la Santé a imposées, que le ministre de la Santé a exigées de la Direction de la protection de la jeunesse: augmentation des listes d'attente au niveau des signalements, pénurie de places dans les familles d'accueil, pénurie de places dans les centres d'accueil et dans les maisons de thérapie, épuisement des intervenants. Des parents complètement désespérés, laissés à eux-mêmes. Mais le plus grave: le non-respect des ordonnances du Tribunal de la jeunesse. Pour masquer son incapacité à régler le dossier, le ministre de la Santé a deux réponses. En Chambre, il nous dit que ça bouge, que ça s'améliore. Ou bien, comme il l'a fait en février dernier, il préfère ne pas se prononcer parce qu'il a les mains pleines avec les urgences.

M. le Président, le ministre de la Santé a-t-il, oui ou non, la volonté et la capacité de régler ce dossier? Et peut-il, pour une fois, démontrer un minimum de compassion et augmenter les budgets des centres jeunesse, particulièrement dans les régions sous-financées?

Le Président: M. le ministère de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je vais redire que cette préoccupation, comme j'ai eu l'occasion de l'affirmer à quelques reprises dans les derniers mois, les dernières semaines, est une situation qui nous préoccupe beaucoup. La situation des jeunes, ce 3 % à 4 % de jeunes au Québec qui ont des difficultés énormes, nous préoccupe beaucoup. C'est une situation terriblement complexe, parce que c'est le jeune, c'est sa famille et c'est tout son entourage qui sont à la source des problèmes et avec lesquels on doit travailler pour apporter des solutions. Ce n'est pas simple, c'est des ressources qu'il faut de plus, c'est des façons différentes pour intervenir.

Au cours des dernières années, il y a eu une relative protection des budgets de la protection à la jeunesse. Les budgets ont été maintenus malgré les soustractions de crédits qu'il a fallu faire ailleurs. Dans certaines régions, il y a eu des ajouts, même, qui ont été faits pour aider, dans les moments de pointe, les travailleurs sociaux et les éducateurs sur le terrain.

Si la députée veut vraiment parler de problèmes de ressources, on va en parler, de problèmes de ressources. Puis, si elle veut parler des causes des problèmes de ressources, ils n'aimeront pas ça, ils vont hurler encore, M. le Président, mais on va parler des vraies causes des problèmes de ressources. Qu'est-ce qu'ils ont attendu, quand ils étaient là, pour commencer? C'était un problème chronique autour de Montréal, chronique depuis des années. Ils n'ont rien fait, pendant qu'ils étaient là. Ils ont laissé le problème empirer jusqu'à temps qu'on arrive, M. le Président. Qu'est-ce qu'ils ont fait pour la situation financière où on s'est retrouvés après nous avoir mis dans un déficit incroyable? S'il y a encore des gens à qui ils peuvent parler à Ottawa, s'ils veulent nous aider, qu'ils leur parlent donc puis qu'ils leur demandent de laisser la paix au Québec une fois pour toutes.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, au-delà de la langue de bois du ministre de la Santé et du manque de compassion de ce ministre pour les...

Le Président: En complémentaire, sans préambule, Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, comment le ministre de la Justice peut-il accepter sans broncher que des ordonnances, que des jugements du Tribunal de la jeunesse ne soient pas respectés, particulièrement quand on parle d'enfants maltraités, d'enfants abusés, d'enfants en détresse?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je ne peux pas laisser passer ça, là. Non seulement on est préoccupés par cette situation, mais on y travaille de façon importante. Il y a présentement un groupe d'experts qui travaillent avec les gens sur le terrain dans les régions, surtout dans la Montérégie. C'est probablement à cette région-là que la députée fait référence, où il y a des problèmes énormes. On a un groupe qui travaille depuis six mois pour nous donner un plan d'action pour toutes les régions du Québec, mais surtout celles où il y a des grandes difficultés, qui va être prêt d'ici un mois ou deux. C'est un plan d'action qui ne se prépare pas derrière des portes closes, mais qui se prépare sur le terrain avec ceux qui sont impliqués.

Il y a énormément d'actions, d'activités, de travail qui se fait, actuellement. Notre compassion, on la manifeste activement aux gens, pas en se plaignant de la situation, en travaillant avec le monde pour appliquer des situations concrètes. C'est ça, une manifestation d'une compassion qui est réelle et qui est partagée avec les gens, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, ma question s'adressait au ministre de la Justice et non pas au ministre de la Santé inactif dans ce dossier.

Au ministre de la Justice: Comment... Oui, oui, il n'a rien fait. Ça fait deux ans...

Le Président: En complémentaire, et de façon réglementaire.

Mme Loiselle: M. le Président, comment le ministre de la Justice peut-il accepter que des ordonnances du Tribunal de la jeunesse ne soient pas respectées quand on parle ici d'enfants qui sont victimes d'abus sexuels, d'abus psychologiques, qui sont maltraités, qui sont en détresse et laissés à eux-mêmes?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

(14 h 50)

M. Ménard: Le ministre de la Justice, comme vous le savez, n'est pas responsable de l'exécution de ces ordonnances qui relèvent du ministère de la Santé et des Services sociaux depuis déjà longtemps. Mais je peux vous dire que les soucis sont partagés par l'ensemble des juges, et c'est évident que, dans les pires cas, ils savent parfaitement trouver les ordonnances qui peuvent être exécutées. Maintenant, tout le monde à la Justice sait que nous avons pris le gouvernement dans un état lamentable, les finances du gouvernement dans un état lamentable et qu'il faut apprendre...

Le Président: Est-ce que je pourrais inviter tout le monde au calme, d'une part, et, deuxièmement, au respect des dispositions du règlement qui font qu'actuellement il n'y a qu'un député qui a la parole? Alors, M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Donc, qu'il faut apprendre à faire mieux avec moins d'argent. Je vous donne ne serait-ce qu'un chiffre grossier. Vous avez doublé en cinq ans la dette de la province pour la porter de 3 000 000 000 $ à 6 000 000 000 $. Nous sommes actuellement à un déficit de 2 200 000 000 $, ce qui veut dire que nous avons 6 000 000 000 $ d'intérêts à payer par année; si cette dette n'avait pas été doublée, nous n'aurions donc que 3 000 000 000 $ à payer d'intérêts. Et, comme nous sommes au déficit 2 200 000 000 $, nous aurions 800 000 000 $ de plus à consacrer à bien d'autres domaines, dans la santé, dans l'éducation, aux livres, mais aussi à faire de meilleures ordonnances. Mais les juges, je peux vous le dire, sont parfaitement conscients et travaillent avec nous pour faire mieux avec moins, et vous pouvez être certain que, dans les cas extrêmes dont vous faites mention, les juges savent rendre les ordonnances qui peuvent être appliquées.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le ministre de la Justice se rend compte qu'à la limite c'est odieux de faire porter aux enfants les coupures qu'il prétend qu'il est obligé de faire alors que ça fait trois ans et demi que vous êtes au pouvoir, alors que tout ça devait se régler en deux, alors que vous avez dénoncé à tour de bras de ce côté-ci ce qui se passait avec les solutions magiques et qu'en attendant ce sont les enfants qui sont en train de payer pour ça au lieu que ça soit vous autres?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Si les enfants et les malades souffrent, c'est à cause des problèmes qui ont été accumulés par l'incurie et l'incapacité de prendre le virage ambulatoire à temps – et par conséquent qui aurait été moins coûteux – et l'énorme dette que vous nous avez laissée et que vous avez doublée en moins de cinq ans. En attendant, nous avons pris les mesures qu'il fallait prendre, des mesures qui sont dures pour atteindre le déficit zéro et nous sommes en train de l'atteindre. Et, quand nous l'aurons atteint, nous aurons sûrement assez d'argent pour régler ces problèmes-là beaucoup mieux. En attendant, nous avons aussi appris, et le personnel a appris, comme la Justice a appris à faire mieux...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Je pense que, d'un côté ou de l'autre, on devrait apprendre à contrôler ses émotions et ses réactions. Mme la députée de Jean-Talon, en principale.


Liste de rappel prioritaire du personnel temporaire de la fonction publique mis à pied

Mme Delisle: Le 13 décembre 1994, le gouvernement avait signé une entente officielle avec le Syndicat de la fonction publique, qui portait sur la liste de rappel prioritaire du personnel temporaire qui avait été mis à pied à la suite de l'abolition de quelque 200 postes dans le cadre de la restructuration de la fonction publique. En vertu de cette entente, M. le Président, le gouvernement s'engageait à donner la priorité d'embauche au personnel temporaire sur des postes occasionnels étant donné que ces personnes avaient franchi toutes les étapes requises pour l'obtention d'un poste régulier dans la fonction publique.

Au moment où on se parle, 180 personnes, dont 101 dans la région immédiate de Québec, ont toujours un statut de personnel temporaire et attendent qu'on leur offre un poste pour compléter le stage probatoire leur donnant droit à la permanence d'emploi. Or, le problème, c'est que l'entente signée entre les parties en 1994 était d'une durée de quatre ans et que, selon une lettre du cabinet du ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, le gouvernement n'aurait pas l'intention de prolonger sa durée.

Ma question au ministre responsable de la région de Québec et député de Charlesbourg: Qu'a-t-il à répondre à son monde, au monde qu'il représente, qui lui demande s'il est prêt à intervenir pour que soit prolongée la lettre d'entente et intégrée dans les textes de la convention collective des syndiqués de la fonction publique de Québec?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, cette entente, effectivement, a été signée en décembre 1994 et elle s'est appliquée depuis. Mais, compte tenu des compressions budgétaires et des rationalisations que nous avons faites au cours de l'an dernier, tout le monde aura constaté, à la suite des départs, que nous avons très peu engagé et que donc très peu de postes ont été libérés. Nous ne prévoyons pas, effectivement, reprendre ces personnes à notre emploi d'ici la fin de l'entente, en décembre 1998, et, par la suite, on procédera par concours parce que la Loi de la fonction publique, c'est d'engager des gens sur concours pour préserver l'égalité de tous à l'accès à la fonction publique.

Le Président: Mme la députée.

Mme Delisle: M. le Président, le président du Conseil du trésor est-il en train de nous dire qu'il n'a aucunement l'intention d'offrir aux personnes concernées les postes auxquels ces personnes ont droit, leur évitant ainsi une mise à pied définitive, ce qui viendrait évidemment contrer le nombre déjà trop élevé de sans-emploi dans la région de la capitale?

Le Président: M. le ministre.

M. Léonard: M. le Président, la sécurité d'emploi existe pour ceux qui ont un emploi régulier permanent et non pas pour le personnel temporaire. Ce personnel a été mis à pied au bout d'une période ou avant la fin d'une période de deux ans, et donc il n'y a aucune obligation de le rappeler. S'il y a des postes qui se libéraient, nous verrons, mais d'ores et déjà nous avons déjà indiqué que d'ici le mois de décembre 1998 nous ne prévoyons pas le rappeler.

Le Président: Dernière question, M. le député de Laurier-Dorion.


Le point sur l'éventualité d'une fermeture du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement

M. Sirros: M. le Président, Le Devoir nous apprend aujourd'hui que le ministre de l'Environnement songe sérieusement à abolir le BAPE. Ce avec quoi il propose de le remplacer, un soi-disant bureau d'évaluation environnementale, résulte en un net recul pour la protection de l'environnement. Plusieurs principes fondamentaux qui ont fait du Québec un exemple à suivre en matière d'évaluation environnementale risquent de trouver le chemin de la poubelle avec cette abolition proposée. Il est ainsi extrêmement inquiétant de voir le ministre songer sérieusement à, premièrement, entacher le principe de l'indépendance du processus d'examen environnemental en remettant aux promoteurs son exécution, deuxièmement, à rendre opaque la nécessaire transparence du processus en permettant aux promoteurs d'entreprendre des audiences avant que l'information circule et, troisièmement, à introduire un élément de discrétion arbitraire quant au choix des projets qui seront soumis à l' examen en audiences publiques.

Le ministre peut-il nous expliquer pourquoi il songe ainsi à faire régresser la protection de l'environnement en remplaçant le BAPE par un mécanisme qui entachera la crédibilité du processus d'évaluation environnementale?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Bégin: M. le Président, j'ai un petit problème avec la question qui m'est posée parce que je ne songe absolument pas à remplacer le BAPE par quoi que ce soit. Je pense que le BAPE est une institution fondamentale dans notre société. On doit le conserver, on doit faire en sorte qu'il puisse exercer le mieux possible son rôle et je pense qu'il le fait bien. Cependant, après 20 ans, vous comprendrez qu'il puisse y avoir besoin d'une réflexion et peut-être de légères modifications à ce qui se passe, entre autres choses au niveau des délais qui sont, dans certains cas, vraiment trop longs. M. le Président, une bonne réflexion, oui, mais certainement pas pour faire disparaître le BAPE, loin de là ma pensée.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, cela complète la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

Aux motions sans préavis. Auparavant, M. le leader du gouvernement.

(15 heures)

M. Jolivet: M. le Président, serait-il possible de demander le consentement du leader de l'opposition, compte tenu que nous avons des commissions parlementaires qui doivent entendre des groupes – c'est des consultations – de pouvoir faire les avis dès maintenant, puisque nous avons quelques motions sans préavis d'annoncées?

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Compte tenu, M. le Président, qu'il y a déjà des gens qui se sont déplacés et qui ont des mémoires à présenter aux commissions parlementaires, de façon exceptionnelle, on donne notre accord.

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 182, Loi modifiant la Loi sur les mines et la Loi sur les terres du domaine public, aujourd'hui, dès maintenant, ainsi que demain, le mercredi 18 mars 1998, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations particulières sur le projet de loi n° 404, Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, dès maintenant, jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.


Motions sans préavis

Le Président: Très bien. À ce moment ici, nous allons procéder aux motion sans préavis. M. le député de Frontenac.


Condoléances à la famille et aux proches de M. G.-Yves Landry, P.D.G. de Chrysler Canada

M. Lefebvre: M. le Président, je requiers le consentement des membres de l'Assemblée pour débattre de la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec exprime ses plus sincères condoléances à la famille et aux proches de M. G.-Yves Landry, président du conseil et président-directeur général de Chrysler Canada, décédé subitement le 15 mars dernier, et souligne l'exceptionnelle carrière de ce Québécois qui s'est hautement distingué dans le secteur de la grande entreprise et des affaires.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Alors, M. le député de Frontenac.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: M. le Président, coup sur coup au cours des derniers mois, le Québec a perdu de grandes personnalités du monde des affaires. On se souviendra du décès tout récent de M. Michel Bélanger, encore plus récemment de celui de M. Pierre Péladeau. Et, dimanche dernier, c'était la consternation partout au Québec lorsqu'on a appris... On a appris, évidemment, la nouvelle lundi matin à la première heure, le décès de M. Yves Landry survenu en Floride dimanche soir dernier.

M. le Président, tous les Québécois connaissaient M. Landry. Il est décédé dans la force de l'âge, âgé d'à peine 60 ans. Ma région, la capitale de mon comté, Thetford Mines, est particulièrement attristée suite au décès de M. Yves Landry, puisque – on le sait maintenant, c'est publié un petit peu partout et au Québec et au Canada – Yves Landry était un fils de la ville de Thetford Mines. M. Landry avait fait son école secondaire au collège Lasalle et, subséquemment, obtenait un baccalauréat en commerce et une maîtrise en sciences commerciales à l'Université Laval.

Il a eu – on le sait, M. le Président, c'est public, évidemment – une carrière absolument exceptionnelle. En 1969 – et on voit à quel rythme cette carrière-là s'est effectuée, c'est absolument fantastique – M. Landry était directeur des ventes pour la région de Montréal pour la compagnie Chrysler Canada. De 1969 à 1970, à 1977, à 1980... Je ne peux pas, évidemment, énumérer toutes les fonctions extraordinairement importantes qu'il a occupées à l'intérieur de l'entreprise Chrysler Canada, mais en 1990 il s'est retrouvé avec la responsabilité extrêmement importante de président du conseil et président-directeur général de Chrysler Canada.

J'entendais, hier, M. Landry dans une entrevue toute récente – sauf erreur, à Radio-Canada – et ça traduisait bien ce qu'était Yves Landry. Il disait: Il faut avoir la foi, il faut avoir confiance. Yves Landry, M. le Président – il l'a démontré de toutes sortes de façons – avait un leadership absolument exceptionnel. Il a eu une carrière en affaires fantastique, exceptionnelle. Extraordinaire communicateur, tous les Québécois, toutes les Québécoises connaissent M. Yves Landry, qui faisait – on le sait parce qu'il était un communicateur extraordinaire – la publicité de son entreprise. Il a eu au cours des ans différents doctorats honorifiques qui ont souligné justement le caractère exceptionnel de sa carrière: doctorats honorifiques de l'Université d'Ottawa, de l'Université de Windsor, de l'Université Acadia, en Nouvelle-Écosse, de l'Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick. Il a en tout temps été d'un engagement social absolument exceptionnel. Il a oeuvré comme vice-président de campagnes de levée de fonds pour les universités Laval et Acadia, en Nouvelle-Écosse.

M. Yves Landry – et c'est là-dessus, M. le Président, que je veux insister peut-être un peu plus – a été fidèle à ses origines, fidèle à ses racines. Il a été nommé, en 1992, ambassadeur de la ville de Thetford Mines. Je voudrais très rapidement souligner quelques commentaires du maire de Thetford Mines, M. Henri Therrien, qui disait en apprenant la nouvelle hier, en fin de journée: «C'est tout un choc. Thetford Mines est en deuil. On vient de perdre un ambassadeur, un gros élément de notre fierté. Yves Landry était fier d'appartenir à Thetford Mines, il le disait sans cesse et le répétait. C'était un grand Thetfordois.»

Yves Landry donnait une entrevue à un journaliste du quotidien La Tribune , il y a quelques années, où il exprimait de façon extrêmement simple et chaleureuse son appartenance à la ville de Thetford Mines. Il disait ceci: «C'est important que nos enfants connaissent leurs origines.» Il expliquait que, à toutes les périodes d'été, sa famille et madame, native, d'ailleurs, de Thetford Mines, lui-même et ses enfants se retrouvaient dans la ville de Thetford Mines. «Ce sont mes emplois d'été dans les mines d'amiante qui m'ont appris ce que c'était, des gens vrais, honnêtes et travailleurs.» Voyez-vous, M. le Président, plus ou moins 55 ans plus tard, Yves Landry trouvait le moyen de rendre hommage aux travailleurs de l'amiante. En parlant des politiciens, parce qu'on a vérifié avec M. Landry s'il n'avait pas évalué la possibilité de se lancer en politique active, il disait ceci: «Ils ont une tâche ingrate et mériteraient plus de respect.»

M. le Président, en terminant, après avoir souligné très rapidement les mérites exceptionnels de Yves Landry, la carrière fantastique qu'il a connue, son apport à la société québécoise et à la société canadienne en général, je voudrais, au nom de l'opposition officielle, au nom du chef du parti, M. Johnson, offrir à la famille de Yves Landry, à sa femme, Henrielle Laplante, jeune femme native de Thetford Mines, à sa fille et à ses deux fils, à son frère Gilles, exprimer, au nom de notre formation politique, nos plus sincères condoléances. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous cédons maintenant la parole au vice-premier ministre. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, je joins ma voix, au nom du gouvernement, à celle du député de Frontenac pour déplorer une perte qui, certes, est une perte pour le Québec, est une perte publique, est une perte sociale, mais d'abord et avant tout – et c'est ce par quoi je veux commencer – une perte intime pour une famille. J'ai lu au sujet d'Yves Landry qu'il projetait de prendre sa retraite, mettre fin à sa carrière la plus active d'ici 12 ou 15 mois. Je ne peux pas m'empêcher de penser aux membres de la famille, qui avaient sans doute escompté un retour d'Yves Landry auprès de sa conjointe et des siens pour y mener une existence qu'on pourrait qualifier au moins, après 60 ans, de «plus normale». Car, en effet, il ne s'était pas ménagé durant une carrière qu'on peut qualifier de fulgurante.

(15 h 10)

Les hommes de cet âge – et je ne dis pas encore «les femmes», parce que, pour les femmes, c'est venu un peu plus tard – sont dans les premiers au Québec à avoir fréquenté un tant soit peu massivement les écoles de commerce, puisque, pour diverses raisons, les Québécois du temps et d'avant s'étaient peu impliqués dans la vie des affaires. Par ailleurs, quand ils ont commencé à le faire – et c'est avec cette génération que ça s'est fait surtout; il y a eu des exceptions avant: le député de Frontenac a parlé de Pierre Péladeau, qui avait au moins une bonne quinzaine d'années de plus, Michel Bélanger, qu'il a mentionné aussi, quelques années après – c'était en général avec une ardeur qui a fait rattraper le temps perdu.

