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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le vendredi 6 juin 1997 - Vol. 35 N° 113

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants. Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors nous allons débuter les affaires courantes.


Déclarations ministérielles

Aux déclarations ministérielles, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Établissement d'un plafond mensuel de la franchise et de la coassurance du régime d'assurance-médicaments


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, depuis le 1er janvier dernier, les Québécoises et les Québécois sont dotés d'un autre mécanisme de protection sociale, le régime d'assurance-médicaments. Ainsi, maintenant, toute personne qui réside au Québec est assurée de l'accès à des médicaments et à des services pharmaceutiques requis par son état de santé. La couverture du régime de base est assumée par le secteur privé pour les personnes et leurs dépendants faisant partie d'un groupe ayant accès à un contrat d'assurance collectif ou à un régime d'avantages sociaux. Pour les autres personnes, la couverture d'assurance-médicaments est assumée par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. La contribution des personnes assurées par la Régie de l'assurance-maladie du Québec est constituée d'une franchise trimestrielle de 25 $ jumelée à une coassurance de 25 % jusqu'à un maximum trimestriel variant de 50 $ pour les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes de 65 ans ou plus recevant le supplément de revenu garanti maximal, à 125 $ pour les personnes de 65 ans ou plus bénéficiant du supplément de revenu garanti partiel, et à 187,50 $ pour toutes les autres personnes.

Pour la période de janvier à avril 1997, depuis le début du programme, 671 000 personnes de 65 ans ou plus, 401 000 prestataires de la sécurité du revenu et 615 000 nouveaux adhérents se sont prévalus du régime d'assurance-médicaments. Cela a représenté un coût de 237 300 000 $ pour le Régie de l'assurance-maladie du Québec, alors que les assurés ont fourni une contribution de près de 107 000 000 $. Pour l'assurance-médicaments, des nouveaux adhérents auraient dû payer pour plus de 71 000 000 $ pour obtenir leurs médicaments. Grâce au nouveau régime, ils n'ont eu que 27 000 000 $ à débourser. Des 615 000 Québécois et Québécoises qui n'étaient auparavant couverts par aucun régime, il faut souligner que 135 000 enfants ou étudiants de moins de 25 ans ont eu un accès totalement gratuit au nouveau régime, et ce, sans compter les enfants des prestataires de la sécurité du revenu, pour qui les médicaments et les services pharmaceutiques sont également gratuits. Au total, c'est donc près de 245 000 enfants ou dépendants qui ont profité gratuitement du programme. Notre nouveau régime d'assurance-médicaments permet à un grand nombre de personnes d'obtenir pour la première fois une couverture en ce qui a trait à l'assurance-médicaments.

J'indiquais, lors du dépôt du projet de loi créant ce régime, que ces personnes sont des employés contractuels ou occasionnels, des travailleurs autonomes, des employés de petites ou de moyennes entreprises, des personnes sans emploi, des étudiants adultes et des personnes malades difficilement assurables autrement. Ce projet en appelait à la solidarité en rétablissant l'équité entre les personnes compte tenu de leur niveau de revenus. Depuis la mise en vigueur du régime, le gouvernement s'est engagé à apporter les ajustements que l'usage prescrirait. En effet, il est normal qu'une innovation aussi importante que le nouveau régime d'assurance-médicaments nécessite que l'on suive attentivement son évolution et qu'on lui apporte au besoin les correctifs pertinents.

Nous avons d'abord réglé rapidement les problèmes reliés au volet informatique et à la gestion interactive du régime. Nous avons aussi réagi rapidement dans le cas des employés fédéraux résidant au Québec; une entente administrative, en effet, permet maintenant à ce groupe de personnes de bénéficier du nouveau régime comme tous les Québécois et les Québécoises. Nous avons également statué sur la question de la gestion des liens familiaux.

Nous avons cependant observé que certaines personnes éprouvent, en raison de leur situation financière, des difficultés à assumer la contribution exigée sur une base trimestrielle pour acquérir leurs médicaments et les services pharmaceutiques. J'avais indiqué à cette Assemblée que nous étions sensibles, depuis le début du régime, à en cerner les difficultés. Comme les personnes vivant sur la sécurité du revenu sont les premières impliquées, nous nous sommes engagés, ma collègue de la Sécurité du revenu et moi-même, à trouver une solution pour les personnes qui ont de la difficulté à disposer de l'argent nécessaire au moment où elles ont besoin des médicaments, et ce, dès le prochain trimestre du régime, c'est-à-dire dès le 1er juillet qui s'en vient.

Après avoir examiné différents scénarios, j'ai le plaisir d'annoncer à cette Chambre que le gouvernement a décidé d'établir un plafond mensuel de la franchise et de la coassurance pour toutes les personnes assurées par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. L'Assemblée nationale sera donc appelée à adopter une modification législative en ce sens dès la fin de la session afin que les personnes visées puissent bénéficier de cette nouvelle mesure dès le 1er juillet prochain. Ainsi, les prestataires de la sécurité du revenu, les personnes âgées de 65 ans ou plus et les personnes qui ne sont pas tenues d'adhérer à un contrat d'assurance collective ou à un régime d'avantages sociaux, soit un peu plus de 3 000 000 de personnes au Québec, pourront bénéficier de cette nouvelle disposition.

La contribution maximale résultant du cumul de la franchise et de la coassurance s'établirait désormais à 16,67 $ par mois pour les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes de 65 ans et plus qui reçoivent le supplément du revenu garanti maximal, à 41,67 $ pour les personnes de 65 ans et plus qui reçoivent le supplément de revenu garanti partiel et, finalement, à 62,50 $ par mois toujours pour toutes les autres personnes.

M. le Président, la mensualisation de la franchise et de la contribution maximale pour l'ensemble des clientèles de la Régie de l'assurance-maladie du Québec a pour principal avantage de permettre aux personnes plus vulnérables de notre société de pouvoir obtenir plus facilement des médicaments que leur état de santé requiert.

Cette mesure constitue, il est important de le noter, un autre pas vers l'élargissement de notre régime général d'assurance-médicaments au Québec. Nous serons capables d'aller plus loin encore dans ce sens si le gouvernement fédéral respecte ses engagements électoraux et que l'argent qu'il compte investir dans un régime d'assurance-médicaments est transféré pour améliorer les dispositions du régime québécois qui est déjà en place plutôt que d'inventer un régime défini par des normes dites nationales. Si le gouvernement fédéral nous transférait les ressources financières, il serait alors possible de bonifier les bénéfices pour chaque citoyen encore plus et d'assurer les soins de santé auxquels il a le droit, tout en diminuant la pression, M. le Président, sur les dépenses publiques de santé au Québec et, en plus, en évitant les duplications.

Au-delà de tout ça, M. le Président, la mesure que j'annonce aujourd'hui permet à l'ensemble des Québécois et Québécoises de manifester encore leur solidarité pour ceux et celles qui ont besoin et témoigne de l'écoute et de l'attention que nous portons aux recommandations que nous adresse la population dans un domaine aussi névralgique que celui de la santé.

(10 h 10)

Ces cas sont réels. Ils méritent qu'on puisse agir rapidement et efficacement. Nous avons le moyen de le faire et nous souhaitons le consentement de cette Assemblée pour que cette nouvelle mesure puisse entrer en vigueur dès le 1er juillet prochain.

Le Président: Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne pour ses commentaires.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Avec sa déclaration ministérielle, le ministre de la Santé ne fait qu'essayer de corriger les effets pervers découlant de la mise sur pied de son régime d'assurance-médicaments, mieux connu sous le nom de «la taxe sur les médicaments», laquelle appauvrit les prestataires de la sécurité du revenu et les personnes âgées à faibles revenus.

Je vous rappelle, M. le Président, qu'avec sa taxe-médicaments le gouvernement vient chercher annuellement dans les poches des personnes âgées 253 000 000 $ et 37 600 000 $ dans les poches vides des prestataires de l'aide sociale; et ces chiffres nous ont été confirmés par le président de la RAMQ lors de l'étude des crédits en commission parlementaire.

Avant l'arrivée de ce gouvernement péquiste, jadis social-démocrate, les prestataires de la sécurité du revenu, lesquels, vous le savez comme moi, ont subi de nombreuses coupures depuis deux ans et demi par ce gouvernement qui les a gravement appauvris, alors, avant l'arrivée de ce gouvernement péquiste, les prestataires de la sécurité du revenu avaient la gratuité pour leurs médicaments. Et avant l'arrivée de ce gouvernement péquiste, M. le Président, les personnes âgées du Québec ne déboursaient que 2 $ par prescription pour obtenir leurs médicaments.

Depuis son dépôt, le régime d'assurance-médicaments présenté par le ministre de la Santé a été férocement dénoncé par les regroupements de personnes âgées du Québec et par tous les intervenants qui travaillent et qui oeuvrent auprès des plus démunis de notre société, lesquels avaient lancé, au tout début du dépôt du régime d'assurance-médicaments, un cri d'alarme au ministre de la Santé et à son gouvernement les avisant des conséquences malheureuses de son régime pour les prestataires de l'aide sociale et pour les personnes âgées à faibles revenus. Et ces personnes et ces regroupements avaient raison. De nombreux témoignages le démontrent toujours, que de nombreuses personnes se privent de manger actuellement, au Québec, pour obtenir leurs médicaments. De nombreuses personnes étalent la posologie de leurs médicaments parce qu'elles n'ont pas l'argent pour aller se procurer leurs médicaments à la pharmacie, et de nombreuses personnes doivent piler sur leur dignité et aller quémander dans les organismes humanitaires au Québec pour pouvoir se... Bien, réveillez-vous, c'est ce qui se passe sur le terrain.

Rappelez-vous, M. le Président, de la cassette du ministre de la Santé depuis un an: Il n'y a pas de problème, on règle ça cas par cas, il n'y a pas de problème, c'est l'opposition qui fabule. Il a même dit, le ministre de la Santé, en commission parlementaire, que c'était une question de bonne gestion de leur budget. C'était ça, les conséquences de l'assurance-médicaments, les personnes ne savaient pas faire une bonne gestion de leur budget.

Aujourd'hui, ce matin, le ministre de la Santé est forcé d'admettre et est forcé de corriger partiellement ses erreurs et d'étaler sur 12 mois le paiement de la franchise et de la coassurance pour les plus démunis. Mais, comprenons-nous bien, cela ne change en rien la triste réalité de pauvreté que vivent ces personnes, et le ministre maintient toujours sa taxe-médicaments pour les plus démunis, pour les personnes âgées à faibles revenus au Québec et continuera, au fil des ans, de faire des économies annuelles de 253 000 000 $ sur le dos des personnes âgées et de 37 600 000 $ sur le dos des prestataires de l'aide sociale qui ont été lourdement appauvris par ce gouvernement. Merci, M. le Président.

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, pour votre droit de réplique.


M. Jean Rochon (réplique)

M. Rochon: M. le Président, je voudrais essentiellement rappeler qu'un programme de solidarité sociale qui en appelle à la contribution de tous selon leurs revenus, ce qui est le cas de ce programme d'assurance-maladie, est énormément préférable au genre de solutions qu'avait trouvées le gouvernement précédent aux difficultés de gérer la situation du médicament.

On se rappellera, M. le Président, que la solution géniale que le gouvernement de l'époque avait trouvée était d'abolir complètement le mécanisme qui permettait de payer les médicaments, pour les personnes qui souffrent de maladies chroniques, de cancer et de sida. Eux avaient réglé le problème en abolissant ça puis en disant aux gens: Débrouillez-vous. Le programme qu'on a maintenant, il faut se le rappeler, assure une couverture générale à tout le monde et chacun contribue évidemment, mais selon ses moyens.

Deuxièmement, la solution qui est apportée pour améliorer le programme et le stabiliser est à la suite de l'écoute que nous avons eue de tous ceux avec qui nous avons examiné la situation, y compris des commentaires de l'opposition. Je rappellerais à la députée que, le 22 mai dernier, elle-même proclamait que ce que le gouvernement devait faire, c'était d'accepter d'étaler sur 12 mois le paiement de la franchise, pour les personnes de la sécurité du revenu et les personnes âgées à faibles revenus. Non seulement nous faisons ça, M. le Président, mais nous le faisons pour beaucoup plus de monde, c'est pour toutes les clientèles de la Régie de l'assurance-maladie du Québec, donc le 1 400 000 personnes qui sont les nouveaux adhérents, qui sont aussi couvertes par la nouvelle mesure.

Alors, je pense, M. le Président, que nous avons là le complément d'ajustement de probablement un des meilleurs régimes de couverture d'assurance-médicaments, au Québec, régime qui est tout près d'être complété et encore bonifié dès que le fédéral, l'ayant réalisé, va se mettre à table et nous retransférer les argents qui nous sont dus pour qu'on puisse le bonifier complètement, ce programme-là. Et j'espère que l'opposition – j'y compte bien – j'ai confiance que la suite dans les idées leur permettra d'avoir, eux aussi, la sensibilité et la compassion nécessaires pour aller de l'avant avant le 1er juillet, M. le Président.


Présentation de projets de loi

Le Président: Alors, à la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 142

Le Président: À l'article b du feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux présente le projet de loi n° 142, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


M. Jean Rochon

M. Rochon: M. le Président, je dépose le projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant certaines dispositions législatives, le projet de loi n° 142.

Ce projet de loi, M. le Président, modifie le régime général d'assurance-médicaments afin de prévoir, à l'égard des personnes dont la Régie de l'assurance-maladie du Québec assume la couverture, que la franchise et la contribution maximale exigibles de ces personnes seront désormais réparties sur une base mensuelle plutôt que trimestrielle.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.


Rapport annuel de Sidbec et décret concernant une réduction du capital-actions émis et payé de SOQUIP et un remboursement correspondant de capital

M. Landry (Verchères): J'ai l'honneur de déposer, M. le Président, le rapport annuel 1996 de Sidbec et un décret concernant une réduction du capital-actions émis et payé de SOQUIP et un remboursement correspondant de capital.

Le Président: Ces documents sont déposés.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Marguerite-D'Youville.


Étude détaillée du projet de loi n° 96

M. Beaulne: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 4 et 5 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail concernant la durée de la semaine normale de travail. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Alors, le rapport de la commission est déposé. M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 138 et étude détaillée de ce projet de loi

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 3 juin 1997 afin de procéder à des consultations particulières et tenir des auditions publiques sur le projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement.

J'ai aussi l'honneur, M. le Président, de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 5 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Ces rapports sont déposés. M. le président de la commission de la culture et député de Lévis.


Étude détaillée du projet de loi n° 64

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé le 4 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 64, Loi modifiant la Loi sur le statut professionnel et les conditions d'engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma et modifiant d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport de la commission de la culture est déposé. Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Chicoutimi.

(10 h 20)


Audition des dirigeants des établissements d'enseignement universitaire conformément à la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé les 11, 12, 13 et 19 mars 1997 afin d'entendre les dirigeants des établissements d'enseignement de niveau universitaire quant au rapport produit en application de la Loi sur les établissements d'enseignement de niveau universitaire.

Le Président: Ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Nelligan.


Inclure les anglophones de l'Île-Perrot et de Vaudreuil-Soulanges dans la nouvelle commission scolaire anglophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal

M. Williams: Oui. Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 587 pétitionnaires, membres anglophones de la communauté de l'Île-Perrot et de Vaudreuil-Soulanges.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant qu'avec une commission scolaire de l'Ouest-de-l'île de Montréal nous profiterions de limites territoriales communes;

«Whereas the West Island provides a common geographical boundary;

«Considérant que l'Ouest-de-l'île de Montréal est plus accessible pour participer aux conseils des commissaires et aux réunions des comités de parents;

«Whereas the West Island would be more accessible for the attendance of school board meetings;

«Considérant que l'Ouest-de-l'île de Montréal est plus accessible pour les bénévoles;

«Whereas the West Island would be more accessible for volunteers;

«Considérant que l'Ouest-de-l'île de Montréal offre certains services de transport en commun pour les étudiants et le personnel enseignant qui voudraient participer à des activités d'enrichissement académique;

«Whereas the West Island would permit greater mobility for the students and personnel to participate in enriched academic activities;

«Considérant que l'association avec une commission scolaire de l'Ouest-de-l'île de Montréal permettrait à nos enfants de continuer leur participation à des activités parascolaires;

«Whereas being part of a West Island board would enable our children to continue to participate in extra curricular activities;

«Considérant que l'Ouest-de-l'île de Montréal nous offre l'accès à des services sportifs, récréatifs, sociaux, religieux et de santé;

«Whereas the West Island provides us with access to sports, entertainment and culture, as well as our churches, important medical and social services;

«Considérant qu'en faisant partie d'une commission scolaire de l'Ouest-de-l'île de Montréal nous continuerons de bénéficier de la même qualité de services éducatifs que nous avions auparavant;

«Whereas being part of a new West Island board would offer us equivalent educational resources within our own community;

«Considérant que l'opinion des parents devrait être prise en considération d'abord et avant tout;

«Whereas the wishes of the parents must be given serious consideration;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, les membres anglophones de la communauté de l'Île-Perrot et de Vaudreuil-Soulanges, demandons que l'Assemblée nationale oblige la ministre de l'Éducation à respecter les demandes de la majorité de nos parents sur la réforme des commissions scolaires. Parents, étudiants, enseignants et personnels administratifs expriment unanimement et déclarent leur désir faire partie de la nouvelle commission scolaire anglophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal.»

«We, the undersigned members of the English-speaking communities in Île-Perrot and Vaudreuil-Soulanges areas, request that the National Assembly oblige the Minister to respect the wishes of the majority of these parents in determining its school board territories. Parents, students, teachers and administrators, unanimously, wish to be part of the new West Island English-language school board.»

M. le Président, je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Nelligan. Cette pétition est déposée. M. le député de Jacques-Cartier, maintenant.


Cesser toute action visant à réformer ou à éliminer les garderies privées

M. Kelley: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 6 500 pétitionnaires de différentes régions du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le législateur québécois croit en l'existence d'un réseau témoin, empêchant ainsi d'accorder un statut de monopole au secteur public;

«Considérant qu'il en coûte annuellement à l'État 141 $ par enfant dans une garderie privée et 1 191 $ par enfant dans une garderie sans but lucratif;

«Considérant le droit au libre choix des parents et au libre accès de nos enfants au secteur privé;

«Considérant les 20 000 familles utilisatrices du système des garderies privées au Québec;

«Considérant que le secteur des garderies privées est créateur de 4 000 emplois au Québec;

«Considérant la nécessité d'une réduction des dépenses dans les finances publiques;

«Considérant que le secteur privé occupe à lui seul 40 % du réseau actuel, donc plus de 400 garderies au Québec;

«Considérant que le réseau des garderies privées du Québec est un service public qui doit être rendu accessible à tous les citoyens;

«Considérant que le secteur privé est un partenaire de premier ordre dans le système d'éducation national et qu'il offre des services éducatifs de qualité à tous les enfants du Québec;

«Considérant que les droits en éducation appartiennent d'abord à la population et non à l'État;

«Et l'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, prions l'Assemblée nationale d'intervenir auprès du gouvernement afin qu'il cesse toute action entreprise dans le but de réformer et d'éliminer la présence des garderies privées du réseau actuel dans le milieu des services à la petite enfance.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 19 pétitionnaires de la municipalité de Saint-André-Est.

Le Président: Monsieur, je pense que vous pourriez solliciter le consentement, puisque la pétition n'est pas conforme.

M. Beaudet: Consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président: Alors, le consentement vous est accordé. Très bien.


Augmenter l'allocation unifiée pour enfant et reconnaître le travail des parents auprès des enfants

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Alors, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 19 pétitionnaires de la municipalité de Saint-André-Est.

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Que l'allocation unifiée pour enfant soit augmentée et qu'une partie de cette allocation demeure universelle pour toutes les mères. Le travail des parents auprès des enfants, quel que soit leur âge, devrait être reconnu et supporté par toute la collectivité et non seulement par les familles elles-mêmes;

«Que les parents qui choisissent de garder leurs enfants plutôt que de les confier aux services de garde publics bénéficient de mesures fiscales – sous forme de crédits d'impôt – pour reconnaître ce travail non rémunéré.»

Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition également déposée.

Il n'y a pas aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de Mme la ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la Charte de la langue française proposant que le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, soit adopté.


Questions et réponses orales

Alors, ça nous amène, à ce moment-ci, à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Marquette, en principale.


Contenu du programme de maternelle à temps plein

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Une des inquiétudes des parents dans le dossier de la maternelle à temps plein, c'est qu'on ne connaît pas le programme, on ne sait pas ce qu'on va faire avec les enfants en septembre prochain et on se demande si le tout sera prêt en septembre prochain. Pour rassurer les parents, la ministre avait pris deux engagements formels. Le premier, le programme serait déposé en mai; le second, le programme serait basé sur une approche préparatoire et non pas sur une approche de scolarisation, que craignaient les parents. Hier, on apprenait que la ministre n'a pas respecté son premier engagement, puisque le programme ne sera pas prêt avant la mi-juin. La question que je pose à la ministre: La ministre peut-elle nous dire si le programme qu'elle a retenu sera basé sur une approche préparatoire, tel qu'elle l'a promis aux parents, ou si ça sera basé sur une approche de scolarisation?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation et responsable de la Famille.

Mme Marois: Alors, je remercie le député de Marquette de sa question, M. le Président. Le programme est prêt déjà depuis deux semaines. Cependant, je l'ai vu, je l'ai analysé et je peux aussi rassurer le député à l'effet que ce n'est pas un programme scolarisant. C'est un programme de préscolarisation, évidemment, utilisant les stratégies habituellement reconnues dans le préscolaire et à la maternelle. Cependant, pour nous assurer que ce programme allait recevoir l'aval aussi des enseignantes et des enseignants en préscolaire, nous avons souhaité procéder à quelques consultations finales avant de le rendre public. Donc, certains éléments pourraient être encore légèrement modifiés, mais son contenu est défini, est prêt et, la semaine prochaine, je rendrai public ce programme; je le déposerai ici, à l'Assemblée nationale.

Et, comme prévu, il y aura des séances de formation auprès, bien sûr, des enseignants, qui sont déjà prêtes et prêts à assumer cet enseignement, cette maternelle, mais aussi, comme j'en ai pris l'engagement, les parents vont être rencontrés et on va leur présenter le programme. Ils pourront poser toutes les questions utiles et nécessaires. Ils pourront même avoir, bien sûr, accès au contenu de ce programme et en avoir copie, M. le Président.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: La ministre de l'Éducation peut-elle confirmer que, contrairement à ce qu'elle vient d'affirmer, son ministère a tenu des séances de perfectionnement à l'Université du Québec à Montréal vendredi dernier, que le programme qui a été déposé adoptait plutôt une approche de scolarisation et peut-elle confirmer aussi que le programme fait l'objet d'une telle controverse que ses fonctionnaires ont dû reprendre tous les documents et refaire leurs devoirs?

