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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 5 juin 1997 - Vol. 35 N° 112

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures trois minutes)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Veuillez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, nous allons débuter la séance immédiatement par les affaires courantes.

Déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article b de notre feuilleton.


Projet de loi n° 149

Le Président: À l'article b du feuilleton, Mme la ministre de la Sécurité du revenu présente le projet de loi n° 149, Loi portant réforme du régime de rentes du Québec et modifiant diverses dispositions législatives. Mme la ministre de la Sécurité du revenu.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Alors, M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur le régime de rentes du Québec afin notamment d'établir de nouveaux taux de cotisation qui augmenteront progressivement jusqu'en 2003 et de maintenir le montant de l'exemption générale au montant qu'elle atteint pour l'année 1997.

Il établit de nouvelles modalités de calcul de la rente de retraite du bénéficiaire d'une rente d'invalidité et prévoit l'ajustement des gains servant au calcul des prestations en tenant compte de la moyenne des gains admissibles pour les cinq dernières années de la période cotisable.

Par ailleurs, ce projet de loi assujettit toute personne retraitée qui travaille au versement de la cotisation au régime de rentes.

Il autorise la Régie des rentes du Québec à verser rétroactivement, pour une période maximale de cinq ans, la rente de retraite à laquelle avait droit une personne âgée de plus de 65 ans qui n'en avait pas fait la demande.

De plus, ce projet de loi remplace la prestation de décès actuellement établie en fonction des gains du travailleur par une prestation uniforme et précise les modalités de versement de cette prestation.

Il prévoit, en outre, l'évaluation au moins à tous les trois ans de l'application de la Loi sur le régime de rentes du Québec et la tenue, au moins à tous les six ans, d'une consultation publique en commission parlementaire portant notamment sur l'opportunité de modifier les prestations et le taux de cotisation qui y sont prévus.

Enfin, ce projet de loi contient diverses autres modifications concernant l'administration du régime de rentes et le versement des prestations. Il contient également des modifications de concordance et des dispositions de nature transitoire.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents maintenant, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


Rapport annuel du Comité consultatif de l'environnement Kativik

M. Cliche: Oui, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du Comité consultatif de l'environnement Kativik.

Le Président: Alors ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commission, M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 141

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 3 juin 1997 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 141, Loi sur l'Agence de l'efficacité énergétique. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Merci, M. le député. Le rapport de la commission de l'économie et du travail est déposé.

Il n'y a pas de dépôt de pétitions ni d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Ça nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Listes d'attente dans les hôpitaux cet été

M. Johnson: On sait la priorité que représente la santé pour tous nos concitoyens. C'est vraiment leur première préoccupation en tout temps à l'endroit de leurs propres besoins, à l'endroit des besoins que leurs enfants peuvent connaître en matière de santé, à l'endroit, évidemment, des problèmes que peuvent connaître leurs parents, leurs grands-parents. On sait que la santé, le système qu'on s'est donné, qui est enviable et qui devrait le demeurer, est une fierté pour les Québécois et une préoccupation de plus en plus aiguë depuis qu'on sent que, pour le gouvernement, ce n'est pas une priorité, la santé, et il n'y a rien qui peut illustrer ça mieux que, évidemment, le comportement et les choix du premier ministre depuis un mois de se préoccuper davantage de la santé du Bloc québécois que de la santé des Québécois.

Maintenant que la campagne électorale fédérale est finie et maintenant que le premier ministre, dans l'écho de la campagne électorale, s'est simplement limité à reprocher à 62 % des Québécois d'avoir voté pour des partis fédéralistes et à leur promettre qu'ils ne voteront plus jamais au fédéral, là, grand démocrate la main sur le coeur, qu'il n'y aura plus d'élections fédérales ici, au Québec, est-ce que le premier ministre ne pourrait pas finalement refaire de la santé la priorité qu'il prétend toujours y accorder, alors que, dans un exercice de double langage, encore une fois, il dit une chose et il fait son contraire?

Il a dit, il y a 10 mois exactement, que c'était fini, les coupures dans la santé. Il n'a pas dit: À peu près. Il n'a pas dit: Je pense bien. Il n'a pas dit: D'après moi. Il a dit: C'est fini. Mais ce n'est pas vrai, là, ce n'est pas ce qu'on voit. Le ministre de la Santé, depuis deux jours, en ayant recours à un vocabulaire technocratique, nous dit qu'il n'y en pas de fermetures, que c'est juste de la transformation. Il n'y a pas de liste d'attente, c'est des gens mal informés et en voie d'être coordonnés davantage qui sont en cause ici.

Est-ce qu'on peut rappeler au premier ministre que les patients sur les listes d'attente, ils ne veulent pas être coordonnés, ils veulent être opérés, et que c'est ça qui est important? Le ministre devrait bénéficier du soutien du premier ministre et de l'ensemble du Conseil des ministres afin de faire en sorte que, si c'est une priorité pour l'été qui vient, je dirais, de s'attaquer aux listes d'attente... Ce n'est pas un été ordinaire, comme le dit le ministre, qui s'en vient, c'est un été extraordinaire, parce que la situation est extraordinaire au titre des listes d'attente.

(10 h 10)

Est-ce que le premier ministre pourrait s'engager, d'abord, à se préoccuper de la santé comme priorité? D'abord. Deuxièmement, à faire en sorte que, cet été, ça ne soit pas envisagé comme un été ordinaire où on ferme comme d'habitude, alors qu'on sait qu'il y a des milliers de personnes qui vont partir dans le réseau le 1er juillet prochain, que la liste d'attente s'est allongée et qu'en conséquence ça prend des moyens extraordinaires, cet été? De faire en sorte que des blocs opératoires, des salles soient maintenues et qu'on s'attaque tout de suite, comme le premier ministre l'a promis, au problème des listes d'attente, au problème des gens qui attendent des soins de santé et qui attendent que le premier ministre manifeste que la santé, c'est pour lui aussi une priorité, pas seulement pour tous les Québécois?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, j'espère qu'entre le langage qu'on dit technocratique et le langage démagogique on va trouver le bon milieu.

Maintenant que la campagne électorale est finie, ce qu'on va faire, c'est que, après avoir, pendant près de trois ans, malgré tout le manque à gagner dont on doit souffrir... Et c'est là la cause d'abord profonde de notre problème. C'est beau en campagne électorale, on fait le budget puis on annonce qu'on resserre encore puis qu'on coupe encore l'oxygène à toutes les provinces; on part en campagne électorale, on promet qu'on va mettre de l'argent dans le domaine de la santé. Ils l'ont reconnu, eux autres aussi, à Ottawa, que le problème de manque de fonds au niveau des systèmes de santé était dû en bonne partie aux transferts qu'ils ont coupé aux provinces. En campagne électorale, ils en ont fait une promesse, ils avaient compris! Ils ont eu peur.

Alors, on a réussi malgré tout ça à le maintenir et on commence à le consolider, notre système. Ce qu'on va faire, c'est que leurs promesses électorales, ils vont les réaliser. Ils ont dit qu'ils remettraient de l'argent dans la santé et qu'ils nous redonneraient ce qu'ils nous doivent, ils vont le faire. Mais pas avec des programmes nationaux; en nous donnant l'argent pour que les programmes qu'on a mis en place et la consolidation qu'on a commencée on puisse la terminer. Nous, on en a fait une priorité depuis longtemps. S'ils mettent eux aussi leurs priorités à la bonne place, ça va aller, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: En notant qu'on n'a absolument rien appris, ma question était adressée au premier ministre, pas au titulaire de la santé. Ma question était pour le premier ministre pour qu'il manifeste ou s'il comptait manifester que la santé était une priorité pour lui. Ce qui s'en vient cet été, ce n'est pas un été ordinaire, comme l'a dit son ministre. Son ministre ici, en l'absence du premier ministre, depuis quelques jours, pour des raisons d'État, a, lui, décidé que c'était un été ordinaire qui s'en venait, comme si absolument tout était parfait, comme si le Groupe tactique d'intervention, que le premier ministre a nommé, n'avait pas dit que les médecins et les administrations hospitalières lui parlent de problèmes budgétaires. C'est ça qui est en cause. C'est ça qui retarde. C'est ça qui fait allonger les listes d'attente.

Est-ce que le premier ministre pourrait manifester que sa priorité, c'est la santé et se comporter en conséquence, au lieu de continuer à parler un double langage et de dire que ça l'intéresse et de ne rien faire pour régler le problème?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Au moins, c'est une chose sur laquelle nous tombons d'accord avec l'opposition: la santé, c'est évidemment une priorité fondamentale de tout gouvernement, et du nôtre au premier chef, M. le Président.

Dans ce domaine-là, il n'y a pas d'été ordinaire, il n'y a pas de saison ordinaire. Il n'y a jamais rien d'ordinaire pour la santé. C'est une obligation de vigilance constante à laquelle s'astreint le ministre de façon absolument exemplaire.