Partir de l'École de commerce de Laval et devenir un personnage clé d'une multinationale de grande envergure en ayant occupé à peu près tous les postes, y compris un poste extrêmement stratégique au niveau mondial de la firme, puisqu'il a été directeur des importations à Détroit... Donc, il a couvert, dans l'esprit des multinationales, la planète par son activité. En plus de sa formation académique excellente, il a acquis une formation sur le terrain, une formation cruciale qui le prédestinait à assumer la direction d'une filiale de la multinationale Chrysler au Canada. Ce qu'il fit effectivement avec brio.

Souvent, les dirigeants des multinationales sont assez loin de leur public et assez loin de la population, et, si on demandait qui est le président de x ou y, z autre multinationale, les gens ne seraient pas capables de répondre. Dans le cas de Chrysler, M. Landry avait eu cette capacité exceptionnelle pour un très grand patron de communiquer directement avec la clientèle, et, comme l'a souligné le député de Frontenac, tout le monde le connaissait. Et j'imagine qu'en termes commerciaux c'est sûrement une très habile stratégie, mais en termes humains aussi; c'est quelque chose d'intéressant de savoir que le patron n'a pas peur d'aller lui-même à la télévision parler de sa firme, parler de son produit, ce qui peut l'exposer, après ça, à être reconnu dans la rue, reconnu au centre d'achats et avoir à discuter, comme les gens de politique – dont il parlait du respect qu'on leur devait – de ses produits et des politiques de la compagnie pour laquelle il travaillait.

Par conséquent, c'est une perte individuelle, une perte collective pour le Québec. Je ne peux m'empêcher de songer qu'avec son patronyme il est évident qu'Yves Landry fait partie du million d'Acadiens, de la grande famille du million d'Acadiens qui vivent au Québec et dont le Québec est la patrie. C'est au Québec qu'il y a le plus d'Acadiens, et le Québec a une population composite, divers courants historiques y ont contribué – c'est probablement ce qui fait sa force – et Yves Landry, de ce point de vue là, était sûrement un très grand nord-américain, en plus d'être la gloire de la région dont le député de Frontenac a parlé en termes aussi sympathiques.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le vice-premier ministre. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le député de Verdun.

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je demande le consentement de cette Chambre pour présenter la motion sans préavis suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec demande au gouvernement du Québec de négocier de bonne foi avec le gouvernement fédéral l'inclusion, dans le projet de loi instituant le fonds de dotation des bourses du millénaire, d'un droit de retrait avec pleine compensation financière, en se basant sur le modèle du droit de retrait prévu par la loi canadienne sur l'aide financière aux étudiants, c'est-à-dire que les sommes ainsi obtenues soient allouées aux étudiants québécois dans un programme de bourses équivalent.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Boulerice: Non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, il n'y a pas de consentement pour débattre de cette motion. M. le leader, y a-t-il d'autres motions sans préavis?

Des voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


Souligner la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle

M. Copeman: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de débattre la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle qui se tient du 15 au 21 mars et dont le thème cette année est Parlez-moi de mes réussites

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. La Semaine québécoise de la déficience intellectuelle est organisée à chaque année par l'Association du Québec pour l'intégration sociale et ses 55 associations membres en collaboration avec plusieurs partenaires, tant du domaine public que privé.

Le thème cette année est Parlez-moi de mes réussites . Pourquoi Parlez-moi de mes réussites ? Tout simplement parce que les personnes vivant avec une déficience intellectuelle veulent nous dire qu'elles sont, elles aussi, capables de participer et d'apporter une contribution réelle à la société québécoise. Cependant, leur participation est étroitement liée à une condition essentielle, et cette condition, c'est l'intégration, l'intégration à l'éducation et au marché du travail en particulier. Voilà qui ouvre la porte, garantissant une participation active à la société québécoise.

La déficience intellectuelle, qu'il ne faut surtout pas confondre avec des maladies mentales, touche plus de 224 000 personnes au Québec, soit 3 % de la population, 224 000 personnes qui souhaitent sensibiliser la population à leur vécu, et c'est l'un des objectifs visés par la Semaine québécoise de la déficience intellectuelle. C'est également tenter de modifier cette idée qu'a une grande partie de la population que les personnes atteintes de déficience intellectuelle sont uniquement une charge sociale. Ce n'est pas le cas, d'où le thème de cette année, Parlez-moi de mes réussites .

Plutôt que d'attirer l'attention du public sur leurs incapacités, les personnes ayant une déficience intellectuelle ont choisi, cette année, de parler de leur potentiel et de leurs capacités. Et, puisqu'on parle de réussite, M. le Président, il faut mentionner que cette Semaine québécoise de la déficience intellectuelle se termine par un gala Défi qui fera en sorte justement de souligner les réussites d'hommes et de femmes ayant une déficience intellectuelle, de leurs familles et de toutes les organisations qui ont su par leurs actions contribuer à cette intégration si importante des personnes atteintes de déficience intellectuelle et qui ont su faire avancer leur cause.

Finalement, M. le Président, même s'il reste du chemin à parcourir dans l'intégration des personnes handicapées, ces dernières n'auraient jamais vu leur cause avancer autant si ce n'était du dévouement et de l'implication de toutes les personnes et de tous les organismes qui oeuvrent dans ce sens. On ne le dira jamais assez, et je crois que l'occasion est parfaite aujourd'hui pour les remercier du travail extraordinaire qu'elles effectuent au sein de notre société. Grâce à cela, la situation a pu évoluer et elle continuera d'évoluer jusqu'à ce jour pas trop lointain, j'espère, où nous serons tous sur le même pied d'égalité, personnes handicapées ou non. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant céder la parole au ministre de la Santé et des Services sociaux. Alors, M. le ministre.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, il me fait grand plaisir d'appuyer cette proposition, cette motion qui est présentée par notre collègue de Notre-Dame-de-Grâce. La société du Québec, à l'instar de beaucoup de sociétés dans le monde, a évolué beaucoup, au cours des dernières décennies – surtout les deux dernières décennies – à l'égard des personnes, de ces membres des communautés sociales qui souffrent de déficience intellectuelle. On a connu une époque où la tolérance, l'ignorance, la crainte, un mélange de tout ça nous a menés à des situations où les gens qui avaient un comportement différent étaient facilement jugés anormaux, et ces gens-là étaient relégués dans des institutions où ils passaient leur vie avec un horizon très, très, très limité.

On est revenu de très loin à cet égard, et le Québec aussi a progressé beaucoup. Maintenant, je pense que, malgré parfois certaines difficultés dans ce qu'on a appelé la «désinstitutionnalisation», ça a été fondamentalement un choix social très important et très bon qui a permis à des gens de sortir des institutions, de se retrouver dans une vie la plus normale possible qu'ils pouvaient vivre compte tenu de leur situation. Ça a permis aussi à d'autres surtout d'éviter d'être emmenés dans des institutions pendant une grande partie de leur vie, et, graduellement, malgré les difficultés, on a réussi et on réussit de plus en plus, je pense, à offrir à tous ceux qui doivent vivre avec une déficience intellectuelle, dans toute la mesure du possible, de vivre une vie utile, une vie productive et d'être un membre très actif dans une communauté humaine, et ça, c'est énorme comme bout de chemin de fait socialement et c'est surtout très important pour les gens qui sont pris dans cette situation-là.

Au cours des récentes années, il y a des actions importantes qui ont été prises pour aller encore plus loin, et atteindre le plus grand nombre possible de personnes, et leur favoriser une intégration dans la société, le plus possible en ayant un travail. On sait que le travail, un emploi dans notre type de société, c'est une des façons les plus importantes, les plus réelles d'être intégré et de vivre socialement avec les autres.

(15 h 20)

Comme vous le savez, au moment du Sommet sur l'économie et l'emploi, il y a eu une concertation de différents secteurs, le ministère de la Sécurité du revenu, le ministère de la Santé et des Services sociaux, l'Office des personnes handicapées du Québec, pour pouvoir mettre nos ressources plus en commun et développer plus de centres de travail adapté et plus de places pour que des gens qui ne peuvent peut-être pas travailler à un rythme tout à fait normal d'entreprise puissent quand même fonctionner dans des entreprises qui sont des entreprises réelles, qui fonctionnent dans une économie de marché, en occupant des créneaux qui correspondent aux capacités des gens qui peuvent travailler dans ces centres de travail adapté. De plus, au ministère de la Santé et des Services sociaux, on veut compléter ce travail. Il y a un projet, au cours de l'année 1998, où on aura des orientations ministérielles, peut-être un projet de politique pour aller encore plus loin dans nos objectifs d'intégration sociale, en soutenant mieux les familles, les proches, les groupes communautaires qui doivent participer à donner un environnement de vie normal à des personnes qui doivent combler certains déficits, qui doivent combler certains handicaps.

Ce thème de la semaine, Parlez-moi de mes réussites , je pense que c'est un très beau thème, parce qu'on est souvent porté à regretter les difficultés, on est souvent plutôt porté à voir les côtés moins réussis. Il faut les voir, faut en être conscient, faut les améliorer, mais il faut qu'on voie aussi les réussites. Il faut qu'on puisse se donner confiance pour aller plus loin. Alors, il faut que ces personnes-là qui ont fait des efforts énormes pour fonctionner, qui doivent faire un effort plus grand qu'une personne qui a plus de moyens à utiliser puissent parler, qu'on puisse parler de leurs réussites. Il faut que ceux qui travaillent avec elles, les entreprises, les groupes sociaux, puissent parler de leurs réussites et que les familles, mieux soutenues, puissent aussi être fières des réussites qu'elles ont faites, et ça, il y en a beaucoup.

Quand on circule au Québec, on réalise que ce n'est pas quelque chose de théorique, que c'est quelque chose qui est vrai, que c'est quelque chose qui est vécu, et on leur souhaite, à ces gens-là et à tous ceux qui seront dans leur situation, une vie la plus agréable, la plus utile, la plus productive, la plus intégrée possible. On ne lésinera pas sur les moyens qu'on pourra prendre pour faire que ça se fasse le plus vite possible et le mieux possible, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Mise aux voix

Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le leader. M. le chef de l'opposition.


Offrir les meilleurs voeux de l'Assemblée à la communauté irlandaise à l'occasion de la Saint-Patrick

M. Johnson: Oui. J'ai une motion sans préavis. Je demande le consentement de cette Chambre pour présenter et éventuellement adopter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses meilleurs voeux à toute la communauté irlandaise du Québec à l'occasion de la fête de la Saint-Patrick.»

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

M. Boulerice: Avec un immense plaisir, M. le Président, envers nos compatriotes irlandais, dont le chef de l'opposition est issu. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le chef de l'opposition.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui. M. le Président, on dit souvent qu'entre 40 % et 60 % des Québécois se trouvent un peu de sang irlandais. Dans mon cas, c'est clairement 25 % qui est démontrable et prouvable. Et ce que je tenais à faire ici aujourd'hui, c'est de rendre hommage à tous nos compatriotes d'origine irlandaise.

La Saint-Patrick, on identifie ça la plupart du temps à des défilés, hein, au fameux défilé de la Saint-Patrick, qui encore une fois a eu lieu à Montréal toujours à peu près dans les mêmes conditions: il fait toujours froid, puis des fois il y a de la neige. On ne peut pas dire que les Irlandais sont chanceux, du côté de leur défilé annuel. C'est un moment qu'on associe la plupart du temps à des réjouissances, à des célébrations de toute nature, à la joie de vivre, à toutes les manifestations extérieures qu'on peut associer à une fête. Mais, en réalité, traditionnellement, c'était une fête religieuse que la Saint-Patrick. Nos compatriotes d'origine irlandaise, en Irlande, allaient à l'église, hein? Ils n'allaient pas au pub à l'occasion de la Saint-Patrick. D'ailleurs, les pubs, les débits de boissons sont fermés, en général – ils l'étaient, à tout le moins, à l'époque, il n'y a pas si longtemps – pour que les gens puissent s'adonner à des manifestations religieuses: la méditation sur leurs origines, la réflexion sur leur foi, et, évidemment, c'est le moment, encore une fois, comme à tous ces anniversaires-là, pour faire le bilan et envisager les perspectives d'une vie nouvelle.

Mais, je dirais, dans cet esprit-là, on peut élargir la réflexion et examiner la contribution, ici, au Québec, que les Irlandais ont faite à notre développement. Et je pense qu'à la sortie de la 150e année des premières arrivées, 1847 donc, qui ont été célébrées notamment à Grosse Ile, ici, au large de Québec, dans le fleuve Saint-Laurent, il y a un nombre considérable de Québécois de toutes origines, y compris et surtout les francophones, notamment de la région de Québec, qui ont été sensibilisés à cet héritage irlandais... qu'est l'héritage complet des Québécois. Et je dirais qu'on a comme dépoussiéré, chacun, nos origines, on a regardé un peu plus loin ou un peu plus haut dans l'histoire afin de voir, chacun dans notre patelin, chacun dans nos familles, quelle pourrait avoir été la contribution de concitoyens d'origine irlandaise.

Et je dirais que, tous et chacun, on a retrouvé à cette occasion-là des contributions... pas seulement dans la politique – c'est toujours ce qui est relativement plus visible, et, l'an dernier, j'en avais parlé assez longuement, d'ailleurs, de la contribution de différents irlandais d'origine à la vie politique québécoise, depuis bien avant la Confédération, d'ailleurs, ici, au Québec – dans les arts, dans la littérature, dans l'architecture, dans les affaires, dans les sciences, dans l'éducation et la santé. Les Québécois d'origine irlandaise ont toujours manifesté, avec l'entrain et l'enthousiasme, avec la passion, je dirais, qu'on associe aux Irlandais... certaines de nos grandes réalisations. Et, aujourd'hui, je m'en serais voulu de passer sous silence cette contribution de nos compatriotes et j'ai donc fait motion, M. le Président, pour que, tous ensemble, nous saluions nos compatriotes d'origine irlandaise ici, au Québec, et que nous les remercions de leur contribution à la construction du Québec moderne.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le chef de l'opposition. Nous cédons maintenant la parole au député de Lévis. Alors, M. le député.


M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je n'ai pas fait le calcul, mais j'ai au moins 25 % de sang irlandais, sauf qu'il venait de ma mère. Mais je peux vous dire que son nom est un nom aussi irlandais que Dupont est un nom français, puisque c'était Sweeny, de la région de Cork. Et à tel point que, quand je suis allé en Irlande, en 1986, avec une délégation de l'Assemblée nationale à l'invitation du président de l'Assemblée nationale d'Irlande, alors que j'étais à l'hôtel, une femme s'adresse à moi, elle dit: Venez-vous de Cork? Pour ne pas qu'elle reconnaisse mon accent, j'ai dit seulement: «Why?» Elle a dit: Parce que vous ressemblez aux gens de Cork. Alors, j'ai été un peu surpris; je savais que la génétique était forte, mais je ne pensais pas qu'elle était aussi forte!

Je suppose que les gens, maintenant, de l'Assemblée nationale vont dire que le député de Lévis a parfois mauvais caractère parce qu'il est irlandais. Mais je vous dirais que le chef de l'opposition a dit une chose qui m'a... quand il a parlé de la joie de vivre des Irlandais. Je pense que c'est ce qui les caractérise, la joie de vivre, et des gens qui n'ont pas peur d'être eux-mêmes. Je me rappelle d'avoir entendu, à l'occasion de ce même voyage... C'était au moment où il y avait un débat sur le référendum sur le divorce, et à ce moment-là j'écoutais une discussion qu'il y avait entre des gens au bar de l'hôtel. Et les gens disaient: Ça n'a pas de bon sens de ne pas voter pour le divorce, toute l'Europe a voté pour le divorce. Et d'autres disaient: Nous autres, on n'a pas d'affaire à s'occuper de l'Europe; nous sommes irlandais, on fera ce qu'on voudra. J'avais trouvé ça magnifique, parce que les Irlandais ont une caractéristique de ne pas avoir peur d'exprimer ce qu'ils sont.

(15 h 30)

Et, d'ailleurs, on regarde certains territoires ou certains endroits où il y a une masse critique plus forte, comme dans la région de Boston, et l'influence irlandaise est vraiment apparente, puisque les Irlandais ont gardé des traditions. Au Québec, on a intégré beaucoup plus de valeurs irlandaises qu'on le pense, mais on ne le sait pas. Que ce soit dans notre musique, quand les gens pensent que les rigodons de nos campagnes viennent de la Beauce; ils vont se rendre compte, s'ils vont en Irlande, qu'ils viennent de l'Irlande et qu'une grande partie de la musique qu'on pense folklorique québécoise ne vient pas de la Bretagne ou de la Normandie mais vient de l'Irlande directement. Maintenant qu'on a des groupes qui sont plus populaires, maintenant, à la télévision, avec Riverdance puis d'autres, les gens se rendent compte que ces rythmes-là ressemblent beaucoup aux rythmes qu'on a au Québec. Également, dans la nourriture, la cuisine, on remarque, dans beaucoup de nos familles, que ce qu'on appelle des plats québécois sont des plats irlandais. On a changé le nom. Au lieu d'être un «Irish stew», c'est un bouilli canadien ou un bouilli québécois, mais dans le fond c'est un «Irish stew». C'est la même chose.

J'ai l'impression aussi que les Québécois et les Irlandais ont pu facilement se marier ensemble parce qu'ils étaient de même religion. Je me demande même si les Irlandais qui immigraient ici au milieu du XIXe siècle parlaient l'anglais ou s'ils ne parlaient pas le gaélique. Ce n'était pas bien, bien compliqué, dans beaucoup de régions où il y a des groupes d'Irlandais, de marier des gens qui étaient français parce qu'ils n'avaient pas de problèmes religieux parce qu'ils étaient de la même religion. On sait à quel point, à cette époque, les coutumes de l'année, pour une bonne partie, les fêtes de l'année, les fêtes religieuses, regroupaient les gens dans plusieurs circonstances.

J'ai remarqué, au cours des élections, aussi, parfois... J'ai eu l'occasion d'aller faire un tour, à la dernière élection, dans Lotbinière, avec le député de Lotbinière, et il y avait un groupe... Le député de Thetford doit le savoir, parce que c'était un chemin qui menait à Thetford et qui était envasé. Le député de Lotbinière m'avait invité, au cours de la campagne électorale. J'avais dit: Bien, lui, il est député. S'il est élu, il devrait s'occuper de vous, parce qu'un chemin vaseux comme ça, je n'ai jamais vu ça. D'autant plus que c'était une côte épouvantable, quand il pleuvait trop, les gens n'étaient pas capables de monter, ils restaient pris dans le bas de la côte. Je lui demandais récemment: Il va y avoir des élections bientôt, t'es-tu occupé du chemin des Irlandais? Il m'a dit: On a un bon bout de fait. Mais ce qui m'avait frappé quand j'étais là, quand on était allés ensemble voir les gens, c'est à quel point l'esprit de communauté, l'esprit existait et demeurait, malgré les années. Les gens étaient toujours fiers d'être Irlandais. C'est pour ça, moi, que ça ne m'a jamais frappé, ça ne m'a jamais traumatisé de voir qu'au Québec, quand des gens sont d'origine italienne, d'origine grecque, de différentes origines, ils sont fiers des succès du peuple dont ils originent.

Je pense que, aujourd'hui... Mes ancêtres sont ici depuis à peu près 150 ans, j'imagine, ou 140 ans, à peu près à la même époque, je suppose, que les ancêtres irlandais du chef de l'opposition. Aujourd'hui, moi, je ressens beaucoup de fierté parce que je me suis attaché un peu plus à connaître l'histoire irlandaise. Je suis très content de voir, par exemple, qu'on vient d'arrêter l'émigration d'Irlande. Maintenant, depuis deux ans, les gens de l'Irlande n'émigrent plus, émigrent moins; au contraire, on commence à retourner en Irlande. Pourquoi? Parce que la prospérité est plus grande, l'économie va mieux.