(10 h 30)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Vous savez, M. le Président, comment, dans le monde de l'éducation, il y a des théories et des approches qui peuvent être différentes. Et c'est normal, et c'est même souhaitable, parce que ça permet évidemment que l'on choisisse ce qui apparaît la stratégie la meilleure en termes pédagogiques, le contenu le meilleur. Mais c'est rare que dans ce monde on fasse l'unanimité. Parfois, ça serait plus facile, cependant, pour la ministre de l'Éducation, mais ce n'est pas le cas.

Donc, dans les faits, nous avons introduit au programme, si on veut, la stratégie pédagogique, et certains professeurs trouvent que ce n'est peut-être pas utile d'introduire la stratégie pédagogique. Alors, il y a des discussions sur cet aspect, et c'est tout à fait pertinent qu'il y en ait d'ailleurs, M. le Président, mais ça ne nous amène pas à refaire le programme, ça nous amène tout simplement à voir si on conservera cet accent dans le programme ou si on le modifiera légèrement. Alors, c'est exactement la situation avec laquelle nous avons à travailler.

Est-ce qu'on a maintenant formé, à l'Université du Québec... Pour cet aspect plus technique, je n'ai pas l'information, mais, sur le fond du dossier, là, c'est exactement ce que je viens de décrire, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: M. le Président, la ministre confirme qu'il y a controverse autour du programme. La question que je posais: Contrairement à l'affirmation qu'elle donne ici, en cette Chambre, où elle voulait rassurer l'ensemble des parents, le document qui a été déposé à la séance de perfectionnement adoptait une approche de scolarisation et non pas une approche préparatoire. Peut-elle le confirmer, ça, contrairement à ce qu'elle dit ici, en cette Chambre?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Le député reflète bien les querelles d'écoles, pas d'une petite école à l'égard d'une autre école, mais des écoles de pensée. Effectivement, dans la discussion que nous avons, ce n'est pas une question de scolarisation, c'est une question d'outils pédagogiques. Certains souhaiteraient que les outils pédagogiques, que l'approche ne soit pas intégrée au programme, d'autres souhaiteraient qu'elle le soit. Moi, je préfère – je vous le dis à ce moment-ci – que cette approche soit privilégiée, parce que ça permet, je dirais, de mieux saisir l'ensemble de ce que ça signifie que ce programme pour les enfants, et, pour les parents, à mon point de vue, c'est plus rassurant à cet égard.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Comment les parents de l'ensemble de la province peuvent-ils être rassurés alors qu'il y a improvisation dans ce dossier-là? Il y a cafouillage. On avait dit qu'il serait prêt pour la mi-mai, on est rendu à la mi-juin, ce n'est pas encore prêt. Comment la ministre peut-elle prétendre que le tout sera prêt pour le mois de septembre alors que les enseignants ne sont pas encore formés et qu'il y a controverse sur le programme? On ne sait pas quel programme on va appuyer au mois de septembre prochain.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je vais me permettre de rappeler que les enseignantes et les enseignants sont des professionnels de l'enseignement, que, pour enseigner, ils suivent un cours universitaire qui, jusqu'à il y a quelques années, durait trois ans et qui, maintenant, est un cours universitaire de quatre ans, ce qui est d'ailleurs plus long que les cours universitaires généralement reconnus et suivis d'un baccalauréat spécialisé. Donc, ce sont des professionnels de l'enseignement et, en plus, ces personnes sont formées à l'enseignement à la maternelle et à la prématernelle. Donc, ils ont une spécialité à cet égard.

Et le programme que nous avons travaillé est un programme qui était déjà appliqué dans les maternelles. Nous n'avons pas réinventé la roue. Les gens étaient satisfaits du programme appliqué, dans le sens où il répondait aux attentes, mais évidemment il a fallu l'élaborer davantage, le resserrer – il répondait à certaines attentes, bien sûr – et le rendre, je dirais, encore plus signifiant pour les enfants.

Donc, nous avons affaire à des professionnels, et, en ce sens-là, rapidement ces professionnels peuvent s'approprier un tel programme en quelques jours parce qu'ils sont déjà préparés. Ils ont déjà toutes les bases utiles et nécessaires. Si on pense que quatre ans, ce n'est pas suffisant pour former un professeur, bien on se reposera ici la question et on allongera le cours à l'université, mais il reste qu'on ne forme pas des docteurs, on forme des enseignantes et des enseignants.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Avec une telle réponse, M. le Président, la ministre peut-elle convenir qu'elle ne peut rassurer les parents, d'une part, et, d'autre part, que, suite à la séance de perfectionnement de vendredi dernier, la réaction des 40 intervenants, c'est que le programme est tellement mal structuré qu'ils verraient un application différente d'une école à l'autre et d'une commission scolaire à l'autre à travers la province? Un cafouillage le plus total, M. le Président.

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: En fait, je comprends que le député de Marquette souhaiterait que ce soit un cafouillage. Ça, c'est différent, M. le Président. Au contraire, je crois que c'est d'une façon systématique que nous avons travaillé sur cette question depuis un bon moment. Nous sommes prêts et nous serons prêts. Les parents vont être rencontrés, les professeurs vont avoir une formation particulière à ce programme précis, étant entendu qu'ils sont déjà préparés à enseigner en maternelle et en prématernelle.

D'autre part, jusqu'à maintenant et avec tous les rapports que j'ai, M. le Président, les commissions scolaires aussi seront prêtes à accueillir les enfants dans des locaux adéquats, conformes et pourront offrir les services d'encadrement utiles aux parents et aux enfants qui fréquenteront les maternelles.

Le Président: En principale, M. le député de Robert-Baldwin.


Propos du Vérificateur général sur les états financiers du gouvernement

M. Marsan: M. le Président, le rapport du Vérificateur général est accablant pour le gouvernement et troublant pour ceux qui utilisent les états financiers du gouvernement. Je cite le Vérificateur général: «Les parlementaires, les autres utilisateurs des états financiers du gouvernement sont privés d'une information adéquate et globale quant à une partie importante des activités financières dont le gouvernement est responsable. Les états financiers publiés actuellement par le gouvernement ne sont pas des états financiers consolidés; ils ne comprennent pas les données financières de plusieurs entités et de fonds spéciaux.»

M. le Président, cette accusation arrive au moment même où l'atteinte du déficit zéro peut se révéler une illusion, puisque le déficit du gouvernement est transféré dans les hôpitaux, dans les cégeps, dans les universités ou encore il est inclus dans une multiplication de fonds spéciaux qui n'apparaissent pas aux états financiers officiels, ce que dénonce le Vérificateur.

Ma question au ministre des Finances: Va-t-il reconnaître que les Québécois ont droit à la vérité et à la transparence et va-t-il se conformer aux recommandations du Vérificateur général afin que l'on sache si l'atteinte du déficit zéro sera réelle ou illusoire?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Comme le Vérificateur général le dit dans son rapport, depuis 16 ans, à chaque année, certaines modifications aux conventions comptables du gouvernement pourraient être faites. Et, sur le plan technique, il n'est pas douteux qu'on doive regarder ça très sérieusement. Mais cette Chambre sait – et le député de Laporte devrait le savoir, puisque pendant 10 ans son parti a eu la même remarque – que la transparence est assurée. Pourquoi est-ce que la transparence est assurée et que toutes les agences de crédit connaissent parfaitement la situation? Qu'on la mette dans une page du bilan, ou qu'on la mette dans une autre, ou que ce soit l'objet d'une note ou non d'une note, tous nos créanciers et tous ceux qui analysent nos états financiers connaissent parfaitement la situation.

Si on change les méthodes comptables et les conventions comptables – qui sont faites pour évoluer, il n'y a pas de doute; vous n'avez pas décidé de les faire évoluer pendant 10 ans, mais il n'est pas dit qu'on ne déciderait pas, nous, de les faire évoluer un jour – il faudra bien que l'on réajuste de façon rétroactive aussi. Votre déficit de 6 000 000 000 $ qui était déjà monstrueux, là, de quoi aurait-il l'air avec les conventions comptables modifiées?

Alors, j'admets les travaux fructueux du Vérificateur général. C'est très intéressant pour faire évoluer la théorie et la pratique comptables, mais ça ne change rien à la réalité qu'ayant hérité d'un déficit de 6 000 000 000 $ dans les conventions présentes on s'en va vers zéro en 1999-2000, ce qui est un engagement formel de la part de notre gouvernement, et nous allons le tenir.

Le Président: M. le député.

(10 h 40)

M. Marsan: M. le Président, pourquoi, après bientôt trois années de ce gouvernement, le gouvernement du Québec est-il le dernier des gouvernements au Canada à ne pas présenter d'états financiers consolidés?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Vous avez bien dit trois ans. Alors, 10, c'est trois fois plus, et un peu plus. Alors, vous devriez avoir une conversation en profondeur avec le député de Laporte sur cette question. Il en sait trois fois plus que moi, premièrement. Et, deuxièmement...

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Le triple à bien des égards, parce que 10, c'est plus que trois fois trois, mais six, c'est plus que trois fois deux, notre déficit de cette année. Alors, je réitère que le problème est largement théorique. Je ne nie pas qu'il faudra se pencher sur cette question. D'ailleurs, pendant que le député de Laporte était ministre des Finances, déjà, à l'intérieur du ministère des Finances, certaines études étaient en cours. Mais ce sur quoi je veux insister, et c'est important, et le député sans doute ne veut pas induire la population en erreur, ni Standard & Poor's, ni Moody's, c'est qu'il n'y a rien de secret dans les états financiers du gouvernement. C'est une présentation comptable différente, possiblement évolutive, mais réelle et factuelle pour l'instant.

Le Président: M. le député de Chomedey, en principale.


Propos du Vérificateur général sur les politiques du gouvernement en matière de justice

M. Mulcair: Merci, M. le Président. Le rapport du Vérificateur général est particulièrement dur à l'égard du gouvernement péquiste quant à sa mauvaise gestion dans le domaine de la justice. On peut lire, en particulier, que la gestion des créances du ministère s'est détériorée considérablement au cours des trois dernières années. En effet, au cours de cette seule période de trois ans, le ministère de la Justice a négligé de percevoir plus de 50 000 000 $ d'amendes dues au gouvernement. Rappelons, M. le Président, que, si même une fraction de cet argent avait été collectée comme il se devait, on aurait pu éviter les coupures à l'aide juridique, à la Cour des petites créances, dans les programmes d'aide aux victimes, et à la magistrature. En réponse à la critique du Vérificateur général, la seule et unique suggestion proposée par le ministère de la Justice, croyez-le ou non, et ça se retrouve à la page 81 du rapport, c'est la création d'encore un autre comité pour étudier le problème.

Est-ce que le premier ministre peut nous dire ce que lui et son gouvernement entendent faire face à cette incurie? Et est-ce qu'il peut notamment nous dire s'il a déjà envisagé la possibilité de confier la perception de ces dettes au secteur privé comme le font de plus en plus de municipalités au Québec?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Bon. D'abord, le ministre de la Justice, pour des raisons tenant à ses devoirs d'État, n'est pas parmi nous, mais, pressentant qu'une question pourrait être posée et afin de donner la plus grande satisfaction à l'opposition et la plus grande transparence à la population, voici les notes qu'il m'a laissées. Et je vais essayer de répondre au mieux.

D'abord, globalement, sur les propos du Vérificateur général au sujet de la justice, la réforme de l'aide juridique règle la majorité des abus dénoncés. Donc, il y en a eu. La réforme règle la majorité. Il y a eu resserrement des contrôles d'admissibilité depuis le 26 septembre 1996 avec l'entrée en vigueur de la nouvelle loi et des règlements sur l'aide juridique qui ont été adoptés dans cette Assemblée.

Alors, en conséquence, mon collègue le ministre de la Justice, très sagement invite... Il est tellement convaincu que la réforme vise les problèmes dénoncés par le Vérificateur qu'il invite ce dernier à revenir dans le réseau d'aide juridique pour vérifier la portée de celle-ci, ce qui serait, à mon avis, une excellente idée, une excellente suggestion.

Quant au problème, là, qui est plus large, de faire recouvrer par des agences privées des créances de l'État, il y a plusieurs ministères qui, depuis quelques années, examinent la situation. Ça pose certains problèmes. La population n'est pas habituée. Vous le savez, dans les anciens régimes autocratiques, on confiait la perception des impôts à pourcentage au secteur privé. Ça posait des problèmes. Les gens trouvent l'impôt déjà odieux en partant. Se le faire demander par des privés, ils n'aimaient pas ça. Mais ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas examiner une telle solution, en suivant les règles d'éthique qui s'imposent – appels d'offres, etc. – faire percevoir certains de nos dus par des privés.

Le Président: M. le député de Shefford.


Propos du Vérificateur général sur les résultats du plan Paillé

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Le Vérificateur général du Québec confirmait avant-hier ce que plusieurs savaient déjà, y compris le gouvernement: que le plan Paillé est un flop financier sans précédent. Ce gouvernement voulait donner l'impression de bouger, avant le référendum. Il a créé le plus grand bar ouvert à la subvention, un programme sans balises, sans suivi. Présentement, on y engloutit des centaines de milliers de dollars par jour qui aboutiront sûrement à des centaines de millions de dollars de pertes. Hier matin, le journal The Gazette disait avoir obtenu des documents démontrant que le gouvernement connaissait la situation.

Ma question, M. le Président, au premier ministre: Peut-il nous confirmer aujourd'hui que l'estimation des pertes, jusqu'à aujourd'hui cachées, dépassera les 200 000 000 $?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, il y a des gouvernements néolibéraux, il y a des gouvernements libéraux qui ne font rien. Devant la détresse, devant l'exclusion, devant l'aide sociale chronique et le chômage chronique, ils ne font rien. Et, si jamais un gouvernement audacieux met un programme judicieux de l'avant, ils le critiquent à mort. Celui qui vous a quittés pour d'autres cieux, à l'ouest de la rivière Outaouais, nous dénonçait comme étant des néolibéraux, l'ancien député que je peux appeler «M. Charbonneau» maintenant, puisqu'il n'est plus dans cette Chambre. Alors, il faut savoir ce qu'on veut.

Le plan Paillé, c'est une intervention compatible avec l'économie de marché pour permettre à des gens qui n'ont pas eu la chance de tirer leur épingle du jeu dans l'économie capitaliste de recevoir en toute solidarité un coup de pouce de la collectivité pour développer un espoir, et ces gens-là l'ont fait d'une façon massive. Et je le redis, en tout respect pour le Vérificateur, le Vérificateur, c'est une institution qui émane de nous. Le Vérificateur n'est pas le gouvernement, le Vérificateur aide l'Assemblée nationale et la société.

Le Vérificateur a fait une enquête portant sur 66 entreprises, mais notre Société de développement industriel, très prudemment, a fait une enquête portant, elle, sur 1 200 entreprises. Et ce que ça dit, c'est que le plan Paillé a généré, au 31 mars 1997, 1 500 000 000 $ d'activités économiques, 198 000 000 $ en recettes fiscales et 21 000 000 $ en réduction de programmes. Même si on mettait la suite d'un pessimisme absolu, on est déjà rentrés dans notre argent avec les effets économiques déjà connus. Les emplois créés atteignent un total de 35 000 après trois ans, soit 5 000 de plus que notre objectif.

Y a-t-il des échecs? Oui, il y a des échecs. Parce que, dans l'économie de marché, il y a des échecs. Il naît beaucoup de petites entreprises, au Québec, il en meurt beaucoup. Mais ce qui compte, c'est la survie, et surtout ce qui compte, c'est l'espoir, parce que 46 % de la clientèle du plan Paillé était des démunis, ceux que dans les sociétés occidentales on appelle des exclus, un scandale de notre temps, et on a eu le courage non pas à la perfection, mais avec beaucoup d'audace, de s'attaquer à ce problème.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: M. le député de Shefford.

M. Brodeur: Merci, M. le Président. Il serait intéressant d'avoir le dépôt de cette soi-disant enquête de la part...

Le Président: C'est bien essayé, mais de façon réglementaire, M. le député de Shefford.

(10 h 50)

M. Brodeur: Le premier ministre reconnaît-il que, compte tenu de l'importance des déclarations du Vérificateur général, compte tenu également des déclarations de son vice-premier ministre, incluant celles d'il y a quelques mois seulement qui disaient que le plan Paillé était un succès retentissant... Toute une déclaration pour un expert alors qu'il connaissait très bien la vérité! M. le Président, le premier ministre reconnaît-il qu'il y a des comptes à rendre autant de la part de son ministre de l'Économie et des Finances que de la SDI? Le premier ministre entend-il également commander une commission d'enquête sur l'administration du plan Paillé...

Des voix: Oh!

Le Président: M. le premier ministre. M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Bien, M. le Président, même si le député n'est pas d'une circonscription particulièrement agricole, il fauche large ce matin! Je lui réitère quelques chiffres et je fais appel à sa bonne foi: 74 % de réussite; 26 % d'échec. Pour des gens qui étaient tout simplement dans le désespoir économique et qui ont décidé de créer leur emploi... Est-ce qu'il faut leur taper dessus puis les écraser? Tu sais!

On dit, dans les commentaires: La plupart d'entre eux ne savaient pas c'était quoi, un plan d'affaires. Est-ce que Pierre Péladeau savait vraiment c'était quoi, un plan d'affaires, quand il a emprunté 1 500 $ à sa mère pour acheter Le Journal de Rosemont ? Il y a des gens qui ont des talents naturels, qui n'ont pas eu de chance dans la vie, qui sont des entrepreneurs extraordinaires. D'ailleurs, un des comtés qui en a le plus profité – peut-être les députés pourraient-ils se concerter – c'est celui de Saint-Henri–Westmount. Et je me doute dans quelle partie du comté les interventions se sont concentrées. Alors, voici, pour alimenter votre réflexion.

Deuxièmement, pour vous donner une satisfaction qui devrait aller au-delà de vos espérances, il a parlé d'une «soi-disant étude». Ce n'est pas une soi-disant étude, c'est une étude. Et pas d'un soi-disant bureau mais du Bureau de la statistique du Québec. Et je m'engage, bien sûr, à la rendre publique dans ses moindres détails. Et, en même temps, je vais mettre une annexe pour rappeler le 1 000 000 000 $ que vous avez fait perdre à la SDI dans des aventures exagérées pendant que vous étiez là!

Des voix: Bravo!

Le Président: ...en principale.

M. Désilets: Merci, M. le Président.

M. Fournier: Question de règlement.

Le Président: M. le leader adjoint de l'opposition officielle.

M. Fournier: Oui. Comme vous l'avez déjà exprimé vous-même, M. le Président, la période de questions est une période consacrée aux questions de l'opposition. Il y a, bien sûr, des périodes consacrées aux autres députés. Mais, déjà hier, il y a eu une question du parti ministériel. J'ai l'impression qu'on est en train de délaisser nos traditions.

Le Président: Je ne crois pas, M. le leader adjoint de l'opposition officielle, pour la raison suivante: c'est que nos règles et nos conventions permettent aux députés ministériels de poser, eux aussi, des questions selon une fréquence qui a été convenue depuis fort longtemps. Et je peux vous assurer que, en ce qui concerne les questions des députés ministériels, jusqu'à maintenant la présidence a scrupuleusement respecté les règles et nos conventions depuis le début. Aujourd'hui, la question qui est accordée au député de Maskinongé s'inscrit dans ces règles, mais ça ne veut pas dire qu'à chaque jour les députés ministériels peuvent poser des questions. Je crois que, normalement, c'est deux questions par trois séances. Il y en a eu une hier mais ce n'est pas... Deux questions à chaque trois séances. C'est au président d'apprécier. Je crois que, dans l'ensemble, si on regarde notre saison parlementaire, et non pas notre session parlementaire, je ne crois pas qu'il y ait eu abus à cet égard. M. le député de Maskinongé.


Projet fédéral d'entreposage de sédiments pollués dans le lac Saint-Pierre

M. Désilets: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Environnement. Pour corriger la situation dont je vous fais part, je crois qu'on va avoir besoin de l'unanimité de l'Assemblée nationale.

M. le Président, j'aimerais connaître du ministre ce qu'il entend faire concernant l'enfouissement des sédiments dragués dans le port de Sorel et que Transport Canada s'apprête à entreposer en face de la municipalité de Yamachiche dans le fleuve Saint-Laurent, au lac Saint-Pierre, un endroit où, depuis plus de 10 ans, le milieu et les différents gouvernements et industries investissent efforts et argent pour assainir. M. le Président, le lac Saint-Pierre, c'est un des plus beaux lacs au monde. C'est un écosystème en soi. C'est, enfin, M. le Président, un sanctuaire d'oiseaux migrateurs irremplaçable.

Ma question au ministre: Ce qu'il entend faire pour sauvegarder l'environnement du lac Saint-Pierre.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: M. le Président, le lac Saint-Pierre est un écosystème d'une extrême richesse, d'une biodiversité très grande. Il a raison, c'est un lieu qu'il faut protéger. Nous nous sommes impliqués dans le dossier et nous sommes formellement contre l'option du rejet en eau libre des sédiments dont le taux de toxicité est reconnu. Nous avons demandé par écrit au gouvernement canadien et à Transports Canada de revoir son projet qui risque de contaminer cet écosystème d'une très grande richesse biologique qu'il faut à tout le moins préserver pour la sauvagine, pour les poissons, pour les pêcheurs sportifs, pour les pêcheurs commerciaux, et on attend les réponses du gouvernement du Canada. Ça fait un an qu'on travaille sur le dossier, et jusqu'à ce jour Transports Canada a rejeté du revers de la main nos représentations et nos positions qui sont basées sur des faits biologiques et scientifiques, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Désilets: M. le Président, est-ce que le ministre a un plan d'action précis concernant les semaines qui viennent pour éviter la détérioration de l'environnement présentement?

Le Président: M. le ministre.

M. Cliche: Oui, M. le Président. Aussitôt que sera connu mon homologue canadien en matière d'environnement, j'ai l'intention de le rencontrer, de lui écrire et de lui rappeler que ce projet est inadmissible au niveau de l'environnement, et de lui rappeler que nous sommes les propriétaires du domaine hydrique, du fond du lac Saint-Pierre, et qu'il n'est pas question qu'ils utilisent notre domaine hydrique pour y entreposer des matières polluées.

Mais la vraie solution, c'est qu'on devienne souverains. Et, lorsqu'on deviendra souverains, on réglera nous-mêmes nos problèmes.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député d'Orford, en principale.


Participation frauduleuse de certaines entreprises au plan Paillé

M. Benoit: M. le Président, au ministre de l'Industrie. Sur 10 443 dossiers, le Vérificateur général nous indique, dans le plan Paillé, que l'information financière était insuffisante dans plus de 80 % des entreprises qui ont eu des prêts. 81 % des entreprises à qui on a prêté dans le plan Paillé n'ont jamais atteint leur chiffre d'affaires. Le Vérificateur nous dit, et j'emploie ses termes, qu'il y a eu malversation, qu'il y a eu fraude et que des entreprises qui n'ont jamais existé ont eu des prêts.