Deuxièmement, le chef de l'opposition vient encore de faire référence à la campagne électorale fédérale. Moi, je considère – et certainement que plusieurs personnes l'ont remarqué aussi – que l'un des éléments frappants durant cette campagne électorale a été justement le silence coupable du chef de l'opposition, le chef du Parti libéral du Québec, face à ces coups redoublés que le gouvernement fédéral a portés au Québec en coupant terriblement dans les paiements de transferts et en nous obligeant justement à gérer la pénurie budgétaire. Nous le faisons avec beaucoup de doigté, avec beaucoup d'engagement personnel, notamment de la part du ministre de la Santé.

Bien sûr, il y a des choses qu'on doit corriger. Il faut toujours être présent pour s'assurer que les choses se passent correctement. Mais nous notons cependant que, malgré tout ce qu'on nous a coupé au niveau du gouvernement fédéral, malgré ce désengagement, cette indifférence absolument insensible de la part du gouvernement fédéral – qui d'ailleurs lui a valu à peu près les deux tiers des votes contre au Québec, M. le Président – nous avons réussi à maintenir un système de santé qui fait l'envie de beaucoup de gens.

Je rappelle que l'étude de l'Institut Fraser, l'an dernier, a établi que nous sommes les meilleurs au Canada en termes de temps d'attente pour recevoir un service de nature de santé. Nous savons que les listes d'attente, dans le domaine cardiaque en particulier, suscitent beaucoup d'inquiétude et beaucoup d'intensité d'actualité, mais l'analyse que nous faisons, et qui procède des rapports que nous avons obtenus du terrain, fait état du fait qu'il y a d'abord amélioration sur l'ensemble des listes depuis maintenant un an et que dans un cas spécifique, celui de l'hôpital Notre-Dame, il y a un problème, en effet, que nous reconnaissons.

Mais le ministre a fait le tour des capacités à Montréal, du potentiel d'interventions des différents hôpitaux montréalais, et il y a des hôpitaux à Montréal qui sont prêts à recevoir des gens qui sont en attente, présentement. Donc, il s'agit de bien affecter les personnes au bon endroit, donc une meilleure coordination de l'activité.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Contre toute attente, lorsqu'on voit que les travers technocratiques du ministre déteignent sur les réponses du premier ministre, qui vient de nous donner l'écho intégral des propos du premier ministre qui nous parle du personnel qui n'est pas affecté à la bonne place... Autrement dit, les listes d'attente ne sont pas aux bons endroits, les gens ne sont pas malades quand ça fait l'affaire du ministre, les gens ne sont pas malades dans la ville qui fait son affaire à lui non plus. Ce n'est pas comme ça que ça marche, là. Il faut répondre aux besoins.

Est-ce que ce n'est pas des ressources financières d'appoint, à très court terme, qui sont nécessaires pour régler les problèmes de listes d'attente? On n'est pas en train de parler de 500 000 000 $ récurrents par semaine, là. On est en train de parler de mettre certaines ressources financières d'appoint pour que l'été ne soit pas un été ordinaire, comme le dit le ministre. Est-ce que les ressources financières d'appoint ne sont pas disponibles, au moins dans le budget du ministre qui trouve de l'argent pour un club de hockey, Les Harfangs de Beauport? Il pourrait envoyer le député de Limoilou au Stampede de Calgary. Y «aurait-u» moyen de s'occuper des patients qui attendent pour être opérés?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: C'est rendu mêlé pas mal. Si on parle de la santé, il ne faudrait pas que le chef de l'opposition mêle les décisions prises en tant que ministre de la région de Québec et celles prises en tant que ministre de la Santé. Qu'il prenne un dossier à la fois. Ses idées sont déjà assez confuses, là, il ne faudrait pas qu'on se mêle dans nos dossiers.

M. le Président, juste pour que les faits soient clairs, il faut que la population sache qu'il y a des choses qu'on dit qui ne correspondent pas à la réalité. Les listes d'attente au Québec – on l'a démontré; je ne redirai pas tous les chiffres, c'est sûr – ne vont pas en augmentant. À peu près dans tous les domaines, elles vont en diminuant. Le premier ministre vient de rappeler que, à l'automne dernier – puis ce n'est pas nous qui avons commandé l'étude – il y a une étude pancanadienne qui a été faite, et, tous services médicaux confondus, c'est au Québec qu'on attend le moins pour avoir un rendez-vous.

Les ressources dont on a besoin, elles sont là; elles sont sur le terrain. Rajouter des ressources d'appoint... Les ressources d'appoint sont là. Il faut que les gens s'en servent correctement. Pour prendre l'exemple de la chirurgie cardiaque auquel on fait référence, on en fait à huit endroits à Montréal; à Toronto, on en fait à trois endroits. Alors, si on commence à mieux utiliser...

On sait qu'à des endroits, à Montréal, il n'y a pas d'attente. Alors, là, il y a un système d'information régional qui va être en place. Tout le monde va y avoir accès, tous les médecins. Ce système va être même public, il va être sur Internet. Comme l'Ontario fait, on aura notre système de liste d'attente sur Internet, accessible à tout le monde, dans une quinzaine de jours, et les gens sauront les endroits où il n'y a pas d'attente, où il y a moins d'attente. Avant d'injecter quoi que ce soit de plus, il faut qu'on s'assure que ce qu'on a déjà, on l'utilise correctement. Quand on sera en position, quand on va finalement récupérer ce qu'on nous a enlevé, quand Ottawa va s'enlever le pied de sur le tuyau d'oxygène, là, on va savoir où il faut mettre l'argent et comment il faut l'utiliser pour vraiment améliorer le système. Mais il faut d'abord bien utiliser ce qu'on a, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Tout le monde est d'accord qu'on utilise comme il faut et qu'on utilise bien ce qu'on a. C'est justement pour ça que je trouve que de financer les voyages du député de Limoilou, ce n'est pas sur la même échelle que de s'occuper des listes d'attente en chirurgie cardiaque. C'est la même chose pour annoncer dans les journaux aux gens de Rimouski qu'ils devraient magasiner à Québec, comme le fait le ministre de la Santé. C'est son budget qui sert à ça, ce n'est pas des farces, là!

(10 h 20)

Est-ce que le ministre ne reconnaît pas... Et le premier ministre ne comprend pas que, justement, ce qui est en cause ici, dans le rapport du Dr Michel Tétreault, entre autres, c'est le manque de ressources. Ce n'est pas qu'elles ne sont pas à la bonne place, c'est justement le manque de ressources. C'est qu'on voit que les priorités du gouvernement, autant dans l'emploi du temps du premier ministre depuis un mois que dans le genre de dépenses qu'on fait, qu'on pourrait qualifier de somptuaires, dans les circonstances, d'exagérées. C'est exagéré d'aider un club de hockey quand les gens attendent pour se faire opérer. Y «a-tu» quelqu'un qui va se rentrer ça dans la tête, là? Voyons donc!

Est-ce que le premier ministre ne trouve pas qu'à l'approche d'un été, qui n'est pas un été ordinaire, lorsqu'on dit que les ressources ne sont pas là, ce n'est pas qu'elles sont mal utilisées, elles ne sont pas là? Des centaines d'infirmières dans les blocs opératoires vont quitter le 1er juillet pour acheter la paix avec les syndicats. C'est ça qui se passe pour vrai avec l'argent des autres, l'argent des contribuables. Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte que ce ne sera pas un été ordinaire et qu'en conséquence il faut mettre des ressources de façon exceptionnelle pour régler un problème qui est un problème réel, qui n'est pas un problème qui se règle sur papier comme veut le faire le ministre, mais qui se règle avec des ressources mises à la bonne place au lieu de la mauvaise place, comme le ministre le fait actuellement?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: On va d'abord préciser la question des dépenses somptuaires. Encore une fois, l'argent utilisé était pour des fins de loisirs et d'éducation de jeunes dans le domaine d'un sport qui est le hockey. C'est pour ça que ça a été utilisé, et c'était pas mal mieux utilisé que pour faire un grand spectacle parlant de dépenses somptuaires à la population, pour essayer d'annoncer ce qu'on va faire. Nous, on le fait par les moyens normaux, M. le Président.

L'exemple de déformation, il est patent, M. le Président. Quand on a dit hier, quand j'ai dit, en réponse aux questions de l'opposition, que j'avais le plus grand souci d'assurer la population et les patients, et qu'on a la plus grande collaboration de tout le réseau de la santé et des services sociaux pour s'assurer que, même s'il y a un remplacement de personnel qui va se faire à la fin du mois, l'été sera ordinaire et normal, ça va se passer normalement, il n'y en aura pas moins.

Ce qu'on disait hier, c'est qu'il va y avoir moins de ressources, moins de services parce qu'on fait un remplacement de personnel. Ce que j'ai bien expliqué à la population: Non, ça va se passer comme ça se passe d'habitude; ça va être normal. Donc, ça ne sera pas normal parce que ça va être normal, c'est ça qu'on essaie de nous dire. C'est vraiment ne pas vouloir comprendre ou ne pas pouvoir comprendre.

