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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 16 décembre 1997 - Vol. 35 N° 149

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre, Mmes et MM. les députés! Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons débuter les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Dépôt de documents. Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille.


Rapport annuel de l'Université du Québec et des établissements du réseau et rapport relatif à l'appel de l'Association des étudiants de la Télé-université

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je dépose le rapport annuel 1996-1997 de l'Université du Québec et des établissements du réseau et le rapport relatif à l'appel de l'Association des étudiants de la Télé-université du Québec.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. M. le ministre des Transports.


Correction à l'Annexe 4 du rapport annuel du ministère des Transports

M. Brassard: M. le Président, je dépose une correction à l'Annexe IV du rapport annuel 1996-1997 du ministère des Transports.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre de la Justice.


Rapport annuel du Fonds d'aide aux recours collectifs

M. Ménard: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1996-1997 du Fonds d'aide aux recours collectifs.

Le Président: Ce document est également déposé. M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Rapport annuel du Programme d'aide aux Inuit pour leurs activités de chasse, de pêche et de piégeage

M. Bégin: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1996 de l'Administration régionale Kativik concernant le Programme d'aide aux Inuit pour leurs activités de chasse, de pêche et de piégeage.

Le Président: Alors, ce document est déposé.


Rapport de mission de la VIIe assemblée générale de l'Association parlementaire Ontario-Québec

Pour ma part, je dépose le rapport de la mission effectuée à la VIIe assemblée générale de l'Association parlementaire Ontario-Québec qui s'est tenue à Toronto du 19 au 21 novembre dernier. Cette activité était sous la responsabilité de M. le député de Marguerite-D'Youville. M. le député de Rousseau, Mme la députée de Chapleau, M. le député de D'Arcy-McGee, M. le député de Bonaventure, M. le député de Robert-Baldwin et Mme la députée de Marie-Victorin ont également participé à cette activité.


Rapport du Séminaire de développement professionnel de la région canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth

Je dépose également le rapport de la mission au Séminaire de développement professionnel de la région canadienne de l'Association parlementaire du Commonwealth tenue à Washington les 23, 24 et 25 septembre dernier. Cette mission était sous la responsabilité de M. le député de Charlevoix qui était accompagné de M. le député de Chomedey.


Décision du Bureau de l'Assemblée nationale

Je dépose finalement la décision 862 du Bureau de l'Assemblée nationale.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 185

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 15 décembre 1997 afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 185, Loi sur l'élection des premiers commissaires des commissions scolaires nouvelles et modifiant diverses dispositions législatives.

Le Président: Alors, le rapport est déposé. M. le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Auditions et étude détaillée du projet de loi n° 253

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 19 juin 1997 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé n° 253, Loi concernant l'Association de villégiature du Mont Sainte-Anne. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.


Mise aux voix du rapport

Le Président: Très bien. Ce rapport est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le président de la commission des affaires sociales et député de Charlevoix.


Étude détaillée du projet de loi n° 176

M. Bertrand (Charlevoix): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 15 décembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 176, Loi modifiant la Loi sur le ministère de la Santé et des Services sociaux et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Décisions sur diverses affaires courantes

Je dépose pour ma part le rapport de la commission de l'Assemblée nationale qui a siégé le 12 décembre dernier afin d'établir un calendrier en vue de l'étude de projets de modifications au règlement de l'Assemblée nationale. Je tiens à signaler qu'il n'y a pas été possible d'établir le calendrier souhaité et j'attends toujours que soit rendue possible une réunion avec les leaders et les whips avant l'ajournement de la période de Noël pour fixer ce calendrier et enfin amorcer les discussions sur le fond des choses.

M. le leader du gouvernement.


Présentation de projets de loi

M. Jolivet: M. le Président, serait-il possible, avec l'accord de l'opposition, de revenir à la présentation d'un projet de loi? Le député a finalement reçu son projet de loi.

Le Président: Alors, il y a consentement? M. le leader du gouvernement.

(10 h 10)

M. Jolivet: Veuillez prendre en considération, M. le Président, l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 390

Le Président: Alors, à l'article b du feuilleton, M. le député de Lévis présente le projet de loi n° 390, Loi modifiant la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire. M. le député de Lévis.


M. Jean Garon

M. Garon: Alors, M. le Président, le projet de loi n° 390, Loi modifiant la Loi sur les établissement d'enseignement de niveau universitaire, a pour objet de modifier la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire afin de préciser le contenu de l'état du traitement des membres du personnel de direction supérieure qui doit être inclus dans les états financiers transmis annuellement au ministre de l'Éducation par un établissement d'enseignement de niveau universitaire.

Ainsi, l'établissement d'enseignement devra indiquer dans l'état de traitement la valeur pécuniaire des cotisations versées à tout régime de retraite ou à tout régime de prestations supplémentaires applicable au membre du personnel de direction supérieure.

Enfin, l'établissement d'enseignement, en outre d'indiquer dans l'état de traitement la valeur pécuniaire des indemnités de départ accordées au cours d'une année, devra aussi indiquer la valeur pécuniaire des autres avantages prévus dans un contrat ou un règlement de l'établissement d'enseignement et la valeur de ces indemnités ou avantages à être versés ultérieurement au membre du personnel de direction supérieure.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi? M. le député de Verdun.

M. Gautrin: M. le Président, pour savoir si on veut en être saisi, est-ce que la ministre de l'Éducation est d'accord avec ce projet de loi?

Des voix: ...

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi? Adopté.

Alors, il n'y a pas de dépôt de pétitions, aujourd'hui.


Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège


Actions présumant de l'adoption du projet de loi n° 171

Cependant, à l'étape des interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, j'ai reçu dans les délais requis de M. le député de Richmond une demande d'intervention portant sur une violation de droit de l'Assemblée d'exercer pleinement sa compétence législative. Cette demande ne satisfait pas, cependant, aux conditions de forme énumérées au deuxième alinéa de l'article 69 du règlement, puisque l'avis n'indique pas précisément le droit ou le privilège invoqué et n'expose pas les faits à l'appui de l'intervention.

Par contre, compte tenu de l'importance que revêt une question de droit ou de privilège à l'Assemblée, il ne serait pas souhaitable, en l'espèce, de rejeter la demande du député de Richmond pour cette simple question de forme. C'est pourquoi je demanderai au député de Richmond de préciser en quelques mots le droit de l'Assemblée qu'il invoque et les faits à l'appui de son intervention, sans aller, par ailleurs, sur une plaidoirie sur le fond des choses, mais simplement pour faire en sorte que l'avis soit plus conforme aux dispositions de l'article 69. Et je déciderai ensuite si je dois statuer immédiatement ou si je vais prendre la question en délibéré. M. le député de Richmond.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Alors, M. le Président, j'ai pris l'initiative de vous soumettre bien humblement une question qui, à mon avis, relève du privilège de cette Assemblée et de sa souveraineté d'adopter des lois avant qu'elles ne soient mises en application, avant, en d'autres mots, que le processus enclenchant sa mise en application, sa mise en place ne soit fait.

Je fais ici référence au projet de loi n° 171 qui a été soumis par le ministre responsable du Développement des régions et qui est actuellement à l'étude article par article, où on reçoit des gens en commission parlementaire pour audition et où on assiste, au moment où on se parle, à la mise en place de toute une série de gestes qui confirment, qui présument de l'adoption de cette législation, entre autres des centres locaux de développement qui sont contenus dans la loi, et qu'au même moment où on n'a pas d'assises légales pour procéder sur le terrain on est en train de mettre en place toutes les dispositions requises pour que cette loi s'applique au même moment où le ministre a lui-même indiqué des modifications qui vont être apportées à la loi, dans l'article par article, et qui vont venir remettre en cause certaines directives qu'ont reçues, entre autres, les municipalités régionales de comté et les différents intervenants régionaux.

Le Président: Je vous remercie, M. le député de Richmond. À ce moment-ci, vous me permettrez... Parce que ce type de problème a déjà été soulevé à quelques reprises à l'Assemblée, un cas d'espèce. Je vais prendre la question en délibéré et je vais faire les vérifications par rapport aux précédents qui ont déjà été décidés au niveau de l'Assemblée. Très bien.


Questions et réponses orales

Cela nous conduit à ce moment-ci à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle, en principale.


Examen médicolégal des victimes de viol

M. Johnson: M. le Président, je ne me souviens pas si le premier ministre était présent lorsque j'avais soulevé un problème très réel des effets du désengagement du gouvernement des soins de santé, du réseau des services sociaux, dans la mesure où le fardeau qui est porté, dans notre société, par tout le monde, lorsque c'est le secteur public qui prend en charge les malades, les gens qui ont besoin de services sociaux, ce fardeau a été transféré toujours davantage sur les familles québécoises. Et, à l'intérieur des familles, on peut constater que ce sont les femmes qui portent largement ce nouveau fardeau que des décisions du ministre de la Santé, notamment, et du gouvernement ont créé.

Dans le même ordre d'idées, on voit depuis quelques jours que les femmes, notamment dans la région de Québec, sont maintenant davantage inquiètes qu'elles ne l'ont jamais été, pour ne pas dire angoissées, devant une situation où une réorganisation du réseau hospitalier présumément planifiée dans les moindres détails – je le fais sans ironie, je répète ce que le ministre nous disait à l'époque – a fait en sorte que les équipes de médecins qui devaient dresser les trousses médicolégales à l'occasion d'examens que les victimes de viol subissent dès après le forfait, ce dont elles ont été victimes, sont plus difficilement accessibles, plus difficilement réalisables. C'est un effet inattendu et inacceptable, en même temps, que ce niveau d'inquiétude des femmes, dans une société où le niveau de violence faite aux femmes ne semble pas se résorber, soit augmenté à un point tel que leur insécurité en est affectée, quoiqu'en dise le cabinet du ministre, qui a tenté de minimiser la chose, dans la mesure où il y a moins de garanties que les présumés agresseurs seront condamnés et emprisonnés pour leur crime.

Est-ce que le premier ministre voudrait rassurer les membres de cette Assemblée et les femmes, notamment dans la région de Québec, contrairement au cabinet du ministre qui minimise la situation, qui prétend que c'est une question de négociations de conventions collectives, conditions de travail, etc.? Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire qu'il fait une priorité de ce dossier, que ce soit des négociations ou quoi que ce soit, qu'il a dit à son ministre de s'en occuper tout de suite, pas plus tard?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je partage avec le chef de l'opposition la certitude que nous devons prendre les mesures qui s'imposent pour que les femmes, de la région de Québec en particulier, soient totalement rassurées quant à l'existence des moyens qui leur seront donnés, le cas échéant, pour établir les constats qui sont requis et également pouvoir offrir aux tribunaux la preuve qui sera nécessaire dans les cas où ces situations se présenteront.

M. le Président, je sais bien que tout cela se situe également dans ce qu'on a appelé un contexte de négociations. Mais ce n'est pas une raison en effet pour que, à l'occasion des négociations, on puisse hausser le ton et transposer sur le plan des inquiétudes publiques des revendications qui pourraient être par ailleurs légitimes mais qui n'entretiennent pas de liens et de niveaux de correspondance avec la nécessité de pourvoir le public de ce genre de services.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre pourrait répondre plus avant ou demander à son ministre de poser les gestes qu'attend la population pour faire remarquer que c'est à l'occasion du démantèlement des équipes qui existaient au Christ-Roi, que l'un des effets a évidemment été celui qu'on dénonce aujourd'hui, qu'une réforme planifiée dans les moindres détails n'a pas prévu un tel effet inacceptable pour les femmes du Québec? Et que le ministre trouve néanmoins, s'il s'agit de ressources financières à l'occasion de négociations, comme on continue de l'invoquer et comme le premier ministre vient de le faire – je suis extrêmement surpris qu'il l'ait fait – que le ministre trouve néanmoins trouve, lui, des sommes pour faire de la publicité sur la façon dont ça va donc bien dans le réseau de la santé, pour soutenir un club de hockey dans la région de Québec, est-ce que le premier ministre trouve que le ministre a ses priorités à la bonne place, dans un dossier comme celui-là, qui est un dossier prioritaire pour les femmes, compte tenu des phénomènes de violence faite aux femmes dans notre société?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(10 h 20)

M. Rochon: M. le Président, je suis content d'avoir cette opportunité additionnelle pour rassurer, effectivement, toutes les femmes de la région de Québec que les mesures ont déjà été prises dès hier pour s'assurer... Et je peux assurer et garantir à la population et aux femmes de la région de Québec que la Régie régionale avec le Centre hospitalier universitaire de Québec ont déjà pris des mesures de sorte qu'au pavillon de Saint-François-d'Assise l'équipe médicale a été complétée et les services sont disponibles, sont assurés, que l'utilisation de la trousse Viol-secours sera faite et qu'en plus, pour compléter les services de l'hôpital, le CLSC Orléans offre une garde de 24 heures par jour et sept jours par semaine, avec des soins, des services d'infirmières et de travailleurs sociaux pour compléter l'encadrement et les services qui doivent être donnés aux femmes.

Je pense qu'hier aussi le président de la Fédération des omnipraticiens, avec qui nous avons discuté de la situation, a reconnu qu'il ne s'agissait pas là du tout d'une conséquence ou d'un effet rattaché à la réorganisation des services de santé. Le représentant des médecins de la région de Québec, des urgentologues, a lui-même dit que c'était strictement une question d'argent pour les médecins. Et je pense que les personnes concernées ont compris que c'est à la table de négociation que va se régler la chose en ce qui regarde les médecins et que les services sont disponibles pour les femmes, comme ils l'étaient auparavant, et vont demeurer disponibles. Et tout va être fait à cet effet, M. le Président, pour que ça se maintienne. Merci.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Compressions budgétaires dans le réseau de l'éducation

M. Ouimet: M. le Président, depuis l'arrivée du Parti québécois au pouvoir, les écoles craquent sous le poids des coupures aveugles et à répétition. Il y a à peine quelques jours, la ministre de l'Éducation a reconnu qu'il y a une pénurie de manuels scolaires pour les élèves dans les écoles. La ministre a également reconnu les effets désastreux du manque de ressources professionnelles, notamment parmi les orthophonistes, les psychologues et les orthopédagogues. Hier, la Fédération des commissions scolaires annonçait que le gouvernement siphonnera encore des fonds aux écoles, jusqu'à 350 000 000 $ selon ses estimés, ce qui compromet la soi-disant réforme en éducation.

M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre: Le premier ministre – elle s'adresse à lui; je le vois donner ça à la ministre, mais elle s'adresse à lui – va-t-il respecter sa parole et annoncer aujourd'hui qu'il a fini de saigner à blanc les écoles, lui qui disait en juin 1996, lors d'une entrevue qu'il accordait à Jean-Luc Mongrain, et je le cite: «Mais je pense que ce qu'on a prélevé, c'est assez. Globalement, il n'y a pas beaucoup de gras à l'éducation actuellement et, en plus, il faut faire la réforme.»? Il a fait cette déclaration-là, M. le Président. Il y a eu des compressions de 683 000 000 $ l'année passée, 70 000 000 $ pour l'année qui s'en vient et on en annonce déjà 350 000 000 $. Va-t-il cesser de saigner à blanc les écoles?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et de la Famille.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Dès que j'ai vu les documents émis ou le communiqué émis par la Fédération des commissions scolaires hier, j'ai confirmé qu'effectivement il ne s'agissait pas, d'aucune façon, de ce qui était demandé au secteur de l'éducation quant à l'effort budgétaire pour l'an prochain. De toute façon, vous savez que les crédits budgétaires seront déposés ici à la fin mars pour discussion et adoption. Vous savez aussi que l'ensemble de la politique gouvernementale au plan budgétaire prévoit, pour l'année à venir, un gel des crédits budgétaires, ce qui exigera de l'ensemble de nos réseaux, évidemment, que l'on porte la croissance normale des dépenses à l'intérieur des budgets qui sont déjà alloués. Mais il n'y a pas d'efforts supplémentaires que nous prévoyons demander à l'ensemble des réseaux autrement que ceux qui sont compris dans la progression normale d'une dépense, à partir du moment où on gèle les budgets, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: La ministre de l'Éducation confirme-t-elle qu'il y aura néanmoins compressions budgétaires dans le réseau de l'éducation?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, la ministre de l'Éducation va confirmer que nous investissons des sommes considérables en éducation. Nous investissons en termes de richesse collective plus que la part qui s'investit ailleurs dans d'autres provinces et plus que la part qui s'investit ailleurs dans d'autres pays. Lorsque le gouvernement qui nous a précédés a été au pouvoir, il avait tous les moyens, tous les outils pour investir plus, mieux, pour faire les bons choix. Qu'est-ce qu'il nous a laissé en éducation? Une situation catastrophique. C'est pour cela, M. le Président, que nous procédons à une réforme. Il nous a laissé...

Le Président: Mme la ministre, en terminant, s'il vous plaît.

Mme Marois: Merci, M. le Président. C'est pour cela, d'ailleurs, que nous procédons à une réforme, de telle sorte que nous puissions nous attaquer au problème de décrochage scolaire, que nous puissions rehausser le niveau d'inscription et, surtout, de réussite à la formation professionnelle qui était devenu, sous l'ancien gouvernement, un véritable désastre, puisqu'on n'y allait pas et que, en contrepartie, on décrochait. Nous procédons donc à une réforme pour recibler l'ensemble des actions gouvernementales à l'égard de l'éducation autour de la réussite du plus grand nombre. Et c'est cela, prendre nos responsabilités en ce qui concerne l'avenir des jeunes du Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que tout le monde, y compris le premier ministre, a compris comme moi que la ministre n'a pas répondu à la question, à savoir si, oui ou non, il va y avoir des coupures additionnelles en éducation, que c'est fini, les coupures, comme l'a dit, il y a un an et demi, pas la semaine dernière... Ça fait un an et demi que le premier ministre a dit: C'est assez, là – en juin 1996 – ça va faire. Il y en a eu depuis ce temps-là. Est-ce qu'il va y en avoir d'autres, oui ou non?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il y a maintenant près de trois ans que notre société consent des efforts très considérables pour redresser les finances publiques, pour remettre le navire québécois à flot. Il a été laissé en très mauvais état, comme on le sait, par des gens qui nous ont laissé un déficit de 6 000 000 000 $.

Le gros des efforts est fait. Nous arrivons en fin de course, où l'objectif est en vue, très immédiat. Dans le domaine de la santé, les gens savent que nous avons fait en sorte qu'un soulagement très important soit octroyé aux compressions qui avaient été envisagées par l'injection de montants additionnels. Dans le domaine de l'éducation, nous sommes également en fin d'effort. Il reste un effort à faire, M. le Président. Il sera très raisonnable. Il tient compte de nos priorités, mais c'est un effort qui est infiniment moins considérable que celui qui a été consenti.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Autrement dit, le premier ministre, qui disait, il y a un an et demi, qu'il n'y avait plus de gras dans le système de l'éducation, envoie des coupures de 350 000 000 $ par la tête du système. C'est ça qu'il dit.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: M. le Président, j'ai déjà répondu à cette question; le chef de l'opposition n'a pas écouté la réponse. J'ai dit très clairement à son collègue le député de Marquette qu'il n'était aucunement question d'une hauteur d'effort budgétaire de l'ordre de 350 000 000 $. M. le Président, j'ai expliqué que le gel budgétaire avait un effet, bien sûr, d'effort et de rationalisation, parce que, dans les faits, les dépenses salariales, les dépenses de fournitures progressent au rythme de l'inflation. Quand on gère un budget de 9 000 000 000 $, même à un gel, il y a une légère augmentation des dépenses. Il faut donc trouver la façon de contrer ou d'assurer, à l'intérieur du budget, cette hausse, ce qui nous amène, bien sûr, à certaines rationalisations.

M. le Président, c'est vrai que les efforts consentis à l'éducation ont été importants, et je pense que personne ne le nie ici, parce que tout le monde est conscient justement de la solidarité que nous devons avoir quant à la poursuite de l'objectif qui est absolument essentiel pour mieux préserver l'ensemble des services que nous rendons à la population. Cependant, il faut bien se dire, et c'est important de se le rappeler, que nous mettons davantage ici par rapport à notre richesse collective que ce qui se passe ailleurs. Il y a donc une légère marge de manoeuvre. Elle est mince, on en convient, mais il y en a une.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

(10 h 30)

M. Johnson: Si ce n'est pas 350 000 000 $, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire combien, ou demander à son silencieux président du Conseil du trésor de le dire?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Il me semble qu'une question comme celle-là venant d'un ancien président du Conseil du trésor a de quoi étonner, puisque nous savons très bien que les crédits budgétaires sont débattus, que la planification est faite actuellement à l'intérieur de l'ensemble et entre les différents ministères du gouvernement et que nous déposons ces crédits à la fin mars devant vous, M. le Président, ici, à l'Assemblée nationale du Québec.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: On doit comprendre que ce n'est pas fini, les coupures dans l'éducation, mais on ne sait pas encore de combien. C'est ça?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Un ancien président du Conseil du trésor sait très bien qu'il y a un mode de fonctionnement budgétaire qui fait en sorte que nous sommes en train de définir les niveaux relatifs de ressources qui seront allouées à chaque ministère et qu'au mois de mars nous déposerons les crédits pour discussion et adoption en cette Chambre.

Le Président: M. le député de Verdun, en principale.


Compressions budgétaires dans les cégeps

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Voyons donc! Écoutez, le réseau des collèges a fait un effort de plus de 120 000 000 $, depuis que vous êtes arrivés au pouvoir. Il faut faire le tour des collèges, comme nous l'avons fait, nous, l'aile libérale, pour savoir ce que ça veut dire. Ça veut dire, à l'heure actuelle, qu'il y a 30 % de moins dans les aides pédagogiques. Ça veut dire qu'il y a des listes d'attente pour les conseillers en orientation. Ça veut dire que les laboratoires ne sont pas capables actuellement de remplacer leurs appareils techniques. Ça veut dire que les bibliothèques ne sont pas capables de combler les collections et que les heures d'ouverture des bibliothèques sont en train de se fermer.

Alors, je sais bien toute la loi sur le Conseil du trésor, mais tout le monde sait qu'actuellement c'est des compressions de 80 000 000 $ qu'on demande au réseau des collèges d'absorber pour l'année 1998-1999.

Alors ma question, M. le Président, à la ministre de l'Éducation, et elle va être très spécifique, elle va toucher le cégep Saint-Jean-sur-Richelieu dans lequel on prévoit une coupure de 1 400 000 $: La ministre est-elle consciente qu'en imposant une compression additionnelle de 1 400 000 $ sur le cégep Saint-Jean-sur-Richelieu, comme l'a dit le directeur du cégep, c'est la suppression complète de ce qu'on appelle les services éducatifs que ça veut dire au cégep Saint-Jean-sur-Richelieu? Et, si elle n'en est pas convaincue, qu'elle lise donc le Canada Français parce que c'est son édition du début de décembre qui l'a confirmé.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Alors, c'est bien, M. le Président. Pendant que nous étions ici à étudier les lois et à travailler à l'Assemblée nationale en session intensive, nos collègues de l'opposition ont pu aller voir les cégeps et les universités. D'ailleurs, j'ai remarqué, à cet égard, certaines absences de mes...

Le Président: M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, s'il vous plaît! Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, merci, M. le Président. Nous sommes en discussion avec l'ensemble du réseau, autant le réseau universitaire, le réseau des cégeps que les réseaux des commissions scolaires. Nous avons des échanges sur l'ensemble des budgets en ce qui a trait à la planification à laquelle nous procédons maintenant. Si le directeur général d'un cégep peut le confirmer, de mon côté tout ce que je peux faire, c'est prendre avis de cette situation. Parce que, dans les faits, nous n'avons pas confirmé dans les réseaux quelque effort budgétaire que ce soit, puisque nous sommes au contraire à faire la planification en vue de voir quel sera le budget de l'ensemble du ministère de l'Éducation pour l'an prochain, étant entendu – encore une fois je le précise – qu'étant au gel budgétaire à cause des hausses normales de coûts c'est cela que nous devrons absorber et du fait que nous avons travaillé d'une façon planifiée avec les établissements de telle sorte qu'on puisse étaler sur deux ans l'effort demandé dans certaines circonstances.

Quant à Saint-Jean-sur-Richelieu, tout ce que je peux faire, M. le Président, à ce moment-ci, c'est prendre avis de la question.

Le Président: Mme la députée de Saint-François, en complémentaire.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, la ministre réalise-t-elle qu'en imposant une coupure additionnelle de 3 200 000 $ au Collège de Sherbrooke, c'est la suppression complète de services éducatifs qu'elle impose?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je peux répéter ce que je dis depuis déjà une quinzaine de minutes, sans doute, ou une dizaine de minutes, à nos amis de l'opposition. Ils sont sans doute mieux informés de ce que nous faisons à l'Éducation, puisque, semble-t-il, ils savent exactement quels sont les budgets qui sont actuellement alloués à l'ensemble de nos réseaux, alors que ce n'est pas le cas.

Nous sommes cependant en discussion avec ceux-ci pour voir comment nous pouvons leur faciliter la tâche pour l'année qui vient, étant entendu que je le sais. À cet égard, j'ai eu – je dois vous dire – une collaboration absolument exceptionnelle de l'ensemble des partenaires du réseau, parce que ce n'est pas facile, effectivement, ce que nous leur demandons. À chaque fois, ils ont réussi, à cause de leur sens de l'initiative, à cause de leur imagination, à cause de l'implication, de l'engagement de leur personnel au sein de leurs institutions, à trouver les solutions pour préserver les services éducatifs et pour s'assurer que la mission fondamentale de chacune de ces institutions allait être respectée dans le sens de la réussite et du succès du plus grand nombre, M. le Président.

Le Président: M. le député d'Orford, en complémentaire.

M. Benoit: Oui, M. le Président. La ministre est-elle consciente qu'en imposant une compression additionnelle de 800 000 $ au cégep de Granby, c'est la suppression complète des services éducatifs qu'elle impose? Aussi, j'aimerais dire à la ministre que les directeurs, les syndicats et les étudiants aimeraient avoir leur visite, comme ils ont eu la visite du chef du Parti libéral du Québec.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je n'ai pas l'habitude d'être avare de mon temps, M. le Président, il y a juste un problème, je n'ai pas le don d'ubiquité. Pour ce qui est de la réponse, exactement la même que celle que j'ai donnée tout à l'heure, M. le Président.

Le Président: En complémentaire?

M. Gauvin: En complémentaire.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Montmagny-L'Islet.

M. Gauvin: M. le Président, la ministre est-elle consciente que les cégeps de l'Est n'en peuvent plus et qu'en imposant une compression additionnelle de 2 400 000 $ au cégep de Rimouski, par exemple, de 600 000 $ au cégep de Matane et de 800 000 $ au cégep de Rivière-du-Loup, sans parler du cégep de La Pocatière et du centre collégial de Montmagny, c'est la suppression complète des services éducatifs qu'elle impose, comme le mentionnait M. Gaëtan Boucher, président de la Fédération des cégeps, lors de sa tournée dans l'Est du Québec?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: M. le Président, je trouve un peu dommage, finalement, qu'on utilise cette stratégie ce matin, puisque tout ce que je peux dire aux membres de cette Assemblée, c'est ce que j'ai répondu une première fois à un collègue, une deuxième fois, que je peux répéter une troisième, une quatrième fois. Peut-être qu'on aurait pu cumuler toutes les questions, ça aurait été un peu plus simple et ça aurait mieux utilisé, à mon point de vue, le temps qui est réservé à l'Assemblée nationale.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Oui, est-ce que la ministre se rend compte que c'est parce qu'elle ne répond pas aux questions qu'on lui en pose davantage, avec des exemples précis? Est-ce que la ministre ne se souvient pas que le montant de 70 000 000 $ de compressions a été signifié aux cégeps, que ça l'a été, qu'ils n'ont pas pris ça sur la lune, nulle part, ils se sont fait dire ça par des représentants du ministère et du gouvernement, que des cégeps où 85 % des budgets sont consacrés à la rémunération se voient donc contraints de trouver 70 000 000 $ dans d'autres choses qui sont les services éducatifs? Et ce que la ministre est en train de dire, c'est que, si les services éducatifs, selon elle, ne sont pas affectés, c'est qu'à l'évidence il y aura des budgets déficitaires, ce qui est contraire à la loi. Est-ce que c'est ça que la ministre est en train de suggérer aux cégeps?

(10 h 40)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Je ne suggère rien à ce moment-ci aux cégeps, M. le Président, je travaille avec eux, je travaille avec leurs représentants à trouver des solutions aux efforts qui seront éventuellement demandés à l'ensemble des institutions du Québec, M. le Président, toujours dans une seule perspective, et je vais le répéter ad nauseam s'il le faut, parce que c'est pour cela que je suis ici, M. le Président, toujours dans une seule perspective: améliorer la réussite des élèves, faire en sorte que l'on utilise aux bonnes fins les ressources disponibles dans nos établissements et qu'à cet égard ce soit toujours, en tout temps et pour toutes circonstances l'intérêt des étudiants et des étudiantes qui fréquentent nos établissements d'enseignement supérieur dont fait partie le réseau des cégeps du Québec, M. le Président.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Échanges de renseignements entre le Parti québécois et le Bloc québécois

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le 24 novembre 1997, la sous-ministre du Revenu, dans son rapport sur les renseignements confidentiels, nous confirmait l'existence d'une fonction d'agent de liaison au sein du cabinet du premier ministre. Le lendemain, c'est-à-dire le 25, le titulaire de cette fonction, M. Charles Chevrette, qui se décrit lui-même comme étant l'adjoint au directeur de cabinet du premier ministre, a expliqué qu'une de ses tâches était celle d'assurer un lien avec le Bloc québécois «pour lequel j'ai – il a – travaillé à temps plein à Ottawa de 1993 à 1996».

Le même jour, le 25, ici, en cette Chambre, le premier ministre a dit ceci, et je le cite: «Les fonctionnaires du ministère cherchaient à rejoindre un contribuable et ils ont pensé que les gens du cabinet du ministre, puisqu'il s'agissait d'un député et que bien sûr il y a des rapports étroits entre le Bloc et le Parti québécois, qu'au cabinet on pourrait plus facilement le rejoindre, et le cabinet sachant qu'il y avait dans mon cabinet quelqu'un qui s'occupait des rapports avec le Bloc québécois, Charles Chevrette, qui connaissait bien les gens du Bloc.»

M. le Président, avec l'existence de tels rapports étroits et avec la formalisation d'une telle fonction, est-ce que le premier ministre peut nous dire de son siège si, oui ou non, lorsqu'il était chef du Bloc à Ottawa ou depuis qu'il est premier ministre du Québec, lui ou M. Charles Chevrette ou l'un de ses autres collaborateurs a reçu ou transmis des renseignements concernant: a) les communications du Conseil exécutif à l'un de ses membres; b) les communications d'un membre du Conseil exécutif à un autre membre de ce Conseil; c) les mémoires ou les comptes rendus des délibérations du Conseil exécutif ou d'un comité ministériel?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il est, je pense, de commune renommée que le Parti québécois et le Bloc québécois sont deux formations souverainistes, que le Parti québécois a été un instrument très important dans la création du Bloc québécois, que, depuis très longtemps au sein des mouvements souverainistes, il y avait des discussions pour savoir s'il ne serait pas opportun de faire élire des députés souverainistes à Ottawa. Donc, le Parti québécois a contribué puissamment à la création du Bloc québécois.

Les deux partis entretiennent des rapports de partis. Le Bloc québécois, à ma connaissance, n'a jamais eu accès à des renseignements confidentiels. C'est de la coordination politique. C'est des rapports de partis. C'est simplement, M. le Président, la synergie qui existe en politique entre des partis qui poursuivent le même but.

Mais, s'agissant des dossiers gouvernementaux, le Bloc québécois ne s'est jamais immiscé dans des dossiers gouvernementaux confidentiels. Il a parfois, à l'occasion, eu des briefings sur des dossiers qui étaient en cours. Je me souviens que nous avions eu un briefing, à l'époque, du membre du cabinet libéral qui s'occupait du dossier de la main-d'oeuvre; nous avions souhaité en savoir un peu plus. Je me rappelle que des gens avaient eu également, je crois, des informations de la part du ministre qui s'occupait des politiques économiques du gouvernement libéral de l'époque, et nous n'avions jamais eu accès à des renseignements confidentiels, bien entendu, M. le Président.

À partir du moment où je suis arrivé à Québec, nous avons fait en sorte qu'il y ait, bien sûr, encore une coordination politique entre les deux partis, et M. Chevrette s'est vu confier la responsabilité d'être le répondant au téléphone, celui qui pouvait entretenir les rapports de synergie politique, je dirais, les rapports de fraternité politique qui existent entre le Bloc québécois et le Parti québécois.

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: Est-ce que le premier ministre, M. le Président, peut nous dire, de son siège de député, si, oui ou non, lorsqu'il était chef du Bloc à Ottawa, de 1993 à 1996, et depuis qu'il est premier ministre du Québec, il y a eu des renseignements confidentiels de l'ordre des trois items que j'ai mentionnés ou de quelque autre item prévu aux termes de la loi sur l'accès aux documents qui auraient été transmis entre le cabinet ici, à Québec, et le Bloc québécois à Ottawa? Oui ou non, est-ce qu'il y a eu transmission de ces informations-là?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je peux répondre que non, il n'y a eu aucune transmission d'informations confidentielles, qu'il y a eu des rapports politiques entre les deux partis et que tout s'est fait avec la bonne foi la plus totale, dans le respect de l'intégrité du fonctionnement de l'État.

Le Président: M. le député de Johnson, en principale.


Décès d'un enfant heurté par une camionnette d'Hydro-Québec

M. Boucher: M. le Président, le 26 juin 1997, le petit Clifford Fisher perdait la vie après avoir été heurté par une camionnette d'Hydro-Québec, dans l'allée menant à la maison familiale, à Sainte-Catherine-de-Hatley, en Estrie. Le 17 septembre 1997, une conférence de presse des parents, Bill et Lyne Fisher, mettait en évidence l'événement et demandait à Hydro-Québec d'intervenir pour assurer une plus grande sécurité dans le travail de ses conducteurs. Le 28 novembre 1997, le ministre d'État des Ressources naturelles rencontrait, en ma présence, le couple Fisher pour entendre leurs récriminations. La semaine passée, le député d'Orford et moi-même avons déposé des pétitions relatives à cet événement tragique, ici, dans cette Assemblée.

Ma question s'adresse au ministre d'État des Ressources naturelles: Est-ce que le ministre, suite à sa rencontre avec le couple Fisher, est effectivement intervenu auprès des autorités d'Hydro-Québec? Et, si oui, peut-il nous indiquer si la société d'État procédera à des changements appropriés, garantissant une meilleure formation de ses conducteurs?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai rencontré les autorités d'Hydro-Québec, je crois que c'est le 5 décembre dernier, et je leur ai soumis les doléances du couple Fisher dans le sens suivant. Il était aberrant qu'un psychologue sache déjà que le paiement des factures puisse se faire alors qu'eux voulaient traiter avec un psychologue de façon très confidentielle, et je leur ai dit que ça leur serait assuré. Et c'est ce que j'ai transmis à Hydro-Québec, qui fera enquête a posteriori si les traitements ont été bien faits, mais qu'on leur laisse la paix entière.

Deuxièmement, j'ai demandé à Hydro-Québec, compte tenu de l'accident tel qu'il m'a été raconté, où l'enfant n'était pas décédé suite au fait qu'il était carrément derrière le véhicule, mais à 25 pieds, 30 pieds du véhicule, qu'on puisse se doter, à Hydro-Québec, d'un même code de sécurité que celui dont certaines grandes compagnies d'utilité publique se sont dotées, comme Bell Canada et autres. Et le P.D.G., M. André Caillé, m'a dit qu'il procédait, dans les meilleurs délais, à créer ce code de sécurité et que tous les conducteurs d'Hydro-Québec qui sillonnent les routes du Québec et également les terrains privés du Québec soient véritablement mieux équipés sur le plan de la sécurité.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Orford.

M. Benoit: Est-ce qu'il n'y a pas un double discours, M. le Président? Hydro-Québec dit publiquement partout qu'ils attendent le rapport du coroner et, d'autre part, ils disent au ministre maintenant qu'ils sont après activer ce dossier-là. Est-ce qu'ils attendent le rapport du coroner avant de bouger ou s'ils sont mis à l'action immédiatement?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, il n'y a pas de double discours. On me pose une question, on me demande ce que j'ai fait, je dis ce que j'ai fait. C'est loin d'être un double discours, ça. C'est une volonté politique d'agir avant même d'attendre des recommandations. Il va de soi qu'un compagnie d'utilité publique, comme Hydro-Québec, soit aussi bien nantie au niveau des équipements et des codes de sécurité que n'importe quelle autre compagnie d'utilité publique. C'est loin d'être un double discours. C'est un discours cohérent et conséquent, et surtout responsable.

(10 h 50)

Le Président: M. le député Notre-Dame-de-Grâce, en principale.


Préavis du projet de loi sur la réforme de la sécurité du revenu

M. Copeman: M. le Président, depuis à peu près une semaine, les gens de ce côté-ci de la Chambre et ailleurs surveillent le feuilleton pour des préavis. Vous pouvez imaginer notre étonnement lorsqu'on a appris ce matin qu'il y a un nouveau préavis sur la Loi sur la Grande bibliothèque du Québec.

Ma question est fort simple à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité: Est-ce qu'elle peut expliquer comment son gouvernement peut arriver avec un préavis sur une loi qui implique de nouvelles constructions, minimum de 75 000 000 $, mais qu'elle est incapable d'amener un préavis sur un projet de réforme de l'aide sociale pour améliorer le sort des plus pauvres au Québec?

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, manifestement, le député de Notre-Dame-de-Grâce n'aura pas longtemps encore à attendre, puisqu'il reste deux jours pour déposer ce préavis avant la fin de la présente session, mais il n'en est pas de même, évidemment, des orientations à l'égard de l'aide sociale de la part de l'opposition; ces orientations demeurent toujours méconnues. Non seulement le Conseil général du Parti libéral s'est-il réuni à deux reprises cet automne sans que jamais cela ne soit mis à l'ordre du jour, non seulement le document d'orientation Garantir l'avenir , publié cet automne, n'en fait pas non plus mention, mais, interrogé par Le Nouvelliste après une réunion du Conseil général, le chef de l'opposition, qui était interrogé sur les mesures qu'il entendait mettre en place pour contrer l'appauvrissement, a répondu, et je le cite, que «son ardoise est propre actuellement». «Nous allons – a-t-il ajouté – nous inspirer d'expériences qui se font ailleurs. On verra – avait-il terminé.»

Des voix: Ha, ha, ha!

Mme Harel: M. le Président, je propose donc que, justement, l'opposition s'inspire des orientations qui seront contenues dans la réforme qui sera déposée.

Le Président: M. le député de Richmond, en principale.


Relations entre le ministre responsable du Développement des régions et l'UMRCQ

M. Vallières: M. le Président, nous savons que la collaboration des municipalités régionales de comté est au coeur de la mise en place des nouvelles structures proposées par le ministre responsable des Régions dans son projet de loi n° 171 et que l'implantation de ces structures est littéralement bulldozée présentement dans les régions par le ministre. Or, le torchon brûle entre le ministre responsable des Régions et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec.

Le ministre recevait la semaine dernière une lettre de la présidente de l'UMRCQ, Mme Jacinthe Simard, faisant état de plusieurs griefs quant à l'attitude du ministre à l'endroit de l'UMRCQ et certains de ses membres. Mme Simard qualifiait d'ailleurs certains passages de la dernière lettre du ministre de disgracieux. Mme Simard constate également dans sa lettre que les relations se détériorent, que cela ne sert pas la cause des régions et que ce n'est pas parce que les élus municipaux membres de l'UMRCQ ont refusé de signer avec le gouvernement l'entente sur les 375 000 000 $ qu'il faut les bafouer dans d'autres dossiers.

M. le Président, est-ce que le ministre a l'intention de mettre fin à cette attitude revancharde décrite par Mme Simard, de cesser de bousculer les élus municipaux, de mettre fin à ces chicanes avec l'UMRCQ pour le meilleur intérêt des régions du Québec?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais remercier très, très sincèrement le député de Richmond de se faire le porte-parole – c'est quasi une question plantée – du directeur général de l'UMRCQ en cette Chambre, mais je dois lui dire ceci. Mme Simard a correspondu avec moi, oui. J'ai décidé que dorénavant ce serait un contact très direct et non pas par des intermédiaires. Je rencontrerai Mme Simard. Mais je vous avoue tout de suite que, comme ministre, moi, je n'accepte pas qu'on ridiculise un sous-ministre, je n'accepte pas qu'on ridiculise un attaché politique. Je veux qu'on traite dans le respect quel que soit l'individu ou son vis-à-vis dans les structures existantes. C'est ce que j'ai demandé à Mme la présidente de l'UMRCQ, de faire en sorte que son D.G. ne ridiculise pas Mme Monique Bégin, ne ridiculise pas Harold Lebel, qui est mon attaché politique avec qui vous traitez quotidiennement.

Je pense que, quand on veut un respect, d'abord, comme structure, on commence par respecter ce qu'on dit à un ministre quand on sort et qu'on ne dise pas le contraire aux journalistes. Deuxièmement, le respect, ça se gagne dans un traitement respectueux, d'abord au niveau des échanges que nous avons. Et je crois que Mme Simard aura compris qu'elle a de son côté des avertissements clairs à donner à son personnel pour qu'on puisse se traiter de façon respectueuse de part et d'autre.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, quand le ministre a-t-il l'intention de donner suite à la demande de Mme Simard, à savoir une rencontre pour traiter des implications de la création des CLD, pour parler de leur meilleure communication? Et est-ce que le ministre peut nous indiquer s'il a, par la même occasion, l'intention de répondre publiquement aux 13 questions que lui a adressées l'UMRCQ à l'intérieur de la lettre qui a été rendue... au ministre au cours de la fin de semaine? Et est-ce que le ministre peut nous indiquer, compte tenu de l'importance de ce qui est proposé pour l'ensemble des régions, s'il ne fait aucun doute dans son esprit qu'il a l'intention de laisser au second plan ses règlements de compte avec certains individus de l'UMRCQ pour privilégier une réforme du développement régional des régions qui passe par le consensus et qui respecte en premier lieu les élus municipaux, qui sont porteurs d'un mandat de la population?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord je dois vous dire qu'au niveau des régions ça va tellement bien: ils ont même commencé avant même que la loi soit adoptée. Puis le député en fait une question de privilège pour arrêter ça. Ça, ça fait toute une logique.

Dans le milieu, on souhaite les CLD, on est prêt à les implanter, M. le Président. Non seulement on est prêt à les implanter, mais ils ont même eu des assemblées de fondation puis la loi n'est même pas votée ici, dans le Parlement. Et le député nous reproche, en Chambre, par une question de privilège, d'empêcher du monde d'aller trop vite sur le terrain. Premièrement.

Deuxièmement, M. le Président, ce qui est assez cocasse...

Le Président: M. le ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Chevrette: M. le Président, la question est tellement d'une importance capitale que je ne voudrais surtout pas être obligé de la prendre en délibéré. Mais je voudrais dire au député de Richmond que les CLD, au Québec, c'est vrai que c'est une volonté politique de les implanter. Il y a une volonté très, très manifeste. Le monde municipal, dans le milieu, a travaillé très fort, maintenant, avec les groupes communautaires, avec les groupes économiques pour créer ces CLD là, sachant très bien que la législation sera adoptée par le Parlement, parce qu'il y a une volonté politique de ce côté-ci de la Chambre.

Et, troisièmement, je vous dirai que les questions qui ont été posées par les MRC ne seront pas répondues à l'UMRCQ. On ne se satisfera pas de ça. On a décidé hier de les envoyer à tous les préfets du Québec pour que l'ensemble des préfets puissent les remettre aux maires.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: Alors, M. le Président, puisque le ministre semble oublier un élément de ma question, à savoir: Quand est-ce que vous allez rencontrer Mme la présidente de l'UMRCQ? Et est-ce qu'on peut espérer, de ce côté-ci de la Chambre, que ce soit avant l'étape finale de l'adoption d'un projet de loi en cette Chambre?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: D'abord, on a rencontré l'UMRCQ en commission parlementaire. On a écouté leurs doléances. J'ai signé une lettre à Mme Simard pour lui dire que nous allons fixer une rencontre immédiatement après les Fêtes pour discuter du fonctionnement. Et je pense que cette réunion-là nous permettra, de part et d'autre, d'établir un fonctionnement où on n'aura pas d'interférences.

Je pourrais vous donner un petit exemple. Au moment où j'étais ministre des Affaires municipales, on avait eu un transfert de 47 000 000 $. La réponse, c'était: Dérangez-nous pas pour des pinottes. Le lendemain, ces pinottes-là étaient devenues plus monstrueuses que le 500 000 000 $ de M. Ryan. Vous comprendrez que, moi, j'aime ce genre de débat clair, transparent, lucide et respectueux.

Le Président: M. le député de Frontenac, dernière question.


Enquête sur le retrait d'une plainte contre la fille d'un policier de la Sûreté du Québec impliquée dans un accident d'automobile

M. Lefebvre: M. le Président, le 1er janvier 1997, la fille d'un policier de la Sûreté du Québec de Cowansville a été impliquée dans un accident d'automobile où il y a eu effectivement trois blessés. La jeune femme a subi le test de l'ivressomètre, l'a raté, et plusieurs accusations ont été portées en regard de cet événement-là contre la jeune fille en question.

(11 heures)

M. le Président, lors de la comparution, le 19 septembre 1997 – et ma question s'adresse au ministre de la Sécurité publique – pourquoi le procureur de la couronne, Me Michel Breton, a-t-il décidé de demander à la cour le retrait des plaintes? Deuxième question: Combien de policiers sont enquêtés en regard de cet événement-là, par rapport aux décisions qu'ils auraient prises, par rapport à leur conduite? Et, au Procureur général, est-ce qu'une nouvelle plainte, compte tenu du fait que madame, la jeune fille en question, n'a pas été acquittée, puisqu'il y a eu retrait de plainte, il n'y a pas eu procès, sera portée contre la jeune fille en question?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, suite au dépôt du rapport au substitut du Procureur général, vers le mois de mai 1997, il y a eu une enquête interne de la Sûreté du Québec qui a été déclenchée. Cette enquête est maintenant terminée et, sous peu, et même peut-être à ce moment-ci déjà, le substitut du Procureur général du district de Longueuil est en train d'étudier un dossier pour évaluer les possibilités de poursuite criminelle contre des policiers relativement à ce dossier.

Maintenant, quant au dossier de la personne qui a été arrêtée à Cowansville, il n'est pas fermé. On va présenter sous peu un nouveau rapport de police pour regarder encore les possibilités de poursuite au niveau criminel relativement à cette affaire.

Donc, évidemment, nous prenons cette affaire très au sérieux, et je crois que la Sûreté du Québec, par l'enquête interne qu'elle a faite, sur laquelle – je pense que le député de Frontenac comprendra – je ne veux commenter, a pris l'affaire très au sérieux, et la justice va suivre son cours, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Compte tenu de l'importance du sujet, la question s'adressait également au ministre de la Justice. Il y aurait consentement, de ce côté-ci, M. le Président, à ce...

Le Président: Écoutez, j'ai compris des réponses que le ministre de la Sécurité publique avait également couvert la question qui avait été posée au ministre de la Justice, à moins que le ministre de la Justice m'indique qu'il voudrait ajouter... Alors, rapidement, s'il vous plaît.

M. Ménard: C'est très rapide, M. le Président. Effectivement, si le rapport des policiers que nous allons recevoir révèle qu'une infraction criminelle a été commise, quelle que soit la personne, des accusations seront portées. Ce genre de comportement qui a été décrit par les journaux est absolument inadmissible dans une société comme la nôtre et il ne pourrait être sanctionné d'aucune espèce de façon, sinon en portant, justement, les accusations qui doivent être portées, mais après s'être assurés que nous avons la preuve hors de tout doute raisonnable à présenter devant un tribunal.

Le Président: Non, M. le député de Frontenac, à moins qu'il n'y ait consentement, sinon... On est déjà rendu à quelques minutes... C'est un bel essai, remarquez.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, cela met fin à la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons à ce moment-ci aux motions sans préavis. M. le député de Châteauguay.


Saluer les efforts de l'Assemblée nationale, de la Chambre des communes et du Sénat qui ont conduit à l'adoption de la modification constitutionnelle permettant la mise en place de commissions scolaires linguistiques

M. Fournier: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec salue les efforts conjugués de l'Assemblée nationale, de la Chambre des communes et du Sénat canadien qui ont conduit à l'adoption de la résolution de modification constitutionnelle permettant la mise en place de commissions scolaires linguistiques.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, il y a entente pour que deux personnes de chaque côté interviennent.

Le Président: Alors, M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Merci, M. le Président. Le 30 octobre dernier, deux ans jour pour jour après le 30 octobre 1995, une délégation de la partie ministérielle et du parti de l'opposition se rendait à Ottawa, devant le comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat, pour présenter la position du Québec. À ce moment-là, je terminais ma présentation de la façon suivante, et je cite: «Je dirais, comme Québécois et comme Canadien, et surtout en ce 30 octobre, que notre Constitution témoigne que notre pays a un passé. En s'actualisant au présent, cette Constitution démontre que notre pays a un avenir.»

