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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 18 novembre 1997 - Vol. 35 N° 134

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Table des matières

Affaires du jour

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.


Affaires du jour

Alors, nous allons entreprendre nos travaux aux affaires du jour, et j'inviterais M. le leader du gouvernement à nous indiquer la matière à l'ordre du jour, s'il vous plaît.

M. Jolivet: Parfait, M. le Président. Nous allons commencer par une prise en considération de rapport, et je vous demanderais d'appeler l'article 29.


Projet de loi n° 158


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 29, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation sur le projet de loi n° 158, Loi abrogeant certaines lois permettant la constitution de personnes morales en matière agricole et modifiant diverses dispositions législatives.

J'inviterais M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation à prendre la parole.


M. Guy Julien

M. Julien: Merci, M. le Président. Je m'attendais ce matin à ce qu'on puisse adopter le projet de loi n° 158, mais il semble que l'opposition ait décidé de retarder l'adoption du projet. Donc, j'irai plus au niveau de la prise en considération.

Alors, peut-être vous faire part, M. le Président, que la commission parlementaire qui a porté, article par article, sur le projet de loi n° 158 nous a permis, je pense, de répondre et de clarifier un certain nombre de questions que l'opposition avait, à savoir, par exemple, le maintien de certaines pratiques qu'on avait, qui étaient en vigueur avec les sociétés d'agriculture, entre autres toute la question de la taxation municipale et scolaire qu'on maintient selon l'ancienne loi de la société d'agriculture; deuxièmement, que le ministère va s'assurer de fournir une aide financière pour permettre aux sociétés d'agriculture de pouvoir transiter en fonction de la troisième partie de la loi des compagnies; et, troisièmement, c'est que les sociétés, même si on modifie le cadre juridique, vont continuer à bénéficier de tous les programmes d'aide et de tous les programmes de support déjà disponibles au ministère, dépendant des interventions qu'elles auront à faire dans le futur au niveau de la vulgarisation et de la promotion au niveau agricole.

Alors, je le répète, M. le Président, je pense que c'est un projet de loi qui a été fait vraiment en partenariat avec les sociétés d'agriculture. L'objectif était vraiment d'en moderniser l'application, de rendre ça beaucoup plus souple pour permettre aux sociétés de répondre de façon plus adéquate aux mandats qui leur sont dévolus.

Je suis un peu déçu ce matin de voir que l'opposition, une fois de plus, a décidé de reporter l'adoption du projet de loi. Alors, c'est les seuls commentaires que je pourrais faire aujourd'hui. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Le rapport de la commission... Il n'y a pas d'autres intervenants? Oui, M. le député des Îles-de-la-Madeleine, je vous cède la parole.


M. Georges Farrah

M. Farrah: Merci, M. le Président. J'écoutais le ministre dans son bref discours. Alors qu'il dit qu'on retarde l'adoption, M. le Président, c'est qu'on y va étape par étape. En commission parlementaire, on a travaillé à peu près, quoi, une heure, une heure trente; là, maintenant, nous sommes rendus à l'étape du rapport. Alors, je ne vois pas en quoi le ministre peut s'inquiéter. Il s'agit juste d'y aller étape par étape et de respecter les étapes du processus d'adoption des projets de loi ici, à l'Assemblée.

M. le Président, le projet de loi n° 158, Loi abrogeant certaines lois permettant la constitution de personnes morales en matière agricole et modifiant diverses dispositions législatives, a fait l'objet d'une étude en commission parlementaire, comme je vous le mentionnais. C'est un projet de loi, en fin de compte, qui paraît peut-être anodin, sauf qu'il y a beaucoup de symboles dans ce projet de loi.

Il s'agit, M. le Président, des sociétés d'agriculture. On sait que les sociétés d'agriculture, dans différentes régions du Québec – il y en a une par MRC, à peu près, ou une par comté, dis-je – font un travail exceptionnel au niveau de leur région respective. Ces gens-là, qui oeuvrent au sein de ces sociétés, ce sont tous des gens qui y travaillent bénévolement. Ce sont tous des agriculteurs qui ont comme première mission de travailler la terre, de travailler au niveau de leur propre ferme, mais qui oeuvrent au niveau d'une société pour faire de l'animation, faire entre autres aussi les expositions agricoles. C'est les sociétés d'agriculture qui s'occupent de tout ça. Alors, on voit là, M. le Président, que ce sont des gens qui croient à ce qu'ils font, mais de façon bénévole.

Donc, lorsque le projet de loi a été déposé, nous les avons consultés, nous, comme opposition officielle, et nous leur avons demandé leur avis relativement à ce nouveau projet de loi. Pour l'essentiel, les gens ne l'avaient pas vu, le projet de loi. On le leur a envoyé. Il s'agit, comme le ministre l'a dit en première lecture et aussi en commission parlementaire, de moderniser la loi. Je pense qu'il allait de soi qu'on modernise cette loi-là, compte tenu qu'elle date depuis nombre d'années, 1900 et quelques, je pense, 1920 ou quelque chose comme ça. Alors, on peut voir que, même au niveau des montants qui étaient en cause ou des subventions, etc., c'était vraiment désuet. Alors, par conséquent, de là la nécessité de moderniser la loi.

Le questionnement que nous avons, nous, comme opposition officielle – et d'ailleurs ça nous a été fait part par les différentes sociétés d'agriculture, M. le Président – c'est qu'on se rend compte que, au niveau du MAPAQ, au niveau du ministre entre autres, il y a un désengagement complet à l'égard de l'agriculture. C'est un délestage des responsabilités. En termes symboliques, ça m'apparaît important, compte tenu de l'importance de ce secteur d'activité au niveau de notre économie au Québec.

Alors, la société d'agriculture, en modernisant la loi, qu'est-ce que le ministre fait? Il transfère les responsabilités au ministre des Finances, parce que c'est la loi des compagnies, maintenant. Les sociétés d'agriculture vont être régies par la loi des compagnies, donc le ministère des institutions financières, le ministère des Finances.

Au niveau de SOQUIA, on sait ce qui s'en vient, M. le Président: il y aura un transfert d'actif majeur au niveau de la SGF, la Société générale de financement. Qui est responsable de la SGF? Le ministre des Finances, M. le Président, encore. Les casinos, on a eu une nouvelle la semaine dernière à l'effet que les casinos forains, M. le Président, maintenant, c'est terminé. Ça va être Loto-Québec qui va donner un montant d'argent pour compenser la perte de revenus des casinos. Alors, par conséquent, les casinos, qui est responsable de Loto-Québec? Le ministre des Finances, encore, M. le Président.

(10 h 10)

On a vu maintenant, au niveau de la loi du droit de produire, que le ministère des Affaires municipales et le ministère de l'Environnement ont pris davantage de pouvoirs au niveau agricole, M. le Président. Et, par conséquent, qu'est-ce qui arrive? Même, on pose des questions au ministre à la période de questions et c'est le ministre de l'Environnement qui se lève. Alors, on peut voir un délestage majeur au niveau des responsabilités du ministre envers d'autres ministres et d'autres ministères. Ce qui fait en sorte que, malheureusement pour le bien-être de la classe agricole, le pouvoir est dilué au Conseil des ministres et, par conséquent, ils ne se sentent pas bien représentés. Ils ne sont pas bien représentés parce que leur intérêt est dévolu aux mains de plusieurs personnes qui peuvent avoir des intérêts autres qu'exclusivement la classe agricole. Alors, ce projet de loi confirme la règle qu'on voit au MAPAQ depuis notamment un an, qu'il y a un délestage de responsabilités, et ce projet de loi là s'inscrit dans cette orientation.

L'autre inquiétude au niveau des gens que nous avons consultés est à l'effet que: Est-ce que les services que les sociétés d'agriculture obtiennent à l'heure qu'il est, aussi les avantages, notamment au niveau du remboursement des taxes foncières, etc., ça va être préservé? Alors, le ministre nous a dit: Oui, les avantages qui sont consentis à ces sociétés-là à ce stade-ci vont être préservés. Compte tenu maintenant que les gens vont être régis sur la loi des compagnies, bien, on se demande si, dans une perspective moyen terme, et c'est l'inquiétude des agriculteurs... Est-ce que les services, est-ce que les avantages que nous avons à ce stade-ci vont être préservés dans une perspective moyen terme? Mais, quand les gens regardent ce qui se passe au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, ces gens-là voient que ce n'est pas une garantie à moyen terme parce qu'ils ne se sentent pas défendus adéquatement, ces gens-là.

Et c'est la grosse inquiétude parce que là, à ce moment-là, est-ce qu'une société d'agriculture qui va être régie par la partie III des compagnies, à savoir les compagnies à but non lucratif, bien, est-ce qu'elles vont être régies comme les clubs Optimistes qui sont régis par la partie III de la loi des compagnies, ou d'autres clubs sociaux, etc.? Est-ce que ces clubs-là vont demander les mêmes avantages que les sociétés d'agriculture ont actuellement, puis là, quand le gouvernement va voir que le bordel va être pris, il va dire: On les enlève tous, les avantages?

Alors, c'est ça. On se demande pourquoi le ministre... Oui, il fallait moderniser la loi, on en convient, M. le Président, et nous en avons parlé, notamment en commission parlementaire. Oui, il faut moderniser la loi. Mais pour quelle raison le ministre ne garde pas la responsabilité de cette loi? Notamment, en commission aussi, M. le Président, on a dit: Pour quelle raison la Loi sur les sociétés d'horticulture, elle, n'est pas transférée au niveau de la loi des compagnies ou au niveau des institutions financières, dans la même logique? Pourquoi la Loi sur les sociétés d'agriculture mais pas la Loi sur les sociétés d'horticulture? Il y a également la Loi sur les sociétés agricoles et laitières, la Loi sur la protection sanitaire des animaux, etc., qui sont modifiées dans le même projet de loi. Alors, pour quelle raison les sociétés d'horticulture, entre autres, elles n'ont pas le même...

Si on suit la logique du ministre puis du ministère, alors pour quelle raison on ne transfère pas cette loi-là sous l'égide du ministre des Finances, qui s'occupe de la loi des compagnies, mais que, par contre, les sociétés d'agriculture, elles, devront aller dans cette direction? Alors, il y a une question aussi de symbole, là-dedans, M. le Président, de dire que c'est le ministre de l'Agriculture qui va en être responsable, de cette loi-là. Et les gens que nous avons consultés disent effectivement, dans une perspective à court terme... Et le ministre a pris l'engagement qu'il n'y aurait pas de changement au niveau des avantages.

Ceci étant dit, compte tenu de ce que nous avons vécu et de ce que ces gens-là vivent depuis notamment un an, ces gens-là sont inquiets parce que, à moyen terme, qu'est-ce qui va arriver? Est-ce qu'on va les perdre? Puis, même si le ministre de l'Agriculture veut, il y a tellement d'autres ministres maintenant qui s'occupent de ses affaires, va-t-il avoir le poids de pouvoir défendre adéquatement cette clientèle-là? À la lumière de ce qu'on a vu jusqu'à présent, on peut en douter, vous le comprendrez, M. le Président.

Il y a une société d'agriculture qui nous a écrit, qui est du district de Pontiac, dans le comté de mon collègue le député de Pontiac, et qui, elle, s'objecte. Elle dit: On reçoit d'excellents services, même du ministère également, et on veut garder tout ça. Le ministre dit: Oui, pas de problème, vous allez garder tout ça. Effectivement, à court terme, on ne voit pas pour quelle raison ces services-là ne sont pas maintenus. Mais, encore là, ces gens-là ont une inquiétude, compte tenu qu'il y a une diminution du pouvoir du ministre, que tout ça s'estompe au fil des ans.

Alors, vous le comprendrez, M. le Président, c'est la raison pour laquelle nous nous sommes objectés, parce que nous nous sommes dit qu'un ministre de l'Agriculture qui serait fort, qui se lèverait debout, dirait: Les sociétés d'agriculture vont rester sous ma responsabilité. Compte tenu du contexte, et même historique – ça fait partie du patrimoine, ces sociétés-là, depuis 70, 80 ans – alors c'est symbolique aussi, M. le Président... Encore là, nous voyons que nous avons un ministre qui est à genoux devant l'ensemble de ses collègues et, par conséquent, c'est la classe agricole qui écope. Alors, c'est la raison pour laquelle nous nous objectons à ce projet de loi, compte tenu que nous n'avons pas d'engagement à long terme pour favoriser et maintenir les services auxquels ces sociétés ont eu droit jusqu'à présent. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député des Îles-de-la-Madeleine. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Sur le même sujet, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous cède la parole.


M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: J'ai décidé, suite à ce que le député libéral de l'autre côté, porte-parole de l'opposition en matière d'agriculture, vient de dire, de prendre quelques moments – simplement quelques moments, parce que je sais que le ministre aura l'occasion de lui faire une réplique et d'adopter ce rapport – en vous disant ceci: Lorsque nous avons déposé ce projet de loi ici, à cette Assemblée, on s'en souviendra, il y a eu un vote. Le ministre était à l'extérieur, dans sa responsabilité de ministre, pour défendre des dossiers du Québec en Gaspésie – je dois vous le rappeler, et les gens vont s'en souvenir. Et les libéraux ont voté contre le dépôt même de ce projet de loi en disant: Comme vous ne demandez pas de consultations particulières, nous sommes contre.

Nous attendions de leur part qu'ils nous informent de la liste des gens ou des organismes qui auraient voulu parader ou venir en commission parlementaire, comme ils disent souvent, pour faire valoir leur point de vue. Nous n'avons reçu aucune demande, M. le Président. Donc, je ne sais pas ce que le député d'en face vient de dire, mais, en fait, il fait une bataille d'arrière-garde de gens qui ne veulent pas que les changements demandés par l'ensemble de la population sur la diminution des organismes qui s'occupent de certaines choses et qui, dans l'histoire, ont dépassé leurs occupations et leurs désirs... de faire en sorte que ces gens-là comprennent très bien que là où le ministre veut en venir, c'est à la modernisation de nos structures, à la diminution du nombre de structures et à permettre à ces gens qui, finalement, comme il le dit très bien, sont des bénévoles... qu'ils s'aperçoivent qu'il y a des choses à changer, ce que notre gouvernement a décidé de faire.

Deuxièmement, il faut se rappeler que sur la question des expositions foraines, incluant la question de loto à l'intérieur de ces choses, on s'aperçoit que des gens dépensent du temps et de l'énergie qui, finalement, ne rapportent pas beaucoup à ces personnes-là et qu'il fallait penser à autre chose. L'idée que le ministre a eue avec le ministre des Finances de faire en sorte que Loto-Québec vienne à leur rescousse plutôt que d'organiser...

Et j'en parle en connaissance, M. le Président. Nous avons eu au Festival western, cet été, au mois de septembre, à l'automne – fin de l'été, début de l'automne – une demande qui avait été longuement faite d'année en année et qui a été acceptée cette année. Et les gens nous disent que, finalement, ça ne vaut peut-être pas le coup d'organiser de telles choses qui demandent beaucoup de temps, beaucoup d'énergie pour le peu qu'elles rapportent, au niveau de l'organisation de l'exposition foraine à l'intérieur du Festival western de Saint-Tite.

Dans ce contexte-là, M. le Président, on peut regarder ce que le député de l'opposition a à dire, mais on s'aperçoit bien que ce n'est pas de coeur qu'il parle. Nous, c'est de connaissance des dossiers, de responsabilités gouvernementales qui répondent aux besoins de la population. Et, moi, je félicite notre ministre responsable de l'Agriculture de l'avoir fait de cette façon-là et je demande qu'on adopte ce rapport le plus vite possible, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Il n'y a plus d'autres interventions? M. le ministre, votre droit de réplique. Je vous cède la parole.


M. Guy Julien

M. Julien: M. le Président, mon collègue le leader a bien rapporté effectivement que l'opposition avait exigé des consultations, puis il n'y en a pas eu, de consultations, parce que, voyez-vous, toutes les consultations avaient été faites au préalable. C'est un dossier qui était attaché avec les sociétés d'agriculture, et le ministère n'a vraiment pas et surtout pas l'intention de se retirer du dossier des sociétés d'agriculture. Ce qu'on a fait, c'est tout simplement de modifier le contenant. Le contenu demeure, les programmes d'aide du ministère demeurent. On va même financer pour les aider à faire la transition. Alors, je pense que, là-dessus, le député de l'opposition, comme d'habitude, exagère dans ses propos. Je pense qu'il se bat plutôt contre la modernisation de nos sociétés d'agriculture, de toutes nos autres sociétés.

(10 h 20)

Deuxièmement, il a mentionné les casinos, effectivement. Je pense que là-dessus, encore là, vous savez, le ministère va conserver les moyens financiers, c'est-à-dire le 5 000 000 $. C'est lui qui va le gérer, c'est lui qui va le donner, c'est lui qui va le gérer en partenariat avec les différentes sociétés qui vont profiter de ce montant d'argent là pour pouvoir promouvoir les développements, entre autres, des expositions agricoles. La formule des casinos, le cadre légal est modifié parce que, effectivement, il ne répond plus aux besoins. Cette année, il y a eu 13 expositions. Sur 13, il y en a eu six qui ont participé à des casinos, il y en a eu six qui ont fait des déficits. Donc, ça ne répond plus vraiment aux besoins.

Actuellement, M. le Président, je pense que ce qu'il faut considérer... Ce n'est pas parce qu'on modernise nos lois, pas qu'on ne s'adapte pas aux nouvelles situations, qu'au contraire le ministère se désengage. Je vous dirais: C'est le contraire. Le ministère demeure présent. On dépense au-delà de 500 000 000 $ dans le domaine agricole. Ça va continuer à se dépenser mais de façon différente parce qu'il faut s'ajuster aux nouvelles conjonctures, aux nouvelles façons de faire. Ça, là-dessus, il n'y a pas de problème. Je peux le dire ici, dans l'Assemblée nationale, il n'est aucunement question qu'on nuise au développement de nos sociétés d'agriculture.

Quant aux autres lois, par exemple il mentionnait la Loi sur les cercles agricoles, sur les syndicats d'élevage, sur les sociétés de fabrication, ce que mon collègue de l'opposition a oublié de dire, c'est que c'est des lois qui sont inopérantes. Il n'y a même plus une société qui est membre ou qui fait partie de cette loi-là. On a fait une vérification avec l'Inspecteur, au Québec, pour s'assurer effectivement s'il y avait encore des gens qui utilisaient cette loi-là. Elle n'est plus utilisée parce qu'il s'est développé d'autres organisations très spécialisées.

Donc, pour alléger la réglementation, ce en quoi est contre le député de l'opposition, c'est que, nous, on a décidé de soustraire de la réglementation des lois qui sont inopérantes. Et, à mon point de vue, ça rentre dans l'objectif du gouvernement d'arriver à une déréglementation tout en protégeant nos producteurs et nos productrices, mais en allégeant nos réglementations; si on pouvait en enlever le plus possible pour pouvoir fonctionner de façon plus adaptée aux réalités d'aujourd'hui.

M. le Président, c'est dans ce cadre-là que je dis que je suis très déçu de l'opposition, de ne pas adopter le projet de loi aujourd'hui, qui est un projet qui modernise, qui reconnaît le rôle important des sociétés d'agriculture, qui reconnaît l'importance du rôle du ministère dans les sociétés d'agriculture. Et c'est contre ce projet de loi là que l'opposition se bat. Et ça, je trouve ça très malheureux pour les producteurs et les productrices et pour les sociétés d'agriculture. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation. Il n'y a pas d'autres intervenants? Je vous lance cet appel parce que, tantôt, j'ai parlé de droit de réplique, mais en réalité c'était un droit d'intervention de cinq minutes après chaque intervention. Alors, ça ne clôt pas automatiquement le débat.


Mise aux voix du rapport

Mais, s'il n'y a pas d'autres intervenants, je m'en vais mettre aux voix le rapport de la commission. Le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation portant sur le projet de loi n° 158, Loi abrogeant certaines lois permettant la constitution de personnes morales en matière agricole et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, en espérant terminer un débat fort intéressant jusqu'à maintenant, avec la déférence en commission parlementaire d'ici midi, je vous demanderais d'appeler l'article 5.


Projet de loi n° 159


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 13 novembre 1997 sur l'adoption du principe du projet de loi n° 159, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports afin d'instituer le Fonds de gestion de l'équipement roulant. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sauvé, pour une intervention de 20 minutes au maximum. M. le député.


M. Marcel Parent

M. Parent: Merci, M. le Président. Ça devient gênant et fastidieux pour un député de se lever dans cette Chambre, depuis près de 14 ans que je suis ici, et, depuis que je suis un député de l'opposition, de toujours déplorer le même problème, de toujours être en situation de blâmer le gouvernement pour son manque de transparence, de blâmer le gouvernement pour son double langage. Ce gouvernement qui a pris le pouvoir en 1994 nous avait promis une autre façon de gouverner. Eh bien, M. le Président, je suis fier de leur dire: Messieurs du gouvernement, messieurs du caucus, vous avez tenu votre parole, on n'avait jamais vu ça, une façon de gouverner d'une façon si maladroite.

On a fait, de ce côté-là de la Chambre, son leitmotiv, depuis l'arrivée au pouvoir, de nous faire accroire qu'on se dirigeait vers un déficit zéro, que l'on améliorerait la condition financière et la condition économique des Québécois en réduisant les dépenses, en coupant ici et là et en faisant en sorte que le budget des Québécoises et des Québécois deviendrait un budget plus équilibré et que l'on dépenserait selon nos moyens. C'était censé être ça, leur nouvelle façon de gouverner. Mais non, M. le Président, ça a été l'astuce, ça a été les cachettes, ça a été le contournement de beaux principes qu'ils avaient mis de l'avant.

Et, quand je regarde nos collègues du gouvernement, je reconnais des gens parmi eux qui ont leur franc-parler, des gens qui n'y vont pas par des détours. Je vois le député de Matane, un éducateur de carrière. Je vois le député de Vimont, un écologiste transmuté en touriste. Je vois le ministre de l'Agriculture, qui est là. Ces gens-là n'ont jamais eu peur de dire la vérité. Le député de Masson, s'il y a un gars qui a son franc-parler dans cette Assemblée nationale, c'est bien le député de Masson. Ils doivent être gênés, ces gens-là, M. le Président, ils doivent être mal à l'aise sur leur chaise, car ils voient toutes les astuces que prend ce gouvernement pour essayer de faire accroire à la population qu'il se dirige vers un déficit zéro. Ils le savent, eux, que c'est faux. Ils le savent, eux, que ce déficit-là va être artificiel. Il va être artificiel parce qu'il est camouflé à l'intérieur d'une foule de politiques qui sont souvent difficiles à comprendre et encore plus difficiles à accepter.

Ce matin, M. le Président, on discute sur le projet de loi n° 159, projet de loi anodin, projet de loi qui ne devrait normalement pas demander de grands débats à l'Assemblée nationale, un petit projet qui dit: «Ce projet de loi prévoit l'institution du Fonds de gestion de l'équipement roulant affecté au financement des activités reliées à la gestion de cet équipement – rien de malin, là-dedans, encore. Il détermine les sommes qui constituent ce fonds et en établit les règles de fonctionnement.»

Ce projet de loi là, M. le Président, pour un profane, pour quelqu'un qui n'est pas au courant, ça ne semble pas tellement important, puisque ça ne contient que quatre articles. Mais il faudrait permettre à la population, permettre à nos électeurs de comprendre, le projet de loi n° 159, pourquoi il existe et pourquoi aujourd'hui nous avons le devoir et la responsabilité d'en débattre. Il faudrait expliquer à la population que la seule obsession du gouvernement du Parti québécois, c'est de faire croire à la population que la bonne gestion de ce gouvernement à atteindre le déficit zéro à la fin de son mandat est un processus normal. On crée des fonds.

C'est un objectif que le Parti libéral avait aussi. C'est d'ailleurs le Parti libéral qui a obligé le gouvernement à adopter la loi du déficit zéro.

Une voix: Oh!

M. Parent: Oui, oui. Vous y étiez, M. le député, vous en avez été témoin. Vous vous en souvenez très bien.

M. le Président, depuis plusieurs années que je suis ici, en cette Chambre, je n'ai jamais pensé que pour atteindre le déficit zéro il fallait acheter aujourd'hui et payer plus tard. Et ça, c'est ce que le gouvernement fait en créant des fonds, c'est-à-dire en faisant des emprunts affectés au financement d'activités reliées à la gestion de l'équipement. D'ailleurs, c'est Michel David, dans Le Soleil , qui disait dans un article: «C'est un peu louche, ces fonds-là, une soudaine prolifération des fonds spéciaux qui permet – ce n'est pas moi qui le dit, ce n'est pas un libéral; Michel David, vous le connaissez comme moi, hein! – au gouvernement de reporter sur plusieurs années des dépenses qui devraient normalement être comptabilisées maintenant.»

(10 h 30)

Mais des fonds spéciaux, ça paraît anodin, un petit fonds spécial pour la gestion des équipements. Fonds spécial de conservation et d'amélioration du réseau routier, Fonds des services de police. Fonds de gestion. Fonds de ceux qui ont pris leur retraite. Des milliards qu'on va être obligé de payer encore. À quel moment? Est-ce que le gouvernement a réellement contrôlé? Est-ce que le gouvernement sait où il s'en va? Moi, je peux vous dire que, dans le cas de la création du fonds du réseau routier, le ministre ne le savait pas ni le gouvernement, parce qu'on a présenté au moment du budget de l'année 1996-1997 un fonds qui devait être de l'ordre de 360 000 000 $. C'était au mois de mai 1996. Et on a appris en février 1997 qu'il manquait 75 000 000 $. Ce n'est pas grand-chose, 75 000 000 $, puis on a décidé de l'ajouter cette année pour un total de 435 000 000 $.

Tout le monde dit: Ce gouvernement reconnaît que certaines immobilisations doivent être amorties sur une longue période, mais ce gouvernement prend d'inquiétantes libertés avec le dictionnaire quand il inclut dans la rubrique «investissement» des dépenses aussi courantes que le pavage des routes, y compris les salaires des fonctionnaires du ministère des Transports.

M. le Président, les gens qui travaillent sur les routes, les gens qui construisent les routes du Québec actuellement reçoivent leur paie à tous les 15 jours. Mais, leur paie, on la répartit sur 10 ans, 15 ans. Que l'on fasse ça pour des dépenses capitales, c'est tout à fait normal; mais que l'on fasse ça pour des dépenses courantes, c'est inquiétant. Ça, ça veut dire que la personne qui pose de l'asphalte sur des routes du Québec actuellement, son salaire va être payé par mes enfants, par mes petits-enfants. Son salaire va être réparti, chose qu'aucun gouvernement, chose qu'aucun bon gestionnaire ne peut accepter. Ça va bien! On paie un ouvrier, aujourd'hui, 300 $, 400 $ par semaine. C'est ça qui est son salaire, mais il est réparti sur cinq ans avec les intérêts. Et qui va payer les intérêts? Bien, ce sont les gens qui vont nous survivre, les gens qui vont nous succéder.

Et les gens qui vont succéder à ce gouvernement, M. le Président, ce sera le gouvernement du Parti libéral, et c'est le gouvernement du Parti libéral qui va écoper de la dette à long terme que ce gouvernement aura contractée. Comme le retour du balancier fait en sorte qu'au Québec et dans tous les régimes démocratiques les partis politiques se succèdent, à un certain moment, ils reviendront probablement au pouvoir et ils diront: Les libéraux nous ont endettés. Bien, les libéraux vous auront endettés avec les dettes que vous aurez contractées. C'est ça, l'histoire du Parti québécois, c'est ça: ils contractent des dettes, engagent des sommes et les font payer par les autres.

Alors, M. le Président, lorsque l'on sait qu'au ministère des Transports on possède 1 445 véhicules légers, 822 camions lourds et 2 133 autres équipements mobiles, et ces équipements sont gérés de façon décentralisée et répartis dans plus de 60 unités administratives... La valeur de remplacement de ces équipements est estimée à 71 000 000 $. Dans les années passées, l'achat de ces équipements était comptabilisé dans le budget de l'année courante, ce qui veut dire que, lorsque le ministère remplaçait ces équipements, ils étaient payés comptant. On payait encore cash, dans ce temps-là. On payait nos dettes, dans ce temps-là, on ne les faisait pas payer par les autres. Ce n'est pas ce que le gouvernement actuel fait, M. le Président.

L'obsession qu'a ce gouvernement d'en arriver au déficit zéro, oui, il n'est conduit que par ça. Mais comment peut-on y arriver, à ce déficit zéro? On peut y arriver, ils veulent y arriver par toutes sortes de moyens, par toutes sortes d'astuces, comme c'est l'habitude de ce gouvernement depuis qu'il est au pouvoir. On crée des fonds, c'est-à-dire qu'on emprunte et qu'on paie plus tard. On ne comptabilise pas les dépenses de l'année courante et on arrivera, lors de la lecture du budget, avec un déficit moindre puisqu'on achètera aujourd'hui l'épicerie et on prendra cinq ans, 15 ans pour amortir la facture.

M. le Président, la véritable raison d'être de ce projet de loi n° 159, c'est un projet de nature financière. Il vise trois objectifs bien précis. Premièrement, la récupération des sommes résultant de la vente des véhicules désuets. Ça, ça vaut la peine d'en parler. On achète, on paie plus tard, mais on vend les minounes. On vend les véhicules usagés et là on ramasse l'argent, et ça nous fait des revenus. Ça nous fait des revenus mais, quand on achète le remplacement, par exemple, on ne le paie pas, on le fait payer cinq ans, 10 ans, sept ans plus tard. C'est une belle astuce, ça. Ça ressemble à la cage aux homards, qui a été publiée et qui a été annoncée par un éminent personnage de ce gouvernement.

La deuxième raison de ce projet de loi, c'est de permettre au ministre des Transports de facturer les autres ministères pour des travaux d'entretien des véhicules. Ça va bien, on dit aux autres ministères partout dans les régions: Fermez boutique. On ferme les ateliers de réparation, mais venez nous voir au ministère des Transports, on va vous réparer ça, nous autres, à 88 $ de l'heure, ou à peu près. C'est ce que ça coûte. Alors, vous voyez l'astuce encore? Le Fonds, on ne dépense pas et on cache: on fait rentrer l'argent, mais on ne dépense pas l'argent qu'on devrait dépenser, on va le faire payer par les gens qui vont nous succéder, les gens qui seront là dans cinq, 10 ans. Et ça, M. le Président, ça aura une grande incidence sur le développement de nos régions, puisque l'on fermera dans nos régions les ateliers régionaux, les ateliers qui avaient la responsabilité de l'entretien du mobilier mobile.

Est-ce que c'est ça, légiférer? Moi, j'ai l'impression, M. le Président, que c'est simplement une bonne excuse, c'est un autre fonds déguisé – celui-là, on ne l'a pas identifié – un autre fonds qui va faire croire que le gouvernement baisse le déficit en pelletant ses dépenses courantes dans l'avenir. Ce n'est pas assez de le pelleter dans les municipalités, ce n'est pas assez de le pelleter dans les commissions scolaires, on le pellette dans l'avenir maintenant, M. le Président. On pellette partout. Ça revole, le pelletage. Et on continue, petit air innocent: «Ça va bien, hein!» On leurre la population du Québec, on lui fait accroire qu'on est de bons gestionnaires et, pendant ce temps-là, on engage la responsabilité financière sur des années à venir. Si c'est ça, la nouvelle façon de gouverner, messieurs, mesdames du gouvernement, vous avez atteint votre objectif, vous avez leurré la population depuis 1994.

La troisième raison d'être de ce projet, et peut-être la plus fondamentale, est que la constitution de ce fonds permettra d'acheter des véhicules et, comme je l'ai dit antérieurement, d'amortir ces achats sur plusieurs années. Cette méthode comptable est un artifice, une astuce qui fait croire aux citoyens et citoyennes que le gouvernement réduit le déficit sans trop couper et sans trop augmenter les taxes, ce qui est encore, j'étais pour dire «faux», M. le Président, mais je fais attention à mon langage, ce qui est encore contraire à la vérité, puisque c'est de la poudre aux yeux. Quand le gouvernement pellette son déficit dans les municipalités, comme je le disais tout à l'heure, il le pellette dans les commissions scolaires, il le pellette dans les régies régionales et permet aux institutions de santé d'emprunter pour rencontrer leurs dépenses. Et ce gouvernement, que fait-il, lui, pour améliorer la situation financière du Québec? Il coupe dans les dépenses, il coupe de 1 %. Il coupe de 1 % dans ses dépenses, mais collecte 6 % sur les salaires, collecte 6 % sur les municipalités, augmente les taxes scolaires.