Parlant du rapport du GTI, de M. Tétreault. Le Dr Tétreault, ce qu'il nous dit, si on veut référer à son rapport, ses recommandations: Solutions proposées à court terme: d'abord recruter des anesthésistes au CHUM, au campus de Notre-Dame; deuxièmement, assurer une meilleure coordination des activités sur les trois pavillons du CHUM; troisièmement, mettre en place une liste d'attente, un système d'information pour la liste d'attente; et, finalement, ce qu'on nous recommandait, c'est qu'à moyen terme il faudra regarder comment on utilise bien nos huit sites qu'on a à Montréal de façon coordonnée, s'il y a de la consolidation à faire. C'est ça que le rapport technique nous a recommandé et c'est ce qu'on a fait, M. le Président. On déforme complètement même des rapports de spécialistes, il faut aller loin, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: C'est pourtant inscrit noir sur blanc. J'ai cité directement que, pour des campus, il y a des problèmes de ressources, d'inexistence de ressources; ce n'est pas que les ressources ne sont pas à la bonne place.

Est-ce que le ministre ne se rend pas compte, et le premier ministre s'il pouvait sortir de son mutisme là-dessus, justement que ce qu'on dit et ce qu'on voit, c'est que tout le monde a exactement la même opinion et le même diagnostic. C'est seulement le ministre qui prétend que lui a le «coil». C'est seulement lui qui pense qu'il a raison. Est-ce que tout le monde, tout le monde, tout le monde, c'est des plaignards, sauf lui qui a la vérité incarnée ou autrement?

Est-ce qu'on ne se rend pas compte, ici, de ce qu'il faut à la veille de l'été, qu'on s'en va vers une situation exceptionnelle cet été qu'on le veuille ou pas, que, si c'est un été ordinaire, ce n'est pas des listes d'attente et des problèmes même technocratiques de coordination ordinaires qui sont en cause, qu'il y a un problème réel à régler? Est-ce que le ministre et le premier ministre vont finalement arrêter de dire que tout est comme d'habitude, alors qu'ils ont promis qu'ils donneraient toute leur attention à la santé, qu'ils n'ont pas l'air de s'en occuper, sauf par technocrates interposés?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je vois bien, et tout le monde le voit, que le chef de l'opposition tente de créer une panique estivale. Il est évident que c'est un effort un peu désespéré, mais, en fin de semaine dernière, comme nous l'avions annoncé, le ministre et moi, nous avons lancé une opération de vérification très attentive sur le terrain, directe, personnalisée, avec des gens qui sont spécialistes, pas des gens qui sont habitués à crier, à faire de la rhétorique et à énerver le monde, mais des gens qui sont des spécialistes de ces questions et qui sont allés voir sur le terrain, qui ont vérifié et qui ont fait un rapport. Alors, le rapport qui est fait, c'est celui sur lequel le ministre s'appuie, sur lequel le gouvernement s'appuie pour mettre en oeuvre les moyens de redresser la situation dans la mesure où il faut le faire.

Et le ministre vient de le rappeler et je le souligne – ça, c'est la conclusion des travaux de la fin de semaine dernière à la suite de conversations directes et de vérifications personnelles sur le terrain – les spécialistes en la question nous disent: Premièrement, ce que vous devez faire tout de suite, c'est qu'il faut engager des anesthésistes. Qu'avait dit le ministre durant la semaine d'avant? Qu'il y avait un problème d'anesthésistes à Notre-Dame. Le rapport nous dit: Première conclusion, il faut engager à court terme des anesthésistes additionnels à Notre-Dame.

Deuxièmement, qu'est-ce qu'on nous dit? On nous dit: Il faut une meilleure coordination. On nous dit qu'il faut une meilleure coordination parce qu'il y a des hôpitaux, à Montréal, qui ont une très courte liste d'attente. Il y en a même qui, je pense, sont presque en attente de patients. Il y a un hôpital en particulier, c'est l'Hôpital général, qui est à très court terme et il y en a d'autres qui – c'est le cas de Notre-Dame, surtout le cas de Notre-Dame – ont une trop longue liste. Il faut donc qu'on envoie les gens à la bonne place et qu'il y ait une meilleure distribution, une meilleure coordination des activités de chirurgie cardiaque dans la région de Montréal. C'est la deuxième recommandation.

La troisième qui découle de la deuxième, c'est qu'il faudrait avoir une liste d'attente globalisée. Il faudrait que les gens puissent voir exactement où on doit aller tout de suite, comme on fait dans tous les services du monde, et le ministre est en train de procéder à la mise en place de cet instrument nouveau de gestion qui va contribuer également à améliorer la situation.

Le Président: En complémentaire?

Une voix: En principale.

Le Président: En principale.

M. Paquin: En principale sur le même sujet, M. le Président.

Le Président: Sur le même sujet, M. le député de Saint-Jean.

M. Paquin: En principale.

Le Président: En principale. Alors, M. le député de Saint-Jean.


Coordination des activités de chirurgie cardiaque par l'établissement d'une liste d'attente globalisée

M. Paquin: Alors, M. le Président, il y a des hôpitaux au Québec qui ont vécu le virage comme les autres, mais qui ont bien performé et qui ont su développer un très haut niveau de performance même. Je voudrais, par exemple, mentionner l'Hôpital du Haut-Richelieu qui est actuellement, pour l'ensemble de ses services, toujours en première, deuxième ou troisième position, et l'ensemble des traitements qui sont donnés dans cette institution de haute qualité en font un hôpital de première position au Québec. Le directeur des services médicaux de l'Hôpital nous disait cette semaine que, constamment, d'avoir cinq à 10 patients qui doivent attendre en moyenne six semaines pour des chirurgies cardiaques, c'est énorme. Ça ne pose pas seulement des problèmes humains pour les personnes, mais aussi des problèmes administratifs. Il n'y a pas si longtemps, on les opérait, ce type de clients là, à l'intérieur d'un délai de deux semaines. Et là, actuellement, on aura à réaliser, vis-à-vis des départs assistés, des économies qui pourront être difficilement réalisées dans ces institutions-là et qui donc pourraient amener des difficultés artificielles de déficit.

Tout ça étant, on a, à Saint-Jean, M. François Turcotte, M. André Martineau, M. Bernard Joly, M. Fernand Saint-Pierre que j'irai visiter ce week-end, ainsi que M. Fernand Lessard, d'Alma, qui est coincé depuis 70 jours à Saint-Jean. Moi, ce que je veux savoir, c'est: À l'époque où les vacances s'en viennent au niveau des hôpitaux et dans les conditions qui ont été expliquées tantôt dans la question précédente, je voudrais que le ministre me dise qu'est-ce que je vais dire à ces gens-là quand je vais aller les visiter en fin de semaine? Est-ce que, éventuellement, dans un délai raisonnable à partir de maintenant, on pourra résorber ces listes d'attente là et solutionner leur problème humain important?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

(10 h 30)

M. Rochon: Alors, M. le Président, cette question va permettre d'expliquer encore avec plus de visibilité ce que d'ailleurs le directeur des services professionnels de l'hôpital du Haut-Richelieu disait hier, qu'il reconnaissait que les décisions – je n'ai pas la citation de l'article de journal devant les yeux, mais je pense que je paraphrase assez correctement – qu'il appréciait l'ouverture qui était faite par le ministre. Il trouvait qu'il y avait là un pas dans la bonne direction pour trouver une solution.

Aux patients qui attendent depuis quelque temps et qui sont justement victimes de cet engorgement à un endroit – parce que l'hôpital du Haut-Richelieu, à ce qu'on m'a expliqué, référait tous ces cas à un endroit où la liste d'attente est la plus longue – avec le mécanisme qui est mis en place dans les prochains jours – et c'est ça qui est la réponse qu'on peut faire – ces gens-là peuvent comprendre qu'on a vraiment eu à coeur le type de situation dans laquelle ils sont et que leur médecin a déjà probablement ou peut déjà prendre contact avec les différents endroits où il se fait de la chirurgie à Montréal, tous des endroits très spécialisés, et voir à ces endroits, justement, où présentement il y a très peu d'attente ou même pas d'attente du tout, à faire les arrangements, le médecin de ces patients, votre médecin va pouvoir parler aux chirurgiens, les chirurgiens vont pouvoir voir entre eux. Et, dans les prochaines semaines, il n'y a pas de raison qu'à Montréal des gens qui attendent depuis longtemps, dont l'état demanderait une intervention rapidement, elle ne puisse pas être faite.