Avec l'adoption de la résolution de modification constitutionnelle par le Sénat canadien hier, nous recevons aujourd'hui un écho et un signal très importants. Nous avons la preuve, comme Québécois dans le cadre canadien, qu'il est possible de s'entendre, qu'il est possible de coopérer, qu'il est possible de préparer l'avenir, la relève du Québec. Lorsqu'on parle de commissions scolaires, on parle d'éducation, on parle des enfants, on parle de l'avenir du Québec. Il est possible de préparer notre avenir dans la collaboration, dans la bonne foi, dans un esprit constructif. Nous recevons un signal positif, un signal constructif, un signal porteur d'espoir.

Sans refaire le fil des événements qui ont conduit à cet amendement constitutionnel, M. le Président, permettez-moi de profiter de l'occasion pour remercier le député de Marquette, qui a lancé cette initiative et qui a su mener ce projet à bon port.

Des voix: Bravo!

M. Fournier: Que l'opposition propose des alternatives et que le gouvernement les accepte – évidemment après s'être fait tirer l'oreille un petit peu, mais quand même – voilà, M. le Président, qui est porteur d'espoir pour toute la population peut-être, qui pourra apercevoir la classe politique sous un nouveau jour.

Et on se met à rêver de tout ce qui serait possible si le gouvernement du Parti québécois acceptait de continuer sur cette lancée de changement pour améliorer la situation de nos concitoyens. On se met à rêver que le gouvernement du Parti québécois saurait saisir ce signal d'espoir pour l'avenir et qu'il comprenne, pour reprendre un slogan connu, que, oui, c'est possible d'adapter, de moderniser notre Constitution, c'est possible d'améliorer l'ensemble de notre façon de faire, de notre façon de gérer pour le bénéfice de ceux que nous représentons.

C'est vrai, M. le Président, qu'il reste encore beaucoup à faire, en termes de reconnaissance et d'interdépendance. Nous avons, dans notre document, plusieurs pistes d'amélioration dans ce plan de modernisation de la Constitution que représente notre plate-forme en matière d'affaires canadiennes. Il y a encore beaucoup de pistes d'amélioration, mais nous avons aujourd'hui un signal que l'espoir est là, que c'est faisable.

Je tiens à signaler rapidement un des éléments de notre plan de modernisation que l'on retrouve à la page 15, et je cite très, très brièvement: «Dans la même veine, nous croyons qu'il faut s'entendre avec les autorités fédérales pour amender l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 et ainsi pouvoir mettre sur pied des commissions scolaires linguistiques.» Un document qui a été lancé en décembre 1996, deux mois avant que le gouvernement du Parti québécois accepte d'embarquer dans ce train, d'assurer le progrès pour l'ensemble des Québécois, deux mois après que nous ayons lancé ce programme qui, maintenant la preuve est faite, peut être réalisé. On peut construire sur ce succès, M. le Président. Voilà la réalisation d'un objectif que ne partageait pas alors le Parti québécois.

Mais nous devons tirer des conclusions, nous devons tirer des leçons de ce qui s'est passé dans le dossier des commissions scolaires linguistiques. De la coopération, nous allons retirer des fruits. De la confrontation et de l'humiliation, nous ne retirerons que du recul. La théorie du complot qu'on entend assez régulièrement du côté du parti ministériel, il faut se le dire entre nous, vient d'en prendre pour son rhume. Il y a des preuves que c'est faisable, qu'on peut s'entendre lorsque, ensemble, on explique, on partage.

C'est sûr que, dans un État fédéral, il faut toujours être vigilant. La société québécoise peut et doit continuer de s'affirmer dans le cadre canadien, mais jamais en se divisant, jamais en se pénalisant, jamais en se victimisant. Au contraire, nous pouvons et nous devons nous affirmer en unissant nos forces dans un esprit constructif pour affirmer et pour faire rayonner le Québec. C'est un signal que nous recevons; nous espérons que le parti ministériel saura le saisir, le comprendre et que nous pourrons, ensemble, pour le bénéfice de nos concitoyens du Québec, de la société tout entière, améliorer notre vie, dans notre quotidien, dans la vie de tous les jours, améliorer notre situation, affirmer la vision québécoise dans un esprit de progrès et non de recul. Merci, M. le Président.

(11 h 10)

Le Président: M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, à chaque fois, je suis toujours étonné devant le jovialisme échevelé du député de Châteauguay, parce que je pense qu'il faut replacer les choses dans leur perspective. Je dirais d'abord, d'entrée de jeu, que, oui, nous sommes satisfaits du cheminement de la résolution de l'Assemblée nationale modifiant l'article 93, et nous sommes satisfaits que ce processus-là soit maintenant complété. On le souhaitait, on le voulait. Ma collègue pourra en dire davantage à cet égard, mais on le voulait sincèrement. On l'a obtenu. On ne cachera pas notre satisfaction à cet égard. Cependant, de là à tirer toutes sortes de conclusions sur la prétendue flexibilité ou souplesse du régime fédéral, là il y a une marge qu'il convient de ne pas franchir.

D'abord, il faut préciser qu'il s'agit d'un amendement bilatéral. C'est capital, ça. C'est un amendement bilatéral. C'est d'ailleurs pour cette raison que le gouvernement du Québec s'est engagé dans le processus. C'est parce qu'on avait la garantie, de la part du gouvernement fédéral, qu'on pourrait modifier l'article 93 de façon bilatérale, donc les deux Parlements seulement – le Parlement de Québec et le Parlement fédéral – qui étaient impliqués. Donc, c'est une procédure très simple, pas compliquée, qui n'implique que deux parlements. À partir de ce moment-là, on avait non pas une certitude, mais un bon espoir que ça puisse aboutir, et c'est pourquoi on s'est engagé dans cette voie.

Mais je vous signalerais, M. le Président, que, quand on regarde la Constitution canadienne, aussi bien l'Acte de l'Amérique du Nord britannique que la loi de 1982 qu'on n'a jamais reconnue et à laquelle on n'a jamais adhéré comme gouvernement, des modifications bilatérales, ça ne pullule pas. À part 93, je n'en vois pas beaucoup. Si vous voulez modifier la Constitution, là c'est évident que c'est la procédure multilatérale qui entre en jeu, impliquant soit l'unanimité dans bien des cas, soit la formule alambiquée 7-50, sept provinces représentant 50 % de la population. En plus, il faut compter sur la loi fédérale adoptée il y a deux ans qui distribue les veto un peu partout au Canada, d'un océan à l'autre. Ça complique encore davantage les choses. C'est ça, la réalité, là.

Vous avez bien beau faire des sauts de joie à l'égard de ce qui vient de se passer, c'est que la procédure bilatérale... Vous ne comprenez pas ça? Le bilatéral, ça ne concerne que quelques articles, particulièrement le 93. Pour tout le reste de la Constitution, vous êtes embourbés dans le multilatéral: la formule 7-50 ou l'unanimité. On sait où ça a conduit, là. Rappelez-vous le passé. Rappelez-vous le gouvernement de M. Bourassa qui a essayé de la modifier, la Constitution, avec l'accord du lac Meech, qui a essayé une deuxième fois avec l'accord de Charlottetown, sans succès et en vain. Quand on tombe dans le multilatéral puis dans la formule d'amendement, là c'est une autre affaire que de faire ce qu'on a fait: amender un article de façon bilatérale.

Ceci étant dit, M. le Président, il faut aussi regarder ce qui se passe. C'est vrai qu'on a obtenu cet amendement de l'article 93, mais, en même temps – en même temps, là – il faut voir ce qui se passe, il faut prendre acte de la réalité. Ce qui se passe en même temps, c'est que le gouvernement fédéral a lancé une offensive tous azimuts, a multiplié les initiatives et les interventions dans des champs de compétence du Québec, particulièrement en matière sociale, en matière de santé et en matière de politique familiale. C'est ça, la réalité, ce qu'on a dénoncé il y a quelques jours à Ottawa, à l'occasion d'une conférence des premiers ministres, comme étant des ingérences inacceptables qui allaient à l'encontre des revendications historiques du Québec.

Le chef de l'opposition a exprimé, la semaine dernière, son opposition à des ingérences dans les champs de compétence du Québec mais, du même souffle, il disait, puis il l'a répété encore hier, il prétendait qu'il fallait que le Québec accepte de collaborer à ce qu'on appelle maintenant l'union sociale, ce qui signifie, à la base, que vous reconnaissez – ce qu'aucun gouvernement du Québec n'a jamais fait – au gouvernement fédéral un rôle et des responsabilités dans des champs de compétence qui sont exclusifs au Québec.

Alors, le député de Châteauguay peut bien nous inviter à rêver, je vous signale que ce qu'on a vécu, le premier ministre et moi, vendredi dernier, ce n'est pas un rêve. En tout cas, si c'est un rêve, c'est un mauvais rêve, ça ressemble à un cauchemar, parce qu'on a vu un gouvernement fédéral déterminé à envahir les champs de compétence du Québec, déterminé à aller au bout du processus des interventions qu'il a initiées dans nos champs de compétence.

Et c'est clair que le premier ministre du Québec a exprimé une position qui a toujours été celle de tous les premiers ministres qui l'ont précédé. On se retrouve peut-être isolé par rapport aux premiers ministres des provinces et du premier ministre fédéral, mais on se trouve en bonne compagnie avec tous les premiers ministres du Québec qui se sont succédé depuis 50 ans et qui ont défendu la même position, qui ont toujours refusé de reconnaître au gouvernement fédéral un rôle et des responsabilités en matière sociale. Alors, ce qui s'est passé là, il faut, je pense, relativiser les choses: un amendement bilatéral, donc relativement simple, oui, relativement simple, puisqu'il a abouti. Mais vous essaierez d'en trouver, d'autres dispositions dans la Constitution du Canada qui peuvent être modifiées de façon bilatérale. Vous ferez la liste. Vous verrez que votre liste va être courte. Votre liste va être courte parce qu'à part 93 il n'y en a pas.

Donc, voyons les choses, M. le Président, de façon toute relative. Ce n'est absolument pas une preuve ou une manifestation de souplesse et de flexibilité du régime, bien au contraire, parce que, en même temps qu'on fait ça, le rouleau compresseur centralisateur du gouvernement fédéral est reparti de plus belle, il est en marche, avec du fuel, en plus, oui, avec du carburant, beaucoup de carburant. C'est la marge de manoeuvre que le gouvernement fédéral s'est constituée à partir des coupures brutales faites dans les transferts financiers aux provinces puis en pigeant aussi dans la poche des employés et des employeurs qui cotisent à l'assurance-emploi. C'est comme ça qu'il s'est constitué une marge de manoeuvre. Il l'utilise maintenant pour envahir des champs de compétence du Québec, pour multiplier des interventions et des initiatives dans nos champs de compétence avec l'argent qu'il a obtenu en coupant brutalement les transferts au Québec. C'est ça, la réalité. C'est ça qui se passe. Alors, il n'y a pas lieu, d'aucune façon, de faire une manifestation de joie, il n'y a pas lieu de pavoiser, d'aucune façon, à l'égard de ce qui vient de se passer. Satisfaits, mais ça n'a rien à voir avec une quelconque souplesse ou flexibilité du système fédéral.

Le Président: M. le député de Marquette, toujours sur la même motion.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Oui, M. le Président, à entendre le député de Lac-Saint-Jean, lorsqu'il y a une réussite, on est malheureux, de l'autre côté, et on cherche des échecs par tous les moyens possibles. Lorsqu'on n'en trouve pas, on tente d'en créer, on tente d'en inventer.

(11 h 20)

M. le Président, cette modification constitutionnelle là a démontré premièrement la volonté des Québécois d'avoir du changement à l'intérieur du fédéralisme canadien et ça a démontré qu'à l'intérieur du fédéralisme canadien on peut avoir du changement qui répond à la majorité de la volonté des Québécois et des Québécoises, pour répondre aux aspirations des enfants et de la société tout entière parce qu'il y a un projet collectif qui était sur la table depuis fort longtemps.

M. le Président, le ministre nous dit: Il n'y en a pas beaucoup de modifications bilatérales possibles dans la Constitution canadienne, à part l'article 93. Lorsque j'ai su qu'on déposerait une motion aujourd'hui, je me suis mis à relire les échanges que nous avions eus depuis un certain temps en Chambre sur cette question et je rappelle les propos du chef de l'opposition qui, le 17 juin 1996, disait au premier ministre, il disait ceci: «Dans le fond, le premier ministre ne souscrit-il pas, lui aussi, comme à peu près tout le monde aujourd'hui qui examine ça, que c'est la voie constitutionnelle et un amendement constitutionnel qui est la voie à privilégier?»

Écoutez bien ce que disaient les gens d'en face. Le premier ministre disait: «Il appert, d'après des opinions légales que nous avons dans le dossier, que l'amendement ne serait pas bilatéral, qu'il y aurait de nombreuses provinces d'impliquées, peut-être cinq ou six provinces d'impliquées, qu'à ce moment-là on se retrouverait dans un marécage de pourparlers multilatéraux avec un ensemble de provinces et on ne sait pas où ça nous conduit. Certainement que le premier effet, ce serait de faire dérailler l'échéancier, qu'on ne pourrait pas arriver en 1998. On sait très bien dans quelle espèce de tourments, de complications on se retrouverait si à peu près cinq ou six provinces du Canada avaient droit de vie ou de mort sur nos commissions scolaires linguistiques.» C'est ça qu'on évoquait et on prétendait s'appuyer également sur des avis juridiques.

À combien de reprises la ministre de l'Éducation disait que c'était la modification constitutionnelle la plus difficile à envisager et la plus difficilement réalisable. La ministre avait dit ça le 23 avril 1996. Là, c'était à ne pas y penser, une modification constitutionnelle. Et je pourrais la citer au texte, j'ai au moins trois citations. Elle nous annonçait la catastrophe, M. le Président. Elle disait ceci: «C'est vrai qu'il y a des hésitations sur le fait que l'on mette cette hypothèse de modification constitutionnelle sur la table parce qu'on s'est dit: Est-ce qu'on ne s'en va pas dans un cul de sac? On n'a pas réussi à en faire, des modifications constitutionnelles.» Elle disait un peu plus loin, M. le Président: «Mais cela étant, je suis d'accord que la modification à l'article 93 sous l'angle de la confessionnalité est probablement l'avenue qui est la plus difficile à envisager et qui est la plus difficilement réalisable.» Elle disait également, M. le Président, un peu plus loin: «Mais, cependant, on sait qu'effectivement c'est sans doute l'avenue la plus complexe dans laquelle s'engager.» Or, M. le Président, on s'est engagé dans l'avenue la plus complexe, dans l'avenue la plus difficile à réaliser et la plus difficilement envisageable et nous avons réussi. Nous avons réussi.

Des voix: Bravo!

M. Ouimet: Le gouvernement, et on voyait sa stratégie depuis 18 mois, c'était clair comme de l'eau de roche: On va fixer la barre la plus haute possible pour s'assurer que le gouvernement fédéral ne pourra pas sauter par-dessus, on va s'assurer que le gouvernement ne pourra pas réaliser le changement qui est demandé. Et pourtant la Chambre des communes et le Sénat votaient hier en faveur d'une modification constitutionnelle.

M. le Président, il faut saluer les efforts conjugués du chef de l'opposition officielle, du député de Châteauguay, du député de Laurier-Dorion également, du député de Chomedey, de l'ensemble des députés de notre formation politique qui ont mis l'épaule à la roue et qui se sont dit: Voilà une belle occasion de répondre à la volonté des Québécois et des Québécoises d'opérer un changement qui est tant souhaité depuis 30 ans et de le faire à l'intérieur de la Constitution canadienne. Et nous avons talonné ce gouvernement jusqu'à ses derniers retranchements. Nous avons multiplié les efforts. Et on se rappelle que la ministre, ce n'était pas son premier choix. Ce n'était pas le choix du député de Jonquière et premier ministre. Ils étaient en train de trouver toutes sortes de raisons et de prétextes pour ne pas aller à Ottawa. Pourtant, M. le Président, en fin de compte, voyant que tous leurs partenaires les abandonnaient, ils n'avaient d'autre choix que d'emprunter la voie de la modification constitutionnelle.

Et on se rappelle, M. le Président, leur espoir que ça échoue. Et, à un moment donné, ils télégraphiaient presque la catastrophe qui allait survenir parce que le premier ministre du Canada avait décrété un vote libre à la Chambre des communes. Et ça. M. le Président, on semble l'oublier. Mais la députée de Taillon et le député de Lac-Saint-Jean avaient décidé de prendre l'avion pour aller à Ottawa pour tenter de rappeler l'importance d'obtenir une modification constitutionnelle, comme si on en avait jamais douté, M. le Président.

Alors, la leçon à retenir, comme le disait le député de Châteauguay, comme le dit le Parti libéral du Québec depuis si longtemps: lorsqu'on est de bonne foi, lorsqu'on prend la peine de vouloir faire avancer les choses, on peut réussir. Et c'est ça que nos concitoyens et nos concitoyennes nous ont demandé le 30 octobre 1995. Et voilà le premier grand pas franchi dans cette direction. Merci.

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je peux vous dire, d'entrée de jeu, que c'est évident que je suis très heureuse du résultat que nous avons collectivement obtenu. Cela aura pris 30 ans pour l'obtenir, mais, au moins, on peut se réjouir du résultat parce que, effectivement, depuis 30 ans, depuis que le rapport Parent a été déposé, c'était l'une de ses recommandations principales, à savoir que la loi ne reconnaisse aucun caractère confessionnel aux commissions scolaires. On proposait un modèle d'organisation des commissions scolaires qui était différent, mais c'est cela que déjà on proposait en 1963. Donc, plus de 30 ans plus tard, après un large consensus, au Québec, je pense qu'il était tout à fait normal qu'Ottawa donne positivement suite à ce qui faisait consensus chez nous.

J'aimerais cependant revenir sur l'ensemble des événements qui ont précédé l'obtention de cet amendement constitutionnel qui devra être entériné très formellement par proclamation, me dit-on; ça devrait se faire d'ici un jour ou deux. J'aimerais qu'on se rappelle un peu les événements, au-delà de tous ceux qui ont précédé notre débat depuis deux ans sur cette question, ici. Parce que, depuis 30 ans, 34 ans, en fait, on a, à différents moments de l'histoire de l'éducation au Québec, proposé soit par mode législatif soit par renvoi à la Cour suprême, par demande d'avis, par consultation, par rapports interposés, et on arrivait toujours et essentiellement aux mêmes solutions, à la même perspective. Et toujours le blocage était le même, bien sûr, à savoir cette impossibilité de modifier la Constitution pour que nous puissions procéder de façon diligente.

Qu'est-ce qui s'est passé dans les derniers deux ans? Je pense qu'effectivement il faut rendre hommage à l'ensemble des membres de cette Assemblée, qui ont su faire front commun sur une question qui concerne l'ensemble des intérêts des jeunes Québécois, autant ceux qui entrent à l'école maintenant que ceux qui y sont, et aussi évidemment faciliter le travail des décideurs en ce qui a trait à l'organisation de nos services d'enseignement sur l'ensemble du territoire québécois. Alors, je pense que chacun a joué un rôle et chacun peut être fier du fait qu'on ait le résultat que nous obtenons aujourd'hui.

Il faudrait cependant replacer un peu les choses dans leur juste contexte. C'est le premier ministre du Québec, lors de son arrivée comme premier ministre du Québec à la tête de notre formation politique, qui a pris formellement l'engagement que notre gouvernement irait de l'avant avec l'implantation des commissions scolaires linguistiques. Suite à cela, je me suis inspirée du travail qu'avait fait le gouvernement qui nous a précédés, qui avait obtenu effectivement un avis de la Cour suprême et qui avait confié un mandat à un groupe de travail présidé par M. Kenniff en vue de lui proposer comment pouvait se faire l'implantation des commissions scolaires linguistiques. À partir de là, m'inspirant des résultats de ces consultations, évaluant au plan juridique, avec les avis que nous avions, avec les débats que nous avions déjà eus par le passé, qu'aller vers un amendement constitutionnel sur une base multilatérale s'avérait à peu près impossible...

(11 h 30)

D'ailleurs la preuve en est que ce n'est pas cette voie que nous avons choisie, ne l'oublions jamais. Et, quand le député de Marquette faisait référence au fait que nous évaluions l'impossibilité de réussir à obtenir un amendement constitutionnel, c'était justement parce que nous croyions, à ce moment-là, que seule la voie multilatérale était envisageable. Et nos chances de succès étaient très, je dirais, minimes et risquaient de nous reporter dans le temps à une période qui était très loin de nous.

Donc, ce que nous avons fait, M. le Président, et ce que j'ai proposé, c'est qu'effectivement, dans le cadre actuel, nous aménagions des comités confessionnels à l'intérieur de commissions scolaires linguistiques que nous pourrions implanter. Cette proposition avait reçu l'aval et l'appui d'un certain nombre de groupes au Québec, mais a été – il faut bien le dire – rejetée par un nombre encore plus important de personnes qui se sont opposées au fait que l'on confirme, dans le fond. Et il faut bien dire que c'était le cas et être capable d'admettre cela. On confirmait le caractère confessionnel des commissions scolaires. On l'aménageait autrement, bien sûr, mais l'existence de comités confessionnels confirmait qu'on allait continuer à avoir des structures confessionnelles.

Nous tentions d'aménager le tout pour nous permettre d'implanter les commissions scolaires linguistiques, mais c'est vrai que cela restait compliqué et cela laissait toute la dimension confessionnelle aux institutions. Dans la foulée de ce projet, qui a été largement rejeté et pour lequel, je crois, nous avions mis toute la bonne foi dont nous sommes capables, la consultation avait été faite auprès de la plupart des groupes concernés par cette question. Mais, dans les faits, parce que, justement, nous étions plus loin quant à la volonté collective de souhaiter déconfessionnaliser les structures, le projet que j'avais déposé n'a pas été retenu. Je n'ai pas jeté pour autant la serviette, et j'ai donc attendu la fin de la Commission des états généraux, sans me laver les mains toutefois de mes responsabilités. D'ailleurs, ce n'est pas la façon que j'ai de travailler, M. le Président.

Alors, on est revenu sur cette proposition, effectivement, de déconfessionnalisation des structures scolaires. En même temps, une proposition est apparue, soutenue par notre collègue d'en face le député de Marquette, présentée par deux personnalités bien connues du monde de l'éducation, MM. Proulx et Woehrling, qui ont proposé que nous aménagions aussi la Constitution. Parce que c'était ça, la proposition. Ce n'était pas d'amender la Constitution, c'était d'aménager la Constitution actuelle pour permettre... La proposition de MM. Proulx et Woehrling – peut-être que certains collègues du député de Marquette ont mauvaise mémoire, mais il se chargera de le leur rappeler; je n'ai aucun doute sur cette question – était un aménagement constitutionnel de telle sorte que l'on étende le droit à la dissidence à l'ensemble des commissions scolaires des territoires de Montréal et de Québec.

Cependant, M. Proulx affirmait, un peu plus tard dans le débat, que c'était une solution évidemment qui avait certains mérites mais qui ne réglait pas vraiment le problème. Et le député de Marquette a appuyé cette solution, nous l'avons évaluée, et je ne l'ai pas retenue comme hypothèse de travail. À partir de là, il faut être au clair, M. le Président, et se rappeler les événements et les replacer les uns à la suite des autres dans leur juste perspective. À ce moment-là, certains députés et ministres d'Ottawa, du gouvernement fédéral, ont affirmé qu'il était possible de procéder sur une base bilatérale. Et à partir de là... Parce que c'était toujours ce que nous avions rejeté, l'approche multilatérale, sachant qu'elle nous embourbait dans une situation inextricable. D'ailleurs, mon collègue le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes m'en a fait la preuve d'une façon absolument limpide dans son intervention, tout à l'heure.

À partir du moment où on a entrouvert la porte sur la possibilité d'un amendement bilatéral, nous avons fait nos devoirs et nos leçons, M. le Président, et le député de Marquette va s'en souvenir. Il avait des doutes et il disait: Ce ne sera pas possible de le faire bilatéralement parce que nous croyons que c'est multilatéralement qu'il faudra le faire. Alors, ça m'a un peu inquiétée parce que je me suis dit: Si on continue à prôner cette approche, on n'y arrivera pas. Il a fini par se rallier, semble-t-il, puisque nous avons eu cette résolution unanime. Et je pense qu'on doit se féliciter de l'avoir eue et, sans aucune mesquinerie, reconnaître que chacun de nous a joué un rôle significatif dans ça, qu'on soit ici ou de l'autre côté de la Chambre, et je suis prête à le reconnaître, M. le Président.

Cela étant, donc, à partir de cette ouverture, là nous avons travaillé réellement l'hypothèse. C'est évident aussi qu'il y avait parmi certains des amis de notre formation politique certaines réticences, je n'en disconviens pas, et elles sont légitimes. Parce que, à chaque fois que nous avons proposé des choses, à chaque fois que nous avons voulu amener des solutions dans le régime fédéral actuel, on peut se le dire entre nous, n'est-ce pas, M. le Président, et le gouvernement qui nous a précédés l'a dit aussi à maintes reprises, nous sommes toujours ressortis perdants de ces aventures qui ne nous ont menés nulle part. Alors, est-ce qu'il n'était pas un peu légitime que certains de nos amis engagés, ayant les convictions profondes que nous partageons d'ailleurs avec eux, nous identifient certains risques? Et c'était normal qu'il en soit ainsi, M. le Président.

Cependant, encore là, c'est l'intérêt des jeunes du Québec qui a prévalu, M. le Président. Et c'est en ce sens, donc, que nous avons travaillé sur un projet d'amendement constitutionnel, un projet d'amendement constitutionnel bilatéral, M. le Président. Et c'est vrai que ce que nous avons craint lorsque le premier ministre du Canada a annoncé qu'il laissait le vote s'exercer librement, nous avons craint que ça parte tous azimuts, et que nous perdions, et que nous rations ce rendez-vous historique qui, à mon point de vue, ne devait pas être raté, et il ne le sera pas, on peut bien se dire que nous en sommes... Je dois lever le ton, M. le Président, parce que j'ai eu peu de difficultés à...

Le Président: J'appellerais les membres de l'Assemblée qui sont dans des discussions fébriles et intéressantes sans doute mais qui ne concernent pas l'intervention de la ministre, puisque celle-ci est la seule qui a le droit de parole, à faire en sorte que son intervention puisse s'achever correctement. Alors, Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, nous avons donc procédé, nous avons même fait la démarche à Ottawa pour expliquer ce pour quoi nous croyions que c'était utile, que c'était nécessaire et essentiel d'obtenir cet amendement. Parce qu'il faut bien savoir que le gouvernement de toute façon, amendement ou pas, procédait à l'implantation de commissions scolaires linguistiques. Cependant, il restait évidemment aux prises avec cette difficulté de doubler les institutions de comités confessionnels, de permettre le droit à la dissidence pour qu'apparaissent des commissions scolaires confessionnelles, étant entendu que nous aurions dû le faire dans le contexte constitutionnel de l'article 93 non amendé, ce qui, maintenant, ne sera pas le cas.

Qu'est-ce que cela permettra donc? C'est que nous puissions travailler sans entrave, sans contrainte, à l'implantation, parce que nous avons maintenant... Toutes les lois nécessaires pour le faire ont été adoptées, M. le Président. Les parties qui deviennent caduques de par la loi ont été identifiées lorsque nous l'avons adoptée en prévision d'une obtention de cet amendement constitutionnel.

Donc, à partir du 1er janvier, nos commissions scolaires, partout à travers le Québec, pourront se réorganiser sur une base linguistique, sans les contraintes que nous connaissons, dans le respect de la loi de l'instruction publique, qui prévoit qu'il continuera d'y avoir de l'enseignement religieux dans nos écoles pour les catholiques et pour les protestants et que les parents auront toujours le choix du statut confessionnel de l'école, de même que la possibilité, aussi, que leurs enfants s'inscrivent à des cours de formation morale plutôt qu'à des cours de religion, M. le Président. Et, concrètement, nos commissions scolaires seront gérées par les francophones ou par les anglophones et offriront des services, bien sûr, aux jeunes du Québec dans leur langue respective.

Vous allez me permettre, M. le Président, après avoir fait un rappel des apports des uns et des autres, qui n'étaient pas négligeables, il faut quand même éviter de les interpréter, de leur donner un sens qu'ils n'auraient pas... J'aimerais, en terminant, M. le Président, qu'on se rappelle ensemble cependant qu'il y a quelque chose d'un peu gênant d'être obligé de demander à Ottawa d'approuver une décision unanime de l'Assemblée nationale, décision en faveur de laquelle une majorité de Québécoises et de Québécois sont largement en accord.

(11 h 40)

Je suis donc heureuse, M. le Président, parce que cela me permet de procéder, comme je le mentionnais, sans délai, à l'implantation d'une pièce importante de la réforme de l'éducation sans avoir à multiplier les structures et les superpositions. Mais la façon dont nous avons procédé, par la voie bilatérale, nous prouve justement que, dans une perspective où chacun des États pourrait assumer librement ses décisions en ce qui concerne l'adoption de ses lois, de ses budgets et de ses représentations au plan international, nous pourrions, dans une perspective de partenariat, nous réaliser les uns et les autres d'une façon beaucoup plus sereine et en tout respect parce que, chacun, nous serions souverains dans nos responsabilités collectives.

Le Président: Alors, est-ce que la motion de M. le député de Châteauguay est adoptée? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Étant donné qu'il y a unanimité pour se réjouir de cette importante modification constitutionnelle, il faudrait que chacun s'exprime par son vote. À ce moment-là, M. le Président, on demanderait qu'il y ait un vote nominal sur cette importante résolution.

Le Président: M. leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, en vertu de l'article 223, je demande le report aux affaires courantes de demain.


Vote reporté

Le Président: Alors, le vote aura lieu, donc, demain, à l'étape prévue pour cela.


Avis touchant les travaux des commissions

S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, nous allons aller aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire procédera aux consultations particulières sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, et procédera à l'étude détaillée du projet de loi, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'éducation procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants, et ce, dans l'ordre: projet de loi n° 170, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants, et projet de loi n° 180, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 h 30 à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Et, finalement, que la commission des transports et de l'environnement procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 179, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Très bien. Alors, maintenant, nous allons aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée. M. leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Compte tenu qu'il s'agit, suivant le règlement, de la dernière semaine de nos travaux parlementaires, de façon que nous puissions, à quatre jours de la suspension de ces travaux, mieux planifier notre agenda, est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous indiquer si c'est l'intention du gouvernement de déposer d'autres projets de loi d'ici à la fin de la session? Et, dans l'affirmative, lesquels?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, au niveau du dépôt des projets de loi, si jamais des dépôts avaient lieu et qui demandaient le consentement de l'opposition pour les adopter, vous savez comment on doit procéder. S'il y a d'autres dépôts de projets de loi, il verra par les avis qui sont prévus à nos règlements, les préavis au feuilleton, s'il y en a d'autres qui viendront. Mais, chose certaine, c'est que tout ce que l'on pourrait faire dans les circonstances, si jamais on en déposait un, c'est d'en adopter le principe si tout va selon le désir de l'opposition sur certains projets de loi. D'une façon ou d'une autre, M. le Président, pour le moment, nous avons un feuilleton qui doit être regardé d'ici à la fin et qui nous permettrait de passer des projets de loi déjà prévus aux fins pour lesquelles nous croyons qu'ils doivent être passés à ce moment-ci.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. J'avais pris connaissance in extenso du feuilleton comme tel, même le préavis de ce matin. Ma question est très directe: Est-ce que, en plus de ce qui est contenu au feuilleton d'aujourd'hui, vous prévoyez déposer d'autres projets de loi d'ici à la fin de la session, de façon qu'on puisse alerter immédiatement les critiques?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Écoutez, s'il y avait des dépôts de projets de loi qui avaient pour but de faire des discussions, M. le Président, l'opposition serait avertie en temps et lieu. Pour le moment, ce que nous avons est au feuilleton.

Le Président: Très bien. Alors, nous allons aborder maintenant les affaires du jour. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Peut-être, à ce moment-ci, compte tenu que vous avez pris en délibéré, avant la période des questions, une question de droit et privilège qui vous a été soumise, et compte tenu, entre autres, des éclaircissements qui ont été apportés par un témoin à charge, en l'occurrence le député de Joliette, est-ce que vous êtes prêt, à ce moment-ci, à rendre votre décision? Le dossier semble clarifié au moins par l'interprétation qu'en fait le ministre des Richesses naturelles lui-même.

Le Président: J'aurais bien aimé, M. le leader de l'opposition officielle, pouvoir rendre cette décision. Malheureusement, comme j'ai été au fauteuil tantôt, je n'ai pas eu l'occasion de faire un minimum de recherches. Je sais qu'il y a des gens qui sont à l'oeuvre déjà pour préparer et j'ai indiqué d'ailleurs au député de Richmond que normalement ça serait aux affaires courantes demain que je pourrai rendre la décision.


Affaires du jour

Alors, nous allons aborder les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article 24 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 175


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: Alors, à l'article 24, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement du territoire sur le projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal. À ce moment-ci, je serais prêt à recevoir des interventions. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc rendus à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a étudié article par article ce projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal.

Alors, nous avons déjà eu l'occasion de souligner que généralement, à la fin de chacune des sessions, nous présentons un tel projet de loi pour en arriver à mettre à jour un certain nombre de dispositions en ce qui regarde les quelque 1 375 municipalités de différentes tailles à travers le Québec. Nous avons procédé à l'étude détaillée du projet de loi. Nous y avons apporté un bon nombre de modifications qui sont incluses bien sûr dans le rapport de la commission.

Je veux rappeler quelques éléments particuliers de la considération que nous avons faite de chacun de ces articles. En tout premier lieu, nous avons d'abord instauré un système de révision quinquennale des plans et des règlements d'urbanisme dans les municipalités. Bon, auparavant, c'était une opération qui se réalisait à la pièce; maintenant, nous allons autoriser la révision complète des plans et règlements d'urbanisme d'une municipalité conformément aux orientations des schémas d'aménagement et le tout soumis globalement aux personnes habiles à voter en termes d'examen, d'approbation et/ou de contestation.

Le deuxième élément du projet de loi qui a été pris en considération et pour lequel il y a eu de très nombreux changements, c'est l'ensemble des règles de prise de décision au sein des municipalités régionales de comté du Québec. Actuellement, au fil des années se sont présentées différentes modifications législatives, à partir de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, qui faisaient en sorte qu'il y avait une douzaine de seuils de décision qui étaient fixés – ou de champs de décision dans les MRC – pour en arriver à ce que l'on intervienne dans l'un ou l'autre des champs d'activité des MRC.

Alors, nous avons longuement étudié les représentations qui nous ont été faites d'abord par les Unions municipales et également bien sûr les discussions que nous avons eues avec les membres de la commission parlementaire pour finalement adopter, à l'égard du fonctionnement des MRC au Québec, une règle uniforme en termes de prise de décision, la règle de la double majorité.

Ce qui va permettre dorénavant de prendre des décisions d'abord à la majorité de la population qui est représentée autour de la table de la MRC par les maires, et la décision devra également être validée par un deuxième critère, la majorité des voix exprimées par les membres autour de la table. Ce qui va permettre d'abord de simplifier les règles de fonctionnement, de réduire le déficit démocratique en ce qui concerne un nombre de municipalités assez élevé, enfin 23 municipalités à travers le Québec qui vont y retrouver leur poids démographique dans la première qualification pour le vote et par ailleurs conserver l'équilibre à la table de décision des MRC par la double majorité, c'est-à-dire les municipalités de plus petite taille devant intervenir avec les municipalités de plus forte taille pour maintenir, au niveau de la double majorité, l'équilibre petites et grandes municipalités.

(11 h 50)

De plus, M. le Président, suite à des discussions, nous avons été amenés à conserver le droit de retrait que possède actuellement chacune des municipalités autour de la table de la MRC, c'est-à-dire que, dès lors que nous avons pris une décision de réaliser tel mouvement, ou d'occuper tel champ de compétence, ou d'occuper telle responsabilité au niveau de la MRC, à l'aide de la règle de la double majorité, la municipalité, en vertu de son principe d'autonomie, pourra toujours décider d'être participante ou pas à cette décision. C'est un pas en avant, M. le Président, qui devrait nous permettre d'augmenter l'efficacité, le coopératisme et la mise en commun au niveau des MRC, sur une base volontaire, à partir des besoins des municipalités et dans le respect du principe de l'autonomie.

Alors, M. le Président, nous avons également modifié des dispositions, pour les municipalités, de la Loi sur les cités et villes et du Code municipal pour leur permettre d'intervenir dans la construction de conduites d'eau ou de distribution sur des terrains privés, pour certaines municipalités, en particulier, de la Basse-Côte-Nord.

Nous avons également, dans ce projet de loi, autorisé maintenant les régies intermunicipales à conclure des ententes entre elles, ce qui n'était pas permis jusqu'à maintenant. De plus en plus de mises en commun s'effectuent non seulement entre les municipalités, mais entre régies intermunicipales qui font du travail pour plusieurs municipalités. Certaines régies intermunicipales souhaitaient qu'elles puissent avoir des ententes avec d'autres municipalités. Ce sera le cas dès lors que nous aurons disposé et adopté le projet de loi ici, M. le Président.

Nous avons également étudié certaines dispositions en matière de fiscalité municipale pour régulariser un certain nombre de droits quant aux mutations immobilières pour les héritiers, dans certains cas, que sont des fiducies personnelles qui prennent possession des biens d'une personne. Alors, les droits de mutation ont été ajustés en pareille matière.

Également, M. le Président, nous avons convenu de modifier un certain nombres de règles qui président aux décisions d'annexion ou de regroupement de certaines municipalités en fixant dans le décret soit de regroupement ou d'annexion les dates de rencontres, les lieux des premières rencontres des conseils municipaux, la détermination des officiers de la nouvelle corporation, de façon à ce que ce soit écrit directement dans le décret d'annexion ou de regroupement de la municipalité et que cela fasse partie des discussions entre les parties qui souhaitent se regrouper dans le processus de renforcement et de développement des collectivités locales.

Nous allons également permettre, par ce projet de loi, M. le Président, et nous l'avons étudié attentivement, la fusion d'offices municipaux d'habitation. La mise en commun au niveau des organismes municipaux ou des services municipaux nous amène à considérer cette possibilité. Maintenant, pour les offices municipaux d'habitation qui voudraient joindre leurs efforts, sur une base volontaire, bien sûr, ce sera dorénavant possible.

Et, finalement, M. le Président, nous avons modifié les dispositions de la loi qui permettaient l'indexation automatique de la rémunération des élus municipaux au Québec. Dorénavant, ce sera par règlement dans chacune des municipalités que cette décision devra être prise, parce que nous voulons amener davantage de transparence, davantage d'implication du conseil municipal, bien sûr, mais de la population au niveau de ce qui se décide pour les élus en termes de rémunération. C'est donc dans le règlement que pourront adopter les municipalités à cet égard-là que maintenant cela devrait se réaliser.

Et, finalement, M. le Président, nous avons adopté une autre disposition qui modifie la Loi sur les cités et villes et le Code municipal pour demander aux municipalités, à chaque année, à l'occasion du discours du maire sur les prévisions budgétaires et l'état du budget de la municipalité, de faire le dépôt de la liste des contrats soit de 10 000 $ et plus, lorsqu'il s'agit de municipalités de 50 000 de population et plus, et pour les montants de 1 000 $, lorsqu'il s'agit de municipalités de plus petite taille, de façon à ce que... c'est-à-dire 5 000 $, pardon, 10 000 $ dans le cas des municipalités de plus de 100 000, de façon à ne pas alourdir le fardeau des municipalités en termes de dépôt, mais davantage de transparence au niveau des municipalités, parce que ces contrats font l'objet d'appels d'offres de façon écrite mais à des fournisseurs, à au moins deux fournisseurs. Et, pour que le citoyen contribuable puisse s'y retrouver plus facilement, nous allons demander aux maires de réaliser ce geste-là maintenant en déposant la liste des contrats qui ont été attribués pendant l'année, en vertu de cette mécanique, pour davantage de transparence.

Alors, voilà, M. le Président, il s'agit donc d'un projet de loi pour lequel il y a eu de nombreuses modifications, des discussions intenses, et nous souhaitons que nous puissions l'adopter dans les meilleurs délais pour que les municipalités puissent en arriver à bénéficier des modifications que nous avons apportées. En particulier, une dernière que j'ai oublié de mentionner, M. le Président, à l'égard de l'administration des lots intramunicipaux dans un certain nombre de régions du Québec, en particulier pour la région de l'Abitibi-Témiscamingue, l'entente spécifique du ministère des Ressources naturelles et de la région de l'Abitibi-Témiscamingue permet aux MRC de bénéficier maintenant de contrats d'aménagement et d'approvisionnement au niveau forestier et donc d'aménager et d'entretenir des blocs de lots. Nous avons donc ajusté la législation pour ces MRC qui ont acquis cette responsabilité par entente avec le gouvernement du Québec.

Alors, avec toutes ces dispositions, M. le Président, je souhaite vivement que nous puissions adopter le projet de loi rapidement et en faire bénéficier les municipalités aussi rapidement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Alors, j'interviens à mon tour sur la prise en considération du rapport qui a suivi la commission parlementaire sur l'étude article par article du projet de loi n° 175. M. le Président, ce projet de loi là modifie une vingtaine de lois, un petit peu plus, 22 lois, et comporte 195 articles. Je vais vous épargner les commentaires sur les 195 articles, puisqu'il y a quand même plusieurs articles de concordance.

Par contre, j'aimerais quand même prendre quelques minutes pour vous faire état des discussions qu'on a eues sur certains éléments qui m'apparaissent importants dans ce projet de loi là. D'abord, le ministre l'a mentionné tout à l'heure, il y a eu de nombreux échanges sur toute la révision des règles de prise de décision à l'intérieur des MRC. On sait que ça fait longtemps que le ministère des Affaires municipales, en collaboration avec les municipalités, avec les deux Unions, cherche un moyen de combler le déficit démocratique et de faire en sorte, finalement, que toutes les municipalités puissent, au sein de la MRC, lorsqu'il est question évidemment de gérer cette administration-là, le faire de façon équitable, en tenant compte à la fois des investissements qui sont faits par le biais des quote-parts et en tenant compte aussi de la population.

Donc, on a commencé par abroger les articles qui touchaient toute prise de décision à la majorité simple pour, à l'article 45, en arriver à une proposition qui est celle de la majorité double. Dorénavant, les municipalités qui composent les municipalités régionales de comté vont devoir prendre des décisions à la majorité des voix exprimées et aussi à la majorité de la population. Donc, il y aura plus de circonstances, finalement, où la plus grande municipalité pourrait imposer à l'ensemble des autres municipalités qui composent la MRC sa volonté, mais l'inverse aussi peut être vrai

(12 heures)

Et, suite à un débat, M. le Président, qui était quand même intéressant, le ministère des Affaires municipales avait essayé, par le biais du ministre, et avec nous aussi d'ailleurs, de voir comment on pouvait intégrer à la fois cette révision de la mécanique de prise de décision avec toute la question du droit de retrait, parce que c'est quand même lié. On a tenté finalement de donner justification, si vous voulez, à certaines demandes qui nous venaient de l'UMRCQ, à savoir que le droit de retrait, en 12 ou 13 circonstances différentes, avec des modalités différentes, faisait en sorte que ça compliquait la vie un peu de tout le monde. Toutefois, il y a eu unanimité pour reconnaître qu'il ne fallait pas, en aucun temps, enfreindre l'autonomie locale. C'est ce qui a prévalu à la toute fin de nos discussions. On n'a pas touché au droit de retrait. Les municipalités pourront se retirer des champs de compétence là où elles ont le droit de le faire et elles pourront également voter en fonction des règles qu'elles se sont données par le biais de leurs lettres patentes vers la fin des années quatre-vingt. Alors, je pense qu'on a rejoint la demande d'un peu tout le monde et je pense bien que, s'il devait y avoir un peu plus tard révision de cette mécanique, puisque probablement elle méritera d'être bonifiée, bien je pense que les élus sauront à quelle porte frapper.

Donc, nous étions d'accord et nous sommes d'accord avec l'amendement qui a été proposé à l'article 45 qui fait en sorte que les décisions du conseil de la MRC seront dorénavant prises à la majorité des voix exprimées et aussi à la majorité de la population. Donc, ça permet aussi un plus large consensus. Les gens vont devoir se parler. Les gens vont devoir s'entendre. Je pense que c'est ce que tout le monde vise sur le terrain, d'autant plus que les MRC, nos régions vont devoir assumer davantage de responsabilités. Donc, ce n'est pas mauvais que les gens, par cette mécanique-là, soient non seulement obligés de se parler, mais aussi d'en venir à un consensus.

L'autre élément dont je voudrais vous parler, M. le Président, celui-là concerne toute la révision du plan d'urbanisme. On se rappellera que, lors de l'étude et de l'adoption du projet de loi n° 22, il y avait eu dans ce projet de loi là une révision complète de nos façons de faire en ce qui touchait les amendements au règlement de zonage. Le ministre avait fait adopter ici, à l'Assemblée nationale, une nouvelle procédure qui faisait en sorte que dorénavant les municipalités pouvaient présenter des omnibus, un genre de bill omnibus ou les amendements omnibus, appelez ça comme vous voulez, où les municipalités pouvaient présenter huit, neuf ou 10 amendements à l'intérieur d'un seul avis. Par contre, les citoyens qui souhaitaient s'exprimer sur un volet particulier ou sur un amendement qui les touchait plus particulièrement pouvaient, suite à une procédure particulière, faire retirer de ce bill omnibus là cet amendement-là et tenter de s'exprimer par la voie du registre ou même par la voie d'un référendum, si on se rendait au bout de la démarche. Là, on avait mis en garde le ministre et le ministère sur la lourdeur de cette procédure-là.

On se retrouve aujourd'hui avec les articles 10 à 22 qui vont dorénavant permettre aux municipalités, dans le cadre d'une révision quinquennale de leur plan d'urbanisme, évidemment de présenter des amendements au plan, mais de se soustraire à la mécanique qui avait été prévue en vertu du projet de loi n° 22, ce qui aura donc comme conséquence, M. le Président, que le citoyen, dans le cadre de la révision quinquennale du plan d'urbanisme, ne pourra pas – et je dis bien ne pourra pas – lorsque l'amendement concernera sa zone, retirer, par la mécanique prévue à 22, cet amendement pour le faire discuter de façon plus particulière.

Alors, à notre point de vue, je maintiens ce que j'ai dit il y a deux ans. Lorsqu'on est revenu avec des amendements dans le projet de loi n° 83 l'an dernier, j'ai dit la même chose et je le redis encore aujourd'hui: Le citoyen, il perd dans cette démarche-là, puisque le citoyen perd son droit d'expression démocratique ou son droit de s'exprimer sur un amendement au règlement de zonage qui le concernerait plus particulièrement.

L'article 28, sur lequel aussi on a eu des problèmes et sur lequel on a encore des problèmes puisqu'on a voté contre cet article-là, concerne toute la question de la lutte contre le travail au noir. Je veux tout de suite vous rassurer, M. le Président, nous sommes pour la lutte contre le travail au noir. Il y a une disposition dans le projet de loi qui nous agresse et qu'on a très bien expliquée lors de la commission parlementaire. Il s'agit ici d'une disposition qui permet, lors de la demande de permis de construction – maintenant ce sera pour la rénovation, la restauration, autant dans le domaine résidentiel qu'industriel et commercial – le gouvernement va pouvoir par règlement prescrire la forme et le contenu du formulaire, l'équivalent informatique du formulaire, désigner le destinataire du formulaire, prescrire le délai à l'intérieur duquel le formulaire ou son équivalent doit être transmis au destinataire.

En bon français, ce que ça veut dire, c'est que, si vous voulez faire faire des travaux chez vous, vous allez à la municipalité, vous demandez un permis de construction ou de rénovation, que ce soit pour du résidentiel, du commercial ou de l'industriel, de la rénovation, un cabanon, n'importe quoi, et vous allez maintenant devoir remplir un formulaire dans lequel on vous demandera des renseignements personnels, dont votre numéro d'assurance sociale. Et c'est là-dessus qu'on s'inscrit en faux. On ne comprend pas pourquoi le demandeur d'un permis de construction doit donner son numéro d'assurance sociale.

Vous avez des entrepreneurs qui demandent le permis au nom du propriétaire et vous avez des propriétaires qui demandent le permis des fois pour rénover leur sous-sol. La lutte contre le travail au noir, on est censé courir après ceux qui ne demandent pas les permis, pas courir après ceux qui les demandent. Alors, on trouve qu'il y a comme une espèce d'ingérence de la part du gouvernement. L'expression «Big Brother», je pense que tout le monde sait de quoi on parle, surtout avec la fuite de renseignements personnels, le débat qui a eu cours ces dernières semaines ici à l'Assemblée nationale. Alors, nous, on pense qu'il y a exagération dans les informations qui seront requises sur le permis de construction.

Il y a aussi des dispositions, M. le Président, qui touchent les sociétés de développement commercial, les anciennes SIDAC. Le ministère des Affaires municipales a jugé opportun, et on est d'accord avec ça, de changer les dispositions qui touchent la dissolution de ces sociétés-là et la composition du conseil d'administration.

Le projet de loi permet aussi à une régie et à une municipalité de conclure des ententes, à des régies avec des régies d'en conclure aussi, et permet également à une municipalité de conclure une entente avec des commissions scolaires dans le cas plus précis des bibliothèques municipales et scolaires. Alors, ça fait partie, je pense bien, du cheminement normal des ententes de services et des ententes entre municipalités et commissions scolaires. Je ne vous cache pas que, moi, personnellement en tout cas, je souhaiterais qu'on aille un peu plus loin que juste des ententes en ce qui touche les commissions scolaires en ce qui regarde les bibliothèques.

