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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 2 décembre 1997 - Vol. 35 N° 141

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Table des matières

Affaires courantes


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Alors, Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous abordons immédiatement les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Veuillez prendre en considération, M. le Président, l'article a.


Projet de loi n° 182

Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts présente le projet de loi n° 182, Loi modifiant la Loi sur les mines et la Loi sur les terres du domaine public. Mme la ministre déléguée aux Mines, aux Terres et aux Forêts.


Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Oui, M. le Président. Ce projet de loi a pour objet d'apporter des modifications substantielles aux titres d'exploration minière prévus à la Loi sur les mines et de favoriser le remplacement éventuel du mode d'obtention des claims par jalonnement, des permis d'exploration minière et des permis de recherche de substances minérales de surface.

Ce projet de loi vise d'abord à permettre au ministre des Ressources naturelles de reproduire sur des cartes conservées au bureau du registraire les limites des territoires sur lesquels les claims pourront dorénavant être obtenus par jalonnement et celles des territoires sur lesquels les claims pourront être obtenus par désignation sur carte et de déterminer sur ces cartes la forme et la superficie des terrains pouvant faire l'objet d'un claim désigné sur carte. Ce projet de loi accorde également au ministre le pouvoir de modifier, de temps à autre, les limites des territoires afin qu'éventuellement tous les claims soient obtenus par désignation sur carte. Il permet au ministre, dans certaines circonstances, d'exiger d'une personne qui présente un avis de désignation sur carte le dépôt d'une garantie couvrant tout ou partie du coût minimum des travaux dont l'exécution est requise conformément aux règlements d'application, s'il estime que celle-ci peut ne pas être en mesure de dépenser les sommes requises pour l'exécution de ces travaux.

De plus, ce projet de loi prévoit que, à compter de l'entrée en vigueur des dispositions modifiant les sections relatives aux permis d'exploration minière et aux permis de recherche de substances minérales de surface, aucun de ceux-ci ne pourra être délivré par le ministre. À compter de cette date, les droits seront attribués par le claim.

Ce projet de loi prévoit également un mécanisme visant à faciliter la conversion de claims obtenus par jalonnement ou de permis de recherche de substances minérales de surface en claims désignés sur carte et il établit des règles permettant le regroupement de claims en propriété minière. Ces règles ainsi que celles relatives à la gestion de ces propriétés s'appliquent aux claims détenus par un même titulaire sur des terrains contigus pourvu que ces claims aient été obtenus par désignation sur carte ou par conversion en claims désignés sur carte.

En ce qui concerne l'aspect foncier, ce projet de loi harmonise les règles applicables à l'octroi des droits fonciers sur les terres assujetties à des droits miniers avec celles qui sont prévues dans la Loi sur les terres du domaine public. Il valide aussi certains titres fonciers consentis sans que toutes les exigences de la loi aient été respectées et transforme les baux dits emphytéotiques encore en vigueur dans les villes minières en ventes pures et simples.

En outre, ce projet de loi apporte des modifications à la Loi sur les mines en ce qui a trait à la recherche et à l'exploitation de pétrole, de gaz naturel et des réservoirs souterrains. À cet égard, il introduit un permis unique autorisant la recherche de pétrole, de gaz naturel et de réservoirs souterrains. Il prévoit également que, dans une zone en milieu marin délimitée par arrêté ministériel, le permis de recherche est délivré par appel d'offres. Dans ces zones, le ministre peut prescrire des conditions et des obligations différentes de celles prévues à la loi à l'égard d'un droit minier relatif au pétrole, au gaz naturel ou à un réservoir souterrain.

Ce projet de loi contient des dispositions qui permettront, sur autorisation ministérielle, la prolongation du permis de recherche lorsque des indices sérieux de la présence de pétrole, de gaz naturel ou d'un réservoir souterrain offrant des possibilités d'exploitation économique sont démontrés. Le projet de loi introduit également un pouvoir de suspension de la période de validité du permis de recherche et une mesure prévoyant que toute demande de permis de recherche visant un territoire sur lequel un tel permis était en vigueur depuis moins de 60 jours doit être refusée.

Enfin, ce projet de loi introduit une disposition qui suspend jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau régime le pouvoir de délivrer, en milieu marin, des permis de recherche relatifs au pétrole, au gaz naturel, à la saumure ou à un réservoir souterrain pour toute demande produite à compter de la présentation du projet de loi. Il contient, de plus, des dispositions de nature transitoire et de concordance.


Mise aux voix

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: ...

Le Président: Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le ministre de la Sécurité publique.


Rapport annuel du Comité de déontologie policière

M. Bélanger: M. le Président, je dépose le rapport annuel 1996-1997 du Comité de déontologie policière.

Le Président: Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 165

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je vous remercie de me permettre de déposer le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé les 18 et 25 novembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de la culture et député de Lévis.


Consultations particulières sur le document intitulé Une grande bibliothèque pour le Québec

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé les 11, 12, 13, 18 et 19 novembre 1997 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des auditions publiques sur le rapport du Comité sur le développement d'une très grande bibliothèque intitulé Une grande bibliothèque pour le Québec .

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 172

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer de le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 26 et 27 novembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 172, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les normes du travail. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.

Au dépôt de pétitions, M. le député Richmond...

M. Baril (Arthabaska): M. le Président.

Le Président: Juste un instant. M. le député d'Arthabaska.

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, j'aurais un autre projet de loi à déposer. Pas un projet, mais un autre rapport.

Le Président: D'accord.


Étude détaillée du projet de loi n° 162

M. Baril (Arthabaska): Le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 27 novembre 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 162, Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements. Je vous remercie.

Le Président: Très bien. Alors, ce rapport est également déposé.


Dépôt de pétitions

M. le député de Richmond, maintenant.


Négocier une entente avec l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés du Québec

M. Vallières: M. le Président, avec le consentement de la Chambre, puisqu'il s'agit d'une pétition non conforme...

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.

M. Vallières: ...je désire déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 82 pétitionnaires, usagers et familles des usagers du Foyer Saints-Anges de Ham-Nord.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant le litige impliquant l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés et le ministère de la Santé et des Services sociaux;

«Considérant que l'acceptation des exigences du ministère de la Santé et des Services sociaux conduit à brève échéance à la disparition des établissements privés conventionnés;

«Considérant que, nous, les usagers et les familles des usagers, témoignons de notre satisfaction à l'égard du Foyer Saints-Anges de Ham-Nord;

«Considérant que, nous, les usagers et les familles des usagers, témoignons à l'effet que le milieu de vie y est agréable, que nous sommes traités avec respect et que nous tenons à la qualité des relations humaines toujours présentes;

(10 h 10)

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du ministre Jean Rochon, ministre de la Santé, afin qu'il négocie une entente avec l'Association des centres hospitaliers et des centres d'accueil privés qui ne met pas en péril la survie de cette catégorie d'établissements.»

Le Président: Alors, merci. Cette pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise, à ce moment-ci, qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de Mme la ministre déléguée au Revenu proposant que soit adopté le principe du projet de loi n° 161, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives.


Questions et réponses orales

Alors, à ce moment-ci, nous en arrivons à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Priorités du gouvernement

M. Johnson: On peut dire qu'en fin de semaine les Québécois ont été les témoins d'un spectacle passablement désolant, spectacle désolant que celui d'un parti gouvernemental, le Parti québécois, dans ses instances, qui se livre à de vastes manoeuvres de diversion pour distraire les Québécois, pour qu'on ne s'aperçoive peut-être pas que l'économie, si elle va un peu mieux, demeure fragile et qu'on n'a toujours pas de politique de développement économique de ce gouvernement-là, que le parti gouvernemental continue à faire des bulles avec son option et ses priorités qui ne sont pas celles des Québécois.

Les Québécois ne sont pas en faveur de la séparation. S'ils l'étaient, ça se saurait; c'est le genre de chose qui se saurait dans la vie de tous les jours. Mais, pour le Parti québécois, la séparation, c'est une priorité. Les Québécois ne veulent pas de référendum. Ils l'ont dit plus d'une fois depuis 1995. Ils n'en veulent pas, de référendum. La réponse du Parti québécois, c'est de promettre pas juste un, mais deux référendums, si on laisse le vice-premier ministre faire avec ses stratégies.

Les Québécois ont été, moi, je dirais, révoltés par les propos de Jacques Parizeau. Moi, je crois que les Québécois sont révoltés de voir le ton qu'emprunte Jacques Parizeau lorsqu'il catégorise les Québécois. Et le premier ministre n'a toujours pas dénoncé l'ancien premier ministre, son prédécesseur. Au contraire, il l'a accueilli à bras ouverts dans son ancien comté de L'Assomption. Ça devait faire un beau couple, ça, en fin de semaine, que Jacques Parizeau et le premier ministre actuel sur les mêmes tribunes.

Est-ce que le premier ministre se rend compte que ce qu'il a tenté de faire, mais qu'il ne doit pas faire comme premier ministre, c'est de mettre en veilleuse les préoccupations des Québécois sur le chômage? Il ne doit pas mettre en veilleuse – et c'est ça qu'il a essayé de faire – les préoccupations des Québécois sur la santé. Il ne doit pas mettre en veilleuse les préoccupations des familles québécoises en matière d'éducation. Il ne suffit pas de répondre aux préoccupations des Québécois par des encarts publicitaires, huit pages, quatre couleurs, dans les journaux de fin de semaine, pendant le Conseil national du PQ, pour répondre aux attentes des Québécois.

Le premier ministre a tenté de mettre en veilleuse les fonds cachés où on commence à sous le boisseau des morceaux considérables, à coups de centaines de millions de dollars, du déficit québécois.

Je demande au premier ministre: À quand les décisions pertinentes de ce gouvernement-là? À quand les discussions qui sont pertinentes pour les Québécois? Quand les priorités des Québécois deviendront-elles les priorités du gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je voudrais quand même remercier le chef de l'opposition qui, pour une des premières fois, en tout cas, vient de reconnaître que l'économie du Québec va mieux. Je voudrais souligner ce geste de non-partisanerie.

L'économie du Québec va mieux parce que nous avons un gouvernement qui gouverne, un gouvernement qui prend de véritables décisions, qui est en train d'assainir les finances publiques, qui restaure la confiance des marchés financiers dans la gestion du gouvernement et qui, en même temps, fait accomplir des progrès sociaux extrêmement importants au Québec. Il y a une douzaine de mesures sociales sans précédent qui ont été adoptées. Il n'y a pas de comparaison avec ce qui se fait sur le continent, avec d'autres gouvernements qui doivent, en même temps que nous, assainir les finances publiques, qui ont trouvé simultanément le courage, comme nous l'avons trouvé, de mettre en place de grandes mesures sociales.

Au fond, ce qui embarrasse le chef de l'opposition et son gouvernement, c'est la détermination du Parti québécois...

Une voix: «Et son parti», «et son parti».

M. Bouchard: ...et son parti, c'est la détermination du Parti québécois de mener à terme la marche du Québec vers la souveraineté. Il y a un vieux fantasme du côté du Parti libéral du Québec, c'est que ça cesse. Ça ne cesse pas. Les récents sondages l'ont montré: à 48 %, la souveraineté, M. le Président, les récents sondages, en plein coeur de l'effort que nous faisons présentement, alors que ce n'est pas le débat qui est le principal.

Cependant, le chef de l'opposition persiste à adopter une attitude de docilité vis-à-vis du plan B fédéral, plan B qu'il avait lui-même dénoncé l'an dernier en disant que ce n'était pas sur la bonne track. Ce que je vais lui demander à lui, M. le Président, au moment où on veut attaquer le territoire du Québec dans son intégrité, où on veut limiter la capacité du Québec de décider de son avenir, où on conteste la notion de peuple, je vais lui demander si lui est d'accord que nous sommes un peuple, que nous avons un territoire indivisible et que nous avons le droit de décider de notre avenir, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre ne s'aperçoit pas que c'est son gouvernement qui est à côté de la track en matière économique, en matière de santé, en matière d'éducation, que le vrai parti et le seul parti au Québec qui est à côté de la track, c'est le Parti québécois, comme il l'a encore démontré en fin de semaine avec ces débats qui n'ont rien à voir avec les préoccupations des Québécois?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): M. le Président, les événements de la fin de semaine ont fait ressortir un certain nombre de choses, dont une idée dont j'ai entretenu les militants n'était pas la trouvaille du siècle. Mais elles ont aussi, ces délibérations, fait ressortir une autre chose: dans un parti d'idées comme le nôtre et dont nous sommes fiers, on débat des idées avant de les accepter ou de les rejeter. C'est une différence fondamentale avec le parti d'en face qui a approuvé la proposition de Calgary trois jours avant qu'elle ne soit sur la table. C'est ça, un parti d'idées et c'est ça, un parti.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): M. le Président, c'est évident qu'ils ont de la difficulté à comprendre le comportement d'un parti d'idées, quand il y a plus que deux idées dans une de leurs assises, ça donne l'impression d'un embouteillage. Et j'aime mieux...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Landry (Verchères): Et j'aime mieux mon parti, qui a rejeté vigoureusement en fin de semaine une idée qui n'était pas très bonne, que le parti d'en face qui a approuvé l'idée d'abolir la formule Rand au risque de perturber la paix sociale au Québec pendant des dizaines d'années. Alors, c'est ça, la différence, je pense, entre des assises responsables et des assises qui ne le sont pas.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre ne convient pas que son vice-premier ministre vient de démontrer combien déconnecté le ministre des Finances est de la réalité, qui est disposé à lancer des débats au Conseil national du PQ sur des idées qui n'ont aucun rapport avec la création d'emplois, qui ne règlent en rien le problème dans les urgences, le problème des salles d'attente dans la santé, qui ne règlent en rien le fait qu'on a des réponses technocratiques à des préoccupations réelles de tous les jours des Québécois, et que le Parti québécois est en train de démontrer, comme il l'a fait en fin de semaine dernière, qu'il est de moins en moins pertinent pour l'avenir du Québec?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

(10 h 20)

M. Landry (Verchères): C'est une bonne idée, M. le Président, de reconnecter avec l'économie parce que, s'il est un terrain où nos amis d'en face sont vulnérables, c'est bien celui-là. Et ça faisait quelques semaines qu'ils ne nous en avaient pas parlé, et on peut remercier le chef de l'opposition de nous donner l'occasion de dire que, en termes de création d'emplois, le Québec s'en va cette année vers plus de 5 000 emplois net par mois, 5 000 net par mois; pendant les cinq ans du dernier mandat de nos prédécesseurs, le bilan net, après cinq ans, pas cinq mois, a été de zéro. Alors, les comparaisons sont claires. En termes d'investissements étrangers, nous en avons cinq ou six fois plus que leur dernière année. C'est une des meilleures années de l'histoire économique du Québec, cette année, sauf que l'an prochain sera, en plus, la meilleure de la décennie.

Alors, si vous voulez passer toutes vos périodes de questions à l'économie, bienvenue, M. le Président, à nos amis. Nous pourrons faire, avec leur performance économique, les mêmes comparaisons que celles qu'on fait régulièrement avec leur performance budgétaire et financière.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Je ne sais pas trop où était le vice-premier ministre depuis quelques semaines, mais ce dont on a été obligés de parler, ici, c'était de l'utilisation abusive de renseignements personnels dans l'entourage du premier ministre, ça a été de fonds cachés où le Vérificateur général nous a donné raison, des centaines de millions de dollars qui sont cachés à droite et à gauche dans les états financiers du gouvernement.

On a été obligés de déplorer, avec tout le monde, l'allongement de listes d'attente. Le décès de certains de nos concitoyens et concitoyennes, il y a une réalité, là. Le coroner est plus occupé que certains médecins, dans certaines régions du Québec, depuis que le PQ est au pouvoir, y compris dans le comté de Jonquière, y compris dans le comté de Jonquière.

Ce que je demande au premier ministre, ce que je demande au premier ministre, ce n'est pas encore de passer le relais à son voisin de gauche, c'est de répondre, comme chef du gouvernement et comme chef du parti gouvernemental: À quand les discussions pertinentes plutôt que les discussions sur les priorités de séparation du PQ? À quand les réalisations concrètes du Parti québécois en matière d'emplois, de santé et d'éducation? À quand les engagements concrets du premier ministre, qu'il va respecter cette fois-ci plutôt que de manquer à sa parole comme il fait depuis deux ans?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Le premier ministre n'a pas besoin de faire quelque relais que ce soit, ça fait quatre jours qu'on attend vos questions sur les fonds. La semaine dernière, le Vérificateur général a fait sa conférence de presse, il y a eu des débats dans notre société. Personne n'a daigné, chez vous, poser la question. Et je sais pourquoi, d'ailleurs, et je sais pourquoi mon critique, qui a reçu exactement, pendant des années, les mêmes remarques du Vérificateur général, passe le relais au chef de l'opposition pour me poser des questions.

Je vais simplement, pour départager l'ancien ministre des Finances et l'actuel, prendre un commentateur considéré sérieux, Jean-Jacques Samson, Le Soleil , 29 novembre, qui dit: «Changer des règles comptables en cours de route vers le déficit zéro en 1999 pour apaiser les scrupules du Vérificateur sur le recours à des fonds spéciaux pour financer certaines dépenses ne conduirait qu'à mêler tout le monde. Il sera toujours temps de corriger les méthodes en l'an 2000.» Les remarques faites par le Vérificateur, il nous les fait, nous les analysons, nous avons même un comité pour songer avec lui, un comité avec le Vérificateur pour songer avec lui à ajuster les règles comptables. Cependant, ce qui compte, c'est que nous appliquions les mêmes que les vôtres. Nous appliquons – et le Vérificateur le reconnaît – les mêmes règles comptables que les vôtres. Et, quand on les applique, on se rend compte que, de votre temps, vous nous avez conduits au désastre et que nous allons tranquillement et paisiblement vers le déficit zéro.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre s'aperçoit que ce que le vice-premier ministre et ministre des Finances vient de dire, c'est que le gouvernement est en train de tricher avec les états financiers puis qu'il ne changera pas d'idée?

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: M. le chef de l'opposition, vous conviendrez que le terme «tricher», c'est vraiment à l'encontre de nos dispositions réglementaires. Quels que soient les inspirateurs que vous ayez eus, vous conviendrez que c'est non réglementaire. Alors, je vous prierais, s'il vous plaît, de faire attention.

M. Jolivet: M. le Président, il me semble que la logique de la demande serait de retirer ces paroles.

Des voix: Oui, oui.

Le Président: M. le chef de l'opposition, je vous demanderais de reformuler votre question en n'utilisant pas le terme et en le retirant, s'il vous plaît.

M. Johnson: M. le Président, est-ce que le premier ministre n'est pas d'accord que son vice-premier ministre est en train de dire que, même si tout le monde, y compris le Vérificateur général, lui souligne qu'il invente les chiffres, qu'il invente les conventions comptables, qu'il invente une façon de présenter les états financiers pour s'avantager, maintenant que tout le monde a vu son petit jeu, il est trop tard pour changer?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Landry (Verchères): Je vais vous citer, M. le Président, ce que le Vérificateur général dit de leur dernier budget, en leur suggérant de changer les conventions comptables. Il dit: «J'ai formulé une restriction selon laquelle le déficit des opérations budgétaires de l'année financière terminée le 31 mars 1995 était sous-évalué de 507 000 000 $, en raison de la comptabilisation pour les paiements en actions dans les entreprises et organismes du gouvernement.» Résultat, quand je vous dis – et ça vous fait hurler – que vous nous avez laissé un déficit de 5 700 000 000 $, si je prends les recommandations du Vérificateur général – et, si c'est ça que vous voulez que je fasse, je le ferai à chaque fois maintenant – ce n'est pas 5 700 000 000 $ que vous nous avez laissés, c'est 6 200 000 000 $. Alors, plus vous ferez ces discussions techniques, plus ça fera apparaître vos déficiences passées.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle et député de Brome-Missisquoi, en principale.


Patients en attente de chirurgie à l'hôpital Notre-Dame de Montréal

M. Paradis: Oui, M. le Président. À l'hôpital Notre-Dame de Montréal, six patients attendent, hospitalisés depuis la semaine dernière, une délicate intervention chirurgicale. Ces six personnes souffrent d'une tumeur au cerveau. Leur vie est en danger, elles se doivent d'être opérées d'ici deux semaines au maximum pour être sauvées. À cause des quotas au bloc opératoire, le neurochirurgien qui doit les opérer ne peut pratiquer plus d'une seule intervention chirurgicale par semaine. En conséquence, seulement deux patients pourront possiblement être sauvés.

Quel moyen le ministre de la Santé, ou le premier ministre, entend-il prendre pour que les quatre autres patients aient droit à la vie?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je n'ai pas d'informations détaillées sur les situations précises que vient de mentionner le député de Brome-Missisquoi, mais je peux vous assurer et assurer la population que, dans les hôpitaux, présentement, les gens sont opérés selon la priorité que représente leur situation, et la décision quant à la priorité de la situation que représente un patient est déterminée par le médecin. Et, quand il y a des situations qui font qu'il y a un accroissement de patients qui doivent être opérés, il appartient à l'hôpital, au niveau de la gestion de son bloc opératoire, de modifier l'allocation des temps d'intervention et de s'assurer que les patients sont opérés selon l'urgence ou la semi-urgence que représente leur situation.

Alors, j'ai toute confiance que, à l'hôpital Notre-Dame, qui est un établissement qui sait bien faire les choses, comme tous les hôpitaux du Québec, les gens vont savoir gérer ça correctement sur place, vont pouvoir s'occuper des patients et qu'ils vont s'organiser pour que les gens aient les soins dont ils ont besoin, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Paradis: M. le Président, la question est simple, je la reprends. Il y a six personnes qui ont une tumeur au cerveau. Le délai d'attente maximum est de deux semaines. Le médecin doit choisir lequel de ces six il opère cette semaine et la semaine prochaine, en espérant leur sauver la vie. À cause des fermetures de blocs opératoires, il n'y a pas de disponibilité à l'hôpital pour opérer les quatre autres. Quel geste concret va poser le ministre de la Santé pour que ces gens aient droit à la vie?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je le répète, je ne pense pas que le ministre de la Santé ait à intervenir à moins qu'il y ait...

Une voix: ...

(10 h 30)

M. Rochon: ...non, à moins qu'il y ait vraiment des signes, et ça serait très surprenant qu'un hôpital comme le CHUM, à Montréal, et plus spécialement son pavillon Notre-Dame, ne soit pas dans une situation pour régler ce problème-là.

C'est sûr que les priorités d'intervention sont données selon le volume de soins qui doivent être donnés, selon le nombre d'interventions que doit faire un chirurgien. Quant à des changements qui se présentent, les médecins doivent discuter avec l'administration, avec ceux qui s'occupent de l'organisation puis du fonctionnement du bloc opératoire, et ils font les ajustements nécessaires.

M. le Président, ce genre d'intervention veut un peu suggérer que ce type de problème, à un moment donné, d'attente ou de patients qui doivent attendre et d'ajustements qu'on doit faire dans le système, n'existe que depuis quelques années, que depuis le virage ambulatoire. C'est une situation difficile. On voit, par exemple... Moi aussi, je peux citer des journaux: «30 000 sont en attente d'hospitalisation depuis trois mois». C'est compliqué, le système de la santé et des services sociaux: «22 000 malades qui attendent une opération».

Le premier article dans le journal, ça, c'était en 1994, et le deuxième, aussi en 1994. Ça, c'était sous le règne du gouvernement précédent, où on avait une situation qui était bien pire que la situation actuelle. Il y encore des périodes où il y a des listes d'attente qui s'allongent, mais les gens savent régler le problème. On a des gens compétents, dans le réseau, et ils savent régler les problèmes. Alors, au lieu d'essayer de faire un pathos et d'inquiéter le monde, laissez donc les gens qui ont la compétence faire le travail correctement sans les embarrasser, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Qu'est-ce que le ministre de la Santé répond au médecin qui a la compétence pour opérer ces six patients-là au cours des deux prochaines semaines et qui réclame, au nom de ses patients, les blocs opératoires suffisants, le temps d'opération suffisant, pour pouvoir sauver la vie de ces six personnes? Est-ce qu'il doit se contenter de la réponse que le ministre a donnée en Chambre ce matin?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Le médecin sait sûrement que la façon de régler une situation comme ça, ce n'est pas d'en faire un débat national, c'est de travailler avec les gestionnaires de son établissement et c'est de trouver une solution. Parce que ceux qui ont les éléments, la clé, pour régler des situations comme ça quand elles se présentent, c'est ceux qui gèrent nos établissements, M. le Président. Et, comme c'est une question de gestion, ce n'est pas à l'Assemblée nationale qu'on peut régler ça, c'est sur leur terrain, et, encore une fois, les gens qui sont là ont la compétence pour le faire.

Alors, je suis convaincu que le médecin a déjà discuté ou est en train de discuter avec les administrateurs de l'hôpital. Et je suis confiant qu'ils vont trouver une solution à ce problème-là, M. le Président, comme ils l'ont trouvée à des problèmes bien plus exigeants dans le passé, d'ailleurs.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Ma question est bien simple, M. le Président. Je la reprends: Est-ce que le ministre de la Santé va donner les moyens aux gens de l'hôpital et au docteur qui doit opérer ces gens-là pour leur sauver la vie? Est-ce qu'il va leur donner les moyens pour que ces opérations-là surviennent toutes, les six, au cours des deux prochaines semaines?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, encore une fois, ceux qui ont les moyens pour régler le problème vont le régler. Et, de la façon dont fonctionne notre système, si jamais ils étaient dans une situation où ils ne pouvaient pas régler le problème pour des circonstances particulières, ils auront déjà... ou ils vont s'adresser d'abord pour voir si, avec la régie régionale, on peut régler le problème. On s'est aperçu, dans certaines situations, que parfois un hôpital avait une difficulté avec un accroissement de demandes, mais qu'à cinq coins de rue il y avait un autre hôpital qui, dans ses blocs opératoires, attendait des patients.

Alors, il y a de plus en plus une gestion régionale des listes d'attente, de sorte que tout ce qu'on a comme médecins et comme hôpitaux serve pour donner un service de haute qualité aux patients. Ça, c'est un premier niveau de solution. Et, si jamais, dans les prochaines heures, on ne trouve pas une solution, je suis sûr qu'à ce moment-là ces gens-là vont s'adresser, si c'est nécessaire, avec la régie, au ministère et qu'on va intervenir pour les aider, si c'est nécessaire.

Encore une fois, ces gens-là ont la compétence. Ou ils vont trouver une solution ou ils vont savoir quoi nous demander pour qu'on puisse leur venir en aide. Et, comme on l'a fait dans le passé, on va le faire de façon rapide pour que les patients ne soient pas pénalisés, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan, en principale.


Enquête de la Sûreté du Québec sur la divulgation de renseignements personnels par des employés d'organismes publics

M. Williams: Merci, M. le Président. La liste des ministères impliqués dans le coulage d'informations confidentielles continue de s'allonger. Vendredi dernier, on apprenait que la section des crimes économiques de la Sûreté du Québec tenait une enquête non pas dans deux, mais dans quatre ministères, quatre ministères ou organismes. À la lumière de cette enquête, on apprend que deux autres personnes dans deux autres ministères sont mises en cause.

Ma question au premier ministre est fort simple: Quels sont les deux autres ministères impliqués dans le scandale de vente d'informations confidentielles?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: Que des informations comme celle-là sortent, M. le Président, c'est la preuve que nous nous occupons d'un problème qui est mondial. On pourrait soulever toutes sortes de questions à propos d'enquêtes de trafics de drogue qui se font partout, de façon constante. Le trafic d'informations est un phénomène de la fin du XXe siècle qui est important et il est certain qu'il y a des gens qui vont chercher à tirer profit de trafic d'informations illégal.

Pour rassurer les citoyens, je pense qu'il est important de savoir que le gouvernement en est conscient, que les escouades spécialisées ont été formées et qu'elles font leur travail sans aucune entrave de la part du gouvernement.

Le Président: M. le député.

M. Williams: Peut-être que le ministre n'a pas compris ma question. Ma question est fort simple: Quels sont les deux ministères impliqués, deux autres ministères impliqués dans le scandale de vente d'informations confidentielles? Qui est impliqué? Quels sont les deux ministères? C'est fort simple. S'il vous plaît, une réponse cette fois.

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Si ceux qui mènent ces enquêtes n'ont pas cru bon de dévoiler le nom de ces ministères, c'est parce que probablement ça pourrait nuire à leur enquête. Je ne voudrais pas y nuire moi-même en les dévoilant. Vous savez très bien que les enquêtes de police ont besoin, pour être faites, d'un certain secret, d'une certaine confidentialité pendant qu'elles sont menées. Ce qui est important, c'est les résultats qui sont obtenus. Et, quand les résultats seront obtenus, des accusations seront portées et des condamnations seront obtenues si justement on a eu le temps d'obtenir des preuves hors de tout doute raisonnable.

En tout cas, comme je l'ai dit, ce qui est important pour les citoyens, c'est qu'ils sachent que nous sommes conscients qu'il est possible chez nous comme ailleurs dans le monde qu'il y ait de pareils crimes qui sont commis, que nous les enquêtons et que nous cherchons à les poursuivre dès que nous les décelons.

Le Président: M. le député de Frontenac, en complémentaire.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique, lui, peut nous donner l'heure juste? C'est public, des fonctionnaires du ministère du Revenu et au moins un fonctionnaire d'Hydro-Québec ont été enquêtés par la Sûreté du Québec. On apprend, vendredi, que deux autres soit ministères, ou organismes, ou sociétés d'État sont enquêtés par la Sûreté du Québec.

Je demande au ministre de la Sécurité publique, responsable de la Sûreté du Québec: Où enquête-t-on – la Sûreté du Québec – en plus d'Hydro-Québec et du ministère du Revenu?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le député de Frontenac s'inquiétait du fait que le mandat d'enquête de la Sûreté du Québec n'était pas assez large. Je l'ai rassuré et j'ai rassuré cette Chambre, M. le Président, à l'effet que la Sûreté du Québec enquêtait sur l'ensemble de l'allégation qui avait été faite par M. Clarence White. Donc, d'aucune façon le mandat de la Sûreté du Québec n'a été limité.

Maintenant, j'ai déjà répondu au député de Frontenac que je ne ferai jamais de commentaires sur une enquête policière. Je ne déclarerai pas ou je ne me prononcerai pas à savoir qui fait l'objet d'une enquête. Comme j'ai déjà mentionné au député de Frontenac, le rapport d'enquête, s'il n'est pas déjà déposé... Je crois qu'il l'est, déposé, devant le bureau du Procureur général. À ce moment-là, on pourra voir quelles seront les accusations qui seront portées. Attendons encore quelques jours, M. le Président. À ce moment-ci, je ne ferai aucune déclaration sur des enquêtes policières.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, comment expliquer que le ministre de la Sécurité publique refuse ce matin de confirmer qu'il y a au moins deux autres soit ministères ou sociétés d'État enquêtés en plus du ministère du Revenu et d'Hydro-Québec? Il refuse de le confirmer, alors que jeudi dernier il confirmait haut et fort que la Sûreté du Québec n'irait pas enquêter dans l'entourage du premier ministre? Et je le cite: «Je ne vois d'aucune façon présentement l'intervention nécessaire de la Sûreté du Québec.»

Pourquoi, M. le Président, deux systèmes d'enquête? Le ministre dit clairement: La Sûreté du Québec n'enquêtera pas autour du premier ministre, et la Sûreté du Québec – c'est ce qu'il me confirme ce matin – enquête sur deux autres ministères ou sociétés d'État. C'est quoi, la conception, encore une fois, du ministre de la Sécurité publique de la justice et de la transparence?

(10 h 40)

Le Président: M. le ministre.

M. Bélanger: M. le Président, je vais essayer de démêler un peu le député de Frontenac. Je vais essayer, je dis bien. Je n'ai absolument pas confirmé qui fait ou ne fait pas l'objet d'une enquête présentement. Ce que j'ai rappelé au député de Frontenac, c'est ce que j'ai déjà déclaré, que le mandat d'enquête de la Sûreté du Québec était très large et visait l'ensemble des allégations de M. White. Maintenant, quant au parallèle qu'essaie de faire le député de Frontenac, j'ai déjà dit que, quant à moi, l'enquête qui avait été demandée à la Commission d'accès à l'information était la façon la plus adéquate à ce moment-là et que la CAI était l'organisme le plus compétent pour faire l'enquête qui avait été demandée relativement aux faits mentionnés par le député de Frontenac.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: Est-ce que je peux rappeler au ministre ce qu'il me disait? Est-ce que le ministre, qui me disait la semaine dernière, M. le Président, et en commission parlementaire et ici, que la Sûreté du Québec ira partout où ça s'avère nécessaire... Comment concilier la réponse de ce matin avec celle de jeudi dernier? Et je prends acte, et je m'en réjouis, que le ministre nous dit ce matin que la Sûreté du Québec va aller enquêter dans l'entourage du premier ministre. C'est ça que le ministre m'a dit? Je suis content. Je suis content, c'est ce qu'on veut, c'est ce qu'on demande. La Sûreté du Québec...

Le Président: M. le ministre.

M. Bélanger: M. le Président, le député de Frontenac devrait relire les galées de la semaine dernière. C'est exactement la même question qu'il m'a posée la semaine dernière. Exactement. Et j'ai donné la réponse. Quand on m'avait posé une question spécifiquement à un cas qui était apparu lors d'une émission télévisée où on faisait allusion à possiblement une corruption de fonctionnaires, à des ventes de renseignements moyennant rémunération, à ce moment-là j'ai demandé, dans ce cas spécifique, oui, une enquête de la Sûreté du Québec. Ce qui est tout à fait différent du cas dont fait mention le député de Frontenac, qui est relatif à l'affaire des renseignements confidentiels qui touche le cabinet du premier ministre et pour lequel le premier ministre a répondu et un mandat a été confié à la Commission d'accès à l'information. Donc, c'est totalement différent, M. le Président, les deux cas, et je réfère tout simplement le député de Frontenac, s'il n'a pas compris la réponse que je lui ai donnée, à la réponse que je lui ai donnée la semaine dernière.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, pour rafraîchir la mémoire au ministre, est-ce que le ministre se souvient de m'avoir dit ici: Chaque cas qui me sera soumis concernant toute cette affaire qui touche les renseignements confidentiels et personnels sera soumis à la Sûreté du Québec? Est-ce que le ministre me dit ce matin que, finalement, ce qui touche l'entourage du premier ministre en regard de ces mêmes infractions présumées aux mêmes lois... Est-ce qu'il me dit ce matin que, finalement, la Sûreté du Québec va aller enquêter l'entourage du premier ministre comme ça doit être fait?

Le Président: M. le ministre.

M. Bélanger: M. le Président, je crois qu'il va falloir regarder vraiment quel est le fil conducteur des questions de l'opposition. Encore tout récemment, on se plaignait que le débat ne serait pas assez public, on voulait avoir toute la lumière, on voulait que le débat soit public. Le député de Frontenac sait très bien que, s'il y a une enquête policière, ça ne sera pas public, il n'y aura rien de public. Une enquête policière, ce n'est pas public. Alors, j'aimerais connaître, au moins, la logique du député de Frontenac relativement à ça. Et, suite au rapport de la Commission d'accès à l'information, rien n'exclut... Si la Commission d'accès à l'information, dans ses recommandations, soumet qu'il y a nature à enquête criminelle, l'un n'exclut pas l'autre. Elle peut avoir lieu par la suite, si on découvre quelque chose suite, finalement, à l'enquête de la Commission d'accès à l'information. Mais je tiens tout simplement à répéter ce que j'ai dit: Il n'y a pas, présentement, d'enquête. Évidemment, il n'y aura pas d'enquête policière, présentement, de la Sûreté du Québec sur le dossier mentionné par le député de Frontenac.

Le Président: En complémentaire?

M. Middlemiss: Oui.

Le Président: En dernière complémentaire, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Est-ce que le ministre des Transports, responsable de la Société de l'assurance automobile du Québec, peut indiquer à cette Chambre si une enquête a eu lieu à la SAAQ suite à la perquisition du 6 juin 1997?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, oui, je confirme qu'il y a une enquête policière à la Société de l'assurance automobile.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, le ministre de la Sécurité publique, qui vient d'entendre son collègue dire que la SAAQ, la Société de l'assurance automobile du Québec, s'ajoute aux organismes enquêtés par la Sûreté du Québec – c'est nouveau, ça, ce matin – comment peut-il concilier la réponse de son collègue qui, lui, confirme que la Sûreté du Québec sera à la Société de l'assurance automobile du Québec et encore, comme il vient de le dire ce matin, finalement, que la Sûreté du Québec n'ira pas enquêter l'entourage du premier ministre pour les mêmes infractions présumées aux mêmes lois? Est-ce que ce n'est pas là consacrer le principe qu'il y a deux systèmes de justice, traitement de faveur pour l'entourage du premier ministre, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: M. le Président, le fait que le ministre des Transports déclare qu'il y a une enquête présentement dans son ministère ne veut pas dire que cette enquête s'ajoute à celle qui était déjà entamée suite aux déclarations de M. White. Ça ne veut absolument rien dire, M. le Président. Ça ne veut absolument rien dire. Ce que j'ai déclaré, c'est que, déjà, les déclarations de M. White étaient très larges et que d'aucune façon le mandat de la Sûreté du Québec n'a été restreint et enquête sur toute l'allégation et le contenu de l'allégation faite par M. White.

Maintenant, pour ce qui est du cas de l'information confidentielle qui touche le cabinet du premier ministre, je le répète, M. le Président, le mandat a été donné à la Commission d'accès à l'information. Attendons de voir quel sera le rapport de la Commission d'accès à l'information, et nous verrons à ce moment-là et nous saurons exactement ce qui s'est passé.

Le Président: M. le député de Marguerite-D'Youville.


Hommes d'affaires arnaqués par un organisme non gouvernemental se disant accrédité par les Nations unies

M. Beaulne: Merci, M. le Président. En 1991-1992, trois citoyens de mon comté, M. Jean-Guy Daoust, M. Bernard Audet et M. André Yee, étaient victimes d'une arnaque internationale par des fraudeurs opérant sous le couvert d'un organisme non gouvernemental bidon, l'Agence pour l'industrialisation rurale, ou INARI, soi-disant accréditée auprès du Conseil économique et social des Nations unies. J'ai alors alerté la mission canadienne auprès des Nations unies ainsi que le ministère des Affaires étrangères canadien pour qu'ils interviennent. Plusieurs années plus tard, et pour faire bouger les choses, je mettais le journaliste d'enquête Normand Lester sur cette affaire, au début de septembre dernier, et, le 11 novembre dernier, un reportage de Radio-Canada, à l'émission Le Point , rendait toute cette affaire publique en démontrant jusqu'à quel point les victimes concernées avaient eu leur vie personnelle et professionnelle brisée.

Ma question s'adresse au ministre des Relations internationales: Est-ce que le ministre des Relations internationales du Québec trouve normal et acceptable que le gouvernement canadien, dont c'est la responsabilité première de protéger les citoyens canadiens à l'étranger, soit demeuré passif, inactif et muet comme une carpe dans ce dossier depuis cinq ans?

Le Président: M. le ministre des Relations internationales.

M. Simard: M. le Président, le Conseil économique et social est l'un des principaux organismes consultatifs de l'ONU et, à ce titre, reconnaît comme ONG à consulter plus de 1 500 organisations non gouvernementales. Évidemment, l'organisme dont parle le député de Marguerite-D'Youville est l'un de ces organismes-là. Et le fait d'être un organisme consulté par ce Conseil économique et social des Nations unies n'autorise d'aucune façon quelque organisme que ce soit à se prétendre des Nations unies. Cependant, il y a eu fraude. Cependant, il y a une crédibilité qui est accordée à des organismes qui peuvent mettre sur leur papier à en-tête «organisme consultatif des Nations unies».

Nous avons demandé à plusieurs reprises, dans le passé, sur ce dossier – plusieurs citoyens sont intervenus – que le gouvernement du Canada, notamment le ministère des Affaires étrangères du Canada, fasse des pressions afin que les Nations unies resserrent leurs critères de reconnaissance de ces ONG de façon que nos citoyens ne soient plus bernés. Des citoyens du Canada, du Québec, des États-Unis, de nombreux citoyens ont perdu des fortunes parce que ces ONG ont pu opérer sous le couvert des Nations unies sans qu'il y ait quoi que ce soit pour les arrêter.

(10 h 50)

Ce que je constate en même temps que le député, c'est que les Nations unies n'ont pas resserré leurs critères et que la mission du Canada aux Nations unies n'a toujours pas demandé ce resserrement de critères.

Le Président: M. le député.

M. Beaulne: Est-ce que le ministre des Relations internationales peut m'indiquer s'il a l'intention d'intervenir auprès du ministère des Affaires étrangères pour qu'il prenne les mesures nécessaires pour indemniser les victimes qui ont été identifiées dans ce réseau d'arnaque international?

Le Président: M. le ministre.

M. Simard: M. le Président, je pense qu'à la suite de cette intervention – et je crois que le député, ici, se fait l'interprète des victimes québécoises qui ont perdu des millions dans cette opération – vous comprendrez que je vais immédiatement écrire à M. Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères du Canada, de façon à ce qu'il s'assure que la mission canadienne aux Nations unies mette toute l'insistance nécessaire pour que, dorénavant, les critères de reconnaissance des organismes non gouvernementaux chapeautés par les Nations unies soient resserrés de façon à ce que nos citoyens puissent avoir confiance.

Vous savez, dans cette opération, et d'ailleurs nous mettons aussi au service des victimes lésées... Nous mettons au service de ces victimes les personnes du gouvernement du Québec qui travaillent à New York. Nous sommes prêts à les aider. Il suffirait qu'elles se forment en comité et nous serions très heureux, et d'ailleurs en sollicitant...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Simard: ...l'aide de la mission canadienne à l'ONU, de les aider.

Au fond de tout ça, M. le Président, il y a des citoyens lésés, il y a des citoyens qui ont été trompés, et le gouvernement canadien et le ministère des Affaires étrangères, au lieu de passer des centaines d'heures et des milliers d'heures, ces temps-ci, à contrer le Québec partout sur la scène internationale, seraient beaucoup mieux de s'intéresser à défendre les citoyens du Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Chomedey. M. le député.


Mandat d'enquête confié à la Commission d'accès à l'information concernant la communication de renseignements personnels au cabinet du premier ministre

M. Mulcair: M. le Président, dans le dossier du coulage d'informations fiscales du cabinet du ministère du Revenu au cabinet du premier ministre, le Procureur général et ministre de la Justice a affirmé jeudi dernier que les informations qui sont tues pour l'instant dans ce dossier ne sont pas des renseignements de nature confidentielle. Nous désirons savoir: Sur quoi le ministre de la Justice s'est basé pour faire ces affirmations-là?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Ménard: J'aurais besoin, M. le Président, de savoir dans quel contexte ces paroles ont été prononcées. Il est certain que la difficulté de faire pareilles enquêtes, c'est que l'infraction, c'est d'avoir divulgué des renseignements qui devaient être confidentiels. Nos lois sont donc construites pour qu'au moment où on fait enquête sur cette infraction, eh bien, les renseignements confidentiels qui devaient être protégés continuent à être protégés.

Et c'est pourquoi nous estimons que non seulement la Commission d'accès à l'information a plus de pouvoirs que la police, parce qu'elle a le pouvoir de convoquer des témoins, de les assigner et de les faire témoigner sous serment, mais la Commission d'accès à l'information est justement l'organisme le plus habilité à mesurer, dans son action quotidienne, la balance qu'il doit y avoir entre la protection des renseignements qui doivent être protégés et la diffusion de ceux qui commettent des infractions à ces règlements. Je ne connais pas, en fait, d'organisme qui soit mieux habilité, mieux expérimenté à faire, dans la pratique quotidienne, cette distinction. En tout cas, certainement pas dans le genre d'atmosphère où on a traité de ce sujet ici, n'est-ce pas.

Le Président: M. le député de Chomedey.

M. Mulcair: Est-ce que le ministre de la Justice se souvient d'avoir répondu très clairement à deux questions de journalistes à l'effet que, oui, le nom de la personne – que l'on refuse, au ministère, de donner encore – qui a transmis les informations confidentielles concernant le député Lebel, du ministère au cabinet du premier ministre, que ce nom allait pouvoir être rendu public? Le ministre dit à deux reprises qu'il a la conviction que c'est vrai.

Alors, on veut savoir: Sur la base de quels renseignements il a fait cette déclaration-là? Et c'est qui qui lui a transmis les renseignements qui lui ont permis de faire une telle affirmation en conférence de presse jeudi dernier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je constate qu'on dit allégrement qu'il y a eu transmission d'informations confidentielles, alors que le seul rapport qui soit au dossier maintenant, au moment où on se parle, c'est celui du ministère du Revenu qui conclut que des faits analysés rien n'indique que des informations confidentielles aient été communiquées à M. Charles Chevrette.

Il y a une enquête qui est entamée par la Commission d'accès à l'information, qui a tous les pouvoirs. Je pense qu'on devrait attendre la conclusion de l'enquête avant de lancer des accusations à droite et à gauche.

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: Est-ce que le premier ministre peut nous confirmer qu'il partage l'opinion de la ministre du Revenu à l'effet que le nom de l'attaché politique qui a communiqué avec M. Charles Chevrette, dans le cadre du dossier fiscal du député Lebel, est une information confidentielle que la ministre est en droit de ne pas révéler? Est-ce qu'il nous confirme la version de la ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, l'un des rôles de la Commission, ce sera certainement de statuer s'il y a eu, oui ou non, des informations confidentielles de transmises d'une personne à une autre. Ça, c'est un des attributs fondamentaux de la Commission. Pourquoi ne pas attendre de savoir quelle est la réponse qu'elle donnera à cela après l'enquête?

Si la Commission aboutit à la conclusion qu'il y a eu, le cas échéant, une personne qui a fait une telle chose, il est évident, j'imagine, qu'elle devra la nommer. Mais ce n'est pas moi qui dois décider ça pour elle. Laissons la Commission juger de ce qu'elle doit faire, à l'intérieur de sa juridiction.

Le Président: Alors, cet échange met fin, aujourd'hui, à la période des questions et des réponses orales.


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 161

Il n'y a pas de réponses différées, mais un vote reporté, cependant, comme je l'avais annoncé précédemment.

Alors, nous allons procéder à ce vote sur la motion de Mme la ministre déléguée au Revenu proposant que le principe du projet de loi n° 161, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, soit adopté.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Désilets (Maskinongé), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Duguay (Duplessis).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever maintenant.

(11 heures)

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa).

M. Filion (Montmorency), M. Le Hir (Iberville).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:64

Contre:42

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée et, en conséquence, le principe du projet de loi n° 161 est adopté.

M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Motions sans préavis

Eh bien, nous en arrivons maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le chef de l'opposition officielle.


Hommage à la mémoire de M. Michel Bélanger

M. Johnson: M. le Président, je demande le consentement de cette Chambre pour présenter et débattre de cette motion, et l'adopter éventuellement:

«Que l'Assemblée nationale rende hommage à la mémoire de M. Michel Bélanger, un des principaux artisans du Québec moderne, pour sa contribution insigne au développement du secteur public et aux réussites des organismes et entreprises privées qu'il a dirigés.»

Le Président: Il y a consentement?

M. Jolivet: Oui, M. le Président, avec une entente: deux personnes de chaque côté.

Le Président: Très bien. M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, c'est avec beaucoup de tristesse, il y a quelques heures, que j'ai appris, comme tous les Québécois et Québécoises, le décès de Michel Bélanger.

Mes premières pensées sont allées à Mme Bélanger, à ses enfants, à la belle-famille, aux petits-enfants également qui faisaient, depuis quelques années, la joie de Michel et de Mme Bélanger. Je veux les assurer de toutes mes pensées et de celles de ma conjointe Suzanne. Nous les avons fréquentés depuis quelques années, avons énormément apprécié l'humour, la chaleur de Michel Bélanger, et nous savons qu'il leur manquera beaucoup.

J'ai connu Michel Bélanger il y a une trentaine d'années. J'étais jeune étudiant à Londres. Il était de passage lors d'une mission que les fonctionnaires de l'époque pouvaient faire dans diverses capitales européennes, notamment dans le cadre des financements du secteur public. J'avais, comme d'autres étudiants québécois là-bas, eu l'occasion de le rencontrer. J'avais été tout de suite frappé par sa grande courtoisie, son écoute active, l'attention qu'il donnait à chacun de ses interlocuteurs et, également, par la générosité avec laquelle il prodiguait des conseils sur demande. Il n'imposait jamais son point de vue, mais était d'une disponibilité absolument extraordinaire, tout à fait exceptionnelle, à l'endroit de tous ses interlocuteurs.

Je me souviens, un peu plus tard, du soutien très concret, réel qu'il a apporté à des décisions que j'avais à prendre dans ma carrière, que ce soit dans la carrière du secteur privé ou alors dans la vie politique. Michel Bélanger, là aussi, sur simple appel, à un avis de quelques minutes, savait se libérer pour discuter d'enjeux, pour discuter d'avenir, pour discuter du pour et du contre des décisions que nous avons tous, à un moment donné ou l'autre, à prendre. Et, encore une fois, sa sagesse, son expérience, son affection, je dirais, véritable pour l'interlocuteur que j'étais – et dont j'ai pu bénéficier – m'ont apporté un secours réel et un soutien de tous les instants lorsque les décisions avaient à être prises et après qu'elles furent prises.

J'ai également pu compter de façon beaucoup plus immédiate sur son soutien actif, il y a quelques années, lorsque la succession à la direction du Parti libéral du Québec s'était ouverte. Il m'avait, sans aucune hésitation, manifesté son appui et avait su rallier des amis, des connaissances à cette cause, évidemment, je dirais, qui me touchait – c'est le moins qu'on puisse dire – d'une façon tout à fait personnelle.

Il a toujours su, dans les dernières années, être disponible afin d'assurer un éclairage de plus en plus complet sur ce qu'il serait convenu d'appeler la question nationale, sur la question de l'identité québécoise, sur la question de notre appartenance canadienne. Il n'a jamais dévié, dans ses interventions, dans le travail qu'il a accompli d'une façon remarquable, avec une intégrité intellectuelle de tous les instants, il n'a jamais dévié du soutien au progrès du Québec et au progrès du Québec à l'intérieur du Canada. C'était là son choix. Il s'était rendu disponible auprès de nous, comme formation politique, à l'occasion de la campagne référendaire, encore une fois, pour aller plaider avec beaucoup d'éloquence, énormément de compétence et toute l'expérience qu'on lui connaissait ses convictions profondes sur la place du Québec dans le monde.

Nous avons pu apprécier, dans les textes que nous avons commis, encore une fois, l'expérience qu'il pouvait apporter. On me rappelait tout à l'heure, dans la mesure où je l'ai rencontré quand même à quelques reprises depuis un an, que certains d'entre nous l'ont rencontré il y a très exactement – pratiquement jour pour jour – un an, peu de temps avant que nous soumettions aux instances de notre formation politique les documents d'orientation en matière constitutionnelle. Il avait, à ce moment-là, et donc jusqu'à la fin d'un processus combien lourd lorsqu'on sait quelles sont les autres tâches qui attendaient Michel Bélanger, notamment dans le secteur privé, dans la façon dont il se dévouait pour les organismes communautaires voués à des organismes de santé ou d'éducation... qu'il trouvait le temps, pour des gens, pour des élus, d'aller discuter d'enjeux qui concernaient tous les Québécois.

Lorsque je l'ai rencontré, il était un artisan du Québec moderne. Il était, lorsque je le fréquentais, déjà il y a une vingtaine d'années et plus, un symbole de nos réussites, très certainement un exemple pour les jeunes francophones qui pouvaient se destiner vers une carrière dans le monde des affaires. Nous avons, comme Québécois, de nombreux exemples de grands entrepreneurs, propriétaires, inventeurs, innovateurs francophones. Nous n'avions à l'époque que très peu d'exemples de grands commis du secteur public et du secteur privé qui dirigeaient de grandes entreprises, qui assuraient leur succès, qui créaient des emplois, qui assuraient le rayonnement du Québec et des Québécois bien au-delà de nos frontières. Et ce dont on doit se souvenir – c'est ce que j'aimerais souligner ici ce matin – c'est ce rôle qu'a joué Michel Bélanger comme guide de toute une génération intéressée par l'action économique, intéressée aussi par l'action politique et par le rôle des Québécois et Québécoises au sein de la constitution canadienne.

Le Président: M. le député de Crémazie.


M. Jean Campeau

M. Campeau: M. le Président, c'est avec une grande tristesse que j'ai appris le départ de Michel Bélanger. Bien sûr, nous étions tous au courant de sa maladie, mais le départ d'un être comme Michel Bélanger, qui a été à sa façon un bâtisseur du Québec, attriste toujours. J'ai surtout appris à aimer et à respecter Michel Bélanger durant les sept mois où nous avons travaillé ensemble, de septembre 1990 à mars 1991, lors de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Michel Bélanger gagnait à se faire connaître. À première vue, il pouvait paraître distant, il pouvait paraître même froid. Mais, en fait, quand on le connaissait bien, il savait se rapprocher des gens, il savait les écouter.

(11 h 10)

Durant les audiences de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, Michel Bélanger avait su oublier la partisanerie. Il était très fier du rapport de la Commission, fier aussi du consensus obtenu à 90 %, consensus des membres de la Commission, vous vous souviendrez, sur les deux options suggérées: la souveraineté du Québec ou le fédéralisme renouvelé.

Michel Bélanger le répétait souvent, il était pour la démocratie. Et ce matin je me suis rappelé une phrase qu'il disait souvent: cinquante plus un, pour lui, c'était la démocratie. On ne trompait pas facilement Michel Bélanger. Michel Bélanger savait faire les distinctions nécessaires. Il était d'une grande honnêteté. À cet effet, j'aimerais rapporter un extrait de Mario Gilbert, de La Presse canadienne , extrait qui paraît dans les journaux d'aujourd'hui, et je cite: «Fédéraliste de coeur, M. Bélanger n'hésitait cependant pas à contredire ceux qui brandissaient les épouvantails économiques en parlant des risques de la souveraineté, avec laquelle il a même "flirté" à l'issue des travaux de la commission». Et là il cite Michel Bélanger: «J'ai toujours pensé que la souveraineté était faisable, mais pas nécessaire, disait-il en septembre 1991. Sauf que si personne ne veut régler le problème autrement, c'est ce qu'il faut faire.»

On pouvait se fier, M. le Président, à Michel Bélanger; c'était un homme de parole, un homme capable de travailler en harmonie avec d'autres, sans chercher le vedettariat. Michel Bélanger était un grand Québécois, et c'est une lourde perte pour le Québec. Aujourd'hui, suite à ce départ prématuré, je voudrais, au nom de tous mes collègues, offrir mes sympathies les plus sincères à son épouse Hélène, à ses petits-enfants et à tous ses enfants.

Le Président: M. le député de Châteauguay.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, M. le Président, je voudrais joindre ma voix pour offrir un court témoignage à la mémoire de Michel Bélanger.

On peut certainement dire que Michel Bélanger a accompagné une génération de Québécois dans la préparation et la réalisation d'un avenir meilleur pour tous les Québécois. Je suis né au moment où il commença à offrir ses talents au service de l'ensemble de notre société. Et aujourd'hui je pense qu'on peut dire qu'il fait partie de ce que nous sommes devenus. Certains ont dit de lui, et les journaux le rapportent, qu'il fut le plus grand banquier québécois. J'ajoute que toujours il avait à coeur le sort de ceux qui sont démunis et moins chanceux. Certains ont dit de lui qu'il fut le véritable père de la nationalisation de l'hydroélectricité. J'ajoute que jamais ce ne fut pour des raisons théoriques ou dogmatiques mais toujours pour l'intérêt réel et pratique de la société québécoise.

Personnellement, j'ai eu l'occasion d'observer son approche lors de la commission Bélanger-Campeau. Je l'ai mieux connu durant la période qui a précédé la campagne référendaire et j'ai eu l'occasion de partager avec lui la période référendaire elle-même. Je retiens particulièrement, M. le Président, son esprit analytique, sa logique. Mais je retiens surtout que cet esprit analytique, cette logique, étaient toujours au service du progrès réel du Québec. Je retiens aussi son sens de l'humour.

M. Bélanger, comme de très nombreux Québécois, a toujours soutenu que des changements devaient être apportés à notre système, mais il a toujours ajouté: Pas n'importe quel changement, des changements pour l'amélioration du sort des Québécois et des Québécoises, des changements pour le progrès. Comme plusieurs au Québec, il a travaillé à réhabiliter l'idée fédérale dans un esprit d'amélioration où on bâtit sur les acquis. Il souhaitait que nous, Québécois, puissions continuer de bénéficier des retombées positives de l'union économique et de l'union sociale que nous permet l'union politique canadienne. Il travaillait à préserver ces mesures et ces outils de progrès au sein d'une union où le respect de la diversité devait être davantage encouragé parce que source d'enrichissement.

Aujourd'hui, pour ceux qui ont le réel progrès du Québec à coeur, je pense qu'on peut dire qu'il nous accompagnera toujours. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, s'il est un de nos contemporains qui mérite cet hommage unanime des deux côtés de la Chambre, c'est bien Michel Bélanger, qui l'aurait accueilli, d'ailleurs, de façon positive, mais sans se départir de son esprit critique et de l'humour que ses amis lui connaissaient.

Comme le chef de l'opposition officielle – et ce que je vais dire va recouper pratiquement point par point ce qu'il a dit – j'ai connu Michel Bélanger il y a une trentaine d'années et gardé avec lui une relation amicale qui m'a permis d'apprécier la richesse intellectuelle, la richesse spirituelle et les qualités humaines de ce grand disparu. C'est pourquoi c'est avec émotion qu'au nom du premier ministre et de notre formation politique je voudrais évoquer quelques moments de sa carrière.

D'abord, pour tous les économistes québécois qui aujourd'hui sont nombreux et sont venus par vagues successives après les Michel Bélanger et les André Marier, il a été un définisseur, un des premiers à appliquer les méthodes analytiques et la rigueur à l'analyse du destin économique de notre peuple. Formé à l'école du père Lévesque, non pas dans les tout premiers économistes du Québec – il y a eu de grands devanciers comme Errol Bouchette – mais dans les premiers qui étaient suffisamment nombreux pour avoir prise sur l'action politique et sur les choses, il avait, comme André Marier, son camarade de ces années-là, développé une sorte de religion pour la rigueur, l'esprit critique et l'analyse solide. Ces qualités, il les appliquait dans ses propres travaux, mais aussi il était un pédagogue et avait les mêmes exigences pour ceux et celles qui l'entouraient.

C'est de cette manière qu'il est devenu un constructeur d'État, à partir d'une constatation maintes fois répétée par René Lévesque dont il fut le collaborateur immédiat. C'est en effet René Lévesque qui a fait signe à Michel Bélanger et à quelques autres de rentrer d'Ottawa pour venir aider à la construction de l'État du Québec moderne et contemporain. Comme le disait René Lévesque, notre État est le plus riche d'entre nous, et on pourrait dire que c'était le seul très riche, à l'époque, à toutes fins pratiques. Ils ont donc conçu l'État non pas d'une manière idéologique, mais d'une manière pragmatique, comme un puissant instrument de développement et de progrès économique et social, et, dans plusieurs secteurs, nous vivons toujours sur cette lancée. Toutes les grandes décisions économiques de l'époque de la Révolution tranquille ont été marquées par la pensée de Michel Bélanger et de ses collaborateurs.

Lorsqu'il a cru, à bon droit, que ce qui pouvait être fait dans le secteur public et ce qui pouvait être lancé dans le secteur public l'avaient été, il est devenu, avec le même talent, la même détermination et la même rigueur, un de nos premiers très grands gestionnaires privés, le premier francophone à être président de la Bourse de Montréal. Ça fait étrange aujourd'hui de dire ça, mais c'est ce qui est arrivé durant la carrière de Michel Bélanger. Premier très grand banquier à réputation internationale qui, à la tête d'une petite banque, se livre à des opérations que par la suite on allait voir plus nombreuses, le petit étant l'occasion de regrouper les grands qui donnent naissance à la Banque Nationale. Il a été aussi membre de nombreux conseils d'administration où on se l'arrachait toujours pour sa rigueur et sa capacité critique qui ne l'entravait pas dans l'action.