Alors, je peux rassurer ces gens-là qu'avec la collaboration de tout le monde, le mécanisme qu'on a mis en place, la collaboration que vont donner l'ensemble des centres de Montréal pour mieux travailler ensemble, y compris d'abord les trois pavillons du CHUM, ces gens-là peuvent être rassurés qu'ils sont arrivés au bout du tunnel et qu'ils vont avoir les traitements dont ils ont besoin, des traitements de haute qualité, peu importe où ils leur sont donnés à Montréal, M. le Président. On est toujours dans la même ville.

Le Président: M. le député.

M. Paquin: M. le Président, dans un hôpital qui a déjà atteint les cibles des années 2000 au niveau de la performance, est-ce que le ministre a envisagé que de telles institutions... Il y en a de plus en plus sur le territoire. Le fait que dans d'autres milieux ou en aval de ces institutions-là il y a des engorgements, il y a des blocages, il y a des difficultés à gérer les nouvelles réalités, ça a comme effet de faire un barrage, d'engorger beaucoup et, à ce moment-là, de causer des problèmes importants dans des institutions performantes, et ce, pas toujours à la marge. Alors, de quelle façon est-ce qu'il entend désengorger ces situations-là et faire en sorte que le flux de clientèle d'une institution à l'autre soit plus favorable?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, le député qui suit très bien ces questions est au courant, je le sais, et pourra apprécier l'information que je lui donne ou que je lui confirme. Présentement, tous les centres universitaires et surspécialisés développent leurs services à travers tout un réseau et en se mettant vraiment en réseau avec les hôpitaux régionaux et les hôpitaux principaux dans les différents endroits du Québec. Les grandes difficultés qu'on a, comme celles qui sont soulignées présentement, c'est qu'on avait et on a encore malheureusement des hôpitaux qui, parfois, sont trop isolés dans leur fonctionnement et ne sont pas intégrés dans un réseau où les différents niveaux de soins sont actifs au moment où les disponibilités sont là et qui correspondent aux besoins des patients.

La solution, elle est dans ce sens-là et les gens travaillent à ça. Alors, dans la prochaine année, je suis convaincu que l'Hôpital du Haut-Richelieu va compléter ses arrangements pour être mieux lié aux différents endroits et va être capable d'être mieux informé, comme tous les autres au Québec, pour savoir où faire les références, parce que, quand il y a un engorgement à une place, il y a toujours de la disposition ailleurs. Alors, c'est beaucoup plus un problème de coordination et d'utilisation des ressources.

Ceci dit, un système de santé peut toujours utiliser plus de ressources à bon escient. C'est sûr que quand on aura restabilisé ce réseau-là – ce qui est après se faire comme consolidation présentement – quand on sera à une époque où on pourra réinvestir, et développer plus, et en donner plus, le gouvernement, qui a fait une priorité de la santé, va nécessairement vouloir améliorer encore plus. Mais, pour ça, il faut le dire, où il est le vrai problème. Il faut régler le problème où il est, parce qu'on ne peut pas dépenser l'argent qu'on n'a pas et il va falloir récupérer ce qu'on nous a enlevé – et qu'on essaie encore de nous enlever – pour que l'amélioration puisse se faire. Mais, avec ce qu'on a, on peut encore faire de l'amélioration et c'est après se faire, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, en complémentaire, au premier ministre. Est-ce que le premier ministre ne vient pas de remarquer que ça fait deux fois en deux semaines que des membres de son propre caucus expriment à leur façon, de façon spécifique, ce qu'on appelle des cas de comté mais qui ont des répercussions régionales, c'est le moins qu'on puisse dire, exactement le même genre de préoccupations qu'on allègue ici de façon générale? Ce qu'on allègue ici, c'est qu'on traite chaque établissement comme s'ils étaient tous de la même façon, quel que soit leur niveau de performance, quelle que soit leur histoire, quelle que soit leur imbrication dans le milieu, quelles que soient les traditions de soins qu'on y retrouve, c'est un modèle technocratique qu'on est en train d'imposer alors que ce qu'il faut dans la santé, c'est de marier les établissements et les ressources aux besoins des gens et non pas aux besoins technocratiques du titulaire du ministère de la Santé.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le ministre a répondu de façon tout à fait adéquate et très spécifique à la question de son collègue. Le collègue a exprimé la préoccupation qui est véhiculée par l'Hôpital du Haut-Richelieu à l'effet qu'il y a là des patients qui sont depuis longtemps en attente de chirurgie cardiaque. Nous savons, et le ministre l'a rappelé avec beaucoup de clarté, que cet hôpital a l'habitude de traiter uniquement avec Notre-Dame alors que c'est là qu'est le problème, que c'est là qu'est l'engorgement. Alors, l'hôpital est invité à adresser ses patients ailleurs, où ils seront reçus très rapidement. Voilà la réponse, M. le Président.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent, en principale.


Détournement de rivières dans le bassin de la Bersimis

M. Cherry: Merci, M. le Président. Les 9 et 10 avril dernier, la commission de l'économie et du travail a questionné Hydro-Québec sur les niveaux d'eau de ses réservoirs, information qui, dans le passé, était toujours disponible. Mais, bien sûr, dans le nouveau langage de la société d'État, en raison de contexte d'affaires de l'entreprise – en d'autres mots, la déréglementation – ces renseignements sont maintenant considérés comme strictement confidentiels. N'eût été des informations rendues publiques hier par Le Devoir , les Québécois seraient toujours dans l'ignorance.

Les faits, M. le Président, sont que un mois avant que débutent les travaux que je viens de souligner, soit le 14 mars dernier, Hydro-Québec avait officiellement déposé au ministère de l'Environnement et de la Faune un projet de détournement de rivière, que même lundi dernier les arpenteurs étaient déjà au travail sur le terrain. Force est de constater, M. le Président, que et le ministre des Ressources naturelles et le président d'Hydro-Québec savaient mais n'ont pas parlé.

Ma question: Pourquoi les membres de l'Assemblée nationale et la population ont-ils été tenus dans l'ignorance de ces faits et pourquoi le ministre ne tient-il pas un débat public sur les impacts de la déréglementation, tel que demandé par de nombreux intervenants, plutôt que l'ensemble des Québécois se retrouvent devant des faits accomplis et les conséquences possibles, comme nous l'apprenions hier? Pourquoi, M. le Président, avoir caché la vérité?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, il y a trois éléments de question dans les propos du député de Saint-Laurent. Le premier. Il soutient qu'on cache des informations par la demande de projet d'étude de préfaisabilité de détournement partiel de quatre rivières pour le bassin de la Bersimis. Ça, M. le Président, c'est loin d'être caché, c'est un décret public. On a voulu profiter de la crue du printemps pour connaître les débits de printemps. Ça n'enlève en rien les obligations d'Hydro-Québec – et mon collègue de l'Environnement pourra en témoigner – de se soumettre à toutes les études d'impact possibles du ministère de l'Environnement. Ça, c'est la première des choses.

Deuxième des choses. Les débits à l'intérieur des bassins dûment constitués et répondant à toutes les normes environnementales, c'est ça qu'on a demandé de ne pas publier. Pourquoi? C'est fort simple. Si on dit qu'on a 18 pi d'eau de trop dans les bassins, on va avoir tout un prix sur le marché de la vente. On dit que ça devient une pratique commerciale. C'est ne rien cacher aux Québécois ça que d'utiliser au maximum le potentiel des bassins pour avoir les meilleurs prix. Il me semblait qu'une formation politique aussi forte sur le plan économique que le Parti libéral pourrait comprendre ça d'entrée de jeu.

(10 h 40)

Troisième élément de réponse. Il dit qu'on veut cacher le débat sur la déréglementation. Le député a lui-même assisté à la commission parlementaire créant la Régie. Croyez-le ou non, il a voté l'article 134 à l'unanimité avec nous autres. Croyez-le ou non, c'est de déréglementer exclusivement 2 % du marché du gros pour les neuf réseaux autonomes. Il a voté pour ça, il sait que c'est ça, et là il dit qu'on cache le débat sur la déréglementation. La Régie, qui est mandatée en vertu des articles que vous avez adoptés à l'unanimité, fera le débat public sur la déréglementation du détail. C'est là qu'on va avoir toute la possibilité... groupes de consommateurs, producteurs privés, le Parti libéral – j'espère qu'ils vont participer véritablement – environnementalistes, écologistes, tous ceux que vous voudrez, vont pouvoir faire le débat. C'est la Régie qui est mandatée. Elle entre en fonction le lundi 9. Laissez-lui le temps de s'installer. Vous participerez au débat, et j'espère que votre chef sera plus éloquent que durant la campagne électorale fédérale.

Le Président: M. le député de Saint-Laurent.

M. Cherry: M. le Président, pourquoi le ministre, qui a bien détaillé la question, a-t-il omis d'y répondre? Parce que la question est pourtant bien claire. Il est venu lui-même. C'est lui qui a ouvert... Le 9 avril, il a pris 20 minutes de la période du comité pour faire son intervention. Les deux jours qui ont suivi, le président d'Hydro-Québec était présent. Et ma question, c'est pourquoi ni lui ni le président d'Hydro-Québec qui, un mois avant que ne débutent ces travaux-là, avait déjà déposé une demande... Pourquoi ni lui ni le P.D.G. n'ont pas informé les élus de cette Chambre? Pourquoi a-t-il caché ça, M. le Président? C'est ça, ma question.