L'Irlande, au XIXe siècle, a été un pays de 11 000 000 de population. Aujourd'hui, quand on calcule les deux Irlande, l'Irlande du Nord et l'Irlande du Sud, c'est à peu près 5 000 000 de population. Alors, quand je vois, des fois, qu'on se pose des questions, si le Québec existerait moins si on était moins nombreux, au lieu d'être 7 500 000, d'être 6 000 000, je me dis: Est-ce que l'Irlande est moins l'Irlande maintenant, parce qu'il y a 5 000 000 d'Irlandais en Irlande du Nord et en Irlande du Sud, qu'au moment où il y en avait 11 000 000? Je pense que le fait d'être une communauté, ça ne va pas par le nombre de la population, mais par la vigueur de l'expression culturelle de cette population.

Dans les années qui vont venir, je ne pense pas que les peuples vont se manifester beaucoup par l'aspect militaire qui va aller en régressant. Les règles économiques sont de plus en plus internationales, mais je pense que les communautés vont mettre de plus en plus en valeur leurs richesses culturelles, leurs façons de concevoir les choses et vont exprimer la fierté qu'ils ressentent à participer à cette culture.

Aujourd'hui, il me fait plaisir de me joindre à la motion du chef de l'opposition pour fêter avec les Irlandais puis, en se fêtant un peu nous-mêmes, faire en sorte de fêter les gens qui sont ici, qui ont eu un apport considérable à la culture, à faire le Québec tel qu'il est. Parce que le Québec qui est aujourd'hui le Québec ne serait pas le Québec tel qu'il est aujourd'hui sans l'apport considérable des Irlandais qui sont venus enrichir notre collectivité. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Lévis. Nous cédons maintenant la parole au député de Vachon. Alors, M. le député.


M. David Payne

M. Payne: It's a pleasure to speak, Mr. Speaker, today. On both sides of our family from County Meath and from Kilkenny, I guess I should say that the Paynes are Irish. Québec has a culture formed by men and women from all corners of the world, above all from France, but Québec, as Lower Canada was then, saw the soul of Ireland in the early 1840s. We witnessed that year the grief born of famine, drought and neglect which brought havoc on our brothers from Ireland. Only a few miles from here, they came off the boats over a period of six, seven years at Grosse Ile, and many of them never got any further. Some of those who came into the parishes of the city of Québec were brought into the arms of people like you, women and men brought into the heart of Québec, bringing with them a language, a tradition, a history, a culture and a love for that land which is Ireland.

L'Irlande est plus qu'une île. La culture québécoise est issue de femmes et d'hommes de partout dans le monde, mais un des pays qui a marqué peut-être plus que tout autre, à l'exception de la France, c'est l'Irlande. Et je voudrais qu'on se rappelle cette année, cette décennie, d'ailleurs, 1840, après 1840, où nous étions témoins de la douleur, de la famine, la sécheresse et l'indifférence qui ont été la croix de nos bien-aimés frères et soeurs d'Irlande. Je pense qu'aujourd'hui ce serait approprié de rappeler Grosse Ile parce qu'il s'agit, par coïncidence, du 150e anniversaire de Grosse Ile où tant de nos concitoyens irlandais ont perdu la vie en arrivant sur la terre québécoise. On devrait, je pense, réitérer aujourd'hui notre solidarité à l'égard de ce grand pays qu'est l'Irlande et, surtout, de ces fils et filles qui ont fait du Québec leur nouvelle patrie, de ceux et celles qui ont contribué à bâtir le Québec d'aujourd'hui. Le même sang coule dans nos veines. Beaucoup d'entre nous partageons le même credo religieux. Notre passé commun nous lie à tout jamais.

C'est pour ça que, M. le Président, je voudrais qu'on se rappelle aujourd'hui comme Québécois... Nous qui utilisons souvent ces paroles «Je me souviens», je voudrais bien aussi qu'on se rappelle qu'il y a un autre pays, aussi, qu'on se souvienne de leur douleur et qu'on se souvienne de leur grande contribution en Amérique du Nord. Passant souvent, comme je dis, par Grosse Île, maintenant ils contribuent, à travers l'Amérique du Nord, à la culture nord-américaine et chez nous, bien sûr, à la culture québécoise.

God bless Ireland. God bless the Irish.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Vachon. Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. M. le ministre.


Souligner la Journée mondiale des droits des consommateurs

M. Boisclair: Alors, M. le Président, au nom de mes collègues, je voudrais présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée mondiale des droits des consommateurs, qui a été célébrée le 15 mars dernier sous le thème La pauvreté et la consommation

(15 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. Alors, M. le ministre.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Alors, M. le Président, comme ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et responsable de la protection des consommateurs, je suis très honoré de proposer à cette Assemblée de souligner la Journée mondiale des droits des consommateurs qui a eu lieu le 15 mars dernier, donc avant-hier, sous le thème La pauvreté et la consommation .

J'aimerais, M. le Président, rappeler brièvement les origines de cette journée thématique qui dépasse les frontières québécoises. C'est le 15 mars 1962 que le président John F. Kennedy, dans une allocution présentée devant le Congrès américain, reconnaissait formellement aux consommateurs le droit à la sécurité, le droit d'être bien informé, le droit de choisir et le droit aussi d'être entendu.

En 1983, l'Organisation internationale des unions de consommateurs proclamait, en souvenir de cette affirmation, que soit instituée une journée mondiale des droits des consommateurs. Cet organisme sans but lucratif et apolitique ne cesse de protéger, ne cesse de promouvoir les intérêts des consommateurs. C'est à son instigation que l'Organisation des Nations unies a adopté, en 1985, une charte de protection des consommateurs. Cette dernière lie les États membres et les engage à entreprendre les actions appropriées pour renforcer ou pour instaurer, là où elles n'existent pas, les mesures visant à établir pour leur population une protection adéquate des consommateurs.

En créant cette journée qui est, somme toute, M. le Président, une journée de conscientisation, l'Organisation internationale entreprenait de travailler à la reconnaissance de trois autres droits fondamentaux maintenant acquis. D'abord, bien sûr, on le sait, le droit de recours, le droit à l'éducation à la consommation et le droit à un environnement sain. La reconnaissance de ces droits est d'une absolue nécessité et est à la base du principe composant la justice sociale.

Permettez-moi d'ailleurs, M. le Président, de souligner que le Québec a toujours été et est toujours à l'avant-garde de la défense des consommateurs, le Québec qui, lui, créait en 1971 un Office de la protection du consommateur et qui dotait la population, en 1971 puis en 1978, de lois de protection des consommateurs jugées à l'époque et toujours jugées les plus avant-gardistes du monde industrialisé.

Pour revenir au thème, cependant, de cette journée internationale, j'aimerais préciser, M. le Président, que bien sûr, nous en convenons tous ici, dans cette Assemblée, la pauvreté est une réalité difficile qui occasionne de multiples problèmes de consommation. Les personnes avec des revenus modestes sont souvent incapables d'avoir accès à tous les biens ou même à tous les services qui sont essentiels à leur bien-être. C'est un problème d'autant plus préoccupant, un problème d'autant plus crucial que la consommation est bien sûr, dans nos sociétés modernes, une activité incontournable et une activité significative dans la vie quotidienne de chaque Québécois ou de chaque Québécoise. Bien que la pauvreté entraîne des problèmes de consommation, la consommation irréfléchie et la surconsommation conduisent elles aussi à l'endettement et, par ricochet, à la pauvreté.

L'Office de la protection du consommateur a malheureusement peu d'emprise sur les conditions socioéconomiques dans lesquelles vivent nos concitoyens et nos concitoyennes. C'est d'abord là l'oeuvre du gouvernement, c'est d'abord là l'oeuvre de l'entreprise, c'est d'abord là aussi l'oeuvre des organisations communautaires. Toutefois, l'Office de la protection du consommateur, dans le cadre du mandat que lui ont confié les membres de l'Assemblée nationale, est en mesure d'intervenir face à certaines problématiques reliées à la pauvreté en informant notamment les citoyens sur les pièges de l'endettement, mais aussi en dénonçant fermement des pratiques commerciales douteuses, en faisant des enquêtes sur des commerçants peu scrupuleux et bien sûr en poursuivant en dernière ligne ceux qui contreviennent à la Loi sur la protection du consommateur.

Si donc la pauvreté n'est toujours pas synonyme de vulnérabilité, certaines personnes, par exemple, à faibles revenus peuvent être en effet des consommateurs prudents et bien informés alors que d'autres plus aisés peuvent être très vulnérables; il existe cependant un lien direct entre ignorance et vulnérabilité. C'est pourquoi l'Office de la protection du consommateur multiplie depuis de nombreuses années ses interventions visant à informer le plus grand nombre de personnes, l'information constituant aux yeux du gouvernement la meilleure protection des consommateurs. Donc, conférences de presse, offensives médiatiques touchant les problèmes aigus de consommation, chroniques à la radio, chroniques à la télévision, dans les journaux, communiqués de presse de mise en garde ou condamnation, représentations auprès de consommateurs, auprès aussi des entrepreneurs, autant d'entreprises et d'actions qui sont efficaces, qui visent à mieux informer les consommateurs.

D'ailleurs, M. le Président, il serait opportun à cette occasion, de profiter de l'occasion pour souligner le travail de tous les employés de l'Office de protection du consommateur et de ses partenaires communautaires, ces associations de protection du consommateur qui, comme nous l'avons vu tout récemment, sont intervenues à l'occasion de la récente crise du verglas pour renseigner les consommateurs, annoncer et traiter, dis-je, les dénonciations et finalement analyser les plaintes que les consommateurs portaient à l'attention de l'Office de protection du consommateur.

Aussi, M. le Président, aux moyens de communication que j'ai énumérés pour informer les citoyens, s'ajoute la publication du magazine Protégez-vous , qui fête cette année ses 25 ans d'existence, 25 années au service des consommateurs québécois, 25 années à faire oeuvre d'éducation, 25 années à faire oeuvre d'information pour que tous puissent objectivement être bien renseignés sur leurs droits dans chacun des domaines de consommation, de même, bien sûr, que sur les biens et services qui sont offerts aux consommateurs. Il faut rappeler ce grand succès québécois. Avec plus de 175 000 exemplaires vendus par mois, Protégez-vous est sans contredit le plus important magazine au Québec, toutes catégories et toutes fréquences confondues. C'est également le magazine dont les Québécois entendent le plus parler. Chaque semaine, les contenus de Protégez-vous sont repris par les médias d'information, qui permettent ainsi de rejoindre au Québec plus de 1 000 000 de lecteurs et d'auditeurs.

Enfin, M. le Président, toujours dans le but d'outiller le plus adéquatement possible les consommateurs pour qu'ils soient en mesure de faire face à l'endettement, je m'en voudrais de ne pas mentionner les interventions des associations de protection du consommateur qui viennent compléter, qui viennent complémenter, qui viennent ajouter à la mission de l'Office en offrant, entre autres, aux personnes qui éprouvent des difficultés financières des services de consultation budgétaire. Ces organisations sont d'ailleurs généreusement soutenues par les différents ministères du gouvernement du Québec.

L'approche préventive, soit l'information et l'éducation des consommateurs, adoptée par l'Office, porte ses fruits. Toutefois, le consommateur n'est pas à l'abri de tout danger et il doit continuer d'être protégé, surtout dans le contexte actuel qui se caractérise notamment par l'ouverture des marchés internationaux et par le développement fulgurant de nouvelles technologies de l'information. À ces réalités s'ajoute le défi incontournable de la mise à jour et aussi de l'harmonisation des lois et des règlements en matière de protection du consommateur.

En somme, M. le Président, je crois que plus que jamais l'Office de protection du consommateur a un rôle essentiel à jouer dans la protection du public. J'ajouterais que l'Office de protection du consommateur fait partie de ces institutions qui ne pourront jamais affirmer: Mission accomplie. Au contraire, la constante évolution du champ de la consommation oblige à maintenir sur une base continue des efforts de protection des consommateurs, de façon parfois différente il faut l'avouer, mais toujours avec ce même grand souci d'efficacité.

C'est donc dans cet esprit, M. le Président, que l'Office a entrepris cette année une importante démarche de planification stratégique visant à définir ses orientations et son plan d'action pour les prochaines années et qu'il s'est associé, dans cette réflexion, les associations de consommateurs, les milieux universitaires, dans le but aussi de dégager les principaux enjeux de consommation. Même s'il s'agit d'une opération réalisée périodiquement à l'Office, cette réflexion revêt cette fois-ci une importance capitale dans le contexte où les défis se multiplient et débordent les frontières nationales et, bien sûr, comme nous le savons, trop souvent – et nous le savons tous dans cette Assemblée – alors que les ressources disponibles pour y faire face sont limitées.

Il ne suffit donc plus de modifier certaines façons de faire pour s'ajuster, il faut revoir les orientations de l'organisme et l'ensemble de ses stratégies pour s'adapter à la situation tout en visant le maintien des plus hauts standards de protection pour les consommateurs. Le maintien des droits acquis et la place qu'occupe actuellement le Québec parmi les leaders mondiaux en matière de protection du consommateur nous y obligent. Je suis persuadé, M. le Président, que l'Office de la protection du consommateur saura se montrer à la hauteur de ces attentes. Je vous remercie.

(15 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Je désire souligner aujourd'hui la Journée mondiale des droits des consommateurs. Lorsqu'on a décrété le 15 mars comme Journée mondiale des droits des consommateurs, on a voulu garantir à tous les consommateurs certains droits fondamentaux comme le droit d'être informé, le droit de choisir, le droit d'être entendu, le droit de recours, le droit à la sécurité et le droit à l'éducation à la consommation.

Le thème choisi cette année, La pauvreté et la consommation , reflète une réalité qui malheureusement nous touche de plus en plus au Québec. A priori, on peut voir un paradoxe entre pauvreté et consommation, la pauvreté étant l'absence ou la rareté des ressources, alors que la consommation implique l'utilisation de ces mêmes ressources.

Bien sûr, la consommation peut apparaître comme une activité quotidienne simple et même banale. Au contraire, cette activité devient encore de plus en plus complexe. Elle demande une grande vigilance et une plus grande attention de la part des consommateurs. L'évolution technologique, l'ouverture des marchés viennent tout changer. De nouveaux phénomènes, de nouvelles pratiques apparaissent. Pensons aux domaines des télécommunications et des technologies de l'information, ainsi qu'à l'omniprésence du télémarketing.

Face à cette réalité, on retrouve des citoyens qui ont à composer avec un contexte économique difficile. Le pouvoir d'achat des consommateurs diminue sans cesse et l'endettement des consommateurs atteint des niveaux dramatiques. Toutes ces conditions amènent une pauvreté grandissante.

Conséquence à tout cela, M. le Président, la vulnérabilité des consommateurs s'accroît, l'équilibre dans les rapports entre les consommateurs et les commerçants est rompu. C'est ainsi que sont apparues de nouvelles pratiques liées directement à cette réalité sociale. Pensons aux prêteurs sur gages, aux courtiers en prêts, aux ventes pyramidales, aux prêts personnels à haut intérêt. De plus, certaines techniques de vente visent directement les consommateurs dont les revenus ne leur permettent pas de se procurer un bien ou un service. Ainsi, on fait miroiter le rêve. Achetez maintenant, payez plus tard, propose-t-on aux consommateurs; mais, derrière ce rêve, la réalité est bien présente. Bien trop souvent, les personnes qui vivent dans une situation économique précaire sont les victimes de ces pratiques.

L'information et l'éducation ne peuvent être les seuls moyens mis de l'avant pour assurer la protection des droits des consommateurs. On doit s'inquiéter, M. le Président, et notre inquiétude devient plus grande si on n'a pas d'emprise sur la pauvreté et si l'on ne donne pas des moyens d'aider ces consommateurs vulnérables qui n'appellent pas à l'Office et ne lisent pas la revue Protégez-vous . Il devient donc impératif pour l'État de protéger ceux qui sont les plus démunis dans cette société en mutation.

Le débat devrait se concentrer sur un sujet et un seul: comment assurer la reconnaissance et la protection des droits des plus pauvres. D'entrée de jeu, trois choses nous frappent: l'OPC a réussi sa mission auprès des gens et des classes moyennes et supérieures; les pauvres sont de plus en plus pauvres, alors que la société s'enrichit; les ressources de l'Office se font de plus en plus rares suite à la diminution dramatique de son budget.

On peut dire que l'Office de la protection du consommateur, depuis ses 27 ans d'existence, a accompli un travail considérable. Mais les grands bénéficiaires de ses actions sont ceux qu'il est convenu d'appeler les «classes moyennes». Dans ce contexte, il importe de mieux cibler et de prioriser la protection des personnes que d'autres mesures gouvernementales frappent d'autant plus durement. Ces personnes ont besoin d'outils adaptés à leur contexte et à leur milieu. Elles ont besoin d'un suivi plus assidu par les autorités.

The Government must find the means through legislation to assure itself that the rights of consumers are respected as well as to assure itself that commerce with the consumer is carried out in a just and equitable manner. We must legislate against questionable practices which affect the quality of life of our citizens, and more particularly the poor in our society.

Le gouvernement doit assurer aux consommateurs québécois le respect de leurs droits ainsi que des pratiques de commerce justes et équitables. Il doit faire que cessent les pratiques douteuses qui affectent la qualité de vie de l'ensemble de nos citoyens et plus particulièrement des plus démunis de notre société. Et la solution doit aller au-delà de l'éducation et de l'information. Le gouvernement doit encadrer certaines de ces pratiques de façon législative ou réglementaire.

La Loi de la protection du consommateur ne doit souffrir d'aucun décalage; elle doit continuellement s'adapter à la réalité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Le gouvernement doit également accorder à l'Office et aux groupes de protection des consommateurs – et cela est essentiel – les budgets afin qu'ils puissent continuer leur action indispensable auprès des consommateurs québécois. Le gouvernement doit donc clairement marquer son engagement et sa conviction dans la protection des consommateurs. Il doit signifier non pas par des actions ou par des paroles creuses mais de façon concrète et réelle qu'il en fait une priorité avant qu'il ne soit trop tard. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Le débat étant terminé, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Boulerice: Oui, M. le Président, tout en vous invitant à avoir une acuité visuelle supérieure à la moyenne pour ce qui est des députés ne faisant pas plus de deux mètres et ainsi préserver le temps de parole en vue de l'alternance, je vous demanderais la poursuite du débat pour l'adoption de principe du projet de loi n° 186, donc vous référant, M. le Président, à l'article 4 de notre feuilleton.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, comme, M. le leader adjoint du gouvernement, nous en sommes toujours aux affaires courantes de cette Assemblée, je considère que les avis touchant les travaux des commissions ont été donnés tout à l'heure par le leader du gouvernement. Donc, si vous n'avez point autre chose, je vais passer aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous informe que, demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion inscrite par M. le député de Nelligan. Cette motion se lit comme suit:

(16 heures)

«Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement de tenir une commission parlementaire afin d'entendre tous les intéressés quant à la décision du gouvernement de réclamer rétroactivement des cotisations auprès des travailleurs à pourboire.»


Affaires du jour


Projet de loi n° 186


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Ceci met donc fin aux affaires courantes de l'Assemblée, et nous allons passer, maintenant, aux affaires du jour. Comme vous nous le mentionniez tout à l'heure, M. le leader adjoint du gouvernement, vous désiriez que j'appelle l'article 4 de notre feuilleton. Alors, à l'article 4 de notre feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Lors de la suspension du débat, M. le député de l'Acadie avait été le dernier interlocuteur. Y a-t-il maintenant d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 186? Alors, nous cédons la parole au député de Kamouraska-Témiscouata. M. le député.


M. Claude Béchard

M. Béchard: Merci, M. le Président. J'interviens sur le projet de loi n° 186, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Avant de débuter mon intervention, j'aimerais revenir sur certains des points qui ont été soulevés ce matin par des députés membres du gouvernement relativement à ce projet de loi là et qui ont soulevé chez moi plusieurs questions, plusieurs interrogations et aussi un certain questionnement en ce qui a trait à leur compréhension comme telle de ce projet de loi là.

J'entendais la députée de Rimouski, ce matin, dire que chaque semaine, comme tous les députés, elle recevait des gens et qu'ils venaient lui parler de l'aide sociale et des lois en vigueur et nous dire que, pour elle, c'est bon, ce qui est fait là-dedans, et que ce n'est pas normal de voir les jeunes qui profitent, comme on dirait, du système actuel et qu'il fallait y aller avec des mesures concrètes pour que les jeunes retournent sur le marché du travail. Et, selon elle, les coupures qu'il y a dans ce projet de loi là et la fin de la parité de l'aide sociale pour les moins de 30 ans, c'est une de ces mesures-là qui vont aider les jeunes à réintégrer le marché du travail. S'il y a des jeunes à Rimouski qui sont d'accord avec ce principe-là, tant mieux, mais, si c'est comme dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, j'inviterais les gens de Rimouski à aller à son bureau de comté la rencontrer pour lui expliquer, surtout se faire expliquer comment des coupures comme ça et la fin de la parité de l'aide sociale pour les moins de 30 ans, ça peut être une bonne mesure et ça peut aider à la réintégration sociale!