(11 h 20)

Enfin, il a été un politique à sa manière et un peu malgré lui. Il exerçait beaucoup son humour sur le métier politique en parlant des autres et sans penser qu'il y serait mêlé plus qu'il ne l'aurait souhaité. Et, avec celui qui est aujourd'hui le député de Crémazie, ils ont donné à la collectivité québécoise de très belles heures de réflexion politique profonde. Il est vrai que Michel Bélanger a toujours, sans faille, espéré que le Québec trouverait son destin à l'intérieur du Canada, qu'il trouverait son progrès à l'intérieur du Canada. Mais, toujours avec cette rigueur implacable, il a aussi participé en profondeur, les présidant, aux travaux de la commission Bélanger-Campeau dont les conclusions, il faut s'en souvenir – et on s'en souviendra, s'agissant de Michel Bélanger et des autres – étaient très audacieuses et très exigeantes. Oui, le progrès du Québec dans le Canada, disait-il. Mais il est aussi, avec son prestige de grand économiste, un de ceux qui ont le plus fait pour conjurer les peurs économiques associées au changement de destin du Québec.

Enfin, c'est un homme dont le métier était consacré aux valeurs les plus matérielles qui soient, l'économie, la banque, le développement, mais je suis sûr que ce qu'il a le plus cultivé, ce sont les valeurs spirituelles. C'était un homme d'une spiritualité profonde, plus marquée par le Québec de son temps peut-être que par celui d'aujourd'hui – ce qui n'est pas forcément un progrès – mais Michel Bélanger était un homme de valeur spirituelle et un homme de famille: six enfants qui faisaient sa fierté, et des petits-enfants. Je voudrais me joindre à ceux qui ont parlé pour offrir mes profondes sympathies à son épouse et à sa famille, son épouse qui avait aussi été formée à l'école du père Lévesque et qui, d'une manière discrète, a sûrement influencé beaucoup le destin du Québec à cause de l'approfondissement qu'elle a pu en faire avec celui qui était son exceptionnel conjoint, M. Michel Bélanger.


Mise aux voix

Le Président: Je crois que nous pouvons considérer que la motion de M. le chef de l'opposition officielle est adoptée. Très bien. Je vais reconnaître maintenant M. le député Montmorency.


Hommage à la mémoire de M. Yves Prévost

M. Filion: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne le décès de l'honorable Yves Prévost, le 27 novembre 1997.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement?

M. Jolivet: ...intervention du député de Montmorency.

Le Président: Alors, M. le député de Montmorency, il y a consentement. Vous pouvez y aller.

M. Filion: Merci, M. le Président. M. Prévost...

M. Paradis: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Sans vouloir interrompre le député de Montmorency, M. le Président, il y aurait de ce côté-ci, s'il y avait consentement, intervention du chef de l'opposition.

Le Président: Ça va. Très bien. M. le député de Montmorency.


M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. M. Prévost a été élu député de Montmorency à l'Assemblée nationale en 1948, comté qu'il représenta jusqu'en 1962. M. Prévost a connu une carrière professionnelle impressionnante, une vie politique remarquable: ministre des Affaires municipales, de juillet 1953 à septembre 1956, secrétaire et registraire de la province, de novembre 1956 à juillet 1960, et, finalement, chef de l'opposition officielle, de septembre 1960 à janvier 1961.

M. le Président, M. Prévost était un fervent nationaliste, impliqué au référendum de 1980. Je profite donc de cette motion, à titre de député du comté de Montmorency qu'il a si bien représenté, pour exprimer à la famille de M. Prévost nos plus sincères condoléances. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, je me joins au député de Montmorency dans l'hommage qu'il a rendu à l'un de ses illustres prédécesseurs. Contrairement à Michel Bélanger, je n'ai pas du tout été son contemporain. C'est par ses enfants qui étaient mes contemporains que je l'ai connu. Il était évidemment beaucoup plus vieux que Michel Bélanger. C'était un homme remarquable, dans ces élites québécoises plus traditionnelles, professions juridiques généralement, et qui ont rejoint l'appel de l'Union nationale qui a été un très grand mouvement politique québécois, aujourd'hui disparu, mais qui a fourni de grands premiers ministres, qui a gouverné le Québec pendant 20 ans. Et Yves Prévost, qui a été ce qu'on appelait secrétaire de la province, un des plus connus dans cette fonction à l'époque, avait suffisamment d'envergure pour que ses collègues le désignent comme chef de l'Union nationale, et il le fut pour une très brève période. S'il avait voulu, il aurait pu être premier ministre du Québec à un moment ou l'autre de l'histoire, mais c'était plutôt un homme effacé. Ce n'était pas un ambitieux, c'était un homme d'efficacité qui n'avait pas d'ambitions pour lui, qui en avait pour son peuple.

Alors, à sa famille et à ses enfants, qui étaient des adolescents d'autrefois, comme moi quand je les ai connus, j'offre mes plus sincères condoléances au nom du gouvernement et en mon nom personnel.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, j'ai appris le décès d'Yves Prévost, moi aussi, il y a quelques heures, ce qui m'a permis de me replonger avec une certaine nostalgie dans des moments où la politique québécoise était passablement secouée. Secouée – je veux qu'on sache de quoi il s'agissait davantage – par une succession de quatre chefs dans un seul parti en 10 mois: le décès de Maurice Duplessis en septembre 1959; Paul Sauvé, le 2 janvier 1960; Antonio Barrette qui succède; défaite de l'Union nationale et changement de chef intérimaire dans l'attente d'une convention qui a eu lieu en octobre 1961. Et c'est à ce moment-là qu'on a vu combien fragile est la vie politique, combien les perturbations de la vie de tous les jours ont également une influence sur un cheminement de carrière, qui était celui d'Yves Prévost, inattendu pour lui.

Oui, le vice-premier ministre dit: Il aurait pu être premier ministre du Québec, mais, non, il ne souhaitait pas l'être. Et chef de parti – je m'en souviens dans la mesure où on peut se souvenir de ces choses-là lorsqu'on a 16, 17 ou 18 ans – ce n'était pas vraiment ce qu'il ambitionnait. Il a accepté de servir, hein? Toute sa carrière préalable, on le voit – et le député de Montmorency la connaît, il l'a évoquée – a été une carrière, oui, de juriste, mais marquée d'une implication communautaire très réelle: commissaire scolaire, maire, évidemment, de sa municipalité et député réélu à de nombreuses reprises où il a occupé certains postes importants dans les gouvernements de l'Union nationale.

Et je me souviens, moi, des conversations de nature politique autour de la table du petit déjeuner ou de quelque repas qu'on pouvait voler à ceux qui, dans nos familles, étaient élus, pour découvrir que l'impression générale que tous ses collègues de l'Assemblée législative, comme on l'appelait à l'époque, avaient d'Yves Prévost, c'était d'un homme éminemment intègre, voué au service public, qui était toujours prêt à servir, à rendre service, à reprendre du service pour assurer l'intégrité de la cause et son maintien. Et ça, c'était absolument remarquable, c'était sa marque de commerce. On n'hésitait jamais à lui confier une affaire délicate où l'intégrité était, je dirais, l'exigence – la seule exigence, quelquefois – du mandat qu'on avait à confier et à faire exécuter.

Et c'est évidemment avec beaucoup de regret à l'endroit d'Yves Prévost et de sa mémoire, beaucoup de tristesse pour sa famille que je m'associe avec nos collègues de l'Assemblée nationale pour marquer le passage d'Yves Prévost qui a laissé sa marque, ne serait-ce que par les témoignages que ses contemporains ou ceux qui les ont suivis peuvent aujourd'hui partager avec nos concitoyens sur, je le souligne en terminant, cette caractéristique fondamentale que nous devons constamment garder dans la vie politique, celle de l'intégrité, l'intégrité intellectuelle, et le devoir de bien servir nos concitoyens.


Mise aux voix

Le Président: Alors, cette motion est également adoptée. J'ajouterais juste, pour la mémoire de nos collègues, que l'ancien député de Montmorency a également présidé une commission importante sur l'administration de la justice au Québec qui a fait école et qui a influencé considérablement la réflexion sur notre système de justice et d'administration de la police au Québec.

Alors, à ce moment-ci, je vais reconnaître à nouveau M. le chef de l'opposition officielle.


Examiner rapidement la mise en place d'un programme d'indemnisation des victimes du sang contaminé

M. Johnson: M. le Président, je demande le consentement de cette Assemblée afin que nous étudiions et adoptions éventuellement la motion suivante:

(11 h 30)

«Attendu la tragédie humaine et les pertes qu'ont subies les victimes du sang contaminé et leurs familles à la suite de transfusions de sang ou de produits sanguins;

«Attendu que l'Assemblée nationale partage leur douleur et souhaite pouvoir réduire les répercussions de cette tragédie;

«Compte tenu que le juge Horace Krever a déclaré dans son rapport: "Un système qui engendre des conséquences qu'il a pourtant prévues a, à tout le moins, l'obligation morale de prendre en considération la question du dédommagement légitime des victimes de ces événements inévitables";

«En conséquence, les membres de l'Assemblée nationale réclament:

«Que les gouvernements du Québec et du Canada examinent dans les meilleurs délais la mise en place d'un plan d'indemnisation des victimes qui ont reçu du sang ou des produits sanguins contaminés, y compris les victimes de l'hépatite C;

«Que ce programme d'indemnisation inclue les victimes primaires et secondaires sans compromettre les autres prestations sociales et qu'il assure l'accès à des soins et à des allocations justes et équitables établies selon la gravité de la maladie, après consultation avec les organismes représentant les victimes; et

«Que l'Assemblée nationale fasse parvenir cette motion au gouvernement canadien et aux gouvernements provinciaux et demande que la commission des affaires sociales poursuive son mandat d'initiative sur le système sanguin.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, nous nous sommes entendus: deux du côté de l'opposition et un de notre côté.

Le Président: Très bien. Alors, M. le chef de l'opposition officielle.


M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, j'aimerais souligner que c'est en présence de Mme Lyndee David, directrice générale de la Société canadienne de l'hémophilie, et de M. Pierre Desmarais, directeur général de la section Québec de la Société canadienne de l'hémophilie, que nous traitons aujourd'hui de ce sujet extrêmement important. Au moins un témoignage devant la commission Krever et d'autres témoignages de ce genre que nous pouvons avoir fréquentés et rencontrés font ressortir l'injustice profonde qu'ont ressentie et que ressentent aujourd'hui les victimes des transfusions de sang et de produits sanguins contaminés, de même que leur famille, injustice qui a amené une d'entre elles à dire que ce don de vie, tel qu'on qualifie la transfusion sanguine, s'est transformé en don de maladie et don de mort pour trop de nos concitoyens.

Leur qualité de vie – les témoignages sont légion – a été irrémédiablement affectée. Ils se sont sentis, ces concitoyens de partout au Canada, profondément trahis parce qu'ils avaient confiance dans la qualité des services de santé de notre pays, trahis, car ils ne croyaient jamais, dans le pire des cas, être ainsi des victimes de ce que le juge Krever a découvert au fil des mois de ses enquêtes.

Il est évident, M. le Président, que nous avons tous, en société, une obligation réelle de compenser et d'indemniser ces victimes. Si la vie en société signifie quelque chose, si les notions de solidarité et d'entraide doivent avoir un sens et des manifestions concrètes, c'est dans les cas comme celui que nous avons devant nous, que vivent des milliers et des milliers de concitoyens et des milliers et des milliers de familles, c'est dans ces circonstances que nous devons prendre nos décisions.

Notre décision est dictée par le mal qui a été fait, par l'obligation que nous avons. Cette indemnisation doit s'inspirer des principes qui nous sont dictés par le sens commun que les victimes immédiates de même que les victimes secondaires, les personnes affectées, les conjoints, les enfants qui, eux aussi, peuvent avoir été contaminés, sont évidemment au-dessus de toutes nos préoccupations, sont les priorités de nos préoccupations.

Il est évident par ailleurs que ce régime d'indemnisation ne doit aucunement mettre en péril toutes les autres prestations sociales que, comme citoyens, ces concitoyens reçoivent ou perçoivent pour quelque raison que ce soit. De la même façon, ils doivent avoir de façon privilégiée un accès à des traitements et à des soins qui tiennent compte de leur état.

Et, évidemment, c'est uniquement en consultation avec les groupes qui représentent ces victimes, ces hommes et ces femmes de partout au Canada, que nous devons élaborer un régime d'indemnisation. Nous aurions tort de nous priver de toutes les démarches, de toutes les études, de toute l'expertise qui s'est développée, notamment au sein de la Société canadienne de l'hémophilie de même que de sa section Québec, représentées ici aujourd'hui toutes deux, et nous devons ouvrir nos oreilles, nos coeurs et nos porte-monnaie à l'endroit de ces victimes d'une des plus grandes injustices que le régime de santé d'où que ce soit aura fait subir à nos concitoyens.

Nous voulons également que l'esprit dans lequel cette motion est abordée, et discutée, et sera éventuellement adoptée devienne un guide pour les autres gouvernements à travers le Canada dans la mise sur pied d'un programme d'indemnisation qui tient compte de la réalité, qui tient compte de la souffrance, qui tient compte de la disparition, à toutes fins pratiques, de la qualité de vie à laquelle ces concitoyens avaient droit tout autant que nous y avons droit.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Oui, M. le Président. Souffrir d'une maladie chronique pour laquelle il n'y a pas de guérison possible dans l'état actuel de nos connaissances et encore plus s'il s'agit d'une maladie mortelle, c'est déjà un drame énorme dans la vie d'une personne, de toute personne, de même que pour l'entourage d'une personne qui apprend une nouvelle de cette nature. On peut comprendre comment le drame est encore plus difficile à vivre si la maladie en question a été contractée au moment où on recevait des services de santé pour un autre problème et qu'on recevait des services dont on espérait, sinon une guérison, au moins une amélioration importante de notre problème de santé et si, en bout de ça, on se retrouve avec un autre type de maladie, non prévu. Qu'il y ait ou non des responsables, ce qui est important, c'est de réaliser qu'on a alors une personne qui se retrouve avec un problème important qui aurait, dans certains cas, pu ou dû être évité.

Dans le cas du sang, ça a été une situation particulièrement dramatique dans beaucoup de pays dans le monde. Dans beaucoup de pays en Europe – le Canada a été dans la même situation – on demandait des commissions d'enquête pour faire toute la lumière sur cette situation-là. Et on sait maintenant que, dans les années quatre-vingt, on s'est retrouvé dans une situation où des moyens d'intervention, des tests qui existaient et qui auraient pu et dû éviter certaines contaminations n'ont pas nécessairement été appliqués avec toute la vigilance, toute la diligence auxquelles on aurait pu s'attendre et qu'il faudrait s'assurer d'exiger... et qui sont depuis ce temps-là, de toute façon, exigés avec beaucoup plus de rigueur et qui devront l'être dans l'avenir.

Alors, c'est sûr qu'il y a des gens qui se retrouvent dans une société, comme nos sociétés démocratiques, comme le Québec, des sociétés qui se veulent être justes, qui veulent être solidaires... ne peut pas être indifférente à la situation de ses membres qui se retrouvent dans une situation où ils doivent combattre un problème de santé important, vivre dans une nouvelle situation, sans tout faire ce qui est possible pour les aider.

Présentement, au Québec, on connaît deux types de situation où, au Québec comme dans d'autres provinces du Canada, on a pris des mesures à cet effet. On sait, par exemple, que toute personne qui souffrirait d'une complication à la suite d'une immunisation, d'une vaccination, vu qu'il s'agit d'une intervention des services de santé où on va offrir, proposer un traitement préventif à une personne par un vaccin, dans ce cas-là, une personne qui n'a rien demandé d'elle-même mais à qui on va proposer pour prévenir d'autres maladies, si jamais, comme ça arrive encore de façon très, très rare, il y a une complication qui survient... On a un programme d'indemnisation pour s'assurer que les gens ne souffrent pas ou souffrent le moins possible de conséquences qui, dans des cas très rares, pourraient se présenter.

En ce qui regarde le sang et la contamination par le virus du VIH, le virus qui donne la maladie du sida, il y a aussi une indemnisation qui a été mise en place il y a quelques années à la suite d'un accord entre toutes les provinces du Canada et dont les gens qui souffrent de ce problème peuvent bénéficier. C'est bien sûr que même une indemnisation la meilleure possible ne peut pas complètement réparer les problèmes qui ont été causés, mais vient au moins soulager au maximum et aider les gens qui sont dans une situation comme ça.

(11 h 40)

Maintenant, depuis quelque temps, on examine, l'ensemble des ministres de la Santé du Canada, la situation plus spécifique des gens qui ont contracté l'hépatite C par des transfusions au cours des dernières années, avant qu'on ait vraiment appliqué, comme on le fait maintenant, là aussi, des tests et des interventions qui permettent d'éviter maintenant ce problème-là.

Le juge Krever, dans son rapport, a été très spécifique là-dessus, il fait une recommandation, comme c'est le cas pour le sida, qu'on envisage et qu'on voie comment on peut intervenir pour aider les gens qui ont souffert de l'hépatite C. Il y aura, au mois de janvier prochain, une autre rencontre des ministres de la Santé, une rencontre interprovinciale, suivie d'une conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé, et, sur l'agenda, un point très important évidemment, majeur, sera les suites à donner au rapport Krever et comment l'action entreprise dans les différentes provinces depuis plus d'un an maintenant pour resserrer encore plus les systèmes que l'on a en place, comment ça peut être amélioré.

Et je serai très heureux, le Québec faisant encore une fois, dans le domaine de la santé comme dans d'autre domaines, preuve de capacité de leadership, avec une décision de l'Assemblée nationale, de pouvoir renforcer la volonté que l'on aura de prendre tous les moyens nécessaires, avec toute l'efficacité et la diligence possible, pour qu'on trouve une solution à cette situation et qu'elle puisse s'appliquer... qu'on puisse secourir et aider les gens qui souffrent de l'hépatite C et s'assurer que, dans l'avenir, on puisse, par tous les moyens encore plus puissants, prévenir ce genre de situation et que, si jamais d'autres incidents arrivaient, on ait déjà le plus possible, de façon préventive, la capacité de réparer ce qui peut avoir été causé comme problèmes.

Alors, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous allons appuyer cette proposition et nous allons aussi assurer que les suites seront faites dans les meilleurs délais possible, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup d'émotion que je m'associe à la motion du chef de l'opposition, motion prévue à la suite de la réponse du premier ministre à ma question de vendredi, parce que c'est le Québec qui va répondre, dans moins d'une semaine, au rapport Krever, et j'espère que l'esprit de cette motion va démontrer clairement que les victimes de cette tragédie n'ont pas besoin, après avoir fait leur bataille pour la vie, de faire une bataille légale devant les tribunaux. C'est ça, l'esprit de cette motion présentée par le chef de l'opposition aujourd'hui.

Nous sommes tous liés par le sang . We are all related by blood . C'est le slogan de la Société canadienne de l'hémophilie, qui est ici aujourd'hui. Nous avons, avec cette motion, j'espère, mis la politique de côté pour répondre aux victimes, aux victimes d'une tragédie et d'une injustice. Et, comme le chef de l'opposition l'a déjà mentionné, j'espère que ça va être un guide pour les autres gouvernements qui doivent répondre à ce problème.

Comme M. André Mantha l'a dit devant notre commission des affaires sociales pendant le mandat d'initiative sur le sang, il a dit que nous n'avons pas le droit de faire les mêmes erreurs que dans le passé, on doit corriger ce problème. Mais le témoignage que nous avons entendu pendant la commission Krever est tellement touchant. Je me souviens du monsieur qui a dit: Je n'aurais jamais pensé qu'en recevant un don de sang j'aurais eu un don de mort.

There are many other witnesses that presented, Mr. Speaker. People that, 10 years ago, when they were 25, contracted hepatitis C during a blood transfusion, during surgery. That changed their whole life. They can no longer have a regular job, they cannot work. Their financial situation is very shaky. But yet they remain optimistic. Other cases of children born with hemophilia, and they were seven. The doctors told them, to the parents, that he was contracted with hepatitis C trough a transfusion of factor VIII. They quote: «We're afraid of the terrible pain he will suffer as time goes on.» Other «témoignages», other witnesses: a 30 years old who contracted hemophilia 16 years ago when he received a transfusion. Now, the medication costs $6 000 per month.

Mr. Speaker, on doit trouver un programme d'indemnisation qui réponde aux principes énoncés dans la motion du chef de l'opposition.

And those principles include compensation for the primary and secondary victims. It includes that other social benefits won't be jeopardized by the compensation package. It includes equitable and fair access to health care. It includes payment based on the seriousness of illness and always after consultation with the groups that represent the victims.

On espère, M. le Président, que cette motion va aider les gouvernements à avancer leur cause ensemble. It acknowledges the injustice, the tragedy and the pain suffered by the victims and the families, and there also is an important immediate response to the direct needs of the victims and their families.

M. le Président, si je peux juste conclure avec ça, j'accepte la réponse du ministre, aujourd'hui. Les victimes et leurs familles demandent que tous les gouvernements agissent vite et d'une façon tellement directe que bientôt, dans le meilleur délai, dans le plus bref délai possible, on pourra avoir ce programme d'indemnisation. Ils ont attendu des années pour ça; maintenant, ensemble, cette Chambre demande au gouvernement d'avancer ça dans les plus brefs délais.

Je suis fier de la motion présentée par le chef de l'opposition puis j'espère, comme je l'ai mentionné, qu'on pourra au moins répondre, d'une certaine façon, aux vrais besoins de ces victimes. Je suis fier d'être associé à ça et je présume que ça va être une motion unanime de la Chambre. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Président: Je comprends également que cette motion est adoptée à l'unanimité. M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Par appel nominal, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, nous allons procéder au vote par appel nominal, mais auparavant nous allons appeler les députés.

Nous allons procéder au vote. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, que les membres de l'Assemblée regagnent leur fauteuil, nous allons procéder au vote par appel nominal. Que les députés en faveur de la motion du chef de l'opposition se lèvent.

(11 h 50)

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), Mme Vaive (Chapleau), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cherry (Saint-Laurent), Mme Leblanc (Beauce-Sud), M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Chalifoux (Bertrand), Mme Lamquin-Éthier (Bourassa).

M. Bouchard (Jonquière), M. Jolivet (Laviolette), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Brouillet (Chauveau), M. Perreault (Mercier), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bégin (Louis-Hébert), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Bélanger (Anjou), Mme Beaudoin (Chambly), Mme Caron (Terrebonne), M. Rioux (Matane), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), Mme Charest (Rimouski), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Côté (La Peltrie), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Désilets (Maskinongé), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Duguay (Duplessis).

Le Président: Est-ce qu'il y a des députés contre cette motion? Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:98

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de M. le chef de l'opposition est adoptée à l'unanimité. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, en rappelant aux gens qu'il y a eu entente pour une autre motion non annoncée sur l'importance de maintenir les quotas de la chanson francophone, j'aimerais solliciter de la part du leader de l'opposition, pour une commission où déjà il y a des personnes qui attendent pour être entendues, s'il me permettrait de faire la seule motion concernant les consultations.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à des consultations sur le projet de loi n° 173, Loi instituant le fonds spécial de financement des activités locales et modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, et le projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 21 h 15; par la suite, cette commission procédera jusqu'à minuit à l'étude détaillée du projet de loi n° 175, Loi modifiant de nouveau diverses dispositions législatives concernant le domaine municipal, à la salle du Conseil législatif, donc dès maintenant.


Motions sans préavis (suite)

Le Président: Alors, à ce moment-ci, je vais reconnaître la ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

Avant de céder la parole à Mme la ministre, je demanderais aux collègues qui doivent quitter l'enceinte du salon bleu de le faire maintenant et rapidement.

M. Jolivet: ...un vote sur cette motion-là aussi.

Le Président: Je le sais très bien, mais je voudrais simplement faire en sorte que le trafic et le bruit soient adéquats dans les circonstances pour permettre à Mme la ministre de pouvoir être entendue. Très bien. Mme la ministre.


Souligner l'importance de maintenir les quotas de chanson francophone à 65 % pour les stations de radio de langue française

Mme Beaudoin: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale du Québec souligne l'importance de maintenir les quotas de chanson francophone à 65 % pour les stations de radio de langue française, à l'heure où le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, tient des audiences sur la question.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Une voix: Oui

Le Président: Très bien. Alors, Mme la ministre.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président, après être intervenue publiquement dans un texte qui a été publié dans La Presse , le 23 octobre, et après avoir déposé au CRTC un mémoire, le 23 novembre, je sollicite donc aujourd'hui le consentement de la Chambre pour approuver la motion que je viens de lire.

Car ce n'est pas d'aujourd'hui, M. le Président, ce n'est pas d'hier non plus que nous devons collectivement affirmer notre volonté de préserver et de promouvoir notre identité, notre culture, notre langue. C'est une longue histoire, c'est notre histoire à nous, Québécois, peuple majoritairement francophone qui représente 2 % de la population nord-américaine.

Parmi les nombreuses façons que nous avons d'exprimer notre manière d'être – et c'est cela, l'essence d'une culture – il y en a une qui est particulièrement forte, originale, remarquable et remarquée partout dans le monde, c'est la chanson, bien sûr. Nous n'avons plus à démontrer l'apport à notre culture des Leclerc, Vigneault, Ferland, Léveillée, Charlebois, Rivard, Plamondon, Lévesque, Séguin, Desjardins, Dion, Dufresne, pour ne nommer que ceux-là. C'est parce qu'en eux, dans leurs textes, dans leur musique, nous nous reconnaissons. La chanson joue un rôle déterminant dans l'affirmation de notre identité.

Or, si son rôle est celui-là, il est impératif de lui accorder la plus grande attention pour qu'elle demeure présente, vivante et pour qu'elle se renouvelle.

Du côté du gouvernement du Québec, M. le Président, il y a donc une politique de diffusion des arts de la scène dans laquelle il y a un volet particulier concernant la chanson. Il y a aussi des programmes à la SODEC, des programmes d'aide financière pour la production de musique vocale francophone, mais il y aura aussi, dès le 8 décembre, un groupe de travail sur la chanson qui se réunira ici, à Québec, pour la première fois avec des représentants de l'ADISQ, de l'UDA, c'est-à-dire les comédiens, de RIDEAU, c'est-à-dire les diffuseurs, de la SPACQ, les auteurs et compositeurs, et de la Guilde des musiciens afin d'élaborer de nouvelles mesures destinées à la chanson et au spectacle québécois. Car, même si les majors transnationaux contrôlent 85 % du marché mondial du disque, le Québec, contrairement au Canada anglais, dispose encore d'une structure industrielle distincte. Mais la pression est forte, et nous devons relancer ce secteur.

Secteur, d'ailleurs, M. le Président, le secteur de la radiodiffusion, dont nous réclamons, de ce côté-ci de la Chambre, la responsabilité depuis toujours, mais elle est au gouvernement fédéral. Et c'est le CRTC qui, à l'heure actuelle – depuis hier, en fait – étudie une demande des radiodiffuseurs, de l'Association canadienne des radiodiffuseurs, une demande, donc, de leur part pour abaisser de 65 % à 55 % la proportion de chanson de langue française dans les régions de Montréal et de Hull-Ottawa, prétendant que ce sont là des régions bilingues.

Pourtant, c'est là même où la chanson de langue française est la plus vulnérable. C'est dire que, à nouveau, il y a péril en la demeure et que, à nouveau, il nous faut réagir avec la plus grande fermeté à cette proposition inacceptable de l'Association canadienne des radiodiffuseurs. Les enjeux, dans le cas présent, sont immenses. Les enjeux culturels, bien sûr, mais il y en a d'autres, l'enjeu économique, entre autres, qui n'est pas le moindre. En effet, l'industrie de la radio est indissociablement reliée à l'industrie du disque, et vice versa. Elles sont complémentaires et elles interagissent dans le développement de la chanson québécoise, en ce sens que l'une et l'autre stimulent la création et font la promotion d'artistes auxquels les Québécoises et les Québécois s'identifient.

(12 heures)

Autre enjeu de taille: la liberté de commerce. Nous le savons parce que nous le vivons, l'évolution technique et la mondialisation favorisent la création d'entreprises titanesques, véritables multinationales de la culture qui menacent la diversité. L'État doit intervenir pour garantir le libre jeu de l'offre et de la demande. Sachons-le, le risque est grand de voir se produire dans la chanson ce qui se produit – et qui s'est produit d'ailleurs depuis longtemps – dans le cinéma. Devant cette menace, M. le Président, nous devons dresser un barrage, et c'est pourquoi j'invite cette Assemblée à appuyer la présente motion.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Outremont.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, le développement de la production culturelle québécoise francophone a été historiquement et doit demeurer dans le présent et pour l'avenir une responsabilité stratégique de l'État canadien. Il en est de même de la responsabilité plus spécifique de l'État canadien à l'égard du produit culturel dont on parle aujourd'hui. Cette responsabilité n'est évidemment ni exclusive ni prépondérante, mais elle est stratégique, elle est conforme à la mission culturelle que l'État canadien s'est donnée. On en a eu historiquement, évidemment, des exemples éloquents dans l'investissement de l'État canadien en particulier dans le développement et dans le soutien de la Société Radio-Canada qui a été, de toute évidence, un des grands agents de production et de diffusion de la culture francophone du Québec, mais aussi de la culture francophone en général.

Il ne fait donc aucun doute, M. le Président, dans notre esprit que les quotas de chansons francophones à 65 % garantissent un accès aux ondes, particulièrement dans les milieux urbains bilingues où, comme on le sait, la concurrence culturelle est particulièrement vive, et il ne fait donc aucun doute dans notre esprit que ces quotas sont nécessaires à la vitalité de notre culture dans ce domaine, de la production culturelle francophone du Québec dans ce domaine, mais aussi de la production francophone en général.

Est-il nécessaire d'ajouter que le dispositif de protection s'est avéré efficace ici, au Québec, et ailleurs, et qu'il n'y a rien d'exceptionnel à ce que l'État recoure à ce dispositif dans le but de protéger un domaine jugé essentiel au développement et à l'expression de son identité propre? Donc, il ne nous semble y avoir aucune justification valable, M. le Président, pour que l'État se désinvestisse face à ce dispositif et hésite à le maintenir dans sa situation actuelle et au besoin, même, à l'améliorer d'une façon ou de l'autre. Donc, M. le Président, le maintien des quotas à leur niveau actuel nous apparaît impératif compte tenu du besoin de protéger et de promouvoir la production culturelle francophone en matière de chansons, de notre tradition historique canadienne et québécoise et de son efficacité et de sa normalité.

J'ajouterai, M. le Président, en terminant, que nous pourrions souhaiter, du côté de l'opposition, que des mesures plus proactives soient adoptées par le gouvernement du Québec dans le but de protéger d'une façon encore plus efficace le domaine culturel dont il est question dans cette motion, mais vous conviendrez que ce n'est ni le moment ni notre rôle de traiter de ces mesures. Mais, je le répète, l'opposition officielle n'a aucune espèce d'hésitation à s'allier à la ministre de la Culture et des Communications pour soutenir la pratique actuelle et demander, donc, qu'elle soit maintenue, compte tenu de son efficacité. Merci, M. le Président.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Outremont. Cette motion est-elle adoptée?

M. Jolivet: M. le Président, comme le permet le règlement...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'aimerais que vous reportiez le vote sur cette motion à demain matin, durant la période des affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, ce vote sera reporté à demain, aux affaires courantes.

Nous en sommes rendus aux avis touchant...

M. Jolivet: M. le Président, juste un instant.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je suis assuré que vous me permettrez de féliciter, en ce 2 décembre, tous les députés de l'ensemble de l'Assemblée, en particulier la députée de Marie-Victorin, la députée de Chicoutimi et le député de Sainte-Marie–Saint-Jacques qui fêtent aujourd'hui leur 12e anniversaire de présence en cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, félicitations à tous ces députés.


Avis touchant les travaux des commissions

Nous en sommes rendus aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Il me restait deux avis à donner. Le premier, c'est que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 161, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures – il reste environ près d'une heure – de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Et le deuxième avis qui restait: Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, de 21 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci. Un dernier point aux affaires courantes: Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

S'il n'y a pas de questions sur cela, nous mettons fin à la période des affaires courantes et nous allons entreprendre nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer l'item à l'ordre du jour, s'il vous plaît.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'aimerais que vous preniez en considération, en invitant le ministre responsable, l'article 11, pour l'adoption du principe de la Loi sur le ministère des Régions.


Projet de loi n° 171


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 11, M. le ministre responsable du Développement des régions propose l'adoption du principe du projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions. Alors, je vais céder la parole à M. le ministre. M. le ministre.


M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, ce projet de loi vient créer un peu et beaucoup, je dirais, vient réaliser, plutôt, l'objectif que les gens en région nous ont demandé d'atteindre dans les meilleurs délais.

Tout le monde se rappellera, M. le Président, qu'on a abondamment consulté les gens en région. On leur a demandé sur une base quasi régulière depuis sept ou huit ans, depuis la commission Bélanger-Campeau, qu'est-ce qu'ils voulaient, à quoi ils s'attendaient de la part de l'État, et, à chaque fois, ça a été indubitable, la réponse était très claire: Nous voulons de plus en plus gérer nos propres affaires, nous voulons nous prendre en main, nous voulons nous responsabiliser, M. le Président.

Après la commission Bélanger-Campeau, le gouvernement que nous représentons ici, on s'est réunis à Rivière-du-Loup, vous vous rappellerez, dans un colloque assez imposant, et nous avons dit aux gens... Nos membres, nos militants, nos sympathisants nous ont dit: Nous devons aller vers la décentralisation, la régionalisation.

(12 h 10)

Forts de cet appui de notre base militante, nous nous sommes retrouvés en congrès, en août 1993, et nous avons incorporé à notre programme politique toute la dimension décentralisation, déconcentration, régionalisation. À partir de notre programme, on en a fait un engagement électoral, engagement électoral qui, en septembre 1994, nous a conduits, de ce côté-ci de la Chambre donc, responsables pour assumer le pouvoir. Et nous avons d'ores et déjà enclenché un processus référendaire parce que nous avions promis que nous ferions un référendum. Nous avons donc promis, en pleine campagne référendaire, qu'il y aurait décentralisation si jamais on allait chercher le 29 000 000 000 $ de nos argents qui sont au niveau fédéral.

Le peuple a failli dire oui, il est venu à un cheveu de dire oui majoritairement – 49 point quelque chose – mais le peuple a décidé qu'il fallait attendre à un autre moment, et nous avons respecté ce verdict populaire. M. le Président, je voudrais ajourner cinq secondes, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Alors, écoutez, on me demande de suspendre pour quelques secondes. Alors, pour cinq secondes ce n'est peut-être pas nécessaire de... Est-ce que vous voulez poursuivre, M. le ministre? Très bien. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole.

M. Chevrette: M. le Président, je vous disais donc que nous avons respecté le verdict populaire. Nous avons dit: Nous ne pouvons pas procéder à une décentralisation. On ne peut pas décentraliser ce qu'on n'a pas: 29 000 000 000 $. C'est évident, on ne l'a pas; il est resté au fédéral. Mais nous avons dit, par exemple: Nous allons au moins régionaliser ce qu'on est capable de régionaliser. Et c'est là qu'on a produit un livre vert, bien sûr, qu'on a présenté une option de régionalisation, mais prioritairement nous allons régionaliser sur l'économie et l'emploi.

C'est ce qui a amené la ministre de la Solidarité et de l'Emploi à présenter une politique qu'on appelle les CLE, où, sur un territoire de MRC, nous ferons du développement économique. Mme la ministre de la Solidarité et de l'Emploi, elle, va présenter une structure unique pour la personne qui est en recherche d'emploi, et ça s'appellera un centre local d'emploi.

De notre côté, nous avions quelque chose comme 385 structures dédiées au développement économique local ou régional, 385. Comme on dit, ça n'a plus de bon sens. Si bien que notre citoyen, il est envoyé à gauche et à droite. J'ai fait souvent le test dans les assemblées de militants pour démontrer comment ça pouvait être embêtant pour un simple citoyen qui se présente bien souvent à un bureau de comté. On devient habiles, nous, avec les sigles, on les connaît. Tu sais, le bonhomme il se présente, puis il dit: Je suis allé au secrétariat... Toi, tu lui dis spontanément: T'es allé au SDR. Oui, puis ils m'ont référé au C... – au CRD, je suppose, au conseil régional de développement – qui, lui, m'a dit qu'il y avait des programmes, les F... Les FAE, bien oui, le fonds d'aide aux entreprises. Ou encore au FI quelque chose... Au FIR, oui, le fonds d'investissement régional. Mais ils t'«ont-u» référé au FRS? Il dit: C'est quoi, ça? Est-ce qu'ils t'auraient référé à une SRI, une société régionale d'investissement? Est-ce que tu aurais été convié à aller rencontrer une CDE, une corporation de développement économique, pour ensuite, par exemple, être refilé à une SOLIDE? Vous savez, le fonds où la FTQ participe. Non, il dit, c'est un FIL, je crois. Un fonds d'investissement local, bien sûr.

Et faites le tour d'une ribambelle de programmes, de sigles ou de structures, et le citoyen ne se retrouvait pas. On a dit: On va subventionner et accréditer une seule structure qu'on va appeler CLD, centre local de développement, et on va donner une assise juridique dans ce projet de loi au centre local de développement, un guichet unique. Le citoyen ou le groupe de citoyens désireux de partir une petite entreprise ou de se bâtir un emploi lui-même comme employeur et travailleur, tout ce qui touchera l'entrepreneuriat individuel ou collectif, il y aura un centre unique. Il n'aura plus à se promener dans diverses... On va accréditer une seule structure conjointement avec une MRC qui va mettre de l'argent dedans elle aussi, puis nous autres aussi, mais on va avoir un centre local de développement où le monde municipal va participer et où le gouvernement va participer.

Participer comment? Plus par programme. Et le programme qu'on avait avait toujours un critère qui accrochait, comme si un programme national qui était fait pour Montréal était aussi bon pour la Gaspésie ou l'inverse; ce qui est bon pour la Gaspésie n'est pas nécessairement bon pour l'Abitibi, puis ce qui est bon pour l'Abitibi n'est pas nécessairement bon pour ville de Laval. Au lieu donc d'agir par programmes nationaux... Puis surtout qu'on corrigeait un programme... chaque fois qu'un programme ne marchait pas trop, on le corrigeait par un autre programme, si bien qu'il y a des programmes qui étaient rendus qu'ils coûtaient des gros sous, un gros pourcentage de l'enveloppe dédiée aux programmes.

On s'est dit: Les gens sont capables de bâtir leurs programmes locaux; on va donc agir par fonds ou enveloppe; on va leur donner un montant global puis ils vont le gérer, ils vont se responsabiliser, ils vont bâtir leurs propres critères chez eux. Ça, M. le Président, c'est une très forte majorité de nos concitoyens qui voulaient ça, puis qui veulent ça toujours, puis qui ont hâte que ça entre en vigueur. La loi n'est même pas adoptée, puis je peux vous dire que sur le terrain ça travaille pour créer leur CLD. Il y en a même en Gaspésie que les réunions sont faites, les propositions sont prêtes. Ils sont prêts à me les soumettre déjà pour que je les accrédite. C'est la même chose dans plusieurs MRC de la Montérégie. C'est la même chose dans plusieurs MRC à travers le Québec et dans chacune des régions du Québec. Donc, les gens sont prêts, ils ont hâte de se prendre en main, de se responsabiliser et de bâtir leurs propres critères pour soutenir l'économie, pour soutenir le développement de l'emploi dans leur milieu.

Comment ça va fonctionner, M. le Président? Je vais essayer de faire rapidement. Mais, globalement, on dit: Il n'y aura pas de majorité sur ces CLD. Même si le monde municipal paie, même si le gouvernement paie, on n'aura pas de majorité. Qui va siéger là-dessus? Des entrepreneurs. Si on parle d'entrepreneuriat, ça prend des entrepreneurs. Que ce soient des entrepreneurs en économie traditionnelle ou que ce soient des entrepreneurs en économie sociale, c'est des entrepreneurs. Entrepreneuriat. Après ça, qui va siéger là-dessus? Des travailleurs. Bien oui, la force du travail. Il y a un intérêt à développer l'économie et l'emploi. Qui va siéger là-dessus? Le monde communautaire. Qui va siéger là-dessus? Le monde institutionnel parce qu'on dit qu'on va être aviseurs même des CLE, des centres locaux d'emplois. Ça va être quel type de main-d'oeuvre à former sur notre territoire et dont on a besoin? Qui mieux que ceux qui travaillent dans le milieu peut nous dire qu'est-ce que ça nous prend en termes de formation? Donc, du monde de l'institutionnel, bien sûr.

Et vous n'aurez pas de majorité. Vous allez avoir un modèle qui vous plaît chez vous. Il y a des endroits qui vont opter pour 15, 18 personnes, d'autres qui vont peut-être opter pour 10, 11, neuf, je ne le sais pas. Il n'y a pas de mur-à-mur dans cela. Mais il n'y aura pas de groupe majoritaire, c'est la seule consigne, et il y a des clientèles qu'il faut qu'elles soient adaptées. Et j'ai formulé le voeu en conférence de presse et je le reformule au niveau de la deuxième lecture ici, l'adoption de principe, qu'on pense à faire siéger des jeunes là-dessus et qu'on pense à faire siéger des femmes aussi pour qu'on ait véritablement un portrait de notre société, véritable; que siègent sur ces comités des forces vives du milieu désireuses de développer l'économie et l'emploi dans leur propre région.

M. le Président, il y aura des rôles à jouer, bien sûr, par le ministre qui va être le représentant auprès des différents ministères sectoriels. Bien sûr. Il y en a qui disent: Il crée un ministère; ça «va-tu» coûter de l'argent, ça? Non. On crée un ministère, on transforme le Secrétariat en ministère. Au point de vue autorité morale, ce n'est pas pareil, mais ça ne coûte pas plus cher, c'est la même chose, c'est le même argent. Mais je dois vous dire qu'au point de vue autorité morale, c'est un ministère, dan sa constitution de ministère, dont le rôle précis est de débloquer les dossiers précisément, parce que c'est un ministère qui travaille à l'horizontale, sur l'ensemble des ministères sectoriels. Et je pense, je crois fondamentalement, M. le Président, que le milieu attend cela.

Le milieu attend cela d'autant plus que, ne nous leurrons pas, la création du ministère de la Métropole a fait en sorte que les gens ont dit: Comment ça se fait que la région métropolitaine a un ministère à l'horizontale puis que les autres régions du Québec n'auraient pas droit à leur ministère? C'est une question d'équilibre politique. Je n'en disconviens pas, moi. Puis je n'ai pas honte de dire ça. Si les régions du Québec ont tout autant droit à un ministère pour les représenter dans les ministères sectoriels que la métropole a droit à son ministère pour la représenter dans les ministères sectoriels, je crois que c'est un juste retour de l'équilibre des choses. Et les régions du Québec ont une importance tout aussi grande dans le développement économique du Québec qu'une région entre autres, parce que la santé économique du Québec... si on veut un Québec fort économiquement, ça passe par des régions économiquement fortes au Québec. Puis il y a des régions-ressources au Québec. On doit tout faire pour qu'elles se développent, ces régions-là, à fond de train. Puis il y a des problèmes particuliers dans certaines régions du Québec où il nous faudra même, en dehors et en sus de ce que l'on crée, faire des interventions de fond.

(12 h 20)

Quand on regarde certaines régions du Québec, comme par exemple le Saguenay–Lac-Saint-Jean, comme l'Abitibi... comme la région de la Gaspésie–Bas-Saint-Laurent, l'exode des jeunes, ce n'est pas pour rien qu'il faut travailler très fort dans certains milieux pour faire en sorte que ces jeunes-là aient une lueur d'espoir de retourner dans leur milieu après leurs études pour gagner leur croûte chez eux, dans leur propre région.

Je pense qu'on va créer une dynamique complètement différente. Par rapport à ce qui a existé antérieurement, on rapproche davantage la notion de développement des communautés locales. Auparavant, on pensait région, conseil régional de développement. On leur avait donné 3 000 000 $ à tout le monde, comme si on ne tenait pas compte nécessairement des populations, comme si on ne tenait pas compte de l'indice de pauvreté ou encore de l'indice de chômage. On a dit: On va mettre des critères assez intelligents qui vont tenir compte de cela puis on va répartir les sommes d'argent en tenant compte des populations, du critère chômage et de l'indice de pauvreté, là où on retrouve, en tout cas, des gens d'une extrême pauvreté. On a tout mis ça sur pied jusqu'à date.

Ce qu'on veut, par ce projet de loi, c'est donner une assise légale à ça, donner une assise juridique à cela, parce qu'à partir des objectifs que chacune des régions va se donner on va pouvoir, a posteriori, contrôler les finances qui seront données à ces gens-là parce qu'ils auront des obligations de résultats. Il y a des objectifs précis, des objectifs ambitieux. Ce n'est pas des sommes astronomiques qu'ils auront à gérer, mais l'accumulation des fonds d'une année à l'autre fera en sorte, par exemple, qu'on pourra constituer un fonds de développement local fort intéressant. D'autant plus que, dans le domaine industriel et commercial, vous savez très bien que les subventions, elles disparaissent avec le traité de l'ALENA. C'est plutôt des prêts sans intérêt, la capacité d'avoir le montage financier rapide pour déboucher sur quelque chose.

Mais il y aura une enveloppe protégée pour l'économie sociale, sachant très, très bien – très, très bien – que ces gens-là n'ont pas la mise de fonds puis que c'est souvent des emplois dans le domaine des services ou dans le domaine, par exemple, des éclaircies commerciales dans les régions comme le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie. Ça peut être de l'aménagement forestier où mon ministère va jouer un rôle assez important, les Ressources naturelles, au niveau des créations d'emplois dans le domaine de l'économie sociale. Et ces gens-là auront une assise juridique dans notre projet de loi. Ils auront un ministère pour les représenter. Ils pourront avoir, près de chez eux, du monde qui se sera engagé, du monde...

L'apanage ou le gros bon sens dans le développement local et régional n'est pas dans le statut politique d'un député, d'un ministre ou d'un élu municipal, il est dans les forces vives du milieu. C'est la conjugaison des efforts de tout ce beau monde qui fait qu'on puisse prendre à coeur notre développement économique. Il y en a qui, au départ, ont fait un certain «power trip» ou un trip de pouvoir, qui voyaient la gestion de ça, le contrôle de ça. On va payer 60 000 000 $ puis on n'aura pas le contrôle des CLD. On va contrôler l'argent qu'ils vont dépenser pour l'emploi et l'économie. Mais l'important, c'est qu'il y ait des travailleurs qui aient le souci de développer l'emploi chez eux, qu'il y ait des entrepreneurs qui aient le goût d'entreprendre pour sortir chacun de leur territoire de MRC, dans certains cas, de l'état lamentable dans lequel ils sont.

L'institutionnel sera là, le communautaire sera là, le monde coopératif sera là. C'est la conjugaison des efforts de toutes les forces vives d'un milieu qui vont se créer une entité selon leur modèle, qu'on pourra modifier d'une année à l'autre au niveau de l'accréditation, parce que ça se renouvelle à tous les ans. Si ça ne fonctionne pas, on pourra apporter des ajustements. On ne rêve pas en couleur. On ne dit pas que, la première année, tout sera beau, tout sera merveilleux, mais je peux vous dire, par exemple, que c'est l'amorce d'un changement de mentalité où leur développement économique local est la responsabilité de toutes les forces vives d'un milieu.

Et je suis sûr, moi, que le jour où les citoyens se prendront en main sur leur développement local, je suis convaincu que le goût de faire, le goût d'inventorier, le goût d'innover, le goût de créer puis le goût de s'en sortir va les prendre comme ce n'est pas possible. Puis, quand on commence à s'occuper de ses affaires, on a le goût de s'occuper d'un plus grand nombre d'affaires. Il va se développer une mentalité où on ne se contentera plus de la régionalisation, on va vouloir de la véritable décentralisation. Et, quand on aura dit: Oui, on est capable de gérer l'ensemble ou l'entièreté de nos finances publiques, on pourra dire un oui au référendum et oui à la décentralisation réelle, parce qu'on se sera formé à la décentralisation. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Richmond. M. le député.


M. Yvon Vallières

M. Vallières: Merci, M. le Président. Après un suspense qui aura duré un peu plus de trois ans, suspense créé par le premier ministre d'alors, M. Jacques Parizeau, qui confiait au ministre responsable du Développement des régions la mission qui, évidemment, avec le projet souverainiste – il vient de nous le rappeler – constituait, disait-il, la tâche la plus importante de sa nouvelle équipe, et je le cite: «Vous veillerez à ce que la régionalisation des leviers de décision s'effectue de façon rapide, efficace et ordonnée»...

Le ministre responsable du Développement des régions nous présente, après cette longue attente de trois ans, un projet de loi qui s'intitule Loi sur le ministère des Régions. Permettez-moi de vous dire, M. le Président, que ce projet de loi a pour objectif principal de créer, tel que son titre l'indique, un ministère des Régions. Il précise les domaines d'action du ministre ainsi que ses principaux pouvoirs et fonctions en matière de développement local et régional.

Ce projet de loi me laisse perplexe quant à sa finalité et aux moyens pour atteindre l'objectif du gouvernement de mettre en place une politique de soutien de développement local et régional. D'ailleurs, le ministre a déjà indiqué en Chambre, le 28 octobre dernier, qu'il n'avait pas besoin d'une loi pour mettre en vigueur les centres locaux de développement.

On retrouve, dans ce projet de loi, des structures dans une superstructure, c'est-à-dire des centres locaux de développement – il s'agit là d'une nouvelle structure – et des conseils régionaux de développement – il s'agit là de structures existantes remodelées – et un ministère des Régions qui vient chapeauter le tout – une nouvelle superstructure. J'aurai l'occasion d'y revenir plus tard, car je veux maintenant m'attarder sur le mandat initial qui avait été donné au ministre responsable du Développement des régions.

Je voudrais vous rappeler, M. le Président, que beaucoup d'attentes ont été crées, d'abord par L'autre façon de gouverner de ce gouvernement, qui avait été le slogan du Parti québécois, à la dernière campagne électorale, et ensuite par l'arrivée du nouveau premier ministre et député de Jonquière.

M. le Président, nous allons nous rappeler ensemble quelques faits de la petite histoire du développement régional sous ce gouvernement. Ça a été tellement long qu'il faut maintenant le situer dans le temps. L'autre façon de gouverner voulait agir de façon rapide – c'était en septembre 1994 – rapide, cela veut dire qui exécute avec promptitude, qui est diligent, qui est fait sans tarder. J'imagine que, de l'autre côté de la Chambre, ce mot n'a pas la même signification, car plus de trois ans se sont écoulés depuis cet ordre du premier ministre de l'époque.

La structure imaginée par l'ex-premier ministre M. Parizeau avait pour pivot central les délégués régionaux qui étaient ses adjoints directs. Il les avait présentés lors de son discours d'assermentation en indiquant, et je le cite: «Mmes et MM. les ministres sectoriels qui êtes assis à ma droite, je vous présente, à ma gauche, vos empêcheurs de centraliser tranquille, votre conscience des régions et, au besoin, vos chiens de garde.» Fin de la citation.

Les pouvoirs qui étaient octroyés aux délégués régionaux étaient différents, divers. Ils se réunissaient sous la présence du premier ministre et en présence du ministre d'État au Développement des régions. L'ex-premier ministre leur donnait également le pouvoir d'interpeller les ministres sectoriels. Les délégués régionaux pouvaient également répondre aux questions qui leur étaient adressées à l'Assemblée nationale.

Ça, c'était le 26 septembre 1994. Et on se souviendra du sort qu'a réservé le gouvernement de l'actuel premier ministre à ses délégués régionaux. Comment s'en surprendre, puisque tous s'entendaient à le dire, y incluant les membres du gouvernement du Parti québécois: La vraie raison d'être des délégués régionaux était de préparer le référendum. C'était ça, leur mandat réel, et non pas de faire du développement régional. Alors, ça a été un échec lamentable, à même les fonds publics, une structure qui faisait probablement la honte de l'actuel premier ministre qui les a – pardonnez-moi l'expression – flushés à la première occasion.

(12 h 30)

Le 28 juin 1995, un peu avant le référendum, le ministre d'État au Développement des régions a présenté son livre vert, Décentralisation: un choix de société . Il a fait miroiter aux communautés locales et régionales la perspective d'une grande responsabilisation, en ayant toutefois pris soin d'ajouter que le choix du cadre constitutionnel sur lequel le peuple québécois sera invité à se prononcer serait déterminant pour le projet de décentralisation, c'est-à-dire sur le nouveau partage des pouvoirs et des responsabilités dans la société québécoise. Dans l'esprit du ministre, ces deux enjeux, décentralisation et souveraineté, étaient interreliés à plusieurs égards. Étant donné que la décentralisation envisagée par le ministre devait plutôt se faire dans un contexte de souveraineté, on peut facilement comprendre que nombre de mesures proposées se transformaient en véritable mirage dans le contexte d'une défaite référendaire.

Il y a un élément important que nous devons souligner concernant le livre vert du gouvernement. Le ministre indiquait aux municipalités, dans ce document, ce qui suit, et je veux le rappeler, M. le Président, et je cite: «Les municipalités auront les ressources financières suffisantes pour prendre adéquatement en charge les nouvelles responsabilités qu'elles voudront assumer. Je ne veux surtout pas suivre l'exemple donné par mon prédécesseur et déployer une opération de pelletage de factures dans la cour des municipalités. Nos partenaires municipaux auront l'argent nécessaire pour administrer leurs nouvelles responsabilités sans qu'il n'en coûte un sou de plus aux contribuables.» J'arrête ici la citation. Vous conviendrez que c'est un bel exemple du double langage du gouvernement, lorsqu'on considère le transfert de 375 000 000 $ de factures dans les municipalités que vient d'imposer le gouvernement. Les commentaires partisans du ministre lui reviennent aujourd'hui, devons-nous le constater, en plein visage.

Je ne peux passer sous silence l'accord intervenu entre le gouvernement et les unions municipales en octobre 1995, plus précisément le 11 octobre 1995, quelques jours avant le référendum. Cet accord de principe sur la décentralisation d'activités gouvernementales vers les instances municipales signé par le ministre d'État au Développement des régions portait sur les activités pouvant faire l'objet de la première phase de la décentralisation, dont l'enjeu financier était fixé à 155 000 000 $. En procédant ainsi, le gouvernement tentait une stratégie pour rendre attrayant le projet de souveraineté. C'était la petite décentralisation, mais, dans l'éventualité d'un oui, il y en aurait une plus grande. On avançait même le montant de 20 000 000 000 $. La population ne fut pas dupe de ce genre d'artifice, et l'on connaît aujourd'hui la réponse qu'elle a donnée au gouvernement.

On retiendra par ailleurs de cet accord qu'il fut un échec monumental, d'abord parce que les activités effectivement décentralisées ne s'élevèrent qu'à environ 15 000 000 $ sur un montant prévu de 155 000 000 $ et, surtout, parce que les principes énumérés par le gouvernement, soit les ressources financières suffisantes pour la prise en charge de nouvelles responsabilités et le voeu de ne pas augmenter la charge fiscale du contribuable, n'ont pas été respectés. Et on connaît la suite de l'histoire, le conte de fée péquiste ne se réalisa pas, et ce qui était à prévoir arriva, c'est-à-dire que les régions se retrouvèrent encore à la case zéro avec leur ministre du développement régional qui venait de manquer son coup.

Un autre premier ministre arrive en poste en janvier 1996 et, à l'occasion de son discours d'assermentation, il indiquait, parmi ses priorités, la maîtrise par les régions de leviers importants de décision et la reconnaissance du rôle déterminant de Montréal dans la vie québécoise. Il a fait lui-même bien candidement le constat le plus sévère à l'endroit du ministre responsable du Développement des régions alors qu'il disait: «Je n'ai pas parlé des régions parce que je trouve qu'on en a trop parlé et qu'on n'a rien annoncé de concret.» Je termine ici sa citation. Ça se passait en avril 1996 à Rivière-du-Loup. Le premier ministre pouvait alors se permettre d'analyser avec discernement le travail effectué par l'équipe de son prédécesseur dont la quasi totalité de l'énergie avait porté sur la préparation du référendum. On peut comprendre les raisons qui ont motivé sa décision d'abolir la structure établie par son prédécesseur et d'en créer une nouvelle, celle des secrétaires régionaux qui sont les adjoints des ministres régionaux. Le premier ministre justifiait sa décision en disant, et je le cite: «Nous avons voulu faire en sorte que ce représentant soit en prise directe avec les leviers de décision, donc avec le Conseil des ministres et avec le premier ministre. J'ai bon espoir que cette formule plus intégrée au véritable lieu du pouvoir permettra d'aller plus loin encore dans la synthèse nécessaire des objectifs nationaux et des particularités régionales.» Je termine ici la citation du premier ministre.

Plusieurs secrétaires régionaux font probablement un travail sérieux, bien que nous attendions toujours leur définition de tâches écrite, comme l'avait promis en cette Chambre le premier ministre lui-même. Quant à l'attribution de certaines régions à divers ministres régionaux, dans plusieurs cas, ça ressemble à une vraie farce. Une formule qui ne marche pas, avec des ministres qui ne font pas leurs devoirs à l'endroit des régions pour lesquelles ils ont été désignés par le premier ministre. Pas surprenant, dans ce contexte, que le ministre n'ait pas retenu la création d'une table régionale des députés présidée par le ministre régional, comme prévu dans son livre blanc. On songera à cela quand ils feront convenablement leur travail, M. le Président.

Et je continue à l'intérieur de la petite histoire du développement régional depuis l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, puisque vint l'automne 1996 avec le Sommet sur l'économie et l'emploi. À cette occasion, tous les efforts devaient être consacrés à la création d'emplois. Ce Sommet donnait suite à celui de Québec qui s'était tenu en mars 1996 et sur lequel les participants s'étaient entendus sur l'objectif d'atteindre le déficit zéro mais sans augmenter le fardeau fiscal des contribuables.

Le premier ministre avait indiqué, au Sommet de l'automne, que les priorités pour relancer l'emploi étaient Montréal, les régions et évidemment l'économie sociale. Pour l'ensemble du Québec, le chantier portant sur les régions devait permettre de discuter des conditions qu'il fallait réunir pour favoriser le développement économique régional, coordonner les actions locales et canaliser l'énergie pour l'emploi. Le rapport présenté par les membres de ce groupe de travail devait permettre la création de 14 245 emplois. Ainsi, l'équipe dirigée par le maire d'Amos détenait au Sommet la première place du palmarès de l'emploi.

Toutefois, le président de ce groupe de travail, après l'effervescence de la présentation de son rapport, a dû connaître une certaine déception à la fermeture du Sommet. Il déclarait, et je le cite: «Le Québec des régions a l'impression qu'on n'a pas parlé de lui, qu'il a été ignoré.» Quand au vice-président du groupe, M. Jacques Proulx, il déclarait, pour sa part: «Le ver a mangé le poisson ou, en termes encore plus directs, la machine a foqué notre rapport.» Fin de la citation.

Vous comprendrez, M. le Président, que je n'ai rien d'autre à ajouter sur le sujet. À mon avis, tout a été dit sur le Sommet. Par ailleurs, le taux de chômage est demeuré le même dans les régions. Alors, et M. Proulx et le maire d'Amos avaient probablement raison; c'était une autre déception pour les régions et, pourquoi ne pas le dire, un autre échec du gouvernement du Parti québécois.

Vous constaterez, M. le Président, qu'il y a encore bien loin de la coupe aux lèvres, et qu'à l'époque du Sommet j'étais encore dans l'expectative d'apprendre de bonnes nouvelles qui devaient permettre le développement économique de nos régions, puisque le ministre responsable des régions nous promettait, à ce moment-là encore, une politique de soutien au développement local et régional, politique contenue dans son livre blanc. Douze mois se sont écoulés, et le dépôt a finalement eu lieu le 30 avril 1997.

Timide régionalisation , titre Michel Venne du Devoir , dans l'édition du 5 mai 1997. «La politique de soutien au développement local et régional rendue publique la semaine dernière par le ministre ne propose qu'une timide régionalisation qui prend corps essentiellement en une redistribution des cartes entre différentes instances au sigle rébarbatif.» Voilà pour ce que pensait M. Venne de ce qui était présenté par le ministre responsable du Développement des régions.

Ce livre blanc a finalement débouché sur un projet de loi que nous avons devant nous pour étude aujourd'hui. Cela aura pris un peu plus de trois ans à ce gouvernement pour accoucher d'une politique décevante par son caractère à la fois limité et bureaucratique. Elle n'offre aucun objectif raisonnable de création d'emplois. Le nombre de quelque 500 000 emplois a bien été évoqué récemment par le ministre d'État au développement des régions, mais cet objectif relève de la plus pure utopie. D'ailleurs, tous les partenaires et le milieu en conviennent. «Les gens sont tout mêlés, ils ne savent pas toujours comment interpréter les propos du ministre responsable du Développement des régions», d'expliquer la directrice des communications de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. Et de rajouter le préfet de la MRC de Montmagny: «Au lieu d'un autobus comme on avait auparavant, le gouvernement nous a donné une voiture sans freins, et c'est lui qui tient le volant. J'aimais mieux l'autobus.» Fin de la citation.