(10 h 40)

M. le Président, je ne veux pas être méchant, mais ce n'est pas franc, franc ce qui se passe là, et ça dure depuis l'élection de ce gouvernement. Ça me fait de la peine. Je suis sûr qu'il y a des gens mal à l'aise dans ce gouvernement-là. Je suis sûr qu'il va y avoir une crise dans le caucus à un certain moment. Ils vont dire: «Wow! Assez, c'est assez!» Je connais très bien le président du caucus, le député d'Abitibi-Ouest. J'étais pour dire «pauvre François», mais je ne le dirai pas, il ne doit pas toujours avoir la tâche facile, parce que ce gouvernement dévie constamment de sa ligne de conduite, dévie constamment de ses objectifs. Ce gouvernement a un double langage. Ce gouvernement dit: Il fait beau, mais, s'il pleut, ce n'est pas grave – c'est ce qu'il dit, le gouvernement – on va arriver au déficit zéro. Il en parle tellement du «sacré déficit zéro» que la population est en train de croire que c'est la dette qui s'en va. Non, ce n'est même pas le déficit... On ne l'atteindra jamais, le déficit, puis je vous ai expliqué pourquoi, parce qu'il est camouflé à l'intérieur d'une brochette de procédures, d'un groupe de fonds spécial. M. le Président, c'est inquiétant. Les Québécoises et les Québécois, ce matin, se doivent de se poser des questions, de se poser les bonnes questions, de se demander si, en 1994, lorsqu'ils ont élu, par quelques milliers de voix, ce gouvernement, ils ne se sont pas trompés, s'ils n'ont pas fait une erreur. C'est malheureux. C'est malheureux, M. le Président, le Québec ne méritait pas ça.

M. le Président, où est réellement l'avantage? Honnêtement, là, est-ce qu'on s'interroge: Où est honnêtement l'avantage de procéder par la création de fonds pour acheter de l'épicerie aujourd'hui et atténuer la coût de cette épicerie sur une période de 10 ans ou de 15 ans? Vous savez, que l'on paie 150 000 $ pour acheter une maison, puis qu'on l'hypothèque, moi, je suis d'accord avec ça. C'est une dépense capitale. Mais, au bout de deux ans, quand on peinture la maison puis qu'on fout le compte de peinture sur l'hypothèque, bien là je me pose des questions. Ça, ce n'est plus une dépense capitale, hein! Quand on fait resurfacer son patio, en arrière, ce n'est pas une dépense capitale. Quand on change le «filtreur» de la piscine, pour ceux qui ont la chance d'en avoir une, bien, je pense que ce n'est pas une dépense capitale. Mais c'est ça que le gouvernement fait actuellement, les dépenses courantes qu'il ne comptabilise pas dans son budget ni dans ses dépenses, mais qu'il répartit.

M. le Président, ce projet de loi, bien qu'il paraisse inoffensif en soi, confirme l'astuce, cette nouvelle tendance vers laquelle s'est engagé ce gouvernement. Quatre petits articles qui vont permettre au gouvernement d'acheter ses camions, ses automobiles et autres véhicules sans qu'il ait à débourser un sou dans l'exercice courant.

M. le Président, qu'on soit donc transparent, qu'on dise donc que la raison principale de ces fonds, c'est que ça n'apparaît pas dans les livres et que la fin justifie les moyens. Deux sets de livres, comme on dit. Je suis un peu plus vieux que la majorité des députés dans cette Chambre. Moi, je me souviens des «bookies», des gens qui prenaient des paris sur les courses. Ils avaient deux sets de livres. Ils ont tous été arrêtés et ont tous été condamnés. Alors, M. le Président, on ne deviendra pas complice de telles manoeuvres et c'est pour ça que l'opposition va s'opposer fortement à l'adoption du projet de loi n° 159. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sauvé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais participer au débat sur le projet de loi n° 159, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports afin d'instituer le Fonds de gestion de l'équipement roulant, curiously translated into English as bill 159, an Act to amend the Act respecting the Ministère des Transports in order to establish the rolling stock management fund.

Un petit peu comme mon collègue de Sauvé qui a beaucoup plus d'expérience que moi, moi, je veux intervenir avant tout pour expliquer pourquoi l'opposition officielle s'objecte à ce projet de loi qui ne comporte que quatre articles, qui a l'air d'un projet de loi assez anodin. Derrière tout ça, je pense qu'il y a des choses qui sont très, très importantes, des principes qui compliquent la bonne gestion de notre Assemblée nationale et les devoirs et les travaux de nos députés.

Le métier d'un député, avant tout, c'est d'essayer de venir ici et de bien représenter nos commettants. Chez moi, c'est 47 000 électeurs du comté de Jacques-Cartier qui m'ont demandé de venir ici pour voir comment le gouvernement entend dépenser environ 40 000 000 000 $ par année – bon an mal an, on arrive toujours à la même figure – et, pour faire ça, avoir la capacité de veiller à tout ça, les activités de milliers de nos fonctionnaires dans tous nos ministères, départements, agences, sociétés. Il faut certains outils de travail, mais il faut également une certaine base comparative pour bien faire nos travaux. Si je ne peux pas comparer ce qui s'est passé l'année passée avec l'année courante, ça complique l'affaire grandement. Alors, si je prends les dépenses du gouvernement l'année passée et si je prends les dépenses du gouvernement cette année, c'est très, très utile pour le métier de député d'avoir une base solide pour faire des comparaisons.

Pourquoi on s'objecte au projet de loi n° 159? Parce que ça va compliquer le travail et le devoir des députés, parce que ça va devenir encore plus compliqué de voir ce qui s'est passé l'année passée avec l'année courante. Les comparaisons sont toujours très importantes et ça soulève souvent des surprises. On a longuement parlé des budgets antérieurs et on a longuement parlé des budgets qui ont lourdement endetté la province de Québec. Alors, c'était fort intéressant de voir, sur une base comparative, dans un article de Claude Picher que La Presse a publié récemment, qui disait qu'au niveau du déficit, en pourcentage de notre production brute de la province – notre richesse collective – les trois budgets les plus endettés dans l'histoire du Québec étaient en 1979, quand M. Jacques Parizeau était ministre des Finances, l'année après, en 1980, c'était encore M. Jacques Parizeau, il y avait respectivement des pourcentages de déficit du PIB de 3,6 % et 4,8 %, et l'autre champion au niveau de l'endettement du Québec est un dénommé Yves Duhaime, en 1984, à 3,8 % du PIB en déficit. Alors, les trois médailles d'or, d'argent et de bronze qui ont été données pour l'endettement, c'étaient trois ministres des Finances, à ma connaissance, tous du Parti québécois. Alors, je pense que ces outils de comparaison sont très importants. Quand eux autres parlent des gâchis du gouvernement précédent, je pense que c'est très important de voir, noir sur blanc, que les gouvernements qui ont eu le plus grand succès, qui ont réussi à endetter les Québécois, sont effectivement les gouvernements qui se sont amenés du Parti québécois dans le passé.

Donc, qu'avons-nous ici? On essaie de prendre les dépenses de l'année courante et de les étaler dans le temps. Alors, le gouvernement a beau dire, essayer d'utiliser un discours autre, camoufler ses objectifs, c'est juste pour acheter les voitures pour cette année, pour la flotte de nos ministères, et on va comptabiliser ça sur cinq ans au lieu de comptabiliser ça sur l'année 1997-1998. Ils vont nous endetter pour acheter ces véhicules. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Mais, dans les comparaisons dont j'ai parlé, dans la façon pour un député de comparer ce qui s'est passé l'année passée avec l'année courante, ça va être encore plus difficile parce que, au lieu d'ajouter au déficit, au lieu d'ajouter sur le service de la dette, on va créer un fonds autonome, mais, à l'intérieur du fonds autonome, il y aura le paiement des intérêts parce qu'on va acheter des véhicules aujourd'hui et on va les financer sur cinq ans. Alors, le solde à payer va obliger le contribuable à payer le service de la dette, les frais d'intérêts pour l'achat de ces véhicules.

(10 h 50)

Qu'est-ce que c'était, la pratique courante de tous les gouvernements précédents? C'était de mettre ces dépenses dans l'année où nous avons acheté des véhicules, pour comparer. Alors, pour une année, nous avons dépensé tant et, l'année passée, nous avons dépensé tant. Alors, on peut comparer les deux. On peut voir si c'est une bonne gestion ou une mauvaise gestion de ce gouvernement. C'est notre devoir, comme députés. Mais ce que ce gouvernement est en train de faire, c'est de rendre la tâche nettement plus difficile parce que nous serons obligés de calculer dans ces fonds qui ont été créés. Ce fonds est modeste, mais ce n'est pas le premier fonds, M. le Président. On en a vu un pour la conservation et l'amélioration du réseau routier. Quelle poésie! On ne peut pas s'opposer à ça. Ce que le gouvernement a dit, c'est qu'il va emprunter l'argent pour faire le travail qu'il doit faire de toute façon pour s'assurer que nos infrastructures soient en bonne condition, mais ils vont étaler ça sur plusieurs années. C'est la même chose, ils vont faire une grande économie cette année parce qu'il y a les départs assistés de 33 000 membres de la fonction publique, mais on va payer ça pendant les prochaines 17 années, M. le Président. Alors, c'est un petit peu camoufler, juste mettre à côté les dépenses.

Alors, ils peuvent arriver aux prochaines élections avec une ligne déficit zéro et tout le monde va dire: Quels bons gestionnaires! Quel gouvernement intelligent! Mais, si le déficit est caché dans toutes sortes de fonds, c'est vraiment échanger quatre trente-sous pour une piastre, M. le Président. C'est ça que le gouvernement est en train de faire. Au lieu de mettre ça sur le poste Service de la dette ou Déficit, où les députés peuvent bien comparer ce qui s'est passé l'année passée avec les années à venir, non, non, on va camoufler ça. On va créer un écran de fumée. Alors, ça va être encore plus difficile de percer pour voir ce qui s'est passé.

Mais la chose qu'on sait de ce côté de la Chambre, c'est le double langage de ce gouvernement qui fait appel aux contribuables, qui fait appel aux ministères, qui fait appel aux établissements de santé et d'éducation de faire des sacrifices. Mais, quand on voit derrière tout le camouflage qu'est-ce que ce gouvernement a fait, ils ont maintenu leurs dépenses; ils n'ont pas coupé. L'année passée, ils ont dépensé 40 500 000 000 $. Cette année, c'est 40 200 000 000 $. Si on ajoute l'argent qui est étalé dans ces fonds spéciaux, j'imagine plus ou moins qu'on arrive kif-kif. Alors, ils n'ont rien coupé. Malgré les beaux discours, malgré les grands sacrifices qu'ils avaient appelé la population à faire, ils n'ont pas pratiqué ce qu'ils ont prêché, ils n'ont pas réussi à faire, à l'intérieur de ce gouvernement, les efforts qu'ils demandent des autres.

Mais prenons quand même juste les chiffres qui sont sur la table, 40 500 000 000 $ comparé à 40 200 000 000 $, ça représente des compressions de 0,6 %, moins de 1 %, M. le Président. Mais c'est quoi, l'effort qui est demandé à nos partenaires municipaux? Dix fois plus important, 6 %. Alors, ce qui est bon pour les municipalités, couper tout ça de 6 % – on ne vous donne aucun outil, aucune aide pour arriver, mais bonne chance – couper dans les services, rendre la tâche encore plus difficile pour nos gestionnaires municipaux, ce n'est pas grave, mais, nous autres, on va couper un dixième de l'effort qu'on demande de vous autres.

Même chose avec la fonction publique. On a demandé des efforts, on a demandé qu'on coupe dans les fonds de pension pour arriver à 6 %. Alors, pour les travailleurs, pour les employés de l'État, 6 %, c'est magique, pour les députés et les ministres aussi. Mais, dans ses propres efforts, le gouvernement... Oh! il faut être beaucoup moins exigeant, M. le Président. Et ça, c'est avant de procéder à tout genre de camouflage et à tous les exercices de cacher dans ces fonds spéciaux certains argents. On va étaler dans le temps.

Alors, à quoi qu'on assiste ici? C'est quoi, ce gouvernement qui a fait un énorme effort au niveau de couper dans ses propres dépenses? Ce n'est pas là, M. le Président, on ne le voit pas. Mais, au contraire, qu'est-ce qu'on voit dans les choses? Ce sont les astuces, ce sont les moyens de présenter autrement un déficit, les taux d'intérêt, les frais d'intérêts pour les contribuables: Achetez aujourd'hui, payez demain. Ça, c'est l'autre façon de gouverner. Moi, je pense que c'est le même reproche qu'ils ont fait quand ils étaient dans l'opposition. Maintenant, peut-être qu'ils ont un meilleur directeur de marketing ou des affaires publiques pour cacher ce qu'ils sont en train de faire, mais ils n'ont pas fait l'effort de vraiment couper.

Je dis qu'ils ont exigé de leurs partenaires, surtout les contribuables, de payer beaucoup plus cher, la pluie de taxes, qui a aidé ce gouvernement, à la fois indirectement dans les taxes scolaires, dans les taxes municipales. Même qu'il se félicite du fait qu'on va baisser l'impôt pour les personnes au Québec de 15 % à partir de janvier de l'année prochaine. Ils vont augmenter la taxe de vente de 15,4 %. On donne avec une main, on reprend avec l'autre. Alors, c'est net-net. On va continuer d'augmenter pour le contribuable. Les impôts à payer ne cessent pas au niveau municipal, au niveau scolaire, au niveau de tout autre tarif que ce gouvernement a introduit pour aller chercher de l'argent dans les poches des contribuables. Alors, c'est un élément pour arriver au déficit zéro.

Un deuxième, comme j'ai dit, par toutes sortes de moyens, toutes sortes de stratégies, d'astuces, qu'est-ce que nous avons réussi à faire, c'est de camoufler les dépenses d'aujourd'hui dans les fonds spéciaux. Et, troisièmement, avec les taux d'intérêt mondiaux qui sont très bas, c'est évident qu'on va réussir à baisser nos dépenses au niveau des taux d'intérêt, mais ça, ce n'est pas la bonne gestion ni la sagesse de ce gouvernement. Ils sont chanceux, pas plus, pas moins, parce qu'ils peuvent emprunter l'argent aujourd'hui à un taux nettement inférieur au taux qui existait il y a trois, quatre, cinq ans. Alors, ça n'a rien à voir avec la bonne gestion.

Mais, comme je dis, l'élément 4, l'élément que je pense que la population attend pour voir si ce gouvernement peut couper dans ses propres dépenses, ils n'ont pas réussi. Oui, ils ont réussi à sabrer dans la santé, à fermer des hôpitaux, à rendre le monde inquiet quant à l'accès aux services de santé, mais qu'est-ce qu'ils ont fait avec l'argent? Est-ce qu'ils ont baissé les dépenses du gouvernement? Non. Ils ont trouvé 60 000 000 $ pour acheter un hippodrome à Montréal. Quelle mission essentielle de l'État, M. le Président! C'est de ça qu'on a grandement besoin à Montréal.

Quand mon hôpital, chez nous, est fermé, quand j'ai des inquiétudes quant à l'accès aux services, je peux me rassurer que Blue Bonnets demeure ouvert. Que je suis heureux! 60 000 000 $ qu'on trouve pour arriver aux courses de chevaux. Mais, pour la santé, pour l'éducation, l'appauvrissement de la qualité dans nos écoles, la ministre de l'Éducation trouve que ce n'est pas trop aberrant, le fait qu'il faille partager les livres à l'école. C'est beau quand on veut faire les devoirs sans texte. Moi, comme père de cinq enfants, je peux vous assurer que les mathématiques, ça m'échappe, des fois, M. le Président. J'ai besoin du livre à la maison le soir pour essayer de rendre tout ça un petit peu plus facile pour quelqu'un qui n'a pas pris un cours en mathématiques depuis 25 ans. J'ai besoin de ça. Mais nous avons coupé dans ce que je considère la mission essentielle de l'État. Mais, des courses de chevaux, 60 000 000 $, on a trouvé l'argent pour ça. Alors, c'est un petit peu ridicule maintenant de voir que, dans la gestion que le gouvernement fait, il n'a pas coupé. C'est ça qui est l'élément manquant.

Alors, ils vont arriver, ils vont présenter un déficit zéro. Oui, peut-être, mais ça va être le résultat avant tout d'une augmentation très importante des taxes malgré un ministre des Finances qui a dit, à maintes reprises: La taxe tue l'emploi. Le ministre des Finances a répété ça à maintes reprises, mais son gouvernement est toujours capable de soit pelleter dans la cour des municipalités, des commissions scolaires ou d'ajouter des tarifs, des contributions, toute autre chose que des taxes. Mais c'est aller chercher l'argent dans les poches des Québécois et Québécoises. Et c'est ça que le gouvernement a fait, une pluie de taxes. Deuxièmement, prendre l'argent qui est supposé être comptabilisé sur une base de l'année courante et étaler ça dans le temps. Et ils ont profité d'un taux d'intérêt moins important. Mais ils n'ont pas coupé, ils n'ont pas fait le sacrifice qu'ils ont sollicité de tous les autres Québécois et Québécoises.

Mr. Speaker, what we see before us is why the official Opposition opposes bill 159. Because the Government is taking day to day expenditures, the kind of money that you should put in the budget so I can take what the Government spent last year and I can take what the Government spent this year and I can compare them. That's what Members of the National Assembly are here to do, to defend the interest of their constituents and to be able to have a way rationally to look at what the Government did last year, what the Government did this year, what the Government intends to do next year and be able to compare oranges with oranges.

What this Government is having us do, through all sorts of little tricks, little bits of magic, is create these special funds. This one, they didn't even had the time to translate it properly and perhaps people in the ministère des Transports were talking about creating here a fund to establish «rolling stock» management. A «rolling stock», in English, is trains. C'est les wagons de train. Alors, je ne vois pas le lien entre «rolling stock» et la gestion de l'équipement roulant. Si j'ai bien compris, il est question de notre flotte de véhicules, et nos camions, nos voitures. «Rolling stock», trains. Perhaps the Government intends to buy out Via Rail and manage it. I would suggest they don't if they want to get us down to deficit zero. I don't know whether Via is necessarily the first place where I'd start to invest, but I think we should look at it.

(11 heures)

But more seriously, Mr. Speaker, the Government has failed to cut in its own expenditures and has succeeded in asking its employees to make a sacrifice, it has succeeded in asking municipalities to cut their expenses by 6 %, it has succeeded in asking school boards to make important cutbacks in the services to students in our schools, but they do not practice what they preach, Mr. Speaker. What they do is they're spending this year almost the same amount of money as they spent last year: $40 500 000 000 last year, $40 200 000 000 this year. But, in addition, Mr. Speaker, if we take the creation of these special funds such as Bill 159 will do, they're taking money that should have been expenditures for this year, spreading it out over a number of years so it doesn't appear as deficit. But it's still money the taxpayer is seeing borrowed to buy essential services for the State and paid over five years or, in this case of the special fund for early retirement from the civil service, spread over 17 years. We're borrowing money today; we're paying it out today; we're paying interest on that money over time. And it's changing the practice that we practiced last year.

So, when I, as a member of the National Assembly, try to compare what we're doing this year, what we're spending this year with what we spent last year, it makes the task much more difficult, because we've come up with all sorts of accounting maneuvers to try to overcome a simple comparison. And I think a simple comparison will show that this Government has failed to practice what it preaches. It has failed to be able to say: I, too, can cut. And I think the most flagrant example of it all is that, at a time when we don't have even textbooks in our schools, when we have closed hospitals, we've heightened the level of insecurity of the population about access to health services, we have $60 000 000 for horse racing. For horse racing, Mr. Speaker! What an important, an essential mission for our Government to get into horse racing, to make sure we can go out and lose money or hand over fist at the horse racing in Montreal. I think there's a hole... Inside this Government, they have to do an honest review of the way they've spent money and the kinds of priorities they've set for themselves.

Pour ces raisons, M. le Président, je pense qu'on a demandé au gouvernement de vraiment revoir la façon de dépenser. Je pense que le projet de loi n° 159 rend la tâche, à la fois pour les députés mais pour la population dans son ensemble, de mieux comprendre et mieux comparer la gestion de ce gouvernement avec les gouvernements antérieurs... Et, moi, je parle au nom de la transparence, au nom de bien démontrer à la population comment le gouvernement gère notre argent, nos impôts. Je pense qu'il faut s'opposer à ces fonds spéciaux parce que c'est une façon de déguiser les vraies dépenses de ce gouvernement. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Bertrand. Je vous cède la parole, M. le député.


M. Denis Chalifoux

M. Chalifoux: Merci, M. le Président. Nous sommes aujourd'hui devant cette Assemblée pour débattre du principe du projet de loi n° 159. Nous discutons depuis plusieurs jours de ce projet de loi. La question qu'on doit se poser, quand un tel projet est déposé: Est-ce qu'une loi est nécessaire pour atteindre l'objectif recherché?

Le ministre nous fait valoir que la création de ce fonds améliorera la gestion du parc du matériel roulant du ministère des Transports. M. le Président, j'espère que le ministre n'a pas besoin de loi pour améliorer la performance de son ministère. Non, il n'a pas besoin de légiférer pour atteindre cet objectif, car il a les outils nécessaires pour ce faire. Si je ne m'abuse, l'unité de gestion de l'équipement roulant est déjà en fonction et emploie, selon le rapport annuel, 500 personnes. Non, la véritable raison d'être de ce projet est de nature financière. Il vise trois objectifs très précis.

Premièrement, la récupération des sommes résultant des ventes de véhicules désuets. En effet, les sommes recueillies par ces ventes sont versées au ministre des Finances et n'ont aucune incidence sur le budget du ministère. Le résultat de cet état de fait est que les véhicules sont gardés plus longtemps et que leur vie utile va même jusqu'à prélever des pièces sur la réparation d'autres véhicules. Non. Je suis nouveau parlementaire, M. le Président, mais je suis persuadé qu'il n'est nullement nécessaire de légiférer pour que le ministère des Transports et le ministère des Finances puissent s'entendre afin que la récupération des sommes résultant de ces ventes de vieux véhicules se fasse de façon harmonieuse. Cette situation est carrément absurde. Si j'ai bien compris, le ministre des Finances empêche le ministère des Transports de bien gérer ses équipements roulants, et c'est une des raisons pour lesquelles il faut légiférer.

La deuxième raison d'être de ce projet est pour permettre au ministère des Transports de facturer les autres ministères pour des travaux d'entretien sur leurs véhicules. Le ministre des Transports possède la plus importante flotte de véhicules du gouvernement et peut compter sur un réseau de 54 ateliers mécaniques disséminés sur le territoire. Ces ateliers seraient sous-utilisés, donc on suggère de proposer ces services aux autres ministères, moyennant rémunération.

Personnellement, j'ai une grande inquiétude par rapport à ce concept. A-t-on bien analysé les conséquences de ce geste sur les économies d'une région comme la mienne? Et je suggère à mon voisin de comté le président du Conseil du trésor, qui semble parfois oublier qu'il représente les citoyens du comté de Labelle, qu'une telle mesure risque de mettre en péril certains petits commerces qui forment le noyau des économies régionales. Si les autres ministères décidaient de faire faire l'entretien et la réparation de leurs véhicules par le ministère des Transports en plus d'acheter leur essence aux ateliers du ministère, l'impact sur les détaillants en essence et les ateliers mécaniques de ces régions serait important.

Mais la question fondamentale est: Le ministère des Transports s'imposera-t-il dans ce marché de manière déloyale, ne fonctionnant pas selon les mêmes principes de rentabilité et de performance? Le ministère des Transports chargera-t-il les coûts réels de ses travaux ou, pour être compétitif, diminuera-t-il ses prix en dessous du prix coûtant réel? Ce gouvernement fait de grands discours en développement régional, mais il montre son vrai visage lorsqu'il propose des mesures renforçant le rôle d'un gouvernement central fort et omnipuissant.

La troisième raison et la plus fondamentale est que la constitution de ce fonds permettra d'acheter des véhicules et d'amortir cet achat sur plusieurs années. A priori, cette nouvelle méthode comptable peut apparaître correcte à sa face même. Mais là où, personnellement, j'ai des problèmes, c'est que cela constitue un artifice comptable qui fait croire aux électeurs qu'ils peuvent réduire le déficit sans trop couper et sans trop augmenter les taxes. M. le Président, ça n'a plus de bon sens. Depuis quelque temps, on assiste à une multiplication des fonds, autant décriée par le Vérificateur que par les observateurs. Bien sûr, je me réjouis que le ministère des Transports puisse renouveler sa flotte de véhicules. Le paradoxe est qu'il n'y a plus d'argent mais que soudain, par une nouvelle méthode comptable, on a maintenant les moyens.

Il y a deux ans, le ministère des Transports nous avouait que le ministère n'avait plus les moyens d'effectuer l'entretien du réseau routier. Et voilà que, aujourd'hui, grâce à des artifices comptables que sont le Fonds d'amélioration et de conservation du réseau routier et le Fonds de gestion des équipements roulants, soudainement, le ministère peut se permettre d'accroître ses investissements sans que cela n'affecte le déficit. C'est une supercherie que nous dénoncerons avec la plus grande énergie.

Bien évidemment, nous souscrivons de tout coeur à l'objectif du déficit et nous sommes d'accord avec un accroissement des investissements, mais nous nous élevons contre les méthodes. Ce gouvernement ne peut s'en tirer en nous faisant croire ces balivernes. Tout se paie. Et cette méthode comptable est conforme en tout point avec l'idéologie péquiste. Ils tentent de nous faire croire qu'il n'y aura aucun coût rattaché à l'indépendance. C'est totalement irresponsable. C'est un autre pelletage sur les générations futures. Ce gouvernement manque de transparence. Les dettes encourues doivent apparaître aux comptes publics et refléter la situation financière réelle du gouvernement.

(11 h 10)

On assiste à une multiplication de ces fonds pour acheter des routes, des véhicules, des ordinateurs, mais également pour camoufler les salaires de milliers de fonctionnaires, qui disparaissent des livres, car ils sont employés par cesdits fonds. Les comptes de dépenses de ces fonctionnaires, leurs frais de déplacement, les loyers, le mobilier, jusqu'aux crayons, tout ça disparaît des livres du gouvernement. Je dois admettre que cela est astucieux, mais nous savons tous, en cette Assemblée, qu'un jour ou l'autre nous devrons payer la facture et, plus grave encore, que ce seront nos enfants et nos petits-enfants qui feront les frais de ces aventures comptables.

Notre ministre des Finances se promène partout, M. le Président, en utilisant sa baguette magique et, pouf! un autre fonds. Est-ce l'imagination au pouvoir ou plutôt le pouvoir de l'imagination? La pensée magique n'a pas de place dans la conduite des opérations gouvernementales. Soyons sérieux. Je vois déjà le ministre des Finances, dans la prochaine campagne électorale, se péter les bretelles et affirmer qu'il est en bonne voie d'éliminer le déficit et qu'un Québec souverain partira sur la bonne voie.

Examinons d'un peu plus près ces prétentions. Le président du Conseil du trésor déposait une demande de crédits additionnels devant l'Assemblée nationale. Dans ces crédits, on lisait que la réduction des dépenses gouvernementales était de 0,6 % par rapport au dernier exercice financier. Malgré des coupures massives en santé et en éducation, malgré le transfert de portions importantes d'opérations gouvernementales, celui-ci n'a même pas réussi à restreindre son niveau de dépenses de 1 %. Il n'y a vraiment pas de quoi se péter les bretelles.

On vient d'apprendre que 35 000 employés de l'État vont bénéficier d'une mise à la retraite anticipée. C'est énorme, même colossal. Mais, à en croire le gouvernement, il n'y aura aucune conséquence pour le gouvernement, car il en résultera des économies faramineuses pour celui-ci. Eh bien, moi, comme bien d'autres citoyens et contribuables, je suis inquiet de cet état de fait. Je peux accepter, M. le Président, qu'à long terme on puisse bénéficier de certaines économies, mais je suis très méfiant face à un gouvernement qui a tendance à ne donner des faits qu'une facette, cachant celles moins agréables.

Ce projet de loi, bien inoffensif en soi, confirme insidieusement cette nouvelle tendance sur laquelle s'est engagé ce gouvernement cachottier: quatre petits articles qui vont permettre au gouvernement d'acheter ses camions, automobiles et autres véhicules sans qu'il ait à débourser un sou dans l'exercice courant. La question fondamentale reste la suivante: Paiera-t-on plus à cause de ce stratagème? La question est simple, mais la réponse est plus complexe. Le prix de revient, à toutes fins pratiques, est la même chose pour une automobile ou un camion, mais la discipline à laquelle chacun des ministères s'était astreint depuis quelques années s'effritera immanquablement. Avant, quand la réponse du Conseil du trésor ou des Finances arrivait qu'il fallait autofinancer ses investissements, chacun des ministères redoublait d'imagination pour effectuer ses investissements à même les budgets alloués en début d'année. Maintenant, si la demande se maintient, chacun des ministères se verra attribuer un fonds spécial où il mettra chacune de ses dépenses en capital.

Mais, M. le Président, il est bien évident que les biens achetés grâce à ces fonds devront un jour se payer, car c'est un peu ça, le drame. C'est bien beau, tous ces nouveaux investissements – dans le domaine routier, par exemple – mais, d'ici quelques années, les amortissements et le service de remboursement de la dette nous rattraperont, et on atteindra le niveau de dépenses des années antérieures et on ne pourra plus investir. Car c'est ça, le drame caché: une route payée 200 000 $ cette année ne coûte rien, selon les nouvelles conventions comptables; par contre, l'an prochain, si elle est amortie sur 10 ans, on paiera 20 000 $ plus l'intérêt sur le 200 000 $ initial, l'année subséquente également. Si le niveau d'investissement se maintient, nous serons étouffés d'ici cinq à 10 ans.

Si on ne payait que les travaux routiers, cela pourrait se justifier, mais nous devrons également comprendre dans ces coûts le salaire d'un nombre important de fonctionnaires ainsi que les frais connexes. Imaginez que l'on amortisse le salaire des fonctionnaires sur 10 ans, cela dépasse l'imagination. Poussée à l'absurde, cette méthode nous permettra de réduire rapidement notre déficit simplement parce que la dépense n'est pas inscrite aux livres ni l'emprunt que cet achat nécessite. C'est carrément un autre pelletage par en avant, et cette détérioration accrue de nos finances publiques rattrapera les contribuables, mais trop tard. Il faut mettre fin à cet abus des méthodes comptables et donner un compte rendu exact de la situation financière du gouvernement.

La situation économique du Canada est propice à la croissance. Profitons-en pour donner un coup dans nos dépenses publiques et les assainir afin que nous puissions affronter un cycle descendant avec une certaine sérénité, sinon nous nous retrouverons dans une situation périlleuse face à nos créanciers. La taille de l'État doit diminuer, chacun doit faire des efforts additionnels pour reprendre la maîtrise de nos finances publiques. Nous devons agir autant sur la colonne dépenses que sur la colonne revenus. On doit en finir avec les coupures sauvages, comme dans le domaine de la santé. On doit également en finir avec l'incertitude politique engendrée par le discours séparatiste de ce gouvernement.

Le Québec possède des ressources presque illimitées, une main-d'oeuvre hautement qualifiée. Les investisseurs recherchent un tel environnement, mais ils recherchent également la stabilité politique qui leur permettra de planifier à long terme un investissement, car, on ne doit pas se leurrer, ces investisseurs comparent avec les marchés concurrents et bien assurément le critère de stabilité politique demeure important et les rend d'une prudence extrême.

Mais revenons-en au projet de loi n° 159. A priori, ce projet de loi est à l'image du menu législatif de cette session: maigre et sans conséquence. En effet, le gouvernement – conformément au mot d'ordre du premier ministre et à la lumière des résultats des dernières élections partielles – a compris que la population en avait assez de ses improvisations et de ses incohérences, assez des coupures sauvages dans le domaine de la santé, de l'éducation et des services sociaux. D'ailleurs, le message fut on ne peut plus clair de la part du premier ministre: «Faites-vous oublier.» C'est la raison pour laquelle la réforme de l'aide sociale fut reportée. Quels autres projets de loi ont été retardés? Quelles surprises nous réserve le gouvernement, M. le Président?