L'article 60 qui touche le dépôt d'une liste de contrats lors du discours du maire sur la situation financière de la ville, on avait un peu de problèmes avec ça au début, puisque le ministre souhaitait que soient déposés, lors du discours sur la situation financière – ce discours-là se tient, on le sait, quatre semaines avant l'adoption du budget – le ministre souhaitait que tous les contrats de 1 000 $ et plus fassent partie de cette liste-là. Nous, on trouvait ça exagéré. Il y a des grandes villes au Québec qui passent des centaines et des centaines puis des milliers de contrats par année. 1 000 $, ça commence à faire du papier. Alors, je pense que le ministre s'est rendu à un juste milieu. On est d'accord avec la proposition qu'il a faite puisque de toute façon ça permet plus de transparence dans la gestion municipale. Alors, pour les municipalités de 50 000 et plus, tous les contrats de 10 000 $ et plus devront faire partie de cette liste qui sera déposée; pour les municipalités de 50 000 et moins, ce sera tous les contrats de 5 000 $ et plus qui seront déposés.

Les réserves financières. Les municipalités auront maintenant la possibilité de créer des réserves financières. Alors, le conseil pourra par règlement créer, au profit de l'ensemble du territoire de la municipalité ou d'un secteur déterminé, une réserve financière à une fin déterminée pour le financement des dépenses qui sont autres que des dépenses d'immobilisation. Je pense que c'est un outil dont les municipalités avaient besoin et je sais pertinemment que ce sera utilisé à bon escient par les élus municipaux. Par contre, les municipalités devront aller aux personnes habiles à voter pour créer ces réserves financières là dont la fin est très spécifique et déterminée.

(12 h 10)

Il y a aussi la loi sur la communauté urbaine qui est amendée, entre autres pour permettre à la Communauté urbaine de Québec de créer enfin son fonds de roulement. La Communauté pourra aller jusqu'à 12 500 000 $ dans ce fonds de roulement là. Vous vous rappellerez, M. le Président, lors de la dernière session, c'était une demande qu'avait exprimée la Communauté urbaine de Québec. Le ministre n'y avait pas donné suite. On a fait des interventions et on ne comprenait pas pourquoi la Communauté était le seul organisme, ou même la seule municipalité, finalement, même si elle n'est pas une municipalité, à ne pas avoir le droit de se constituer un fonds de roulement. Donc, on corrige cette anomalie.

Il y a également des dispositions qui touchent la Loi sur la Société d'habitation du Québec. Les offices municipaux, avec l'autorisation du ministre, pourront se fusionner. Encore là, je pense que ça fait partie, en fait, d'une saine gestion; et puis l'important, c'est de s'assurer qu'il n'y a personne qui est lésé sur les listes d'attente et que toutes les dispositions seront prises pour que les municipalités, parce qu'on sait que les municipalités doivent contribuer à 10 % du déficit d'opération... donc, qu'il y a des municipalités qui ne seront pas lésées par cette fusion, ce regroupement des offices municipaux.

Un dernier élément, la Loi sur le traitement des élus municipaux. Le ministre a décidé d'obliger les municipalités à adopter des règlements pour voter les salaires des élus municipaux. Alors, je pense que, dans le cadre de la transparence, on ne peut pas être contre ça, au contraire. Il y a des minima qui sont dans la loi. Et, moi, j'inviterais les citoyens qui nous écoutent à peut-être s'asseoir avec les élus municipaux et à revoir toute la rémunération. Moi, pour une, je pense qu'il y a de nombreux élus, surtout en région, il y a des élus municipaux qui, pour le temps qui est consacré au travail, à leurs lourdes charges, ils ont de plus en plus de charges qui leur incombent... Je pense que ça serait important de faire ce débat-là, d'adopter ces règlements-là, puis de le faire non seulement en toute transparence... Ça prend du courage pour des élus d'aller présenter un règlement, mais je pense aussi que ça prend une bonne dose de compréhension de la part des citoyens pour comprendre et accepter ce que devrait être le salaire des conseillers municipaux et des maires qui sont payés un maigre 2 000 $, 3 000 $, des fois, par année, pour un nombre d'heures absolument incalculables; c'est plus que du bénévolat, avec les charges qui leur incombent.

Alors, M. le Président, ça fait le tour de l'ensemble de mes remarques. Vous comprendrez qu'étant donné les commentaires que je vous ai passés sur la révision quinquennale du plan d'urbanisme et sur d'autres éléments, entre autres, toute la question du formulaire pour la demande de permis de construction, nous allons voter contre ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Jean-Talon. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, il n'y a pas d'autres intervenants.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de l'aménagement du territoire portant sur le projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Une voix: Vote nominal. Ah non! c'est sur division... Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Savez-vous, étant donné que...

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur division. Adopté sur division. Vous devez être cinq pour pouvoir demander un vote nominal en Chambre. Le rapport est adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, veuillez prendre en considération l'article 20 de notre programme.


Projet de loi n° 160


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 20, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement du territoire sur le projet de loi n° 160, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports et d'autres dispositions législatives. Alors, M. le ministre, vous intervenez? M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. À titre de ministre responsable des sports, des loisirs et du plein air, j'interviens donc pour la prise en considération du rapport de la commission de l'aménagement du territoire qui a étudié le projet de loi n° 160, ce projet de loi sur la sécurité dans les sports et d'autres dispositions législatives. Essentiellement, M. le Président, nous avons adopté ce projet de loi avec fort peu de modifications, l'objet du projet étant de faire en sorte que nous en arrivions à l'abolition de l'organisme jusqu'à maintenant responsable de la question de la sécurité dans les sports au Québec, cet organisme qui avait été mis sur pied en 1979 et qui a accompli le travail relatif à l'application des règlements de sécurité et d'autres dispositions que lui avait confié la loi depuis 1979. Dans l'opération allégement et révision des instruments de l'État pour intervenir au niveau de la vie collective au Québec, nous avons donc décidé, M. le Président, de procéder à l'abolition de l'instrument qui s'appelle la Régie de la sécurité dans les sports.

Cependant, le gouvernement garde la pleine responsabilité de l'application de la Loi sur la sécurité dans les sports. Cette loi va dorénavant s'appliquer à partir de nouveaux paramètres qui seront basés sur le partenariat avec des organismes reconnus. C'est-à-dire que le ministère, en étant toujours responsable de la sécurité dans les sports et dans la pratique des loisirs, va pouvoir confier, accréditer des organismes qui eux-mêmes seront en mesure d'adopter des règles, des normes ou encore des règlements de fonctionnement pour la pratique de tel ou tel sport ou de telle ou telle autre activité de loisir. De cette façon, M. le Président, nous allons continuer d'assumer nos responsabilités en tant que gouvernement au niveau de la sécurité dans les sports et la pratique des loisirs. Cependant, c'est la méthode du partenariat qui va s'appliquer, tout comme nous l'avons déjà fait à l'égard de la plongée subaquatique, de la plongée sous-marine, à l'occasion d'un projet de loi que nous avons déjà adopté ici, à l'Assemblée nationale, lors de la dernière session.

Le travail, d'ailleurs, des professionnels et des personnes- ressources qui sont actuellement à la Régie de la sécurité dans les sports va pouvoir se poursuivre pour bon nombre de personnes puisque la direction, qui sera dorénavant aux Affaires municipales, responsable de ces questions de l'application de la sécurité dans les sports et les loisirs, eh bien, cette direction, M. le Président, va demeurer sur place dans la région de Trois-Rivières et va se voir confier également d'autres tâches, des tâches élargies en matière de sports et de loisirs, de façon à continuer les évolutions de carrière à l'intérieur de ce secteur d'activité. Nous pensons que nous allons pouvoir, donc, toujours compter sur ces compétences que nous retrouvons dans ce groupe qui a fait un travail assez exceptionnel au cours des 20 dernières années.

Également, M. le Président, le projet de loi va transférer à la RACJ, la Régie des alcools, des courses et des jeux du Québec, la responsabilité d'accorder des permis pour les sports de combat. Donc, c'est la Régie des alcools, des courses et des jeux qui va accorder les permis ou qui va être accréditée, en vertu de l'article 83 du Code criminel, à titre de commission chargée spécifiquement d'émettre de tels permis, de faire respecter intégralement la réglementation pour les sports de combat, actuellement la boxe et le kick-boxing, qui tombent sous la responsabilité ou sous les effets de l'article 83 du Code criminel. Donc, aucune modification à cet égard-là au niveau de l'application et des dispositions de la loi. C'est l'organisme responsable de l'application qui est modifié. C'est dorénavant cette Régie des alcools, des courses et des jeux qui va émettre les permis nécessaires et effectuer tous les contrôles nécessaires pour le déroulement de telles activités.

Le projet de loi a été adopté en commission, M. le Président. Nous le soumettons à l'attention de l'Assemblée nationale pour qu'il soit adopté le plus tôt possible et que nous puissions amorcer ces modifications au niveau de l'organisation de la responsabilité de la sécurité dans les sports au Québec le plus tôt possible, M. le Président. Merci.

(12 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Je veux juste en profiter, très brièvement, pour remercier les groupes et M. le ministre d'avoir accepté qu'on puisse rencontrer certains groupes en commission parlementaire. Nous avons rencontré le président de la Régie des alcools, des courses et des jeux, M. Ghislain K.-Laflamme, et aussi M. Jean-Pierre Bastien, qui est le président par intérim de la Régie de la sécurité dans les sports, et M. René Marcil qui est le président de Hockey-Québec. Et je pense, suite à la commission parlementaire – le projet de loi n° 160 – que nous avons pu quand même éclairer un peu le sens du changement de la Régie, ou le transfert ou, si vous me permettez de dire, l'abolition de la sécurité dans les sports et le transfert aux Affaires municipales.

M. le Président, comme je l'ai mentionné antérieurement au dépôt de la loi et aussi en commission parlementaire, l'expertise, l'expérience et les connaissances qui ont été développées depuis 1980 à la Régie de la sécurité dans les sports ne sont pas du tout à mettre de côté. Comme M. le ministre l'a fait, j'aimerais souligner le travail gigantesque effectué par la Régie de la sécurité dans les sports et le dévouement de son personnel. La Régie a collaboré avec les intervenants de différents milieux afin de diminuer les risques de blessures. On apprend aussi qu'au Québec les coûts socioéconomiques des blessures et des décès qui découlent de la pratique d'activités récréatives et sportives au Québec, selon une étude qui a été publiée en 1996 par la Régie...

Il est important de mentionner que nous, de notre côté, ici, on était quand même d'accord jusqu'à un certain point pour faire le transfert aux Affaires municipales, mais on a tenté de se rassurer que la sécurité de nos jeunes, dans les sports qui ne sont pas fédérés, dans les sports qui sont de loisir... La plupart des accidents sont dans ces sports-là qui ne sont pas fédérés, surveillés par une fédération. On a voulu, en commission et au début, avec M. le ministre... Changer la structure, oui, mais les préoccupations, elles, doivent demeurer au transfert des Affaires municipales. Je pense que c'est notre rôle, on doit vraiment être sûr que la sécurité de nos jeunes et de tout le monde, Québécois et Québécoises, soit protégée par ce projet de loi n° 160. Nous l'avons mentionné, il y avait 24 personnes qui s'occupaient directement de la sécurité des sports et des loisirs au Québec, et maintenant on transfère ça aux Affaires municipales. Il y a sûrement une économie et, dans les temps difficiles, oui, on est d'accord, mais il ne faut pas le faire encore sur le dos des participants aux différents sports et loisirs au Québec.

Alors, on doit, de notre côté, ici, offrir les garanties aux Québécois et Québécoises et aux jeunes qui participent, de bien-être, de qualité de vie et que la sécurité soit vraiment présente, par l'entremise des Affaires municipales. Alors, j'espère, M. le Président, que les garanties, le bien-être et la qualité de vie des Québécois seront assurés par le personnel ou le transfert aux Affaires municipales. Alors, je mentionne, comme j'ai dit en commission parlementaire, que nous devons dans notre rôle du côté de l'opposition vraiment s'assurer que, dans le transfert ou l'abolition de la sécurité des sports, on puisse continuer à donner et à assurer cette sécurité que les Québécois et les Québécoises ont.

Je me répète, je veux remercier les gens qui ont participé depuis 1980 à promouvoir la sécurité des sports et des loisirs. Et les fédérations que nous avons pu rencontrer et le transfert qui a été fait à la Régie des alcools, un transfert qui semble avoir été fait en accord avec tout le monde... Alors, j'espère, M. le Président, qu'avec ce projet de loi la sécurité des Québécois et des Québécoises va toujours être assurée, et je vous assure que de notre part, de ce côté-ci, nous allons vérifier régulièrement avec toutes les fédérations: hockey, soccer, balle molle, baseball, les loisirs, ski de fond, etc., que les gens ont encore un appui, ou un support, ou un suivi de la part des Affaires municipales du côté de la sécurité dans les sports.

Alors, encore une fois, j'aimerais remercier les gens qui ont participé depuis 1980 à donner la sécurité dans tous les sports et dire aux Québécois et Québécoises: Si vous sentez qu'il y a un manque dans la sécurité, quels que soient les sports ou les loisirs au Québec, s'il vous plaît, ne vous gênez pas, parce que l'important dans tout ce transfert ou ce projet de loi là, c'est encore une fois de protéger nos jeunes et nos gens qui pratiquent beaucoup de sports et de loisirs au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. Alors, s'il n'y a pas d'autres intervenants je vais mettre... M. le député de Chomedey, je vous cède la parole.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole concernant le projet de loi n° 160, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports et d'autres dispositions législatives, Bill 160, an Act to amend the Act respecting safety in sports and other legislative provisions.

M. le Président, comme mon collègue le député de Papineau vient de si bien l'expliquer, le projet de loi vise un réaménagement des pouvoirs et des responsabilités en matière de sécurité dans les sports. Toujours est-il qu'à chaque fois qu'il y va de l'intérêt du public et surtout lorsque ça vise la protection du public, c'est normal qu'il y ait une collaboration de part et d'autre dans cette Chambre et c'est ce que vient d'indiquer mon collègue le député de Papineau. On va toujours être vigilant. On veut s'assurer que le résultat est là. Peu importe la structure qu'on met en place, si le résultat est là, le reste relève des choix gouvernementaux.

Mais, M. le Président, nous sommes à la mi-décembre, et la saison de hockey sur glace bat son plein. On sait tous que les patinoires extérieures vont s'ouvrir bientôt. Pour avoir vu, comme parent, au cours des dernières semaines un nombre inquiétant d'accidents dans les arénas dans la région de Montréal, je me permets d'exprimer un voeu particulier auprès du ministre. Pour prendre l'exemple que je connais bien et qui est dans l'Ouest-de-l'Île, on a vu qu'il y a un très faible nombre d'arénas où il y a un secouriste à temps plein en place, sur les lieux. Un exemple où il y a quelqu'un à temps plein sur les lieux, que j'ai vu dernièrement, c'est l'aréna de Kirkland, et une chance, M. le Président, parce que, quand j'ai été contraint avec ma famille d'amener un de nos enfants à l'hôpital dernièrement suite à un événement dans cet aréna-là, on a constaté qu'à l'Hôpital du Lakeshore ils avaient admis au moins une personne à l'urgence par match au cours de cette soirée-là. Ça adonne comme ça, mais ils avaient quelqu'un sur place pour secourir, pour s'assurer, par exemple, que la colonne vertébrale ne bouge pas.

Encore, M. le Président, aussi récemment qu'hier, j'ai été à même de constater à Beaconsfield qu'il n'y a personne sur place. Un jeune sur la glace a potentiellement mal au dos. Oh! il se lève, tous les bâtons tapent sur la glace, les enfants tapent des mains. Bravo! il se lève. Mais est-ce qu'il aurait dû se lever? Est-ce qu'on n'aurait pas dû s'assurer que cette jeune personne là avait au moins été vue par quelqu'un qui s'y connaissait un peu en premiers soins et, le cas échéant, par un technicien ambulancier et, éventuellement, par un professionnel de la santé dans un centre hospitalier?

Tout ça pour dire, M. le Président, qu'encore une fois il ne s'agit strictement pas de partisanerie. On a tous un seul but ici aujourd'hui: on parle de la sécurité dans les sports. Je prends l'occasion qui est offerte par l'adoption du projet de loi n° 160 pour dire que je souhaite, vu que notre sport national comporte quand même un élément élevé de risque de blessures, contrairement à d'autres – on ne joue pas au basketball tellement au Québec; on joue, mais ce n'est pas notre sport national; on joue surtout au hockey sur glace... Même au niveau de bantam, maintenant, dans les doubles lettres, on permet le plein contact et, de plus en plus dans les lettres simples, surtout dans A, les arbitres semblent avoir inventé une nouvelle catégorie qui est le demi-contact. Va savoir ce que ça veut dire. Mais ça veut dire que des jeunes, à cet âge-là, à 15, 16 ans – il suffit d'aller les voir pour le comprendre – ils ont souvent 6 pi 1 po, 6 pi 2 po, mais, dans le même groupe d'âge, on trouve aussi des 4 pi 11 po, et ça, le plein contact là-dedans, c'est quelque chose qui peut vraiment produire des résultats étonnants.

(12 h 30)

Tout ça pour dire, en terminant, M. le Président, que nous souhaitons que cette question de la sécurité et de la présence des secouristes dans les arénas pour le hockey sur glace fasse l'objet d'une attention particulière et qu'au moment où on ouvre les patinoires extérieures, comme ministre des Affaires municipales – parce qu'il y a une forte composante municipale là-dedans – le ministre aille parler avec ces partenaires du domaine municipal pour leur dire: Écoutez, qu'est-ce qu'on peut faire ensemble avec les ressources qu'on connaît, limitées? Qu'est-ce qu'on peut faire peut-être avec le secteur bénévole? Qu'est-ce qu'on peut faire avec Hockey-Québec? Qu'est-ce qu'on peut faire avec les autres partenaires pour s'assurer que, et dans les cadres très organisés des arénas et dans les cadres un peu plus informels – mais toujours représentant des dangers certains – à l'extérieur, on soit en train de faire en sorte que pour nos jeunes et nos moins jeunes qui pratiquent encore ce sport si agréable qu'est le hockey et d'autres assimilés, comme la ringuette, bien, qu'il y ait une protection qui soit offerte pour les jeunes qui pratiquent ce sport. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Chomedey. M. le ministre, je vais vous céder la parole pour votre droit de réplique.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Très brièvement, M. le Président, pour dire que je vais prendre en considération les observations qui ont été faites par le député de Chomedey – parce que, effectivement, la pratique du hockey sur glace au Québec, c'est le cas de beaucoup d'adeptes; évidemment, le degré de danger est un peu plus élevé qu'en jouant au boulingrin, en pratiquant ce sport – et la question de s'assurer, par exemple, qu'au niveau des glaces il y ait le personnel qualifié pour pouvoir intervenir s'il y a lieu, suivant les cas où ça se présente, parce qu'il y a, bien sûr, la question des ligues organisées qui relèvent plus spécifiquement de la Fédération québécoise de hockey sur glace.

Il y a une question supplémentaire qui est difficile, et ce n'est pas parce qu'elle est difficile qu'il ne faut pas y accorder une grande attention, au contraire, c'est celle de la pratique, disons, des adultes, la pratique libre, communément, dans le langage, lorsqu'on discute de ces questions, on dit le hockey organisé, les ligues de garage, comme dirait souvent le député de Papineau qui est un adepte, aussi, de ce sport, comme beaucoup d'autres Québécois. Et Québécoises, maintenant, il faut le dire, parce que, certainement, on a vu la représentation féminine que nous aurons au Championnat mondial de hockey féminin.

Alors, M. le Président, je vais prendre cette question avec très grande attention, faire les vérifications, parce que, effectivement, c'est au niveau des municipalités souvent que l'on défraie le personnel de premier secours ou de premier intervenant dans ces situations; par ailleurs, aussi retravailler avec la Fédération québécoise de hockey sur glace qui est très soucieuse de cet aspect-là et qui a des programmes de formation des entraîneurs et des programmes de formation des accompagnateurs pour les différentes ligues organisées au Québec. La collaboration pleine et entière que nous avons avec le président, M. Marcil, de la Fédération québécoise de hockey sur glace va très certainement nous amener à, s'il y avait lieu, réaliser les interventions souhaitées par le député de Chomedey. J'aurai l'occasion de revenir sur cette question si besoin était, M. le Président.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Le rapport de la commission de l'aménagement du territoire portant sur le projet de loi n° 160, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Veuillez prendre en considération l'article 19.


Projet de loi n° 39


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 19. L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives. Alors, est-ce qu'il y a des intervenants? M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Merci, M. le Président. Alors, nous en sommes à la dernière étape pour l'adoption du projet de loi n° 39, loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale. Je vais, pour conclure ce débat, rappeler les éléments les plus importants de ce projet de loi et souligner certaines des modifications les plus importantes aussi qui ont été faites lors de l'étude en commission.

C'est un projet de loi pour lequel la commission a entendu des représentants de différents groupes et associations qui sont venus rencontrer la commission. C'est une commission qui a travaillé de façon très, très efficace. Je pense qu'on peut être confiant que c'est un projet de loi qui a vraiment été tourné sous toutes les coutures pour se rendre au maximum de ce qu'on peut faire présentement pour améliorer la situation en ce qui concerne la protection de personnes. Un des résultats du travail en commission sera la proposition de modification, d'ailleurs, au titre de la loi elle-même, pour refléter encore mieux ce qui est visé. Au lieu de dire la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale, «atteintes de maladie mentale» sera remplacé par «des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui». Ça décrit encore mieux ce que vise cette loi.

Cette loi est une loi d'exception, parce qu'elle vise essentiellement à voir dans quelles conditions on peut priver une personne de sa liberté de mouvement pendant une période de temps, la plus courte possible, donc littéralement la retenir, la détenir dans un établissement de santé parce que la personne – et c'est là qu'il est important de réaliser la raison essentielle – présente un danger pour elle-même ou pour son entourage à cause de son état mental, pendant une période de temps.

Les changements à la loi – on avait déjà la Loi sur la protection du malade mental – étaient devenus nécessaires d'abord pour mieux harmoniser notre loi avec des changements qui avaient été faits au Code civil en ce qui regarde justement la protection des droits d'une personne qui momentanément doit être privée de sa liberté – et c'est des modifications qui avaient été faites au Code civil en 1994, je pense – et aussi pour tenir compte d'une longue consultation qui a eu lieu avec tous les organismes dans le milieu, les associations professionnelles, les établissements, pour voir, après presque une dizaine d'années d'expérience, ce qu'on pouvait dégager de cette expérience dans le domaine de la protection des gens qui ont un problème à cause de leur état mental.

Alors, il y a cinq points, M. le Président, que je voudrais rappeler, qui donnent l'essentiel, je pense, des éléments de cette loi. D'abord, la notion de dangerosité. La loi repose vraiment sur ce concept que la seule raison pour qu'une personne soit privée de sa liberté pendant une période de temps, c'est une question de dangerosité de la personne pour elle-même et pour autrui. Sur la base de ce qu'on a entendu lors des consultations, le projet de loi qui a été présenté a été modifié en commission pour resserrer encore plus la notion de dangerosité et, au lieu de parler seulement d'un danger imminent, l'amendement a été accepté pour parler d'un danger grave et immédiat, donc pour vraiment ne laisser aucune place à une interprétation un peu trop lâche de ce qui pourrait être un danger présenté par une personne, parce que – et le Code civil avait déjà bien balisé le terrain à cet égard – on est dans une situation, encore une fois, où on procède par voie d'exception, la liberté de chacun des individus de bouger, de parler, de communiquer étant une valeur fondamentale dans notre société. Donc, notion de dangerosité mieux campée dans la loi.

Deuxièmement, en s'harmonisant au Code civil par rapport à la loi qui existait avant, on aura maintenant une situation où ce n'est plus seulement le médecin qui décidera qu'une personne doit être privée de sa liberté, dans un établissement, à cause de son état mental, mais la décision devra être prise par un tribunal. Alors, on maintient la situation qu'il y avait auparavant, où il faudra deux examens, deux évaluations psychiatriques faites par un psychiatre ou, à défaut, s'il était vraiment impossible de trouver un psychiatre, un autre médecin pourra faire l'examen. Mais la règle, c'est que c'est deux évaluations psychiatriques faites par un psychiatre. Dans l'ancienne loi, dans la loi qui est actuellement en vigueur, c'est une décision médicale de garder une personne sous garde contre sa volonté. Maintenant, sur la base de ces examens-là, c'est le tribunal qui va décider. Donc, on aura une décision, je dirais, encore plus objective et faite par un tribunal, un juge qui pourra prendre en considération l'ensemble d'une situation, y compris évidemment l'évaluation médicale qui est faite de la situation.

(12 h 40)

Donc, amélioration, d'abord en faisant intervenir le tribunal. Ça, c'est l'harmonisation au Code civil qui nous donne cette amélioration-là. Le projet de loi qu'on avait déposé, vu que le tribunal intervenait, prévoyait un seul examen psychiatrique plutôt que deux comme dans l'ancienne loi. Sur la base de ce qu'on a entendu, on a été d'accord pour ramener et maintenir quand même deux évaluations psychiatriques et la décision du tribunal.

Troisièmement, il y a une modification qui permet légalement et balise l'intervention possible d'un agent de la paix. Et ça, ça nous est sorti beaucoup des consultations qui ont été faites, où on a réalisé qu'à l'expérience les agents de la paix se sont souvent révélés être le type de personnes qui pouvaient le plus aider une famille ou l'entourage d'une personne qui pouvait être dans un état de grande excitation ou dans un état de comportement qui pouvait être violent et dangereux pour elle-même, la personne, ou pour son entourage. Souvent, la famille devait faire appel à l'aide et c'était souvent l'agent de la paix qui était la personne la mieux préparée, la mieux qualifiée pour aider à cet égard. Et surtout qu'à plusieurs endroits au Québec, surtout dans des grands centres urbains, les policiers ont eu – et c'est une mesure qu'on veut répandre encore plus – une formation pour être capables d'intervenir – et, d'ailleurs, en très grande collaboration, surtout à Montréal, avec des intervenants de groupes communautaires ou du réseau de la santé et des services sociaux – pouvoir intervenir pour aider une famille, pour aider une personne qui est dans un état où, selon le concept de la loi, le comportement peut présenter un danger grave et immédiat pour la personne ou pour son entourage. Alors, le projet de loi vient bien baliser l'intervention de l'agent de la paix.

On est allé plus loin, après le travail en commission, dans les amendements qui ont été acceptés, et cela, sur la base de la consultation qui a été faite, pour que l'agent de la paix puisse intervenir non seulement à la demande de la famille, mais que ça soit nécessairement aussi en faisant intervenir des gens qui ont l'habitude, qui ont la formation, qui agissent à l'intérieur de centres de crise. On a maintenant dans le réseau de la santé, dans des groupes communautaires qui travaillent dans les communautés, des gens qui ont acquis une bonne formation et une expérience pour savoir comment agir, comment intervenir dans une situation de crise. Dans les orientations que le ministère a prises dans le domaine de la santé mentale, on veut être capable de plus en plus d'avoir dans chacune des communautés du Québec la capacité d'intervention rapide et intensive au moment de la situation de crise parce que l'expérience a démontré que c'est de cette façon qu'on peut le mieux contrôler des situations, qu'on peut le plus éviter à une personne de devoir être gardée dans un établissement et qu'on peut le plus contrôler des rechutes possibles qui peuvent intervenir. C'est donc qu'il faut que l'intervention soit rapide, immédiate, intensive et faite par des gens d'expérience. Alors, on a donc maintenant un projet de loi qui, vu que l'expérience a montré que l'agent de la paix était souvent impliqué, lui permet plus facilement d'intervenir, qui encadre son intervention et qui prévoit le lien, la collaboration avec les intervenants capables d'agir en situation de crise.

Quatrièmement, il y a eu une discussion importante au sujet de tout ce qui regarde la contention. On sait qu'une fois que la décision a été prise qu'une personne devra être retenue, gardée dans un établissement, il peut se présenter des situations où l'état de la personne demande qu'on la retienne vraiment soit physiquement, soit par des médicaments pour éviter que des réactions trop violentes risquent de causer un risque à la personne elle-même ou à son entourage.

Alors, là aussi, la décision a été prise qu'au lieu de créer une situation particulière, comme c'était le cas dans le projet de loi qu'on a présenté, qui donnait là aussi l'encadrement et les balises pour la contention, on est allé de façon beaucoup plus spécifique, après la consultation et après le travail en commission, et on a fait une modification – au lieu de la faire dans cette loi-là – à la loi générale sur les services de santé et services sociaux de sorte que les personnes qui ont une difficulté à cause de leur état mental momentanément soient traitées de la même façon que toute autre personne à cause d'un autre type de problème de santé. Parce qu'on sait qu'il y a d'autres situations qui peuvent se présenter et qui peuvent amener des réactions de violence ou des comportements dangereux de la part d'une personne.

Alors, là aussi, on a pu baliser un peu plus pour s'assurer que toute contention physique, chimique ou faite avec n'importe quel appareil soit faite de façon minimaliste, pour la plus courte période de temps possible, et que ça soit bien fait en fonction du bien de la personne elle-même, donc limitée dans le temps, limitée quant à l'utilisation des moyens, que ça soit fait en fonction de protocoles établis au niveau de chacun des établissements de sorte que chaque intervenant ne soit pas laissé à son imagination, que là aussi il y ait des façons de prévues, que les gens soient formés pour appliquer des moyens de contention si c'est nécessaire et que le dossier du malade contienne toute l'information: le pourquoi on a appliqué une contention, quelle contention on a appliquée, pendant combien de temps ça a été appliqué.

Alors, ça, je pense que c'est aussi une amélioration qui va beaucoup dans le sens de respecter les droits de la personne, s'assurer qu'on a une préoccupation pour sa santé et son bien-être.

Finalement, le cinquième secteur, peut-être le plus important pour résumer ce projet de loi, c'est tout le secteur de l'information et des communications. Et là le projet de loi prévoit très bien que dès le moment même que soit l'agent de la paix, soit une personne en arrive à la conclusion qu'un citoyen ou une citoyenne doit être amené à l'hôpital parce que son comportement présente un danger grave et immédiat, que la personne soit informée de ce geste qu'on pose et très bien informée de où on amène la personne et pourquoi, que, quand la personne arrive à l'établissement, qu'on la réinforme à ce moment-là de quels sont ses droits et de ce qu'on veut faire pour elle et pour l'aider, qu'en tout temps la personne puisse communiquer avec les membres de sa famille, avec son avocat ou son tuteur ou les gens qui légalement peuvent représenter et aider une personne à protéger et à défendre ses intérêts. Donc, l'information à la personne et les communications que la personne peut faire avec d'autres ont été beaucoup plus balisées, beaucoup plus en détail que ce qu'on avait auparavant.

Alors, M. le Président, un bon concept de dangerosité, mieux défini, l'évaluation, la prise de décision psychiatrique et la décision par le tribunal, le rôle de l'agent de la paix avec les intervenants en situation de crise, tout ce qui entoure la contention pour qu'elle soit vraiment strictement pour la protection de la personne, et la plus minime possible, et finalement ce qui regarde l'information nous ont amenés, comme je le disais au début, à préciser dans le projet de loi lui-même quelle est vraiment l'intention de ce projet de loi qui vise la protection des personnes dont l'état – pas seulement atteintes de maladie mentale – mental présente un danger pour elles-mêmes et pour autrui.

Je rappellerais que, évidemment, une loi ne peut pas tout prévoir et être un complet programme de santé. Il faut voir cette loi-là dans le cadre des orientations ministérielles de la santé et des services sociaux dans le domaine de la santé mentale, qui, dans toutes les régions du Québec, veut, de façon la plus rapide possible, augmenter les ressources dans la communauté, augmenter l'aide aux familles et aux gens qui sont dans la communauté, de sorte que ce qui avait été établi dans le cadre de la politique de santé mentale à la fin des années quatre-vingt, début des années quatre-vingt-dix, qui a été appliqué en ce qui regarde la désinstitutionnalisation... Les gens ont été retournés dans leur communauté, mais on sait, par les évaluations faites par le ministère et le rapport du Vérificateur général, qu'on n'avait pas complété correctement cette politique, qu'on n'avait pas développé les ressources dans la communauté de façon satisfaisante pour éviter que les gens soient inconfortables, soient parfois mis dans des situations dangereuses pour leur santé... et doivent souvent retourner à l'établissement pour une longue période de temps.

Alors, c'est une orientation très claire, c'est une priorité du ministère qui est déjà en place depuis une année, et on veut être capable de plus en plus de réaménager les budgets qu'on a en santé mentale pour que, dans la communauté, les gens soient bien appuyés, que les gens aient une place dans l'établissement chaque fois qu'ils en ont besoin, pour le temps pour lequel ils en ont besoin, mais que le plus possible les gens soient traités de la façon la plus moderne... que la capacité d'intervenir nous permet de faire présentement.

(12 h 50)

Alors, j'espère que ce projet de loi pourra être approuvé rapidement et je suis convaincu que les gens du Québec vont y trouver une amélioration très importante. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Bourassa. Mme la députée.


Mme Michèle Lamquin-Éthier

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Nous sommes maintenant rendus à l'étape de la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales portant sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives.

J'aimerais d'abord souligner que ce projet de loi a fait l'objet d'une vaste consultation en commission parlementaire. En effet, près de 29 groupes ont été entendus et ils ont pu, lors de cette consultation, faire valoir leurs inquiétudes et leurs recommandations entourant le projet de loi n° 39. Il est important de mentionner que le projet de loi n° 39 vient remplacer la Loi sur la protection du malade mental adoptée il y a 25 ans, plus précisément en 1972, et il se veut un complément aux nouvelles dispositions du Code civil du Québec.

Ce projet de loi vient préciser les paramètres entourant l'évaluation psychiatrique, énoncer les conditions applicables à la garde en établissement, qu'elle soit préventive, provisoire ou autorisée par un tribunal en application de l'article 30 du Code civil du Québec.

De plus, M. le Président, ce projet de loi vient introduire et baliser dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux l'utilisation de mesures de protection, c'est-à-dire l'utilisation de la force, de l'isolement, de moyens mécaniques ou de substances chimiques pour empêcher une personne atteinte de maladie mentale de s'infliger à elle-même ou d'infliger à autrui des lésions ou des blessures corporelles.

Il m'apparaît essentiel de rappeler aux membres de cette Assemblée que le projet de loi n° 39 régissant les conditions de la garde en établissement constitue une loi dite d'exception, puisqu'il représente un fondement légal permettant de mettre sous garde une personne et de la priver de sa liberté sans que cette dernière ait commis un crime.

Les inquiétudes des groupes entendus en commission parlementaire étaient nombreuses et, il faut l'avouer, elles étaient justifiées. Les préoccupations des groupes visaient notamment les pouvoirs que le projet de loi accordait aux agents de la paix en vertu de l'article 8, les conditions régissant la garde à distance et les droits de sortie temporaires prévus à l'article 12 et les balises maintenues au chapitre IV portant sur les mesures de protection.

Lors de l'étude détaillée du projet de loi n° 39, le ministre de la Santé et des Services sociaux a déposé tout près de 50 amendements afin de donner suite aux recommandations des groupes entendus en commission parlementaire. En effet, les 50 amendements déposés par le ministre sont venus corriger les lacunes contenues dans le projet de loi et apaiser les craintes et les inquiétudes que les groupes avaient fait valoir lors de la consultation.

Permettez-moi de soulever en cette Chambre les principaux amendements qui ont été adoptés. Un amendement a été apporté pour remplacer le titre du projet de loi n° 39, qui se lira dorénavant comme suit: Loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui. Cet amendement donne suite à la recommandation du Barreau du Québec afin de mieux refléter le champ d'application de cette loi tel que décrit à l'article 1 et pour contenir les deux éléments clés, à savoir l'état mental de la personne et la dangerosité.

Lors de la consultation, de nombreux commentaires ont été faits concernant le nombre d'évaluations à être effectuées précisément dans le cas de mise sous garde en établissement. L'introduction de l'article 29.5 dans le projet de loi n° 39, qui vient modifier l'article 28 du Code civil du Québec, vient confirmer la nécessité de deux évaluations effectuées par deux psychiatres. De plus, le chapitre II du projet de loi n° 39 détermine les règles et les conditions qui doivent être appliquées aux personnes dont l'état mental présente un danger grave et immédiat pour elles-mêmes ou pour autrui en situation de crise.

J'aimerais attirer votre attention, M. le Président, sur les articles 6 et 7 du chapitre II du projet de loi n° 39. Ces articles sont fort importants, puisque l'article 6 désigne, outre les centres hospitaliers, les CLSC pour recevoir une personne sous garde afin de lui faire subir une évaluation psychiatrique. De plus, l'article 7 vient définir les pouvoirs et les règles permettant à tout médecin d'un tel établissement de mettre sous garde une personne de façon préventive et provisoire sans l'obtention de son consentement, sans l'autorisation du tribunal et sans qu'une évaluation psychiatrique soit effectuée.

Certains articles nous ont posé problème, et nous aurions voulu que le ministre de la Santé y apporte des amendements afin de mieux encadrer et de mieux cibler les modalités d'application de ces deux articles. Je m'explique, M. le Président. L'article 6 stipule que les CLSC disposant des aménagements nécessaires pourront être requis de recevoir une personne sous garde préventive et provisoire afin de lui faire subir une évaluation psychiatrique. En tenant compte des réalités du réseau de la santé, le ministre sait très bien que très peu de CLSC disposent des ressources nécessaires, qualifiées, et d'aménagements physiques convenables pour assurer les soins requis par une personne admise sous garde.

En effet, très peu de CLSC sont accessibles 24 heures sur 24, sept jours par semaine et très peu de CLSC sont prêts à assurer ou assumer, dans les faits, des mesures de protection telles la contention ou l'utilisation de la force et d'autres moyens pour contrer la dangerosité. D'ailleurs, la Fédération des CLSC faisait valoir cette observation. Il aurait été certes plus rassurant que le ministre apporte des modifications afin de préciser qu'uniquement des CLSC dûment désignés par les régies régionales pouvaient recevoir une personne sous garde afin de lui faire subir une évaluation psychiatrique. Nous avons voté contre cet article qui nous apparaissait ignorer la réalité du réseau de la santé.

L'article 7 nous posait également problème en raison de l'augmentation de la période sous garde, passant de 48 à 72 heures. De plus, nous aurions été rassurés si l'article 7 avait indiqué clairement que le médecin qui procède à la mise sous garde doive en aviser par écrit le directeur des services professionnels ou encore le spécifier par une note au dossier.

Également, les pouvoirs accordés aux agents de la paix, lesquels sont prévus à l'article 8 du projet de loi, ont suscité de nombreux commentaires négatifs de la part de la majorité des groupes, à savoir que les agents de la paix n'avaient ni la formation ni les qualifications requises pour jouer un rôle impliquant un jugement clinique. Le ministre de la Santé a remplacé l'article 8 en déposant un amendement qui est venu baliser les pouvoirs des agents de la paix en impliquant un intervenant qualifié d'un service d'aide en situation de crise, le tout en faveur d'une intervention rapide et adéquate en pareil cas et compte tenu de l'état de la personne.

D'une part, l'un des articles les plus controversés...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je m'excuse, Mme la députée de Bourassa. Étant donné l'heure, je dois actuellement, pour vous permettre de poursuivre, obtenir un consentement, ou, si vous-même, vous préférez poursuivre à la reprise... Mais, si vous voulez poursuivre... M. le député de LaFontaine.

M. Gobé: Je pense qu'il est maintenant l'heure, et nous reprendrons à la reprise des travaux pour la suite du discours.

Des voix: ...

(13 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, entendez-vous, là. Alors, je sais que, vous, vous avez donné votre consentement. Oui, très bien. Vous pouvez poser une question, oui. Très bien. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Moi, je serais disponible à ce moment-ci pour donner à la députée, qui dit qu'elle a cinq minutes... Si elle le désire, elle peut le faire. À ce moment-là, c'est à elle à décider. Moi, je lui donne la permission.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la députée, est-ce que vous préférez poursuivre pour cinq minutes? Vous auriez consentement à ce pouvoir.

Mme Lamquin-Éthier: Excusez-moi un moment, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien.

Mme Lamquin-Éthier: M. le Président, si vous n'y voyez pas objection, pourrais-je reprendre à la reprise des travaux?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, très bien. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 2)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, je crois que Mme la députée de Bourassa avait commencé son intervention. Donc, je suis persuadé qu'elle désire la poursuivre.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, l'Assemblée reprendra le débat sur la prise en considération du rapport de la commission des affaires sociales sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives.

Lors de la suspension de nos travaux, Mme la députée de Bourassa avait débuté son intervention. Madame, je vous avise qu'il vous reste un temps de parole de 21 minutes.

Mme Lamquin-Éthier: Combien, excusez-moi?

Le Vice-Président (M. Pinard): 21 minutes. Mme la députée.

Mme Lamquin-Éthier: Merci, M. le Président. Avant l'ajournement de cette séance, comme vous le mentionniez, nous étions toujours dans le cadre de l'étude du projet de loi n° 39, et plus particulièrement à l'article 12. Alors, l'article 12 était l'un des articles, pourrait-on dire, controversés du projet de loi. Il s'attaque à la garde à distance ou encore aux absences temporaires. Cet article prévoyait des droits de sortie temporaire pouvant être accordés par le médecin traitant à une personne sous garde, et la personne était sous garde depuis plus de 21 jours.

Beaucoup d'organismes sont venus faire valoir des observations, notamment l'Association des hôpitaux du Québec, l'Association des groupes d'intervention en défense de droits en santé mentale du Québec, la Commission des droits de la personne du Québec. On faisait valoir une certaine contradiction entre une personne qui est mise sous garde en raison de son état mental et d'un degré de dangerosité et le fait qu'on puisse lui permettre de s'absenter pour quelques heures ou encore quelques jours du lieu où elle était admise. Le ministre de la Santé, en regard de cet article-là, a déposé un amendement et, par cet amendement, il est venu supprimer carrément l'article 12 dudit projet de loi n° 39.

En terminant, M. le Président, j'aimerais informer cette Chambre que le chapitre IV du projet de loi n° 39, et plus particulièrement l'article 24, portait sur les mesures de protection. Cet article-là était également très controversé, et M. le ministre de la Santé a supprimé ledit article 24 du projet de loi n° 39 pour l'introduire sous la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Il y aura maintenant, à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, un article 118.1.

L'article 118.1, de la même façon, va concerner les mesures de protection. Il était extrêmement important, parce qu'on parle ici de mesures de protection – à savoir l'utilisation de la force, de l'isolement, de moyens mécaniques ou encore de substances chimiques – de s'assurer que l'utilisation de ces mesures soit vraiment bien balisée, bien encadrée. À cet égard, M. le Président, nous avons déposé des sous-amendements à l'amendement proposé par le ministre de la Santé afin que soit bien spécifié que ces mesures de protection ne doivent jamais être utilisées à des fins punitives, ni pour pallier le manque de ressources humaines ou financières – puis il y en a, dans le réseau de la santé – mais uniquement dans un but d'empêcher une personne de s'infliger à elle-même ou d'infliger à autrui des lésions.

De plus, M. le Président, nous avions comme objectif de nous assurer que le protocole d'application de ces mesures de protection – protocole qui est adopté par les établissements – soit le plus uniforme possible et le plus sécuritaire possible. Et vous comprendrez qu'il s'agit ici de mesures extrêmement importantes qui doivent être utilisées avec beaucoup de prudence dans des circonstances particulières.

Un sous-amendement a donc été adopté venant stipuler que ces protocoles devront tenir compte spécifiquement des orientations ministérielles qui seront déterminées à l'article 431.9 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux. Ces sous-amendements ont été accueillis favorablement par le ministre de la Santé, ce qui nous a permis de nous assurer d'une utilisation restreinte, minimaliste de ces mesures de protection.

Comme je le faisais valoir lors de l'étude détaillée du projet de loi n° 39, il fallait s'assurer que l'utilisation de ces mesures de protection ne vienne pas pallier au manque de ressources humaines et financières des établissements du réseau de la santé.

M. le Président, j'ai passé plus de 10 ans dans le réseau de la santé et des services sociaux. Cette expérience-là, je l'ai acquise sur le terrain par des visites d'établissements de santé soit sur demande directe d'une personne qui avait à se plaindre ou encore pour aller rencontrer les comités des résidents ou encore des comités d'usagers. Les mesures dont nous parlons, à savoir les mesures de protection, ont toujours fait l'objet de beaucoup de dénonciations de la part des résidents des établissements, ou des usagers, comme le dit la loi, et aussi de la part des comités des résidents.

Lors de l'étude article par article, nous avions dénoncé une crainte que, en période de diminution de ressources, de précarité de ressources ou d'insuffisance des ressources humaines et financières, on assiste à une recrudescence au niveau de l'utilisation de ces mesures de protection. À cet égard, j'aimerais vous rappeler, M. le Président, que l'Ordre des infirmiers et infirmières du Québec ainsi que la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec dénonçaient, à l'occasion d'une conférence de presse conjointe qui s'est tenue le 2 décembre dernier, la détérioration des soins de santé au Québec, et plus particulièrement dans les centres d'hébergement et de soins de longue durée. En effet, l'Ordre et la Fédération ont dénoncé le fait qu'aujourd'hui il est jugé normal que plus de 30 % des besoins de soins infirmiers des résidents, ou encore des usagers – un mot que la clientèle n'aime absolument pas pour sa connotation péjorative... Donc, 30 % des besoins de soins infirmiers des résidents, des personnes qui ont besoin de services actuellement ne sont pas comblés.

(15 h 10)

Ces deux organismes rajoutaient que ce déficit en soins infirmiers n'est pas sans conséquences pour la clientèle et qu'il commence à se traduire par une augmentation des contentions physiques et par une augmentation des contentions chimiques, tout comme une augmentation des chutes et une augmentation significative des plaies de lit. Alors, c'est donc dire qu'il est important...

Également, le projet de loi n° 39 doit s'harmoniser aux dispositions du Code civil du Québec. S'il doit s'harmoniser aux dispositions du Code civil du Québec, il doit également s'harmoniser au réseau de la santé et aux réalités qui sont celles du réseau de la santé. Les mesures de protection vont maintenant être sous la Loi sur les services de santé et les services sociaux. C'est une mesure qui va donc s'appliquer à tout type de clientèle: personnes âgées, personnes en centre d'hébergement et de soins de longue durée ou personnes admises dans un autre établissement du réseau de la santé. Alors, vous comprendrez qu'il était extrêmement important pour nous de faire valoir des réserves ou encore des demandes extrêmement importantes eu égard aux mesures de protection qu'on peut appliquer, mais le tout dans des circonstances extrêmement particulières et à des conditions extrêmement bien balisées pour s'assurer de la protection des clientèles et s'assurer d'un emploi minimaliste.

Nous avons donc fait valoir, à l'égard des mesures de protection, de nombreuses observations qui ont été reçues par le ministre de la Santé, et elles ont été reçues parce qu'il était primordial de baliser l'utilisation de ces mesures-là, de s'assurer que l'utilisation soit, à travers le réseau de la santé et des services sociaux, uniforme, et le tout pour qu'on puisse restreindre au maximum... ou au minimum l'utilisation des contentions et des autres mesures dans les établissements du réseau de la santé et des services sociaux.

Ces mesures, malheureusement, sont appliquées dans certains cas parce que le personnel, qui est de plus en plus réduit, qui fait face à une clientèle dont les besoins sont de plus en plus lourds, peut être fatigué. Par exemple, un usager ou un résident qui va venir à plusieurs reprises demander une cigarette. On a vu malheureusement trop souvent dans le réseau de la santé l'application d'une mesure, d'une contention non pas pour protéger la personne contre elle-même ou pour l'empêcher d'infliger des blessures à autrui, mais parce qu'il y avait un certain dépassement en raison de l'insuffisance du personnel. On voit aussi, à l'heure actuelle, des gens qui ont vu des substances chimiques leur être administrées en raison de l'insuffisance des ressources humaines et des ressources financières. Alors, nous sommes donc heureux d'avoir pu, dans le cadre de l'étude article par article, faire valoir des commentaires, des observations et des demandes qui étaient extrêmement importantes en regard de mesures qui devront être appliquées avec une extrême prudence.

En conclusion, M. le Président, permettez-moi d'ajouter que le projet de loi n° 39 est un projet extrêmement important en raison des mesures qui y sont prévues. L'opposition a eu le souci, à l'occasion des rencontres, à l'occasion de l'étude article par article, dans le meilleur intérêt des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui, de faire valoir ou d'apporter des commentaires, des observations, des demandes, mais de le faire de façon constructive afin que ce projet de loi là, qui est un projet de loi d'exception, qui a une extrême importance, soit appliqué de la meilleure des façons pour s'assurer des meilleures conditions pour les personnes atteintes de maladie mentale.

Alors, je dois souligner, en terminant, que les commentaires formulés par l'opposition, encore une fois, dans le meilleur intérêt des personnes et dans un esprit constructif, ont été reçus par le ministre de la Santé, que nous remercions, de même que les gens qui l'accompagnaient, pour les travaux qui ont été faits. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Bourassa. Nous céderons maintenant la parole au député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. J'ai voulu faire quelques commentaires sur le projet de loi n° 39, au dernier niveau de ce débat, parce que le projet de loi n° 39 est une loi tellement importante avec beaucoup de nuances et balises qui sont absolument essentielles, et on doit s'assurer que chaque député, avant le vote, comprend l'importance de ce projet de loi n° 39, qui était avant la Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives et dont maintenant le titre serait: la loi sur la protection des personnes dont l'état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.