Comment le ministre responsable de la SDI a-t-il pu permettre une telle incurie à la SDI alors que le coût de la perte connue en ce moment est déjà de l'ordre de 80 000 000 $? Le ministre responsable était-il au fait de la situation ou s'en lave-t-il les mains ce matin?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): C'est un peu comme si le député demandait au ministre de la Justice comment il se fait qu'il tolère qu'il y ait des fraudeurs dans la société. On ne tolère rien, mais il y a une fatalité, et depuis de longs mois c'était connu. Des enquêtes ont été faites. Tout ce qui devait être fait a été fait et le phénomène arrêté à sa source; et il était marginal. Il y a eu une longue enquête de la Sûreté du Québec là-dessus, qui visait une institution financière, peut-être quelques autres, et tout ça a été bloqué à la source et encore une fois n'assombrit aucunement les performances remarquables que des gens qui n'étaient pas formés à Harvard ou qui ne venaient pas de Wall Street ont modestement réalisé dans leur quartier en mettant sur pied une petite entreprise et en mettant des fonds.

(11 heures)

Je vais vous dire comment ç'a été financé, ça, ce plan-là, globalement jusqu'à ce jour: 39 % SDI; 15 % autre aide gouvernementale; 22 % de ces gens qui ont essayé de rattraper leur destin en fondant une entreprise; et 24 % prêteurs et autres. Alors, non seulement ce n'est pas que de l'argent gouvernemental, mais le gouvernement a agi comme catalyseur pour que des entrepreneurs et d'autres prêteurs mettent de l'argent.

Écoutez ça, M. le Président, c'est vraiment admirable dans une société de solidarité comme la nôtre. La mise de fonds moyenne des actionnaires dans le plan Paillé, la moyenne, 29 000 $. Pour les secteurs de la restauration, intervention particulièrement critiquée par le Vérificateur, la moyenne s'élève à 68 000 $. Non seulement le gouvernement a investi, s'est investi, mais il a incité nos compatriotes à investir davantage. Quand on rendra publique, dans tous ses détails, l'étude du BSQ, j'espère que les questions de l'opposition rendront un peu plus justice à ces dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui ont essayé de contribuer à la prospérité économique plutôt que de la détruire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Benoit: Oui, au premier ministre, M. le Président. Est-ce que le premier ministre peut nous confirmer qu'il n'a pas nommé le ministre Paillé au Conseil des ministres parce qu'il était au courant de ce scandale...

Le Président: M. le vice-premier ministre.

M. Landry (Verchères): Alors, déjà que la question principale du député était très mal en point sur le plan de la crédibilité, pourquoi il a été ajouter un épilogue qui anéantit tout le reste? Il est de notoriété publique que M. Daniel Paillé, autrefois député de Prévost, a refusé les attributions qui lui ont été proposées par le premier ministre. Jamais le premier ministre ne l'a exclu de quoi que ce soit, il voulait plutôt l'inclure, mais c'est l'ancien député de Prévost qui a décidé que l'inclusion n'était pas à la place où il aurait souhaité qu'elle soit.

Le Président: M. le député de Nelligan, en principale.


Traitement des déclarations des sociétés par le ministère du Revenu

M. Williams: Merci, M. le Président. On peut lire dans le rapport du Vérificateur général que le ministère du Revenu accorde, en moyenne, seulement 12 minutes pour évaluer une déclaration de revenus d'une société, seulement 12 minutes, et, par le fait même, néglige de collecter des millions de dollars. Pendant ce temps, le ministère s'occupe de faire de nouvelles interprétations de la loi dans le but de recotiser de petits contribuables pour les années passées, comme dans le cas de la recherche-développement, dans le cas des gîtes touristiques, comme dans le cas de travailleurs à pourboire et aussi comme dans le cas des chauffeurs de taxi.

Ma question, M. le Président: Le ministre ne croit-il pas qu'il devrait accorder plus de temps aux déclarations des sociétés afin de récupérer ces millions de dollars plutôt que de harceler ces petits contribuables?

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Bertrand (Portneuf): M. le Président, il faudrait que le député de Nelligan se fasse une idée. Une semaine, il nous pose une question où il nous reproche de harceler les entreprises et, la semaine d'après, suite probablement à une lecture un peu trop rapide du rapport du Vérificateur général, il nous reproche d'en faire trop. On ne peut pas à la fois ne pas en faire assez et en faire trop, M. le Président.

M. le Président, le constat du Vérificateur général rejoint le diagnostic et les observations que nous avons pu faire au cours des derniers mois en ce qui regarde justement la perception des impôts et des taxes auprès des sociétés. Vous savez, M. le Président, que le ménage à faire, également dans ce secteur-là, était important suite à l'héritage qu'on a obtenu du gouvernement précédent.

Alors, dans le domaine également de l'impôt des sociétés, il y avait des devoirs à faire. Nos constats, notre diagnostic rejoint les observations du Vérificateur général, et c'est la raison pour laquelle déjà des correctifs sont en cours, M. le Président, notamment pour améliorer les services informatiques pour la cotisation des sociétés.

On a également un projet d'échange d'informations électroniques de données relativement aux sociétés qui permettra une normalisation des états financiers et donc d'augmenter la performance du ministère. De la même façon, au terme de cette année, nous aurons déjà instauré une approche de vérification intégrée des impôts, des taxes, de même que de la taxe sur la masse salariale – et ça, ça va concerner toutes les entreprises de moins de 3 000 000 $ – et ça va permettre d'accroître justement la proportion des sociétés faisant l'objet de vérifications. Ça fait partie, M. le Président, des nombreux devoirs que nous avons dû faire comme conséquence de que nous avions hérité. Alors, encore une fois, M. le Président, que le porte-parole de l'opposition se fasse une tête.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.


Divergence d'opinions entre le Vérificateur général et la Caisse de dépôt et placement

M. Chagnon: Merci, M. le Président. Depuis 30 ans, le Vérificateur général a le loisir – et il le fait, d'ailleurs – de vérifier la Caisse de dépôt et placement du Québec. Depuis cette année, dans un rapport qu'il nous a remis pas plus tard qu'il y a deux jours, le Vérificateur nous dit, en page 221, à l'article 10.4, qu'il a l'intention de faire une autre vérification, une vérification sur l'optimisation des ressources à la Caisse de dépôt, car il constate que certaines déficiences, si elles se confirment, peuvent devoir être soumises à l'attention de l'Assemblée nationale. M. le Président, j'ai posé la question au ministre des Finances avant-hier sur ce sujet. Peut-être que ses paroles ont dépassé sa pensée, et je voudrais l'inviter à se reprendre ce matin en l'invitant et en lui demandant que peut-il faire pour s'assurer que le Vérificateur général, qui est une institution de l'Assemblée nationale, qui est celui qui peut faire en sorte de permettre aux députés de l'Assemblée nationale de jouer pleinement leur rôle de contrôleur, que peut-il faire pour permettre au Vérificateur général du Québec de pouvoir avoir accès aux livres de la Caisse de dépôt afin de faire cette vérification d'optimisation de ressources?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Paroles qui dépassent la pensée ou pensée qui n'est pas au niveau de la parole, je ne sais pas comment qualifier le préambule du député, puisqu'il termine en disant qu'il faut donner au Vérificateur accès aux livres. Il a 10 000 heures d'accès par année, 10 000 heures. Eh oui. Le Vérificateur vérifie – vous le savez très bien d'ailleurs; j'espère que vous ne faites pas semblant de ne pas le savoir, là... Le Vérificateur, il a passé entre 7 000 et 10 000 heures par année à la Caisse pour faire sa vérification; ça équivaut entre 200 et 280 jours-année. Premièrement. Deuxièmement, le problème que le Vérificateur évoque en quelques paragraphes... Et là, M. le Président, je veux être bien clair. Le Vérificateur, c'est une institution essentielle de notre société. C'est désigné par l'Assemblée nationale. C'est un sonneur de cloches important et parfois les gouvernements méritent de se faire sonner les cloches, il n'y a pas le moindre doute.

(11 h 10)

Mais le Vérificateur n'a pas l'infaillibilité sur tout ce qu'il dit. Il défie le gouvernement et ses fonctionnaires, et là on donne des réponses. Alors, je suis en train d'en donner une – ce qui n'est pas manquer de respect d'aucune façon au Vérificateur qui nous a fait dans le passé d'excellentes suggestions. Le ministre du Revenu vient de vous répondre sur le revenu. Vous laissiez traîner 1 500 000 000 $ d'impôts par année par négligence de collection, pendant des années. Le Vérificateur nous l'a dit puis nous, on l'a collecté. Donc... Je ne veux pas dire que c'est un hymne au Vérificateur, là, mais, au moins, c'est un hommage.

Quant à la question précise que vous évoquez, elle se pose depuis des années et en 1990, alors que vous étiez au pouvoir, il y a eu une étude comme souhaite le Vérificateur, confiée au secteur privé. Une firme spécialisée qui connaît ce genre d'activités financières, valeurs mobilières, hypothèques, etc., et le conseil d'administration de la Caisse, que vous aviez nommé au complet dans ce temps-là, avait adopté cette politique. Et, sans manquer de respect au Vérificateur, je ne vais pas rejeter du revers de la main un conseil d'administration de la Caisse qui me dit que c'est le privé qui doit le faire, surtout qu'ils offrent au Vérificateur général de s'associer en partenariat avec ces entreprises qui vont le faire.

Alors, la conclusion de ça, M. le Président – vous auriez aimé mieux qu'elle vienne avant mais elle va venir maintenant – c'est qu'il faut chercher à ce que le conseil d'administration de la Caisse et le Vérificateur s'entendent sur la meilleure procédure.

Le Président: M. le député.

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que le ministre des Finances peut comprendre que l'Assemblée nationale ne peut pas être au service des vérificateurs internes de la Caisse de dépôt, que l'Assemblée nationale s'attend de son Vérificateur général qu'il lui fournisse l'ensemble des informations que le Vérificateur général juge pertinent de rechercher et de faire en sorte qu'il puisse faire rapport à l'Assemblée nationale? Est-ce que le ministre des Finances est conscient qu'il pourrait demander à son sous-ministre, qui est lui-même son représentant à la Caisse de dépôt, qu'il ne fasse que respecter l'article 28 de la Loi sur le vérificateur général du Québec afin de permettre aux députés de jouer pleinement leur rôle ici, à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): L'Assemblée nationale, elle ne s'exprime pas formellement par les critiques de l'opposition à la période de questions, elle s'exprime en votant des lois et ces lois sont d'une clarté absolue. Depuis que la Caisse existe, 1965, grande époque de la Révolution tranquille, époque libérale d'ailleurs, libérale d'un meilleur cru que celui que nous avons en face de nous cette année puisqu'il s'agissait quand même de Jean Lesage, René Lévesque et des autres... Notre Assemblée a dit à ce moment-là que le Vérificateur général peut faire ce genre de vérification. J'abrège là. Mais, vous êtes d'accord, c'est le mot «peut» que la loi emploie, et la loi dit: Toutefois, le Vérificateur ne peut procéder à une telle vérification qu'après entente avec le conseil d'administration de l'entreprise. Vous avez eu au moins une bonne vingtaine d'années pour changer la loi. Si vous déchirez vos vêtements aujourd'hui, vous auriez peut-être dû le faire il y a quelques années.

Le Président: C'est la fin de la période des questions et des réponses orales.


Votes reportés

Nous n'avons pas de réponses différées mais nous avons un vote reporté. Alors, nous allons procéder maintenant au vote reporté sur la motion de Mme la ministre de la Culture et des Communications, responsable de l'application de la Charte de la langue française, proposant que le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, soit adopté.


Adoption du projet de loi n° 40

Que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), Mme Marois (Taillon), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Charest (Rimouski), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), Mme Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou)...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Secrétaire adjoint: ...M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain)...

Des voix: ...

Le Président: Après le vote, M. le député de Lévis.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bien. Après ce moment de détente, est-ce qu'on peut poursuivre le vote?

Le Secrétaire adjoint: ...Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Lelièvre (Gaspé), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Papineau (Prévost), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Filion (Montmorency).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bourbeau (Laporte), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Kelley (Jacques-Cartier), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Lefebvre (Frontenac)...

Des voix: ...

Le Président: M. le...

Des voix: ...

Le Président: M. le secrétaire adjoint.

Le Secrétaire adjoint: ...M. Mulcair (Chomedey), M. Laporte (Outremont), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:63

Contre:29

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion de Mme la ministre de la Culture et des Communications est adoptée et, en conséquence, le projet de loi n° 40 est adopté.

M. le député de Lévis.

(11 h 20)

M. Garon: M. le Président, un grand politicologue du Québec, Jean-Charles Bonenfant, a dit que l'Assemblée nationale pouvait tout faire, sauf changer un homme en femme. Alors, est-ce qu'on peut me redonner ma véritable identité?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Lévis, rassurez-vous, je pense que personne dans cette Chambre ne met en cause votre identité!

Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: M. le Président, je m'en voudrais de corriger, mais, pour la mémoire de M. Bonenfant, je crois qu'il a dit que le Parlement pouvait tout faire, y compris changer un homme en femme.

Des voix: Ha, ha, ha!


Motions sans préavis

Le Président: Très bien. Alors, nous en arrivons maintenant à l'étape des motions sans préavis. M. le ministre des Affaires municipales.


Féliciter les récipiendaires du Mérite municipal

M. Trudel: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale félicite les 34 lauréats et lauréates, citoyens, fonctionnaires et organismes communautaires qui, ayant oeuvré de façon exemplaire au service de leur communauté, recevront cet après-midi le Mérite municipal.»

Une voix: Bravo!

Mise aux voix

Le Président: Alors, on m'indique qu'il y a consentement sans débat. La motion est donc adoptée. Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit et, si nécessaire, le lundi 9 juin 1997, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, le lundi 9 juin 1997, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des affaires sociales poursuivra les consultations sur le projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, et le projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, le lundi 9 juin 1997, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif.

J'avise également cette Assemblée que la commission de l'aménagement du territoire entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants: projet de loi n° 216, Loi modifiant la Charte de la Ville de Montréal; projet de loi n° 210, Loi concernant la Ville d'Anjou; projet de loi n° 252, Loi concernant la Ville de Beauceville; projet de loi n° 239, Loi concernant la Ville de Gatineau; projet de loi n° 207, Loi concernant la Municipalité d'Hébertville; projet de loi n° 245, Loi concernant la Municipalité de Pintendre; projet de loi n° 202, Loi concernant la Ville de Victoriaville, à compter de 15 heures, le lundi 16 juin 1997, à la salle Louis-Joseph-Papineau.

Le Président: Très bien. Merci, M. le leader du gouvernement. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.


Affaires du jour

Alors, nous allons passer, à ce moment-là, aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 27 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 125


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et de l'amendement du ministre

Le Président: À l'article 27, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions sur le projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, ainsi que l'amendement transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre de la Sécurité publique. Cet amendement est d'ailleurs déclaré recevable. Est-ce qu'il y a, à ce moment-ci, des interventions sur ce rapport? M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui. M. le Président, je pense que l'importance du projet de loi qui est devant nous ne fait de doute pour personne. Je crois également que cette Assemblée est sûrement unanime à vouloir doter l'ensemble des intervenants des moyens adéquats pour faire face à ce qu'on a appelé «le fléau de la lutte des motards criminalisés». M. le Président, le projet de loi est le résultat d'une consultation que nous avons faite avec un ensemble d'intervenants tant dans le monde municipal que des corps policiers. Ce n'est pas parce que aujourd'hui les choses se sont relativement calmées que pour autant la lutte ne doit pas continuer.

Je rappelle que ce projet de loi s'inscrit, bien sûr, dans le contexte des nombreux problèmes, des sérieux problèmes que nous avons connus, notamment dans la région de Québec, mais partout au Québec. Pour faire face à ces problèmes, nous avons mis sur pied l'escouade Carcajou à Québec, nous avons également réuni les corps policiers autour de GRICO, les interventions se sont multipliées et on a vu récemment comment on avait assisté, au Québec, à la plus grande intervention policière jamais tenue pour justement tenter de venir à bout de ce phénomène. Mais, pour autant, M. le Président, c'est évident que la lutte doit se continuer, que les forces policières doivent maintenir leur pression. Mais, pour autant, nous devons, nous, comme législateurs, nous assurer que l'ensemble des intervenants ont tous les outils en main, non seulement les forces policières, mais également les autres intervenants ont tous les outils en main, y compris les outils législatifs, pour faire face à cette situation, pour pouvoir poursuivre une lutte de plus en plus efficace.

Je signale, M. le Président, que, suite à notre interpellation, suite à nos interventions, le gouvernement fédéral a déjà, avant la prorogation de la Chambre à Ottawa, fait modifier le Code criminel canadien. On sait que l'essentiel des outils législatifs se retrouve dans les lois fédérales en matière de lutte au crime organisé, donc déjà des modifications significatives ont été faites au Code criminel canadien. Ces modifications ont été accueillies favorablement partout, même si on est bien conscients qu'elles ne répondaient pas à la totalité des moyens que le Québec souhaitait obtenir dans cette lutte; mais elles ont été bien accueillies.

Nous avions pris également, de notre côté, l'engagement de faire adopter une loi qui permettrait notamment aux municipalités d'intervenir rapidement, et c'était le principal problème que les municipalités rencontraient, d'intervenir rapidement lorsque, dans un lieu donné, il y a un problème, il y a une urgence d'intervention, donc de pouvoir intervenir, et le projet de loi que nous avons devant nous permettra également, en quelque sorte, d'éliminer sur le territoire du Québec ces espèces de forteresses que se sont construites les groupes les uns après les autres, en donnant aux municipalités des moyens d'intervention, notamment dans leur réglementation municipale, et en leur permettant, en quelque sorte, non seulement de prévenir que de telles fortifications, de telles forteresses s'élèvent dans l'avenir, mais également de corriger la situation passée. Nous l'avons fait, nous le croyons, avec une approche qui nous semble tout à fait adéquate dans les circonstances et, là encore, nous répondons à des demandes maintes fois formulées par les municipalités.

De plus, le projet de loi donne à la Régie des alcools, des courses et des jeux des outils supplémentaires, notamment dans tout ce qui touche l'émission des permis de bar, la surveillance des permis de bar, l'origine des gens qui demandent les permis de bar, la vérification s'il y a ou non des prête-noms derrière ces demandes, les sources de financement, le type de spectacles qui y seront présentés, toutes des choses qui visent à faire en sorte que, là aussi, on ramène de l'ordre.

Il y a également la Loi sur les explosifs où, là aussi, au niveau de l'émission des permis, nous resserrons les conditions d'émission de permis. Et, M. le Président, quand on sait comment les explosifs ont été utilisés dans cette lutte des motards criminels entre eux... comment, dans le fond, il était important de resserrer tout ça.

M. le Président, c'est évident qu'il n'y a pas – je l'ai dit et je le répète – une loi, il n'y a pas un corps policier, il n'y a pas une démarche qui, à elle seule, va permettre aux forces de l'ordre, à notre société, de lutter contre ce qui est un véritable fléau, ce qui s'attaque aux assises démocratiques mêmes de notre société. C'est l'ensemble des interventions, c'est l'ensemble des moyens. Et, encore une fois, c'est bien évident que ce que nous faisons, nous, comme législateurs, à ce moment-ci, c'est de fournir à nos corps de police, c'est de fournir à nos administrations les outils législatifs et également, lorsque nous votons les budgets, les moyens financiers de faire cette lutte, M. le Président. Quand nous additionnons ces moyens, bien on voit, on a vu récemment que les corps policiers peuvent atteindre des résultats forts significatifs.

Mais, encore une fois, c'est une lutte qui ne sera jamais terminée. Il serait présomptueux de dire que, parce que nous adoptons cette loi, nous aurons réglé le problème. Mais ma conviction, M. le Président, et c'est celle, je pense, de tous les intervenants, c'est que, aussi imparfaites soient-elles, nos lois, en posant les gestes que nous posons, nous posons des gestes qui vont dans la bonne direction et nous ajoutons à l'arsenal policier des moyens indispensables. Voilà pourquoi, M. le Président, je souhaite que cette Assemblée vote le plus rapidement possible ce projet de loi. Je vous remercie.

(11 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Frontenac.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. M. le Président, à des situations exceptionnelles, il faut utiliser des moyens exceptionnels. Et, lorsque le législateur utilise des moyens exceptionnels, ça représente évidemment, au niveau des principes, certains dangers.

Le projet de loi n° 125 est un exemple de ce que je viens d'illustrer, M. le Président. Le ministre a assez bien résumé. On a eu l'occasion évidemment de discourir très longuement, lorsqu'on a abordé le projet de loi au niveau de son principe, sur l'objectif du projet de loi.

Le Québec vit, depuis plus ou moins deux ans – dans un premier temps dans la région de Montréal, ça s'est déplacé subséquemment dans la région de Québec et même dans des petites communautés comme Saint-Nicolas, tout près de Québec, sur la rive sud – des situations absolument désastreuses pour les citoyens en général, M. le Président, désastreuses dans le sens que la guerre des gangs des motards criminalisés a semé – et je pense que ce n'est pas exagéré de le dire – à un moment donné, la panique au niveau des populations directement concernées, je me répète: la région de Montréal, la Vieille Capitale et de petites municipalités comme Saint-Nicolas.

Les citoyens et les citoyennes du Québec ont demandé au gouvernement du Québec, également au gouvernement fédéral, d'intervenir de toutes les façons possibles et imaginables. Souvent, ces démarches-là se sont faites, M. le Président, par des demandes adressées directement aux gouvernements locaux, c'est-à-dire aux municipalités.

J'ai dit, au moment de mon intervention sur le principe, que le gouvernement du Québec, par le biais de son ministre de la Sécurité publique, aurait dû et aurait pu agir plus vite. Le projet de loi n° 125 suit des interventions du gouvernement fédéral qui est intervenu à l'intérieur de ses propres juridictions en modifiant des dispositions du Code criminel, M. le Président, pour donner des moyens d'intervention additionnels aux forces de police. Alors, le projet de loi n° 125 vient jusqu'à un certain point compléter les interventions du fédéral. Et, dans ce sens-là, les objectifs recherchés, c'est de permettre aux municipalités, entre autres, de permettre à la Régie des alcools, des courses et des jeux d'intervenir de différentes façons pour essayer d'écraser ce problème-là.

Alors, au niveau du principe, M. le Président, à savoir régler le problème de la guerre des gangs de la meilleure façon possible, je suis d'accord avec le ministre. En toute objectivité, je reconnais qu'aucun gouvernement ne peut assurer à la population que des phénomènes du genre ne se reproduiront plus jamais. Ça serait être démagogue, c'est le moins que l'on puisse dire, que de demander au gouvernement de garantir à la population que jamais plus on ne revivra des situations comme celle-là. Le crime organisé, qu'il se manifeste à l'intérieur du phénomène des gangs de motards criminalisés ou autrement, c'est malheureusement un phénomène de société avec lequel il faut composer.