J'entendais aussi parler, M. le Président, du fait que les allocations familiales, maintenant, sont comptées, si on veut, dans le revenu comme tel. Moi, je vous dirais une chose: je ne sais pas de quoi ça a l'air à Rimouski, mais, dans le comté de Kamouraska-Témiscouata, s'il y a une mesure qui fait mal, c'est bien celle-là. Je veux dire, à partir du moment où des familles ont les allocations familiales... Ce n'est pas un revenu, les allocations familiales, c'est là pour subvenir aux besoins des familles, aux besoins de leurs jeunes enfants, et le fait de calculer ça dans des revenus, comme le propose le projet de loi actuel, je ne pense pas que ce soit une mesure que l'on puisse donner en exemple, et on devrait être gêné de donner cette mesure-là en exemple.

Un autre collègue, M. le Président, de la députée de Rimouski, le député de Saint-Hyacinthe, qui, dans une envolée oratoire absolument mémorable... Je vous dirais une chose: sans doute que, par le ton, il a tenté de faire oublier ce qu'il disait, mais, cependant, quand on s'attardait aux mots qu'il employait, encore une fois, pour lui, ça semble correct que l'on mette fin à la parité de l'aide sociale, parité qui, en passant, avait été mise en place par le gouvernement libéral au début des années quatre-vingt-dix, à un moment où on se disait: Bien, écoutez, les jeunes, ce n'est pas un défaut d'être jeune, ce n'est pas un problème, pourquoi on aurait deux régimes, un régime à deux vitesses? Je pense qu'il y a d'autres moyens de favoriser l'intégration des jeunes sur le marché de l'emploi que de simplement dire: Bon, on va mettre fin à la parité de l'aide sociale.

Par ailleurs, M. le Président, j'ai bien ri quand j'ai entendu le député de Saint-Hyacinthe dire que son gouvernement avait investi et augmenté les montants qui étaient donnés et alloués au budget du ministère de la Sécurité du revenu. Je ne comprends pas comment il peut en arriver à cela, alors que, dans les coupures des trois dernières années, au niveau des lois sur la Sécurité du revenu, on peut y aller avec l'abolition du barème de disponibilité – 50 $ de moins par mois – l'abolition des avoirs liquides pour le mois de la demande, la baisse du barème de participation de 30 $ par mois, des coupures dans l'allocation de logement, la fin de la gratuité des médicaments, le désengagement au niveau des soins dentaires et optométriques, l'imposition des prestations d'aide sociale lors du retour au travail, l'abolition de l'allocation pour remboursement de l'impôt foncier, l'abolition du barème de non-disponibilité pour les mères monoparentales ayant à charge des enfants de cinq ans.

M. le Président, je me demande comment il peut, humainement et, je dirais, de façon la plus critique possible, arriver à dire que ces coupures-là, qui totalisent environ 410 000 000 $, représentent des nouveaux investissements, dans les lois sur le ministère du Revenu.

M. le Président, il y a certaines choses qui m'ont toujours frappé du gouvernement en place. C'est comme si ces gens-là n'avaient jamais fait de campagne électorale et n'avaient jamais eu de programme électoral. On peut sortir quelques points qui sont dans leur programme électoral, sur lequel ils se sont fait élire en 1994, et dont ils se vantaient à l'époque d'amener une nouvelle façon de gouverner et qu'ils entendaient le suivre.

Juste quelques exemples sur des points qui étaient dans ce programme-là et qui ne sont pas respectés. À la page 172 de leur programme, on parlait de garantir l'accès à un régime de revenu minimum, et c'était dit et mentionné là-dedans: «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 sur la sécurité du revenu de façon à y remplacer tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.» Quel beau discours! Le projet de loi n° 186 fait exactement le contraire! J'espère que dans leur séance de caucus, où ils se font tous dire que ce projet de loi là est bien et merveilleux et qu'il faut qu'ils l'appuient sans trop savoir pourquoi, ils se font aussi mentionner ces éléments-là.

On parlait aussi que les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit. «C'est-u» assez fort, de dire ça dans un programme électoral et, trois ans après, un petit peu plus de trois ans après, arriver et dire carrément que maintenant le barème va être conditionnel à certaines mesures, à un parcours obligatoire pour les 18-24 ans! Je vais vous dire une chose, les gens qui ont voté pour le gouvernement à cette époque-là ne s'attendaient sûrement pas à avoir, je dirais, une telle rebuffade aussi rapidement.

M. le Président, il y a d'autres éléments, par exemple, qui ont été oubliés. Si on regarde à la page 173, toujours de leur programme, le point 2.7: «La définition du conjoint de fait utilisée actuellement dans la loi de l'aide sociale est un concept arbitraire et discriminatoire à l'égard des femmes assistées sociales. Il faudra préciser cette notion pour l'adopter et l'utiliser dans l'ensemble de la législation québécoise, par exemple, la Loi sur l'assurance-automobile, la Loi sur les accidents de travail, les maladies professionnelles, la Régie des rentes», etc. Le projet de loi n° 186 ne fait pas mention de cet élément-là.

Donc, ce sont des points qui nous font carrément dire que ce gouvernement-là a été élu pour faire une chose, et il a dit qu'il ferait une chose, et que dans les faits, dans la réalité, une fois élu, bien, on oublie tout le programme; on passe à autre chose et on s'en va directement dans des mesures qu'on disait dénoncer et qu'on disait surtout éviter. Non seulement on fait ça, mais on retourne dans une situation qui est pire que celle que l'on avait avant. C'est un retour en arrière.

Quand on regarde ces mesures-là, je pense que ce n'est jamais avec joie et avec enthousiasme qu'on parle de mesures qui concernent la sécurité du revenu. Je pense qu'on ne peut pas et que l'on ne doit pas souhaiter à personne de se retrouver dans des situations semblables. Sauf que je pense qu'il faut se rendre compte d'un élément, c'est que, d'un côté, on a des discours mielleux, on a des discours enrobés de compassion, de solidarité, on parle même dans le titre de solidarité sociale, mais dans les faits on se rend compte que c'est une hémorragie de coupures qui concernent la sécurité du revenu depuis deux ans. On a amputé presque 10 % du budget de la sécurité du revenu en deux ans; qu'on ne vienne pas me faire croire qu'avec des mesures comme ça on vient aider et on vient combattre ce phénomène-là qu'est la pauvreté!

D'ailleurs, quand on regarde la pauvreté, on entend souvent le ministre des Finances nous dire en cette Chambre, avec ses grands indicateurs, avec ses grandes statistiques, ses grands chiffres, il trouve toujours le moyen de nous dire que ça va bien. Je pense qu'au-delà des chiffres il faut s'attarder un peu à la réalité et à ce qui se passe dans nos régions et, je dirais, dans nos villes et sur le terrain. Si on regarde, par exemple, tous les rapports qui ont été faits dans le temps des Fêtes, ils démontrent que le nombre de personnes qui doivent avoir recours à des banques alimentaires a augmenté de 50 % dans la grande région de Montréal. Et Montréal est devenue la plus pauvre de toutes les grandes villes canadiennes; je pense qu'on n'a pas à se réjouir de ça. Et je ne vois pas nulle part dans ce projet de loi là des éléments qui pourraient combattre ce fléau-là, qui pourraient attaquer ce fléau-là, et pas seulement l'attaquer en tapant sur la tête du monde, mais l'attaquer en se posant la question: Comment on peut aider le mieux les individus les uns après les autres et les aider à réintégrer et à retrouver cette fierté-là du marché de l'emploi?

(16 h 10)

Quand on regarde ce qui se passe au niveau de la parité de l'aide sociale, bien, je pense, M. le Président, qu'on oublie une grande chose, c'est que, à force de trop vouloir entrer tout le monde dans le même corridor, on va provoquer des phénomènes. Il y a des jeunes qui vont s'appauvrir encore, des jeunes qui vont subir des coupures encore, ce qui va provoquer sans doute une augmentation du taux d'itinérance. On peut parler de tous les problèmes sociaux qui touchent les jeunes, notamment le suicide, notamment les problèmes de drogue, les jeunes vont se retrouver encore plus abandonnés et démunis, avec ces coupures-là qui les touchent, je dirais, de front.

Il y a un triste record qu'on va encore une fois battre, M. le Président, c'est que, pour la deuxième année, je dirais, consécutive, le Québec détient le triste record de la province la plus pauvre après Terre-Neuve, la deuxième, et je ne vois nulle part dans ce projet de loi là comment on arrive à attaquer de front ce phénomène-là de pauvreté. On se pose plutôt la question, dans ce projet de loi là: Comment on va pouvoir faire des économies et comment on va pouvoir sauver de l'argent sur le dos des plus démunis de notre société?

M. le Président, j'ai énormément, énormément de problèmes avec la notion de fin de l'équité pour les jeunes âgés entre 18 et 24 ans. Je pensais qu'on était rendu plus loin que ça, qu'on avait fait plus de chemin que ça, qu'on en était rendu à une plus grande solidarité envers nos jeunes que de dire, comme ce projet de loi là le dit à l'article 53, où on introduit le caractère obligatoire, accompagné d'une pénalité pour les jeunes de 18 à 24 ans qui refuseront soit de se présenter à une entrevue convoquée par la ministre ou qui refuseront de participer à une activité dans le cadre d'un parcours individualisé vers l'insertion, la formation et l'emploi... C'est une pénalité de 150 $ qui viendra réduire la prestation de base de 490 $ à 340 $ par mois, et, s'il y a un deuxième refus, on enlève un autre 150 $. Je ne pense pas qu'une telle mesure – et ça, je ne suis pas le seul à le dire – on puisse en être fier quand on se prétend un gouvernement près des jeunes, quand on se prétend être un gouvernement comme eux, qui est près de la pauvreté et qui est très sensible aux questions de la pauvreté.

Écoutez, M. le Président, en cas de deux refus, on vient de faire passer les revenus des jeunes, par mois, de 490 $, ce qui n'est déjà pas énorme, à 190 $, et ça, il n'y a personne de l'autre côté de cette Chambre qui semble sensible à ça et qui semble se dire: Mais ça n'a pas de bon sens! La députée de Rimouski puis le député de Saint-Hyacinthe qui, ce matin, vantaient cette mesure-là, j'ai bien hâte de les voir, moi, dans leur bureau de comté essayer d'expliquer ça aux jeunes, qu'après deux refus il leur reste 190 $ par mois. C'est un beau geste de solidarité, ça, envers les jeunes! C'est un beau geste de solidarité envers les plus démunis!

Et, en plus, c'est prouvé, ça a été mentionné par des experts, dont, entre autres, M. Camil Bouchard, M. Alain Noël, qu'un régime obligatoire comme celui-là est carrément contre-productif, parce que dès le départ on associe la notion de parcours individualisé à la notion de punition. Si tu n'y vas pas, on va te taper sur les doigts. Si tu n'y vas pas, on va te couper ton chèque. Si tu n'y vas pas, tu vas être en manque de ressources pour assumer tes besoins de base. Je pense que cette menace-là de pénalité vient carrément remettre en question la notion de confiance qui doit pourtant exister et qui est à la base, je dirais, de cette réussite des parcours de retour en emploi.

On ne peut pas, et ça semble trop souvent être le cas... On l'a vu la semaine dernière encore, M. le Président, avec la loi spéciale pour couper 6 % dans les masses salariales des municipalités: on ne peut pas faire avancer une société, on ne peut pas faire avancer des gens dans un parcours d'employabilité en leur mettant le couteau sur la gorge.

Il y a différents autres éléments, M. le Président, qui ont été soulevés à ce niveau-là. On parle de cette obligation, sous peine de pénalité... qui peut aller jusqu'à susciter des comportements de soumission. On voit que les personnes les moins motivées qui s'inscriront dans ces parcours pourraient le faire uniquement pour éviter des sanctions monétaires. Ça pourrait être le seul élément qui les motive à y aller. Parce que, si vous n'y allez pas, on vous coupe votre chèque.

Donc, à partir de ce moment-là, M. le Président, où est, je dirais... On coupe carrément la motivation des gens. On ne peut pas réussir un parcours d'employabilité si on y va par peur et non pas par intérêt. Donc, je pense qu'à ce niveau-là, et il y a différents spécialistes qui l'ont fait ressortir aussi... Et, d'ailleurs, il y a une expérience qui a été menée au sein du ministère de la Sécurité du revenu qui vient confirmer cette contre-productivité-là et qui démontre clairement que la moitié des prestataires qui étaient invités sur une base volontaire et l'autre, qui étaient invités sur une base obligatoire à rencontrer des employeurs... Cette expérience-là a démontré que les résultats étaient bien meilleurs dans le cas des personnes qui se présentaient volontairement. C'est normal, elles avaient la motivation pour le faire. À partir de ce constat-là, bien, ils ont décidé d'enlever cette partie-là de coercition et d'obligation de participer à ces parcours obligatoires là. Puis, d'ailleurs, M. Camil Bouchard l'a soutenu en commission parlementaire, que le gouvernement faisait fausse route avec cette nouvelle notion d'obligation, sous peine de pénalité, pour les jeunes de 18 à 24 ans.

Je pense, M. le Président... Quand on voit ça, on se souvient tous des beaux discours et on se souvient tous de tout ce qui a pu être dit là-dessus. Et j'entendais, ce matin, le député de Saint-Hyacinthe qui, la main sur le coeur et les larmes aux yeux, nous disait: C'est un parcours qui tend la main. Il faut tendre la main aux plus démunis, puis tout ça. On tend la main aux plus démunis, mais pour leur taper sur la tête, M. le Président, avec des mesures comme ça. On ne leur tend pas la main pour les sortir du trou; on leur tend la main pour mieux leur taper dessus.

Mais, moi, je vais vous dire une chose: avec 190 $ par mois, vous allez voir beaucoup de jeunes faire des parcours de réinsertion, puis tout ça, juste pour ne pas être coupés sur leur chèque. J'ai bien hâte de voir le taux d'efficacité de ces mesures-là, moi, parce qu'on coupe carrément, en partant, tout aspect de motivation. Et, M. le Président, moi, quand je vois ça, je me souviens des paroles du premier ministre qui, je pense que c'est pendant le référendum en 1995, disait qu'il voulait protéger le Québec de ce vent de droite qui soufflait de l'Ouest canadien, puis que c'était épouvantable. Mais je pense que des mesures comme ça, ce n'est pas beaucoup mieux que ce qui s'est passé dans les autres provinces canadiennes. Puis je pense que, encore là, il y a un écart énorme entre ce qui a été dit et entre ce qui se fait concrètement, dans ce projet de loi là.

On peut en parler longtemps, des beaux discours. On peut parler longtemps de ce fameux discours d'assermentation, en janvier 1996, où on disait qu'il n'y aurait pas, au Québec, de massacre à la tronçonneuse. On ne tournera pas le dos à la solidarité, à la compassion. On disait même, à ce moment-là: Le voudrait-on que nous ne le pourrions pas. Bien, mon Dieu, une chance qu'ils ne voulaient pas, M. le Président, parce qu'avec ces mesures-là ils l'ont pu, ils l'ont pu deux fois plutôt qu'une!

Il y a d'autres discours, M. le Président. Le 28 mars 1996, encore une fois, le premier ministre disait: Les citoyens ne seront pas touchés. C'est les machines, l'administration, les appareils, mais pas les citoyens. Les citoyens ne seront pas touchés.

M. le Président, c'est ce qui, en terminant, m'amène à poser sérieusement une réflexion sur les intentions de ce gouvernement-là face aux plus démunis de notre société et aussi, notamment, face aux jeunes. La semaine dernière, on a vu un gouvernement qui a ramené dans une loi, qui a institutionnalisé le principe des clauses orphelin pour pénaliser les jeunes, pour créer deux régimes d'emploi différents, et qui a même dit aux municipalités: Voici pour vous un outil d'économie. Vous n'avez qu'à couper les mesures, vous n'avez qu'à couper les conventions collectives, vous n'avez qu'à couper votre façon de traiter les jeunes, ça va vous permettre de faire des économies.

(16 h 20)

Et, cette semaine, M. le Président, on étudie un projet de loi qui encore une fois vient dire aux jeunes: Si vous ne faites pas obligatoirement un parcours, on va vous couper jusqu'à 300 $ votre chèque de 490 $. Il va vous en rester 190 $. Belle solidarité envers les jeunes, M. le Président!

Et j'ai bien hâte de voir, malgré tous les artifices qu'on peut imaginer, comment, dans le prochain budget, ils vont pouvoir arriver avec des mesures qui concernent les jeunes, des nouvelles choses et essayer de camoufler tout ça. M. le Président, c'est bien simple, pas besoin d'arriver avec des nouvelles mesures, ils ont juste à arrêter de taper sur la tête des jeunes, et je pense que tous les jeunes du Québec vont juste dire: Ouf! C'est fini. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Kamouraska-Témiscouata. Nous cédons maintenant la parole... Alors, comme personne ne désire... M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je ne peux pas résister au plaisir de parler et d'offrir mes condoléances. M. le Président, je me dois d'offrir mes condoléances aux militants du Parti québécois, particulièrement au député de Vimont, qui est issu d'une formation et d'une famille progressiste dont j'ai bien connu le père, à la députée de Terrebonne, au député de Fabre, des gens qui font partie de ces militants, comme il y en a d'ailleurs chez nous, au Parti libéral, qui écrivent des programmes, qui passent des résolutions dans des congrès, qui se battent pour des résolutions dans des congrès et qui ont des espoirs que ces résolutions soient appliquées lorsque leur parti arrive au pouvoir.

Alors, simplement, pour ces militants, pour la mémoire de ces militants, je voudrais leur rappeler ce qu'ils ont voté et leur dire à quel point je compatis avec eux. Je compatis avec eux, M. le Président, parce qu'il y a une telle différence entre ce que ces militants du Parti québécois ont en toute conscience voté et ce que, malheureusement, actuellement leur gouvernement... Et je dis bien «leur gouvernement» pris dans l'ensemble, parce que je vais pas du tout jeter la pierre à la députée d'Hochelaga-Maisonneuve, qui probablement, elle aussi, était une de ces militantes convaincues.

Alors, M. le Président, il n'est pas inutile, ensemble, que nous relisions le programme du Parti québécois. Je pense que c'est un document important, vous n'en disconviendrez pas, c'est un document sur lequel beaucoup de gens parmi vous se sont fait élire et ont travaillé d'arrache-pied pour essayer de bien préciser de quoi il s'agissait. Alors, j'invite mes collègues – qui peut-être ont oublié, d'ailleurs, leur programme, mais enfin – ministériels à reprendre leur document qui devrait les guider dans la réflexion qu'ils doivent faire sur l'engagement politique, de prendre ce programme qui s'appelait Des idées pour mon pays , programme du Parti québécois. Je suis sûr, M. le Président, que vous avez eu la chance de le feuilleter et de le lire en profondeur. Alors, je vous invite, M. le Président, à ouvrir ce livre à la page 172, du programme du Parti québécois, Des idées pour mon pays .

M. le Président, premier alinéa, donc on parle actuellement... c'est le chapitre qui parle de la sécurité du revenu, et je vais vous lire deux éléments. «Un gouvernement issu du Parti québécois, dans les 12 mois qui suivront son élection, s'engage à une révision en profondeur de la loi 37 – la loi 37, à l'époque, M. le Président, c'était la loi sur la sécurité du revenu – de façon à y remplacer – c'est important, écoutez-moi bien – tous les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.»

Autrement dit, ce que vous avez pensé, ce que vos militants ont pensé à l'époque, c'était que tout ce qui était des éléments coercitifs, des éléments punitifs qu'on avait actuellement dans la Loi sur la sécurité du revenu ne donnait pas les résultats escomptés, ne permettait pas d'atteindre les objectifs qu'ils voulaient atteindre et qu'il était préférable de remplacer les éléments punitifs et péjoratifs par des éléments incitatifs et valorisants.