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, le Parti libéral du Québec a assisté au Sommet économique. Au Sommet économique, le président d'Hydro-Québec est venu annoncer qu'il y aurait l'amélioration du bassin de la Bersimis. Il n'a peut-être pas dit que c'était la rivière de chute aux Rats, la rivière Boucher, la rivière Manouane ou l'autre dont je ne me rappelle plus.

Une voix: Sault-au-Cochon.

M. Chevrette: Sault-au-Cochon. Quatre rivières: détournement partiel, amélioration. C'est connu depuis le mois d'octobre, et là le Parti libéral dit: Comment ça se fait que vous ne nous avez pas dit ça? Bien, c'est parce que vous n'avez pas écouté. C'était un projet du Sommet économique. Ceci dit, M. le Président, est-que qu'Hydro-Québec serait responsable si jamais elle ne voulait pas améliorer le contenu d'un bassin à 0,012 $ le kWh pour faire de l'argent, pour créer des emplois, pour faire en sorte qu'on puisse réinvestir dans l'économie du Québec? Ils ont participé à la création de la Régie. Avez-vous remarqué qu'il n'a plus reparlé de la déréglementation dans sa deuxième question? Parce qu'il vient de découvrir qu'il va pouvoir y participer, et, comme ils n'auront rien à dire, comme d'habitude, ils vont laisser faire le débat par les autres.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion, en complémentaire.

M. Sirros: En additionnelle, d'abord, M. le Président. Est-ce que le ministre des Ressources naturelles convient avec nous que ça serait la première fois dans l'histoire du Québec et d'Hydro-Québec qu'on va détourner nos rivières – et il n'y a pas de limite à ça – par rapport non pas à nos besoins à nous, mais par rapport aux visées commerciales d'Hydro-Québec à ce moment-ci?

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, je suis persuadé que la majorité des membres de cette Chambre vont comprendre que demander l'autorisation de faire des études ne présume en rien des études d'impact qui se feront par la suite et ne présume en rien de la décision gouvernementale qui devra se prendre par la suite. On est rendu qu'on fait des discussions sur de l'appréhension, et, comme ils ont peur d'avoir peur, c'est ce qui arrive.

M. Sirros: J'ai une question pour lui, M. le Président.

Le Président: Je pense que c'est une pratique admise depuis longtemps, dans la mesure où ça reste dans la période de temps impartie à une réponse normale, le gouvernement a le loisir de choisir plus d'un titulaire de portefeuille. Alors, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune, en complément de réponse. Rapidement.

M. Cliche: Bien, tout simplement pour dire, M. le Président, que, dans ce cas-ci, la loi va s'appliquer comme elle s'applique aux autres projets de développement. Ça fait 20 ans qu'il y a des projets de développement hydroélectrique qui sont soumis à la Loi sur la qualité de l'environnement, et ce projet-là suit son cours normal. Il y a eu un avis de projet de déposé, il y a des directives préliminaires qui ont été remises à Hydro-Québec, Hydro-Québec prépare son étude d'impact, et, lorsqu'elle sera complétée et jugée recevable, elle sera soumise, avec la description du projet, à la consultation du public. Si, à cette étape le public veut que le Bureau d'audiences publiques tienne des audiences, il y aura des audiences, et, ensuite, la recommandation quant à la décision sera soumise au Conseil des ministres, comme ça se fait depuis 20 ans, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Laurier-Dorion.


Information de la population sur le niveau d'eau des barrages

M. Sirros: En principale, sur le même sujet, M. le Président. Hier, effectivement, comme on l'a souligné, on apprenait dans Le Devoir que la ruée vers l'eau, ce n'est pas juste une question d'embouteillage, qu'Hydro-Québec veut, dans l'immédiat, détourner six rivières. Quatre immédiatement, de façon très pressée.

Et le ministre de l'Environnement, lui, hier, disait catégoriquement, et je le cite: «Si Hydro-Québec veut ouvrir ses vannes, il devrait ouvrir ses livres au ministre de l'Environnement qui, de son côté, ouvrira les siens au grand public.» Il nous assurait, M. le Président, que le niveau des barrages, élément essentiel de la demande d'Hydro-Québec, serait rendu public. «Il faut que le public sache à quoi s'en tenir», disait-il.

Dans les minutes qui ont suivi, son collègue, le ministre des Ressources naturelles, lui, disait qu'il n'était pas question qu'Hydro-Québec justifie ses détournements en parlant publiquement du niveau des barrages. Il vient de le redire. «Des fois, disait-il – en parlant du ministre de l'Environnement – il y a des excès dans les missions que certains se donnent, mais ça va se replacer. Chacun dans sa cour. En harmonisant nos interventions dans chacune de nos juridictions, ça va aller beaucoup mieux.»

Ma question ce matin, M. le Président, au ministre de l'Environnement: Peut-il nous assurer que sa cour, c'est la cour de la transparence? Que sa cour, c'est là cour de toute la vérité? Que sa cour, c'est la cour de l'attachement des Québécois à la protection de l'eau, de nos rivières, et qu'il maintient aujourd'hui tous les éléments de ce qu'il a dit hier?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: Oui, M. le Président. La réponse à ça, c'est oui. Sauf que le député de l'opposition, le critique officiel omet de dire une chose importante qui est rapportée dans mes propos, c'est pour les projets qui sont soumis au ministère de l'Environnement. Il est évident que, lorsque nous allons étudier éventuellement ce projet de détournement des rivières, qui vise à amener de l'eau de façon supérieure dans le bassin du réservoir de la Bersimis, c'est sûr qu'on va étudier les débits d'eau. C'est sûr qu'on va étudier les impacts environnementaux, les impacts sociaux sur ce détournement de rivière. C'est ce que j'ai dit hier et c'est ce que je redis aujourd'hui.

Il n'y a rien de nouveau là. Lorsqu'un promoteur dépose un avis de projet, il rend ce projet public via le ministère de l'Environnement et de la Faune, de même que son étude d'impact. C'est la pratique et c'est l'essence du processus d'examen et d'évaluation des projets, processus public. Si un promoteur veut déposer un avis de projet, il doit, par la même occasion, ouvrir ses livres en ce qui concerne son projet au ministère de l'Environnement qui, alors, en informe le public. Donc, je redis exactement ce que j'ai dit hier: Pour les projets qui sont soumis au processus d'examen et d'évaluation, la loi s'appliquera comme elle s'applique depuis 20 ans. Les Québécois sont fiers de cette loi et cette loi va s'appliquer parce qu'elle permet de faire la lumière et elle permet de concilier le développement économique et l'environnement dans une perspective de développement durable, M. le Président.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: M. le Président, est-ce que le ministre de l'Environnement va faire comme ça a toujours été le cas depuis 20 ans, divulguer publiquement le niveau des barrages? On n'a pas parlé de débit, on n'a pas parlé de détournement partiel ou complet, on vous demande le niveau des barrages. M. le Président, est-ce que le ministre comprend que, si on est pour justifier un détournement de rivière pour remplir l'eau, il faut qu'on le fasse en fonction de quoi? En fonction de nos demandes d'électricité depuis 20 ans. Est-ce qu'on a changé cette façon de faire au ministère de l'Environnement?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: M. le Président, mon collège a été très clair: Hydro-Québec est assujettie aux lois et aux directives du ministère de l'Environnement. Ce que le député semble ignorer – et lui aussi était à la commission et a voté pour la loi – dorénavant, Hydro-Québec ou n'importe quel producteur devra justifier ses travaux en fonction de la demande, devant la Régie. Vous avez voté pour ça. M. le Président, les libéraux ont voté pour ça à l'unanimité. Aujourd'hui, ils disent: Qu'est-ce qu'il va arriver? Bien, il va arriver qu'Hydro-Québec sera contre-expertisée par une Régie et ça va se faire de façon très transparente, sans contrat secret, comme vous avez fait le temps que vous avez été là.

(10 h 50)

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: N'est-il pas exact, M. le Président, qu'on pourrait commencer à parler de détournement de la vérité?

Une voix: Non, M. le Président.

M. Sirros: M. le Président...

Le Président: M. le député.

M. Sirros: Est-ce que le ministre peut sortir de sa cour, où il a été renvoyé, et reparler, M. le Président, et répondre à cette question: Est-ce que le ministère de l'Environnement va autoriser les détournements des rivières sans savoir le niveau des barrages et le rendre public, si le niveau des barrages justifie, pour nos besoins, ces détournements?