Un projet de loi de quatre articles peut paraître anodin, mais il peut produire des effets assez dévastateurs, en particulier au niveau régional. Par exemple, on apprenait que le ministère des Transports envisageait d'offrir ses services aux autres ministères afin de mieux rentabiliser ses ateliers de réparation. Si j'ai bien compris, le ministère sera en compétition avec les entrepreneurs en région. Et qui nous dit qu'il n'aura pas tendance à sous-évaluer les coûts inhérents à une réparation? En effet, une entreprise gouvernementale n'a pas les mêmes objectifs ni les mêmes méthodes comptables qu'une entreprise privée, d'autant plus que le ministère projetterait de vendre de l'essence aux véhicules des autres ministères.

Tout ceci, M. le Président, est tout simplement un abus du système et voilà pourquoi nous devons nous opposer à ce projet de loi. On cache des dépenses et on nuit à l'économie des régions. Ces deux raisons, pour moi, sont amplement suffisantes pour s'opposer à ce projet. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bertrand. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Je vous remercie, M. le Président. À mon tour de prendre la parole dans le cadre du projet de loi n° 159, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports afin d'instituer le Fonds de gestion de l'équipement roulant.

(11 h 20)

M. le Président, on est de nouveau confronté avec cette fameuse promesse du premier ministre lorsqu'il disait: Eh bien, nous, on n'augmentera pas de taxes, on n'augmentera pas le fardeau fiscal des contribuables, on va surtout s'attaquer aux structures. Et je voulais également lier ce que l'ancien premier ministre disait. Lui, c'étaient des astuces qu'il fallait trouver à partir d'une nouvelle façon de gouverner. Eh bien, les deux ensemble, M. le Président, nous démontrent encore une fois dans un projet de loi – et ce n'est pas le premier qui passe à l'Assemblée nationale – qu'on est en train de changer à tout le moins la vérité.

On a comme objectif, de l'autre côté, un déficit zéro. M. le Président, c'est facile de dire: On va atteindre le déficit zéro, on est sur le point d'atteindre le déficit zéro, quand on a saupoudré tous les déficits ou les éléments qui composent le déficit soit dans les réseaux – le réseau de la santé, le réseau de l'éducation, les municipalités, les universités, les cégeps – soit dans des fonds spéciaux. Et, là-dessus, je pense qu'on peut souligner le témoignage du Vérificateur général qui dit: «Depuis quelques années, on assiste à la prolifération des fonds spéciaux dont les données financières sont soustraites aux états financiers actuels du fonds consolidé du revenu et du Fonds des services de santé. La publication d'états financiers consolidés permettrait d'éliminer cet effet.»

Alors, il mentionne: «Institués en 1996, le Fonds de consolidation et d'amélioration du réseau routier, le Fonds de gestion des départs assistés et divers fonds relatifs aux technologies de l'information sont des exemples concrets du problème qui se pose.» Si le Vérificateur général avait connu à l'avance le projet de loi n° 159, il l'aurait inclus à la page 25 de son rapport. «Les règles comptables que le gouvernement s'est données lui interdisent, notamment, d'inscrire par amortissement ou par tranches des dépenses de nature capitale qu'il devrait porter à ses livres dans l'année où il acquiert ses biens.»

Eh bien, M. le Président, on assiste à cette prolifération des fonds spéciaux. Pourquoi? Eh bien, c'est pour cacher le déficit réel que ce gouvernement est en train de bâtir pour cette année et aussi pour les années qui viennent, parce qu'il faudra que quelqu'un prenne cette facture, un jour ou l'autre.

Je voudrais rappeler que, lorsque le Parti québécois avait laissé le pouvoir, au début des années quatre-vingt, 1984, je pense, eh bien, il avait laissé des dettes dans les différents réseaux. Je rappelle, dans le secteur de la santé – un secteur que je connais un peu mieux – qu'il avait laissé une dette de 250 000 000 $ au niveau de tous les hôpitaux. C'était le Parti libéral et, à l'époque, Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui était la ministre de la Santé, qui était intervenue dans le cadre d'une opération qu'on avait appelée ou baptisée l'Opération blitz, pour injecter des fonds, parce que déjà le ministre des Finances d'alors, M. Parizeau, avait pris l'astuce de diminuer le déficit de la province et de le répartir dans ces différents réseaux et différents fonds.

De nouveau, M. le Président, c'est ce à quoi nous sommes confrontés ce matin par le projet de loi n° 159. Je voudrais souligner que, depuis un certain temps, il semble que la politique du gouvernement du Parti québécois consiste à créer ces fonds et à les multiplier. On commence de plus en plus aussi à s'apercevoir qu'il y a des éditorialistes qui manifestent, en tout cas, cette connaissance ou qui sont à déplorer, jusqu'à un certain point, cette forme d'astuce comptable. On pourra en parler plus longuement tantôt.

Pour bien démontrer ce qu'on dit, on peut citer les fonds spéciaux de conservation et d'amélioration du réseau routier mis en oeuvre par un décret en février 1997; les fonds de gestion des départs assistés, d'assistance financière pour les régions sinistrées; les fonds de lutte contre la pauvreté et la réinsertion sociale, et plusieurs autres également.

M. le Président, il y a des fonds qui peuvent avoir une certaine utilité. Habituellement, ce genre de décision va faire l'objet d'un consensus à l'Assemblée nationale. Mais, lorsqu'on prend la décision de créer des fonds pour répartir ou pour enlever ou pour diminuer le déficit du gouvernement, eh bien, tout cela ne tient qu'à l'astuce comptable. C'est pour ça que, nous, de l'opposition, nous décrions ces manoeuvres, M. le Président.

Il est évident que l'un des buts recherchés par le gouvernement vise à faciliter l'atteinte éventuelle de l'équilibre budgétaire du gouvernement, déficit zéro, en soulageant le budget du gouvernement des dépenses qui normalement auraient dû être effectuées dans l'année courante pour les reporter sur les années à venir et, dans certains cas – on y reviendra tantôt, M. le Président – sur des générations futures. Je pense au Fonds des départs assistés qui pourrait être amorti sur une période de 16 ans. Il faut le faire, M. le Président.

Ce faisant, on ne coupe pas vraiment les vraies dépenses. On les inscrit ailleurs, soit dans les fonds spéciaux. La seule façon de pouvoir faire des comparaisons valables d'une année à l'autre serait de consolider toutes les opérations du gouvernement, de telle façon que les états financiers reflètent la situation réelle. Là encore, M. le Président, le Vérificateur général nous recommande que les états financiers puissent être consolidés, c'est-à-dire qu'on inclue les réseaux, qu'on inclue les entités ou les fonds spéciaux. Et il mentionne, à la page 15, que le gouvernement du Québec est le seul gouvernement au Canada à ne pas présenter d'états financiers consolidés.

M. le Président, je me souviens d'avoir questionné le ministre des Finances, qui, lui, disait: Bien, ça c'est toujours fait comme ça; sous les anciens gouvernements, c'était la même chose. J'ai une précision à apporter. C'est qu'au moment où c'était fait sous les anciens gouvernements les réseaux, les hôpitaux et les écoles, n'étaient pas de façon générale en déficit, et il faut vraiment connaître et savoir ce qui se passait à l'époque. Alors, depuis l'arrivée de ce gouvernement, comme il l'avait fait sous le régime précédent, eh bien, on a endetté les réseaux pour diminuer la portion du déficit. Je pense que cette manoeuvre doit être décriée. Et ce n'est pas seulement les députés de l'opposition qui le font maintenant, mais je pense que c'est de plus en plus compris par la population.

Le premier exemple, le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier. Les textes des budgets des années 1996-1997 et 1997-1998 réfèrent continuellement aux coûts des investissements sur le réseau routier et aux frais d'administration qu'on entend capitaliser et amortir sur une période d'années à compter d'avril 1996. Le mot «investissement» est employé dans un sens très large, puisqu'il comprend la conservation des chaussées, la conservation des structures, l'amélioration du réseau et le développement du réseau, et les périodes d'amortissement varient selon le genre d'intervention.

L'investissement total pour l'année 1996-1997 était de 360 000 000 $, dont à peine une quarantaine de millions furent réellement imputés au budget des dépenses 1996-1997. Pour l'année 1997-1998, l'année en cours, le montant des dépenses fut porté à 515 000 000 $, et on prévoit 574 000 000 $ pour l'an prochain. En somme, M. le Président, ce sont des argents qui auparavant étaient inscrits dans les dépenses du gouvernement, qui maintenant sont sortis du bilan du gouvernement, qui ne sont plus inscrits dans le bilan du gouvernement, et c'est de ça qu'on parle, d'une manoeuvre comptable. Pourquoi? Toujours pour démontrer l'objectif de ce gouvernement, le déficit zéro. Je pense qu'on s'aperçoit de plus en plus que c'est complètement faux.

D'autres fonds, celui des départs assistés. Eh bien, par les différentes mesures prises par le gouvernement, il a reporté sur une période maximale de 16 années les dépenses, totalisant près de 2 400 000 000 $, effectuées pour faciliter les nombreux départs. Habituellement, lorsqu'on voit ce genre d'entreprise dans le secteur privé où on s'aperçoit qu'il y a des abolitions de postes, eh bien, les dépenses sont de façon générale soit comptabilisées immédiatement dans l'année ou encore sur de très courtes périodes, ne dépassant sûrement pas cinq années.

Le gouvernement du Québec, lui, a choisi de le faire sur 16 ans. Essayons de penser combien de ces gens auraient pris leur retraite durant le prochain 16 ans. Essayons de penser combien va coûter toute cette opération au gouvernement. On avait prévu 15 000 départs, M. le Président, on est rendu à 35 000. Il n'y a pas un petit problème de planification quelque part quand on prévoit un programme qui devrait bénéficier à 15 000 fonctionnaires... Eh bien, il y en a 35 000 qui s'en prévalent, et ce n'est pas fini. On peut avoir d'autres totaux qui devraient être signifiés bientôt. Eh bien, je pense que là encore il y a des difficultés, et toutes ces dépenses qui sont faites pour mettre à la retraite plusieurs fonctionnaires ne sont pas comptabilisées dans les dépenses du gouvernement.

On parle aujourd'hui du Fonds de gestion de l'équipement routier. Alors, il est à noter que jusqu'à maintenant le gouvernement payait toujours comptant l'achat des équipements routiers, les automobiles, les camions. À partir de maintenant, il semble que ces dépenses seront capitalisées et amorties pour une période de cinq ans, ce qui réduira d'autant les dépenses gouvernementales pour l'achat de ces véhicules. Alors, là aussi, ce qui était payé comptant auparavant avec le gouvernement péquiste, ça n'apparaît plus dans le budget. On le cache dans un fonds qui n'est pas comptabilisé, et c'est ça, l'autre façon de faire de la comptabilité, M. le Président.

(11 h 30)

Un autre bel exemple – et plus on avance dans le thème de ce gouvernement, plus on s'aperçoit des astuces – le déficit de 575 000 000 $ dans la santé. On se souviendra que, il y a quelques semaines, le ministre de la Santé annonçait que le gouvernement prendrait à sa charge une grande partie du déficit des hôpitaux. Dans ce cas, il semble que la somme ainsi financée apparaîtrait comme une note aux états financiers du gouvernement et serait remboursée sur une période d'années. Il s'agit d'une autre façon de déférer à plus tard la comptabilisation des dépenses réellement effectuées au cours de l'année courante et non inscrites aux états financiers du gouvernement.

M. le Président, au moment où le ministre de la Santé et le premier ministre annonçaient la fin des compressions dans la santé, au même moment – puis je pense qu'on peut signifier vraiment ce qui était dit dans les journaux à ce moment-là: Fin des compressions – eh bien, au même moment, on trouvait une astuce comptable, on créait un fonds qui permettrait aux établissements de ne plus accumuler des déficits astronomiques en finançant dans un fonds spécial les dépenses du gouvernement. Alors, on a un autre exemple, ici, d'un gouvernement qui cherche à jouer de l'astuce plutôt qu'à prendre ses responsabilités, plutôt qu'à regarder en face la situation comme elle est. Pourquoi est-ce que le gouvernement est obligé d'agir de cette façon, M. le Président? Eh bien, c'est en grande partie dû à l'appauvrissement général des Québécois depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir. Ces gens-là, les gens d'en face, le gouvernement, n'ont qu'une obsession, et on la connaît, c'est toujours «la cause» et c'est ça qui est important. Alors, on va essayer de trouver toutes les astuces nécessaires pour arriver aux objectifs.

Cependant, M. le Président, de plus en plus, la population n'est pas dupe, et j'aimerais citer quelques-uns des articles qui ont fait les manchettes dans les journaux d'affaires. Je voudrais d'abord parler de M. Jean-Paul Gagné, qui est un éditorialiste émérite et qui mentionne en avril dernier, au moment de la publication du budget: «La dette réelle du gouvernement est beaucoup plus élevée que le chiffre publié dans les budgets présentés annuellement par le ministre des Finances.» On sait que le ministre des Finances nous disait que la dette était de 77 900 000 000 $, la dette globale du Québec, la dette totale du gouvernement, selon M. Gagné, s'élève plutôt à 115 000 000 000 $. La raison de cet écart vient du fait que le gouvernement a de plus en plus de dettes extraordinaires – et, ce matin, nous assistons à la création d'un autre fonds, une autre façon d'avoir des dettes extraordinaires – qui n'apparaissent pas dans les opérations budgétaires du gouvernement.

L'intérêt de l'exercice auquel M. Jean-Paul Gagné s'est livré, il soulignait que «certains réseaux font de plus en plus de déficits et qu'une partie de ces déficits se retrouvent dans les dettes de réseaux et qu'elles ne sont pas consolidées avec celles du gouvernement», ce qui n'arrivait pas, M. le Président, sous l'ancien gouvernement. Les réseaux n'étaient pas endettés. On réussissait à faire des équilibres, que ce soit en santé, dans l'éducation ou encore dans les municipalités. Il mentionne, et je le laisse à votre jugement: «De plus, le gouvernement recourt de plus en plus à des fonds et des stratagèmes pour que ses emprunts ne se retrouvent pas dans sa propre dette.» Et là on donne plusieurs exemples d'endettement: la santé, à l'époque, c'était 175 000 000 $, mais on sait maintenant que c'est près de 500 000 000 $; les universités, au 31 mai dernier, 180 000 000 $; et ainsi de suite. Il parle des fonds. M. le Président, je pense que ça devient de plus en plus inquiétant, ces manoeuvres comptables.

Mme Hélène Baril du Soleil , le samedi 13 septembre. C'est un peu plus récent et c'était dans le dossier des départs effectués dans la fonction publique, Partez maintenant et payons plus tard . Alors, 2 400 000 000 $ pour obtenir le départ. À ce moment-là, c'était 30 000 employés. On sait, maintenant, que c'est rendu à 35 000, donc la facture continue de grimper, soit quelque 80 000 $ par personne. Comment plonger dans une lutte à finir contre le déficit? Comment le gouvernement peut-il allonger une telle somme? C'est simple, en ne déboursant pas un sou. Alors, le régime de retraite des employés de l'État a ceci de particulier qu'il ne reçoit que les cotisations des employés. La contribution du gouvernement employeur est virtuelle, puisqu'elle se limite à des inscriptions comptables, et la contribution des syndiqués de 800 000 000 $ a donc ramené la facture à 1 600 000 000 $. Et, au Conseil du trésor, on explique que le paiement du gouvernement va se traduire par des déficiences au régime de retraite. Mais, en clair, ça veut dire qu'il y a de nouvelles inscriptions comptables au RREGOP. Plutôt que de s'acquitter tout de suite de cette dette et de faire grimper le déficit d'autant, le gouvernement décide de l'échelonner sur 16 ans. De cette façon, il ne débourse que les sommes dues dans l'année, soit 197 000 000 $ selon le Conseil du trésor. Voilà comment le gouvernement peut s'endetter de 1 600 000 000 $ supplémentaires et dire, de l'autre côté, qu'il poursuit la lutte au déficit.

Je me suis amusé aussi en faisant la revue des éditorialistes du côté des affaires. Je pense à M. Yves Séguin qui, lui, a pris la parole dernièrement devant le congrès des pharmaciens et qui disait que l'économie que le gouvernement a faite dans la santé a tout simplement été dépensée ailleurs. Plutôt que de réduire ses dépenses, il a puisé davantage dans les poches du contribuable. Solution de facilité, pour un gouvernement, de couper la santé et l'éducation plutôt que de scruter à la loupe dans ses autres ministères. Je vous rappelle qu'au moment de l'étude des crédits budgétaires, eh bien, dans le cahier du président du Conseil du trésor, on indique bien que les dépenses du gouvernement ont été réduites de 0,6 %, c'est-à-dire d'à peu près 250 000 000 $ sur un budget de 40 500 000 000 $.

M. Séguin parle davantage. Il donne des exemples des coûts de la santé per capita. Alors, il mentionne que c'est beaucoup plus bas ici que dans les autres pays d'Europe ou d'Amérique du Nord. Le ministre de la Santé dit toujours qu'on a trop d'infirmières; nous en avons en moyenne un peu plus de 11 par 1 000 personnes comparativement à près de 12 en Ontario, à 13 au Canada. Aucune dérive. Trop de médecins? On en a 100 de plus au Québec, comparé au reste du Canada. Je pense que c'est quelque chose qui est quand même acceptable en termes de statistiques. Trop de lits? Nous sommes beaucoup plus bas que la moyenne. Notre durée d'hospitalisation? La plus basse, avec 7,8 jours en moyenne. Où il est, le problème, M. le Président? Quand vous fermez des lits par économie, ça se répercute sur les listes d'attente. C'était l'intervention de M. Séguin qui terminait en disant: On investit 100 000 000 $ pour la Bibliothèque nationale à Montréal alors que la région de Montréal a été coupée de 127 000 000 $. Et mon collègue le député de Jacques-Cartier mentionnait tantôt que, pour le gouvernement, c'était plus important d'investir 60 000 000 $ à Blue Bonnets que de regarder vraiment si les fermetures d'hôpitaux étaient nécessaires.

M. le Président, on peut continuer. Quand on fait la liste des dépenses qui ont été faites, et toujours selon les documents du Conseil du trésor, on aperçoit des coupures de 556 000 000 $ en éducation, de 427 000 000 $ dans la santé, ce qui a été annoncé au début de l'année puis ce qui a été augmenté, on le sait. Mais ce qu'on ne dit pas suffisamment, c'est les augmentations: au Conseil du trésor, 398 000 000 $; et au Revenu, le ministère du Revenu, 133 000 000 $. Pour quoi? Pour engager d'autres polices. Il n'y a pas seulement les polices de la langue, il y a les polices du ministère du Revenu. Alors, on a besoin d'argent pour faire ces augmentations au niveau de certains fonctionnaires, des augmentations au niveau d'exemples comme celui de Blue Bonnets.

M. le Président, il ne me reste que très peu de temps. J'aimerais, en terminant, quand même souligner qu'il y a un message d'espoir, et le message d'espoir, c'est l'alternative qui va se présenter bientôt à la population du Québec où, au lieu de se lever tous les matins en se demandant de quelle façon on va améliorer la cause, de quelle façon on va être capable de duper les Québécois sur une question, eh bien, nous, de cette alternative, nous allons nous questionner et demander de quelle façon on peut augmenter la richesse collective des Québécois, de quelle façon on va pouvoir donner un support à tous ceux qui en ont besoin dans notre société. Vous pouvez être certain – et je pense que les indications vont dans ce sens-là – que le message devrait être bien reçu, bien compris. Nous avons à continuer à travailler sur ce message pour qu'il soit très clair auprès de la population.

M. le Président, je termine en disant que, sous un gouvernement libéral, les astuces comptables, je pense que ça sera seulement pour le Parti québécois et non pas pour un nouveau gouvernement. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais céder la parole à M. le député de Masson. M. le député.


M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Mon intervention n'était pas prévue, mais, à trop en entendre, on se lève pour parler. On nous dit, de l'autre côté, que nous n'avons qu'une seule obsession, c'est l'obsession de la souveraineté. C'est vrai que nous l'avons. Je préfère cette obsession...

M. Chagnon: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi, M. le député de Masson. Sur une question de règlement, M. le député de Westmount–Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le Président, nous adorons quand le député de Masson prend la parole dans cette Assemblée. Est-ce que nous avons quorum?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, nous avons...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Ah! excusez. S'il y a une commission qui vient de se terminer, là, le quorum augmente un tout petit peu. Alors, je devrai rapidement vérifier, sinon, bien, on pourra appeler.

Il nous manque quelques députés pour avoir quorum, alors je vous demanderais de sonner, s'il vous plaît.

(11 h 40 – 11 h 42)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons reprendre nos travaux. Je vais recéder la parole à M. le député de Masson. M. le député.

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je remercie beaucoup le député d'avoir demandé le quorum. Il y a beaucoup de députés de l'opposition qui se sont rendus en Chambre pour m'écouter, et ça m'est tellement agréable qu'ils m'écoutent.

On nous dit, de l'autre côté, que nous avons l'obsession de la souveraineté. C'est le plus beau compliment que vous puissiez nous faire. Tout peuple se doit de penser à avoir les pleins pouvoirs. Si vous trouvez que c'est une bêtise que vous nous dites, vous vous trompez. C'est la plus belle chose que vous puissiez nous dire. J'aime mieux avoir cette qualité de l'obsession de la souveraineté que d'avoir cette tendance au rapetissage, à la soumission, à la petitesse continuelle que l'on sert: Québec n'est pas capable. Québec n'est pas capable et son gouvernement est impotent. Je déteste cette façon de parler, je la trouve excessivement négative.

M. le Président, le prétexte que l'on a de cette loi, c'est de parler d'un petit 71 000 000 $ qu'on va répartir sur cinq ans pour la flotte et dire qu'à cause de ça notre déficit zéro de 1999-2000 ne vaut rien. Et on prend d'autres exemples pour nous dire: Ça ne vaut rien. C'est très difficile de déprécier une chose tout en disant qu'on l'approuve. De l'autre côté, on nous dit: Nous sommes pour un déficit zéro. Et ils disent même, c'est eux qui se piquent d'avoir donné cette idée au gouvernement. Ils ont été très longtemps au pouvoir, eux, jamais ils n'ont passé une loi pour le déficit zéro et jamais ils n'ont donné une tendance à vouloir l'obtenir, tandis que, dans l'ensemble du Canada, il n'y a que le Québec et l'Ontario qui n'ont pas obtenu le déficit zéro dans la dernière décennie. C'est presque honteux, cette façon de gérer le gouvernement comme ils l'ont fait pendant qu'ils ont été là.

En arrivant, nous avons pris un déficit de 5 700 000 000 $. Nous avons décidé de le mettre à 3 900 000 000 $, 3 200 000 000 $, 2 200 000 000 $, 1 200 000 000 $ et zéro. Nous tenons parole et nous y allons. Vu que nous avons nos pantalons, de ce côté-ci – et ce n'est pas sexiste, c'est une expression généralisée – eh bien, on est jaloux, de l'autre côté, et on va essayer de nous rapetisser encore. Ce sont leurs tendances.

M. le Président, sous le prétexte d'une petite loi qui a 71 000 000 $ pour la flotte, répartis sur cinq ans, bien là on brandit tous les épouvantails pour montrer qu'on va manquer notre coup et on dit que, dans le temps où nous étions au pouvoir, il y avait des fonds cachés. Bien, si vous connaissez les fonds, je me demande comment vous pouvez les qualifier de cachés. Si on les connaît, comment peuvent-ils, ces fonds, être cachés tout en existant?

Le pire de tout, on parlait du fonds de 250 000 000 $, qui était supposé être caché, pour la création d'emplois, la taxe volontaire que le Sommet a dit que tous les patrons voulaient payer. Celle-là, ils n'en parlent plus depuis deux jours. Bon! Mais j'ai entendu encore ce matin le 800 000 000 $ de la caisse de retraite, le fonds de 800 000 000 $ de la caisse de retraite. M. le Président, c'est la plus belle entente financière qui s'est faite depuis des générations et des générations dans ce Parlement. Pour 800 000 000 $ qu'on étale sur cinq ou sept ans – je pense que c'est cinq ou sept ans, et, si c'est 10, tant mieux – eh bien, nous sauvons – et je sais que le député de Westmount–Saint-Louis est bien au courant, puis il sait que c'est une très belle entente – 1 400 000 000 $ par année. Est-ce que cet investissement-là n'en vaut pas la peine? Il y a tout de même des limites à décrier les gestes qui se posent! Tout en donnant une chance à la jeunesse de prendre les places de ceux qui ont pris une retraite prématurée, la plus grande entrée de nouveaux employés à l'État depuis des générations, ça a en même temps un bénéfice sur le budget du gouvernement et sur son déficit de façon excessivement positive. On le décrie, de l'autre bord, ce fonds, et on nous dit qu'on cache des choses. Un fonds qui est là et dont ils parlent ne peut être caché.

Cependant, on se rappelle, nous autres, notre déficit. M. le Président, on l'énonce et on y arrive. Qu'est-ce qu'il y a de plus caché qu'un déficit qu'on annonce et, quand on arrive à la fin de cette opération-là, on l'a dépassé de 700 000 000 $, 800 000 000 $, 1 000 000 000 $, etc.? Là, on cache des choses ou on est très mauvais ministre des Finances. Pendant le temps où ils ont été au pouvoir... Prenons de 1990 à 1995 seulement, ce sont les années les plus mémorables, les dernières, et je tiens à dire, en chapeau de ce petit exposé de leur budget: En plus d'avoir siphonné 2 000 000 000 $ à la caisse d'assurance automobile, ils ont fait des déficits sans précédent chaque année, et là on peut le dire, en cachant le déficit réel lorsqu'ils faisaient le discours du budget. Là c'était caché, on ne pouvait pas le voir. On l'a vu à la fin de chaque exercice. Ça, ce sont des cachettes.

En 1990-1991, M. le Président, de noble mémoire, le député de Saint-Louis le sait, il siégeait en cette Chambre, il y siège toujours, j'en suis fort aise parce que c'est un excellent député, eh bien, son ministre des Finances de l'époque – je ne veux pas endommager la mémoire de qui que ce soit – prévoit un déficit de 1 750 000 000 $. Un gouvernement qui parle et qui annonce par la bouche de son ministre... C'est un «orifice à sons» crédible, un ministre des Finances. Chaque gouvernement sait avoir le ministre des Finances le plus crédible qu'on puisse avoir. Ils annoncent 1 750 000 000 $, et, au mois de mars qui a suivi, le déficit est de 2 842 000 000 $. L'erreur est presque aussi grosse que le déficit prévu, elle est de 62,4 %, 1 092 000 000 $, et ça, c'est 1990-1991. Et on entend l'ancien ministre, qui a pris la porte, d'ailleurs, aux dernières élections, mais qui est toujours en Chambre, nous dire que la dernière année qu'ils ont été là – parce qu'on a pris le pouvoir juste au milieu, à peu près, de l'année en cours – nous avons falsifié les chiffres de la dernière année.

(11 h 50)

Bien, M. le Président, oublions-la, la dernière année. Disons qu'on peut avoir fait des... Je suis certain qu'on n'en a pas fait, mais disons... Laissons-la tomber, celle-là. Ils ont peut-être raison sur celle-là parce qu'ils ne sont plus là. Ils ont dit: C'est nous autres qui avons... Mais, les quatre, cinq années avant, là, il a certainement eu tort, le Parti «liberal federal abnormal», il a certainement eu tort. En 1990-1991, 1 092 000 000 $. Ce n'est pas nous qui avons tripoté le résultat, là, on n'était pas là. On était dans l'opposition puis on vous regardait tout ébahis: Aïe, dis-moi pas qu'ils vont avoir un déficit de 1 750 000 000 $. Bravo! C'est 2 842 000 000 $. Y «avaient-u» caché des choses, M. le Président? Ce n'était pas un fonds connu, ce 1 092 000 000 $ là, c'était un fonds inconnu. Ça, c'était caché, mais ça paraissait bien à l'élection qui venait, tu sais. Ça paraissait bien. «C'est-u» beau de vous voir aller! Puis c'est nous autres dont vous dites qu'on cache des choses. Quelle belle cachette que quelque chose qui est sur la table, hein? Mais votre budget de 1990-1991, ça, c'était caché.

L'autre année, ils se sont repris, ils ont dit: Bien, là, écoute, on s'est trompé, il faut absolument qu'on arrive. Le budget 1991-1992, ils ont dit: Là, c'est 3 480 000 000 $ de déficit qu'on va faire. Nous sommes un parti transparent. Nous ne cachons jamais rien. Notre ministre des Finances est excessivement compétent. Voici le déficit que nous allons faire.

Une voix: Acceptable.

M. Blais: Pas tout de suite. Ça va venir, l'acceptable. Alors, l'année s'écoule, puis on n'a pas pris le pouvoir durant cette année-là. Vous étiez toujours là. Vous avez le contrôle de tout, là. Le déficit arrive à 4 202 000 000 $, 722 000 000 $ de plus. Qu'est-ce qui est arrivé? Puis vous siphonniez de l'argent à l'assurance automobile tout le temps, là. Les plus grands «siphonneux» du monde, ils sont de l'autre bord.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Ça, ça a siphonné. 2 000 000 000 $ – 2 000 000 000 $. On n'était pas là. Ce 522 000 000 $ là, il était caché quand vous avez déclaré votre budget. On a dit: Ils vont se reprendre, deux années de suite, comme ça, qu'ils se trompent; il y a une élection qui s'en vient bientôt, ils vont essayer de mettre des bons chiffres.

Et 1992-1993, le moment solennel de l'année arrive. Le ministre du budget se lève en cette Chambre. Tout le monde a des souliers neufs. Tout le monde, bien installé. Nous allons entendre quelque chose de mémorable, d'officiel et de solennel et, de sa voix haute et tonitruante, le ministre nous dit: M. le Président et vous, membres de l'Assemblée nationale, nous sommes un parti au pouvoir. Nous sommes du Parti «liberal». Parti «liberal». Donc, quand nous parlons dans cette Chambre, par le ministre des Finances, c'est la voix de la transparence et de la vérité. Malgré que ça faisait plusieurs années que j'étais dans cette Chambre, M. le Président, je le croyais, puis ils ne peuvent pas faire trois de file, trois années de suite des vraies cachettes. Bien je me trompais parce qu'il y en avait encore une. Au lieu d'être 3 990 000 000 $, c'était 4 932 000 000 $. 1 142 000 000 $ de cachettes, des vraies cachettes, des vraies, pas des fonds qu'on met sur la table, que vous voyez et vous dites: Ils les cachent. Des vraies cachettes, par l'«orifice à sons» officielle du gouvernement de l'époque, 1 142 000 000 $. Bien là, il s'en vient une élection bientôt, là, 1993-1994, j'ai dit: Il y a un autre budget qui arrive, alors c'est certainement qu'ils vont être capables d'avoir un élan de sincérité réelle et non pas une apparence fictive, une tragédie chiffrée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Bien, non! Alors, je m'assieds encore – j'étais de l'autre côté, à l'époque – je regardais ça, ce moment très important de la vie d'un parlementaire, c'est le budget. Qu'est-ce qu'un budget? C'est l'expression chiffrée d'une politique du gouvernement en place. Solennel. Alors, je m'assieds comme tout simple député et je regarde ce grand homme se lever, 1993-1994: Messieurs, mesdames de ce Parlement démocratiquement élu, par la voix de votre ministre libéral des Finances, je vous annonce que cette année, 1993-1994, nous aurons un déficit de 4 145 000 000 $. Nous avons tout fait pour que ça soit clair et limpide.

Je trouve ça beau encore une fois, mais on se fait prendre, année après année. On se fait prendre. J'ai dit: Il augmente tellement encore son déficit pendant que toutes les autres provinces coupent leurs dépenses et s'en viennent vers un déficit zéro. Il y en avait qui l'avaient déjà atteint en 1993-1994, et c'était supposé d'être Québec inc. qui était au pouvoir, Québec inc. J'ai dit: Attends un peu, là, par Saint-Louis, où allais-je?