Je me permettrais, M. le Président, de vous dire que le projet de loi n° 186 va exactement à l'encontre, mais totalement à l'encontre. Ce n'est même pas une déviation, c'est un mouvement totalement dans une direction opposée où, au contraire d'avoir des éléments incitatifs, on maximise, dans le projet de loi, les éléments qui sont les éléments punitifs et péjoratifs. Alors, M. le Président, je vais vous le démontrer dans les 20 minutes qui me sont réservées, mais permettez-moi au début de dire à quel point je compatis avec les militants de bonne foi du Parti québécois qui ont voté ce programme en croyant que le gouvernement qu'ils auraient élu aurait suivi ce qu'ils avaient voté.

Je me permets aussi, M. le Président... Et ce sera le deuxième élément où je vais me permettre de lire le programme. On dit aussi: Les prestations... Et c'est important, là, 2.4, c'est la page, toujours... Pour ceux qui ne connaissent pas, pour les militants du Parti québécois qui nous écoutent, je vous rappelle, vous prenez votre livre Des idées pour mon pays , vous l'ouvrez, page 172, c'est l'article après, c'est 2.4. Je vous lis le deuxième élément qui disait: «Des prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences – écoutez-moi bien – quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit.» Quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit!

Alors, M. le Président, je vais arriver avec vous lorsque je vais me permettre d'étudier l'ensemble et de passer ensemble les articles du projet de loi n° 186, de vous dire que, à la fois le premier alinéa... Non, non, mais écoutez, sérieusement, je comprends la députée de Terrebonne. Je répète pour la députée de Terrebonne, qui connaît très bien ce document parce qu'elle l'a voté, et je comprends à quel point elle est malheureuse. Elle fait probablement partie de ces gens où on disait, dans le journal La Presse du 1er décembre 1997: «La réforme de l'aide sociale. L'aile progressiste du Parti québécois battue en brèche». Je suis solidaire avec vous et je compatis. Je compatis, M. le Président. Ce n'est pas drôle de se faire battre en brèche, mais, que voulez-vous, c'est comme ça à l'heure actuelle, l'aile progressiste du Parti québécois est battue en brèche par ce projet de loi, et battue en brèche sur deux points importants du programme du Parti québécois. Je vous les dis à l'instant: l'importance que vous donniez aux mesures incitatives et le principe qu'on ne devait pas faire de discrimination sur la base de l'âge.

Alors, M. le Président, vous qui connaissez bien les projets de loi que vous êtes en train d'étudier, je vous suggère de prendre les articles. Commençons, et je vous ferai référence à l'article 52, et vous allez voir avec moi à quel point cet article est un article qui – écoutez-moi, je vais prendre l'ironie – est un article incitatif. Et vous allez rire avec moi, à quel point c'est un article qui est punitif comme tel. L'article 52, M. le Président... Et je vous suggère de prendre votre projet de loi, on va ensemble regarder ce qu'est ce projet de loi et à quel point il correspond au programme du Parti québécois. L'article 52, M. le Président:

«Le ministre peut, lorsqu'il y a manquement à l'une des obligations prévues aux articles – alors, je vais vous en donner, des obligations – 33, 34, 38, 40 à 44, 48 ou 51 – si vous voulez, si j'ai un peu le temps, je passerai aussi les manquements qu'on peut avoir – refuser une demande, réduire, suspendre ou cesser de verser une prestation, selon les conditions – même pas prévues dans la loi – prévues par règlement.»

Une voix: ...

(16 h 30)

M. Gautrin: Bien, voyons. Alors là, je regrette. Le député de Vimont dit: Il était temps. Je comprends qu'il ne fait plus partie de l'aile progressiste du Parti québécois mais de l'aile des dinosaures du Parti québécois, de l'aile, à l'heure actuelle, des réactionnaires du Parti québécois qui ont pris le pouvoir. Ça, je le comprends, M. le Président, et c'est compréhensible. Bon. Permettez-moi néanmoins d'exprimer ma solidarité et ma compassion, actuellement, pour ceux de son propre parti qui étaient honnêtes et qui croyaient que, lorsqu'ils votaient ce document, Des idées pour mon pays , ont voté réellement quelque chose d'important et de sérieux, M. le Président.

Une voix: Avant l'élection.

M. Gautrin: Mais oui, c'était avant l'élection, bien sûr. C'est là-dessus qu'ils se sont fait élire. Alors, vous comprenez, M. le Président, que l'élément majeur de ce projet de loi – et je pense qu'on peut y revenir – indépendamment de dire que vous ne suivez pas votre programme, c'est que ce que vous proposez à l'heure actuelle ne fonctionne pas. Lorsqu'on doit faire des parcours d'insertion en emploi, tout le monde vous dira, et vous le savez, que ce n'est pas par la coercition, en forçant les gens à faire un choix de parcours en emploi qu'on arrive réellement à avoir des résultats. Il y a une dimension psychologique derrière. Il faut l'adhésion de la personne qui dit: Bon, je choisis de me réinsérer réellement dans un programme de parcours en emploi.

Et je dois dire que la réflexion que vos militants avaient faite à l'époque, du temps où vous étiez progressistes, du temps où vous n'aviez pas encore écrasé complètement votre aile progressiste, du temps où votre chef n'était pas le chef qui est là actuellement, mais qu'il était donc un chef progressiste... À l'époque, vous aviez bien compris que c'était par l'incitation que, dans tout ce qui est des programmes d'insertion en emploi, on peut obtenir des résultats, car autrement on ne peut absolument pas obtenir le moindre résultat. Le principe d'apprendre quelque chose, et un certain nombre d'entre vous parmi les députés ministériels le savent bien... Pour enseigner quelque chose, c'est une démarche qui ne peut pas se faire dans un cadre de coercition. Ça ne se fait pas en forçant. Il faut qu'il y ait une adhésion de la part de l'élève, de la part de celui qui choisit ce programme d'insertion en emploi.

Ah, je pensais qu'il y avait un changement dans la présidence, mais votre collègue, à qui vous pourriez parler aussi, M. le Président, qui avait, lui, une longue expérience d'enseignement, aurait probablement facilement adhéré à mon point de vue.

La question de la non-coercition dans un parcours d'insertion en emploi est une condition fondamentale pour la réussite de ce programme. Et, je dois vous dire, c'est très drôle que vous n'ayez pas suivi ça parce qu'à la fois les gens qui sont venus en commission parlementaire, lorsqu'on a fait les auditions sur le livre vert... Un des éléments majeurs qui était ressorti des consultations qui avaient eu lieu à l'époque, c'était de dire: Attention! Les personnes qui étaient responsables, qui avaient l'habitude de la pratique réellement dans le champ, disaient: Attention! Attention! Si vous avez une vision coercitive, c'est-à-dire si vous obligez les gens dans les parcours d'insertion en emploi, vous leur dites: Bon, faites un parcours d'insertion à l'emploi, sinon je vous coupe de 150 $ ou de 200 $, vous allez, bien sûr, avoir des gens qui vont s'inscrire dans ces programmes d'insertion en emploi, vous allez avoir des gens qui vont le faire, mais ils n'en tireront pas de bénéfice, et vous allez simplement avoir des gens qui vont s'asseoir ou encombrer les chaises des différentes salles de classe, que vous allez mettre devant vous.

Il y a la nécessité d'une volonté et d'un choix qui est fait, un choix libre et volontaire des deux côtés qui est nécessaire, que vous aviez bien identifié, hein? Comprenez-moi bien, ce que je vous ai lu tout à l'heure dans votre programme, ce n'était pas arrivé... Votre programme n'était pas arrivé comme ça, écrit sur le coin d'une table. Ceux qui pensent que le programme du Parti québécois a été écrit comme ça, rapidement, sur le coin d'une table, ils se trompent. Ils se trompent! C'était réellement une réflexion importante que vos militants qui avaient une connaissance du milieu avaient faite, et ils avaient dit parfaitement et justement qu'il ne fallait pas prendre des mesures coercitives dans le cas des choix de parcours d'insertion en emploi.

Deuxième élément, M. le Président, si vous permettez, je vous rappellerai aussi, pour les militants de l'aile progressiste du Parti québécois battue en brèche, je vous rappellerai donc ce que vous aviez voté. Alors, ça, c'était le 2.4, toujours à la page 172, je vous l'ai rappelé tout à l'heure: «Les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne.»

Alors, la première chose que je vois à la lecture – et le député de Kamouraska-Témiscouata l'a fait valoir avec beaucoup plus d'éloquence que je peux avoir – c'est que vous êtes en train de distinguer, de faire un distinguo à l'heure actuelle dans la loi entre les bénéficiaires de l'aide sociale qui ont moins de 25 ans et les bénéficiaires de l'aide sociale qui ont plus de 25 ans. On peut débattre, on peut dire: Est-ce que c'est justifié ou pas justifié? mais ça ne correspond en aucune manière à ce que vous aviez voté, ce que vous aviez présenté, ce qui était votre programme, M. le Président, et vous le connaissez, je vous le répète, c'est encore important. Non, c'est important de le rappeler, parce que souvent, lorsqu'on est ministériel – et j'ai vu ça aussi – des fois, on a tendance à s'écarter un petit peu de son programme. C'est une tendance que les partis politiques ont.

Alors, je vous rappellerai que vous aviez dit: «Les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit.» Bon Dieu, vous me sortez la loi n° 186 ici, et la première chose que vous faites, c'est que vous faites un distinguo, vous distinguez entre les gens qui ont moins de 25 ans et les gens qui ont plus que 25 ans. Faites attention, le problème que vous vouliez couvrir à ce niveau-là, les mesures que vous mettiez de l'avant dans le cadre de la loi n° 186, elles sont aussi pertinentes, d'après moi, pour quelqu'un qui a 26 ans ou 27 ans. Il eût été important de pouvoir stimuler la réinsertion réelle dans des parcours d'emploi, ce que vous ne faites pas à l'intérieur du projet de loi.

Alors, M. le Président, je comprends tout à fait à quel point vos militants sont déçus. Je comprends tout à fait à quel point vos personnes qui ont voté votre programme et qui croyaient honnêtement que peut-être votre gouvernement aurait respecté le programme sur lequel il s'était fait élire, lorsqu'elles voient ce projet de loi n° 186 qui non pas suit le programme, mais exactement à l'opposé... Ce n'est pas de ne pas suivre exactement ce qu'on avait voté dans un programme parce qu'on a manqué de fonds, etc., c'est la philosophie de fond qui sous-tend le projet de loi n° 186 qui est réellement à l'opposé de ce qui semblait être la philosophie de ceux qui avaient réfléchi, à l'intérieur de votre propre parti, sur ce qu'on devrait faire avec l'aide sociale.

Alors, M. le Président, vous comprenez à quel point je compatis pour vos militants qui, de bonne foi, avaient certainement voté ces articles dans le programme et qui se voient actuellement pris avec une vision – et c'est important, je vais le répéter, je le répéterai plusieurs fois – de coercition. Vous comprenez bien, au lieu d'avoir des mesures où vous incitez les gens, où vous stimulez les gens pour rentrer dans des programmes de formation, dans des programmes de choix de parcours en réinsertion au travail, où vous faites en sorte qu'il y ait une adhésion volontaire des gens pour pouvoir adhérer à des programmes d'insertion au travail – ce que vous aviez mis, et ce qui était ce que vous aviez proposé, et ce qui est un choix juste, et ce qui était la chose à faire – actuellement ce que vous mettez dans le projet de loi est totalement à l'opposé. Vous dites: Si vous ne suivez pas un programme d'insertion en emploi, badang! clic! clouc! je vous coupe de ceci, je vous coupe de cela, je vous remets complètement dans la rue. C'est absolument à l'opposé de ce que vous aviez proposé.

(16 h 40)

Alors, M. le Président, je vais vous dire que, nous, on va voter contre ce projet de loi parce qu'on a adhéré à la même philosophie, au même élément de réflexion qui avait été celui de vos militants progressistes à l'époque et qui était de dire: Dans ces cas d'insertion sur le marché du travail, le choix doit être un choix d'incitatif et non pas un choix de coercition, un choix où on force les gens, un choix où on oblige les gens.

Alors, M. le Président, je dois vous dire réellement, et à tous mes collègues ministériels – il y a certains d'entre vous qui avez adhéré de bonne foi à ce programme-là; peut-être que vous aussi, M. le Président, avez adhéré de bonne foi à ce programme-là – et qui actuellement êtes saisis de cette loi-ci qui est en totale, totale, totale divergence et opposition par rapport à votre programme, alors, M. le Président, nous allons voter contre le projet de loi n° 186. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous allons maintenant céder la parole au député de Vachon. M. le député.


M. David Payne

M. Payne: Merci, M. le Président. Je pense que c'était ce midi que j'ai entendu quelques propos, quelques commentaires, de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce au moment où mon collègue de Saint-Hyacinthe prenait la parole, mon collègue évoquait un certain nombre de chiffres concernant les coupures dans les transferts du fédéral, il a dit: Faux.

Et c'est ça qui m'a stimulé pendant l'heure du dîner à faire quelques recherches à ce sujet-là, parce que je considère que ce serait tout à fait pertinent si nous, comme parlementaires, on regardait ce qu'on appelle en anglais le «global picture», tout le portrait, parce que nous voyons depuis quelques années une attaque en règle à l'égard des programmes sociaux du gouvernement du Québec, qui fait en sorte qu'il y a des réductions qui ne sont pas discutables. Et, à la fin de mon intervention, je voudrais inviter le député de Notre-Dame-de-Grâce, ou la personne qui aura la parole, à essayer de réfuter les chiffres que je vais avancer, parce que le Québec ne peut pas et ne devrait jamais accepter le genre de chambardement et d'attaque qu'on voit actuellement de la part du gouvernement d'Ottawa.

Vous savez, le Québec est largement désavantagé par la réforme de l'assurance-chômage introduite au début de l'an passé par le gouvernement d'Ottawa. C'est un fait indéniable qu'au début des années quatre-vingt-dix près de 80 % des chômeurs bénéficiaient des prestations d'assurance-chômage. L'an passé, c'était rendu à peu près à 51 % des prestataires, les chômeurs qui avaient des prestations d'assurance-chômage; une chute, donc, de bénéficiaires de 40 %. Ça a un effet absolument direct et dramatique sur tout ce qui s'appelle un programme d'aide sociale au Québec. Et jamais, dans tous les débats que nous avons entendus, l'opposition n'a soulevé cela, ce qui explique d'ailleurs comment il se fait qu'ils étaient tellement timides depuis quelques années devant Ottawa. Ils n'ont rien dit, ils n'ont rien fait. Ils sont allés allégrement acquiescer à ce genre d'ingérence.

Je vous donne quelques chiffres. Mais, pour appuyer davantage ma démonstration, M. le Président, je voudrais utiliser non pas le Bureau de la statistique du Québec, mais plutôt Statistique Canada et surtout ce qu'on appelle le FPE, le Financement des programmes établis. En 1972, premier chiffre, pour le Québec, le coût total du régime d'assurance-chômage s'élevait à 6 100 000 000 $ alors que les cotisations, elles, se situaient à peu près à 4 200 000 000 $. Donc, on peut calculer très facilement que les Québécois retiraient, disons, à peu près un peu plus qu'ils investissaient. La tendance aujourd'hui est complètement inversée. En 1996, les coûts du régime étaient ramenés à 4 300 000 000 $ alors que les cotisations, elles, grimpaient à 4 400 000 000 $. Les Québécois – et c'est le fédéral qui parle parce que c'est Statistique Canada – ont donc consacré au régime fédéral, pour la seule année 1996, 66 000 000 $ de plus qu'ils n'ont reçu. Par rapport à 1992, les Québécois ont obtenu 1 700 000 000 $ de moins en prestations, alors qu'ils ont versé 224 000 000 $ de plus en cotisations.

On sait très bien aussi que les resserrements importants apportés par le fédéral – puis on devrait en discuter ici parce que ça a une conséquence directe sur l'aide sociale – au régime d'assurance-emploi ont eu pour effet de forcer un plus grand nombre de personnes à avoir recours à l'aide sociale. Le régime québécois de sécurité du revenu devra donc, par conséquent, soutenir plus que 9 000 – 9 000, ce n'est pas rien, ça – nouveaux ménages, pour un coût total d'à peu près 70 000 000 $. Alors, nos cotisations ont augmenté, les bénéficiaires ont diminué, et ça fait en sorte que le Québec, on finance le fédéral. Est-ce qu'on peut discuter ça cet après-midi? Parce que c'est assez intéressant.

Regardons d'un peu plus proche. Cette situation d'ailleurs a été signalée à plusieurs reprises par le gouvernement. L'augmentation des dépenses d'aide sociale attribuable aux restrictions de 1993 et de 1994, par exemple – on retourne un petit peu en arrière – était évaluée à 25 000 000 $, à 37 000 000 $ et à 70 000 000 $ pour les exercices financiers de ces années-là, ces trois ans. Maintenant, le résultat pour tout cela, c'est à peu près 9 000 ménages qui sont affectés. Lorsqu'on voit tout cela, M. le Président, on voit que tous nos programmes sont attaqués. Le gouvernement, lui, qu'est-ce qu'il doit faire?

Je voudrais souligner quelques aspects très importants qui sont très évidents dans le projet de loi, si on prend du temps pour le lire comme il faut. Si on regarde, par exemple, les prestations pour les femmes prestataires de la sécurité du revenu, celles par exemple qui sont actuellement au programme APTE, il y a une réduction pour le partage du logement; on connaît le problème que ça pose. Avec le projet de loi devant nous, il y a une abolition de la réduction pour le partage du logement pour les familles monoparentales. Ça, c'est assez important, puis le coût de ça, le coût pour l'État, ce n'est pas une coupure, c'est un ajout: c'est 15 000 000 $, et 17 000 000 $ pour les années subséquentes. Ça touche à peu près 14 500 familles qui sont actuellement soumises à la déduction de prestations pour le partage du logement.

Lorsqu'on voit la situation qui concerne l'exclusion qu'on appelle «de pension alimentaire», la situation actuelle fait en sorte que les montants de pension alimentaire qu'on reçoit sont comptabilisés – chaque dollar – dans la détermination de la prestation à verser. Nous, on fait en sorte maintenant qu'une partie de la pension alimentaire versée puisse être considérée comme un revenu non comptabilisable pour l'établissement de la prestation, et, dans le cadre de la réforme, une exclusion maximale est imposée pour faire en sorte que ce soit beaucoup plus facile pour quelqu'un qui normalement reçoit une pension alimentaire. D'ailleurs, si quelqu'un, une femme... Normalement, 80 % des personnes qui sont dans cette situation sont des femmes. Évidemment, ces personnes-là vont être beaucoup plus tentées d'aller chercher leur pension alimentaire. Jusqu'à aujourd'hui, elles étaient peut-être découragées parce que ça aurait eu pour effet d'avoir une pénalité assez importante sur leurs propres prestations. Savez-vous combien de personnes sont couvertes par cela? 10 000 prestataires. Pas un seul député de l'opposition n'a soulevé ça dans le projet de loi, bien sûr, parce qu'ils n'ont sûrement pas fait le calcul. Il y a un calcul aussi au niveau du coût. Le coût pour cette mesure-là se situe à peu près à 10 000 000 $.

(16 h 50)

Tout ce que nous entendons de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est faux, mais on ne le voit jamais se lever quand il a la parole pour contester les chiffres qu'on lui dit. Je voudrais suggérer qu'il le fasse parce qu'il peut voir de beaucoup plus proche ce que c'est, le contenu du projet de loi.

Il y a un autre élément qui concerne la prestation spéciale de retour au travail. Dans la situation actuelle, ceux qui reçoivent la sécurité du revenu, ceux qui veulent réintégrer le marché du travail ont beaucoup moins d'incitation qu'avec le nouveau projet de loi. Avec le nouveau projet de loi, l'allocation de retour au travail, avec une prestation spéciale, beaucoup plus pertinente, pourra être versée aux prestataires qui rencontrent un certain nombre de conditions. Et, selon les calculs, d'ailleurs, les données actuelles que nous avons, à peu près 2 000 ménages par mois pourraient bénéficier de cet aspect-là du projet de loi. Le député pourrait lui-même faire les calculs.

Voilà quelques exemples qui, à mon avis, devraient être analysés d'un peu plus près, parce que n'importe quel projet de loi de ce genre-là... On peut parler de projet de loi global, mais, en réalité, c'est un programme qui est adressé aux individus, et chacun de nos cas est particulier, chacun de nos bénéficiaires a un dossier spécial. Il s'agit d'un problème de société, d'un défi pour la société, pour s'assurer que les prestataires de l'aide sociale puissent recevoir des bénéfices, mais d'une façon intelligente, en collaboration, pour faire en sorte qu'il puissent eux-mêmes préparer avec les agents la façon... qu'ils puissent planifier leur réintégration au travail. Et, là où il y a un problème important, par exemple, d'invalidité ou d'âge, là encore, l'agent est là pour les conseiller.