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Cliche: Je pense que le critique officiel de l'opposition en matière d'Environnement a de la misère à comprendre le nouveau processus qui a été mis en place par cette Assemblée dans le domaine de l'énergie. La Régie de l'énergie, que ce soient les projets au niveau de l'énergie gazière, au niveau de l'énergie électrique, hydroélectrique, recevra les projets, l'ensemble des projets, et prendra des décisions sur la justification énergétique correspondant aux besoins énergétiques par rapport à ces projets.

Ce que je vous dis, c'est que la Loi sur la qualité de l'environnement, elle, n'a pas été modifiée aucunement par la mise en place de cette Régie qui a été demandée par l'ensemble des intervenants dans le milieu. Pour ce qui est des projets soumis à la Loi sur la qualité de l'environnement, les études de débits dans les réservoirs évalués dans les rivières détournées, ceci fait partie du projet, de l'avis de projet, des études d'impact, et toutes les informations relatives aux projets soumis à la Loi sur la qualité de l'environnement, comme ça a toujours été le cas, seront soumises à la consultation publique et pourront elles-mêmes être débattues en public, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Frontenac, en principale.


Propos du Vérificateur général sur l'administration des sentences imposées par les magistrats

M. Lefebvre: M. le Président, il y a plus ou moins un an, le ministre de la Sécurité publique – lui qui a, au premier chef, la responsabilité de protéger les citoyens – a servilement accepté une commande du Trésor de récupérer 16 000 000 $ et a alors fermé cinq prisons, éliminant plus ou moins 300 places. Tout ça, de façon précipitée, de façon absolument confuse, M. le Président.

Conséquences: on le réalise aujourd'hui, ça déborde dans les prisons, on libère de façon illégale autant les absences temporaires que les absences définitives, les sentences des juges ne sont pas respectées, le système judiciaire est bafoué, la sécurité des citoyens, M. le Président, n'est pas protégée.

Cette situation a été dénoncée par l'opposition, par Richard Pelletier, directeur du Centre de détention de Québec, par des ex-agents de la paix dans les centres de détention du Québec, M. le Président. Le ministre a toujours nié, a toujours prétendu que tout allait bien.

Qu'est-ce que répond le ministre au Vérificateur général? En espérant que, lui, il le respecte un peu plus que le vice-premier ministre. Que répond-il au Vérificateur général qui disait ceci – son rapport est tombé hier, M. le Président: «Compte tenu d'un nombre de places limité dans les établissements de détention par rapport aux condamnations à l'emprisonnement imposées par les tribunaux, le ministère ne respecte pas intégralement les peines prévues»? C'est ça, de la liberté illégale, M. le Président. Que répond le ministre au Vérificateur général du Québec, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui, M. le Président. Que les centres de détention soient, au Québec, sollicités au maximum, je pense qu'il n'y a là rien de nouveau. J'en veux pour preuve, M. le Président, simplement un article de journal, publié en 1992, où M. Ryan admettait que les centres de détention au Québec sont surpeuplés.

La vraie question, M. le Président...

Le Président: M. le ministre.

M. Perreault: Dans une société comme la nôtre, dans quel sens nous voulons établir les réformes? Il faut se rappeler que le Québec est, parmi les sociétés occidentales, l'une des sociétés qui emprisonnent le plus: cinq fois plus que des pays comme l'Allemagne, l'Angleterre et la Suède.

Donc, M. le Président, la vraie question, c'est: Dans quel sens voulons-nous aller? Nous avons, là-dessus, annoncé les couleurs. Nos intentions sont de faire en sorte que l'incarcération soit une mesure de dernier recours. D'ailleurs, le rapport du Vérificateur me donne raison en soulignant comment l'ensemble du système des amendes, de perception des amendes fait en sorte qu'actuellement plus de 10 % des places dans nos centres de détention – c'est les chiffres du Vérificateur, les nôtres étaient un peu inférieurs à ceux-là – sont occupées pour des questions de non-paiement d'amende. Et nous disons – je l'ai dit au mois de mars – qu'il est important de corriger cette situation.

Maintenant, M. le Président, l'Allemagne a pris près de 10 ans à corriger cette situation, nous avons entrepris ce virage depuis quelques mois seulement. J'ai bien l'intention de maintenir le cap, et nous allons le réussir.

Le Président: Je m'excuse, M. le député de Frontenac, l'article 213 ne s'applique pas à la période des questions et des réponses orales.

Une voix: L'article 213 s'applique...

Le Président: Pardon? Je m'excuse. Je pense que, comme vétéran dans cette Chambre, vous savez très bien que l'article 213 ne peut pas s'appliquer à la question.

Alors, ça met fin à la période des questions et des réponses orales aujourd'hui. À l'ordre, s'il vous plaît!

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.

Nous allons passer à l'étape des motions sans préavis. Il n'y a pas de motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

Mais, auparavant, je demanderais aux collègues qui doivent quitter l'enceinte du salon bleu de le faire rapidement, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission des affaires sociales procédera à des consultations sur le projet de loi n° 144, Loi sur les prestations familiales, et le projet de loi n° 145, Loi sur le ministère de la Famille et de l'Enfance et modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 22 h 15, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 138, Loi modifiant la Loi sur les loteries, les concours publicitaires et les appareils d'amusement, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 21 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 150, Loi sur le ministère de l'Emploi et de la Solidarité et instituant la Commission des partenaires du marché du travail, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'aménagement du territoire procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 92, Loi sur la Commission de développement de la métropole, aujourd'hui, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 96, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail concernant la durée de la semaine normale de travail, aujourd'hui, de 22 h 30 à minuit, à la salle du Conseil législatif.

(11 heures)

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.


Avis de sanction

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, moi, je vous avise qu'il y aura sanction de plusieurs projets de loi au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur aujourd'hui, à 15 heures.


Affaires du jour

Alors, s'il n'y a pas d'autres renseignements, M. le leader du gouvernement, aux affaires du jour.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 34 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 140


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: Alors, à l'article 34 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement du territoire sur le projet de loi n° 140, Loi modifiant la Loi sur la sécurité dans les sports. Alors, est-ce qu'il y a des interventions?

Une voix: Non.


Mise aux voix du rapport

Le Président: Alors, le rapport de la commission de l'aménagement du territoire est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: L'article 32, M. le Président.


Projet de loi n° 112


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: À l'article 32, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement du territoire sur le projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Est-ce qu'il y a des interventions? Est-ce que le rapport de la commission est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.


Motion d'amendement aux références contenues dans le projet de loi conformément à l'entrée en vigueur de la mise à jour des Lois refondues

Mme Caron: Oui, M. le Président, concernant cette prise en considération du rapport, nous avons une motion à déposer. Il s'agit de: «Procéder à l'ajustement des références contenues dans les articles du projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités, afin de tenir compte de l'entrée en vigueur, le 1er mai 1997, de la mise à jour au 1er mars 1996 de l'édition sur feuilles mobiles des Lois refondues du Québec, décret n° 568-97 du 30 avril 1997.»


Mise aux voix

Le Président: Écoutez, s'il y avait consentement, on pourra faire les écritures pour introduction, mais il faut d'abord qu'il y ait consentement, là. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, oui, ça va.

Le Président: Il y a consentement. Ça va.

M. Paradis: Il y a consentement.

Le Président: Alors, à ce moment-là, on fera les écritures nécessaires en fonction de l'entente qui est intervenue.


Mise aux voix du rapport amendé

Donc, est-ce que la motion... en fait, le rapport de la commission est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 27 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 79


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée et des amendements du député d'Argenteuil

Le Président: À l'article 27... un instant. Très bien. Alors, l'Assemblée prend en considération cette fois le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, ainsi que les amendements transmis, en vertu de l'article 252 du règlement, par M. le député d'Argenteuil. Alors, ces amendements sont déclarés recevables, d'abord. Est-ce qu'il y a des interventions sur les amendements? M. le ministre du Travail?

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre, vous pouvez parler à la fois sur les amendements et le rapport de la commission. Ça va? Oui, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Est-ce qu'on peut avoir une petite suspension de nos travaux, s'il vous plaît?

Le Président: Oui, on va faire ça. Alors, nous allons suspendre quelques instants, le temps de faire des ajustements nécessaires pour poursuivre nos travaux.

(Suspension de la séance à 11 h 4)

(Reprise à 11 h 14)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous étions à l'article 27 de notre feuilleton: L'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, ainsi que les amendements transmis, en vertu de l'article 252 de notre règlement, par M. le député d'Argenteuil. Ces amendements ont été déclarés recevables. Y a-t-il des interventions sur ce rapport ainsi que sur ces amendements? M. le ministre, vous avez un temps de parole de 30 minutes.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, la commission parlementaire qui a étudié le projet de loi n° 79 a terminé ses travaux. Je dois dire que ça a été un travail extraordinairement enrichissant pour tout le monde, y compris pour les députés ministériels et pour les députés de l'opposition officielle.