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Alors, je regarde à la fin de l'année, M. le Président. Où en sommes-nous rendus? Et là je surveillais de très près. Je m'étais fait avoir trois ans de suite. M. le Président, oh! désolation, oh! désespoir, la même affaire se reproduit. Au lieu d'avoir 4 145 000 000 $: 4 894 000 000 $ de déficit. 749 000 000 $ encore de cachés, cachés vraiment. Cachés vraiment! Je me suis dit: Une personne, dans sa vie, peut commettre une erreur. On l'avise. Alors, en 1990-1991, on a dit au ministre des Finances: Écoutez, vous vous être trompé, c'est énorme, ne nous faites pas la... Il le fait trois, quatre ans de file encore. Mais, après quatre, cinq ans, qu'on se trompe à ce point-là! Sur cinq ans, vous vous êtes trompés de 5 161 000 000 $ et vous venez faire vos vierges offensées sur un 71 000 000 $ qu'on voudrait répartir sur cinq ans. Où sont vos pneus? Mettez des freins à ça!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Vous n'êtes pas crédibles, là, encore moins que vous l'étiez quand vous nous annonçassiez des budgets qui étaient sensés arriver. Ça avait l'air très alléchant, mais ce que vous alléchiez aujourd'hui serait moins surprenant. C'est aujourd'hui qu'il faut qu'on soit alléchant.

Alors, la dernière année, je n'ose pas en parler parce qu'ils disent qu'on est arrivés au pouvoir pendant ce temps-là. Donc, ils se sont trompés de 1 200 000 000 $, mais ils disent qu'on n'est pas crédibles, que c'est nous qui avons tripoté les chiffres. Bien, si on les a tripotés la dernière année, c'est faux, là. On ne les a pas plus tripotés que vous les aviez tripotés quatre, cinq années avant. On a pris vos faux budgets puis on a donné le vrai résultat, comme vous aviez fait les cinq ans d'avant. Alors, allumez votre lampion du pardon et arrêtez de faire les éteignoirs comme vous le faites ici, parce que c'est ce côté-ci qui est l'espoir, de ce côté-ci qu'on va le donner à notre jeunesse par le déficit zéro.

Sur 80 000 000 000 $, il y a 37 000 000 000 $ pour l'épicerie. C'est terminé avec nous. Enfin, un gouvernement en place qui se tient, qui donne l'exemple qu'il faut qu'on donne! Et, à jouer aux vierges offensées comme vous le faites, j'ai l'impression que vous ne serez pas immaculés dans l'autre monde. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Masson. Alors, il est l'heure de suspendre les travaux. Nous allons suspendre jusqu'à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 11 h 59)

(Reprise à 14 h 2)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Nous débutons par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Projets de loi d'intérêt privé, M. le Président, l'article b.


Projet de loi n° 261

Le Président: À l'article b du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi n° 261, Loi concernant la Ville de Shawinigan. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé, et je dépose donc ce rapport. M. le député de Champlain présente le projet de loi d'intérêt privé n° 261, Loi concernant la Ville de Shawinigan.


Mise aux voix

L'Assemblée accepte-t-elle d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'aménagement du territoire

M. Jolivet: Je fais donc motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement du territoire et pour que le ministre des Affaires municipales en soit membre.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.


Dépôt de documents

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement. Ça va? Alors, dépôt de documents. Mme la ministre de l'Éducation.


Rapports annuels de la Commission consultative de l'enseignement privé, de la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, de l'Université Laval et du Conseil supérieur de l'éducation, ainsi que son rapport annuel sur l'état et les besoins de l'éducation

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1996-1997 suivants: la Commission consultative de l'enseignement privé, la Commission d'évaluation de l'enseignement collégial, le Conseil supérieur de l'éducation et son rapport sur l'état et les besoins de l'éducation, et l'Université Laval, en deux volumes.

Le Président: Ces documents sont déposés. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Rapport annuel du Conseil médical du Québec, ajout au rapport de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Mauricie–Bois-Francs et rapports sur l'application de la procédure d'examen des plaintes des régies régionales de la santé et des services sociaux de Lanaudière et du Saguenay–Lac-Saint-Jean

M. Rochon: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1996-1997 suivants: le Conseil médical du Québec, un ajout au rapport de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de la Mauricie–Bois-Francs, les rapports d'examen des plaintes des régies régionales de la santé et des services sociaux de Lanaudière et du Saguenay–Lac-Saint-Jean.


Rapport annuel de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière

Finalement, je dépose le rapport de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales pour examen

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée, tel que je m'en suis entendu avec le leader de l'opposition, afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 392 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux, le rapport annuel 1996-1997 de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Lanaudière soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude et que le ministre de la Santé et des Services sociaux soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Très bien. Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le ministre délégué à l'Industrie et au Commerce.


Rapport annuel de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1996-1997 de la Société du parc industriel et portuaire de Bécancour.


Préavis d'une motion des députés de l'opposition

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.

En ce qui me concerne, j'ai reçu dans les délais prescrits préavis d'une motion qui sera inscrite dans le feuilleton de demain, aux affaires inscrites par les députés de l'opposition, conformément à l'article 97.1 du règlement. Je dépose copie du texte de ce préavis.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions. M. le Président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Audition de la sous-ministre du Revenu conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget de l'administration, maintenant dénommée la commission des finances publiques, qui a siégé le 5 mars 1997 – on est en retard un peu, hein – afin de procéder à l'audition de la sous-ministre du Revenu en vertu de l'article 8 de la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Le Président: Alors, ce rapport de la commission des finances publiques est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Rousseau.


Maintenir le volume d'abattage à l'abattoir de Saint-Esprit

M. Brien: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 147 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Rousseau:

«Considérant que nous sommes tous des travailleurs de Viandes Ultra ou de Excelham dans l'usine de l'abattoir de porcs de Saint-Esprit;

«Considérant que cela fait à peine quelques mois que nous sommes dans cet emploi et que nous désirons poursuivre cette nouvelle carrière;

«Considérant qu'il était très difficile pour nous de trouver un emploi avant de travailler à Saint-Esprit;

«Considérant que nous sommes pour la plupart des jeunes âgés de moins de 30 ans et résidant dans la région de Lanaudière;

«Considérant que notre employeur a engagé une somme de plus de 10 000 000 $, sans subvention gouvernementale, pour rénover l'usine;

«Considérant que, malgré une décision arbitrale de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec rendue en août 1996 et confirmée en janvier 1997, la Fédération des producteurs de porcs du Québec s'entête à mettre en péril nos emplois en voulant réduire le volume d'abattage attribué à l'abattoir de Saint-Esprit;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale du Québec qu'elle fasse pression sur les parties en cause dans ce dossier et particulièrement la Fédération des producteurs de porcs du Québec, affiliée à l'UPA, pour que soient protégés nos emplois.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. Mme la députée de Prévost.

Mme Papineau: M. le Président, je demande l'autorisation aux membres de cette Assemblée pour présenter une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement, Mme la députée.


S'assurer que la réforme du régime d'aide sociale respecte les valeurs démocratiques

Mme Papineau: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 165 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Labelle.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement a aboli le barème de disponibilité de même que le barème de participation;

«Considérant que le gouvernement a augmenté la coupure pour refus ou abandon d'emploi ou refus de se conformer aux directives de l'agent;

«Considérant que le gouvernement a comptabilisé la totalité des avoirs liquides lors de l'entrée à l'aide sociale;

«Considérant que le gouvernement a coupé les soins dentaires et optométriques et instauré l'assurance-médicaments;

«Considérant que le gouvernement a retiré le crédit d'impôt foncier et qu'il a imposé les prestations d'aide sociale;

«Considérant que le gouvernement a retiré le barème de non-disponibilité aux mères ayant un enfant de cinq ans;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Que toute personne ait droit à un revenu décent qui permet de vivre dans la dignité;

«Que toute personne ait droit de participer à la société de façon pleine et entière, que ce soit par l'emploi ou autrement;

«Que l'État soit responsable d'assurer une réelle distribution de la richesse et une véritable création d'emplois de qualité;

«Que le régime d'aide sociale puisse reposer sur des valeurs démocratiques et, dans cette perspective, il doit notamment favoriser l'autonomie des personnes et combattre toute forme de discrimination;

(14 h 10)

«Qu'il ne doit y avoir aucune obligation de participer à des mesures d'insertion afin de toucher des prestations d'aide sociale (workfare);

«Que le régime d'aide sociale puisse être démocratisé en reconnaissant l'expertise des personnes elles-mêmes en mettant en place des mécanismes de recours à tous les niveaux.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. Mme la députée de Beauce-Sud.

Mme Leblanc: M. le Président, je demande le consentement de la Chambre pour déposer une pétition non conforme.

Le Président: Il y a consentement, Mme la députée.


Reformuler l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'instruction publique

Mme Leblanc: Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 594 pétitionnaires du comté de Beauce-Sud.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Parce que l'avant-projet de loi modifiant la Loi sur l'instruction publique confirme l'abandon des responsabilités de l'État en éducation;

«Parce que, en permettant la prolifération d'écoles sélectives, il compromet la fréquentation par tous les jeunes de l'école de village ou de quartier;

«Parce qu'il favorise la privatisation et la sous-traitance des services éducatifs, provoquant ainsi des pertes d'emplois particulièrement chez le personnel professionnel et de soutien;

«Parce qu'il attaque l'autonomie professionnelle du personnel et les conventions collectives;

«Parce qu'il permet de déroger au programme d'études national, menaçant ainsi la formation équivalente de tous les jeunes;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous demandons à la ministre de l'Éducation de mettre de côté ce mauvais brouillon et de reprendre l'exercice de réforme de la Loi sur l'instruction publique avec l'objectif de la modifier partout où elle fait obstacle à l'égalité des chances ainsi qu'à l'école commune laïque et gratuite.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est également déposée. M. le député de LaFontaine, maintenant.

M. Gobé: M. le Président, je sollicite le consentement de cette Chambre pour déposer une pétition non conforme de 12 000 pétitionnaires.

Le Président: Alors, il y a consentement, M. le député.


Éviter d'augmenter les taxes municipales et scolaires pour atteindre l'objectif du déficit zéro

M. Gobé: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition au premier ministre, M. Lucien Bouchard, par 12 135 pétitionnaires de Rivière-des-Prairies et de Montréal.

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, résidents du quartier Rivière-des-Prairies et de Montréal, demandons à l'Assemblée nationale de faire appel au bon sens du premier ministre, M. Lucien Bouchard, et d'arrêter de vouloir à tout prix atteindre son objectif "déficit zéro" au prix de vouloir étouffer les citoyens en augmentant de façon suicidaire les taxes scolaires – 45 % – ainsi que les taxes municipales.

«Nous sommes, par ailleurs, convaincus que vous pouvez trouver d'autres sources de financement, pour commencer en coupant les dépenses du gouvernement.»

Je certifie cette pétition comme conforme à ce que je viens de lire, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.


Questions et réponses orales

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège, ce qui nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition, en principale.


Équilibre des finances publiques

M. Johnson: Alors, je suis sûr que, pendant son voyage dont il revient maintenant, le premier ministre a également été informé des...

Une voix: Droits de l'homme.

M. Johnson: ...enjeux – les droits de l'homme, non, je ne suis pas sûr! – qui s'abattaient sur l'opinion publique, si je peux m'exprimer ainsi, que la réalité, quant au rôle du gouvernement, commence tranquillement à être davantage perçue par nos concitoyens, que les effets des gestes du gouvernement, là, ça commence à être du concret, comme l'augmentation de taxes inévitable, les restaurateurs qui se rebiffent dans le dossier des travailleurs au pourboire. C'est toujours l'enfer aux urgences Maisonneuve-Rosemont et Notre-Dame, les urgences débordent encore. Écoeurés et mal payés, les médecins abdiquent. Et la ministre de l'Éducation trahit ses promesses, si on en croit les étudiants.

Et pourquoi toutes ces réactions-là? C'est la conséquence des gestes du gouvernement soi-disant pour atteindre le déficit zéro, pour respecter ses cibles budgétaires. Mais, pendant que le premier ministre était parti, ce qui s'est également avéré de plus en plus évident pour nos concitoyens, c'est que le gouvernement a trouvé des façons de cacher son déficit: multiplication de fonds spéciaux, multiplication d'emprunts cachés à droite et à gauche, emprunts par les cégeps, emprunts par les hôpitaux, emprunts par toutes sortes d'organismes. C'est encore de la cachette. C'est un peu comme l'option du premier ministre quand il se promène, il la sort en France puis il la cache en Chine. Des cachettes, des cachettes et encore des cachettes.

Est-ce que le premier ministre, sans nous dire, là – ça, on le voit venir à 100 milles à l'heure – que c'est la faute des autres – c'est la faute du fédéral, c'est la faute de ceux qui étaient là, c'est la faute de la conjoncture, c'est la faute de ci puis c'est la faute de ça – se rend compte que ce qui est en train de se faire, se produire, c'est que son gouvernement cache des déficits aux Québécois, c'est qu'il est en train de ne pas nous dire la vérité quant aux équilibres budgétaires? Et est-ce que le premier ministre pourrait nous dire quel est le montant qui est en jeu? Et quand les contribuables vont-ils recevoir cette facture-là par la tête?

Le Président: M. le premier ministre.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: M. le Président, je veux remercier le chef de l'opposition de sa question omnibus. J'étais presque au point de m'ennuyer des questions du chef de l'opposition, mais, en entendant la première, disons que je j'ennuie moins. Ha, ha, ha!

M. le Président, le chef de l'opposition a fait un résumé très court et très sélectif de titres d'articles qu'il a lus récemment, mais je ne l'ai pas entendu citer la magnifique performance du Québec dans le domaine de l'emploi depuis maintenant plusieurs mois. Je ne l'ai pas entendu se féliciter, pour nous tous, les Québécois, du fait que les derniers résultats de Statistique Canada sur la performance du Québec dans l'emploi montrent que, le dernier mois, nous avons haussé le nombre d'emplois nouveaux de 10 000, alors que l'Ontario en perdait 15 000, que l'ensemble du Canada en perdait 11 000. On ne se félicite pas du malheur des autres, mais, comparativement, nous voyons bien que les politiques du gouvernement sont en train de porter fruit. Il se trouve, M. le Président, que les performances économiques du Québec présentement sont les meilleures depuis 10 ans. Il faut le dire, il faut le reconnaître, ça, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Cette année seulement, après six mois d'activités, la croissance économique intérieure, celle qui est faite de la consommation et de l'investissement privé, montre une hausse de 3,9 %, le meilleur résultat depuis 1988, M. le Président. Pour ce qui est des investissements d'entreprises, ils sont en hausse de 13,8 %, la plus forte augmentation depuis 1987, et, quand on parle du niveau de confiance des ménages, il est à son plus haut niveau depuis la fin de l'année 1980. C'est assez extraordinaire de voir qu'on est maintenant à une hausse de consommation de près de 3 %.

Alors, M. le Président, c'est vrai que ce que nous faisons est difficile – nous l'avons toujours reconnu – c'est vrai que le parcours est semé d'embûches, mais le Québec, grâce aux efforts qu'il fait, est en train de gagner des places, ici et à l'étranger. Nous revenons de Chine avec des contrats fermes de près de 100 000 000 $, avec des ententes pour plus de 1 000 000 000 $. Ça, c'est dû à l'esprit d'entreprise des gens d'affaires du Québec qui ont le courage de partir d'ici, dans les marchés qui sont les plus difficiles du monde, puis d'aller se battre pour créer de l'emploi du Québec à l'étranger. Il faudrait les féliciter, ces gens-là, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: M. le Président, tout en félicitant les gens qui se battent, je félicite encore davantage ceux qui disent la vérité, et c'est ça que je demande au premier ministre. Est-ce que, oui ou non, il se rend compte que son gouvernement est en train de cacher des déficits de dizaines et de dizaines, pour ne pas dire de centaines de millions – c'est ça qu'on est en train de documenter – que les objectifs que le gouvernement poursuit, soit soi-disant d'équilibrer les finances publiques, ne sont pas à la veille d'être rencontrés en raison de la situation de l'emploi, quoi qu'on en dise? On est dans la queue de classe dans la croissance économique du Canada.

Est-ce que le premier ministre peut nous dire – c'était ça, ma question – s'il se rend compte que son gouvernement est en train de cacher des millions, des dizaines de millions et des centaines de millions de déficit? Est-ce qu'il va nous dire le montant précis un jour ou l'autre ou est-ce qu'il va laisser son ministre des Finances faire ça? Et est-ce qu'il va nous dire quand les Québécois vont payer pour la facture qu'il est en train de nous réserver pour sa fausse lutte au déficit?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le premier ministre savait avant de partir que les libéraux vivaient avec d'insupportables remords de conscience.

Des voix: Ha, ha, ha!

(14 h 20)

M. Landry (Verchères): Leur administration pèse lourd sur leur humeur et elle pèse encore plus lourd, évidemment, sur les finances publiques du Québec. Et l'imagination qui leur manquait pour couper les dépenses et nous remettre sur le droit chemin, ils la dépensent aujourd'hui à essayer de faire un écran de fumée et minimiser les travaux courageux faits par mes collègues et par le gouvernement pour réparer leurs pots cassés. C'est difficile de les convaincre. Évidemment, des gens ainsi acculés n'ont plus d'oreilles, mais, cependant, pour essayer d'introduire un peu d'objectivité dans le débat, je vais citer, M. le Président, une série d'observateurs neutres qui ne sont pas des libéraux – sauf exception; il y a une exception – qui ne sont pas, généralement, des libéraux ni des péquistes, des professionnels, la plupart étrangers.

Standard & Poor's, qui n'est pas un sous-comité du Parti québécois, reconnaît que le gouvernement québécois a mis en oeuvre des coupures dans les dépenses dès 1996 afin de réduire le déséquilibre fiscal et qu'il a atteint ses objectifs budgétaires pour l'exercice financier passé, 1996-1997.

Japan Credit Rating Agency, qui ne se souvient du Parti libéral que comme d'un parti de désordre et de dépenses, pas plus, dit: «L'agence considère que le déficit du Québec diminue significativement et sera éliminé dès 1999-2000.»

Lévesque, Beaubien, Geoffrion: «Le Québec respectera son objectif de déficit zéro avant le tournant du siècle, soit un an avant l'Ontario.»

Et je termine avec une citation qui illustre bien le vieil axiome juridique que l'aveu de la partie adverse est la meilleure preuve. C'est du chef de l'opposition officielle, le 27 mars 1997, qui disait dans cette Chambre: «Les objectifs de déficit du ministre des Finances sont respectés. Ça, c'est une réalité. Personne ne va nier la réalité des chiffres.» Alors, pourquoi la nier aujourd'hui?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Les cachettes du ministre des Finances, par définition, il faut les trouver avant de pouvoir commenter dessus. Par définition, est-ce que le premier ministre ne trouve pas justement, en parlant d'imagination, que son ministre des Finances et ses collègues sont en train de faire preuve d'imagination pour cacher les résultats financiers véritables? Le Vérificateur général, lui, s'en est aperçu. Que le premier ministre soit en Chine ou pas, ça n'a pas rapport, le Vérificateur, lui, il est là à plein temps et il s'est aperçu à plein temps que le ministre des Finances est en train d'inventer des nouvelles façons de cacher le déficit.

Et est-ce que le premier ministre, lui, pourrait nous dire s'il s'est rendu compte que le ministre des Finances est en train de faire ça? De quel montant s'agit-il? Et quand allez-vous envoyer la facture aux Québécois? C'est ça que je vous demande.

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Le plus bel exercice de découverte de cachettes de l'histoire contemporaine de notre Assemblée, c'est le député de Crémazie, aujourd'hui absent, qui s'y était livré quand il a regardé dans leurs finances publiques. Il a trouvé 648 000 000 $ qui avaient été inscrits par le député de Laporte dans ses prévisions de rentrées, fondées sur de pures hypothèses, fantaisie totale. Il avait mis 126 000 000 $ de perception de revenus. Aucun vérificateur n'était engagé, aucun revenu perçu. 74 000 000 $ pour un réseau de loto vidéo qu'ils n'ont jamais fait, c'est nous qui avons dû le faire. 166 000 000 $ pour des privatisations de sociétés d'État qui n'étaient pas en voie de réalisation. 288 000 000 $ à l'égard du Programme de stabilisation des revenus, montant que le gouvernement fédéral a finalement refusé de verser. Total partiel: 648 000 000 $.

Alors, l'expertise des cachettes, on l'a développée grâce à votre incurie, et l'expertise de la transparence, on l'a illustrée grâce à notre courage.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: C'est à dessein que je demande au premier ministre s'il se rend compte de ce que son ministre des Finances est en train de faire, parce que le premier ministre, lui, n'était pas là en novembre 1994 jusqu'au... Absolument. Il n'était pas là, de novembre 1994 à janvier 1996, pendant que tous ces petits exercices là se déroulaient à l'endroit de la situation dont le gouvernement avait hérité. Mais le gouvernement et le premier ministre actuels... Le premier ministre actuel est là en ce moment, pendant que des fonds, comme l'a dit le Vérificateur général – coudon, ce n'est pas n'importe qui, là – prend à partie le ministère des Finances, prend à partie le gouvernement de créer fonds par-dessus fonds par-dessus fonds pour cacher des emprunts, cacher le déficit et cacher la réalité financière aux Québécois.

Quand allez-vous dire la vérité et quand allez-vous envoyer la facture aux Québécois?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Le chef de l'opposition officielle était soit président du Conseil du trésor, poste extrêmement stratégique, ou premier ministre quand sa formation politique elle-même a créé une vingtaine de fonds dont j'ai la liste ici. Si les fonds sont répréhensibles, pourrait-on nous expliquer aujourd'hui pourquoi on en a créé une vingtaine avant qu'on arrive? Et si, comme président du Conseil du trésor, il a appuyé pendant des années la création de ces fonds, est-ce qu'il tolérerait aujourd'hui que notre président du Conseil du trésor, qui connaît parfaitement ces questions, ajoute quelques notes techniques à ce que je viens de dire?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor, rapidement parce qu'il reste peu de temps.

M. Léonard: M. le Président, ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on crée des fonds, comme l'a rappelé le ministre des Finances, et cela est tout à fait conforme aux recommandations d'un comité, ou d'un conseil sur la vérification dans le secteur public, qui a émis un bulletin en septembre 1997 là-dessus, pour clore toute cette question, et je pourrais donner les définitions. J'y reviendrai dans une complémentaire, je suppose bien. Mais, d'abord, je veux dire qu'il y a deux sortes de fonds: des fonds d'immobilisation et des fonds où l'on fait des ventes et des services, où l'on donne des services, et que l'on comptabilise. Dans ce dernier cas qui a fait l'objet des questions du critique des finances la semaine dernière, ces fonds comportent des surplus ou des déficits qui apparaissent obligatoirement aux états financiers courants du gouvernement. Et qui apparaissent.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Ce que je demande au premier ministre, c'est: Est-ce qu'il se rend compte que son collègue de gauche et le président du Conseil du trésor sont en train de lui en passer une vite, là, à la limite, que le président du Conseil du trésor sait pertinemment – mais il n'en a pas parlé – que ça existe, des fonds renouvelables d'achats, que ceux dont le ministre des Finances parlait, ce n'est pas des fonds pour cacher des emprunts, ce n'est pas des fonds où on amortit le salaire des gens, ce n'est pas des fonds où on emprunte pour payer l'épicerie, ce n'est pas du tout ça, c'est des centres de capital, c'est des centres d'immobilisation, c'est des centres pour divulguer, justement, les coûts et non pas pour les cacher? Est-ce que le premier ministre s'aperçoit qu'il est en train de s'en faire passer une vite par ses deux financiers à la noix?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Merci. M. le Président, toute cette question que soulève depuis quelques semaines le chef de l'opposition est absolument sans aucun fondement. Il le sait lui-même. Mettez-vous à la place du chef de l'opposition. Il constate que, pour la première fois depuis une génération, il a en face de lui un gouvernement qui est en train de régler à sa base le mal existentiel des finances publiques du Québec et qui est en train d'atteindre son objectif, un objectif que lui-même peut-être a voulu poursuivre mais qu'il n'a pas pu atteindre. Au contraire, il nous en a éloignés par son incurie et son irresponsabilité, M. le Président, à l'époque où il gérait les affaires du Québec.

Alors, aujourd'hui, mettez-vous à sa place. Qu'est-ce qu'il peut faire? Alors, il est bien obligé de reconnaître qu'on fait des choses. Il l'a dit en mars dernier. En mars dernier, il reconnaissait qu'on arrivait à l'objectif. Alors, qu'est-ce qu'il essaie de faire? Il essaie de convaincre les Québécois que ce n'est pas vrai qu'on est en train de rationaliser, que ce n'est pas vrai qu'on impose une politique de rigueur. Tout le monde sait, au Québec, tout le monde sait, dans tous les secteurs, que nous sommes en train de faire un effort sans précédent pour prendre le contrôle des affaires du Québec, pour réparer les erreurs qui ont été faites, M. le Président.

(14 h 30)

Quant aux questions des règles comptables, le président du Conseil du trésor vient de citer l'avis technique d'un conseil qui siège de façon autorisée sur la question et qui a conclu dans le sens des règles de pratiques comptables qui ont été appliquées par le chef de l'opposition lui-même à l'époque où il présidait le Conseil du trésor et qui sont conformes au bon sens, M. le Président, qui sont conformes à l'équité. Il est parfaitement normal et parfaitement légitime que nous amortissions sur la période de l'investissement l'emprunt qui correspond à l'investissement en question. C'est parfaitement normal. C'est une chose qui a libre cours partout, et je ne vois pas en quoi le chef de l'opposition doit déroger à ce qu'il a lui-même admis en mars dernier, que nous sommes en train d'atteindre nos objectifs.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: En prédisant que ça devrait normalement être la dernière question. Je constate que le premier ministre est incapable de répondre, le premier ministre est incapable de comprendre ce que son collègue des Finances et son collègue du Trésor sont en train de faire, de mettre sur pied des fonds où on amortit sur cinq, 10, 12 ou 17 ans des salaires qu'on paie toutes les semaines. Ça, c'est la réalité. Et jamais ça ne s'est fait avant que ces deux-là arrivent aux commandes de l'État. Jamais ça ne s'est fait. Est-ce que le premier ministre se rend compte qu'il est en train, artificiellement, de réduire son déficit simplement dans ses objectifs politiques, de prétendre que, lui, il est capable de réduire ça à zéro puis qu'il est capable de faire n'importe quoi, et il va faire n'importe quoi pour y arriver, y compris des fraudes budgétaires, carrément?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: M. le Président, est-ce que vous considérez que le mot utilisé par le chef de l'opposition, dans le contexte actuel, n'est pas un outrage à nos règles parlementaires? «Fraude».

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition.

M. Fournier: M. le Président, je comprends que le leader du gouvernement n'aime pas se faire dire les faits tels qu'ils sont. Ils ne sont pas habitués à ça...

Le Président: Je pense qu'on va reconnaître, M. le leader adjoint de l'opposition, que la présomption que chaque membre de l'Assemblée nationale se comporte correctement est une règle fondamentale de notre règlement et qu'à cet égard-là on peut échapper un mot dans un débat. Mais, si on revient, puis on reconfirme que finalement l'intention était vraiment de délibérément enfreindre les règles de procédure de l'Assemblée, alors à ce moment-là ça ne peut pas être acceptable.

À ce moment-ci, M. le chef de l'opposition, vous reconnaîtrez que le terme était évidemment inacceptable dans le contexte du débat où il a été prononcé. Je pense qu'à ce moment-ci on peut considérer que ce terme-là n'a pas à revenir. Je pense, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, que vous conviendrez que ce terme-là n'a pas à être utilisé pour qualifier des gestes posés par quelque membre de l'Assemblée que ce soit.

M. le président du Conseil du trésor.

M. Léonard: M. le Président, je vais donc citer le bulletin de l'Institut canadien des comptables agréés qui définit les immobilisations.

Premièrement, la définition d'immobilisations corporelles: elles comprennent des éléments aussi divers que «les routes, les bâtiments, les véhicules, le matériel, les terrains, les réseaux d'alimentation en eau, les aéronefs, le matériel et les logiciels informatiques, les barrages, les canaux et les ponts».

Je cite le paragraphe 12 où l'on dit que «le coût d'une immobilisation construite comprend normalement les coûts directs de construction, de développement et de mise en valeur – comme le coût des matières et de la main-d'oeuvre – et les coûts indirects spécifiquement imputables à l'activité de construction, de développement ou de mise en valeur».

Article 17: «...comprend les frais financiers directement rattachés à l'acquisition», ça veut dire les intérêts intercalaires, M. le Président. Et enfin je citerai l'article 21: «Le coût d'une immobilisation corporelle, dont la durée de vie est limitée, défalcation faite de sa valeur résiduelle, doit être amorti sur sa durée de vie utile d'une manière logique et systématique, appropriée à la nature de l'immobilisation et à son utilisation par le gouvernement.»

M. le Président, nous nous sommes conformés intégralement à ce bulletin par avance, parce qu'il a été émis en septembre 1997, il y a deux mois, et, donc, nous sommes tout à fait dans la modernité à l'heure actuelle. Et le Vérificateur général est d'accord, là-dessus, complètement.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Le président du Conseil du trésor vient de nous dire que le gouvernement s'est conformé par avance à quelque chose, donc, qui n'existait pas, après avoir dit que c'est ça qu'on faisait depuis des années. Contradiction. Est-ce que le premier ministre se rend compte...

Une voix: ...

M. Johnson: Absolument, absolument.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Est-ce que le premier ministre se rend compte des contradictions auxquelles le président du Conseil du trésor s'est livré, hein, de la mauvaise information dont lui-même a été abreuvé par son voisin de gauche à cet égard-là? Et est-ce que le premier ministre ne s'aperçoit pas que le nouveau traitement comptable – c'est nouveau, c'est justement – du gouvernement vise justement à sous-évaluer le déficit, à cacher la vérité aux Québécois et à nous envoyer une facture un peu plus tard? C'est ça qu'il est en train de faire.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je comprends que le chef de l'opposition soit désarçonné par l'affirmation de l'autorité idoine en la matière, l'Institut des comptables agréés, les gens qui sont chargés de définir les règles comptables, et il nous dit: Oui, mais ça ne marche pas parce que cette définition est venue après les gestes que vous avez posés. Mais, M. le Président, nous avons appliqué les règles du bon sens, le bon sens a inspiré les mêmes conclusions à l'Institut des comptables agréés, de sorte que le bon sens nous a réunis, et nous avons fait preuve de clairvoyance.

Le Président: M. le député de Laporte, en complémentaire? En complémentaire, M. le député de Montmorency.

M. Filion: Merci, M. le Président. En complémentaire au ministre des Finances: Sur la même base, pourquoi le ministre des Finances ne comptabilise-t-il pas toujours la dette actuarielle des régimes de pensions qui dépasse le 10 000 000 000 $ et qui donnerait une réalité financière juste? Le ministre des Finances, pourquoi n'a-t-il pas choisi également, au niveau des principes comptables, de comptabiliser la dette actuarielle au niveau des régimes de pensions?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Je me suis déjà expliqué là-dessus, M. le Président, mais ça me fait plaisir de le refaire. D'abord, le Vérificateur général, à bon droit, j'imagine – et, même, j'en suis sûr – depuis 15 ans, met une note à nos états financiers – vous la connaissez, elle est classique, et la phraséologie ne change guère – et il faudra sans doute, un jour, que nous introduisions dans nos conventions comptables une pleine compensation pour ces versements au fonds dont il a parlé. Et ce que nous avons fait jusqu'à ce jour, c'est de modestement commencer à aller dans cette direction, et on espère qu'on pourra le faire de façon plus complète un jour. Mais loin de moi de dire que c'est une mauvaise idée. J'imagine que les libéraux non plus ne pensaient pas que c'était une mauvaise idée, mais les circonstances, surtout à l'époque où ils faisaient 5 000 000 000 $ de déficit par année et plus et qu'ils avaient mis nos finances dans un désordre total, ne se prêtaient guère à la suite de cette directive du Vérificateur général. Mais, comme nous allons vers le déficit zéro et que ce sera ça en 1999-2000 – quand il y aura deux zéros dans le nombre de l'année, il y en aura un vis-à-vis déficit du Québec – là, on sera peut-être en mesure d'aller jusqu'au bout de ce qu'on a déjà commencé.

(14 h 40)

Le Président: M. le député de Laporte, en principale.


Recours à des fonds spéciaux pour financer des dépenses courantes

M. Bourbeau: M. le Président, on a discuté, la semaine dernière, de la création de plusieurs fonds spéciaux institués récemment par le gouvernement et dont l'objectif évident est de soustraire à la comptabilité gouvernementale des dépenses qui, jusqu'à maintenant, étaient payées comptant et qui, dorénavant, seront financées à long terme dans des fonds spéciaux, instituant ainsi une deuxième comptabilité, séparée et cachée, du gouvernement, où le gouvernement peut s'endetter, repoussant toujours plus loin le remboursement de ses dépenses.