(12 h 40)

Voilà ce que signifie pour ce gouvernement «agir de façon rapide»: avec trois ans de retard et des coups manqués, un objectif de création d'emplois qui relève bien plus de l'utopie que de la réalité. Mais, contexte électoral oblige, il faut laisser accroire que ça va donner des résultats mirobolants. Ce serait miraculeux, 500 000 emplois créés en un an dans les régions du Québec.

Mais, pour revenir à la mission confiée au ministre responsable du Développement des régions par M. Parizeau, la régionalisation devait s'effectuer de façon efficace, commandait alors le premier ministre. La question que nous devons nous poser est la suivante, M. le Président: Est-ce que le projet de loi que nous avons devant nous constitue une véritable politique de développement régional, une stratégie de création d'emplois efficace afin d'aider les régions à se sortir du marasme économique pour certaines, à freiner l'exode des jeunes pour d'autres, à répondre aux problèmes criants du chômage pour plusieurs d'entre elles?

Est-il utile de rappeler, à ce stade-ci, que le chômage dépasse les 13 % dans plusieurs régions, pour culminer à plus de 20 % dans la région de la Gaspésie– Îles-de-la-Madeleine, que la création d'emplois, depuis l'arrivée de l'actuel premier ministre, est de seulement 3,8 % malgré le fait que le Québec représente 25 % de la population canadienne? C'est environ 15 500 emplois par rapport à 198 000 en Ontario, plus de 412 000 au Canada. M. le Président, est-il nécessaire de rappeler que le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale est de plus de 700 000 au Québec et que nous sommes confrontés à l'insuffisance des investissements privés, plus particulièrement en région, le Québec se plaçant au huitième rang du Canada à ce chapitre, dans le peloton de queue?

C'est ça, le vrai portrait de nos régions, M. le Président, le désolant portrait de l'inefficacité ou, pire encore, de l'inexistence d'une véritable stratégie de création d'emplois au cours des trois dernières années sous la gouverne du Parti québécois.

Mais revenons à cette pièce législative que nous présente le ministre. J'aimerais que l'on regarde de plus près ce que contient le projet de loi n° 171. Il faut mentionner que le grand principe qui se cache derrière ce projet de loi est, semble-t-il, de faire le ménage dans les structures. Le ministre y faisait largement allusion tantôt, on va y revenir. Pour arriver à faire du ménage dans les structures, que nous propose le ministre? Le ministre crée une nouvelle structure, un ministère des Régions. Soit dit en passant, ce ministère devait être créé dès l'automne 1996, si l'on se fie aux propos du ministre dans une entrevue exclusive au Devoir en mars 1996, où il disait que la création d'un ministère des Régions était prévue pour l'automne prochain, c'est-à-dire l'automne 1996. Quand je vous parlais de rapidité et d'efficacité, vous voyez ce que je voulais dire, M. le Président!

Pourquoi un ministère des Régions? Pourquoi un ministère de la Métropole, de rétorquer l'attaché de presse du ministre responsable du Développement des régions? Et d'ajouter le ministre de la Métropole de l'époque, et je le cite: «En bâtissant le ministère de la Métropole, on a été conscients qu'il pouvait blesser les régions. On croit qu'on ne s'occupe que de Montréal.» Fin de la citation. Et ça a été confirmé par le ministre responsable du Développement des régions tantôt. Voilà pourquoi on crée un ministère des régions, pour faire contrepoids au ministère de la Métropole!

On doit se rappeler, M. le Président, que le ministère de la Métropole vient gruger dans l'assiette du ministre responsable du Développement des régions en lui enlevant une partie de son territoire comprenant les municipalités de la région de Montréal et 86 autres municipalités des régions de Laval, de Lanaudière, des Laurentides et de la Montérégie représentant près de 50 % de la population du territoire québécois, soit 3 500 000 habitants. Qui plus est, un décret concernant l'organisation et le fonctionnement du Conseil exécutif en date du 6 mars 1996 précise que les mémoires au Conseil des ministres doivent indiquer si les mesures proposées ont un impact sur la métropole. Il incombe donc aux ministères et organismes de communiquer l'information au ministre de la Métropole pour qu'il puisse exercer ses responsabilités.

Le journal La Presse titrait d'ailleurs, à sa première page de l'édition du 10 avril 1996, ce qui suit: Le grand pouvoir de Ménard irrite certains de ses collègues. Je n'ai pas indiqué qui faisait partie du groupe des irrités. Vous vous en doutez et vous avec raison. Devons-nous nous réjouir du fait que le ministère des Régions doive son existence à des rivalités qui existent entre Montréal et les régions? Cela en dit long sur la nécessité de créer un tel ministère. Doit-on créer un ministère pour flatter l'ego du ministre responsable du Développement des régions qui, après avoir perdu son influence et son pouvoir sur 50 % de la population des régions de tout le Québec, voudrait maintenant pouvoir au moins dire qu'il a obtenu, lui aussi, son ministère pour l'autre 50 % de la population du territoire québécois?

Mais, M. le Président, qu'en pense le milieu? À l'époque où cette idée du ministère des Régions a été lancée, la présidente de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, Mme Jacinthe Simard, avait indiqué au premier ministre que cette idée n'apparaissait pas comme une intervention adéquate. L'UMRCQ y voyait plutôt un écran de fumée pour masquer l'inertie du gouvernement en matière de décentralisation, une formule qui pourrait même augmenter les coûts d'opération au moment où on cherche à assainir les finances de l'État. Pour sa part, le président du Groupe de travail régions-municipalités mis sur pied dans le cadre du Sommet sur l'économie et l'emploi, M. André Brunet, disait trouver judicieux qu'une instance gouvernementale relevant du premier ministre puisse avoir un droit de regard sur les actions gouvernementales en région et que cette instance s'assure de l'application des politiques selon une approche de véritable régionalisation. Il est recommandé que l'instance gouvernementale entre la région et le gouvernement du Québec soit sous la responsabilité du Conseil exécutif, relevant ici du premier ministre, et du Conseil des ministres afin d'établir un lien hiérarchique facilitant l'action gouvernementale concertée. C'est ça, M. le Président, que le groupe de M. Brunet pensait sur la façon dont la hiérarchie devait s'introduire, devait s'installer au gouvernement du Québec entre les régions et le gouvernement québécois.

Ce gouvernement qui ne cesse de référer au Sommet économique et à l'intelligence de ses conclusions ne devrait-il pas suivre cette recommandation du groupe de M. Brunet? Ils ont certainement dû évaluer différents scénarios, dont celui de créer un ministère des Régions, puisque l'idée avait déjà été avancée par le ministre responsable. Et, s'ils n'ont pas retenu cette avenue, pourquoi aller de l'avant avec un ministère? Comment être d'accord avec la mise en place d'une pareille structure quand le premier ministre estime pour sa part que l'objectif de régionalisation nécessite l'impulsion du premier ministre lui-même et qu'il s'est désigné lui-même comme président du comité ministériel qui réunira périodiquement les ministres régionaux? Et je le cite: «Ensemble – disait-il – nous pourrons dégager une vision territoriale et régionale de nos actions et accentuer l'effort de régionalisation en cours.»

Alors, pourquoi ne pas maintenir le Secrétariat au développement des régions et le raccrocher au ministère du Conseil exécutif et ainsi aller dans le sens du rapport du groupe de travail sur les régions et respecter, par la même occasion, le voeu du premier ministre? Je tiens à vous faire remarquer que ce qui a été proposé par le groupe Brunet correspond essentiellement à l'organisation qui était en place sous le gouvernement libéral et qui aurait dû être maintenue: le Secrétariat au développement des régions relevant du ministère du Conseil exécutif, et donc du premier ministre. Il s'agit d'un fonctionnement plus souple, plus léger et plus efficace. Les politiques d'intervention proposées peuvent alors connaître une impulsion du gouvernement dans son entier et s'appliquer avec autorité dans l'ensemble des ministères et de l'appareil gouvernemental.

Je crois bien honnêtement que le détachement du Secrétariat au développement des régions du ministère du Conseil exécutif fut une erreur. Et comment ne pas se surprendre que le ministre responsable des Régions évoque dans son livre blanc ce détachement du ministère du Conseil exécutif pour maintenant justifier la création d'une nouvelle structure visant à préciser ses responsabilités et ses pouvoirs d'intervention?

(12 h 50)

Il sera d'ailleurs intéressant d'entendre le ministre sur le virage à 180 degrés qu'il a effectué en ce qui concerne la responsabilisation des gestionnaires présents en régions. Le projet de loi que nous avons devant nous devait reconnaître officiellement les conférences administratives régionales, établir leurs rôles et responsabilités. Le ministre est-il en train de manquer une occasion de donner davantage d'emprise au sous-ministre adjoint au développement des régions dans chacune des régions du Québec et de le placer en autorité sur la conférence administrative régionale, ce qui permettrait d'harmoniser efficacement l'action des divers ministères sur le territoire régional?

Nous aurions cru que le gouvernement allait se donner les moyens de s'assurer que les ministères sectoriels contribuent davantage au développement régional pour une prise en considération plus systématique de la dimension régionale, et bien sûr cela aurait considérablement favorisé la mise en place d'ententes spécifiques dont je vous parlerai un peu plus loin. Enfin, pour être efficace, il faut s'en donner les moyens, et le gouvernement semble en avoir oublié quelques-uns.

Mais revenons au ministère des Régions. Les régions doivent-elles se réjouir d'avoir un ministère? Est-ce que le fait d'avoir un ministère des Régions à Québec apporte quelque chose de plus aux régions? Selon Jacques Proulx, personnage bien connu de la ruralité québécoise, et je le cite: «Ce ne sont pas les structures qui vont changer quelque chose. Si c'est encore pour alourdir le côté administratif, je ne peux pas voir ce que ça pourrait changer.»

Pour se convaincre de l'utilité d'un ministère des Régions, nous pourrions jeter un coup d'oeil sur le ministère de la Métropole. Cette expérience du ministère de la Métropole ne mérite tout simplement pas qu'on veuille agir de la même façon dans les autres régions du Québec, contrairement à ce que pense le ministre responsable du Développement des régions. À l'époque de sa création, Agnès Gruda, du journal La Presse , l'appelait déjà «le ministère de rien», un symbole sans véritable contenu.

Cette fois, ce que nous propose le gouvernement péquiste pour les autres régions du Québec, c'est aussi un symbole. Il pourra dire que, comme geste concret pour les régions, il a créé un ministère des Régions, en espérant qu'on oubliera que c'était pour cacher les revers du ministre responsable des régions face à ses puissants collègues de la région de Montréal devant lesquels il n'a pas fait le poids lors des discussions ayant conduit à la création du ministère de la Métropole. Alors, il en aura exigé un pour les régions. Mais est-ce vraiment pour les régions?

Quelques éléments, maintenant, sur la nouveauté de la politique du ministre responsable du Développement des régions, qui repose sur la création d'un organisme à but non lucratif appelé «centre local de développement» ou encore mieux connu sous le sigle de CLD. Annoncés à grand renfort de pages publicitaires, M. le Président – j'en ai apporté quelques-unes que je pourrais vous montrer ici aujourd'hui – payées évidemment par les fonds publics, dans les médias nationaux, régionaux et locaux, les CLD deviendront aux yeux du ministre la panacée au sous-emploi dans les régions, puisque, un an après leur mise en place, soit un an plus tard... soit au plus tard le 1er avril 1998, dis-je, ils devront avoir créé pas moins de 500 000 emplois. C'est l'objectif qui leur a été fixé. Vous avez bien compris, M. le Président, 500 000 emplois! Que le père de la Baie James ne s'en offusque pas avec ses 100 000 emplois et ses milliards d'investissements, les centres locaux de développement, avec moins que rien, à peu près 60 000 000 $, auront réussi un exploit digne du Livre Guinness des records , M. le Président, créer 500 000 emplois en dedans d'un an!

Évidemment, comme tout bon vendeur – j'écoutais le ministre tantôt, le ministre responsable des régions – il prend bien soin de faire ressortir les objectifs très vertueux de la politique qu'il propose. Souvent, on va entendre parler, dans les discours de ceux qui vont me suivre, de l'autre côté de la Chambre, de la primauté du citoyen, de la simplification des structures, d'une plus grande place aux décideurs locaux. Mais vous aurez compris, M. le Président, qu'il faut être prudent, vigilant et voir l'autre côté de la médaille avant de se réjouir et d'acheter ce que nous présente le ministre.

Que nous enseigne l'expérience des nouvelles structures? De simples qu'elles sont au départ, elles grossissent rapidement. Ça coûte plus cher que prévu et ça atteint rarement les objectifs vertueux du départ.

Les CLD, pièces importantes dans la politique proposée et dans l'actuel projet de loi, ont, il faut le dire, M. le Président, divisé le gouvernement actuel. La ministre de l'Emploi, notamment, a adressé une note sévère au ministre responsable du Développement des régions quant à l'interprétation du consensus gouvernemental. Pour la ministre de l'Emploi, le palier local étant un lieu de conception des plans d'action, tandis que, pour son collègue, le palier local est le lieu d'action où se réalisent les projets. Une distinction aussi ténue a étonné plusieurs ministres.

Cette querelle sur la sémantique m'amène à un article paru dans La Presse du 7 octobre 1997 sous la plume du journaliste Claude Picher qui nous parle de la comédie des CLD, où il faisait référence à la langue de bois qui est utilisée dans le document de vulgarisation de la politique de soutien local et régional. Il ajoute qu'«au-delà des grandiloquents amphigouris du ministère, il est loin d'être certain que les nouvelles structures soient de quelque efficacité». Pour ce qui est d'«amphigouris», M. le Président, il faut simplement rappeler qu'il s'agit d'une production intellectuelle confuse et incompréhensible.

Alors, M. le Président, comment s'étonner lorsqu'on voit la composition obligatoire du conseil d'administration. «Plus de mur-à-mur», nous avait pourtant dit le ministre. Il l'a répété tantôt. En vertu de cette loi, le conseil d'administration sera composé de membres représentatifs du milieu des affaires et du commerce, des travailleurs ainsi que du milieu municipal, coopératif, communautaire et institutionnel. Personne ne sera majoritaire, et trois fonctionnaires seront membres d'office.

Est-ce que cela va nous conduire à la foire d'empoigne? tel que cite La Presse du 11 octobre, où on y retrouve un commentaire d'un homme d'affaires de Sherbrooke qui traduit ainsi son sentiment, et je le cite: «Nos bureaucrates vivent dans une autre planète s'ils pensent que le rassemblage de chefs d'entreprises, syndicalistes et politiciens locaux va contribuer au développement économique. Ce sera la chicane partout.» Fin de la citation.

Autre voix discordante qui s'est fait entendre, celle des commissaires industriels, qui sont des professionnels en développement économique. Écoutons ce qu'ils nous disent, et je cite: «Le but est louable, mais le conseil d'administration des CLD pourrait réunir des gens qui ont des intérêts fort divergents, comme les élus municipaux, les gens d'affaires, les écolos, les groupes de pression sociaux, etc. Ça risque de faire un drôle de "melting pot"», fin de la citation, selon ce que pense la présidente de l'Association des professionnels en développement économique du Québec.

Et les commissaires industriels, quant à eux, concluent en disant «Développement de quoi, au juste?», redoutant que les centres locaux de développement ratissent trop large et que le développement économique devienne une activité parmi tant d'autres.

Le ministre responsable du Développement des régions, M. le Président, est-il vraiment à l'écoute des régions? Quand il nous dit que le message qui accompagnait sa politique de soutien au développement local et régional, et je le cite, parce que le message du ministre était très clair à ce moment-là: «Comme député et ministre – disait-il – ayant parcouru à plusieurs reprises toutes les régions du Québec, j'ai la conviction que cette politique correspond aux attentes que m'ont maintes fois exprimées les communautés locales et régionales. Celles-ci ont la volonté claire d'être responsables de leur développement et rejettent les formules mur à mur, non respectueuses de leur spécificité.» Je termine ici, M. le Président, cette citation...

Vous m'indiquez également, M. le Président, que le temps s'achève; effectivement, 13 heures approche. J'en aurais encore pour environ une dizaine de minutes. Alors, ou bien je continue ou bien nous pourrions reprendre après la suspension de nos travaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, personnellement, je n'ai pas d'objection. S'il y a consentement de la part de l'Assemblée, à ce moment-là...

S'il en a pour 10 minutes, peut-être que, s'il n'y a pas d'objection... Alors, on pourrait, à ce moment-là, poursuivre ou quoi? Qu'est-ce que vous préférez? Si vous préférez, M. le député... Compléter? Bon. Alors, 10 minutes au maximum. Il y a donc consentement pour que vous poursuiviez, au maximum, 10 minutes. Alors, je vous cède la parole.

(13 heures)

M. Vallières: Je vous en remercie, M. le ministre et M. le Président. Alors, M. le Président, la question que je me posais, c'est: Est-ce que le ministre a bien entendu lorsque les régions lui ont dit «pas de mur-à-mur»? Permettez-moi d'en douter lorsqu'on regarde attentivement le projet de loi qui est devant nous et qui édicte des règles assez strictes pour l'accréditation et le fonctionnement des CLD – à commencer par l'appellation elle-même – et leur financement. À mon humble avis, l'opération CLD est tout un brasse-camarades pour bien peu de changements, à part les structures. Et, lorsque le premier ministre a mandaté le ministre des régions d'agir d'une manière efficace, je suis persuadé que, tout comme moi, plein de gens recherchent dans la démarche du ministre la signification du mot «efficace».

J'aborderai maintenant l'autre mot d'ordre qu'avait donné le premier ministre de l'époque au ministre responsable du Développement des régions, soit d'agir de façon ordonnée. Il s'adressait toujours au ministre responsable des régions, le député de Joliette. Je vous dirai, M. le Président, que je suis en partie d'accord; le long processus suivi par le gouvernement depuis s'est fait de façon ordonnée, méthodique pour nous conduire nulle part. Je vous ferai grâce ici de toutes les étapes qui ont précédé ce projet de loi, j'en ai abondamment parlé tantôt. Toutefois, après plus de trois ans d'attente et de stagnation, le gouvernement, se souvenant de son engagement électoral, réalise son retard et précipite l'implantation des centres locaux de développement, qui se fait dans la confusion la plus totale et à la vapeur parce qu'il lui faut un geste au moins symbolique avant les élections générales, et ce geste, c'est dans les structures qu'il a décidé de le poser. Dans son propre milieu, les membres de la MRC de Joliette, fort sceptiques quant à l'efficacité des CLD, trouvent qu'ils doivent les mettre en place avec des délais fort courts et avec précipitation. D'habitude, ce qu'on fait trop rapidement, ce n'est pas nécessairement ce qu'on fait de mieux, disent-ils.

Pour ce qui est des CRD, M. le Président – et le ministre va être heureux de m'entendre là-dessus – les conseils régionaux de développement, et de la place qui leur est faite dans le projet de loi n° 171, il m'apparaît que les responsabilités qui leur sont confiées s'inscrivent de façon logique dans la continuité de leur implication en région. D'ailleurs, la stratégie gouvernementale en matière de développement régional pilotée par notre ex-collègue de Maskinongé, M. Yvon Picotte, préparait déjà les conseils régionaux de développement à jouer un rôle de plus en plus déterminant dans les régions.

Déjà, en 1991, en plus de leur travail de concertation des intervenants, les CRD se voyaient confier le mandat de définir une stratégie de développement, de gérer un fonds régional de développement attribué par le gouvernement à chacune des régions et de conclure des ententes spécifiques avec des ministères ou organismes gouvernementaux, notamment pour réaliser les interventions prévues à l'entente-cadre. Alors, le projet de loi n° 171 vient confirmer les CRD dans leur mandat et les confirmer comme interlocuteurs privilégiés du gouvernement, et nous sommes d'accord avec cette approche. Nous favorisons aussi la préparation et la signature d'ententes spécifiques qui viendront lier ministères et organismes gouvernementaux aux divers intervenants régionaux et qui permettront la réalisation de certaines actions prévues dans les ententes-cadres. Nous croyons également qu'en plus de donner des avis au gouvernement sur ce qui touche le développement régional les CRD devraient pouvoir dorénavant jouer un rôle encore plus marqué dans les dossiers structurants de chaque région.

Le Fonds de développement régional qui leur sera attribué constituera à mon avis un outil indispensable pour permettre la conclusion d'ententes spécifiques avec les différents partenaires régionaux et devrait également leur fournir la capacité d'intervenir pour la réalisation de certains dossiers à caractère très structurant pour l'économie des régions. Le ministre se réjouira de nous voir supporter son initiative à ce niveau, mais rappelons qu'elle s'inscrit logiquement en continuité de la politique déjà adoptée par le gouvernement libéral en 1991. Et, comme je l'ai déjà fait valoir, un élément est manquant quant au rôle à être joué par les conférences administratives régionales. Nous verrons en commission parlementaire le point de vue du ministre là-dessus.

Avant de conclure, M. le Président, j'aimerais dire un mot sur le financement. Les 60 000 000 $ annoncés par le ministre, faut-il rappeler qu'il s'agit de l'argent recyclé? Le ministre ne peut pas prétendre donner d'une main 60 000 000 $ aux municipalités et de l'autre permettre au gouvernement de leur en retirer 375 000 000 $ par le biais de l'entente signée récemment avec l'Union des municipalités du Québec. «De plus – de dire la présidente de l'UMRCQ – 60 000 000 $ pour les régions, ce n'est pas suffisant.» Pour ma part, j'ajouterai que le gouvernement voudrait nous faire croire qu'il fait preuve de générosité avec son maigre 60 000 000 $, qui d'ailleurs n'a rien de neuf, qui n'est que le retour d'une infime partie de ce que le gouvernement collecte.

Le financement n'est garanti d'ailleurs que pour deux ans; le désengagement de l'État est à craindre. Nous n'avons pas de garanties à moyen et à long terme; le risque d'une autre facture pour les contribuables locaux est d'autant plus grand que le gouvernement oblige maintenant par une loi les municipalités à financer les centres locaux de développement. Vous comprendrez notre déception à ce chapitre. Après cette pluie de taxes et de tarifs de toutes sortes qui s'est déjà abattue sur les contribuables locaux, et celles qui s'en viennent avec le projet de loi n° 161, pour plus de 1 000 000 000 $, vous me permettrez de contester la soi-disant générosité du ministre responsable du Développement des régions, avec son maigre 60 000 000 $ annoncé comme implication gouvernementale.

À ce stade-ci, vous me permettrez, M. le Président, d'attirer votre attention sur un autre point qui concerne l'attitude du gouvernement, cette fois, à l'endroit de l'Assemblée nationale, à l'endroit du Parlement, dans ce projet de loi. Il s'agit d'un autre exemple du traitement que réserve l'exécutif au Parlement. Chaque fois que j'en ai l'occasion, j'attire l'attention des parlementaires et de ce Parlement, M. le Président, sur le rôle que joue l'exécutif dans la vie du Parlement. Trop souvent, le Parlement est devenu le «rubber stamping» des décisions de l'exécutif qui, en plus de légiférer par décrets et par règlements, place le Parlement devant une situation où tout est déjà décidé à l'avance, limitant ainsi considérablement l'influence que devraient exercer les députés sur le contenu des lois. Trop d'électeurs nous disent trop souvent que les députés des deux côtés de la Chambre ne peuvent plus rien changer.

Or, voici que, dans le cas qui nous occupe, sur le projet de loi n° 171, le gouvernement a déjà annoncé qu'il allait créer des CLD. Plus encore, avant même que nous ne discutions, pas que nous approuvions, non plus que nous ne votions, mais avant même que les députés ne soient saisis de l'étude de ce projet de loi, le ministre responsable du Développement des régions publiait son guide d'implantation des CLD, avec des dates butoirs, donc des échéanciers à respecter pour leur mise en place. Avant même, M. le Président, que les députés ne donnent leur point de vue, le gouvernement annonce à pleines pages de journaux qu'au 1er avril 1998 les CLD seront opérationnels. Le ministre et son gouvernement bulldozent déjà les CLD en région avant même que l'Assemblée nationale, le Parlement et, donc, les députés ne les aient créés.

Belle façon de valoriser le travail du député qui, depuis quelques semaines, doit expliquer aux électeurs, aux intervenants qu'il représente dans son milieu, à ceux et à celles qui lui ont confié un mandat, que nous allons en discuter à l'Assemblée nationale prochainement. Mais ne nous méprenons pas, l'électeur a déjà compris que dans ce dossier le gouvernement a déjà décidé, et ça va passer par là. Les députés au pouvoir vont appuyer le gouvernement. Et, indépendamment des objections de l'opposition, considérez cela comme chose faite, les CLD sont déjà annoncés, ils vont s'implanter.

L'exécutif. Le gouvernement vient de retirer au Parlement, aux députés, une partie de son pouvoir d'influencer la prise de décision. Il est pourtant le législateur. Imaginez lorsque ceux qui, dans les MRC, travaillent actuellement à la préparation de leur demande d'accréditation de CLD par le ministre – le ministre y faisait allusion tantôt – quand ces gens-là nous appellent, comme députés, pour nous informer que nous devrons choisir entre nous, les députés, lequel ou laquelle pourra siéger au conseil d'administration des centres locaux de développement dans une MRC donnée, alors que, comme députés, nous n'avons pas encore étudié l'article du projet de loi qui prévoit les modalités de participation du député sur ces mêmes conseils d'administration.

Je trouve, M. le Président, pour le moins anormal le processus suivi par le ministre qui a mis la charrue en avant des boeufs. Il n'est pas le seul responsable. Ça se fait de plus en plus. Mais qu'à tout le moins on se rende compte, comme législateurs, que le Parlement ne joue pas pleinement son rôle à chaque fois que le gouvernement agit de cette façon. On a le droit de se le dire et, si on aime ça de même, bien, continuons et ne disons mot. Mais, si nous voulons qu'un jour le Parlement occupe la place qui lui revient dans notre système démocratique, cessons d'agir de la sorte.

(13 h 10)

Alors, M. le Président, vous comprendrez qu'avec les motifs que je viens d'invoquer, avec les arguments que je vous ai donnés, de même qu'avec ceux qui seront avancés par mes collègues en cette Assemblée de même qu'en commission parlementaire, vous aurez compris que, globalement, le contenu du projet de loi n° 171 ne recevra pas l'assentiment de l'opposition officielle. Nous aurons l'occasion évidemment de travailler en commission parlementaire de façon très constructive autour de ce qui est présenté par le ministre, mais, malheureusement, M. le Président, à cette étape-ci de l'étude de ce projet de loi, je dois vous indiquer que nous serons dans l'obligation de ne pas convenir avec le gouvernement de son adoption avec le consentement de l'opposition officielle. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Richmond. Alors, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 11)

(Reprise à 15 h 2)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.


Motion d'ajournement du débat

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je fais motion, d'abord, pour ajourner le débat que nous sommes en train de faire, en vertu de l'article 100 de notre règlement.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, nous allons donc prendre en considération un nouvel article, c'est une adoption de principe, l'article 14.


Projet de loi n° 178


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 14 de votre feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, président du Conseil du trésor, propose l'adoption du principe du projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe? M. le ministre.


M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, ce projet de loi a pour effet d'abroger les dispositions législatives qui instituaient ou permettaient d'instituer certains organismes. Il donne suite à un mandat qui a été confié par le gouvernement à un groupe de députés, présidé par le député de Fabre, de revoir le rôle et le fonctionnement des organismes gouvernementaux. Ce groupe de travail a remis son rapport en septembre dernier et a formulé des recommandations qui, dans l'ensemble, ont été très bien accueillies en raison de leur réalisme et de leur faisabilité.

M. le Président, je voudrais féliciter les membres de ce groupe du travail qu'ils ont fait et les rappeler à votre bon souvenir, parce que le travail qui a été fait au cours du printemps, de l'été et de l'automne a été fait dans les délais qui avaient été impartis et a été très bien fait. Alors, il s'agissait de gens aussi déterminés que remplis d'expérience que la députée de Terrebonne, qui est whip en chef du gouvernement, du député de Crémazie qui a déjà été ministre des Finances et ex-sous-ministre, du député de La Peltrie qui est vice-président de la commission de l'administration publique, du député de Roberval qui est un ancien maire, d'ailleurs, et qui nous a rejoints au cours de la dernière campagne électorale, et du député de Bourget que tout le monde connaît bien, puisque c'est par lui que nous avons eu cette bonne loi 101, qui est actuellement vice-président de la commission de l'aménagement du territoire. M. le Président, nous leur devons une fière chandelle, parce qu'ils ont abattu un travail de titan.

Également, M. le Président, je voudrais remercier les fonctionnaires qui ont collaboré à cette entreprise, des fonctionnaires d'une grande expérience, et en particulier: M. Gaston Ouellet qui est secrétaire général associé au ministère du Conseil exécutif; M. Claude Lamonde qui est chef du Service des organismes publics au Conseil du trésor; M. Mario Bouchard du ministère des Finances; M. Mario St-Germain du ministère du Conseil exécutif; la secrétaire, Mme Sylvie Moisan, et une autre secrétaire, Mme Suzanne Miller.

M. le Président, je suis très fier du travail qui a été accompli, qui se situe dans la foulée des objectifs gouvernementaux de l'assainissement des finances publiques, et je pense que le travail qui a été fait a été très sérieux. Il a été considéré comme tel, et nous en voyons aujourd'hui l'un des premiers fruits. Alors, nous procédons à l'étude en deuxième lecture de ce projet de loi.

Fondamentalement, ce qui nous anime et nous amène à la révision proposée par le groupe de travail, c'est la nécessité de poursuivre la modernisation de l'État du Québec et de faire en sorte qu'il s'impose le même effort que celui demandé à nos concitoyens. Cette initiative n'est pas une idée neuve, faut-il le rappeler. Sous le précédent gouvernement, à quatre reprises entre 1986 et 1993, du rapport Gobeil aux efforts de l'actuel chef de l'opposition quand il était président du Conseil du trésor en passant par les rapports Poulin et Morin, des exercices similaires furent tentés. La méthodologie choisie cette fois imposait d'appliquer à chaque organisme un questionnement systématique pour juger de sa pertinence.

Pour chacun, le groupe de travail s'est posé les questions suivantes: Si l'organisme n'existait pas, y aurait-il lieu de le créer? Et, si oui, sous quelle forme? L'organisme est-il inopérant ou n'est-il qu'une coquille juridique? Répond-il toujours aux besoins des citoyennes et des citoyens? Répond-il toujours aux besoins gouvernementaux? L'organisme est-il toujours utile ou pertinent? Sa fonction est-elle conforme à son appellation? Y a-t-il des organismes qui exercent des fonctions similaires? Y a-t-il dédoublement de fonction avec d'autres organismes et sa fonction s'exerce-t-elle en complémentarité avec celle d'un autre organisme? Également, le groupe s'est posé la question: Si la fonction d'un organisme pouvait être modifiée, élargie, réduite, intégrée, où devrait s'exercer la fonction de cet organisme? Au gouvernement du Québec, au palier municipal, dans le secteur privé ou dans une entité mixte? Peut-on fusionner, par exemple, ses services administratifs avec ceux d'un autre organisme ou ministère? Quels sont les avantages escomptés par la réorganisation ou la fusion? Le gouvernement a donc tiré des leçons des expériences passées et a décidé de mettre en oeuvre, dès la présente session, plusieurs des recommandations du rapport du groupe de travail. C'est l'objet du projet de loi que je propose aujourd'hui pour son adoption de principe.

Le nombre initial et l'importance des abolitions proposées seront relativement modestes, mais il faut y voir une volonté ferme du gouvernement de donner suite aux recommandations du groupe de travail. Certaines des fusions d'organismes proposées, en raison de leur importance, demandent toutefois plus de recherches et de consultations. Des ministères seront mis à contribution afin de leur donner suite le plus rapidement possible. Les ministres devront faire leurs recommandations au Conseil des ministres d'ici le 31 mars prochain.

Les dispositions du projet de loi, dont je propose maintenant l'adoption de principe, se rapportent à l'Office des autoroutes du Québec, au Comité d'études musicales, au Comité d'études dramatiques, au Bureau d'examinateurs des mesureurs de bois, au Bureau des examinateurs en tuyauterie, au Bureau des examinateurs électriciens, à la Régie des télécommunications, à la Société de la Maison des sciences et des techniques, à la Société québécoise des transports, et à toute personne morale dont elle contrôle le capital-actions, et au Conseil de la recherche et du développement en transport.

L'Office des autoroutes du Québec n'a plus aucune activité depuis qu'elle a rempli son mandat à l'effet de gérer un fonds d'amortissement de la dette obligataire contractée pour la construction d'autoroutes. Les fonds lui restant ont même été transférés au ministre des Finances en 1992. De fait, ses opérations avaient pratiquement cessé lorsque nous avons aboli le péage sur les autoroutes en 1984 alors que j'étais ministre des Transports.

Le Comité d'études musicales et le Comité d'études dramatiques qui devaient étudier les questions d'enseignement intéressant le Conservatoire de musique et d'art dramatique et renseigner la ministre de la Culture et des Communications sur les questions qui lui sont soumises sont inopérants depuis quelques temps. La ministre peut prendre avis sur ces questions auprès des services concernés de son ministère.

(15 h 10)

Le Bureau des examinateurs en tuyauterie est chargé, quant à lui, de percevoir des honoraires, de tenir des registres et de diriger les inspecteurs nommés en vertu de la Loi sur les installations de tuyauterie. Ses fonctions seront intégrées à la Régie du bâtiment du Québec, comme le prévoyait la Loi sur le bâtiment de 1985. Dans les faits, les membres de ce bureau sont déjà des employés de la Régie du bâtiment.

Le Bureau des examinateurs électriciens est chargé de préparer des examens, de les administrer pour délivrer des licences de compagnons électriciens. Il perçoit aussi les honoraires, tient des registres et dirige les travaux des inspecteurs nommés en vertu de la Loi sur les installations électriques. Ses fonctions seront intégrées à la Régie du bâtiment du Québec, comme le prévoyait la Loi sur le bâtiment de 1985. Les examinateurs de ce bureau sont déjà des employés de la Régie du bâtiment du Québec.

Le Bureau d'examinateurs des mesureurs de bois a notamment pour fonction de préparer des examens, de les administrer aux fins de l'émission de permis des mesureurs de bois ou pour vérifier leurs compétences. Il tient aussi un registre des titulaires de ces permis. Ses fonctions seront intégrées à celles du ministère des Ressources naturelles. Deux des trois membres de ce Bureau sont des employés régis par la Loi sur la fonction publique. Le troisième membre, qui vient du secteur privé, n'est rémunéré que lorsque le Bureau se réunit.

La Régie des télécommunications du Québec est inopérante quant au mandat que lui confiait la Loi sur la Régie des télécommunications, suite à une décision de la Cour suprême du Canada, dans l'arrêt Guèvremont, de 1994, qui nie au Québec le droit de régir les télécommunications. Seul un membre de la Régie est toujours en poste; son mandat prendra fin le 18 mars 1998. Cette Régie exerce aussi des mandats quant à l'utilisation partagée de certaines installations d'utilité publique, tels les poteaux, les tours et les canalisations. Compte tenu que ces dispositions peuvent s'appliquer à des entreprises de distribution d'électricité, il y a lieu de confier ces mandats à la Régie de l'énergie, qui s'avère l'organisme le plus apte à les remplir, compte tenu, aussi, de ses fonctions et de ses pouvoirs.

La Société de la Maison des sciences et des techniques, instaurée en 1984, a cessé toute activité le 25 juin 1986. Elle n'a aucun actif ou passif, ni aucune personne à son emploi.

La Société québécoise des transports ne poursuit plus aucune activité de développement. Elle ne joue plus qu'un rôle de fiduciaire, qui s'amenuisera avec le paiement des derniers ajustements relatifs aux intérêts générés par les montants octroyés dans le cadre de l'entente tripartite Canada–Québec–Ontario pour réaliser des études de faisabilité au regard de la construction et de l'exploitation d'un train à haute vitesse. La Société a cependant une filiale qui assume un passif de 3 000 000 $. Le projet de loi contient donc des dispositions afin que les tiers ne soient pas lésés par leur dissolution, notamment en prévoyant que le ministre des Finances assumera les obligations de la Société et de sa filiale.

Le Conseil de la recherche et du développement en transport, créé en 1972, a pour principale fonction d'étudier toute question relative à la recherche et au développement en transport, de diffuser les résultats de ces études, de donner des avis en matière de développement en transport et d'apporter son soutien technique à toute action visant la promotion de la recherche et du développement en transport. Le groupe de travail a noté que le Conseil n'effectue pas de recherche à proprement parler. Il constate également que les recherches dans le domaine des transports sont surtout réalisées dans les universités et l'industrie privée. Le groupe de travail croit donc qu'il n'y a pas lieu de maintenir le Conseil de la recherche et du développement en transport et que sa fonction peut être exercée au sein du ministère. C'est une recommandation qu'il a faite et qui a été retenue par le gouvernement.

Une consultation auprès d'intervenants du ministère des Transports conclut à la nécessité, donc, de transformer le Conseil en une structure plus légère s'inscrivant dans les activités régulières du ministère des Transports. Ainsi, le ministre pourra sans formalisme établir une table de consultation où des intervenants dans le secteur de la recherche pourront se réunir selon les besoins, gardant ainsi contact avec les éléments les plus dynamiques du secteur de la recherche dans les transports. Alors, l'abrogation des dispositions législatives qui se rapportent à ces organismes nécessite la modification par concordance de plusieurs lois qui y référaient.

M. le Président, en terminant, je voudrais remercier tous les citoyens et citoyennes qui ont participé à ces différents organismes, qui ont rendu des services à l'État et qui aujourd'hui se retrouvent devant le fait que ces organismes ne sont plus aussi nécessaires ou peuvent être intégrés dans d'autres ministères ou directement dans les ministères. Mais je tiens ici à les remercier pour tout le travail qu'ils ont fait durant leur carrière à l'intérieur de ces organismes. Alors, je propose donc l'adoption du principe de ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Nous allons maintenant céder la parole au critique officiel de l'opposition, M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. D'abord, vous allez me permettre de constater votre retour à l'Assemblée nationale et de vous souhaiter nos meilleurs voeux de bonne santé. Vous allez être à même de constater avec moi que le projet de loi qui est déposé devant nous aujourd'hui, c'est un projet de loi où on parle peut-être de la vertu – et on ne peut pas être contre la vertu – mais encore faut-il l'avoir, la vertu. Eh bien, le projet de loi prévoit l'abolition d'une dizaine d'organismes qui ne sont pas opérationnels au moment où on se parle, qui ont été abolis, dans l'histoire, depuis plusieurs années, dans certains cas.

Au mois de septembre dernier, un groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux présentait un rapport en grande pompe ici, à l'Assemblée nationale, rapport qui a été surnommé – je voudrais simplement rappeler le nom de celui qui dirigeait les travaux – «le rapport Facal». Eh bien, ce rapport a été déposé à l'Assemblée. Ce rapport a d'abord étudié environ 209 organisations ou organismes, ministères, sociétés d'État et a fait des recommandations sur un peu plus de 90 organisations en termes d'intégration ou d'abolition. Aujourd'hui, M. le Président, on nous présente un projet de loi qui abolit des organisations qui sont maintenant inopérantes, qui ont déjà existé dans le passé. De ces 209 organisations qui ont été étudiées, 90 avaient été retenues; eh bien, c'est un projet de loi avec seulement 10 abolitions d'organisations qui ne fonctionnaient plus.

Alors, M. le Président, je voudrais quand même rappeler qu'il y a du monde qui a travaillé... En tout cas, il y a un groupe de six députés qui a examiné le rôle et les fonctions des différents organismes gouvernementaux afin de ne conserver que les organismes requis; ça faisait partie du mandat, M. le Président. Le rapport a proposé des réaménagements de certains de ces organismes qui devaient permettre de mieux les adapter au contexte socioéconomique des prochaines années et assurer un meilleur service à la population. Et on soulignait que l'ensemble des organisations étudiées représentait des déboursés pour l'État d'environ 1 000 000 000 $ pour une seule année.

M. le Président, ça aurait été intéressant de profiter du projet de loi pour étudier davantage les recommandations qui ont été faites dans le rapport, des recommandations sûrement intéressantes à questionner, notamment celle qui regroupaient les organisations de soutien à la recherche, celle aussi où il y a des recommandations de regrouper la collecte des statistiques sous un bureau Statistique Québec. Eh bien, je pense que ça aurait été intéressant de savoir davantage ce que le gouvernement avait l'intention de faire.

On parle également – et ça a fait les manchettes dans les journaux – d'étudier le regroupement d'un certain nombre de sociétés d'État à capitalisation sous la gouverne d'une seule société qui pourrait s'appeler la société générale de financement et de développement économique du Québec. Là-dessus, il y a plusieurs commentaires, certains éditoriaux; puis là encore, M. le Président, ça aurait pu être très, très intéressant de pouvoir en discuter avec nos collègues d'en face.

(15 h 20)

En agriculture, on recommandait la création d'une nouvelle société qui aurait permis de rationnaliser l'aide en agriculture par l'installation d'un guichet unique en région et de coordonner l'information concernant les dossiers des entreprises agricoles. Cette fusion aurait en outre les avantages de simplifier les structures d'aide aux agriculteurs. Là aussi, je pense que ça aurait été intéressant d'entendre ce que les agriculteurs ont à dire sur cette suggestion qui a été faite par le groupe de travail.

D'autres regroupements ont été suggérés: celui de la Commission d'accès à l'information – vous savez qu'elle est très, très d'actualité par les temps qui courent – alors on a suggéré de l'intégrer à la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse. Là aussi, M. le Président, il y aurait eu un questionnement intéressant à faire. Le regroupement du Conseil de la santé et du bien-être et du Conseil médical du Québec pour former un seul Conseil des services de santé, services sociaux et services médicaux. Là aussi, M. le Président, je pense qu'il y aurait eu des suggestions ou, à tout le moins, des recommandations qui auraient pu être intégrées au projet de loi n° 178.

Il y a des omissions dans le projet de loi, dans le projet de loi et aussi dans l'étude qui a été faite par certains de nos collègues. Dans le domaine de la santé particulièrement, je pense que le réseau se plaint depuis quelques années maintenant de la bureaucratie, particulièrement au niveau des différentes régions, des régies régionales. Là, également, M. le Président, un montant d'à peu près 100 000 000 $ est dépensé chaque année sans qu'un seul patient ait été soigné. Je pense qu'il y aurait eu... Ça aurait été un bon moment pour étudier la possibilité d'améliorer certaines de ces organisations-là, sinon les abolir.

M. le Président, au moment où on nous recommande aujourd'hui l'abolition de 10 organisations inopérantes, eh bien, je voudrais faire une courte rétrospective des organismes qui ont été créés depuis l'arrivée au pouvoir des péquistes. Eh bien, d'abord, l'Agence autonome Tourisme-Québec, l'Agence métropolitaine de transport, le Bureau de révision administrative, le centre local d'emploi, les centres locaux d'emploi, la Commission de la capitale, la Commission des partenaires du marché du travail, la Commission sur l'équité salariale, la Commission de développement de la métropole, la Commission de protection de la langue française – ça, c'est la police de la langue, M. le Président, on se souvient des débats – la Commission des lésions professionnelles, la Commission régionale des partenaires du marché du travail.

Les fonds, M. le Président: Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier, le Fonds de développement du marché du travail, le Fonds de partenariat touristique, le Fonds des pensions alimentaires, le Fonds national pour le développement de la formation professionnelle.

Les ministères, M. le Président: le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, le ministère de la Métropole, le ministère de la Famille, et ce matin on discutait encore du nouveau ministère des Régions.

Des tribunaux administratifs, Secrétariat à l'action communautaire autonome, Fonds de l'industrie des courses de chevaux, un Centre de perception fiscale – priorité du gouvernement, on le sait – Fonds de lutte contre la pauvreté, Service d'information et de référence, Commission des partenaires du marché du travail, et j'en passe, M. le Président.

Alors, au moment où, d'un côté, on nous dit: Bien, voici un gouvernement qui veut nous faire accroire, jusqu'à un certain point, qu'on diminue la taille de l'État, on abolit 10 organisations qui ne fonctionnent pas puis, de l'autre côté, on augmente. Je pense que le total est d'à près 50 à 60 nouvelles commissions, nouvelles agences, nouveaux fonds. Alors, c'est pour vous dire le double langage de ce gouvernement qui essaie vraiment de nous faire accroire... D'un côté, il diminue la taille de l'État, mais, dans les faits, cette taille augmente et continue d'augmenter.

M. le Président, il y a quand même un message d'espoir, et je fais référence à un de nos conseils généraux qui se sont penchés sur la taille de l'État. Un certain nombre de résolutions ont été adoptées en assemblée plénière, à notre congrès du mois de mars dernier. On s'attaque vraiment aux ministères qui sont ceux où les services à la population sont très importants, particulièrement l'éducation et la santé. Vous retrouverez dans le programme du Parti libéral des propositions pertinentes sur la diminution de la taille du ministère de l'Éducation, de même que sur la diminution de la taille du ministère de la Santé. D'autres de ces résolutions prévoyaient une diminution des structures pour la région de Montréal d'une façon particulière et, enfin, une diminution importante du nombre de ministères.

Alors, M. le Président, en terminant, je veux quand même signifier que le projet de loi qui est devant nous est à toutes fins pratiques une coquille vide. Est-ce que c'est parce que le menu législatif n'est pas suffisamment important? D'un côté, nous avons un rapport de six députés ministériels qui disent: On a au moins 90 organisations qui doivent être soit abolies, soit intégrées et, de l'autre côté, le projet de loi qui dit: On va en abolir seulement 10, puis ces 10 là, ce sont des organisations qui ne sont pas opérantes.

M. le Président, vous savez qu'on ne peut pas être contre la vertu, mais il faut avoir cette vertu. Alors, nous allons tout de même, par défaut, accepter le projet de loi, mais avec les nuances extrêmement importantes que je viens de vous citer. Nous aurions souhaité avoir un document sur lequel on aurait pu vraiment discuter avec les députés ministériels, particulièrement ceux qui ont travaillé à apporter des réflexions. Eh bien, on s'aperçoit aujourd'hui qu'encore une fois le gouvernement n'a même pas écouté ses propres députés. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Nous cédons maintenant la parole au député de Fabre. M. le député.


M. Joseph Facal

M. Facal: Merci beaucoup, M. le Président. Le député de Robert-Baldwin est bien intentionné mais visiblement mal informé. Disons, pour commencer, qu'il fait partie d'une formation politique qui a été au pouvoir de 1985 à 1994 et qui a donc eu neuf ans pour abolir ces organismes. Si le Parti libéral l'avait fait quand il en avait l'occasion, nous ne serions pas ici aujourd'hui.

Deuxièmement, il est inexact de dire que les recommandations du rapport portent sur 90 organismes. Au contraire, il est dit dans le rapport que 90 des organismes existants garderaient le statut légal qu'ils ont en ce moment. Les autres feraient l'objet de modifications de fond, ou de forme, ou de statut légal. Mais vous trouverez dans le rapport des recommandations sur l'ensemble des organismes gouvernementaux qui, au moment où nous avons entrepris notre rapport, étaient au nombre de 204 et non de 209.

Le député de Robert-Baldwin ignore également que, dans la foulée du dépôt du rapport, a été également institué au ministère du Conseil exécutif un secrétariat permanent aux organismes gouvernementaux dont le mandat est de travailler à temps plein à l'application de plusieurs des recommandations du groupe de travail. Il me fera plaisir de tenir informé le député de Robert-Baldwin de la progression de travaux éminemment complexes. C'est ce qui explique justement que l'on ne peut disposer en un projet de loi et en 20 minutes de toute une série de recommandations fort complexes qui demandent davantage approfondissement.

Pour le reste, comme le soulignait le président du Conseil du trésor, ce projet de loi ne devrait pas faire l'objet de bien longs débats puisqu'il consiste, en effet, en l'abrogation des dispositions législatives d'une dizaine d'organismes actuellement inopérants. Une fois la loi adoptée, ils cesseront donc d'exister. Là encore, le député de Robert-Baldwin confond «abolition» et «caractère inopérant».

Il est donc vrai que ce projet de loi a un caractère strictement technique. Malgré tout, c'est avec une satisfaction particulière que j'interviens, parce que ce projet de loi est en fait une conséquence directe d'une démarche beaucoup plus vaste à laquelle j'ai eu le privilège d'être étroitement associé et sur laquelle j'aimerais revenir.

(15 h 30)

On se rappellera, en effet, que c'est le 9 avril dernier que le Conseil des ministres donnait comme mandat à un groupe de six députés, parmi lesquels figuraient les députés de Terrebonne, Crémazie, Bourget, Roberval, La Peltrie et moi-même, un mandat qui comportait quatre volets principaux: il s'agissait d'identifier les organismes qui doivent absolument être conservés, d'identifier ceux qui pourraient être abolis, d'identifier lesquels et de quelle façon ils pourraient être regroupés, et de revoir, lorsque c'était pertinent, les modes de gestion ou les sources de financement de certains d'entre eux.

Le rapport a été rendu public le 24 septembre dernier, une semaine avant la date limite. J'ai pour habitude de dire que, comme nous n'étions pas une commission d'enquête, nous n'avons pas demandé de délai supplémentaire et nous avons respecté l'échéancier qui nous avait été donné. Le rapport a fait l'objet de plusieurs décisions dès la séance du Conseil des ministres du 22 octobre et a également fait l'objet d'une déclaration ministérielle du premier ministre le 23 octobre.

Il est peut-être bon aussi, pour comprendre la teneur des recommandations, de garder présents à l'esprit ce que j'appellerais les grands principes directeurs qui ont balisé notre démarche. Nous nous en étions donné essentiellement sept.

Nous voulions situer notre examen dans une perspective historique, c'est-à-dire faire l'effort de remonter jusqu'aux raisons pour lesquelles les organismes avaient été créés à l'origine et voir comment ils avaient évolué depuis. Nous avions ensuite tenté d'examiner brièvement ce qui s'est fait ailleurs dans le monde en termes de rationalisation des organismes gouvernementaux, puisqu'à cet égard le Québec fait face à une problématique exactement similaire à ce qu'on retrouve dans les autres sociétés occidentales. Nous avons également essayé de placer la préoccupation du meilleur service possible aux citoyens au coeur de l'analyse. Nous avons aussi tenté de resserrer, lorsque possible, lorsque pertinent, le lien d'imputabilité entre les organismes et leur ministre de tutelle. Nous avons aussi, encore une fois lorsque possible et pertinent, cherché à rapatrier certaines responsabilités d'orientation ou de direction dans certains ministères dont ces derniers avaient eu tendance à se départir au profit des organismes. Nous avons aussi, dans toute la mesure du possible, essayé de nous méfier de nos propres préjugés, parce que nous en avons comme tout le monde, et pour ce faire nous avons travaillé à partir d'une grille d'analyse rigoureuse faite d'une dizaine de questions auquelle le président du Conseil du trésor a fait référence et que nous avons systématiquement appliquée. Enfin, nous avons tenté d'aboutir à des recommandations applicables à relativement court et moyen terme.

J'ajoute aussi que, contrairement à ce que certains ont prétendu, nous avons donné aux organismes l'occasion de nous donner leur avis sur eux-mêmes. Ils ont reçu un questionnaire et ceux contactés ont tous, sans exception, répondu en nous faisant parvenir une documentation qui allait de l'exercice de l'auto-encensement jusqu'à la réflexion très lucide et très rigoureuse sur eux-mêmes et leur avenir.

Nous avons donc, en tout, étudié 204 organismes qui reçoivent au total 1 011 000 000 $ en crédits votés par l'Assemblée nationale pour leur administration, somme qui n'inclut donc pas la part d'autofinancement dont disposent beaucoup d'entre eux. En termes d'effectifs, ces organismes employaient au dernier décompte 56 372 équivalents temps complet. Nous nous sommes exercés, au début de l'exercice, à classer en grandes catégories ces 204 organismes et, croyez-le ou non, M. le Président, on retrouvait – évidemment, cette liste est en constante évolution – 29 comités consultatifs, 31 commissions, 21 conseils, 20 tribunaux administratifs, 23 offices, 25 régies, 12 sociétés d'assistance financière et technique, huit sociétés gérant des régimes d'assurance et de retraite, cinq sociétés de services, 20 sociétés gérant des équipements, 10 sociétés d'État.

Je ne vous cacherai pas, M. le Président, que nous avons trouvé que c'était beaucoup, beaucoup trop pour un État qui n'est que provincial pour l'instant et pour une société qui ne compte que 7 500 000 habitants. Je rappelle également qu'étaient nommément exclues de notre mandat Hydro-Québec, Loto-Québec et la Caisse de dépôt et placement.

Étant donné que le champ à couvrir était immense, que nous disposions de peu de temps et d'un tout petit coffre à outils, je dirais – si vous me permettez de faire image – que nous avons agi un peu comme un satellite qui photographie le territoire, d'en haut, sachant pertinemment que, de cette façon-là, le satellite réussit à capter les grands reliefs, les grands lacs, les grandes montagnes, mais qu'il peut arriver que des petits détails ou des petits monticules échappent à son attention. Je ne reprendrai pas la grille d'analyse que nous avons utilisée, le président du Conseil du trésor y a fait référence, mais je dirais que, s'il y a une question qui – je l'appellerais presque la question de Damoclès – pesait au-dessus de chaque organisme et qui résume un peu le sens de notre démarche, c'était: Si l'organisme n'existait pas, y aurait-il lieu de le créer aujourd'hui? Et, si oui, sous quelle forme? On trouve donc dans le rapport deux niveaux d'analyse, des recommandations concrètes et précises sur chacun des organismes étudiés, mais également une réflexion plus globale sur la direction qu'il convient d'imprimer aux rapports futurs entre les organismes gouvernementaux, les citoyens et l'autorité politique.

Qu'avons-nous découvert? Un peu de tout. Nous avons découvert que certains organismes n'avaient plus leur raison d'être: soit qu'ils avaient mené à terme avec succès la tâche à accomplir, soit qu'ils étaient devenus inopérants par suite d'un changement d'orientation politique, soit qu'ils avaient cessé d'être pertinents et utiles, soit qu'il apparaissait maintenant plus opportun d'en confier la responsabilité à des instances régionales ou locales. Nous avons aussi remarqué qu'au cours des années les autorités politiques ont souvent eu tendance à créer des organismes pour ensuite leur transférer des problématiques délicates dont elles veulent se tenir à distance. Un bel exemple: la Commission des biens culturels. Un autre bel exemple: la Commission municipale du Québec.

Il est donc assez difficile, vu l'immensité du champ couvert, de résumer en termes de principes nos recommandations les plus générales, mais je dirais, pour risquer tout de même l'exercice, qu'à notre avis il faudrait d'abord s'assurer qu'à l'avenir un organisme reçoive une appellation qui corresponde véritablement à sa fonction. Je vous donne quelques exemples: nous avons un Conseil de la magistrature qui ne conseille personne; nous avons une CARRA, Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, qui est en fait une société administrative et pas une commission; nous avons une Commission des normes du travail qui, dans le fond, fait oeuvre de régie et non de commission. Souvent, nous avons donné aux organismes une appellation qui n'est pas correcte, qui ne correspond pas véritablement à la fonction qui est la sienne.

Il nous est apparu également utile de proposer le regroupement des services administratifs d'organismes oeuvrant dans des champs identiques ou connexes. Il nous est apparu aussi qu'il était tout à fait possible de fusionner des organismes dont les mandats sont convergents ou complémentaires. Dans bien des cas, il nous est aussi apparu pertinent de transférer aux instances régionales et locales certains mandats. Finalement, il nous est apparu que les mécanismes d'imputabilité de certains organismes devaient aussi être modifiés, de même qu'il serait envisageable d'introduire beaucoup plus fréquemment la gestion par résultats.

(15 h 40)

Je ne m'étendrai pas sur les faits saillants du rapport, qui ont été largement diffusés et commentés. Je voudrais simplement dire à quoi nous en sommes présentement, et, pour cela, je crois qu'il est bon de retourner à la déclaration du premier ministre du 23 octobre. Le 23 octobre dernier, le premier ministre a annoncé qu'un premier projet de loi serait déposé afin d'abolir immédiatement quelques organismes. C'est ce que nous avons fait il y a quelques jours et ce que nous débattons aujourd'hui. En même temps, d'autres mesures sont présentement en train d'être prises pour soustraire de la liste des organismes gouvernementaux des organismes qui devraient désormais être intégrés à un ministère ou considérés simplement comme des comités de travail des ministres ou comme des comités internes d'organismes plus larges. Les travaux conduisant à la création de Statistique Québec et regroupant l'Institut de recherche et d'information sur la rémunération, le Bureau de la statistique du Québec, le Centre de recherche en statistique sur le marché du travail du ministère du Travail et Santé Québec sont déjà en bonne voie. Il reste évidemment à déterminer quelle sera l'autorité politique de qui relèvera Statistique Québec, mais il nous est apparu que le moment était venu de centraliser en un lieu unique la cueillette et le traitement des données statistiques, dans une seule entité qui portera le nom «Statistique Québec».

Pour le reste, et je suis sûr que le député de Robert-Baldwin en conviendra avec nous, certaines des fusions d'organismes proposées par le rapport du groupe, en raison de leur importance, demandent évidemment plus de recherches et de consultations. Les ministères ont tout de suite été mis à contribution afin de leur donner suite, et les ministres concernés devront faire leurs recommandations au Conseil des ministres d'ici au 31 mars prochain. Parmi ces propositions qui en ce moment sont en train de faire l'objet d'études plus approfondies figure notamment le regroupement en un lieu unique de l'ensemble des organismes s'occupant des questions autochtones, figure la meilleure coordination du soutien financier gouvernemental à la recherche scientifique, figure la rationalisation des organismes du gouvernement qui régissent le monde du bâtiment et de la construction, figurent également une rationalisation des services gouvernementaux de soutien au monde agricole ainsi qu'une meilleure coordination de l'action économique de quelques-unes de nos sociétés d'État.

Si nous avions rendu public tout cela maintenant, l'opposition nous aurait probablement accusés d'aller trop rapidement; et, comme on prend le temps de bien faire les choses, maintenant, nous sommes, au contraire, trop lents. Ce qu'il faut savoir, c'est que le ministère du Conseil exécutif et le Secrétariat du Conseil du trésor ont été chargés de coordonner la mise en oeuvre des suites données au rapport et, comme je l'ai déjà dit, a été institué un secrétariat aux organismes gouvernementaux dont le travail à temps plein est de s'assurer du suivi des recommandations découlant du rapport.

Je n'abuserai pas plus longtemps, M. le Président. Je termine simplement en vous disant que les membres du groupe de travail sont parfaitement conscients que des exercices du genre de celui que nous avons mené, à l'instar de bien d'autres projets globaux de réforme dans ce domaine et dans d'autres, n'atteignent jamais complètement tous leurs objectifs, et nous vivons sans problème avec cela. L'essentiel est d'augmenter le degré de réussite d'un effort à l'autre afin notamment de redresser la confiance de nos concitoyens dans nos institutions, qui en ont bien besoin, et de contribuer aussi à ce qu'émerge peu à peu la véritable solution qui serait une nouvelle culture, si je peux parler ainsi, d'autodiscipline de la part des élus et de la part de la haute fonction publique pour nous prémunir contre la prolifération bureaucratique, et ce que nous déposons aujourd'hui n'est qu'un premier pas dans cette direction. Nous ouvrons là un chantier pour de longues années de travail. Je vous remercie beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Fabre. Nous céderons maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais appuyer le principe du projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes, Bill 178, An Act to abolish certain bodies.

Je pense que, comme députés, on a toujours discuté la question du comment on peut valoriser le rôle des députés, et surtout les députés qui ne sont pas ministres. Alors, je pense qu'en premier lieu il faut saluer le travail qui est effectué par le député de Fabre et ses cinq collègues qui ont réussi à faire un examen assez attentif de l'appareil du gouvernement. Je pense que, dans un moment de rareté des ressources, on a tout intérêt à féliciter le député de Fabre pour un rapport qui est fort intéressant. Je pense que les députés des deux côtés de la Chambre doivent regarder ça attentivement.

Pourtant, je ne peux pas passer sous silence l'écart entre les attentes qui ont été créées par ce rapport et ce qui est devant nous aujourd'hui, le projet de loi n° 178. Je rappelle les quelques manchettes que le rapport du député de Fabre a faites dans les journaux: Les organismes gouvernementaux devraient être réduits de moitié , a dit Gilles Lesage, du Devoir , au mois de septembre. Un comité propose un grand ménage dans les organismes gouvernementaux , dans La Presse , de Katia Gagnon. Les organismes publics passés au peigne fin , Michel Corbeil, dans Le Soleil .