Jusqu'à ce moment-ci, il y avait très peu de cela, et c'est une philosophie qui va encore plus loin. On n'a pas à regarder beaucoup plus loin que, par exemple, les carrefours jeunesse-emploi à travers le Québec dont plusieurs de nos collègues, en face, ont bénéficié parce qu'ils sont en les promoteurs, tel que convenu dans le décret qui instituait ce programme-là il y a maintenant trois ans. Nous, on fait en sorte que chaque individu – les jeunes, dans ce cas-là – puisse avoir un plan pour pouvoir correctement réintégrer le marché du travail.

Personne qui est bénéficiaire de l'aide sociale ne devrait être découragé, par le fait qu'il n'a pas de plan, de se retrouver sur le marché du travail. Et, quand je parlais des coupures du gouvernement fédéral, je sais que ça gêne beaucoup les amis d'en face parce qu'ils ne veulent pas voir, ils ne veulent pas admettre les chiffres, mais, si on regarde les coupures d'au-delà... Pour être exact, c'est à peu près 1 100 000 000 $ de coupures du fédéral. Seulement un quart de cela – de ces coupures-là – était affecté directement au programme. Il y avait un effet néfaste, on ne le nie pas. Mais ce qu'on a essayé de faire, c'est de s'assurer qu'on ne coupe pas, qu'on n'affecte pas les bénéfices pour ceux qui sont vraiment dans le besoin. C'était un défi. Si vous comparez l'ancien projet de loi avec l'actuel, vous allez voir, item par item, qu'il y a des bénéficiaires, des groupes de bénéficiaires – et j'ai donné quatre exemples – qui auraient des bénéfices beaucoup plus intéressants qu'ils avaient dans le passé, et tout cela bien malgré le fait que vos amis à Ottawa ont tout fait pour sabrer dans nos programmes traditionnels au Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Vachon. Nous allons maintenant céder la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: En vertu, M. le Président, de 212, vu que j'ai été interpellé à deux reprises par le député de Vachon, est-ce qu'il accepte une question?

Le Vice-Président (M. Pinard): En vertu de l'article 213, M. le député de Vachon, est-ce que vous acceptez une question?

M. Payne: Il me ferait plaisir, oui, après qu'il aura répondu à mes questions, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Dans ce cas-là, nous allons maintenant céder la parole au député de Marquette. Alors, M. le député.

Des voix: Bravo!


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Il est quand même étrange qu'un député interpelle un autre député, qu'il lui demande de faire des vérifications au niveau des chiffres. Mon collègue a fait les vérifications et il s'apprêtait à répondre au député de Vachon qui, par la suite, s'est assis. Alors, ça démontre, pour les gens qui nous écoutent, qu'ils font des affirmations puis, par la suite, ils ne sont pas en mesure de se lever pour soutenir ces affirmations. Mon collègue député de Notre-Dame-de-Grâce était là pour faire la démonstration. Alors, pour les gens qui nous écoutent, là, ça vient de jeter un éclairage sur tout le discours que vient de faire le député de Vachon.

M. le Président, ce projet de loi, le projet de loi n° 186, vient, à mon point de vue, cristalliser et démontrer la différence fondamentale qui existe entre le Parti québécois et le Parti libéral du Québec, et on retrouve cela dans le projet de loi n° 186. Je m'explique. L'article premier du programme du Parti québécois... Pourquoi sont-ils en politique? C'est évident: «Le Parti québécois – je cite la première ligne du programme du Parti québécois – a comme objectif fondamental de réaliser démocratiquement la souveraineté du Québec.»

(Applaudissements)

M. Ouimet: Voilà. Je m'attendais à cela, M. le Président. Le Parti libéral du Québec, lui, dans sa constitution, dans son programme... Notre premier article, c'est de promouvoir le développement économique du Québec dans les intérêts des citoyens et des citoyennes du Québec. Voilà la différence fondamentale qui oppose le Parti québécois au Parti libéral du Québec. Ce qui nous tient à coeur, nous, c'est de pouvoir créer une certaine richesse au Québec pour venir en aide, entre autres, aux citoyens les plus démunis de notre société. Ce qui tient à coeur à nos amis d'en face, indépendamment des intérêts des Québécois et des Québécoises, ce qui leur tient à coeur, c'est de réaliser la souveraineté du Québec.

M. le Président, on voit dans le projet de loi n° 186 à quoi conduit le programme du Parti québécois: ça conduit à l'appauvrissement des citoyens et des citoyennes du Québec. Projets de loi après projets de loi, depuis trois ans et demi, sont déposés par les ministériels qui ne visent rien de moins que de pallier à l'incapacité de ce gouvernement de promouvoir l'économie au Québec, de créer des conditions favorables à la création de la richesse au Québec, à son incapacité de créer des conditions favorables à l'emploi au Québec pour faire en sorte que de plus en plus de Québécois et de Québécoises puissent travailler au Québec, gagner honorablement leur vie. Que se passe-t-il devant cet aveu d'incapacité de nos amis d'en face? On est obligé à chaque fois d'aller piger dans les poches des Québécois et des Québécoises en les appauvrissant davantage, et voici malheureusement un autre exemple de cette incapacité du gouvernement de créer de la richesse au Québec.

(17 heures)

M. le Président, les chiffres sont quand même éloquents et ils sont inquiétants. Pour une deuxième année consécutive, le Québec, sous la gouverne du Parti québécois, détient le triste record du plus haut taux de pauvreté au Canada, soit 20,6 %, à égalité avec la province de Terre-Neuve. Voilà où on en est rendu lorsqu'un gouvernement a comme première et seule obsession de réaliser l'indépendance du Québec au détriment des intérêts des citoyens et des citoyennes du Québec. On en est rendu, M. le Président... Ça fait trois ans et demi qu'ils sont là, eh bien, ça fait deux ans d'affilée qu'ils sont allés chercher le plus triste record de l'histoire, de tous les temps, de cette province: on a le plus haut taux de pauvreté au Canada.

M. le Président, on le voit dans tous les projets de loi, dans toutes les mesures annoncées par le gouvernement, dans tous les gestes concrets posés par les membres du Conseil des ministres, on ne fait qu'imposer coupures budgétaires après coupures budgétaires, et des façons les plus brutales que le Québec ait connues. On parle de compassion d'un côté de la bouche, on parle de solidarité, on parle d'équité, on a même le front et le culot d'intituler le projet de loi «soutien du revenu favorisant l'emploi et la solidarité». Voilà les discours, voilà les discours tenus par l'ensemble des députés ministériels, et le premier ministre au premier titre. La réalité, comme l'ont décrite le député de Notre-Dame-de-Grâce, le député de Verdun qui m'a précédé, M. le Président, on constate l'appauvrissement sans précédent des Québécois et des Québécoises, dans ce projet de loi. On a coupé et on a imposé une hémorragie de coupures à l'aide sociale, de 412 000 000 $ en deux ans, soit 10 % du budget.

On prétend vouloir favoriser l'emploi et la solidarité, mais derrière cet écran de fumée se cache une dure réalité: l'incapacité d'un gouvernement de créer des conditions qui sont favorables au développement économique de notre société, incapable de créer des conditions qui vont attirer l'investissement, qui vont favoriser le développement de l'emploi. Alors, on se fixe comme objectif – parce que, ça aussi, ça fait partie de la stratégie référendaire – d'atteindre le déficit zéro pour pouvoir par la suite appeler un autre référendum et faire accroire aux gens que le Québec sera plus prospère lorsqu'il sera indépendant, alors que dans la situation actuelle, M. le Président, je l'ai dit, gestes après gestes posés par le gouvernement sont des gestes d'appauvrissement.

Une étude était publiée il y a quelques semaines, au niveau de l'Institut de recherche en politiques publiques, qui démontrait que depuis l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, aux gouvernes de cette province, trois familles sur quatre se sont appauvries, trois familles sur quatre se sont appauvries, M. le Président, contrairement à ce qu'on laissait entendre. La ministre de l'Éducation disait: Ça sera bénéfique pour neuf familles sur 10, les politiques familiales du gouvernement du Parti québécois. Alors, la réalité, elle était énoncée par des chercheurs indépendants de l'Institut de recherche en politiques publiques et démontrait que trois familles sur quatre se sont appauvries.

Jamais, M. le Président, jamais un gouvernement ne s'est attaqué avec autant d'acharnement sur le dos des plus démunis de notre société. Jamais un gouvernement n'a autant appauvri la société québécoise. On n'a qu'à constater ce qui se passe dans nos services publics. Les hôpitaux, les listes d'attente qui n'en finissent plus, l'engorgement des salles d'urgence. On entendait aujourd'hui à la période de questions: Pénurie de médecins. Les médecins, les gardes-malades, les patients sont sur la place publique à tous les jours pour dénoncer les gestes du gouvernement. Mais c'est un gouvernement qui est incapable, à cause de l'incertitude politique... L'incertitude politique qui règne dans cette province fait en sorte qu'on n'est pas en mesure de retrouver la croissance économique qui, pourtant, existe partout à travers le pays sauf au Québec, et le Québec tire de la queue dans ce domaine-là. On est en arrière au lieu d'être en avant, comme nous l'avons déjà été quand nous avions un gouvernement libéral. Et, je le rappelle, notre premier article, nous, notre seule raison d'être en politique, c'est de faire en sorte qu'on puisse développer le plein potentiel de notre société, de stimuler l'économie pour le plus grand bénéfice de tous nos concitoyens, de toutes nos concitoyennes.

M. le Président, on constate une détérioration alarmante du tissu social au Québec. On n'a qu'à regarder ce qui se passe dans les écoles. On est rendu qu'il manque des livres, des manuels scolaires dans les écoles au Québec. On parle de deux écoles sur trois, selon un sondage effectué par la ministre de l'Éducation, qui n'a pas eu le courage d'aller voir dans chacune des écoles, parce que la situation serait encore plus alarmante. Elle a procédé par sondage uniquement par rapport à certaines matières, et toutes des matières de base. Toutes des matières de base! Il manque des livres dans les écoles. Il manque de services professionnels pour les enfants qui en ont plus besoin, qui sont en train de subir des retards parce qu'ils n'ont pas les services, auxquels ils ont droit, d'orthopédagogues, de psychologues, d'orthophonistes. On en est rendu là au Québec, et, à chaque semaine, à chaque année, à chaque mois, il y a toujours des intervenants qui sont dans le milieu qui vivent les drames humains, qui dénoncent le gouvernement.

On voyait, la semaine passée, c'était un projet de loi spéciale pour, cette fois-ci, aller chercher – on étire le bras – de l'argent dans les poches des contribuables municipaux. Pourquoi? Les municipalités disent: On a fait nos devoirs, pourquoi est-ce qu'on devrait payer pour un gouvernement qui est incapable de créer de la richesse au Québec? Le gouvernement, lui, il est démuni, il est incapable, il est incompétent dans cette matière-là parce qu'il n'a qu'une seule raison d'être. Son seul objectif, M. le Président, on l'a dit tantôt, c'est dans le programme du Parti québécois, c'est de réaliser la souveraineté du Québec, au détriment des Québécois et des Québécoises, parce qu'on n'a jamais fait la preuve, on n'a jamais démontré... Depuis tout le temps qu'ils caressent ce projet-là, jamais ils n'ont réussi à démontrer que les Québécois et les Québécoises seraient plus avantagés dans un Québec indépendant que dans un Québec qui est à l'intérieur d'une fédération canadienne où il y a 30 000 000 d'habitants, où il y a du commerce interprovincial, où on peut jouir des bénéfices de la fédération canadienne. Et ils ont toujours refusé de faire cette démonstration-là, où on pourrait s'asseoir avec des spécialistes et regarder cela pour dire à la population québécoise, une fois pour toutes, la vérité.

Non. Et, dès qu'on prend le pouvoir, eh bien, on le voit depuis trois ans et demi, on a frappé à peu près tout ce qui bougeait dans notre société. On n'a épargné personne: les mères de famille, les familles, les écoles, les hôpitaux, les municipalités, les contribuables, les prestataires de l'aide sociale. Et ça, c'est le projet de loi que nous avons devant nous, à l'encontre – et je le signale, M. le Président – des engagements qui avaient été pris dans le programme politique du Parti québécois. On a pris des engagements, on a fait des promesses à la population. Par la suite, dès le moment où ils prennent le pouvoir, bien, là, on voit la réalité, un projet de loi qui va appauvrir davantage les Québécois et les Québécoises, un projet qui va leur imposer des punitions de toutes sortes, alors qu'on est incapable de trouver de l'emploi, qu'on est incapable de créer de l'emploi. Et on me signalait, M. le Président, que le Québec a, encore une fois, le record en termes de chômage.

(17 h 10)

Tantôt, je parlais de la détérioration alarmante du tissu social au Québec, eh bien, le nombre de personnes – ça, c'est un autre indice – qui doivent avoir recours aux banques alimentaires a augmenté de 50 % à Montréal. Le nombre de personnes qui dépendent, pour leur survie, de banques alimentaires a augmenté de 50 %; voilà un indicateur qui est très révélateur de l'incapacité du gouvernement de profiter du climat propice présentement à l'investissement, au développement économique, à la création d'emplois. Et Montréal est devenue la ville la plus pauvre des grandes villes au Canada, un autre triste record sous la gouverne du Parti québécois.

D'autres indicateurs, M. le Président, qui nous démontrent que notre société vit des moments et des périodes extrêmement bouleversants et douloureux: le taux d'itinérance ne cesse d'augmenter et touche de plus en plus les jeunes adolescents. On en voit de plus en plus lorsqu'on circule dans les milieux urbains, des itinérants, des gens qui ont perdu espoir par rapport à la société. On dit également que le taux – et ça, c'est triste – de suicide a augmenté, Québec a le plus haut taux de suicide des sociétés industrialisées. Particulièrement chez les jeunes hommes de 15 à 29 ans, pour qui c'est la principale cause de mortalité, le taux atteint 38,6 pour 100 000 personnes.

Un gouvernement incapable de donner de l'espoir, un gouvernement incapable de créer des conditions favorables au développement économique, incapable de profiter des leviers qui sont exercés présentement pour stimuler l'économie, pour voir une croissance économique. Ça n'existe pas. Et on voit, nous, comme parlementaires qui siégeons à l'Assemblée nationale, semaine après semaine, mois après mois, des ministres qui n'ont aucune autre façon d'augmenter les revenus dans les coffres de l'État que d'appauvrir toutes les couches de la société, tous les paliers. Que ce soit au niveau du gouvernement scolaire, les taxes scolaires augmentent à chaque année; à chaque année, c'est la réalité, les taxes scolaires augmentent. À chaque année, on coupe les budgets en éducation, il y a des manifestations sur la colline parlementaire.

On voit la détérioration sans précédent de notre système de santé. Et, au niveau des plus démunis de notre société, on a trouvé façon, malgré les engagements contenus dans le programme du Parti québécois, de venir soutenir... On disait ceci: «Nous réviserons le régime d'aide sociale dans la perspective d'un revenu minimum garanti.» Avec toutes les pénalités qui sont imposées, avec toutes les promesses non tenues, M. le Président, il faut croire que le Québec se porte très mal, et on a qu'à en parler à nos concitoyens, le Québec se porte très mal depuis que le Parti québécois a pris le pouvoir, en 1994. Et le Québec se portera mieux lorsque le Parti libéral du Québec prendra le pouvoir. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Alors, je vais maintenant céder la parole à M. le député de Taschereau. M. le député.


M. André Gaulin

M. Gaulin: M. le Président, je pense que nous sommes devant un sujet où on n'a pas tellement envie de faire de rhétorique, mais il faut dire qu'on en a beaucoup entendu aujourd'hui. Je voudrais relier mes propos à ceux en particulier de la députée de Rimouski, du député de Vachon, du député de Saint-Hyacinthe, qui ont parlé aujourd'hui à propos de la loi n° 186.

Tout à l'heure, quand j'ai entendu le député de Verdun, j'avais l'impression d'entendre les sanglots de Paillasse, Paillasse n'étant pas une insulte mais, comme on le sait, un personnage italien du comique. Il est drôle, mais le député de Verdun est drôle aussi. Alors, on a l'impression que plus ça va mal, plus ça réjouit nos amis d'en face, qui sont un peu de biais avec moi. J'aimerais bien pouvoir parler, M. le Président, sans me faire interpeller de manière à me distraire.

Je pense qu'on nous a dit, entre autres, des choses qui n'ont aucun rapport avec la loi qui est devant nous. On nous a dit, par exemple, que le taux de suicide au Québec était très fort, ce qui est vrai et ce qui est une préoccupation profonde du gouvernement, de notre gouvernement et, j'imagine, de l'ensemble des députés de cette Assemblée, parce que c'est préoccupant de savoir que la jeunesse québécoise se suicide à un taux qui est probablement un des plus élevés du monde. Cependant, de vouloir relier ce taux de suicide avec la loi qui est devant nous, je trouve que c'est un peu fort. En particulier, je rappellerai aux gens de cette Assemblée, par exemple, que 40 % des jeunes qui se suicident le font parce qu'ils sont homosexuels, d'orientation de même sexe – on nous l'a dit dans les commissions parlementaires – et qu'ils le font parce que la société ne les accepte pas. On pourrait avoir ici des études qui nous sont amenées et qui nous diraient que, parmi ceux des jeunes qui se suicident, il y en a davantage qui sont de condition riche que de condition pauvre. Alors, je pense qu'il ne faut pas dire n'importe quoi sur n'importe quoi, M. le Président, et c'est ce qu'on a fait ici.

Le député de Marquette, qui vient de parler, nous dit qu'on n'a pas créé d'emplois. Si je regarde simplement, puisque c'est notre travail qu'il faut faire, le bulletin régional sur le marché du travail pour la région de Québec, on nous dit que, par rapport au trimestre 1997 de l'an passé, il y a eu une augmentation, pour l'ensemble du Québec, de 81 800 emplois, à ce moment-ci. Alors, on ne peut pas dire n'importe quoi non plus là-dessus. On nous dit que le Québec est plus pauvre. Peut-être que le Québec est plus pauvre, mais on veut lier cette pauvreté-là... On nous dit – et on semble s'en féliciter – que nous avons le plus haut taux de pauvreté au Canada, à côté de la province de Terre-Neuve, et c'est vrai. Mais ce qu'on ne nous dit pas, M. le Président, c'est que ça a toujours été vrai, qu'on a toujours eu le plus haut taux de pauvreté au Canada depuis que nous sommes dans la Confédération. Alors, je pense qu'il faut faire attention à ce qu'on dit.

M. le Président, je pense qu'il est important de rappeler ici que, contrairement à ce qu'on vient de nous dire aussi, à savoir que nous avons dépossédé les gens, que nous avons supprimé l'espoir, au contraire, nous avons fait un exercice qui était très difficile, un exercice que les libéraux n'ont pas eu le courage de faire à un moment où ils étaient en taux de croissance, alors que, nous, nous le faisons à un moment où c'est beaucoup plus difficile. Le ministre de la Santé lui-même sous leur gouvernement, qui était également député de Charlesbourg, a reconnu le courage du ministre actuel de la Santé, le député de Charlesbourg également, ministre de la Santé et des Services sociaux, qui a eu ce courage de faire ce qu'ils auraient dû faire, ce qui nous aurait moins endetté, d'ailleurs: le virage ambulatoire. Somme toute, nous le savons très bien que les effets, les résultats de ce virage, un virage qui est difficile, sont des résultats positifs.

(17 h 20)

Quand vous allez dans la population, que vous consultez les gens sur la manière dont ils sont traités dans les hôpitaux, avec beaucoup de compassion et avec beaucoup de compétence, ils vous disent que finalement ils sont aussi bien traités qu'avant et qu'ils ont des meilleurs services parce que, en particulier, on leur a donné plus de lits en soins prolongés. Et ça va continuer de se faire. Et les retombées d'une partie de ces effets de compressions qui ont été faites sur le système de la santé vont venir et viennent déjà dans les premières lignes par le biais des régies.