L'opposition a toujours rassuré le gouvernement et son ministre qu'on allait collaborer à trouver ensemble les meilleurs moyens possibles en ayant à l'esprit... Et jamais, M. le Président, jamais l'opposition, ni par mon entremise ni autrement, n'a indiqué à la population que le gouvernement pouvait régler le problème de façon définitive. Je me répète, ça serait incorrect que de prétendre ça. Cependant, j'ai toujours dit: C'est inscrit dans la loi, la loi de la sécurité publique, c'est le ministre de la Sécurité publique et son gouvernement qui ont d'abord, au premier chef, la responsabilité de protéger les citoyens et les citoyennes du Québec dans leur intégrité physique. D'ailleurs, l'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, dans une lettre adressée au ministre dont je lirai quelques extraits tout à l'heure, le rappelle au ministre.

M. le Président, le projet de loi n° 125 rejoint certains objectifs visés par le gouvernement. Cependant, je dis tout de suite au ministre que la collaboration de l'opposition se manifeste par une participation au débat de façon très rationnelle. Le ministre va le reconnaître, au niveau du principe, on a, de façon très élaborée, mais rapidement, indiqué quelles étaient nos inquiétudes, quelles étaient nos réserves sur le projet de loi n° 125. On a procédé, M. le Président, à l'étude détaillée après avoir adopté le principe du projet de loi n° 125 de façon sérieuse, rapide, et très rapidement le ministre a compris où l'opposition se logeait.

Alors, c'est dans ce sens-là que l'opposition a collaboré, va collaborer jusqu'à ce qu'on procède à l'adoption du projet de loi n° 125. Ça ne veut pas dire cependant que nos réserves sur des principes – principes fondamentaux en ce qui a trait particulièrement à des renversements de règles de droit – ça ne veut pas dire que l'opposition doit fermer les yeux sur des entorses comme celles-là, et l'opposition le fait d'une façon responsable en l'indiquant au gouvernement, en l'indiquant au ministre, d'autant plus que les inquiétudes de l'opposition sont appuyées par et l'UMQ et le Barreau du Québec. Alors, on ne pourra pas, M. le Président, malheureusement... Mais, dans les faits, ça ne change pas, et le ministre en conviendra, sinon sur des détails, sinon quant à l'unanimité qui n'existera pas de façon totale. Mais, quant à l'objectif, le ministre l'aura atteint, les municipalités, jusqu'à un certain point, seront satisfaites et on verra la suite des choses.

L'opposition a des réserves sur, je me répète, les principes de droit qui sont attaqués par le projet de loi n° 125; j'en donnerai tout à l'heure quelques exemples. Mais, encore une fois, sur l'objectif global, permettre aux municipalités, à la Régie des alcools, des courses et des jeux d'intervenir, on est d'accord. On est inquiet cependant sur la façon de faire. On est inquiet cependant, M. le Président, sur le test que subira éventuellement le projet de loi n° 125.

Le ministre l'a dit tout à l'heure – c'est bien résumé – l'objectif du projet de loi: pouvoirs accrus d'intervention à la Régie des alcools. Ces pouvoirs, tout ça, encore une fois, c'est pour tenter de ramener la paix au Québec. Il y a une espèce d'accalmie, de ce temps-ci, depuis quelques semaines. Ce qu'il faut souhaiter tous ensemble, le gouvernement comme l'opposition, tous ceux et celles qui sont... Il n'y a pas un Québécois, M. le Président, qui n'est pas concerné par ce phénomène de la guerre des gangs de motards criminalisés, avec toutes les conséquences que ça implique pour les citoyens et citoyennes du Québec. Il n'y a pas un Québécois qui n'est pas concerné, et évidemment et d'abord et avant tout les parlementaires, qu'ils soient du côté du pouvoir ou du côté de l'opposition. On souhaite que l'accalmie qu'on vit présentement se prolonge jusqu'à la fin des temps, c'est aussi simple que ça.

Pour y arriver, le ministre donne des pouvoirs accrus à la Régie des alcools, des courses et des jeux, pouvoirs peut-être, jusqu'à un certain point, abusifs. Situations exceptionnelles, pouvoirs exceptionnels. Pouvoirs exceptionnels, c'est dangereux, M. le Président, et on a l'obligation, de notre côté, de le souligner au ministre. Ça a été fait en commission parlementaire, ça apparaît également – je me répète – dans de la correspondance adressée au ministre par le Barreau du Québec. Élargissement des pouvoirs d'agir cédés aux... c'est-à-dire, pas cédés, des pouvoirs d'agir que le législateur donne aux municipalités du Québec. Est-ce que les municipalités seront capables d'utiliser tous ces pouvoirs? Est-ce que les municipalités seront financièrement capables d'utiliser tous ces pouvoirs? Pas certain.

(11 h 40)

Resserrement des conditions d'accès aux substances explosives: c'est peut-être, M. le Président, le volet du projet de loi n° 125 où on s'est rejoints le plus facilement. Je vais avouer franchement qu'on n'a pas tellement de réserves, sinon, encore là, sur certaines entorses aux règles de droit; mais, quant au reste, quant à l'objectif, qu'on soit le plus sévère possible quant à la manipulation, l'achat, le transport des explosifs, c'est évident que, là-dessus, l'opposition, sauf quant à tenir compte de certaines règles de droit et de preuve, quant à l'objectif, resserrement de la Loi sur les explosifs, M. le Président, c'est évident qu'on est d'accord là-dessus.

L'UMQ, l'Union des municipalités du Québec, qui parle au nom d'un nombre considérable de municipalités visées par le projet de loi n° 125, a adressé la lettre suivante au ministre, en date du 29 mai 1997, tout récemment. Alors, évidemment, dans un premier temps, elle indique que globalement on était d'accord sur les objectifs visés par 125 et qu'on souhaitait évidemment l'adoption du projet de loi n° 125. Cependant, l'Union des municipalités, à la page 2 de cette lettre du 29 mai, reprend les arguments que l'opposition, avant même que l'UMQ s'exprime, avait soulevés et lors du débat de principe et lors du débat en commission parlementaire.

Alors, l'Union des municipalités... Je lis intégralement la lettre signée par le nouveau président, M. Laframboise: «L'Union comprend que l'ensemble de ces nouvelles dispositions législatives a fait l'objectif d'un examen attentif de leur constitutionnalité et que partant – voyez-vous l'inquiétude de l'UMQ, M. le Président, c'est la même inquiétude, à toutes fins pratiques, que celle soulevée par l'opposition officielle – les municipalités n'auront pas à faire les frais d'éventuelles contestations judiciaires de ces pouvoirs par les groupes visés.»

Bien, c'est ça qui risque d'arriver. Le ministre se souviendra – et ces interventions et demandes, je les avais faites en présence du maire de la municipalité de Saint-Nicolas qui était venu nous saluer au moment où on débattait du projet de loi en commission parlementaire – j'avais demandé au ministre: M. le ministre, si les pouvoirs que vous permettrez aux municipalités de se donner sont attaqués devant les tribunaux, est-ce que vous entendez supporter le débat pour et au nom des municipalités, en collaboration avec les municipalités? Essentiellement, est-ce que vous allez, M. le Président, supporter le coût du débat devant les tribunaux? Frais judiciaires, frais extrajudiciaires, le ministre comprend ce que ça veut dire. On a eu des réponses qui ressemblaient peut-être à: Oui, on y pense. Oui, on pourrait le faire. On verra.

Et les municipalités, par le biais de l'UMQ, réalisent à quel point c'est important que le gouvernement du Québec garantisse le support. M. le Président, on le sait, il va y avoir ce qu'on appelle quelques «test cases». Ça sera peut-être la municipalité de Saint-Nicolas au moment où elle s'attaquera, où elle entreprendra la démarche pour rendre conforme ce qu'on appelle le bunker que l'on retrouve sur son territoire et appartenant aux Hell's Angels. Alors, la loi n° 125, à ce moment-là, risque d'être testée devant les tribunaux. Je ne le souhaite pas, mais, si ça arrive, ça ne se réglera pas en deux, trois semaines. Ça peut se rendre quand même assez loin au niveau du processus judiciaire. Ça veut dire beaucoup de frais. Ça veut dire beaucoup d'argent. Ce n'est pas évident que Saint-Nicolas ou d'autres municipalités ont la capacité financière de supporter ces débats judiciaires. C'est ce qu'on avait indiqué au ministre. C'est ce que l'UMQ, M. le Président, très clairement, indique dans sa lettre du 29 mai.

Je continue la lecture. «Si les municipalités devaient en définitive supporter les frais juridiques – on aurait pu ajouter les frais judiciaires – d'une contestation judiciaire des nouveaux pouvoirs du projet de loi n° 125, le gouvernement du Québec – c'est sérieux ça, M. le Président – loin d'avoir amélioré les pouvoirs d'intervention des municipalités, n'aurait fait que transférer les coûts.» J'espère que le ministre de la Sécurité publique, dans ce dossier-là, ne vise pas un transfert des coûts encore une fois sur le dos des municipalités, comme ça a été fait, pas à peu près, dans les six, sept derniers mois. Dans ce dossier-là, où on a comme seul objectif de protéger les citoyens puis les citoyennes du Québec partout au Québec, j'espère qu'on ne vise pas, d'une façon plus ou moins subtile, avouée, correcte et acceptable, à transférer le coût du test devant les tribunaux de la loi n° 125. Transférer ça sur le dos des municipalités, bien, l'UMQ est inquiète.

Puis le ministre, on est à la prise en considération aujourd'hui, donc il peut revenir après mon intervention. Qu'il nous le dise tout de suite ou avant l'adoption qui viendra au début de la semaine, j'imagine, la semaine prochaine, qu'il réponde à l'UMQ ici, à l'Assemblée nationale, ou qu'il réponde par écrit à la lettre du 29 mai avec copie à l'opposition. On veut, M. le Président, avoir la garantie, du côté de l'opposition, que l'UMQ sera satisfaite, dans cette demande adressée au ministère, au ministre Perreault, que les coûts du débat judiciaire à venir, c'est le gouvernement qui va en supporter la facture.

L'UMQ aurait apprécié que le gouvernement, en plus de conférer davantage de pouvoirs aux municipalités, s'attaque aux véritables causes de la criminalité. Dans ce sens-là, l'UMQ rejoint l'opposition, M. le Président. Moi, j'ai, à tour de bras, ici, à l'Assemblée, indiqué au ministre que d'abord et avant tout la protection des citoyens, ça passe par une Sûreté du Québec mieux équipée en termes d'effectif, mieux supportée financièrement, entre autres au niveau des escouades spéciales que sont Carcajou-Montréal et Québec. Le ministre a toujours prétendu que Carcajou avait tout ce qu'il fallait en termes d'effectifs, d'expertise. Pas sûr de ça, M. le Président. Jamais été sûr de ça. Et l'UMQ envoie le même message au ministre. Vous savez, l'UMQ, là, l'Union des municipalités du Québec, comme l'UMRCQ, elles le savent, ce qui se passe, M. le Président. Elles s'informent, suivent les débats, évidemment, et comprennent la réalité des choses. Alors, on aurait souhaité que le gouvernement s'attaque aux véritables causes de la criminalité, qu'il soutienne le déploiement des effectifs policiers nécessaires à la résolution de ce problème.

Je le disais tout à l'heure au ministre, puis je le lui rappelle – moi, je le lui rappelle à chaque fois que je le questionne – je disais en commission parlementaire qu'à tous les lundis matin le ministre de la Sécurité publique devrait lire – il s'en souvient, hein? – l'article 8 de la loi de la sécurité publique. C'est aux articles 8 et 7 – 8 particulièrement – qu'on retrouve les obligations qu'a le ministre de la Sécurité publique du Québec. C'est son catéchisme. Pas sûr qu'il le fait, M. le Président. Faudrait qu'il s'astreigne à cette obligation-là, puis ça lui rappellerait que le législateur dit clairement que le ministre de la Sécurité publique, c'est le personnage, au Québec et au Canada... C'est comme ça dans les autres provinces, c'est le ministre de la Sécurité publique qui a au premier chef la responsabilité de protéger les citoyens. Alors, voyez-vous, l'UMQ a compris ça. Ils le savent. Il appartient au gouvernement du Québec d'assurer la sécurité publique sur tout le territoire du Québec.

À l'UMQ, M. le Président, ils sont d'accord avec le projet de loi n° 125, mais ils nous disent: Ça ne réglera pas tous les problèmes, puis surtout on est inquiet sur la suite des choses. Comment le projet de loi n° 125, qui deviendra loi, sera-t-il appliqué dans la vraie vie de tous les jours? Quand le projet de loi n° 125 deviendra loi, sortira de l'Assemblée nationale, là, la vraie game va commencer, puis l'UMQ, dans ce sens-là, est inquiète et elle demande au gouvernement de continuer à suivre le débat.

Le Barreau du Québec, M. le Président, moi, je le respecte. Contrairement au ministre de la Justice et Procureur général qui bafoue à chaque fois que c'est possible... À chaque fois qu'il y a un débat où le Barreau donne une opinion, à ma connaissance, le ministre de la Justice est toujours en désaccord avec ce que le Barreau suggère. Ça, là, c'est assez spécial. Remarquez bien qu'on est habitué, avec ce gouvernement-là. Le ministre de l'Agriculture, l'UPA, pour lui, ça ne veut rien dire. Ils n'ont rien à dire, ils ne connaissent rien, ils ne sont pas au courant. Le Barreau du Québec, c'est pareil. Le ministre de la Santé, bien, lui aussi, il a la vérité révélée. Puis les interlocuteurs professionnels, les groupes qui savent de quoi ils parlent, pour ce gouvernement-là, c'est embêtant, c'est embarrassant puis c'est achalant. Alors, on les consulte, on les écoute; c'est-à-dire qu'on les entend, mais on ne les écoute pas. Le ministre de la Sécurité publique donne l'impression d'être un peu plus ouvert à écouter, mais, dans les faits, pour lui aussi, ça ne se traduit pas nécessairement par des gestes concrets. Alors, le projet de loi n° 125, pour le Barreau du Québec, crée des inquiétudes.

(11 h 50)

Je résume la lettre qui a été adressée au ministre, le 29 mai également: «Il ne faudrait pas que les dispositions nouvellement créées qui, dans le présent cas, visent principalement les municipalités dépassent l'intention du législateur et puissent mener à des abus.» Ça, M. le Président, quand on lit ça, cette lettre-là, signée par le bâtonnier du Québec, le bâtonnier élu du Québec, nouveau bâtonnier, Me Francoeur, qui dit: Soyons prudents, est-ce que cette loi-là ne va pas mener à des abus? Je l'ai dit tout à l'heure: À une situation exceptionnelle, des moyens exceptionnels. Mais il faut comprendre que les précédents qu'on crée dans le projet de loi n° 125, les renversements de règles de droit, ça ne se limitera pas rien qu'au débat sur les motards. Ce sont des nouvelles règles que le législateur introduit, qui vont être invoquées dans d'autres débats, puis là, ce ne sera pas nécessairement des situations exceptionnelles.

Alors, M. le Président, ce qui est exceptionnel dans le projet de loi n° 125 va devenir la règle habituelle. Ça, c'est inquiétant. Puis, nous autres, nous sommes une société démocratique. Une société démocratique, ça veut dire que le citoyen non pas «a le droit», mais «doit être» protégé par notre système judiciaire, par les tribunaux. Puis ça veut dire aussi et surtout des grands principes: le droit d'être entendu, le droit à une défense pleine et entière, le respect du principe fondamental de la présomption d'innocence et non pas de la présomption de culpabilité. Tous ces principes-là que je viens d'énumérer très rapidement sont attaqués par le projet de loi n° 125. Le Barreau, comme l'opposition officielle, comme l'UMQ, le rappelle au ministre, manifeste – le Barreau du Québec – son inquiétude.

Je continue, M. le Président: «La suspension de permis ou même l'interdiction d'accès à tout immeuble public pour un délai de 60 jours est plutôt inhabituelle.» C'est une façon polie de dire que vous suspendez des droits à des citoyens du Québec sans que les citoyens en question... Puis, ça, ça apparaît dans plusieurs dispositions du projet de loi n° 125. Vous intervenez, vous donnez à la Régie, vous donnez aux municipalités le pouvoir d'intervenir, de décider, entre autres, de la fermeture d'une place publique et d'être entendue subséquemment. Ça, M. le Président, c'est inhabituel que de donner ces pouvoirs-là à la municipalité. Autrement dit, le pouvoir d'intervenir, de décider sans que le justiciable ait pu être entendu, sans que le justiciable ait eu le droit à une défense, sans que le justiciable ait pu bénéficier, comme c'est la règle, de la présomption d'innocence ou de la présomption de bonne foi. Ce sont les deux même règles, vous savez, M. le Président, qui s'appellent autrement: en matière civile, on parle de bonne foi et, en matière criminelle, on parle de présomption d'innocence. Et des renversements de ces règles-là, créés par le projet de loi n° 125, ça inquiète le Barreau.

Le Barreau du Québec analyse l'article 2 du projet de loi qui ajoute certains privilèges aux municipalités qu'on introduira dans la Loi sur les cités et villes. Ainsi, on parle de recours et de décision en matière d'activités ou d'usages et, par le biais de la nouvelle disposition 348.9 de la Loi sur les cités et villes, on dit que cette section s'applique également à la ville de Montréal. L'inquiétude du Barreau se manifeste de la façon suivante, M. le Président: «Nous pensons que ces dispositions auront pour conséquence de limiter la discrétion actuellement dévolue à la ville de Montréal.» Alors, le Barreau dit: «Il faudra qu'on ajuste la Charte de la ville de Montréal en conséquence.» Ce n'est pas fait. Est-ce que le ministre va le faire? S'il ne le fait pas, M. le Président, on risque de se retrouver avec des dispositions inapplicables. C'est ce que le Barreau dit. Le Barreau dit: «Il y aurait donc lieu de réviser – j'espère que le ministre m'écoute là-dessus, le Barreau dit et je lui suggère de relire attentivement la lettre du Barreau du 29 mai 1997 – ou à tout le moins d'harmoniser avec la Charte de la ville de Montréal les dispositions qui sont prévues.» Je lui suggère très fortement de soumettre cette question-là à ses conseillers juridiques. Sinon, la ville de Montréal – qui a le problème pas à peu près, là, auquel on a fait référence tout à l'heure, la guerre des gangs de motards criminalisés – si on n'harmonise pas le projet de loi n° 125 avec la Charte, pourrait se retrouver, M. le Président, avec l'illusion de pouvoir intervenir et elle ne l'aurait pas. C'est ce que le Barreau du Québec dit au ministre.

Le Barreau, M. le Président, discute du projet de loi en ce qui a trait à l'article 15. De plus, l'article 15 du projet de loi insère l'article 113.1 qui se lit comme suit: «Quiconque, dont le permis de bar...» C'est très long, M. le Président. C'est des nouveaux pouvoirs où.... Je vais le lire intégralement, sinon on ne se comprendra pas:

«Quiconque, dont le permis de bar, de brasserie est suspendu [...] admet une personne ou en tolère la présence [...] contrairement à une ordonnance de la Régie des alcools [...] commet une infraction et est passible d'une amende de 600 $ à 2 000 $.

«Toute personne qui, sans excuse légitime [...] se retrouve dans un tel lieu commet une infraction et est passible d'une amende de 300 $ à 1 000 $.»

L'opinion du Barreau: «Nous pensons que le deuxième paragraphe de cet article pose problème. Nous pensons qu'il serait important que des modalités soient prévues afin de prévenir le public sur leur possibilité d'encourir une telle amende.» J'avais exactement formulé la même inquiétude au ministre. On m'a dit que ça serait fait, que le public concerné par de telles dispositions serait informé, qu'il y aurait de l'affichage. J'espère que ce sera le cas. Vous voyez, M. le Président, comme l'opposition et le Barreau, ça se rejoint. Pourquoi? Parce qu'on a discuté du projet de loi n° 125 sur une base très technique, comme ça devait être fait. Et l'approche du Barreau, elle est, dans ce sens-là, identique à celle de l'opposition officielle.

«Le Barreau s'interroge sur la compétence de la Régie des alcools, des courses et des jeux de juger de la nature du spectacle à être autorisé.» Ça, c'est un autre problème dont on a discuté à l'occasion du débat en commission parlementaire. C'est des modifications à la Loi sur les permis d'alcool. L'opposition, M. le Président, se questionne sur ces pouvoirs additionnels. On se demande s'ils ne sont pas, jusqu'à un certain point, exorbitants.

Conclusion du Barreau: «Enfin, d'un point de vue pratique, nous doutons que les municipalités puissent appliquer efficacement ces nouvelles mesures.» Même inquiétude que les municipalités elles-mêmes, même inquiétude que l'opposition officielle.

En conclusion, M. le Président, on répète que l'objectif recherché par les municipalités, qui ont transféré leur demande au ministre et à son gouvernement d'intervenir, l'objectif recherché, on le supporte. Je me répète, tous les moyens doivent être mis en place pour protéger les citoyens et les citoyennes du Québec, partout où ils se trouvent, dans les grandes régions, dans les grands centres urbains, mais aussi dans les petites municipalités et peut-être encore plus dans les petites municipalités, dans les régions ou sous-régions où on n'a pas nécessairement les mêmes forces policières pour protéger ses citoyens.

(12 heures)

Alors, sur l'objectif, on est d'accord, M. le Président. Cependant, le ministre le sait, on le lui a dit, ça n'a pas empêché, d'aucune façon, l'opposition de collaborer quant au processus d'adoption du projet de loi n° 125, mais on se doit d'émettre des réserves, réserves sérieuses, appuyés dans ce sens-là par l'UMQ, appuyés dans ce sens-là par le Barreau du Québec, d'émettre des réserves sur des entorses à des règles de droit qui sont passablement bouleversées par le projet de loi n° 125.

Alors, M. le Président, je dis au ministre: On va collaborer, mais on ne pourra pas, évidemment, appuyer techniquement, comme il le souhaiterait. Mais je pense qu'il vivra très, très bien avec ça. Il va avoir son projet de loi n° 125, mais techniquement l'opposition émettra certaines réserves dans le processus d'adoption. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Frontenac. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique. Vous disposez d'un temps de cinq minutes.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Oui, juste quelques minutes, M. le Président, pour effectivement souligner que, dans le cadre de cet exercice, je pense que l'ensemble des parlementaires ont dépassé l'approche partisane. Je veux, de ce point de vue là, le souligner. Le critique de l'opposition a participé à ce débat.

M. le Président, juste deux remarques par rapport aux préoccupations de l'opposition. Je les fais, peut-être que ça va finir de lever toutes les hésitations. C'est évident que le projet de loi qui est devant nous a quand même été préparé par des légistes, notamment par des légistes qui s'occupent des questions constitutionnelles. Nous avons reçu les assurances que ce projet de loi, dans la mesure où on peut prévoir ces choses, dans la mesure où on peut raisonnablement en avoir des certitudes, a été analysé pour, bien sûr, être capable de rencontrer les exigences constitutionnelles, les tests des tribunaux. Ça n'empêchera probablement pas des gens de tenter ce test. Ça, on ne peut pas l'empêcher. Mais je peux rassurer l'opposition, et j'ai eu l'occasion de le faire, pour dire que ça a été fait.