M. le Président, depuis deux ans, le gouvernement a institué au moins une quinzaine de ces fonds-là. Or, il y a moins d'un an, le gouvernement adoptait un décret créant quatre nouveaux fonds, appelés des fonds des technologies de l'information, en vertu desquels le gouvernement oblige les ministères et les organismes à financer en totalité les dépenses engagées pour des projets de développement technologique ou d'achat de logiciels, d'ordinateurs ou de micro-ordinateurs, dépenses qui, jusqu'à ce moment-là, étaient payées comptant. Or, on soustrait donc de la comptabilité gouvernementale des millions de dollars de dépenses, ce qui donne l'illusion d'une réduction de déficit, alors qu'en fait on ne fait qu'emprunter ailleurs et financer à long terme ces mêmes dépenses.

Ma question, M. le Président, au ministre des Finances est la suivante: Comment le gouvernement peut-il sérieusement prétendre se diriger vers le déficit zéro alors qu'il change littéralement les règles comptables, écarte de la comptabilité gouvernementale des millions de dollars d'achat de matériel et de services informatiques et inscrit ces dépenses-là dans une deuxième comptabilité, cachée, donnant l'illusion que la dépense a disparu et que le déficit décroît, alors qu'en fait le déficit augmente mais dans une autre comptabilité?

Le Président: M. le vice-premier ministre, ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): C'est une bonne chose, au fond, que la discussion sur ces fonds spéciaux se prolonge parce que ça va permettre d'aller au fond des choses, et puis on est tout à fait heureux d'en parler. Premièrement, il faut toujours rappeler de façon obsessionnelle que le Vérificateur général vérifie tous les états financiers des fonds spéciaux et qu'il les a tous signés depuis leur existence, y compris les 23 que vous avez mis sur pied vous-mêmes. Deuxièmement, comme l'a bien expliqué mon collègue du Conseil du trésor, c'est tout simplement une transposition des règles durables de la comptabilité du secteur privé. Vous savez, vous parliez de ça, «runner l'État comme une business». Vous l'avez runné à la catastrophe, mais, nous, on essaie de transposer les règles du privé, c'est-à-dire l'amortissement des investissements physiques, y compris leur contenu de main-d'oeuvre, sur la durée utile jusqu'à obsolescence, puis ensuite on fait la soustraction. Les comptables privés font ça depuis des décennies, et maintenant les comptables publics. Mon collègue l'a bien démontré par l'avis de... L'Institut des comptables du Canada le fait, alors tout ça est parfaitement conforme à une saine gestion des finances publiques.

Mais, dans la question de mon collègue le député de Laporte, il y avait aussi l'aveu de la partie adverse, parce qu'il a dit que tout ça, si j'ai bien compris, coûtait des millions par année. Des millions. Pour des gens qui se trompaient de 2 000 000 000 $, 3 000 000 000 $ par année dans leurs prévisions de dépenses, il nous a fait un sacré beau compliment en parlant de quelques millions.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député.

M. Bourbeau: M. le Président, le ministre des Finances est-il au courant que la Société de l'assurance automobile du Québec a modifié récemment ses règles comptables afin – et je lis un extrait du rapport annuel – de faire en sorte que les développements informatiques soient dorénavant capitalisés, alors qu'auparavant c'était payé comptant? Et ma question est la suivante: Combien d'autres ministères, organismes ou entités quelconques ont reçu du gouvernement l'instruction de capitaliser dorénavant et de financer sur une période d'années des dépenses qui, avant l'arrivée de ce gouvernement-là, étaient payées comptant? Combien d'organismes suivent maintenant cette nouvelle stratégie du gouvernement?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Celui qui s'endette de 6 000 000 000 $ par année et qui est obligé de faire la paie avec l'argent emprunté ne devrait jamais parler de paiement comptant, M. le Président, premièrement. Deuxièmement, je n'y aurais peut-être pas pensé, mais, comme il me parle de la Société de l'assurance automobile – eux qui ont parlé de «fraude» financière, employant un langage très indélicat – il me permet de lui rappeler qu'ils ont pigé 2 000 000 000 $ dans la caisse et que c'est le tribunal qui de façon ignominieuse les a forcés à les y remettre.

Enfin, je cite de nouveau la directive sur les immobilisations corporelles...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Et dans notre système judiciaire il y a les tribunaux d'appel, fort heureusement, mais, pour ce qu'ont fait les libéraux en matière de gâchis de finances publiques, l'appel est entendu, toutes les places...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: En terminant pour le vrai, M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): C'est pour le vrai qu'il a été entendu, M. le Président. Il a été entendu à Tokyo, à Londres, à Zurich, à New York, jusqu'à Toronto, partout où on a à emprunter et leur expliquer comment un gouvernement qui se prétend libéral a pu faire des choses semblables. Et ils nous plaignent tous d'être dans la malheureuse situation de Tony Blair sans que Mme Thatcher soit passée avant.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances sait la différence qu'il y a entre un fonds qui est constitué pour regrouper des achats, et où on n'emprunte pas du tout, et des fonds où comme maintenant on fait emprunter des centaines de millions de dollars par le gouvernement, on amortit les salaires, aussi, comme dans le Fonds de développement technologique, les salaires qui seront payés sur cinq ans, à mettre sur cinq ans, et tout ça est soustrait de la comptabilité officielle du gouvernement? Est-ce que le ministre sait la différence?

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Est-ce qu'on va être obligé de déposer des manuels en usage au premier diplôme universitaire pour faire comprendre à l'ancien ministre des Finances que toutes les règles comptables, privées depuis toujours et publiques depuis un certain nombre d'années, incluent dans un investissement physique la valeur de la main-d'oeuvre qui a contribué à le construire? Si on répare le toit de l'Assemblée, il semble que... Prenons des exemples près de nous, ça va être plus facile pour eux autres pour qu'ils comprennent. Si on répare le toit de l'Assemblée, est-ce que, dans l'amortissement de la dépense, on va compter le salaire des ouvriers? Bien entendu, c'est ce que tout le monde fait.

Alors, la période des questions n'est pas destinée à des enseignements pédagogiques élémentaires, mais, s'il faut s'y résoudre, nous allons nous y résoudre le temps qu'il faudra.

Le Président: M. le député de Laporte.

M. Bourbeau: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances est au courant que dans son propre...les états financiers du gouvernement, la première note aux états financiers dit ceci: «Règle comptable: les coûts des biens et des services, y compris ceux de nature capitale – pas seulement les opérations – sont portés aux dépenses de l'année financière au cours de laquelle ils sont acquis sans égard au moment de leur utilisation.»

Si le ministre veut changer les règles comptables, est-ce qu'il va les changer rétroactivement, redresser les états financiers du temps des libéraux de façon à cesser de dire qu'on faisait des déficits? M. le Président, avec les nouvelles règles, il n'y en aura peut-être pas de déficit, autrefois non plus.

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

(14 h 50)

M. Léonard: M. le Président, il n'y a pas une application rétroactive des règles, mais tout le monde sait que, dans les règles actuelles de la comptabilité gouvernementale, on devrait passer à «dépenses» le coût des immobilisations corporelles. Ce dont on parle depuis plusieurs années, c'est justement de se détacher en créant des fonds pour permettre l'amortissement de ces dépenses corporelles, de ces immobilisations corporelles. Et c'est une tendance qui est générale dans les pays industriellement développés et puis c'est une tendance que l'on a vue s'accélérer dans les pays qui ont remis de l'ordre dans leurs finances publiques. C'est ce que nous faisons. C'est ce que nous faisons, et nous allons le faire de plus en plus jusqu'à ce que, un moment donné, toutes les immobilisations corporelles soient l'objet d'amortissement sur des bases annuelles pour être intégrées dans les états financiers du gouvernement.

Par ailleurs, M. le Président, j'ai dit qu'il y avait deux sortes de fonds: les fonds où il y avait des ventes de biens et de services et d'autres où il y avait des immobilisations corporelles. Prenez le cas de la Société immobilière du Québec où il y a les deux sortes, il y a des dépenses capitales et il y a des dépenses courantes et qui font l'objet d'une imputation dans les ministères selon la superficie occupée. Alors, vous voyez que déjà c'est un centre de coûts qui est externe au gouvernement, mais qui pourrait s'en rapprocher.

M. le Président, on pourrait donner des cours sur cette question puis aller beaucoup plus loin, mais on voit que ce que fait le gouvernement est conforme aux règles et au développement en termes comptables, et c'est conforme à ce que fait l'Institut canadien des comptables agréés.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


État de l'enquête sur la divulgation de renseignements personnels au gouvernement

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Au mois de mars, les affirmations fracassantes de la part d'un des dirigeants de la Commission d'accès à l'information ont suscité tout un émoi au sein de la population. En effet, on apprenait que, d'après la Commission, il existait un marché noir de l'information personnelle détenue par les différents organismes et ministères du gouvernement.

Au cours des dernières semaines, l'opposition a, à plusieurs reprises, questionné le président de la Commission d'accès pour savoir si l'enquête de la Sûreté du Québec a permis de confirmer ces allégations, sans pouvoir pour autant obtenir une réponse concluante. Est-ce que le ministre des Relations avec les citoyens et responsable de l'accès à l'information et de la protection de la vie privée peut informer cette Chambre où en est rendue l'enquête qui a été demandée à la Sûreté du Québec, je le lui rappelle, il y a maintenant huit mois et demi?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le député de Chomedey fait référence à des propos que M. White avait tenus devant une commission parlementaire relativement à certains marchés qui existaient. Alors, évidemment le gouvernement a pris très au sérieux ces déclarations et des agents de la Sûreté du Québec ont rencontré M. White. Il y a eu une enquête policière. Cette enquête, au moment où on se parle, ne serait pas encore tout à fait terminée. Alors, on comprend la complexité d'une telle enquête, M. le Président. Donc, sous peu, je devrais avoir un rapport complet. À ce moment-là, on pourrait savoir si, oui ou non, il y aura dépôt d'une plainte devant le substitut du Procureur général.

Le Président: En principale, M. le député de Nelligan.


Divulgation de renseignements fiscaux au ministère du Revenu

M. Williams: Oui, merci beaucoup, M. le Président. La ministre déléguée au Revenu dépense beaucoup d'argent pour nous convaincre de l'existence d'un marché noir. Or, depuis près de six mois, la ministre déléguée et son gouvernement savent qu'il existe un réseau de vente et d'échange d'informations personnelles et confidentielles, un vrai marché noir. J'ai ici un mandat de perquisition du 6 juin où la Sûreté du Québec cherche l'information de fiches et copies d'informations confidentielles émanant d'un organisme du gouvernement, des dossiers et des parties de dossiers d'informations confidentielles, les preuves de paiements de ses fonctionnaires. J'ai entendu qu'ils ont trouvé une liste des prix pour cette information, M. le Président.

Ma question est fort simple: Qu'est-ce que la ministre déléguée a fait pour protéger les contribuables et la confidentialité devant cette vente d'informations fiscales provenant du ministère du Revenu?

Le Président: Mme la ministre déléguée au Revenu.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, il y a eu un cas sur lequel notre ministère a été informé d'une fraude concernant des renseignements fiscaux et, à la suite d'une enquête interne au ministère, l'employé en question a été renvoyé, M. le Président.

Depuis ce temps-là, nous avons mis en place des mécanismes pour assurer l'engagement de tous les employés qui, en vertu de la Loi sur le ministère du Revenu, sont tenus à la plus stricte confidentialité. En vertu de l'article 69 de cette loi, tous les employés sont tenus au secret fiscal. Deuxièmement, à chaque année, lors de leur évaluation, lors de la rencontre avec leur cadre responsable, ces employés doivent reprendre cet engagement. Alors, nous avons corrigé la situation, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Frontenac, en complémentaire.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique réalise qu'il s'est écoulé huit mois depuis le début de l'enquête, six mois depuis la perquisition, ce qui aurait normalement, là, donné amplement de temps à la Sûreté du Québec pour faire le tour des preuves recueillies? Ceci étant dit, pourquoi le dossier n'a-t-il pas encore été soumis – et c'est la démarche qui doit être faite – à un substitut du Procureur général?

Le Président: Le ministre de la Sécurité publique.

M. Bélanger: M. le Président, je suis un peu étonné de la question d'un ancien ministre de la Justice. Il sait très bien qu'en cette Chambre on ne commencera pas à faire des débats sur des enquêtes policières. Je ne commencerai pas à dire pourquoi l'enquête policière a pris un certain temps, pourquoi à ce moment-ci il n'y a pas eu encore de plainte devant le Procureur. Tout ce que je peux dire, c'est que je pense que le député de Frontenac se souvient des allégations ou des déclarations de M. White, qui étaient très générales et qui englobaient plusieurs services.

Alors, évidemment nous, ici, au gouvernement, on a pris ça excessivement au sérieux, car je crois que c'est important pour une société de s'assurer, M. le Président, que ce genre de renseignements ne soient justement pas vendus par des fonctionnaires d'un gouvernement responsable. Donc, à ce moment-là on prend toutes les mesures nécessaires, s'il y a poursuites, s'il y a plaintes, à ce moment-là, qu'il y ait effectivement aussi des accusations et des condamnations qui seront obtenues avec des dossiers.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique sait qu'on ne soumet pas une plainte à la Sûreté du Québec? On soumet le dossier, et c'est la Sûreté du Québec qui dépose une plainte devant la cour. Alors, ma question au ministre est très simple: Quand le dossier sera-t-il soumis par la Sûreté du Québec à un substitut du Procureur général qui, lui, décidera de porter plainte, s'il y a lieu? Quand le dossier sera-t-il soumis à un substitut du Procureur général?

Le Président: M. le ministre.

M. Bélanger: M. le Président, l'enquête n'est pas terminé. Ce n'est pas au ministre de la Sécurité publique de dire à un corps policier: Vous avez jusqu'à telle date pour finir votre enquête, sinon je vais me fâcher. Ça ne fonctionne pas comme ça, M. le député de Chomedey. Ça ne fonctionne pas comme ça. Le député de Chomedey a l'air à penser que ça fonctionne comme ça, qu'on peut dire à un corps policier quand il doit terminer son enquête. Voyons donc, ça n'a pas de bon sens. La police va prendre le temps nécessaire pour faire son enquête et à ce moment-là elle déposera un dossier devant le substitut du Procureur. À ce moment-là, il y aura des poursuites, s'il y a lieu.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période des questions et des réponses orales pour aujourd'hui. Mais la séance n'est pas terminée, mesdames et messieurs.


Motions sans préavis

Alors, il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés, mais nous allons aborder maintenant l'étape des motions sans préavis. M. le leader du gouvernement.


Procéder à l'examen du plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec

M. Jolivet: M. le Président, afin d'informer l'ensemble de la population, je fais et je sollicite le consentement de cette assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que, conformément à l'article 21.3 de la Loi sur Hydro-Québec, modifié par l'article 122 de la Loi sur la Régie de l'énergie, la commission de l'économie et du travail procède à l'examen du plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec, les 20, 21 et 22 janvier 1998, selon l'horaire en annexe;

«Que le ministre d'État des Ressources naturelles soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Adoptée.

M. Jolivet: Alors, je vais faire la lecture de l'annexe, M. le Président.

«Le mardi 20 janvier 1998. De 9 heures à 9 h 15, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant le gouvernement; de 9 h 15 à 9 h 30, remarques préliminaires du groupe parlementaire formant l'opposition.

«Contexte et environnement d'affaires du plan stratégique 1998-2002 d'Hydro-Québec. Orientation n° 1: maintenir les tarifs de la qualité de service au Québec. De 9 h 30 à 9 h 50, présentation d'Hydro-Québec; de 9 h 50 à midi, période de questions.

«Orientation n° 2: remettre l'entreprise sur le chemin de la croissance et d'un rendement raisonnable dans le respect de l'environnement de concert avec les communautés locales. De 14 heures à 14 h 30, présentation d'Hydro-Québec; de 14 h 30 à 18 heures, période de questions.

(15 heures)

«Le mercredi 21 janvier 1998. Orientation n° 3: développer sur une base d'activités internationales de classe mondiale. De 14 heures à 14 h 15, présentation d'Hydro-Québec; 14 h 15 à 16 h 15, période de questions.

«Orientation n° 4: assurer la contribution de tous les employés au développement de l'entreprise et garantir la pérennité de son savoir-faire. De 16 h 15 à 16 h 30, présentation d'Hydro-Québec; 16 heures – en fait, je pense que ça serait plutôt 16 h 30 – à 18 heures, période de questions.

Et, la dernière journée, «le jeudi 22 janvier 1998, Orientation n° 5: faire de la recherche et du développement un instrument de croissance et de rentabilité pour l'entreprise. De 9 heures à 9 h 15, présentation d'Hydro-Québec; 9 h 15 à 11 h 15, période de questions.

«Perspectives financières. De 14 heures à 14 h 15, présentation d'Hydro-Québec; 14 h 15 à 16 h 15, période de questions; 16 h 15 à 16 h 30, remarques finales du groupe parlementaire formant l'opposition; 16 h 30 à 16 h 45, remarques du groupe parlementaire formant le gouvernement.»

Voilà, M. le Président, la motion et son annexe.


Mise aux voix

Le Président: Très bien. Est-ce que donc la motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: S'il n'y a pas d'autres motions sans préavis, on va passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Jolivet: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des finances publiques procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 165, Loi modifiant la Loi sur les impôts, la Loi sur le ministère du Revenu, la Loi facilitant le paiement des pensions alimentaires et la Loi sur le régime de rentes du Québec, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de la culture poursuivra les consultations particulières sur le rapport du Comité sur le développement d'une très grande bibliothèque intitulé Une grande bibliothèque pour le Québec aujourd'hui, de 15 h 45 à 18 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Très bien. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'administration publique se réunira aujourd'hui, le mardi 18 novembre, après les affaires courantes jusqu'à 17 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère des Ressources naturelles du mois de janvier 1995 à mars 1997.

Je vous avise également que la commission de l'administration publique se réunira demain, le mercredi 19 novembre, de 9 h 30 à midi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est d'entendre le secrétaire du Conseil du trésor concernant la fonction de vérification interne au gouvernement du Québec, conformément à la Loi sur l'imputabilité des sous-ministres et des dirigeants d'organismes publics.

Aux avis touchant les travaux des commissions, je vous avise enfin que la commission des finances publiques se réunira en séance de travail demain, le mercredi 19 novembre, de 10 heures à midi, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est d'entendre la sous-ministre du Revenu sur les mesures prises pour assurer la confidentialité des données du ministère du Revenu.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Alors, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je vous informe que demain, lors des affaires inscrites par les députés de l'opposition, sera débattue la motion de M. le député de Nelligan. Cette motion se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement du Parti québécois qu'il retire du projet de loi n° 161, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts, la Loi sur la taxe de vente du Québec et d'autres dispositions législatives, les articles qui imposent une hausse de taxes et d'impôts pour les contribuables québécois.»

Alors, s'il n'y a pas... M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Lefebvre: M. le Président, je m'excuse, là. Aux renseignements sur les travaux, je veux juste souligner au leader que je ne trouve pas ça bien, bien délicat pour le député de Rivière-du-Loup. Dans le feuilleton, en aucun moment on ne parle de l'interpellation du vendredi 21 novembre inscrite par le député de Rivière-du-Loup sur la réforme électorale. Je ne trouve pas ça gentil, bien, bien pour le député de Rivière-du-Loup puis je me sens presque obligé de le défendre un peu.

M. Jolivet: M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Le député de Frontenac a du culot. Vous savez très bien que je ne suis pas responsable du feuilleton ni de l'inscription. Il devrait vous adresser la question plutôt qu'à moi-même. Le député comprend très, très bien ça, étant depuis très longtemps en cette Assemblée.

Le Président: Très bien. Alors, je vais prendre note de l'intervention et je vais faire des vérifications, s'il y a lieu.


Affaires du jour

Nous allons aborder maintenant les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Nous allons débuter par une adoption de principe. L'article 7.


Projet de loi n° 163


Adoption du principe

Le Président: Alors, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du principe du projet de loi n° 163, Loi modifiant la Loi sur le curateur public et d'autres dispositions législatives relativement aux biens soumis à l'administration provisoire du curateur public. M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui. M. le Président, ce projet de loi apporte des modifications importantes à la Loi sur le curateur public qui visent à favoriser la récupération et la gestion par le Curateur public du Québec de biens non réclamés par des propriétaires. Le projet de loi vise également à faciliter l'exercice par les propriétaires du droit de réclamer leurs biens auprès du Curateur public.

Pour le bénéfice de tous les députés et de toutes les personnes qui nous regardent, permettez-moi d'abord de bien vous indiquer de quels biens il s'agit. Par «des biens non réclamés», nous voulons dire les biens dont les propriétaires sont inconnus ou introuvables. Il s'agit, par exemple, de chèques de pension non réclamés; de comptes oubliés dans les institutions financières; du contenu d'un coffret de sûreté abandonné; du produit d'une police d'assurance sur la vie dont le bénéficiaire est introuvable; d'obligations d'épargne qui ne sont pas encaissées ou de véhicules abandonnés à la fourrière ou au bord d'une route.

Actuellement, la législation québécoise prévoit plusieurs régimes de biens non réclamés ou délaissés par des propriétaires. La plupart des citoyens et citoyennes savent qu'un compte oublié dans une caisse populaire peut être réclamé du ministère des Finances du Québec. C'est en vertu de la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit que les propriétaires peuvent réclamer les sommes qu'ils avaient oubliées. Quant aux propriétaires d'obligations d'épargne du Québec qui sont échues, ils peuvent les réclamer auprès du ministère des Finances. Plusieurs biens non réclamés, cependant, ne proviennent pas du réseau des institutions financières. Ils sont régis par la Loi sur le curateur public. Les détenteurs de ces biens, tant les entreprises du secteur privé que certains organismes publics, sont tenus de les remettre au Curateur public. Ce dernier publie généralement les noms des propriétaires et conserve le nom de la personne dans un registre qui peut être consulté par le public dans les bureaux du Curateur public.

Dans le cas de certains biens non réclamés, tels les produits de l'agriculture, des forêts ou de la pêche, ils sont versés aux autorités sectorielles sans que le Curateur public en soit informé. De plus, en dépit de tous ces régimes de biens non réclamés, certains biens, dont les valeurs mobilières ou les produits de polices d'assurance-vie, demeurent très fréquemment entre les mains des détenteurs, c'est-à-dire chez les entreprises ou les professionnels. Il devient donc alors illusoire de penser qu'un citoyen puisse savoir si des organismes publics ou des entreprises du secteur privé détiennent des biens qui lui appartiennent.

Dans l'état actuel des choses, des démarches pour réclamer des biens délaissés demeurent souvent complexes, demeurent aussi fastidieuses. Le gouvernement propose donc, par le projet de loi, d'apporter des améliorations aux dispositions de la Loi sur le curateur public en matière de biens non réclamés et de modifier conséquemment les dispositions de quelque 18 lois particulières ainsi que du Code civil du Québec. L'intention du gouvernement, telle qu'annoncée par le ministre d'État de l'Économie et des Finances dans son discours sur le budget de mai 1996, c'est simplement, M. le Président, d'instaurer un régime juridique uniforme, applicable à l'ensemble des biens non réclamés au Québec, tant auprès des institutions financières que de tout autre détenteur de tels biens.

Dans les premiers articles du projet de loi, le gouvernement propose de redéfinir le domaine des biens susceptibles d'être considérés comme étant non réclamés. Le projet de loi précise notamment la définition des obligations, valeurs mobilières et autres biens des secteurs financiers et fixe le délai à l'expiration duquel ils peuvent être considérés comme étant non réclamés. Ces modifications visent à mettre fin à l'incertitude qui règne actuellement en matière de biens non réclamés, notamment chez les institutions financières et les courtiers en valeurs mobilières.

Le projet de loi vise également à encourager, voire à obliger les entreprises et les autres détenteurs de biens non réclamés à faire des efforts supplémentaires pour retracer et informer les propriétaires des biens. Nous voulons donc nous assurer que les entreprises et les professionnels s'occupent de leurs clients qui auraient oublié un bien ou négligé de réclamer un montant qui leur est dû. Si ces efforts s'avèrent infructueux et que le client ou bénéficiaire reste introuvable, les détenteurs devront confier les biens non réclamés au Curateur public dès la date de présomption de son délaissement, soit trois ans. Ce délai uniforme en matière de biens non réclamés a l'avantage de simplifier les opérations de remise autant pour les débiteurs et détenteurs que pour le Curateur public.

Le projet de loi prévoit que seuls les frais mentionnés au contrat avec le client peuvent être déduits de la valeur du bien par les entreprises ou autres détenteurs. Les principes de la Loi sur la protection du consommateur se voient ainsi confirmés.

(15 h 10)

Le projet de loi confère aussi au Curateur public des pouvoirs d'inspection adaptés à la récupération des biens non réclamés. Ainsi, M. le Président, bien que nous parlions ici de biens, cette réforme vise avant toute autre chose à mieux protéger les droits des citoyennes et citoyens du Québec. Ce projet de loi précise le champ de compétence du Curateur public en matière de biens non réclamés et en fait le guichet unique pour la récupération de ces biens et leur remise à leurs propriétaires. Un citoyen n'aura plus besoin de s'adresser à de nombreux organismes publics et privés pour retrouver ses biens oubliés, il pourra simplement consulter le Curateur public pour savoir si ce dernier détient des biens qui lui appartiennent. Le Curateur public tient un registre public indiquant le nom de tous les propriétaires des biens non réclamés. Voilà, M. le Président, la clé de voûte de cette réforme, l'instauration d'un guichet unique.

De plus, les citoyens auront désormais le droit de réclamer la valeur de leurs biens en tout temps. Cinq ans plus tard, 10 ans plus tard, voire 25 ans plus tard, le propriétaire de biens non réclamés pourra les récupérer avec intérêts auprès du Curateur public du Québec. Permettez-moi de vous rappeler que le gouvernement s'inspire des dispositions de l'actuelle Loi sur les caisses d'épargne et de crédit selon lesquelles un citoyen peut réclamer en tout temps un compte inactif qu'il aurait oublié dans une institution financière québécoise. Ce faisant, nous remplaçons la règle de 10 ans inscrite dans l'actuelle Loi sur le curateur public.

Dans le cadre du nouveau régime juridique unique, le gouvernement propose donc d'adopter la règle protégeant mieux les droits des citoyennes et citoyens du Québec. Toute personne aura dorénavant le droit d'exiger la remise de ses biens sans égard au nombre d'années qui se sont écoulées et sans que la prescription ne lui soit opposable par l'État. Toutefois, la prescription de 10 ans continuera de s'appliquer aux biens de faible valeur en matière successorale. Lors de la remise, la personne aura naturellement droit au versement des intérêts.

Ce nouveau régime des biens non réclamés renforce donc la protection des droits des citoyennes et citoyens ainsi que la protection des consommateurs. Dans la plupart des cas visés par les dispositions sur les biens non réclamés, les biens font partie d'un contrat intervenu entre une entreprise et un consommateur ou entre un professionnel et son client. Comme nous l'avons vu, ce projet de loi oblige les détenteurs de biens non réclamés, que ce soient, M. le Président, les commerçants, des institutions financière, voire même des professionnels, à faire des efforts supplémentaires pour retracer leur propriétaire. Le projet de loi limite les frais que le détenteur peut exiger à ceux prévus au contrat. En l'absence prolongée du consommateur ou du propriétaire, les biens non réclamés seront donc simplement confiés au Curateur public.

Ce n'est pas le moment ici, M. le Président, d'aborder tous les aspects du projet de loi affectant les droits des consommateurs, mais je me permets certainement de souligner que les dépôts en fidéicommis chez les commerçants sont également visés par ce projet de loi, tout comme les produits de polices d'assurance sur la vie qui ne sont pas réclamés par les bénéficiaires.

Le projet de loi, M. le Président, prévoit en outre la constitution d'un comité de vérification chargé de conseiller le Curateur public relativement à la gestion et à l'utilisation efficiente de ses ressources financières et des biens qu'il administre. En créant un comité de vérification, le gouvernement veut marquer toute l'importance qu'il accorde à la qualité des services offerts aux personnes représentées par le Curateur public. Ce comité aura un rôle important à jouer en matière de qualité de la gestion des biens non réclamés confiés au Curateur public. Le comité de vérification aura également la responsabilité de conseiller le Curateur public sur l'ensemble de sa gestion et de ses ressources, dont les services essentiels que le Curateur public doit offrir aux 12 000 personnes inaptes qu'il représente.

Par ailleurs, j'ai également demandé il y a quelques semaines à la curatrice publique, Mme Juliette Bailly, de procéder rapidement à la nomination d'un vérificateur interne et de procéder à l'élaboration de politiques internes sur les grandes fonctions du Curateur public. Ces initiatives font partie du plan de redressement que la curatrice publique est en train de mettre en oeuvre. Je crois que la fonction de vérification interne constitue un outil de gestion de première importance pour la réussite de son plan de redressement.

La constitution du comité de vérification et la nomination d'un vérificateur interne chez le Curateur public permettront au Curateur public d'accroître l'efficience de sa gestion et la qualité de ses services, des services offerts tant aux personnes inaptes représentées par le Curateur public, la surveillance, bien sûr, des tuteurs et curateurs privés et, finalement, les services offerts aux propriétaires de biens non réclamés.

Ce projet de loi, M. le Président, prévoit aussi encadrer la transmission de renseignements sur l'identité des propriétaires des biens non réclamés afin de s'assurer que les biens seront, le cas échéant, remis aux bonnes personnes. Dans la plupart des cas, il s'agit de renseignements personnels protégés par la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé ou même de renseignements qui sont protégés par le secret professionnel.

Je souligne toutefois que seuls les renseignements nécessaires à identifier le propriétaire et la source de ses droits feront l'objet de transmission au Curateur public. De plus, seuls le nom et la dernière adresse connue du propriétaire apparaîtront dans le registre public du Curateur public ou feront l'objet d'une publication dans les journaux. La provenance d'une somme non réclamée chez un avocat ou un autre professionnel, par exemple, ne sera jamais dévoilée, afin, bien sûr, de respecter une règle fondamentale qui est celle du secret professionnel.

Enfin, le Curateur public protège la confidentialité des dossiers de toutes les personnes qu'il représente, y compris les propriétaires de biens non réclamés. Le Curateur public est juridiquement indépendant du gouvernement et possède une personnalité juridique distincte afin justement de mieux protéger les intérêts de ces personnes. Aucun échange de ces renseignements personnels avec l'État n'est donc autorisé. Tous les renseignements personnels transmis au Curateur public demeurent confidentiels et ne serviront qu'à vérifier l'identité des réclamants.

En dépit, M. le Président, aussi de tous les efforts déployés par le Curateur public, les propriétaires d'une importante portion des biens non réclamés demeurent introuvables. Certes, nous croyons que les mesures proposées dans ce projet de loi permettront au Curateur public de rejoindre une portion plus élevée des propriétaires des biens que par le passé. Le projet de loi confirme donc la pratique actuelle. La valeur des biens qui demeurent non réclamés sera versée à l'État afin que la collectivité puisse en bénéficier. À l'heure actuelle, M. le Président, le Curateur public administre des biens non réclamés pendant une période de 10 ans. Après ce délai de 10 ans, la valeur des biens est versée à l'État, mettant fin aux droits des propriétaires. Or, nous proposons dans ce projet de loi un nouveau régime où le propriétaire peut réclamer son bien en tout temps, cinq ans, 10 ans, voire 25 ans plus tard.

Comment donc allons-nous fixer la date du versement du surplus à l'État? Afin d'éviter, donc, l'accumulation de sommes importantes chez le Curateur public, nous proposons que la valeur des biens non réclamés soit remise à tous les trois ans au ministère des Finances. C'est une mesure d'efficacité financière. Les propriétaires conserveront toutefois le droit de réclamer, comme je l'expliquais tout à l'heure, en tout temps la valeur de leurs biens auprès du Curateur public.

J'aimerais finalement préciser, M. le Président, que ces nouvelles dispositions n'affectent guère l'administration des biens appartenant aux personnes inaptes représentées par le Curateur public. Le Curateur public, bien sûr, conserve son administration de ces biens.