Juste ça, M. le Président, juste le titre – je ne veux pas faire un long discours sur un titre de projet de loi – juste le changement du titre du projet de loi présenté par le ministre après des consultations montres, je pense qu'il a au moins commencé à entendre les groupes et à comprendre les lacunes dans le projet de loi que nous avons trouvées, tel que proposé.

Avant d'entrer dans une discussion sur quelques articles du projet de loi, M. le Président, je voudrais féliciter ma collègue la députée de Bourassa qui a un fait un travail extraordinaire dans son premier projet de loi comme porte-parole en santé mentale. J'ai vu la députée – je sais que je n'ai pas le droit de nommer les députés – la personne qui a toujours été responsable pour les malades, qui a représenté souvent ici avec énergie et avec engagement, une personne tellement dévouée pour les personnes, les résidents des centres, les malades, etc., qui a vraiment, pendant son expérience avant qu'elle soit députée, défendu ces intérêts; j'ai vu dans la commission parlementaire que la même défenderesse était encore là, mais maintenant comme députée. Félicitations à ma collègue, et j'espère que tous les parlementaires pourront continuer le travail comme ma collègue l'a commencé, parce que c'est une démonstration.

Un autre commentaire général, M. le Président, c'est une démonstration... quand le côté ministériel écoute l'opposition, mais aussi écoute les groupes. On peut travailler ensemble, on peut jouer un rôle constructif et on peut arriver avec un projet de loi tellement amélioré pour le système, mais d'abord et avant tout pour les citoyens et citoyennes. Et c'est ça, je pense, que nous avons dans le projet de loi n° 39, malgré qu'il y ait quelques grandes questions qui restent pour moi encore.

M. le Président, pour le projet de loi n° 39, nous avons eu une commission parlementaire et une consultation avant. Vingt-neuf groupes se sont présentés, incluant le Protecteur du citoyen, le Barreau, etc., et plusieurs groupes qui représentent les résidents de plusieurs centres. Ils ont dit que le projet de loi n° 39 était plein de lacunes et avec beaucoup de problèmes. C'est pourquoi ce n'est pas surprenant que nous ayons vu, au début de la commission parlementaire, une fois que nous avons commencé article par article, 50 – oui, M. le Président, je le répète – 50 amendements à ce projet de loi. Cinquante amendements, mais dans une grande partie des amendements qui mettent en place les commentaires des groupes qui se sont présentés.

L'opposition a pris une ligne de questionnement qui était toujours la protection du citoyen, la protection du résident, toujours en respectant le besoin d'avoir certains pouvoirs pour nos professionnels. Mais nous avons toujours cherché une balise entre ce besoin d'avoir certains pouvoirs et aussi la protection des droits des citoyens, parce que, comme la députée de Bourassa l'a déjà mentionné, j'espère que ça doit être une loi d'exception qui, j'espère, ne va pas être utilisée souvent, parce qu'il y a dans cette loi un pouvoir qui peut enlever temporairement les droits fondamentaux à certaines personnes, toujours parce que, selon les professionnels, cette personne est dans un état mental qui représente un danger grave. Ce n'est pas juste n'importe quel danger, mais un danger grave pour elle-même ou pour autrui.

(15 h 20)

Ça, c'est assez difficile de faire les définitions de tout ça, M. le Président, et c'est pourquoi à chaque article nous avons essayé de trouver la meilleure définition de ce que veut dire l'état mental, de ce que veut dire la dangerosité. C'est une question de jugement, mais c'est une question assez importante. Effectivement, je pense qu'il n'y a personne qui a mis le besoin d'une réforme en doute. La dernière fois que la loi a été amendée, si ma mémoire est bonne, c'était en 1972, donc plus ou moins 25 ans passés. C'était le temps. Mais, particulièrement avec toutes les coupures que nous avons vues dans le système de santé, particulièrement avec les tendances de ce gouvernement de chercher tout pouvoir accru, comme nous avons fait le débat, hier soir, sur le projet de loi n° 176, comme nous avons vu dans le projet de loi n° 83 qui donne au ministre le pouvoir de fermer nos hôpitaux, couper les lits... Hier soir, c'était le pouvoir de déléguer tous ses pouvoirs, abdiquer ses pouvoirs. C'est pourquoi, particulièrement quand on parle des personnes qui souvent ne sont pas bien placées pour se défendre elles-mêmes, par définition, nous nous sommes assurés que la loi n'est pas trop déséquilibrée pour l'État. Et c'est pourquoi, je pense, nous avons poussé quelques amendements qui, malheureusement, n'ont pas tous été acceptés.

Je voudrais quand même, M. le Président, souligner une réserve qui existe encore pour moi – j'ai parlé, pendant la commission parlementaire, j'ai eu la chance de parler en privé avec ma collègue la députée de Bourassa – c'est toute la question de l'article 7 qui donne le pouvoir à un médecin dans un établissement, selon son évaluation, de garder quelqu'un pour 72 heures. Là, M. le Président, si la personne est vraiment un danger pour elle-même ou pour autrui, je comprends ce pouvoir. Mais on peut avoir des erreurs. C'est pourquoi nous avons essayé d'avoir au moins deux évaluations psychiatriques pour s'assurer que, effectivement, il n'y a pas une erreur de bonne foi; une personne qui, peut-être, a fêté un peu trop, a bu un peu trop et a un comportement complètement hors contrôle mais qui n'est pas vraiment un danger grave pour elle-même. C'est un pouvoir qui, je comprends, est nécessaire, mais nous avons essayé de baliser ce pouvoir.

Article 24 aussi, la députée de Bourassa a juste mentionné quelques commentaires sur ça, c'est toute la question de l'utilisation de moyens mécaniques ou substances chimiques pour contrôler une personne. Nous avons insisté avec beaucoup d'énergie sur cette question de ne jamais avoir ce pouvoir à une fin de punition. Ça doit être vraiment à cause que cette personne est un danger pour elle-même. Et aussi, à cause de toutes les coupures que nous avons eues malheureusement depuis trois ans par ce gouvernement, nous avons insisté pour que ce pouvoir ne puisse jamais être utilisé juste parce qu'il n'y a pas assez de personnel, pas assez de services, parce que nous avons vu... Et, dans mon comté, j'ai entendu parler les groupes qui représentent les personnes qui ont des besoins spéciaux en santé mentale. Il y a de moins en moins de services, il y a de plus en plus de besoins.

Je ne veux pas avoir un projet de loi qui est adopté pour protéger ces personnes, qui peut être utilisé pour exactement le contraire. C'est pourquoi, je pense, les balises que nous avons introduites dans ce projet de loi ont amélioré le projet de loi dans une façon assez exceptionnelle.

M. le Président, j'ai une chance aussi de faire quelques commentaires sur l'article 12 qui, la première fois, avec le projet de loi n° 39, disait: Vous pouvez être sous le contrôle d'un établissement, techniquement un danger, mais vous pouvez sortir de cet établissement et avoir la garde à distance. C'était complètement illogique, dans mon opinion, et je suis heureux que finalement ils aient décidé de dire: Non, c'est illogique. Et cet article a été supprimé.

À la fin de la discussion, je pense que, avec les 50 amendements à ce projet de loi, 50 amendements sur 45 articles, c'est un nouveau projet de loi. Je voudrais féliciter certainement, comme je l'ai déjà mentionné, ma collègue la députée de Bourassa, mais aussi l'autre côté qui a compris qu'effectivement le projet de loi n° 39, tel que proposé, avait des lacunes. Finalement, je pense que, malgré quelques questions qui restent encore, nous avons ensemble amélioré ce projet de loi n° 39. Merci beaucoup, M. le Président, pour cette opportunité de faire quelques commentaires.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Y a-t-il d'autres intervenants?


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission des affaires sociales portant sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le rapport de la commission étant adopté, nous allons maintenant céder la parole au leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint.

M. Boulerice: M. le Président de l'Assemblée nationale, de façon à permettre aux intervenants d'arriver, je vous demanderais une brève suspension; disons cinq minutes, quelque chose comme ça.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons nos activités pour cinq minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 26)

(Reprise à 15 h 34)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, je vous réfère à l'article 22 du feuilleton de ce jour.


Projet de loi n° 168


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 22 de votre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Y a-t-il des interventions sur la prise en considération du rapport? Alors, comme il n'y a pas...

M. Bourbeau: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Vous noterez mon étonnement devant le silence du ministre des Finances; il ne nous a pas habitués dans le passé à passer son tour, comme on dit, à l'heure de prendre la parole. Mais je dois dire qu'aujourd'hui c'est peut-être un brin de sagesse qui s'ajoute à l'expérience qu'il a déjà.

Je ne peux pas, quant à moi, laisser passer cette occasion de dire quelque chose sur les travaux de la commission parlementaire qui a étudié la Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Au cours de cette commission parlementaire, nous avons eu l'occasion d'étudier article par article un projet de loi dans lequel le gouvernement nous invite à apporter des modifications à la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Nous étions d'accord avec certains éléments de ce projet de loi là, comme par exemple le fait que la Caisse de dépôt puisse dorénavant, si la loi est adoptée, détenir plus de 40 % de son portefeuille en actions de compagnies. On sait que jusqu'à maintenant, jusqu'à aujourd'hui, la Caisse de dépôt ne peut pas détenir plus, dans son portefeuille, dans ses actifs plutôt, de 40 % de ses actifs en actions de compagnies. Le reste, ce sont des obligations, des placements immobiliers ou des investissements dans des entreprises telles que Domtar, par exemple, où la Caisse a des investissements, ou dans Provigo ou dans des sociétés comme celles-là.

Il est évident que, lorsque la loi actuelle a été votée, limitant à 40 % le pourcentage que la Caisse peut avoir de ses actifs dans des actions de compagnies, c'était à une époque où d'autres formes de placements étaient très rentables. Par exemple, jusqu'à il y a quelques années, on pouvait retirer un bon rendement d'obligations, les obligations étant des formes de prêts, si vous voulez. Une compagnie ou même des gouvernements émettaient des obligations à des taux d'intérêt assez élevés. Il fut un temps où les gouvernements, tant du Québec que du Canada ou d'autres provinces ou d'autres pays, payaient du 10 %, 11 %, 12 %, et même 14 %, 15 % d'intérêt sur les emprunts. C'était donc intéressant d'avoir de tels titres dans son portefeuille.

Aujourd'hui, pour des raisons que l'on connaît, les taux d'intérêt ont beaucoup baissé, et il devient de moins en moins rentable ou intéressant de placer des fonds dans des titres qui rapportent 3 %, 4 %, 5 % ou 6 %, de sorte que, pour tenter d'obtenir de meilleurs rendements, on est obligé de se retourner vers des formes de placements plus rentables. Et on observe depuis quelques années que les actions de compagnies inscrites en bourse, d'une façon générale, donnent de meilleurs rendements que les titres traditionnels dans les obligations du Québec ou du Canada.

Alors, je crois qu'il convenait de permettre à la Caisse d'augmenter le pourcentage de son portefeuille, de ses actifs, qui est constitué d'actions de compagnies. Le gouvernement a choisi d'indiquer que la Caisse pourra détenir jusqu'à 70 % de son portefeuille en actions de compagnies. Nous n'avons pas voté en faveur de cet amendement-là qu'a apporté le ministre des Finances en commission parlementaire car, bien que nous ayons été d'accord sur le principe de faire sauter l'ancien maximum de 40 %, nous étions d'avis que le monter à 70 % donnait un signal qui, à notre avis, était un peu dangereux pour la sécurité des placements de la Caisse. Nous nous serions contentés d'un chiffre un peu plus modeste.

Bon, ça ne veut pas dire que la Caisse va nécessairement détenir 70 % de ses actifs en actions de compagnies, mais le chiffre de 70 % est un chiffre important, et nous aurions aimé un chiffre un peu plus bas. Enfin, nous espérons que la Caisse va être assez sage – la Caisse de dépôt – et qu'elle n'ira pas risquer indûment ses actifs dans des placements qui pourraient être considérés à risque. Parce que la Caisse de dépôt, il faut bien le dire, malgré tout le respect et l'admiration qu'on peut avoir pour elle, n'a pas fait que des bons coups dans sa vie. La Caisse, à l'occasion, a aussi fait des erreurs. Elle en a fait beaucoup. Elle en a fait dans le domaine immobilier, elle en a fait dans le domaine des placements dans des actions, et la plus notable de ces erreurs-là, bien sûr, c'est ses placements dans Bre-X, la fameuse mine d'or inexistante. On doit le dire, fameuse mine d'or en Indonésie, mine d'or qui n'a jamais existé.

(15 h 40)

M. le Président, et, là-dessus, quand on pose des questions aux dirigeants de la Caisse sur ses erreurs, ses graves erreurs, on nous répond: Écoutez, on n'était pas les seuls à se tromper, d'autres se sont trompés. Dans le domaine immobilier, d'autres se sont trompés. Dans le domaine du placement dans les mines d'or comme Bre-X, par exemple, d'autres aussi se sont trompés. C'est vrai, mais ces autres-là, ils n'avaient pas tous l'expertise de la Caisse. Quand on est la Caisse de dépôt et placement du Québec et qu'on a les frais d'administration les plus élevés de toutes les caisses au Canada, probablement en Amérique d'ailleurs, on présume que la Caisse a un appareil administratif important d'experts qui sont capables de faire la différence entre un bon placement, un placement risqué ou un mauvais placement. Quand on voit, dans le domaine immobilier, par exemple, comment la Caisse s'est fourvoyée et combien souvent elle s'est fourvoyée dans ses placements immobiliers non seulement en dehors du Québec, mais ici-même, au Québec... Dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, on a vu la Caisse faire mauvais placement sur mauvais placement dans le domaine immobilier. Il y a eu des reportages qui ont été faits là-dessus, des histoires d'horreur, M. le Président. Et ce n'est pas parce que, ailleurs, d'autres personnes se sont trompées aussi qu'on doit excuser la Caisse.

Il y a beaucoup de personnes, dans le domaine immobilier, qui n'ont pas fait de mauvais placements, et pas des gens qui avaient nécessairement toute l'expertise de la Caisse. Les gens qui ont mission de placer leur propre argent, entre autres, ont tendance à être beaucoup plus prudents que ceux qui placent l'argent des autres. Et je dois dire que, si les dirigeants de la Caisse qui ont pris ces décisions-là avaient eu à placer leur propre argent à eux, je suis certain qu'ils n'auraient pas fait tous les placements risqués qu'ils ont faits dans le passé dans le domaine immobilier. Même chose pour Bre-X, M. le Président. La Caisse a perdu quelque chose comme 80 000 000 $ dans l'aventure de Bre-X.

Quand on parle de la Caisse de dépôt, là, on ne parle pas d'une entreprise de capital de risque que le gouvernement aurait mise sur pied pour tenter d'aider à la création d'emplois; on parle du fonds de pension des Québécois, on parle du bas de laine des Québécois, l'argent que nous mettons de côté, jour après jour, semaine après semaine, paie après paie, M. le Président, pour faire en sorte qu'un jour, à la retraite, tous les Québécois puissent avoir une pension. Or, ceux qui ont charge, mission d'investir l'argent de la Caisse doivent le faire avec prudence. Ça, c'est la règle d'or. Or, M. le Président, dans l'aventure de Bre-X, on n'a pas été prudent, et ça, je pense que la Caisse doit en porter la responsabilité. Ce n'est pas parce que d'autres aussi ont perdu de l'argent dans Bre-X qu'on doit dire que la Caisse doit être excusée. M. le Président, il y a beaucoup de gens qui sont moins savants que la Caisse, qui ont moins d'expertise que la Caisse, qui placent régulièrement des fonds dans le marché de la Bourse et qui ont choisi de ne pas placer dans Bre-X ou dans ce secteur-là.

On sait que le secteur des mines, c'est plus risqué que dans d'autres secteurs. Quand ces mines, M. le Président, sont des mines d'or qui ne sont pas au Québec, qui ne sont même pas au Canada, qui ne sont même pas en Amérique, bien là ça devient un peu plus compliqué. Et, quand ces mines d'or là sont cachées dans le fond des forêts de l'Indonésie, là c'est encore plus problématique. C'est ça qui est arrivé, M. le Président. On s'est rendu compte, tout à coup, qu'il y avait eu une magistrale fraude. De l'or, il n'y en avait pas, pas du tout, zéro, nil. Comment se fait-il que des centaines de millions, que dis-je, des milliards de dollars aient été investis dans une présumée mine qui n'existait pas? C'est vraiment une des grandes fraudes de ce siècle.

Or, M. le Président, si des gens, des investisseurs qui sont à New York ou à Chicago ou en Europe ont pu se faire prendre dans l'affaire Bre-X, c'est plus difficile de comprendre comment ça se fait que des gens ici, à Montréal, comme la Caisse de dépôt, ont pu se faire prendre. Parce que le principal promoteur de Bre-X était un Montréalais, quelqu'un qui était connu ici et qui avait une réputation assez douteuse. C'est un individu qui avait réussi à accumuler 60 000 $ sur ses cartes de crédit. M. le Président, vous essaierez de monter une facture de 60 000 $ sur votre carte de crédit pour voir si on va vous faire confiance. Vous allez voir que, après un certain temps, ça va bloquer. Mais peut-être vous, là, M. le Président, je ne connais pas vos finances personnelles, mais il y a peu de gens qui réussissent à accumuler une dette semblable.

Quand quelqu'un n'est pas capable de payer ses propres dettes personnelles, M. le Président, est capable d'accumuler une telle dette personnellement, est-ce qu'on peut lui faire confiance pour administrer une compagnie comme Bre-X? Bien, il y a des gens de Montréal ici, des experts en investissements, qui ont dit: Jamais, nous, nous n'aurions mis un sou. Le président d'une grosse compagnie d'experts en investissements mobiliers a dit: Jamais je n'ai mis un sou là-dedans. Je ne nommerai pas la compagnie pour ne pas faire une publicité indue, mais quelqu'un qui administre pour 12 000 000 000 $ de placements – ce n'est quand même pas un enfant d'école: Jamais nous n'aurions mis un sou dans Bre-X parce que nous connaissions le promoteur. Nous n'avions pas confiance. Même chose à Toronto. J'ai cité en commission parlementaire le président d'une des plus grandes firmes de Toronto, dans le même domaine des placements mobiliers, qui a dit: Jamais nous n'aurions mis un sou dans Bre-X pour les raisons... Nous avons fait une analyse en profondeur. C'était trop risqué.

Or, ici, au Québec, M. le Président, la Caisse de dépôt, ses experts, ses présumés experts, ont trouvé que ce n'était pas trop risqué. Ils ont investi des dizaines et des dizaines de millions de dollars de notre argent à nous, et on a perdu 80 000 000 $ dans Bre-X. Ça, je dois dire que j'ai bien de la difficulté à digérer ça. C'est pour ça que nous devons de plus en plus nous pencher sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je ne veux pas la dénigrer outre mesure, elle fait parfois des bons coups, parfois des coups qui sont un peu moins intéressants, mais la commission parlementaire a eu bien raison de convoquer la Caisse de dépôt, il y a quelques mois, pour entendre la Caisse de dépôt sur un certain nombre de choses.

Nous lui avons fait des représentations. Je sais qu'il y a des députés des deux côtés de la Chambre qui avaient des choses à dire, des choses pertinentes à dire à la Caisse de dépôt et placement du Québec qui, dans le passé, a trop souvent eu une attitude très arrogante à l'endroit des parlementaires et, en fait, à l'endroit même de bien des citoyens du Québec. Ce n'est pas parce qu'on gère 62 000 000 000 $ d'actif qu'on est au-dessus de toute critique ou qu'on doit se comporter comme si on était un dictateur dans une république de bananes.

La Caisse de dépôt, M. le Président, ça gère des fonds, le fonds de pension des Québécois; ça doit être transparent et ça doit faire des rapports. Or, justement, à ce sujet-là, nous avons beaucoup de difficultés à comprendre pourquoi la Caisse de dépôt refuse continuellement de permettre au Vérificateur général du Québec de faire des vérifications à la Caisse de dépôt en ce qui concerne l'optimisation des ressources. Le Vérificateur fait des vérifications, il est vérificateur de la Caisse, mais, quand le Vérificateur veut, en vertu de sa loi – d'ailleurs, il a le droit de le faire – faire une étude sur l'optimisation des ressources, la Caisse dit: Non, vous ne viendrez pas le faire. Pourtant, la Loi sur le vérificateur général dit bien qu'il a le droit de le faire. Or, la Caisse fait une bataille d'arrière-garde pour empêcher le Vérificateur général d'entrer et de faire ces vérifications-là.

Je dirais ceci: si le Vérificateur général avait pu faire son travail il y a un an ou deux ou trois, là, avant l'affaire Bre-X, je gagerais ma dernière chemise que probablement la Caisse n'aurait pas fait le placement dans Bre-X. Parce que c'est justement ça que le Vérificateur veut savoir: Est-ce que la Caisse a les moyens et est équipée, autrement dit, pour faire les études qu'il faut pour pouvoir prendre les bonnes décisions? L'optimisation des ressources, c'est ça dont on parle. Est-ce que la Caisse s'est donné des méthodes de travail, des méthodes d'analyse qui lui permettent de prendre les bonnes décisions et de faire les bonnes analyses? Or, justement, la Caisse ne veut pas se soumettre à ce genre d'inspection par le Vérificateur général. Et aujourd'hui on doit constater que, dans bien des dossiers, la Caisse semble manquer d'expertise. Et pourtant c'est assez surprenant que la Caisse manque d'expertise, hein? La Caisse, elle a probablement, elle a certainement le plus gros pourcentage de frais d'administration de toutes les caisses au Canada. Alors, si la Caisse est à ce point équipée de personnel qu'elle dépense plus que les autres caisses semblables pour ses frais d'administration, c'est donc dire qu'elle doit avoir des ressources plus importantes que les autres. On serait donc porté à penser que la Caisse devrait normalement avoir un niveau d'expertise supérieur à la compétition.

(15 h 50)

M. le Président, ça ne semble pas être le cas, puisque le Vérificateur général n'a pas réussi encore, d'aucune façon, à convaincre la Caisse. Et, lorsqu'en commission parlementaire les députés des deux côtés de la Chambre ont exigé que la Caisse s'asseye avec le Vérificateur général pour en venir à une entente sur ça, la Caisse a dit: Oui, très bien, nous allons recevoir le Vérificateur général, nous allons discuter.

M. le Président, nous avons eu l'occasion de parler au Vérificateur général encore la semaine dernière. Ça n'a pas avancé d'un iota, et le président de la Caisse, étant interrogé à ce sujet, a fait une réponse à la Salomon qui, après deux, trois minutes, quand nous avons écouté cette réponse-là, ne signifiait strictement rien. C'était statu quo, on n'a pas avancé du tout. Le Vérificateur général ne réussit pas à rentrer à la Caisse de dépôt pour les fins dont je viens de parler. Et pourtant, M. le Président, il y a d'autres choses qu'on doit dire.

Dans le projet de loi qui est devant nous, le gouvernement... Je viens de parler d'immobilier, j'ai parlé des mauvais placements immobiliers au Québec de la Caisse, mais la Caisse fait des placements immobiliers ailleurs. Elle n'en fait pas seulement au Québec, elle en fait dans d'autres pays, dans d'autres juridictions, et ça nous fait peur un peu, M. le Président, parce que, si la Caisse n'a pas été capable, enfin si elle a eu tant de déboires au Québec avec ses placements immobiliers, comment peut-on penser qu'elle pourrait avoir beaucoup de succès dans ses placements immobiliers dans d'autres pays?

On sait comment ce n'est pas facile de contrôler des placements immobiliers quand c'est chez nous, on sait comment à l'occasion des gens qui sont supposés être des experts réussissent à perdre de l'argent sur des placements immobiliers. L'immobilier, ça demande de la gestion à tous les jours. Il faut être là continuellement, il faut surveiller les locataires, il faut surveiller les immeubles pour ne pas qu'il y ait de dégâts, et, dès qu'on néglige un immeuble, vous savez ce qui se passe, les locataires s'en vont. Ils votent avec leurs pieds, ils s'en vont ailleurs, l'immeuble se vide. Alors, il faut apporter à ça une gestion régulière. Or, comment la Caisse peut-elle s'assurer que ses immeubles vont être bien gérés, que ses associés vont être honnêtes et que les gens qui gèrent les immeubles pour ses associés vont être honnêtes aussi quand ces placements-là sont effectués dans des pays lointains, parfois même dans des pays en voie d'émergence?

Par exemple, qu'est-ce que la Caisse a affaire d'aller investir de l'argent au Mexique? On nous a dit que la Caisse, le président nous a dit qu'on est les heureux propriétaires d'un hôtel au Mexique. M. le Président, je ne sais pas si vous allez au Mexique souvent, bien, la prochaine fois peut-être que vous pourriez demander d'aller loger dans l'hôtel de la Caisse de dépôt au Mexique. Moi, je ne sais pas de quoi ça a l'air, je n'ai pas l'occasion d'aller au Mexique souvent, mais j'espère que c'est un bon placement. En tous les cas, j'espère que le peso mexicain va bien se tenir puis qu'on n'aura pas de problèmes avec la démocratie mexicaine, avec l'état des moeurs mexicaines.

On a vu comment Bombardier a eu des problèmes au Mexique récemment. Une soumission qui avait été parfaitement acceptée et tout à coup, pouf! la soumission est annulée pour des raisons qu'on a dit être de nature politique. M. le Président, quand les gouvernements en sont arrivés à annuler des soumissions parce que la politique s'en mêle, bien, si ça s'en mêle dans les soumissions de Bombardier, j'ai peur que ça s'en mêle dans l'immobilier aussi, parce que l'immobilier est un secteur dont la réputation n'a jamais été au-dessus de toute question. Alors, M. le Président, qu'est-ce que la Caisse a affaire au Mexique?

Le président nous avait dit qu'il y avait des terrains vacants au Mexique l'an dernier; je ne sais pas si les terrains sont encore là. Il y avait aussi des placements en Pologne. La Caisse, on est les heureux propriétaires de maisons, de terrains en Pologne, semble-t-il. Et là il y avait une rumeur qu'on serait les propriétaires de condos de luxe au Viêt-nam. Mais là le président nous a dit que ce n'était pas le cas. Enfin, il ne semble pas maintenant que le projet du Viêt-nam soit encore sur les rails.

Pourtant, M. le Président, vous savez que la Caisse de dépôt a ouvert une représentation à Hanoi. Enfin, le gouvernement du Québec... Je lis ici, à partir du Journal des débats de l'an dernier, où le président de la Caisse nous disait qu'«il y aura dans quelques semaines à Hanoi l'ouverture d'une représentation du Québec en coopération avec la Caisse de dépôt et placement à une fraction du coût que nous aurait coûté normalement une délégation à l'étranger». Ça, c'était le ministre qui parlait, le ministre des Relations extérieures du Québec.

Alors, voici que la Caisse de dépôt maintenant a un bureau à Hanoi. Alors, si elle a un bureau à Hanoi, au Viêt-nam autrefois du Nord, maintenant Viêt-nam tout court, mais en pays communiste... Et je lisais récemment dans les journaux – une coupure de journaux que je n'ai pas ici, mais que j'ai à mon bureau – on parlait de la corruption gouvernementale au Viêt-nam. Alors, je ne sais pas, les moeurs, là aussi, sont probablement moins transparentes que chez nous, mais le gouvernement est au Viêt-nam. Si la Caisse est là, elle va certainement vouloir faire des placements. Elle n'est pas là pour permettre à des administrateurs d'aller passer une vacance sur la baie de Hanoi ou la mer de Chine, alors je présume qu'ils vont faire des affaires. Mais tout ça, M. le Président, je vous le rappelle, c'est le bas de laine des Québécois qui se promène comme ça à Hanoi, en Pologne, au Mexique. C'est notre bas de laine à nous. On est rendu qu'on fait des placements un peu partout, et le ministre des Finances, qu'est-ce qu'il nous dit-il? Le ministre des Finances nous dit que tous ces placements-là sont faits parce que la Caisse a une vocation qui est autre chose que d'administrer le bas de laine des Québécois, autre chose que de faire profiter nos placements, mais aussi, nous dit-il, il faut que la Caisse de dépôt serve à la promotion économique du Québec.

M. le Président, j'en suis. J'ai ici, devant moi, le discours que prononçait un des plus grands premiers ministres du Québec, l'honorable Jean Lesage, le 9 janvier 1965. Un discours prononcé ici, en cette Chambre où, justement, M. Lesage, premier ministre du Québec, faisait son discours de principe sur la loi qui créait la Caisse de dépôt et placement du Québec. Jean Lesage disait ceci: «À cet égard, les intérêts de la population du Québec sont multiples. Il faut indiscutablement assurer aux dépôts la sécurité que l'on est en droit d'attendre d'un organisme convenablement géré. Il faut, en particulier, protéger les sommes accumulées contre l'érosion de la hausse des prix que, depuis de nombreuses années, le Canada, pas plus que les autres pays du monde, n'a pu éviter. Le projet de Caisse de dépôt prévoira donc la possibilité d'investir une fraction appréciable de l'actif dans d'autres titres que ceux qui ont une valeur fixe.»

Il parlait, bien sûr, des actions de compagnies. Et, là-dedans, on disait que les objectifs de la Caisse étaient doubles: premièrement, faire fructifier le fonds de pension des Québécois, bien sûr; et, deuxièmement, aussi – et je vais y référer, M. le Président, dans un instant si vous me le permettez – s'assurer de venir en aide au développement économique au Québec. Donc, double objectif: un, faire fructifier le fonds de pension des Québécois; et, deux, faire en sorte qu'on puisse jouer un rôle dans le développement économique du Québec. Mais Jean Lesage insistait sur la prudence élémentaire qu'il doit y avoir à des objectifs économiques et financiers.

Et, un peu plus loin dans son discours, Jean Lesage parlait aussi d'autres choses. Il parlait – vous me permettrez, M. le Président, que je cite un autre extrait de son discours – justement du rôle de la Caisse dans ses placements un peu partout à travers le monde – enfin, ses placements, à ce moment-là, il ne parlait pas d'à travers le monde – et il faisait une comparaison entre la Société générale de financement et la Caisse de dépôt. Et Jean Lesage disait ceci: «Si, dans ce sens, la Société générale de financement est un entrepreneur conformément à la définition qu'on en donnait au XIXe siècle, elle doit prendre des initiatives, courir des risques – on parle de la SGF, là – préparer des projets et faire en sorte qu'ils se réalisent.» Et d'ajouter Jean Lesage: «Au contraire, la Caisse de dépôt et placement n'a pas à remplir ce rôle. Elle n'est pas un entrepreneur, mais un réservoir de capitaux. Ce n'est pas sa fonction de créer des entreprises.» Donc, Jean Lesage disait que la Caisse ne doit pas courir des risques comme la SGF, ne doit pas, non plus, créer des entreprises.

(16 heures)

Or, M. le Président, c'est ici que se crée un problème. Un problème parce que le ministre des Finances du Québec, lui, a une vue totalement et diamétralement opposée à ça. Le ministre des Finances nous a dit en commission parlementaire que le rôle de la Caisse de dépôt est aussi de prendre des risques, que le rôle de la Caisse de dépôt est d'aider les pays en voie d'émergence. Nous avons, dit-il, un rôle social à jouer comme société québécoise, mais le ministre voulait et dit qu'on doit utiliser la Caisse de dépôt pour jouer ce rôle social du pays riche qui vient en aide aux pays pauvres. Moi, je n'ai absolument rien contre le fait que des pays comme le Canada, les États-Unis ou la France aient des politiques d'aide au tiers-monde. C'est normal. Le Canada a l'ACDI pour ça, l'Agence canadienne de développement international, où on met des capitaux de risque. C'est bien évident que ces capitaux-là, on ne les revoit presque pas. On sait qu'on met 1 000 000 000 $, 2 000 000 000 $ par année pour venir en aide au tiers-monde, bon, il y a des sociétés canadiennes, là-dedans, qui réussissent à avoir des contrats un peu partout, mais l'argent, à toutes fins pratiques, est perdu, est donné.

Or, le ministre des Finances a fait un parallèle avec la Caisse de dépôt, M. le Président. Il nous a dit que la Caisse de dépôt doit aussi jouer un rôle semblable. Et je l'ai entendu de mes oreilles, et mes collègues aussi. C'est à ne pas y croire. Bien, on va regarder dans les écrits qui vont sortir de la commission parlementaire. Le ministre des Finances nous a dit que la Caisse de dépôt a un rôle à jouer dans ce sens-là, et ça, je dois dire que nous ne sommes absolument pas d'accord avec ça. Pas d'accord. La Caisse n'a pas à risquer le moindre sou, le moindre dollar dans de l'aide à des pays pauvres et qu'on voudrait aider parce qu'ils sont pauvres et qu'on voudrait qu'ils s'en sortent.

Moi, je veux bien qu'on fasse ça quand on est un pays souverain, que le Canada le fasse, que les États-Unis le fassent. Le Québec, avec ses 7 000 000 d'habitants, a-t-il les moyens de faire ces choses-là? Je ne pense pas. Je pense que c'est plutôt un rôle qui appartient à un gouvernement comme celui du Canada. Mais, si le gouvernement veut le faire, le gouvernement du Québec, bien, qu'il prenne de ses propres fonds à lui, pas notre fonds de pension à nous, M. le Président, pas le fonds de pension des Québécois, pas le bas de laine des Québécois pour ça. Ce n'est pas le rôle de la Caisse de dépôt de venir en aide aux pays sous-développés, en voie d'émergence, et de créer de l'emploi dans ces pays-là ou, enfin, de leur faire la charité. Ce n'est pas son rôle.

La Caisse de dépôt, elle doit s'en tenir à bien gérer ses finances, son portefeuille, essayer d'obtenir le meilleur rendement possible de ses placements soit dans les actions, soit dans les obligations, soit dans les investissements qu'elle peut faire dans les entreprises québécoises, et accessoirement elle doit aussi voir à faire en sorte de stimuler le développement économique au Québec. Ça, M. le Président, on est d'accord avec ça. La Caisse peut investir dans des entreprises de haute technologie, les aider à se développer. Elle peut prendre des participations si ça peut être de nature à créer de l'emploi, dans la mesure où c'est fait avec prudence et où on ne risque pas d'une façon indue les fonds qui sont investis. Mais de là, M. le Président, à aller jouer un rôle sur la scène internationale, un rôle de pompier international qui vient en aide aux pays en voie d'émergence, ça, c'est risqué, ça ne fait pas partie du mandat de la Caisse de dépôt. Et j'espère que le ministre des Finances va revenir sur ce qu'il a dit en commission parlementaire, va se dédire et va dire aux gens de la Caisse de dépôt qui l'ont entendu qu'il s'est trompé en commission parlementaire et que ce n'est pas ça qu'il voulait dire. Parce que, si c'est ça, on se prépare des lendemains qui déchantent.

M. le Président, je vais conclure parce que je vois que mon temps achève. Dans le projet de loi, on a voulu introduire d'autres articles, comme, par exemple, créer des filiales en matière immobilière. Nous ne sommes pas d'accord avec ça parce que la Caisse de dépôt a déjà perdu assez d'argent dans le domaine immobilier que je ne pense pas qu'on doive multiplier les filiales. Elle veut également se faire autoriser à investir justement dans les pays étrangers encore plus d'argent qu'avant, un pourcentage plus élevé. Nous avons tenté, M. le Président, de limiter au maximum cette possibilité-là et, bien sûr, nous avons voté contre l'adoption de ce projet de loi là en commission parlementaire.

Il y a dans le rapport financier de la Caisse une infinité – infinité, le mot est fort un peu – un grand nombre de compagnies qui sont les filiales de la Caisse de dépôt. Il y en a quelque chose comme 75 ou 80, des compagnies à numéro qui détiennent des immeubles, qui sont dans le domaine immobilier. La plupart de ces compagnies-là, le Vérificateur général n'a pas le droit de les vérifier. Ce n'est pas lui qui les vérifie, ce sont des vérificateurs privés. M. le Président, nous avons des problèmes avec ça, d'abord parce que c'est dans le domaine immobilier. Ce sont des compagnies qu'on multiplie à foison et qui, donc, n'ont pas cet aspect de transparence qu'on peut avoir quand on connaît le nom de la compagnie et qu'on connaît également les administrateurs. Quand ce sont des filiales, ça a pour effet de diluer un peu encore la transparence. Que le Vérificateur général ne puisse pas les vérifier, bien, évidemment, ça a pour effet de mousser notre intérêt davantage et surtout nos doutes quant à la transparence de tout ça.

Alors, M. le Président, pour ces raisons-là, parce que le gouvernement n'a pas voulu se rendre à nos principales objections, je dois dire que, malheureusement, nous avons voté contre le projet de loi en commission parlementaire, et nous allons encore voter contre à toutes les étapes de l'adoption de ce projet de loi là. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Laporte. M. le ministre, je tiens à vous mentionner que vous avez d'abord, comme auteur, un droit de parole de 30 minutes et qu'ensuite, après chacune des interventions, vous avez droit à cinq minutes de réplique. M. le ministre.

M. Landry (Verchères): C'est pour ça que je me levais, M. le Président.

M. Bourbeau: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: Selon le règlement, le droit de parole du ministre sur un projet de loi comme ça, est-ce qu'il peut s'exercer après l'opposition ou s'il ne doit pas s'exercer au début et c'est la réplique qui vient après?

Le Vice-Président (M. Pinard): Je tiens à vous mentionner que... Je reviens sur ce que j'ai mentionné tout à l'heure. Après chaque allocution, le ministre a un droit de réplique de cinq minutes, mais je lui ai également souligné qu'il a aussi, comme auteur, un temps de parole de 30 minutes en vertu de l'article 253. Alors, il ne l'a point utilisé. Vous vous êtes levé, je vous ai donné votre droit de parole. Maintenant, à ce stade-ci, M. le ministre, est-ce que vous voulez utiliser votre droit de réplique de cinq minutes? Alors, M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui, je vais utiliser, à bon escient d'ailleurs, le cinq minutes de réplique parce que, dans ce que le député de Laporte a dit, il y a des choses qui méritent une réplique immédiate et qui doivent être consignées au Journal des débats .

Il a insisté lourdement sur le fait qu'il avait lu le discours de Jean Lesage en 1962 ou 1963, et je l'ai lu, moi aussi. J'ai même vraisemblablement contribué à sa rédaction, puisque, avec Michel Bélanger, André Marier et d'autres, nous préparions ces textes pour le premier ministre. Mais, les années soixante, c'étaient les années soixante, et c'est ça, l'essentiel de ma réplique.

Le député de Laporte, on dirait, a laissé mourir l'évolution de sa pensée en 1960. Si Jean Lesage avait à refaire le même discours aujourd'hui à la place du député de Laporte, il n'aurait pas fait le même. C'est ça que le député de Laporte n'a pas compris, et sa formation politique, en votant contre la loi, puisqu'il est survenu – et ce n'est pas le Québec qui l'a provoqué, ce phénomène – un phénomène d'une importance cruciale qui s'est appelé la globalisation de l'économie mondiale...

Qu'on trouve que c'est positif ou négatif est une autre affaire. Je pense que le sort de l'humanité sera favorablement affecté par ce phénomène, personnellement, mais là n'est pas la question. La question, c'est que la chose est survenue et que, quand Jean Lesage s'était levé pour faire ce discours, Jacques Parizeau n'était pas encore allé à Francfort vendre des obligations du Québec à la Dresdner Bank en particulier et à la Commerzbank et le Québec n'avait pas commencé encore à emprunter au Japon. En d'autre termes, l'univers financier, qui était celui des courtiers de Montréal et de Toronto, du temps de Jean Lesage, parce que Jean Lesage était de son temps... Aujourd'hui, si Lesage avait à faire le même discours, il saurait que le Québec emprunte au Japon, que le Québec emprunte en Allemagne. Il saurait que les capitaux circulent à la vitesse de l'éclair. On ne le sait que trop, d'ailleurs. Les scientifiques qui disent que les battements d'un papillon à Pékin peuvent provoquer une tornade en Floride, bien, ils savent maintenant que c'est vrai dans le domaine financier aussi. Alors, c'est ce manque de modernité qui pousse les libéraux à voter contre nos amendements.

Quant aux quelques histoires d'horreur qu'il a évoquées, une histoire d'horreur est une histoire d'horreur, remarquez. Si la Caisse de dépôt peut se tenir loin de ça, tant mieux. Le député de Laporte a dit: C'est vrai que beaucoup d'autres l'ont fait, mais ce n'est pas une excuse, et le gouvernement ne défendra jamais l'inefficacité, ni la sienne ni celle des autres. C'est vrai qu'une grande partie de notre énergie passe à dénoncer leur inefficacité qui nous a plongés dans la crise financière que l'on sait; mais, que l'inefficacité soit la leur, ou celle de la Caisse de dépôt, ou de quiconque, elle doit être dénoncée, et là-dessus on n'a pas de querelle avec le député de Laporte.

(16 h 10)

Enfin, je lui rappelle que la Caisse de dépôt, c'est la Caisse de dépôt et placement. Ce n'est pas une caisse d'aide, et on n'a jamais pensé que la Caisse devait aider quiconque, en termes d'aide internationale. On pense que la Caisse, prenant acte de la globalisation des marchés, prenant acte du fait que nos entrepreneurs sont dans toutes les parties du monde à construire des maisons, à construire des immeubles, à avoir des hypothèques qu'ils détiennent suivant les lois de ces pays et que les grands banquiers du monde le font pour accompagner leurs entrepreneurs, la Caisse de dépôt doit le faire aussi, mais toujours avec les normes de prudence, toujours en se rendant compte qu'elle est une organisation de placement, et c'est ces nuances que le député de Laporte et ses collègues n'ont pas comprises ou, en tout cas, qu'ils n'ont pas faites dans leurs discours.

La Caisse de dépôt a d'excellents rendements. Le fait qu'elle était limitée dans la proportion d'actions qu'elle peut détenir l'entravait dans son développement. Mais ça, au moins, c'est accepté en principe par nos amis d'en face, je pense qu'il faut le souligner. Ils n'étaient pas tout à fait d'accord sur le chiffre, mais, en tout cas, ils ont fait ce petit geste vers la modernité. C'est dommage qu'ils n'aient pas pu aller jusqu'au bout de la pensée qui serait celle aujourd'hui, j'imagine, sans vouloir offenser sa mémoire, de Jean Lesage.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Finances et vice-premier ministre. Alors, nous cédons maintenant la parole au député de l'Acadie. M. le député, vous avez un temps de parole de 10 minutes.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, je trouvais important d'intervenir à cette étape-ci de l'étude du projet de loi n° 168, c'est-à-dire au moment de la prise en considération du rapport. Le député de Laporte a fait référence à un certain nombre de points qui ont été soulevés en commission, et je vais me permettre peut-être, dans les quelques minutes que j'ai à ma disposition, de souligner ou de revenir sur certains autres points qui n'ont pas été mentionnés. Tout d'abord, juste signaler que la Caisse de dépôt est une institution extrêmement importante, au Québec. Son importance est capitale dans l'économie du Québec. Cette institution-là a été mise en place par le gouvernement libéral qui était alors dirigé par M. Jean Lesage qui avait pris une décision qui s'est avérée par la suite extrêmement importante pour la population du Québec et pour l'économie.

Faut souligner qu'aujourd'hui la Caisse de dépôt et placement gère les fonds de 18 caisses de retraite et des régimes d'assurance publics pour un total de 62 000 000 000 $. Alors, c'est là que l'argent de tous les concitoyens québécois se retrouve aujourd'hui, et ça doit être administré, tel qu'était l'objectif au départ, de façon à assurer la meilleure rentabilité possible de ces argents, mais toujours en gardant à l'esprit que c'était le fonds de pension des Québécois et que le fonds de pension, on ne joue pas avec ça. On l'administre d'une façon très rigoureuse, très serrée, en étant peut-être plus sécuritaire que de prendre des risques, parce qu'il s'agit de l'argent qui va nous permettre, à tous les citoyens du Québec, de prendre une retraite un jour ou l'autre.

Alors, c'est une institution qui est excessivement importante. Et, quand on parle de 62 000 000 000 $, ce n'est pas de la petite monnaie, ça, là, 62 000 000 000 $ qui se retrouvent là, qui appartiennent à tous les concitoyens du Québec. C'est notre argent, et la Caisse de dépôt et placement a l'obligation de gérer ces fonds-là de la façon la plus rentable possible, mais aussi avec le plus de sécurité possible. Évidemment, il y a un équilibre à trouver entre des rendements optimaux et la sécurité des placements, alors c'est à la lumière de ça qu'on doit regarder un peu cette question-là.

Un des points avec lesquels l'opposition était d'accord – on y a fait référence – c'est le fait de lever le pourcentage, de 40 % maximum, de placement dans des actions. Et on sait aujourd'hui que les fonds de pension – par exemple, on pense à l'Ontario Teachers Plan – placent beaucoup plus que 40 % dans des actions. Le député de Laporte a fait référence à l'évolution récente des taux d'intérêt, au niveau des obligations, qui a poussé les organismes de placement à aller plus du côté des actions, ce qui s'est avéré aussi, au cours des dernières années, être des bons placements. Évidemment, la limite de 40 % peut-être limitait un peu l'action de la Caisse, et, dans cette optique-là, l'opposition était d'accord pour que ce 40 % soit levé. Alors, essentiellement, je vais m'en tenir à ça pour cette question-là.

Le deuxième point sur lequel j'aimerais revenir, c'est la question qui concerne la possibilité pour la Caisse d'investir dans une société. Antérieurement, c'était 30 %. 30 % de la société pouvait appartenir à la Caisse, mais pas plus que 30 %. Alors, ce 30 % là a été levé, et on fait référence ici, M. le Président, à des investissements dans des sociétés qui sont en phase de démarrage ou de prédémarrage, pour favoriser la relève, la transition, la réorganisation ou la croissance antérieure à une émission publique. Alors, on voit que, dans ce cas-là, il s'agit de placements dans des entreprises relativement petites qui ont un bon potentiel et qui sont au tout départ. Dans certains cas, ça pourrait être du démarrage ou du prédémarrage. Et la Caisse avait le droit d'aller jusqu'à 30 % de la valeur de l'entreprise. Alors, cette limite-là de 30 % est maintenant levée.

Ce à quoi il faut faire attention, c'est que la Caisse ne doit pas non plus devenir un entrepreneur, partir des entreprises. La Caisse a peut-être la responsabilité d'aider des entreprises à se mettre en marche mais ne doit pas devenir un entrepreneur. Et le député de Laporte a fait référence au discours de M. Lesage, qui disait très bien que la Caisse n'avais pas comme rôle de devenir un entrepreneur.

Je veux également souligner, à ce niveau-là, que j'ai attiré l'attention du président de la Caisse, au moment de nos discussions, sur un problème qui est apparu au cours des dernières années et qui est important, et je veux juste le signaler très rapidement ici. Les petites entreprises qui viennent à la Caisse pour obtenir de l'aide au niveau financier se trouvent évidemment à mettre sur la table l'ensemble de leurs données, l'ensemble de leurs livres et à les ouvrir de façon très claire pour que les responsables de la Caisse puissent prendre des décisions. Mais il s'est avéré dans certains cas que ces responsables de la Caisse qui ont eu à analyser certains dossiers se sont retrouvés du jour au lendemain, après avoir quitté la Caisse, dans le privé et, dans le privé, ont agi à titre individuel en compétition avec les entreprises qu'ils avaient eu à analyser au moment où ils étaient à la Caisse. Alors, vous voyez, M. le Président, le problème que ça peut poser.

Il y a un problème de déontologie, d'éthique sur lequel j'ai attiré l'attention du président de la Caisse. Les entrepreneurs qui vont venir à la Caisse et qui doivent ouvrir leurs livres, ils doivent le faire en toute confiance. Il ne faudrait pas que ces gens-là commencent à se dire: Bien, la personne qui est en train d'analyser mon dossier, demain matin, elle sera peut-être sur le marché privé en train de me faire compétition à partir des informations, de la connaissance qu'il a de mon entreprise. On est ouvert, disons, à cette question-là du rôle que peut jouer la Caisse de dépôt vis-à-vis ces petites entreprises, mais ce problème-là est important. On l'a signalé au président, et le président nous dit qu'ils sont en train actuellement de regarder toute la question du code de déontologie et qu'ils vont chercher à apporter certaines mesures correctives à ces choses-là.

M. le Président, l'autre point – je veux y revenir – c'est la question des placements immobiliers à l'étranger. Je pense que le député de Laporte, qui est notre porte-parole en matière de finances, y a fait référence. Ça devient extrêmement inquiétant de voir que la Caisse de dépôt, qui doit gérer dans une optique de sécurité – comme je l'ai mentionné tout à l'heure – ou pour des fins de développement économique, au Québec, les fonds de tous les concitoyens, se mette à faire des placements dans des pays très instables au plan politique, au plan économique et qui ont aussi une autre culture, totalement.

C'est déjà difficile de faire affaire dans le domaine immobilier au Québec ou en Amérique du Nord, alors pourquoi la Caisse va-t-elle à l'étranger dans des secteurs comme les résidences, comme de l'hôtellerie, prendre notre argent et le placer là-dedans où il y a des risques énormes? La Caisse a la liberté, a la possibilité d'y aller, mais elle a aussi la responsabilité d'évaluer les risques qu'elle prend et les risques qu'elle fait courir à tous les concitoyens du Québec. Et ça ne nous semble pas, à nous, une approche judicieuse de vouloir aller dans ces pays-là pour aider ces pays-là.