D'autre part, M. le Président, c'est évident que le gouvernement défendra sa loi. Cela dit, en même temps, puisque les municipalités ont souhaité, ont voulu des pouvoirs supplémentaires, je pense qu'elles doivent reconnaître, et l'Union des municipalités du Québec également, qu'à partir du moment qu'il s'agira également de leur pouvoir d'intervention, bien, qu'elles ont, elles aussi, des responsabilités lorsqu'elles l'utiliseront, qu'elles ont des responsabilités légales de défendre l'utilisation qu'elles feront de ces dispositions de la loi, M. le Président. Alors, de ce point de vue là, je crois qu'il s'agit d'une responsabilité partagée, et c'est un peu comme ça que je vois la suite des choses.

Alors, M. le Président, encore une fois, je pense que le plus rapidement possible cette Assemblée adoptera le projet de loi, le plus rapidement possible on pourra donner à l'ensemble de nos concitoyens et à ceux qui ont la responsabilité de faire la lutte au crime organisé des outils supplémentaires qui sont attendus.


Mise aux voix de l'amendement du ministre

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais mettre aux voix, tout d'abord, l'amendement proposé par le ministre. L'amendement proposé par le M. le ministre de la Sécurité publique est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division, pour l'amendement. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission des institutions portant sur le projet... Excusez-moi. M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, si vous voulez me redonner la lecture de l'amendement, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vais revenir sur l'amendement et vous en faire lecture:

L'article 38 de la Loi sur les permis d'alcool, proposé par l'article 22 du projet de loi, est modifié par l'addition, à la fin, de ce qui suit: «sauf, si elle est inscrite à une bourse canadienne, celles prévues à l'article 36.».

Une voix: Adopté. L'amendement est adopté.


Mise aux voix du rapport amendé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, l'amendement est adopté. Alors, je reviens maintenant au rapport tel qu'amendé. Le rapport, tel qu'amendé, de la commission des institutions portant sur le projet de loi n° 125, Loi modifiant diverses lois dans le but de prévenir la criminalité et d'assurer la sécurité publique, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 6 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 114


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 6, M. le ministre de la Sécurité publique propose l'adoption du principe du projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur la prévention des incendies. Je vais céder la parole à M. le ministre de la Sécurité publique.


M. Robert Perreault

M. Perreault: Merci, M. le Président. M. le Président, le ministre de la Sécurité publique a, parmi ses responsabilités, non seulement les questions qui relèvent de la police ou des services correctionnels, la loi des coroners, la sécurité civile, mais également l'ensemble du développement de la protection en matière d'incendie au Québec, donc la coordination de l'action et des lois qui concernent les services des incendies.

M. le Président, la principale loi sur ce sujet – on l'appelle la Loi sur la prévention des incendies – remonte déjà à près de trois décennies; c'est en 1968 qu'elle a été adoptée. Et on comprend bien, alors que nous entrons très bientôt dans le deuxième millénaire, que ce n'est pas sans créer certains problèmes, puisque, on le sait, tout le monde, les réalités ont bien changé, les choses bougent au Québec.

Or, certains événements récents démontrent très bien la difficulté en quelque sorte d'encadrer, à partir de ces dispositions-là, les nouvelles réalités. On se rappellera bien sûr, il suffirait de le mentionner, par exemple au plan légal, les poursuites de plus en plus nombreuses auxquelles les municipalités doivent faire face, particulièrement quant à l'intervention inadéquate de leurs services d'incendie. Plus tragiquement encore, on se rappellera tous avec tristesse la mort de quatre pompiers survenue en 1993, et je pense que tout cela en a fait réfléchir plus d'un sur la nécessité pour les municipalités – et donc pour le gouvernement de légiférer – de doter leurs services d'incendie d'un personnel qualifié en matière de sécurité incendie. Or, étonnamment, la Loi sur la prévention des incendies, actuellement, ne prévoit aucune disposition à cet égard.

Donc, aujourd'hui, en proposant de modifier l'article 4 de la Loi – c'est un tout petit projet de loi, à toutes fins pratiques, il n'y a qu'un seul article – sur la prévention des incendies, le projet de loi qui est devant nous se veut une ouverture pour le gouvernement, donc la possibilité pour le ministre de proposer au gouvernement des règlements concernant la formation que doivent avoir les gens qui combattent les incendies au Québec, donc les pompiers.

Dans un premier temps – et je le dis tout de suite – les intentions gouvernementales... La loi, c'est un article qui est une disposition habilitante, M. le Président. Mais déjà nous avons en tête un premier règlement qui ne fait pas l'objet du débat, mais j'en parle pour un peu expliquer le sens de l'intervention gouvernementale. Nous avons déjà en tête un premier règlement dont l'objet sera justement de fixer, pour l'engagement de pompiers à temps plein, là où les services d'incendie du Québec engagent des pompiers à temps plein, des exigences de formation pour ces pompiers de même que pour les gestionnaires en exercice. Alors, c'est la première démarche. Il y aura une deuxième démarche, mais qui viendra plus tard parce qu'elle est plus complexe, relativement à la formation générale.

J'ai déjà annoncé, M. le Président, la mise sur pied de ce qu'on a appelé le centre de formation en sécurité incendie du Québec. Ce centre de formation associe non seulement le ministère de la Sécurité publique, mais également ceux de l'Éducation et des Affaires municipales, de même que 17 partenaires des milieux, donc gouvernemental, municipal, patronal, syndical, de l'incendie et du réseau de l'éducation, et ces partenaires se sont vu confier la responsabilité de regarder de très près toute cette question notamment de la formation, en matière d'embauche de l'ensemble de nos pompiers au Québec. Bien sûr, ce centre de formation regroupe aussi l'Institut de protection des incendies du Québec, qu'on connaît sous le nom de l'IPIQ, de même que la commission scolaire Chomedey de Laval et le collège Montmorency, puisqu'on sait que c'est là, M. le Président, que se sont développés les premiers programmes en matière de formation.

(12 h 10)

Alors, M. le Président, ce centre de formation... Parce que, pendant longtemps, au Québec, on s'est retrouvés un petit peu dans une situation un peu bloquée, tout le monde cherchait à attirer – des fois, les politiciens sont comme ça – dans son comté le nouveau centre de formation. Bien, on a un peu vu tout ça d'une autre manière: plutôt que de mettre l'accent sur les blocs, sur les briques, sur les bâtiments, on a plutôt mis l'accent sur la réunion des partenaires autour d'un véritable programme de formation.

Je compte beaucoup sur la mise sur pied de ce centre de formation pour la suite des choses: nous proposer, pour ces autres pompiers qui sont des pompiers à temps partiel et qui sont les plus nombreux, une façon d'assurer leur formation.

Mais, dans tous les cas, la loi que nous adopterons, je le souhaite, va permettre au ministre de proposer au gouvernement la nature des exigences en matière de formation. Je pense que, déjà, tout le monde s'entend que ça devrait être normal, au Québec, lorsqu'on engage un pompier à temps plein – c'est des gens syndiqués, c'est des gens qui ont des bonnes conditions de travail – qu'on ait minimalement une exigence préalable de formation pour ces employés à temps plein. Je reconnais que, dans le cas des pompiers à temps partiel, le problème est un petit peu complexe, on aura besoin d'un petit peu plus de temps. Je compte donc sur cette table de concertation pour me faire des propositions.

C'est important peut-être de rappeler à ceux qui nous écoutent quelques chiffres. Des fois, on n'a pas toujours une bonne idée de l'ampleur des secteurs dont on parle. Le Québec compte actuellement 958 brigades, donc corps d'incendie, et ces corps d'incendie regroupent tout près de 24 000 pompiers, dont près de 80 % sont embauchés à temps partiel. Évidemment, d'une municipalité à l'autre, on assiste à plusieurs disparités. Donc, il faut bien se rendre compte que l'organisation, en conséquence, de toute notre sécurité incendie au Québec est un peu fonction de la capacité fiscale, financière de toutes ces collectivités locales. Donc, un peu comme dans le domaine de la police, là aussi, dans le domaine des incendies, c'est bien évident que les solutions à long terme passent aussi par une certaine réorganisation du monde municipal.

Alors, M. le Président, quand on constate tout ça, je pense qu'il n'est pas surprenant de se rendre compte que la large majorité des pompiers des municipalités de moins de 50 000 habitants dispose malheureusement d'une formation, il faut le dire, limitée, parfois même presque inexistante. C'est parfois vrai également des gestionnaires des services d'incendie, qui n'ont pas toujours toute la formation requise. Évidemment, ce n'est pas le cas dans les municipalités plus importantes. Le problème est moins évident. Mais, là aussi, on a quand même un certain nombre de problèmes.

Encore une fois, je le répète, contrairement à la plupart des secteurs d'activité professionnelle, il n'existe présentement, dans le milieu de la sécurité incendie, aucune obligation permettant d'encadrer l'embauche des pompiers ou la nomination des officiers.

Au 31 mars 1996, seulement 18 % des 134 diplômés – c'est des jeunes, ça, qui ont cru à l'avenir, qui se sont inscrits à l'IPIQ – de la promotion 1993-1994 et seulement 37 % des diplômés de la promotion 1994-1995 occupaient un emploi qui avait un lien avec leurs études. Je pense que tout le monde va reconnaître que c'est regrettable. Le Québec investit dans la formation de chacun de ces jeunes tout près de 17 000 $, avec les fonds publics. Des jeunes qui ont le goût de poursuivre une carrière dans le combat des incendies et qui, compte tenu de l'absence complète de règles en matière d'embauche, se voient parfois préférer par des municipalités des gens qui n'ont aucune formation. Alors, M. le Président, je pense que le projet de loi veut corriger ça. Je pense que, de ce point de vue là, il est tout à fait raisonnable.

Et à ceux qui s'inquiéteraient en disant: Oui, mais est-ce qu'on va imposer aux municipalités de nouvelles obligations, notamment financières? Est-ce qu'on va leur imposer des responsabilités supplémentaires? Je pense que c'est important de rappeler, d'une part, que la responsabilité en matière de combat des incendies est déjà une responsabilité municipale et, je le disais tantôt, que la réglementation que nous avons en tête ne va viser que l'embauche des pompiers à temps complet. Donc, elle va prévoir, bien sûr, l'obligation de retenir les services de diplômés soit de l'IPIQ soit éventuellement d'autres centres, s'il doit s'en créer au Québec éventuellement, peut-être dans la région de Québec ou ailleurs.

Alors, une telle mesure ne rajoutera ni aux responsabilités ni à la charge financière des municipalités, puisque, on le sait, cette formation est déjà à la charge du ministère de l'Éducation. Et il faut savoir que les municipalités qui engagent des pompiers à temps plein ont déjà des conventions collectives, règle générale, assez bien organisées, ces conventions collectives qui fixent les conditions de travail. Encore une fois, ce sont des gens qui ont de bonnes conditions de travail, qui gagnent des bons salaires, et donc on ne vient rien bouleverser, sinon tout simplement envoyer un signal à tout le monde de dire l'importance d'engager des gens qui ont une formation.

Bien plus, certaines municipalités hésitent à engager des diplômés et doivent investir jusqu'à 25 000 $ pour la formation de quelqu'un comme ça qu'elles embauchent à partir d'autres règles du jeu. Alors, quand on sait comment ces municipalités sont actuellement l'objet parfois de poursuites financières très importantes, justement qui sont liées à l'inadéquation entre la formation de leurs pompiers et le travail qu'ils ont à faire, je pense, M. le Président, qu'on peut se dire que cette situation mérite d'être corrigée.

Dans les quelques dernières années, entre 1989 et 1995, 114 municipalités du Québec ont été confrontées à plus de 200 actions judiciaires qui engageaient des poursuites pour des montants dépassant les 140 000 000 $ contre ces municipalités. Et, dans 40 % des cas de ces poursuites, la principale cause de la poursuite était la stratégie d'intervention utilisée par le service d'incendie, notamment en bonne partie faute de formation adéquate des gens qui sont amenés à combattre ces incendies.

Alors, quand on prend en compte à la fois la sécurité du public, quand on prend en compte également la sécurité de l'ensemble de ces gens qui acceptent de combattre les incendies, quand on regarde l'investissement de certains jeunes dans une formation qui dure longtemps et dont on fait fi complètement, il me semble tout à fait raisonnable qu'à l'aube de l'an 2000 le Québec fasse comme partout ailleurs et fixe des exigences en matière d'engagement de pompiers à temps plein. On n'a rien besoin de créer, l'IPIQ est déjà là. On pourra éventuellement peut-être développer un autre centre dans l'est du Québec, si le besoin s'en fait sentir. Le gouvernement investit déjà, je l'ai dit, dans la formation de ces gens.

(12 h 20)

M. le Président, je pense que ce projet de loi, on le doit à tous ces jeunes qui justement croient en leur avenir, ont décidé d'investir dans leur formation. Je pense qu'on doit ce projet de loi à tous ces jeunes puis on le doit également à la sécurité du public. Alors, je souhaite, puisqu'il s'agit d'un projet qui a fait l'objet, depuis des années, de demandes incessantes des milieux des services d'incendies... On se rappellera que ces jeunes, notamment de l'école Saint-Maxime, sont venus ici, devant l'Assemblée nationale, nous dire leur détresse devant le fait qu'ils avaient investi de leur vie dans leur formation et qu'ils se retrouvaient sans emploi alors qu'on engage des pompiers au Québec. Je pense également que ce projet de loi a fait l'objet, à travers une nouvelle approche, la création du centre de formation, d'une volonté de concertation des partenaires. Pour toutes ces raisons, M. le Président, je pense que ce projet de loi qui ne contient qu'un seul article devrait être reçu avec empressement par l'ensemble des membres de cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Je vais céder la parole maintenant à M. le député de Frontenac. M. le député.


M. Roger Lefebvre

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. Depuis l'arrivée du gouvernement du Parti québécois qu'on parle de l'intervention suggérée par le projet de loi n° 114, à savoir permettre aux municipalités d'être mieux protégées, de donner de la protection plus professionnelle, plus adéquate, plus moderne quant à la surveillance, quant à la protection dont on parle, protection des incendies.

Mais protection contre les incendies, M. le Président, pour les citoyens dans une municipalité comme pour la municipalité elle-même, ça touche deux volets précis. Dans un premier temps, évidemment c'est l'intégrité physique des citoyens qui est en cause. Il faut s'assurer que, peu importe où on est au Québec, les citoyens et citoyennes du Québec soient bien protégés dans le cas où éventuellement il arriverait le malheur auquel on évite de penser, mais des incendies, comme on en a vécu un malheureusement il y a quelques jours dans une municipalité du Québec. Alors, les citoyens du Québec veulent avoir l'assurance que leur municipalité les protège bien en cas d'incident, en cas d'incendie majeur. Alors, c'est l'intégrité personnelle des citoyens et des citoyennes du Québec qui est en cause.

Mais c'est également l'intégrité financière de la collectivité ou de la municipalité. Lorsqu'il y a un incendie majeur qui cause malheureusement, dans trop de cas, des décès, qui cause aussi des dommages matériels majeurs, il faut bien comprendre que ça a des conséquences possibles sur la situation financière de la municipalité parce qu'on évalue presque de façon immédiate et automatique la responsabilité de la municipalité: Est-ce que la municipalité, dans un cas donné, a fourni la protection adéquate, a fourni une protection professionnelle? Et ça donne lieu évidemment, on l'a vu à un nombre considérable de reprises, à des poursuites contre la municipalité, à des procès et, dans certains cas, à des condamnations en dommages.

Alors, on réalise que la formation et la compétence des pompiers, l'expertise correcte des services d'incendie, M. le Président, elle est extrêmement importante pour les citoyens quant à leur protection personnelle. Et, également, la municipalité a la responsabilité d'être bien équipée, d'être bien organisée, sinon elle risque éventuellement de faire face à des poursuites et à des condamnations en dommages, de là l'importance pour une municipalité de bien s'organiser, de bien se protéger, c'est plus vrai que jamais.

Le Parti québécois, en arrivant au pouvoir en septembre 1994, dans les quelques semaines qui ont suivi... L'ancien ministre de la Sécurité publique, député de Laval-des-Rapides, avait garanti, promis aux municipalités, aux pompiers, autant les pompiers professionnels que les pompiers volontaires, que très rapidement le gouvernement allait intervenir, allait poser des gestes pour satisfaire les demandes auxquelles le ministre a fait référence tout à l'heure. Et on attendait puis on attendait.

Voici que ce matin le ministre actuel de la Sécurité publique pose un geste, un pas dans la bonne direction, mais qui suppose... qui laisse plein de questions en suspens. Première question: Qu'est-ce que le ministre a l'intention de faire en ce qui a trait à la formation des pompiers volontaires? C'est à venir, ça, monsieur. Des pompiers volontaires, il y en a des centaines et des centaines au Québec. Il le sait, le ministre, M. le Président, les pompiers volontaires souhaitent, avec les municipalités également, que le gouvernement intervienne, qu'il donne l'heure juste, qu'il indique à ses bénévoles, dans certains cas, comment le gouvernement entend intervenir pour améliorer également leur compétence. Pas de réponses dans le projet de loi n° 114.

Une autre question que je me pose, c'est: Est-ce que les municipalités ne vont pas à nouveau se retrouver avec des factures? Ça, le ministre n'en a pas parlé. Lorsqu'on dit, au sous-paragraphe 2° de l'article 1 – parce qu'il y a deux articles seulement, à toutes fins pratiques il n'y en a qu'un – «déterminer les exigences de formation ainsi que les autres qualités requises des membres des services d'incendie, en fonction de catégories déterminées», on parle de formation, M. le Président. Il va y avoir de la formation. Alors, l'Institut de protection contre les incendies est mis dans le coup. Il va y avoir un nouveau processus pour l'embauche des pompiers, M. le Président, on passera par l'Institut de protection contre les incendies.

Maintenant, moi, la question que je pose au ministre... Et je dois vous avouer que je n'ai pas eu le temps de vérifier dans le détail les objectifs visés par 114. Ce n'était pas prévu que ça tombait ce matin pour évaluation, pour discussion. Alors, moi, je dis tout de suite au ministre: Oui, on va collaborer – on est à l'étape du principe – l'opposition, parce que c'est un pas dans la bonne direction. M. le Président, la responsabilité de l'opposition, c'est de surveiller le gouvernement, de collaborer quand ça a du bon sens, même si c'est mineur comme démarche du gouvernement. Dans le présent cas, c'est un pas, un petit pas mais un pas dans la bonne direction.

Alors, en résumé, je demande au ministre de nous indiquer ce qu'il a l'intention de faire en ce qui a trait à la formation des pompiers volontaires.

Deuxième question, M. le Président. J'aimerais aussi, dans sa courte réplique de tout à l'heure – parce que je finis dans 30 secondes, là, moi... Le ministre, M. le Président, comment peut-il nous assurer que les municipalités ne vont pas encore une fois écoper à quelque part dans tout ça? Lorsqu'on parle de la formation des pompiers, qui va payer la note, M. le Président?

Alors, je m'arrête là-dessus. On va voter avec le gouvernement sur le projet de loi n° 114, mais j'espère que le ministre... Peut-être, j'apprécierais qu'il nous donne quelques indications dès ce matin, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Frontenac. Je vais laisser la parole, maintenant, à M. le ministre de la Sécurité publique pour quelques interventions.


M. Robert Perreault (réplique)

M. Perreault: Merci, M. le Président. Alors, je suis heureux de constater, dans le fond, qu'il y a plutôt consensus au Québec sur cette question. Le critique de l'opposition a indiqué qu'il s'agissait d'un pas dans la bonne direction.

Le projet de loi, M. le Président, on le sait, habilite le gouvernement à faire des règlements. C'est évident qu'on ne bâtira pas, dans une loi, le programme de formation parce qu'il faudrait, à chaque fois qu'il y a une modification, revenir devant le législateur, ce ne serait pas possible. Donc, le projet de loi, de ce point de vue là, il est relativement simple.

Quant aux intentions du ministre pour la suite des choses, lorsque le projet de loi sera adopté, deux choses, M. le Président, rapidement. La première: oui, tout de suite, par règlement, fixer une obligation, pour les municipalités qui engagent des pompiers à temps plein – donc des gens qui gagnent 35 000 $, 40 000 $, 45 000 $ par année – des exigences de formation préalable. Ça, tout de suite, et c'est environ 4 000 à 5 000 pompiers au Québec.

Pour ce qui est des 18 000 autres pompiers, qui sont des pompiers à temps partiel, là la réalité est beaucoup plus complexe. On comprendra que la situation varie à travers le territoire du Québec. Et c'est pour ça que j'ai indiqué tantôt que, là-dessus, on va attendre un peu. On va attendre les recommandations de la table de concertation constituée de l'ensemble des intervenants, y compris de l'UMQ, notamment, et de l'UMRCQ, qui s'intéressent à la question des incendies, connue sous le nom de centre de formation en incendie du Québec, dont j'ai annoncé la mise sur pied récemment.

Alors, M. le Président, nous allons suivre ces recommandations. Nous faisons actuellement deux expériences-pilotes dans deux MRC du Québec, que nous finançons notamment avec le BAC, parce qu'il faut savoir que le Bureau d'assurance du Canada, les compagnies d'assurances ont également intérêt, M. le Président, à voir diminuer les primes. On oublie de dire que les Québécois paient beaucoup plus cher qu'en Ontario leur prime d'incendie, notamment à cause de cette question.

Alors, ce que je dis pour ce qui est du deuxième volet, c'est que, avant d'agir, nous allons attendre d'avoir les avis. Nous pensons que cette formation devra probablement prendre des formes multiples, qu'elle devra se rapprocher des intervenants eux-mêmes sur le territoire, qu'on ne pourra pas rebâtir le même modèle pour ces gens-là que pour les pompiers à temps plein.

Et je termine, M. le Président, sur la question relative aux obligations municipales. Il faut savoir que c'est déjà très clairement une responsabilité municipale que de combattre les incendies, y compris d'avoir parmi son personnel des gens qualifiés – je pense qu'il n'y a pas un administrateur public qui voudrait envoyer à la mort des gens, M. le Président, qu'il a engagés – donc y compris d'avoir des pompiers qualifiés, bien formés. Nous ferons donc ce débat avec les municipalités. J'ai déjà indiqué que c'est le gouvernement du Québec, dans le cas du règlement pour ce qui est des pompiers à temps plein, c'est le ministère de l'Éducation qui assume les coûts de la formation des pompiers qui se fait à l'école, donc, Saint-Maxime, pour l'instant, et conséquemment je pense qu'on peut bâtir des modèles, à l'aube de l'an 2000, avec, prenons l'exemple de Télé-université, avec l'ensemble des centres. Je ne pense pas qu'on est obligé d'amener les 18 000 pompiers volontaires du Québec quelque part à Montréal, ça me semblerait tout à fait inapproprié. Justement, le travail du centre de formation, c'est de concevoir les programmes puis d'organiser une diffusion de ces programmes sur l'ensemble du territoire. On ira par étapes, M. le Président. Je vous remercie.