Alors, les attentes sont très élevées avec le projet de loi qui est devant nous, avec la réflexion que le député de Fabre a faite qu'on va vraiment arriver avec un grand ménage, qu'on va vraiment arriver avec un rapport et un projet de loi qui vont en profondeur pour regarder c'est quoi, l'appareil de l'État, c'est quoi, les commissions, les comités, les conseils qu'on peut passer outre. Mais ce qu'on a devant nous, c'est comme l'éléphant qui a accouché d'une souris – The elephant gave birth to a mouse, Mr. Speaker – parce qu'il n'y a presque rien dans le projet de loi n° 178. Le seul reproche qu'on peut faire, de notre côté de la Chambre, c'est qu'on a réduit les 204 organismes qui étaient là au point de départ. Il y en avait 96, si j'ai bien compris, qu'il fallait regarder attentivement pour les fusions, les changements de mission ou pour l'abolition, mais, de là, on est rendu à 10 organismes. Et, si j'ai bien compris, c'est 10 organismes déjà inopérants; alors, les économies doivent être modestes, si elles existent.

J'ai entendu le discours du député de Fabre qui a mentionné 1 000 000 000 $ de budget pour les 204 organismes. Il a parlé de 56 000 ou 57 000 ETC à travers tous ces organismes. Mais les économies sur les 10 qu'il y a devant nous maintenant, je n'en ai pas entendu parler beaucoup; je pense que, si ce sont des commissions, des conseils, des structures inopérants, elles doivent être assez modestes, parce que sinon il aurait mentionné ça en manchette dans son discours. Et c'est ça qui est troublant, parce qu'il faut, pour ne pas faire un exercice qui n'est que de la poudre aux yeux, rappeler que ce gouvernement a ajouté un grand nombre de structures, un grand nombre d'organismes à l'appareil gouvernemental.

Alors, de laisser aux personnes qui nous écoutent l'impression que ce gouvernement est en train de sabrer dans la machine en prenant 10 organismes déjà inopérants et les fermer, je pense vraiment que ce n'est pas un vrai portrait de ce qui se passe au niveau de la taille du gouvernement. Il y a déjà cinq ministères qui ont été créés ou sont en train d'être créés par ce gouvernement; on a vu des centres locaux de développement, on a vu des centres à la petite jeunesse, les centres Carrefour jeunesse-emploi, les centres locaux d'emploi; tous des projets fort louables, mais c'est juste que, quand on prend tout ça ensemble, on est à ajouter à la taille de l'État au lieu de la réduire.

Et je pense que tout le monde a convenu, au moment où on est obligé de couper dans l'aide sociale, comme ce gouvernement a fait à quelques reprises, qu'on a tout intérêt de voir si on peut faire mieux avec moins, si on peut vraiment couper dans les structures. Au lieu de faire ça, le gouvernement, comme j'ai dit, présente un projet de loi ici qui nous laisse l'impression qu'il est vraiment en train de s'attaquer à ce problème. Et c'est loin de la vérité, M. le Président. Parce que, comme j'ai dit, pour les 10 organismes ou comités qui sont dans ce projet de loi, on peut arriver avec une grande liste de structures qui ont été créées depuis deux ans. Alors, ce n'est même pas match nul; au contraire, on a augmenté la taille de l'État, on a augmenté le nombre de structures au lieu de les réduire.

Comme j'ai dit, au moment où on n'a pas les moyens de supporter les programmes existants de l'aide sociale, entre autres, je pense qu'on a tout intérêt de voir peut-être qu'il y en a quelques-unes où on peut aller de l'avant, peut-être qu'il y a d'autres recommandations du député de Fabre qui peuvent produire des économies réelles. Parce que, encore une fois, en regardant les dépenses de ce gouvernement, ce gouvernement qui demande des sacrifices énormes aux autres Québécois et Québécoises, en prenant par exemple les commissions scolaires, en prenant par exemple les municipalités qui sont appelées à couper de 6 % dans leurs propres dépenses, avec la loi n° 173 qui est devant nous, c'est quoi, l'effort que le gouvernement lui-même a fait? 0,6 %, M. le Président, un dixième de l'effort qui est exigé de nos partenaires municipaux!

(15 h 50)

Si on regarde, dans l'ensemble la situation, pourquoi il y a un changement dans la situation et qu'on réduit le déficit cette année, oui, il y avait des compressions de 246 000 000 $ – ça, c'est le 0,6 % – mais on a augmenté les taxes directes de 730 000 000 $. Alors, le même gouvernement qui est en train de chanter à maintes reprises que la taxe tue l'emploi est en train de tuer l'emploi parce qu'il est en train encore une fois d'augmenter les taxes. La loi n° 161, qui est en commission, seulement elle, c'est 1 100 000 000 $ de taxes nouvelles, dans ce projet de loi. Alors, on est en train de taxer directement les choses qu'on contrôle ici, la taxe de vente et d'autres taxes, les tarifs sur beaucoup de services, mais on ajoute indirectement au fardeau fiscal des familles québécoises. La taxe scolaire, surtout, à l'île de Montréal, qui a augmenté de 45 %... On voit une augmentation importante dans les taxes municipales de plusieurs municipalités au Québec pour répondre aux commandes qui ont été faites par le ministre des Affaires municipales. Alors, c'est ça, on taxe, on taxe, on taxe. Mais, pour faire preuve de notre grand effort pour sabrer dans la machine, on voit la modeste liste des organismes qui sont dans la loi n° 178.

M. le Président, on ne peut pas passer ça sous silence. Si le gouvernement veut vraiment s'attaquer au problème de la création d'emplois et également veut dégager les sommes nécessaires pour nos programmes d'aide sociale, pour l'éducation, pour les missions essentielles de l'État, il faut arriver avec un projet de loi nettement plus sérieux quant à la question d'attaquer la taille du gouvernement. Comme j'ai dit, on va voter pour ce projet de loi, on va mettre la clé dans une dizaine d'organismes inopérants. Ça, c'est une chose, mais on est loin vraiment de faire l'effort nécessaire, pour le gouvernement, de réduire ses propres dépenses, parce que c'est ça qui est en jeu. Et, si on n'est pas capable de couper dans les propres dépenses du gouvernement, comment est-ce qu'il peut exiger des contribuables québécois, comment est-ce qu'il peut exiger des commissions scolaires, comment est-ce qu'il peut exiger des municipalités de faire les efforts de couper des dépenses nettement plus importantes? Comme j'ai dit, dans le cas des municipalités, on parle d'un effort 10 fois plus important de compressions; eux autres arrivent à abolir quelques organismes et le Comité d'études musicales.

Je ne connais pas les efforts, mais on me dit, on m'assure – je vois même la ministre de la Culture qui est parmi nous maintenant – que ce serait une compression qu'on peut faire. Mais ce n'est pas comme ça qu'on va économiser assez d'argent, aller, comme j'ai dit, soit bonifier les missions essentielles de l'État ou réduire le fardeau fiscal des Québécois. Parce que ça, c'est les enjeux, et c'est ça qu'on ne fait pas. Alors, d'arriver avec un projet de loi modeste... Comme j'ai dit, je me joins à mon collègue le député de Robert-Baldwin. On va appuyer le gouvernement, mais je pense qu'on est loin de l'effort sérieux et on est loin même des attentes qui ont été créées dans la population par la publication du Groupe de travail sur l'examen des organismes gouvernementaux.

In short, Mr. Speaker, I think what we have today is an exercise... and the Government... a little bit of goodwill: Yes, yes, we're working very hard in reducing our own expenses. See, we've abolished 10 organizations. But, as the Minister or the president of the Treasury Board and the Member for Fabre have said quite clearly, these were organizations that did not operate anyway. There is no real savings to the State, we'll be able to reduce 10 names off of the lists, the charts that are included in this report. When it comes down to attacking at the Government's spending, reducing Government's spending at a time where we have to cut welfare payments, where we have to cut in the kinds of money we give to our schools, where children are forced to share textbooks in the classroom because we do not have enough money for everyone in the classroom, I think the effort just made here leaves a lot to be desired and I think we really could go back to the expectations that were created by this committee.

The talk about either merging or abolishing 96 organizations, well, that's something like the «grand ménage», the big cleanup that was promised in the headlines when this report came out, but there is an enormous gap between the expectations that were created here and what we find in Bill 178. I think it's very important, because, despite the fact the Government goes on and on about the great sacrifices it's making, the real sacrifices that are being made are not by the Government, which has only succeeding in cutting its own expenses by 0.6 % – less than 1 %. It turns around and asks the municipalities to cut 6 %!

I was reading again my press clippings this morning. Boisbriand: one of the things they looked at to make sure that they can meet the order made by the Minister of Municipal Affairs: cut the hours where the library is open. We're going to see this repeated again and again because those kinds of services have to be cut or they raise taxes. And, as I say, for every dollar this Government is spending less this year, of the 246 000 000 $, they have increased taxes by 760 000 000 $. So it's three for one. We raise taxes three dollars, and maybe we can find one dollar, whereas with our partners in the schools, our partners in the hospitals, our partners in the municipalities and, most importantly, the taxpayer, we're asking them to do more and more. Bill 160, which is in commission right now, 1 100 000 000 $ more taxes will come out of that bill.

So these are the things that we are doing. The Government is not serious in its efforts of cutting its own spending; it's not serious in picking up the challenge from six of its own members, six members of the Government party that wrote this report that argue that we have to do a big cleanup, that there are many organizations that unfortunately have outlived their mandate, and everything else like this, and that it's the time to go and attack them. We're not seeing that work being done and as a result taxes are going up for individual Quebeckers and services, essential services, I would argue, to the citizen are being cut.

Alors, c'est pourquoi, comme je dis, c'est un bon départ. Et peut-être un autre message au député de Fabre. Dans l'avenir, parce que, moi, j'ai toujours prôné que, quand on est en train de créer un organisme, il faut mettre dans chacune de nos lois un genre de clause crépusculaire, ou au moins l'obligation pour les députés de revoir, trois ans, cinq ans après: Est-ce qu'on a toujours besoin de ce ministère? Est-ce qu'on a toujours besoin de cette commission? Est-ce qu'on a toujours besoin de cette société? Je pense que la réflexion s'impose, parce que c'est une remarque bipartisane, non partisane que je fais.

C'est toujours beaucoup plus difficile de mettre la hache dans quelque chose que de créer quelque chose. Créer quelque chose, il y a un ruban qu'on peut couper, les hebdos sont là, tout le monde est heureux, on est en train de mettre quelque chose en place. Bonne nouvelle! Mais d'arriver à la fin, comme le président du Conseil du trésor a dit, ça ne met aucunement en cause le bon travail effectué dans les années passées par les personnes qui ont travaillé dans ces organismes. Ça, ce n'est pas en question. C'est juste... Soit ce n'est plus pertinent, ou on n'a plus les moyens, ou on a d'autres priorités.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt, comme législateurs, comme parlementaires, de toujours exiger un genre de réflexion après cinq ans; la situation a changé, nous avons eu une évolution. Alors, peut-être que la priorité qu'on a mise en place n'est plus bonne, n'est plus valable et qu'on a tout intérêt de changer ça.

Alors, je vais terminer sur ça. Dans l'avenir, dans tous nos projets de loi, de création de structures, je pense que nous devrons mettre l'obligation, pour la commission parlementaire appropriée, de faire une révision à tous les cinq ans pour dire: Est-ce que ca fonctionne? Parce que des fois on met des choses en place avec la meilleure volonté du monde et ça ne marche pas. C'est la société humaine. Ça arrive des fois. Alors, je pense qu'on a tout intérêt, le devoir de dire: Ça n'a pas marché; on n'a pas les moyens. Si on veut être capables de préserver notre système d'aide sociale, si on veut être capables d'ajouter les sommes qui ont été coupées, si on veut s'assurer que chaque élève dans nos écoles ait un livre pour suivre les leçons de son maître, je pense qu'on a tout intérêt à revoir nos structures et de voir si c'est vraiment essentiel d'aller de l'avant avec la structure qui est proposée. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, comme il n'y a pas d'autres intervenants, le principe du projet de loi n° 178, Loi sur l'abolition de certains organismes, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Jolivet: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit référé à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Jolivet: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, nous allons revenir sur nos pas et prendre en considération l'adoption du principe sur le ministère des Régions, et l'article 11.


Projet de loi n° 171


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 11 de votre feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, permettez-moi de vous dire jusqu'à quel point, en tant que députée du comté de Rimouski, je suis heureuse et fière de m'adresser à vous aujourd'hui sur le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions.

(16 heures)

L'adoption du principe de ce projet de loi démontre de façon tangible et de façon très actuelle la priorité qu'accorde le gouvernement du Parti québécois aux régions du Québec. C'est le gouvernement des régions, et encore aujourd'hui nous en faisons la preuve.

Vous savez, avec la publication en avril 1997 du livre blanc sur la politique de soutien au développement local et régional et aujourd'hui avec la création d'un ministère des Régions, c'est toute la régionalisation des activités gouvernementales qui devient ainsi une réalité. Nous passons en quelque sorte de la parole aux actes, et nous respectons avant tout nos engagements électoraux.

Alors, cette loi tant attendue de l'ensemble de la population de toutes les régions du Québec, qu'est-ce qu'elle prévoit? Elle prévoit la création du ministère des Régions dirigé par un ministre désigné. Elle détermine le champ d'action du ministre et ses principaux pouvoirs et fonctions en matière de développement local et régional. Ce projet de loi donne en quelque sorte une assise juridique aux instances locales et régionales que sont les centres locaux de développement et les conseils régionaux de développement. Ce projet de loi institue également le Fonds de développement régional qui sera, lui, affecté au financement des mesures prévues dans le cadre d'ententes exercées par les conseils régionaux de développement.

Ce projet de loi permet également au gouvernement d'associer étroitement les communautés locales et régionales au développement économique du milieu. Il s'agit là d'un souhait qui a été maintes fois exprimé par les gens des régions au cours des différentes consultations des dernières années, que l'on pense à la commission Bélanger-Campeau, que l'on pense à la commission sur l'avenir du Québec. À l'intérieur de ces commissions, les intervenants, la population des différentes régions ont toujours réclamé du gouvernement du Québec plus de pouvoirs, plus de responsabilités. Et c'est ce que nous faisons aujourd'hui en leur offrant le projet de loi n° 171. C'est ainsi que le gouvernement tient parole et répond aux attentes de la population.

M. le Président, à ce stade-ci, j'aimerais surtout m'attarder sur un des éléments majeurs du projet de loi n° 171, soit la question des CLD. C'est quoi, un CLD? Et bien, pour faire une petite histoire courte, je vous dirais que c'est un guichet multiservices adapté à chaque milieu, regroupant ou coordonnant les services actuels destinés à l'entrepreneuriat, à l'entrepreneurship et qui dispose d'une enveloppe budgétaire intégrée. Dorénavant, le gouvernement accréditera et contribuera au financement d'un seul organisme local de soutien aux entreprises par territoire de MRC. Le CLD constitue donc une porte d'entrée unique pour assurer les mesures de soutien aux entreprises et aux employeurs.

J'aime à rappeler que la politique de soutien au développement local et régional rendue publique en avril dernier par le ministre responsable du Développement des régions, M. Guy Chevrette, a pour but de simplifier, d'améliorer et de rationaliser l'ensemble des services liés à l'entrepreneuriat. Il faut se rappeler qu'il y avait quelque chose comme 75 services et programmes auxquels pouvait se référer un entrepreneur ou une entreprise et que c'était un peu, beaucoup trop pour quelqu'un qui voulait rapidement se retrouver et savoir où se diriger pour avoir les services auxquels il avait droit. Maintenant, cette politique vise aussi à impliquer davantage les communautés locales et régionales dans le développement de leur milieu et mettre fin ainsi au mur-à-mur dans les programmes gouvernementaux.

Les CLD seront donc des guichets multiservices pour l'entrepreneuriat, gérés par le milieu. Les services offerts par les CLD seront diversifiés et, selon les besoins des milieux, ils pourront comprendre notamment des services comme pour l'aide au montage de plans d'affaires, la recherche de financement et des services d'accompagnement aux entreprises. Cela dépendra de chacun des milieux et de chacun de leurs besoins.

Qui fera partie de ces fameux CLD? Vous savez, le conseil d'administration des CLD regroupera plusieurs partenaires de différents milieux, qu'il s'agisse du monde des affaires, du monde municipal, syndical, coopératif, communautaire, institutionnel, et j'en passe. Ces représentants seront nommés par chaque collège électoral et pourront ainsi être représentatifs de leur milieu au sein du CLD. Ce n'est pas M. le préfet ou M. le responsable du conseil économique local qui va déterminer qui fera partie du CLD, mais bien les collèges électoraux qui procéderont entre eux à la nomination de leurs représentants. Et ces représentants-là seront les personnes désignées qui siégeront au conseil d'administration des futurs CLD.

Il faut se rappeler également que chaque CLD disposera d'une enveloppe budgétaire intégrée qui lui permettra d'assumer les responsabilités qui lui sont confiées dans le cadre de la politique de soutien au développement local et régional.

Le 30 octobre dernier, le ministre responsable des régions annonçait qu'une somme de 60 000 000 $ sera consacrée au financement des CLD, et ce, dès le 1er avril prochain. Cette somme a été répartie équitablement entre chacune des 17 régions du Québec, et ce, selon trois critères bien précis, connus des régions, c'est-à-dire: la population, de combien de personnes se compose la population d'une région donnée; dans cette population, le nombre de personnes à faibles revenus; ainsi que le nombre d'emplois à créer par la région.

C'est ainsi que la région du Bas-Saint-Laurent, à laquelle appartient le comté de Rimouski, se voit confier la somme de 2 682 346 $ pour faire du développement économique. L'enveloppe régionale du Bas-Saint-Laurent a été répartie équitablement entre les huit MRC de la région selon des critères spécifiques à notre région, c'est-à-dire: le nombre de MRC – chez nous, nous avons huit MRC, dans notre région – le nombre de personnes à faibles revenus; le nombre d'emplois à créer – et, dans la région du Bas-Saint-Laurent, les huit MRC auront 26 000 emplois à créer. Alors, c'est un mandant qui est quand même très, très important et qui est exigeant. Je pense que ces argents seront bienvenus pour rencontrer les objectifs fixés.

Il y a eu également un facteur correctif qui a été lié à la richesse foncière uniformisée. Tous ces facteurs ont servi à rediviser l'enveloppe régionale entre les différentes MRC de la région. Et, pour le bénéfice de notre population, permettez-moi, M. le Président, de vous faire part de la répartition intrarégionale. C'est ainsi que la MRC de la Matapédia recevra 330 721 $; Matane, 338 942 $; La Mitis, 314 669 $; Rimouski-Neigette, qui comprend 15 municipalités sur 20 de mon comté, recevra la somme de 410 205 $; Les Basques, 271 548 $; Rivière-du-Loup, 344 957 $; Témiscouata, 349 168 $; et le Kamouraska, 322 136 $. À même ce budget, chaque CLD devra assurer son fonctionnement, prévoir une somme destinée à des interventions directes de soutien à l'entreprenariat et soutenir le développement de l'économie sociale. Chaque CLD est unique, puisque ce sont les gens du milieu qui décident de leurs priorités et de leurs programmes ainsi que de la façon dont est réparti le budget annuel.

Et je voudrais insister, M. le Président, pour dire ici, aujourd'hui, que l'économie sociale est très, très importante comme rôle moteur du développement économique de chacune des régions du Québec. Il n'y a pas de développement économique sans développement social et il n'y a pas de développement social sans développement économique. Et je pense que le gouvernement l'a très bien compris en exigeant la présence des partenaires qui développent, dans chacune des régions du Québec, ce volet de l'économie qui est celui de l'économie sociale au sein des CLD.

Au montant que chaque CLD reçoit du gouvernement du Québec s'ajoute une contribution financière des municipalités correspondant, au minimum, au montant qu'elles versaient en 1996 pour le développement économique de leur milieu. Dans le Bas-Saint-Laurent – le gouvernement actuel s'est montré très sensible à la situation particulière du Bas-Saint-Laurent – le gouvernement du Québec versera, pour chaque dollar versé par le milieu, la somme de 3 $.

Je pense que la répartition globale du 60 000 000 $ ainsi que la répartition intrarégionale nous ont donné l'occasion de faire un bel exercice de concertation région par région à la grandeur du Québec. En peu de temps, et dans tous les milieux, les intervenants se sont concertés pour répartir le budget alloué à leur région. Il s'agit là d'une belle preuve qu'en se concertant pour réaliser des objectifs précis nous pouvons réussir. Avec la répartition interrégionale et intrarégionale de l'enveloppe globale, un pas important a été franchi dans la mise en place de la politique de soutien au développement local et régional. Tous les milieux connaissent maintenant les sommes mises à leur disposition pour soutenir le développement économique.

(16 h 10)

C'est avec beaucoup de fierté que nous respectons nos engagements en poursuivant aujourd'hui notre objectif de donner aux communautés locales et régionales les outils nécessaires pour assurer leur développement. C'est pourquoi, M. le Président, je voterai avec fierté et avec le sentiment du devoir accompli, en faveur du projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Rimouski. Nous céderons maintenant la parole au député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais intervenir dans le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions, Bill 171, An Act respecting the Ministère des Régions.

Je veux rappeler aux membres de cette Chambre le discours inaugural du premier ministre et député de Jonquière quand il est arrivé ici comme nouveau premier ministre, au début de l'année 1996, en disant qu'il avait lancé un défi à son nouveau Conseil des ministres, à son gouvernement: Nous devrons sabrer dans les structures, mais les services à la population ne seront pas touchés. Alors, c'est ça, le défi qui a été donné au moment de... Quand ce gouvernement a été sous une nouvelle administration, à partir de 1996, il a décidé que ça, c'est vraiment la mission essentielle, sabrer dans les structures, sabrer dans la machine.

Depuis ce temps-là – ça fait une vingtaine de mois – c'est maintenant la cinquième fois qu'on est appelés à regarder la création d'un nouveau ministère. Alors, je pense qu'on a tout intérêt, comme parlementaires, à dire: Une minute! Un gouvernement qui est obligé de couper dans l'aide sociale, un gouvernement qui est obligé de couper dans la formation donnée à nos jeunes, quand le nombre de livres qu'on peut donner à nos enfants pour étudier dans leurs classes est déficient, selon la ministre de l'Éducation... Mais, pour la création des ministères, on a bar ouvert. C'est un genre de bar illimité qu'on peut utiliser pour la création d'une autre structure. Alors, moi, je pense qu'on a tout intérêt à regarder ça attentivement. Je venais de faire le même plaidoyer dans un autre projet de loi, mais je vais continuer, nous devrons regarder ça très attentivement. Avant de mettre de côté ou de réadapter les structures, il faut voir: Est-ce qu'on a vraiment besoin de ça? Est-ce que ça, c'est un outil essentiel? Est-ce que c'est vraiment un ajout de choses qui vont rendre les services à la population plus efficaces ou non? Alors, je pense que ça, c'est un devoir que nous devrons faire, peu importe le sujet qui est traité.

Des derniers deux ministères qui ont été créés, un a traité de la famille et un autre a créé la métropole dans la région de Montréal. Alors, comme Montréalais et comme père de famille, j'ai énormément d'intérêt dans ces deux sujets. Mais, après avoir regardé les projets de loi, après avoir regardé le fonctionnement proposé, j'ai dit: On n'a pas besoin de ce nouveau ministère. Je parle surtout dans le dossier de la métropole, je pense que notre formation politique avait raison. Je regarde le ministère de la Métropole, ça ne marche pas. On est maintenant rendu à pas loin d'une centaine d'employés, de fonctionnaires qui essaient de mettre un petit peu d'ordre dans la situation sur l'île de Montréal. Mais on a juste à regarder les manchettes ce matin, M. le Président, la ville de Montréal, avec un budget virtuel, «fantasme», je ne sais pas l'adjectif précis, mais un budget où tout est beau, tout est caché, les beaux «pie charts» pour expliquer comment la ville de Montréal va dépenser l'argent, sauf qu'il y a 125 000 000 $ qui manquent. C'est un drôle de budget à présenter comme ça. En manquant 125 000 000 $, on a des tiraillements entre la CUM, le CRD, les sociétés de transport et l'Agence métropolitaine de transport. Nous avons mis trop d'acteurs dans le champ, alors ça ne marche pas.

Moi, je regarde la métropole et je regarde comment on a une commission de développement de la métropole qui est complètement caduque. On a adopté un projet de loi. Nous avons donné des conseils: le climat n'est pas mûr, on n'a pas les acteurs qu'il faut pour faire fonctionner ça. Mais le gouvernement a procédé, et on a une commission qu'on peut ajouter à la liste produite par le député de Fabre des commissions qui ne marchent pas. Alors, moi, je pense qu'il faut regarder attentivement avant d'aller de l'avant avec la création d'un autre ministère. Est-ce que ça répond vraiment aux besoins ou est-ce qu'il y a d'autres moyens plus modestes, plus légers d'arriver aux mêmes fins?

Même dans le dossier de la famille, la ministre a pris l'engagement, au moment de l'adoption de la loi n° 145, que ça ne coûterait pas un autre sou d'avoir un ministère au lieu d'un office pour gérer les garderies pour les enfants du Québec. Mais même pas quatre mois après, M. le Président, les crédits supplémentaires viennent en Chambre et juste la partie gestion a augmenté de 50 %.

Alors, pour faire la même chose, plus ou moins gérer les mêmes garderies, 1 000 garderies, les services de garde en milieu familial, etc., les choses qui étaient déjà là, ça coûte 19 000 000 $ au lieu de 12 500 000 $. C'est incroyable que le même gouvernement qui m'a dit, qui m'a assuré, au mois de juin, que ça ne coûterait pas un sou additionnel, quatre mois après arrive avec une demande pour un autre 6 600 000 $ pour faire progresser son ministère de la Famille. Alors, je pense que nous devrons être prudents, comme je le dis, parce que le gouvernement est forcé de couper dans l'aide sociale, est forcé de couper dans le soutien à nos jeunes dans nos écoles, avant de procéder à une autre structure, est-ce qu'on a vraiment besoin de ça?

Et, moi, je regarde attentivement la création d'un ministère des Régions, et un des motifs donné était: il faut un contrepoids pour le ministère de la Métropole. Si c'est ça, nous devrons nous assurer que le ministère qui est dans le projet de loi n° 171 est très inefficace, parce que, si on veut faire contrepoids à quelque chose qui ne marche pas, nous devrons mettre en place une autre chose qui ne marche pas non plus. Alors, je ne sais pas si c'est l'intention du ministre responsable – j'espère que non – mais, si c'est de faire un contrepoids au gâchis, aux dédoublements, aux tiraillements qu'on voit dans la région montréalaise, je pense que, comme député de la région de Montréal plutôt que des régions, je veux mettre en garde mes collègues qui représentent les régions ici, à l'Assemblée nationale: Faites attention! Si c'est ça que vous êtes en train de faire, vous serez très déçus parce que le ministre de la Métropole ne marche pas.

Alors, si le ministère des Régions va faire un certain contrepoids, ça va mettre dans le champ deux ministères inefficaces au lieu d'un. Ça, c'est ma première objection. Comme je dis, je regarde attentivement comment ça fonctionne chez nous avec un ministère de la Métropole; il y a des dépenses, il y a des personnes, des fonctionnaires de bonne foi, un ministre de bonne foi, qui travaillent très fort, mais la structure ne marche pas, et on a trop d'intervenants sur l'île de Montréal, on a trop de personnes. Alors, tant et aussi longtemps qu'on ne peut pas simplifier ça, ça ne marchera pas non plus. Alors, ça, c'est l'expérience de la métropole, et, si on est en train de mettre en place un ministère des Régions pour faire plus ou moins la même chose, je dis à mes collègues qui viennent des régions du Québec: Faites attention!

Deuxièmement, je ne peux que faire écho aux commentaires que mon collègue le député de Richmond a faits, que ça prend un minimum de respect de notre Parlement. Moi, comme député, j'ai déjà assisté à une rencontre de partenaires des milieux pour regarder la création d'un CLD dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal. Il y a ce beau dépliant qui est déjà publié et envoyé en grand nombre à beaucoup de personnes, et on n'a même pas fait le débat de principe à l'Assemblée nationale.

La première question qui m'a été posée à la rencontre, à Pointe-Claire: Quand est-ce que le projet de loi a été adopté? Et j'ai dit: Je regrette, mais on n'a même pas abordé le sujet encore. Il dit: Comment ça? Ça ne se peut pas parce qu'il y a des dates butoirs; il faut aller de l'avant, dès le 1er janvier nous devrons avoir les choses en place. Comment ça se fait que l'Assemblée nationale, d'où émane cette idée, n'a même pas eu l'occasion de faire le débat?

(16 h 20)

Alors, c'est fait. On ne peut pas corriger le tir, M. le Président, mais on a parlé longuement, des deux côtés de la Chambre, d'une certaine importance de valoriser le rôle des députés, et, si tout ça se passe au niveau de l'exécutif sans consulter le législateur, on n'a pas besoin de nous autres. Vraiment, si c'est juste un «rubber stamp» ici, si on est ici pour uniquement pour dire: Le ministre est fin, le ministre est beau, le ministre est intelligent, allez de l'avant avec vos dépliants, on n'a pas besoin d'un législateur... Ce n'est pas comme ça que notre système fonctionne.

On a toujours dit: C'est important de faire une étude, peut-être même bonifier, un thème qui revient toujours à l'esprit. Des fois, l'opposition a raison, de temps en temps. J'imagine que les personnes de l'autre côté de la Chambre qui m'écoutent ne me croient pas, mais de temps en temps, nous avons raison. Et ça vaut la peine de faire nos débats ici, dans l'Assemblée nationale. Il vaut la peine de bonifier ce projet de loi, de regarder les choses avant d'aller dans le champ... Moi, comme j'ai dit, la première question de la rencontre à Pointe-Claire était: Quand était le débat? Quand est-ce que vous avez adopté le projet de loi sur les CLD? C'est à venir, à venir. On n'a même pas abordé le débat, mais déjà les échéanciers sont très courts dans le temps. Un petit peu de respect, je pense.

L'autre chose, et c'est un commentaire, encore une fois, que je vois dans plusieurs ministères, tout le monde veut un guichet unique. Je commence par dire qu'il faut rappeler que, aux yeux des citoyens, c'est le gouvernement du Québec. Ce n'est pas ce ministère, ce ministère, ce ministère, un après l'autre, ils veulent vraiment appeler au gouvernement du Québec. Alors, il faut être très attentif.

Moi, j'ai eu l'occasion hier d'assister à la création de notre carrefour jeunesse-emploi avec mes deux collègues de Robert-Baldwin et de Nelligan. Mais j'ai posé la question, hier: Comment est-ce que ça va fonctionner, un jour, avec les CLE? C'est quoi, la relation avec la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre? C'est quoi, le rôle de tous les partenaires différents? On n'est pas capable de le dire. Alors, c'est bon d'avoir un service pour nos jeunes, mais je pense qu'il faut être très prudent, parce qu'il y a déjà beaucoup d'autres intervenants dans le champ qui travaillent auprès de l'emploi des jeunes et, avant d'en créer un autre, d'ajouter d'autres structures, il faut s'assurer que l'arrimage est fait.

Alors, la même chose pour les centres locaux de développement. Je conviens que c'est très important, au lieu de prendre toutes les décisions ici, à Québec, qu'on ait l'occasion à Rimouski, ou dans la Gaspésie, ou dans les autres régions du Québec de prendre les choses en main et de prendre des décisions. Mais nous devrons aussi nous assurer que c'est fait de la manière la plus efficace et que, pour le pauvre citoyen qui cherche une aide du gouvernement du Québec, on n'arrive pas avec deux, trois, cinq, sept guichets uniques. Alors, je pense qu'on a tout intérêt à être très prudent.

On a, comme j'ai dit, nos CJE. On aura bientôt nos CLE, nos CLD, nos CLSC, nos CPE pour ceux qui ont des petits enfants. Ça, c'est cinq centres locaux. Est-ce que c'est la façon la plus efficace? Au moins, est-ce qu'on peut les mettre dans le même édifice ou peut-être sur la même rue pour aider les citoyens à s'y retrouver? Parce que je trouve que chaque ministre, pour des fins louables, va aller de l'avant avec ce projet de loi, mais il faut rappeler qu'on est au service de la population. Il faut mettre un certain ordre dans tout ça, que la population puisse se retrouver, parce que, sinon, qu'est-ce qui va arriver?

Moi, j'ai participé à un autre volet du projet de loi, qui est les CRD. Et le CRD de Montréal... Et j'ai avoué ça dès le départ, c'était dans un projet de loi de l'ancien gouvernement, c'était notre idée. Il y avait des problèmes de démarrage fort importants. Surtout, juste un exemple, le CRD à Montréal, ça a pris deux ou trois personnes juste pour calculer c'est quoi, les règles pour établir le quorum pour le CRD de Montréal. Parce qu'il y avait les grands collèges. Il faut une majorité des députés. Il faut un tiers des socioéconomiques. Il faut un tiers des maires. Je ne me rappelle pas. En tout cas, la formule même pour calculer c'est quoi, le quorum pour le CRD... La rencontre annuelle du CRD sur l'île de Montréal, parmi les 162 représentants, comme j'ai dit, ça a pris une calculatrice, ça a pris du monde à temps plein juste pour calculer: Est-ce qu'on a quorum?

On voit, dans le fonctionnement du CRD existant à Montréal, des lacunes très importantes. Il y avait une année où ils ont voté, pour un budget total de 3 000 000 $, des frais d'administration de 1 300 000 $. Alors, presque la moitié de l'argent destiné à stimuler le développement régional était mise dans les frais de fonctionnement plutôt que d'aller dans les services appuyer des projets. Alors, je pense qu'on a toujours beaucoup de mises en garde qu'il faut faire avant d'aller de l'avant, à la fois pour les CRD... Et le principe, en soi, de dire: Au lieu de prendre toutes nos décisions ici, à Québec, on peut avoir une certaine responsabilisation des régions, ça, c'est important, et il faut aller de l'avant, mais, comme j'ai dit, il faut faire ça de la manière la plus efficace possible.

Moi, la conclusion de la rencontre à laquelle j'ai assisté à Pointe-Claire: il faut tout faire pour ne rien changer. Croyez-le ou non, M. le Président, mais on a déjà un commissaire industriel, on a déjà un bureau qui fonctionne très bien. Les municipalités dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal, les 12, ont dit: Au lieu de faire des tiraillements, au lieu de faire une concurrence inefficace, on va promouvoir le développement de l'Ouest-de-l'Île de Montréal dans son ensemble. Ça fait 10 ans de ça au moins, M. le Président. Alors, il y a déjà un financement qui vient du monde municipal. On a embauché un commissaire industriel qui fait la promotion de la région dans son ensemble.

Alors, le but de la rencontre, après avoir démêlé si la loi était adoptée ou non, c'était, comme j'ai dit, comment est-ce qu'on peut s'adapter au nouveau système pour faire le moins de changements possible dans notre fonctionnement, parce qu'on est heureux de la façon dont ça fonctionne? Alors, je dis, d'une certaine manière, c'est triste qu'il faille faire des contorsions pour arriver au point de départ. Ça, c'est les expériences, et je pense que comme députés on a tout intérêt à voir c'est quoi, les avantages. Et je ne nie pas sur les CLD, il pourrait y avoir des CLD.

J'ai parlé à un autre député des régions qui m'a dit que par contre déjà des chicanes de clôture entre ses trois MRC avaient déjà commencé: Qui va avoir le plus grand contrôle du pot qui va être alloué au CLD de son comté? Ça se chicane déjà. Alors, ça, c'est une mise en garde. Il faut regarder ça de près, s'assurer qu'au lieu de promouvoir les petits... Parce que nous avons regardé ça, nous avons dit: Il y a 14 900 000 $ pour les CLD sur l'île de Montréal, est-ce que ce serait mieux pour l'Ouest-de-l'Île de Montréal d'en avoir deux? Parce que je pense qu'au niveau de la population on peut justifier deux CLD au lieu d'un. Mais on a dit: Non, parce qu'on a la coutume chez nous, on travaille ensemble, on n'a pas besoin d'un dédoublement des structures, une structure, c'est suffisant; on a 260 000 de population, on a beaucoup d'industries locales – comme j'ai dit – on a un commissaire industriel efficace, on veut que ça marche comme ça. Mais il faut voir, dans tous ces changements qu'on est en train de promouvoir, les chicanes.

In conclusion, Mr. Speaker, I've spoken before, I will continue to speak that a government that's forced to cut welfare payments, a government that cannot insure that every student has a text book of his or her own in his classroom, must be very careful that whatever structure, whatever new project they bring before us is essential. I've spoken out about the creation of different departments because I don't think they were essential. I don't think we needed a Minister of the Greater Montréal region, I don't think we needed a Minister of the Family. I think, as we see, that we did not need them and I think that there're other ways that we can spend that money that are more efficient, that can provide the service to the population.

Secondly, the Government is keen on one-stop shopping, looking for a «guichet unique» to try to simplify things, but every minister seems to have his «guichet unique». And, once again, I would ask the Government to be quite careful that, when people look for help from the Government of Québec, we make it as simple as possible. With the multiplication of different organizations from different ministers, always for laudable goals, Mr. Speaker, we end up confusing and loosing the citizen in what we're about to do instead of making things simple for him.

Finally, in conclusion, I think it's very important to look at the Regional Development Council. The one on the Island of Montréal has been fraught with difficulties from the start. It's large, it's unwieldy, it's very difficult for it to function carefully. So if as we study the Bill we find ways that can improve how the CRDM functions, I think it would be in the best interest of the people on the Island of Montréal.

Alors, en conclusion, à cause de la création d'un ministère que, moi, je trouve qu'on n'a pas les moyens pour le moment de se payer, qu'il y a des moyens plus légers et plus faciles d'arriver aux mêmes fins, moi, je vais joindre ma voix à celle de mon collègue le député de Richmond et voter contre le principe de ce projet de loi. Merci, M. le Président.

(16 h 30)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Nous céderons maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Je vais aller dans la même ligne que le député de Jacques-Cartier et le député de Richmond plus tôt aujourd'hui en ce qui a trait au projet de loi n° 171. Il y a trois angles sous lesquels j'aimerais expliquer au ministre, le député de Joliette, trois angles sous lesquels j'aimerais, d'une façon spécifique, lui adresser la parole ici aujourd'hui et essayer de l'amener à peut-être changer un peu les choses, peut-être les améliorer, mais tout au moins entendre ce que certaines gens ont à dire sur ce projet de loi n° 171.

Le premier aspect sur lequel je veux lui parler, c'est toute la «structurite», et ce n'est pas la première fois que vous m'entendez parler de ça, M. le ministre. Moi, les boutons me poussent quand je vois une autre structure venir pousser dans notre société, et j'aimerais en parler un peu au ministre. Le deuxième point, c'est la place qu'on va faire aux jeunes dans le projet de loi n° 171 – et ici je vais être pas mal méchant, je vous le dis tout de suite. Et, troisièmement, les CLD, qui, finalement, sont l'essence du projet de loi n° 171.

Un ministère des Régions. Bien, le député de Jacques-Cartier a très bien expliqué avant moi le gâchis de A à Z qu'on est après connaître dans la ville de Montréal avec cette patente qu'on a mise en place, qui est après nous foirer entre les mains, qui coûte une fortune, qui crée la zizanie, qui crée une autre structure et à laquelle il n'y a pas de résultats. Il y a des meetings, il y a des bureaux, il y a de la «réunionite». Mais avez-vous vu les ponts se décongestionner? Avez-vous vu plus d'avions atterrir à Dorval? Avez-vous vu plus de jobs? Avez-vous vu plus de monde heureux? Avez-vous vu plus de jobs pour les jeunes? Avez-vous vu plus de jeunes impliqués dans la société? La réponse est: N-o-n, non. On a créé une autre structure pesante qui ne devient pas grand-chose.

D'ailleurs, l'euphorie de ce projet de loi sur lequel nous travaillons en ce moment, le projet de loi n° 171, pour les gens qui nous écoutent, c'est un projet de loi auquel, sur le terrain, aussi invraisemblable que ça puisse paraître, tout le monde est après s'affairer. J'ai vu à peu près la moitié des ministres se faire photographier dans nos journaux, disant: C'est fait accompli.

Je me demande ce qu'on fait ici, M. le Président. Le ministre dépose un projet de loi. La publicité est dans les journaux, la littérature est imprimée, tout le monde est là qui s'affaire, puis on n'a pas de loi. Les gens qui sont après convoquer du monde, en ce moment, pour les réunions de création de CLD le font dans l'illégalité. Ce projet de loi n'a pas été voté, et quand on a rappelé au CRD de Sherbrooke, la semaine dernière, que je m'abstiendrais de voter à leur réunion parce que c'était dans l'illégalité qu'on faisait ça, tous les élus autour de la table ont été absolument surpris de savoir que le bon député de Joliette n'avait pas encore déposé ce projet de loi là, que ce n'était pas discuté et qu'on était loin d'avoir voté sur ce projet de loi. Ça, c'est le premier point.

Quand on parle de structure... Quand on est un bon social-démocrate, le matin, le midi puis le soir, il faut parler de structure. Parce que quand on vient de la fonction publique – c'est la très grande majorité de ce gouvernement social-démocrate – on a toujours l'impression qu'à chaque fois qu'il y a un problème la solution, c'est une autre petite structure quelque part et qu'il y a un petit meeting au bout.

Or, depuis trois ans qu'ils sont là... Je voudrais juste vous lire la liste, et elle n'est pas exhaustive: il n'y en a que deux pages. Il y en aurait plus que ça si on avait voulu allonger les affaires. Il y en a deux pages, de nouvelles structures que ce gouvernement social-démocrate qui, à chaque fois qu'il a l'impression d'avoir un problème, crée ou pense créer une solution en créant une autre structure.

Les structures qu'on a créées, que ce soit le député de Joliette ou ses confrères, je vous en nomme: l'agence autonome de Tourisme Québec, l'Agence d'efficacité énergétique, l'Agence métropolitaine de transport, le Bureau de révision administrative, le Carrefour jeunesse-emploi, les centres de perception fiscale, les centres de la petite enfance, les centres locaux d'emploi, la Commission de la capitale nationale – un autre beau fleuron! – la Commission des partenariats au marché du travail, la Commission de l'équité salariale, la Commission de développement de la métropole – un autre fleuron extraordinaire! – la Commission de protection de la langue française, la Commission des lésions professionnelles, la Commission des partenaires du marché du travail, la commission régionale des partenaires, la Fondation et le Fonds de développement de la CSN. J'en ai une autre page, M. le Président. Ce n'est pas moi qui ai créé ça, c'est ce gouvernement social-démocrate de l'autre bord. Le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier – ça, c'est extraordinaire! – le Fonds de développement du marché du travail, le Fonds de l'industrie des courses de chevaux, le Fonds de lutte contre la pauvreté, le Fonds de partenariat touristique, le Fonds des pensions alimentaires, le fonds national de développement de la formation professionnelle, ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ministère de la Métropole, ministère de la Famille, la Régie de l'énergie, Secrétariat à l'action communautaire, Secrétariat à la déréglementation, Service d'information et de référence pour le démarrage d'entreprise, les structures de l'assurance-médicaments, la table des députés, la Table de concertation par le ministère de l'Emploi de la région de Montréal, le Tribunal administratif du Québec, unité autonome de services au sein du ministère de l'Emploi, et je pourrais continuer.

M. le Président, ça «crée-tu» une seule job, ça? Non, ça engraisse l'État, ça élargit l'État, ça le fait devenir pesant et inefficace, M. le Président. La thèse opposée à ce qu'essaie de faire l'entreprise privée constamment, enlever des échelons, enlever du monde intermédiaire, l'efficacité entre la direction puis le client, M. le Président, l'efficacité. Ici, c'est le contraire, on en ajoute.

D'ailleurs, avez-vous déjà été, vous, au conseil municipal de votre petite municipalité? Ça me fascine toujours, quand je vais m'asseoir au conseil municipal de Austin, de voir comment les citoyens participent à la démocratie, parce qu'ils comprennent ce qui se passe. Ils comprennent ce qui se passe dans ce débat-là, à leur Hôtel de ville. Avez-vous déjà été, comme citoyens, à la table de la MRC? Déjà, les citoyens comprennent pas mal moins ce qui se passe. Et, quand on les amène au CRD, là c'est bien évident qu'il n'y a pas un citoyen qui vient parce qu'il n'y en a pas un qui comprend, ou à peu près, ce qui se passe là. Et quand ils nous écoutent ici, au gouvernement, et qu'ils voient des listes à l'infini de nouvelles structures, ils se disent: Coudon, le distingué député de Joliette, il «sait-u» ce qu'il fait, lui? C'est ça que le monde nous demande, M. le Président.

Alors qu'on parle d'efficacité, regardez les beaux tableaux qu'on nous a donnés. Ça, c'était pour la création d'emplois. Celui-là, c'était en février 1997, M. le Président. Au Sommet socioéconomique, moi, j'étais dans un coin avec des gens d'affaires – le distingué député de Joliette était sous le spotlight, lui; nous autres, on était dans un coin avec les gens d'affaires – quand ils ont sorti ces deux tableaux pour expliquer aux gens, pour avoir 2 500 $ de subvention ou d'aide gouvernementale, le cheminement de leur dossier. Les gens d'affaires ne le croyaient pas. Un certain nombre de ces gens-là se sont levés et ont pris la porte, les autres se sont mis à rire et il y en a un qui a dit: Je vais donner ça à mes enfants ce soir pour colorier, puis j'espère qu'ils n'auront pas trop mal à la tête.

C'est ça que le vrai monde pense, M. le Président, des structures complètement moribondes, démesurées, pensées par des fonctionnaires pour des fonctionnaires avec les fonctionnaires. Et on est après perdre les citoyens dans ce débat qu'on voudrait démocratique. Réalisez-vous, M. le Président, que l'État québécois est surréglementé, surfonctionnarisé. Claude Picher, de La Presse , faisait un article sur cet aspect-là il y a quelque temps. Alors que l'Ontario a 11 000 000 de citoyens, elle a 299 000 fonctionnaires. L'État québécois, avec 7 000 000 de citoyens, M. le Président, a exactement le même nombre de fonctionnaires. La moyenne canadienne de fonctionnaires par 1 000 habitants est à peu près de 34 au Canada. Le Québec, lui, société distincte oblige probablement, nous sommes au compte de 40 par 1 000 habitants.

Si, moi, j'étais le distingué député de Joliette, M. le Président, je n'essaierais pas de créer des nouvelles structures, d'engraisser la fonction publique, d'en mettre un peu plus, j'essaierais d'en enlever. Je n'essaierais pas de rajouter des petites cases à ces beaux tableaux qu'ils nous ont remis au Sommet socioéconomique, j'essaierais d'en enlever. Alors, dans la vraie vie, ce qu'on crée, c'est plus de fonctionnaires, plus de fonctionnariat, plus de réglementation et moins d'efficacité. Ça, c'était le premier point que je voulais débattre. Et je suis heureux de voir que le distingué député de Joliette est ici et qu'il nous entend. C'est déjà ça, M. le Président.

(16 h 40)

Le deuxième point, c'est celui des jeunes. J'ai vu le député de Joliette pendant la dernière campagne électorale, grand trombone pour défendre les jeunes. Vous savez, ça, c'est la grosse flûte, celle qui fait le plus de tapage dans un orchestre, M. le Président. Alors, il était avec le premier ministre du temps. Je l'ai vu sur combien d'estrades dire aux jeunes: Vous – et je leur rappelle l'engagement électoral qu'ils ont pris – les jeunes – et il les regardait dans la salle – vous serez impliqués. Et ils l'ont écrit dans le programme électoral, entre les pages, je vais vous le dire s'il y a des gens qui nous écoutent, 210 et 213 du programme électoral. Ils disaient: Vous, les jeunes qui êtes dans la salle ici, on s'engage à ce que vous soyez impliqués sur tous les pouvoirs décisionnels, sur tous les conseils d'administration de la société, sur tous les conseils d'administration: d'Hydro-Québec, de la Caisse de dépôt, de l'hôpital, du CLSC, du CLD. Ça, ce n'est pas nous qui disions ça. On croyait ce discours-là, on l'a défendu depuis toujours. On a posé des gestes dans notre propre formation politique à cet égard-là. Ça, c'est le discours que le PQ tenait la veille des élections.

Eh bien, voici, M. le Président, qu'on est rendus après l'élection. Voici que je reçois des lettres de MRC qui me disent qui va siéger sur le CLD. Je ne vous donnerai pas le nom de ces MRC. Je vous en cite une. Alors, ils nous disent qu'il y aura 20 membres sur le CLD, 10 membres du conseil de la MRC: un représentant des affaires, un représentant du secteur communautaire, un représentant du secteur institutionnel, un représentant des travailleurs, un représentant du secteur coopératif, un représentant des entreprises manufacturières, un représentant des entreprises touristiques, un représentant du secteur culturel, un représentant du secteur agricole et un député. Bien soit fait que tout ce beau monde-là soit réuni, mais où sont les jeunes? L'engagement du PQ, ce n'était pas qu'il y ait un représentant de l'agriculture, c'était qu'il y ait un représentant des jeunes, comme on a toujours fait au Parti libéral dans toutes nos instances. L'exécutif a 33 %, au Parti libéral, de jeunes. Alors, ces gens-là... Nous, nous l'avons fait dans la vie, nous l'avons fait dans les gestes. Eux, ils l'ont fait dans le discours. Et j'ai souvent dit que, sur la gueule, tout le monde est égal en politique, c'est sur les gestes que nous nous différencions. Eh bien, ici, sur les gestes dans les CLD, il n'y a pas de place pour eux, pas plus d'ailleurs qu'il y en avait au Sommet socioéconomique.

Moi, ce que je me souviens du Sommet socioéconomique, quand je suis rentré à l'hôtel, c'est qu'il pleuvait, c'était épouvantable, et que dehors il y avait des jeunes qui se faisaient poussailler par la police, qui se faisaient tasser, qui avaient des pancartes et qui voulaient être entendus. Ils n'ont tellement pas été entendus, M. le Président, au Sommet socioéconomique, ces jeunes-là, alors qu'on leur avait dit qu'ils seraient partout dans le pouvoir décisionnel. La grande décision que ce gouvernement-là a prise, c'est qu'il les a flushés. La deuxième grande décision...

Il ne faut pas se leurrer, les CLD, oui, ça va devenir un véhicule important, décisionnel dans nos régions. Ça va devenir très important, j'en suis convaincu. Les gens qui ont une lunette et qui regardent cinq ans en avant sont convaincus qu'il y a quelque chose là, M. le Président, au niveau des CLD. Mais on est après exclure les jeunes, on est après exclure la société de demain, on est après exclure des gens qui, dans les régions, d'une façon particulière... Il y a de l'exode. Parce que j'ai peu de temps, je ne vous donnerai pas les chiffres sur l'exode, mais je peux vous dire que, dans des régions que, moi, je représente, la région de Stanstead, la région d'Hatley, la région de Coaticook, oui, il y a de l'exode.

Je vois le député de Johnson qui est assis ici avec nous, posez-lui des chiffres sur l'exode dans sa région. Eh bien, ces jeunes ne seront pas assis sur ces CLD, parce que, dans la loi, il n'y a aucun poste qui leur est assuré. Et là ils vont me répondre: Ah! bien, si on veut être généreux, on va leur en donner. Bien, je ne vous le redemande pas. Ces gens-là, ils ne demandent pas la pitié, ils ne passeront pas la quête, M. le Président, pour avoir une miette, pour peut-être pouvoir aller dire un mot au CLD. Ces gens-là, ils veulent être partie prenante de la même façon que le monde syndical, ils veulent être partie prenante de la même façon que le monde des affaires, que les maires, que les préfets, etc., et ils n'auront pas le droit d'être là, au moment où on se parle, et Dieu sait que ces gens-là avaient pris un engagement.

C'est là que les jeunes sont après se souvenir. Notre formation politique fait le tour des institutions d'enseignement. J'étais moi-même au cégep de Saint-Jean, la fin de semaine dernière, pendant que mon chef était à l'Université de Sherbrooke. J'ai eu l'occasion d'aller à la Polytechnique. Qu'est-ce que ces gens-là nous disent? Écoutez, vous avez promis au Conseil permanent de la jeunesse plein d'affaires. Et, pendant que le ministre m'écoute, je lui demande d'une façon non partisane, dans cette commission parlementaire que nous aurons dans les prochaines journées, la semaine prochaine, d'inviter le Conseil permanent de la jeunesse. Ils les ont écoutés avant l'élection; eh bien, mon Dieu, qu'ils les écoutent encore après l'élection. Que le Conseil permanent de la jeunesse, organisme neutre représentant tous les jeunes du Québec, autant les jeunes travailleurs que les jeunes universitaires, puisse être entendu à cette commission parlementaire pour que sa voix, au moins une fois, M. le Président, soit entendue.

Et peut-être pourrions-nous espérer que le ministre des Régions puisse accepter éventuellement d'amender sa loi, même s'il possède la vérité, qu'il puisse amender sa loi et faire une humble place aux jeunes du Québec, qui sont en difficulté, qu'il y a du chômage comme on n'a jamais vu. Il y a de l'exode, et je ne prends qu'un en-tête de journal: Le chômage atteint le cap de 20 % chez les moins de 30 ans . C'est ça, la dramatique des jeunes.

Dans le comté du premier ministre, plus de 22 % de chômage en ce moment, M. le Président. Pensez-vous que ces jeunes-là, ils n'auraient pas quelque chose à dire sur un CLD? Pensez-vous qu'ils n'aimeraient pas que leurs idées, leur énergie soient partagées par le reste de la communauté? Mais non. Avant l'élection, comme disait si bien Félix Leclerc, on s'est engagé, on a dit oui. Pas de problème, ça nous fera plaisir. Aïe! l'engagement qu'ils ont pris, là, je me souviens encore de les avoir vus, à la télévision, dire à Hydro-Québec, à la Caisse de dépôt: La société vous appartient, à tous les niveaux vous aller être impliqués. Là, on leur demande bien humblement de leur donner un droit de siéger au CLD, et là, soudainement, on les a oubliés. Comme dans la chanson de Félix Leclerc, le lendemain, comme de raison, on ne se rappelait pas de ton nom!

M. le Président, vous savez, ça sent un peu l'improvisation, cette affaire-là. Des documents qui se promènent dans les régions alors que la loi n'est pas passée... La loi n'est pas passée, et tous ces ministres, avec leur petite photo dans le coin dans mon journal... Je pensais que je rêvais. J'ai dit: Peut-être que j'ai manqué un mois et demi ou deux, peut-être que n'ai pas été à Québec, je ne sais pas ce qui se passe. J'ouvre le journal et, soudainement, on annonce la réunion du CLD dans la région, avec le ministre régional qu'on ne voit jamais. Il ne faut pas se leurrer, il est venu deux fois en trois ans, le ministre régional. Une chance qu'il met sa photo là de temps en temps! Alors, là, soudainement, il était après nous annoncer un grand banquet pour le CLD dans le coin.

Là, les téléphones se sont mis à sonner à la maison: Coudon, la loi «est-u» passée? Bien, j'ai dit, certainement qu'elle n'est pas passée, cette loi-là, voyons donc! Elle n'est même pas déposée. «Never mind», elle est passée, elle n'est même pas déposée à l'Assemblée nationale. Ils ont dit: Excusez-nous de vous avoir dérangé, M. le député. On pensait, quand les annonces étaient dans les journaux, que la loi était passée. Bien, j'ai dit: Eux autres, ils font ça à l'envers: ils passent leurs annonces dans le journal, ils passent la loi, puis éventuellement on va se réunir. Ils font les affaires à l'envers un petit peu. Mais on s'habitue, à la longue, à travailler avec ce monde-là, M. le Président.

Alors, là, le bon et distingué député de Joliette, dans un moment d'euphorie, il nous a rappelé qu'il créerait... Écoutez bien ça, les gens qui nous appellent, écoutez bien ça. Ils nous a rappelé, là, qu'avec 60 000 000 $ il était pour créer 500 000 emplois. La baguette magique et l'astuce, 500 000 emplois. La baguette magique et l'astuce, M. le Président, 500 000 emplois, au Québec, créés avec 60 000 000 $! Il y a juste un petit détail qu'il avait oublié, pour les gens qui nous écoutent, qui trouvent ça beaucoup moins drôle que le gouvernement, en passant. Il avait juste oublié de dire que, au même moment où il donnait 60 000 000 $ aux municipalités, il allait en chercher 375 000 000 $ dans leurs poches. Il avait comme oublié le deuxième paragraphe de la lettre.

M. le Président, vous comprendrez que certains aspects de ce projet de loi là sont tout à fait valables. D'autres sont questionnables, et j'invite le ministre, franchement, au-delà de notre bataille partisane, à inviter les jeunes en commission parlementaire. J'y tiens, franchement. Et, troisièmement, pour ce qui est du ministère de la région, là, ça, nous, on pense que c'est une autre structure inutile comme celle qu'ils ont créée à Montréal, et surtout inefficace. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Gaspé. M. le député.


M. Guy Lelièvre

M. Lelièvre: Merci, M. le Président. Pour moi, c'est un moment important d'intervenir aujourd'hui sur ce projet de loi qui crée le ministère des Régions. Dans les années soixante, soixante-cinq, soixante-dix, en Gaspésie, on entendait les fonctionnaires qui venaient de Québec nous dire: Fermez vos villages, fermez vos paroisses et, nous autres, on va vous donner de l'argent pour aller vous installer dans d'autres municipalités. Ils appelaient ça «le développement régional».

(16 h 50)

Le député d'Orford, hein, dit qu'il va voter contre le projet de loi, il dit que le Québec est dans une situation difficile. De 1985 à 1994, la dette du Québec est passée, de 1985, de 31 000 000 000 $ à 74 000 000 000 $, lorsque, heureusement, ils sont sortis du pouvoir et que le Parti québécois est arrivé.

L'objectif du projet de loi, c'est de faire en sorte que les communautés locales s'approprient leur développement, contrairement à ce qu'on a connu dans le passé où c'étaient les députés du gouvernement en place qui s'appropriaient la façon de faire les choses à la place des gens. Quand il dit que le ministre responsable des régions n'a pas consulté les gens, M. le Président, dans mon comté puis dans ma région, j'ai des résolutions de la Table des préfets, j'ai une résolution de la Table des préfets qui dit au gouvernement: Vu sa volonté de créer des CLD dans chacune des régions et que ces CLD là seront soutenus par le gouvernement puis gérés par des gens du milieu selon un modèle qui leur est propre, propre à chacune des communautés, et afin d'assurer le soutien à l'entreprenariat local, d'autre part, qui dit que cette politique de soutien au développement local et régional sollicite une solidarité, une volonté de concertation des intervenants locaux et régionaux et que cette solidarité et cette concertation régionale, en tant que préalable à la livraison de services de développement économique de qualité à l'ensemble de leur population...

Bien, M. le Président, en Gaspésie, en 1995, il y a déjà des discussions qui ont amené le gouvernement à signer des ententes spécifiques entre la région et le gouvernement du Québec pour la mise en place d'un guichet unique d'information et de développement économique dans chacune des MRC de notre région. Je suis fier aujourd'hui de dire que le modèle gaspésien a servi d'inspiration au gouvernement du Québec.

D'autre part, on ajoute que cette solidarité et cet esprit de concertation des intervenants gaspésiens et madelinots se sont traduits par la fusion des services déjà existants en structures régionales efficaces et davantage aptes à répondre aux besoins de plus en plus spécifiques d'une clientèle de plus en plus exigeante.

D'autre part, M. le Président, les élus régionaux soulignent les avantages inhérents aux structures régionales, dont la capacité de desservir l'ensemble d'une région de manière professionnelle tout en sachant s'adapter aux différentes clientèles à desservir, et surtout cette possibilité d'offrir une gamme de services aux particuliers qu'il serait pratiquement impossible de maintenir à l'échelle d'une seule localité.

Et, par la suite, on enchaîne, on dit au ministre responsable des régions, et c'est résolu à l'unanimité: Les membres présents de la Table des préfets des MRC de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine – et ça, les députés de Orford, de Richmond et de Jacques-Cartier devraient s'informer auprès de leur collègue des Îles-de-la-Madeleine – l'ensemble des intervenants municipaux de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine appuient la politique de soutien au développement local et régional mise de l'avant en avril dernier.

Quand il dit, le député d'Orford, qu'il n'y a pas eu de consultations, le ministre n'a pas décidé au-dessus de la tête des gens et par la suite arriver, M. le Président, et de présenter un projet de loi à l'Assemblée nationale. Non, la démarche a été inverse et le projet de loi a été déposé ici, à l'Assemblée nationale, mais c'est un consensus national qui est établi avec l'apparition des CLD.