Le ministre des Finances, au moment de nos discussions, a mentionné – je me souviens très bien des mots qu'il avait utilisés – qu'il fallait mettre nos ressources à la disposition des pays en voie d'émergence. Ce n'est pas le rôle de la Caisse de dépôt. On n'est pas contre le fait que le gouvernement du Québec puisse concevoir qu'il est de sa responsabilité d'aider des pays en voie de développement, les Québécois le font actuellement par le biais de l'ACDI, qui est au gouvernement fédéral, mais ce n'est pas le rôle de la Caisse d'aider les pays en voie de développement. Si le gouvernement du Québec veut assumer ce rôle-là, qu'il crée un fonds à cette fin-là et on aura l'occasion de discuter de la pertinence de ça. Mais ce n'est absolument pas dans le rôle actuel de la Caisse de prendre ces argents et de les risquer dans des projets au Viêt-nam, en Pologne ou au Mexique.

Et quand il y aura eu des erreurs qui se seront produites, des mauvais placements qui seront faits et que les Québécois se poseront des questions, comme ils se sont posé des questions dans le cas de Bre-X, bien, je pense que le gouvernement, à ce moment-là, devra répondre. Et l'opposition pourra dire au gouvernement et pourra dire à la population qu'on a attiré l'attention du gouvernement à de nombreuses reprises sur les risques qui étaient pris à ce moment-là par la Caisse de dépôt pour des fins qui n'étaient pas dans son mandat essentiellement.

(16 h 20)

Alors, je pense que c'est important, M. le Président, de bien situer cette question-là. C'est d'autant plus important que la Caisse semble s'aventurer dans des orientations qui n'étaient pas prévues au départ, qui ne font pas partie actuellement de son mandat. Et je dis que c'est d'autant plus important, d'autant plus inquiétant que ça arrive dans un contexte où on refuse également au Vérificateur général du Québec d'assumer le rôle qui lui a été confié par l'Assemblée nationale, ici, c'est-à-dire par les élus des deux côtés qui ont demandé au Vérificateur général, qui ont créé cette institution qui fait en sorte que le Vérificateur est nommé avec la confiance de la majorité du gouvernement et de l'opposition. Et actuellement, la Caisse agit d'une façon telle que le Vérificateur général ne peut pas remplir son mandat; il n'est pas en mesure de venir rassurer, par le biais de l'Assemblée nationale, la population du Québec sur la justesse et la valeur des décisions qui sont prises à la Caisse de dépôt et placement.

Alors, M. le Président, c'étaient les points sur lesquels je voulais attirer votre attention, et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, M. le député de l'Acadie. Nous cédons maintenant la parole au député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Comme le porte-parole de notre formation politique le faisait savoir, nous avons de grandes réserves à appuyer ce projet de loi là, et bien sûr les raisons qu'il expliquait sont assez éloquentes pour convaincre la grande majorité des Québécois et des Québécoises qui nous écoutent du bien-fondé de notre position.

Car, en effet, M. le Président, nous retrouvons dans ce projet de loi là un certain nombre de principes qui semblent aller à l'encontre de la bonne gestion et de la bonne administration de ce qu'est un fond de pension, car on parle des épargnes des Québécois et des Québécoises. Une vingtaine d'organismes ou de regroupements du Québec, des gens de la construction, de l'Office de la protection du consommateur, la Régie des rentes, enfin beaucoup de... la majorité sinon la totalité des Québécois et des Québécoises dépendent des rendements de la Caisse de dépôt pour assurer leur avenir. Et, à un moment donné où on est en train d'augmenter de manière très, très importante les cotisations que les gens vont devoir payer à la Régie des rentes du Québec pour être capable, avec un point d'interrogation, malgré tout, de verser, vers l'an 2002, 2003 et plus tard, des pensions et des rentes à nos compatriotes, bien, à ce moment-là, nous devons faire en sorte d'être très prudents en ce qui concerne les investissements des sommes qui sont dans cette Caisse qui a été créée par les libéraux, par le gouvernement libéral de M. Lesage, en 1965, comme le ministre des Finances le disait, qui est encore une des grandes réalisations libérales qui a vu toute l'évolution du Québec moderne, à l'époque où le Parti libéral était au pouvoir.

Or, M. le Président, non seulement nous devons être prudents, mais nous devons aussi agir avec discernement. Et là je vois des choses dans ce projet de loi là qui sont totalement surprenantes venant de la part d'une organisation comme celle-là. On parle de l'aide au tiers-monde. C'est évident que le Parti québécois, pour défendre son option séparatiste, essaie d'avoir une présence internationale; il essaie de jouer à l'ACDI, il essaie de jouer au pays. Alors, vu qu'il n'a pas de fonds pour faire ça, eh bien, il s'engage ou il s'organise pour engager la Caisse de dépôt dans des projets qui relèvent plus de l'aide internationale que du sain investissement et de la saine gestion financière.

M. le Président, investir à Cuba, investir au Viêt-nam ou investir en Amérique du Sud, on a déjà vu ça, au Québec. Souvenons-nous, il y a quelques années, lorsque les banques canadiennes sont allées investir en Amérique du Sud. Qu'en est-il résulté? Il en est résulté des pertes phénoménales...

Une voix: Une bonne question.

M. Gobé: ...700 000 000 $ pour la Banque Nationale; 1 500 000 000 $ pour la Banque Royale. Vous souvenez-vous de ça, M. le Président? Moi, je m'en souviens puis les Québécois et les Québécoises et les Canadiens s'en souviennent parce que ça a eu un effet direct sur les taux d'intérêt qu'on a dû payer par la suite. Pourquoi ces pertes? Parce qu'ils avaient investi dans des projets de développement dans ces pays de tiers-monde ou en voie d'émergence, et ces résultats n'étaient pas à la hauteur de ce qu'ils espéraient. Et c'est ça qui peut arriver à la Caisse de dépôt.

On n'a aucun contrôle là-dessus. Des pays où règne la corruption, où règne l'instabilité politique. M. le Président, est-ce qu'on va confier nos épargnes, l'avenir des retraités québécois et québécoises, entre autres, des gens de la construction, ceux qui nous écoutent maintenant à ce genre de situation, ce genre d'incertitude? Moi, je dis non. Je ne peux pas être d'accord, je ne peux pas en être, premièrement, M. le Président.

On remarque aussi que la Caisse va multiplier les filiales d'investissement immobilières. Il suffit de voir la déconfiture que l'immobilier a connue, à titre d'exemple, dans la région de Montréal ces dernières années pour se rendre compte que les investissements immobiliers ont baissé de 20 %, 30 %, 40 %, 50 %. Et c'est à ça, ce genre d'investissement là, que l'on tend à confier nos épargnes, nos fonds de pension? Vous me permettrez, au nom des Québécois et des Québécoises qui nous élisent en cette Chambre pour voir à leurs intérêts, à leur avenir, d'avoir de sérieux doutes et de partager l'opinion du député de Laporte, notre collègue porte-parole en ce qui concerne les finances et la Caisse de dépôt, quant à cette manière de gestion.

Alors, peut-être, dans ce projet de loi là, M. le Président, on pourra trouver quelques améliorations. Peut-être le fait de pouvoir augmenter le capital d'actions peut être quelque chose qui correspond à la modernité. Mais, là encore, faisons attention. Il suffit de regarder, il y a quelques semaines, un mois, vous avez vu, tous nos compatriotes, tous les Québécois, les Québécoises qui ont des placements à la Bourse, dans les fonds mutuels ou les fonds de placement ont pu voir la dégringolade de la Bourse. On a vu Bre-X – le porte-parole de notre parti le mentionnait – où des titres de haute spéculation ont fait en sorte que des milliers et des dizaines de milliers de petits épargnants étaient ruinés. Est-ce que, là aussi, on ne doit pas tirer une sonnette d'alarme lorsqu'on voit ce que le ministre amène?

M. le Président, ce qui nous amène aussi à penser ça, c'est que le gouvernement, la Caisse de dépôt se refusent obstinément à laisser le Vérificateur général vérifier l'optimisation des ressources à la Caisse de dépôt. En d'autres termes, ils ne permettent pas au Vérificateur général d'aller regarder la qualité des placements, la qualité des investissements, et ça, c'est grave. Pourquoi est-ce qu'on empêche une personne comme le Vérificateur général de faire ça si ce n'est parce qu'il y a peut-être des choses qui ne sont pas plaisantes à voir ou qui pourraient, si elles étaient révélées, déranger les Québécois et leur démontrer la vraie réalité du fonctionnement de la Caisse et des mauvaises décisions que le gouvernement prend dans ce domaine-là? Et j'aurai l'occasion de revenir, en terminant, dans quelques minutes, sur un exemple parfait de cachotterie et de mauvaise décision qui était pour être prise par le gouvernement en ce qui concerne la Caisse de dépôt et l'épargne des Québécois.

M. le Président, on nous demande, en fin de session – toujours en fin de session, d'ailleurs, les projets de loi du ministre des Finances, comme si, à trois jours de Noël, les débats étaient clos – d'adopter ce projet de loi là et on nous dit: Faites-nous confiance, soyez dans la modernité. Nous, ce dont on a l'impression, c'est que le gouvernement, d'abord, essaie de subordonner le mandat de la Caisse de dépôt à son option indépendantiste. Ça, c'est la première des choses. Et ça, c'est en allant, bien sûr, à l'étranger, et ça, je le disais, c'est quelque chose de très dangereux. Je pense qu'il y a au Québec assez d'entreprises, assez d'occasions d'investissement et de développement et je crois que, avant d'aller développer l'économie cubaine ou d'aller construire des maisons en Pologne, bien, qu'on pourrait certainement développer ou aider l'entreprise québécoise à se développer. Je pense que c'est une des bonnes choses à faire.

(16 h 30)

Autre chose, M. le Président, lorsque le ministre nous dit que c'est pour répondre à la modernité puis que, bon, ça va bien, qu'il faut faire confiance, moi, je rappellerai que, lorsque nous avons eu le référendum, personne, dans toute la campagne référendaire, n'a dit aux Québécois que, si le Oui passait, il faudrait prendre 8 000 000 000 $ des argents de la Caisse de dépôt pour acheter des obligations du Québec à l'étranger pour éviter que ça tombe. On était prêt à sacrifier 8 000 000 000 $. Et ce n'est pas moi qui le dis, j'ai là, dans L'actualité du 1er juin 1996, un reportage avec déclaration de l'ancien premier ministre: Plan O: l'opération secrète de Parizeau . Et, pour que les gens le voient, je le montre très bien. Et il était dit dans ce document: «Le plan O évaluait les liquidités et les swaps – les titres en dépôt, au besoin – de la Caisse de dépôt à 8 000 000 000 $ au 30 octobre [...]. Les 8 000 000 000 $ de la Caisse de dépôt représentaient 12 % de l'actif de l'institution, un niveau sans précédent, qui ne garde habituellement en liquidités que 4 % à 5 % de son actif. On s'était même préparé pour un référendum hâtif: le président du conseil, Jean-Claude Scraire, a confirmé à L'actualité qu'au printemps 1995 la Caisse de dépôt disposait déjà de 6 000 000 000 $ liquides. "Nous avions aussi des obligations américaines".»

M. le Président, on était prêt à utiliser à perte, à faire disparaître dans un gouffre de dévaluation d'obligations les épargnes, 6 000 000 000 $ des épargnes des Québécois et des Québécoises, pour essayer de compenser les problèmes et de compenser les pertes engendrées par une victoire du Oui. Et là on nous dit maintenant que nous ne sommes pas dans la modernité, on nous dit maintenant qu'il faut regarder la Caisse de dépôt à la lumière de la situation actuelle, aujourd'hui. Moi, je dis: Attention! Danger! Là où ce gouvernement légifère dans les finances, là où il passe, ou il y a taxation, ou il y a camouflage de fonds, ou il y a camouflage de volonté ou de politiques prévues à l'avance, comme il était prévu de dépenser les 6 000 000 000 $ de la Caisse de dépôt, 8 000 000 000 $ même, pour soutenir les obligations du Québec le lendemain du référendum. Alors, je suis contre le projet de loi, nous serons contre tant que le gouvernement arrivera à légiférer dans ce genre de choses là, car ce n'est pas dans le meilleur intérêt des Québécois et des Québécoises.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. M. le ministre des Finances, en réplique, vous avez un droit de parole de cinq minutes.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui. Notre code de procédure est très sage, M. le Président, que d'avoir prévu ce cinq minutes quand des énormités comme celles qu'on vient d'entendre en particulier sont proférées. Les relever toutes relèverait d'une tâche titanesque, mais je vais aller aux principales et aux plus urgentes.

D'abord, la modernité. C'est vrai que la modernité, quand on regarde un tant soit peu ce qui s'est passé dans le monde depuis la Deuxième Guerre mondiale, c'est celle des indépendances nationales. Il y a 150 pays aux Nations unies; on ne se rendait pas à 100 du temps de l'Organisation des Nations qui a précédé la Deuxième Guerre, et ça a pris quand même un certain nombre d'années. Il y a eu un flot de décolonisation, c'est vrai, africaine surtout, mais non moins moderne. Ça n'a jamais été moderne, ni avancé, ni contemporain que des nations en dominent d'autres, que ce soit la France dominant des nations de l'Afrique australe, ou que ce soit la Belgique, ou que ce soit l'Angleterre. Donc, la modernité, ça a été les indépendances nationales depuis la Deuxième Guerre mondiale. Il y a eu un formidable coup d'accélérateur depuis cinq ans, 30 nouveaux pays, dont aucun d'ailleurs sauf erreur n'a, et de loin, la puissance économique du Québec, et ceci survient précisément à un moment où, les marchés se globalisant, la pertinence des nations est de plus en plus éclatante, de plus en plus fulgurante.

Que l'on globalise les questions matérielles, que les barrières tombent pour la circulation des biens, des services, des capitaux, puisqu'on discute justement du cas de la Caisse de dépôt et placement, très bien, mais les peuples ont senti d'instinct que la diversité humaine était bien mieux servie par les indépendances nationales et par les souverainetés. Et le Québec, à peu près d'ailleurs au même moment, a entrepris ce chemin.

Quand Jean Lesage a fait le discours auquel a référé le député de Laporte dans son intervention précédente, il y avait 1 % de souverainistes au Québec et 99 % de fédéralistes. Tout le monde était fédéraliste, y compris Jacques Parizeau, et y compris votre humble serviteur, et y compris plusieurs autres. Mais le Québec se modernisant a inversé les choses d'une façon prodigieuse. Notre option, qui était marginale quand Jean Lesage a fait ce discours dans cette Chambre, a eu 60 % d'appuis francophones, il y a quelques années, 50 % de l'ensemble de la population, un sur deux, alors qu'on partait de un sur 100. Ne vous rendez-vous pas compte que votre option est en déconfiture à vitesse grand V? Et, si vous continuez à descendre comme ça, vous allez trouver du pétrole, alors que la nôtre, dans sa montée, est au bord d'obtenir la majorité nécessaire, et c'est une question de temps.

Et, quand cela va arriver, pour reprendre l'autre argumentation, bien, la Banque du Canada, puis la Caisse de dépôt et placement, puis tous les instituts d'émission sérieux au monde, puis le Mouvement Desjardins vont jouer de leur influence, la lourdeur des choses, pour empêcher, comme à l'occasion d'une élection présidentielle américaine ou d'une élection canadienne, voire d'une élection québécoise, que des mouvements intempestifs ne se produisent sur les marchés.

Parce que le fait de vivre dans des marchés libres, ça implique qu'il y a des spéculateurs. Ces spéculateurs existent et peuvent se porter sur la moindre aspérité, attirés par le gain comme ils le sont, et on n'a pas encore trouvé le système qui empêcherait une telle chose. La spéculation n'est pas bonne, mais, comme elle existe, bien les grandes institutions bancaires responsables, à l'approche de grandes échéances démocratiques, prennent des mesures pour ne pas donner prise à la spéculation. En faisant ça, la Caisse de dépôt, en plus, vous le savez, a fait énormément d'argent. Son travail responsable a été en plus un travail extrêmement lucratif.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre des Finances. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. À mon tour d'intervenir sur un projet de loi qui est hautement technique. Dès le début, on peut constater, au libellé même du projet de loi, que ce à quoi le gouvernement est en train de nous obliger, eh bien, c'est à donner toujours plus de pouvoirs à une institution comme la Caisse et en même temps moins de contrôle. On verra tantôt de quelle façon on a de moins en moins de contrôle sur la Caisse de dépôt. Au libellé même, c'est l'évidence même, M. le Président: «afin de supprimer les restrictions qui limitent son pouvoir d'acquisition en actions ordinaires, en unités de fonds indexés et ses pouvoirs d'investissement en immeubles et en hypothèques et de permettre le dépassement, dans certains cas, de la limite en actions ordinaires ou autres titres qu'elle peut détenir dans une même personne morale.» De plus, on veut avoir l'autorisation de créer des filiales pour l'exercice de nouvelles activités reliées à l'immobilier – et là il y a danger, on en reparlera – à la gestion de fonds, à l'offre et à la fourniture de services relatifs aux activités de placement.

Alors, je voudrais, à ce moment, au moins rappeler que la Caisse de dépôt et placement a été instituée le 9 juin 1965 sous le gouvernement libéral que M. Jean Lesage dirigeait à l'époque. À l'origine, la Caisse a été créée, d'abord et avant tout, pour recueillir les fonds de la nouvelle Régie des rentes et devenir un peu – on l'a qualifiée depuis – le bas de laine des Québécois. Elle gère 18 caisses de retraite et régimes d'assurance publics. Sa mission principale – et c'est important de se la rappeler – d'abord, c'est de réaliser un rendement financier optimum, ensuite de contribuer par son action au dynamisme de l'économie du Québec et, enfin, de veiller à la sécurité des capitaux qui lui sont confiés. Je répète: de veiller à la sécurité des capitaux qui lui sont confiés.

Au moment où le Vérificateur général faisait son rapport, au 31 décembre 1996, l'actif de la Caisse était de 57 200 000 000 $, il y avait plus de 3 000 000 de cotisants de la Régie des rentes du Québec, plus de 4 000 000 à la Société de l'assurance automobile et 430 000 aux régimes de retraite des employés du gouvernement.

J'aimerais, à ce moment-ci, tout de suite émettre des réserves et supporter l'argumentation du député de Laporte, des réserves face à la possibilité pour la Caisse de détenir plus de 30 % en actions ordinaires d'une société. Nous pensons qu'il serait dangereux de permettre à la Caisse de prendre le contrôle d'une entreprise. Et, lorsqu'on regarde les missions de la Caisse, bien ce n'est pas de contrôler les entreprises. Par exemple, la Caisse pourrait, à la limite, démanteler une entreprise et en vendre les actifs si les rendements de cette dernière ne satisfaisaient pas les objectifs de gains à court terme de la Caisse. Première réserve.

Deuxième réserve: celle de diversifier ses investissements en immobilier. Plusieurs placements de la Caisse en immobilier dans certains pays en voie de développement comportaient un risque élevé et les pertes furent importantes. Il faut toujours garder en tête que la Caisse gère l'épargne-retraite des Québécois et que des risques injustifiés sont inacceptables.

(16 h 40)

M. le Président, tantôt j'ai mentionné que ce projet de loi va permettre à la Caisse de dépôt d'avoir plus de pouvoirs puis d'un autre côté on est devant la situation où on a de moins en moins de contrôle. J'aimerais prendre le rapport du Vérificateur général, rapport de cette année, à la page 221. «La Loi sur le Vérificateur général a pour objet de favoriser, par la vérification, le contrôle parlementaire des fonds et autres biens publics, dont ceux des entreprises du gouvernement.» Et il ajoute un peu plus loin: «La Caisse – en parlant de la Caisse de dépôt et de placement – nous refuse toujours son accord pour amorcer les projets de vérification que nous jugeons importants. Pourtant, nous avons révisé les projets et les objectifs de vérification, de façon à y intégrer les préoccupations de la Caisse. À sa demande, nous avons également accepté de travailler en collaboration avec son vérificateur interne.»

M. le Président, pour être certain de ne pas faire d'erreur, je me suis permis de savoir ce que la Caisse avait à dire. Pourquoi la Caisse refusait de recevoir le Vérificateur général? Et toujours dans cet esprit: plus de pouvoirs, moins de contrôle. Alors, je pense qu'il faut au moins signifier la position de la Caisse. Le désaccord entre le Vérificateur général et la Caisse porte plutôt sur l'évaluation des ressources et des moyens utilisés par l'institution dans sa gestion. La Caisse considère que la responsabilité de cette évaluation relève en premier lieu de l'autorité du conseil d'administration. Pour réaliser cette évaluation, le conseil retient les services professionnels les plus compétents. Habituellement, il s'agit de grandes firmes indépendantes qui ont l'expérience et l'expertise les plus appropriées au secteur analysé.

Quand on regarde le mandat du Vérificateur général, eh bien, on s'aperçoit que c'est à lui de faire le travail de vérification tel que prévu à la loi qui est acceptée par l'Assemblée nationale. Et je reprends. «Or, un travail de vérification prévu par le Vérificateur général ne peut être confié sans contrôle à un vérificateur interne. Une telle façon de procéder constituerait une délégation illégale de pouvoirs.»

M. le Président, il faut bien comprendre quel est l'enjeu actuellement. D'un côté, la Caisse de dépôt nous dit: Nous, on va la faire, notre vérification, particulièrement sur l'optimisation des ressources; on va engager nos vérificateurs qui vont nous confirmer si oui ou non nos ressources sont optimisées. Alors que le Vérificateur général, de par la Loi du Vérificateur général, de par les pouvoirs de l'Assemblée nationale, on lui refuse d'aller vérifier ce qui se passe quant à l'optimisation des ressources à la Caisse de dépôt et de placement.

«Le Vérificateur général est tenu de remplir lui-même les devoirs que la loi lui impose et il ne peut pas s'en décharger sur un tiers, si compétent soit-il. Le mandat du législateur ne peut faire l'objet d'une cession de sa part en faveur d'une personne qui n'a pas été désignée pour ce faire par l'Assemblée nationale.» Tantôt j'écoutais notre collègue de Laporte qui nous signifiait que depuis qu'il y a eu des tractations entre le Vérificateur général et la Caisse il n'y a rien qui a changé. Je voudrais rappeler toujours ce principe, plus de pouvoirs dans le projet de loi, moins de contrôle par le Vérificateur.

C'est inquiétant, M. le Président. Moi, je l'ai vu, il n'y a pas tellement longtemps, il y a quelques jours, dans le projet de loi n° 176, sur la délégation de tous les pouvoirs du ministre de la Santé à qui il veut. Auparavant, on nous avait passé un autre projet de loi, il y a deux ans, celui d'avoir tous les pouvoirs au ministère de la Santé pour fermer n'importe quel centre hospitalier, sans aucun critère. Deux ans après, il nous dit: Bien maintenant je peux déléguer ces pouvoirs-là à qui je veux. C'est quoi, cet esprit, cette philosophie en arrière de laquelle le gouvernement semble prendre plaisir à donner plus de pouvoirs puis toujours moins de contrôle? J'aimerais ça bien saisir l'objectif qui est poursuivi dans ce cas-ci par le gouvernement.

M. le Président, ce qui s'est passé dans le cas de la compagnie Bre-X, je pense que c'est un exemple qui illustre les difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Encore là, pourquoi on refuse au Vérificateur de regarder le processus d'optimisation des ressources? Mon collègue de Laporte mentionnait que, si le Vérificateur avait pu travailler dans ce dossier, il aurait pu éviter – il était prêt à gager sa chemise, selon son expression... les Québécoises, les Québécois auraient pu éviter de perdre 80 000 000 $.

Je voudrais aussi souligner les déclarations de tous les députés en commission parlementaire, des deux côtés de la Chambre, en faveur de s'assurer que le Vérificateur général puisse rencontrer les gens de la Caisse de dépôt dans le dossier de l'optimisation des ressources et rappeler que, au nombre des députés, il y a l'ancien président de la Caisse de dépôt et placement qui, lui, est favorable à cette transparence, favorable à cette ouverture. M. le Président, je peux vous assurer, pour en avoir parlé avec mes collègues qui sont impliqués, dont le député de Laporte, que, sous un gouvernement libéral, il n'y aurait pas ce genre de problème. Tout serait transparent, et ce serait possible pour le Vérificateur général d'avoir toutes les informations de la Caisse.

Je termine – vous me faites signe – je termine en disant ou en questionnant: Pourquoi ne pas laisser le Vérificateur faire son travail tel que la loi le prévoit? Qu'est-ce que la Caisse a à cacher? Peut-être qu'ils n'ont rien à cacher, M. le Président, mais c'est important de nous permettre, comme parlementaires, de savoir ce qui se passe vraiment. Et, s'ils n'ont rien à cacher, je ne comprends pas pourquoi ils refusent encore la permission au Vérificateur de les rencontrer dans le dossier qui nous concerne, l'optimisation des ressources. Alors, je termine. Je supporte l'argumentation du député de Laporte, et, pour toutes ces raisons, nous allons voter contre le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais céder la parole à M. le ministre pour une intervention de cinq minutes. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui, M. le Président. Sur cette affaire du Vérificateur général, d'abord, qu'il me soit permis de remarquer que, si cette religion était si profondément implantée chez nos amis d'en face, pourquoi est-ce qu'ils n'ont pas mis le Vérificateur général sur la performance de la Caisse pendant les 10 ans qu'ils ont été au pouvoir? On a même une ancienne ministre des Finances dans cette salle. Alors, j'imagine qu'ils se sont convertis à cette doctrine, maintenant, de se porter à la défense du Vérificateur général, ce qui n'est pas une mauvaise chose, d'ailleurs. Le Vérificateur général, qui est un fonctionnaire qui émane de notre Assemblée et non pas du gouvernement, doit avoir la vue la plus profonde possible des choses, et déjà il passe, vous le savez, des milliers d'heures à vérifier les comptes de la Caisse de dépôt et placement.

Je crois qu'on est en face d'une divergence sincère et de bonne foi sur les meilleures techniques pour assurer les contrôles de performance. La thèse de la Caisse, en gros, c'est que, que le Vérificateur la vérifie pendant des milliers d'heures comme il le fait sur les aspects conventionnels de la vérification, c'est très bien; que la transparence soit la plus élevée possible. D'ailleurs, elle l'est et personne ne remet ça en question. Le Vérificateur ne dit pas que les états de la Caisse ne sont pas transparents et bien tenus, il voudrait aller dans la performance. Il a peut-être raison, il a peut-être tort, et je pense que le débat continue et que la discussion continue entre la Caisse de dépôt et le Vérificateur. J'espère qu'ils vont arriver à une entente, et j'aimerais même y contribuer, tout en gardant en tête que je n'ai pas d'ordre à donner à la Caisse. Vous connaissez la loi. La Caisse est gérée par des administrateurs en lesquels nous avons pleine confiance et qui jouissent de la liberté voulue pour faire leur travail. Mais, si on pouvait aider à une convergence de vues entre la Caisse et le Vérificateur, ce serait très bien pour tout le monde.

Mais regardons le problème tel qu'il est. Le Vérificateur, c'est un grand fonctionnaire spécialisé dans la vérification des organisations publiques, et les organisations publiques, ce ne sont pas des compagnies par actions. Il n'y a pas de fluctuations des valeurs instantanées sur toutes les bourses du monde, et la gestion publique, ça ne se fait pas les yeux rivés à des écrans cathodiques pour savoir si Nekkei a varié dans tel sens ou dans tel autre ou si le Toronto 300 est bien composé des bonnes valeurs ou pas. Alors, j'ai de la difficulté à voir comment il pourrait être plus utile qu'une firme spécialisée engagée pour faire ça, une firme de vérification spécialisée qui connaît ça, et c'est le point de vue de la Caisse. À mon avis, c'est un point de vue tout à fait défendable. Si on pouvait trouver un compromis entre les deux, je pense bien que tout le monde en serait satisfait, et c'est ce à quoi les parties s'évertuent.

Quand le député de Laporte – et ça a été un peu repris aussi par le dernier intervenant – a dit que Bre-X ne serait pas arrivé si le Vérificateur... Voyons donc! Le Vérificateur va-t-il être derrière les arbitragistes, derrière les écrans pour dire: Vous n'achetez pas ça et n'achetez pas ça, c'est risqué, ce truc-là? Ça n'a absolument aucun bon sens. Le Vérificateur, par définition, travaille a posteriori. Le Vérificateur ne va pas aller dicter la politique de la Caisse de dépôt. Il a, comme plusieurs intervenants dans le monde...

(16 h 50)

Et je ne cherche pas à défendre ça du tout, là. Je pense bien que, si M. Scraire avait su que Bre-X n'avait pas d'or, la Caisse n'aurait jamais acheté pour 0,50 $ d'actions. C'était une des valeurs les mieux cotées à la Bourse de Toronto. Tous les opérateurs du monde se sont laissé prendre à cette malheureuse affaire. Bien, elle était dans le TSE 30 et même 10 des valeurs cotées, et la Caisse s'est fait avoir. Malheureusement, ce n'est pas la présence du Vérificateur qui aurait pu empêcher ça, et j'espère que d'autres méthodes de prévision et surtout un niveau d'éthique plus élevé chez ces compagnies hautement spéculatives – dans l'or en particulier – va s'établir. Et c'est en train de s'établir. L'affaire Bre-X a laissé des traces, mais ce n'est sûrement pas une journée glorieuse dans l'histoire des placements spéculatifs ni pour la Caisse ni pour personne, et, hélas, ce n'est pas le Vérificateur, avec tout le respect qu'on peut avoir pour ce grand fonctionnaire, qui aurait pu empêcher ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, il y a un certain nombre de points sur lesquels je suis d'accord avec le ministre des Finances, je vais lui en citer. Sur un certain nombre de points, je suis d'accord. Il y a certains points où, bien sûr, le ministre des Finances et moi avons un peu plus de misère à nous rejoindre, et un de ceux-là est la réplique qu'il vient de donner il y a quelques minutes au député de LaFontaine, lui rappelant la nécessité pour un certain nombre de pays d'aller chercher leur indépendance. Est-ce que le ministre des Finances oublie que, au moment où nous nous parlons, l'Europe entière est après se fédérer? Jamais... De quelques pays qu'il y avait en Europe qui avaient formé une fédération, nous sommes maintenant à 15 pays, en Europe, qui sont après se fédérer, et nous parlons, d'ici l'an 2000, que nous pourrions dépasser le nombre de 30 pays qui feront partie d'une fédération, lesquels pays iront plus loin que la souveraineté déjà acquise au Québec dans bien des cas. Et je lui rappellerai un certain nombre d'études qui furent faites par de ses confrères à cet effet-là ou d'anciens députés de l'Assemblée nationale, dont un qui me revient à la mémoire de façon particulière, M. Scowen, qui est issu du London School of Economics, qui a démontré systématiquement la largesse qu'aura la fédération européenne et comment, finalement, l'État du Québec, tel que nous le connaissons, a encore plus de latitude que les pays à l'intérieur de la fédération européenne.

Je rappellerai au ministre que, en ce moment, les politiques d'intervention de la Communauté économique européenne, souvent, sont au-delà des politiques des pays souverains dans cette fédération européenne. Je lui rappellerai des politiques sur le tabac, sur la taxation, des politiques sur la santé où le Québec est encore plus autonome que certains de ces pays européens. Alors, faisons attention. On est après essayer de nous dire qu'il n'y a rien de bon dans les fédérations, ce n'est pas le cas. L'Europe, 300 000 000 d'Européens, M. le Président, qui veulent faire un bloc économique pour faire face aux États-Unis sont à se fédérer, le font à une vitesse extraordinaire. Ils ont commencé après la Deuxième Guerre mondiale et ils sont après connaître des résultats extraordinaires incluant un Parlement, incluant une monnaie commune, incluant des politiques sociales communes, et je pense, entre autres, à la politique sur la taxation sur la cigarette.

Ceci dit, M. le Président, le projet de loi n° 168 doit, d'une façon particulière, être entendu. Ce n'est pas ce qu'il y a dans le projet de loi qui m'inquiète, c'est ce qu'il n'y a pas dans le projet de loi qui m'inquiète d'une façon particulière. Je vous disais un peu plus tôt que j'étais d'accord avec le ministre des Finances, eh bien, oui. Le gouvernement veut aller à plus de 30 % dans le capital-actions de certaines compagnies dans le cas des placements négociés. Eh bien, là, il y a un problème, et c'est là que je rejoins le ministre des Finances. C'est une chose d'être gestionnaire des deniers publics, et c'est ce que la Caisse de dépôt et placement du Québec est, mais elle est aussi fiduciaire pour 18 groupes différents des deniers publics, du bas de laine, comme ont si bien dit d'autres confrères et consoeurs avant moi. Ils sont fiduciaires, et, à cet égard-là, on a des responsabilités d'autant plus grandes, M. le Président. Mais de là à se prendre pour des opérateurs d'entreprises, là, il y a toute une nuance. Et le ministre des Finances lui-même disait à ce sujet... Le ministre Landry dit que la Caisse devra se donner des balises afin d'éviter de se retrouver dans un rôle d'opérateur. Il le faudra en effet car, compte tenu de ses moyens financiers, la Caisse peut facilement prendre le contrôle de bon nombre d'entreprises prometteuses ou en forcer la croissance.

M. le Président, ça, c'est un des silences de ce projet de loi là. Qu'est-ce qui arrive à partir du moment où la Caisse a plus de 30 % du capital-actions d'une entreprise? Nous savons qu'elle devient démesurément pesante sur le conseil d'administration, sur le pouvoir de décision et, de fait, qu'elle en devient l'opérateur avec la possibilité de nommer qui elle veut, quand elle veut, comme elle veut, et c'est très préoccupant. Et là-dessus je suis tout à fait d'accord avec le ministre des Finances, si ce n'est qu'il y a un silence dans la loi, il ne prévoit pas, je pense, de mécanisme pour répondre à ce problème-là.

M. le Président, le Vérificateur, je veux y arriver. Un autre des quatre silences du projet de loi, c'est celui du Vérificateur général. Oui, nous aimerions optimiser les ressources de la Caisse de dépôt. Vous savez, il va très loin, hein, le Vérificateur général du Québec. Je vous lis un passage de sa rencontre avec la commission parlementaire. C'est incroyable, là. Ce n'est pas le dernier des venus ici, à l'Assemblée nationale, c'est le vérificateur des états financiers de toutes nos entreprises de l'État qui disait: Deux solutions peuvent dénouer une impasse...

Parce que le ministre semble nous dire: Écoutez, on s'est assis avec, on l'a amené prendre un café, il a pris une sandwich au bacon, j'ai pris une sandwich aux oeufs, ça va bien, on s'entend bien. Dans la vraie vie, là, au-delà du café qu'ils ont pris ensemble, ce n'est pas ça qu'il nous dit, voyez-vous. Voyez-vous, ce n'est pas ça qu'il nous dit, le Vérificateur général. Il nous dit: Écoutez bien, deux solutions peuvent dénouer une impasse susceptible de compromettre l'efficacité du contrôle parlementaire sur les biens et fonds publics administrés par une entreprise du gouvernement et de miner l'indépendance du Vérificateur général face à ces entreprises. Écoutez bien, il dit: Il s'agit de la solution juridique et de la solution parlementaire.

J'ai rarement entendu un haut fonctionnaire dire qu'il pouvait envisager une solution juridique. Alors, quand le ministre semble nous dire: Écoutez, il n'y a rien là, les petits gars, je vais vous régler ça, moi, là, on va aller manger au restaurant ensemble puis ça va tout être réglé; dans la vraie vie, ce n'est pas ça qui se passe. Il nous a parlé, le Vérificateur général, de possibilité de recours juridique. Il dira un peu plus tard: Écoutez, les politiciens, prenez vos responsabilités. C'est ce qu'on dit au ministre, ici. C'est ce qu'on dit: Prenez vos responsabilités, M. le ministre, laissez-le donc faire son ouvrage.

L'autre silence, M. le Président, c'est cet outil politique dont veut bien se servir la Caisse de dépôt. Nous savons tous que le seul économiste, en 1980, qui s'est prononcé pour le Oui est une des têtes dirigeantes à la Caisse de dépôt, nous savons les allégeances d'un certain nombre de dirigeants de la Caisse de dépôt qui furent tassés, le lendemain de l'arrivée au pouvoir de ce gouvernement, et nous connaissons aussi l'allégeance des gens qui sont là maintenant. Je vois des députés qui applaudissent. C'est leur droit, mais je leur dis: Attention, au-delà des grandes idéologies politiques de la souveraineté que vous défendez, Dieu sait, avec force et vigueur – pas toujours avec intelligence, mais ça, c'est une autre affaire – mais, quand vous défendez avec force et vigueur la souveraineté, attention de ne pas vous servir des biens communs à cette société. Et je parle ici des pensions de 3 000 000 et quelques 100 000 citoyens et citoyennes, hommes, femmes du Québec qui ont travaillé très fort, cenne par cenne, semaine par semaine, que ce soient les gens de la construction, que ce soient nos pensions à nous, etc.

Alors, quand on voit, au lendemain du référendum, que l'ancien premier ministre du Québec dira: Écoutez, moi, je voulais me servir de la Caisse, j'étais pour prendre un petit 8 000 000 000 $, là aussi, ça avait l'air de pas grand-chose, hein, un petit 8 000 000 000 $ en passant, et puis là j'aurais tout réglé les problèmes de liquidités du Québec, c'est de rire du monde d'abord de penser qu'avec 8 000 000 000 $ on pouvait régler les problèmes de liquidités du Québec un lendemain de souveraineté. Deuxièmement, ces deniers-là n'appartiennent pas au PQ, M. le Président, ils appartiennent à l'ensemble de tous les citoyens qui ont contribué. Que vous soyez dans la construction ou travailleurs de l'État, ces deniers-là vous appartiennent à vous et n'appartiennent ni au ministre des Finances ni au PQ. Et qu'on s'en serve comme outil politique, c'est drôlement inquiétant.

(17 heures)

Finalement, M. le Président, dans les quatre silences dont j'aurais aimé que le ministre... Au-delà de nous parler de la souveraineté, ils auraient pu nous parler de ces aspects-là, les coûts d'administration de la Caisse de dépôt. Oui, nous avons eu des performances qui ne sont pas mirobolantes, qui sont acceptables. D'autre part, les coûts de gestion de la Caisse de dépôt sont dans ce qu'il y a de plus dispendieux en Amérique du Nord, 1 000 $ par 1 000 $ gérés par la Caisse de dépôt, toute proportion gardée; les frais d'administration, les derniers que j'ai en ma possession, sont de 35 000 000 $, et c'est très dispendieux pour ce genre de placements, M. le Président.

Ceci dit, j'arrête ici, vous me faites signe que mon temps est terminé. M. le Président, les silences de ce projet de loi là sont beaucoup plus inquiétants que ce que nous y entendons et ce que nous y avons vu, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre pour son cinq minutes.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): C'est rare, M. le Président, que j'utilise la langue anglaise dans cette Chambre. C'est une langue extraordinairement riche, comme tout le monde sait, c'est devenu l'espéranto des temps modernes. Mais il m'arrive de citer un proverbe de temps en temps, et celui que je vais prendre aujourd'hui, c'est au sujet des remarques faites sur la Communauté européenne: «The proof of the pudding is in the eating.» Hein? Tu peux en parler... Alors, je vais essayer de faire «the proof of the ideological pudding» de notre «friend».

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Il a bien dit que l'Europe, c'était le modèle à suivre. Alors, voici la preuve que je lui propose. Si je lui disais, au nom de ma formation politique et du gouvernement du Québec, que, si on nous donnait demain matin le statut de n'importe quel pays de la Communauté économique européenne, la question du Québec-Canada serait terminée, et nous l'accepterions avec joie.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): On veut justement la formule européenne, parce que la formule européenne, elle concilie justement les grandes tendances de notre temps, l'indépendance et la souveraineté nationale, comme la possèdent la France, le petit Luxembourg et le Royaume-Uni, et en même temps la libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux, dont nous sommes les protagonistes ici, au Québec et en Amérique du Nord. Le Québec est peut-être la terre la plus avancée dans ce domaine.

Il nous a dit: la liberté de circulation est plus grande entre Rome et Paris, qui sont dans deux pays différents, qu'entre Montréal et Toronto, qui sont dans le même. N'importe qui qui connaît un peu les réalités des provinces canadiennes sait ça.

Il y a aussi ce fait, plus proche de nous, de l'implication du Vérificateur général, et je pense qu'il n'a pas plus raison sur ce cas-là que sur l'autre. Il a cité, sur l'autre, le fait que l'Europe construisait une fédération ou une confédération. Bien, durant la dernière campagne présidentielle française, on s'en souvient, il fut demandé aux trois candidats, il fut demandé à M. Chirac, il fut demandé à M. Jospin et il fut demandé peut-être à... en tout cas, aux trois principaux, et c'est un grand hebdomadaire français qui posait la question: Est-ce que l'Europe que l'on construit sera une fédération? Réponse des trois candidats à la présidence de la République française: Non. Est-ce que l'Europe sera une confédération? Même réponse pour les trois.

Alors, arrêtez, mes amis d'en face, d'essayer de vous servir d'un modèle que vous ne connaissez pas, d'une part, qui ne vous convient pas, d'autre part, et qui n'est pas le projet européen. Le projet européen, je vous le redis, c'est les indépendances et les souverainetés nationales. Si vous pouviez regarder la question de votre propre peuple comme les Britanniques regardent la leur, comme les Français regardent la leur, comme les Italiens regardent la leur, vous ne mèneriez pas ce combat d'arrière-garde que vous menez depuis 30 ans contre la seule solution valable pour un peuple qui se tient debout, celle de la liberté et de l'égalité avec les autres peuples.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): Ce que vous préconisez, dans une obstination de moins en moins compréhensible, c'est que le peuple et la nation du Québec, 15e puissance économique du monde, soient l'égale de l'Île-du-Prince-Édouard. Et jamais nous n'accepterons cela. En tout respect pour l'Île-du-Prince-Édouard, d'ailleurs, qui est une province du Canada, concept qui vous convient parfaitement, concept de provincial parfaitement adapté à ce qu'est devenu le Parti libéral d'aujourd'hui. Mais vous devriez quand même continuer à réfléchir, faire comme le peuple québécois qui est parti d'un soutien marginal à sa propre indépendance et qui est monté à 50 % et qui va monter beaucoup plus haut la prochaine fois.

Si ce grand mouvement s'est fait jusqu'à ce jour... Je n'ai pas nommé d'autres États très dignes et très puissants qui ont été créés après la Deuxième Guerre mondiale, comme l'État d'Israël, par exemple.

Des voix: Bravo!

M. Landry (Verchères): David Ben Gourion, un des héros de l'histoire contemporaine, a fait renaître son pays et son peuple en lui redonnant sa langue qui avait été effacée par des millénaires d'histoire. Nous, on a gardé notre langue, on a notre territoire. On a le même désir qui animait David Ben Gourion et les fondateurs de l'État d'Israël et tous les fondateurs des États indépendants, et libres, et modernes d'aujourd'hui. Pourriez-vous penser à ça de temps en temps, nos amis d'en face, que ce qui était bon pour tous les autres peuples, ce qui était un idéal pour tous les autres peuples ne peut qu'être notre idéal, à nous aussi?

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le ministre.

M. Benoit: M. le Président, je voudrais poser une question au ministre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député d'Orford, vous voulez poser une question?

M. Benoit: Oui. Est-ce que j'ai le droit de poser une question au ministre, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre, vous acceptez la question?

M. Landry (Verchères): Avec joie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Bon. Alors, M. le député, vous pouvez poser votre question.

M. Benoit: Oui. Le ministre va reconnaître qu'il y a environ 3 000 peuples à travers le monde. Pourrait-il nous dire combien de pays il y a à travers le monde, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je ne suis pas anthropologue, à mon grand regret, mais je suis le premier à reconnaître qu'il y a des peuples qui, pour toutes sortes de raisons, meurtris par l'histoire, dont la langue a été effacée, qui ont été spoliés, qui ont été liquidés physiquement... Il y a eu des peuples qui ont été l'objet de génocides physiques, et, hélas! ces peuples ont été, en tout respect pour eux et en compatissant à leurs malheurs, balayés par le vent de l'histoire.

Mais ce n'est pas ça qui va arriver au peuple québécois. Lui, il va prendre les moyens dont un peuple se sert pour durer, pour parler d'égal à égal avec les autres, pour être aux Nations unies comme pour être maître de l'éducation et de la santé sur son territoire. Oui, il y a des peuples qui, ayant pratiqué l'idéologie molle et négligente qui est celle du Parti libéral d'aujourd'hui, ont compromis leur existence nationale, sont disparus, ont été balayés par le vent de l'histoire. Nous, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes au vent de l'histoire, nous le créerons s'il le faut pour arriver à ce que notre peuple soit là où il doit être, pas parmi les disparus ou à disparaître, mais parmi les vivants et ceux qui ont de l'avenir.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député d'Orford, une question de règlement ou...

M. Benoit: Le ministre n'ayant pas répondu, c'est 3 000...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, Mme la députée de Saint-François, vous avez la parole.

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): À quel propos, la question de règlement?

M. Boulerice: Il est permis de poser une question. «Une» n'est pas uniquement affirmatif, il est quantitatif, n'est-ce pas? Donc, le député ne peut pas...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il était assis et il n'y avait pas de deuxième question actuellement à l'ordre. Alors, Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Quelle suffisance, M. le Président! Au nom de l'option, on est prêt à tout. Ce gouvernement n'a pas suffisamment appauvri les Québécois, on est encore en train de parler d'option au lieu de parler de création d'emplois et de parler de croissance économique.

M. le Président, à compter du 1er janvier, c'est ce même ministre des Finances qui augmentera la taxe de vente de 1 %. Est-ce que ça va faire augmenter... Est-ce que ça va créer plus d'emplois au Québec, 1 %, 650 000 000 $ qu'on vient chercher dans les poches des contribuables? Le ministre des Finances me dit que c'est à cause de nous. On lui a fait la démonstration de ce qui est arrivé, comment ils ont caché...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît. Non, s'il vous plaît, j'ai laissé le temps à chacun de parler et vous avez toujours la possibilité d'un cinq minutes après chaque intervention. Alors, il faudrait laisser... ce que n'a pas comme privilège l'opposition dans un tel débat. Alors, je vais rendre la parole à Mme la députée de Saint-François.

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président, vous avez raison. Alors, M. le Président, justement, c'est que, au lieu de parler d'option, on pourrait peut-être parler de croissance économique et se demander pourquoi le Québec est toujours dans le peloton de queue. Même si le ministre des Finances dit: Ça va mieux au Québec, ça va mieux, mais ça pourrait aller mieux, et, quand on regarde ce qui se passe ailleurs, ça pourrait aller doublement mieux. Pourquoi il y a 16 000 jeunes qui ont perdu leur job depuis un an? Pourquoi, par exemple, le Québec n'a pas été capable de créer les emplois qu'on crée en Ontario? Alors, qu'on cesse donc de parler d'option et qu'on parle donc des vraies choses, M. le Président.

(17 h 10)

Alors, je voudrais revenir sur ce projet de loi et répondre au ministre des Finances, lorsqu'il disait, concernant le Vérificateur général, entre autres, que les libéraux n'avaient pas demandé au Vérificateur général de faire cette vérification concernant l'optimisation des ressources. Je dois vous dire, M. le Président, que les libéraux, nous, on respecte l'indépendance du Vérificateur général. Le Vérificateur général a fait ses vérifications annuellement, comme il le fait actuellement, mais c'est au Vérificateur général de décider s'il va un peu plus loin, et c'est ce que le Vérificateur général a fait en voulant faire l'étude de l'optimisation des ressources et en demandant au conseil d'administration de la Caisse de dépôt de le faire. Et on a vu très bien que, en commission parlementaire, le Vérificateur général, par la loi qui lui permet de le faire, avait le droit de le faire et a l'expertise aussi pour le faire, mais, compte tenu, bien sûr, de la position du ministre des Finances et du premier ministre actuel qui ont tout simplement dit que la Caisse était dans ses droits, le Vérificateur n'a pas pu aller plus loin.

Et je comprends que, au moment où le Vérificateur général a voulu aller un peu plus loin pour faire cette étude, la Caisse a commencé à embaucher immédiatement des entreprises privées, des firmes privées pour faire cette vérification. Je dois dire, cependant, au ministre des Finances qu'il y a toute une différence entre ce que la Caisse embauche des firmes privées pour faire cette étude et ce que le Vérificateur général fasse cette même étude, parce que la Caisse répond à son conseil d'administration. Le document demeure au conseil d'administration et ne va pas plus loin, alors que le Vérificateur général doit rendre compte à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire à l'ensemble des députés, ce qui est une très grosse différence par rapport à engager des firmes privées. Et on sait très bien que la Caisse de dépôt et placement gère les fonds de retraite de tous les Québécois et les Québécoises. C'est notre bas de laine et c'est important d'accorder cette indépendance au Vérificateur général. Et j'ai été vraiment étonnée lorsque j'ai entendu le ministre des Finances et que j'ai entendu le premier ministre donner raison à la Caisse de dépôt, alors qu'il eût été tellement facile de permettre au Vérificateur général de faire son travail. Alors, le ministre des Finances, tout à l'heure, disait: J'espère qu'on en arrivera à une entente. On n'en arrivera pas à une entente, puisque le ministre des Finances s'est déjà ingéré et a déjà pris position pour la Caisse de dépôt.