En créant un guichet unique pour des biens non réclamés, le gouvernement du Québec veut adapter ses pratiques afin de simplifier les démarches des citoyens pour récupérer leurs biens. Dans ce même esprit, le projet de loi accorde au Curateur public le droit de signer des ententes avec des gouvernements canadiens ou étrangers dans le but de mieux faire valoir les droits des propriétaires de biens non réclamés. Le Curateur public pourra notamment signer des ententes avec ses homologues, que ce soit au Canada ou aux États-Unis, afin de faciliter la récupération des biens des Québécois situés en dehors du territoire québécois et, par la même occasion, de faciliter la remise de biens situés au Québec à leurs propriétaires étrangers.

J'ajoute, M. le Président, quelques mots sur les modifications apportées au mode de financement du Curateur public. Le projet de loi propose un nouveau mode de financement pour la rémunération de services rendus par ce dernier à l'égard des biens non réclamés. Étant donné que la valeur des biens non réclamés sera versée régulièrement au ministère des Finances, le gouvernement propose d'accorder au Curateur public une nouvelle allocation annuelle pour l'aider à financer une partie de sa mission sociale. De cette façon, le gouvernement du Québec reconnaît qu'une partie de la valeur des biens non réclamés doit prioritairement servir à financer les services offerts par le Curateur public auprès de personnes inaptes à faibles revenus. Nous voulons maintenir ce principe, nous le confirmons dans le projet de loi.

Comme nous l'avons indiqué dans le discours du budget de 1996, ce projet de loi prévoit que le gouvernement recevra un montant d'environ 40 000 000 $ lors de la fin de l'administration provisoire des biens non réclamés. De plus, ce régime devra permettre par la suite la remise de 5 000 000 $ par an à l'État provenant du surplus des biens non réclamés.

Le projet de loi est donc une mesure générale visant à accroître la cohérence et l'efficacité du régime des biens non réclamés. Le projet de loi vise à mieux protéger les droits des citoyens et des consommateurs, il vise à faciliter la récupération des biens non réclamés par des propriétaires et il s'assure que des biens qui demeurent non réclamés profiteront à l'ensemble de la collectivité québécoise.

(15 h 20)

En résumé, il existe plusieurs avantages découlant de ce projet de loi. D'abord, les institutions et entreprises détentrices de biens non réclamés devront faire des recherches sérieuses pour aviser les propriétaires. Deuxièmement, les frais exigibles par les détenteurs de biens non réclamés seront limités à ceux prévus au contrat afin de protéger les intérêts des propriétaires absents. Troisièmement, il propose la création d'un guichet unique, en l'occurrence chez le Curateur public du Québec, qui simplifie la tâche des propriétaires lorsque vient le temps de réclamer leurs biens. Quatrièmement, le taux de remise des biens aux citoyens devrait s'accroître. De plus, le droit de récupération des biens ne sera plus soumis à la prescription, sauf en matière de succession, c'est-à-dire que les propriétaires pourront réclamer leurs biens en tout temps. La remise, aussi, M. le Président, et la valeur des biens à l'État augmentera l'efficacité financière du gouvernement sans pour autant faire perdre de droits aux propriétaires de ces biens.

Et, finalement, le projet de loi propose la création d'un comité de vérification afin de conseiller le Curateur public sur la qualité de la gestion des ressources du Curateur public.

M. le Président, les modifications apportées par ce projet de loi ne devraient exiger que quelques modifications dans les façons de faire des entreprises, des institutions financières et des professionnels du Québec. Nous sommes confiants que ces intervenants apporteront leur concours à ce projet de loi, de la même façon que l'opposition officielle devrait apporter son concours à un projet de loi juste, bien expliqué, clair, dont les objectifs sont partagés par la population québécoise. Et j'espère que l'opposition autant que les gens concernés aideront le Curateur public à mieux protéger les droits des citoyens. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull. M. le député.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens pour la première fois à titre de critique de l'opposition officielle responsable du Curateur public. J'ai eu l'occasion de participer à certains travaux parlementaires. Toutefois, c'est ma première intervention devant les membres de cette Assemblée. Le projet de loi n° 163, Loi modifiant la Loi sur le curateur public et d'autres dispositions législatives relativement aux biens soumis à l'administration provisoire du curateur public, me fournit cette occasion.

Vous me permettrez, M. le Président, de vous adresser quelques mots relativement à l'importance du Curateur public pour la société québécoise. Cette institution de notre société a pour mission de protéger les droits et les biens des personnes inaptes et les biens délaissés. Une personne est nommée par le gouvernement pour un mandat de cinq ans, qui peut être renouvelé, afin d'agir à ce titre. Il est important de spécifier que le Curateur public est une entité distincte créée en 1945 sous la forme que l'on connaît actuellement. Il relève depuis 1996 du ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

La mission de protéger les droits des personnes inaptes n'est pas une mince tâche. La défense des droits de ces personnes aux soins et aux services requis par leur état de santé, particulièrement dans cette période de coupures dans les services de santé et des services sociaux, exige de nombreuses interventions à tous les niveaux. Afin de concrétiser mes propos, je souhaite vous soumettre le cas de la fermeture de l'hôpital Saint-Julien. Mon collègue de Frontenac a réagi avec la fougue qu'on lui connaît, et je ne saurais mieux plaider que lui pour ce dossier. Il faut cependant constater que cette opération, que l'on qualifie de «désinstitutionnalisation», va avoir des impacts importants sur la qualité de vie des patients qui seront transférés dans les familles d'accueil ou des foyers de groupe. Je suis assuré que le ministre responsable des Relations avec les citoyens va considérer avec une très grande attention les remarques que la curatrice publique pourra lui adresser relativement à ce dossier.

L'autre mission importante du Curateur public, qui est corollaire à la protection des droits des personnes inaptes, c'est la gestion des biens des personnes représentées par celui-ci. C'est une gestion prudente, en ce sens que le Curateur public n'a pas pour mission de faire des placements risqués avec cet argent qu'il doit protéger. Cependant, j'ai constaté avec satisfaction, dans le rapport annuel 1996 du Curateur public, que le taux de rendement des intérêts versés à ces personnes inaptes est demeuré supérieur aux taux courants. Il y a lieu de féliciter les employés du Curateur public pour cette réalisation qui va dans les meilleurs intérêts des personnes à qui ils rendent des services.

Enfin, la dernière mission du Curateur public, celle qui va me permettre de revenir plus précisément à l'objet du projet de loi qui nous est soumis, c'est la gestion des biens délaissés. Je sais que le Curateur public travaille depuis près de trois années à instaurer un guichet unique pour tous les biens délaissés au Québec. C'est 10 000 000 $ de biens délaissés que le Curateur public doit gérer en moyenne par année. C'est donc une activité importante qui requiert la compétence de plus d'une quinzaine d'employés qui s'occupent de la récupération de ces biens, de leur identification, de leur administration et de leur remise à leurs propriétaires légitimes. On remarque, au rapport annuel 1996 du Curateur public, que l'inventaire des dossiers en traitement au 31 décembre 1996 était de 2 701 dossiers, représentant 3 277 juridictions. De plus, le Curateur public a fermé, en 1996, des dossiers pour remise à l'État représentant une valeur de 2 900 000 $.

Vous comprendrez, M. le Président, le rôle important que joue le Curateur public depuis près de 52 ans dans notre société au niveau de la protection des droits et des biens des personnes inaptes et des biens délaissés. Le travail réalisé par le Curateur public n'est pas toujours connu de l'ensemble de la population, et c'est pour cette raison que j'ai cru bon de présenter sommairement sa mission. Le projet de loi modifiant la Loi sur le curateur public et d'autres dispositions législatives relativement aux biens soumis à l'administration provisoire du curateur public contient 82 articles et modifie 20 lois, dont le Code civil du Québec. Ce projet de loi vise principalement à favoriser la récupération et la gestion par le Curateur public de biens non réclamés par des propriétaires ou autres ayants droit. De plus, il a pour objectif d'établir un guichet unique afin de faciliter l'exercice du droit de réclamer des biens non réclamés ou la valeur de ceux-ci auprès du Curateur public.

Ce projet de loi permet de réduire de 10 ans à trois ans la période de liquidation des biens délaissés. Il permet en plus au ministre des Finances de s'accaparer la remise du reliquat malgré que l'on préserve le droit des intéressés à réclamer la valeur de leurs biens auprès du Curateur public. Selon le rapport annuel 1996 du Curateur public, cette mesure va permettre de récupérer d'ici l'an 2000 10 000 000 $ de biens délaissés, en moyenne, par année et d'augmenter de 10 % le taux de remise des biens délaissés aux ayants droit. Le ministre des Finances pourra verser, d'ici l'an 2000, 10 000 000 $ de biens délaissés en moyenne par année dans le fonds consolidé du revenu et ainsi augmenter ses avoirs. On comprend donc, M. le Président, l'intérêt suprême du gouvernement. Cet intérêt de récupérer des argents est non négligeable, et on comprend pourquoi le gouvernement veut hâtivement adopter ce projet de loi.

Le projet de loi n° 163 vise à favoriser la récupération et la gestion par le Curateur public des biens non réclamés. Pour y arriver, on propose principalement trois interventions, soit la description des biens non réclamés, la récupération des biens non réclamés, dans différentes lois, et une obligation à fournir un état décrivant le bien et indiquant, le cas échéant, les nom et dernière adresse connue de l'ayant droit.

L'article 9 est une disposition centrale du projet de loi n° 163 puisqu'il insère trois articles dans la loi qui sont des dispositions particulières aux biens non réclamés. L'un de ces articles, soit l'article 24.1 introduit par l'article 9 du projet de loi, définit des biens non réclamés lorsque leur propriétaire ou ayant droit est domicilié au Québec. On retrouve neuf paragraphes indiquant que, pour certains biens, ceux-ci sont considérés comme non réclamés lorsqu'il s'écoule une période de trois ans qui suit la date d'exigibilité. Auparavant, on prévoyait une période de 10 ans. C'est donc une réduction importante. Cette période de trois ans proposée par le gouvernement va permettre au ministre des Finances de recevoir plus rapidement le reliquat de la liquidation des biens non réclamés et de le déposer dans le fonds consolidé afin d'augmenter ses revenus.

(15 h 30)

Les articles 44 à 76 proposent de récupérer des biens non réclamés dans différentes lois et d'en confier l'administration provisoire au Curateur public. On récupérera donc des biens non réclamés à la Loi sur les caisses d'épargne et de crédit, au Code de la sécurité routière, au Code de procédure pénale, au Code des professions, à la Loi sur les coopératives, à la Loi sur les courses, à la Loi sur les décrets de convention collective, à la Loi sur les dépôts et consignations, à la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, à la Loi sur les forêts, à la Loi sur la liquidation des compagnies, à la Loi sur les pêcheries et l'aquaculture commerciales, à la Loi sur les produits agricoles, les produits marins et les aliments, à la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, à la Loi sur la protection sanitaire des animaux, à la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, à la Loi sur les régimes complémentaires de retraite et enfin à la Loi sur la transformation des produits marins.

Vous m'excuserez, M. le Président, pour cette énumération des lois; toutefois, en procédant à celle-ci, je suis en mesure de démontrer à nos concitoyens et nos concitoyennes l'impact majeur qu'aura ce projet de loi. Dans l'éventualité où je ne vous aurais pas convaincus, à tout le moins j'aurai peut-être suscité une réflexion quant à la nécessité de procéder à la déréglementation ou de légiférer moins mais mieux. Pour chacune des lois que j'ai énumérées, l'autorité qui remet au Curateur public des biens non réclamés a l'obligation de fournir un état décrivant le bien et indiquant, le cas échéant, les nom et dernière adresse connus de l'ayant droit.

Ainsi, ces mesures vont permettre d'établir un guichet unique pour la réclamation des biens délaissés. L'établissement d'un guichet unique, qui constitue le deuxième objectif de ce projet de loi, a été maintes fois énoncé par ce gouvernement. Récemment, le ministre responsable du Développement des régions nous a proposé des centres locaux de développement. Sa collègue de l'Emploi nous a proposé des centres locaux d'emploi. Dans ce projet de loi, le ministre nous propose que le Curateur public soit le seul lieu où les propriétaires ou ayants droit de biens non réclamés auront à présenter une réclamation. En soi, c'est un objectif fort louable. Toutefois, il cache un intérêt du gouvernement à permettre au ministre des Finances de récupérer des sommes plus rapidement et de les verser au fonds consolidé. Pour arriver à ce résultat, on récupère des biens délaissés dans plusieurs lois pour confier leur administration au Curateur public. Par la suite, on réduit la période de cette administration provisoire de 10 ans à trois ans. À l'échéance, selon l'article 24 du projet de loi, le ministre des Finances peut récupérer les sommes qui restent, selon les modalités prescrites par règlement.

On apprécierait, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, que le ministre puisse déposer ce règlement qui nous indiquerait comment le ministre des Finances peut récupérer ces sommes. Il est important d'indiquer qu'en vertu de l'article 25 du projet de loi «les sommes remises au ministre des Finances sont acquises à l'État et sont versées au fonds consolidé du revenu.» Les ayants droit pourront récupérer les sommes remises au ministre des Finances avec intérêts, sous réserve des dispositions du Code civil relatives à la pétition d'hérédité et à l'égard des sommes dont le montant est inférieur à 500 $ au moment de leur remise. L'article prévoit de plus que ce droit est imprescriptible, c'est-à-dire qu'il ne s'éteint pas après une période de temps déterminée. Il est donc plus avantageux pour les ayants droit.

En ce qui concerne les sommes remises au ministre des Finances inférieures à 500 $, le droit de les récupérer se prescrit par 10 ans à compter de cette remise. Enfin, cet article autorise «le ministre des Finances à prélever sur le fonds consolidé du revenu les sommes nécessaires aux paiements faits en application du présent article».

Une autre façon de permettre au ministre des Finances de récupérer des sommes se retrouve à l'article 31 du projet de loi. En effet, le deuxième alinéa précise que les excédents de revenus sur les dépenses pour un exercice financier sont versés, après déduction des sommes jugées nécessaires au maintien du fonds de roulement du Curateur public, au fonds consolidé du revenu. Par ailleurs, l'article 58.1 introduit par l'article 31 du projet de loi permet au gouvernement de fixer par décret le montant maximum des sommes pouvant être versées annuellement au fonds de roulement du Curateur public. Ainsi, le gouvernement peut s'accorder le pouvoir de déterminer le montant qui sera versé au fonds consolidé du Revenu. Nous apprécierions, M. le Président, que le ministre dépose le règlement en question.

Par ailleurs, l'article 32 complète l'article précédent en permettant au Curateur public de prélever certaines sommes à celles qu'il doit remettre au ministre des Finances. Les sommes prélevées sont versées au fonds général du Curateur public. Il accorde, de plus, le pouvoir au gouvernement de décréter les sommes que le Curateur public peut prélever. En procédant ainsi, M. le Président, le ministre des Finances pourra verser, d'ici l'an 2000, comme je le mentionnais, 10 000 000 $ de biens délaissés, en moyenne, par année dans le fonds consolidé et ainsi augmenter ses revenus. Ce que je crains, M. le Président, c'est que l'indépendance de cette institution soit remise en question et qu'elle soit placée dans une situation plus vulnérable, compte tenu de l'appétit du ministre des Finances.

Alors, pour conclure, M. le Président, l'objectif d'établir un guichet unique est peu contestable en soi. Toutefois, lorsqu'on considère que le projet de loi permet de réduire de 10 à trois ans la période de liquidation des biens délaissés et que le ministre des Finances s'accapare la remise du reliquat, malgré que l'on préserve le droit des intéressés à réclamer la valeur de leurs biens auprès du Curateur public, on comprend mieux l'intérêt du gouvernement à procéder à l'adoption du projet de loi, M. le Président.

Je souhaite donc que le ministre puisse nous apporter les éléments de réponse quant aux interrogations qui seront soulevées lors de nos travaux en commission parlementaire. Je tiens à assurer la collaboration de l'opposition officielle à l'amélioration d'un processus qui a pour but de mieux protéger les droits et les biens des personnes inaptes, ainsi que des biens délaissés. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Alors, s'il n'y a pas d'autres intervenants, je m'en vais céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. André Boisclair (réplique)

M. Boisclair: Très rapidement, peut-être, en demandant au député: Est-ce qu'il exprime son appui à l'adoption du principe du projet de loi? Ce qui pourrait peut-être dicter ma... Parce qu'il ne nous a pas renseignés, dans son discours. Peut-être que ma réplique pourrait être inspirée par la position de l'opposition officielle. Si le député avait peut-être la délicatesse de nous indiquer le point de vue de sa formation politique.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député.

M. LeSage: Alors, M. le Président, je dois vous indiquer que l'adoption ce de projet de loi sera faite, à ce moment-ci, sous la forme de division. Nous nous objectons, pour le moment, quitte à obtenir certaines réponses et certains ajustements, peut-être, au projet de loi, comme je l'ai mentionné dans mon discours, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, merci. M. le ministre.

M. Boisclair: M. le Président, le chat est sorti du sac. Le député est quand même un député qui, en cette Chambre, a une longue expérience. Je le côtoie personnellement dans cette Assemblée depuis plus de huit ans, et ce qu'il vient de manifester au nom de sa formation politique, c'est l'opposition au principe du projet de loi.

Un député peut fort bien s'exprimer de façon favorable au principe du projet de loi et cependant, après avoir fait l'étude article par article, lorsque vient le temps d'étudier le rapport de la commission, que vient le temps d'adopter le projet de loi à la toute fin, il peut manifester une opposition puisque, même s'il est d'accord avec le principe, il peut être contre les modalités d'application du principe.

Je comprends que le député, plutôt que de procéder de cette façon, nous indique, tout de go, qu'il est contre le principe du projet de loi. M. le Président, alors vous me permettrez de poser un certain nombre de questions quant aux intentions réelles du député de Hull qui me pose de nombreuses questions et me presse de l'informer des points de vue et des choix gouvernementaux, alors que celui-ci vient de manifester son opposition au principe même du projet de loi.

(15 h 40)

M. le Président, lorsque viendra le temps de répondre aux questions du député, je me ferai un plaisir de lui rappeler qu'il est contre le principe même du projet de loi, même pas sur la forme, sur les modalités, sur le contenu des règlements, il est contre le principe, il est contre le guichet unique. Il est contre le fait qu'on fasse des remises à l'État. Il préférerait sans doute que ces argents restent entre les mains d'entreprises privées, de professionnels qui se serviront de ces sommes à des fins privées plutôt que de s'en servir au bénéfice de l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec et que ces argents soient remis, comme c'était le cas d'ailleurs, au ministre des Finances.

À cet égard, quant aux modalités de transmission, j'indique que déjà, dans l'actuelle Loi sur le curateur public, il était prévu que le ministère des Finances et le ministre responsable du Curateur public ensemble adoptent les dispositions qui prévoient les modalités de remise et la façon dont ces remises doivent s'effectuer dans le temps aussi, sur la forme concrète de ces remises. Donc, à cet égard, lorsque le député vient parler d'une quelconque tutelle du ministre par le ministère des Finances qui, lui, aurait un grand appétit, je dois d'abord vous dire que, sur le fond, je suis tout à fait d'accord à ce que cet argent aille entre les mains de l'État plutôt que rester entre les mains d'intérêts privés. Je pense que c'est juste, c'est une vision progressiste des choses. Nous faisons en sorte aussi de mieux informer les gens. Les biens pourront être réclamés en tout temps.

Qu'est-ce que le député, M. le Président, a à se vexer soudainement de cette volonté juste, légitime, progressiste du gouvernement que de vouloir protéger les gens? Oui, cet argent doit servir à tous les contribuables, oui, ces biens non réclamés doivent servir à l'ensemble des citoyens et citoyennes du Québec. Il est juste qu'il en soit ainsi. Nous avons reçu l'appui des associations de consommateurs, l'appui des gens qui s'intéressent à ces questions. Le seul qu'il me reste à convaincre, c'est le député de Hull, et je suis convaincu que les arguments que nous présenterons en commission parlementaire l'amèneront à défendre avec force et vigueur ce projet de loi devant son caucus. Je comprends qu'il a échoué, cette fois-ci. Je lui souhaite bonne chance pour la prochaine fois parce que l'opposition devra rendre des comptes sur cette question. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. Le principe du projet de loi n° 163, Loi modifiant la Loi sur le curateur public et d'autres dispositions législatives relativement aux biens soumis à l'administration provisoire du curateur public, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Brassard: M. le Président, je voudrais faire motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: Et je vous demanderais d'appeler l'article 5.


Projet de loi n° 159


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 159, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports afin d'instituer le Fonds de gestion de l'équipement roulant. M. le député de Saint-Laurent, je vous cède la parole.


M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. À la suite des nombreux intervenants sur ce projet de loi, ceux qui suivent nos débats à la période de questions depuis la semaine dernière vont sans doute pouvoir se reconnaître dans le fait que le gouvernement, de façon bien – je vois le ministre des Transports qui voudrait que je lui prête un qualificatif avec lequel il serait d'accord – souhaitable, presque timide, de façon tranquille – un petit projet de loi, quatre articles seulement – entend dire: Dans le fond, les gens qui nous écoutent, bien, il n'y a rien là. Tu sais, faites-vous en pas, c'est quelque chose de presque habituel, de standard, il n'y a pas de problème avec ça. Mais, depuis la semaine dernière, on est à même de constater – et la période des questions aujourd'hui, en ce sens-là, a été également éclairante – que le gouvernement a décidé: Oui, c'est une nouvelle formule comptable qui a été rendue publique depuis le mois de septembre, puis, nous, on a décidé de procéder comme ça. Le premier ministre a même dit: C'est grâce à nous si les comptables canadiens font ça. Ha, ha, ha! C'est nous, au Québec, qui avons trouvé ça. Je veux dire, je savais que le ministre des Finances est reconnu pour sa légendaire humilité, mais là c'est en train de déteindre sur le premier ministre aussi.

Ce qui se passe, c'est que le gouvernement, suite à un sommet, en 1996, a réussi à faire accepter le principe du déficit zéro. Donc, les gens étaient d'accord. Vous vous souviendrez même, M. le Président, que les gens ont dit: Il faut absolument que tout le monde fasse l'effort, et le gouvernement s'est engagé. Donc, la perception des gens, au Québec, c'est que le gouvernement ferait de véritables efforts, que le gouvernement ferait vraiment des coupures dans sa gestion quotidienne, que le gouvernement verrait à diminuer ses dépenses à lui. C'est ça que le gouvernement... Les faits s'avèrent que c'est loin d'être le cas, M. le Président. On s'aperçoit que les gens qui sont coupés, en grande partie – et ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne suit de très près ce dossier – les plus démunis de notre société, les gens les plus vulnérables, eux autres font l'objet de coupures.

Alors, le gouvernement, pour tenter de faire la démonstration qu'il veut atteindre son objectif, a décidé d'adopter une formule qui fait qu'on va créer des fonds qui vont permettre aux hôpitaux, par exemple, d'emprunter, des fonds qui vont permettre... comme l'objet du projet de loi qui est devant nous prévoit l'institution du Fonds de gestion de l'équipement roulant affecté au financement des activités reliées à la gestion de ces équipements. Alors, un fonds pour ci et un fonds pour ça, puis emprunter. Donc, tout ça, quand on ne les additionne pas, peut créer l'illusion ou l'optique que le gouvernement, effectivement, est dans la bonne marche pour son déficit zéro.

On sait bien que ce n'est pas le cas, M. le Président. Les municipalités qui ont reçu une facture de 375 000 000 $, elles savent bien, elles, que ceux... Ceux qui les représentaient, qui étaient au Sommet, si on leur avait dit: Dans l'effort du déficit zéro, on va vous envoyer une facture de 500 000 000 $, je ne suis pas certain que ça aurait été aussi unanime. Mais, bien sûr, on n'a pas dit les moyens. C'est la façon habile, et là on nous arrive, fonds après fonds, après fonds pour créer encore une fois l'illusion que l'équilibre, on va y arriver, mais l'ensemble des sommes qui auront été empruntées ou qui auront été amorties, comme dans le cas qui nous préoccupe, ça va avoir des conséquences.

Et c'est quelqu'un qui me donnait le parallèle en fin de semaine, M. le Président, qui disait que c'est comme le travailleur ou la travailleuse qui dit: Bon, bien, là, ce mois-ci, je garde toutes mes paies pour moi et tous les achats que j'ai à faire, je les fais avec ma carte de crédit. Et puis je vais faire une série de paiements, je vais amortir ça. Tu sais, il peut bien dire que, à la fin du mois, il lui reste tout son cash dans ses poches, jusqu'à temps que les factures arrivent de ce qu'il a acheté durant ce mois-ci. Là, il peut toujours se dire: Bien, je ne les paierai pas toutes ce mois-ci, je vais échelonner mes paiements sur... Mais les citoyens qui nous écoutent comprennent bien que, quand tu étales des choses comme les salaires, quand tu étales des choses comme les couches d'usure sur les routes – tu sais, c'est de ça qu'on parle, M. le Président – les gens sentent bien que ça ne tient pas.

(15 h 50)

Ce n'est pas comme ça qu'ils ont conçu, qu'ils ont perçu que c'est de cette façon-là que le gouvernement atteindrait l'objectif qu'il dit que, comme collectivité, on s'est donné. On s'est donné comme collectivité, bien sûr, l'objectif zéro. Mais, si on avait dit aux gens autour de la table, aux municipalités: On va vous envoyer une facture de cette façon-là; si on avait dit aux plus démunis de notre société: Voici comment on va vous traiter; si on avait dit aux gens qui représentent les plus démunis qu'on ferait des propositions comme on fait, là, avant le 21 novembre: Vous allez accepter tel type de remboursement à Hydro-Québec, sans ça, on vous coupe l'électricité; si on leur avait dit: Voici la nouvelle formule, Oups! Je suis loin d'être convaincu qu'on aurait eu l'unanimité qui s'en est dégagée. Mais, bien sûr, on ne l'a pas dit. On ne l'a pas dit, tout le monde a embarqué dans la parade, puis là ça va bien. Mais, quand arrive la façon de procéder...

Et je vous assure, M. le Président, qu'on n'a qu'à faire du bureau de comté, comme j'ai eu l'occasion de le faire à l'automne. J'ai fait du porte-à-porte dans trois des quatre comtés où il y avait des élections partielles, on n'a qu'à écouter les gens, ce qu'ils nous disent, hein? Je te dis qu'eux autres, ce n'est pas comme ça. Ceux qui nous disent même: Moi, j'ai voté... Il y en a qui nous disent, M. le Président: Icitte, on a voté péquiste à la dernière élection parce qu'on avait confiance que, parce qu'on croyait que. D'ailleurs ils le sentent bien, eux autres aussi doivent faire du bureau de comté de temps en temps. Je comprends que des fois à l'Assemblée nationale il y a un député qui a apparemment une pétition en main depuis le mois de mars puis qu'il ne l'a pas déposée. On a vu, même, la semaine dernière qu'il y a des gens qui avaient à lire, à faire la lecture de pétitions de gens de leur comté – puis le premier devoir d'un député, c'est de bien représenter ses électeurs en Chambre – en tout cas, la parole était presque inaudible. À un moment le président a été obligé de se lever puis leur dire: Écoutez, votre premier devoir, comme députés, vous n'êtes pas obligés d'être d'accord avec ce que vous lisez, mais vous avez l'obligation de le bien faire. Donc, je suis convaincu que les députés qu'il y a dans cette Chambre puis ceux qui nous écoutent, M. le Président, ils savent bien, eux autres aussi, que les gens sont de moins en moins d'accord avec la façon.

Pourquoi ils sont de moins en moins d'accord? Parce que ce n'est pas comme ça qu'on leur avait dit que ça se ferait. C'est ça, la vérité. Si les gens avaient su que les listes d'attente seraient celles qu'on a connues aujourd'hui, si les gens avaient su que, pour atteindre le déficit zéro, ils seraient traités de la façon dont ils sont traités, je suis convaincu... Puis vous aussi, M. le Président, vous avez une expérience de la chose publique puis du bureau de comté et vous savez très bien que les gens, ce n'est pas comme ça. Les gens ont confiance, ils ont leurs préoccupations, leur soucis quotidiennement et ils font confiance à leurs élus quand leurs élus disent: Voici l'objectif.

Aïe! Je pense que, là, ils sont en train de découvrir qu'ils sont mieux de poser pas mal plus de questions, et là il va falloir que le gouvernement leur dise combien il va y en avoir, de fonds de la nature qui fait l'objet du projet de loi n° 159 aujourd'hui. Ça va être quoi, la totalité des sommes qui composeront l'ensemble de ces fonds? Ça va être quoi, le total de l'endettement des hôpitaux, M. le Président? C'est combien collectivement? Même si on trouve une astuce pour ne pas les mettre dans les chiffres du gouvernement, ça va totaliser combien? Parce que, comme collectivité, on va l'avoir, cette facture-là.

Alors, il est important que les gens... Et c'est ça, le rôle de l'opposition, c'est d'obliger le gouvernement à dire la vérité, à dévoiler ses intentions et pourquoi il veut procéder de cette façon-là. Parce que les conséquences, c'est la population qui va les avoir, M. le Président. Et d'ailleurs, ça vous a déjà été cité à date, lorsque, jeudi le 13 novembre, dans un article du Soleil sous la plume de Michel David, il est dit: «Tout le monde reconnaît que certaines immobilisations doivent être amorties sur une longue période, mais le gouvernement prend d'inquiétantes libertés avec le dictionnaire quand il inclut dans la rubrique Investissements des dépenses aussi courantes que le pavage des routes, y compris les salaires des fonctionnaires du ministère des Transports.»

Comment il décrit la manoeuvre du gouvernement, M. le Président? «Mais le gouvernement prend d'inquiétantes libertés avec le dictionnaire». Ça revient dans les mots que je tentais de vous décrire tantôt. Les gens, ce n'est pas comme ça qu'ils pensaient que ce gouvernement-là ferait ça. Et, si les gens l'avaient su, ils ne leur aurait pas donné l'appui qu'ils leur ont donné en 1994, parce que ces gens-là – un grand nombre d'entre eux – ont le sentiment d'avoir été trompés, d'avoir été trahis. On leur a fait naître des espoirs, on fait naître des illusions. Mais, quand la réalité les frappe, quand de plus en plus ils découvrent que le gouvernement n'a pas véritablement fait l'effort que les gens croyaient qu'il ferait...

Dernièrement, le ministre des Richesses naturelles – puis vous êtes témoin de ça, M. le Président – était bien fier de nous annoncer... il a dit: Il va y avoir une augmentation de 1,8 % de la facture d'électricité, puis après ça c'est gelé pour trois ans. Comme, dans les deux dernières années, il y en a eu une par année, je suis convaincu que la population aurait préféré qu'il dise: C'est gelé à partir de maintenant, puis, s'il doit y avoir une augmentation, ça va être dans la quatrième année. Quand tu veux donner une façon à la population de respirer, tu peux prendre ça comme ça. Bien non! Ce n'est pas ça qu'il fait. Une augmentation il y a deux ans, une augmentation cette année, puis il en prédit une pour l'année prochaine. Mais il ne faudra pas oublier qu'à compter du mois de janvier 1 % de la taxe de vente s'ajoute à la TVQ sur la facture d'électricité. Ha, ha, ha! C'est ça qu'on compte, là. Évidemment, on préfère ne pas comptabiliser ces choses-là.

Je me souviens, une des premières questions que j'ai posées au premier ministre concernant les augmentations d'Hydro-Québec, les premières décisions qu'il a eu à autoriser comme premier ministre au Conseil des ministres, c'est une augmentation de la facture d'Hydro-Québec. Et, quand je l'ai questionné en Chambre, il m'a dit: Oh, mais ça, ce n'est pas des taxes, ça, c'est de la tarification. Ah! Vous regarderez sur votre talon de paie, M. le Président, si vous en avez un pour les taxes puis un autre pour la tarification. Prenez tout ça au même endroit. Ha, ha, ha! Et, quand on essaie de jouer avec les mots comme ça, quand on essaie de faire des fonds dédiés comme ce qui nous amène aujourd'hui...