D'autre part, on nous dit: L'entente spécifique régionale ayant permis l'implantation au sein de chacune des MRC de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine d'un guichet unique d'information et de développement économique s'est avérée un franc succès et la région ne pourrait plus se passer de ces structures performantes pour envisager son développement économique. L'opposition peut-être devrait aller voir les gens et leur demander ce qu'ils en pensent, des CLD et des guichets uniques.

D'autre part, M. le Président, les élus municipaux de l'ensemble des municipalités de la région de la Gaspésie et des Îles sont disposés à revoir le cadre de fonctionnement des guides actuels de manière à satisfaire les exigences de la politique de soutien en développement régional et local, à savoir qu'aucun groupe ne siégera en majorité au conseil d'administration des CLD.

M. le Président, quand la Gaspésie dit qu'ils ne pourraient plus se passer de cette structure pour assurer leur développement, la Gaspésie est une des régions qui a été le plus malmenée avec le temps par les différents gouvernements, depuis quasiment un siècle, depuis l'avènement de la Confédération. D'ailleurs, M. le Président, je lisais récemment un article qui avait été écrit par Robert Rumilly en 1942, qui nous disait que la Gaspésie avait été la première victime de la Confédération canadienne, et il le démontrait dans une série d'articles qu'il avait publiés à l'époque dans Le Soleil .

Aujourd'hui, permettre à la communauté gaspésienne d'agir dans chacune de ses MRC avec un budget de développement, avec un budget de fonctionnement, mener ses propres études, faire ses recherches de ses propres marchés, développer ses propres produits, M. le Président, c'est un outil que nous donnons non seulement à ceux qui sont là, mais à ceux qui s'en viennent aussi, les générations montantes, les jeunes.

Tout à l'heure, on questionnait le gouvernement: Quel sera l'arrimage entre les CLD, les CLE et les CJE, les carrefours jeunesse-emploi? Très heureux d'entendre le député de Jacques-Cartier qui dit qu'il y a inauguré son CJE dimanche dernier. L'arrimage qui va se faire avec les CLD, M. le Président, ça va se faire dans le but de faire en sorte que les jeunes aient un guichet unique d'information. Et l'arrimage va faire en sorte que ces jeunes-là vont pouvoir démarrer leur entreprise, ils vont pouvoir avoir un soutien pour monter leur plan d'affaires, la mise en marché de leurs produits. C'est ça, la nouvelle politique de développement local et régional. En mettant en place une structure de cette nature, ça nous permet d'avoir des outils pour intervenir auprès des jeunes et près des localités, près des communautés.

Maintenant, qui va composer les conseils d'administration des CLD? Bien, M. le Président, en Gaspésie, on est d'accord pour qu'on se partage le pouvoir, et il y a des modèles qui surgissent dans chacune des MRC. Côte-de-Gaspé, par exemple, les maires ont résolu à l'unanimité de faire en sorte qu'ils ne composeront pas plus que le tiers du conseil d'administration. Il y aura également des jeunes, il y aura des gens du milieu institutionnel, il y aura des femmes, il y aura des gens de l'économie sociale qui seront présents.

Donc, la structure CLD va devenir un outil qui va faire en sorte que le développement local va être mieux concerté, à une échelle plus restreinte. Toujours en conservant naturellement de la place pour l'intervention du conseil régional de concertation et de développement qui, lui, va faire en sorte que les projets dits régionaux, bien, tout le monde va s'entendre et va s'entendre sur un plan de développement stratégique et s'entendre sur la réalisation des projets régionaux. On n'a pas les moyens, en Gaspésie, de se passer de quelque investissement que ce soit. Donc, lorsqu'on regarde la façon dont les CLD vont fonctionner, bien, c'est chacun des CLD qui va se donner des règles de fonctionnement tout en respectant les critères de base, les critères minimaux.

Mais l'opposition ne semble pas avoir lu, M. le Président, les différents guides, la documentation qui a été publiée déjà depuis quelque temps. Pourtant, j'ai vu les députés de l'opposition avoir le guide d'implantation des centres locaux de développement. Lorsque le député d'Orford dit qu'il s'est présenté à une réunion de son CLD et qu'il aurait dit qu'ils agissaient dans l'illégalité, bien, je me demande où il a pris ça, parce que la démarche en cours à l'heure actuelle chez nous, c'est de faire en sorte qu'on va être prêt pour prendre la relève des guichets d'information et de développement à compter du 1er avril 1998. C'est très clair que la démarche est tout à fait légitime et que le travail qui est amorcé va porter fruit, M. le Président.

Une fois que le conseil d'administration va être formé, qu'est-ce qui va se produire? Bien, les gens vont se donner un plan d'action au niveau local. Ce plan d'action là, il va contenir des obligations de résultat. Si on veut développer davantage le secteur forestier, le secteur touristique, se donner un plan de développement aussi dans la transformation des produits marins, bien, M. le Président, on va décider localement de choisir ces avenues, et chacune des MRC pourra privilégier des projets ou ce qui caractérise principalement l'économie de son territoire. On ira en fonction des ressources qu'on retrouvera sur les territoires.

(17 heures)

C'est sûr que ça fait mal à l'opposition de constater que la population du Québec, après trois ans de travail acharné de la part du gouvernement, de faire en sorte que nous allons réduire les dépenses, mettre de l'ordre dans la façon dont ils ont géré pendant presque 10 ans – la façon dont ils ont amené un déficit à presque 6 000 000 000 $ en cinq ans, entre 1989 et 1994, que la dette du Québec a plus que doublé durant la période où ils ont exercé les deux mandats au pouvoir... Bien, c'est sûr que nous devons composer avec des montants qui, à première vue, nous apparaissent importants, mais, pour eux, c'était satisfaisant. Mais, durant toute cette période, un des premiers gestes que le chef de l'opposition actuelle a faits lorsqu'il était titulaire du ministère de l'Industrie et du Commerce, ça a été de regarder de plus près quels étaient les outils de développement dans les régions, et particulièrement les coopératives de développement régional.

Le chef de l'opposition actuel, M. le Président, pendant qu'il avait la responsabilité du ministère de l'Industrie et du Commerce, a décidé de couper les vivres à la coopérative de développement de la Gaspésie et il a fait la même chose avec d'autres au Québec. Alors comment aujourd'hui l'opposition, qui est dirigée par celui qui a été l'artisan de la fermeture des coopératives de développement, peut-elle prétendre qu'elle est pour le développement local et régional? Ça suit leur ligne de pensée, c'est tout naturel: on ne questionne pas le passé parce que, dans le fond, le passé est garant de l'avenir, chez eux. Alors, inutile d'insister sur ce point-là. Il a fallu des énergies et des énergies, dans les années quatre-vingt-dix, et la concertation des gens du milieu pour repartir cette coopérative de développement régional avec de l'argent du milieu.

Alors, M. le Président, les municipalités auront un rôle à jouer également, hein? Les municipalités sont regroupées dans des MRC, il y a des ententes qui vont être signées avec le gouvernement du Québec. Le gouvernement du Québec va leur dire: Oui, on consent à vous verser des sommes. La Gaspésie reçoit une part importante du financement, elle contribue dans la mesure de ses moyens. Mais ça ne l'empêchera pas de répondre à l'exigence gouvernementale de fournir des résultats après la première année de mise en place. Donc, c'est un outil dont nous allons nous servir.

Maintenant, le gouvernement, qu'est-ce qu'il veut par ce moyen-là? Bien, c'est un moyen de faire en sorte que nous allons mettre, hein, concentrer à un seul endroit toute l'information disponible, tous les services disponibles, ou mettre en relation les différents services disponibles pour faire en sorte que la personne qui va décider de démarrer une entreprise ou vouloir prendre de l'expansion pour son entreprise va pouvoir aller chercher l'information, M. le Président. On les voit, les jeunes, encore aujourd'hui. Comme le ministre le soulignait dans son intervention, il y a une multitude de fonds, il y a une multitude d'adresses, et, à ce moment-là, ils ne savent même plus où donner de la tête et répondre à nos questions lorsqu'on essaie de cerner là où ils sont allés. Alors, on va faire du ménage là-dedans.

M. le Président, la création du ministère des Régions, je ne la vois pas en opposition avec la création du ministère de la Métropole et je ne vois pas les régions nécessairement en opposition avec les autres parties du Québec, même si elles sont urbaines. Ce qui est important, c'est que les régions puissent avoir les moyens de se développer, que les régions puissent avoir les moyens de réaliser des objectifs, puissent avoir les moyens de créer des emplois, puissent avoir les moyens de mettre en place des mécanismes qui vont faire que la population et que les jeunes vont rester en région. Je référerais le député d'Orford au dernier document présenté par le Conseil permanent de la jeunesse qui nous dit que les jeunes quittent les régions. Il y a des raisons à cela. Alors, nous, nous sommes là depuis quelques années et nous allons prendre les moyens pour faire en sorte que les jeunes restent dans nos régions et y reviennent. Nous allons prendre les dispositions nécessaires pour qu'il y ait des emplois qui soient créés, que les jeunes qui sont à l'université puissent revenir chez nous et qu'ils puissent travailler à faire en sorte qu'éventuellement les régions ne se vident pas.

Concernant le nombre de personnes qui quittent la Gaspésie, on prétend que, d'ici quelques années, ce sera environ 20 % de la population, des jeunes particulièrement, qui vont quitter la région. Bien, pour une région comme chez nous, déjà qui a été affectée par l'exode des familles, c'est quasiment une catastrophe. Alors, une population de 105 000 sur un territoire aussi vaste que la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, un territoire éloigné, situé en plein centre du golfe Saint-Laurent, avec une population d'environ 10 000 personnes, si l'exode continue, il va rester une population vieillissante dans chacun des territoires.

M. le Président, ce que je constate, c'est que, avec la création de ce ministère, le financement qui est accordé n'est pas différent, selon le ministre, des coûts occasionnés par le secrétariat. On va avoir une structure plus formelle, effectivement, mais on va avoir un ministre qui va être responsable des régions et qui va pouvoir répondre aux régions de ses actions, des plans qui seront présentés; chacune des régions pourra également y adhérer, mais sur une base volontaire, et la concertation entre le gouvernement et les régions, l'arrimage entre le gouvernement et les régions va se faire, M. le Président.

Or, on nous dit maintenant: Comment ça va se passer, ça, dans ces CLD? Est-ce que les entreprises vont pouvoir avoir confiance au travail qui va être fait? Oui, parce qu'il y aura des gens d'affaires aussi là-dessus. Il y aura des gens de toutes catégories d'emplois et d'institutions, et la confidentialité va être assurée au même titre qu'elle est assurée actuellement dans les différents bureaux gouvernementaux ou dans les différents services qui existent pour l'entreprise.

On a annoncé, M. le Président, 60 000 000 $ comme montant de base. Mais il y a d'autres enveloppes qui vont venir s'ajouter: la forêt, l'économie sociale, les enveloppes dédiées, une enveloppe pour la lutte contre la pauvreté. Donc, lorsqu'on parle d'un investissement de 60 000 000 $ qui va aller au fonctionnement et également une partie pour le développement local, il y a d'autres fonds qui vont être disponibles, il y a d'autres fonds qui seront utilisés. Et lorsqu'on nous dit qu'on ne devrait pas utiliser les différents fonds, que le gouvernement crée des fonds, je regrette, mais le fonds de lutte contre la pauvreté a été un fonds très important que nous avons utilisé chez nous. Nous avons réussi à réaliser des emplois et à faire en sorte que les gens ne se sont pas retrouvés à la sécurité du revenu.

En Gaspésie, il y a un projet unique qui avait été créé depuis quelques années qui s'appelait le Fonds de création des emplois municipaux. Ça nous a permis au cours de la dernière année de créer 430 emplois, des emplois qui ont permis aux différentes municipalités de participer collectivement et d'investir dans ces projets, de faire en sorte que les travaux, les réalisations qui ont été faites ont permis à une municipalité, par exemple, de se doter de haltes touristiques, d'équipements touristiques, de développer un site particulier. Donc, tous ces investissements, M. le Président, font en sorte que la population demeure au travail ou demeure active.

Maintenant, est-ce que ça va être la même chose avec les CLD? Les CLD, M. le Président, sont là pour l'entrepreneuriat; ils vont faire en sorte que les entreprises vont démarrer. Donc, il y aura de la création d'emplois, nécessairement.

Maintenant, les CLE, les centres locaux de développement: on en a parlé, ils vont être regroupés dans une structure gouvernementale. Il y aura une seule structure, et, lorsque les personnes auront besoin de formation, auront besoin d'orientation, elles s'adresseront aux CLE.

Les CJE maintenant, les carrefours jeunesse-emploi: eux aussi vont avoir leur utilité. Leur utilité, c'est que les jeunes vont être partie prenante à ces carrefours, vont déterminer quelles seront leurs priorités, quelles seront les orientations qu'ils vont se donner, quels seront les objectifs qu'ils vont se donner.

Donc, à mon avis, l'opposition n'a aucun argument valable pour contester la mise en place de ces structures. Elles sont légères; elles seront efficaces. Les populations en veulent et les gens des différentes MRC de la Gaspésie les veulent. La participation et la mise en place des conseils d'administration vont bon train, et je suis très confiant qu'au 1er avril les six MRC de la Gaspésie auront un centre local de développement opérationnel et fonctionnel. Merci, M. le Président.

(17 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Gaspé. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de La Pinière.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. La montagne a accouché d'une souris. Le ministre responsable du Développement des régions a accouché d'un projet de loi, le projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions, et je dois reconnaître que je suis profondément déçue de cette pièce législative. Je suis le dossier du développement des régions de très près dans ma région, la Montérégie – le ministre le sait – et je travaille de très près avec les partenaires locaux, avec les acteurs et les décideurs socioéconomiques dans notre région. M. le Président, je voudrais aujourd'hui traduire leurs inquiétudes et leurs déceptions également par rapport à ce projet de loi qui contient 63 articles et qui modifie 11 lois.

M. le Président, ça fait trois ans que les communautés locales et régionales attendent que le ministre responsable du Développement des régions leur livre la marchandise. Et, au lieu de la décentralisation des pouvoirs et surtout au lieu des ressources s'y rattachant, le ministre aujourd'hui leur envoie encore une autre structure par-dessus les structures déjà existantes. Nous sommes face à un gouvernement qui est frappé d'une structurite aigüe, comme si la bureaucratie gouvernementale n'était pas assez lourde déjà.

C'est ce même ministre, M. le Président, qui le 28 juin 1995, dans un communiqué de presse rendant public le livre vert sur la décentralisation, a écrit ceci, et je le cite au texte: «La proposition que je présente aujourd'hui confirme l'engagement d'accompagner de moyens financiers adéquats la prise en charge de nouvelles responsabilités par les instances municipales.» C'était le 28 juin 1995, quatre mois avant le référendum. Or, non seulement le ministre n'a pas livré la marchandise, mais il n'a pas levé le petit doigt pour empêcher son collègue le ministre des Affaires municipales de pelleter 375 000 000 $ de factures dans la cour des municipalités. Au moment où je m'adresse dans cette Assemblée, M. le Président, au moment où je prends la parole sur ce projet de loi n° 171, à côté, dans la salle d'à côté, il y a une commission parlementaire, et ici même, au Parlement, il y a des maires de différentes municipalités du Québec qui sont venus dire à ce gouvernement toutes les frustrations qu'ils ressentent face à la façon dont il les traite, face à la façon dont il pellette dans leur cour le déficit du gouvernement.

Donc, M. le Président, la montagne a accouché d'une souris. Parce que le ministre responsable du Développement des régions a annoncé récemment, à coups peut-être de plusieurs milliers de dollars en termes de publicité, un maigre 60 000 000 $ pour les centres locaux de développement alors qu'il avait promis, dans son livre vert, que l'ensemble des activités de décentralisation totaliseraient 150 000 000 $.

M. le Président, ce dont les régions du Québec ont grandement besoin, c'est d'investissements directs dans leur développement local, dans leur développement régional, dans leur développement économique, dans leur développement culturel et dans leur développement sociocommunautaire. Les régions n'ont pas besoin de gaspillage de fonds publics dans des structures à n'en plus finir.

Les régions sont en train de crouler sous le poids des structures. Il suffit de regarder la nomenclature des sigles qui se rattachent au développement régional pour se rendre compte de toutes les couches bureaucratiques qui se superposent et qui existent déjà. Je me suis amusée, M. le Président, à en recenser quelques-unes, de ces couches: la CAR, pour conférence administrative régionale – ça, M. le Président, c'est la conférence administrative qui, au niveau régional, traite du développement régional avec les différents ministères, c'est la voie de la bureaucratie – le CCR, le Comité consultatif régional; la CDEC, Corporation de développement économique communautaire; les CRD, les conseils régionaux de développement, qui existent déjà, qui fonctionnent bien et que le ministre pensait avoir fait oeuvre utile en les incluant dans son projet de loi; le CRE, le Comité régional de l'emploi; le CRES, le Comité régional sur l'économie sociale; le CRM, conseil régional de la main-d'oeuvre; les MRC qui, comme on le sait, sont les municipalités régionales de comtés; les SAJE, les Services aux jeunes entrepreneurs, qui font déjà un travail sur le terrain au niveau de l'entrepreneurship; le SDR, le Secrétariat au développement des régions Montérégie, qui est le bras du Secrétariat au développement des régions actuellement, tel qu'il existe; le SEMO, Service externe de main-d'oeuvre; la SQDM, Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, qui va être fusionnée bientôt au sein du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

M. le Président, ce projet de loi n° 171 n'apporte rien de neuf, rien de novateur qui puisse dynamiser le développement économique régional. Et, quand on regarde les notes explicatives de ce projet de loi, on peut lire ceci: «Ce projet de loi prévoit la création du ministère des Régions – encore un ministère – dirigé par un ministre désigné sous le titre de "ministre des Régions".» Qu'est-ce que cela apporte de concret aux régions en termes de développement, en termes de création d'emplois, en termes de dynamisme économique, en termes d'implantation des jeunes dans des entreprises? La question se pose, et la réponse est: Rien.

Dans les notes explicatives, on peut également lire que ce projet de loi «détermine les domaines d'action du ministre ainsi que ses principaux pouvoirs et fonctions en matière de développement local et régional». Qu'est-ce que cet objectif-là donne concrètement aux régions en termes de développement économique, de prise en charge et de dynamisme? La réponse: Rien.

«Ce projet de loi permet de reconnaître des centres locaux de développement et des conseils régionaux de développement. Il précise qu'un centre local de développement a notamment pour mandat d'élaborer un plan d'action local et une stratégie en matière de développement de l'entreprenariat, y compris celui de l'économie sociale. Il prévoit par ailleurs qu'un conseil régional de développement a principalement pour mandat de favoriser la concertation entre les partenaires régionaux et établit à cette fin un plan stratégique régional.» M. le Président, on est encore dans les plans, dans les stratégies, dans les discussions, dans les conseils d'administration, dans les chicanes, parce que, à chaque fois qu'on met en place des structures de représentation, les partenaires sur le terrain se mobilisent, ils mettent énormément d'énergies, ils dépensent beaucoup d'efforts. Pourquoi? Pour se donner une place dans un conseil d'administration. Les efforts des régions, avec des initiatives comme celle du projet de loi que nous propose le ministre, sont mal dirigés; ils sont dirigés dans des structurites au lieu d'être dirigés vers le véritable développement économique régional.

(17 h 20)

Parlant de développement économique régional, pendant que le ministre, lui, élabore des structures et demande au milieu régional de se mobiliser pour trouver une place au sein de ces structures, la situation économique dans les régions se détériore parce que les actions, les vraies actions, les vraies décisions tardent à venir. Pendant ce temps-là, pendant que le ministre discourt sur les structures, la situation économique est loin de s'améliorer dans les régions. Le taux de chômage pour l'ensemble du Québec est de 10,8 %. Ce sont les données de la SQDM, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, en date d'octobre 1997. Dans certaines régions, ce taux de chômage atteint jusqu'à 13 %. La création d'emplois est très lente depuis que ce gouvernement est au pouvoir: 15 500 emplois de créés au Québec contre 198 100 en Ontario. Le nombre d'assistés sociaux a augmenté et a atteint le chiffre record de 764 900 personnes qui vivent au seuil de la pauvreté. Le Québec est au huitième rang, au Canada, en termes d'investissements privés.

Alors, M. le Président, je me serais attendue, du ministre responsable du Développement des régions, à mieux que ce qu'il nous présente aujourd'hui. Ce qu'il nous présente aujourd'hui ne répond pas aux attentes des régions. Il ne répond pas aux attentes des régions parce que l'une des pièces maîtresses de ce projet de loi, c'est encore une autre structure, les CLD, les centres locaux de développement. Le ministre prétend comme par magie que, grâce à ces centres locaux de développement, il se créera, à la grandeur du Québec, quasiment 500 000 emplois.

M. le Président, toutes les personnes avisées, toutes les personnes qui sont le moindrement intéressées de près au développement régional savent très bien que ce genre de données, c'est valable pour un modèle mathématique théorique, mais, dans le concret, ça ne fonctionnera pas. Parce que ce n'est pas avec des structures qu'on crée des emplois, c'est avec des ressources, des ressources financières, des ressources humaines, par une mobilisation, par une planification, par une participation de tous les acteurs qui, de loin ou de près, peuvent apporter leur pierre à l'édifice commun.

Or, lorsqu'on regarde la littérature qui s'est publiée suite à ces annonces faites par le ministre, on constate par exemple que, dans un article paru dans Le Devoir du 27 novembre dernier, sous la signature de Judith Lachapelle et intitulé 500 000 emplois, vraiment? et, en sous-titre, Les MRC nourrissent un énorme scepticisme vis-à-vis des prévisions du ministre du Développement des régions ... Et que dit Judith Lachapelle? Je cite au texte: «"Je me demande si on ne serait pas mieux de refuser tout ça. Et j'ai bien l'impression que c'est ça qu'ils veulent!" Le moins que l'on puisse dire, c'est que le préfet de la MRC de Montmagny, Jacques Dumas, est loin d'être convaincu des bienfaits apportés par le CLD dans sa région.» L'auteur, Judith Lachapelle, ajoute: «Et il n'est pas le seul, comme l'explique la directrice des communications à l'UMRCQ, Colette Fortier.» Je cite Colette Fortier: «Les gens sont tous mêlés, ils ne savent pas toujours comment interpréter les propos du ministre.»

Ailleurs, M. le Président, on peut lire, toujours sous les commentaires de la MRC: «"Québec menace de baisser sa contribution s'ils n'en mettent pas plus – on parle ici de la contribution des MRC. Et c'est sans compter les compressions budgétaires."» Ça explique, M. le Président, pourquoi les gens qui sont directement concernés par le développement local et régional sont inquiets. Ça explique, M. le Président, pourquoi les décideurs locaux ne croient pas du tout dans les chiffres qui sont avancés par le ministre. Son modèle est un modèle mathématique, théorique, qui ne colle pas à la réalité des régions.

Je continue, M. le Président, de citer le texte de Judith Lachapelle dans Le Devoir du 27 novembre dernier: «Quelques jours après l'annonce de la répartition interrégionale des 60 000 000 $ consacrés aux CLD, la grogne et l'incrédulité se sont fait sentir.» Nous parlons ici de la grogne et de l'incrédulité des élus et des décideurs locaux et régionaux. Ce n'est pas juste l'opposition officielle qui parle.

Et on continue: «C'est qu'avec ces subventions qui visent à encourager l'entrepreneuriat local, Québec estime que près de 500 000 emplois seront créés.» Ça, c'est Québec qui estime. «C'est justement sur ces deux derniers points que les MRC s'arrachent les cheveux.» Et je cite encore une fois Jacques Dumas, tel que mentionné dans l'article: «"Au lieu d'un autobus – et c'est une image que le ministre peut bien comprendre – comme on avait auparavant, le gouvernement nous a donné une voiture sans freins, et c'est lui qui tient le volant. J'aimais mieux l'autobus!" s'exclame Jacques Dumas.» Voilà, M. le Président, les gens qui sont près de leurs besoins, qui savent exactement de quoi demain sera fait dans le domaine du développement régional et qui parlent par expérience. Ce n'est pas des bureaucrates, ce n'est pas un ministre qui développe un projet de loi de structurite aiguë.

«Michel Thibault – il est cité également dans cet article – fait remarquer que les nouveaux CLD augmenteront les coûts de fonctionnement.» Et il dit: «Avant, on n'avait pas de conseil d'administration, c'était tout simplement un service offert par la MRC. Sans conseil d'administration, on économisait de 20 000 $ à 25 000 $.» 20 000 $ à 25 000 $, M. le Président, dans le budget d'une MRC ou d'une municipalité, surtout des municipalités rurales, c'est beaucoup d'argent. Je sais très bien que, de l'autre côté de la Chambre, ils considèrent que ce n'est pas très pertinent de soulever ces questions-là, mais c'est très pertinent pour les gens qui sont directement touchés par le développement régional, qui sont les véritables acteurs de ce développement régional.

M. le Président, je citerai également, à l'appui de mes commentaires, un autre article du Devoir , sous la signature de Mario Cloutier. Et là Mario Cloutier s'attaque à la crédibilité des chiffres qui sont avancés et il dit ceci: «Avec 60 000 000 $, les fonctionnaires du Secrétariat au développement des régions pensent que les centres locaux de développement – CLD – devraient créer 504 704 emplois, plus d'un demi-million. Basées sur un taux irréaliste d'activité de 70 % et de chômage de 5 %, ces proportions sont à la base de la répartition interrégionale de l'enveloppe de 60 000 000 $ que le ministre responsable des Régions a mis à la disposition des régions.» Quand on bâtit un modèle mathématique par lequel on estime les emplois à créer en partant d'un taux de chômage de 5 %, est-ce qu'il y a quelqu'un qui est assez raisonnable pour dire au ministre que 5 % de taux de chômage dans les régions, ça n'a pas d'allure? Ce n'est pas vrai parce que le taux de chômage dans les régions, c'est beaucoup plus élevé que ça. Dans certaines régions, il est de l'ordre de 13 % et, dans l'ensemble du Québec, il est près de 11 %.

Alors, ce modèle mathématique est également, de la bouche de l'UMRCQ, par la voix de sa présidente... Je cite La Presse du 25 novembre 1997: «La présidente de l'UMRCQ a de son côté expliqué que jusqu'à maintenant les municipalités investissaient librement près de 50 000 000 $. Avec l'annonce d'hier, l'obligation leur est maintenant faite d'égaler les 60 000 000 $ du gouvernement, ou 10 000 000 $ de plus. Si les MRC ne le font pas, a-t-elle dit, le ministre menace de couper le montant du soutien qu'il s'est engagé à apporter aux CLD de leur territoire.» C'est regrettable qu'on recoure aux menaces pour forcer les MRC à marcher.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de La Pinière. Le temps était écoulé. Je vais maintenant céder la parole à celui qui se lèverait.

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député d'Argenteuil, je vous cède la parole.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: M. le Président, je me suis levé faute de combattants de l'autre côté, je dois me lever pour prendre la parole.

Le projet de loi qui est présenté devant nous aujourd'hui, le projet de loi n° 171 sur la Loi sur le ministère des Régions, me laisse quand même avec beaucoup de questionnements. Des questionnements par ce que nous avons vécu au cours de la dernière année – un peu plus – la saga du ministère de Montréal. Ça a déjà coûté la tête d'un ministre, ça n'a pas donné grand-chose à la région de Montréal; pourtant, on a mis beaucoup d'argent dans cette structure-là. Et j'ai certaines craintes à la mise en place d'un nouveau ministère des Régions qui, je l'espère, n'aura pas les mêmes résultats que ce que nous avons connu pour la région de Montréal.

Il y a quand même des éléments qui m'étonnent, et si le ministre actuel qui met en place le ministère des Régions réussit la commande qu'il s'est donnée – 500 000 emplois avec 60 000 000 $ – savez-vous que ça fait 120 $ par emploi? Ce sera la création d'emplois la moins dispendieuse au monde, on n'aura jamais vu de création d'emplois aussi peu dispendieuse, M. le Président. Alors, vous comprendrez que, si jamais le ministre réussit ce haut fait, on devra lui ériger une statue, j'en suis convaincu, puis il l'aura méritée. Le problème, c'est qu'on a...

Une voix: ...

M. Beaudet: Elle ne sera pas très haute, vous avez raison, ha, ha, ha! mais vous allez comprendre que ça soulève quand même certaines inquiétudes. Je comprends que le 60 000 000 $ que le ministre va ajouter, il y a d'autres argents qui sont déjà dans le milieu, mais je demeure inquiet quant à l'ampleur de ses espérances et à la petitesse de l'engagement. Alors, 60 000 000 $ pour 504 000 emplois, M. le Président, ça m'inquiète, à 120 $ l'emploi.

Vous allez comprendre que dans ma région, celle de Lachute, qui est probablement la région la plus pauvre au Québec, on voit d'un bon oeil une création d'emplois additionnels, sauf que j'ai toujours cette crainte: Est-ce que ça va se solder par une création d'emplois aussi généreuse que ce qu'on nous propose? Dans notre région, M. le Président, le chômage dépasse le 50 % parmi les jeunes. Alors, quand je vois que le ministre me dit: On va mettre 120 $ par emploi, je ne sais pas lesquels on va créer, parce que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité vient de venir pour une école-entreprise et elle a investi 300 000 $ pour une vingtaine d'emplois. Alors, ça fait déjà un petit peu plus cher par emploi et ça me laisse des craintes devant cette situation-là.

Vous comprendrez aussi que, lorsque le fruit de l'expérience de la région de Montréal... Parce qu'on dit: Montréal, ça a toujours été le moteur économique de la province de Québec. Bien, si c'est le moteur économique, c'est peut-être le reflet que l'économie va parce que Montréal va. Mais là on est après faire des régions le moteur économique de la province parce que Montréal ne va pas. Montréal, il y a eu une légère amélioration récemment, mais vous allez comprendre que c'est loin d'être suffisant pour assurer le développement économique de la province, même si on a un regain sur le plan économique actuellement. Et je ne pense pas, M. le Président, qu'en transférant le moteur économique de Montréal aux régions on va régler le problème de Montréal, pas plus d'ailleurs qu'on va régler le problème des régions.

Et je suis un peu étonné, bien que dans le fond on ne soit pas surpris, c'est l'image de ce gouvernement qui met en place structures après structures. Alors, c'en est une nouvelle. Si on peut reculer dans l'histoire, on va voir les MRC, c'est les structures du gouvernement péquiste du temps. Aujourd'hui, on a eu les CRD, aujourd'hui, les CLD. Alors, c'est une autre structure qu'on ajoute qui va amener un plus grand nombre de fonctionnaires, qui va ajouter une réglementation additionnelle, qui va ajouter de la paperasserie, tout comme si nous n'en avions pas déjà suffisamment. Là, on va être obligé d'aller rencontrer...

On veut faire un guichet unique, c'est ça qui est le but, là, mais, avant d'en arriver à cette définition finale, on a encore un bon bout de chemin à faire, M. le Président. Et, bien que le CLD veuille devenir un guichet unique, on a beaucoup de réticences à cet égard. Alors, on nous dit – puis je cite le journal Les Affaires , M. le Président, qui rapportait les craintes de la Chambre de commerce du Québec: «On nous dit que les CLD seront des guichets uniques pour les services ou entreprises en région. Ils doivent donc être gérés par des personnes près des entreprises et non par un organisme où les gens d'affaires ne se retrouveraient pas avec la structure proposée pour les gérer.»

Dans le conseil des CLD, M. le Président, il n'y aura qu'un seul homme d'affaires. Pourtant, qui crée les emplois? Ce n'est pas le gouvernement qui crée les emplois. Ce n'est pas, d'ailleurs, le rôle du gouvernement de créer des emplois. Son rôle, c'est de supporter les entrepreneurs, des hommes d'affaires qui vont créer des emplois, de créer un climat favorable à la création d'emplois, mais ce n'est pas au gouvernement de créer des emplois. Alors, si on pense que ce sont les entrepreneurs qui vont mettre en place de nouveaux emplois, qui vont créer de nouveaux emplois et de nouveaux marchés, assurons-nous qu'ils sont présents et représentés en nombre suffisant auprès des CLD.

Je comprends que c'est important, les groupes communautaires, les groupes du milieu, les institutions, les syndicats. Je comprends que tout ça, c'est très important, mais ce n'est pas eux qui créent des jobs, M. le Président, ce sont les entrepreneurs: ceux qui investissent leur argent, ceux qui sont créatifs, qui ont de l'imagination, qui ont des rêves. Ce sont ces gens-là qui créent des emplois. Le gouvernement est là en support; il vient leur donner l'appui, l'aide appropriée au moment approprié. Puis on réalise qu'il n'y a qu'un seul représentant du milieu. Alors, comment voulez-vous que ces gens-là se sentent mobilisés par les CLD alors qu'ils sont à peine partie prenante des CLD? Ça les inquiète, puis je les comprends d'être inquiets.

Le ministre veut, par cette orientation vers les régions, essayer d'aider les régions puis de les sauver. Il y a quand même des faits qu'on ne peut pas nier, M. le Président. Sur les grandes régions qu'on connaît au Québec, il y en a une seule qui a une légère augmentation, c'est l'Abitibi. Les autres ont toutes une baisse de leur population. Il y a un exode des régions vers la grande métropole ou les grandes métropoles. Alors, quand on voit ça, je peux comprendre qu'on veuille aider les régions puis dire qu'on va essayer de garder notre jeunesse en place, essayer de l'encourager à ne pas fuir les régions. Mais, d'un autre côté, ces gens-là se retrouvent dans un endroit ou dans un milieu où il n'y a pas pour eux l'espoir d'un développement, l'espoir d'un emploi, l'espoir d'un progrès, même la permission d'un rêve, j'oserais dire.

Alors, quand vous voyez qu'en Gaspésie la population diminue, qu'au Saguenay–Lac-Saint-Jean, ça diminue, je pense que c'est clair que c'est l'exode des jeunes qui fait que ces gens-là ne se renouvelleront pas comme société. Et le but recherché est peut-être bon, mais la façon de l'atteindre est plus difficilement qualifiable, parce que, quand on sait, M. le Président, que 75 % des jeunes qui sont en chômage aujourd'hui n'ont pas terminé leur secondaire V... Alors, au lieu de prendre le 60 000 000 $ et de l'envoyer dans les régions pour essayer de former des conseils locaux de développement, bien, moi, je me dis: Pourquoi est-ce qu'on n'a pas mis 60 000 000 $ de plus dans la formation pour essayer de les préparer au marché du travail de l'an 2000? Et un des gros problèmes que nous connaîtrons, c'est la formation de la main-d'oeuvre. Ces jeunes-là n'auront pas ce qu'il faut pour être capables de faire face aux besoins des entrepreneurs de l'an 2000. Ces jeunes-là n'auront pas les connaissances appropriées, n'auront pas reçu la formation appropriée pour être capables de participer au développement économique de l'avenir.

(17 h 40)

Alors, encore une fois, M. le Président, on va les laisser pour compte et le gouvernement qui... Parce que récemment, on a entendu parler beaucoup des comptes particuliers. Et le gouvernement a mis un paquet de fonds particuliers, de sorte que le budget va être zéro. Mais on se rend compte qu'au fond le gouvernement n'a pas été capable de contrôler ses dépenses. Ce faisant, il s'engage à une nouvelle dépense, 60 000 000 $, une nouvelle affaire, alors qu'il aurait été beaucoup plus sage de dire: On ne créera pas de nouvelles affaires. On va contrôler nos dépenses d'abord et avant tout. On va s'assurer de notre avenir économique en assurant le maintien de la ligne fixée, c'est-à-dire la ligne d'horizon qui est le déficit zéro en l'an 2000. Pas de le pelleter – je comprends que le gouvernement est bon dans le pelletage, là – dans les années 2000, dans les fonds privés, dans les fonds dédiés, mais si, au lieu de créer une nouvelle structure, on avait pris 60 000 000 $ pour diminuer la dette ou pour diminuer le déficit, bien, je me dis: Au moins, on aurait fait un pas de plus dans la bonne direction. Mais non, M. le Président, on s'engage à 60 000 000 $ en plus. Et puis, à ce moment-là, au lieu de l'avoir laissé au ministère de l'Éducation, ce que j'aurais probablement personnellement favorisé, parce que je pense que ce que les jeunes vont manquer, c'est exactement l'élément le plus fondamental dont nous aurons besoin dans l'avenir, c'est-à-dire une main-d'oeuvre qualifiée...

Alors, M. le Président, c'est difficile pour moi d'entrevoir dans une nouvelle structure où les gens les plus habilités à créer des emplois vont être absents, où on crée une nouvelle structure avec de la paperasse, d'autres fonctionnaires... Et mon confrère d'Orford l'a dit tantôt, on a le plus haut taux de fonctionnaires par 1 000 de population au Canada. On est à 40 pour 1 000, alors que la moyenne au Canada, comprenant le Québec à 40 pour 1 000, c'est 34 pour 1 000. Probablement qu'il serait à 30 pour 1 000 si le Québec n'avait pas ce dépassement important.

Puis, en plus, M. le Président, je dis que l'argent aurait pu être utilisé à des fins plus sages et mieux fondées en le dédiant plus à la formation de notre main-d'oeuvre plutôt qu'en le diluant et peut-être en le dilapidant dans des conseils de développement local qui vont, par la structure, utiliser une grande partie de ces sommes d'argent juste à des fins administratives plutôt que de les dédier aux personnes qui en ont besoin, c'est-à-dire les jeunes dans le chômage, les jeunes qui ont besoin de formation, les jeunes qui attendaient de l'aide de ce gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Le projet de loi n° 171 créant le ministère des Régions est un projet de loi qui soulève certaines inquiétudes, en particulier dans la région de Montréal, en ce qui concerne son organisation, mais aussi de notre côté, du côté de l'opposition, sur un point de vue assez particulier. Car, en effet, M. le Président, est-ce qu'on ne pourrait pas penser que ce projet de loi est un projet qui a pour but, pour finalité de permettre à l'État de se désengager de ses activités ou de ses obligations dans les régions? Se désengager, M. le Président, non pas au niveau politique, mais au niveau financier. Et je m'explique.

Lorsque le projet de loi sera en vigueur, le ministre aura des pouvoirs assez larges. Et, loin de donner tout d'abord l'autonomie aux régions, au lieu de donner aux régions la capacité de prendre des décisions elles-mêmes, il leur conserve au contraire une gestion assez serrée. Mais je reviendrai par la suite à ça, M. le Président. Ce qui semble au départ, de premier abord, une espèce de réforme généreuse, lorsqu'on commence à regarder un peu plus près, nous laisse entrevoir peut-être sa vraie réalité.

Et je lis l'article 2 du projet de loi: «Il convient avec les ministères et organismes du gouvernement de modalités de collaboration pour faciliter l'élaboration et la réalisation de ces orientations et politiques. Le ministre élabore et propose au gouvernement des orientations et des politiques favorables au développement local et régional et supervise leur réalisation.» Lorsqu'on va à l'article 3, on lit: «Le ministre apporte, aux conditions qu'il détermine dans le cadre des orientations et politiques gouvernementales, un soutien financier ou technique à la réalisation d'actions visant le développement local et régional.»

Pourquoi ai-je visé les deux, M. le Président? C'est très simple: parce que le ministre est responsable, il élabore et propose au gouvernement les orientations, et, quand on dit que le ministre propose les orientations, ça veut dire qu'il fait en sorte de décider dans quelle direction ou dans quel secteur les projets, le développement doivent se faire. Et, par la suite, on dit: Il «apporte, aux conditions qu'il détermine dans le cadre des orientations [...] un soutien financier ou technique» pour réaliser cette action.

M. le Président, lorsqu'on dit: «Le ministre apporte, aux conditions qu'il détermine», je vais vous donner un exemple. Prenons une région qui voudrait faire des travaux d'infrastructures, par exemple une région qui dirait: Nous allons créer un lien routier, nous avons besoin d'un lien routier pour favoriser notre développement. Normalement, c'est le gouvernement du Québec qui va payer pour ce lien routier, c'est-à-dire que les gens font la demande et, au ministère des Transports, le ministre des Transports va, lui, aller proposer, mettre dans sa programmation un 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $, 5 000 000 $ pour aller construire cette route ou ce lien routier ou l'agrandir. Avec ça, on est en droit de penser que le ministre peut arriver et dire aux responsables de cette région: Écoutez, vous voulez un lien routier, ça coûte 5 000 000 $; j'ai juste 3 000 000 $ à vous donner, cotisez-vous pour payer la différence. Et là on se rend compte qu'on assiste au désengagement du gouvernement dans ce domaine-là en particulier.

C'est un exemple que je donne, parce qu'il est important. On a vu dans d'autres pays, M. le Président, dans d'autres endroits que la régionalisation n'a pas toujours été porteuse de développement mais, au contraire, a été génératrice de taxations supplémentaires. Je donnerai un exemple, parce qu'on retrouve dans ce projet de loi là et dans le livre blanc qui avait été publié et dans différentes discussions, différents forums...

On a souvent l'impression qu'on retrouve un peu le modèle français de décentralisation; pas toujours très proche, mais on le retrouve à l'occasion. Et qu'est-il arrivé à cette grande idée de régionalisation qui a été émise dans les années soixante-dix en France? Eh bien, on retrouve la création d'organismes, de conseils, de comités régionaux chapeautés par des élus – et là on voit qu'on va former des commissions, des comités, les CLD, avec dessus des représentants élus – et ces gens, on leur distribue, on leur délègue rapidement certaines responsabilités. On dit: Vous allez vous occuper, par exemple, de l'entretien des édifices scolaires, vous allez vous occuper maintenant des routes provinciales ou nationales dans votre région, vous allez vous occuper des hôpitaux dans votre région, et là on leur envoie une somme d'argent.

Mais, bien souvent, on s'est rendu compte que les sommes d'argent n'étaient pas suffisantes à ce qu'il était nécessaire de réaliser. Alors, le gouvernement là-bas s'est retourné de bord et a dit aux gens: Oui, mais, vu que c'est pour votre développement régional, eh bien, nous allons vous permettre maintenant de taxer, d'aller chercher de l'argent pour pouvoir, en collaboration avec nous, payer ces dépenses, ces immobilisations, ces services ou ces équipements, surtout, qui auparavant étaient fournis par le gouvernement central.

Alors, M. le Président, on se rend compte que la taxation a augmenté du double ou triple dans certaines régions en France, et les gens reçoivent maintenant un autre compte de taxes supplémentaire qui est le compte de taxes régional. Et là on se rend compte que ça a créé aussi une nouvelle fonction publique, une fonction publique régionale, en plus de la fonction publique nationale et municipale. Et là il faut payer tout ça. Alors, il faut payer cette nouvelle administration, cette nouvelle bureaucratie. Il faut aussi maintenant, si on veut faire des projets, eh bien, chercher de l'argent chez les citoyens de la région, en plus des impôts qu'ils paient déjà pour aider le gouvernement, pour participer, sinon le gouvernement ne le fait pas.

Et, moi, c'est ce que je pense qui nous guette. C'est ce que je crois qui peut nous arriver, et c'est ce sur quoi je pense que nos concitoyens n'ont pas été assez informés. Je pense, M. le Président, qu'on n'a pas suffisamment été explicite avec ça.

Qu'arrivera-t-il dans deux, trois ans, M. le Président ? Est-ce qu'on sera devant un nouveau projet de loi qui permettra cette taxation? Probablement que nous y serons, parce qu'on le voit déjà, que le gouvernement se retire du monde municipal. On l'a vu. Actuellement, les maires de centaines et de centaines de petites municipalités – comme de Montréal d'ailleurs – mais de centaines et de centaines de municipalités, au Québec: 1600, 1700 municipalités sont en train d'essayer par tous les moyens de compresser les dépenses, de couper parce que le gouvernement a décidé de leur envoyer une facture très importante, comme tout le monde sait dans cette Chambre. Et ça illustre très bien où ils peuvent aller. Parce qu'ils le font, là, actuellement. Les municipalités ont de la difficulté parce que les maires sont proches de leurs citoyens, les maires sont proches de leur administration et ils trouvent que ça n'a pas d'allure, que ça n'a pas de bon sens, que le gouvernement ne prend pas ses responsabilités puis qu'il les pellette sur les autres.

(17 h 50)

Mais, lorsqu'il aura fait ce Conseil régional et qu'on aura donné aux gens qui sont sur le Conseil régional ce loisir d'aller chercher des fonds supplémentaires ailleurs, qu'est-ce qui nous dit, M. le Président, qu'il n'y aura pas dérapage? Qu'est-ce qui nous dit qu'on n'ira pas vers encore plus de désengagement de l'État envers ces régions-là? Et, moi, je ne suis pas vraiment satisfait de ce projet de loi là, en particulier pour cet aspect.

Prenez la région de Montréal. Qu'est-ce qui va arriver avec la région de Montréal? Un autre aspect du projet de loi, M. le Président: on dit que le CLD, des municipalités, une part de municipalités, Montréal, 1 000 000 d'habitants, certains quartiers enclavés, avec ville d'Anjou, Pointe-aux-Trembles, Rivière-des Prairies, Montréal-Nord, Saint-Léonard... Il arrive quoi? Est-ce qu'on a consulté les citoyens? Est-ce qu'on a consulté juste le maire de Montréal ou est-ce qu'on a parlé avec l'ensemble des intervenants? Est-ce qu'on a consulté la population? Je ne crois pas. Parce que, si ç'avait été fait, c'est évident que les députés de notre côté, nous aurions été mis au courant. Et nous ne l'avons pas été. Et lorsqu'on voit dans le projet de loi qu'on va permettre au député de siéger sur ce CLD, M. le Président... Exemple: «Peut également être membre du conseil d'administration, avec droit de vote, le député de l'Assemblée nationale de toute circonscription sur le territoire de laquelle le centre local a compétence. Les modalités d'admission et de participation d'un député comme membre du conseil sont déterminées par le règlement intérieur du centre local.»

Ça ne sera même pas la même règle d'un centre local à un autre. À titre d'exemple, dans la région de Québec, le conseil d'administration pourra décider qu'un député peut participer à certaines assemblées puis, à Montréal, participer à d'autres, parce que le règlement local, le règlement interne, il va être fait à l'interne. Alors, pourquoi laisser croire qu'on va mettre les députés, alors qu'ils n'ont même pas été consultés? Peut-être ont-ils consulté les députés du parti au pouvoir, mais les députés de l'opposition, M. le Président, en ce qui me concerne et plusieurs de mes autres collègues, particulièrement dans la région de Montréal, nous n'avons pas été consultés pour ça. Certainement, nous aurions pu faire valoir un certain nombre de points, de même que nos concitoyens.

M. le Président, je suis très inquiet. Désengagement du niveau national de responsabilités, qui vont être transmises au niveau régional. Il n'y a pas de garantie de financement. Nulle part dans le projet de loi il est dit – au contraire, c'est la porte qui est ouverte – et précisé que tout désengagement de l'État, tout transfert de responsabilité sera suivi automatiquement des sommes nécessaires et suffisantes à la responsabilité, à l'action qui va être faite.

Au contraire, M. le Président, on dit, et c'est bien écrit: «Le ministre apporte, aux conditions qu'il détermine dans le cadre des orientations et politiques gouvernementales, un soutien financier ou technique à la réalisation d'actions visant le développement local et régional.» C'est clair, l'article 3, il l'ouvre, la porte. «Aux conditions qu'il détermine», ça veut dire que les CLD, les gens qui sont sur les conseils n'auront même pas le droit, même pas le choix que d'accepter ou il n'y aura rien qui va se faire. Alors, il peut leur dire: Moi, je vous donne un tiers, mettez deux tiers, ou vice versa. Les gens n'auront aucun recours. Et, en plus, les régions vont se retrouver bien souvent en compétition les unes avec les autres.

Qu'est-ce qu'on fait pour les zones frontalières, les bords de régions? J'ai mentionné tout à l'heure les régions de Saint-Léonard, de Pointe-aux-Trembles, qui est un quartier montréalais, Rivière-des-Prairies, qui est un quartier montréalais, avec Montréal-Nord. On fait quoi avec ça? Qui va avoir juridiction? Moi, je peux vous assurer que, quand on parle de développement régional, les gens qui habitent Rivière-des-Prairies travaillent, une bonne partie, au centre-ville, une autre partie vont travailler à Laval, une autre partie à Saint-Léonard, une autre partie à ville d'Anjou, et des gens de ville d'Anjou viennent travailler à Rivière-des-Prairies ou à Montréal-Nord. Or, je pense que, lorsqu'on veut faire du développement régional, bien, on doit faire en sorte de globaliser dans une région au complet et non pas faire des actions parcellaires ou qui sont éparpillées, M. le Président.

«C'est-u» le CLD de Montréal-Nord ou celui de ville d'Anjou et puis celui de Rivière-des-Prairies? S'il y en a un à Rivière-des-Prairies, on ne le sait pas encore, vu que c'est un quartier de Montréal. Qui va décider, je ne sais pas, de la réfection du boulevard Perras, si c'est nécessaire au développement économique? Qui va décider de payer? Est-ce qu'il y a un mécanisme de concertation qui est prévu pour faire en sorte que les régions, ces CLD là puissent se concerter sur un organisme plus central, ou est-ce que c'est le ministre lui-même qui va décider puis faire les choix arbitraires? C'est une question à laquelle il n'a pas répondu dans ce projet de loi là.

M. le Président, la régionalisation, oui, parce que, bien souvent et très souvent, les élus municipaux sont en première ligne, les gens les plus capables et les plus aptes à gérer l'activité de nos concitoyens de première ligne. Ça, je suis tout à fait d'accord. Mais là on remet des structures. On fait des CLD, on avait déjà les CRD. Les CRD, ça fonctionne bien. Ça aurait pu être modernisé. On aurait peut-être pu augmenter leur financement, augmenter leur champ d'action. Ça fonctionne bien. Les gens ont appris à travailler ensemble. Pourquoi ne pas s'en être inspiré et être resté avec ces organismes-là? Là, on va mettre le CLD; compétition. D'autres organismes vont être en compétition.

Prenez les ATR, les associations touristiques régionales, qui ont un mandat de développement touristique. Est-ce qu'elles vont être dans le CLD ou est-ce qu'on va prendre l'argent des ATR pour mettre dans le CLD parce que le ministre n'aura pas réussi à avoir son argent auprès du Conseil du trésor ou du ministre des Finances? Puis il va dire: Bien, là, il y a de l'argent là. Hop! je le mets là-dedans puis j'abolis les ATR. C'est une question qui n'a pas de réponse, mais une question que les gens du milieu se posent. C'est une question qu'on m'a posée lorsque j'ai rencontré, la semaine dernière, des représentants d'ATR, des représentants de l'Association des hôteliers du Québec.

M. le Président, est-ce que la taxe de 2 $ par nuitée va être gérée à un moment donné par les ATR ou va être gérée par le CLD? Qui va gérer les kiosques d'information touristique dans une région: est-ce que c'est la municipalité ou c'est le CLD? Alors, c'est des questions qui n'ont pas eu de réponses. C'est des questions qui vont devoir être répondues, et il va falloir certainement qu'en commission parlementaire les gens puissent être entendus. Moi, je crois qu'on va devoir prendre le temps de voter ce projet de loi là, inviter les intervenants qui sont intéressés à venir s'exprimer dessus devant les députés, en commission, car c'est le meilleur forum, le forum des élus, celui qui à la fin de tout a à prendre des décisions et qui en répond à chaque élection devant les citoyens.

M. le Président, je vois que le temps passe, et vous me faites signe que bientôt ça va être la fin de cette session, j'aimerais encore une fois réitérer mes craintes de voir ce projet de loi ouvrir la porte à un désengagement de l'État envers ses obligations actuelles dans les régions et à l'arrivée prochaine, dans un an ou deux, de nouvelles taxations régionales pour payer ce que l'État ne voudra plus payer, sans pour autant baisser les impôts et les taxes aux citoyens du Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, étant donné que c'est le dernier intervenant, je vais réserver le droit de réplique au ministre, vous disant que nous allons suspendre le débat...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ajourner, s'il vous plaît, ajourner le débat, oui.

M. Jolivet: Ajourner, c'est ça, oui, excusez-moi, ajourner ce débat pour pouvoir reprendre un autre débat à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion d'ajournement du débat est...

M. Gobé: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, nous allons adopter la motion puis, après ça...

M. Gobé: Non, mais, M. le Président, je ne suis pas sûr s'il n'y a pas d'autres intervenants après moi, mais, à cause de l'heure, nous arrêtons; peut-être qu'il faudrait vérifier avec notre whip s'il n'y a pas d'autres intervenants.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, écoutez. En ajournant le débat, on laisse la possibilité à ce qu'il y en ait d'autres, à ce moment-là; le ministre aura toujours son droit de réplique. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: À ce moment-ci, il n'est pas encore 18 heures, il n'y a personne de l'autre côté; je considère donc, M. le Président, que ce serait le droit de réplique du ministre. Je pense que c'est la logique.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, il est 18 heures, là. Avec ce qu'on a dit là... M. le député de LaFontaine.

(18 heures)

M. Gobé: Oui, M. le Président, vous m'avez fait signe qu'il restait une minute; j'ai pris le temps qu'il restait, comme un parlementaire respectueux de vos décisions, un gentleman. Et si, bien sûr, j'avais pensé que, pour les trois secondes qui restaient, ça pouvait brimer d'autres collègues qui voulaient parler, j'aurais pu continuer à parler encore quelques secondes. Alors, je fais appel à votre bon sens, je fais appel à vous pour respecter, s'il y a lieu, le droit de parole d'autres collègues de notre formation politique.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Je vais vous régler votre problème. Nous sommes bien conscients... Je croyais que c'était le dernier intervenant. J'ajourne donc le débat. Il y aura possibilité d'autres intervenants. Nous allons reprendre à 20 heures sur un autre sujet.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Est-ce que la motion d'ajournement est adoptée? Alors, nous allons, étant donné l'heure, suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. M. le Président, pour la suite de nos travaux, je vous demanderais de bien vouloir appeler l'article 10, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 170


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, l'article 10 de votre feuilleton. Mme la ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 170, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 170? Alors, Mme la ministre de l'Éducation.


Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Bien sûr, je crois qu'il est important que nous nous arrêtions pendant quelques instants sur ce projet de loi qui vient modifier la Loi sur l'aide financière aux étudiants.

D'abord, en décembre 1996, nous avons proposé des changements au Programme de prêts et bourses afin d'établir une plus grande équité entre les différentes catégories de bénéficiaires, de réduire les coûts du programme, de limiter l'endettement des étudiantes et des étudiants et, enfin, de continuer à protéger celles et ceux qui connaissent les situations les plus difficiles. Il s'agissait, à l'époque, M. le Président, d'une première étape.

Au même moment, j'ai demandé à un groupe d'experts, présidé par M. Claude Montmarquette, d'examiner les modalités de remboursement de la dette d'études. Pour alimenter leur réflexion, les membres de ce comité ont consulté des représentants des étudiantes et des étudiants, des milieux socioéconomiques et financiers, de la Fédération des associations de parents des collèges du Québec et de la Fédération des associations coopératives d'économie familiale du Québec. Ils m'ont remis leurs recommandations en septembre dernier, recommandations qui, je le rappelle, ont été unanimement entérinées par les membres du comité. On sait que ce n'est pas toujours le cas, particulièrement quand on aborde des questions comme celles-là, qu'il y a parfois des tiraillements entre les étudiants et les étudiantes, d'une part, et des représentants d'institutions financières ou tout simplement des représentants d'institutions. Ce ne fut pas le cas, puisqu'on est arrivé unanimement à me faire un certain nombre de recommandations.

Donc, le projet de loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants que je présente à cette Assemblée donne suite à plusieurs de ces recommandations. Il s'inscrit dans l'esprit des orientations que nous avons fixées en décembre 1996 et s'inspire des mêmes préoccupations: l'équité entre les bénéficiaires, le niveau d'endettement des étudiants, la réduction des coûts du programme et la protection des plus démunis. Je propose aussi de changer l'appellation de la loi pour la rendre plus conforme à la réalité. En effet, dorénavant, nous parlerons de la Loi sur l'aide financière aux études.

M. le Président, avant de vous présenter les modifications que je propose d'apporter à la loi, il me semble opportun de citer quelques faits relativement au régime d'aide financière aux étudiants. D'abord, en 1996-1997, il faut savoir qu'au-delà de 166 000 étudiantes et étudiants bénéficiaient d'un prêt, pour un total de 571 000 000 $. De ce nombre, 72 000 touchaient également une bourse, soit près de la moitié des étudiants qui ont accès au régime d'aide financière, d'abord au prêt, pour une somme additionnelle de 254 000 000 $. Cela signifie donc qu'environ une personne sur deux qui poursuit des études post-secondaires à temps plein reçoit une aide financière sous forme de prêt et qu'une personne sur quatre bénéficie d'une bourse.

De 1990-1991 à 1996-1997, le nombre des bénéficiaires du programme des prêts et bourses a crû de 45 %, tandis que le montant total de l'aide accordée aux étudiantes et aux étudiants a augmenté, quant à lui, de 72 %, ce qui le situe actuellement à 825 600 000 $. Pour la même période, la dépense totale inscrite aux comptes publics au titre de l'aide financière aux études a augmenté de 56 %. Pas sur une très longue période, M. le Président, sur une période, finalement, de six ans. Aujourd'hui, le gouvernement dépense 494 500 000 $ à ce titre. Comme nous pouvons le constater, depuis 1990, le nombre de bénéficiaires et les montants consentis en vertu du programme de prêts et bourses ont augmenté d'une façon considérable.

(20 h 10)

Cette croissance de coûts, à quoi est-elle due? Je vais rappeler ici les principaux éléments qui viennent l'expliquer. D'abord, de 1987 à 1994, les indexations successives ont fait augmenter considérablement le montant du prêt par étudiant. Pendant cette période, le prêt maximum est passé, à l'enseignement collégial qui est subventionné, de 1 255 $ à 2 605 $; au premier cycle universitaire, de 1 750 $ à 3 260 $; et, aux deuxième et troisième cycles universitaires, de 2 485 $ à 4 255 $.

L'ajout, en 1990, à titre de prêt, de la totalité des frais de scolarité des étudiantes et des étudiants des établissements d'enseignement privés non subventionnés a eu pour résultat que le montant du prêt consenti annuellement est aujourd'hui supérieur de 50 000 000 $ à ce qu'il aurait été autrement. On se comprend bien? Ce sont des établissements qui ont des permis, qui ont donc des autorisations, bien sûr, d'enseigner mais qui ne sont pas reconnus comme établissements privés subventionnés. Et, évidemment, par l'intermédiaire des prêts et bourses qui sont accessibles à leurs étudiants et qui le sont depuis 1990, ils reçoivent indirectement une forme d'aide, on le comprendra. Mais ça a eu un impact énorme sur le budget de l'aide financière, de l'ordre de 50 000 000 $ depuis 1990. C'est le gouvernement qui nous avait précédés qui avait accepté cette mesure.

L'intégration des élèves, par ailleurs, de la formation professionnelle du secondaire au Programme de prêts et bourses, en 1994, a engendré un volume d'aide qui atteint 90 000 000 $ en 1996-1997, pour un coût de près de 50 000 000 $, ce qui est quand même considérable. Quand on dit «le coût», évidemment, il faut soustraire de cette somme totale que nous investissons à un moment dans le temps les prêts qui, eux, nous sont remboursés, mais, évidemment, il y a un investissement qui, lui, reste aux étudiants sous forme de couverture des taux d'intérêt et, par ailleurs, de la bourse. Mais c'est intéressant, évidemment, parce que, là, on a marqué une ouverture très significative du côté de ce qui est une priorité pour le gouvernement du Québec, soit un accroissement de la diplomation au niveau de la formation professionnelle, soit au secondaire.

La croissance considérable, par ailleurs, du nombre d'ex-étudiantes et étudiants qui font défaut de rembourser leur dette d'études a forcé l'augmentation de la provision pour mauvaises créances. En effet, cette dernière est passée de 19 300 000 $ en 1990-1991 à 136 100 000 $ en 1996-1997. Pendant cette dernière année, le ministère de l'Éducation a dû rembourser aux établissements financiers 82 100 000 $ pour couvrir les défauts de paiement.

S'il est normal que nous nous attachions à améliorer les modalités de remboursement de la dette d'études et, donc, à diminuer le taux de défaut de paiement, il est aussi essentiel de réaffirmer que la priorité doit être accordée aux personnes dont les ressources financières ou celles de leurs parents sont insuffisantes. C'est le fondement même de ce régime. Donc, dans cet esprit, les modifications que je propose aujourd'hui visent à la diminution du niveau de la dette des étudiantes et des étudiants, visent aussi la responsabilisation d'ex-étudiantes et d'ex-étudiants et aussi, bien sûr, l'amélioration du recouvrement de la dette d'études. C'est donc un aperçu des modifications législatives que je propose d'apporter à la Loi sur l'aide financière aux étudiants.