(12 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Ceci met fin aux interventions sur le principe du projet de loi.


Mise aux voix

Le principe du projet de loi n° 114, Loi modifiant la Loi sur la prévention des incendies, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 31 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 79


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 31, M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. M. le ministre, je vous cède la parole.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, après des mois de délibérations et de travail très intensif, je dois le dire, un travail difficile, en somme, on en est maintenant arrivé à l'adoption du projet de loi n° 79 créant la Commission des lésions professionnelles. Il s'agit d'un projet de loi important pour les travailleurs et les employeurs du Québec, et, je dois le dire, je suis très content, très fier, en tant que député de cette Assemblée, en tant que député aussi qui côtoie et qui a côtoyé régulièrement depuis de nombreuses années des accidentés du travail... Je dois vous dire aussi qu'en tant que ministre je suis fier d'avoir accompli cette mission malgré toutes les pressions qu'on a dû subir au cours des derniers mois, des pressions importantes qui sont venues de tous les milieux pour essayer de le modifier. Certains demandaient même le retrait du projet de loi.

M. le Président, si certaines critiques étaient justifiées, il nous a fallu bien souvent faire la part des choses et surtout garder clairement le cap sur notre grand objectif, garder le cap sur le fait que l'objectif fondamental, c'était de protéger les travailleurs accidentés, de leur donner les moyens de faire valoir leurs droits dans des délais raisonnables. C'est pourquoi je tiens à remercier encore une fois tous mes collègues qui ont participé avec moi à l'étude de ce projet de loi et à remercier aussi le député d'Argenteuil qui a fait preuve, ainsi que nos collègues députés ministériels, d'une bien grande compassion envers les travailleurs et les travailleuses accidentés au Québec. Je les remercie de leurs bonnes dispositions, de leur ouverture d'esprit, et c'est ce qui nous a permis de cheminer, non sans difficulté, mais de cheminer quand même vers l'adoption du projet. En cela, je veux dire à mon collègue d'Argenteuil que, même si dans son esprit on n'a pas pu tout régler, un immense progrès vient de se réaliser au chapitre de la santé et sécurité au travail au Québec. Nous devenons, avec cette législation, les leaders canadiens et nord-américains en santé et sécurité au travail.

Je vous rappelle nos objectifs fondamentaux, M. le Président, pour l'éclairage des collègues de l'Assemblée. Nous voulions d'abord moderniser la loi, la rendre plus humaine pour les travailleurs, et ainsi une loi plus humaine et plus accessible pour les employeurs du Québec. Nous voulions, en accélérant le processus de révision et d'appel des décisions rendues par la CSST, protéger ce qui pour moi était fondamental: le droit de retour au travail de la personne accidentée.

M. le Président, il faut le savoir, et les travailleurs aussi doivent le savoir – et c'est notre devoir de les informer, comme représentants et comme élus de la population – qu'après deux ans le travailleur accidenté perd son lien d'emploi avec son employeur. Il fallait avoir l'oeil là-dessus si on voulait protéger le travailleur. C'est deux ans pour les grandes entreprises, mais, M. le Président, l'autre élément dont il faut se rendre compte, c'est que, dans les petites entreprises, et Dieu sait s'il y en a au Québec, c'est un an, le lien d'emploi. Après un an, un travailleur ou une travailleuse peut perdre son emploi. Il fallait donc corriger cette forme d'injustice. C'est très court quand on est dans des dédales administratifs et juridiques qui n'en finissent plus.

Alors, vous conviendrez tous avec moi, mes chers amis, qu'il nous fallait agir pour ramener à l'intérieur de délais raisonnables toute cette mécanique administrative et judiciaire. Ce sont les changements législatifs que je vous propose aujourd'hui, M. le Président. Nous avons tenté par tous les moyens de simplifier cette grande loi sociale sur les accidents du travail au Québec. Nous ajoutons plus de souplesse et nous diminuons le carcan juridique à l'intérieur duquel on est embourbé présentement. En fait, nous optons pour le gros bon sens. En cela, le député d'Argenteuil et moi, c'est peut-être là-dessus qu'on est tombé le plus facilement d'accord. On s'est sorti de la tête ce slogan qui disait, et ça, il y a des spécialistes qui aiment beaucoup ça: Pourquoi simplifier quand c'est si facile de compliquer?

Alors, on s'est dit, en bout de piste: Où sont les perdants? Les travailleurs, M. le Président. Nous avons donc plusieurs amendements et ajustements à notre projet de loi et nous avons écouté toutes les personnes qui sont venues en commission parlementaire. Des audiences publiques interminables. Nous avons écouté les personnes, les groupes et nous avons retenu des groupes patronaux et syndicaux un certain nombre d'amendements importants qu'on reproduit aujourd'hui dans le projet de loi qui est devant nous.

En fait, je sors, avec mes collègues, d'un exercice démocratique exemplaire; long, certes, mais très intéressant. Certains ont même cru que de guerre lasse on laisserait tomber ce projet de loi. Ce n'était pas possible, M. le Président. En vertu des engagements que j'avais pris, je ne pouvais pas reculer là-dessus, et les députés de la commission de même que de l'opposition l'ont bien compris.

Donc, lorsqu'on est accidenté du travail on est dans un processus d'abord et avant tout médical. Pas un processus juridique, pas un processus judiciaire, on est dans une dynamique médicale. Là, je dois dire que ce volet médical de la loi a reçu toute l'attention qu'il mérite. C'est normal parce qu'il s'agit d'une loi qui s'applique lors d'accidents du travail. Il y a des lésions, il y a des séquelles, et c'est ça qu'il faut examiner avec les professionnels de la santé. Il y a une personne qui est blessée, il y a un humain qui est handicapé, il faut donc le traiter avec justice et équité. On a reconnu qu'il y avait un problème de déséquilibre lors de la contestation médicale, et toujours ou presque toujours au détriment du travailleur.

(12 h 40)

M. le Président, je voudrais en terminant vous dire que tout ce processus d'évaluation médicale qui a fait l'objet d'une attention particulière, j'en profite, à l'occasion de l'adoption de ce projet de loi, pour vous dire qu'on a corrigé le déséquilibre qui a été condamné à peu près par tout le monde. On se disait toujours: Le médecin du travailleur, il n'a pas parité de chances devant le Bureau d'évaluation médicale. On l'a compris, ça, tous ensemble, parce que l'employeur, lorsqu'il conteste la décision du médecin traitant, arrive devant le BEM avec une expertise médicale importante, et, très souvent, le médecin du travailleur était défavorisé. Qu'est-ce qu'on fait dans le projet de loi? C'est simple. On dit au médecin du travailleur: Si tu as besoin d'une expertise additionnelle, si tu veux étayer ton diagnostic pour plaider avec plus de vigueur et plus de compétence devant le BEM, le Bureau d'évaluation médicale, libre à toi d'aller chercher l'expertise d'un spécialiste de ton choix. Ça fait longtemps, ça fait des années que c'était revendiqué par les syndicats et, aujourd'hui, on leur donne raison. Et ça, c'est très important.

M. le Président, je ne voudrais pas m'attarder trop longtemps sur les mesures administratives que j'apporte au Bureau d'évaluation médicale, des mesures importantes qui seront sous la surveillance du sous-ministre du Travail. Et on a promis d'améliorer le fonctionnement du BEM, on va avoir plus de spécialistes à cette instance-là et, lorsque ce sera des cas critiques, on pourra avoir plus qu'un médecin pour évaluer et procéder à l'arbitrage médical.

M. le Président, j'ai toujours pensé que, dans toute cette dynamique de la santé et sécurité au travail, il fallait respecter les personnes. Il faut respecter les professionnels aussi, mais il faut respecter d'abord les accidentés. Je me suis battu, au départ, pour avoir un paritarisme décisionnel. Après les audiences, on a compris qu'il fallait peut-être faire un compromis là-dessus. C'est avec plaisir que j'ai dit aux membres de la commission: Oui, nous allons certainement faire en sorte que le paritarisme demeure présent au sein de cette instance, la Commission des lésions professionnelles, mais il y aura un décideur, ce sera le commissaire, mais il sera accompagné dans son travail par des personnes émanant du milieu des syndicats et d'autres du milieu des employeurs. M. le Président, ces personnes, choisies pour leurs compétences, vont accompagner le commissaire dans sa décision, et ce que j'espère, c'est que les choses se passent rapidement. Ce ne sera plus trois ans, comme avant, les décisions à la Commission des lésions professionnelles. Ce que j'espère, c'est qu'on règle entre 9 et 12 mois. Ça, c'est ce que j'appelle respecter les travailleurs accidentés.

M. le Président, ça a été un cheminement extraordinaire, je le répète devant les membres de l'Assemblée, un très bel exemple de la valeur de notre système démocratique. Et ceux qui en sortent les plus gagnants, ce sont, bien sûr, les travailleurs, les employeurs; le monde médical également en sort grandi, parce que le monde médical avait été durement, durement pris à partie par certains intervenants devant la commission.

Je voudrais encore une fois remercier mes collègues et remercier l'opposition officielle pour sa précieuse collaboration. N'eût été de leur compréhension et surtout de l'expertise médicale du député d'Argenteuil, il aurait été difficile par moments de passer à travers. Alors, merci. Et ce que je dis, c'est que je pense qu'à partir de maintenant les travailleurs accidentés sont mieux équipés et les employeurs mieux compris, et que, de toute façon, il fallait en arriver là un jour, et ce jour-là est arrivé, et j'en suis très heureux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Et, compte tenu de l'heure, M. le Président, je vous demande de suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Nous allons suspendre nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 44)

(Reprise à 15 h 1)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 35 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 110


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 35 de notre feuilleton, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 110? Alors, Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, je propose l'adoption de la Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec parce que c'est un projet de loi, c'est une loi qui va augmenter le nombre de points de vente de bière de manière très modeste, seulement de 16 points de vente, et qui va permettre de développer un circuit touristique et des revenus pour les microbrasseries en faisant mieux connaître leurs produits, en permettant à la population en visite à ces microbrasseries d'y goûter et donc aussi de pouvoir en rapporter à la maison. Les microbrasseries, c'est 2,5 % du marché du détail pour la bière en bouteille alors que la part de marché du détail est un peu inférieure à 1 %. C'est donc un impact minime sur le marché, mais un impact optimal sur le développement du tourisme, en particulier en région.

Alors, je propose l'adoption de ce projet de loi après une discussion et un appui, je pense, de l'ensemble des intervenants ainsi que de l'opposition. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Nous cédons maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. Eh bien, oui, nous aussi, nous allons voter pour le projet de loi, et la raison principale, c'est d'abord que nous pensons que c'est dans la bonne direction. Mme la ministre nous disait – elle nous l'a dit en commission parlementaire, nous l'a redit hier soir et nous le redit ce matin: Il y a 200 emplois dans cette industrie-là, et on veut les préserver, ces emplois-là. Je veux caricaturer un peu pourquoi nous sommes pour le projet de loi. Il y a un bien-fondé dans ce projet de loi là. Vous savez, l'emploi au Québec, c'est la denrée prioritaire. Quand il n'y a pas d'emplois, on en voit les conséquences constamment.

Ici, le Mouvement Desjardins nous a envoyé un petit bulletin – peut-être que vous l'avez – où on voit le taux d'endettement, en ce moment. C'est le plus élevé depuis la Révolution tranquille, au Québec, le taux d'endettement. D'autre part, on voit le taux d'épargne; c'est la flèche, bien sûr, qui va en bas. C'est le plus bas taux d'endettement dans l'histoire du Québec, M. le Président, aussi loin qu'on peut remonter. Quand il n'y a pas d'emplois ou quand il y a peu d'emplois, c'est les phénomènes de société qu'on voit.

Ici, Mme la ministre nous dit: Écoutez, on va préserver 200 emplois, ça va nous aider. Ils nous ont dit ça dans le plan Paillé, que quelqu'un d'ailleurs ce matin, dans La Presse , a intitulé Le plan empaillé . Mais, ceci dit, je veux dire, on va prendre sa parole et on croit qu'il y a un problème de chômage.

Dans un autre article, on voit récemment: «Le chômage atteint le cap de 20 % chez les moins de 30 ans, une première.» Une première, M. le Président, et ce n'est pas moi qui le dis. Aujourd'hui, on a les dernières statistiques et j'essaie de suivre ça de très, très près depuis que je suis le porte-parole à l'Industrie et au Commerce. Hier, je montrais au président un petit graphique sur la création d'emplois. Aujourd'hui, on nous dit que le Québec aurait créé 10 000 emplois dans le dernier mois. C'est très bien. C'est très, très bien. Nous nous en réjouissons, M. le Président.

D'autre part, il faut faire attention à ces données très sporadiques sur un mois, et j'aimerais qu'on les regarde depuis l'arrivée du premier ministre ici, à Québec. Qu'est-ce qui se passe dans la vraie vie depuis l'arrivée du premier ministre? Ça, ce sont les chiffres de ce matin de Statistique Canada. Le Québec aura créé 7 000 emplois; l'Ontario – vous m'entendez bien, M. le Président – dans la même période, aura créé 113 000 emplois et le Canada aura créé 233 000 emplois. M. le Président, vous savez, nous avons besoin d'emplois au Québec et le Québec est vraiment à la remorque, mais vraiment à la remorque, quand on prend ça depuis l'arrivée du premier ministre ici, avec son gouvernement en place: 7 000 emplois versus 113 000 emplois. Les projections, dans le cas de l'Ontario, sont absolument astronomiques de création d'emplois dans l'année qui vient et on est loin d'être convaincu au Québec que la même chose se produira. Pour résumer, M. le Président, depuis l'arrivée du premier ministre au Québec, il n'a créé que 3 % de tous les emplois au Canada. C'est ça, le graphique: 3 %.

Alors, si on peut aider, de notre côté, à créer de l'emploi, si on peut aider, au moins, à sauver de l'emploi, pas comme le plan Paillé où on nous avait dit qu'on créerait 50 000 emplois et là le grand comptable du Québec nous dit qu'au mieux on en créera à peu près 19 000... Alors, nous voterons pour le projet de loi. J'apprécie, et je les remercie encore, la collaboration des hauts fonctionnaires que nous avons eue au moment de la commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du projet de loi n° 110? Mme la ministre, est-ce que vous exercez votre droit de réplique? Non?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 33 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 97


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 33 de notre feuilleton, Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce propose l'adoption du projet de loi n° 97, Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 97? Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, sur ce projet de loi, l'unité est moins parfaite avec l'opposition parce que c'est un projet de loi qui vise l'avenir du Québec et qui vise une modification au statu quo. Et on sait que, dans l'opposition, ils aiment bien ça, le statu quo. Alors, ils ont de la misère à changer les façons de faire.

Ceci dit, ce projet de loi n° 97 vise à changer le statut du Centre de recherche industrielle du Québec et à moderniser la loi qui l'a créé. En fait, l'objectif de ce projet de loi, c'est de s'assurer que les travaux qui sont réalisés par le Centre de recherche industrielle du Québec pour le compte des entreprises québécoises aient tout l'impact que l'on attend d'eux sur l'économie du Québec.

C'est dans cet esprit-là, dans ce contexte-là, que le mandat du Centre de recherche industrielle du Québec se verra complété par un mandat de commercialisation, de façon à rendre disponibles ces technologies aux marchés, et je dis bien aux marchés, au pluriel, M. le Président. Ce faisant, ce nouveau mandat va permettre au Centre de recherche industrielle de retirer des fonds qui vont être requis, et qui le sont, pour assurer le financement des nouvelles technologies sans nécessiter nécessairement de fonds supplémentaires de la part du gouvernement.

Donc, ce projet de loi va permettre au CRIQ de commercialiser les technologies au Québec et à l'extérieur, de déterminer ses propres règles de rémunération pour ses employés, de façon à conserver son noyau d'expertise et d'adopter sa propre politique d'achat – en fait, ce sont des conditions pour rendre plus flexibles l'exploitation, la gestion et la commercialisation des produits du Centre de recherche industrielle du Québec – de façon à ce qu'il réponde de manière efficace non seulement aux besoins de recherche et de développement des PME du Québec, mais que, ce faisant, il puisse appuyer aussi la commercialisation avec ces mêmes PME au Québec et ailleurs dans le monde, M. le Président.

(15 h 10)

Alors, l'ensemble des intervenants qui ont été consultés pour la préparation de ce projet de loi là – on pense aux ingénieurs-conseils, on pense à des maisons de recherche privées – les gens voient d'un bon oeil cette modernisation du projet de loi, mais il semble que l'opposition, elle, ne le voit pas de la même façon. Mais ceci ne nous étonne pas, puisque, à chaque fois qu'on veut moderniser nos façons de faire au Québec, on se heurte à un mur de résistance qui regarde toujours en arrière. Alors, M. le Président, moi, je regarde en avant avec mon gouvernement et j'en propose l'adoption. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre. Nous céderons maintenant la parole au député d'Orford. Alors, M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, merci, M. le Président. Eh bien, comme l'a si bien dit la ministre, nous allons voter contre le projet de loi. Je ne veux pas entrer dans toutes les raisons qui font que nous voterons contre. Au moment de la première lecture de ce projet de loi, de notre côté de la Chambre, nous avons expliqué point par point, article par article le pourquoi et c'est loin de regarder par en arrière, M. le Président. Nous avions une vision tellement en avant de ce que la ministre veut faire, nous voulions tellement être plus proactifs, plus avant-gardistes que je pense qu'on a dépassé complètement la ministre. Elle ne s'en est pas remise. C'est à peu près comme un boxeur dans l'arène qui reçoit trois, quatre coups de poing et qui tombe, et qui ne s'en remet pas, M. le Président. La vraie réalité des choses, c'est que le Parti libéral est arrivé avec des propositions précises. Je vous donnerai des exemples, M. le Président.

D'abord, ce projet de loi là, d'aucune façon, ne crée d'emplois; aucun emploi ne nous a été démontré. Non seulement, M. le Président, le projet de loi ne crée pas d'emplois; on a retiré, l'année passée, plus d'une soixantaine d'employés au CRIQ. Alors, vous savez, quand je vous dis que ça va mal et que je sors mon petit graphique en date de ce matin, M. le Président, le CRIQ a contribué à ne créer que 7 000 emplois seulement versus 113 000 en Ontario, en en enlevant du marché une soixantaine l'an passé. Alors, ce projet de loi ne crée pas d'emplois.

Tout le mémoire qui fut présenté par notre extraordinairement volatile ministre des Finances au Conseil des ministres parle constamment de privatisation. Alors, on a dit: C'est l'angle sous lequel il nous faut regarder ce projet de loi là. Alors, quand on pose des questions à la ministre déléguée: Comment allez-vous privatiser cette entreprise? À quel moment allez-vous la privatiser? À quel prix allez-vous la privatiser? Avec qui allez-vous la privatiser? là, c'est le grand trou noir, M. le Président. Ça ressemble étrangement à la seule privatisation qui fut faite par le PQ entre 1976 et 1985, et on se souvient tous que c'est le plus grand des fiascos dans l'histoire de la privatisation au Québec, on est encore en cour 20 ans plus tard. Alors, ça, c'était le deuxième point: on veut privatiser, mais on ne répondra à aucune question sur la façon.

Nous, on a démontré qu'avec les sommes d'argent qu'on mettait là-dedans sous forme de capital-actions ou sous forme de prêts jamais on ne récupérerait nos sommes d'argent. Je suis prêt à faire un panel avec la ministre n'importe quand devant les plus grands gradués universitaires et on verra qui a raison sur le prix de la vente de cette entreprise-là. Et, nous, on en a proposé, des façons de privatiser cette entreprise-là, dont une, celle de la vente aux employés. Ils sont 350, ils sont instruits et, le coût étant relatif, on aurait pu se faire payer dans le temps, M. le Président, et garder la mission. On a fait des propositions précises. Jamais la ministre n'a retenu aucune de ces suggestions-là.

Troisième point pourquoi nous serons contre: c'est évident, M. le Président, que, là comme ailleurs, le gouvernement se désengage – et je ne veux pas entrer dans les chiffres, je l'ai fait la dernière fois – mais le CRIQ a été sous le règne libéral. Alors qu'on a privatisé 40 entreprises, dans les études de Pierre Fortier, ce ministre, ce député qui a fait les 40 privatisations, jamais le mot du CRIQ n'a été à un seul instant pensé pour faire une privatisation, parce qu'on se disait: C'est un outil tellement important au Québec, le CRIQ. Et là, ici, alors, on veut le privatiser, mais on ne sait pas quand, on ne sait pas où, on ne sait pas avec qui. Nous, on dit: Gardez-lui sa mission ou privatisez-le vraiment. Et là on se trouve, comme on dit en anglais, dans un «no man's land» où on est après saborder la mission et, pour autant, on n'en fait pas une entreprise privée.

Le cinquième point pour lequel nous voterons contre, M. le Président, un des points importants, la ministre l'a dit tantôt, c'est la réorganisation du conseil d'administration du CRIQ. On est d'accord avec ça, on a fait des suggestions très positives d'aller regarder sur l'international entre autres, et j'ai repris systématiquement les recommandations, les propositions du programme du PQ à la dernière élection. Vous savez que, dans le secteur économique, il y avait, et dans le dossier des jeunes dans le programme électoral du PQ, une recommandation précise à savoir que, sur toutes les sociétés d'État du Québec, il y aurait des jeunes de nommés.

Eh bien, quand nous avons demandé à la ministre si, oui ou non, il y aurait un jeune de nommé ou des jeunes de nommés – et on a suggéré des jeunes de nommés sur le conseil d'administration; on a maintenant au Québec une multitude de jeunes qui sont compétents, brillants, intelligents, hommes, femmes et jeunes qui pourraient très bien fitter dans le portrait, qui pourraient très bien commencer à se créer un réseau – jamais la ministre n'a voulu nous dire, oui, qu'elle nommerait des jeunes sur ce conseil d'administration. Elle n'a pas dit non, non plus, et je garde espoir.

Je dînais ce midi avec le président de la Commission-Jeunesse du Parti libéral, et il m'invite à rappeler à la ministre l'importance, au-delà de nos formations politiques, de nommer des jeunes sur ces conseils d'administration là pour faire avancer les jeunes et les idées des jeunes dans notre société de haute technologie. Et c'est de ça que nous parlons ici, au CRIQ. Alors, cet engagement-là n'a pas été pris et n'a pas été retenu même si le PQ a été élu avec cet engagement-là.

Finalement, le dernier des points, le cinquième ou sixième point, M. le Président. Si on ne garde pas la mission originale et si on ne privatise pas, mais qu'on dit à la société: Vous devez être plus autonome, l'effet pervers, c'est que cette entreprise-là, le CRIQ, va devenir en compétition directe avec l'entreprise privée. Et on sait qui crée les emplois au Québec, on sait comment il les crée, on sait même, depuis le plan Paillé, ce matin, avec les dernières statistiques de Statistique Canada, combien d'emplois n'ont pas été créés au Québec.