Je voudrais rappeler pour mémoire qu'il y a eu des auditions publiques alors que nous avons entendu 37 groupes pendant plus de 36 heures, M. le Président. Nous avons fait l'étude du projet de loi article par article avec nos collègues de l'opposition officielle. J'aimerais, si vous me le permettez, en tant que ministre du Travail, adresser mes félicitations au critique de l'opposition et à mes collègues de la commission parlementaire. On peut dire tous ensemble aujourd'hui: Mission accomplie. D'autant plus que j'ai la conviction profonde que nous venons ensemble de moderniser une loi dans le plus grand intérêt des travailleurs et des travailleuses du Québec de même que de nos employeurs.

Avant toute chose, vous me permettrez aussi de remercier de façon toute spéciale tous ceux qui ont contribué à notre réflexion, les spécialistes consultés, tant du côté de l'opposition que du pouvoir, qui nous ont permis, donc, d'apporter, à chaque fois où il a été nécessaire de le faire, un éclairage important sur chacune des dispositions de cet important projet de loi.

Je suis très content et satisfait d'une chose, c'est d'avoir réussi tout au cours de ces débats des dernières semaines à garder clairement le cap sur les objectifs fondamentaux du projet de loi. Vous le savez, M. le Président, on ne change pas une loi pour le plaisir de la changer; on change une loi en vue d'améliorer les choses, pour moderniser le système, le rendre plus humain pour nos concitoyens et concitoyennes victimes d'accidents du travail.

Le projet de loi n° 79, donc, va nous permettre de simplifier, d'accélérer le processus de révision et d'appel des décisions rendues par la CSST. Mais attention! Quand je parle du processus d'appel, je veux rappeler que ça ne concerne qu'une minorité de travailleurs et de travailleuses accidentés. Il ne faut pas penser que ça touche l'ensemble des travailleurs accidentés, ça touche une infime minorité. Mais, cependant, parce que la minorité est importante et qu'elle doit être traitée avec équité, nous avons donc mis toutes les énergies nécessaires pour que cette minorité obtienne justice.

Pour la majorité de la clientèle de la CSST, il n'y a pas de contestation. L'immense majorité, il n'y a aucune contestation. Pour celles et ceux qui sont engagés dans un processus de contestation, dans la très grande majorité des cas, il n'y a pas non plus de très grands problèmes, si ce n'est les sacrés délais. C'est là-dessus qu'on a réussi à s'entendre, tout le monde, qu'ils sont encore beaucoup trop longs et qu'ils sont absolument intolérables. Parce que, M. le Président, il y a des conséquences aux délais et c'est ça qu'on a réussi à bien saisir, tout le monde. C'est qu'après deux ans un accidenté du travail perd son droit de retrouver son emploi. Ça, c'est dramatique. C'est là-dessus qu'il fallait agir et qu'il fallait agir rapidement, et c'est ce que le projet de loi n° 79 vient corriger.

Je dois vous dire aussi que cette réforme rejoint les objectifs actuels prônés par notre gouvernement. Comme je le disais, nous modernisons la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Nous lui ajoutons plus de souplesse en diminuant le carcan juridique et en laissant plus de place au gros bon sens. Au fond, pendant la commission parlementaire, le député d'Argenteuil me disait souvent, et je pense qu'il a raison: Est-ce qu'on pourrait laisser un peu plus de place au gros bon sens? Parce que dans la vraie vie, disait-il, les choses se passent parfois autrement. Alors, nous avons adhéré à cette opinion. Nous avons partagé ensemble cette opinion.

(11 h 20)

Nos administrations, M. le Président – et je voudrais les nommer: il s'agit d'abord de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, du Bureau d'évaluation médicale et de la nouvelle Commission des lésions professionnelles qui va être instituée lorsque cette loi sera adoptée – auront ainsi des outils mieux adaptés pour pouvoir intervenir plus efficacement auprès des travailleurs et des employeurs. Je pense ici, notamment, à la révision administrative, M. le Président, qui est un processus qu'on appelle «fast track», fait par de grands spécialistes qui pourront juger, analyser et décider en toute transparence avec les travailleurs quelle orientation il faut prendre.

Comme vous le voyez, nous avions donc des objectifs clairs et, en plus, ils sont clairement partagés par tous nos collègues. Le premier de ces objectifs, le plus fondamental à mes yeux, c'est le mieux-être des travailleurs accidentés. Je le répète, on s'est fort bien entendus là-dessus. Quand je parle du mieux-être, je parle, bien sûr, de leur droit d'être traités avec justice, équité, d'être indemnisés également avec justice et équité, et ça m'apparaît fort important.

Rapidement, vous le savez, M. le Président, je me suis élevé à plusieurs reprises – bien avant que je sois député, d'ailleurs – contre les lenteurs de la CSST, cette espèce de sédimentation bureaucratique qui s'est emparée de la CALP, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Un travailleur, ça pouvait lui prendre trois ans, trois ans et demi avant d'obtenir justice. Pensez-vous qu'un gouvernement comme le nôtre pouvait encore tolérer ça longtemps? C'était inadmissible et c'est pour ça qu'on voulait régler ce problème.

C'est d'ailleurs et aussi ce qui nous a guidés pour apporter plusieurs amendements et ajustements à notre projet de départ. Nous avons écouté les personnes et les groupes qui sont venus participer aux auditions. On les a écoutés attentivement et avec beaucoup de respect. On les a bien traités. Et ils ont été écoutés avec une attention incroyable autant de la part des députés ministériels que de l'opposition, et de nombreux commentaires qui ont été faits ont été retenus et on les retrouve dans le projet de loi que nous allons voter. Je pense, entre autres, aux associations de médecins, au Collège des médecins, aux groupes patronaux et syndicaux, aux juristes, au Protecteur du citoyen, même à l'éminent Barreau du Québec qui est venu nous faire valoir son point de vue.

Nous avons donc bonifié le projet de loi et nous avons fait en sorte que tous les accidentés du travail et les citoyens qui sont des travailleurs et des travailleuses se disent: Le gouvernement a agi de façon démocratique, mais, aussi, a agi avec compassion, a agi avec compréhension, intelligence et bon jugement, et je suis, pour ma part, très heureux, très heureux. C'est une grande législation qu'on vote aujourd'hui.

Le volet médical, je n'en disconviens pas, a été un point chaud de nos débats. Ce projet de loi fait place, donc, à beaucoup de commentaires, autant lors des auditions publiques que sur la place publique. Je dois dire, M. le Président, que je ne partage pas tous les points de vue qui ont été émis publiquement sur le professionnalisme des médecins oeuvrant au sein du Bureau d'évaluation médicale. J'ai reconnu, par ailleurs, qu'il pouvait y avoir, peut-être, un certain laxisme. Mais, avec les nouvelles dispositions administratives que j'apporte au Bureau d'évaluation médicale, je pense qu'on ne va s'en retrouver que mieux. On comprend donc aussi qu'on a soulevé beaucoup de questions de la part des parlementaires et du milieu syndical, d'autant plus que le critique de l'opposition officielle, qui est un professionnel, un médecin, nous a permis aussi de mieux soupeser les choses.

Je trouve essentiel aujourd'hui de revenir sur cette question du médical parce qu'il faut rassurer tout le monde, M. le Président. Quand on est accidenté du travail, quand on a le malheur d'être accidenté du travail, ce n'est pas un problème juridique, ce n'est pas un problème juridique qu'on a entre les mains, c'est un problème médical. Donc, il faut attacher une très grande importance à l'aspect médical pour que les choses se déroulent le mieux possible et avec tout le professionnalisme que ça mérite.

D'abord, permettez-moi d'apporter une couple d'éléments de réflexion sur l'aspect médical, qui est, pour moi, très important. On parle d'une loi qui s'applique lors d'accidents du travail. Il y a donc des lésions, avec leurs séquelles. Ça prend du doigté pour aborder ça parce qu'il s'agit d'une personne blessée, et ça prend surtout, M. le Président, de l'équité, de l'équité dans le traitement. On a tous reconnu qu'il y avait un problème à ce niveau-là dans le cas de contestation de la part de l'employeur ou de la CSST. On se trouvait très souvent face à un déséquilibre, et toujours au détriment du travailleur.

M. le Président, je voudrais juste prendre une minute pour expliquer très clairement et très simplement les choses. Dans le processus que nous avons vécu jusqu'à ce jour au Québec en matière de lésions professionnelles et d'accidents du travail, il arrivait très souvent que le médecin du travailleur se faisait, je dirais, mettre en boîte fréquemment devant le Bureau d'évaluation médicale par le médecin de l'employeur ou le médecin de la CSST. La raison est fort simple. Le médecin traitant arrivait du mieux qu'il pouvait et, évidemment, donnait son diagnostic. L'employeur qui contestait la décision, lui, arrivait avec un rapport médical d'expert épais comme ça, et souvent le médecin du travailleur n'y trouvait pas son compte. Et il en allait de même pour la CSST qui arrivait, elle aussi, avec son spécialiste et son rapport. Et ça avait pour effet un peu de déstabiliser parfois le médecin traitant.