Chaque fois qu'on essaie de faire des manoeuvres, comme c'est là, c'est ça qui fait que l'Assemblée nationale puis que, les élus, on diminue dans notre degré de crédibilité auprès de la population, parce qu'elle sent bien que ce n'est pas pour ça qu'elle a fait confiance à ses 125 députés à l'Assemblée nationale. Elle ne pensait pas que c'étaient des choses comme ça qu'on ferait. Elle pensait qu'on aurait le courage, l'honnêteté, la transparence, la franchise de dire les choses telles qu'elles sont. C'est ça que les gens pensaient. Et, tant qu'on n'aura pas le courage de dire les choses comme elle sont, à notre niveau, la perception qu'aura la population de la façon dont les choses de l'État sont menées se reflètera de façon négative sur l'ensemble des gens qui siègent ici. Les gens ne se reconnaissent pas. Ils disent: Comment ça se fait? Vous ne nous avez jamais dit ça. Vous n'avez pas dit ça comme ça.

Je regardais, là, la semaine dernière, déposer un projet de loi, et, on le sait bien, il faut qu'il soit adopté avant la fin du mois de décembre, donc ça veut dire que, d'ici un mois, s'il n'a pas été adopté par le processus normal, il y aura bâillon. Tu sais, un projet de loi de 500 articles, comme ça, là, qui affecte un paquet de lois dans un tas de domaines, puis envoie donc, qui y va même des travailleurs à... Tout ça dans le même paquet, puis envoie donc, faut que ça passe. Croyez-vous, M. le Président, que les gens pensent que c'est une façon respectueuse de ce qu'ils sont, comme population, agir de cette façon-là? Croyez-vous que les gens qui nous écoutent aujourd'hui, qui prennent connaissance de ces fonds-là dédiés, pensent que c'est la façon correcte de les représenter? Est-ce que vous croyez qu'ils se reconnaissent dans cette façon-là de procéder? Bien sûr que non. Et c'est l'institution qu'est le Parlement qui est diminuée en utilisant des astuces comme celles-là.

Au niveau du langage, c'est bon. On parle de transparence, mais on n'agit pas de façon transparente. On parle de solidarité, mais on n'agit pas de façon solidaire, M. le Président. Le langage est bon, ce sont les gestes qui ne coïncident pas avec le discours. Alors, c'est ça qui, à mon avis, fait qu'on a une population qui se reconnaît plus difficilement dans l'institution qu'est le Parlement parce qu'elle trouve que des gens à qui elle a fait confiance n'agissent pas de façon à, si vous voulez, justifier la confiance que ces gens-là ont mise dans la population. Alors, vous comprendrez qu'on ne peut pas se lever puis souscrire à ça en disant: Bon, c'est encore un autre fonds puis ce n'est pas bien grave.

(16 heures)

J'entendais aujourd'hui le ministre des Finances qui venait à la rescousse du premier ministre pour tenter de nous expliquer les fonds. Bien oui! Bien oui! Il dit: Il y en a déjà eu, d'autres fonds, avant. Bien oui! Mais il y avait un fonds pour obliger tous les ministères à regrouper leurs achats à l'intérieur d'un même processus d'appel pour que le gouvernement puisse bénéficier de taux avantageux, de prix avantageux. Mais chacun des ministères devait acquitter dans son année budgétaire les achats qu'il avait faits.

On peut bien dire: Il y avait un fonds, mais on ne parle pas de la même sorte de fonds que ce dont on discute aujourd'hui. Il faut faire la distinction. Que le premier ministre ne comprenne pas ça, ça peut être un peu surprenant pour certains, pour d'autres moins, mais que le ministre des Finances se lève puis essaie d'en parler comme si ce que je vous décris là n'existait pas, puis que le président du Conseil du trésor, lui, en remette, là, franchement, ça augmente le taux de suspicion puis de méfiance qu'on peut avoir. Parce que, eux, ça ne se peut pas qu'ils ne le sachent pas. Ça ne se peut pas. Parce que, là, s'il fallait, ça serait, comme on dit, le bout du bout. Tu sais, s'il fallait que le ministre des Finances... Il ne s'agit pas de son compte de taxes à Montréal, il s'agit des finances du Québec, là. Il faut qu'il soit un peu plus vigilant dans ce domaine-là. Donc, quand il essaie de dire: Il y en avait, des fonds, dans votre temps, puis il en existait, des fonds comme ceux que je viens de vous décrire, ce n'est rien de comparable.

Vous m'indiquez qu'il me reste deux minutes à mon temps, M. le Président, et vous savez ma façon toujours respectueuse de suivre les règlements de cette Assemblée. Vous comprendrez qu'en terminant il n'est pas possible... On a, je pense, l'obligation, comme membres de l'Assemblée nationale, comme membres d'une formation politique à qui la population a confié le mandat d'être vigilants, de faire de l'opposition pas négative, de faire de l'opposition constructive, nous avons l'obligation d'attirer l'attention de la population sur les manoeuvres que ce gouvernement-là tente de faire pour maintenir cette espèce de perception. Mais de moins en moins la population va embarquer dans ce discours qui ne coïncide pas avec les faits. Et c'est pourquoi, M. le Président, vous comprenez que, comme député de Saint-Laurent et comme membre de notre formation politique, nous voterons contre le principe de ce projet de loi. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Saint-Laurent. Prochain intervenant, M. le député de Laurier-Dorion, je vous cède la parole.


M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je constate que les députés ministériels sont d'accord avec ce qu'on dit. Il n'y a personne qui réplique de l'autre côté. Ils sont évidemment muets sur cette question parce qu'ils sont obligés de suivre les ordres, finalement, du ministre des Finances qui leur dit: Ne pensez pas, ne réfléchissez pas à ce que vous entendez en Chambre, juste levez-vous, votez pour me couvrir quand je vais présenter ce projet de loi parce que j'en ai besoin pour effectuer la démarche de manoeuvres, d'astuces, de zigzags, si on peut parler ainsi, qui caractérise ce gouvernement depuis son arrivée.

M. le Président, le projet de loi n° 159, comme le disait très bien mon collègue tantôt, est un projet de loi qui prévoit la constitution d'un autre fonds spécial, et un fonds qui rentre exactement dans la stratégie de camouflage, de manoeuvres et d'astuces, qui sont de quatre ordres, quand il s'agit de regarder la question du déficit en particulier, de quatre ordres qui, pris dans leur ensemble, présentent un tableau qui ne fait qu'accroître le cynisme qu'ont nos concitoyens par rapport au processus démocratique et aux débats que nous avons ici, en Chambre, et au travail que doivent faire normalement les députés, M. le Président.

C'est quoi, les quatre manoeuvres, finalement, de ce gouvernement quant à sa stratégie de cacher et de tromper la population quant à l'état réel de la situation, M. le Président? La première chose qu'ils ont faite en arrivant au pouvoir, c'était peut-être ce qui leur a le plus causé problème par la suite. Parce que le ministre des Finances, à l'époque, était nouveau, il arrivait avec une certaine, je dirais, objectivité, quand il est arrivé. On se rappelle que c'était un nouveau ministre des Finances, M. le député de Crémazie actuel, qui a été nommé à l'époque par le premier ministre du temps. Il a vite pris connaissance de l'état des finances et il a dit: Bon, je constate que je connaissais la situation, je n'ai pas de surprise là-dedans. Ce que les libéraux avaient présenté comme budget correspond à la réalité que je trouve. Il avait dit ça au mois de septembre, en arrivant, en prenant le pouvoir. On pouvait dire, et il a dit effectivement: je n'ai pas encore terminé mon analyse, M. le Président, mais, ce que je vois, c'est bon, c'est à peu près ce que les libéraux nous avaient dit qu'ils avaient en termes de rentrées éventuelles, de dépenses, etc. Et on constate que depuis deux, trois ans avant l'arrivée au pouvoir du Parti québécois, les dépenses étaient contrôlées, et il y avait une baisse des dépenses assez évidente.

Deux, trois mois plus tard, au mois de décembre, après effectivement avoir eu le temps de terminer son analyse, le ministre des Finances du temps publie un document sur l'état des finances du Québec à l'époque qui valide, après une analyse exhaustive de la situation par les fonctionnaires, par le ministère des Finances, ce qu'il disait en septembre. Il disait donc: Pas de surprise, c'est correct, on reconnaît la réalité telle qu'elle est. Et la réalité était une réalité qui avait déjà commencé un ciblage d'une réduction de déficit, M. le Président. Or, on se rappelle que, quelque part au mois de décembre aussi, a commencé tout le truc des astuces, parce qu'on se rappelle du premier ministre du temps, M. Parizeau, qui nous avait effectivement dit qu'il fallait dorénavant agir avec astuce. Et les astuces ont fait en sorte que tout d'un coup les chiffres que le ministre des Finances, le député de Crémazie, avait validés comme étant des bons chiffres soudainement n'étaient pas de bons chiffres.

Ça, on l'a su, on le disait, mais personne ne nous croyait, M. le Président, jusqu'à tout récemment, quand un ex-ministre de ce gouvernement, quelqu'un qui assistait à toutes les réunions du Conseil des ministres, a décidé de publier un livre et de décrire la façon dont les choses se passaient. Et, par rapport à la première stratégie d'astuces qui consistait effectivement à gonfler artificiellement le déficit que le Parti québécois avait trouvé, qu'est-ce qu'il disait, cet ex-ministre, le député d'Iberville? Il disait: «À cet égard, il faut aussi souligner le comportement du gouvernement lors de son arrivée au pouvoir et à l'occasion du budget préréférendaire. En l'espace d'au plus deux semaines – deux semaines! – les estimés initiaux du déficit laissé par les libéraux présentés au Conseil des ministres ont grimpé de quelque chose comme 600 000 000 $ sans que la moindre information ne soit fournie pour expliquer cet écart qui soulevait à tout le moins de sérieuses questions sur la qualité de l'administration et des systèmes d'information au ministère des Finances.»

Autrement dit, M. le Président, le premier pas que ce gouvernement a fait dans cette stratégie de camouflage, c'était de dire: Oh, mon Dieu, mon Dieu! Tout d'un coup, les libéraux nous ont laissé 600 000 000 $ de plus de déficit. Mais ils l'ont gonflé, ce déficit qu'ils ont trouvé, de façon totalement artificielle, sans la moindre explication, dit un témoin oculaire et auditif des discussions au Conseil des ministres. Tromperie. Ce n'est pas vrai que ce qu'on nous dit de l'autre côté quant au déficit spectaculaire de 6 000 000 000 $ que les libéraux auraient laissé. C'était faux. Quelqu'un le dit noir sur blanc, quelqu'un qui, de plus, n'était pas un libéral et qui, de plus, était là quand ça se passait.

Alors, première démarche: Gonflons ce qu'on a trouvé, disons que c'était épouvantable. Deuxième démarche, M. le Président, qui a commencé avec le dépôt des budgets: Maintenant qu'on a dit que tout était épouvantable et qu'on a préparé la population à des augmentations d'impôts et de taxes, augmentons les impôts sans dire que ce sont des augmentations de taxes. Alors, là, on a vu toutes sortes de tarifs qui ont été imposés ici et là, toutes sortes de frais qui ont été ajoutés aux responsabilités que les contribuables avaient. Autrement dit, on a taxé, mais on n'a jamais dit que c'étaient des taxes, si ce n'est le fait qu'on poussait en avant pour que ça commence – et ça va entrer en vigueur le 1er janvier, une réelle augmentation de taxes dont tout le monde va pouvoir se rappeler.

(16 h 10)

On l'a annoncée au mois de mars en disant que ça allait entrer en vigueur au mois de janvier, avec l'espoir qu'on aurait pu le cacher dans l'ensemble des autres propositions qui étaient mises de l'avant par le budget. Mais la démocratie fait en sorte que nous avons l'occasion ici, en cette Chambre, de soulever ces faits. C'est ainsi qu'on a pu rappeler à tout le monde, et ça a été fait, je pense, très, très bien cette semaine, en particulier, M. le Président, par le critique de l'opposition, que effectivement, le 1er janvier, 600 000 000 $ à 700 000 000 $ de plus sera cherché dans les poches des contribuables du Québec par l'augmentation de la taxe de vente du Québec. Chaque fois qu'on va aller acheter quelque chose, hop! Un petit 1 % de plus. Et quand vous additionnez tout ça, c'est 600 000 000 $ à 700 000 000 $ que ça va coûter aux contribuables québécois.

Alors, on augmente les impôts et les taxes après avoir gonflé artificiellement le déficit. Et, troisième astuce, on dit: On va couper dans les dépenses, on va tous faire notre part, etc. M. le Président, on va couper dans les dépenses, mais on n'a pas dit qu'on allait couper dans les dépenses des autres, parce que le gouvernement, lui, au niveau de ses dépenses proprement gouvernementales, il les baisse – combien pensez-vous, M. le Président, savez-vous? – de 0,6 %.

C'est vrai que nos concitoyens à l'extérieur trouvent qu'on coupe beaucoup, mais ce n'est pas dans les dépenses gouvernementales qu'on coupe, ce n'est pas dans les dépenses de l'appareil, des machines. Parce que le premier ministre actuel, le député de Jonquière, nous disait avec le sérieux qu'on lui connaît: «Personne ne sera touché, juste l'administration, la machine, pas les citoyens.» Pourtant, les citoyens, ils sont complètement – comment dirais-je, M. le Président – écrasés par les coupures, mais pas dans les coupures des dépenses du gouvernement, dans les coupures dans le réseau de la santé, dans les services aux citoyens. Ceux qui ont besoin de soins, bien, mettez-vous en ligne pour les avoir parce que les listes d'attente s'allongent dans les hôpitaux parce que le gouvernement, lui, n'a pas coupé dans ses dépenses mais a dit aux hôpitaux: Coupez dans vos dépenses. Il n'a pas coupé dans ses dépenses mais a dit aux écoles: Coupez dans vos dépenses, au point où il y a des écoles au Québec qui n'ont pas de manuels scolaires à donner à tous leurs enfants.

Les municipalités, on leur dit: 500 000 000 $. Je m'excuse, 375 000 000 $, parce que c'est l'autre tactique: Négocions, négocions, négocions. Commençons avec des montants comme ça parce que, réellement, on sait ce qu'on veut de toute façon. Une autre coupure refilée sur le dos des municipalités, qui vont faire quoi? Elles vont refiler la facture sur le dos des contribuables par des augmentations de taxes. N'oublions pas que, déjà, ceux qui sont des propriétaires de maison partout au Québec, au niveau des taxes scolaires, par exemple, ont vu leur facture augmenter de 50 %, M. le Président. Ce n'est pas des coupures de dépenses gouvernementales qu'on a eues, c'est des coupures dans les montants disponibles aux commissions scolaires qui, elles, ont nécessairement refilé la facture aux contribuables. Alors, on dit qu'on n'a pas augmenté les taxes, mais les taxes scolaires ont augmenté, les taxes municipales vont augmenter, la taxe de vente va augmenter, les frais d'immatriculation et toutes sortes d'autres frais vont augmenter et ont déjà augmenté, M. le Président.

Et là on arrive au quatrième point, qui est un peu le summum des manoeuvres, M. le Président. Pendant que le gouvernement dit: Je vais arriver en 1999-2000 à avoir un déficit zéro... Je vais vous citer quelque chose. On dit: Oups! C'est un peu louche, cette soudaine prolifération de fonds spéciaux qui font quoi, M. le Président? Ça permet au gouvernement de reporter sur plusieurs années des dépenses qui devraient normalement être comptabilisées maintenant. Autrement dit, pendant qu'on dit qu'on réduit le déficit, qu'on l'amène à zéro...

Parce qu'il faut bien comprendre c'est quoi, un déficit. C'est la différence entre les recettes puis les dépenses. Si on a 10 $ de revenu puis on en dépense 12 $, bien, on a 2 $ de déficit. M. le Président, pendant qu'on dit qu'on réduit cet écart pour que ça puisse arriver kif-kif à un moment donné, à côté, on est en train de partir des dettes qui étaient à zéro mais qui vont augmenter à 2 $, si c'était 10 $. Alors, ici, ça va être réduit de 12 $ à 10 $, dans l'exemple que je donnais, puis ici ça va être augmenté de zéro à 2 $. Le net-net de tout ça, M. le Président, on risque d'être au même point qu'on était auparavant, sauf que, dans le discours, on va dire: On est en train d'atteindre le déficit zéro. La réalité, c'est qu'on a camouflé le déficit, on l'a caché. On n'a pas éliminé le déficit, parce que, regardez ce qu'on fait, on prend des choses comme la réparation des routes, les couches d'usure d'asphalte... On construit une route, ça, c'est une dépense qu'on peut peut-être faire payer à long terme en empruntant. Quand on a, par exemple, si on la ramène à la situation des citoyens, à acheter une maison, oui, on va hypothéquer la maison. On va prendre une hypothèque puis on va la payer sur plusieurs années. On a une dette à long terme. Pour un État, l'équivalent serait, je ne sais pas, moi, la construction d'une autoroute. On va dire: Oui, on ne peut pas, dans une année, faire payer 2 000 000 000 $, 3 000 000 000 $ que ça peut coûter pour construire une autoroute, on va émettre des bons, on va emprunter, finalement, puis on va payer ça sur une base de 10, 15, 20, 30 ans...

Une voix: La peinture d'une maison.

M. Sirros: ...l'équivalent de l'achat d'une maison. Mais quand le propriétaire de la maison, il a acheté sa maison avec l'hypothèque qu'il a, bien, il faut qu'il la peinture pour aller vivre dedans, M. le Président, ou parce que, après cinq ans qu'il y a déjà vécu, il trouve qu'il faut la rafraîchir, il ne va pas augmenter son hypothèque pour payer ça. S'il fait ça, il est dans le trouble. Il est dans le trouble puis il ne peut pas nous dire qu'il gère bien ses finances personnelles.

Mais c'est ce qu'on est en train de faire ici, M. le Président. On nous dit: Bien, la route, on a déjà une dette pour la construction de la route, maintenant, on va aller chercher une dette pour réparer la route en plus, parce que, chaque année, bien, l'hiver fait ses ravages, les voitures passent, creusent des trous, etc., il faut remplir ces trous. Normalement, et c'est ce que tous les gouvernements faisaient avant, M. le Président... L'autre gouvernement, libéral, qui précédait celui-ci, qui est accusé d'avoir laissé un déficit énorme, avait au moins le mérite de dire clairement aux gens quelle était la dette qu'on avait comme collectivité. On n'allait pas emprunter pour remplir les trous dans nos routes. On empruntait pour les construire, oui, mais là on est rendu au point où non seulement, par exemple, on remplit avec des dettes l'asphalte que les autos, l'hiver, ont mangé, mais, en plus de ça, on va emprunter pour payer le salaire de celui qui va réparer la route.

Alors, M. le Président, si le gouvernement veut être sérieux quant à la réduction, l'effort réel qu'il fait par rapport à la réduction du déficit, il aurait dû être honnête quant à la situation réelle qu'il a trouvée quand il est arrivé au pouvoir et éliminer 600 000 000 $ à 700 000 000 $ de ce gonflage artificiel, et être honnête par rapport à la taxation qu'il impose aux personnes et arrêter de couper les dépenses des autres, mais subir lui-même des dépenses réelles au niveau de l'appareil ou des machines pour que ce soit crédible, parce qu'il a pris la voie facile, il a dit aux autres de couper sans, lui, se couper.

On a vu, cette semaine, combien les dépenses ont augmenté même pour des... Des bebelles, vous allez me dire, mais c'était combien de millions?

Une voix: Les agendas.

M. Sirros: Les agendas, les chemises, les crayons, et tout ça, dans une véritable tentative de contrôle des dépenses, ces dépenses-là n'augmentent pas, surtout si, supposément, il y a moins de fonctionnaires. Bien, s'il y a moins de personnes qui utilisent les crayons, comment il se peut qu'on achète plus de crayons, si ce n'est que parce qu'on est des mauvais gestionnaires, M. le Président, de l'autre côté? Alors, c'est ça qui arrive.

(16 h 20)

Il y a donc une prolifération de fonds, et je ne peux pas comprendre que les députés de l'autre côté, qui, normalement, sont capables de réfléchir et devraient normalement représenter leurs citoyens correctement, sont arrivés à ce point à être muets devant cette question et qu'ils vont juste se lever pour voter tranquillement et béatement quand leur ministre des Finances ou leur ministre du Revenu va leur dire de se lever, M. le Président. Quant à sa face même, cette manoeuvre est une manoeuvre de cacher, de tripoter, de faire en sorte que les gens pensent qu'on fait quelque chose pendant qu'on ne le fait pas. Et, au contraire, on fait le contraire. Comment on explique le fait qu'un État, un gouvernement, est rendu à payer avec des emprunts, des dettes, des achats qui jusqu'à maintenant ont toujours été payés comptant? Quand on voulait acheter un ordinateur à 2 000 $, 4 000 $, 5 000 $ pour le fonctionnement du gouvernement, bien, on le payait comptant avant. Oui, il y avait un déficit à côté, mais, comme je disais, c'était bien honnête, parce que, si on n'en avait pas assez et qu'on jugeait que ça prenait ça, bien oui, effectivement on le finançait, M. le Président, mais on le disait à tout le monde. On le disait. Et on avait déjà commencé à réduire cet écart. Ce qu'on fait maintenant, c'est qu'on dit: On réduit l'écart. C'est parce qu'on ne prend pas l'argent pour acheter l'ordinateur, on va le chercher à côté.

Si je peux le réduire encore à un exemple pratique, tout le monde a un compte de chèques. Dans le compte de chèques, il y a des rentrées de fonds. Quand, au bout de la ligne, tes dépenses dépassent tes rentrées de fonds, les gens utilisent souvent une ligne de crédit. C'est le déficit. Alors, la ligne de crédit était rendue à un point où on disait: Il faut la réduire. Tout le monde convenait qu'il fallait la réduire. Alors, là, on a commencé à dire: On va réduire nos dépenses pour payer la ligne de crédit et la ramener à zéro. Sauf que ce qu'on fait, on ramène la ligne de crédit à zéro, mais là on est allé à la banque à côté puis on est allé chercher un emprunt pour la peinture de la maison, réparer le toit de la maison, acheter l'ordinateur dont l'enfant a besoin pour faire ses études, M. le Président. Alors, oui, la marge de crédit va diminuer, mais, tout d'un coup, oups! à côté il va y avoir d'autres dettes, des dettes spécifiques.

Alors, c'est où, l'honnêteté là-dedans, M. le Président? C'est quoi, la vérité quand on parle du déficit zéro? Et pourquoi à ce moment-là faire souffrir nos concitoyens d'une telle façon brutale au niveau des services de santé, au niveau de l'éducation, au niveau de leur vécu quotidien, par rapport à leur capacité individuelle de rencontrer leurs dépenses, en augmentant les taxes comme on l'a fait, en mettant sur le dos des contribuables des dettes au niveau des commissions scolaires, des municipalités, etc., M. le Président? Tromperies, manoeuvres, astuces, c'est ce qui caractérise ce gouvernement depuis le début, et c'est pour ça que nous sommes contre ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député Laurier-Dorion. S'il n'y a plus d'autres intervenants, je dois offrir à M. le ministre la possibilité de prendre la parole pour sa réplique. Alors, M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard (réplique)

M. Brassard: Oui, certainement. M. le Président, les députés de l'opposition ont défilé depuis un certain nombre de jours pour intervenir sur le projet de loi n° 159 qui crée le Fonds de gestion de l'équipement roulant. Et le constat que je peux faire à la suite de toutes ces allocutions, c'est que, tout récemment, l'opposition officielle, le Parti libéral vient de faire une grande découverte qui l'embarrasse beaucoup. Les libéraux viennent de découvrir que le gouvernement va atteindre, tel que prévu, en 1999-2000, le déficit zéro. Ils viennent de se rendre compte de ça. C'est tout récent. Ils viennent de se rendre compte que l'engagement pris par le gouvernement va être respecté scrupuleusement. Au sou près, au dollar près, il va être respecté.

Probablement que ce sont leurs amis fédéraux qui les ont réveillés en leur disant: Écoutez, savez-vous que le gouvernement du Québec, il va l'atteindre, le déficit zéro, tel que prévu, au moment prévu, et qu'aux prochaines élections ça va être un atout considérable pour le Parti québécois? La population va se rendre compte que le gouvernement a livré la marchandise. La population va se rendre compte que le gouvernement du Parti québécois a respecté ses engagements.

Alors, là, ils viennent de découvrir ça, parce qu'ils n'y croyaient pas. Jusqu'à tout récemment, ils ne croyaient pas que le déficit zéro serait atteint. Ils ne croyaient pas ça. Pourquoi ils ne croyaient pas ça? Ils ne croyaient pas ça parce qu'ils se basaient sur leur vécu, sur les années où ils ont été au gouvernement, ici, et où leur gestion a été un échec lamentable, gestion pourrie des finances publiques.

En 1993-1994, quand le ministre des Finances du gouvernement libéral s'est levé en cette Chambre pour déposer son budget – c'est oublié maintenant parce que, évidemment, quand on se rend compte de la gestion lamentable des finances publiques qui a été la leur, on a oublié ça...Dans le budget 1993-1994, le ministre des Finances du gouvernement libéral a dit: Dans cinq ans d'ici, on va atteindre le déficit zéro; à partir de 1993, les déficits vont décroître jusqu'en 1997-1998, et là on va atteindre le déficit zéro. Et les déficits décroissants pour les quatre années suivantes se chiffraient, selon le ministre des Finances d'alors, à 10 625 000 000 $, en les additionnant. Ça va décroître et, en 1997-1998, ça va être le déficit zéro. Il l'a annoncé dans son budget.

L'année suivante, en 1994-1995, là il dépose à nouveau son budget puis il révise à la hausse les déficits accumulés. Ce ne sera plus 10 000 000 000 $, ça va être 18 260 000 000 $, 72 % de plus, d'augmentation. Puis il prévoit à ce moment-là, pour 1994-1995, un déficit de 4 400 000 000 $. Et vous savez l'histoire, bon, c'est bien connu, la population le sait aussi. Si nous n'étions pas intervenus, puisque nous avons été élus en septembre 1994... Et là nous avons mis en oeuvre des mesures de redressement, parce qu'on s'est rendu compte que le déficit ne serait pas de 4 400 000 000 $ mais, si on avait laissé faire, qu'il se serait terminé à 6 200 000 000 $. Un record, du jamais vu, un championnat!

C'est ça, la gestion libérale, une gestion d'incompétents, d'irresponsables, un gâchis jamais vu, historique. Ils ont fait des dégâts aux finances de l'État comme ce n'est pas possible. Alors donc, avec un passé comme celui-là, évidemment, voyant le gouvernement actuel se fixer des objectifs, en 1999-2000, de déficit zéro, ils n'ont pas cru cela. Ils ne l'ont pas cru. Bien non, ils ne réussiront pas. Ça n'arrivera pas. Forcément! Ils se trompaient tout le temps dans leurs prévisions, à coup de 700 000 000 $, 800 000 000 $ et 1 000 000 000 $, dans leurs prévisions de déficit. Alors, ça n'arrivera pas, ils ne réussiront pas. Et là, maintenant, depuis quelques temps, ils viennent de se rendre compte, de prendre conscience que, oui, on va réussir, on va l'atteindre, le déficit zéro. On va livrer la marchandise puis on va respecter nos engagements. Et la population est derrière nous massivement dans cette démarche, dans cette opération.

Alors là, qu'est-ce qu'ils font? Ils essaient, à partir de là, de jeter le discrédit sur le gouvernement. Ils essaient de semer le doute dans la population pour faire croire que ce n'est pas vrai que le déficit zéro va être atteint. Ce n'est pas vrai, c'est une entourloupette, c'est une supercherie, comme disaient certains députés de l'opposition, c'est faux parce que, le déficit, on le camoufle partout dans des fonds, des fonds spéciaux qu'on crée et, comme disait le député tantôt, des fonds qui prolifèrent. Il y a prolifération de fonds. Bien, en matière de prolifération de fonds, le gouvernement libéral est meilleur, parce que le gouvernement libéral a créé savez-vous combien de fonds spéciaux? 22, 22 fonds spéciaux, 22 fonds spéciaux!

(16 h 30)

Alors, si on parle de prolifération de fonds spéciaux, il faut se reporter à l'époque où ils étaient au gouvernement. Là, vraiment ça proliférait. Alors, là, la thèse qu'ils véhiculent et qu'ils propagent, c'est de dire: Le gouvernement fait du camouflage – opération camouflage – fait des cachotteries. Je vais prendre deux exemples qui me concernent. Le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier, créé l'année dernière, comment peut-on prétendre que c'est une opération camouflage quand, premièrement, le fonds a été créé en vertu d'une loi adoptée par l'Assemblée nationale, au vu et au su de tout le monde? Où est la cachotterie? Où est le camouflage? Le Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier a été créé en vertu d'une loi, puis je me souviens du critique de l'opposition en matière de transports. Il a surtout beaucoup insisté sur le fait qu'il n'y avait pas assez d'argent dans le fonds pour le réseau routier. C'était ça, vraiment, sa préoccupation, je dirais presque son obsession. Ce n'était pas du tout de dire qu'il y avait là une tentative, de la part du gouvernement, de camoufler une partie du déficit. Ce n'était pas ça du tout, c'était de dire: Il n'y a pas assez d'argent. Parce qu'on prévoyait, à cette époque-là, l'année dernière, 75 000 000 $ de plus dans des travaux routiers, puis il prétendait que ce n'était pas assez. Il avait peut-être raison, remarquez bien, mais c'était ça, sa préoccupation. La loi a été adoptée, il y a eu à peine deux ou trois intervenants, de l'autre côté. Donc, créé en vertu d'une loi à l'Assemblée nationale, au vu et au su de tout le monde.

Deuxièmement, M. le Président, le niveau d'investissement du fonds routier, comme on l'appelle familièrement, il se retrouve dans le Discours sur le budget. Y a-t-il un document plus public que le Discours sur le budget? Si vous voulez savoir quel est le niveau d'investissement dans le réseau routier, vous allez au Discours sur le budget, vous allez le voir. Ça a été annoncé par le ministre des Finances. Cette année: 515 000 000 $. C'est ça, le niveau d'investissement. C'est connu, ça se trouve dans un document budgétaire officiel qui s'appelle le Discours sur le budget.

Le coût du service de la dette, pensez-vous qu'il est camouflé? Il n'est pas camouflé, il est dans le livre des crédits. Il y a des crédits, au ministère des Transports, pour financer le service de la dette du fonds routier. Alors, le livre des crédits, c'est déposé ici, à l'Assemblée nationale, c'est étudié, c'est regardé, examiné pendant des heures et des heures en commission parlementaire, au vu et au su de tout le monde également. Où est la cachotterie? Où est le camouflage?

Les engagements financiers, il va y en avoir jeudi, là. Il y a des députés qui sont membres de la commission parlementaire de l'administration financière. Les engagements financiers, il y en a une partie le 19. Le jeudi 19 novembre, il y a une partie des engagements financiers qui sont des engagements financiers reliés au fonds routier, au Fonds de conservation et d'amélioration du réseau routier. «C'est-u» une cachotterie, ça, du camouflage? Ça va être étudié en commission parlementaire dans deux jours, les engagements financiers. Les dépenses reliées au fonds routier, on va pouvoir les regarder, les examiner, les députés vont pouvoir poser des questions, c'est connu.

Et puis, dans le rapport annuel du ministère, on va avoir les états financiers du Fonds d'amélioration du réseau routier. Alors, voilà pour le fonds routier. Où est l'opération camouflage? Comment peut-on prétendre que le gouvernement... En tout cas, si le gouvernement essaie de cacher une partie du déficit, là, je vais vous dire que ce n'est pas fort, fort comme opération, hein? Il y a une loi, il y a les états financiers vérifiés par le Vérificateur général, les engagements financiers étudiés en commission parlementaire, le niveau d'investissement annoncé dans le discours du budget. Drôle de camouflage, M. le Président.

En tout cas, là, si c'est du camouflage, je vais vous le dire, le ministre des Finances, il n'a pas bien réussi parce que, là, ça se fait au vu et au su de tout le monde, et ça va être la même chose pour le fonds créé par la loi n° 159, la loi instituant le Fonds de gestion de l'équipement roulant. Ça va être la même chose. Et encore là ce qui sera capitalisé, c'est uniquement les véhicules, l'acquisition de véhicules. Je l'ai dit en réponse à une question du député de Laporte, c'est des véhicules qu'on va capitaliser, puis c'est tout à fait normal, puis c'est comme ça qu'on fonctionne, que plusieurs gouvernements fonctionnent depuis bien longtemps, puis c'est comme ça que de grandes entreprises fonctionnent aussi, qui ont des parcs de véhicules imposants, comme Hydro-Québec, Vidéotron, Bell Canada.