M. le Président, ici, j'ai dit au ministre, à combien d'occasions: Si vous ne pouvez aider à créer des emplois, pour l'amour du bon Dieu, ne nuisez pas à ceux qui essaient d'en créer. Alors, ici, c'est ce qu'on va faire. Non seulement on n'aidera pas – on a déjà enlevé 60 emplois au CRIQ – non seulement le projet de loi ne prévoit la création d'aucun emploi, mais on va probablement nuire à l'entreprise privée. Dans la présentation, au moment du projet de loi, j'avais fait une démonstration des industriels qui disaient qu'ils s'étaient fait voler des contrats, devant eux, par le CRIQ qui est un organisme gouvernemental.

Or, pour toutes ces raisons, M. le Président, je suis fermement convaincu que nous regardons par en avant. Nous sommes non seulement à regarder par en avant, mais je pense que, s'il y a une leçon qu'on peut donner au PQ, c'est celle de comment faire des privatisations. Et ça, le PQ, s'il y a un drapeau qu'ils ne sont pas capables de traîner, c'est celui de la privatisation. Ils en ont fait une et ils l'ont moppée sur toute la ligne, de A à Z. C'est encore en cour, c'était l'histoire de privatiser le secteur de la distribution des alcools au Québec. On est encore, comme société, pris avec ça devant les tribunaux, M. le Président, et je ne vois pas quand ça va se terminer.

Alors, nous, quand ces gens-là nous parlent de privatisation, mais qu'ils ne veulent répondre à aucune question, vous comprendrez qu'on est très inquiets et, devant tout ça, on va voter... Et la dynamique des jeunes, l'entreprise privée qui va avoir un nouveau compétiteur, le désengagement de l'État, ça ne crée pas d'emplois, alors, pour toutes ces raisons, M. le Président, nous nous devons de voter contre ce projet de loi. Merci infiniment.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du projet de loi n° 97? Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais (réplique)

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, je vais apporter quelques précisions parce que, en matière de privatisation, je le répète, le Parti libéral, et en particulier le gouvernement libéral, n'a de leçons à donner à personne. J'en veux pour preuve le dossier que j'ai eu l'occasion de consulter quand j'étais responsable de la SEPAQ et je parle du dossier du Mont-Sainte-Anne, qui n'est pas à l'honneur du gouvernement libéral. Et, si c'est ça faire de la privatisation, payer les étrangers pour qu'ils nous achètent, moi, je ne partage pas cet avis-là. Je pense qu'il y a des façons plus équilibrées, plus sensées d'encourager l'investissement privé dans nos sociétés.

Et, dans un centre de recherche industrielle, qui, on le sait, ne peut pas commercialiser en ce moment, il est beaucoup plus intelligent de permettre la commercialisation des produits, de lui permettre de recevoir des revenus. À l'époque, au moment où ils seront en bonne position financière, avec plus d'autofinancement, à ce moment-là, ils auront peut-être la possibilité d'aller chercher de nouveaux actionnaires et tout le monde sera content. Mais on ne les envoie pas, comme ça, en les donnant pour, comme une expression le dit...

Une voix: Pour une bouchée de pain.

Mme Dionne-Marsolais: ...une bouchée de pain. Alors, on ne va pas laisser pour une bouchée de pain un actif qui est un centre de recherche industrielle crucial pour l'appui au développement technologique de nos petites et moyennes entreprises au Québec. On ne va pas laisser ça partir, aller, sans réfléchir et sans planifier une transition intelligente. Et la meilleure façon, c'est de leur permettre de commercialiser le résultat de leurs recherches avec des partenaires ou seuls, puisque les recherches sont faites avec des partenaires et, dans certains cas, seuls. Alors, M. le Président, c'est pour cela. On ne veut pas se citer en exemple; on veut, tout simplement, faire les choses différemment, comme on le fait depuis trois ans.

Une voix: Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, Mme la ministre. Ayant terminé votre droit de réplique, j'en suis rendu à vous demander: Est-ce que le projet de loi n° 97, Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, est adopté?

(15 h 20)

Des voix: Adopté.

Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 34 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 108


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 34 de notre feuilleton, M. le ministre délégué au Revenu propose l'adoption du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. Alors, y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 108? M. le ministre.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Je soumets donc à l'Assemblée le projet de loi n° 108 en vue de son adoption. Ce projet de loi modifie sept lois, dont la Loi sur les impôts, et donne suite aux mesures d'harmonisation prévues dans le discours sur le budget du ministre des Finances du 9 mai 1995.

Il est notamment proposé de modifier la Loi sur les impôts afin d'éliminer la possibilité accordée aux particuliers et à certaines entités qui exploitent une entreprise de différer l'imposition du revenu provenant de cette entreprise en choisissant un exercice financier qui ne correspond pas à l'année civile. Ces modifications ont pour effet d'exiger que ces particuliers et entités déclarent leur revenu d'entreprise dans l'année civile au cours de laquelle il a été gagné.

Un second sujet porte sur les règles applicables aux fiducies. Ainsi, ce projet de loi propose de modifier la Loi sur les impôts afin d'empêcher que l'utilisation de fiducies familiales ne confère des avantages fiscaux indus. Par ailleurs, M. le Président, des modifications sont proposées relativement aux règles applicables à l'égard de la production de la déclaration fiscale d'un particulier en affaires, au cours d'une année, et de son conjoint, afin de prolonger le délai de production du 30 avril de l'année suivante au 15 mai de cette année suivante. De ce fait, le particulier qui exploite une entreprise au cours d'une année aura plus de temps pour préparer ses états financiers ainsi que sa déclaration fiscale pour l'année.

Un autre sujet porte sur les règles relatives à la déductibilité des dépenses de recherches scientifiques et de développement expérimental et, d'autre part, les crédits d'impôt remboursables pouvant en résulter lorsque ces recherches et développement sont réalisés au Québec.

De plus, ce projet de loi modifie la Loi sur le ministère du Revenu notamment afin d'étendre les règles relatives à la responsabilité solidaire en matière de retenues à la source à quiconque a le pouvoir d'autoriser pour une personne le paiement d'un montant assujetti à une retenue à la source ou de faire en sorte qu'il soit effectué et qui consent ou fait en sorte qu'un tel paiement soit effectué par cette personne ou pour son compte. En terminant, d'autres modifications, y compris des modifications de concordance et de terminologie, sont également apportées à la Loi sur les impôts de même qu'aux autres lois touchées par ce projet.

En conclusion, je tiens à remercier les membres de la commission des finances publiques pour leur collaboration lors de l'étude de ce projet de loi et je demande à l'Assemblée d'adopter ledit projet, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition, M. le député de Nelligan. M. le député.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Nous sommes à la dernière étape du projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, qui, comme le ministre délégué l'a déjà mentionné, vient du budget de 1995 et, en grande partie, c'est l'harmonisation avec les règles du gouvernement fédéral. Aussi, j'ai besoin de mentionner qu'une grande, grande partie ou presque la totalité de ce projet de loi est déjà en application. Avec ça, nous sommes en train, par ce projet de loi, d'assurer que nos lois québécoises, un, sont harmonisées avec celles d'Ottawa et, deux, que, d'une façon législative, on met en vigueur ces applications.

Le ministre a déjà fait un court exposé sur le sujet. Effectivement, nous avons bouché les trous, comme ça, sur les questions des fiducies, sur les questions des années financières; ils ont eu une certaine souplesse sur les délais de production de déclarations fiscales. Et, comme le ministre délégué l'a mentionné, ils ont eu quelques articles sur les projets de recherche- développement; sur les déductions et les formulaires pour ça, nous avons fait quelques recommandations pour assurer qu'on ne fait pas le chevauchement. Le but de tous nos exercices est d'assurer que le système marche, mais que ce soit aussi simple pour les contribuables. Je pense que le ministre a tenu compte de ça. Le Vérificateur général lui-même a parlé de la bonne coordination entre Québec et Ottawa pour les projets de recherche-développement. Avec ça, le projet de loi va dans cette direction.

L'opposition officielle, avec le ministre délégué, a travaillé pour assurer que tout le monde comprend les articles législatifs, parce que, comme vous le savez, M. le Président, ce n'est pas toujours facile avec tous les amendements. Mais je pense que nous avons clarifié beaucoup de questions. Nous avons travaillé comme d'habitude en collaboration pour assurer que, un, le gouvernement a les outils pour faire le travail et, deux, que les contribuables sont protégés et respectés dans ces démarches. Avec ça, je pense, comme je l'ai mentionné avant, que nous sommes rendus à la dernière étape.

L'opposition officielle a travaillé en collaboration avec le côté ministériel pour ce projet de loi et nous avons trouvé qu'effectivement les articles qu'on trouve dans le projet de loi font l'harmonisation telle que proposée par le ministre délégué au Revenu. Merci beaucoup, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Nelligan. Comme il n'y a pas d'interventions, le projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, je vous demande de prendre en considération l'article 31 de notre feuilleton pour que nous puissions poursuivre le débat que nous avons ajourné ce matin.


Projet de loi n° 79


Reprise du débat sur l'adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 31 de votre feuilleton, M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives. Alors, ce matin, avant l'ajournement, M. le ministre a eu l'occasion de prononcer son allocution. Nous céderons maintenant la parole au député d'Argenteuil et critique officiel de l'opposition. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: M. le Président, je vous remercie. M. le Président, en décembre 1996, dans la nuit du 14 décembre, le ministre nous disait que seuls ceux qui n'ont pas lu son projet s'y opposent. Grâce à sa grande ouverture d'esprit, M. le Président, il a écouté, dans les quelques jours qui ont suivi, avant la fin de la session, le critique officiel du temps pour accéder à sa demande de demander une commission parlementaire et d'écouter les partenaires, ce que d'ailleurs nous avons fait attentivement. Pendant les mois de février et de mars, nous avons eu l'occasion d'écouter plusieurs mémoires qui nous ont été remis.

M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci, remercier tous ceux qui sont venus partager avec nous leurs inquiétudes, leurs soucis quant au projet de loi n° 79, aussi manifester leur opposition, mais en même temps leur support, parce qu'il y en avait des deux côtés. Différentes recommandations nous ont été remises à ce moment-là, M. le Président; plusieurs d'entre elles ont été accueillies favorablement par le ministre, mais je dois laisser quand même poindre une certaine inquiétude. Nous savons que, pas plus tard qu'hier matin, on nous lisait, en Chambre, une pétition qui demandait au ministre de retirer son projet de loi alors qu'on est quand même rendus pas mal loin. Ça veut dire, M. le Président, qu'il y a des gens sur le terrain qui n'ont pas encore trouvé réponse dans les aménagements que nous avons pu faire au cours de la commission ou au cours de l'étude article par article du projet de loi, qui n'ont pas trouvé satisfaction et qui demeurent inquiets devant le projet de loi n° 79; d'où leur demande de retirer le projet.

(15 h 30)

Il va sans dire que les points qui ont été soulevés par le ministre, qui étaient de diminuer les délais, de moderniser la loi et de retenir le lien d'emploi avec les employés en diminuant le délai, sont tous des éléments de compassion, d'empathie de la part du ministre à l'égard des travailleurs et des travailleuses accidentés. M. le Président, à cause de mon passé, vous comprendrez que je jouis des mêmes empathies et des mêmes compassions à l'égard des travailleurs et des travailleuses accidentés et que leurs inquiétudes à l'égard du projet de loi n° 79, auxquelles le ministre a répondu, mais il n'y a répondu qu'en partie... Et j'y reviendrai plus loin.

Hier, lors de l'étude du rapport de la commission, le ministre y est allé d'une sortie, j'allais dire, quasiment de fond de train contre la CALP où des délais indus lui sont appropriés, la CALP qui, quand même, depuis les années 1993... Et il faudrait que le ministre arrête de conduire son automobile dans le rétroviseur et regarder en avant; il a utilisé les chiffres de 1993-1994 pour fonder la démarche qu'il a prise avec son projet de loi.

Il faut quand même reconnaître aujourd'hui, M. le Président, que les délais à la Commission d'appel des lésions professionnelles sont aux environs de 10,3 mois. Le ministre nous dit: On va les réduire. Je suis sûr que le ministre se souvient que je lui ai mentionné en commission parlementaire que le maximum de délai auquel le travailleur aura à faire face lorsqu'il se présentera devant la Commission des lésions professionnelles, en utilisant le maximum des délais, pourrait l'amener jusqu'à 14 mois; je m'excuse, M. le Président, 13 mois, en utilisant les délais au maximum. Le ministre nous dit qu'il veut ramener ça aux environs de neuf à 10 mois. La CALP était à 10,3 mois à partir du dépôt.

Un autre élément important que l'on retrouve à l'article 241, cet article qui semble être passé dans l'ombre pour plusieurs intervenants. Cet article, on l'a ressorti en commission parlementaire lorsque nous discutions du droit de lien de retour au travail. L'article 241 spécifie très bien que, lorsqu'il y a une contestation qui est portée pour une question médicale, le délai de retour ne se limite plus à deux ans, mais il est prolongé sans limite jusqu'à la solution du litige.

Alors, le lien d'emploi... on peut évidemment utiliser le problème du délai pour dire qu'il faut raccourcir les délais pour s'assurer qu'on maintient le lien d'emploi. Et le ministre a raison lorsqu'il ne s'agit pas d'un problème médical. Mais on sait qu'il y a près de 70 %, sinon plus, des gens qui se présentent à la Commission d'appel des lésions professionnelles, ou maintenant à la nouvelle CLP lorsque la loi sera mise en vigueur, qui ont une condition médicale comme litige. Alors, le lien d'emploi, et je le rappelle au ministre et je suis sûr qu'il va s'en souvenir parce qu'on a discuté de cela longuement en commission, on n'a plus de raison de s'inquiéter du maintien du lien d'emploi à cause du délai parce que l'article 241 y pourvoit sans problème.

Par ailleurs, il faut s'y attarder parce que les délais ont deux effets négatifs à long terme et là-dessus je rejoins le ministre complètement. Un délai indu arrive finalement à démotiver le travailleur à retourner au travail. Il n'y a aucun doute là-dessus et c'est bien connu: moins on travaille, moins on veut travailler. Par ailleurs, ce genre de cas, ce sont toujours les plus dispendieux, ce sont toujours ceux qui consomment le plus de dépenses.

Alors, je rejoins le ministre là-dessus, mais je veux lui dire que la nécessité de maintenir le lien d'emploi n'existait pas en soi, mais il a tout à fait raison lorsqu'on parle du délai parce que les délais, il ne faut pas les prolonger de façon indue. Alors, le ministre, je l'invite à lire l'article 241 dans l'ancienne loi, la loi de la Commission de la sécurité et de la santé au travail.

Par ailleurs, j'avais aussi dit au ministre, M. le Président, que jusqu'à la dernière opportunité, à la dernière occasion, je m'en servirais pour le lui rappeler. Et comme c'est la dernière occasion que j'ai de le faire, M. le Président, je vais m'en servir pour le lui rappeler à nouveau. J'avais demandé au ministre, en commission parlementaire, à de multiples occasions, d'accéder à ma demande pour assumer les frais de déplacement, les frais de repas, les frais des pertes de revenus pour les témoins demandés à venir supporter les demandes du travailleur accidenté.

Vous comprendrez que 60 % des travailleurs qui se présenteront devant la nouvelle CLP sont des travailleurs non syndiqués. Lorsqu'on parle de travailleurs non syndiqués, on parle de travailleurs dont les revenus ne sont sûrement pas ceux dans la plus haute échelle, ce sont des travailleurs dont les ressources sont fort limitées, des travailleurs qui s'apparentent avec des gens qui travaillent dans le même milieu, donc qui ont les mêmes revenus ou des revenus semblables.

Et lorsque vous demandez à un confrère de travail, qui est rémunéré au même niveau que vous, qui a de la difficulté à boucler son budget de fin de semaine puis que vous lui demandez: Écoute, viens témoigner en ma faveur, j'ai besoin de toi pour démontrer au commissaire et aux deux membres paritaires que j'ai raison dans ma demande, ce travailleur n'a qu'une seule réponse à lui fournir et c'est non. C'est non parce qu'il ne peut pas se permettre de perdre une journée de travail pour aller témoigner pour son confrère. Parce qu'en même temps il met en danger le panier de marché de la fin de semaine qu'il ne pourra compléter parce qu'il a perdu une journée de travail. Alors, il va dire à son confrère accidenté ou à sa consoeur: Je regrette, j'aurais bien aimé aller te supporter, je sais que tu as raison, mais je ne peux pas y aller parce que je ne peux pas me permettre de perdre une journée de travail. Si tu me la rembourses, je vais y aller avec plaisir.

Mais le travailleur accidenté, il n'est pas plus muni d'argent, il n'en a pas plus. Alors, il va se présenter sans témoin pour supporter sa cause devant le commissaire et les deux membres paritaires. L'article 382 de la loi actuelle donnait au président de la CALP, avec consultation des commissaires, le droit de statuer sur les mécanismes de remboursement des frais de dépenses engendrées par les témoins. Que ce soit le stationnement, le repas, la perte de journée de travail, le métro – on peut mettre ce qu'on veut – le président de la Commission avait le pouvoir de le faire.

Par négligence, par oubli ou de façon volontaire le président a omis de le faire. Or, le ministre m'a répété à de multiples occasions: Ce serait un précédent. Ce n'est pas un précédent, M. le Président, c'était dans la loi. Il ne fallait au président que s'asseoir avec ses commissaires et d'en décider comme bon lui semblait, de rembourser les dépenses des travailleurs qui venaient témoigner.

J'ai présenté des amendements au ministre, un amendement lui demandant de rembourser les dépenses des travailleurs venant témoigner, mais seulement pour les gens qui auraient gain de cause dans l'obtention de leur support par la CSST. Dans cette situation, on aurait pu éviter les excès, on aurait pu éviter les causes plus ou moins bien fondées. Mais le travailleur accidenté, bien justifié dans sa cause, aurait obtenu raison, gain de cause, et, en même temps, les témoins auraient pu jouir du remboursement, que ce soit par un montant fixe, que ce soit par un remboursement sur pièces justificatives, je laissais à la Commission le choix de décider de la cuisine.

(15 h 40)

M. le Président, le ministre n'a jamais voulu accéder à ma demande. Malheureusement, j'arrive au bout de la corde. C'est la dernière opportunité que j'ai de rappeler au ministre cette situation, cet article de loi qui est déjà dans l'ancienne loi et qu'il ne veut pas réactiver aujourd'hui pour favoriser les travailleurs et les travailleuses accidentés qui sont, en général, parmi les plus démunis. J'aurais souhaité... Mais il nous l'a dit ce matin, M. le Président, qu'il a beaucoup de compassion pour les travailleurs et les travailleuses accidentés. Il lui en manque un petit pourcentage. C'est ce petit pourcentage, M. le Président, qui aujourd'hui me fait mal au coeur. Ça me fait mal au coeur parce que, moi aussi, j'ai de l'empathie et de la compassion pour le travailleur et la travailleuse accidentés, mais malheureusement le ministre m'a fait faux bond.

Il ne m'a jamais promis qu'il accéderait à ma demande, il ne s'est jamais engagé à accéder à ma demande, mais j'aurais cru, avec la bonne entente que nous avons eue au cours de toute cette commission, des bons échanges que nous avons pu effectuer dans l'espoir de bonifier ce projet de loi... Ce que je pense, M. le Président, c'est que nous avons fait mutuellement... Il y a des aspects d'amélioration du projet qui sont venus du parti ministériel comme du parti de l'opposition. Et c'est ça, le rôle des parlementaires, c'est d'essayer de bonifier les projets de loi qui nous sont présentés. C'est ce que nous avons fait de bonne foi. J'aurais aimé que le ministre accède aussi de bonne foi, tout comme, moi, je le lui ai demandé de bonne foi, à ma demande de rembourser, en partie au moins, les dépenses des témoins venus témoigner au support du travailleur accidenté qui éventuellement aurait eu gain de cause et qui aurait obtenu son allocation de la CSST.

Mal m'en prit, M. le Président. Nous sommes rendus à la fin et je devrai faire de moi ce sacrifice d'accepter la décision du ministre. Mais je dois dire quand même que je pense qu'il a manqué une belle occasion de manifester son empathie d'une façon un peu plus marquée à l'égard des travailleurs et des travailleuses accidentés du Québec. Il a manqué une belle occasion de manifester son degré de compassion encore plus grand que celui qu'il a déjà manifesté. Il a manqué une belle occasion, M. le Président, et il avait l'opportunité hier. Je lui ai fourni une occasion en or, de même qu'à tous les autres parlementaires du côté ministériel qui étaient présents, je leur ai présenté un amendement leur demandant d'accéder à ma demande, mais ça a été rejeté. Ça a été rejeté, M. le Président, et malheureusement les travailleurs et les travailleuses accidentés du Québec devront se présenter démunis, non seulement démunis financièrement mais aussi démunis de preuves, devant le commissaire de la Commission des lésions professionnelles avec ses deux membres paritaires, alors que le travailleur accidenté et la travailleuse accidentée qui font partie d'un syndicat vont se présenter avec leur représentant syndical, avec leurs témoins parce que le syndicat va supporter les dépenses de ces témoins-là.

Alors, on a fourni une occasion de manifester une inéquité parmi les travailleurs: il y a une différence nette devant la Commission des lésions professionnelles entre le travailleur syndiqué et le travailleur non syndiqué, et ça, je trouve ça regrettable. Je le répète, le ministre a perdu une occasion en or de manifester son empathie à l'égard des travailleurs et des travailleuses accidentés du Québec, en particulier ceux et celles qui ne sont pas syndiqués.

J'ai mentionné à de multiples reprises la possibilité ou l'éventualité d'en arriver à des cliniques multidisciplinaires indépendantes de la médecine du travail, conscient, très conscient qu'il est actuellement impossible de mettre en oeuvre un réseau de cliniques indépendantes de médecine du travail multidisciplinaires à travers la province et de couvrir toutes les régions, d'abord parce qu'il n'y a pas suffisamment de médecins spécialisés en médecine du travail, donc on apporterait un fonctionnement disparate d'une région à l'autre, ce qui n'est pas nécessairement souhaitable.

Mais l'expérience que nous vivons actuellement sur la rive sud de Montréal avec la clinique multidisciplinaire et indépendante de médecine du travail du Dr Loiselle nous laisse croire, nous porte à penser que c'est la voie de solution de l'avenir, voie de solution parce que... Et c'est là que je rejoins les commentaires que le ministre a faits ce matin sur le BEM. Le BEM, c'est le Bureau d'évaluation médicale que l'on a tant décrié, à tort ou à raison. Ça ne se peut pas que tout soit si mauvais que ça, au BEM, ce n'est pas possible, mais ce n'est pas possible non plus que tout soit si beau, au BEM. Le ministre nous a assurés qu'il allait prendre des mesures administratives très strictes et très rigides pour s'assurer que le BEM ne ferait plus les effets des critiques telles qu'on les a entendues, telles qu'on les a vues à la télévision au programme Enjeux , qui probablement, par une pure coïncidence, passait à la télévision justement au moment où nous étions en commission parlementaire. Je suis sûr que c'est une coïncidence.