La dette d'études mérite une attention particulière. À mon avis, il faut continuer d'agir de façon à ce que cette dette n'atteigne pas des niveaux inacceptables. Je tiens à souligner que, parmi toutes les provinces canadiennes, c'est au Québec que les étudiantes et les étudiants ont l'endettement moyen le plus bas au premier cycle universitaire. C'est trop élevé, mais cela reste le plus bas par rapport à ce qui se passe ailleurs dans d'autres provinces. En effet, en 1996-1997, il est de 11 261 $, alors que dans les différentes provinces canadiennes il varie de 17 000 $ à 25 000 $. S'il en est ainsi, c'est d'abord et avant tout bien sûr parce que le système universel de bourses du Québec est le plus généreux du Canada et que les droits de scolarité, aussi, y sont, au Québec, les moins élevés: nous sommes à 1 700 $ à 1 800 $ au plan universitaire, alors que dans les autres provinces ça oscille autour de 3 200 $, 3 300 $ et davantage. Par ailleurs, cela ne nous enlève pas l'obligation de nous assurer de réduire le niveau de la dette, et pour cela je propose trois mesures que l'on retrouve au projet de loi.

La première mesure vise à réduire l'endettement total des étudiantes et des étudiants les plus démunis qui doivent chaque année avoir recours à l'aide financière en raison de leurs grands besoins financiers. En effet, à la fin de leurs études universitaires de premier et de deuxième cycles, ces étudiants doivent faire face à un niveau d'endettement très élevé même s'ils terminent leurs études dans les délais prévus. J'annonce aujourd'hui qu'à compter de 1999-2000 nous introduirons un nouveau programme de remise de dette pour les étudiantes et les étudiants les plus démunis qui persévèrent dans leurs études et qui ont terminé leurs études collégiales de même que le premier ou le deuxième cycle universitaire dans les délais prévus. Ce programme assurera une meilleure équité aux personnes qui sont obligées d'avoir recours à l'aide financière chaque année et favorisera le passage à l'enseignement universitaire des étudiantes et des étudiants qui viennent de familles à faibles revenus.

Une deuxième mesure prévue au projet de loi vient modifier le calcul du prêt de manière à exiger une participation plus active de celles et de ceux qui ont les moyens de financer leurs études. Actuellement, le montant du prêt est calculé sans égard aux ressources des parents, du répondant ou du conjoint. Ce n'est que pour le calcul de la bourse que la contribution du tiers est prise en compte. Désormais, une partie du prêt sera calculée en fonction de cette contribution. Par cette mesure, nous cherchons à atteindre un meilleur équilibre entre l'accès à l'aide, la capacité financière de l'étudiant et celle de ses parents, du répondant ou du conjoint.

Enfin, une dernière mesure aura pour effet de transformer en bourse une partie du prêt qui a été accordé. Ainsi, nous pourrons régulariser la situation des étudiantes et des étudiants qui, à la suite d'un changement qui serait survenu en cours d'année, deviennent admissibles à une bourse plutôt qu'à un prêt. On évite ainsi toute espèce de mesures administratives et bureaucratiques qui n'étaient pas utiles par cette troisième mesure.

M. le Président, depuis que notre gouvernement a amorcé la réforme de l'éducation, nous avons demandé aux étudiantes et aux étudiants de faire leur part. Notre souhait est simple, c'est qu'ils réussissent leurs études dans un délai raisonnable. Le groupe d'experts sur le remboursement de la dette d'études a d'ailleurs appuyé cette orientation. Par ailleurs, il a souhaité que les ex-étudiantes et ex-étudiants soient davantage conscients de leurs responsabilités. La collectivité québécoise, au moyen de l'aide financière aux études, a investi beaucoup d'argent dans leur formation; elle est en droit de s'attendre à un engagement de leur part. Le comité Montmarquette a suggéré d'apporter à la loi deux modifications qui concernent les étudiantes et les étudiants ayant terminé leurs études. À sa suite, je propose d'abord une modification qui touche le paiement des intérêts.

Actuellement, les étudiantes et les étudiants bénéficient, à la fin de leurs études, d'une période d'exemption de six mois pendant laquelle le gouvernement continue de payer les intérêts sur leur prêt. Au terme de cette période, l'étudiante ou l'étudiant doit convenir d'une entente de remboursement avec son établissement financier. Les étudiantes et les étudiants continueront de bénéficier de cette période et pourront attendre six mois après la fin de leurs études avant de commencer à rembourser leur prêt, si tel est leur souhait, bien sûr. Toutefois, comme dans les autres provinces canadiennes – et c'est déjà le cas, c'est déjà cette mesure qui s'applique – le gouvernement cessera de payer les intérêts sur leur prêt dès la fin des études à temps plein mais fera en sorte qu'ils puissent être, ces intérêts, bien sûr, capitalisés et donc ajoutés au prêt pour cette première période de six mois.

(20 h 20)

Je tiens cependant à rassurer les membres de l'Assemblée nationale relativement aux effets de cette mesure. Il faut savoir, d'une part, que près de 80 % des étudiantes et des étudiants trouvent un emploi rapidement à la fin de leurs études et sont ainsi en mesure d'assumer eux-mêmes le paiement des intérêts sur leur prêt. De plus, l'autorisation de capitaliser les intérêts permet de ne pas pénaliser la personne qui n'a pas d'emploi à la fin de ses études.

D'autre part, il est important de rappeler que les étudiants et les étudiantes qui consolident leur dette peuvent convenir avec leur établissement financier, leur banque, leur caisse populaire, peu importe, de modalités de remboursement qui tiennent compte de leur situation financière. En effet, depuis les modifications apportées par notre gouvernement en 1996, les modalités de remboursement sont beaucoup plus souples. Ainsi, le montant de remboursement minimum de 50 $ par mois et la période maximale de 10 ans fixée pour rembourser une dette d'études ont été abolis. Ce n'est pas beaucoup, hein, 50 $ par mois. C'était long, 10 ans. Mais ce sont des contraintes qui n'existent plus. Évidemment, il faut négocier quand même une façon de rembourser, ça va de soi, mais ces règles ont été abolies.

Par ailleurs, nous avons retenu la recommandation du rapport Montmarquette voulant que le Programme de remboursement différé soit plus flexible afin de tenir compte du contexte économique et des caractéristiques du marché du travail. Alors, des modifications réglementaires seront apportées afin que les ex-étudiantes et ex-étudiants puissent bénéficier de ce programme par période de six mois, jusqu'à concurrence de 24 mois, sur un délai de cinq ans. C'est-à-dire, pendant une période de cinq ans, finalement, on pourra se prévaloir d'un arrêt de remboursement en faisant une entente, évidemment, et on n'aura ni pénalité ni même à payer les intérêts, qui seront à ce moment-là assumés par le gouvernement. Et ça permet, je pense, de reconnaître une situation réelle que vivent des étudiantes et des étudiants qui ont bénéficié du programme. Le gouvernement assumera donc, je le répète, tous les intérêts de celles et de ceux qui rencontreraient des difficultés à rembourser leurs mensualités pendant cette période.

Comme vous le savez, certains étudiants et certaines étudiantes doivent, à la fin de leurs cours, de leurs études, effectuer des stages qui sont exigés par les ordres professionnels du Québec. Or, généralement, ces stages sont rémunérés. Je propose d'abolir le report du début du remboursement de la dette d'études qui est actuellement fixé à six mois après la fin du stage. Toutefois, par mesure d'équité, les personnes qui sont en situation financière précaire, qui n'ont pas de ressources financières suffisantes pourront continuer de bénéficier de ce délai. Comprenons-nous bien. Nous continuerons de soutenir les étudiantes et les étudiants stagiaires les plus démunis, ou qui ont des ressources financières insuffisantes, ou qui effectuent des stages non rémunérés. Ça va de soi.

Le comité, présidé toujours par M. Claude Montmarquette, à l'instar de plusieurs groupes, nous a soumis deux pistes de travail très intéressantes relativement au remboursement de la dette d'études. Il s'agit du remboursement proportionnel au revenu et du partage du risque. Je vous informe que ces deux propositions font actuellement l'objet d'études de faisabilité, dont nous obtiendrons les conclusions au cours de la prochaine année. Si nous voulons conserver les acquis du Programme de prêts et bourses et ses indéniables avantages au profit du plus grand nombre, particulièrement de celles et de ceux qui en ont le plus besoin, je crois que nous devons aussi améliorer le recouvrement des dettes d'études. Au 31 mars 1997, le portefeuille des sommes à recouvrer de l'aide financière aux études était composé de trois types de comptes: les prêts d'études, pour 261 900 000 $, les bourses versées en trop, pour 31 300 000 $ et les remboursements différés, pour 56 900 000 $.

Comme je l'ai dit au début de mon exposé, le gouvernement a dû rembourser aux établissements financiers, en 1996-1997, 82 100 000 $ pour couvrir les défauts de paiement, dont 37 000 000 $ à l'égard de faillis. Non seulement ces sommes représentent des débours considérables pour l'État, mais ce sont, en outre, des ressources qui ne peuvent être mises à la disposition de celles et de ceux qui en ont besoin.

J'estime essentiel que le ministère dispose d'outils permettant de recouvrer les sommes qui lui sont dues. Il arrive notamment que des personnes abandonnent leurs études après avoir reçu leurs prêts. Comme on le sait, les frais de scolarité des étudiantes et des étudiants inscrits dans un établissement d'enseignement privé sont admissibles aux prêts, qui peuvent atteindre jusqu'à 6 000 $ par trimestre d'études. En conséquence, une étudiante ou un étudiant pourrait recevoir plus de 18 000 $ en prêts pour une année scolaire. Je précise que la plupart d'entre eux paient à l'avance leurs droits de scolarité. Lorsqu'ils abandonnent leurs études, l'établissement d'enseignement doit leur rembourser directement la partie non échue des droits de scolarité perçus.

Je propose que dorénavant l'établissement d'enseignement privé puisse faire ce remboursement directement à l'établissement financier. Dans plusieurs cas, des étudiantes et des étudiants utilisent ces sommes à d'autres fins que le remboursement de la dette d'études, remettant ce dernier à plus tard. Je crois qu'il y a là une raison d'équité, en plus, évidemment, d'éviter les problèmes administratifs et bureaucratiques, souvent, de courir après l'un et après l'autre.

Finalement, je propose trois mesures concernant les sommes reçues en trop par l'étudiante ou l'étudiant ou ce qui est communément appelé, les bourses versées en trop. Alors, il faut se rappeler que, au moment de la demande d'aide financière – ça se fait habituellement au printemps – les étudiantes et les étudiants n'ont pas à déclarer leurs revenus d'emploi. Les responsables de l'aide financière aux études font l'analyse des dossiers en fonction d'un revenu prévisible qui est fixé par règlement, qui tient compte essentiellement des revenus provenant d'un emploi ou d'indemnités ou de prestations reçues en vertu d'un programme.

Au moment de la remise du certificat de prêt – ce qui se fait généralement au mois d'août – l'étudiant est invité à remplir un formulaire de déclaration de situation réelle et là il établit, s'il y a lieu évidemment, le montant de sa bourse. Et c'est à ce moment que le bénéficiaire déclare ses revenus d'emploi ou les revenus d'autres sources qui servent à ce moment-là pour le calcul du montant de sa bourse. Vers la fin du mois d'octobre, les bénéficiaires reçoivent un premier versement de bourse, un second en janvier et un dernier au milieu du trimestre d'hiver. Avant le 31 décembre, ils sont invités à remplir un formulaire de confirmation de revenus de l'étudiant. Il arrive évidemment qu'en cours d'année la situation de l'étudiante ou de l'étudiant change par rapport à sa déclaration du mois d'août et qu'il n'ait effectivement pas droit à la bourse initialement calculée. La bourse qui est ainsi versée en trop doit être entièrement remboursée au gouvernement.

Je propose d'abord que soient revues les conditions de remboursement des sommes que l'étudiant a reçues en trop par suite d'une déclaration mensongère. Actuellement, dans ces cas, la réclamation est très élevée et sans commune mesure, je dirais, avec l'effet de la déclaration mensongère. Alors, l'étudiant, en plus d'être exclu du programme de prêts et bourses pour une période de deux ans, doit rembourser toute l'aide financière reçue au cours d'une ou de plusieurs années ayant fait l'objet d'une déclaration mensongère. En somme, on lui demande de rembourser non seulement le montant reçu en trop, mais aussi la totalité des montants qu'il aurait reçus à ce jour, même les montants pour lesquels il avait tout à fait correctement déclaré ses revenus.

Il me semble donc plus équitable de n'exiger que les remboursements des sommes versées en trop, avec les intérêts correspondants, tout en maintenant bien sûr les autres conditions d'exclusion actuelles. À la différence, donc, de la situation actuelle, les étudiants et les étudiantes pourront conserver les montants qui ont été reçus de façon légitime. Je pense que c'est une mesure juste et correcte.

Ensuite, je propose que la ministre soit autorisée à déterminer un taux d'intérêt différent du taux légal pour les montants reçus en trop. Ce taux est présentement de 5 %, ce qui n'incite pas, on va bien le comprendre, les étudiantes et les étudiants à faire une priorité du remboursement de leur bourse reçue en trop. En effet, ce taux d'intérêt est bien en-dessous de celui qu'exigent les institutions financières pour d'autres types d'emprunts.

Enfin, je vous propose d'introduire dans la loi des dispositions qui vont permettre d'alléger, de simplifier, d'accélérer le remboursement des bourses versées en trop. Actuellement, près de 75 % des personnes qui ont reçu une bourse versée en trop – trois personnes sur quatre – demandent au ministère de retenir ce montant à même les prêts et bourses qui leur seront accordés ultérieurement. Nous donnons suite à cette demande, et désormais cette compensation se fera automatiquement, à moins que le bénéficiaire ne s'y oppose.

(20 h 30)

Ces deux dernières modifications faciliteront les ententes de remboursement des sommes que doivent les étudiants. Le fait de pouvoir, dans certains cas, exiger préalablement le remboursement intégral des sommes versées en trop responsabilisera l'étudiant relativement à la déclaration exacte de ses revenus. À titre d'exemple, le remboursement complet pourrait être exigé lorsque, année après année, l'étudiant déclare faussement ses revenus d'emploi. Dans notre économie, le capital humain est à la base de la croissance. Pour un individu et pour la collectivité, l'investissement dans les études demeure le meilleur investissement. J'ai donc amorcé des discussions avec mon collègue des Finances sur la possibilité d'accorder un crédit d'impôt remboursable sur les intérêts, dégressif selon le revenu, cela offert aux étudiantes et étudiants qui empruntent pour leurs études. Cette formule est innovatrice, M. le Président, car elle présente des avantages qui encourageraient les étudiantes et les étudiants à terminer leurs études tout en facilitant le remboursement de leur investissement.

En conclusion, le train de mesures que nous mettons de l'avant aura des effets non négligeables. Celles-ci vont nous permettre de mieux maîtriser la croissance de certains coûts du Programme de prêts et bourses, mais elles vont surtout nous permettre de franchir une étape de plus dans l'atteinte des engagements que nous avons pris à ce jour, soit de limiter l'endettement des étudiantes et des étudiants et d'améliorer les modalités de remboursement de la dette d'études. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de l'Éducation. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition en matière d'éducation et député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Je ne trouve que de belles paroles et que de petites actions. Il n'est pas inutile de rappeler à cette Chambre le cadre dans lequel nous débattons ce projet de loi. Le gouvernement et vous-même lorsque vous avez fait campagne électorale avez pris des engagements très clairs, M. le Président, en ce qui portait sur la réforme du régime de prêts et bourses. À l'époque, on était en 1994, vous parliez qu'il était important de revoir en profondeur le régime de prêts et bourses – c'était vous qui parliez, je vous le signale, en 1994 – d'imposer un mécanisme d'impôt universitaire pour combler les frais de scolarité et le régime de prêts et bourses, et la possibilité des bourses et la scolarité. Ce nouveau régime favorisera l'accès à l'université et soulagera les jeunes qui doutent de leur capacité de rembourser. On parlait aussi d'alléger les mécanismes de remboursement. C'est magnifique!

M. le Président, après quatre ans – enfin, bientôt quatre ans, trois ans et quelque chose, oui bientôt quatre ans... Écoutez, vous allez voir rapidement, les seules mesures que vous proposez qui ont un effet, elles auront seulement un effet en 1999. Alors, on va s'entendre là-dessus. Alors, M. le Président, regardons ce qui s'est passé.

Il y a eu un premier comité, une première commission qui a été la commission MacDonald qui s'est penchée sur les réformes du régime de prêts et bourses, qui a produit un gros rapport. Et ça, c'est la première chose qui a été faite. Après, la principale conclusion du rapport MacDonald, ça été de créer le comité Montmarquette, présidé par un de mes collègues, qui a pondu lui aussi un rapport, un rapport où il y avait beaucoup de recommandations. Et c'est vrai, la ministre en a saupoudré ou pêché quelques-unes au hasard, mais n'a pas respecté l'esprit même du rapport Montmarquette en ce qui touche et l'endettement étudiant, et le statut des étudiants autonomes, et le régime de prêts et bourses.

M. le Président, depuis que ce gouvernement est arrivé au pouvoir, je vais vous dire, avant la loi d'aujourd'hui, ce qu'il a pratiquement fait. Alors, premièrement, première mesure, la diminution du nombre de semestres admissibles. Vous savez que, dans votre programme d'études collégiales, votre programme d'études universitaires, il y a un nombre de semestres dans lequel vous êtes éligible au régime de prêts et bourses. Ça varie, bien sûr, avec le type d'études que vous faites. Notre gouvernement, c'est-à-dire votre gouvernement, a eu la magnifique idée de diminuer à chacun des niveaux d'études le nombre de semestres admissibles d'un semestre. Ça a eu pour effet pratiquement aujourd'hui des étudiants qui se réorientent... Et vous savez à quel point ça peut être difficile lorsqu'on est rentré dans une première orientation, et on se rend compte que le marché du travail ne correspond pas réellement à ce qu'on aurait souhaité, et on veut prendre une nouvelle orientation. J'en ai vu, nombre d'étudiants qui épuisent le nombre de semestres auxquels ils étaient admissibles aux prêts et bourses et qui se trouvent n'ayant plus assez, entre guillemets, de semestres dans leur banque de semestres pour pouvoir terminer leur formation. Voici le premier cadeau que ce gouvernement a fait, gouvernement qui, rappelons-le, s'était engagé à réformer en profondeur le régime de prêts et bourses et, je rappellerai ici, à favoriser l'accès à l'université pour tous.

La deuxième mesure, ça a été la restriction de l'accessibilité à l'aide financière pour les étudiants du Québec qui désirent poursuivre des études à l'étranger. C'est une vision un peu nombriliste, un peu centrée sur soi, ça ne facilite pas nécessairement l'ouverture. Avant que ce gouvernement arrive au pouvoir, il y avait une possibilité, pour les étudiants québécois qui désiraient aller étudier dans d'autres provinces ou à l'étranger, de continuer à pouvoir bénéficier du régime de prêts et bourses; on en a considérablement réduit l'accès. Je comprends qu'on ne l'a pas supprimé totalement, mais l'accès a été considérablement réduit.

Troisième cadeau. Enfin, on va continuer la liste, elle est assez longue, M. le Président, malheureusement. Troisième cadeau, avec trois points d'ironie derrière le mot cadeau: l'abolition du critère d'autonomie. Alors, il faut bien comprendre ce dont je vais parler. Jusqu'à l'année précédente, un étudiant qui avait accumulé 90 crédits universitaires était considéré comme autonome, c'est-à-dire que, dans le calcul du régime de prêts et bourses, on disait: On n'a plus à considérer la contribution du père, ou du tuteur, ou du conjoint dans le montant que vous allez recevoir. C'est-à-dire, quelqu'un qui avait accumulé 90 crédits, ça lui permettait d'avoir ce qui est – et j'y reviendrai dans mon intervention – le statut d'autonome, c'est-à-dire qu'on reconnaissait qu'il n'était plus à la charge de ses parents.

On a modifié le statut d'autonome. Ce n'est plus 90 crédits. On a besoin d'avoir un premier diplôme universitaire. C'est vrai, M. le Président, que, dans un certain nombre de cas, 90 crédits correspondent à un premier diplôme universitaire. Mais il existe des formations, comme la formation médicale, par exemple... À l'université qui est proche de votre circonscription, la formation en chiropraxie, par exemple, demande beaucoup plus que 90 crédits pour atteindre l'obtention du premier diplôme universitaire; les étudiant en génie ont aussi besoin, pour avoir le premier diplôme universitaire, d'avoir accumulé beaucoup plus que 90 crédits.

Ce qui fait que ces étudiants qui, dans leur dernière année de formation, pouvaient avoir droit au statut d'autonome, c'est-à-dire qu'on ne considérait plus, dans le calcul de prêts et bourses, la contribution de leurs parents, ou de leurs tuteurs, ou de leurs conjoints, maintenant vont être, jusqu'au moment où ils obtiendront ce premier diplôme universitaire, réduits au statut d'étudiant dépendant. Alors, c'est encore un cadeau qui a été fait, avec un point d'ironie.

Encore un cadeau supplémentaire. Et je pense que c'était le député de Westmount–Saint-Louis, lorsqu'il était ministre de l'Éducation, qui avait mis sur pied cette mesure: il y avait le programme de remise de dettes. On disait: Pour les étudiants des deuxième et troisième cycles – ça veut dire les étudiants qui poursuivent des études de maîtrise ou de doctorat – si vous faites ces études de maîtrise ou de doctorat dans les délais impartis, c'est-à-dire deux ans pour la maîtrise et trois ans pour le doctorat, si vous étudiez avec célérité, votre dette, lorsque vous terminerez vos études, sera réduite de 25 %. C'était un engagement que le gouvernement avait pris.

(20 h 40)

On a aboli ce programme de remise de dette. Je vous reparlerai tout à l'heure – je m'excuse, je ne voudrais pas le qualifier – du petit programme de remise de dette qu'on met sur place à la place de celui-ci. Je m'excuse, je le trouve absolument minuscule, pour ne pas dire d'autres termes qui seraient probablement antiparlementaires. Mais je me permets de qualifier non pas la ministre, mais, réellement, le projet de loi qui est devant nous. M. le Président, si vous me permettez, je n'utiliserai pas de mots inutiles; ça ne relève pas le débat en aucune manière.

On a uniformisé, par exemple – et c'est très technique ce que je vais dire – les frais pour le matériel didactique, on a diminué les frais de garde remboursables, on a aboli les frais de déplacement pour certains stages, qui étaient des frais remboursables à l'intérieur du Programme de prêts et bourses. On a aboli aussi – on n'a pas indexé – les dépenses admissibles à l'intérieur du Programme de prêts et bourses, les deux dernières années.

Alors, M. le Président, toujours pour dire que le gouvernement qui est devant nous, dans les trois ans pendant lesquels il a été au pouvoir, dans le cadre du régime de prêts et bourses, s'est caractérisé par deux choses: des études – l'étude du rapport MacDonald, du rapport Montmarquette – et des mesures qui, de fait, ont été toutes orientées dans le même sens, à savoir diminuer l'accessibilité au régime de prêts et bourses, augmenter les difficultés de remboursement du prêt en abolissant en particulier l'abolition de la dette pour ceux qui avaient terminé leur programme de maîtrise et de doctorat dans les délais impartis, et difficulté aussi pour atteindre le statut d'autonome. M. le Président, il faut bien se rappeler qu'aux étudiants, dans la campagne électorale, on leur a fait de nombreuses promesses. On pouvait les résumer en trois choses.

Il était important d'avoir une loi-cadre sur le régime de prêts et bourses et sur le financement des études universitaires. Cette loi-cadre, nous l'attendons encore, et je dois dire que trois députés dans cette Chambre, à savoir le député de Lévis, le député de Rivière-du-Loup et moi-même, nous avons reçu une pétition, que nous allons déposer dans deux jours, de plus de 25 000 étudiants du Québec qui justement protestent et font appel à l'Assemblée nationale en disant: Nous demandons instamment à l'Assemblée nationale de passer cette loi-cadre sur la réforme de l'aide financière aux étudiants.

Ils demandaient – on leur avait promis – en particulier d'être consultés dans les modifications qui pourraient arriver dans le régime d'aide financière. À l'époque où il était ministre, le député de Westmount–Saint-Louis avait mis sur pied une table de concertation entre le mouvement étudiant et les fonctionnaires du ministère de l'Éducation. Et un des premiers gestes que ce gouvernement, non pas la députée de Taillon, mais son prédécesseur lorsqu'il était ministre de l'Éducation, à savoir le député de Lévis, a fait, ça a été d'abolir cette table de concertation en disant: Ne vous en faites pas, je vais créer le comité MacDonald, et, dans le comité MacDonald sur lequel vous, étudiants, allez participer, il y aura place pour y voir toutes ces réformes. Malheureusement, le député de Lévis n'est plus resté comme ministre de l'Éducation. Le comité MacDonald a fait rapport, et tout ce qui en est ressorti pratiquement ça a été la création du comité Montmarquette qui ensuite a fait lui aussi un rapport. Ce qui ressort du comité Montmarquette, M. le Président, c'est cette petite loi qu'on appelle maintenant le projet de loi n° 170, celui qui est soumis à débat aujourd'hui. Alors, il était important de voir un petit peu les grandes ambitions, les grandes attentes qu'on avait pu présenter au mouvement étudiant, et vous allez voir avec moi ce qu'on nous présente dans le projet de loi n° 170.

M. le Président, vous le savez, la ministre l'a rappelé tout à l'heure, le problème de l'endettement étudiant est un problème criant actuellement. Le nombre de faillites a été plus que quadruplé – c'est-à-dire une augmentation de 400 %, multiplié par quatre; le nombre de faillites des gens qui terminent leurs études et qui n'ont pas d'autre solution que de déclarer faillite a été quadruplé ces cinq dernières années. Il faut, et quel que soit le parti politique, aller et faire du bureau de comté pour savoir à quel point des problèmes humains graves nous sont présentés par les étudiants qui terminent leurs études, et qui ont des dettes importantes, et qui ne peuvent pas les rembourser.

La seule solution, une des seules qui circulent depuis longtemps et dans laquelle on refuse encore de s'avancer, c'est d'avoir un mécanisme de remboursement du prêt qui soit proportionnel aux revenus, c'est-à-dire de lier la possibilité de rembourser votre prêt aux revenus de travail que vous avez, quitte à ce que la période de remboursement, bien sûr, s'étende sur une plus grande période. Il ne s'agit pas d'annuler la dette, de nettoyer, d'effacer une dette mais de dire: La période de remboursement va s'étaler sur une plus ou moins longue période, suivant le revenu que vous gagnez dans vos études. Et ça, c'est, dans le langage des gens qui s'occupent un petit peu de ces programmes de prêts et bourses, ce qu'on appelle le RPR, c'est-à-dire le remboursement proportionnel aux revenus.

C'est quelque chose qu'on se serait attendus de voir à l'intérieur du projet de loi n° 170. Et malheureusement, M. le Président, je dois dire... On va essayer de voir ce qu'il y a à l'intérieur du projet de loi n° 170. Vous verrez, il n'y a à peu près pas grand-chose de positif et il y a, contrairement, beaucoup de choses extrêmement négatives qui vont s'allonger aux modifications – avec points d'ironie – qu'on a déjà eu l'habitude de voir dans le régime de prêts et bourses.

L'article 2 de ce projet de loi vient clarifier une situation qui avait besoin d'être clarifiée quant à la période d'autonomie, c'est-à-dire la période de travail et la manière dont vous devez être resté en dehors du foyer pour avoir atteint le statut d'autonome. C'est une modification assez administrative mais sans grand effet qu'il était nécessaire de mettre dans la loi.

L'article 3. M. le Président. L'article 3, je vais vous expliquer ce qu'il veut dire. Jusqu'à maintenant, lorsque vous faisiez une demande de prêts et bourses, il y avait une partie, et on commençait d'abord par vous allouer un prêt jusqu'à un montant qui était ce qu'on appelait «le montant de prêt maximal», et, si, par un mécanisme complexe, on analysait que vos besoins étaient supérieurs au montant qui était alloué pour le prêt, la différence était comblée sous forme de bourse.

(20 h 50)

Dans le calcul du montant de la bourse, on faisait rentrer, bien sûr, la possibilité du tuteur, du conjoint ou du parent de pouvoir contribuer au financement de l'étudiant. Je reviendrai après sur le concept, à ce moment-là, d'autonome. On faisait rentrer la possibilité, tant que l'étudiant n'avait pas ce statut d'autonome... Et j'y reviendrai après, M. le Président, parce que c'est quelque chose qui manque énormément à l'intérieur du projet de loi. Tant que l'étudiant n'avait pas de statut d'autonome, on disait: Pour la partie bourse – pour la partie qu'il doit, en fonction du calcul qu'on voit des besoins de l'étudiant – dans la partie bourse qui vous est donnée, l'État va vous donner une partie, mais on considère qu'il doit y avoir aussi une contribution qui vienne du parent en général, mais, le cas échéant, du tuteur ou du conjoint dans le cas où la personne était mariée.

Dorénavant, avec l'article 3, on modifie cette situation. Non seulement on tiendra compte d'une contribution parentale dans la partie bourse, mais encore on va tenir compte d'une contribution parentale dans la partie prêt, et c'est le but, à l'heure actuelle, de l'article 3, M. le Président. Dans la partie prêt, on tiendra compte aussi d'une contribution parentale. Ceci veut dire quoi? Ceci veut dire que, pratiquement, nombre d'étudiantes et d'étudiants venant de familles moyennes, modestes vont avoir leur prêt diminué. Comprenez-moi bien. Il faut faire le tour actuellement des établissements collégiaux et des établissements universitaires pour voir que la problématique de la contribution parentale en est une problématique, réelle.

Il existe, bien sûr, des parents qui, sans difficulté, assument la contribution parentale et sur lesquels le régime de prêts et bourses marche parfaitement. Mais il existe aussi, M. le Président, des étudiants, bien qu'ils ne soient pas autonomes, mais parce qu'ils sont en conflit avec leurs parents ou parce que leurs parents sont séparés et que les familles ne sont plus nécessairement unies, à qui les contributions de chacun des parents, même si elles sont calculées dans le régime de prêts et bourses parce qu'il faut déposer les déclarations d'impôts des deux parents, ne sont pas nécessairement versées suite à toutes sortes de conflits familiaux. Alors, vous vous trouvez dans des situations où la contribution parentale n'est pas versée ou est versée seulement en partie.

Jusqu'à maintenant, ça ne touchait que la dimension bourse, parce qu'on disait simplement... on ne tenait compte de la contribution parentale, M. le Président, que dans le volet bourse. Donc, ça ne touchait, à ce moment-là, que ceux qui avaient – on calculait – besoin d'une bourse. Dorénavant, ça va réduire aussi le montant de prêt. Donc, ça risque de pénaliser... Et vous savez, et vous en connaissez, j'en suis sûr, à l'intérieur de votre propre circonscription, de votre propre comté, M. le Président, qu'il y a des étudiants qui, bien qu'ils viennent de parents qui sont relativement à l'aise, ne reçoivent pas des contributions parentales. Ils vont se trouver, à ce moment-là, à avoir une diminution importante du prêt et parfois même une impossibilité de pouvoir poursuivre leurs études universitaires.

Je trouve que cette modification, M. le Président... Cet article 3 est déplorable, n'est pas, en aucune manière, certes, une amélioration du régime de prêts et bourses, et ça va pénaliser l'accès aux études supérieures et collégiales d'un certain nombre de nos jeunes étudiants. Ça va complètement à l'encontre des engagements que vous aviez pris au moment où vous étiez en campagne électorale en 1994.

Une voix: C'est exact.

M. Gautrin: C'est absolument à l'opposé de ce que vous disiez à l'époque à la jeunesse québécoise.

Je continue sur votre projet de loi, M. le Président, et vous allez le voir. L'article 4. Alors, ça, c'est toute la question du remboursement différé. Encore là, on est dans le technique et dans le technique lourd, si vous me permettez, pour bien comprendre de quoi on parle.

À l'heure actuelle, vous aviez une possibilité, une exemption, c'est-à-dire, on disait: Lorsque vous terminiez vos études, vous aviez une exemption de remboursement qui pouvait même être extensionnée pour une année, c'est-à-dire, vous aviez trois mois... ou dans lequel vous avez une exemption – faites bien attention, c'est bien important – de remboursement de votre prêt. Parce qu'on disait: Lorsque vous terminiez vos études, ce n'est pas évident que le jour... Ce n'est plus comme c'était dans votre temps ou dans mon temps à moi, où, en général, on avait un emploi avant de terminer nos études, c'est-à-dire où les employeurs cherchaient à engager des étudiants avant que nous ayons terminé l'université. Actuellement, il y a souvent un temps de latence qui dépasse parfois une année.

Alors, dans le régime de prêts et bourses, actuellement il y avait la possibilité de suspendre, même après entente, jusqu'à trois fractions de six mois, la période de remboursement. Cette période est abolie et remplacée par un mécanisme où on va étendre par quatre fractions de six mois sur une période de cinq ans, mais, par contre, où on va capitaliser les intérêts. Je ne crois pas, M. le Président, que c'est à l'intention et à l'intérêt à l'heure actuelle des étudiants de passer, de détruire, ou d'oublier, ou d'annihiler ce mécanisme de remboursement différé. Plus de souplesse, oui, mais pourquoi payer la souplesse que l'on obtient en supprimant par ailleurs ce qui existait à l'heure actuelle. C'est ça que vous faites. Vous retirez d'une main pour faire semblant de donner de l'autre.

Les articles 4 et 5, donc, touchent cette question du remboursement différé. L'article 6, M. le Président, couvre un problème administratif réel, il vient résoudre un problème administratif réel qui se trouvait dans le régime de prêts et bourses. Vous pouviez vous inscrire dans un établissement, obtenir un prêt, ne pas suivre les cours pour lesquels vous aviez obtenu le prêt; vous étiez bien sûr obligé de rembourser ce prêt mais avec les mécanismes de perception qui étaient beaucoup plus difficiles que les mécanismes bancaires. Donc, on avait vu, particulièrement dans certains établissements qui étaient des établissements privés non subventionnés, où les frais de scolarité sont importants – donc, la partie prêt est importante, parce que n'oublions pas que les frais de scolarité sont comptabilisés dans la partie prêt – des abus, des abus réels où la personne qui gérait l'établissement nous disait: Bien, voici, j'ai un étudiant qui s'inscrit, il fait une demande de prêts et bourses, je reçois l'autorisation d'emprunt, mais l'étudiant est déjà parti et je n'ai pas le choix, il faut que je lui donne.

L'article 6 va régler ce problème-là, c'est un règlement purement administratif. Il n'a pas d'effet en bonifiant le régime de prêts et bourses, mais il corrige à l'heure actuelle une lacune qu'il y avait dans le régime. Et je dois dire, c'est une modification administrative mais une modification administrative qui était particulièrement nécessaire, à l'heure actuelle, à l'intérieur du régime.

L'article 7, M. le Président. Alors, comprenez-moi bien, jusqu'à maintenant, qu'est-ce qu'on a vu? On a corrigé des petites mesures administratives. Par contre, on a, à mon sens, en changeant la contribution parentale au niveau des prêts, fait une diminution importante de la qualité du régime de prêts et bourses. Là, l'article 7 est un article que je pourrais appeler un miroir aux alouettes. On commence à dire, dans l'article 7: Vous allez pouvoir avoir un programme de remboursement de dettes. Mais, quand je regarde de près, je vais vous dire ce qu'on voit. Vous savez, je l'ai rappelé, qu'une des premières mesures que ce gouvernement a faite a été d'abolir le programme de 25 % de remboursement de la dette pour les étudiants du deuxième et troisième cycles qui avaient terminé dans les délais impartis.

(21 heures)

L'article 7, lui, va dire: Si vous avez toujours, pendant toutes vos études, eu droit à une bourse... Il faut bien comprendre, M. le Président, et je rappellerai que dans le régime de prêts et bourses vous commencez d'abord par avoir un prêt jusqu'à avoir la situation du prêt maximal, ensuite vous avez droit à une bourse, c'est-à-dire si dans la durée totale de vos études vous n'avez jamais gagné, en travaillant sur le côté, assez d'argent pour pouvoir combler la différence et ne pas avoir droit aux bourses. Autrement dit, si vous avez eu une bourse pendant la durée totale de vos études – et vous savez à quel point à ce moment-là on va toucher peu de personnes – si vous avez toujours eu une bourse pendant la durée totale de vos études, donc si vous n'avez jamais gagné sur le côté assez de revenus personnels pour faire en sorte que vous n'ayez pas droit à la bourse, vous aurez, au terme de vos études, un remboursement d'une partie de votre dette étudiante.

Alors, dans le débat que nous avons déjà eu avec la ministre, le montant du remboursement – parce qu'on l'a éteint – était de l'ordre de 10 % de la dette; 25 % avant. 10 % de la dette pourrait être effacée pour ces étudiants qui ont toujours eu une bourse pendant toute la durée de leurs études et qui terminent dans les délais impartis, c'est-à-dire qui n'ont jamais eu un échec sur la durée totale de leurs études au niveau cégep, université. Et ça, c'est le plus beau dans la loi, c'est magnifique, on dit: Écoutez, voici, cet article de la loi, on ne va pas le mettre en vigueur tout de suite. On va attendre 1999-2000 – c'est-à-dire dans deux ans – pour le mettre en vigueur.

Je ne veux pas prêter des intentions que je ne voudrais pas vous prêter, mais je vais me permettre de vous dire que 1999-2000, c'est juste la période où vous serez en campagne électorale, et c'est un pseudo-bonbon que vous essayez actuellement de présenter dans votre campagne électorale, alors que vous n'avez rempli quasiment aucune des promesses que vous avez faites. De dire: Un instant, il y en a une qu'on a passée dans la loi qui va être là en 1999-2000. À première vue, elle peut paraître alléchante, mais qu'on regarde toutes les conditions qu'il faut pour pouvoir y avoir droit... Et je vous les rappelle: ça veut dire que vous avez toujours eu droit à une bourse. Autrement dit, vous avez été mal pris pendant tout le temps de vos études. Et, bien que vous ayez été mal pris pendant tout le temps de vos études, il faut, à ce moment-là, que vous n'ayez jamais raté aucun des cours et que vous ayez fait le parcours dans les délais qui étaient les délais minimum partout. Là, à ce moment-là, vous pourrez avoir droit à un remboursement et, on vous dit, à une diminution de 10 % de votre dette.

J'ai personnellement essayé d'évaluer si on avait appliqué cette mesure. Pour l'année dernière, on arriverait à peu près à un millier d'étudiants, parmi tous ceux qui terminent leurs études, qui pourraient être admissibles à ce genre de programme, ce genre de programme qu'on met de l'avant et auquel on met des conditions telles que, pratiquement, il est impossible pour les citoyens de pouvoir en bénéficier.

M. le Président, le malheur de ce projet de loi, c'est tout ce qui n'y est pas, en plus, tout ce qui n'y est pas. Il n'y a rien, dans le projet de loi, actuellement, pour voir au remboursement de la dette étudiante proportionnelle aux revenus. Et j'ai fait ici, en cette Chambre, une interpellation avec la ministre. La ministre nous a dit: Attendez, je vais procéder par règlement. Et je trouve que c'est une ministre qui adore les règlements; on le voit aussi dans 166. Au lieu de mettre les choses dans la loi, on va procéder par règlement. Alors, les règlements, on ne les a pas actuellement et on n'a absolument rien sur les règlements.

Tout ce qu'on a, c'est ce qui a été réalisé depuis trois ans de pouvoir du gouvernement du Parti québécois, c'est-à-dire des diminutions de la qualité du régime de prêts et bourses. Ça, c'est du tangible; ça a été fait. Je vous rappellerai: diminution du nombre de semestres admissibles pour l'étudiant; restrictions d'accessibilité à l'aide financière pour les étudiants qui étudient à l'étranger; abolition du critère d'autonomie après l'obtention de 90 crédits; abolition du programme de remise de dette pour les étudiants des deuxième et troisième cycles; uniformisation des frais admissibles pour les matières didactiques. Ça, c'est toutes des choses que vous avez faites dans les trois dernières années.

Ce que vous proposez va aussi dans le même sens de restreindre l'accessibilité au régime. Dans l'article 3, vous dites: Dorénavant, dans le calcul du prêt, on tiendra compte de la contribution parentale. Ça, c'est encore dans la colonne des diminutions des bénéfices, actuellement, du régime de prêts et bourses. On dit aussi qu'on va améliorer la période d'exemption. Mais où est ce que vous avez annoncé?

Vous dites: On fait le même diagnostic que nous faisons. Vous dites aussi: L'endettement, actuellement, des étudiants, c'est une situation inacceptable, c'est quelque chose qui pénalise la possibilité pour beaucoup de jeunes de poursuivre à un niveau supérieur. L'endettement est inacceptable. Et là, actuellement, après qu'on a fait ce constat, après qu'on a dit: Il y a une situation qui ne peut pas continuer, après qu'on a dit: C'est dramatique, le nombre de faillites... Et vous savez, M. le Président, parce que vous étiez dans ce monde-là, à quel point une faillite pour un jeune qui a 24 ans, ce n'est pas la meilleure manière de commencer dans la vie. On commence par faire faillite. Il y a un problème quelque part si on fait ça. Il a été multiplié par quatre dans les cinq dernières années.

M. le Président, ça, c'est ce à quoi on se serait attendu dans le projet de loi qui aurait pu être déposé. On se serait attendu qu'il y ait des éléments. Vous proposiez, à l'époque, en 1994, dans la campagne électorale, le concept d'impôt universitaire. C'est ça que vous aviez proposé. Je vais vous le déposer, si vous ne vous rappelez pas le programme de votre propre parti. J'espère que vous l'avez lu. C'est ça que vous proposiez: le concept d'impôt universitaire, impôt régressif pour couvrir frais de scolarité et frais de subsistance de l'étudiant. C'était dans votre programme. À l'heure actuelle, vous avez quoi? Vous avez restreint l'accès au régime de prêts et bourses, vous en diminuez actuellement la portée, et nulle part on ne voit de mesures pour atténuer au moins, si tant est qu'on puisse avoir une mesure, les effets de l'endettement étudiant.

Nous pensons qu'il aurait été important dès maintenant non pas de voir à discuter avec le ministre des Finances ou le ministre du Revenu, mais dès maintenant de mettre sur pied un principe de remboursement proportionnel aux revenus, et ce n'est pas des coûts énormes. Je m'excuse et je peux vous le dire parce que nous avons fait, nous, les calculs. Ce n'est pas des coûts énormes, d'arriver sur le remboursement proportionnel aux revenus. Ce serait soulager, atténuer les effets de la dette que beaucoup de nos étudiants ont. Vous n'avez pas ça.

J'ai qualifié, dans l'interpellation, ce projet de loi de souriceau. Un souriceau, c'est une petite souris. Ce n'est pas un gros animal. Alors, ce n'est même pas une souris, c'est un souriceau. C'est un petit projet de loi, quelques articles qui règlent des problèmes administratifs, pour la plupart, le problème d'autonomie, le problème de ce qu'on appelait «le tourisme des étudiants», c'est-à-dire ceux qui prenaient des prêts sans rester étudiants. Ça va encore, en plus, écraser les étudiants sur le calcul ou la manière dont on fait jouer la contribution parentale. Alors que, jusqu'à maintenant, ça touchait uniquement la partie bourse, dorénavant la contribution parentale va aussi s'imposer dans la partie prêt. Ça ne traite pas vraiment... Ça fait quatre trente-sous pour 1 $ dans le calcul des périodes d'exemption. Petit assouplissement, mais si peu que ce n'est même pas la peine d'en parler dans la question du remboursement différé. Ça fait miroiter un programme d'effacement partiel de la dette en 1999, mais avec des conditions telles que, cette année, moins de 1 000 étudiants pourraient y être admissibles.

(21 h 10)

Alors, M. le Président, je vais vous dire: Nous sommes conscients qu'il y a quelques articles dans le projet de loi qui sont des articles purement administratifs, sur lesquels, en commission parlementaire, nous ne nous opposerons pas. Il y a quand même un article de fond qui touche la contribution parentale, et, à cause de cet article majeur qui s'en va réduire la possibilité et la qualité de notre régime de prêts et bourses, l'article 3, qui est extrêmement pénalisant pour les étudiants, nous allons voter contre le projet de loi, surtout que tout ce qui pourrait être bénéfique est remis aux calendes grecques, c'est-à-dire en 1999-2000 où, j'espère, vous ne serez plus au pouvoir, pour le bien-être des étudiants. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Nous allons maintenant céder la parole à l'adjoint parlementaire à la ministre de l'Éducation et député de Lotbinière. Alors, M. le député.


M. Jean-Guy Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir à mon tour d'intervenir à l'occasion du dépôt du projet de loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants. Le régime d'aide financière existe depuis 30 ans maintenant. Plus de 3 000 000 de Québécoises et de Québécois en ont bénéficié – je fus un de ceux-là – plus de 4 000 000 000 $ de prêts en remboursement dans les établissements financiers du Québec. C'est beaucoup d'argent.

Depuis la première Loi sur l'aide financière aux étudiants, qui a été sanctionnée en 1966 dans la foulée des travaux de la commission Parent, le gouvernement a toujours considéré que ce type d'investissement constituait un outil majeur de développement et de croissance pour notre société. Le fait, pour les jeunes Québécoises et les jeunes Québécois, d'investir dans les études continue de représenter pour eux le meilleur passeport pour l'avenir, la meilleure clé de l'avenir. Et le ministère de l'Éducation, par sa ministre, n'a jamais remis en question le soutien qu'il apporte, par son programme de prêts et bourses, à celles et à ceux dont les ressources financières sont insuffisantes.

Le gouvernement investit considérablement dans l'aide financière aux études. Par exemple, en 1996-1997, le gouvernement a garanti un prêt à 166 000 étudiantes et étudiants, pour un volume total de 571 000 000 $; il a accordé une bourse à 72 000 étudiants, pour un volume total de 254 000 000 $. C'est un volume total d'aide de 825 000 000 $, M. le Président, que notre gouvernement a consenti pendant la dernière année scolaire pour s'assurer que tous les jeunes puissent accéder à des études supérieures, notamment ceux et celles dont les ressources financières ou celles de leurs parents sont insuffisantes.

Nous pouvons le clamer haut et fort, le Québec a le programme d'aide financière aux études le plus généreux de toutes les provinces canadiennes. Au cours des ans, l'aide financière aux études a toujours été accordée sous forme de prêt d'abord, puis de bourse pour les plus démunis. Le régime est demeuré à caractère contributif et supplétif. Le caractère contributif du régime signifie que l'étudiante ou l'étudiant, tout en recevant la contribution de ses parents ou de son conjoint, demeure le premier responsable du financement de ses études. Il doit donc y contribuer par une prestation de travail raisonnable, durant l'été ou à temps partiel durant ses cours, et en acceptant de s'endetter de façon également raisonnable afin d'acquérir une formation qui lui donnera un avantage dans la recherche d'un emploi. Cela étant établi, le rôle de l'État est supplétif dans le financement des études: il comble le manque à gagner entre les besoins à satisfaire, c'est-à-dire les coûts, et ce que l'étudiant et ses proches peuvent fournir à même leurs propres ressources.

Ces principes ont été confirmés lors de la réforme de 1990 et en 1994, au moment où la Loi sur l'aide financière aux étudiants a été modifiée afin d'élargir l'admissibilité de manière à couvrir non seulement les étudiantes et les étudiants de l'enseignement collégial et universitaire, mais aussi ceux de la formation professionnelle au niveau secondaire. Leur importance a été reconfirmée, M. le Président, en septembre 1996, par la Commission des états généraux sur l'éducation. Encore aujourd'hui, ils sont au coeur de la Loi sur l'aide financière aux étudiants.

En s'appuyant sur les recommandations du rapport MacDonald sur le régime d'aide financière aux étudiants, le gouvernement a alors apporté en 1996 des modifications au programme de prêts et bourses, notamment quant à l'acquisition du statut de personne autonome et quant au montant maximal de droit de scolarité admissible au programme pour les personnes qui fréquentent un établissement privé non subventionné. En outre, il a fixé un plafond à l'endettement total global que peut accumuler tout bénéficiaire du programme. Enfin, un processus de révision des décisions a été introduit au programme.

Avant d'apporter ces modifications proposées par le rapport MacDonald, il faut rappeler que notre gouvernement, en vue de réduire les coûts de l'aide financière, avait négocié de meilleurs taux d'intérêt auprès des institutions financières. C'est une économie, M. le Président, d'environ 25 000 000 $ qui a pu être réalisée en 1995-1996. Et, cette année encore, nous réaliserons des économies de plus de 30 000 000 $, une économie dont bénéficient encore les étudiantes et les étudiants, ce que le député de Verdun appelle «de petites actions», «de petites économies», «un souriceau». Bien sûr, 5 700 000 000 $, pour eux, c'est un déficit acceptable.

En décembre 1996, la ministre de l'Éducation a confié à un comité d'experts le mandat de proposer différentes hypothèses touchant de nouvelles modalités de remboursement de la dette d'études, en portant une attention particulière à la capacité de rembourser des emprunteurs et des emprunteuses. Le 19 septembre dernier, ce comité a remis un rapport unanime intitulé De la remise de l'aide financière au remboursement: la vigilance et la souplesse sont de rigueur!

Pour s'acquitter de son mandat, le comité a notamment sollicité des mémoires et examiné ce qui se fait à l'extérieur du Québec, en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Europe, dont le remboursement proportionnel aux revenus dont M. le député de Verdun nous fait mention. La plupart des mesures proposées sont concrètes et de nature à apporter des correctifs aux problèmes de l'endettement et du remboursement de la dette étudiante, qui sont indissociables.

Il paraît important de revenir au contexte dans lequel ont été lancés les travaux du comité d'experts sur les modalités de remboursement de la dette d'études. De 1989-1990 à 1995-1996, le prêt annuel s'est accru de 47 %. Ceux qui ont contracté des prêts, donc, de 1989 à 1996, le prêt annuel moyen s'est accru de 47 %. La dette moyenne, elle, des ex-étudiants et ex-étudiantes a augmenté de 67 % de 1988 à 1996. 34 % des ex-étudiants et ex-étudiantes qui ont dû prendre en charge le remboursement de leur prêt, en 1995-1996, avaient une dette supérieure à 10 000 $. Tout un bond.

Ces résultats sont la conséquence, M. le Président, de décisions passées. Pensons, notamment, aux droits de scolarité des établissements d'enseignement privé non subventionnés qui se sont ajoutés au montant maximal de prêt. C'est un volume d'aide que nos amis d'en face ont consenti de plus de 50 000 000 $ et un manque à gagner que cette décision engendre aujourd'hui de 50 000 000 $.

Pour l'ensemble de la clientèle de l'aide financière aux études, M. le Président, le prêt moyen cumulé des ex-étudiants est passé de 5 561 $ en 1989 à 9 284 $ en moyenne en 1997, soit une variation de 67 %. Pour les établissements d'enseignement privé non subventionnés, pendant la même période, le prêt moyen cumulé est passé de 6 178 $ à 17 562 $, c'est-à-dire le triple. Par ailleurs, en 1996-1997, le gouvernement a dû rembourser aux institutions financières près de 104 000 000 $ en raison des difficultés de remboursement des ex-étudiants dont le niveau d'endettement est élevé par rapport à leur capacité de payer.

Voici donc les moyens qu'a retenus la ministre pour ralentir l'accroissement de l'endettement sans affecter les étudiantes et les étudiants les plus démunis et pour améliorer les modalités de remboursement de chacun et chacune.

(21 h 20)

Premièrement, la mise en place d'une vaste campagne d'information destinée à informer, à sensibiliser et à responsabiliser les étudiantes et les étudiants au fait qu'un prêt étudiant est une dette et qu'à ce titre il doit être considéré dans l'ensemble du dossier de crédit de l'individu. Cette campagne devrait rejoindre aussi les partenaires et les diverses personnes qui sont concernés de près ou de loin par la dette étudiante.

Deuxièmement, la réduction du prêt pour celles et ceux qui ont les moyens de participer plus activement au financement de leurs études, ce qui aura pour conséquence de limiter leur endettement.

Troisièmement, l'assouplissement des modalités de remboursement de leur dette pour les ex-étudiantes et ex-étudiants qui éprouvent de la difficulté à satisfaire leurs engagements financiers sur ce plan, de même qu'une amélioration du recouvrement des dettes d'études en nous donnant les moyens d'agir auprès de celles et de ceux qui, en ayant la capacité de le faire, négligent de rembourser leur prêt.

Quatrièmement, pour ce qui est de l'assouplissement aux modalités de remboursement, la recommandation du rapport Montmarquette voulant que soient révisés leurs critères de remboursement différé a été retenue, car elle nous apparaît apporter une réponse concrète aux nouvelles réalités des personnes diplômées sur le marché du travail. En effet, ma collègue la ministre de l'Éducation a annoncé que des modifications réglementaires seront apportées afin que les ex-étudiants et ex-étudiantes puissent se prévaloir de ce programme par périodes de six mois jusqu'à concurrence de 24 mois sur un délai de cinq ans. Actuellement, ce programme ne s'applique que pendant les 18 mois qui suivent la période d'exemption du paiement des intérêts, c'est-à-dire la période de six mois suivant la fin des études à temps plein, pendant laquelle le gouvernement assume le paiement des intérêts.

Cinquième mesure. Dans notre économie, le capital humain est à la base de la croissance. Pour un individu et pour la collectivité, l'investissement dans les études demeure le meilleur investissement pour s'assurer un bel avenir. La ministre nous a aussi informés qu'elle a amorcé des discussions avec son collègue des Finances sur la possibilité d'accorder aux étudiantes et aux étudiants qui empruntent pour leurs études un crédit d'impôt remboursable sur les intérêts, dégressif selon le revenu. Cette formule est innovatrice, M. le Président, car elle présente des avantages qui encourageraient les étudiantes et les étudiants à terminer leurs études tout en facilitant le remboursement de leur investissement.

Dans l'ensemble des modifications que le gouvernement proposera au cours des prochaines semaines, une attention particulière sera accordée aux plus démunis et à leurs parents, notamment à ceux et à celles qui, malgré un endettement excessif parfois et de grands sacrifices, travaillent avec acharnement pour réussir leurs études dans des délais normaux. Le projet de loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants, soumis par la ministre, propose un nouveau programme de remise de dette dans la foulée d'une des recommandations du rapport du comité d'experts sur le remboursement de la dette d'études. Des étudiants et des étudiantes qui auront reçu de l'aide financière sous forme de prêts et bourses à chaque année de leurs études, à compter de la première année du cycle collégial jusqu'à la dernière année du premier cycle universitaire ou du deuxième cycle, et qui auront réussi dans les délais prescrits se verront remettre une partie de leur dette. Ceci est encourager le succès.

Tel que recommandé par le rapport Montmarquette, le gouvernement a aussi la ferme intention, M. le Président, de s'opposer davantage à la libération des faillis, particulièrement auprès de celles et de ceux qui n'ont pas eu recours au Programme de remboursement différé. Il faut se rappeler que c'est plus de 40 000 000 $ que le gouvernement dépense annuellement, par le truchement de son régime d'aide financière aux études, à l'égard des faillis et que 75 % de ces faillis, de ces ex-étudiantes et ex-étudiants, n'ont pas eu recours à des mesures de remboursement différé. Des ententes de réciprocité sont également conclues, particulièrement avec d'autres provinces de même qu'avec certains États américains, afin que les personnes qui y vivent et qui ont contracté des dettes d'études au Québec assument leurs responsabilités à l'égard de leurs engagements. De telles ententes existent déjà sur la perception des pensions alimentaires et sur les contraventions.

C'est aujourd'hui, M. le Président, que nous devons intervenir afin d'apporter les ajustements nécessaires au Programme de prêts et bourses pour que les générations futures continuent d'en bénéficier. C'est aussi aujourd'hui que nous devons agir pour préparer les étudiantes et les étudiants à faire face à leurs responsabilités. Par ailleurs, les ex-étudiantes et ex-étudiants doivent déjà assumer leurs responsabilités et nous devons reconnaître les difficultés que cela comporte. Ainsi, les assouplissements que nous apportons leur permettront de rencontrer les exigences de remboursement de l'investissement le plus important pour leur avenir. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Lotbinière. M. le leader du gouvernement.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. En vertu de l'article 100, je vous demanderais un ajournement de notre débat – oui, je m'excuse, c'est parce que j'ai plusieurs adjoints, comme leader, M. le Président, et je m'en félicite – de façon à ce que nous puissions revenir à l'article 11 et permettre à M. le ministre d'État au Développement des régions de faire la réplique pour le projet de loi n° 171.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté?

Des voix: Adopté.


Projet de loi n° 171


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 11 de votre feuilleton, l'Assemblée poursuit le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions. Alors, y a-t-il d'autres interventions? Le dernier intervenant a été la députée de La Pinière. Comme il n'y a pas d'autre intervenant, M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le ministre responsable du Développement des régions.


M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais tout d'abord remercier mes collègues qui sont intervenus sur cedit projet de loi. Je pense à la députée de Rimouski ainsi qu'au député de Gaspé. J'ai écouté l'ensemble des interventions, le député de Jacques-Cartier, entre autres, le très cultivé député d'Orford également. J'ai écouté la députée de La Pinière et celui qui est venu faire un peu de temps, le député d'Argenteuil. Mais ça a commencé par le député de Richmond qui, pendant trois longs quarts d'heure, nous a expliqué à peu près tout ce qui se disait, sauf de parler profondément du fond même de cette législation et de ce consensus à la fois régional et national qui s'est dégagé.

J'ai remarqué que les députés de l'opposition se sont faits les échos ou les perroquets d'une erreur qu'a faite une journaliste, Mme Lachapelle, qui a dit qu'on créerait 500 000 emplois. Je commence par ça, parce que c'était drôle. M. le Président, si les CLD créaient 500 000 emplois au Québec, on aurait le plein-emploi. C'est ce qu'on désire de tout coeur, mais on n'est pas prétentieux à ce point-là. Mais pourquoi avons-nous utilisé ces chiffres pour fins de démontrer l'effort? Je vais l'expliquer et je suis persuadé, en tant qu'enseignant... Parce que j'avais le souci, quand j'enseignais, d'expliquer jusqu'au moment où le dernier de ma classe comprenne. J'avais donc l'impression que tout le monde avait compris, par la suite. Donc, je vais m'essayer. Comme pédagogie.

On s'est dit, M. le Président: Il y a 500 000 emplois au Québec à créer si on veut le plein-emploi. Combien faudrait-il en créer dans Denis-Riverin, dans la MRC, je ne sais pas, moi, de Lanaudière, de Joliette, de Montcalm, de Matawinie pour faire un ensemble de 500 000? On a fait des chiffres et ça a servi de critères à partir du fait que... La population, le nombre d'emplois à créer et la pauvreté, ça a servi de critères à définir les enveloppes.

On n'a jamais eu la prétention... À part de Mme Lachapelle, la journaliste, et de quelques députés libéraux qui ont dit: Mais ils sont fous, ils veulent créer 500 000 emplois! On veut, à long terme, créer 500 000 emplois, c'est sûr, mais, à court terme, là, dans les fiches de distribution pour fins d'enveloppes budgétaires, c'était un critère, un critère qui ne comptait pas plus que pour 20 %. C'était un critère de définition d'enveloppes.

(21 h 30)

Par exemple – et je vais réexpliquer pour être certain qu'on va comprendre – on avait trois critères pour distribuer l'enveloppe: la population, le nombre de salariés pauvres et le nombre de chômeurs ou d'emplois à créer – ça revient au même – dans telle région, pour venir à bout d'avoir une équité. Si on dit: Dans Denis-Riverin, il y a 20 000 emplois à créer, c'est parce qu'il y a beaucoup de chômage dans cette région-là. Si on dit: Dans Lanaudière, t'as 5 000 emplois à créer, c'est parce qu'il y a un peu moins de chômage que dans Denis-Riverin, et ça comptait comme critère.

La population, les libéraux n'ont pas compris ça, parce que, quand ils ont été au pouvoir, ils ont dit: 3 000 000 $, 3 000 000 $, 3 000 000 $, 3 000 000 $. Montréal avait 1 000 000 d'âmes, et puis il y avait des petites MRC de 15 000 de population, mais ça faisait 3 000 000 $ pareil.