M. le Président, je dois vous dire que la Caisse de dépôt, oui, on en est très fier. C'est un fleuron du Québec, c'est un puissant élément économique, moteur économique, et on a besoin de cette Caisse de dépôt, mais, aussi, il faut faire attention aux placements qu'on fait. Et, surtout quand on voit, par exemple, que ce parti est prêt à faire à peu près n'importe quoi pour la cause, quand on voit, par exemple, que l'ancien premier ministre Parizeau était prêt à mettre en danger jusqu'à 19 000 000 000 $ des bas de laine des Québécois pour tenter d'atténuer les effets négatifs d'un vote favorable à la souveraineté, je pense qu'on a raison de s'inquiéter. On a raison de s'inquiéter.

Et je dois vous dire que, cependant, en ce qui concerne le projet de loi actuel, nous sommes tout à fait d'accord avec la question d'augmenter le 40 % de la part des actions dans l'actif total. Là où nous avons une difficulté, M. le Président, c'est en ce qui concerne l'immobilier. Et, en commission parlementaire, le ministre des Finances nous disait: Bien, vous savez, l'immobilier, il n'y a pas de problème. On prend une bonne première hypothèque dans un pays, puis nos droits sont préservés. On sait très bien que, même avec une bonne première hypothèque, dans un pays qui n'est pas aussi démocratique que le nôtre, on peut tout décider, le gouvernement peut tout décider. Le gouvernement peut décider du jour au lendemain, même si vous avez une première hypothèque, que cet immeuble appartient dorénavant au gouvernement mais n'appartient plus aux créanciers hypothécaires ou à la personne qui a construit l'édifice. Alors, je pense que, dans ce cas, il y a quand même des difficultés au projet de loi et qu'il faut y aller avec beaucoup de prudence dans nos investissements à l'étranger.

Je ne parle pas, même, de l'immobilier ici. L'immobilier ici, on sait que la Caisse de dépôt n'a pas toujours connu des placements qui ont été fructueux, bon, pour toutes sortes de raisons, mais imaginez maintenant lorsque c'est à l'étranger. Et, même si ça ne représente qu'une petite partie de l'actif de la Caisse, on n'a pas le moyen de perdre quoi que ce soit puis on n'a pas non plus à faire la charité à d'autres pays. Je pense qu'on doit gérer la Caisse comme des gestionnaires qui gèrent les régimes de retraite des Québécois et des Québécoises.

M. le Président, quant à la participation au niveau des entreprises, encore là, je pense qu'il n'appartient pas à la Caisse de dépôt et placement de gérer des entreprises, mais il lui appartient d'aider des entreprises.

Je reviens toujours au discours que tenait Jean Lesage lors de la création de la Caisse, en juin 1965. Il parlait du rôle essentiel de la Société générale de financement qui était «de favoriser – et je le cite, en fin de compte – dans notre milieu de profondes transformations de la structure industrielle. Il faut agir à trois niveaux différents: lancer une nouvelle entreprise dans des secteurs où les possibilités de croissance sont favorables, moderniser des entreprises existantes de façon à accroître leur capacité de concurrence, accélérer leur développement et donc augmenter leur main-d'oeuvre; enfin, provoquer ou susciter la fusion d'entreprises qui n'ont pas ou qui n'ont plus la taille requise par les marchés modernes et qui, à cause d'une lacune de moyens techniques ou financiers, risquent de péricliter».

Et il disait: «Dans ce sens, la Société générale de financement est un entrepreneur, conformément à la définition qu'on en donnait au XIXe siècle. Elle doit prendre des initiatives, courir des risques, préparer des projets et faire en sorte qu'ils se réalisent. Mais, disait-il, au contraire, la Caisse de dépôt et placement n'a pas à remplir ce rôle. Elle n'est pas un entrepreneur mais un réservoir de capitaux, et ce n'est pas sa fonction de créer des entreprises. Mais elle aura les ressources et les pouvoirs nécessaires pour s'associer aux initiatives, aux projets de création ou d'expansion qui lui seront proposés. Les nombreuses dispositions qui s'appliquent aux placements dans les types d'entreprises sont destinées à permettre à la Caisse de remplir cette fonction dans les limites de la prudence, et on le comprendra facilement.»

M. le Président, lors de la commission parlementaire, on a eu l'occasion de rencontrer des gens d'affaires qui sont venus nous parler, entre autres, des projets technologiques. Bon, plusieurs personnes, à un moment donné, avaient peur, avaient l'impression d'être assises un peu sur un siège éjectable, dans le sens qu'elles avaient des idées, la Caisse de dépôt, bien sûr, aidait au démarrage de l'entreprise, mais, quelque temps après, elles avaient l'impression qu'elles étaient un peu sur un siège éjectable, dans le sens que la Caisse de dépôt arrivait et prenait la direction de l'entreprise et que les gens qui avaient eu des bonnes idées se retrouvaient naturellement sans projet. Alors, j'ai compris que le président de la Caisse de dépôt nous a dit qu'il voulait renforcer son code d'éthique, s'assurer qu'il n'y aurait pas de problème à ce niveau-là. Mais, quant au projet de loi, il aurait été préférable de le scinder.

Je reviens toujours sur la question des épargnes des Québécois. Il est important, bien sûr, que ces épargnes soient bien gérées, avec toute la prudence qui s'impose, malgré qu'on puisse risquer jusqu'à un certain point, mais il faut toujours le faire avec énormément de prudence. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. M. le député de Mont-Royal, hein?

M. Bergman: De D'Arcy-McGee.

Le Vice-Président (M. Brouillet): De D'Arcy-McGee. Excusez. M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de pouvoir vous faire part de mes commentaires sur le projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Les notes explicatives nous indiquent que ce projet de loi vise à éliminer les restrictions posées sur le pouvoir de la Caisse d'acquérir des actions ordinaires et des unités de fonds indexés et sur son pouvoir d'acquérir des immeubles et des hypothèques, et donc à lui permettre, dans certains cas, d'acquérir plus d'actions et d'autres titres d'une même personne morale que le pourcentage que la loi lui autorise actuellement.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois est en train de créer un dangereux précédent dans nos valeurs économiques et morales en permettant à la Caisse de pouvoir se porter acquéreur de plus de 30 % d'actions ordinaires dans une compagnie privée. C'est imprudent de laisser la Caisse prendre le contrôle de diverses compagnies de sa propre initiative. Nous prenons un grand risque en autorisant un organisme quasi public à pouvoir intervenir indûment dans l'économie de notre libre marché.

(17 h 20)

Nous savons d'ailleurs pertinemment qu'il y a eu des cas d'abus par la Caisse malgré les restrictions existantes. Nous pouvons donc imaginer facilement ce qui pourra arriver si le gouvernement du Parti québécois permet à la Caisse de s'ingérer aussi facilement dans le marché économique et d'y exercer ses pouvoirs. Nous pouvons aussi craindre qu'avec une législation de la sorte, que le gouvernement du Parti québécois s'apprête à adopter en faveur de la Caisse, celle-ci puisse prendre des décisions pour combler ses propres caprices, comme, par exemple, acquérir une entreprise dans un domaine bien particulier de notre économie pour ensuite, à sa guise, procéder à sa dissolution et ainsi causer de graves préjudices aux autres entreprises oeuvrant dans la même sphère d'activité.

Je comprends, M. le Président, que le gouvernement du Parti québécois tente une fois de plus, en adoptant de telles politiques, de s'approprier et de contrôler la place du libre marché dans notre société, comme il l'a fait dans d'autres domaines, notamment en éducation, en santé et en matière familiale. Mais les Québécoises et Québécois en paient toujours les conséquences.

Est-ce que le gouvernement du PQ ne se rend pas compte que c'est une politique, un projet de loi qui peut causer un tort irréparable à notre marché économique? Bien sûr qu'ils le savent, tout comme ils savaient que leurs réformes en éducation et en santé auraient des effets désastreux pour les Québécoises et les Québécois. Est-ce qu'ils s'en soucient? Bien sûr que non.

M. le Président, je veux attirer votre attention sur un autre point litigieux, mal rédigé, dans ce projet de loi: celui de permettre à la Caisse de diversifier ses investissements dans le domaine immobilier. Ce projet de loi autorise la Caisse à augmenter ses investissements immobiliers dans des pays en développement. Je conçois qu'il est important d'apporter notre aide aux pays en développement, mais je ne crois pas que ce soit la mission de la Caisse de dépôt et placement du Québec. De plus, les types d'investissements étrangers envisagés par la Caisse sont ceux où les chances de succès sont minimales, où sa connaissance historique du projet est plus que limitée, où le taux de risque est élevé même dans des circonstances normales et où les chances pour la Caisse de perdre son investissement sont très grandes et de faire un profit sont très minces.

Faut-il ajouter que naturellement la création d'emplois pour les Québécois est inexistante dans ces types de projets? En conséquence, M. le Président, la vraie raison de l'adoption de ce projet de loi est que le gouvernement du Parti québécois veut offrir un cadeau de Noël à ses amis de la Caisse et qu'en fait il ne s'agit que d'un autre exemple de l'inaction de ce gouvernement du Parti québécois à s'occuper des vraies préoccupations des Québécoises et Québécois.

M. le Président, le gouvernement des péquistes n'a pas le droit de prendre des risques injustifiés avec l'argent des Québécois. Nous avons devant nous un projet de loi qui permet à la Caisse de dépôt et placement de prendre des décisions irresponsables avec l'argent appartenant aux Québécois et qui les plongent une fois de plus dans l'incertitude et l'insécurité. Notre population est incapable, avec le gouvernement en place, d'obtenir la stabilité et la sécurité requises pour le succès, le développement et la croissance économique d'une société dynamique et prospère qui doit continuer son évolution. La seule chose que le gouvernement du Parti québécois a réussi à accomplir depuis son arrivée au pouvoir, c'est d'appauvrir le Québec, de détériorer notre système de santé et notre système d'éducation et de créer du chômage.

De plus, M. le Président, la Caisse de dépôt et placement du Québec persiste toujours dans son refus de laisser le Vérificateur général du Québec examiner ses livres. Pourquoi tout ce mystère? Qui protège qui et pourquoi? La Caisse gère les argents de tous les Québécois, de vous et de moi, de tout le monde, M. le Président. En conséquence, nous avons le droit de connaître la vérité. Pourquoi est-ce qu'on ne peut pas avoir le Vérificateur général pour vérifier les livres de la Caisse? La transparence est une nécessité. Les réponses sont essentielles. Au nom de la population, nous voulons ces réponses de la part des péquistes.

The Minister is busy speaking about the PQ obsession of separation. Let him talk about stability, hope, economic prosperity, growth and jobs. I ask you, Mr. Speaker, what is the purpose of the Caisse de dépôt et placement du Québec investing in countries such as Vietnam? What jobs will this create for Quebeckers here in Québec? Mr. Speaker, I will join my colleagues in voting against this bill. I thank you.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: M. le Président, est-ce que, en vertu de l'article 213, mon honorable collègue et ami, le député de D'Arcy-McGee, accepterait de répondre à une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député.

M. Bergman: M. le Président, c'est le gouvernement qui doit avoir les réponses, et les réponses que le gouvernement ne fournit pas à la population, les réponses pourquoi il ne crée pas des jobs, pourquoi le...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mais il ne vous a pas posé une question encore. Alors, vous n'acceptez pas la question. Alors, il n'y a pas de question, M. le leader adjoint. Est-ce qu'il y a un prochain intervenant? M. le député de Crémazie, je vous cède la parole.


M. Jean Campeau

M. Campeau: Merci, M. le Président. Vous comprendrez qu'un projet de loi modifiant les règles de la Caisse de dépôt m'intéresse au plus haut point. J'ai écouté, une partie de l'après-midi, les commentaires de part et d'autre. Je me permets de faire certaines corrections ou certaines mises à jour.

D'abord, je voudrais parler de quelque chose qui ne regarde pas la Caisse de dépôt. On s'est amusé à rappeler que, dès le 1er janvier 1998, il y aura une augmentation de la taxe de vente, M. le Président. C'est vrai, 675 000 000 $ qu'auront à payer tous les Québécois, mais cette augmentation de taxe de vente, elle est compensée... Et c'est ça qu'on oublie de l'autre côté. Ils mentionnent juste le côté qui fait leur affaire, 675 000 000 $ de plus de taxe de vente. On oublie de dire qu'elle est compensée par une diminution, puis je dirais même une diminution d'impôts supérieure à 675 000 000 $. C'est un rétablissement de l'économie. Pour créer des jobs, il est plus souhaitable d'augmenter la taxe et de réduire l'impôt des particuliers. Et je vous ferai remarquer que la baisse d'impôts est beaucoup plus sensible chez les contribuables québécois et québécoises qui gagnent 50 000 $ et moins que chez ceux qui gagnent 50 000 $ et plus. Alors, on a un peu l'image de l'opposition. Ils ne regardent que les côtés qui font leur affaire. Au lieu de dire franchement: Il y a une augmentation de taxe de 675 000 000 $, on le dénonce... Peut-être ont-ils le droit, mais il faudrait aussi qu'ils disent qu'il y a une diminution d'impôts. Et ça, bien, ils l'oublient. C'est comme si ça ne comptait pas. Alors, je pense que c'est des points qu'il faut rappeler.

(17 h 30)

On a parlé aussi, au sujet de la Caisse de dépôt, du Vérificateur général. Bon, on tente par tous les moyens de créer de l'incertitude. Comme si le Vérificateur général ne pouvait pas mettre les pieds à la Caisse de dépôt. Comme si, s'il arrivait à la porte, on lui fermait la porte au nez. Mais ce n'est pas ça, M. le Président. Le Vérificateur général fait, à la Caisse de dépôt, la vérification des comptes comme il l'a toujours faite. Il a toute la liberté d'aller partout dans la Caisse et, d'ailleurs, il se félicite de la grande coopération de tout le personnel de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Tous les livres lui sont ouverts. Alors, une fois pour toutes, est-ce qu'on va arrêter de dire que le Vérificateur général est privé de faire ce qu'il veut à la Caisse de dépôt? Dans la vérification des comptes, il a tout le loisir... Et, à ce sujet, vous seriez surpris de savoir le nombre d'heures et de jours que ses employés ou les représentants du Vérificateur général, dans une année, passent à la Caisse de dépôt et placement du Québec, dans ses bureaux de Montréal.

Le point, c'est l'optimisation des ressources. Les dirigeants de la Caisse pensent que l'optimisation des ressources doit être faite de concert avec le Vérificateur général, mais que les cadres doivent avoir leur mot à dire sur la façon de le faire afin de remettre aux membres du conseil d'administration de la Caisse un rapport qui veut dire quelque chose. Alors, là, à l'heure actuelle, ce que je comprends, les hauts dirigeants sont sur le point de s'entendre avec le Vérificateur général pour faire une vérification des ressources humaines à la Caisse de dépôt, rapport qui sera remis au conseil d'administration de la Caisse de dépôt comme dans toute grande entreprise d'affaires ou entreprise commerciale.

On a parlé un peu plus tard de la relation qui existe entre le gouvernement et la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je pense qu'il faut souligner à nouveau que la Caisse est autonome aujourd'hui dans un système fédéraliste, tout comme elle sera autonome dans un Québec souverain. La Caisse n'a pas d'ordre à recevoir du gouvernement, mais ça ne l'empêche pas de coopérer au développement économique du Québec. Ce n'est pas parce qu'elle n'a pas d'ordre à recevoir du gouvernement qu'elle n'écoute pas, le soir du discours du budget, le ministre des Finances lorsqu'il fait la lecture de son budget. Elle en tient compte parce que c'est l'économie du Québec qui est en cours. Alors, oui, elle travaille étroitement avec le gouvernement du Québec, tout en demeurant autonome et en ne prenant pas d'ordre, ni du premier ministre ni du ministre des Finances.

Un quatrième point que j'ai remarqué et que je ne peux pas m'empêcher de souligner. On parle des amis de la Caisse. Les employés de la Caisse de dépôt ne sont pas recrutés parce qu'ils font partie de l'Action démocratique, parce qu'ils font partie du Parti libéral, parce qu'ils ont indépendants ou bien parce qu'ils font partie du Parti québécois; ils sont embauchés parce qu'ils sont compétents. Et la compétence, d'ailleurs, on voit les rendements et le développement économique...

Là-dessus, vous me permettrez de nommer un nom, pour bien établir les faits. On parlait tout à l'heure des amis de la Caisse, des amis du gouvernement, de la Caisse. Bon. Du temps que j'étais président de la Caisse de dépôt – vous m'excuserez, M. le Président, d'apporter un exemple du temps que j'étais président – nous avons embauché un premier vice-président contrôleur – après le président, le premier vice-président, il y en a cinq, c'est un des postes les plus importants – et ce type-là, il s'appelait Serge Rémillard. Et savez-vous ses antécédents? Il était autrefois directeur général du Parti libéral. Mais ce n'est pas parce qu'il était du Parti libéral qu'il n'était pas compétent. Il y en a quelques-uns qui sont compétents!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Campeau: Et, entre parenthèses, si jamais, dans plusieurs années, le Parti libéral – après que l'Action démocratique aura été élue, bien sûr, au pouvoir – revenait, bien, il pourrait faire un bon ministre des Finances, s'il décide de faire de la politique. Mais je veux juste vous souligner que, à la Caisse de dépôt, les gens sont engagés pour leur compétence et non pas pour leur appartenance à un parti. Il y en a d'autres qui voteraient Parti québécois, ça se peut, qui votent Parti libéral, ça se peut. On ne fait pas de sondage pour savoir qui vote pour qui. Mais je tenais à vous souligner celui-là, parce que, M. Rémillard le sait – je pense qu'il ne sera pas chagriné que je mentionne son nom en cette Assemblée nationale – il est compétent, il a été engagé alors que j'étais là, et je me réjouis du fait qu'il semble heureux et qu'il fasse un excellent travail.

Alors, je pensais, M. le Président, qu'il y avait lieu de faire ces quelques redressements, si vous voulez, ces quelques mises au point lors de l'étude de ce projet de loi qui, je suis sûr, sera pour la Caisse de dépôt une deuxième survie, parce qu'on a changé beaucoup de choses dans ce projet de loi. Alors, il y a eu, évidemment, un discours de Jean Lesage, en 1965, qui a tout établi ce que la Caisse de dépôt pouvait faire et ne pas faire. Je pense qu'il était temps d'ouvrir les portes, qu'il était temps de se moderniser. Avec ce projet de loi qui apporte des amendements, évidemment, au premier projet de loi, je pense que la Caisse de dépôt sera en mesure de faire face à la modernisation et au libre-échange qui se développe un peu partout. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Crémazie. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? Alors, le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 168, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président, je vous demanderais maintenant de regarder l'article 23 du feuilleton.


Projet de loi n° 169


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 23, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales. Premier intervenant. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, ce projet de loi assez technique et assez matériel a surtout comme but de favoriser l'accès à l'entrepreneuriat, de rendre la vie plus facile aux entreprises qui partent et qui vivent dans leurs rapports avec le gouvernement.

Ce projet de loi vise à créer un numéro unique. Actuellement, les entreprises sont immatriculées auprès de divers ministères. Généralement, leur nom et leur naissance – non pas corporative mais d'identification, parce qu'on ne parle pas juste d'entreprises ayant la personnalité morale – se fait au greffe de la Cour supérieure, et elles se voient attribuer un numéro. Sauf que ce numéro n'est pas le même dont se sert le ministère du Revenu ou les autres organismes gouvernementaux – Commission de la santé et de la sécurité et autres organisations – et, en même temps, ne permet pas le transport des informations attachées au premier numéro. Le système actuel ne permet pas ce transport d'informations, donc on redemande des informations.

Alors, il s'agit essentiellement de simplifier la vie des entreprises en leur donnant un numéro unique dans leurs rapports avec les ministères et organismes, donc avec l'ensemble de l'administration. C'est l'Inspecteur général des institutions financières qui sera responsable de mettre en place progressivement ce système. La réinscription ne sera pas nécessaire; tout est fait pour que ça se fasse le plus simplement du monde.

Vous me direz: Pourquoi ça n'a pas été fait avant? C'est vrai que ça aurait pu être fait avant. Il y a diverses raisons, dont probablement que ceux qui nous ont précédés n'avaient pas vu l'intérêt d'une telle chose et aussi que les moyens informatiques sont beaucoup plus développés aujourd'hui. Alors, l'informatique est rentrée dans les moeurs des individus comme des entreprises. Et c'est la raison pour laquelle la volonté politique du gouvernement de favoriser l'entrepreneuriat, le Québec en étant une terre d'élection, et les possibilités informatiques d'aujourd'hui nous permettent de présenter ce projet de loi, et avec la collaboration de cette Chambre – parce que ce n'est pas un projet vraiment très, très controversé – le plus rapidement possible, modifier le système et simplifier la vie aux entreprises.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Beauce-Sud. Mme la députée.


Mme Diane Leblanc

Mme Leblanc: Merci, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir à l'adoption en deuxième lecture du projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales.

Le projet de loi créant un numéro unique pour les entreprises rallie, je crois bien, l'ensemble des parlementaires du Québec. C'était d'ailleurs l'une des recommandations du rapport Charbonneau en 1994. Ça aura donc pris trois ans et demi au gouvernement pour passer de la parole aux actes.

Donc, à compter de janvier 1998, une vingtaine d'organismes et de ministères seront prêts à immatriculer les personnes physiques, morales, les sociétés et les groupements. À ce que je sache, ce dont le ministre des Finances nous a informé, c'est qu'en avril prochain d'autres ministères et organismes s'y ajouteront.

(17 h 40)

Il semble que la mesure que l'on est en train de voter aujourd'hui coûtera 3 400 000 $ au gouvernement et que cette somme sera prise à même les budgets de l'Inspecteur général des institutions financières. Alors, cette somme-là, aux dires du ministère, sera vite récupérée par des économies dues au fait qu'il n'y aura dorénavant qu'un seul immatriculeur au gouvernement.

Je veux d'ailleurs souligner que nous sommes en accord avec le choix de l'Inspecteur général des institutions financières pour assurer le rôle de plaque tournante de l'identifiant unique gouvernemental plutôt que le greffier de la Cour du Québec, qui agissait à ce titre auprès des personnes physiques, des sociétés et des groupements.

Il est bon aussi de souligner que, suite à des ententes à intervenir entre l'Inspecteur général des institutions financières et les ministères et organismes gouvernementaux, l'Inspecteur pourra déléguer son pouvoir d'immatriculer les personnes physiques, morales, sociétés ou groupements. Ainsi, cette disposition – de la manière qu'on peut comprendre – permettra d'alléger le travail des entreprises, qui pourront s'immatriculer dès leur premier contact avec le gouvernement, et ce, indépendamment du ministère ou de l'organisme concerné.

De plus, puisque la technologie nous permet maintenant d'établir des interfaces entre les anciens systèmes et le nouveau, les entreprises qui ont plusieurs numéros actuellement pourront continuer de les utiliser, mais elles auront également le choix d'utiliser leur numéro d'immatriculation sans pour cela causer de préjudice à l'entreprise ou au gouvernement. Alors, il est à souhaiter, bien entendu, M. le Président, que le système technologique soit à la hauteur de nos attentes à ce sujet-là.

J'ai tenu à souligner en commission parlementaire au ministre que, vu l'augmentation importante du nombre de travailleurs autonomes, il faudrait penser très bientôt à les immatriculer. Alors, on sait que présentement les personnes physiques qui exploitent une entreprise individuelle sous un nom qui comprend leur nom de famille et leur prénom ne sont pas assujetties à l'obligation d'immatriculation.

Je ne peux m'empêcher, M. le Président, de revenir sur le fait que ça aura pris trois ans et demi, deux discours d'assermentation, un engagement budgétaire, deux sommets socioéconomiques, deux rapports de consultation, Charbonneau et Saucier, en décembre 1996, afin que le gouvernement s'occupe du problème qu'on veut corriger aujourd'hui. Alors, le projet de loi n° 169 est un tout petit pas dans la bonne direction, mais il aurait gagné à être plus consistant en matière d'allégement réglementaire. Alors que la majorité des provinces canadiennes, M. le Président, et des pays industrialisés ont adopté des politiques sérieuses en matière d'allégement réglementaire, le Québec se contente d'un projet de loi de 15 articles réglant seulement un des nombreux aspects des problèmes qu'ont les entreprises en cette matière.

De plus, le gouvernement s'obstine toujours à mettre sur pied toute une série de lois qui alourdissent de façon considérable la charge réglementaire déjà existante. Par exemple, c'est le gouvernement actuel qui a instauré la taxe de 1 % sur la formation. Il s'agit là, bien entendu, d'une mesure mur à mur, alors que les besoins en formation, on le sait, M. le Président, ne sont pas les mêmes dans tous les secteurs d'activité. De même, la Loi sur l'équité salariale pourra s'avérer très difficile à mettre en application. Enfin, on sait qu'il y a actuellement sur la table un projet de quota d'embauche des personnes handicapées. Une autre mesure qui mérite d'être scrutée à la loupe.

Donc, en résumé, le projet de loi n° 169, c'est un petit effort visant à alléger la réglementation, mais c'est bien maigre comme effort. Il y a eu peu d'évolution dans l'allégement réglementaire depuis que ce gouvernement a pris le pouvoir, en 1994. Alors, M. le Président, je m'en voudrais de ne pas souligner qu'il existe de nombreuses similitudes entre les recommandations du rapport Charbonneau en 1994 et les recommandations du rapport Saucier en décembre 1996. C'est la preuve que ce dossier-là avance à pas de tortue.

Il y a encore une prolifération de règlements et une multitude de formulaires à remplir, des négociations interminables entre les différents ministères. Ça affecte la productivité des entreprises et ça se traduit par une augmentation des coûts pour les consommateurs. Je ne peux donc m'empêcher, M. le Président, de souligner au gouvernement l'urgence d'agir dans ce dossier. Le gouvernement devrait prendre l'exemple sur les entreprises beauceronnes, qui réussissent parce qu'elles savent prendre des risques mesurés. J'invite le gouvernement à travailler à rendre notre économie plus flexible et plus dynamique.

Alors, pour terminer, M. le Président, j'aimerais réitérer l'appui de ma formation politique à l'adoption en deuxième lecture du projet de loi n° 169 qui répond aux besoins des entreprises et qui fait suite également à une proposition qui émane du gouvernement libéral en 1994. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Beauce-Sud. Je vais céder la parole maintenant à M. le ministre des Finances pour son intervention de cinq minutes. M. le ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Une très brève réplique, M. le Président. D'abord, il est heureux de voir que l'opposition officielle appuie la démarche du gouvernement, comme largement d'ailleurs sur certains principes de l'autre loi, portant sur la Caisse de dépôt et placement. On a eu la collaboration de nos amis d'en face, ce qui veut dire que de temps en temps ils collaborent. Et je comprends qu'ils le fassent, parce qu'ils doivent regarder avec étonnement le dernier mandat où ils ont été au pouvoir, où il n'y a eu aucun emploi de créé en cinq ans. Bilan net: zéro. Alors, de voir des gens qui font bouger les choses, qui modifient les lois, qui simplifient la vie aux PME, qui facilitent l'entrepreneurship, qui ont conduit le Québec, au cours de l'an passé, à sa meilleure année contemporaine d'investissements étrangers et qui vont faire la même chose cette année – et ce sera encore mieux l'an prochain – ça doit les impressionner un peu, et c'est la raison pour laquelle ils ont la lucidité d'appuyer un certain nombre de nos mesures.

Ils nous demandent pourquoi, celui-là, on ne l'a pas fait plus vite. D'abord, parce qu'on a fait énormément de choses. C'est un gouvernement qui gouverne beaucoup. Mais on pourrait leur retourner la question: Pourquoi, en 10 ans de pouvoir avant nous, si c'était si simple que ça, ils ne l'ont pas fait? On pourrait aller loin avec une telle approche. Je pense que ce qui est important, c'est qu'on le fasse. Ce qui est important, c'est que ça soit accueilli de façon unanime par notre Assemblée. Et, comme on prédit que 1998 sera la meilleure année économique de la décennie, bien, espérons que plusieurs nouvelles entreprises, sans compter les entreprises existantes, se serviront des dispositions de ce projet de loi pour être plus dynamiques encore et faire leur métier encore mieux qu'elles ne l'auraient fait autrement, bien que la base des choses, ce ne soit pas le numéro de l'entreprise, c'est son dynamisme, c'est sa créativité, c'est sa persévérance dans l'effort quand il le faut. Mais, au moins, on leur a un peu facilité la vie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. D'autres intervenants? M. le député d'Orford, je vous cède la parole.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, M. le Président. Je voudrais intervenir sur le projet de loi n° 169. D'abord, oui, nous allons souscrire positivement au projet de loi n° 169. Je rappellerai au ministre que c'était une idée qui venait du rapport Charbonneau, Michel Charbonneau, qui a été le député de Saint-Jean, très bon député et président du caucus, là-bas, et qui avait dans son rapport, avec plein de gens d'affaires... Ce rapport a été déposé juste avant l'élection.

Et, tout comme ma consoeur de la Beauce, je suis absolument surpris, M. le Président, de voir que nous aurons eu un Sommet socioéconomique, nous aurons eu quelques engagements de la part du premier ministre, nous aurons eu la création d'un comité... D'ailleurs, le Conseil du patronat disait au ministre, au-delà des en-têtes de journaux: Ce n'est donc pas avant 1998 qu'on pourra avoir une idée de l'efficacité de cette démarche, en parlant du comité. Alors, oui, nous souscrivons, mais nous sommes très surpris de voir que ça aura pris trois ans à ce gouvernement pour une affaire aussi simple que de mettre toutes les compagnies avec le même numéro dans toutes les sociétés d'État.

Ceci dit, M. le Président, le ministre semblait, comme c'est son accoutumance un peu, se péter les bretelles. On sait qu'il a des grosses bretelles, et il a une tendance à les péter assez souvent, merci. Je voudrais juste lui rappeler quelques chiffres pour éviter que ce soir il tombe en bas de son lit à force de se péter les bretelles.

D'abord, quand il dit que ça va tellement bien au Québec, M. le Président, comparons-nous un petit peu, là, comparons-nous. Ce sont les chiffres du Conseil du patronat, ici, que je vais vous lire. Au Québec, investissements en milliers de dollars, tous confondus, secteur primaire, manufacturier, construction, tertiaire, gouvernement: le Québec, 26 900 000 000 $; l'Ontario, 54 500 000 000 $. Les investissements réels, nous sommes deux points en bas de la moyenne: 9,7 au Québec, 11 dans l'ensemble du Canada; si on prend le Manitoba, si on prend l'Ontario, 13, etc. Alors, on est loin. On n'est pas dans le quadrille en avant. Loin de là, M. le Président.

(17 h 50)

Si on prend les emplois maintenant – et c'est peut-être ce qui intéresse le plus nos gens – 12 % de chômage au Québec, 11,7 % ce soir, c'est 37 000 jobs créés au Québec versus 89 000 en Ontario. Ça, c'est dans l'annexe du Conseil du patronat, M. le Président. Je sais qu'il s'est pété un peu les bretelles avec le rapport du Conseil du patronat et j'aimerais qu'il lise les annexes, parce que les vrais chiffres, c'est dans les annexes qu'on les retrouve. C'est là qu'on s'aperçoit... Quand il nous dit que ça va tellement bien au Québec, les 300 jeunes entrepreneurs qui étaient réunis il y a quelques jours ont rappelé au ministre – ils lui ont dit ce que je lui avais dit dans un débat, d'ailleurs: Si vous ne pouvez pas nous aider, arrêtez donc de nous nuire. C'est ça qu'ils lui ont dit. Et ce qu'ils lui ont dit, c'est exactement ce que le Conseil du patronat lui avait dit sur la réglementation.

D'ailleurs, dans le rapport Charbonneau, nous nous étions aperçus qu'entre 1976 et 1985... On sait que les sociaux-démocrates à travers le monde, ils ont des bébites qui les rapprochent. Et une de ces bébites-là, c'est les structures et les règlements, M. le Président. Le PQ, entre 1976 et 1985 – là, ils ne peuvent pas dire qu'ils ne l'ont pas fait, ils étaient là, là, et le ministre des Finances était là aussi – ils ont écrit – écoutez-moi bien, là, vous pensez que je rêve, là – 12 000 pages de règlements par année. Ce gouvernement, s'il s'imagine que c'est comme ça qu'ils vont aider les PME au Québec... Bien, ils sont après faire la même affaire en ce moment.

Pire que ça. On crée des débats où les gens d'affaires ne se retrouvent pas. Le dernier qu'on vient de vivre, c'est de l'euphorie collective. On «va-tu» donner de l'argent à la MRC? On «va-tu» donner de l'argent au CLD? On «va-tu» donner de l'argent au CLD ou au CRD? Savez-vous comment ils ont fini le débat, M. le Président? Ils ont décidé de tout laisser les structures en place et d'en créer une autre puis de répartir l'argent un peu, M. le Président.

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Est-ce que vous pourriez m'indiquer quel est le projet de loi que nous sommes en train d'étudier? Est-ce le projet de loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés ou des personnes morales ou Loi instituant un ministère libéral de la propagande? Si c'est la première loi que nous étudions, je vous prierais de bien vouloir rappeler le député à la règle de pertinence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député, je n'ai pas tout le contenu de la loi, mais je sais qu'on parle de règlements et qu'on supprime certains règlements et que vous argumentez un peu autour de cette question-là. Je vous inviterais – vous connaissez le projet de loi – à vous en tenir, autant que possible, à cette question-là qui est, je crois, le coeur de la loi qui est devant nous. Alors, M. le député d'Orford.

M. Benoit: M. le Président, je pense que j'étais tout à fait à l'intérieur des normes acceptées par notre Assemblée. Nous parlons de réglementation. Nous parlons de réglementation et de structures quand nous parlons du projet de loi n° 169. Écoutez, si l'individu, de l'autre côté, ne l'a pas lu, c'est son problème à lui, M. le Président. Je l'invite à lire ce projet de loi et à comprendre ce qu'on est après faire avec ce projet de loi là. On est après aider, pour une fois, une structure. On est après aider, suite au rapport Charbonneau.

Alors, ce que j'étais après dire – et, s'il écoutait avec attention, il aurait compris ma pensée, M. le Président – c'est que, plutôt que de créer des débats comme on fait en ce moment: est-ce qu'on va en donner un petit peu aux MRC, est-ce qu'on va en donner un petit peu aux CLD, est-ce qu'on va en donner un petit peu aux CRD, puis là, finalement, on fait un grand débat de société, comme la couleur de la margarine, puis on finit finalement, M. le Président, on va en donner un petit peu à tout le monde, puis tout le monde va être heureux, hein... Il y a une commission qui siège, d'ailleurs, dans le salon d'à côté, si le député veut aller entendre ça, et ça porte sur la réglementation puis les structures.

Alors, le point que j'apportais, M. le Président, c'est que le Conseil du patronat dit au ministre: Écoutez, là, vous avez été élus il y a trois ans. Vous avez eu une couple de sommets. Vous avez eu une couple de budgets, bien des engagements, bien du pétage de bretelles, mais, en bout de ligne, allez-vous en enlever, des règlements? Allez-vous en enlever, quelque-unes de ces structures-là? La réponse, c'est non. Les jeunes qui se sont réunis, 300 jeunes entrepreneurs qui ont dit au ministre carrément, pas à peu près, là: Si vous ne pouvez pas nous aider à partir une affaire, là, arrêtez donc de nous nuire avec toutes vos patentes, puis là ils lui en ont donné une liste, une grande liste, là.

Alors, je suis heureux de voir qu'aujourd'hui on va suivre le rapport Charbonneau qui, lui, est arrivé avec une mesure précise, celle de donner un même numéro à toutes les entreprises, et on souscrit à ça. Maintenant, juste rappeler au ministre, là, que, quand il nous dit que ça va très bien au Québec, j'espère que ça va bien, M. le Président, au Québec. Réalisez-vous que, au moment où on se parle ce soir, c'est la meilleure année, dans l'histoire des économies, aux États-Unis, en économie, depuis 24 ans? Jamais nous avons connu un taux de chômage de l'ordre de 4 % aux États-Unis depuis 24 ans. Jamais nous avons connu, dans le reste du continent, des croissances économiques comme nous connaissons en ce moment. Mais, même à ça, nous sommes les derniers à partir, M. le Président, et c'est la théorie de l'éponge. Le Nouveau-Brunswick attire des entreprises chez lui parce qu'il est très dynamique. Et j'espère que le ministre a regardé l'émission Le Point , la semaine dernière, où trois entreprises, Breton et deux autres, ont décidé d'aller au Nouveau-Brunswick parce que c'est moins compliqué, moins de règlements, plus efficace, on répond à leurs questions... Alors, ça, c'est le premier point, M. le Président. Qu'est-ce qu'on attend pour être efficace? On crée une autre structure chez nous dans laquelle on va mettre les sociaux et les économiques. Rien contre ça, mais on va encore ralentir tout le processus.

Alors, ce que je veux dire au ministre, c'est: J'espère que ça va bien au Québec, parce que ça va bien dans toute l'Amérique, ça va bien au Nouveau-Brunswick, ça va super bien en Ontario, M. le Président. On a les derniers chiffres, après six mois, 89 000, créations d'emplois en Ontario. Jamais, jamais nous n'avons eu, depuis 24 ans, une reprise économique comme celle-là. La plus importante reprise, d'ailleurs, dans les sept dernières années sans interruption. C'est du jamais vu depuis, probablement, la Première Guerre mondiale ou à peu près. Quand le ministre nous dit que ça va bien au Québec, s'il fallait qu'il nous dise que ça va mal... Mais, toutes proportions gardées, quand nous nous comparons à des comparables, nos deux voisins, nos voisins du Nouveau-Brunswick, nos voisins de l'Ontario, l'ensemble du Canada, nos voisins américains, avec un taux de chômage de 4 %, alors que nous avons 12 % en ce moment au Québec, 11,7 % chez les jeunes, dans le comté du premier ministre, 22 % de chômage chez les jeunes...

Nous avons reçu ici, il y a quelques jours, Pour une politique québécoise de l'innovation . Nous savons tous que le développement économique d'une province comme la nôtre passe indéniablement par le développement de la haute technologie. Eh bien, que disait le président de cet organisme dans son rapport? «Le Québec n'a plus de politique explicite pour orienter, coordonner et évaluer ses actions de soutien à la science, à la technologie et à l'innovation. Il en résulte un manque de clarté dans les orientations et des changements de programme fréquents, mais dont les objectifs restent souvent mal précisés aux yeux des partenaires.» Ce n'est pas n'importe qui, M. le Président, c'est le président du Conseil de la science et de la technologie qui a déposé son rapport.

Nous savons que l'Ontario, les États-Unis – notre ministre nous parle de la France à tout bout de champ – la France ont des politiques très arrêtées au niveau de la haute technologie, du développement dans les entreprises de haute technologie, et, ici, le président nous dit exactement le contraire. Alors, oui, nous souscrivons à la loi n° 169, c'est une idée qui vient du rapport Charbonneau, un bon libéral. D'autre part, nous avons à rappeler régulièrement au ministre qu'il ne fait pas ses travaux en ce qui a trait à la déréglementation. Le Conseil du patronat le lui a dit et les 300 jeunes entrepreneurs, en fin de semaine, le lui ont rappelé.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Orford. Pas d'autres intervenants?

M. Landry (Verchères): J'aurais peut-être le temps, M. le Président, de...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, il resterait deux minutes avant 18 heures. Si vous voulez, M. le ministre, une minute ou deux.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): Oui? Bon. Tout simplement pour dire que tout le monde de ce côté-ci de la Chambre souhaite bien que le Nouveau-Brunswick se développe et dit qu'il en a bien besoin, et que c'est un endroit sympathique, et que c'est un de nos clients, sauf que, malheureusement pour le Nouveau-Brunswick, le chômage a monté au cours des dernières années et, au Québec, qu'il a baissé. Je souhaite qu'il baisse au Québec et qu'il baisse au Nouveau-Brunswick, mais le taux de chômage au Nouveau-Brunswick, il a atteint les 13 %, et puis, nous, avec nos amis d'en face, on avait touché les 14 %, puis on est revenu à 11 %, et c'est trop haut.

Si le député d'Orford veut être honnête, il reconnaîtra que, à chaque fois que j'interviens sur cette question, ainsi que mes collègues, on ne se vante jamais que le taux de chômage soit à 11 % au Québec. C'est une catastrophe; c'en était une, c'en est encore une, mais, au moins, on s'y attaque sérieusement. Au moins, on consolide des secteurs extrêmement prometteurs à Montréal.

Tout le monde sait que l'atmosphère a changé. Le Conseil du patronat l'a reconnu, mais toutes les couches de la société reconnaissent, dans tous les sondages qui dénotent le niveau de confiance en l'économie, qu'enfin le virage s'est produit. La psychologie, en économie, c'est très important. Un nouveau vent de confiance souffle sur notre économie. Ça a pris un certain temps à le bâtir. L'état lamentable des finances publiques n'avait laissé aucun moyen pour le faire, et ce déficit de 6 000 000 000 $ avait miné la confiance des entrepreneurs comme des particuliers. On a attaqué sur tous les fronts et on a des résultats. On a des résultats sur le plan du déficit puis on a des résultats sur le plan du chômage. Mais ce n'est pas fini, M. le Président, on va aller plus loin encore.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 169, Loi modifiant la Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Étant donné qu'il est 18 heures, nous allons suspendre nos travaux à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 13)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. M. le ministre et leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Je vous prierais d'appeler l'article 26.


Projet de loi n° 165


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 26 de votre feuilleton, Mme la ministre déléguée au Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi? Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, j'ai le plaisir de soumettre, ce soir, à l'Assemblée nationale pour adoption le projet de loi n° 165, intitulé Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec. Le projet de loi n° 165 a été présenté aux membres de cette Assemblée le 4 novembre dernier, et le principe en a été adopté le 13 novembre suivant. La commission des finances publiques a procédé à son étude détaillée les 18 et 25 novembre dernier et a adopté les 12 articles qui le composent. Aucun amendement n'a été apporté par les membres de la commission. Le rapport de la commission des finances publiques a été déposé le 2 décembre et il a été pris en considération ici le 9 décembre.

Le projet de loi n° 165 introduit diverses modifications visant principalement à corriger des situations problématiques relevées dans le cadre de l'application de certaines lois fiscales. L'adoption de ces modifications est essentielle pour, entre autres, assurer l'application concertée, équitable et efficace de l'ensemble des lois qui relèvent du ministre du Revenu. Parmi les mesures contenues dans ce projet de loi, permettez moi, M. le Président, d'expliquer certaines d'entre elles. La première concerne le délai de cotisation.

Le ministre du Revenu est actuellement limité par un délai lorsqu'il cotise une personne ou lorsqu'il signifie à une personne le montant de ses droits à payer. Selon les lois applicables, ce délai court depuis le moment où des droits devaient être payés ou depuis qu'un premier avis de cotisation a été émis. Or, il existe certaines situations où le ministère du Revenu se retrouve dans l'impossibilité de cotiser une personne alors qu'il le faudrait. La première des situations que vise à corriger ce projet de loi est donc celle d'une personne qui n'a pas produit une déclaration de revenus dans le but d'éluder l'impôt sur des revenus non déclarés ou dans le but d'éluder le paiement d'un montant en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec.

Actuellement, le ministère du Revenu peut cotiser de nouveau une personne indéfiniment si elle a commis une fraude en produisant sa déclaration. Toutefois, lorsque aucune déclaration n'a été produite et qu'une cotisation estimative a été établie à l'égard d'une personne, on ne peut pas établir une nouvelle cotisation au-delà d'un délai de trois ans suivant ce premier avis de cotisation, même s'il y a eu fraude de la part d'un contribuable. Le projet de loi accorde donc au ministère du Revenu le pouvoir d'établir un avis de cotisation à l'égard d'un contribuable tant que celui-ci n'a pas produit une déclaration de revenus. C'est l'objet de l'article 1.

La Loi sur le régime de rentes du Québec est également modifiée par l'article 10 de manière à permettre au ministère du Revenu de cotiser une personne qui n'a jamais produit de déclaration. Actuellement, par exemple, un employeur pourrait retenir des montants de cotisation au Régime de rentes du Québec sur le salaire de ses employés, ne jamais faire de déclaration à l'égard de ces retenues et ne pas en être inquiété si le ministère du Revenu n'arrive pas à le découvrir dans un délai de quatre ans. Ce projet de loi, par l'article 10, vient corriger une telle situation. Le ministère du Revenu vise, par cette mesure, à ce qu'une personne qui ne produit pas de déclaration n'en soit pas avantagée par ce fait si elle a commis une fraude. Il ne cherche pas à obtenir un délai de cotisation additionnel parce qu'il n'a pas eu le temps de vérifier le dossier d'une personne.

L'autre situation qui concerne les délais de cotisation touche les corporations. Actuellement, le ministère du Revenu, dans une démarche de vérification concertée avec le gouvernement fédéral, peut émettre des avis de cotisation à la suite de l'obtention de renseignements de Revenu Canada. Or, étant donné la complexité des dossiers de certaines compagnies et les délais occasionnés par les vérifications du gouvernement fédéral, les délais normaux de cotisation peuvent expirer sans que le ministère du Revenu du Québec ait le pouvoir d'apporter les corrections correspondantes dans ses avis de cotisation. En conséquence, M. le Président, la modification proposée donne le pouvoir au ministère du Revenu du Québec d'émettre un avis de cotisation dans l'année de la cotisation fédérale, alors que le délai serait normalement expiré. C'est l'objet de l'article 2. Cette mesure permet d'éviter les dédoublements au niveau des vérifications et donne plein effet à une entente qu'il y a au niveau de l'échange de renseignements entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.

Le deuxième sujet de ce projet de loi concerne l'assouplissement au délai d'opposition. Actuellement, une personne qui n'a pas contesté son avis de cotisation dans le délai de 90 jours qui est prévu par la loi peut quand même le contester en demandant une prorogation de ce délai. Cette prorogation sera accordée si la personne a été empêchée d'agir dans le délai. Toutefois, elle ne peut faire une telle demande qu'à la condition qu'il ne se soit pas écoulé plus d'un an depuis la date de l'avis de cotisation.

(20 h 20)

Le projet de loi vise à allonger ce délai maximum en l'harmonisant au délai prévu dans la législation fédérale. Ainsi, la demande pourra être faite dans l'année qui suit l'expiration du délai pour s'opposer plutôt que dans l'année qui suit la date de l'avis de cotisation contesté. Cette harmonisation se justifie par le fait que le Québec administre la taxe sur les produits et services et vise à éliminer la confusion que des délais différents peuvent causer.

Ce projet de loi assouplit aussi les conditions d'obtention d'une décision favorable du ministère du Revenu lorsqu'une personne demande la prorogation de son délai d'opposition. Actuellement, une personne peut demander à son représentant de contester son avis de cotisation, mais elle ne pourra obtenir une prorogation si son représentant fait défaut de faire opposition dans le délai prévu à la loi. La modification proposée vise donc à permettre une prorogation du délai d'opposition dans cette circonstance. Ainsi, un contribuable ne sera pas pénalisé en raison d'une erreur de son représentant. C'est l'objet de l'article 6.

Le troisième sujet de ce projet de loi, c'est la communication de renseignements fiscaux à des fins de lutte contre les produits de la criminalité. Depuis quelques années, M. le Président, nous avons pu constater que les corps policiers ont entrepris plusieurs opérations qui étaient destinées à freiner les activités criminelles de certaines personnes, et plus particulièrement des personnes du milieu du crime organisé. Bien que plusieurs de ces opérations aient produit des résultats intéressants, il reste encore à faire pour mieux lutter contre les personnes qui retirent d'énormes bénéfices des infractions criminelles.

Sur cet aspect, le gouvernement du Québec doit, dans les limites de ses pouvoirs, contribuer à faire en sorte que les corps policiers puissent disposer de moyens efficaces pour lutter contre les personnes qui jouissent des produits de la criminalité. Il me fait donc plaisir, M. le Président, d'informer les membres de cette Assemblée que le projet de loi n° 165 introduit dans la Loi sur le ministère du Revenu des dispositions particulières qui permettront aux membres de la Sûreté du Québec ainsi qu'aux membres d'un corps de police municipal d'avoir un droit d'accès aux renseignements et aux documents que le ministère du Revenu a obtenus dans l'application des lois fiscales. Il importe d'ajouter que la communication de renseignements et de documents détenus par le ministère du Revenu pourra être permise uniquement dans le cadre des enquêtes policières reliées à la lutte contre les produits de la criminalité. Je tiens d'ailleurs à préciser que les policiers disposent déjà d'un droit d'accès aux documents fiscaux détenus par Revenu Canada.

De plus, M. le Président, je vous souligne que la Commission d'accès à l'information a été consultée relativement à l'intention du ministère du Revenu d'introduire une telle mesure. À cet égard, elle nous a informés qu'elle n'entendait pas émettre d'avis défavorable. D'autre part, afin de rassurer les membres de cette Assemblée, il est important de mentionner que le droit d'accès à des documents ou à des renseignements confidentiels détenus par le ministère du Revenu ne pourra s'exercer que si certaines conditions sont satisfaites. En effet, pour s'en prévaloir, les policiers devront obligatoirement obtenir l'autorisation d'un juge de la Cour du Québec. Cette autorisation ne sera accordée que si le juge est convaincu qu'il est dans l'intérêt public de permettre l'accès aux renseignements et aux documents demandés. Enfin, les renseignements et les documents obtenus par les policiers ne pourront être communiqués qu'aux seules fins de l'enquête policière ayant justifié leur transmission.

J'invite donc, M. le Président, les membres de cette Assemblée à adopter le projet de loi n° 165, modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre déléguée au Revenu. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition, M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus à la dernière étape de ce projet de loi n° 165, ici, dans cette Chambre, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec.