Mais, dans le BEM, M. le Président, ce qui nous a été présenté par nos partenaires, c'était que le BEM incitait à la confrontation. Alors, le ministre a déjà ouvert une porte de solution, il y a une piste qui a été ouverte. Je pense qu'elle est là, puis il faut l'apprécier. La piste de solution, c'était de répondre, du moins en partie, à la demande d'un des partenaires syndicaux que le médecin traitant puisse choisir son spécialiste. Au moins, il y a un spécialiste qui pourra aller défendre le diagnostic qui a été porté par le médecin traitant auprès du spécialiste du BEM. Déjà, on a rééquilibré les forces. Je pense que c'est un grand pas en avant, il n'y a aucun doute dans mon esprit. Nous avons fait, par cette mesure, un grand pas en avant. On a favorisé un équilibre qui n'était pas présent dans le fonctionnement antérieur, et ça, je pense que les travailleurs et les travailleuses du Québec vont dire merci au ministre.

Ou ils ne lui diront pas merci, parce que, vous savez, quand il y a des fleurs il y a toujours un pot. C'est que le BEM est encore en position et que le BEM va encore représenter, encore une fois à tort ou à raison, un élément de confrontation. Je dis bien «à tort ou à raison». Comme on le sait, en politique, la perception, c'est la réalité. La perception du BEM, actuellement, c'est que c'est un bureau d'horreurs. Que ce soit vrai ou faux, ça n'a aucune espèce d'importance. Le BEM, c'est un bureau d'horreurs. Parce que c'est ça, la perception dans le milieu de plusieurs de nos partenaires. Alors, initialement, dans l'élaboration du projet de loi, j'aurais souhaité que le ministre s'attarde beaucoup plus à modifier le fonctionnement du Bureau d'évaluation, ce qui aurait enlevé tout esprit de confrontation.

(15 h 50)

Je ne peux pas dire que le ministre recherche la confrontation, mais disons qu'il ne l'a pas toute réglée. Je ne dirai pas qu'il recherche la guerre, mais je vais vous dire qu'il n'a pas eu toute la paix. Je ne vous dirai pas qu'il recherche la discorde, mais je vais vous dire qu'il n'a pas eu toute la bonne entente souhaitée. Devant une situation comme ça, j'ai demandé au ministre de nous exprimer clairement – et il l'a fait hier à mots très doux, pas couverts mais pas trop ouverts non plus – une orientation à long terme et à moyen terme qu'il aimerait donner à la CSST dans son fonctionnement ou en remplacement du BEM, puis qu'on éviterait toutes les horreurs qu'on se fait présenter à tour de bras. Il aurait enclenché la mise en place de cliniques multidisciplinaires de médecine du travail, auxquelles cliniques le travailleur et la travailleuse accidentés auraient été obligés de se présenter dans les plus brefs délais après la période urgente de son accident traitée.

Dans ces cliniques, M. le Président, on aurait pris en charge le travailleur accidenté. Le travailleur accidenté aurait été pris en charge par des mains compétentes, des gens qui connaissent la médecine du travail. C'est leur métier. Ce n'est pas un orthopédiste, ce n'est pas un chirurgien vasculaire, ce n'est pas un chirurgien général, ce sont des spécialistes de la médecine du travail.

Pourquoi la médecine du travail, M. le Président? Parce que, pour un spécialiste de la médecine du travail, ce n'est pas que le patient accidenté qui est important, il est très important, mais c'est que la médecine du travail fait appel aussi à la sécurité au travail et cet aspect de la sécurité au travail demeure l'élément clé dans le traitement de tous les accidentés. Tous sans exception. Ce qui est le plus important, c'est d'éviter l'accident. D'où toutes les mesures qui sont prises actuellement par la Société de l'assurance automobile du Québec pour s'assurer qu'il y a de moins en moins de conducteurs en état d'ébriété. Pourquoi? Parce qu'on fait de la prévention, non pas du traitement. On aurait dû enclencher le même phénomène au niveau de la CSST, où la prévention aurait été l'élément clé de la réforme.

La prévention se fait déjà par des inspecteurs. Mais, lorsque vous avez des gens spécialisés dans la médecine du travail, dont la compétence ne peut être niée par personne, qu'elle ne suscite aucune objection, ni de la part du patron, ni de la part des travailleurs, ni de la part des syndicats, vous savez que vous n'engendrerez pas la confrontation, mais que vous allez mettre de l'avant la concertation. Et c'est ça qu'on a souhaité. C'est ça qu'on aurait souhaité.

Malheureusement, la situation actuelle, avec le manque de médecins en médecine du travail, a sûrement retenu le ministre de s'engager plus avant dans cette démarche qui m'apparaît la seule, mais la seule façon de régler de façon définitive le litige qui persiste, le manque de confiance, la confrontation que l'on retrouve à tout moment entre les patrons, l'employeur, d'une part, et l'employé, d'autre part.

Cette clinique de médecine du travail ne relève de personne. Elle est autonome, elle est indépendante et elle est équitable. Elle n'est pas là pour plaire à l'un et déplaire à l'autre, et vice versa, elle est là pour s'assurer que le travailleur accidenté qui se présente à la clinique reçoit tous les traitements qui sont disponibles en l'an 1997. Or, vous savez, et je sais, M. le Président, que nombre de travailleurs et de travailleuses accidentés, au Québec, actuellement, n'ont pas accès à toutes les formes de thérapie qui sont disponibles. La plus simple, la plus connue, la plus courante que je vais vous mentionner, c'est la chiropraxie. Vous allez dire: Mais où il s'en va? Un médecin qui vient me parler de la chiropraxie! Vous avez raison, M. le Président. Mais je vais vous dire bien humblement: Je ne connais rien, moi, à la chiropraxie, mais rien du tout. Je ne connais rien à la chiropraxie. Je ne sais pas comment ça fonctionne, je ne sais pas ce qu'on fait, je n'y suis jamais allé. J'aurais peut-être dû. Ce que je sais, puis ce que vous savez vous aussi, j'en suis certain, vous connaissez de nombreuses personnes qui ont eu des problèmes et qui se sont présentées chez le chiropraticien, qui en sont ressorties guéries.

M. le Président, je vous demande aujourd'hui: Qu'est-ce qui est important, savoir comment ça marche ou savoir que je suis guéri? Qu'est-ce qui est important pour le travailleur accidenté, savoir comment ou que ça marche? Moi, je vous dis, ce qui est important, c'est de me sentir mieux dans ma peau. Et, si le travailleur accidenté se sent mieux dans sa peau, qu'il peut retourner au travail plus rapidement, qu'il est plus heureux puis qu'il va avoir hâte de reprendre son travail... Parce qu'il ne faut pas prêter à tous les travailleurs les mêmes intentions, de dire: Il est sur la CSST, il est heureux, il ne veut pas retourner travailler. Ce n'est pas vrai, M. le Président. Il y a eu un sondage la semaine dernière qui disait que la majorité des Canadiens voulaient travailler plus, pas moins, plus. Alors, quand on vient me dire qu'il est heureux sur la CSST... Mais oui, il y en a, on va faire des cas d'exception, des cas d'espèce, mais ce n'est pas ça, la majorité des gens. Les gens sont heureux de retourner travailler, ils ont hâte de reprendre leur ouvrage. Alors, qu'on leur en fournisse la possibilité.

Mais où je veux transmettre au ministre la partie importante de tout cela, parce que je suis convaincu que c'est la partie qui va faire obstruction à la mise en place des cliniques, c'est la partie patronale. Le ministre va sûrement, au bon moment, trouver les mots, les arguments pour les convaincre qu'il y va de leur bien-être, qu'il y va de leurs deniers, qu'il y va de leur économie d'accéder à la mise en place des cliniques. M. le Président, à la clinique du Dr Loiselle, en Estrie, sur un nombre de cas très limité – et c'est une brève étude, puis c'est sur un tout petit nombre de patients – on a déjà économisé des centaines et des centaines de milliers de dollars.

Quand on parle d'économie de dollars à la CSST, on parle d'économie pour les employeurs, pas pour les employés, c'est pour les employeurs. Et comment économisent-ils cet argent-là? Parce qu'ils retournent travailler plus rapidement. Alors, comme le ministre nous a parlé beaucoup de délai en commission parlementaire, si on peut offrir aux travailleurs et aux travailleuses accidentés les traitements et les thérapies disponibles, accessibles et efficaces, bien, M. le Président, ils vont retourner travailler plus vite, ils vont diminuer les délais puis on va avoir des économies de l'autre côté.

Les économies pour les employeurs, ça se solde éventuellement par une baisse de contributions. Le ministre a annoncé récemment une baisse de contributions. Imaginez la baisse de contributions si on pouvait, à l'aide des cliniques multidisciplinaires, indépendantes de médecine du travail, diminuer les contributions de façon significative parce qu'on y retrouve des millions et des millions de dollars en économie, en économie parce que les délais sont raccourcis. Il y va du bien-être des deux, M. le Président, des travailleurs et des travailleuses accidentés et aussi des employeurs qui sont les pourvoyeurs pour la CSST. Alors, le ministre doit bien savoir l'importance que j'attache aux cliniques multidisciplinaires indépendantes de médecine du travail.

(16 heures)

M. le Président, j'avais dit hier, et je répète, le ministre nous a parlé qu'il y avait mission accomplie. Moi, je dis au ministre: Mission inachevée. Oui, la mission a été enclenchée, oui, il y a des éléments très positifs dans la loi. Il y en a avec lesquels on n'est pas nécessairement d'accord, mais, dans un projet de loi, on ne peut pas tout avoir. Le ministre n'a pas tout eu puis je n'ai pas tout eu. J'accepte ça, ça fait partie du jeu démocratique, puis ça fonctionne. Mais on est loin, on est loin encore, M. le Président, d'avoir réglé tous les problèmes. Cette mission, elle est inachevée, justement avec les arguments que je viens de mentionner sur le Bureau d'évaluation médicale. Lorsque les partenaires, mais surtout lorsque les travailleurs et travailleuses accidentés du Québec se retrouveront devant un organisme d'évaluation auquel ils devront se présenter... Puis je conviens que le côté patronal devrait peut-être avoir sa chance, si le côté du travailleur l'a, de s'affronter. Lorsqu'on aura solutionné ce problème-là, nous verrons disparaître des annales du Québec des histoires d'horreur, nous verrons disparaître des annales du Québec des programmes d' Enjeux qui viennent nous présenter des cas pathétiques, nous verrons disparaître la confrontation et nous vivrons la concertation entre les travailleurs accidentés et les travailleuses accidentées, d'un côté, et les employeurs, de l'autre côté.

M. le Président, la commission a duré plusieurs jours. Nous avons siégé plusieurs heures. Nous avons, en tout cas il me semble, fonctionné de façon très ouverte et nous avons eu le support de toute une équipe, du côté ministériel comme du côté de l'opposition. Nous avons bénéficié du travail expérimenté de gens dévoués, de gens présents. On a siégé jusqu'à minuit le soir; même 1 heure, un soir. Je vous dis, je suis quasiment sorti de là avec du plâtre; on a failli me casser les bras pour me faire siéger jusqu'à 1 heure. J'ai finalement accédé à la demande du ministre parce qu'on croyait finir le projet de loi; malheureusement, ça ne s'est pas réalisé. Mais on avait de part et d'autre une équipe dévouée et compétente. Et aujourd'hui je tiens à les remercier sincèrement parce qu'ils ont contribué positivement à l'amélioration du sort des travailleurs et des travailleuses du Québec ainsi que des employeurs. Ils ont contribué à améliorer le projet de loi.

Je voudrais aussi, M. le Président, remercier le ministre. Vous savez, on a souvent l'occasion, pas de se prendre aux cheveux, mais de se lancer des invectives, de se lancer des mots pas nécessairement très agréables, en plusieurs occasions. La situation politique l'exige; «l'exige», c'est peut-être un bien grand mot, mais en tout cas. Ce que je dis, c'est que nous avons, au cours de cette commission parlementaire, vraiment travaillé de part et d'autre à améliorer le projet de loi. Ça s'est fait dans une ouverture d'esprit, dans une ouverture de langage, dans une collaboration, j'oserais dire inusitée. Ça s'est fait avec une facilité peut-être déconcertante pour certains, j'oserais dire exemplaire pour d'autres. Peut-être que d'autres auraient avantage à prendre exemple sur le déroulement de cette commission qui s'est déroulée sainement, relativement rapidement, mais dont le but n'était pas d'être rapide, mais d'aller défendre des points de vue que chacun avait de part et d'autre. Ce que nous avons fait.

Malheureusement, le ministre n'a pas accédé à toutes mes demandes; c'est son droit. C'était mon droit de les demander; c'était son droit de les refuser. Mais il y a une chose que je dois dire, il a pris la peine de m'écouter, et je suis sûr que dans l'avenir, lorsqu'il aura à réviser le projet de loi n° 79, il prendra en considération toutes les remarques qui ont été faites non seulement par le parti de l'opposition, mais aussi par le côté ministériel. Les députés ont participé de part et d'autre; ils ont fait des remarques positives, des remarques enrichissantes à l'occasion, mais, à cause du contexte, lesquelles remarques ne pouvaient être prises en considération au moment où on se parle. J'espère qu'elles porteront fruit à long terme.

Ce que je souhaite... Et je l'ai dit au ministre à quelques occasions, j'ai beau lui porter toute la confiance qu'il mérite, il n'en reste pas moins qu'il y a une chose que je ne sais pas, M. le Président, c'est que celui ou celle qui va le remplacer n'aura peut-être pas la même ouverture d'esprit à l'égard de l'opposition... ou à l'égard du parti ministériel. Parce que vous savez comme moi que ça change. Ça prend une élection, 31 jours, c'est fini. Alors, la personne qui le remplacera n'aura peut-être pas la même ouverture d'esprit. Je souhaite qu'il s'inspire des travaux et de la lecture des galées de cette commission pour jouir de cette même ouverture. Je profiterai de l'occasion pour le remercier à nouveau de son ouverture d'esprit. J'espère que même s'il croit que sa mission est achevée... Moi, je lui dis que, malgré tout, il reste une mission inachevée, et le bout qu'il reste à terminer, il devra le faire avant longtemps. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le député d'Argenteuil. M. le ministre, est-ce que vous désirez vous prévaloir de votre droit de réplique?

M. Rioux: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre.


M. Matthias Rioux (réplique)

M. Rioux: Je voudrais juste, rapidement, informer cette Chambre que le Conseil du patronat du Québec et la Fédération des travailleurs se disent satisfaits de la décision prise lors de la dernière commission parlementaire de l'économie et du travail et de l'entente qui est intervenue à l'Assemblée nationale du Québec au sujet du projet de loi n° 79 visant à déjudiciariser les procédures d'appel à la CSST. Ils se réjouissent, ces deux grands organismes. C'est 500 000 travailleurs du côté de la FTQ, et le Conseil du patronat regroupe à peu près tout ce qu'il y a d'important comme entreprises au Québec, en tout cas en termes de potentiel économique. Je sais que la petite entreprise n'est pas toujours membre du Conseil, mais elle adhère à d'autres organisations.

Alors, les deux organismes disent que «le Parti libéral du Québec et le Parti québécois ont su s'élever au-dessus de la partisanerie pour voir ensemble et placer ensemble le bien-être des travailleurs avant toute considération partisane». Ils terminent en disant que «les employeurs et les travailleurs sortent gagnants de cette longue saga». Alors, je voulais communiquer cette information à l'Assemblée, étant donné que je l'ai reçue il y a quelques minutes.

M. le Président, je voudrais signaler que la lutte que j'ai menée, c'était une lutte aux délais. Je pense que le député d'Argenteuil le sait. J'ai toujours dit, je le répète aujourd'hui, que je ne pouvais plus tolérer la lenteur du système parce que c'était préjudiciable aux travailleurs. Les délais de 10,3 mois dont parle le député, c'est juste, mais ce qu'il faut lui dire, c'est que les délais que ça prend au Bureau d'évaluation médicale, les délais que ça prend au Bureau de révision paritaire actuel et les délais en appel à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, c'est 2,4 ans.

Les chiffres cités par le député sont exacts, mais, si on prend l'ensemble... Parce que c'est toujours le même travailleur qui commence au début du processus jusqu'à la fin, c'est lui qui doit subir les horreurs dont parlait le député tout à l'heure, les horreurs des délais.

Je ne veux pas m'attarder longtemps sur l'article 382, je mentionnerai tout simplement que le député est revenu à la charge à plusieurs... Bien, vous l'avez constaté hier, M. le Président, il a même essayé d'inclure un amendement à la toute fin, in extremis, pour essayer de passer son amendement et faire valoir le point de vue qu'il fallait rembourser les frais de déplacement de tous ceux qui viennent témoigner devant le tribunal. J'ai dit, hier, et je voudrais porter ça à votre attention, M. le Président, et à l'attention des collègues, que ce serait là un précédent où tous les tribunaux administratifs du Québec seraient contraints d'emboîter le pas dans cette direction, mais je dis au député d'Argenteuil – et je lui répète ce que je lui ai dit dans le privé – que je ne suis pas fermé à ça et qu'un jour il va falloir l'examiner sérieusement.

(16 h 10)

J'aimerais, en ce qui ai trait au Bureau d'évaluation médicale, juste pour l'information de mes collègues des deux côtés... Les changements administratifs que j'apporte sont au nombre de huit. Je voudrais juste donner quelques indications. Je pense que c'est un peu la demande que faisait le député, pour qu'on soit clair là-dessus, parce que ça m'amènera à d'autres petites considérations un peu plus tard.

Ce qu'on veut, c'est répartir plus également les dossiers entre les médecins spécialistes qui siègent au BEM. C'est important, ça. On va implanter une grille d'évaluation des avis venant des membres. Ça aussi, c'est un progrès. On va implanter un système de rétroinformation pour les membres suite aux décisions prises par la Commission des lésions professionnelles. Circulation de l'information. Ceux qui sont venus en commission parlementaire nous ont dit: Faites donc circuler de l'information. Laissez pénétrer l'oxygène un peu dans le système.

On va élaborer également un programme de formation continue pour les membres en vue d'améliorer leur qualité et afin qu'ils donnent, ils rendent des décisions encore meilleures. On va aussi améliorer les rapports humains entre les médecins – ça a été critiqué, ça, le député l'évoquait tout à l'heure, et il a raison – les experts et les travailleurs et les travailleuses accidentés. On va prévoir l'utilisation de certains centres médicaux spécialisés pour déterminer, dans certains cas, le déficit anatophysiologique sérieux et les limitations fonctionnelles. On va développer des indicateurs qualitatifs et quantitatifs concernant l'évaluation des membres du BEM de même que de l'organisme en général. Puis on va définir des critères de désignation des dossiers aux membres du BEM.

Voilà des mesures qui, certainement, vont améliorer le fonctionnement. Mais on va faire plus que ça. M. le Président, je me suis engagé, pendant les mois qui viennent, non seulement à surveiller attentivement et à revoir le fonctionnement au complet de l'organisme d'arbitrage médical, mais on s'est engagé, on a signé une entente avec Previcap, un protocole qui a été signé avec le Dr Loiselle – le député d'Argenteuil y faisait allusion tout à l'heure avec la clinique multidisciplinaire – et je m'engage aujourd'hui devant cette Assemblée, lorsque je ferai rapport au gouvernement et lorsque je ferai rapport à la commission parlementaire ad hoc pour étudier cette question, nous allons introduire dans le rapport l'expérience-pilote qu'on va vivre au cours des prochains mois.

M. le Président, certains sont venus devant la commission pour dire: Tout ce que vous cherchez par ce projet de loi, c'est épargner 34 000 000 $ aux employeurs. Non, non. C'est vrai qu'on économise, qu'on sauve 34 000 000 $ aux employeurs, c'est très vrai, mais ce qu'il faut retenir, c'est qu'on va régler entre neuf et 12 mois le sort d'un travailleur accidenté. Ça, c'est du respect. C'est ça, agir dans l'intérêt des travailleurs. On va privilégier l'action professionnelle du médecin traitant. On va l'équiper pour qu'il soit à l'aise lorsqu'il va se présenter devant le BEM et qu'il va faire face aux contestations soit de la CSST, soit des employeurs.

Je termine en disant que le moment était venu de déjudiciariser et le moment est venu... D'ailleurs, M. le Président, et je suis à l'aise pour le dire, tout ce qui concerne les relations de travail au Québec, tout ce qui concerne le droit du travail au Québec, ça aussi, ça devrait être revu un jour à la lumière des changements considérables qui se passent dans la société québécoise et l'évolution du marché du travail.

Et j'estime, M. le Président, que le problème majeur auquel étaient confrontés les travailleurs face à la CSST, c'est qu'ils se sentaient dépourvus. Maintenant, l'organisme CSST va être au service de sa clientèle. Et c'est fini l'époque ou la période où les gens se sentaient mal à l'aise, bousculés, insultés ou encore traités comme des parias. C'est terminé, cette période. On va avoir, à l'intérieur de cet organisme-là, des professionnels qui vont respecter l'humain. C'est ça qui est fondamental: être capable de respecter l'humain. C'est pour lui que la loi a été faite, c'est pour lui qu'on a créé ces organismes-là.

Aujourd'hui, le moment est venu de simplifier, d'harmoniser, d'innover et de poser des jalons vers peut-être la situation idéale dont rêve le député d'Argenteuil, et moi aussi d'ailleurs. Et je voudrais lui dire un gros merci. Il l'a évoqué tout à l'heure – moi, je ne veux pas revenir là-dessus – on est allé au fond des choses. C'est vrai qu'on s'est bien bagarré, très bien bagarré. Ça nous a fait du bien, tout le monde, d'être capable de prendre un problème, le décortiquer, l'analyser puis le régler. Ça, c'est ce que j'appelle du parlementarisme à mon goût. Remarquez que je suis mal placé pour parler bien longuement parce que je n'ai pas beaucoup d'expérience là-dedans, mais j'ai trouvé ça gratifiant, et ça nous rend un peu plus heureux d'être députés. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Comme il n'y a plus d'autres interventions, le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

Mme Caron: Oui, avec le consentement, j'aimerais déposer un avis touchant les travaux des commissions. Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée que, suite à une entente avec l'opposition, la séance de la commission des affaires sociales qui était prévue de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit le lundi 9 juin 1997 pour étudier le projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, est annulée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la leader adjointe.

Mme Caron: Et, M. le président, je fais une motion qui devrait plaire à l'ensemble des parlementaires en cette Chambre, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mardi 10 juin 1997, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement, il me fait plaisir d'accepter votre motion, et je déclare que les travaux sont ajournés au mardi 10 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 16 h 17)