C'est comme ça qu'elles fonctionnent, les grandes entreprises. Elles capitalisent quand il s'agit de renouveler leur flotte de véhicules, elles ne font pas du paiement comptant. D'ailleurs, je pourrais dire, M. le Président, qu'elles font comme à peu près tous les ménages au Québec. Je ne connais pas beaucoup de monde, moi, qui paie son automobile comptant. Ils amortissent ça sur trois ans, quatre ans. Bon, c'est tout à fait normal. C'est tout à fait normal. Puis les entreprises, c'est ça qu'elles font, et c'est ça que le gouvernement va faire. C'est ça que le gouvernement va faire. Ça va nous permettre, en plus, de renouveler plus rapidement le parc de véhicules et puis ça va permettre aussi de revendre les véhicules au moment le plus pertinent. Puis le fruit de la revente, ça va aller dans le fonds, puis ça va resservir, par conséquent, à acheter de nouveaux véhicules, d'avoir un renouvellement puis une gestion de la flotte de véhicules qui soient vraiment beaucoup plus adéquats et plus fonctionnels à l'exemple de ce que font beaucoup d'entreprises, des grandes entreprises et beaucoup de gouvernements, et à commencer par le gouvernement américain. Le gouvernement fédéral américain, c'est ça qu'il fait.

Puis il n'y a pas de mystère, non plus, là-dedans, là. Il n'y a pas de cachotteries là-dedans. Ils ont passé je ne sais pas combien de jours – normalement, ils devaient parler sur ce projet de loi là – combien de jours ont-ils passés à parler? Normalement, c'est ça qu'ils devraient faire, mais enfin, ça bifurquait pas mal dans toutes les directions. Mais, sur 159, il n'y a pas de cachotteries non plus là-dedans, là. C'est comme pour le fonds routier, c'est une loi qui crée le fonds, qui est adoptée par l'Assemblée nationale. Les états financiers du fonds vont être vérifiés par le Vérificateur général, ça va se retrouver dans le rapport annuel du ministère. Il y aura des engagements financiers qui vont être examinés en commission parlementaire, comme c'est tout à fait normal de le faire. Encore là, si on cache quelque chose, on le fait très mal. Vraiment, là, on est très malhabile en matière de cachotteries. En matière de camouflage, on est très malhabile. On ne procéderait pas comme ça. Si on voulait cacher quelque chose, je vous le dis tout de suite, je le dis à tous mes collègues, ce n'est pas de même qu'on procéderait si on voulait cacher quelque chose. Sûrement pas par une loi, d'abord. Déposer une loi à l'Assemblée nationale, je vais vous dire, ce n'est pas une très belle façon de cacher quelque chose, hein?

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Puis de faire en sorte que les engagements financiers soient examinés en commission parlementaire, pas fameux non plus pour camoufler, ça. Pas terrible. Alors donc, vraiment, c'est un pétard mouillé, ça, de la part de l'opposition. Ça ne tient pas la route. Vous me permettez une expression tout à fait pertinente pour un ministre des Transports, M. le Président, ça ne tient pas la route. Votre thèse, votre discours, ne tient pas la route. Vous allez prendre le fossé, ça ne sera pas très long, parce que ce n'est pas crédible ce que vous dites là. Ça n'a aucune crédibilité, de prétendre que le gouvernement utilise des fonds pour camoufler son déficit, alors que ça se fait dans la plus complète et la plus totale transparence et que tous les députés vont avoir tous les documents pertinents pour prendre connaissance du fonctionnement du fonds, des opérations du fonds, des dépenses imputées au fonds, de la façon dont les dépenses vont se faire puis de la partie des dépenses qui va être financée par voie d'emprunt en respectant les règles comptables.

Je pense que ça a été très éclairant, la période de questions aujourd'hui, M. le Président. Vraiment très éclairant, surtout l'intervention de mon collègue président du Conseil du trésor qui a cité l'Institut des comptables du Canada. Du Canada, pas juste du Québec, du Canada. Alors, c'est crédible pour l'opposition sûrement.

Une voix: Ça doit. Ça devrait.

(16 h 40)

M. Brassard: L'Institut des comptables du Canada, pour nous aussi, c'est crédible. Et, en matière de règles et de normes, je pense que le président du Conseil du trésor a été très clair en disant, en affirmant que ce qu'on finance actuellement via les fonds, ce qu'on finance par voie d'emprunt, c'est tout à fait légitime et justifié de le faire en vertu des normes comptables qui s'appliquent dans les sociétés développées et dans les gouvernements modernes, je dirais. Voilà!

En réalité, M. le Président, c'est très simple – je reviens à ce que je disais au tout début – il y a un certain état de panique qui s'est propagé dans les rangs de l'opposition, puisqu'elle s'est rendu compte que le gouvernement allait atteindre les objectifs qu'il s'était fixés et que, par conséquent, partant de là, quand un gouvernement respecte les objectifs qu'il s'est fixés et qu'il se présente ensuite devant l'électorat, vous conviendrez avec moi que sa crédibilité est assez bonne. C'est quand le contraire se produit que la crédibilité est plutôt amochée. Mais, quand on va se présenter devant l'électorat... Ça viendra un jour, hein, puisqu'on a trois ans de faits, donc, à la fin du mandat, on va se présenter devant l'électorat et là on va se présenter avec une crédibilité d'une solidité à toute épreuve parce qu'on va pouvoir dire à la population: Déficit zéro atteint. Regardez le budget qu'on vient de déposer, là, zéro déficit. Et là ils savent, ils viennent de se rendre compte que ça, ça va les mettre dans le trouble, dans une situation extrêmement embarrassante. Alors, c'est de là leurs efforts désespérés, ces temps-ci, pour essayer de semer le doute dans l'opinion publique puis de prétendre que le gouvernement n'atteint pas vraiment ses objectifs mais camoufle le déficit.

Bon, c'est un peu dérisoire comme opération, et je pense que, en toute sécurité, je ne suis pas très, très inquiet de la façon dont la population du Québec va réagir. C'est une opération vouée à l'échec, et donc malheureusement vous allez devoir faire peut-être, probablement, sans aucun doute, un autre mandat dans l'opposition.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports. Le principe du projet de loi n° 159, Loi modifiant la Loi sur le ministère des Transports afin d'instituer le Fonds de gestion de l'équipement roulant, est-il adopté?

Une voix: Vote nominal, s'il vous plaît.

M. Brassard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote nominal. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Brassard: M. le Président, je vous demande de reporter le vote à demain, aux affaires courantes, en vertu de l'article 223 de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote est donc reporté à la période des affaires courantes, demain matin.

Avant de procéder à d'autres points, j'aurais deux nouvelles à vous faire part. Il y aura deux débats de fin de séance, pour les intéressés, entre le député de Chomedey et le ministre responsable de la Commission d'accès à l'information concernant les suites données à l'enquête sur les allégations d'informations confidentielles circulant au gouvernement et à ses organismes, et le deuxième débat, entre le député de Nelligan et la ministre déléguée au Revenu au sujet des informations confidentielles circulant à l'intérieur du ministère du Revenu, cette fois-ci. Donc, à 18 heures, nous procéderons à ces deux débats.

J'inviterais M. le leader adjoint du gouvernement à nous indiquer la matière à venir.

M. Brassard: Je vous demanderais plutôt de suspendre les.. ou d'ajourner, en fait, nos travaux.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, étant donné qu'il y a les débats de fin de séance, nous allons suspendre et nous devrons nous retrouver à 18 heures parce qu'il n'y a pas eu d'entente pour qu'on procède immédiatement.

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non. Alors, à ce moment-là, s'il n'y a pas d'entente, nous allons attendre à 18 heures et suspendre jusqu'à 18 heures.

(Suspension de la séance à 16 h 44)

(Reprise à 18 h 4)


Débats de fin de séance


État de l'enquête sur la divulgation de renseignements personnels au gouvernement

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous en sommes maintenant à l'étape du débat de fin de séance. Le débat se tiendra entre le député de Chomedey et le ministre de la Sécurité publique; le thème, c'est: Les suites qui sont données à l'enquête sur les allégations d'informations confidentielles circulant au gouvernement et à ses organismes.

Alors, conformément à l'article 310 de notre règlement, le député qui a soulevé le débat de fin de séance ainsi que le ministre qui lui répond ont chacun un temps de parole de cinq minutes; par la suite, le député a un droit de réplique de deux minutes.

Alors, M. le député de Chomedey.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Cet après-midi, en Chambre, nous avons posé un certain nombre de questions au gouvernement concernant une enquête qui avait été demandée au début du mois de mars de cette année auprès de la Sûreté du Québec. L'enquête faisait suite à des déclarations qui ont été faites par un haut dirigeant de la Commission d'accès à l'information et de la protection de la vie privée à l'effet qu'il y aurait au Québec un marché noir de l'information privée, personnelle, sur les citoyens, qui existerait, information qui provenait de divers organismes et ministères du gouvernement du Québec.

Notre question s'est adressée dans un premier temps au ministre responsable des Relations avec les citoyens, car c'est lui qui est responsable de la Commission d'accès à l'information. Quelle fut donc notre surprise de voir que le ministre responsable des Relations avec les citoyens, qui est en charge de ce dossier, qui est celui même qui a demandé l'enquête, n'ait pas osé se lever dans cette Chambre cet après-midi. Il a renvoyé la balle à son collègue le ministre de la Sécurité publique pour que celui-ci puisse répondre.

Dans sa réponse, le ministre de la Sécurité publique nous a informés que l'enquête de la Sûreté du Québec n'était pas complétée, qu'il y avait d'autres informations qui devaient venir, et, comme mon collègue le député de Nelligan aura l'occasion de le dire tantôt, dans le seul cas où on a eu le temps physiquement, cet après-midi, de poser une question au gouvernement, on a eu la ministre du Revenu qui, elle, a informé la Chambre que son enquête était terminée et qu'il y avait déjà eu congédiement, dans son ministère, d'un fonctionnaire pour avoir brisé le secret de l'impôt.

M. le Président, dans les documents visant le contrôle des pièces à conviction, dans l'enquête de la Sûreté du Québec, on apprend que, sous les cotes 1.1 à 1.20, on a des feuilles de renseignements confidentiels au sujet de: Hydro-Québec, ministère du Revenu, Société de l'assurance automobile du Québec et le Centre de renseignements policiers du Québec. Ce qui veut donc dire quoi? Ce qui veut dire qu'il était possible, au terme de l'enquête, d'après l'information dont on dispose, d'obtenir de l'information concernant les citoyens et ce qui leur est le plus personnel.

Vous savez, M. le Président, lorsqu'on fait notre rapport d'impôts, on s'attend à ce qu'on marque tout là-dedans. Tous nos revenus doivent être marqués là-dedans. Et ça peut en surprendre certains, mais, même une information concernant une activité illicite, si c'est contenu dans le rapport d'impôts, ça doit absolument être gardé secret des autres autorités policières ou gouvernementales. Pourquoi? Parce qu'il y a des gens, justement, qui gagnent leur vie avec des activités illicites comme la prostitution, comme d'autres choses; si cette personne-là déclare ces revenus-là, au moins pour ce qui est des infractions en vertu de la Loi sur l'impôt, elle ne commet pas d'infraction, même s'il y a d'autres lois qui peuvent être enfreintes.

Ce qu'on a ici devant nous, M. le Président, c'est un bris fondamental du secret de l'impôt, et c'est extrêmement grave pour l'État. Pour le dire sans trop d'ironie, comme une des questions a été posée à la ministre du Revenu tantôt, la personne en question, la fonctionnaire en question qui a déjà été congédiée est tenue légalement d'avoir déclaré ces revenus-là sur son propre rapport d'impôts. Pourquoi? Sinon, elle enfreint non seulement son secret d'office, avec les sanctions qu'on vient de voir, mais elle enfreint aussi la Loi sur les impôts. J'ai hâte de voir si la ministre du Revenu va informer cette Chambre si la personne a été congédiée avec solde ou sans solde, j'ai hâte de savoir si elle va faire les vérifications qui s'imposent à l'intérieur de son ministère pour voir s'il n'y a pas d'autres pénalités ou sanctions qui peuvent être appliquées.

Par exemple, il y a une loi visant la saisie du produit de la criminalité, qui a été votée unanimement en cette Chambre. Est-ce que le ministère du Revenu va prendre tous les moyens à sa disposition en vertu de cette nouvelle loi pour s'assurer que la voiture, la télé, les autres choses que cette personne-là a pu acquérir avec les sommes qu'elle gagnait en vendant illégalement les informations concernant les citoyens... Puis on ne sait pas combien de centaines de citoyens qui ont pu avoir leurs droits brimés. Bien, est-ce qu'ils vont au moins aller saisir le produit de cette activité dite criminelle?

Autre chose qui n'a pas encore fait l'objet d'une réponse claire de la part de la ministre du Revenu, c'est qu'elle ne peut toujours pas nous dire s'il va y avoir une poursuite criminelle. Or, M. le Président, toute personne qui a déjà géré dans la fonction publique sait à quel point il est excessivement difficile, voire même presque impossible, de procéder à un congédiement. Si la ministre a effectivement donné l'information juste en cette Chambre cet après-midi, en congédiant, c'est qu'ils ont une preuve qui est forte.

En terminant, M. le Président, ce qui nous préoccupe, c'est que le gouvernement sait depuis le début du mois de juin que ces activités existent. La ministre, seulement quand on lui pose la question, nous apprend qu'il y a eu un congédiement, donc assez d'activités pour justifier les allégations. Et on ne comprend pas comment ça se fait que, huit mois et demi plus tard, le gouvernement est toujours en train de dire que l'enquête n'est pas finie, alors que c'est après-midi même la Sûreté du Québec a affirmé le contraire, que l'enquête est bel et bien terminée. Merci, M. le Président.

(18 h 10)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député de Chomedey. En réplique, M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.


M. Pierre Bélanger

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, pour moi, ce qui est important, je crois que le député de Chomedey soulève des questions qui sont excessivement importantes, c'est-à-dire la confidentialité de renseignements qui font partie de fichiers qui sont supposés être secrets, qui doivent être gardés privés au niveau du gouvernement.

Maintenant, nous avons tellement pris la chose au sérieux, M. le Président, quand M. White, de la Commission d'accès à l'information, avait fait la déclaration de l'existence d'un réseau clandestin ou souterrain qui faisait la vente ou l'échange de ces documents, qu'à ce moment-là nous avons mandaté la Sûreté du Québec pour faire une enquête. Alors, M. le Président, ce que je peux dire au député de Chomedey, c'est que, après la période de questions, évidemment, je suis allé me renseigner pour voir exactement ce qu'il en était de l'état de l'enquête de la Sûreté du Québec, et on m'a confirmé que, effectivement – et je ne sais pas si l'opposition avait eu vent très rapidement de cette chose-là – l'enquête, on m'a dit, a été terminée hier soir. Hier soir, que l'enquête serait terminée depuis hier soir.

Donc, on peut s'attendre, dans les prochains jours, à ce moment-là, qu'un rapport soit soumis au bureau du Procureur général du Québec si ce rapport d'enquête contient finalement assez d'éléments pour qu'on justifie une accusation. Donc, M. le Président, vous comprendrez que j'étais tout à fait justifié, cet après-midi, évidemment, de ne pas dévoiler publiquement les conclusions d'une enquête qui va être remise, en plus, au bureau du Procureur général s'il y a matière à accusation.

Maintenant, je crois qu'il est important aussi d'expliquer ce qui s'est fait suite aux déclarations de M. White. La Commission d'accès à l'information s'est donné le mandat, par la suite, au printemps 1997, d'aller faire l'inspection de plusieurs mégafichiers. Je suis certain que le député de Chomedey est au courant de ça. En particulier, on est allé visiter le CRPQ, Centre de renseignements policiers du Québec, qui est sous la gestion de la Sûreté du Québec, pour s'assurer que toutes les mesures relativement à la sécurité des gens étaient étanches, étaient bonnes. Je suis heureux, M. le Président, d'annoncer – mais je crois que c'est déjà assez connu – que, suite à cette visite de la Commission d'accès à l'information, M. Coulombe, le directeur général de la Sûreté du Québec, a immédiatement mis sur pied une procédure et une réforme, on pourrait dire, au niveau du Centre de renseignements policiers du Québec.

On pourrait dire: Cette procédure, cette réforme qui a été annoncée comporte quatre points: premièrement, la mise en application d'un NIP ou code d'accès pour que tout policier qui ira dans le CRPQ ait son propre NIP; l'obtention du détail des vérifications faites par un utilisateur; troisième point, le contrôle des accès. Tous les policiers n'auront pas accès à l'ensemble du fichier du CRPQ. L'obtention de la journalisation, aussi, du retour des réponses. Donc, c'est une réforme en profondeur, à ce moment-là, indépendamment de l'enquête policière, parce que c'est vrai qu'il y a une enquête policière, mais il peut aussi y avoir, évidemment – et je crois que ça se doit – une vérification faite auprès des ministères relativement à leur propre procédure de sécurité. C'est ce que la Sûreté du Québec a fait.

Dès 1998, il va y avoir des projets-pilotes relativement à cette nouvelle procédure là qui va être en application dans plusieurs corps policiers. Dès 1999, cette nouvelle réforme devrait être complètement mise en application, ce qui va assurer à ce moment-là que le CRPQ va être encore plus sûr qu'il ne l'est présentement. Et, juste pour dire, M. le Président, à quel point, même dans l'état actuel des choses, le CRPQ fait l'objet d'une très grande surveillance, juste en 1994, suite à des plaintes quant à l'utilisation du CRPQ – une utilisation non justifiée – on a eu 18 sentences qui ont finalement fait en sorte qu'il y a eu sept congédiements. En 1995, 27 sentences, six congédiements et quatre démissions; en 1996, 15 sentences, dont deux congédiements et deux démissions.

Donc, à chaque fois que le problème a été soulevé aux autorités compétentes, à ce moment-là, on a agi avec diligence et indépendamment de l'enquête policière qui est terminée, donc, depuis hier, effectivement, et dont on va attendre les suites probablement devant nos cours de justice. Donc, la Sûreté du Québec, qui est responsable du CRPQ, a agi, et je peux assurer la population que nous prenons cette chose excessivement au sérieux. C'est important, dans une société comme la nôtre, que les renseignements qui doivent rester confidentiels le restent et ne fassent pas l'objet d'un marché ou d'échanges au niveau de la population, au niveau du public.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Sécurité publique. M. le député de Chomedey, un droit de réplique de deux minutes. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair (réplique)

M. Mulcair: Oui, merci, M. le Président. Le ministre a raison, l'opposition est effectivement extrêmement bien renseignée, et le fait que l'enquête soit finie depuis hier soir n'est pas étranger à notre questionnement aujourd'hui. Cependant, même si le ministre vient de passer le plus clair de son temps à parler du Centre de renseignements policiers du Québec, il est en train de prendre un exemple où effectivement – et on le sait, on l'a vu en commission parlementaire – les sanctions appliquées contre les policiers qui ont pu enfreindre leur secret ont été extrêmement sévères. Cependant, il y a eu un tel laisser-aller au sein de la fonction publique, les ministères et les organismes, qu'il s'est développé dans des endroits qu'on a nommés tantôt, le Revenu, la Société de l'assurance automobile, Hydro, et j'en passe... C'est ce réseau-là qui est le plus problématique au moment où on se parle parce que les sanctions n'ont jamais été aussi sévères dans les autres domaines que ça l'a été dans le domaine policier, car les sanctions, dans le domaine policier, peuvent aller à un autre ordre, et c'est beaucoup plus automatique pour ce genre d'infraction.

Ce qu'il faut faire, M. le Président, c'est utiliser l'occasion qui se présente par la révision quinquennale de la loi sur l'accès pour changer les règles du jeu et donner des dents à la Commission d'accès à l'information et de protection de la vie privée. C'est sûr qu'on aurait beau faire la plus belle loi du monde, s'il n'y a pas de volonté ou de compétence interne pour mener des enquêtes ou des investigations correctement, on ne produira pas de résultats. Il faut aussi dire que la Commission a besoin de ressources financières pour mener à terme son travail.

M. le Président, cet après-midi, le ministre nous a dit dans cette Chambre: Écoutez, ce n'est pas comme ça que ça marche, en réponse à mon collègue le député de Frontenac. Il disait: Qu'est-ce que je vais dire à la police? De terminer l'enquête sinon je vais me fâcher? Bien non, il sait comme nous qu'il ne ferait pas peur à qui que ce soit s'il dit qu'il va se fâcher. Puis, par ailleurs, de toute façon, le fait que, nous, on savait que lui ne savait pas que l'enquête était terminée, c'est une indication que Jean-Roch Boivin et le «bunker» ont oublié de lui transmettre l'information qui circulait par ailleurs librement parmi ceux et celles qui sont au courant de ces choses-là, ce qui, de toute évidence, n'est pas le cas du ministre, M. le Président! Merci beaucoup.


Divulgation de renseignements fiscaux au ministère du Revenu

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Chomedey. Nous allons maintenant procéder au second débat de fin de séance, entre le député de Nelligan et la ministre du Revenu. Or, le sujet: Les informations confidentielles circulant à l'intérieur du ministère du Revenu. M. le député de Nelligan.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai insisté pour faire un débat de fin de séance ce soir parce que j'étais complètement insatisfait de la réponse de la ministre déléguée au Revenu sur une question aussi importante que la protection de la vie privée.

Je pense que, ce soir, on doit féliciter la Commission d'accès à l'information, la Commission qui, au début de mars, a dit qu'il existait un marché noir de l'information confidentielle au ministère du Revenu et dans d'autres ministères. Le lendemain, j'ai eu la chance d'avoir une commission parlementaire sur le ministère du Revenu et les députés de ce côté ont essayé de minimiser ça, ils ont dit: Pas de preuve. Effectivement, à ce moment-là, il n'y avait pas de preuve, parce que, sans ça, si nous avions eu des preuves, nous aurions fait des accusations. Mais ils ont essayé de minimiser, de dire: Ça n'existe pas, ça n'existe pas.

Mais nous avons appris qu'effectivement il y a eu des mandats de perquisition. Il y a eu des recherches dans ce dossier. Comme nous en avons discuté aujourd'hui, effectivement ils ont trouvé des informations confidentielles sur Hydro-Québec, Revenu, SAAQ et CRPQ. C'est clair. Mais la chose qui m'a choqué aujourd'hui, c'est que la ministre a dit: Effectivement, nous en avons congédié une, mais, avec ça, tout le problème est réglé. Est-ce que, comme le député de Chomedey l'a mentionné, elle a été congédiée sans solde ou avec solde? Qu'est-ce qu'ils ont fait avec ça? Regardez la différence de comportement du ministère du Revenu. Quand ils voient que quelqu'un, selon eux, n'a pas payé ses taxes, ils sortent un communiqué. Vous pouvez voir un communiqué après un autre communiqué: Voilà quelqu'un qui n'a pas payé ses taxes, et maintenant nous allons rendre son nom public. Nous allons publier ça. Nous allons faire un communiqué de presse. Nous allons mettre ça sur le «Web site», etc. Là, c'est tout un comportement. Ils veulent rendre tout ça public.

(18 h 20)

Mais, quand ils ont trouvé quelqu'un qui représente une situation assez dangereuse, quelqu'un qui vend de l'information confidentielle, secret fiscal, à n'importe qui, la ministre déléguée a dit que, oui, ils ont mis cette personne dehors. Mais quand? Et pourquoi? Avec la preuve? Il me semble qu'avec la preuve elle a décidé que effectivement la personne ne peut pas travailler dans ça. Mais, selon notre information, nous avons entendu des fonctionnaires, nous avons entendu qu'il en existe plusieurs.

Et c'est pourquoi je voudrais corriger ça, pour deux raisons. Un, les contribuables québécois méritent que nous ayons un système sécure, que nos informations soient bel et bien protégées, mais aussi tous les autres fonctionnaires, toutes les autres personnes qui travaillent au ministère du Revenu doivent être à l'aise, on doit assurer qu'elles ne soient pas nécessairement frappées par cette annonce. Ceux et celles qui vendent ça, on doit mettre ces personnes dehors, on doit contrôler cette façon de faire, mais nous n'avons jamais dit que tous les fonctionnaires au ministère du Revenu font ça. On doit corriger ça.

Mais qu'est-ce que la ministre a fait? Sans communiqué, mais avec assez de preuves, elle a mis quelqu'un dehors. Depuis le 5 mars du printemps passé, nous avons demandé d'avoir un système qui protège la vie privée. Aujourd'hui, nous avons demandé à juste une ministre, la ministre déléguée, et elle a dit: Effectivement, il y a un problème. Mais, encore une fois, elle est en train d'essayer de minimiser ça. C'est grave, ce dont on discute. Nous sommes en train de dire, particulièrement au ministère du Revenu, qu'il est en train d'avoir des mégafichiers, des centres de données, il essaie de ramasser toute l'information sur presque tous les Québécois et Québécoises. Mais, maintenant, on apprend qu'effectivement, dans certains cas, cette information est à vendre. C'est dangereux, M. le Président.

It's very dangerous, what we are speaking about. We are talking about black market on confidential information, private information, fiscal information, tax information, health information. Fundamentally, it is a dangerous precedent that is happening within this Government right now. We have to make sure, above all doubt, that private information on Quebeckers is protected. What we have done today is to find very clearly that a price list exists, a price list exists for black market information from this Government. One minister said that already she's fired one person. We need to have this issue resolved correctly, immediately, et on ne veut pas avoir quelque chose comme: L'enquête n'est pas finie. Voyons donc! L'enquête est finie. On veut avoir des réponses concrètes: Qu'est-ce que ce gouvernement a fait et qu'est-ce qu'il va faire pour assurer que l'information confidentielle, l'information privée soit protégée? Je trouve ça complètement inacceptable et irresponsable, la réponse du gouvernement en général sur cette question. C'est pourquoi, M. le Président, j'ai insisté pour faire un débat de fin de séance. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Nous allons maintenant céder la parole à la ministre du Revenu et également députée de Rosemont. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Le député de Nelligan, on va au moins s'entendre sur une chose, ses accusations sont très graves. Et le député de Nelligan parle de marché noir, de listes de prix, de vente de renseignements. C'est énorme comme accusation.

Pour ce qui est du ministère du Revenu, d'abord, quand la Commission d'accès à l'information, au printemps 1997, a dévoilé qu'il y avait une possibilité, qu'il y avait le cas d'un employé qui avait brisé son secret, et qui permettait l'accès à certains renseignements, et qui même en vendait, au dire du député, au ministère du Revenu, la sous-ministre a tout de suite mis en place un processus d'enquête interne, comme on le fait à chaque fois qu'un cas de bris de confidentialité est soulevé, et, à la suite de cette enquête, on est arrivé à la conclusion, et l'employée l'a reconnu, qu'elle avait effectivement transmis de l'information et qu'elle n'avait pas le droit de le faire. Elle a été congédiée. Elle n'a pas été suspendue, M. le Président, elle a été congédiée. Alors, elle a été punie par un congédiement le 7 octobre dernier.

À la suite de ça, nous avons mis en place une révision de tous nos systèmes d'accès en matière de sécurité, autant accès physique aux locaux qu'accès aux données, et j'aimerais déposer une déclaration de discrétion, qui est un engagement à la confidentialité, que tous les employés du ministère du Revenu doivent signer quand on les engage au ministère du Revenu, et cet engagement à la confidentialité, il est revu à chaque année pour justement s'assurer du respect du devoir de confidentialité des employés de l'État. Le système fiscal du Québec, il est basé sur l'autodéclaration par les contribuables et sur le respect de la confidentialité par les employés de l'État. Or, à chaque année, au moment de l'évaluation des employés, on doit resigner cet engagement – et le mot le dit comme tel – à la confidentialité. Je dépose ce document-là pour la lecture du député de Nelligan.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, Mme la ministre. Est-ce qu'il y a consentement pour que le document soit déposé?

Une voix: Oui.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Pinard): Consentement.

Mme Dionne-Marsolais: Et pourquoi on fait ça? Parce que c'est la base de notre système. Nous avons 8 000 employés au ministère du Revenu en temps normal et 10 000 en période de pointe, et il est extrêmement important de bien séparer le bon grain de l'ivraie. Il est arrivé un cas que nous avons réglé, comme nous le faisons à chaque fois que nous sommes informés qu'il peut y avoir, qu'il y a, qu'on prétend qu'il y a eu une indiscrétion et un manque au devoir de confidentialité. Ce n'est pas quelque chose que l'on écarte du revers de la main. Au contraire, M. le Président, nous avons une équipe interne qui s'assure des enquêtes qui doivent être faites. Dans les cas comme le cas présent, où il y a possiblement matière à poursuite, nous allons évaluer avec les représentants, avec le Procureur général, les suites dans ce dossier.

Et je tiens à mentionner – je l'ai déjà dit au député de Nelligan, mais je tiens à le répéter – que la responsabilité des employés de l'État, c'est de respecter leur engagement vis-à-vis et des contribuables, et du ministère, et du gouvernement. Ils ont une entente, une exclusivité de service avec le ministère du Revenu et, en contrepartie, ils doivent respecter la confidentialité.

Je voudrais vraiment indiquer que ce n'est pas généralisé; peut-être qu'il y en aura et qu'il y en a eu d'autres, mais une personne sur 8 000, M. le Président! À partir du moment où on est informé, nous faisons une enquête, et elle a été punie. Et nous allons continuer, avec toute la vigilance et tous les systèmes de sécurité que la technologie aujourd'hui nous permet, d'assurer le respect de la confidentialité et l'accès limité aux informations du ministère. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. M. le député de Nelligan, vous avez un droit de réplique de deux minutes. M. le député.


M. Russell Williams (réplique)

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai essayé de passer le message à la ministre déléguée que la population a perdu confiance dans ce gouvernement. Sur la protection de la confidentialité, l'information privée, ils ont perdu confiance.

Au mois de mars, au printemps passé, le gouvernement a essayé de minimiser: Ça n'existe pas, ce marché noir. Ça n'existe pas. Il n'y a pas de problème. Maintenant, une ministre – parce que nous avons demandé juste à une ministre – a admis que, oui, effectivement, elle a trouvé une personne qui a eu le problème. Au mois de mars, personne; maintenant, une. Nous allons continuer de pousser parce que, selon notre information, certainement que ce n'est pas la grande majorité des personnes qui travaillent, mais il y a des fonctionnaires... Et là, encore une fois, la première réponse... Et peut-être que la ministre déléguée n'est pas au courant, il y a une liste de prix: 25 $ pour un document d'Hydro, 40 $ à la SAAQ, 40 $ à 125 $ à la RAMQ, 250 $ si vous voulez avoir de l'information du ministre du Revenu. C'est une liste de prix.

Avec ça, elle doit prendre ses responsabilités. Qu'elle arrête de juste sortir les cassettes, de dire: Tout est beau, tout est correct. La population dit: C'est inacceptable, c'est complètement irresponsable que le gouvernement essaie de minimiser et n'ait pas admis en public qu'il y a effectivement un problème. C'est juste à cause de l'opposition qui a questionné ce gouvernement aujourd'hui que finalement c'est sorti. Nous avons demandé d'avoir la transparence, d'avoir le minimum de décence de dire que effectivement il y a un problème. Dites ça à la population québécoise, dites que vous êtes en train de corriger, et on peut travailler ensemble. Mais, malheureusement, non, la ministre, encore jusqu'à maintenant, elle est en train de minimiser ça et ne le prend pas comme un dossier sérieux, et je sais que la population trouve sa réponse complètement inacceptable. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. M. le leader du gouvernement.

M. Jolivet: Oui, M. le Président. Je suis sûr que le député me permettrait de corriger un lapsus qu'il a commis. Je suis sûr qu'il n'a jamais voulu dire que ça coûtait 250 $ pour avoir un renseignement du ministre du Revenu. Je pense que c'est vraiment par un lapsus, parce que c'est une accusation qui n'a pas de bon sens, sans cela.

M. Williams: Mais, juste pour clarifier, si quelqu'un veut avoir une information...

Le Vice-Président (M. Pinard): Du ministère.

M. Williams: ...sur la ministre, ça va coûter 250 $, au ministère.

Le Vice-Président (M. Pinard): Ah! Alors, ceci met fin à nos deux débats de fin de séance, et nous ajournons nos travaux à mercredi 19 novembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 18 h 31)