M. le Président, l'opposition officielle essaie de jouer un rôle constructif en essayant de convaincre la ministre déléguée de quelques faiblesses de ce projet de loi. Je pense qu'elle a fait le tour des quatre ou cinq grands sujets de ce projet de loi de 12 articles, mais 12 articles assez importants. Laissez-moi quelques minutes, M. le Président, pour rappeler quelques-unes de nos questions sur le projet de loi.

La ministre déléguée a mentionné le premier sujet, c'est le délai de cotisation. L'opposition officielle a beaucoup questionné le côté ministériel sur ce qui se passe sur la question de délai. La ministre déléguée a mentionné que, effectivement, s'il y a quelqu'un qui n'a pas rempli son formulaire, qui n'a pas déclaré ses impôts, il n'a pas les mêmes règles que les autres contribuables. J'ai questionné la ministre. Selon les réponses, j'ai appris que, pendant les trois ans que le ministère a pour faire les vérifications – si les chiffres sont bons, ils sont plus ou moins les suivants – il y a une vérification supplémentaire la première année, c'est plus ou moins 40 % des cas; pendant la deuxième année, il y a une vérification supplémentaire du prochain 38 %; et, la troisième année, c'est 22 % de vérifications supplémentaires.

Qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? C'est qu'il y a plus de la moitié des cas qui ne sont pas étudiés la première année. C'est pourquoi j'ai eu de la misère à croire que... Si on continue de donner plus de temps au ministère, est-ce qu'il va avoir vraiment une chance de récupérer toutes ces sommes? Je ne sais pas, M. le Président, mais je sais que de plus en plus cette règle de trois ans cause un problème aux contribuables.

M. le Président, il y a un deuxième sujet dont nous avons discuté, c'est actuellement le délai d'opposition. Dans cet article, l'opposition a vu qu'effectivement on donne un peu plus de flexibilité aux contribuables, pour une fois. Et je pense que, de plus en plus, c'est ça que les contribuables veulent: avoir plus de justice, plus d'équité dans leurs relations avec le ministère du Revenu.

Mais le sujet qui a, je pense, soulevé beaucoup de débats, c'est toute la question d'échange d'informations. La ministre déléguée a eu raison techniquement... qu'ils n'ont pas eu les amendements proposés. Techniquement, elle a eu raison, mais nous avons discuté les amendements. Nous avons proposé quelques amendements officieusement... en discussion, à savoir: Est-ce qu'on peut trouver une façon de baliser quelques pouvoirs qu'on trouve dans ce projet de loi n° 165?

Laissez-moi expliquer, M. le Président, que, dans le projet de loi n° 165, comme c'est mentionné, la police peut avoir les copies ou les photocopies des documents fiscaux dans le cas d'un exercice de vérification, toujours, je présume, dans la lutte contre le produit de la criminalité, mais nous avons compris que la police ne peut pas faire des photocopies de cette information sans avoir l'autorisation d'un juge. Avec ça, au moins, nous avons encadré, balisé les règles où la police peut avoir accès à ces copies. Bon pour ça.

Mais la personne qui est ciblée par cette démarche, M. le Président, peut être innocente, peut être non coupable. Et effectivement, une fois l'enquête finie, nous avons demandé: Est-ce qu'on peut introduire un article dans ce projet de loi qui oblige soit le retour de ces documents au ministère du Revenu ou la destruction des documents par la police? Avec ça, il s'agissait d'un concept assez simple. La ministre elle-même, je pense, a pensé que l'idée était assez intéressante, mais, malheureusement, elle a vérifié avec le ministère de la Justice, et ils ont dit: Ce n'est pas nécessaire, etc.

(20 h 30)

Nous avons insisté sur ce concept, M. le Président, parce que de plus en plus on discute les renseignements confidentiels au ministère du Revenu, on discute toutes les questions des mégafichiers, on discute tous les problèmes que nous avons véhiculés pendant les quelques derniers mois, et nous avons pensé qu'avec le projet de loi n° 165 on peut introduire le concept que cette information confidentielle ne peut pas se promener, traîner indéfiniment dans le dossier de quelqu'un. Je comprends qu'il y a toujours, supposée, la protection de la confidentialité, mais nous avons pensé que c'est un concept assez substantiel et assez important. Malheureusement, ça n'a pas été accepté, malgré que nous ayons offert les amendements officieusement à la ministre déléguée. Je comprends, mais j'ai voulu souligner, à cette dernière étape de ce projet de loi, que nous avons essayé de convaincre la ministre.

L'autre question, c'est aussi l'échange d'informations, le numéro d'assurance sociale, pour les pensions alimentaires. L'opposition officielle a toujours fait son possible pour convaincre ce gouvernement de rendre le système plus efficace pour tous les bons payeurs. Nous n'avons pas besoin de ces personnes impliquées dans ce système. Nous avons encouragé un système plus souple et plus efficace. Nous ne sommes pas convaincus que, ça, c'est la meilleure façon de procéder, cette communication d'informations, particulièrement dans le contexte que je viens juste de mentionner. Mais nous avons encouragé la ministre à prendre les mesures pour rendre ce système le plus efficace possible.

Mr. Speaker, Bill 165, an Act to amend the Taxation Act, the Act respecting the ministère du Revenu, the Act to facilitate the payment of support and the Act respecting the Québec Pension Plan, has reached its final level in the National Assembly. We have raised numerous concerns about the way the Ministry of Revenue has been working, the notion about the three-year delay and further delays in terms of the power to retroactively go back on various dossiers, Mr. Speaker. We also discussed the question of in Bill 165 there is a right to make photocopies and take copies of fiscal documents for police investigations.

Now, on one hand, we appreciate that, in Bill 165, it is framed that a judge must determine the procedures and the reasons for allowing such distribution of information. What we tried to introduce in the bill, Mr. Speaker, was, in fact, that that information, once finished with by the investigation, that that information would be destroyed, that it wouldn't sit around in police stations and wouldn't sit around in a way that unfortunately may fall into improper hands. We questioned that quite seriously, Mr. Speaker. However, our amendments weren't accepted.

The notion of support payments, payments of support, we, of course, have encouraged this Government to come up with a more effective system for family support payments. We believe that the system that they have developed is unnecessarily complicated and long. We're somewhat concerned that again there isn't a further exchange of confidential information that we find in Bill 165, and we questioned the Minister on that.

Avec ça, M. le Président, c'est quelques commentaires que j'ai faits depuis le début avec ce projet de loi. Nous avons travaillé avec la ministre déléguée au Revenu dans un esprit de collaboration pour s'assurer qu'ensemble on puisse comprendre la loi, les raisons de cette loi. Nous avons essayé de baliser les pouvoirs de cette loi, nous avons aussi essayé de limiter l'échange d'information confidentielle qu'on trouve de plus en plus au ministère du Revenu.

M. le Président, merci beaucoup pour cette opportunité de faire mes derniers commentaires sur ce projet de loi n° 165. J'ai espéré jusqu'à la toute dernière minute que la ministre déléguée arrive avec un amendement sur notre idée sur la permanence... mais malheureusement elle n'est pas arrivée avec ça. C'est la conclusion de mes remarques, et merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur l'adoption du projet de loi n° 165?


Mise aux voix

Le projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec, est-il adopté?

M. Jolivet: Adopté.

M. Williams: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Juste pour les besoins de la cause, à ce moment-ci, compte tenu que nous attendions quelqu'un de l'opposition, je vous demande de suspendre quelques instants.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 20 h 36)

(Reprise à 20 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre et leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: L'article 25, M. le Président.


Projet de loi n° 157

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 25, M. le ministre des Transports propose l'adoption du projet de loi n° 157, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 157? M. le ministre.

M. Brassard: M. le Président, j'ai quelques amendements à faire et, pour ce faire, je vous demanderais ou je ferais motion pour que l'Assemblée se transforme en commission plénière.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. En conséquence, l'Assemblée se constitue en commission plénière pour l'étude des amendements qui seront déposés par le ministre des Transports. Je suspends donc les travaux quelques instants, le temps qu'on se constitue en commission.

(Suspension de la séance à 20 h 41)

(Reprise à 20 h 46)


Commission plénière

M. Pinard (président de la commission plénière): Alors, conformément à la motion qui vient d'être adoptée, nous sommes réunis en commission plénière pour étudier les amendements proposés par M. le ministre des Transports au projet de loi n° 157, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé. M. le ministre des Transports.


Étude des amendements du ministre

M. Brassard: Oui, M. le Président. J'ai demandé que l'Assemblée se transforme en commission plénière parce qu'à la suite de consultations qui ont suivi l'adoption du principe et l'étude détaillée du projet de loi il y a quelques modifications supplémentaires ou additionnelles qu'il convient d'apporter. Donc, c'est le moment ou jamais de le faire, au moment de l'adoption et avant nos interventions sur l'adoption. Alors, il y en a trois, trois amendements dont je pourrai expliquer l'origine et le bien-fondé.

Le Président (M. Pinard): Merci. Pour les remarques préliminaires, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. M. le Président, je suis heureux de voir qu'on n'a pas adopté le projet de loi lorsqu'on est venus le 23 octobre dernier en plénière. C'était notre préoccupation, on savait qu'il y avait des gens qui, depuis la consultation du ministère, étaient devenus propriétaires de voies ferrées et que ces gens-là étaient certainement intéressés à participer dans un projet de loi. On est en train de se doter d'un projet de loi pour la sécurité du transport ferroviaire. Donc, je suis content de voir qu'on a pris le temps de le faire.

Toutefois, je vois qu'on a trois amendements. Avec les échanges qu'on a eus avec les propriétaires de CFIL, il semble qu'ils ont plus de préoccupations que ça, M. le Président. Est-ce qu'on est en train de faire un projet de loi pour un peu remplir le vide juridique qui peut exister présentement et qu'on va se donner le temps, peut-être au printemps, de revenir avec un projet de loi qui va couvrir tous les autres aspects qui sont nécessaires selon les propriétaires de voies ferrées, qu'ils veulent mettre en exploitation?

Je voudrais en profiter aussi, M. le Président, pour, encore une fois, parler de... Si on veut que ces nouveaux chemins de fer et que les propriétaires puissent planifier pour l'avenir, il me semble que le plus tôt possible qu'on va être capable de se doter d'une politique ferroviaire je pense qu'au moins on va être capable de donner une chance à ces gens-là de planifier.

Je sais qu'il y a un dossier qui est chaud de ce temps-ci, c'est dans le transport par camion, les trains B, les trains routiers B. Ça a des conséquences, M. le Président, sur l'existence de chemins de fer qui existent présentement, mais, si on ne se dote pas d'une politique de transport intégré, de transport intermodal, c'est peut-être les chemins de fer qui vont être les premiers à payer la note. Si on se donne la peine de vouloir modifier la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé, il me semble qu'on devrait penser aussi: Est-ce que le transport terrestre guidé a un avenir? Si on est pour le fait de ne pas se doter d'une politique, on va faire disparaître le transport ferroviaire, je me pose la question: Pourquoi on veut s'occuper de la sécurité?

Il me semble, puis je suis convaincu, on a eu des discussions, le ministre et moi, à plusieurs occasions, qu'on veut avoir un transport intégré, qu'on veut avoir un transport intermodal. Il me semble que le plus tôt... Et c'est ces mêmes personnes là qui vont nous permettre à l'avenir d'avoir un transport ferroviaire qui va être rentable et qui va nous aider à améliorer la sécurité routière et la conservation de nos routes. Donc, j'en profite, M. le Président, pour soulever... et pour qu'on puisse avoir un échange à ce moment-ci.

(20 h 50)

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député.

M. Middlemiss: Une seconde, M. le Président. Dans tout ça, j'ai fait des remarques, mais ce n'est pas des remarques désobligeantes, hein, parce que les gens de l'industrie ont souligné la compétence des fonctionnaires, etc. C'est peut-être un manque de temps, là, et il y aurait autre chose à faire. Donc, ce n'est pas une critique de la compétence des fonctionnaires, mais c'est peut-être que les gens voudraient le plus tôt possible qu'on se donne une politique ferroviaire et aussi, en même temps, qu'on s'assure de la sécurité du transport terrestre guidé.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Pontiac. Alors, nous allons débuter. L'amendement de M. le ministre des Transports à l'article 2.1 se lit comme suit: Insérer, après l'article 2, l'article suivant:

2.1 L'article 21 de cette loi est remplacé par le suivant:

«21. Lorsqu'un système de signalisation d'un passage à niveau est défectueux, l'exploitant d'un système de transport terrestre guidé doit poster, au passage à niveau, un signaleur au passage des véhicules de transport terrestre guidé jusqu'à ce que le passage à niveau soit totalement occupé.» M. le ministre.

M. Brassard: Oui, bien, ça, c'est un peu à la suite de consultations. En fait, ce qui se passe présentement, c'est qu'il y a deux personnes dans une locomotive. Si on maintenait le texte actuel, il en faudrait trois parce qu'il y en a deux qui doivent descendre et faire la signalisation. À la suite de consultations, on a convenu que la procédure serait la suivante: encore une fois, lorsqu'un passage à niveau est défectueux, il y en a un qui va descendre et qui va faire la signalisation pour permettre au train d'avancer, et, lorsque le passage à niveau sera totalement occupé, évidemment la personne va remonter dans la locomotive, puis le train va pouvoir poursuivre sa route, son chemin.

C'est à la suite, donc, de requêtes des propriétaires qu'on a modifié cet article. Ça ne réduit pas la sécurité. Il y a quelqu'un qui va faire la signalisation, et cette personne-là va remonter dans la locomotive au moment où le passage à niveau sera entièrement occupé par la locomotive. Alors, voilà, tandis que le texte actuel, comme on peut le voir, disait que, lorsqu'il y a un passage à niveau défectueux, l'exploitant d'un système de transport guidé doit poster de chaque côté d'un passage à niveau un signaleur au passage de véhicules de transport guidé jusqu'à ce que la réparation soit complétée. Ils sont deux dans la locomotive. S'ils descendent tous les deux – ha, ha, ha! – il va falloir qu'ils demandent à un passant de conduire la locomotive ou il va falloir qu'ils prévoient qu'ils soient trois. Puis est-ce qu'ils peuvent prévoir qu'un passage à niveau va être défectueux? Vous voyez un peu la situation. Donc, ça explique la modification.

Le Président (M. Pinard): Vous savez, ça toujours été mon rêve de conduire une locomotive. Ha, ha, ha!

M. Brassard: Je l'ai déjà fait, M. le Président. Je l'ai déjà fait.

Le Président (M. Pinard): Oui?

M. Brassard: Oui.

Le Président (M. Pinard): Il y a des chanceux. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Donc, c'est à la suite des récentes consultations avec les gens du milieu, les gens qui sont impliqués, qu'on a réalisé qu'il y a deux personnes qui travaillent sur la locomotive et que, à ce moment-là, si les deux sont en train de garder la traverse, il n'y a personne pour conduire la locomotive. Donc, pour des raisons de sécurité je pense que c'est peut-être plus convenable d'avoir quelqu'un dans la locomotive et seulement une personne sur le bord pour arrêter les passants. Donc, c'est bien, M. le Président, je comprends et je pense que c'est ça le but de vouloir assurer la sécurité mais aussi d'être pratique, d'être pragmatique et de s'assurer que ça va fonctionner. Parce que...

Le Président (M. Pinard): Alors, je comprends que l'amendement est adopté.

M. Middlemiss: Oui, oui, d'accord, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, l'amendement de M. le ministre à l'article 7 se lit comme suit: insérer, dans la deuxième ligne de l'alinéa proposé par l'article 7 et après le mot «guidage», les mots «ainsi que les coûts de signalisation du croisement». M. le ministre.

M. Brassard: Ce qui fait que l'article au complet se lirait comme suit, avec l'amendement: «Les coûts de construction et d'entretien des travaux à la surface de croisement d'un sentier ou d'une piste avec une voie de guidage ainsi que les coûts de signalisation du croisement sont à la charge du responsable de l'entretien du sentier ou de la piste.» Donc, pas uniquement les travaux de surface mais aussi l'affichage par exemple; les coûts donc de signalisation sont aussi... Je pense qu'il était important de le préciser pour ne pas qu'il y ait de doute possible à qui revient la responsabilité des coûts rattachés à la signalisation.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Est-ce qu'on a échangé avec les motoneigistes et les gens qui se promènent aussi avec les quatre-roues? Est-ce que les municipalités aussi... est-ce que c'est quelque chose de nouveau? Je comprends que, lorsque c'étaient des voies ferrées sous le régime canadien, à ce moment-là il y avait des modalités, des règlements, ainsi de suite, pour le coût de l'entretien. Donc tout le monde qui devra s'occuper d'entretenir des traverses de voies ferrées, que ce soient les motoneigistes, les quatre-roues et les municipalités, est-ce que tous ces gens-là ont tous été consultés, avisés? Et est-ce qu'on leur a donné un ordre de grandeur des coûts de cette chose-là, ou est-ce qu'ils sont conscients de l'ordre de grandeur des coûts?

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Brassard: Oui, ils ont été consultés. L'ordre de grandeur des coûts, on l'avait dit au moment de l'adoption: entre 700 $ à 1 000 $ pour une surface pavée en asphalte. Ça, c'est pour une piste cyclable. Si on met de l'asphalte, c'est entre 700 $ et 1 000 $; si ce n'est pas asphalté, c'est sans doute moins.

M. Middlemiss: On peut présumer que tout le monde qui devra défrayer des coûts est déjà sensibilisé au fait qu'ils vont être obligés de défrayer, et les montants aussi. Il n'y aura pas de surprise pour personne à un moment donné, là?

M. Brassard: Il n'y a pas vraiment de surprise non plus parce que déjà les motoneigistes sur leurs sentiers, quand ils franchissaient une ligne de chemin de fer, en assumaient l'installation puis la signalisation appropriée. Ce n'était pas, je dirais, obligatoire en vertu de la loi, mais ils le faisaient déjà. Alors, ça vient confirmer et ça vient faire en sorte qu'on stipule dans une loi une obligation légale. Sur le plan pratique, surtout en ce qui concerne les motoneigistes, ça n'apporte pas de changement véritable à leur fonctionnement et à leur façon de gérer et d'entretenir leurs sentiers.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

(21 heures)

M. Middlemiss: Est-ce que je dois comprendre de la réponse du ministre que, dans le passé, il y avait plusieurs clubs de motoneige qui avaient construit des traverses ou est-ce qu'on utilisait peut-être des traverses qui existaient sur des routes? C'est ça, là. Parce que, si, tout d'un coup, aujourd'hui c'est des voies ferrées qui étaient abandonnées...

M. Brassard: Il y en avait sur les routes, mais il y en avait aussi sur des voies ferrées. Mais des traverses... Il arrive que des sentiers de motoneige sont obligés de franchir un chemin public. Ça, on l'a prévu, comme vous le savez, dans la nouvelle Loi sur les véhicules hors route. Mais il arrivait aussi que des sentiers de motoneige franchissaient des voies ferrées. Donc, les deux cas se retrouvent. Sur les 32 000 km de sentiers de motoneige, il y avait les deux cas, on retrouvait les deux cas.

M. Middlemiss: C'étaient des traverses spécifiquement pour soit des quatre-roues ou bien des motoneiges. O.K.

Est-ce que, au point de vue... Juste si vous avez la réponse, là, est-ce qu'il y en avait plusieurs ou est-ce que, la majorité du temps, les motoneiges et les quatre-roues traversaient où il y avait des traverses existantes?

M. Brassard: C'est difficile d'en déterminer le nombre exact, là, mais il y en avait sûrement. Ça, c'est sûr qu'il y en avait, puis il y en avait aussi – comment dirais-je – des non autorisées. Il y en avait, disons, des sauvages, des sans permission. Avec la loi, je pense qu'on va régulariser bien des situations.

M. Middlemiss: D'accord. Donc, aussi, le fait que les gens ont été consultés, il doit y avoir un consensus de tout le monde dans ce domaine-là. D'accord, M. le Président.

Le Président (M. Pinard): Alors, cet amendement est adopté?

M. Middlemiss: Oui, adopté.

Le Président (M. Pinard): Alors, l'amendement de M. le ministre à l'article 10: Remplacer l'article 10 par l'article suivant:

«10. L'article 41 de cette loi est abrogé.»

M. le ministre.

M. Brassard: Ça aussi, ça fait suite à la consultation. Ça concerne la vitesse. La loi actuelle prévoyait, lorsqu'on traverse une agglomération, une vitesse ne dépassant pas 15 km/h. Ça, c'était la loi actuelle qui évidemment était considérée comme une vitesse trop basse. On l'avait modifiée en l'élevant à 25 km. On s'en rappelle, lorsqu'on a fait l'étude en commission plénière, on l'avait rehaussée à 25 km.

Là, on a eu des entreprises qui ont fait des requêtes, des doléances et qui nous disent qu'il est préférable d'abroger cet article, puisque, par voie réglementaire, on peut déterminer des vitesses lorsqu'une voie ferrée traverse une agglomération. Il peut arriver, dans certains cas, qu'on puisse autoriser 40 km sans augmenter le risque, mais il peut arriver, dans certains cas, qu'on puisse aller en bas, même, de 15 km. Alors que, là, l'article qu'on prévoyait fixait à 25 km la vitesse minimale partout lorsqu'on traverse des agglomérations, on nous a fait comprendre qu'il y avait une multitude de cas très variés où, par conséquent, on pouvait prévoir des vitesses très variées aussi. Et, comme le règlement nous le permet, l'article 50, sixième alinéa permet au gouvernement, par règlement, de limiter les vitesses, donc on abroge l'article et on va utiliser ce pouvoir réglementaire pour faire, en quelque sorte, du cas par cas. Alors, ce sont les représentations qui nous ont été faites par des entreprises de chemin de fer. On a convenu de donner suite à cette requête, ce qui fait qu'on abrogerait tout simplement l'article.

Le Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui. Je me souviens, M. le Président, qu'on avait discuté... C'est l'article 41 de la loi existante. Mais est-ce qu'il n'était pas question, à ce moment-là, que... On avait 25 km/h. Parce que, dans la loi, c'était 15 mi/h et non pas 15 km/h, et, si on fait la conversion du système anglais au système métrique, ça fait 25 km/h. Donc, c'était le but.

Maintenant, suite aux discussions avec l'industrie des chemins de fer, on a fait valoir qu'il y a des variables. Mais de quelle façon? C'est par réglementation qu'on va établir les vitesses permises? Est-ce qu'on a un peu une idée de ce qui va guider? Parce que je pense que, en tout et partout, hein, le but premier, c'est la sécurité. C'est certain aussi qu'il faut qu'il y ait une rentabilité. Mais de quoi on va se servir comme base pour établir quelle vitesse est permise dans un certain cas mais n'est pas permise dans d'autres cas? C'est quoi, la toile de fond qui va nous assurer de cette sécurité?

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Brassard: Alors donc, d'abord le pouvoir réglementaire, c'est à l'article 50, alinéa 6° qui dit: Le gouvernement peut, par règlement, déterminer «les règles de circulation sur une voie de guidage, y compris la limitation de la vitesse et les indicateurs sur cette voie». Bon. Ça, c'est la disposition réglementaire, l'assise légale pour faire des règlements concernant la limitation de la vitesse. C'est chaque situation évidemment qui va être analysée et c'est évident que, par exemple, si des gens traversent la voie ferrée en certains points, à ce moment-là on va imposer une limite de vitesse plus basse.

Il arrive, il y a des cas qu'on connaît où les gens n'ont pas à traverser parce que la voie ferrée, par exemple, longe une falaise. Il y a des habitations juste d'un côté, alors les gens n'ont pas à traverser. Donc, à ce moment-là on pourra permettre une vitesse plus élevée. Ou c'est un boisé, par exemple, mais ce n'est pas développé, ce n'est pas habité. Il y a juste des habitations d'un seul côté de la voie; de l'autre, il n'y en a pas. Il y a des cas. Il y a un certain nombre de cas comme ça. Là, à ce moment-là, on pourra permettre au train d'aller à une vitesse plus élevée, 40 km, par exemple. Par contre, dans certains cas où on passe dans un quartier où il y a une école, par exemple, alors, là, c'est une situation qui va peut-être nous amener à réduire la vitesse encore plus en bas de 25 km.

Alors, c'est donc la situation même, le lieu de passage de la voie ferrée, la configuration de l'agglomération, les édifices et la vocation des édifices le long de la voie ferrée – une école, par exemple – qui vont nous guider pour déterminer la limitation de vitesse par voie réglementaire, de sorte que ces limitations de vitesse vont être vraiment appropriées à chaque situation. Et aussi évidemment on va le faire également en discutant avec l'entreprise, forcément.

Le Président (M. Pinard): M. le député de Pontiac.

(21 h 10)

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Le fait de l'enlever complètement, ça va être des cas d'espèce. Vous mentionnez les écoles; ça, c'est très évident, Mais, s'il y a dans des agglomérations des endroits où il n'y en a pas, de clôture – ça peut-être le long de fermes, d'entreprises – est-ce que là aussi on va, pour protéger quelqu'un, les animaux, il va y avoir des critères qui vont être établis pour dire: Bien, il faut protéger les animaux qui pourraient traverser la voie ferrée? Je suis convaincu que «agglomération» peut devenir un problème. C'est quoi, une agglomération? Est-ce qu'on va avoir une définition très spécifique de c'est quoi, une agglomération?

M. Brassard: Je pense que le pouvoir réglementaire nous donne une très grande ouverture pour déterminer les limites de vitesse et encore une fois en fonction du niveau de risque pour les personnes. Est-ce qu'on va inclure les animaux aussi? Normalement, généralement les animaux sont dans des endroits clôturés, même le long d'une voie ferrée. Mais ça reste possible de prendre ces éléments-là en considération. Il pourra arriver également aussi qu'on n'agisse pas uniquement sur la vitesse. Je donne toujours l'exemple d'une école. On pourra à ce moment-là peut-être exiger de l'entreprise qu'elle installe une clôture pour vraiment s'assurer que les conditions de sécurité sont les plus souhaitables et les plus convenables.

Le Président (M. Pinard): M. le député.

M. Middlemiss: Est-ce qu'au niveau de la réglementation nous sommes assez avancés? Est-ce qu'on a commencé? Est-ce qu'il y a plusieurs cas d'espèce qui pourraient être...

M. Brassard: Je pense que ça va exiger, aussitôt l'adoption de la loi faite, des consultations avec l'industrie pour en arriver à déterminer par règlement les limites de vitesse. On va être prêt à entreprendre ces consultations-là aussitôt la loi adoptée.

M. Middlemiss: À quel moment on peut s'attendre que la réglementation... Parce qu'il y en a, de ces voies ferrées là, qui sont en opération. Entre-temps, c'est quoi, la loi? C'est 15 km/h, là, parce qu'on n'a pas changé la loi?

Le Président (M. Pinard): M. le ministre.

M. Brassard: Jusqu'à ce qu'on ait en main un règlement à la suite de la consultation avec l'industrie, c'est l'article actuel qui demeure en vigueur, puisque, en vertu de la loi, l'entrée en vigueur se fait par décret du Conseil des ministres. Alors, on va abroger vraiment l'article actuel lorsqu'on sera en mesure de mettre en vigueur le règlement concernant les limites de vitesse.

M. Middlemiss: Donc, si je comprends le ministre, l'article 10 ne sera pas en vigueur nécessairement avant que la réglementation soit complétée. Et le fait qu'on voulait avoir 25 km/h au lieu de 15 – parce que, si je comprends bien, c'était 15 mi/h et non pas 15 km qui aurait dû être là – est-ce qu'aujourd'hui dans les faits on exige que la vitesse n'excède pas 15 km/h ou 25 km/h?

M. Brassard: En fait, sur le plan pratique, c'est tellement peu applicable que ce ne l'est pas, tout simplement, le 15 km. Ça n'a aucun sens d'appliquer le 15 km.

M. Middlemiss: Est-ce que le ministre a une indication dans le temps, là? Est-ce qu'on parle de six mois, trois mois, un an avant que la réglementation soit...

M. Brassard: Cet élément-là précis, je pense qu'on peut faire diligence et procéder rapidement à la consultation, mais, en termes de temps, question de mois, disons six mois, sept mois pour élaborer un projet présenté au Conseil des ministres pour adoption.

Le Président (M. Pinard): À ce stade-ci, est-ce que...

M. Middlemiss: En d'autres mots, est-ce que la consultation va couvrir toutes les entreprises qui sont impliquées dans le transport ferroviaire?

M. Brassard: Absolument. Sans exception.

M. Middlemiss: Et je voudrais, juste en terminant, M. le Président, aussi... Je pense que c'est très bien qu'on puisse se donner une loi et je vais revenir encore sur une politique pour les voies ferrées. Si on veut qu'il y ait un avenir, un futur, il va falloir qu'on ait une politique et qu'on s'assure que, dans le transport, on ait une politique de transport intégrée.

M. Brassard: D'accord.

Le Président (M. Pinard): Merci. Est-ce que l'amendement 10 est adopté?

M. Brassard: Adopté.

M. Middlemiss: Adopté.

M. Brassard: Alors, c'étaient les amendements. C'était tout.

Le Président (M. Pinard): Alors, la commission plénière ayant accompli son mandat, je mets fin à ses travaux et je remercie celles et ceux qui y ont participé. Et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire immédiatement.

(Suspension de la séance à 21 h 17)

(Reprise à 21 h 19)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Mme la présidente de la commission.

Mme Charest (présidente de la commission plénière): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié les amendements proposés au projet de loi n° 157, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé, et qu'elle les a adoptés.


Mise aux voix du rapport de la commission

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, ce rapport est-il adopté?

(21 h 20)

Des voix: Adopté.


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous allons donc poursuivre maintenant le débat sur l'adoption du projet de loi n° 157, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé.

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Alors, je rappelle évidemment que le projet de loi, qui en est rendu à sa dernière étape législative, a pour but d'améliorer la sécurité dans le domaine du transport terrestre guidé. On parle surtout du transport ferroviaire, évidemment, dans le contexte d'une augmentation importante du nombre de compagnies ferroviaires et du nombre de kilomètres de voie ferrée relevant maintenant de la compétence du Québec. Et c'est appelé à augmenter. Le projet de loi tient compte également de la popularité grandissante des pistes cyclables et des pistes de véhicules hors route – sentiers de motoneige ou de véhicules tout-terrains – lesquelles sont fréquemment utilisées dans le voisinage des emprises ferroviaires.

Notre législation correspondra aux nouvelles réalités des petites compagnies ferroviaires québécoises qui ont été créées à partir de tronçons délaissés par les grands du rail, les chemins de fer dits nationaux. Le fait de légiférer dans le domaine du transport terrestre guidé est cohérent avec le plan stratégique du ministère des Transports qui prévoit soutenir le développement économique de toutes les régions du Québec par des infrastructures et des services qui assurent le transport des personnes et des marchandises de manière à favoriser la compétitivité des entreprises québécoises.

Donc, nous visons le maintien d'un réseau ferroviaire québécois et l'amélioration de la capacité concurrentielle du rail, particulièrement par la création de ce qu'on appelle des CFIL ou des chemins de fer d'intérêt local. Depuis 1988, le nombre de compagnies de chemin de fer relevant de la compétence du Québec a augmenté de façon très significative. À ce jour, on en dénombre 11, comparativement à quatre en 1993. Une compagnie, le Québec Central, est également au centre de négociations actuellement. Nous avons vu aussi que le nombre de kilomètres de voie ferrée sous la juridiction du Québec est passé en quatre ans seulement de 575 km à près de 2 300 km, ce qui inclut le tronçon qui est en négociations actuellement.

Le projet de loi simplifie la reconnaissance de la sécurité d'un ouvrage en acceptant une déclaration de l'ingénieur responsable au lieu d'exiger un affidavit, comme nous l'avons déjà indiqué au moment de l'étude détaillée. Il a été révisé, ce projet de loi, et accepté aussi par le comité de législation le 14 octobre dernier. On a adopté le principe le 22 octobre, et l'étude détaillée le jeudi 30 octobre.

Lorsqu'on a fait ces débats en commission, vous vous rappellerez, entre autres, que l'opposition, avec raison, a fait valoir que certaines compagnies ferroviaires nouvellement créées n'avaient pas été consultées sur le contenu du projet de loi, ce qui était vrai. Une compagnie plus ancienne, elle, avait été l'objet d'une consultation en septembre 1996, lors d'un colloque spécifiquement organisé à leur intention. On nous a fait remarqué aussi que les associations récréatives concernées, particulièrement les associations de motoneige et de VTT, n'avaient pas non plus été consultées au sujet des intentions québécoises. Le délai demandé m'apparaissait tout à fait légitime, puis c'est ce qu'on a fait.

On a donc pris un certain nombre de semaines pour, avant de passer à l'adoption, consulter toutes les compagnies ferroviaires et les associations concernées. Le 4 novembre dernier, une lettre a été adressée aux compagnies de chemin de fer relevant de la compétence du Québec de même qu'aux associations récréatives pour leur demander de nous transmettre, dans un délai de 15 jours, tout commentaire relatif aux modifications législatives proposées dans le projet de loi n° 157. Alors, on a consulté Vélo Québec, la fédération des clubs de motoneiges du Québec, le club de motoneige Le Sapin d'or, plusieurs autres associations récréatives.

La compagnie de Chemin de fer Québec-Gatineau nous a transmis quelques suggestions dans une lettre datée du 13 novembre. Les représentants de cette compagnie tout récemment créée – elle a été créée le 11 novembre dernier – ont rencontré mes fonctionnaires à la fin novembre afin de faire valoir leur point de vue sur les amendements projetés ainsi que des problèmes particuliers liés à leur exploitation. Nous avons pris toutes ces requêtes en considération. Nous avons convenu de l'importance ainsi que de la pertinence de certaines de leurs demandes, ce qui explique, M. le Président, les amendements que nous venons de discuter et d'adopter en commission plénière, il y a quelques instants.

Alors donc, nous sommes désormais disposés à passer au stade de l'adoption finale du projet de loi. M. le Président, c'est ce que je souhaite. Je pense qu'une fois les amendements adoptés nous allons évidemment requérir de la part des exploitants d'un système de transport terrestre guidé la mise en place et l'application de toutes les règles de sécurité portant sur les matières faisant l'objet du code de sécurité. Mon ministère fera aussi les consultations nécessaires, publiera son projet de réglementation ferroviaire à l'intention de l'industrie pour que ce règlement puisse entrer en vigueur en même temps que les règles de sécurité prévues par la loi. À l'été de 1998, je pense, en tout cas, c'est l'objectif, toute l'industrie ferroviaire, soit les chemins de fer ainsi que les sites industriels seront assujettis à des règles de sécurité ainsi qu'à une réglementation minimale.

Alors, toutes ces mesures, je pense, M. le Président, auront pour effet, j'en suis convaincu, d'améliorer la sécurité des voyageurs, des travailleurs et des collectivités, dans le présent comme dans l'avenir. Alors, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Transports. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition et député de Pontiac. Alors, M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Je dois dire que l'opposition, nous sommes un peu déçus de voir que le ministre avait mal fait ses devoirs. Toutefois, je dois admettre, il l'a admis tantôt, qu'en réalité, M. le Président, le 23 octobre, si l'opposition officielle n'avait pas été vigilante dans son travail, le projet de loi aurait été passé tel quel. Vous avez été témoin, M. le Président, on vient de passer une demi-heure à accepter des amendements qui sont là pour réellement améliorer le transport ferroviaire au Québec.

Comme je l'indiquais tantôt, on voulait le passer, le projet de loi, dans la même journée, mais le fait qu'on était inquiet et qu'il y avait des gens des entreprises ferroviaires qui nous avaient contactés pour dire: Regardez, on n'a pas été consultés et nous sommes préoccupés des changements qu'on propose... Comme vous le savez et comme l'indiquait le ministre, M. le Président, on est sur nos premiers pas au Québec de créer un système de transport ferroviaire, et je pense que ça a sa place lorsqu'on parle de transport intégré, de transport intermodal, pour des raisons de sécurité, pour des raisons de conservation, il me semble, puis pour des questions d'économie. Ce genre de transport va nous permettre d'atteindre ces objectifs-là.

Et le fait que nous ayons été vigilants, ça a donné un sursis pour que l'industrie puisse faire valoir certaines préoccupations qui ont amené les amendements que nous avons acceptés tantôt. Je dis tout ceci et je ne mets nullement en question les intentions du ministre dans ce dossier, car le domaine ferroviaire est un secteur – comme je l'indiquais tantôt – où le Québec fait ses premiers pas. C'est peut-être une raison de plus pour bien consulter cette industrie qui possède elle aussi une expertise plus liée à l'utilisation quotidienne sur le terrain de ce mode de transport.

Je dois dire, et je dois le mentionner, que d'ailleurs les représentants de l'industrie avec qui on a échangé ont loué la qualité des fonctionnaires du ministère des Transports, ce qui ne me surprend pas parce que, ayant oeuvré de nombreuses années au sein de cet organisme, M. le Président, j'étais conscient de cette compétence qui existait au ministère des Transports.

Toutefois, j'aurais certainement aimé avoir une meilleure collaboration de la part du ministre. En effet, nous n'avons obtenu les amendements que cet après-midi, et de cette façon ça devient assez difficile de se préparer en conséquence et de réellement faire notre travail, un travail de grande objectivité, pour s'assurer que le projet de loi que nous allons adopter soit le meilleur possible pour l'industrie. Et je comprends que des fois il y a des ministres qui ont des tâches et qu'il y a des tâches qui sont plus intéressantes. Dans le cas du ministre des Transports, je suis convaincu, et vous aussi, M. le Président, que les affaires intergouvernementales du ministre l'accaparent beaucoup et l'amènent à Ottawa. Et il semblerait que, là, il est plus dans son élément. Toutefois, il a d'autres responsabilités.

(21 h 30)

Je l'ai mentionné tantôt, que je m'interroge sur la pertinence de persister dans l'adoption de ce projet de loi cette session, car selon mes informations d'autres correctifs pourraient peut-être être adoptés par le ministre pour bonifier encore une fois ce projet de loi. On peut donc penser que le ministre reviendra à la prochaine session avec un autre projet de loi pour modifier la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé.

Donc, quelle était la raison qui pressait tellement au mois d'octobre, qui semble encore être nécessaire aujourd'hui? C'est vrai que le menu législatif, il n'est pas tellement gros, M. le Président. C'est peut-être ça aussi, là, qu'on a besoin d'avoir autre chose pour le menu législatif.

L'autre chose que j'ai soulevée et qui est certainement importante, c'est: Pourquoi se doter d'une loi sur la sécurité du transport terrestre guidé si on n'est pas certain de l'avenir du transport terrestre guidé? C'est pour ça que je le disais. On peut également espérer que le ministre rendra également publique une véritable politique ferroviaire afin que l'industrie puisse connaître les intentions du gouvernement et envisager l'avenir de manière éclairée, savoir où on devrait investir, ce qu'on devrait faire. Je suis convaincu, que, vous, M. le Président, dans votre circonscription où il y a le transport du bois, le transport des copeaux qui se fait, je crois, aujourd'hui par la voie ferrée, ces gens-là ont des préoccupations s'il y a des changements dans le transport par camion qui pourraient rendre le transport ferroviaire peut-être non rentable. Mais, avec l'augmentation de véhicules, de longs véhicules sur les routes, il y a un problème de sécurité routière.

La raison pour laquelle que je dis tout ça, M. le Président, c'est que l'industrie est pleine de bonne volonté. Toutefois, elle est préoccupée par certaines décisions qui la prennent par surprise et qui affectent ses opérations. Ici, on pense aux modifications aux dimensions et aux types de train routier, par exemple, et ça, ça vous touche, vous, ça touche le comté de Laviolette, ça touche certainement le comté du ministre, tout le Saguenay–Lac-Saint-Jean où il y a un système de transport ferroviaire qui semble bien fonctionner. Il y a des gens qui ont fait de grands sacrifices pour maintenir les syndicats, pour maintenir le réseau ferroviaire. Aujourd'hui, ils sont inquiets des décisions qui pourraient rendre leur industrie non rentable.

Je vois le député d'Abitibi-Ouest; lui aussi pourrait être affecté par ces choses-là. C'est pour ça que j'insiste tellement sur une politique de transport ferroviaire. La chose qui préoccupe les gens, c'est: Quelle sera la décision du ministère quant au moratoire qui soustrait l'utilisation du train B dans certaines régions, décision qui affectera certainement les transporteurs ferroviaires? M. le Président, c'est pour ça que je me dis que le plus tôt on va se doter d'une politique de transport ferroviaire, le plus tôt le ministère des Transports pourra parler de sa vocation, s'assurer du transport intégré, s'assurer d'utiliser le meilleur mode de transport possible, mais la priorité étant toujours la sécurité, que ce soit sur les routes ou sur nos voies ferrées.

Donc, en terminant, M. le Président, je m'interroge un peu sur la volonté du ministre de légiférer dans le domaine des transports. Il n'a pas voulu appeler le projet de loi n° 115 qui est là depuis quelques mois, il semble avoir abandonné la lutte dans le projet de loi n° 159, et je dois vous dire que le cheminement du projet de loi n° 157 a été particulièrement laborieux et sur une voie qui était assez cahoteuse. Donc, j'espère qu'on pourra le plus tôt possible établir une politique de transport ferroviaire pour que l'industrie puisse réellement... parce qu'elle est à ses premiers pas. Et je pense que c'est important pour l'économie, important pour la sécurité, important pour la conservation de nos routes. Et pourquoi pas? On a l'occasion, l'opportunité de se doter d'un transport ferroviaire efficace, et le plus tôt possible. Le plus tôt possible, M. le Président, et on verra à ce moment-là que le ministère des Transports pourra atteindre sa mission, qui est la sécurité, le transport des personnes et des marchandises, un transport intégré au meilleur coût possible.

Donc, M. le Président, je vous remercie, et on espère que, le plus tôt possible, on pourra avoir cette politique-là, et revenir, et répondre... Comme l'indiquait tantôt le ministre, Le Chemin de fer Québec–Gatineau avait envoyé une lettre de cinq pages dans laquelle ces gens-là faisaient des recommandations pour réellement assurer une viabilité du transport ferroviaire, et le plus tôt possible on pourra incorporer ces recommandations-là, si elles sont réellement, M. le Président, dans... Bon, si ça peut permettre une meilleure sécurité pour le transport ferroviaire, tant mieux, et on pourra se doter à ce moment-là d'une politique du transport ferroviaire. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Pontiac. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 157?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 157, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du transport terrestre guidé, est-il adopté?

M. Middlemiss: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le ministre et leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous demanderais de suspendre pour quelques instants nos travaux pour que ma collègue la ministre de l'Éducation nous rejoigne.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, nous suspendons nos travaux pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 21 h 38)

(Reprise à 21 h 45)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre et leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous prierais d'appeler maintenant l'article 21.


Projet de loi n° 166


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement de la ministre

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 21 de notre feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'éducation sur le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives, ainsi que l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par Mme la ministre de l'Éducation. Cet amendement est déclaré recevable. Y a-t-il des interventions sur ce rapport de la commission ainsi que sur cet amendement? Mme la ministre de l'Éducation, vous avez un temps de parole de 30 minutes.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président. Mon intervention sera cependant assez brève, si vous le permettez. Alors, nous avons devant nous effectivement la prise en considération d'un rapport suite à une commission parlementaire qui a été très fructueuse, et je dois dire d'abord par la bonne collaboration, bien sûr, de mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, mais aussi du côté de l'opposition qui ont contribué à améliorer, à bonifier le projet de loi qui est devant nous. Il y a eu certaines oppositions, il y a eu certaines résistances. C'est normal un peu, hein, quand on se retrouve devant un projet qui est assez novateur, qui propose des façons de faire un peu différentes de celles qu'on connaissait dans le passé et qui permet surtout d'implanter, de mettre en place un nouveau type de cégep soit le cégep régional.

Le premier de ce genre sera le collège régional de Lanaudière qui est le résultat surtout de la réponse à des besoins concrets d'une population qui habite ce coin de pays et qui souhaite pouvoir avoir accès à des services de qualité au niveau de l'enseignement supérieur qu'est le niveau des cégeps. Et, en ce sens, il s'agit d'un nouveau modèle qui permettra de réunir des constituantes, un peu sur le modèle de ce que l'on connaît dans les Universités du Québec, ou à l'Université du Québec, où il n'y aura pas un cégep composé de satellites ou avec des satellites, mais un cégep qui sera la résultante d'un ensemble composé de constituantes ayant une autonomie au plan pédagogique, mais mettant ensemble des services au plan administratif pour évidemment assurer des économies d'échelle.

Alors, M. le Président, brièvement, pour rappeler ce que nous avons fait, les appuis que nous avons obtenus, j'aimerais redire que les parents d'abord sont venus nous dire qu'ils étaient d'accord avec les modifications que nous apportions quant à leur mode de désignation au conseil d'administration du cégep. On se souviendra que leur mode de désignation était un peu différent de celui qu'on propose maintenant, où on permettra aux parents de désigner entre eux les personnes qui les représenteront au conseil d'administration du cégep, et, selon qu'il y ait une association ou pas évidemment, le mode de désignation sera davantage orienté vers l'association qui représente majoritairement les parents de l'institution. Ils étaient en ce sens très heureux de ce que nous proposons comme développement en termes d'enseignement collégial dans Lanaudière.

La Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec, plus communément appelée la FNEEQ, qui est directement impliquée dans la mise sur pied du collège régional de Lanaudière, est venue aussi nous dire que son expérience dans diverses situations d'intégration de personnel est telle qu'elle n'entretient pas de crainte particulière à l'égard de la création du nouveau collège.

Certaines autres associations syndicales, qui ne sont pas représentées au sein de l'établissement qui se constituera en nouveau collège régional, ont manifesté certaines oppositions, et c'est un peu normal, bien sûr, parce qu'ils n'avaient pas connu de telles expériences dans le passé, alors que la FNEEQ, elle, l'avait fait et qu'à ce titre elle était particulièrement confiante quant à la façon que l'on allait choisir pour intégrer le personnel et pour surtout permettre à ce personnel d'offrir des services aux étudiants.

(21 h 50)

Les étudiantes et les étudiants ont manifesté une certaine inquiétude face à une proposition, entre autres, du projet de loi portant sur la priorité à accorder aux élèves dans l'utilisation des installations du cégep à des fins culturelles, scientifiques et sportives. La présentation de la Fédération étudiante collégiale du Québec, de même que les travaux de la commission ont permis d'améliorer d'une façon significative le projet de loi sur cette question. Dorénavant, les besoins des étudiants seront prioritaires quant à l'utilisation des installations de l'établissement, bien sûr, et les besoins qui seront pris en considération n'auront pas nécessairement à être reliés aux activités d'enseignement, ceci pris au sens strict du terme, bien sûr.

Alors donc, la présentation des étudiantes et des étudiants et les travaux de la commission ont par ailleurs permis d'améliorer le projet de loi en matière des droits qui peuvent être exigés des élèves. Dorénavant, tous les droits exigés des étudiantes et des étudiants devront avoir été adoptés par règlement, ce que reprochait d'ailleurs la Fédération en nous disant: Le cégep peut de son propre chef décider de charger des frais pour certains services sans que, par ailleurs, la ministre ou le ministre ne soit informé de ces faits. Alors, tel que nous avons maintenant modifié la loi, tous les droits exigés aux élèves devront d'abord être adoptés par voie réglementaire, lesquels, et ce, en vertu de la loi, doivent être transmis à la ministre. Il s'agit là d'un moyen important, croyons-nous, pour assurer, bien sûr, le respect du principe de la gratuité.

La Fédération des cégeps a, pour sa part, souligné sa satisfaction aux nouvelles dispositions qui vont permettre dorénavant aux cégeps d'offrir un plus grand nombre d'éventails en matière de formation technique. On sait qu'il y a un certain nombre de formations techniques officiellement et formellement reconnues, et, lorsqu'on veut offrir des formations techniques hors de celles qui sont reconnues ou financées par le ministère, il n'est pas possible de le faire, alors qu'avec la nouvelle loi on pourra dans tous les types de formation, dans tous les secteurs de formation technique offrir des formations courtes.

Et l'objectif, c'est essentiellement de nous permettre d'adapter nos programmes aux entreprises qui ont besoin d'une formation pointue parfois, adaptée à leur personnel, mais surtout étant objet, dans la circonstance, de sanctions, c'est-à-dire qu'un travailleur, une travailleuse dans une entreprise qui pourra... Parce que le cégep, avec l'entreprise, aura dessiné un programme s'adaptant particulièrement aux besoins de cette entreprise, mais tenant compte évidemment de connaissances plus larges dans le même secteur d'intervention. Qu'il s'agisse des plastiques, des techniques du bâtiment, des techniques administratives, peu importe, cela permettra, en bout de piste, pour la personne qui aura suivi ce cours d'avoir une sanction, c'est-à-dire une attestation de formation. Et ce n'est pas rien évidemment, parce qu'un ensemble d'attestations finit par être reconnu dans notre système et peut mener éventuellement à un Diplôme d'études collégiales, bien sûr.