Nous, on dit: Ça doit être un facteur qui joue. Vous irez demander aux Montréalais s'ils sont d'accord avec la distribution de l'enveloppe de 14 000 000 $ au lieu de 3 000 000 $, par exemple. Ils sont très heureux, eux autres. Il y en a d'autres qui ont 8 000 000 $, comme sur la Rive-Sud de Montréal. Nous, dans Lanaudière, c'est 2 000 000 $ et quelques. On sait très bien qu'on a tenu compte du facteur «population», on a tenu compte de la pauvreté, puis on a tenu compte du chômage. C'est juste ça. Mais ne vous faites pas de bile. Si on était capable de créer le lendemain matin 500 000 emplois, on ne parlerait plus de chômage. En ne parlant plus de chômage, je «peux-tu» vous dire qu'on serait au pouvoir pour une joyeuse éternité? Parce que 500 000 jobs au Québec c'est le plein-emploi, et encore.

Donc, je voulais expliquer à nos amis libéraux de ne plus se faire les perroquets d'une méthode de calcul. C'est parce qu'ils vont avoir l'air fous à répéter une erreur. Je voudrais les prévenir de ne pas eux-mêmes sombrer dans le ridicule, M. le Président.

Quant au député d'Orford, ça, ça été suave. Je l'écoutais, puis il pouvait bien nous envoyer, il y a quelque temps, au calendrier grec, au lieu d'aux calendes, là. Mais je dois vous avouer que, quand je l'ai vu se lever pour nous dire qu'on nageait dans l'illégalité, présentement, en travaillant sur la formation de nos CLD, M. le Président... Il faut le faire. Le député, quand même, n'est pas de la dernière cuvée, là. Il est là depuis un bon bout de temps. Je comprends que ses chefs ne l'ont jamais nommé ministre, le temps qu'ils étaient au pouvoir. Nager dans l'illégalité parce que tu te prépares à créer, dans quelques mois, ton CLD... T'as pas le droit de te parler, voyons, pour former ton CLD, t'es dans l'illégalité? La loi n'est pas votée. Aïe! Parlez-vous pas! Concertez-vous pas, aïe, c'est illégal!

On «peut-u» comprendre qu'ils se sont coupés des réalités puis du monde, le temps qu'ils ont été là? Avoir un tel argument, que c'est illégal de se parler pour être prêts au mois d'avril à avoir un CLD qui fonctionne. Moi, quand j'ai écouté ça, j'ai dit: Ça n'a pas de bon sens. On peut voir ça des fois chez quelqu'un qui n'est pas très, très au courant de ce qui se passe, mais pour un député qui est en Chambre depuis 10 ans, là, je «peux-tu» vous dire, M. le Président, que, des fois, à vouloir tuer le temps, on sombre dans le ridicule; on se tue soi-même.

Quant au député de Jacques-Cartier, il s'est levé avec beaucoup d'insistance pour dire qu'on créait et on multipliait les structures. Je voudrais faire un petit calcul mathématique et parler à mon dernier de classe. Changer 385 structures pour réduire à 120 structures accréditées: 385 moins 120, ça fait bien 265 structures de moins qui ne seront pas accréditées par l'État, qui ne seront plus financées par l'État. Est-ce qu'on ajoute? On simplifie ou on réduit. M. le Président, il me semble que, juste poser la question, on doit être en droit de s'attendre que, dans cette enceinte, il n'y en a aucun qui est incapable de faire cette soustraction et de parler des vraies choses, de parler de la réalité. Je vais m'arrêter là, parce que, franchement, c'est un minimum.

C'est la même chose, M. le Président... La députée de La Pinière parlait de gaspillage. C'est du gaspillage, ça, de réduire de 260 structures et quelques, une économie d'échelle sur la gestion? C'est du gaspillage ou si ce n'est pas plutôt de faire du ménage? Je vous avoue franchement, j'ai écouté très religieusement. J'aurais voulu, un petit peu, rebondir de mon siège. Mais je me suis dit: Non, ça ne vaut pas la peine, franchement. Quand on est rendu à citer Claude Dumas, le préfet de Montmagny...

Une voix: Jacques Dumas.

M. Chevrette: ... – Jacques Dumas? – qui se promène avec sa bouteille de sirop.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: Eh bien, j'ai l'impression, M. le Président, que, une gorgée de sirop pour quelqu'un qui n'a pas la grippe, c'est peut-être dangereux, mais pour certains, boire toute la bouteille, c'est mortel. Véritablement, il y a des limites à vouloir charrier sur quelque chose de réaliste.

M. le Président, on a parlé également de décentralisation. J'ai dit, dans mon exposé initial – mes collègues qui étaient ici y ont assisté: On aurait voulu décentraliser à mort, puis beaucoup. Parce que, si on avait obtenu nos 29 000 000 000 $, on aurait l'État le plus centralisé du monde occidental. On ne l'a pas le 29 000 000 000 $. Quand bien même vous voudriez qu'on décentralise ce qu'on n'a pas, on ne peut pas.

Une voix: On le paie, mais on ne l'a pas.

M. Chevrette: On le paie toujours, mais on ne l'a pas, effectivement. Donc, il y a eu une entente effectivement théorique entre les deux grandes Unions, entre l'UMQ puis l'UMRCQ, qui a été signée, où on devait décentraliser 150 000 000 $ de responsabilités. Mais les deux grandes Unions se sont entendues sur 3 000 000 $. Parce que ce n'est jamais au bon palier. Quand tu négocies, tu ne te parles pas à toi tout seul, là, tu ne te regardes pas dans le miroir, puis tu dis: Je fais ça, là, puis l'écho ne te répond pas, là. Il faut que tu t'assois avec du monde qui veut signer quelque chose puis qui veut véritablement placer à un niveau x une décentralisation.

Le 150 000 000 $ à être décentralisé est toujours sur la table. Mais on ne peut pas imposer une décentralisation à quelqu'un qui ne veut pas ou qui n'est pas d'accord avec le niveau de la décentralisation, le palier où on doit le faire. Ou tout simplement, après avoir signé, ils ne sont plus d'accord avec ce qu'ils ont signé. Ça, ça arrive dans certaines grandes unions. J'ai vu du monde dernièrement, moi, nous faire une proposition puis recommander de voter contre en assemblée générale. Ça, c'est leur problème. C'est leur problème puis c'est leur crédibilité qui en prend pour son rhume dans ce temps-là.

Donc, M. le Président, je pense, à avoir écouté nos amis libéraux, que nous avons véritablement un bon projet de loi, une assise juridique pour un consensus qui est très majoritaire au Québec. Je me souviens encore, au congrès de l'ARQ, à Montréal, où 700, 800 personnes présentes, de toutes les régions du Québec, nous ont poussés dans le dos pour que se réalise le plus vite possible la création des CLD, pour que les CRD puissent continuer à jouer un rôle au niveau de la concertation dans chacune des régions du Québec et aussi que l'on ait un ministère des Régions. Et je crois que c'est avec beaucoup de fierté, moi, en tout cas, que je peux dire aux régions du Québec ce soir: Nous venons d'adopter le principe d'une législation qui crée un ministère des Régions.

Je terminerai sur un seul argument. Le Québec des régions, il peut être possible en autant qu'on donne aux régions les outils pour se développer. Les gens dans le milieu sont prêts à prendre leurs responsabilités, ils sont prêts à se prendre en main, ils sont prêts à se responsabiliser. Il s'agit qu'on leur en donne la chance. Mais il faut bien comprendre que le jour où un Parlement, un gouvernement décide de déconcentrer, ou de régionaliser, ou de décentraliser, le jour où un gouvernement pose ce geste-là, il faut qu'il comprenne qu'il lègue, qu'il laisse aller vers un autre niveau des responsabilités qui lui étaient propres antérieurement et que ses contrôles, ses modes de contrôle ne sont plus les mêmes. Il faut qu'un gouvernement comprenne, que les députés comprennent, que les ministres comprennent, que tout un Parlement comprenne que, le jour où le gouvernement décide qu'une enveloppe budgétaire est gérée à un niveau x, notre responsabilité, c'est de voir à ce que ces sommes soient bien dépensées, mais on les laisse gérer par les gens du milieu. C'est un déplacement de responsabilités. Le rôle de législateurs et le rôle de députés, c'est de contrôler le bon usage de ces sommes pour le bien de la collectivité.

(21 h 40)

Et je suis convaincu que, le jour où tout le monde comprendra ça dans ce Parlement, que la régionalisation c'est de transmettre au niveau le plus près du citoyen des sommes d'argent qui seront consacrées d'abord et prioritairement pour le développement de l'économie et le développement de l'emploi, les gens vont se prendre en main, ils vont se responsabiliser, ils vont bâtir des plans d'action, ils vont bâtir leur propre programme local. Ça ne sera plus un programme national qui est bon pour l'ensemble du territoire, mais qui est adapté vraiment à leur petit coin de pays. On va découvrir beaucoup de fierté, on va découvrir de l'émulation entre territoires de MRC, on va découvrir une saine concurrence entre les territoires de MRC, entre les différents CLD, puis ils vont partir de leur potentiel du milieu pour bâtir des programmes d'action, des petits projets de création d'emplois qui collent à la réalité de leur milieu.

M. le Président, c'est ça qu'on veut par cette politique qu'on réalise, et je suis persuadé que tous les gens, ce soir, ici, dans cette Assemblée, qui viennent des régions, que ce soit de Chaudière-Appalaches, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de Laurentides-Lanaudière, de l'Abitibi, de Laval, que ce soit du Centre-du-Québec, de la Mauricie, que ce soit de l'Abitibi, de la Côte-Nord ou encore de la Gaspésie–Bas-Saint-Laurent, les gens de ces régions-là se disent: Enfin, nous aussi, on aura notre ministère des Régions. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre responsable du Développement des régions.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 171, Loi sur le ministère des Régions, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Boulerice: Oui. M. le Président, nous reviendrons à la poursuite du... Oui, je m'excuse. Oui. Je fais motion pour que cette loi soit déférée à la commission – je m'excuse, j'ai un peu de difficultés – de l'économie et du... Oui, c'est vrai, c'est de l'aménagement du territoire, effectivement.

Le Vice-Président (M. Pinard): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Boulerice: Oui. Alors, comme je le disais précédemment, M. le Président, je vous demanderais de revenir à l'article 10 de notre feuilleton pour la poursuite du débat.


Projet de loi n° 170


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous fais rappel que, à l'article 10 de votre feuilleton, Mme la ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi n° 170, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants.

Le dernier intervenant sur l'adoption du principe du projet de loi a été le député de Lotbinière. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi n° 170?

M. Copeman: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Nous cédons la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. C'est un plaisir pour moi de prendre la parole sur l'adoption du principe du projet de loi n° 170, Loi modifiant la Loi sur l'aide financière aux étudiants, Bill 170, An Act to amend the Act respecting financial assistance for students.

Peut-être la chose la plus fascinante qui m'est arrivée depuis trois ans, un peu plus que trois ans, comme député, c'est de voir, dépendamment de quel côté de la Chambre et dépendamment des intérêts qu'on a dans la société, comment on voit la même question. Littéralement, c'est fascinant, M. le Président. Vous qui occupez ce fauteuil pouvez le constater facilement, que, pour le parti ministériel, quelque chose est souvent blanc, pour l'opposition, la même chose est souvent noire, et on soupçonne, avec notre gros bon sens d'individu, que les choses, de temps en temps, ne sont ni nécessairement blanches ni nécessairement noires mais grises, hein? Je dis ça parce que nous sommes dans une situation invraisemblable avec le projet de loi n° 170.

J'ai écouté attentivement le discours de la ministre de l'Éducation qui prétend, de son côté, que la loi ne va pas restreindre l'accessibilité des étudiants à notre régime de prêts et bourses, que ça va même avantager les étudiants défavorisés avec plusieurs mesures. M. le député de Lotbinière faisait à peu près la même prétention, avec une lecture très éloquente de son discours. Mais, nous, de ce côté de la Chambre, M. le Président, en s'appuyant sur peut-être d'autres aspects, en s'appuyant sur d'autres analyses, on arrive à des conclusions légèrement différentes. Je m'inspire beaucoup évidemment, M. le Président, de l'analyse faite par mon collègue le député de Verdun, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur, le député de Verdun qui, avec la rigueur qu'on lui connaît, a fait l'analyse du projet de loi et arrive à d'autres conclusions, pas les conclusions très positives et mielleuses de la ministre, du député de Lotbinière, du parti ministériel, mais à d'autres conclusions.

M. le Président, nous prétendons, de ce côté de la Chambre, l'opposition officielle, qu'il y a des mesures dans le projet de loi n° 170 qui vont restreindre l'accessibilité des étudiants à notre régime de prêts et bourses, conclusion quasiment opposée à ceux d'en face, aux gens d'en face. Drôle de situation. La ministre prétend, avec ses troupes, qu'on va avantager les familles pauvres, les étudiants pauvres. Mais là, M. le Président, un peu plus tard, je vais vous faire lecture de quelques citations d'un communiqué de presse de la Fédération étudiante universitaire du Québec et de la Fédération étudiante collégiale du Québec qui arrivent à d'autres conclusions. Drôle de situation. La ministre, le député de Lotbinière, les troupes d'en face, les troupes du Parti québécois arrivent à des conclusions que le projet de loi va avantager les élèves défavorisés, les familles défavorisées, mais les élèves, les fédérations étudiantes au niveau collégial et universitaire arrivent à d'autres conclusions, radicalement opposées. Drôle de situation, M. le Président.

Ça revient un peu à mes commentaires d'ouverture. Qui dit vrai? Oui, le député de Vimont prétend que c'est la ministre. Évidemment, c'est sûr! Je suis convaincu que ça n'a rien à voir avec la ligne du parti ni la solidarité ministérielle. Ça n'a rien à voir dans le calcul du député de Vimont. Mais, nous, on est plus sceptiques, M. le Président, et, nous, dans l'opposition, il faut qu'on se base un peu sur d'autres opinions, entre autres les deux grandes fédérations étudiantes au Québec qui ont formé un front commun.

M. le Président, comment est-ce que le projet de loi n° 170 peut restreindre l'accessibilité à notre système de prêts et bourses? D'ailleurs, je pense que tout le monde le reconnaît, système de prêts et bourses qui est probablement le plus généreux au Canada. Quand on fait des bonnes choses au Québec, il faut en être fier, et je le suis. Ça, c'est clair. Un peu comme nos frais de scolarité qui demeurent parmi les plus bas, sinon les plus bas au Canada. Mais là, encore une fois, c'est des choses dans lesquelles on peut partager la fierté avec tout le monde. Tout le monde peut partager cette fierté. On peut être fier de ça. Il n'y a pas de question autrement. C'est une réalité.

(21 h 50)

D'ailleurs, M. le Président, dans le cadre de notre tournée, de ce côté de la Chambre, du Parti québécois, du Parti libéral du Québec, pardon... Bientôt, le Parti québécois sera de ce côté. Je pensais à ça, là. Le Parti québécois va bientôt être de ce côté. C'est comme ça que j'ai mêlé les choses. Et dans un délai assez court, je le prédis, M. le Président.

Mais, de ce côté de la Chambre, au Parti libéral, on a entrepris une tournée, des députés, assez importante des établissements d'enseignement supérieur au Québec. J'ai eu l'occasion, comme député de Notre-Dame-de-Grâce, d'assister à cette tournée en ayant visité le cégep Champlain, Champlain Regional College, St. Lawrence Campus, l'Université du Québec à Hull et l'Université Concordia, M. le Président, l'Université Concordia où nous avons, moi et mon collègue le député de Westmount–Saint-Louis, rencontré l'association étudiante de l'Université Concordia qui, de façon très éloquente, nous a fait part des difficultés du niveau de l'endettement des étudiants, à quel point ça hypothèque l'avenir des jeunes Québécois et Québécoises, une lourde dette envers le gouvernement du Québec, après avoir pris des prêts et bourses. Et on constate, comme tout le monde, un chiffre assez étonnant: le nombre de faillites comprenant des dettes d'études a quadruplé en cinq ans.

C'est des faits incontestables. C'est une situation très préoccupante dont les conséquences sont très lourdes. Ça ne fait pas si longtemps que ça que j'ai terminé mes études universitaires – mais, si longtemps, comparé à d'autres membres de cette Assemblée, évidemment – ça fait 15 ans, à peu près, et j'ai eu l'occasion, pendant mes études universitaires, de travailler à temps partiel. J'ai pris un autre chemin que de me prévaloir de notre système de prêts et bourses. Mais ce n'est pas tous les étudiants québécois qui ont cette occasion. Surtout aujourd'hui, avec une activité économique vraisemblablement diminuée, il s'avère de plus en plus difficile d'obtenir des emplois à temps partiel et de concilier études et travail. Ce n'est pas facile. Je l'ai fait pendant quatre ans; ça a prolongé mes études universitaires. Évidemment, ça a été très difficile de tenter de terminer un bac en trois ans en travaillant en même temps.

Mais je pense qu'on a tous ce souci du problème de l'endettement étudiant et de ce phénomène de faillites qui touche les étudiants. L'endettement étudiant, l'Association étudiante de Concordia nous a fait part, pendant un échange assez vigoureux et étoffé, de toutes les problématiques associées à l'endettement étudiant, à quel point ça mine la confiance en soi, même à quel point on remet en question sa capacité de poursuivre des études universitaires. Pourtant, M. le Président, on sait fort bien que le discours, de l'autre côté de la Chambre, nos engagements ici aussi, on sait à quel point les études universitaires, l'enseignement supérieur est essentiel pour le progrès de la société québécoise. Si on ne forme pas nos jeunes aujourd'hui, on va en payer le prix dans un avenir rapproché.

Alors, M. le Président, comment, de ce côté, on peut soutenir, on peut prétendre que le projet de loi n° 170 restreint l'accessibilité, l'accès? Bien, c'est clair. C'est par le biais de l'article 3 qui restreint, selon nous, l'admissibilité à l'aide financière sous forme de prêt parce qu'on ajoute un calcul d'une contribution parentale pour le calcul du prêt. Auparavant, on avait cette notion de contribution parentale pour la bourse, mais là on élargit cette notion de contribution parentale pour le calcul des prêts. Beaucoup de ces calculs-là et de ces modalités-là vont être adoptés par règlement. Et là, encore une fois, de ce côté de la Chambre, on résiste tant qu'on peut à la notion de gouvernement par règlement, par décret.

Je sais qu'il faut procéder dans la Gazette officielle , je sais qu'on ne cache rien dans la Gazette officielle . C'est un thème, d'ailleurs, de la ministre de l'Éducation. Mais la ministre va être d'accord avec moi que la Gazette officielle du Québec n'est pas le mécanisme le plus transparent qui existe au Québec pour M. et Mme Tout-le-Monde. Pour nous, les parlementaires, ça peut déjà être très difficile de comprendre toutes les conséquences des décrets dans la Gazette officielle .

Moi qui travaille, pour ma formation politique, dans le domaine de l'aide sociale, M. le Président, je vous mets au défi de comprendre la tonne de règlements qui sont présentés au Conseil des ministres, publiés, prépubliés dans la Gazette officielle , qui touchent une modification des règlements de la sécurité du revenu; ce n'est pas facile. Ça prend soit des recherchistes; ça prend, de temps en temps, des avocats. Ce n'est pas la méthode la plus transparente ni la plus démocratique. Je ne veux pas laisser entendre que c'est antidémocratique. Mais on a divers niveaux de transparence. Moi, je prétends que le Parlement du Québec, l'Assemblée nationale, est le niveau le plus transparent, parce qu'on peut assister à des débats publics, on échange entre parlementaires. Tandis que quelque chose qui est publié dans la Gazette , c'est une décision du Conseil des ministres, dont le tirage est assez limité, M. le Président. Alors, chaque fois qu'un gouvernement accroît ses pouvoirs de réglementation, ça me fait peur. D'ailleurs, j'ai des souvenirs d'autres collègues qui me disent que, quand les gens du parti ministériel étaient de ce côté de la Chambre, quand ils étaient dans l'opposition, ils se méfiaient eux autres aussi beaucoup du processus de réglementation, du règlement adopté. C'est un peu la fonction de l'opposition.

Alors, on élargit la question de la contribution parentale dans le calcul du prêt. Une nouvelle notion. M. le Président, quelques minutes simplement sur la notion de «contribution parentale». Ce n'est pas facile à déterminer, hein. Je ne suis pas expert dans la matière pour les prêts et bourses, je suis devenu un peu plus expert dans la matière de la contribution parentale pour les jeunes sur l'aide sociale. Et ce n'est vraiment pas facile à calculer.

Qu'est-ce qui arrive quand un parent, dans les faits, M. le Président, ne respecte pas un calcul de contribution parentale sur papier? Parce que, ça, c'est l'autre phénomène qu'on connaît, qu'en principe, suite à des calculs assez complexes, on arrive à un montant de contribution parentale qui, sur papier, devrait être respecté, mais qui, dans les faits, ne l'est pas. Il ne l'est pas! Et qui est désavantagé dans tout ça? Bien, c'est clair, c'est le jeune ou c'est l'étudiant.

Alors, c'est un mécanisme très lourd, M. le Président. J'oserai dire même, et Mme la députée de Sherbrooke va me comprendre, que c'est un mécanisme, dans le domaine de l'aide sociale, qui est si lourd que c'est quasiment devenu presque non fonctionnel, dans le domaine de l'aide sociale. Et je pense que, si elle faisait des vérifications auprès des autorités ministérielles, elle en viendrait à peu près à la même conclusion.

Alors, de ce côté, on dit: Ça ne répond pas non plus aux attentes des étudiants. Et, encore une fois, j'ai écouté attentivement la ministre, et le député de Lotbinière qui dit: C'est un avantage, c'est un pas en avant, c'est bon pour les étudiants, bon pour les étudiants pauvres, etc. Bien, M. le Président, je vous réfère, en conclusion, simplement, au communiqué de presse émis par le Front commun étudiant, la Fédération des étudiants universitaires du Québec, la Fédération des étudiants du collégial du Québec, émis la journée même du dépôt du projet de loi. Alors, j'imagine qu'ils ont procédé à une certaine analyse du projet de loi. Le projet de loi a été présenté le 12 novembre; le communiqué, c'est le 12 novembre. M. le Président, il y a des phrases là-dedans que je ne peux pas prononcer parce que c'est antiparlementaire, imaginez-vous!

La ministre prétend, le député de Lotbinière prétend que ça avantage les étudiants. Mais les étudiants pensent autrement. Je cite le communiqué de presse: «Le projet de loi n° 170 sur l'aide financière aux étudiants: la ministre Marois, la ministre de l'Éducation...» Il y a un mot là que je ne peux pas dire, M. le Président. Je ne peux pas. Vous me faites signe là, mais c'est plus fort que «renie ses promesses», M. le Président. O.K., on s'entend.

Une voix: ...

M. Copeman: Mais c'est vrai! Mais le communiqué... La ministre dit que c'est faux. Moi, je cite le communiqué, M. le Président. Si la ministre prétend que c'est faux, bien qu'elle s'arrange avec les deux fédérations, O.K.? Mais, moi, je m'alimente un peu de ce que... Mais la ministre ne peut pas dire que le communiqué ne dit pas ça. C'est ça que le communiqué dit. Selon elle, ce n'est peut-être pas vrai, mais ça demeure quand même que le communiqué est là. «La ministre de l'Éducation – et, encore une fois, un mot que je ne peux pas prononcer – renie ses promesses.» Mais c'est plus fort dans le communiqué de presse, M. le Président, vous comprendrez.

(22 heures)

M. le Président, une citation de ce communiqué: «La ministre nous a jeté de la poudre aux yeux en réagissant au rapport Montmarquette, car le projet de loi révèle toutes les mesures négatives qu'elle a voulu nous cacher. Ces mesures ne régleront en rien le sort des étudiants les plus démunis. C'est exactement le contraire que viennent dire la ministre et le député de Lotbinière.

Un peu plus tard, Denis Sylvain, président de la Fédération des associations étudiantes universitaires québécoises en éducation permanente, a dit: «Ce n'est pas un gain pour les étudiants démunis, c'est le statu quo.» Là, encore une fois, M. le Président, on est mal pris. La ministre dit une chose, les fédérations universitaires disent quasiment l'opposé. Qui dit vrai? Et, à la Fédération des étudiants universitaires du Québec, M. Ducharme indique que «cela ne changera pas les montants des prêts des étudiants pauvres. La seule conséquence de cette mesure est que cela ferait économiser au gouvernement dans le but d'atteindre un déficit zéro vide de sens. Pourquoi ces sommes ne seraient pas réinvesties en bourses pour les plus démunis?» Encore une fois, des propos très durs des trois fédérations étudiantes à l'égard du projet de loi.

Mais, pour conclure, M. le Président, je reviens à mes remarques préliminaires, quelques remarques de présentation. La ministre dit une chose, les fédérations étudiantes... La ministre dit que quelque chose est blanc, la fédération des étudiants, les trois grandes fédérations disent: Non, l'affaire n'est pas blanche; votre affaire, elle est noire. On ne peut pas être plus clair que ça. Mais, nous, dans l'opposition, je vous le dis pour moi-même, je préfère beaucoup me fier sur les fédérations étudiantes que de me fier à ce moment-ci à la ministre de l'Éducation du gouvernement du Parti québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous allons maintenant céder la parole au député de Mont-Royal. Alors, M. le député.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Nous sommes à une époque où nous avons besoin de plus en plus de connaissances, de formation, de professions, de développement dans toutes les technologies. La compétition est devenue non seulement locale, provinciale, nationale, elle est devenue globale, et nos jeunes sur le marché du travail sont en compétition non seulement avec leurs collègues au Québec, mais sont en compétition avec le monde entier.

À toutes fins pratiques, les frontières n'existent plus. Nous avons présentement l'entente de libre-échange nord-américain. En 1994, il y a eu le Sommet à Miami qui prévoit que cette entente... qu'il y ait une zone de libre-échange dans toutes les Amériques. Nous avons fait ici, M. le Président, nous avons tenu ici une Conférence des Amériques pour nous placer dans ce courant. Si on veut se placer dans le courant où les barrières tombent, où la compétition est non seulement nord-américaine, mais va être mondiale, il faut donner des outils à nos jeunes. Combien de fois on voit ici que les entreprises québécoises demandent des spécialistes, qui ne peuvent pas les fournir; on n'est pas autosuffisant dans plusieurs domaines. Alors, ça veut dire que nous devons préparer nos jeunes pour faire face à cette compétition, qu'ils aient des diplômes universitaires, collégiaux, des études spécialisées, autrement nos jeunes vont être désavantagés.

Alors, M. le Président, les besoins sont criants. Les autres pays, ils préparent leurs jeunes, ils voient ce qui se passe. On n'est plus dans les économies d'il n'y a pas tellement longtemps, nos économies ont changé. Dans le passé, on avait moins besoin de ces spécialisations, de cette instruction, d'une profession, des instructions spécialisées, des informations, des entraînements spécialisés. Mais aujourd'hui ces besoins, ils sont là, et il faut absolument que nous donnions aux jeunes l'opportunité de pouvoir faire cette compétition, de pouvoir se tenir, d'avoir des emplois pour qu'ils fassent compétition dans le monde du marché, qu'ils fassent cette compétition, qu'ils s'insèrent dans la compétition globale.

Mais que faisons-nous, ici? Au lieu d'augmenter l'opportunité pour les jeunes de pouvoir obtenir une éducation, de pouvoir aller au collège, de pouvoir aller à l'université, de pouvoir prendre des cours spécialisés, il me semble, M. le Président, que le présent projet de loi restreint ces possibilités. Il y a des restrictions dans le projet de loi actuel qui n'existaient pas avant. Alors, au lieu de dire aux jeunes: Oui, voici les conditions où on peut vous encourager à prendre soin de vos besoins, vous encourager à aller continuer, poursuivre vos études, on leur dit: Non, en commençant par l'adoption de ce projet de loi, ça va être plus difficile pour vous de pouvoir accéder à une éducation.

Et j'espère qu'on ne fait pas ça par question d'économie. On parle tous du déficit zéro, mais, M. le Président, une économie, pour nos jeunes, c'est une fausse économie. Si on veut faire ce projet de loi parce qu'on veut sauver de l'argent, ça, c'est une fausse économie. Nos jeunes vont en payer le prix, notre économie va en payer le prix parce qu'on n'aura pas les gens entraînés pour faire de la compétition aux États-Unis, en Europe, en Amérique latine, en Asie parce qu'on n'aura pas les connaissances, on n'aura pas les diplômes, on n'aura pas l'entraînement nécessaire. Alors, quand on dit: On va faire des prêts aux jeunes, pour moi c'est un investissement dans l'avenir!

Et on ne demande pas à la ministre d'augmenter le Programme de prêts et bourses. Ce n'est pas ça qu'on demande, ici. Mais, au moins, ce que l'on demande, c'est de maintenir le programme tel qu'il est présentement ou, si c'est possible, de l'améliorer. Mais pas d'inclure des restrictions où les jeunes vont avoir plus de difficultés, seront moins motivés. Au lieu d'augmenter les possibilités d'obtenir une éducation, ça va compromettre sérieusement leurs possibilités pour leur avenir.

M. le Président, il faut penser à l'avenir, et un projet comme celui-ci met des obstacles, des obstacles qui ne sont pas nécessaires, qui réduisent les conditions d'aide. On en a mentionné plusieurs. On a mentionné la contribution parentale, on a mentionné aussi la question que le remboursement va commencer à courir dès que le jeune aura fini ses études. Au moins, qu'on leur donne la possibilité. Les jeunes ont écrit à la ministre et ils ont porté à son attention que, dans d'autres parties du Canada, dans d'autres parties du pays, ils ont jusqu'à 30 mois pour commencer leurs paiements et que le taux de chômage est moindre dans d'autres parties du Canada qu'il l'est au Québec. Est-ce qu'il y a un lien entre les conditions d'aide aux étudiants ici, les conditions d'aide dans d'autres parties du pays et le taux de chômage des jeunes? Parce que c'est très, très pénible, c'est difficile pour un jeune d'obtenir un emploi. On a seulement à voir le taux de chômage dans cette catégorie pour s'apercevoir de quelles sont les difficultés, quelles sont les nouvelles conditions de notre économie qui rendent l'obtention d'un emploi beaucoup plus difficile. Alors, de réduire les possibilités pour qu'un jeune puisse obtenir l'aide nécessaire pour étudier, écoutez, ce n'est pas un luxe.

(22 h 10)

Le jeune ne dit pas: Écoutez, donnez-moi de l'argent, je veux aller prendre des vacances aux Bermudes ou: Je veux aller à Miami. Non, non. Il dit: Prêtez-moi de l'argent à des conditions convenables, je veux étudier. Je veux devenir un être utile à ma société. Je veux faire une contribution à ma société. Je vais vous repayer, mais donnez-moi les conditions où ça me motive, où je peux rencontrer les prêts que vous me faites.

Ne rendez pas la vie plus difficile, elle est déjà assez difficile. Commencer à demander à avoir une contribution parentale qui sera définie par règlement, c'est-à-dire par le gouvernement, et, si on peut en juger par le projet de loi, cette décision-là sera prise en conséquence du budget, en conséquence de l'objectif du gouvernement de réduire les dépenses. Ce n'est pas la place pour réduire des dépenses. Réduisez vos dépenses ailleurs, mais pas sur le dos des jeunes, pas sur l'avenir de notre société. Parce qu'on parle de ça, on parle des gens qui vont nous remplacer. Il faut qu'ils aient l'entraînement, il faut qu'ils aient l'éducation pour pouvoir nous remplacer adéquatement et avoir les connaissances nécessaires.

Alors, M. le Président, ce projet de loi démotive. Quand on ajoute les conditions qu'on voit dans le projet de loi, on crée des incertitudes. Il y a déjà assez d'incertitudes dans notre vie sans en ajouter d'autres pour les jeunes. La vie pour les jeunes n'est pas facile, quoi qu'on en pense, quoi qu'on puisse en penser ici, ou quoi que certains puissent dire. La vie est très difficile. C'est beaucoup plus difficile aujourd'hui pour un jeune d'obtenir un emploi que ce ne l'était il y a 10 ans, il y a 20 ans. Alors, pourquoi accabler de plus ce jeune, cette catégorie dont nous avons tellement besoin pour continuer nos travaux, pour continuer le progrès de notre société? Ce n'est pas le moment de rendre par cette loi les conditions beaucoup plus difficiles, beaucoup plus pénibles. Il faut qu'on donne une chance aux jeunes de pouvoir obtenir une éducation adéquate, de pouvoir obtenir un entraînement. Que ça soit dans des cours spécialisés, que ça soit au niveau collégial, que ça soit au niveau universitaire, il faut leur donner une chance et, M. le Président, ce n'est pas en ajoutant des conditions, en réduisant les possibilités et la motivation pour obtenir ces prêts et en augmentant les obstacles qu'on va accomplir cet objectif.

Le programme qui a été aboli, je crois, en 1996, par le gouvernement... Il y avait un programme du gouvernement libéral où il y avait une remise de dette. C'était un élément pour aider les jeunes à étudier, pour donner une autre motivation. Les conditions, ça pouvait aller jusqu'à 25 % de la dette. Il y avait à peu près 3 000 jeunes par année qui pouvaient être aidés par ce programme. Non seulement on l'a aboli, mais maintenant on dit que, l'année prochaine, oui, on va remplacer ce programme-là, mais, on va le dire, à 10 %. Alors, on réduit de 25 %, pas pour maintenant, mais pour l'année prochaine.

Alors, ce sont d'autres éléments que... Quand quelqu'un a une décision à prendre, de dire: Écoutez, est-ce que je vais aller faire mes études? Est-ce que je vais pouvoir avoir les moyens nécessaires, les conditions nécessaires? C'est le genre d'obstacles, le genre de conditions qui démotivent. Ce qu'on dit à la ministre, c'est: Ne démotivez pas notre jeunesse. Pas parce que vous voulez réduire le déficit. Vous allez prendre d'autres endroits pour le réduire, ce déficit-là. On va faire d'autres sacrifices dans d'autres secteurs. Mais pas dans l'avenir du Québec que les jeunes représentent.

Un autre élément. Il y avait des bourses d'excellence. Maintenant, on est pénalisé. Elles vont faire partie pour la réduction des prêts. Alors, ce sont tous des éléments qui rendent la vie plus difficile pour le jeune, les conditions plus difficiles pour lui parce qu'il faut repayer cette dette-là. Il y a une nouvelle loi, maintenant, selon laquelle les jeunes ne peuvent même pas déclarer faillite pour se débarrasser de ces dettes, et ça, on comprend parce qu'il y avait trop de personnes qui utilisaient ce moyen-là. Mais pensons-y aux conséquences que ça va faire aux jeunes.

Et, M. le Président, vous savez, moi, je trouve triste quand des jeunes sont obligés d'envoyer des communiqués de presse utilisant des propos que, moi, je trouve pénibles, qu'on place ces jeunes-là dans une position où ils prennent ces moyens pour se défendre. Et, vous savez, quand on fait des promesses électorales, ne nous demandons pas pourquoi la population fait de moins en moins confiance aux politiciens, ne nous demandons pas pourquoi, parce que pour être élu, on est prêt à tout dire, on est prêt à tout faire, mais, après ça, quand l'élection est finie puis qu'on a obtenu les appuis des jeunes, là, on peut dire: Bien, là, les conditions ont changé, on n'est plus obligé de respecter les engagements que nous avons pris. Au moins, faites-le à d'autres catégories de personnes, mais ne le faites pas aux jeunes parce qu'elles sont en formation, ces personnes-là.

Et quel exemple, nous, les politiciens... Parce qu'on souffre tous pour ça, que ce soit le gouvernement... On ne peut pas dire: Bien, c'est le gouvernement, ce n'est pas l'opposition. C'est tous les politiciens qui subissent les conséquences d'un gouvernement qui ne respecte pas ses engagements. Légalement, vous avez le droit de tout faire. L'Assemblée nationale est souveraine, elle peut décider d'abolir complètement les prêts et bourses, mais, moralement, si vous avez pris un engagement envers les jeunes durant une campagne électorale, le moindre que vous devriez faire, c'est de garder cet engagement. C'est une parole d'honneur aux jeunes, c'est un exemple. On veut donner l'exemple aux jeunes de construire une société juste, morale pour l'avenir, donner l'exemple de comment, nous, à l'Assemblée nationale on se comporte, parce qu'on devient des modèles pour eux, on devient des exemples comment faire, comment agir. Et quel exemple on donne quand on dit: Non, on a fait un engagement électoral l'année x, en 1994, et, trois ans plus tard, on dit: Non, on a changé d'idée? Je ne pense pas qu'on a le droit, moralement, d'agir de cette façon. C'est un engagement d'honneur, spécialement envers une catégorie de personnes qui, elles, sont victimes de ça. Elles sont des victimes, elles ont des besoins. Ce n'est pas un luxe.

De plus en plus, maintenant, on va réduire, on restreint l'accès à une éducation, on restreint l'accès au collège, à l'université, et ce n'est pas le temps de faire ça. Alors, non seulement il y a des raisons pratiques, des raisons de compétition globale, des raisons de notre économie, des raisons de besoins de notre société, que les jeunes doivent continuer, c'est eux qui vont porter le flambeau de demain... Il y a ces raisons-là pour s'assurer que les conditions de prêts et de bourses soient convenables et ne soient pas accablantes pour eux et qu'elles le soient d'une façon qu'ils puissent vivre avec et qu'elles soient compétitives avec ce qui se passe ailleurs. Et, deuxièmement, il y a aussi des raisons d'engagement électoral, d'exemples que nous donnons aux jeunes, parce que ce sont des exemples que eux prennent. Et, comme j'ai dit tantôt, M. le Président, moi, je trouve pénible qu'un groupe de jeunes qui représentent des étudiants universitaires, qui représentent des étudiants au collégial soient obligés de se défendre de la façon dont ils l'ont fait. Ça ne donne pas un bon goût pour la politique, ça ne donne pas un bon goût pour les élus, ça ne donne pas un bon goût pour l'institution parlementaire que nous représentons.

Alors, si on a des réductions à faire pour arriver à un déficit zéro, peut-être qu'on pourrait suggérer, M. le Président, à la ministre d'utiliser les mêmes moyens que le ministre des Finances: Créez un fonds et ne le mettez pas dans votre déficit, créez un fonds pour aider les jeunes. Alors, il ne sera pas payable cette année, il ne sera pas considéré dans le déficit de cette année. Vous pouvez l'échelonner pour x nombre d'années. Vous le faites pour toutes sortes d'autres conditions, d'autres secteurs; faites-le pour les jeunes si vous avez besoin d'avoir recours à une telle astuce. Mais, de grâce, gardez vos promesses, vos représentations que vous avez faites aux jeunes, parce que c'est chacun de nous qui va en subir les conséquences, c'est notre société qui va en subir les conséquences, c'est notre avenir qui va en souffrir. Et pensons à l'avenir de nos jeunes, pensons à l'avenir de notre société et arrangeons-nous pour que nous puissions respecter non seulement le désir des jeunes de vouloir avoir une éducation, de vouloir avoir un diplôme, de vouloir s'améliorer, de vouloir prendre leur place dans la société, mais respectons aussi, comme institution parlementaire et comme politiciens, les engagements que nous avons pris. Nous allons voir que, quand nous agissons avec honneur, ça se reflète sur nous et la jeunesse va le prendre comme exemple, et va pouvoir en bénéficier, et va pouvoir nous aider plus tard dans le développement de notre société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Mont-Royal. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. J'étais très impressionné par le discours sur le projet de loi n° 170 du député de Mont-Royal. Le député de Mont-Royal est le senior dans cette enceinte, il est celui qui est là depuis... avec le plus grand nombre d'années, avec le plus d'expérience. Et c'est avec tellement de foi et de conviction, comme le font les libéraux, qu'il a défendu les jeunes, qu'il a rappelé au gouvernement en avant de nous cette désolation entre le moment où il a pris des engagements électoraux, des engagements, je me souviens encore, dans des salles, des ententes... M. l'ex-premier ministre, la distinguée députée de Taillon et combien d'autres promettent à peu près n'importe quoi aux jeunes du Québec.

(22 h 20)

Il y a trois engagements. Juste pour démontrer, dans différents secteurs, comment on a promis des choses pendant la campagne électorale et comment, en ce moment, on est après faire non seulement pas à peu près pareil, exactement à l'opposé. Je veux citer trois cas, M. le Président.

Le premier, celui que je connais le mieux, le secteur des déchets. Dans le programme politique du Parti québécois, on disait: «Les sites de déchets du Québec deviendront propriété publique.» Ça, c'était l'engagement. Personne ne conteste ça. Tout le monde se réjouissait, M. le Président. Dans la vraie vie, aujourd'hui, qu'est-ce qui se passe? Les sites de déchets sont maintenant propriété des Américains à 50 %, tout ça depuis que le PQ est arrivé, en dedans de trois ans. Non seulement ils n'ont pas tenu leur engagement, mais c'est diamétralement opposé, ce qui se passe. Les Américains sont après prendre le contrôle des sites de déchets au Québec. Premier engagement non tenu, important, écrit. C'est une ligne dans le programme électoral.

Le deuxième, c'est celui de l'implication des jeunes dans tout le processus décisionnel de notre société. Je me souviens de cette réunion, plein de jeunes, où le premier ministre, le député de Joliette et combien d'autres disaient aux jeunes: Vous siégerez sur le conseil d'administration de la Caisse de dépôt; vous siégerez sur le conseil d'administration de la Régie de l'assurance automobile; vous avez des permis de conduire, vous avez le droit de siéger là, vous êtes partie prenante à la société.

Ce que le Parti libéral du Québec a toujours fait: surpondérer l'implication des jeunes dans notre formation politique, les impliquer dans la société. Soudainement, ces gens-là venaient de découvrir ça. M. le Président, non seulement ils ne l'ont pas fait, mais ils sont après faire diamétralement... opposé à ça.

Le projet de loi n° 171 sur lequel nous avons travaillé tout l'après-midi, projet de loi qui crée dans les régions un nouveau mode de gestion des commissariats industriels, quelque chose qui va devenir, je pense, important dans le temps, M. le Président, eh bien, les jeunes, ils n'ont pas de place de réservée à cet endroit-là. Les jeunes n'ont pas été consultés au Sommet socioéconomique. Ils étaient dans la rue sur le boulevard René-Lévesque, ils ont dû organiser leur propre sommet.

Le Conseil permanent de la jeunesse demande d'être entendu sur le projet de loi n° 171. Ils n'ont pas été invités au moment où on se parle, et j'ai imploré le ministre cet après-midi de les inviter, le Conseil permanent, pour qu'il les entende. Cette implication dans chacune de nos régions sur les CLD qui me semble très importante. Le ministre nous a répondu tantôt. Il n'a jamais pris d'engagement à l'égard des jeunes comme quoi il était pour les inviter à siéger sur les CLD, M. le Président, alors que les CLD qui sont après se former auront entre 20 et 35 personnes qui siégeront là: les syndicats, trois, quatre; le monde des affaires, trois, quatre, etc., etc. Les jeunes ne seront pas là. Et l'engagement... J'invite les gens du PQ, ils ont leur programme entre les mains... J'espère qu'ils ont le programme parce qu'on va leur en parler beaucoup de leur programme électoral, des engagements qu'ils ont pris: 200 quelques pages, M. le Président. Je les invite à regarder la page 211, l'article 1.1, où ils promettaient d'impliquer les jeunes à peu près n'importe où. Mais là où ça fait le plus mal pour un jeune qui est aux études, M. le Président, ce n'est pas de savoir qu'il ne sera pas au CLD, ce n'est pas de savoir que l'engagement sur les sites de déchets sont après se vendre aux États-Unis, ce qui fait le plus mal à un jeune, en ce moment, qui est aux études, c'est son prêt, c'est sa bourse, c'est son autonomie vis-à-vis de sa famille. Alors, là, je veux lire textuellement à la ministre de l'Éducation ce qu'ils ont promis.

Ce qu'ils ont promis, c'est diamétralement opposé à ce qu'ils sont après faire dans le projet de loi. Et le député de Mont-Royal, un senior, un senior ici, nous a rappelé que, comme parlementaires, nous avons des obligations. Nous avons des obligations en période électorale, oui, à essayer de regarder en avant, à essayer d'avoir une opération de leadership, de convaincre les gens que la société doit évoluer, qu'elle doit avancer. Essayer de convaincre, c'est le rôle d'un politicien en période électorale. Le député de Mont-Royal nous a aussi rappelé que, une fois qu'on avait pris ces engagements, que, une fois qu'on avait dit à des jeunes... Et il a spécifié, M. le Président: Faites-le à d'autres, mais surtout pas aux jeunes. Et moi, aussi longtemps que je serai politicien dans cette enceinte, je vais me rappeler de cette parole parce que je pense qu'il y a une grande sagesse dans les paroles du député de Mont-Royal. Ils n'ont pas le droit de frapper sur un jeune qui est après s'initier à la démocratie, qui est après s'initier à quelque chose qui bouge dans la société. Et la première chance qu'on a, c'est de lui dire: Écoute, on va faire exactement le contraire de ce qu'on t'a dit au moment de l'élection. D'ailleurs, je vous lirai tantôt la lettre au complet de ce que disent les deux fédérations des étudiants du Québec à cet égard-là.

Qu'est-ce que le programme du Parti québécois disait sur le projet de loi n° 170? Et bien, je ne le lirai pas au complet, ça serait trop long, bien sûr, parce que le programme du PQ... Il y a beaucoup de «penseux» au PQ, hein, beaucoup de «penseux». 273 pages dans le programme, M. le Président. Je vous dis qu'ils en ont écrit du papier à la dernière élection. J'ai bien hâte de voir le prochain, j'ai l'impression qu'il va être pas mal biodégradable, le prochain, qu'il va être moins important. Alors, on disait, entre autres, à l'article 2.1 de la page 212: «...la révision complète du régime des prêts et bourses et des frais universitaires et mettra en oeuvre un nouveau régime d'impôt universitaire.» Révision complète, M. le Président. On s'est bien compris, là, c'est écrit dans le programme.

Un peu plus loin, on dira: «De plus, le régime des prêts et bourses sera augmenté – augmenté, M. le Président – et le paiement des frais de scolarité reporté.» Non seulement on ne le reporte pas, en ce moment on est après éliminer. On est après éliminer le cinq mois qu'il y avait dans le projet... ce qu'il y avait chez un étudiant qui avait droit à cinq mois. On est après lui enlever! On ne reporte pas, là, M. le Président.

«Pour financer ses frais (prêts et bourses, scolarité), on établira un impôt universitaire». Moi, je viens de finir, avec mon chef et d'autres députés, le tour des institutions d'enseignement, au Québec – Polytechnique, HEC, les différentes universités, les différents cégeps. Partout on se rappelle de cet engagement où on a dit: «...on établira un impôt universitaire, représentant un pourcentage fixe du salaire pour une période d'environ 10 ans après l'entrée sur le marché du travail. Les ex-étudiantes et ex-étudiants débourseront ainsi un montant fixe, proportionnel à leur revenu.»

C'était tout à fait logique. D'ailleurs, c'est l'engagement qu'on prend, nous, en ce moment, devant les étudiants. Si demain matin nous devions être élus, M. le Président, c'est l'engagement qu'on ferait, parce qu'on pense que c'est tout à fait rationnel. Si vous graduez en médecine et que vous avez un salaire de 100 000 $ par année, il serait peut-être équitable que vous remboursiez un peu plus rapidement, proportionnellement à vos revenus. D'autre part, si vous graduez en histoire et que vous êtes, au début, journaliste dans un tout petit journal d'une région, et que vous gagnez très peu, eh bien, qu'on vous indexe aussi votre remboursement.

(22 h 30)

C'est ça que le PQ avait dit, M. le Président. Pas un traître mot dans le projet de loi n° 170! Même le contraire. On disait, un peu plus loin dans le programme du PQ: «Ce nouveau régime favorisera l'accès à l'université et soulagera les jeunes qui doutent de leur capacité de rembourser leurs emprunts en cas de contexte économique difficile. Rappelons aussi qu'un régime d'étudiants chercheurs sera instauré.» Eh bien, M. le Président, pour des gens qui voulaient favoriser l'accès à l'université, encore là, ils ont passé à côté, mais pas à peu près.

«Baisse inquiétante des demandes d'admission dans les universités.» Ce n'est pas exactement moi qui ai inventé ça. Je peux vous donner des chiffres, M. le Président. Ce que je retiens, c'est qu'il y a une baisse, dans les universités du Québec, d'inscriptions de l'ordre de 14 %. C'est à peu près ça. Et, quand vous parlez à la Polytechnique, ils vont vous dire que, chez les filles, ça a chuté d'une façon dramatique. Quand vous allez à Sherbrooke, ils vont vous dire: On n'est pas trop sûr si c'est les régions. Enfin, tout le monde au Québec dans le monde universitaire va vous dire qu'ils ont des baisses. Je vois la députée de Sherbrooke, ici, qui se l'est fait rappeler d'ailleurs par le recteur de l'Université de Sherbrooke. Elle a contesté les chiffres. C'est son droit. Mais le recteur lui a rappelé qu'effectivement il y a une baisse dans les universités, M. le Président. Ça aussi, ça va à l'encontre de ce que le programme du Parti québécois disait à la dernière élection.

Mais le pire de tous ses engagements, M. le Président, et je vais le lire maintenant: «Un gouvernement du Parti québécois facilitera l'accessibilité au régime de prêts et bourses à l'étudiant issu d'une famille monoparentale.» Eh bien, là, on arrive à l'article de la contribution parentale. Vous savez que, jusqu'à aujourd'hui, quand vous aviez 90 crédits, vous étiez considéré comme une personne autonome, M. le Président. Eh bien, avec le projet de loi, maintenant, ce ne sera plus le cas. Et la ministre tantôt n'a pas contesté ce qu'a dit le député de Verdun. Encore une fois, on va aller, pas juste à peu près, un petit peu à côté du programme électoral du PQ, M. le Président, on va aller comme complètement contraire à cet engagement.

Et ça, M. le Président, comme homme qui a été en affaires 23 ans, qui a essayé toute sa vie de dire la vraie vérité à ses clients, qui a essayé d'inculquer à ses enfants que dire la vérité, en bout de ligne, c'était payant et c'était pas mal plus facile à vivre, bien, M. le Président, quand je vois un programme électoral comme ça du PQ, j'ai bien de la misère, comme le député de Mont-Royal, M. le Président.

Un peu plus loin, dans ce programme électoral, sur les jeunes, toujours sur le projet de loi n° 170: «Il est important d'associer les jeunes à la résolution des problèmes sociaux et de reconnaître leur apport dans des projets communautaires de développement.» Bien, M. le Président, encore là, ils ont passé à côté de la cible. Et j'en ai parlé tantôt, le projet de loi n° 171 sur lequel nous avons travaillé cet après-midi, les jeunes ne seront pas impliqués dans les CLD, pas de postes réservés pour ces gens-là. Alors que tout le monde et son père auront un poste, eux n'auront pas le droit. On leur promettait d'être sur la Régie des alcools, on leur promettait d'être sur la Société des assurances, on leur promettait d'être sur la Caisse de dépôt, sur les conseils d'administration. Eh bien, là, on ne veut même plus les nommer sur les conseils d'administration des CLD, leur réserver un poste, M. le Président.

Et ce qu'on va leur répondre, parce que je les vois venir, ces coquins-là, de l'autre côté, M. le Président, on va leur dire: Ils ont juste à aller au CLD puis quémander un poste. Bien, les jeunes du Québec, c'est des jeunes qui sont fiers, c'est des gens qui sont heureux d'être au Québec. Ils n'iront pas quémander à genoux des postes, M. le Président. Alors qu'on en aura assuré à toutes sortes de mondes, eux aussi ont le droit d'avoir des postes, et ce n'est pas ça qu'on fait en ce moment, alors que dans le programme électoral c'est ça qu'on leur avait dit.

L'exemption de cinq mois, M. le Président, alors que, dans le programme, on dira: Inquiétez-vous pas, on va aller plus loin que cinq mois. Là, on l'élimine complètement. Hier soir, je montais à Québec, comme l'ensemble des députés. Ça a sonné dans ma voiture. C'était un jeune de mon comté qui m'a rejoint via la maison. On lui a dit: Il est dans sa voiture, vous pouvez le rejoindre là. Je lui ai parlé. On a toujours un peu plus de temps dans nos voitures, il n'y a personne qui attend dans le bureau pour nous parler. Alors, j'ai eu une longue conversation avec lui. Il a 24 ans, il a gradué en histoire et il travaille dans un petit journal dans un comté environnant au mien. Il me disait: Écoutez, je ne suis pas capable de rembourser tout ce qu'on me demande. Je lui disais: Comment tu t'es embourbé, finalement? Bien, il dit: Pour avoir la job que j'avais quand j'ai gradué de l'université en histoire, si je voulais être journaliste à la pige dans la région, il fallait que je m'achète un bazou. Il fallait que j'aie un bazou parce que je ne pouvais pas être journaliste en bicycle. Alors, je me suis acheté un bazou. Et puis le journal m'a dit: Bien, écoute, tes textes, il faudrait qu'ils soient mis sur informatique; alors, je n'ai pas eu le choix, je suis allé, puis je me suis acheté un petit informatique de seconde main.

Alors, les dettes d'études, plus le bazou, plus le «computer», ça commence à faire bien des dettes. Et puis, là, notre distinguée députée de Taillon, elle lui dit: Aïe! tu vas rembourser tout de suite. Alors, on va essayer de voir avec lui. Je me suis engagé, s'il me produit la liste de ses dettes, les taux d'intérêt auxquels il a emprunté ces dettes-là, je me suis engagé à intervenir comme un député fait et à voir comment on va pouvoir l'aider auprès de l'institution bancaire, auprès du gars qui lui a vendu le bazou et puis auprès du gars qui lui a vendu son «computer». On va essayer de le faire passer à travers, M. le Président.

Mais là on est loin du compte du cinq mois, M. le Président. Parce que ce que la ministre ne réalise pas, c'est que, quand tu gradues, que tu sois comme dentiste puis il faut que tu équipes tout ton bureau, ou que tu sois comme mécanicien puis que tu as besoin de te bâtir un coffre d'outils, ou que tu sois comme professeur d'histoire puis il faut que tu ailles t'acheter un bazou puis un «computer» pour être à la pige pour un journal, c'est probablement les premiers mois où tu dois dépenser le plus. Et la ministre, ce qu'elle va faire, c'est que, en plus du bazou puis en plus du computer, elle va dire: Nous autres, l'État, paie tout de suite, mon jeune, puis ça, c'est ton problème à toi, le jeune.

Bien, nous, on lui dirait si, nous, on était là: On va te donner un coup de main, puis tu vas d'abord te trouver une job, tu vas d'abord te stabiliser dans la société, puis, ensuite, tu vas commencer à rembourser tes dettes. Parce que c'est la façon d'aider des jeunes à se partir en affaires. Se partir en affaires, quand on est jeune, c'est peut-être être journaliste, c'est peut-être être mécanicien, c'est peut-être être dentiste, mais c'est d'abord de se trouver une job, de se partir en affaires, quand on est jeune, M. le Président.

M. le Président, avant de terminer, on ne peut pas passer sous silence cette lettre que la ministre a reçue. C'est la fédération – FEUQ et FECQ – des universités et des cégeps. Ils ont envoyé ce communiqué de presse la même journée que le projet de loi a été déposé. Donc, ils ont pris connaissance du projet de loi et, dans la journée même, ils ont envoyé une lettre à la ministre, qui est très sévère. Ça représente beaucoup de monde, et vous allez voir que cette lettre-là, elle est plus éloquente que tous les discours que vous entendrez ici ce soir parce que, eux, ils le vivent au quotidien, et ça résume très bien leur pensée. Alors, je ne peux pas lire l'en-tête, M. le Président, parce que les mots sont un peu osés, devrais-je dire, dans notre discours parlementaire, mais je pense qu'ils ont raison. J'avoue que ces jeunes-là, ils ont raison d'être un peu révoltés.

«Montréal, jeudi le 12 novembre 1997. À la suite du dépôt du projet de loi n° 170 visant à modifier la Loi sur l'aide financière aux étudiants, le front commun étudiant, formé – pas n'importe qui, là – de la Fédération étudiante universitaire du Québec, de la Fédération étudiante collégiale du Québec et de la Fédération des associations étudiantes universitaires québécoises en éducation permanente, est amèrement déçu quant à la plupart des modifications proposées. En effet, elles ne reflètent pas les annonces positives que la ministre Marois avait faites suite au dépôt du rapport Montmarquette sur le remboursement de la dette étudiante. "La ministre nous a jeté de la poudre aux yeux en réagissant au rapport Montmarquette, car le projet de loi révèle toutes les mesures négatives qu'elle a voulu nous cacher", déclare Philippe Leclerc, président de la FECQ. Ces mesures ne régleront en rien le sort des étudiants les plus démunis.» Ça, c'est le début de la lettre, M. le Président.

«Ainsi, le projet de loi propose d'abolir la période d'exemption d'intérêt de six mois suivant la fin des études. Cette mesure se veut la contrepartie de l'élargissement du programme de remboursement différé d'une période de 18 à 24 mois. Par conséquent, l'abolition de la période d'exemption est compensée par une période de six mois supplémentaire pour le remboursement différé. "Ce n'est pas un gain pour les étudiants démunis, c'est le statu quo", ajoute Denis Sylvain, président d'un autre groupement.»

Notons que, pour les étudiants du reste du Canada, la période de remboursement différé s'étend jusqu'à 30 mois. Ça, c'est ce que j'expliquais tantôt: mon jeune avec son «computer», son bazou et ses dettes d'études, ailleurs au Canada, ils ont réalisé ça, M. le Président, ils sont prêts à aller jusqu'à 30 mois; ici, on va le ramasser tout de suite, M. le Président. Ce qui est paradoxal, c'est que le taux de chômage chez les jeunes est plus élevé au Québec que dans le reste du Canada.

(22 h 40)

M. le Président, vous me faites signe qu'il reste moins de temps. Je vais aller à la conclusion de la lettre. Très bien. Alors, ils finissent en disant: «Ce n'est qu'une preuve supplémentaire de la vision à court terme et de la mauvaise foi du gouvernement envers les jeunes, les étudiants. La prochaine fois que nous allons parler à la ministre, ce sera sur la base de notre pétition de 26 000 noms, qui sera déposée ici dans quelques jours, qui leur rappellera leurs engagements électoraux de 1994, sinon ce sera dans la rue, aux prochaines élections provinciales.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 170, comme beaucoup de projets de loi et certainement la majorité des projets de loi présentés par ce gouvernement, est un projet de loi qui, au lieu d'aider les citoyens, au lieu d'aider les Québécois... dans ce cas-ci en particulier, on parle de la jeunesse, on parle des jeunes étudiants, au lieu de les inciter à exceller, va faire en sorte de restreindre l'entrée des jeunes Québécois et Québécoises dans les universités. Et je m'explique, M. le Président.

On sait que, au Québec, en général, les étudiants doivent supporter un nombre assez important d'obligations pour pouvoir suivre des études universitaires. Tout d'abord, M. le Président, il s'agit, bien sûr, de trouver une place dans la faculté qu'on choisit et dans laquelle on aimerait étudier. Une fois cela fait, les études coûtent cher. Il faut que le jeune homme qui vient de Jonquière, qui vient de Sherbrooke, qui vient de Chicoutimi, qui vient de Rouyn-Noranda, et j'en passe, se rende dans un endroit où est située l'université à laquelle il a été accepté. Et là il doit, bien sûr, se loger, se trouver un logement; première des choses. Il arrive de chez sa famille, et là il se trouve un appartement ou une chambre quelque part dans une maison et il doit payer son loyer comme tout le monde. En même temps, il doit se nourrir.

Alors, ce jeune homme ou cette jeune femme qui est loin de sa famille – des fois, 1 000, 800, 200, 900 km, extrêmement loin – doit découvrir son autonomie et commencer à faire son épicerie, à cuisiner, enfin à subvenir à son alimentation. Cela coûte très cher. Tout le monde sait ce que coûte une épicerie pour une personne par semaine. Surtout les jeunes hommes ou les jeunes femmes qui sont en pleine force de l'âge, en pleine possession de leurs moyens, qui font de l'exercice physique, on sait que ça mange beaucoup et que ça coûte extrêmement cher.

Ça, c'est les besoins de base. Mais encore faut-il, avant d'entrer dans l'université, aussi payer les frais d'inscription à l'université. Et là, M. le Président, on parle de plusieurs milliers de dollars par année, bien sûr. Alors, quand vous mettez tout ça bout à bout, on se rend compte que des jeunes de 19, 20 ans se retrouvent à devoir assumer très rapidement des montants importants pour pouvoir accéder à l'université. Certes, dans certains cas, les parents contribuent; ce qu'on appelle la contribution parentale, qui est obligatoire. Mais je pense que la grande majorité des parents dont les enfants vont à l'université doivent être fiers de pouvoir aider et encourager leurs enfants, bien qu'il arrive que, dans notre situation qui est de plus en plus difficile au Québec, dans cette situation d'appauvrissement collectif, des parents, des familles aient de la difficulté à subvenir eux-mêmes à leurs besoins et à ceux de leurs autres enfants qui restent à la maison et se trouvent donc dans une position, une situation difficile pour venir en aide à leur aîné ou à leurs autres enfants qui sont à l'extérieur pour aller étudier à l'université.