Alors, je pense, M. le Président, que de nous dire que nous sommes incapables, nous, au Parti québécois, de créer la richesse au Québec, c'est complètement faux, parce que nous pouvons démontrer le contraire, et nous avons effectivement – ne serait-ce que par des statistiques, nous pourrions le faire – démontré le contraire. De dire que nous sommes incapables, comme le disait le député de Marquette, de créer l'espoir, c'est faux également, parce que nous avons effectivement créé à nouveau de l'espoir. Nous avons montré aux gens que nous pouvions à nouveau nous reprendre en main, parce qu'il y a, à l'effet d'endettement, une sorte... nous sommes un peu, dans l'endettement, happés par le vide, et c'est vers ça qu'on allait avec l'endettement que le Québec avait.

Nous avons eu, M. le Président, donc, le courage de faire le ménage dans les finances publiques. On nous a lu d'ailleurs, et le député de Verdun et le député de Marquette sont venus avec le programme du Parti québécois. Je suis très heureux de voir qu'ils lisent un bon programme! C'est un programme qui est d'ailleurs un objectif, et, comme tout programme de parti politique, ça reste également un idéal. On ne peut pas toujours tout de suite faire tout ce qu'il y a dans ce programme-là. Mais nous avons eu, nous, une politique sociale-démocrate. Qu'on ne vienne pas nous dire que nous ne sommes pas sociaux-démocrates quand nous faisons ce que nous faisons, parce que, quand nous contribuons à nettoyer les finances publiques, nous faisons un exercice social-démocrate. Au lieu de donner 6 000 000 000 $ aux banques, comme le faisaient dans leur dernier budget les libéraux en augmentant de 6 000 000 000 $ ce qu'ils devaient dépenser, au lieu de le donner aux banques en intérêts, en intérêts morts, en argent mort, nous, nous allons le donner ailleurs.

Je le rappelle, M. le Président, je l'ai déjà rappelé, parce que j'habite un comté où on peut parler aussi simplement, aux gens qu'à chaque fois qu'ils envoient 1 $ à Ottawa il y a 0,30 $ d'argent mort dans ce dollar-là, qui ne sert à personne sinon aux banques. À chaque fois qu'ils envoient 1 $ à Québec, il y a 0,20 $ qui s'en va aux banques. Ce qui veut dire qu'à chaque fois qu'un contribuable québécois, dans l'exercice qu'il va faire bientôt, va envoyer 2 $ dans ces deux gouvernements-là il y a 0,50 $ d'argent mort. Et, quand on vient nous dire que faire ce que nous avons fait comme exercice, qui est difficile, ce n'est pas être social-démocrate, je trouve qu'on abuse du langage.

M. le Président, ce que nous avons fait est difficile. Et, pour le faire, c'était tellement difficile que nous aurions eu besoin de toute l'Assemblée nationale, parce qu'il s'agissait là d'une sorte de conversion de mentalité. Et je pense que les gens dans chacun de nos comtés, quand on les voit, quand on les rencontre, ils nous disent qu'au fond ce que nous avions à faire... même si ça a été dur dans les hôpitaux, même si ça a été dur dans les écoles, même si c'est dur pour les gens de la sécurité du revenu, qui sont les plus démunis parmi nous, ils nous disent: Il fallait le faire; vous avez eu le courage de le faire, nous vous remercions de le faire, nous vous prions de continuer de le faire.

M. le Président, je terminerai – parce que j'habite un comté qui est pauvre, très, très près de la capitale, très près de cette Assemblée nationale – en rappelant que cette loi qui est devant nous, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale – on a voulu se moquer du titre – dans son objectif, dans l'objectif de la ministre, dans l'objectif du gouvernement, ça reste ça. Nous n'exerçons pas seulement la compassion quand nous sommes dans l'opposition; nous, nous l'exerçons aussi quand nous sommes au pouvoir, et nous essayons d'être le plus près possible de la population.

Et je pense que les députés, en particulier ceux qui sont dans des comtés de gens plus démunis, ont fait le maximum pour essayer d'aller chercher le plus d'argent possible avec cette nouvelle loi. Et, en particulier – je ne répéterai pas ce qui a été dit ce matin – il y en a pour à peu près au moins 60 000 000 $, de mesures nouvelles qui vont aider les gens à mieux se débrouiller. En particulier, par exemple, quand ils auront un emploi, ils pourront bénéficier d'un montant de 500 $. Ça a l'air de rien, mais souvent, quand on a un nouvel emploi, on n'a pas les habits qu'il faut pour aller l'exercer, on n'a pas la passe d'autobus qu'il faut pour circuler, parce que ces gens-là n'ont pas de voiture. Nous avons également, par exemple, une hausse de l'exemption pour résidence. Maintenant, les gens qui ont une résidence de 80 000 $ et moins n'auront pas à s'en départir pour avoir l'avantage d'être sur la sécurité du revenu. Il y a un certain nombre de mesures comme ça, M. le Président.

Je terminerai en disant ceci. Moi, contrairement au député de Marquette, je pense que, si nous voulons nous sortir une fois pour toutes de la pauvreté, nous pouvons le faire en devenant vraiment responsables de nous-mêmes, de nous représenter nous-mêmes, de faire nous-mêmes nos budgets, de faire nous-mêmes toutes, toutes, toutes nos lois, M. le Président. Je pense que c'est comme ça qu'on pourra arriver, par la souveraineté du Québec, à devenir plus riches, parce que je pense que, contrairement à ce qu'on essaie de nous faire croire de ce côté-là, la souveraineté du Québec va nous rendre plus riches, et c'est probablement pour ça qu'on voudrait, dans ce pays qui s'appelle le «Dominion of Canada», nous empêcher de le faire. M. le Président, je suis sûr que, si nous ne contribuions pas à la richesse du pays qui s'appelle le «Dominion of Canada», ça fait longtemps qu'on nous aurait mis à la porte.

M. le Président, je termine en disant, puisque c'est la Semaine de la francophonie, que je vais vous suggérer cette capitale, cette ville dont je suis député par un palindrome, c'est-à-dire Québec écrit à la manière indienne: K-E-B-E-K, un mot réversible, un mot qui se lit comme l'alpha et l'oméga, un mot vers lequel il faut toujours revenir. C'est le mot de ce que nous sommes, de notre identité profonde. Quand nous entrons et quand vous entrez, ceux qui m'écoutent et celles qui m'écoutent, à Québec par les ponts, ne cédez pas aux tentations faciles. Vous avez le boulevard Bertrand, vous avez le boulevard Charest. Empruntez plutôt le boulevard Champlain; c'est le boulevard de la haute mémoire du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Taschereau. Je vais céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. À mon tour, je voudrais parler pendant quelques instants sur le projet de loi n° 186, projet de loi qui a un titre un peu ronflant, Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale. Dans la vraie vie, encore une fois, on veut réformer le projet de loi sur l'aide sociale.

Vous savez, dans la région d'où je viens, moi, dans l'Estrie, on a un caucus des députés libéraux. On est en majorité dans l'Estrie. On se réunit régulièrement et on invite des groupes. On fait ça à peu près à tous les mois et demi. On invite des groupes à venir nous parler de leurs préoccupations. C'est peut-être un peu la beauté de ne pas être au gouvernement, d'être tout simplement une poulie de transmission, comme un député que je viens d'entendre qui nous répète constamment le discours du parfait petit catéchisme du PQ. Or, nous, étant dans l'opposition, allons, comme nous l'avons fait, dans les polyvalentes, tous les députés, nous sommes allés faire le tour des cégeps du Québec, des universités – j'ai eu moi-même l'occasion d'aller en visiter un bon nombre – où, là, on écoute pendant une journée complète les enseignants, les élèves, les dirigeants et on se fait une idée de ce qui ne marche pas dans ce système-là.

Alors, le caucus des députés de l'Estrie – et je n'ai jamais vu les péquistes faire ça dans notre coin – on invite des groupes, et on a souvent invité – soit qu'ils nous l'ont demandé ou soit qu'on les a invités – à venir nous parler de leur vécu quotidien des gens qui sont sur l'aide sociale, parce que, oui, ces gens-là, à travers les dernières années, se sont regroupés, se sont organisés. Je vous avouerai que ces gens-là nous disaient à chaque fois que la compassion était un mot qui était disparu au gouvernement en place. Ce n'est pas moi qui le dis, M. le Président, c'est les gens qui sont des bénéficiaires de l'aide sociale, des gens que vous avez côtoyés.

(17 h 30)

Bien oui, c'est facile de faire ce qu'on appelle du «bashing» sur les gens de l'aide sociale. C'est un sujet où on peut effectivement dire: On devrait couper là, il y a des gens qui ne travaillent pas trop fort, etc. On a tous entendu ça dans nos bureaux de comté et on a tous entendu ça samedi soir dernier quand on est allés au bingo. Mais, dans la vraie vie, quand vous faites du bureau de comté et que des gens viennent vous voir, des gens vous racontent leur vécu... J'en avais encore un tantôt, là, sur la ligne qui me racontait comment ça a été difficile suite à la fermeture de son restaurant, comment il a perdu son bloc-appartements, comment il est après perdre sa maison et, finalement, comment il s'est ramassé sur l'aide sociale et comment son vécu est absolument difficile. Bien, si on a un peu de compassion comme gouvernement, c'est d'abord d'aider les plus démunis dans une société.

Moi, je ne suis pas allé nécessairement en politique pour aider General Motors, Lavalin, Bombardier et me faire voir dans tous ces grands cocktails à travers le Québec. Si je suis allé en politique, c'est parce que j'avais des convictions, moi aussi, sociales, M. le Président. On peut être social-démocrate, on peut aussi être du centre, mais on peut aussi croire, qu'on soit social-démocrate ou du centre, qu'il y a des gens dans la société qui sont mal pris et qu'on doit les aider, ces gens-là.

La première façon d'aider ces gens-là, M. le Président, c'est d'abord, quand on est élu, de respecter notre parole. C'est la première chose qu'on doit faire. Donner confiance à l'électorat, c'est d'abord s'en tenir à ce qu'on a dit au moment où on serait élu. Puis, si on n'était pas sûr qu'on pouvait le faire, bien, c'était de ne pas le dire. C'était de ne pas le dire. Et je donne toujours le même exemple, et je ne peux pas ne pas le dire dans chacun de mes discours: Dans mon coin, on a le plus grand site de déchets du Québec. Alors, pendant la campagne électorale, le PQ est venu se prononcer, bien sûr, dans le beau comté d'Orford et a dit par écrit dans le programme: Ne vous inquiétez pas, tous les sites de déchets du Québec seront de propriété publique; l'État sera propriétaire de tous les sites de déchets du Québec. C'est écrit dans le programme. M. le député de ville de Laval ne veut plus l'entendre, il l'a entendu pendant quatre ans dans tous les discours que j'ai faits.

Qu'est-ce qui s'est passé dans la vraie vie à partir de cet engagement? 4 000 votes de moins dans le comté d'Orford parce que les gens auraient voulu, effectivement, que ce site-là devienne un site public. Dans la réalité, c'est ça: 4 000 votes de moins. Le député va être élu par 4 000 plutôt que 8 000. Dans la vraie vie, qu'est-ce qui se passe le lendemain, M. le Président? Non seulement les sites de déchets, au Québec, ne deviendront pas propriété publique, mais 50 % des sites, en date d'aujourd'hui, sont maintenant la propriété d'entreprises privées américaines: Laidlaw, Waste Management, et je pourrais toutes vous les nommer. Non seulement ils n'ont pas fait ce qu'ils avaient dit, mais ils ont fait exactement le contraire, M. le Président. Vous me voyez venir?

Vous me voyez venir, et là non seulement... Je parlais de compassion tantôt, maintenant je vous parle de morale. La morale de l'homme et de la femme publics qui doivent promettre des choses en campagne électorale – c'est leur droit – mais, à partir de cet instant-là, ils sont pris par ces engagements-là. Alors, dans le cas de l'aide sociale... Parce que, chez nous, on l'a mené, ce débat-là, M. le Président. J'étais président de cette formation-là et je me souviens de ces débats déchirants entre Gérard D. Levesque, un de nos distingués confrères, Marie Gendron, présidente de la Commission-Jeunesse, et M. Claude Ryan, qui était à l'époque ministre. On l'a fait, ce débat-là: Est-ce que les jeunes, au Québec, seront traités comme une autre classe de citoyens ou est-ce qu'ils seront traités comme une classe égale à l'ensemble des citoyens dans notre société? Eh bien, après des débats difficiles auxquels ont participé les Mario Dumont, les Pietro Perrino, les Pierre Anctil et combien d'autres jeunes du Québec, ma propre fille, ces jeunes-là nous avaient convaincus. Et je me souviendrai toujours de ce caucus dans la ville de Trois-Rivières où les jeunes étaient venus rencontrer les députés, et j'invite le caucus du PQ à le faire de temps en temps, à écouter les jeunes dans leur formation politique. Jamais, jamais, jamais le PQ n'aurait passé le projet de loi n° 186 s'il avait écouté son aile jeunesse, M. le Président.

En fin de semaine, vous pouvez vous rattraper. Le PQ, vous avez un caucus, je pense, avec des jeunes à Sherbrooke. Bien sûr, l'échiquier politique changeant, ça tombait bien, cette petite réunion là à Sherbrooke. J'ai cru comprendre qu'il y aurait quatre ministres et un premier ministre. Vous qui serez présents en quantité industrielle à ce caucus des jeunes dans notre région, je vous invite – et, si vous ne le faites pas, peut-être que nous, on devra le faire lundi matin – à rappeler à vos jeunes ce que vous aviez dit sur le projet de loi. Et je vous le lis au cas où certains des quatre ministres, descendant trop vite, n'ayant pas le temps de lire leurs journaux en descendant à Sherbrooke, ainsi que le premier ministre, en aéroplane... Peut-être qu'ils n'ont pas le temps de tout lire le programme des engagements qu'ils ont pris lors de la dernière campagne électorale. J'aimerais leur rappeler ce qu'ils disaient à cet égard-là. Écoutez-moi bien, parce que je pense que vos jeunes, en fin de semaine, s'ils sont aussi francs que vous le prétendez, M. Dubé en tête, votre président, qui a des intentions de se présenter à la prochaine campagne électorale – et c'est tout à son honneur que des jeunes veuillent aller en démocratie, veuillent se battre pour leurs idées – mais jamais ils n'accepteront que ce qu'on avait promis aux jeunes à la dernière campagne électorale, on fasse exactement le contraire, comme on a fait à Magog avec le site de déchets, M. le Président.

Alors, qu'est-ce qu'on disait dans ce programme de votre parti électoral? Les prestations de l'aide sociale seront accordées avec les mêmes exigences, quel que soit l'âge de la personne qui les reçoit. Chez nous, on l'a fait, ce débat-là. Il a été déchirant, M. le Président, et nous sommes arrivés à la conclusion que les jeunes, ils étaient partie prenante de notre société et qu'il n'y avait pas des clauses orphelin, au Parti libéral, qu'il n'y aurait pas, au gouvernement du Québec, une clause orphelin. Pour les gens qui nous écoutent, peut-être qu'on ne sait pas ce que ça veut dire. La clause orphelin, ça, c'est quand il y a une convention collective que le gouvernement est après proposer aux municipalités... Et jamais on n'en aura vu autant dans l'histoire du Québec, c'est incroyable, alors qu'encore là on avait dit dans le programme: Pas de clause orphelin!

Nous, on les a fait baisser, on les a presque anéanties, les clauses orphelin, et on s'aperçoit qu'avec l'arrivée du PQ les jeunes sont maintenant pénalisés. Avec le nouveau décret gouvernemental, le nouveau projet de loi de jeudi soir dernier, qu'est-ce qui se passe dans la vraie vie? Les nouveaux qui vont entrer dans la fonction publique municipale auront des conditions de travail inférieures à tous égards à celles qui sont déjà là. Façon facile de négocier une convention collective! Les absents, bien sûr, ne sont pas là – je n'ai rien inventé jusque-là – et ceux qui négocient la convention collective sont les plus anciens. Alors, pourquoi pas? Réglons le problème bien vite, les prochains arrivants, les plus jeunes, eux autres, on les coupe, et vogue la galère, et tout le monde est bien heureux, sauf les jeunes, cette même gang que vous irez voir à Sherbrooke en fin de semaine, quatre ministres – je peux vous les nommer – ainsi que le premier ministre.

Et j'espère que vos jeunes, s'ils ont autant de colonne vertébrale que la Commission-Jeunesse du Parti libéral... J'espère qu'il y en a un là-dedans, au moins le président, M. Dubé, qui va se lever et va dire à M. le premier ministre: Coudon, où étiez-vous? Où étiez-vous? Je comprends que vous étiez à Ottawa, mais vous êtes revenu à Québec depuis! On a pris des engagements, nous, pour les jeunes du Québec, on a pris des engagements même si vous n'étiez pas là. Vous êtes moralement lié par ces engagements-là, que ce soit au niveau des clauses «nonobstant», que ce soit au niveau des clauses orphelin ou sur l'aide sociale. Mais vous êtes lié, M. le premier ministre. J'espère que les jeunes vont le leur dire.

Encore une fois, moi, j'ai connu ça, ces débats-là. Mon confrère en avant de moi et mon confrère en arrière de moi étaient présents dans ces débats-là, au parti. Je n'ai jamais prétendu que ça avait été facile. Imaginez-vous, la Commission-Jeunesse négocier avec M. Claude Ryan, avec Gérard D. Levesque, ce n'était pas évident! Et pourtant, parce qu'il y avait de la compassion, parce qu'il y avait de la morale au Parti libéral du Québec, les jeunes ont gagné ces débats-là, M. le Président. Je comprends que, de l'autre côté, ça peut offusquer quelques oreilles qui, elles aussi, se demandent bien: Qu'est-ce qui va se passer à Sherbrooke avec notre Commission-Jeunesse? De deux choses l'une: ou bien ils vont se tenir debout puis ils vont dire: Le projet de loi n° 186, M. le premier ministre, Mme la ministre, retournez chez vous avec ça, ça n'a pas d'allure, c'est le contraire de ce qu'on avait dit, ou bien tout le monde va se taire puis ils vont tous les applaudir. Mais, dans la vraie vie, ils ne feront pas leur ouvrage. C'est ça, M. le Président, le vrai débat de ce projet de loi là.

La ministre, elle, dit: On va les tenir par la main puis on va leur trouver des jobs. Ça, là, c'est extraordinaire, et, moi aussi, je souscris à ça. J'ai passé ma vie, M. le Président... Autant en affaires que maintenant que je suis député, quand des jeunes ont cogné à ma porte puis ont dit: Est-ce qu'on peut nous aider? pouvez-vous nous aider? oui, j'ai essayé d'appeler des voisins, oui, j'ai essayé d'appeler des entreprises, j'ai essayé d'appeler des amis pour faire valoir ces jeunes-là. On a essayé – puis on le fait tous, je pense, autant chez vous que chez nous – de les coacher, de les aider, et je pense que l'esprit de ce projet de loi, il est valable à cet égard-là.

D'autre part, faut-il qu'on crée la richesse? Faut-il qu'on crée l'emploi? Qu'est-ce que vous voulez, je ne peux pas dire le contraire, le Québec, tel qu'il est aujourd'hui, est plus pauvre qu'il l'était hier, qu'il l'était il y a cinq ans, et je ne veux pas me perdre dans une panoplie de chiffres, mais j'en donnerai quelques-uns.

On sait tous que le citoyen qui travaille en ce moment, une fois qu'il a payé ses impôts municipaux, qui sont souvent la plus importante facture, son hypothèque, la dette sur la voiture, qu'il a finalement fait l'épicerie, un peu de vêtements, ce qu'on appelle en anglais le «disposable income», l'argent net qu'il reste à un individu une fois qu'il a payé la TVQ puis ces histoires-là, aujourd'hui, au Québec – écoutez-moi bien, M. le Président – tous les citoyens du Québec qui m'écoutent, sans exception, sont tous plus pauvres, en argent disponible, qu'ils l'étaient il y a cinq ans.

(17 h 40)

Le graphique, ici, n'est pas très grand, M. le Président, mais c'est assez évident. Entre 1992 et 1995, le Canada et le Québec montent à peu près au même rythme, si ce n'est que le citoyen du Québec, parce que le Québec crée de l'emploi, a toujours plus d'argent disponible que ses confrères des autres provinces. 1995 arrive, élection du Parti québécois, et là le graphique est probant, M. le Président, cette ligne où on chute en ligne droite – en ligne droite – alors que le reste du pays va se maintenir à des niveaux tout à fait acceptables. Qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? C'est que les Québécois s'appauvrissent jour après jour, au Québec.