Par ailleurs, la commission aura saisi l'occasion d'une amélioration significative du projet de loi au titre de la représentativité des conseils d'administration dans le cas des collèges qui dispensent de l'enseignement dans plus d'un site. Parce qu'on se comprend bien, dans le cas d'un collège régional, maintenant on parlera d'enseignement dans différents sites assez autonomes à cet égard. Ainsi, alors que le projet initial ne prévoyait qu'une possibilité d'ajustement dans le cas de la représentation des parents, les élèves et les membres du personnel, le projet final, lui, permet aussi que la présence des autres groupes puisse être modifiée lorsque les deux tiers du conseil d'administration le souhaitent. Et, dans le cas des collèges multisites, cette disposition permet, croyons-nous, une meilleure adaptation aux réalités des régions. En ce sens – et j'aurai l'occasion de le répéter – notre collègue le député de Verdun, critique en ces matières, a été particulièrement actif dans les propositions d'amendement qu'il a déposées et auxquelles nous avons souscrit.

Plusieurs groupes, par ailleurs, ont exprimé des inquiétudes – et ça, c'est important parce que ça a soulevé une bonne discussion au sein de la commission – devant un modèle qu'ils percevaient comme unique. C'est-à-dire que la loi définit de façon assez stricte ce que sera un collège régional.

Et on nous a dit: Écoutez, c'est très bon, c'est très beau, mais ça convient pour le collège régional De Lanaudière. Si on veut constituer un autre collège régional ailleurs et qu'on veut changer certains aspects ou certaines caractéristiques du collège, est-ce qu'on ne sera pas un peu encarcané, enfermé dans un modèle unique?

J'ai écouté attentivement tous les débats, toutes les discussions qui ont eu cours au long de la commission de telle sorte que maintenant, M. le Président, on retrouve à l'intérieur de la loi des articles qui, eux, sont la base de ce que constituera un collège régional, par exemple, la composition du conseil d'administration où on dit: Il faudra de toute façon que celui-ci soit constitué comme cela, peu importe évidemment là où sera situé le collège régional et ce qu'il pourra se donner comme mission.

Mais on a dégagé certains articles du projet de loi en identifiant que ceux-ci pourraient être modifiés si, lors de la constitution d'un collège régional, les personnes qui voulaient le constituer s'exprimaient ainsi, sur la base évidemment d'une certaine proportion de personnes membres du conseil qui souhaiteraient que nous procédions différemment. Donc, sur acceptation du ministre, ou de la ministre, et du gouvernement, on pouvait développer un modèle de collège régional qui soit différent de celui qu'on reconnaît pour le collège régional De Lanaudière.

Enfin, M. le Président, on nous a fait valoir que, si on voulait modifier le statut d'un cégep pour en modifier les lettres patentes dans le sens d'une fusion, d'une fermeture, d'un ajout aux fonctions du cégep, il était important que cela ne se fasse pas en catimini. Donc, nous avons prévu qu'il y ait effectivement avis demandé au Conseil supérieur et aussi publication, bien sûr, dans la Gazette officielle ou prépublication. À ce moment-là, cela implique qu'il puisse y avoir des commentaires qui nous soient faits par les personnes intéressées de telle sorte qu'on puisse modifier, s'il y a lieu, le projet de modification des lettres patentes.

Je termine, M. le Président, en réaffirmant à nouveau... Même si le député de Verdun peut demeurer en désaccord avec certains aspects du projet de loi, je voudrais signaler ici l'apport très positif de ce dernier tout au long des travaux qui ont quand même duré plus d'une vingtaine d'heures pour un projet qui est majeur, qui est important, qui introduit une possibilité nouvelle pour les institutions d'enseignement supérieur, que sont les cégeps, de se constituer selon un modèle de collège régional, le premier étant bien sûr celui qui va permettre d'offrir des services à la population de Lanaudière, soit le collège régional De Lanaudière. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en la matière, le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, on a devant nous un projet de loi multiformes, multiformes dans la mesure où il touche plusieurs aspects de la loi sur les collèges, et je voudrais, dans les quelques minutes qui me sont imparties, essayer de résumer avec vous les éléments qui peuvent être positifs à l'intérieur de ce projet de loi et ceux qui nous posent énormément de problèmes.

(22 heures)

Multiformes parce qu'il introduit le concept d'Attestation d'études collégiales autofinancée – on aura l'occasion, M. le Président, de revenir sur ce qu'on veut couvrir par cette réalité – multiformes parce qu'il va traiter à un moment des pouvoirs et de la facilité – assouplissement des pouvoirs des collèges – multiformes parce qu'il introduit un concept nouveau qui touche le cégep régional; multiformes parce qu'il s'en va aussi toucher les pouvoirs de la ministre, en particulier les pouvoirs de fusion et d'abolition des lettres patentes. Et, enfin, M. le Président, il touche par hasard une question, qui est fondamentale et qui est de principe pour nous, qui est la question des frais de scolarité imposés aux étudiants canadiens non québécois en leur demandant des frais de scolarité dans les collèges. Alors, je vais essayer, dans les 30 minutes que j'ai, de pouvoir couvrir l'ensemble de ces points.

Premier élément, comme je l'ai rappelé, les attestations d'études collégiales. Le projet de loi va permettre au collège, dans les champs qui correspondent à sa carte des techniques, de développer de nouvelles attestations d'études collégiales qui seraient autofinancées. Et, par «autofinancées», on entend bien spécifiquement où les contributions des personnes qui suivraient les cours, dans ces attestations d'études collégiales, seraient à même de pouvoir permettre au collège de financer les coûts de ce programme.

Alors, au début, il y avait des craintes et il y avait des craintes de notre part, et nous l'avons exprimé en deuxième lecture, nous l'avons exprimé aussi dans l'étude article par article qu'il pouvait y avoir là une brèche quant au principe de la gratuité des études collégiales. Les amendements qui ont été apportés – et je dois dire, dans ce secteur-là, de bonne grâce par la ministre – ont permis de clarifier que, dans ce qui était les attestations d'études collégiales normales, classiques, qui ne répondaient pas à un besoin spécifique de l'entreprise dans un milieu, le principe de la gratuité des études collégiales était maintenu, mais que l'autofinancement s'appliquait dans le développement de programmes très spécifiques envers des entreprises. Mais je pense que, dans ce cadre-là, la souplesse qu'on accorde aux collèges de mieux répondre aux besoins des entreprises de leur milieu est un élément positif à l'intérieur du projet de loi.

Je vous dis, M. le Président, d'abord les éléments positifs – il y en a quelques-uns – après, je vous parlerai des éléments éminemment négatifs. Donc, ne pensez pas que, parce que j'ai trouvé quelques éléments positifs, je vais être d'accord avec tout le projet de loi. Mais, sur la question des A.E.C., il y a, tel qu'elles se trouvent maintenant, après l'étude que nous avons faite article par article, une nette amélioration.

La question des pouvoirs administratifs, c'est-à-dire la facilité avec laquelle le collège pourra maintenant avoir une meilleure gestion de ses biens immeubles, ce qui lui permettra d'agrandir ou de transformer des immeubles sans nécessairement une autorisation ministérielle, c'est-à-dire va dans le sens d'une plus grande autonomie des collèges. Et, de ce côté-là, nous avons balisé, et nous l'avons balisé dans le travail article par article, le projet de loi, et il y a là aussi matière à pouvoir être satisfait de ce que nous avons obtenu.

Alors, ça, M. le Président, ça touche les quelques éléments positifs qu'on retrouve à l'intérieur du projet de loi. Abordons maintenant... Et rappelons-nous, parce que c'est quand même important, que l'on a tenu des consultations particulières dans ce projet de loi. Et on a pu remarquer ou arriver à la conclusion que, pour des raisons diverses, je n'en disconviens pas, la majorité des groupes, à l'exception de quelques-uns qui ont été, d'ailleurs, rappelés par la ministre, avaient des inquiétudes et des craintes quant à ce projet de loi et quant à la portée de ce projet de loi.

Alors, on va revenir à un élément qui génère beaucoup de crainte, je vais vous le dire, et sur lequel nous avons des réticences énormes, c'est le pouvoir que se donne la ministre, par voie réglementaire, d'abolir des lettres patentes, de fusionner ou transformer les lettres patentes de certains collèges. Dans un monde idéal, on pourrait dire: Bon, c'est un pouvoir qui est là, qui sera peu utilisé ou peu appliqué. Nous venons de vivre dans un autre secteur, et vous, M. le Président, particulièrement dans votre propre comté, dans le secteur de la santé, une situation où ces articles que nous avions mis à l'époque dans la loi sur la santé et les services sociaux, qui s'appelait la loi 120 à l'époque, avec l'assurance que jamais ils ne seraient utilisés par le ministre de l'Éducation, ont été utilités pour forcer la fusion de certains établissements hospitaliers, ont été utilisés pour fermer certains établissements hospitaliers.

Alors, vous comprenez la réticence qu'a actuellement l'opposition lorsqu'on voit la ministre arriver et nous dire: Écoutez, voici, c'est un pouvoir banal qu'il faut mettre dans la loi, qui était un simple oubli, que jamais je n'utiliserai, et ce n'est pas mon intention de le mettre dans la loi pour l'utiliser, donc je n'ai pas l'intention particulière de fermer tel ou tel cégep, je n'ai pas l'intention de forcer la fusion de certains cégeps si le milieu ne le choisit pas. Ces articles-là, M. le Président, me font penser au discours... Et c'était très drôle parce qu'à l'époque nous étions ministériels, à l'époque le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue était critique de la santé et il soulevait les mêmes craintes lorsqu'on parlait du pouvoir d'abolition des lettres patentes d'un hôpital et du pouvoir de fusion des établissements hospitaliers, qui était inclus dans la loi 120.

Je me souviens à l'époque le ministre de la Santé qui disait: Écoutez, c'est un pouvoir purement administratif qu'il est nécessaire de mettre à l'intérieur de la loi, mais jamais nous ne l'utiliserons. Il a fallu attendre quelques années, un changement de gouvernement, pour que ce pouvoir résiduel soit utilisé par la ministre. Alors, crainte de notre côté, dans la situation où nous sommes... Comme je dis, c'est bien beau de prétendre que jamais nous ne l'utiliserons, ou que ce n'est pas la volonté de la ministre d'utiliser ce pouvoir de modifier les lettres patentes des collèges, vous reconnaîtrez avec moi, M. le Président, que nous ayons de ce côté-ci certaines craintes. J'ai comparé à un moment la ministre au petit chaperon rouge, c'est-à-dire nous comparés au petit chaperon rouge et au grand méchant loup à ce moment-là avec la crainte que, sous différents décors, elle veuille nous amener à un endroit où on finira par se faire croquer.

Alors, M. le Président, ce n'est pas la base de la loi ou du propos. Il reste important de bien comprendre que, s'il y a une crainte de notre part d'accorder le pouvoir par voie réglementaire à la ministre et au gouvernement de pouvoir modifier les lettres patentes, d'abolir les lettres patentes, de forcer la fusion de certains collèges, si cela nous inquiète, si cela inquiète les professeurs de cégeps, inquiète les fédérations syndicales, inquiète les étudiants, nous ne voyons pas l'opportunité de mettre un tel article dans le projet de loi.

J'en arrive, M. le Président, à un point qui nous a profondément heurtés dans le projet de loi, et là nous avons fait état de points de division et de dissension majeurs et fondamentaux, et je ne suis pas sûr que la position qui était défendue par les ministériels soit celle que chacun des députés ministériels aurait si on les interrogeait individuellement. Le projet de loi va demander aux étudiants canadiens non résidents du Québec, lorsqu'ils viennent étudier dans les collèges, les cégeps, au Québec, de devoir payer des frais de scolarité pour suivre les enseignements dans les collèges.

(22 h 10)

Il y a eu, de notre part et il y a aujourd'hui de notre part, M. le Président, une opposition systématique à cette mesure. Elle rompt avec la tradition de générosité que le Québec a su avoir envers, et très souvent, les francophones des autres provinces canadiennes et particulièrement les Franco-Ontariens et les Acadiens qui correspondent et qui constituent actuellement la majorité des étudiants canadiens non québécois qui étudient dans nos collèges.

M. le Président, il est extrêmement difficile pour nous d'accepter qu'on limite, particulièrement pour ces populations, l'accès à l'enseignement collégial. Vous savez à quel point les populations acadiennes, les populations franco-ontariennes ont eu de la difficulté à avoir accès à l'enseignement, particulièrement à l'enseignement supérieur en français. L'ouverture traditionnelle de générosité que le Québec faisait envers eux en leur ouvrant, au même titre qu'il ouvre à ses résidents, les collèges et les universités, qui étaient les universités et les collèges du Québec, pour leur permettre d'avoir accès à un enseignement collégial en français faisait partie d'une responsabilité que, de notre point de vue, dans la fédération canadienne, le Québec a pour maintenir et défendre la cause des francophones au Canada. L'abandonner aujourd'hui, parce que je considère qu'avec ce qui est proposé dans le projet de loi, où on va limiter l'accès par une mesure financière, on va limiter l'accès au cégep à ces francophones hors Québec, est une mesure qui n'est pas du tout dans la tradition d'ouverture, de générosité et de leadership qu'a toujours eue le gouvernement du Québec envers ces populations canadiennes des autres provinces et ces populations francophones des autres provinces canadiennes.

M. le Président, il y a là une brèche importante dans un principe qui avait été le nôtre – et je dis bien «le nôtre» – jusqu'à aujourd'hui, quels que soient les côtés de la Chambre où nous avons siégé. Et je regrette que des mesures que je qualifierais – et je dis bien «des mesures que je qualifierais» parce que, M. le Président, je veux respecter ici constamment les principes – de mesquines viennent ici limiter à des gens qui ont fait d'énormes efforts pour maintenir vivante dans leurs provinces respectives la culture française, les empêcher ou leur mettre une barrière pour pouvoir poursuivre leurs études supérieures en langue française.

Il y a dans cette mesure, M. le Président, quelque chose d'absurde. Il y a quelque chose d'absurde. M. le Président, réalisez-vous qu'un jeune Acadien, né à Moncton ou à Edmundston, ou qu'un jeune Franco-Ontarien, qui vient de Sudbury ou qui pourrait venir de Hawkesbury, va devoir, lorsqu'il fréquentera un établissement collégial au Québec, payer des frais de scolarité qui vont limiter l'accès, alors que, suite aux accords, un jeune Français, né à Montpellier, Lyon ou Clermont-Ferrand, ne paiera pas de frais de scolarité lorsqu'il fréquentera les collèges au Québec?

Comprenez-moi, M. le Président, le message que nous envoyons aujourd'hui avec ce projet de loi à nos populations des autres provinces, on leur dit: Voici, l'accès aux collèges, qui auront été pour vous traditionnellement un élément important pour vous permettre de maintenir vivante chez vous la culture française, c'est quelque chose qui va être abandonné, c'est quelque chose pour lequel vous allez être limités dans l'accès, alors que, à cause des accords de réciprocité, lorsqu'un jeune Français s'inscrira dans un collège à Montréal, il ne paiera aucuns frais de scolarité. Mais le jeune de Moncton ou le jeune de Sudbury, lui, devra assumer des frais de scolarité.

Il y a là, M. le Président, de notre point de vue, un geste absolument inique, injuste et inacceptable. Et, sur ce point-là, nous avons, en commission, essayé de convaincre par toutes les mesures parlementaires possibles – et, si vous en doutez, M. le député de Richelieu, soyez assuré que l'opposition a essayé de convaincre les ministériels de changer leur position, de revenir à une position beaucoup plus généreuse, de revenir à une position d'ouverture, à une position traditionnelle à celle qui avait été celle...

Une voix: Bonasse.

M. Gautrin: Non, pas bonasse. La générosité, monsieur, n'est pas d'être bonasse. Savoir assumer la responsabilité que le Québec a à l'intérieur de la fédération canadienne envers les autres populations francophones, c'est quelque chose que, de ce côté-ci de la Chambre, nous avons toujours défendu, M. le Président.

Et ce point-là, ces articles-là dans le projet de loi, nous nous y sommes opposés avec la plus grande véhémence et nous allons continuer aussi de nous exprimer dans cette Chambre contre ces articles-là parce qu'on les trouve particulièrement inacceptables et contraires à la tradition d'ouverture que le Québec a toujours su avoir envers les populations francophones des autres provinces.

M. le Président, je m'en voudrais de perdre mon temps sur uniquement cette question. J'ai d'autres points que je voudrais traiter à l'intérieur de ce projet de loi. Le projet de loi, comme je l'ai dit, était multiforme. Il touchait la création des A.E.C., c'est-à-dire les attestions d'études collégiales. Il réglait quelques problèmes administratifs pour les directions de collège. Il nous inquiétait beaucoup quant aux pouvoirs que la ministre se donnait en ce qui a trait à la possibilité de fusionner ou de mettre fin aux lettres patentes d'un collège. Il nous opposait, il nous interpellait fortement lorsqu'il s'en allait limiter l'accès aux collèges aux populations francophones des autres provinces canadiennes. Mais, aussi, il créait un nouveau concept, sur lequel je voudrais expliquer notre position, qu'on appelle un concept de cégep régional.

Qu'est-ce, dans le projet de loi, M. le Président, qu'un cégep régional? Un cégep régional, c'est le résultat d'un certain nombre d'établissements qui vont se fusionner ensemble d'une manière volontaire pour créer un nouvel établissement, un nouvel établissement qui, à ce moment-là, va être constitué de la manière suivante. Au centre, dans ce qu'on appellera le collège régional, et c'est l'esprit qui est mis de l'avant, l'ensemble des questions administratives; les pouvoirs administratifs relèveront essentiellement du collège régional. Par contre, M. le Président, les parties, les constituantes, ce qu'on appellera les constituantes à ce moment-là, seront responsables de ce qui touche plus particulièrement la dimension pédagogique.

(22 h 20)

Alors, le gros problème qu'il y a eu à l'intérieur de ce projet de loi, c'est de bien comprendre comment on avait un équilibre dans les conseils d'administration et ce qui tiendra lieu des conseils d'administration dans les composantes, ce qu'on appelle les conseils d'établissement, comment il y a un équilibre et un partage des pouvoirs entre le conseil d'établissement du collège régional... le conseil d'administration du collège régional – excusez-moi, M. le Président, il ne faut pas se tromper dans les termes – et le conseil d'établissement dans chacune des constituantes. Il y a un mécanisme... On en a longtemps débattu en commission et on a amendé, je dirais même amélioré la composition, le fonctionnement et les responsabilités de chacune de ces entités. Il est clair que la personnalité juridique sera dans les mains du conseil d'administration du collège régional; les responsabilités pédagogiques se trouveront dans les mains des différentes constituantes, M. le Président.

Néanmoins, il y a des effets assez bizarres dans la composition du conseil d'administration. Vous savez qu'au conseil d'administration doivent siéger des représentants du personnel, doivent siéger des représentants des étudiants et des représentants des parents. Lorsque le nombre de constituantes devient plus grand que deux, vous comprenez que le mécanisme de choix... Et, comme il y a seulement deux sièges d'étudiants au conseil d'administration, il y aurait eu lieu, d'après nous, de prévoir des mécanismes de rotation ou d'équilibre pour le partage de ces sièges entre les personnes provenant de différentes constituantes. Nous avons longuement échangé là-dessus. Nous pensons que la formule finale qui a été élaborée dans le projet de loi ne marchera pas au fonctionnement – nous l'avons dit à la ministre – et nous sommes à peu près convaincus que, d'ici un délai de six mois, elle reviendra pour clarifier certains points quant aux responsabilités et au mode de nomination des personnes sur les différents conseils d'administration, M. le Président.

Je terminerai en signalant quand même un élément un peu malheureux qui a été, en quelque sorte, l'amendement Terrebonne, si je pouvais le qualifier de cette manière-là, qui est le suivant. L'équilibre des conseils du cégep régional était basé sur le principe qu'on ne pouvait donner lieu à la création d'un collège régional s'il n'y avait pas une volonté dans le milieu, bien sûr, mais s'il n'y avait pas un avis, je dis bien «un avis», non pas nécessairement favorable, M. le Président, je ne disconviens pas de la réalité, mais un avis du Conseil supérieur de l'éducation.

Or, on a amendé le projet de loi de la manière suivante, en disant: Pour le cas du cégep régional de Lanaudière, le vieil avis d'il y a deux ans portant sur la situation des études collégiales dans la région de Lanaudière tiendra lieu d'avis du Conseil supérieur de l'éducation. Je trouve, M. le Président, et je ne voudrais pas ici m'étendre plus longtemps là-dessus, qu'il y a là une pratique malheureuse. Il aurait été beaucoup plus sain de demander au Conseil supérieur de l'éducation, une fois connu le projet de loi, et voté éventuellement, si l'Assemblée nationale veut bien le voter, une fois voté le projet de loi sur la création d'un collège régional, de demander l'avis au Conseil supérieur de l'éducation, c'est-à-dire de pouvoir savoir si le modèle proposé ici, dans le projet de loi, puisqu'on essaie de nous le vendre et de nous le vanter, si le modèle proposé dans le projet de loi correspond réellement aux attentes et aux problèmes qui avaient été identifiés sur le terrain dans l'analyse datant de deux ans.

Pour des raisons que je ne comprends pas, M. le Président, si ce n'est une manière de vouloir se précipiter ou parce qu'on aurait eu peut-être peur d'un résultat ou d'une analyse qui aurait amené à des points de vue différents, on a décidé que, dans ce cas-là, pour le premier collège régional que l'on créerait, on n'aurait pas besoin de refaire, de redemander l'avis du Conseil supérieur de l'éducation. Ce n'était pas d'ailleurs retarder la création d'un collège régional, puisque, dans le fond, le Conseil supérieur de l'éducation, lorsqu'on le lui demande, peut donner un avis extrêmement rapidement. Alors, M. le Président, sur cela, je dois dire que je déplore qu'on nous ait présenté à la dernière minute cet amendement.

En résumé, M. le Président, dans ce projet de loi, il y a essentiellement pour nous une inquiétude, une insatisfaction quant à la manière dont vont être constitués les conseils d'administration des collèges régionaux. Nous sommes prêts à dire: Regardons les constituantes, comment l'action pédagogique – parce que, somme toute, un établissement d'enseignement est là d'abord et avant tout pour les étudiants – comment ce mécanisme va réellement fonctionner.

Il n'en reste pas moins que l'opposition va s'opposer à ce projet de loi parce qu'il y a, à l'intérieur de ce projet de loi, un principe sur lequel nous ne pouvons pas être d'accord, un principe sur lequel nous ne pouvons pas, en aucune manière, partager... disons, concourir et partager le point de vue: c'est celui qui veut que les étudiants canadiens venant ou devant étudier à l'intérieur de nos collèges vont devoir payer des frais de scolarité. Je ne peux pas, en aucune manière, M. le Président, voter en faveur de ce projet de loi.

Même si, je l'ai dit et je le reconnais, il existe, à l'intérieur, des améliorations notables et sensibles, particulièrement en ce qui touche les attestations d'études collégiales, la meilleure articulation du collège sur certaines industries, je ne peux pas, M. le Président, je ne peux pas accepter aujourd'hui que le Québec abandonne sa tradition de générosité et d'ouverture envers les populations, particulièrement les populations francophones qu'on a toujours aidées, qu'on a toujours soutenues pour leur permettre d'avoir en français une éducation collégiale en les accueillant à l'intérieur des collèges, que ce soient les collèges pour les Acadiens, que ce soient les collèges du Bas-du-Fleuve ou que ce soit de la région de l'Outaouais ou de l'Abitibi, et leur dire à l'heure actuelle: Non, maintenant, pour des raisons mesquines, nous allons être amenés à devoir vous fermer nos portes, nous allons être amenés à devoir dire: Vous ne pourrez fréquenter ces collèges qu'en devant payer des frais de scolarité.

M. le Président, ceci, ce point-là, cet élément-là est quelque chose sur lequel je vais m'opposer le plus fortement et notre formation politique va s'opposer le plus fortement possible à ce qui est proposé ici, dans le projet de loi. Et c'est pour ça, M. le Président, que nous allons voter contre le rapport de la commission. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir sur la prise en considération du rapport sur le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives, Bill 166, An Act to amend the General and Vocational Colleges Act and other legislative provisions.

(22 h 30)

Moi, je ne veux pas répéter ce que mon collègue le député de Verdun a dit au sujet de l'article 18 dans ce projet de loi. Au niveau philosophique, je trouve ça très malheureux, la décision de fermer nos portes surtout aux étudiants des autres provinces canadiennes qui veulent venir ici étudier dans nos collèges, peut-être décider de rester ici et ajouter leurs talents et leurs atouts à notre société québécoise. Mais je veux réitérer la mise en garde que j'ai faite à la commission concernant les difficultés d'application de ça que nous avons déjà vécues au niveau universitaire.

On sait fort bien que, cette année, les universités du Québec ont procédé à la mise en application de la notion de «résident du Québec» dans l'établissement et la fixation des tarifs pour les étudiants au niveau universitaire. M. le Président, je veux juste simplement témoigner des problèmes que j'ai rencontrés, que j'ai vécus, comme député, de mes commettants qui ont eu énormément de difficultés à faire la preuve de quelque chose qui est de toute évidence vrai, qu'ils sont des résidents du Québec.

Exemple n° 1: quelqu'un qui est venu ici d'Angleterre il y a 22 ans, qui a acheté avec son mari une maison dans mon comté il y a 18 ans. Leurs trois enfants sont nés au Québec, sont allés à l'école au Québec. Maintenant, les enfants sont d'un certain âge. Alors, ma commettante, la madame en question, a décidé de retourner aux études. Depuis 22 ans, elle a payé les impôts au Québec, elle a un permis de conduire émis par le gouvernement du Québec, elle est détentrice d'une carte d'assurance-maladie émise par le gouvernement du Québec. Elle arrive à l'université, et on lui dit: Vous êtes non-résidente. Ça a juste pris trois mois pour faire la preuve que c'est une résidente du Québec. On a dû appeler au cabinet de la ministre, on a dû y aller. Et la seule preuve que les fonctionnaires ont acceptée, c'est une copie qu'ils sont propriétaires d'une maison dans le comté de Jacques-Cartier; mais trois mois avant d'être capable de prouver quelque chose de toute évidence, que c'était une résidente du Québec.

Le deuxième cas était encore plus pathétique. C'est quelqu'un qui, il y a cinq ans, a vu l'éclatement de sa famille, de ses parents en Alberta. Ni le père ni la mère ne voulait garder la fille en question. Heureusement, son oncle et sa tante, résidents de Beaconsfield, dans le comté de Jacques-Cartier, ont invité leur nièce à venir ici. Alors, il y a cinq ans, elle est venue ici. Comme j'ai dit, ni un parent ni l'autre ne veut s'occuper de son propre enfant. Elle a fait le secondaire IV ici, elle a fait le secondaire V ici, elle a complété ses deux ans au niveau collégial, au Québec. Elle arrive, encore une fois, pour étudier dans une de nos universités, la conclusion: Vous n'êtes pas une résidente du Québec, il faut payer le tarif supérieur. Dans ce cas-là, ça a pris cinq mois pour régler le dossier. La ministre, elle-même – et je l'en remercie, et j'ai fait ça en commission – a dû intervenir encore une fois pour faire la preuve de quelque chose qui est de toute évidence, que la madame en question est résidente du Québec.

Je vois aussi, et ce n'est pas uniquement confiné dans le comté de Jacques-Cartier, la même chose qui est vécue dans Laval. Une Mme Marie G., citoyenne canadienne née à Port-au-Prince. Elle a fait toutes ses études au Québec, du primaire à l'université. De plus, elle habite depuis 15 ans à la même adresse, chez ses parents, à Laval. Et elle a rencontré le même problème: Vous n'êtes pas résidente au Québec, alors il faut payer le tarif supérieur à cause de ça.

Alors, c'est la mise en garde que j'ai faite en commission. Je pense que, pour aller chercher les quelques élèves... Et ça, c'est l'autre chose qu'on a demandée à maintes reprises en commission: Est-ce que la ministre peut nous indiquer combien de non-résidents mais citoyens canadiens des autres provinces sont dans nos cégeps? Elle ne le sait pas. Moi, je suis allé dans le seul cégep de mon secteur. Sur une population de 5 000, il y en a à peine 150. Alors, ce n'est pas grand monde. Et, s'il faut mettre toute une bureaucratie en place pour aller vérifier de toute évidence si vous êtes résident ou non, probablement pour aller chercher un petit peu d'argent de ces élèves... Ça va coûter encore plus cher de mettre en place les vérifications nécessaires pour aller chercher un 200 000 $ ou quelque chose comme ça.

Alors, c'est le message, encore une fois, à des personnes de l'extérieur qui sont venues ici: Vous n'êtes pas le bienvenu. C'est ça qu'on est en train de faire. J'ai vécu ça dans mon comté. Comme j'ai dit, je suis très heureux que la ministre m'ait aidé, mais je trouve ça inconcevable que ça ait pris cinq mois pour trouver quelque chose qui, d'évidence même, était vrai... que, ça, c'est les personnes, commettants de mon comté, résidents du Québec, et ils n'ont pas besoin de prendre cinq mois pour faire la preuve de tout ça.

Qu'est-ce qu'on va faire avec le projet de loi n° 166? C'est d'étendre le même processus au niveau collégial. Alors, il y aura encore une fois les personnes qui ont des difficultés à faire la preuve qu'elles sont des résidentes, qu'elles sont chez elles. Moi, je trouve ça regrettable. On voit dans le projet de loi que la ministre n'a fait aucune justification au niveau des coûts, au niveau des montants.

Est-ce que c'est vraiment un problème ou non? Mais je sais d'avance qu'elle va encore une fois créer des problèmes pour les citoyens et citoyennes du Québec qui auront des démêlés, qui auront un long processus à faire, parce que les fonctionnaires ont leur petite liste: Je prends ce morceau, ce morceau, ce morceau de preuve; si vous n'avez pas une de ces trois pièces, oubliez ça. Alors, le fait qu'on peut être ici 18 ans, qu'on peut avoir trois enfants nés au Québec, qu'on peut payer les impôts au Québec pendant 18 ans, ça ne compte pour rien. Et que le même gouvernement qui est prêt à donner un permis de conduire, qui est prêt à donner une carte-soleil, mais qui n'est pas prêt à reconnaître que ça, c'est une résidente du Québec, c'est loufoque, M. le Président.

Mais on est en train de recréer le même système au collège, alors ça va donner du travail dans nos bureaux de comté, mais je trouve ça fort regrettable, et, pour ça, je vais voter contre la prise en considération de ce rapport. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Un autre intervenant sur le projet de loi? M. le député de LaFontaine?

M. Gobé: Oui, M. le Président, c'est exact.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci. M. le Président, le projet de loi n° 166 est certainement un projet de loi qui, en plus de bouleverser le système d'enseignement collégial dans certains de ses aspects, est un projet de loi qui, sous certains rapports, en particulier pour le Québec et la francophonie, est un projet de loi qui est régressif, et j'aurai l'occasion de revenir un peu plus tard m'en expliquer.

M. le Président, on retrouve plusieurs choses dans ce projet de loi là. En particulier, on retrouve des nouvelles règles de financement et l'établissement d'un nouveau diplôme qui s'appelle l'attestation d'études collégiales. Jusque-là, il n'y a rien, là, de vraiment révolutionnaire ou de choses vraiment nouvelles; ce sont des réformes comme il s'en fait régulièrement dans certains projets de loi

Où on commence à avoir des difficultés et à vraiment se poser un certain nombre de questions, c'est lorsqu'on se rend compte que la ministre se sert de ce projet de loi là pour créer ce qu'elle appelle les cégeps régionaux, le concept d'un cégep régional qui serait un cégep un peu éclaté, avec une administration dans une région puis des établissements ou des pavillons dans d'autres régions. Et, M. le Président, si ça avait pour but de donner à certaines régions éloignées des facilités d'enseignement collégial, on pourrait dire: Ma foi, c'est peut-être là une bonne voie, une bonne chose. Si c'était pour permettre à des écoles particulières, comme une école des pêcheries, ou en tourisme, ou en chasse et pêche, ou des gens qui font des études à ce niveau-là, d'être liées à une institution collégiale existant déjà, encore cela serait-il peut-être dans la logique.

Mais ce dont on se rend compte, M. le Président, c'est que ce projet de loi, lorsqu'il parle de permettre la création de cégeps régionaux, a simplement pour but de permettre l'accomplissement d'une vieille promesse électorale du Parti québécois, qui est de faire le cégep de Lanaudière. Alors, pour les électeurs qui nous écoutent – et je suis certain que ce soir il y a beaucoup d'électeurs de la région de Montréal qui nous écoutent, ainsi, probablement, que d'autres régions – j'aimerais peut-être faire une petite récapitulation. Depuis de nombreuses années, l'ancien député du Parti québécois de L'Assomption faisait la promotion d'un cégep qui serait construit dans sa circonscription, quelque part entre Repentigny et L'Assomption. Et, M. le Président, ce cégep, disait-il, serait relié au cégep de Joliette, qui est à peu près à 70 km, 80 km de là, et ce serait une extension du campus du cégep de Joliette.

Mais j'aimerais rappeler aux citoyens et aux téléspectateurs qui nous écoutent que L'Assomption, où ce cégep va être situé, en particulier, est à une quinzaine de kilomètres de la ville de Montréal, du quartier de Rivière-des-Prairies où, bien sûr, les installations existent. Car, en effet, on se rappellera que, en 1992-1993, le gouvernement libéral avait fait en sorte de doter le nord-est de Montréal d'une nouvelle institution collégiale, qui s'appelle le cégep Marie-Victorin.

(22 h 40)

Pourquoi nous avons fait ça, M. le Président? C'est très simple, le cégep Marie-Victorin, une institution privée avec une très bonne réputation, avait un peu de difficultés parce que, bon, le privé coûtant cher, de moins en moins d'étudiants s'y inscrivaient. Le conseil d'administration et la corporation propriétaire de ce collège avaient décidé de le vendre, et un projet de centre de transition pour délinquants était prévu. Alors, suite aux démarches du milieu et du député de LaFontaine, bien sûr, ainsi que de ses collègues de l'est de Montréal, le député de Sauvé, le député de Viger, le député de Jeanne-Mance et le député, de l'autre côté, de Bourget, le député de Viau, l'ensemble des députés de l'est de Montréal, nous avons réussi à convaincre le gouvernement et le ministre de l'Éducation de l'époque, ainsi que l'autorité, bien sûr, du Conseil des ministres, de l'importance de racheter cette institution privée qui était donc pour fermer, avec tout le capital d'expérience qu'il y avait, et d'en faire un cégep public.

C'est ce qui a été fait, M. le Président. Le gouvernement a dépensé des sommes très importantes, au-delà de 60 000 000 $, pour acquérir l'ensemble du campus et remettre de nouveaux cours et de nouvelles matières pour redynamiser cette institution. Lorsque nous l'avons achetée avant qu'elle ferme, il y avait quelque 700 étudiants, M. le Président; aujourd'hui, nous ne sommes pas loin de 5 000. Autant vous dire que c'est là, certainement, un équipement qui a un rayonnement régional très important.

Et les étudiants viennent non seulement de tout l'est de Montréal, mais ils viennent aussi de Repentigny, de L'Assomption, de Terrebonne. Pourquoi, M. le Président, viennent-ils de ces régions-là? Bien, simplement parce que, d'abord, l'enseignement y est de très haute qualité, les matières qui y sont enseignées correspondent à ce que les jeunes recherchent comme formation professionnelle, en particulier en ce qui concerne la mode, et on sait que le cégep Marie-Victorin est maintenant un des phares de l'enseignement pour la mode au Québec, pour la mode en termes de confection. Je sais que la ministre de l'Industrie et du Commerce dans le temps, qui est maintenant au Revenu, était venue visiter ce cégep à l'occasion de la présentation de la parade de mode annuelle où, justement, on présente les nouvelles collections, et je pense qu'elle avait été elle-même fort impressionnée par ce qui s'y passe.

Alors, voilà, M. le Président, je dresse un peu le tableau, et vous allez voir où je veux en venir. C'est parce que, là, le gouvernement est en train de donner suite, malgré tout cela, à son projet de création d'un cégep dans L'Assomption, dans Terrebonne. Alors, qu'est-ce qui se passe? C'est très simple: alors qu'on est en train de couper les sommes qui sont allouées pour le fonctionnement des cégeps dans l'ensemble du Québec, ainsi qu'au cégep Marie-Victorin qui subit des coupures très importantes, eh bien, on va dépenser de l'argent dans du béton, on va dépenser de l'argent dans des nouvelles constructions pour aller donner suite à une vieille promesse électorale à 15, 17 km de là. Et ça va être quoi, le résultat? Le résultat, ça va être que ça va faire compétition, ça va dédoubler les services qui sont déjà donnés par le cégep Marie-Victorin et par d'autres cégeps aussi, bien sûr. Ça va enlever des clientèles au cégep Rosemont et à Maisonneuve ainsi qu'à d'autres écoles de métiers qui sont déjà installées dans la région.

Alors, est-ce que ce projet de loi là est un bon projet pour l'enseignement collégial, particulièrement dans la région de Montréal? À la lumière de ces faits, moi, je dis non. Je dis non, M. le Président, parce qu'un gouvernement responsable, lorsqu'on sait le peu de moyens disponibles, lorsqu'on sait qu'actuellement il fait des compressions et des coupures drastiques et importantes qui mettent en cause des services complets dans les cégeps existants, avant de faire de nouvelles institutions, de nouvelles structures, de nouveaux édifices à 15, 17 ou 18 km de celles existantes, je pense qu'on devrait y penser à deux fois et, au contraire, consolider ce qui existe déjà et donner la chance de performer à ces institutions qui sont déjà en place.

Bien sûr, nous ne pouvons pas être en faveur de cela, d'autant plus que, vous savez, les cégeps régionaux, M. le Président, la ministre se donne le choix, elle. Elle dit: Je peux fusionner moi-même et décider moi-même de ce que je vais faire sans tenir compte, sans consulter même les conseils d'administration des cégeps, alors qu'ils sont élus et qu'ils sont nommés et que, bien sûr, ils ont la confiance de la population. Ça, c'est une des parties du projet de loi.

L'autre partie, qui ne m'offusque pas mais qui m'inquiète terriblement, c'est la partie où on va faire en sorte de limiter aux étudiants francophones du Canada l'accès aux études en français au Québec. Et ça, M. le Président, je pense que nous, les Québécois, qui sommes les gardiens de la francophonie en Amérique du Nord, nous sommes la base, nous sommes le berceau de la francophonie, nous devons montrer l'exemple. J'ai souvent entendu les ténors de la défense de la francophonie de l'autre côté de la Chambre nous parler du rôle traditionnel et historique que le Québec avait.

Mais, si c'est un des moyens pour le montrer, ce n'est pas en faisant en sorte de mettre des barrières tarifaires et en restreignant l'accès à nos institutions d'éducation et d'enseignement aux étudiants de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et d'autres régions francophones, au contraire c'est en ouvrant et en facilitant ces inscriptions pour faire en sorte qu'ils puissent venir chez nous pour s'y instruire en français et, par la suite, retourner dans leur province pour continuer à faire rayonner cette langue. Et c'est là la logique d'un gouvernement francophone québécois, et c'est comme ça que je le vois.

Mais diable! M. le Président, faut-il être séparatiste pour vouloir restreindre à nos compatriotes canadiens-français des autres provinces l'accès aux études, alors qu'on va permettre aux Français de France et aux Tunisiens et à d'autres francophones du monde, qui sont bien souvent dans des pays assez bien nantis, de venir s'établir ici pour étudier sans avoir à payer ces frais. Où est la logique? Je suis certain que même les gens qui ne partagent pas l'opinion de notre formation politique du Parti libéral, les gens qui partagent l'opinion du gouvernement, l'opinion nationaliste, séparatiste, même ces gens-là ne sont pas d'accord avec ça et ne peuvent pas être d'accord. Nous, bien sûr, nous le dénonçons. Et c'est pour ces deux raisons que je vais voter contre le projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Il n'y a pas d'autres intervenants? M. le leader de l'opposition, vous intervenez sur le projet de loi, sur le rapport en question? Oui? Alors, je vous cède la parole.


M. Pierre Paradis

M. Paradis: Oui, M. le Président. Je pense que tous et chacun d'entre nous qui ont pu bénéficier d'études collégiales dans un cadre où on mettait à notre disposition une qualité d'enseignement exceptionnelle et un encadrement exceptionnel devraient se faire un devoir d'intervenir dans le cadre de ce projet de loi et d'aller au-delà des notes explicatives, parce qu'on sait qu'il y a beaucoup de projets de loi en fin de session et qu'il y a des députés qui se limitent à lire les notes explicatives et à croire la ministre sur parole. Quand on lit les notes explicatives – et je suis certain que, vous, vous êtes allé au-delà de ces notes, je vais les rappeler pour ceux et celles qui se sont limités à cette simple lecture – le projet de loi nous apparaît correct.

«Le projet de loi accorde au gouvernement le pouvoir d'instituer, sur la recommandation du ministre de l'Éducation, après consultation du Conseil supérieur de l'éducation, des collèges régionaux d'enseignement général et professionnel formés d'un ou de plusieurs collèges constituants. Le collège régional...» etc. On a l'impression que tous les collèges sont d'accord, que Mme la ministre a fait l'unanimité autour de ce projet de loi.

Elle ajoute même que «ce projet de loi prévoit par ailleurs que le droit à la gratuité scolaire ne s'appliquera dorénavant qu'aux programmes conduisant au diplôme d'études collégiales», comme si c'était encore vrai, dans notre société, le droit à la gratuité scolaire. C'est vrai dans le cas de certains étudiants, mais ce n'est jamais vrai dans le cas de tous les parents. Les parents savent que, désormais, ça peut être gratis pour certains étudiants, mais que ce n'est jamais gratuit pour les parents comme tels.

Pour les étudiants, ça signifie également, M. le Président – il y en a peut-être qui ne s'en souviennent pas, de l'autre côté – le début de l'endettement d'un individu dans une société. «Les collèges pourront ainsi exiger des droits de scolarité pour les programmes conduisant à une attestation d'études collégiales.» Ce qu'on dit, finalement, aux étudiants, c'est: Vous n'êtes pas suffisamment endettés, il faudra encore vous endetter davantage. C'est à l'image des budgets qui nous sont présentés par ce gouvernement année après année: encore un petit peu plus de dettes.

«Enfin, le projet de loi prévoit diverses modifications à plusieurs dispositions afin de faciliter la gestion d'un collège et l'administration générale de la loi...» M. le Président, si c'était vrai, il n'y aurait personne, en cette Chambre, qui se lèverait pour dénoncer le projet de loi. Tout le monde, d'un commun accord, se rallierait, parce que, s'il y a quelque chose qui se doit de faire consensus dans une société, c'est un projet d'éducation, c'est un projet d'ouverture aux études collégiales qui fait en sorte que tous et chacun puissent aspirer à ces études-là, s'en sortir sans être endettés et avoir en main un bagage de connaissances qui permette d'envisager la vie avec optimisme.

(22 h 50)

M. le Président, le gouvernement d'en face fait exactement le contraire. S'il y a deux priorités dans les dépenses gouvernementales qui se doivent d'être sacrées, c'est la santé et l'éducation. S'il y a deux éléments que le gouvernement d'en face a négligés lorsqu'il a demandé à l'Assemblée nationale d'approuver les crédits budgétaires de cette année... Ça, ça veut dire l'argent qu'on consacre à la santé et à l'éducation.

Le gouvernement d'en face nous a dit: Cette année, on va faire d'énormes compressions budgétaires, on a besoin du support puis de la contribution de tout le monde. Au total, M. le Président, le gouvernement d'en face va comprimer le total de ses dépenses, si on les compare à celles de l'année passée, de 0,6 %, pas de 6 %, pas de 10 %, pas de 15 %; de 0,6 % pour l'ensemble des ministères du gouvernement.

Mais il y a deux secteurs qui ont été privilégiés. Le secteur de la santé, on en parle à chaque jour, les gens le vivent dans leur quotidien, on a coupé de façon drastique et inhumaine dans le secteur de la santé. Mais on a fait encore pire dans le secteur de l'éducation: 0,6 % pour l'ensemble du gouvernement; 3,3 % dans la santé; 6,5 % au niveau du réseau de l'enseignement. Des coupures de 6,5 % dans l'enseignement! Si on a coupé de 0,6 % dans l'ensemble du gouvernement, de 3,3 % dans la santé puis de 6,5 % dans l'éducation, qui sont les deux principaux postes budgétaires, il y a quelqu'un qui s'est mis de l'argent dans les poches quelque part, M. le Président, sinon le budget du gouvernement n'additionnerait pas.

Quels sont ces ministères qui ont puisé dans la santé et qui ont puisé dans l'éducation pour s'enrichir? Quatre ministères, M. le Président. Le bureau du premier ministre, appelé le Conseil exécutif, le ministère des Finances, le Conseil du trésor et – je l'apprends peut-être à la ministre déléguée au Revenu – le ministère du Revenu ont connu des augmentations de budget de 90 %, cette année, comparativement à l'an passé.

Ils ont pris l'argent dans la santé, ils ont pris l'argent dans l'éducation et ils ont dépensé cet argent dans ce qu'on appelle communément les organismes centraux, la technocratie à Québec. 90 % d'augmentations, lorsqu'on compile ensemble le bureau du premier ministre, le ministère des Finances, le Conseil du trésor puis le ministère du Revenu.

Pendant ce temps-là, dans l'éducation, il n'y a plus beaucoup de choses qui fonctionnent. Les chanceux que nous sommes, la génération qui a précédé celle des jeunes qui sont aujourd'hui au cégep et qui a bénéficié d'un système qui s'approchait de l'excellence est en train de léguer, si nous adoptons ce projet de loi, un système qui se dirige vers la médiocrité. Et ce n'est pas comme ça qu'on bâtit l'avenir d'une province, ce n'est pas comme ça qu'on bâtit l'avenir d'une société puis ce n'est pas comme ça qu'on bâtit l'avenir d'un peuple, en coupant dans ce qu'il y a de plus enrichissant pour l'avenir, l'éducation.

M. le Président, en lisant les notes explicatives, on s'attendait à retrouver dans la presse nationale, dans la presse régionale, des titres élogieux, des titres qui nous diraient que la ministre a consulté et que ce qu'elle fait, c'est bon et c'est bien. Moi, M. le Président, je suis un ancien du cégep Saint-Jean-sur-Richelieu et j'aimerais citer...

Une voix: Pauvre Saint-Jean!

M. Paradis: Et il y a le ministre des Affaires internationales qui dit: Pauvre Saint-Jean! Oui, pauvre Saint-Jean! parce que ce que la ministre a annoncé sur le plan de ses coupures... Elle coupe 128 000 000 $ dans les cégeps. Au cégep Saint-Jean – et, quand on dit: Pauvre Saint-Jean! c'est vrai: 1 400 000 $ de coupures additionnelles demandées au cégep Saint-Jean-sur-Richelieu. Le conseil d'administration dénonce la situation. Sur ce conseil d'administration, il y a des gens qui sont issus de tous les milieux à Saint-Jean. Comme à Granby, comme à Rimouski, comme ailleurs dans la province, ces gens-là vous disent, aux députés d'en face: Arrêtez d'endosser aveuglément les compressions budgétaires au niveau de l'éducation que la ministre de l'Éducation, avec la complicité du président du Conseil du trésor, la complicité du premier ministre et la complicité de certains députés serviles qui, au lieu de lire le projet de loi et de vérifier les effets sur les jeunes de leur comté, suivent strictement la ligne de parti...

M. le Président, ce matin, à l'Assemblée nationale, mon collègue de Verdun a parlé d'effets directs sur les étudiants et sur les étudiantes. Les aides pédagogiques ont diminué de plus de 30 %. Je vois les gens de l'autre côté, ça les laisse complètement indifférents. Les listes d'attente pour avoir accès à un conseiller en orientation s'allongent indûment. On est en train de les comparer aux listes d'attente pour des interventions chirurgicales. Les laboratoires se vident de leur soutien technique. Le renouvellement du matériel scientifique est plus qu'aléatoire. On est en train de priver nos jeunes, qui sont au niveau des études collégiales, des outils dont ils ont besoin pour commencer à se préparer un avenir. En même temps, parce que vous avez choisi d'engraisser les budgets du bureau du premier ministre, du ministre des Finances, du ministre du Conseil du trésor et de la ministre du Revenu, on est en train d'endetter les étudiants et les étudiantes, d'hypothéquer leur avenir.

M. le Président, s'il y a encore quelqu'un de l'autre côté qui a déjà oeuvré dans le monde de l'enseignement et qui a à coeur l'avenir des jeunes qui sont rendus au niveau collégial, il va se lever en cette Chambre de l'autre côté, immédiatement après mon discours, il va dire: Ce n'est pas vrai, ce qu'il a dit, il n'y a pas eu de diminution ou il n'y en aura pas; on va leur donner les outils nécessaires pour les préparer à faire face à leur avenir, M. le Président, avec ce que ça prend comme environnement au niveau collégial.

M. le Président, nous en sommes rendus à la prise en considération du rapport – vous m'indiquez que mon temps est terminé. Je lance un dernier appel à ceux et à celles qui pourraient... des pères ou des mères de famille, ou qui connaissent des enfants, des étudiants dans leur circonscription électorale, à la veille de Noël, de se lever en cette Chambre et de dire: Ce n'est pas vrai que nous allons être complices d'une telle manoeuvre qui vise à rapprocher notre système de l'éducation de la médiocrité, après que notre génération a eu connu l'excellence. Merci, M. le Président.


Mise aux voix de l'amendement de la ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie. Il n'y a plus d'autres intervenants? L'amendement proposé par Mme la ministre de l'éducation est-il adopté?

Une voix: Sur division.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission de l'éducation portant sur le projet de loi n° 166, Loi modifiant la Loi sur les collèges d'enseignement général et professionnel et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Une voix: Adopté...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux à demain, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 22 h 59)