Alors, M. le Président, nous avons, les gouvernements, par le passé – que ça soit notre gouvernement à nous – fait un certain nombre d'efforts pour faciliter à ces jeunes et aux familles l'accès à l'université. Nous l'avons fait parce que nous pensons et nous savons que, les Québécois, nous souffrons d'un retard en ce qui concerne le taux de diplomation universitaire par rapport aux autres provinces. Certes, nous revenons de loin. Il y a 25, 30 ans, c'était encore plus bas. La Révolution tranquille, les mesures initiées par les différents gouvernements libéraux de l'époque ont fait en sorte d'ouvrir ces universités, d'ouvrir l'accès aux études à ces jeunes-là et, par la suite, de mettre des mesures d'accompagnement pour leur permettre d'aller dans ces universités et d'en profiter.

Nous avons devant nous un gouvernement, le gouvernement québécois, du Parti québécois, qui, lors de la dernière campagne électorale, faisait des promesses. Il n'y a pas une tribune, pas une université, pas un cégep où on n'a pas vu des porte-parole de ce parti aller promettre des augmentations d'aide, des augmentations de bourses, promettre de faire en sorte que ces jeunes puissent continuer d'avoir l'accès, ne puissent pas se retrouver, une fois qu'ils auront fini leurs études, dans une situation délicate où ils devront 30 000 $, 40 000 $, 50 000 $ et où le seul choix qu'ils auront pour pouvoir s'en débarrasser et commencer leur nouvelle vie, leur vie de jeunes hommes avec un diplôme, avec une profession ou un métier... qu'ils ne se retrouvent pas dans une situation où ils devront faire faillite, déclarer faillite, ce qui, malheureusement, s'est produit trop souvent.

Alors, tout le monde, puis ces jeunes-là, bien sûr, ont donné leur appui à ce parti-là, pour un certain nombre d'entre eux, en tout cas, parce qu'ils se disaient: Il nous donne encore plus que ce que nous avons ou plus que ce que l'autre parti nous propose. M. le Président, nous étions raisonnables, nous connaissions les limites du système financier québécois, nous savions de quoi nous parlions parce que nous connaissions très bien l'état des finances et nous savions que des sacrifices importants étaient à faire par l'ensemble de la société pour contraindre et ramener le déficit québécois à sa plus simple expression et, par là, bien sûr, continuer à assurer l'avenir de ces jeunes.

Et ce gouvernement actuel, à l'époque à l'opposition, fait preuve d'une certaine, je ne dirais pas insouciance, mais d'une certaine démagogie. Et aujourd'hui les jeunes demandent des comptes. Les jeunes demandent des comptes parce qu'ils se sentent floués. Les jeunes, M. le Président, et c'est leur mot, se sentent trahis.

M. le Président, lorsqu'une génération complète de jeunes étudiants perd ses illusions avec des mesures ou des comportements comme celui du gouvernement actuel par rapport à ses promesses, à ses engagements, ce n'est pas un plus pour la société. Au contraire, je crois que le gouvernement se doit d'être l'exemple du respect de la parole donnée, l'exemple de l'engagement pris, car ces jeunes se souviendront tout le temps de leur vie qu'on peut mentir, qu'on peut promettre et... je ne dirai pas «mentir», je ne peux pas dire ce mot-là dans cette Chambre, et, avant qu'on me le mentionne, je dirai «et qu'on peut promettre et ne pas tenir». Et, M. le Président, je pense que c'est peut-être là ce qu'il y a de plus désolant en ce qui les concerne et en ce qui concerne notre société et la crédibilité des hommes et des femmes politiques de cette Assemblée nationale.

M. le Président, on se rend compte que Mme la ministre fait des changements dans le but uniquement de ramasser de l'argent. Elle ne tient pas compte de l'intérêt, elle ne tient pas compte de la raison pour laquelle on doit aider les étudiants à trouver du financement. Puis ces étudiants-là, ils ne demandent pas des choses qui ne sont pas réalisables. Ce qu'ils demandent, tout d'abord, c'est d'être entendus, d'être écoutés. Ils demandent de pouvoir parler avec les autorités, avec Mme la ministre, avec d'autres membres de son gouvernement, si nécessaire, avec le premier ministre qui, peut-être, lui, les écoutera.

On l'a vu dans certaines occasions où les ministres, rendus momentanément sourds devant les clameurs ou devant les réclamations du peuple et de la population, se sont fait rappeler à l'ordre par le premier ministre qui, lui, finissait par les entendre. Peut-être cela va-t-il arriver. Peut-être que les étudiants, au lieu d'écrire des lettres à la ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, devraient envoyer leurs lettres au bureau du premier ministre, aller faire leurs manifestations devant le bureau du premier ministre plutôt que devant celui de la ministre qui, elle, ma foi, ne semble pas disposée à tenir compte de leurs demandes.

Alors, M. le Président, qu'est-ce qu'on peut faire? L'établissement d'un mécanisme de consultation multiparties, est-ce que c'est compliqué de faire ça? L'instauration d'un règlement sur les frais de scolarité qui les fixerait à leur niveau actuel, est-ce que c'est compliqué? À moins qu'on ne veuille les augmenter. C'est peut-être ça, la réalité. Est-ce qu'on ne se prépare pas à les augmenter, les frais de scolarité?

(22 h 50)

Et ils demandent, M. le Président, une véritable réforme des prêts et bourses en tenant compte de la révision du calcul des contributions de l'étudiant, du conjoint et des parents ainsi que l'indexation des frais de subsistance et des bourses. Il n'y a rien là de moins normal que cela, l'indexation des frais de subsistance. Tout le monde sait très bien qu'il y a une augmentation du coût de la vie. Tout le monde sait très bien que, année après année, ça coûte plus cher, que les vêtements coûtent plus cher, que le transport coûte plus cher pour le jeune. Ils demandent ça, M. le Président.

Ils demandent le rétablissement du critère d'indépendance financière pour les 90 crédits et plus, la réactualisation du programme de remise de la dette, l'assurance de la gratuité scolaire au collégial. Ça, M. le Président, c'est quelque chose de fondamental, la gratuité au collégial. De plus en plus, on se rend compte que, suite aux compressions effectuées par ce gouvernement dans le réseau de l'enseignement collégial, les collèges tarifent, les collèges arrivent avec une tarification.

À titre d'exemple, le cégep Marie-Victorin dans ma circonscription électorale, un des joyaux de l'enseignement collégial à Montréal et particulièrement dans le vaisseau amiral de l'enseignement dans l'est de Montréal, se retrouve avec des compressions obligatoires de plusieurs millions. Le conseil d'administration, les employés, l'association étudiante, M. le Président, m'ont fait rapport, m'ont sensibilisé à cette problématique où on va devoir couper des cours, on va devoir couper des services ou restreindre l'admissibilité. On tarife là-bas, M. le Président, à peu près tout. Même le gymnase est tarifé. Est-ce qu'on a, dans nos institutions scolaires au Québec, construit des gymnases, des salles de sport, pour faire en sorte qu'on doive charger un tarif aux étudiants? Mais non, M. le Président. Et je prends cet exemple-là pour démontrer l'incongruité de la réforme du gouvernement.

La jeunesse, c'est le moment où on doit mettre dans l'esprit des jeunes, dans les habitudes des jeunes, le sport, l'exercice, la discipline, le dépassement physique. M. le Président, les salles de sport ont été créées pour cela, les gymnases, les pistes de courses, les terrains de soccer, les terrains de football. Eh bien, M. le Président, au cégep Marie-Victorin, maintenant, lorsqu'un jeune veut aller au gymnase, lorsqu'il veut aller à la piscine, un jeune étudiant, lorsqu'il veut jouer au soccer avec ses équipes, lorsqu'il veut jouer au football, eh bien, il faut qu'il loue le terrain. Le terrain de l'école. Pas le terrain de la ville, le terrain de l'école. On en est rendu là.

Alors, quand je me rappelle toutes les promesses, toutes les déclarations de ces gens qui étaient l'opposition il y a maintenant trois ans et demi et que je les vois en face de moi, M. le Président, moi aussi, je ne peux m'empêcher de crier ma désillusion. Et j'ai l'impression que ce n'est pas seulement dans le domaine scolaire. On retrouve les mêmes situations dans l'ensemble de la société québécoise, dans à peu près tous les secteurs, tous les domaines. On les retrouve dans les hôpitaux, on les retrouve chez les personnes âgées, on les retrouve, M. le Président, dans la taxation des médicaments.

Quand je dis «la taxation», la tarification des médicaments pour les personnes. Je me rappelle les grands cris ici, en cette Chambre, de l'opposition de l'époque qui nous accusait de mettre en danger les personnes âgées parce qu'on avait décidé que, pour faire en sorte de limiter le gaspillage, il y aurait une somme de 2 $ qui serait mise à titre de frais modérateurs. Les grands cris et les déchirements de l'opposition de l'époque, qui est maintenant le gouvernement, pour arriver à une tarification qui est à peu près 10 ou 20 fois celle qu'elle était à l'époque!

C'est pareil pour les hôpitaux, M. le Président. J'en ai vu déchirer leur chemise, ici, pour dire à la population: Jamais nous ne couperons dans les hôpitaux, jamais nous ne toucherons à la santé. On faisait des manifestations au parc Lafontaine avec les syndicats de la CSN et les infirmières et on signait des pétitions pour éviter de fermer des hôpitaux, M. le Président. Et on remarque qu'aujourd'hui ils en ont fermé six et ils se préparent à en couper d'autres d'à peu près la moitié; entre autres l'Hôtel-Dieu de Montréal, qui va se retrouver à sa partie congrue. Quelle désillusion pour l'ensemble de notre société de voir l'action de ce gouvernement!

Il nous avait promis qu'il ferait un déficit zéro. Il nous l'avait promis. Il le fait sur le dos des jeunes. On le voit dans le programme qui est amené par la ministre en ce qui concerne les frais scolaires, la tarification au niveau collégial, les remboursements pour les jeunes étudiants à la fin de leurs études. On le voit par les coupures drastiques qui sont faites, aussi, les compressions au niveau des commissions scolaires, qui ont été obligées d'augmenter les taxes. Et à Montréal, c'est de 40 % que la taxe scolaire a augmenté. M. le Président, ils nous l'ont promis. Le Vérificateur général nous dit qu'ils ne le font pas. Et, en plus de ça, ils pressent les Québécois, ils se torturent les méninges pour essayer d'amener de nouvelles taxes, de nouvelles façons de faire en sorte que les Québécois puissent être les seuls à pouvoir contribuer.

Pourquoi, M. le Président? Parce que ce gouvernement n'est pas capable de créer la richesse, il n'est pas capable de créer l'économique. Et le moyen de faire en sorte d'alléger le fardeau fiscal des Québécois, le moyen de faire en sorte que les étudiants ne se retrouvent pas endettés à la fin de leurs études, le moyen de faire en sorte qu'on n'augmente pas les taxes scolaires et les taxes municipales pour payer des services déjà payés par les impôts provinciaux, le moyen, c'est de créer des emplois, c'est de créer l'activité économique. Et, pour ce faire, bien sûr, il faut rétablir la confiance dans la société, la confiance dans le Québec. Et, actuellement, M. le Président, malheureusement, elle n'y est pas. Et force est de constater que le développement économique se fait ailleurs: quasiment 40 %, 50 % de plus à Toronto. Pendant qu'il se crée 350 000 emplois au Canada, il va s'en créer à peu près 45 000 à 50 000 ici, au Québec, et s'ils sont créés, M. le Président. On parle bien souvent d'emplois à temps partiel, d'emplois temporaires, d'emplois précaires. On ne parle pas d'emplois de très haut niveau et d'emplois stables.

Et ça, c'est aussi l'autre côté du problème des jeunes, car, quand ils vont sortir avec leur bourse, endettés, quand ils vont sortir avec leur 30 000 $, 40 000 $, 25 000 $, dépendant des étudiants, après leurs études, ils n'auront pas d'emploi. Ils vont se trouver des emplois précaires, des emplois à rabais, parce que ce gouvernement, en plus de les avoir endettés, d'avoir taxé tout le monde, n'est pas capable de créer de l'emploi pour assurer leur avenir. Et on leur demande de rembourser aussitôt. À peine vous aurez quitté que vous devrez déjà faire un chèque à la ministre de l'Éducation ou au ministère du Revenu.

Mais, M. le Président, quel avenir réservons-nous donc à nos enfants, à nos jeunes? Je lisais dernièrement un rapport qui disait que nous avions, au Québec, parmi les jeunes, un des taux de suicide parmi les plus élevés. Je ne sais pas s'il y a une relation entre l'avenir bouché que nous leur donnons et cet état de fait, je ne le sais pas, mais je pense que ça vaudrait la peine que nous posions cette question-là et que nous regardions ce qui fait que nous ayons cette situation au Québec.

M. le Président, les enfants, les jeunes, c'est la richesse d'un pays. Ils veulent faire un pays au Québec? M. le Président, on commence donc, à ce moment-là, par éduquer ses enfants, par les envoyer à l'université, par leur ouvrir l'avenir, par leur ouvrir le marché du travail. C'est comme ça qu'on crée un pays. Ce n'est pas avec des manoeuvres de référendum sur: On «est-u» un peuple? On n'est pas un peuple. On le «sera-tu» demain? On l'«était-u» hier? Ce n'est pas avec ça. C'est en donnant la fierté à nos concitoyens, puis la fierté, elle est dans le travail et dans l'indépendance financière, et ce n'est pas ce que Mme la ministre fait.

Alors, M. le Président, quand je vois ce projet de loi là, comme mes collègues, je ne peux pas être d'accord avec ça. On lui demande, en outre, de faire une consultation publique. Pourquoi est-ce qu'on devrait adopter ce projet de loi là à toute vapeur? Pourquoi devrions-nous, en fin de session, un peu avant les fêtes de Noël, la nuit, comme ça – il est 23 heures, M. le Président – discuter d'un projet de loi qui intéresse la grande majorité des Québécois et des Québécoises? Parce que c'est non seulement les jeunes, mais c'est aussi leurs parents que ça intéresse, puis aussi les autres de la société qui, même s'ils n'ont pas d'enfant ou qu'ils n'ont plus d'enfant aux études, sont intéressés parce qu'ils veulent savoir ce qui va arriver dans le futur, quel genre de génération, quel genre de société on va avoir. Et ça passe, bien sûr, par les projets de loi qui sont passés, par celui-là en particulier, en ce qui concerne l'enseignement universitaire.

(23 heures)

Alors, M. le Président, je sais que le temps passe. J'ai d'autres collègues qui, certainement, vont intervenir sur ce sujet-là. Je crois que chacun d'entre nous aura un angle particulier, mais, moi, l'angle que j'amène, c'est celui de la désillusion. La désillusion de toute une génération qui n'a plus confiance dans les institutions, n'a plus confiance dans les paroles données ou dans les engagements de leurs aînés que nous sommes; ça, c'est la première des choses, M. le Président. Et l'autre, la désillusion du gâchis que nous préparons en laissant ces gens s'endetter et en faisant en sorte de ne pas leur ouvrir les voies ou l'accès au travail aussitôt après qu'ils auront fini leurs études parce que le gouvernement, avec son option, ne prend pas les moyens d'établir un contexte favorable à la création d'emplois, à l'investissement économique.

Et voilà, M. le Président, pourquoi, entre autres choses, je suis contre ce projet de loi là et voilà pourquoi j'espère que mes collègues auront la même attitude que moi et que nous allons tous le dénoncer pour faire en sorte que la ministre finisse par comprendre qu'il y a peut-être d'autres avenues pour aider la jeunesse québécoise et la former à l'avenir que de l'aider à s'endetter et de la mettre sur la paille avant même d'avoir commencé sa vie active, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sauvé. M. le député.


M. Marcel Parent

M. Parent: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 170, c'est le projet de loi qui apporte des modifications au Programme de prêts et bourses institué par la Loi sur l'aide financière aux étudiants. J'imagine que ce projet de loi amené par la ministre de l'Éducation fait suite aux engagements des députés du Parti québécois, engagements pris lors de la dernière campagne électorale. Je ne suis pas certain, M. le Président, que le projet de loi n° 170 que l'on a devant nous réponde aux aspirations et réponde aux inquiétudes suscitées par le discours du Parti québécois lors de la dernière campagne électorale. Les étudiants s'attendaient à un remaniement du projet de loi d'aide des prêts et bourses, mais ils s'attendaient à de bonne nouvelles. Ils ne s'attendaient pas à un remaniement du projet pour faire un remaniement. Ils ne s'attendaient pas à un remaniement du projet qui était pour être contraire à ce qu'ils avaient entendu lors de la campagne électorale de 1994.

Le projet que l'on a devant nous, M. le Président, il prévoit notamment de nouvelles règles pour le calcul du prêt de même que l'obligation pour l'emprunteur d'assumer les intérêts sur le solde des prêts autorisés dès le moment où il cesse d'être étudiant à plein temps. Je pense que j'aurai l'occasion au cours de mon intervention d'y revenir, parce que c'est peut-être un des éléments les plus importants et les plus cruels pour les étudiants, les plus durs à accepter. Mme la ministre, on dirait qu'elle ne comprend pas la problématique que vit un étudiant au Québec au moment où il termine ses études. Il n'est pas riche quand il termine ses études. Il doit investir quand il termine ses études pour se donner un métier. Lorsqu'il termine ses études – on connaît tous la condition de l'emploi au Québec actuellement, on ne peut pas dire qu'elle s'améliore – l'étudiant qui termine ses études, il n'a pas de travail le lendemain nécessairement, il n'a pas de travail dans deux mois, trois mois après ça, M. le Président.

La ministre va peut-être nous dire: Écoutez, il y a un règlement qui fait en sorte qu'on peut intervenir. Mais on ne peut pas voter un projet de loi sur des promesses d'un règlement parce qu'on ne le connaît pas, le règlement. Il n'y a aucun député dans cette Chambre qui peut honnêtement donner son vote à un projet de loi dont on ne connaît pas les règlements qui vont le régir. Si on regarde les engagements pris par ce parti au moment de la campagne électorale et si on regarde ce projet de loi là, on a encore bien plus de raisons de ne pas trop y croire ou de se poser des questions. Probablement que la ministre... Je ne mets pas en doute l'honnêteté puis la sincérité de la ministre lorsqu'elle dit: J'ai des règlements qui vont voir à ça. Mais on n'a pas le droit de voter sur des règlements qu'on ne connaît pas. Il faut qu'elle nous les fasse connaître, les règlements.

Ce projet de loi aussi prévoit, par ailleurs, le remboursement par le ministre de l'Éducation, dans certains cas et à certaines conditions, de la partie de l'emprunt déterminé par règlement si l'emprunteur termine ses études dans les délais prescrits et en obtient la sanction. Encore là, quel processus va prendre la ministre pour donner suite à son projet de loi, pour donner suite à cet article particulier à son projet de loi? On ne sait pas, M. le Président. Par règlement. C'est dangereux lorsqu'on est rendu au point où on légifère des projets de loi et qu'on ne sait pas ce qu'il y a dedans. Et on prend ici tous les députés de l'Assemblée nationale, des machines à voter, des deux côtés: Votez-nous ce projet de loi là, faites-nous confiance. On ne peut pas toujours faire une confiance aveugle parce que ce serait manquer à notre devoir. Pas parce qu'on n'a pas confiance au gouvernement, parce que notre devoir nous le défend de leur faire confiance aveuglément comme ça. Ils ont tellement, tellement souvent changé d'idée, c'est le gouvernement qui est reconnu par son double langage. C'est le gouvernement qui est reconnu parce qu'il avance des choses puis qu'il fait le contraire. C'est le gouvernement qui promettait mer et monde à tout le monde et qui lui donne la mer pour qu'il se noie dedans. C'est à peu près ça. Alors, ne nous demandez pas de donner notre assentiment à ce projet de loi là sans en connaître les aboutissements.

Enfin, ce projet de loi là, il permet au gouvernement de déterminer par règlement – encore par règlement, M. le Président – les obligations d'un emprunteur qui sont assumées par le ministre lorsque l'emprunteur est dans une situation financière précaire. Parfait. Il n'y a rien à dire contre ça. Mais comment ça va se faire, on ne le sait pas. C'est là, le problème. Des beaux mots. Ça, ça a été fait par des gens qui sont coupés réellement de la réalité, des gens dans un bureau, au complexe G, qui ont écrit une loi et qui ne savaient pas comment l'appliquer. Parce que, si on avait su comment l'appliquer, dans le projet de loi, dans la définition du projet de loi, on nous l'aurait dit. Là, on nous donne des principes, on nous donne des grandes idées, des idées maîtresses qui sont bonnes, je ne le nie pas, mais, M. le Président, c'est bien beau, philosopher, mais ce serait bien plus beau, travailler concrètement et donner du concret à un projet de loi. C'est un projet de loi de 15 articles qui vient à peu près tout chambarder les engagements électoraux face aux étudiants concernant les prêts et bourses lors de la dernière campagne électorale.

Un de mes collègues, tout à l'heure, était dans mon bureau, puis je l'écoutais, le député de Mont-Royal. Le député de Mont-Royal est le doyen des députés de l'Assemblée nationale. Moi, je ne suis pas le doyen, mais je ne suis pas le plus jeune. Lorsque je suis entré en politique, j'étais conscient de mes responsabilités morales et de mes responsabilités sociales. Je suis convaincu que, lorsqu'un jeune entre dans mon bureau, il s'attend à ce que je lui donne l'heure juste, il s'attend à ce que je lui dise la vérité, il s'attend à ce que les gens que ses parents ont élus pour le représenter, lui, qui n'a peut-être pas le droit de vote, et pour représenter l'ensemble de la population soient des femmes ou des hommes d'honneur qui respectent leurs engagements. On n'a pas le droit de décevoir un jeune. On n'a pas le droit de ne pas respecter nos engagements face à un jeune. Ces jeunes-là, les 125 députés de l'Assemblée nationale, ces hommes et ces femmes qui ont été élus pour les représenter, pour les défendre, ils les prennent comme modèles. Ils ont foi en eux, et on n'a pas le droit de les décevoir. On n'a pas le droit de faire en sorte que la jeunesse québécoise ne croie plus en son institution, et l'institution supérieure au Québec, en toute humilité, ce sont les députés de l'opposition et les députés du gouvernement, c'est l'Assemblée nationale du Québec, et ça, c'est important. Lorsque l'on perd confiance au système, lorsqu'on n'a plus confiance en ses élus, c'est l'anarchie, c'est la déception et c'est le chaos dans la société.

(23 h 10)

Je pense qu'il faut être prudent lorsqu'on s'engage dans une campagne électorale, surtout lorsqu'on s'engage vis-à-vis de la jeunesse, vis-à-vis de notre belle jeunesse québécoise qui est pleine d'ardeur, qui est décidée, qui veut réaliser des choses avec l'aide des gens qui sont en mesure de l'épauler. Et les gens en mesure de l'épauler, ce sont les députés de l'Assemblée nationale. C'est certainement une partie importante des gens qui sont en mesure d'épauler la jeunesse, et ça, M. le Président, je suis peiné, en tant que député, de voir que mon Assemblée nationale, de voir que mes collègues députés qui sont au pouvoir sont dans l'impossibilité ou ont pris la décision de ne pas respecter leurs engagements.

Cela veut dire qu'un étudiant se voit dans l'obligation de prendre entente de remboursement avec son institution financière dès la fin de ses études, de rembourser immédiatement sa dette étudiante, à moins qu'il puisse bénéficier du programme de remboursement différé; ce que je disais tout à l'heure. Mais le règlement de remboursement différé, encore là, il est discrétionnaire, c'est la ministre qui va l'administrer. On ne le connaît pas.

En marge de ce projet de loi, la ministre a annoncé d'autres mesures qui s'appliqueront par règlement, à savoir la diminution de la contribution parentale pour les familles à faibles revenus. Qu'est-ce que ça veut dire? C'est quoi, la diminution? On ne le sait pas, dans le projet de loi. On sait que la ministre s'engage à ce qu'il y ait une diminution de la contribution parentale pour les familles à faibles revenus, mais je pense qu'il faut l'expliquer. Il faudrait que la ministre soit plus claire dans ses explications. Il faudrait qu'elle dise à la population du Québec de quelle façon elle va l'aider. Je suis convaincu, Mme la ministre, que vous êtes très généreuse. Je ne mets pas en doute, M. le Président, la générosité de la ministre, mais elle inquiète, la ministre, par exemple, laissez-moi vous dire ça.

Modification du programme de remboursement différé, extension à quatre périodes de six mois pour une couverture de cinq ans – encore là, par règlement – exclusion des bourses d'excellence de moins de 5 000 $ du calcul des prêts et bourses en application dès 1999-2000; je ne peux pas dire que c'est clair, je peux dire que c'est nébuleux.

Je lisais, en fin de semaine, chez moi, le programme de réforme du ministère de l'Éducation, où la ministre mène de très bonnes choses, entre autres l'enseignement de la langue seconde. Ça me plaît. La ministre a amené aussi à l'intérieur de son ministère d'autres modifications: les garderies 5 ans à plein temps, les maternelles 5 ans à plein temps. Félicitations! Bravo! Certainement que c'est bon. Mais pourquoi elle n'a pas continué d'être bonne, la ministre? Pourquoi elle a arrêté tout d'un coup, avec ce projet de loi là? Ça allait bien. Je suis convaincu qu'on a une bonne ministre de l'Éducation, je suis fier de le lui dire. Mais, si bonne soit-elle, la ministre de l'Éducation – j'ai peur des mots – on dirait qu'il y a du laxisme dans... Faites-moi confiance parce que j'ai été bonne une couple de fois. Il aurait fallu qu'elle soit bonne tout le temps pour qu'on continue à lui faire confiance, puis ça, il manque des bouts.

M. le Président, pendant la campagne électorale les députés d'en face s'engageaient à mettre sur pied une loi cadre sur l'aide financière aux étudiants et sur les frais de scolarité, l'instauration d'un mécanisme formel de consultation et de discussion publique avant que le régime puisse être modifié, l'implantation d'un régime de remboursement proportionnel du revenu, le PRPR. Le Parti libéral s'est engagé à respecter l'engagement que le gouvernement du Parti québécois ne respecte pas. À peu près toutes les provinces sont à mettre sur pied un projet semblable.

Pourquoi nous, au Québec, on n'est pas capables, dans nos mécanismes de remboursement de prêts et de bourses, de tenir compte du revenu des étudiants? Tâchez d'éviter d'étouffer les étudiants, qui sont mal pris, qui sont dans une mauvaise posture dès qu'ils sortent de l'université, vous le savez, on a pris la peine de vous l'expliquer tout à l'heure, et Mme la ministre le sait. Un étudiant qui sort de l'université et qui sort de son cégep, il n'a pas automatiquement un travail et il n'a pas automatiquement, non plus, un travail tellement rémunérateur. Alors, je pense qu'il faudrait en tenir compte.

Les personnes qui m'ont précédé ont fait référence dans leur intervention au communiqué de presse du Front commun étudiant. Il y a la parole de la ministre, M. le Président, que je ne mets pas en doute. Il y a des intentions de la ministre que je ne mets nullement en doute. Mais il y a aussi la réaction des étudiants, les premiers touchés par ce projet de loi. Et pourquoi se sont-ils sentis obligés d'émettre un communiqué de presse, M. le Président, qui n'est pas tendre à l'endroit du gouvernement? Et dans ce communiqué de presse du jeudi 12 novembre 1997, immédiatement après le dépôt de la loi n° 170 visant à modifier la Loi sur l'aide financière aux étudiants, le Front commun étudiant formé de la Fédération étudiante universitaire du Québec, de la Fédération étudiante collégiale du Québec et de la Fédération des associations étudiantes universitaires du Québec en éducation permanente, ils sont amèrement déçus quant à la plupart des modifications proposées.

«En effet, disent-ils, elles ne reflètent pas les annonces positives que la ministre avait faites suite au dépôt du rapport Montmarquette sur le remboursement de la dette. La ministre nous a jeté de la poudre aux yeux en réagissant au rapport Montmarquette, car le projet de loi révèle toutes les mesures négatives qu'elle a voulu ne pas nous faire connaître.» Eux marquent «cachées», mais je sais qu'elle n'a pas voulu les cacher. Et ça, c'est Philippe Leclair, le président de la FECQ. «Ces mesures ne régleront en rien le sort des étudiants les plus démunis.»

«Ainsi, le projet de loi propose d'abolir la période d'exemption d'intérêt de six mois suivant la fin des études. Cette mesure se veut la contrepartie de l'élargissement du programme de remboursement différé d'une période de 18 à 24 mois. Par conséquent, l'abolition de la période d'exemption est compensée par une période de six mois supplémentaires pour le remboursement différé. Ce n'est pas un gain – ce n'est pas un gain pour les étudiants démunis – c'est le statu quo», ajoute Denis Sylvain, président de la Fédération des associations étudiantes universitaires du Québec en éducation permanente

«Notons que, pour les étudiants du reste du Canada, la période de remboursement différé s'étend jusqu'à 30 mois. Ce qui est paradoxal là-dedans – M. le Président, ce que disent les étudiants – c'est que le taux de chômage chez les jeunes est plus élevé au Québec que dans le reste du Canada. Pourquoi, nous, on n'est pas capables de faire autant?» Je ne continuerai pas plus longtemps, M. le Président. Je pense que les gens qui m'ont précédé vous ont parlé de ce document qui parle par lui-même, qui dit enfin ce que ressentent les étudiants et ce que pensent les étudiants d'un pareil projet de loi.

Le 14 novembre, alors qu'il interpellait la ministre de l'Éducation à l'Assemblée nationale, mon collègue le député de Verdun et porte-parole de l'opposition officielle en matière d'enseignement supérieur a qualifié ce projet de loi n° 170, qui modifie l'aide financière aux étudiants, d'illusion et de mirage. Ça ressemble pas mal à ce que j'ai entendu des interventions des gens qui m'ont précédé. Cela fait plus de trois ans que les étudiants attendent que le gouvernement péquiste respecte ses engagements pris en 1994, soit une véritable réforme du système d'aide financière et d'adoption d'une loi-cadre en ce qui regarde les prêts et bourses. Face au projet n° 170, qui reflète une fois de plus l'inertie de la ministre de l'Éducation, ils se sentent – c'est lui qui le dit, M. le Président, trahis – je n'aime pas le mot... Ils sentent qu'on est en train de leur en passer une. Parce que leur impatience se fait sentir de plus en plus, la ministre a senti la désapprobation des étudiants et elle tente de les amadouer un peu avec ce projet de loi, mais les étudiants ne sont pas dupes. Malheureusement, la ministre, elle, n'a pas fait de miracle, M. le Président. Son petit tour de passe-passe n'impressionne personne. On ne peut que se questionner sur les objectifs véritables qu'elle poursuit, car soit qu'elle ne réalise pas à quel point les problèmes sont réels en ce qui a trait à la situation financière des étudiants ou soit qu'elle soit incapable de livrer la marchandise. Et ça, c'est fort possible que la ministre soit dans l'impossibilité de livrer la marchandise parce qu'elle a un autre mandat. Elle a reçu de son gouvernement le mandat de couper. Elle a reçu de son gouvernement le mandat d'entrer dans le grand jeu du déficit zéro pour faire accroire à l'ensemble de la population du Québec qu'on se dirige réellement vers le déficit zéro.

De plus, il est inadmissible qu'à ce moment-ci la ministre n'ait pas encore réussi à donner suite aux principales recommandations issues des rapports MacDonald et Montmarquette. Ainsi, la ministre est totalement muette devant l'importante question du remboursement proportionnel du revenu tel que prôné par le Parti libéral du Québec. L'Ontario et le régime canadien sont à emboîter le pas au RPR. Pourquoi, chez nous, n'y a-t-il pas un ministre de l'Éducation qui ait le courage de suivre l'exemple?

(23 h 20)

Enfin, M. le Président, je ne m'éterniserai pas, je pense que j'ai assez dit ce que je pensais de ce projet de loi, ce que les Québécoises et les Québécois en pensent et surtout la déception des étudiantes et des étudiants du Québec face à un tel devoir mal fait. Un devoir mal fait! La ministre est de beaucoup supérieure à ça, d'habitude. La ministre s'est fiée à des conseillers qui sont coupés de la réalité et elle s'est rendu complice du double langage de ce gouvernement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sauvé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Marquette. M. le député.


M. François Ouimet

M. Ouimet: Merci, M. le Président. J'entendais la ministre dire sotto voce tantôt au ministre de la Santé, qui est devant elle: Les étudiants ne sont jamais contents. Je ne sais pas si elle le dira dans le microphone. Ce serait intéressant d'avoir sa déclaration dans les galées: Les étudiants, ils ne sont jamais contents. J'ai entendu la ministre dire ça tantôt par rapport aux propos que tenait le député de Sauvé.

Le député de Sauvé faisait référence également, dans son allocution, à l'encart qu'il lisait dans les journaux de la fin de semaine. Je dois dire que la ministre a réussi. Mirage et illusion, propagande de la ministre à laisser entendre que tout allait bien dans les écoles primaires et secondaires du Québec! Elle a réussi à présenter les choses de façon positive, mais elle n'a pas rappelé une certaine réalité. J'ai lu de la première page jusqu'à la dernière page de cet encart-là, pour me dire: À quel moment, bon sens, la ministre de l'Éducation va rappeler, quand même, certaines réalités des oeuvres de son gouvernement, de ses propres oeuvres?

Même si le député de Sauvé est très généreux à l'égard de la personne de la ministre de l'Éducation, on sait que son oeuvre au niveau des écoles primaires et secondaires laisse grandement à désirer, lorsqu'on constate les compressions budgétaires, les coupures dans les écoles primaires et secondaires, dans les services aux élèves, dans les frais de toutes sortes qui sont imposés aux parents et aux étudiants, dans les taxes scolaires, qui ont augmenté. Les étudiants doivent attendre des semaines avant de pouvoir rencontrer des orthophonistes, des psychologues, des orthopédagogues. M. le Président, la ministre n'en a pas glissé un seul mot dans son encart de la fin de semaine.

Pourtant, je me souviens fort bien, aussi, j'étais dans un débat à l'Université de Montréal, si ma mémoire est bonne, avec la ministre de la Solidarité, en 1994, on débattait des enjeux en éducation, qui s'en venaient, et la ministre de la Solidarité, députée de Hochelaga-Maisonneuve, répétait, réitérait les engagements de sa formation politique à l'égard des jeunes. On pourrait rappeler certains de ces engagements, parce que, je me souviens, les étudiants, à l'université, applaudissaient la députée de Hochelaga-Maisonneuve lorsqu'elle résumait certains volets du programme politique du Parti québécois, entre autres lorsqu'elle parlait de la révision complète du régime de prêts et bourses et des frais universitaires, lorsqu'elle parlait d'un régime de prêts et bourses plus intéressant. M. le Président, lorsqu'on regarde les chiffres officiels, publiés par le ministère de l'Éducation dans son rapport annuel 1996-1997 qui a été déposé en Chambre la semaine passée, on regarde au niveau du nombre de demandes et du volume d'aide qui a été accordée et on constate qu'au niveau des prêts ça augmente de façon constante d'année en année depuis que le Parti québécois est au pouvoir et que les bourses diminuent d'année en année. Le chiffre qu'on cite pour 1995-1996, il est de 525 000 000 $, mais, en 1996-1997, il augmente à 570 000 000 $, une augmentation substantielle, alors que le nombre de demandes n'a pas augmenté de façon aussi substantielle. Donc, ce qu'on constate, c'est qu'avec le gouvernement du Parti québécois les étudiants s'endettent davantage et les bourses pour leur venir en aide diminuent de façon constante. On avait accordé, en 1995-1996, plus de 72 000 bourses. En 1996-1997, ce montant-là a diminué à 71 000 et quelques centaines de bourses.

M. le Président, est-ce que c'est de cela que la députée de Hochelaga-Maisonneuve parlait en 1994 lorsqu'elle prenait la parole devant les étudiants de l'Université de Montréal? Est-ce que c'est de ça qu'elle parlait lorsqu'elle disait et lorsque le programme du parti politique dit: un régime de prêts et bourses plus intéressant et que les ex-étudiants et étudiantes débourseront ainsi un montant fixe, proportionnel à leur revenu? On ne le retrouve pas, cet engagement-là, dans le projet de loi n° 170 déposé par la ministre de l'Éducation.

Le gouvernement, ou le Parti québécois, s'engageait également à ceci: «Un gouvernement du Parti québécois s'engage à restaurer la gratuité de la scolarité au niveau collégial.» Il suffit de faire une tournée dans les cégeps, comme les députés libéraux et comme les militants libéraux le font actuellement, pour constater à quel point les frais ont augmenté dans les cégeps depuis les deux et trois dernières années de façon constante et de façon importante, des frais afférents de toutes sortes: résultat des politiques du gouvernement du Parti québécois.

(23 h 30)

On disait également, toujours dans le programme politique du Parti québécois intitulé Des idées pour mon pays , à la page 212, ils prenaient un autre engagement: «Il est important d'associer les jeunes à la résolution des problèmes sociaux et de reconnaître leur apport dans les projets communautaires et de développement. À cette fin, un gouvernement du Parti québécois mettrait en oeuvre un programme de bourses favorisant l'engagement social et communautaire.» Et on continuait dans le même sens.

Pourtant, M. le Président, les étudiants ont demandé à être associés au projet mis de l'avant par la ministre de l'Éducation. Et ils ont demandé, ces mêmes étudiants là qui devaient être les bénéficiaires des engagements électoraux du Parti québécois, ils ont demandé à être entendus en commission parlementaire pour venir faire entendre haut et fort leur voix contre le projet de loi n° 170. Et la ministre, c'est sa marque de commerce, quand ça ne fait pas son affaire, elle ne veut pas les entendre. Ça a été vrai la semaine passée, vendredi dernier; j'ai tenu un discours en cette Chambre par rapport à la demande des parents d'être consultés, d'être entendus en commission parlementaire sur un autre projet de loi qui touche les parents directement au niveau des écoles primaires et secondaires du Québec, et eux aussi, semble-t-il, devaient être les bénéficiaires des nombreux engagements pris par la ministre de l'Éducation, qui disait comment elle allait favoriser la participation des parents dans les écoles primaires et secondaires, comment les parents allaient avoir plus de pouvoirs, comment les parents allaient avoir plus de responsabilités.

Les parents ont cru la ministre de l'Éducation, mais, lorsqu'ils ont vu le projet de loi qui a été déposé par la députée de Taillon et ministre de l'Éducation, ils ont dit – et ça a été rapporté dans les journaux – qu'ils avaient été trahis par la ministre de l'Éducation. Trahis par la ministre de l'Éducation.

Et on retrouve les mêmes principes, M. le Président, les mêmes mots employés par les étudiants. Je suis content de voir la ministre devant moi; je vais lui rappeler les propos tenus par la Fédération étudiante universitaire du Québec et la Fédération étudiante collégiale du Québec. Ils disaient, dans leur communiqué du 12 novembre, qu'ils avaient été amèrement déçus par la ministre de l'Éducation. Voici ce qu'ils disaient. Parce que ça semble être la marque de commerce de la ministre. Elle tient des engagements en Chambre, en commission parlementaire, n'importe où, elle me dit. Elle me dit: Elle tient ça n'importe où, n'importe où. Et puis, par la suite, les étudiants répondent ceci: En effet, elle ne reflète pas les annonces positives que la ministre de l'Éducation avait faites suite au dépôt du rapport Montmarquette sur le remboursement de la dette étudiante.

Ça a été la même chose dans un autre projet de loi, le projet de loi n° 180. Les parents se sentent trahis, les étudiants se sentent trahis. Pourtant, au moment où elle dépose ses réformes, elle tient un beau discours. Même les journalistes embarquent dans le jeu, à un moment donné. Quand je lis, par la suite, les transcriptions de ce qui a été rapporté par la ministre, je me dis: On va gratter un peu, puis on va lire attentivement ce que le projet de loi dit, lui. Et, malheureusement, combien de fois on ne retrouve pas dans le texte du projet de loi les propos que tient, toujours rassurants... Elle est toujours rassurante, la ministre de l'Éducation. Elle est toujours préoccupée puis elle veut toujours le bien de tout le monde. Mais tu lis le projet de loi, par la suite, tu dis: Mon Dieu! je comprends pourquoi les étudiants sont amèrement déçus. Le projet de loi, que ce soit au niveau primaire, secondaire ou au niveau collégial, ne reflète pas le discours que tient la ministre et ne reflète pas les engagements électoraux pris par le Parti québécois.

Les étudiants vont même plus loin. Les étudiants disaient ceci: La ministre nous a jeté de la poudre aux yeux. De la poudre aux yeux. Ça a été la même poudre qu'elle a lancée aux yeux des parents, la même poudre, M. le Président. La même poudre à l'égard de certains enseignants aussi. Pas tous les enseignants, mais certains enseignants.

Et ces mêmes enseignants-là, l'Alliance des professeurs de Montréal, voulaient être entendus sur un autre projet de loi. La ministre connaît leurs positions. Ça ne fait pas son affaire. Que pensez-vous qu'elle a répondu? On ne les entendra pas.

M. le Président, il faut rappeler quand même à la ministre qu'elle appartient à une formation politique qui a pris des engagements. Et on ne sait pas... On imagine que c'est l'actuel premier ministre, le député de Jonquière, qui était avant ça chef de l'opposition à Ottawa, chef du Bloc québécois... On ne sait pas si, d'un coup de baguette magique, il a fait disparaître tout le programme politique du Parti québécois, parce que, dans les projets de loi qui sont déposés par les différents ministres, on ne retrouve pas la trace des engagements électoraux de ce parti-là dans les projets de loi. Pourtant, ils se sont fait élire sur la base des promesses qu'ils ont tenues à l'égard, entre autres, des étudiants.

Lors de la campagne électorale de 1994, tous les candidats du Parti québécois et l'actuelle ministre de la Solidarité avaient promis aux étudiants ce qui suit: une loi-cadre sur l'aide financière aux étudiants et sur les frais de scolarité. Première promesse non tenue. Deuxième promesse: l'instauration d'un mécanisme formel de consultation et de discussion publique avant que le régime puisse être modifié. On vient de comprendre que le tout va se faire par le biais de règlements, qu'il n'y aura pas de consultation des étudiants puis qu'ils ne seront pas impliqués. Ils demandent d'être entendus en commission parlementaire sur le projet de loi, la ministre ne veut pas les entendre. Deuxième engagement non tenu. Troisième engagement pris: l'implantation d'un régime de remboursement proportionnel aux revenus. On cherche, dans le projet de loi n° 170, la trace de ces engagements-là, on ne les retrouve pas.

Qu'ont-ils fait, le député de Lévis, la députée de Taillon? Ils ont fait produire, imaginez-vous, là, le même gouvernement, à l'intérieur d'une période d'à peu près deux ans et demi, deux rapports sur la même question. L'aide financière aux étudiants: un équilibre à maintenir . La ministre se rappellera du rapport MacDonald, un rapport volumineux, 231 pages. On n'y a pas donné suite. La ministre est arrivée, on a commandé un autre rapport du comité appelé Montmarquette, De la remise de l'aide financière au remboursement: la vigilance et la souplesse sont de rigueur! Pourtant, la ministre, lorsqu'elle a reçu le rapport Montmarquette, je me souviens, j'écoutais le texte de sa conférence de presse, je me disais: Tiens, ça semble intéressant, ce qu'elle a à proposer. Il arrive, M. le Président, il faut le dire, que la ministre de l'Éducation propose, à l'occasion – pas souvent, mais à l'occasion – des mesures qui sont intéressantes. Il faut le reconnaître. Il arrive aussi, elle se le rappellera, qu'elle doit être poussée dans ses derniers retranchements par l'opposition pour finalement se rendre à l'évidence et adopter une proposition qu'on faisait depuis fort longtemps.

La ministre se rappellera du dossier des commissions scolaires linguistiques. Voilà une bonne mesure qu'elle a prise, la ministre de l'Éducation. Mais elle se rappelle, de mon siège de député, le nombre de questions que je lui ai posées, le nombre de fois qu'elle a dû changer d'idée. Puis, éventuellement, bien, là, c'étaient même ses propres partenaires qui disaient à la ministre: Ça n'a pas de bon sens, ce que vous proposez, Mme la ministre. Donc, il y a eu un changement, puis enfin on a reconnu que ça devait passer par la voie constitutionnelle, qu'il fallait se résigner à aller à Ottawa. Mais, heureusement, la ministre... Je salue son courage politique parce que je sais que ça n'a pas été facile dans sa formation politique. Je sais qu'elle a mené un débat courageux à l'intérieur de sa formation politique et que, ultimement, elle a reçu des appuis suffisants pour dire à ses collègues: L'opposition avait raison depuis le premier jour. Ça nous a pris environ 18 mois pour s'en rendre compte, mais l'opposition avait raison lorsque l'opposition proposait la voie constitutionnelle. Alors, voilà une bonne mesure. Là, on a mis de côté la partisanerie et enfin on est en voie de réaliser quelque chose d'important pour le Québec.

(23 h 40)

Donc, je disais que la ministre, à l'occasion, fait quelques bons coups, mais, des fois, ses bons coups sont annulés par d'autres coups. Je pense aux maternelles cinq ans temps plein. En apparence, c'est une bonne mesure, mais, par rapport aux élèves de milieux défavorisés, c'est une mesure qui existait déjà. C'est une mesure qui existait déjà, et j'invite la ministre à réfléchir sur comment elle devrait intervenir auprès de ces clientèles-là à qui elle n'a offert absolument rien. Et c'est cette clientèle-là qui est malheureusement plus susceptible d'échouer sur le plan scolaire.

M. le Président, j'aurais pu continuer assez longuement sur le communiqué de la Fédération des étudiants tant au niveau universitaire que collégial. Vous me faites signe qu'il me reste à peine une minute, une minute et demie, mais il me reste assez de temps pour rappeler au gouvernement et pour rappeler à la ministre de l'Éducation au premier titre, qui doit être un modèle pour nos enfants, un modèle pour nos étudiants...

Ma mère m'a toujours rappelé quelque chose: Quand tu promets quelque chose, François, respecte ta promesse. Pourtant, le gouvernement ne suit pas cet exemple-là. Vendredi dernier, on a eu l'occasion de le dénoncer à nouveau. On avait un engagement du premier ministre, dans son discours d'assermentation, noir sur blanc, le 29 janvier 1996, qui disait: On n'augmentera pas la TVQ et on n'alourdira pas le fardeau fiscal des contribuables. Pourtant, vendredi, le projet de loi n° 161 était déposé. Et le projet de loi n° 161, ce n'était rien de moins que l'alourdissement du fardeau fiscal des Québécois et des Québécoises et l'augmentation de la taxe de vente du Québec.

Alors, je dis, en terminant, à la ministre de l'Éducation: Il n'est pas trop tard pour bien faire, il n'est pas trop tard pour respecter ses engagements et pour dire aux étudiants et aux étudiantes qu'elle tiendra les promesses prises par sa formation politique en 1994. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Marquette. Alors, je crois que nous allons terminer la soirée avec M. le député d'Outremont. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, c'est tout un honneur que vous me faites de conclure cette soirée. Je pense qu'un rappel historique est nécessaire afin de comprendre le sens de ce projet de loi n° 170 et aussi de mieux en percevoir les effets néfastes, ce qu'on appelle techniquement des effets pervers, pas au sens moral, mais dans un sens plus technique, en s'interrogeant sur les conséquences d'un projet comme celui-là du point de vue des valeurs qui nous sont chères.

Le droit à l'éducation, M. le Président, est sûrement l'héritage le plus important de la Révolution tranquille. Avant la Révolution tranquille, donc avant le grand chambardement qu'a connu le Québec à partir des années soixante, le système d'éducation québécois était extrêmement inégalitaire. L'accès au collège classique et à l'enseignement supérieur, à l'enseignement universitaire était très sélectif. Beaucoup des parlementaires qui sont dans cette Chambre ont, en réalité, en effet fréquenté les collèges classiques et les universités à cette époque. Et, dans la plupart des cas, c'était bien souvent parce qu'ils étaient des fils et des filles de familles relativement bien nanties financièrement qu'ils pouvaient avoir accès à ces institutions.

Une toute petite minorité avait accès à l'enseignement collégial et supérieur universitaire avant la Révolution tranquille. Et je dois insister sur une chose qui est très importante, c'est qu'il s'agissait d'une toute petite minorité masculine. À cette époque-là, les femmes du Québec étaient en général très privées quant à leurs chances de... Je me rappelle que, dans les années 1956 ou 1957, on avait fait une étude, à la Faculté des sciences sociales de Laval, pour demander aux gens quels étaient leurs projets d'avenir à l'égard de leurs enfants, et toutes les professions qui étaient mentionnées dans les réponses que nous avaient mentionnées les gens étaient des professions qui étaient prédominamment des professions masculines.

À la fin des années cinquante, ce système très sélectif et inégalitaire faisait que le Québec, et je parle ici du Québec français, était, de toutes les sociétés industrielles, celle où le taux d'abandon de l'école avant la fin de la septième année était le plus élevé au monde. Le chemin qui a été parcouru depuis le début des années soixante et par la suite est considérable, est énorme. Nous sommes maintenant dans la bonne moyenne des sociétés industrielles et développées en matière de fréquentation des institutions d'enseignement supérieur, et, en particulier, un rattrapage considérable a été fait au Québec en ce qui concerne la scolarisation féminine.

Je me rappelle avoir lu, il y a quelques années de ça, une étude sur la participation des femmes à l'enseignement universitaire, qui montrait que le Québec était l'une des sociétés où le taux de participation féminine à l'enseignement universitaire était le plus élevé au monde. Donc, on s'est retrouvé face à un renversement à peu près complet de la situation que nous avons connue, nous, les gens de la génération qui ont été scolarisés durant l'ancien régime. Il ne fait aucun doute que les progrès que je viens de décrire doivent être maintenus à tout prix et que le droit à l'éducation doit demeurer un droit social absolument fondamental et qu'on ne pourrait le mettre en danger sous aucune considération, quelle qu'elle soit.

Si nous devions déroger de cet idéal égalitaire, M. le Président, nous aurions perdu – je pense qu'on peut le dire sans faire de lyrisme – l'essentiel de notre honneur et de notre fierté collective. C'est au nom de l'égalitarisme que la Révolution tranquille a été faite d'abord et avant tout et c'est au nom de l'égalitarisme dans l'éducation, dans la santé et dans bien d'autres domaines de protection sociale et d'accès aux chances de vie sociale que la Révolution tranquille a obtenu, évidemment, les plus éminents succès.

À mon avis, M. le Président, le projet de loi n° 170 fait courir un grave danger à la valeur d'égalité en matière d'éducation et, comme je le mentionnais tantôt, valeur qui est le plus précieux héritage de la Révolution tranquille. J'en prendrai pour indication les citations qu'on peut retrouver dans le communiqué de presse que mentionnait tantôt mon collègue et qui nous proviennent des associations étudiantes du Québec. Les étudiants disent être amèrement déçus quant à la plupart des modifications proposées. En effet, elles ne reflètent pas les annonces positives que la ministre avait faites suite au dépôt du rapport Montmarquette sur le remboursement de la dette étudiante.

Une autre citation de ce communiqué est encore plus troublante. Les étudiants disent: Cette mesure – on parle de la mesure qui vise à retrancher certains montants qui sont attribués à certaines catégories d'étudiants – fera en sorte que des étudiants qui ont peu de moyens pour financer leurs études recevront un prêt diminué. Cela ne changera pas les montants de prêts des étudiants pauvres. La seule conséquence de cette mesure est que cela fera économiser au gouvernement dans le but d'atteindre un déficit zéro vide de sens. Pourquoi ces sommes ne seraient-elles pas investies en bourses pour les étudiants les plus démunis?

La ministre, évidemment, veut nous rassurer en affirmant que les conséquences qui sont décrites dans le communiqué de presse par les étudiants seront corrigées par des mesures prévues par règlement. Mais quelles mesures? Nous n'en savons rien. La ministre nous demande un acte de foi. Elle n'est d'ailleurs pas la seule du gouvernement à nous demander des actes de foi. Depuis les 18 ou 19 mois que je siège dans cette Assemblée, je n'ai cessé de faire des actes de foi sur un tas de projets de loi qui nous sont présentés par le gouvernement. Je dirais que c'est une forme assez paternaliste de gouverner, puisque finalement ce n'est pas en politique et surtout pas en regard des projets de loi qu'on devrait, comme ça, exprimer sa foi. Il y a des lieux plus propices pour le faire et je n'ai pas besoin de les mentionner.

(23 h 50)

La question qu'on peut se poser, M. le Président, l'une des questions qu'on peut se poser, c'est la suivante: Comment peut-on expliquer qu'un parti d'allégeance social-démocrate comme le Parti québécois en soit arriver à prendre de pareilles décisions?

La première explication et qui est la plus évidente, évidemment, c'est que le Parti québécois est commis d'une façon quasi obsessionnelle à la réduction du déficit zéro d'ici l'an 2000. Évidemment, cette explication n'est pas une explication suffisante, puisque, si le retard du gouvernement à poursuivre cet objectif l'oblige à un style d'assainissement des finances publiques qui est extrêmement dur, si ce retard n'avait pas eu lieu, si le gouvernement avait décidé de poursuivre son objectif dès les premiers jours de son règne, nous ne serions pas assujettis à des mesures de correction aussi dures que celles auxquelles on est assujettis actuellement.

Donc, M. le Président, je le répète, il n'y a rien de fatal dans la situation à laquelle nous sommes confrontés actuellement, ce n'est rien de fatal. Ce n'est pas une catastrophe qui vient de la providence, de Dieu ou d'un accident. Tout cela découle d'une façon de gouverner qui est telle compte tenu, comme je l'ai mentionné tantôt, des retards que le gouvernement a accusé dans sa prise de décision.

Mais aussi il y a une autre explication, c'est que la stratégie qui est suivie par le gouvernement en matière d'assainissement des finances publiques et de réduction du déficit à zéro est une mauvaise stratégie. C'est essentiellement ce qu'on appelle une stratégie de rationnement, ce que les spécialistes américains du déficit ou de la gestion des déficits appellent «rationing», M. le Président. Il s'agit finalement d'essayer de réduire l'offre de service au maximum, ou dans toute la mesure du possible, dans le but de faire des économies.

C'est heureux que le ministre de la Santé et des Services sociaux soit présent ce soir dans cette Assemblée parce que le ministre de la Santé et des Services sociaux est évidemment le grand spécialiste du rationnement dans le monde occidental. Mon collègue qui est le leader parlementaire s'épuise à décrire les conséquences de ce rationnement, les conséquences des décisions qui ont pour effet de diminuer l'offre de service. Mais, évidemment, la stratégie étant ce qu'elle est, elle produit de toute évidence les effets que l'on connaît.

Mais pourquoi, encore là, le Parti québécois, le gouvernement est-il condamné au choix de cette stratégie? L'explication, à mon avis, elle est très simple, M. le Président. C'est parce que le Parti québécois est incapable de créer la richesse au niveau où il faudrait pouvoir la créer pour atteindre le déficit zéro sans mettre en danger la qualité de notre vie collective et de nos institutions. C'est ça qui est au fond des choses, cette incapacité dans laquelle on se trouve de créer une richesse suffisante pour pouvoir faire les changements que l'on vise sans du même coup mettre en danger la qualité des institutions, la qualité des services qu'on a construits et qu'on souhaite voir se maintenir, mais qu'on a construits d'abord et avant tout depuis les débuts de la Révolution tranquille. Il faut évidemment être aveugle pour ne pas le constater.

Mes collègues ont mentionné les tournées que font les membres du Parti libéral dans les collèges et dans les universités, de ce temps-ci. Il faut voir jusqu'à quel point nos universités sont châtiées par la stratégie de rationnement que leur impose le gouvernement. Il y avait, dans la Gazette de la fin de semaine, un article du principal Shapiro de McGill, qui était plutôt éloquent de ce point de vue là. Et il faut parler à des professeurs d'université, il faut parler aux gens de mon comté, à l'Université de Montréal, qui sont des directeurs de départements dans des secteurs très, très pointus de l'enseignement supérieur pour constater jusqu'à quel point la stratégie de rationnement qui leur est imposée les pénalise et pénalise le développement des institutions auxquelles ils ont consacré 20 ou 25 ans de leur vie.

Dans notre cas, nous aurions évidemment préféré que le projet de loi contienne des dispositions fort différentes. Par exemple, mes collègues l'ont mentionné, nous aurions souhaité que le remboursement des dettes d'étudiants soit rendu proportionnel aux revenus gagnés par les étudiants. Je ne reviendrai pas sur ce que mes collègues ont mentionné là-dessus tantôt, mais il nous semble que ça, ça aurait été une mesure, une façon de procéder qui aurait été beaucoup moins néfaste et dangereuse que celle qui a été adoptée par la ministre de l'Éducation. Et surtout il aurait fallu prendre des mesures et nous annoncer, nous permettre d'examiner les mesures qui pourraient être prises dans le but d'éviter d'étouffer financièrement les étudiants gradués qui sont en difficulté financière, faute de travail.

Je suis le député d'un comté qui, en surface, est un comté relativement bien nanti financièrement, mais, lorsque je visite certaines parties de mon comté, je me retrouve face à un état de pauvreté, à une recomposition sociale de la pauvreté qui est tout à fait différente de ce qu'on pouvait y observer il y a 25 ans. Ce qu'on observe dans le comté d'Outremont maintenant en matière de pauvreté, c'est une pauvreté qui touche d'abord et avant tout certaines catégories de jeunes étudiants et de jeunes étudiantes universitaires, des gens qui ont gradué dans les sciences sociales, des gens qui ont gradué dans les sciences humaines, des gens qui ont gradué dans les sciences de la communication. Lorsque nous sortions, nous, des universités avec des diplômes dans les mêmes domaines, on nous offrait des emplois dans la fonction publique ou ailleurs et on nous offrait 10 emplois pour un candidat. Aujourd'hui, on se retrouve devant des jeunes gradués d'universités qui doivent concurrencer à 1 500 pour obtenir un même emploi.

Donc, M. le Président, ce projet de loi n° 170 ne contribuera absolument pas à alléger le fardeau financier auquel font face les étudiants. Et, dans ce sens-là, je pense que le communiqué de presse des étudiants tombe à point et que ce ton des étudiants qui se plaignent est parfaitement légitime.

En conclusion, M. le Président, je dirais que, ainsi que mes collègues l'ont répété à maintes reprises, le Parti québécois ne respecte pas son engagement électoral. Je dirais que c'est, dans un sens, un moindre mal, puisque, à l'échelle du monde occidental, on le sait fort bien, les formations politiques ont rarement la volonté durable de respecter tous leurs engagements électoraux. C'est d'ailleurs en bonne partie ce qui explique le désamour de la politique et le désamour des politiciens qu'on constate à peu près dans tous les sondages qui sont faits dans les pays occidentaux. C'est ce qui explique le cynisme des électeurs à l'égard des politiciens et c'est certainement aussi ce qui explique la perte de prestige énorme de la classe politique, pas seulement de la classe politique québécoise, mais de la classe politique un peu partout. Au Québec, ce prestige est en chute libre au point que, dans un article de L'actualité qui paraissait il y a quatre ou cinq mois, on constatait qu'il n'y a à peu près que 5 % ou 6 % des gens consultés qui considéraient que le métier de politicien était un métier qui avait quelque attrait pour eux ou un métier qui avait quelque prestige.

Donc, on se retrouve dans une situation, un cercle vicieux, et ce que cette loi aura comme effet – peut-être pas à court terme, mais certainement à moyen terme ou à long terme – ce sera de renforcer ce sentiment de cynisme, de désamour et de peu de prestige que l'électorat nous accorde, en particulier l'électorat jeune. On est en train de socialiser les générations montantes dans des attitudes politiques qui sont des attitudes très négatives à l'égard de la classe politique.

(minuit)

Donc, je termine là-dessus, M. le Président. Je pense que les conséquences de ce projet – et je ne pense pas exagérer en le disant – sont des conséquences graves parce que le projet pourrait mettre en danger des valeurs qui nous sont chères et des valeurs qui ont été centrales et qui sont prioritaires dans l'héritage de la Révolution tranquille. Et c'est la raison pour laquelle, moi, en tant que membre du Parti libéral, et mes collègues, nous jugeons que ce projet est inacceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Outremont. Alors, nous allons lever la séance et ajourner nos travaux à demain, 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 1)