L'an passé, notre bon ministre des Finances a fait tout un sparage, comme seul il est capable de le faire, en nous disant que ça allait très bien au Québec, quand je lui ai rappelé que 14 000 jeunes gradués bilingues, intelligents avaient tout simplement pris leur pacsac et avaient foutu le camp dans d'autres provinces parce qu'il n'y avait pas d'emploi ici, M. le Président! En fin de semaine, avec mon épouse, nous avons embarqué un jeune sur le pouce; on allait vers Montréal, et en jasant avec le jeune – Qu'est-ce que tu fais? Où est-ce que tu vas? C'est quoi, tes études? – bien, il dit: Moi, je ne me trouve pas de job; là je viens d'appeler au Manitoba, puis je vais avoir une job de soudeur là-bas, puis c'est là que je m'en vais. Bon. Ça, ce n'est pas dans les statistiques. Il n'est pas dans le 14 000, celui-là, il partait en fin de semaine. Ça, M. le Président, c'est le vécu, c'est le vécu de nos jeunes Québécois.

Bien sûr, bien sûr, on peut contester tous les chiffres, mais je pense qu'il y a un individu qu'on ne contestera jamais, au Québec, parce que de part et d'autre on est convaincu qu'il est un de ces forts dans la société québécoise, et qui est probablement un des hommes qui a le plus d'expérience, il s'appelle Michel Audet. Il est le président de la Chambre de commerce du Québec. M. Audet, pour ceux qui le connaissent, a été un haut fonctionnaire toute sa vie, à peu près de Jean Lesage jusqu'à Robert Bourassa – donc, René Lévesque, M. Johnson père, etc. Ça a été un des très grands fonctionnaires de l'État, et, au moment de sa retraite, la Chambre de commerce du Québec lui a demandé de devenir le président provincial. M. Audet, qui est un homme très respecté autant dans les milieux socioéconomique et autres, a écrit il y a quelque temps dans le journal La Presse un très long article, et je vous donne: L'économie du Québec continue à perdre du terrain .

Je comprends que certains députés ne sont pas d'accord avec ça. Les députés de la capitale nous disaient que ça n'était pas vrai. Ce n'est pas moi qui dis ça, c'est un gars qui a été haut fonctionnaire toute sa vie et qui maintenant est président de la Chambre de commerce. Et, pour ceux qui le connaissent, M. Audet n'est pas exactement le genre à se laisser bardasser par qui que ce soit; c'est un gars qui a des idées, puis il les défend, et puis il sait où il s'en va.

Alors, L'économie du Québec continue à perdre du terrain . M. le Président, je vous en lis quelques passages, c'est très long, c'était presque une page complète de La Presse , il dit: «L'économie du Québec perd encore du terrain par rapport à la moyenne canadienne.» Tantôt, on nous disait: Oui, mais on a toujours été plus bas, on est égal à Terre-Neuve... Lui, il ne dit pas si on est plus bas ou si on est plus haut que Terre-Neuve, il dit qu'on perd du terrain puis qu'on continue d'en perdre. Alors, ça, c'est sa ligne. Il nous rappelle dans son article que, sur 28 indicateurs financiers – notre ministre des Finances, qui est un expert à prendre un chiffre parmi trois pages et demie et faire un grand sparage avec ce chiffre-là... – il nous rappelle dans son article que, sur 28 chiffres importants à l'économie – le PIB, création d'emplois, etc., – il y en a trois où le Québec se comporterait mieux que les provinces canadiennes, individuellement ou dans leur ensemble. Je vais vous donner quelques exemples.

Il dit dans son article: Au dernier sommet socioéconomique – il était présent, lui, comme nous tous, d'ailleurs, au sommet socioéconomique; M. Audet était un des grands porte-parole là-bas, il a signé, il était d'accord avec tout ça – l'on s'est fixé un objectif de rattrapage des indicateurs économiques québécois par rapport à la moyenne canadienne. Son constat, après un an: On est loin du compte. Qu'est-il arrivé? Eh bien, il dit: La production intérieure brute du Canada s'est accrue de 3,9 %, contre 2,6 % au Québec. On a créé – là, il parle de 11 mois – 43 000 emplois au cours des 11 premiers mois de 1997, ce qui est mieux, bon, mais il dit: Il faut se rappeler que l'Ontario en a créé le double, 96 000; le Canada, 254 000.

Le ministre, quand il se lève puis il nous dit: On a créé tant d'emplois, je ne sais pas s'il a l'impression qu'il s'impressionne lui-même. Dans la vraie vie, il faut se comparer. Il n'y a plus de chômage aux États-Unis, nos voisins, là, à côté. Chez nous, c'est exactement 10 minutes de ma résidence, les États-Unis. Il n'y a plus de chômage, on parle de 3 %. Il y a toute une industrie, aux États-Unis, qui est en difficulté, on ne trouve plus de main-d'oeuvre. Les McDonald's, par exemple, sont en difficulté aux États-Unis. Dans certains États, on ne trouve plus de main-d'oeuvre.

Allez en Ontario, maintenant: sous un gouvernement social-démocrate, ceux qui se pétaient les bretelles tantôt, le pire endettement dans l'histoire du Canada a été créé en Ontario pendant quatre ans. Avec Bob Rae, pendant quatre ans, ils ont rejoint le Québec dans leur endettement, quatre ans, gouvernement social-démocrate. Pendant ce temps-là, il se perdait 85 000 jobs au Québec... il ne s'en perdait pas une au Québec, M. le Président, pendant le même quatre ans.

Or, M. le Président, ce que nous dit Michel Audet, c'est que ça va mal. Cette croissance est trop faible parce que les investisseurs privés sont anémiques. Ceux qui viennent du milieu des affaires vont vous le dire, M. le Président, jour après jour, il y a des gens qui questionnent les investissements qu'ils pourraient faire au Québec, qui questionnent les investisseurs, les gens sont inquiets. Or, on avait promis des choses aux jeunes, M. le Président. J'espère qu'en fin de semaine, j'espère que votre congrès Jeunes que vous allez tenir à Sherbrooke, que ces jeunes-là vont vous poser des questions. Si eux ne les posent pas, nous, du Parti libéral, ça fait partie intrinsèquement de notre emploi de l'opposition de les poser, ces questions-là.

Deuxièmement, que vous aimiez ça ou pas, quand des gens comme Michel Audet nous disent: Le Québec, le plus réalistement possible, s'apprauvrit, moi, je n'aime pas ça. Je n'aime pas ça voir mes voisins s'appauvrir. Je n'aime pas ça voir que les gens ont de moins en moins d'argent de disponible. Alors qu'ailleurs en Amérique, ailleurs aux États-Unis, il n'y a plus de chômage, ailleurs en Ontario, on est parti sur une bouffée d'oxygène en création d'emplois, nous, on traîne de la patte. On ne fait pas les efforts qu'on devrait faire en économie et, à cause de ça, on est encore obligés de couper, M. le Président, sur ce que l'abbé Pierre appelait les laissés pour compte de notre société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Le projet de loi n° 186 est certainement un projet de loi qui va toucher un grand nombre de nos concitoyens, et parmi ceux-ci, bien sûr, on y compte les plus démunis, pas forcément les plus démunis, mais les moins favorisés de notre société. Or, M. le Président, c'est un projet de loi qui commande à tous les députés qui sont en cette Chambre, hommes et femmes, une attention particulière, car, en effet, les décisions que nous allons prendre peuvent faire, dans un premier temps, la différence entre la qualité de vie minimale de femmes et d'enfants et peut-être, là, la détresse.

Alors, M. le Président, on remarque dans ce projet de loi une approche gouvernementale basée sur la restriction. On ne voit pas, dans ce projet de loi là, de vrai projet de société. Moi, je me serais attendu à ce qu'un gouvernement issu du Parti québécois, qui avait un programme qui s'appelait Des idées pour mon pays , un programme qui se disait généreux, eh bien, lorsqu'il serait au pouvoir, nous fasse part de sa vision de la société dans différents secteurs, différents domaines, pas seulement sur l'indépendance du Québec ou la place du Québec comme État indépendant dans le concert des nations ou à l'intérieur du Canada, dans une souveraineté-association. J'aurais aimé qu'il nous dise comment les gens, en tant que gouvernement actuellement à l'intérieur du Canada, doivent tenir compte des obligations qu'ils ont pour administrer et faire évoluer notre société québécoise.

On ne retrouve rien là-dedans, M. le Président. On retrouve des coupures, on retrouve des compressions. On a l'impression que le président du Conseil du trésor donne une commande et dit: Voilà, vous allez nous réduire de quelques centaines de millions. On se rend compte que déjà on n'est pas loin de 412 000 000 $. Abolition du barème de disponibilité, abolition des avoirs liquides pour le mois de la demande, baisse du barème de participation, coupures dans l'allocation-logement, fin de la gratuité des médicaments, désengagement au niveau des soins dentaires et optométriques, imposition des prestations d'aide sociale lors du retour au travail, abolition de l'allocation pour remboursement de l'impôt foncier, abolition du barème de non-disponibilité pour les mères monoparentales ayant la charge des enfants de cinq ans et plus.

(17 h 50)

M. le Président, on se rend compte que, dès le départ, on a un bilan comptable de l'action du gouvernement, depuis qu'il est là, en ce qui concerne les gens qui sont sur l'aide sociale. On n'a pas vu non plus de grands changements ou de grandes directions de changement en ce qui concerne les différentes catégories de citoyens qui sont sur l'aide sociale. On sait très bien qu'à l'aide sociale ce n'est pas tous des démunis; il y a des gens qui sont là parce qu'ils sont handicapés, qu'ils sont inaptes à occuper un emploi. Il y a des gens qui, pour des raisons de santé, ne pourront plus jamais travailler, puis il y en a d'autres qui, pour des raisons conjoncturelles, bien, se retrouvent démunis, ont besoin de dépannage.

Il m'arrive souvent, à mon bureau de député – et ça fait 13 ans que je suis là – de voir un citoyen, père de famille, qui vient me voir, qui me dit: M. le député, j'ai perdu mon emploi, je n'ai plus d'assurance-chômage, puis là faut que je vende ma maison, faut que je vide mes économies, parce que sinon on ne me donne pas d'aide au niveau de l'aide sociale. Alors, la question que je lui pose, c'est: Mais c'est normal, c'est du dernier recours. Il dit: Oui, mais, moi, je veux continuer à travailler, je veux retravailler, je ne veux pas me départir de tout ce que j'ai acquis dans ma vie par un dur labeur pendant les 25, 30 dernières années. Il dit: Je veux de l'aide, je veux qu'on m'aide à retrouver un emploi. Et, pour ce faire, M. le Président, bien, ce n'est pas en mettant une pénalité, en lui disant: Vends ta maison avant qu'on te donne de l'aide. Pour ce faire, il faudrait que l'on puisse faire en sorte que ces gens-là, une fois qu'ils ont été orientés, qu'ils ont été évalués, puissent recevoir une formation professionnelle rapide pour acquérir une habileté dans des domaines où il y a des emplois.

Il ne s'agit pas, bien sûr, des les envoyer suivre des cours, secondaire IV, secondaire V parce qu'ils n'ont pas eu le temps de le faire quand ils étaient plus jeunes, ce n'est pas de ça qu'ils ont besoin à court terme, ils ont besoin d'apprendre un métier. Ça peut être des cours de coiffure, ça peut être des cours de mécanique, ça peut être des cours de jardinier. Il y a beaucoup de cours de base qui permettraient à des citoyens qui ont perdu leur emploi, qui n'ont plus de revenus, d'acquérir rapidement, par des stages de formation de trois, six mois, un an maximum, de nouvelles habilités et de se retrouver sur le marché du travail, de retrouver leur dignité.

Il y a beaucoup d'emplois qui ne sont pas occupés. On sait que, dans un certain nombre d'industries au Québec, il a des pénuries de main-d'oeuvre. Et là je ne parle pas d'emplois de haut niveau. C'est évident – il ne faut pas rêver en couleur – que quelqu'un qui est sur l'aide sociale, qui a 35 ans ou 30 ans d'expérience dans son entreprise qui a fermé, qui a épuisé ses cotisations d'assurance-chômage, bien, qu'on n'en fera pas un ingénieur chez Bombardier demain matin, ou à CAE électronique. Mais, par contre, il y a des emplois, des petits métiers qui existent et auxquels on devrait former les gens et motiver les gens pour retourner travailler, et avec de l'aide si c'est nécessaire, s'ils doivent devenir travailleurs indépendants, pour repartir.

Et ça, on ne voit pas ça dans ce projet de loi là. C'est ce que j'appelle le côté positif, «positive action», l'action positive – pour ne pas parler la langue anglaise: regarder comment sortir les gens de là pour qu'ils puissent participer, faire leur effort dans la société, et non pas chercher à les pénaliser ou à arriver avec une approche, pas coercitive, mais punitive qui dit: Si tu ne fais pas quelque chose comme ça, bien, on va te couper. Parce que je crois que la grande majorité des gens qui sont aptes au travail, ils veulent travailler. Je ne pense pas qu'il y en ait beaucoup, parmi les 400 000, 500 000 personnes qui sont sur l'aide sociale aptes au travail – il y en a quelque 100 000 qui sont inaptes – qui sont ce qu'on appelle des paresseux ou des gens qui attendent de se faire vivre par la société. Bon, il y a ce côté-là.

Maintenant, il y a le côté familial. M. le Président, on se retrouve de plus en plus – et la région de Montréal en est l'exemple typique, mon collègue de Sainte-Marie–Saint-Jacques le sait très bien, car lui-même doit connaître ces phénomènes-là dans sa circonscription – avec des familles monoparentales. On se retrouve avec des jeunes femmes, moins jeunes des fois, qui doivent maintenant subvenir elles-mêmes et toute seules à l'éducation de leurs enfants et en même temps, bien sûr, vivre et se débrouiller pour subvenir à elles-mêmes. Eh bien, je crois que, parmi ces gens-là aussi, parmi ces citoyens, il y en a beaucoup qui rêvent de retourner travailler, qui rêvent de pouvoir devenir autonomes et de pourvoir subvenir eux-mêmes, ou pour une bonne partie, à leurs besoins et à ceux de leurs enfants.

La société doit tenir compte de ça, et nous devons faire en sorte que toute réforme qui touche à leur statut actuel n'en soit pas une d'abaisser leur niveau de vie mais, au contraire, de les encourager, de faire en sorte qu'ils puissent retrouver eux aussi cette dignité qui est un emploi. Alors, il y a un paquet de choses qui pourraient être faites. Prenez un exemple, M. le Président, une femme qui va travailler, qui a deux enfants et qui est toute seule. Premièrement, il faut qu'elle paie un certain nombre de services de garderie, ou alors les enfants vont à l'école, eh bien, à 15 h 15, les enfants sont dans la rue. Cette femme travaille dans une boulangerie, une pâtisserie, une laverie, un restaurant comme serveuse, des emplois justes, honnêtes, des emplois qui méritent le respect pour ceux qui les accomplissent. Eh bien, elle pense que, pendant qu'elle travaille, ses enfants, ses deux jeunes, bien, ils sont livrés à eux-mêmes, ils sont tout seuls. Il n'y a pas là un incitatif à aller travailler! Ou alors, si elle occupe un emploi le soir, bien, il n'y a pas de père à la maison, il n'y a personne pour garder les enfants, s'en occuper.

Alors, est-ce qu'on ne devrait pas faire en sorte, M. le Président, de donner ou de mettre à la disposition de ces personnes-là un certain nombre d'assistances et de moyens pour pouvoir réintégrer le marché du travail, premièrement, par la formation rapide et à court terme, selon leur niveau scolaire? Quand même qu'on les enverrait pendant quatre, cinq ans suivre des études au cégep, ou je ne sais pas où, ou au secondaire pour réapprendre un certain niveau, ce n'est pas de ça qu'elles ont besoin à court terme; elles ont besoin de travailler. Et, après ça, accommodons-les. Est-ce qu'on ne devrait pas mettre dans tout le Québec... Et c'est bon pour les mères qui sont sur l'aide sociale, mais celles qui travaillent et qui tout à l'heure peut-être peuvent quitter leur emploi parce que, justement, les enfants sont dans la rue ou ils ont des difficultés... Eh bien, faisons en sorte que nos enfants quittent maintenant l'école vers 17 heures, le soir.

Est-ce qu'il n'y aurait pas moyen de refaire ce qui se fait en Europe? J'étais, il n'y a pas longtemps, dans un pays européen. Je voyais que les cours se terminaient à 16 heures, que, de 16 heures à 16 h 30, il y avait une espèce de récréation et, par la suite, les enfants pour lesquels les parents étaient volontaires, demandaient que ça se passe, restaient jusqu'à 17 h 30 en service, pas de garderie, mais en service d'études. Alors, là, des jeunes stagiaires, professeurs ou étudiants, les aident à faire des devoirs, les aident à faire leur travail. Bien souvent, M. le Président, c'est des catégories de gens qu'on appelle «venant de familles défavorisées» qui ont le plus besoin de ce suivi-là, car une mère de famille qui reçoit des programmes d'aide sociale ou qui est à la limite du salaire minimum puis de l'aide sociale, dépendant des périodes, ce n'est pas évident, le soir, qu'elle est capable de faire faire des études ou des devoirs à ses enfants.

Eh bien, M. le Président, si on n'y prend pas garde, ces enfants-là, eux aussi, vont suivre le même chemin, vont décrocher, puis, à un moment donné, ils vont se retrouver dans une espèce de position ballottante où ils n'auront pas, forcément, d'instruction et de formation professionnelle. Ça commence là, ça aussi. Il ne faut pas seulement régler le problème aujourd'hui. Il faut voir d'où il vient, pourquoi il est là et faire en sorte qu'il ne recommence pas. Alors, ça, c'est une solution. Ça fait partie des multitudes de solutions qu'il peut y avoir lorsqu'on veut être créatif et lorsqu'on n'a pas peur de faire des changements qui dérangent, c'est sûr, certains secteurs.

Alors, moi, M. le Président, cette loi-là, je la trouve malheureusement technocratique. Je trouve que c'est une loi d'administrateur. C'est un sous-ministre qui a fait cette loi-là; ce n'est certainement pas les politiciens qu'il y a en face de moi, ce n'est pas vrai. Je suis certain que, si les hommes et les femmes politiques qui sont en face de moi dans ce gouvernement, qui sont pris dans leurs circonscriptions, qui connaissent les problèmes – peut-être moins dans les régions rurales, je ne le sais pas, mais peut-être aussi, hein, dans leurs régions – mais, dans les régions montréalaises en particulier, eh bien, je suis certain que les députés qui connaissent ces problèmes-là ne peuvent pas être 100 % d'accord avec ce genre de projet. Et, en plus de ça, il ne va pas forcément dans le programme de leur parti. Bien, ça, je peux comprendre ça. Un programme, ça se fait à une époque, puis, lorsqu'on est au pouvoir, il y a d'autres contingences qui peuvent arriver. Bon, on pourrait toujours critiquer puis dire: Ils ne tiennent pas leurs engagements, et tout ça. Ça, c'est la population qui est juge après une élection.

Mais, moi, je ne veux pas faire mon point là-dessus, je pense que ça appartient à la population de voir plus tard. Mais, au moins, de grâce, essayez de faire en sorte que les projets de loi que vous amenez, et celui-là en particulier, règlent les problèmes des gens, facilitent leur vie et aussi corrigent les raisons, les causes qui amènent ces gens à l'aide sociale. Or, ça ne semble pas être comme ça, on a des coupures, 412 000 000 $.

On a des gens qui ont de la difficulté à trouver des emplois, des problèmes de formation professionnelle, puis je ne parle pas de la grosse formation, là, je parle de la petite formation. On ne voit pas de solution, on ne voit pas d'avenir, on ne voit pas de lucarne, de lumière, avec ce projet de loi là, pour les gens, et je dois le déplorer, je dois le regretter. Alors, je souhaite que, dans la suite des travaux qui vont venir – il va y avoir des discussions en commission parlementaire, enfin toutes sortes de choses comme ça – les parlementaires puissent le bonifier, le regarder avec une grande ouverture et faire en sorte que, lorsqu'il va revenir devant nous, bien sûr, on ait des solutions plus intéressantes et plus attrayantes pour les Québécois et pour la société québécoise.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine.

Ceci met fin à nos débats pour la séance d'aujourd'hui. Nous allons ajourner à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 18 heures)