Alors, qu'est-ce qu'on fait dans le projet de loi, M. le Président? On permet au médecin du travailleur d'avoir la gestion complète, totale du dossier médical. Mais, s'il décide, avant de se présenter au BEM, avant de se présenter devant le Bureau d'évaluation médicale, s'il sent le besoin d'aller chercher des informations supplémentaires, une analyse supplémentaire, il lui sera loisible de consulter un médecin spécialiste de son choix. Alors, nous rétablissons vis-à-vis du Bureau d'évaluation médicale une parité de chances pour le travailleur et son médecin. Nous avons donc voulu donner au médecin traitant les moyens de réagir en cas de contestation de la part de l'employeur ou de la CSST, et il pourra compléter son rapport et faire appel, s'il le veut, à un collègue spécialiste pour étayer ses conclusions. On a retiré toutes les étapes qui ont été jugées irritantes pour ne garder que l'essentiel de la réforme. On en a assez, là, des méthodes bureaucratiques, du mur-à-mur. Et qui en paie le coût en bout de piste? Le travailleur, M. le Président. Tous les changements législatifs qui touchent de près ou de loin le volet médical ont cet objectif d'accentuer le rôle du médecin traitant.

C'est vrai aussi pour les mesures qui concernent le Bureau d'évaluation médicale, le BEM, qui fait la manchette, et trop souvent la manchette venant de personnes qui critiquent et qui ont eu raison de critiquer. Là, on apporte des éléments qui, je l'espère, vont les satisfaire. Nous avons longuement débattu en commission parlementaire, et plusieurs de nos collègues du gouvernement et de l'opposition s'accordent avec nous pour dire qu'il faut maintenir cette instance. Je ne nie pas, bien au contraire, qu'il y a des problèmes et qu'il y a place pour de l'amélioration. Mais, sur le fond, ce Bureau a sa raison d'être, je le crois fermement, et nous travaillons à en améliorer le fonctionnement par des mesures administratives très fermes dont plusieurs sont déjà en application. Je m'engage d'ailleurs – et c'est inscrit formellement dans la loi – à transmettre à l'Assemblée nationale un rapport d'évaluation complet sur le Bureau d'évaluation médicale, qui fera état notamment des résultats des différentes mesures administratives que j'ai mises en place.

(11 h 30)

D'autre part, et c'est un élément, à mon avis, très positif, nous avons prévu la possibilité pour le Bureau d'évaluation médicale d'avoir recours à plus d'un médecin pour analyser les cas complexes, ce qui va avoir pour effet d'accélérer les choses. Mon collègue de l'opposition, le député d'Argenteuil, en tant que médecin, a très bien compris la portée et l'intérêt de cet ajout à la loi. Ça rejoint d'ailleurs tout à fait l'optique d'une approche multidisciplinaire dont certains sont venus vanter les mérites et que j'ai reconnus d'ailleurs sur-le-champ. Ça semble être en effet une pratique qui tend actuellement à prendre place au Québec, une forme de médecine du travail qui, à mon avis, rendrait d'énormes services à la population. Je pense moi-même que ça va être une avenue intéressante, et qu'elle mérite en tout cas qu'on s'y arrête. J'espère qu'on comprend bien notre ouverture en ce sens. Il faudrait bien le comprendre, qu'on n'est pas fermé à la multidisciplinarité pour traiter et pour évaluer le travailleur.

Vous savez que bien d'autres points ont fait l'objet de débats, M. le Président. Tout a été posé, comme questions. Nous avons passé au peigne fin l'ensemble de cette législation et, je dois le dire, avec vigilance et honnêteté. Autant chez les membres du gouvernement que chez nos consoeurs et confrères de l'opposition, nous avons reçu et analysé les propos de nos pairs et des différentes personnes et des groupes qui ont exprimé, au cours de ces débats, des opinions. Sans nécessairement les partager, nous avions quand même un profond respect pour leur prise de position et, ce qui est intéressant, nous en avons tenu compte.

C'est ainsi, par exemple, qu'on a évalué le paritarisme décisionnel à la Commission des lésions professionnelles, un paritarisme moins formel, avec des membres patronaux et syndicaux qui viendront conseiller le commissaire dans sa démarche vers sa décision. Mais, cependant, M. le Président, contrairement au paritarisme décisionnel qui était ma première orientation, nous avons convenu, tout le monde ensemble, que seul le commissaire, sur le banc, pourra prendre la décision.

M. le Président, le cheminement du projet de loi n° 79 est un bel exemple du bien-fondé de notre système démocratique. Des choix sociaux importants ont été faits avant nous. En tant qu'élus, nous avons le devoir de protéger les acquis qui en résultent, tout en bonifiant et en modernisant les processus. Il ne faut pas rester figés, surtout dans des législations sociales d'une telle importance. C'est, à mon sens, ce que nous avons réussi au cours des derniers mois, et c'est pourquoi je demande à cette Assemblée d'adopter le projet de loi n° 79.

Finalement, M. le Président, je tiens encore une fois à remercier vivement toutes celles et tous ceux qui ont cheminé avec moi pendant toute cette démarche fort difficile. Je les remercie avant tout au nom des travailleurs et des travailleuses du Québec, car je pense que nous avons réussi à améliorer grandement une très bonne loi, une loi d'avant-garde et qui est fondamentale pour le monde du travail du Québec d'aujourd'hui.

M. le Président, il y a quatre grands objectifs: c'était de moderniser cette loi et de protéger le droit du travailleur à son retour au travail; nous voulions déjudiciariser le système – les employeurs et les représentants syndicaux nous l'ont demandé abondamment – et nous avons voulu aussi établir, de façon claire, qu'en modernisant des processus, en diminuant des paliers d'intervention, on avait là une occasion en or comme législateurs de le faire en tout respect des travailleurs. Parce que, en bout de piste, qui devons-nous servir? Les travailleurs et travailleuses accidentés, et faire en sorte qu'ils obtiennent justice rapidement. Dans ma tête, obtenir justice rapidement, ce n'est pas dans trois ans: c'est entre neuf et 12 mois maximum. Le projet de loi qui est devant nous nous permet de réaliser ce grand objectif en tout respect pour les Québécois et les Québécoises victimes d'accidents du travail. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail et député de Matane. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition et député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. J'aimerais, en premier lieu, remercier tous ceux qui ont participé aux travaux de la commission parlementaire. Que ce soit du côté ministériel ou du côté de l'opposition officielle, les recherchistes, les secrétaires, tout le monde a travaillé d'arrache-pied pour essayer de donner le meilleur d'eux-mêmes pour améliorer le projet de loi, mais surtout améliorer le sort des travailleurs et travailleuses du Québec.

Je pense que le résultat final de l'étude du projet de loi en commission parlementaire, ça ne sera pas la loi idéale, M. le Président. Contrairement à ce que le ministre disait tantôt: Mission accomplie, je dirai: Mission partiellement accomplie. Il y a encore des problèmes qui vont persister à l'intérieur de la CSST, mais il y a un pas qui a été fait. Je dois manifester l'importance que... le critique précédent de l'opposition officielle au travail avait – j'allais dire – forcé le ministre à tenir une commission parlementaire pour écouter les groupes d'intervenants qui recherchaient à se manifester et à exprimer leurs besoins, ce qu'ils ont fait, M. le Président. Heureusement, le ministre a été à l'écoute d'une certaine partie de leurs demandes, de leurs besoins.

Alors, il est notoire, M. le Président, de voir que, aujourd'hui, nous nous ramassons avec un projet de loi qui, et de façon notable, n'est plus le même que le projet initial qu'on nous avait présenté. Comme vous le savez, initialement même – je ne sais plus combien il y en a maintenant – il y avait plus d'amendements au projet de loi qu'il y avait d'articles. Aujourd'hui, je devrais dire qu'il y en a encore beaucoup plus, parce qu'on en a apporté encore beaucoup plus en commission parlementaire lors de l'étude du projet de loi, article par article. Alors, on se ramasse peut-être avec 80 amendements sur un projet de loi de 64 articles, M. le Président.

Alors, il y a eu beaucoup de cheminement de fait, beaucoup d'écoute, beaucoup d'améliorations qui ont été apportées au projet de loi. Le but recherché, M. le Président, était, il va sans dire, d'améliorer le sort des travailleurs et des travailleuses du Québec. Les travailleurs accidentés et les travailleuses accidentées se retrouvent démunis devant un groupe de professionnels, parce que c'est la loi des choses, ce sont des professionnels qui doivent les évaluer, et ils se retrouvent démunis.

Le ministre mentionnait tantôt qu'un des problèmes importants dont il avait recherché la solution, c'était les délais. Les délais, M. le Président. On comprend que, avec l'importance du lien d'emploi, on devait s'assurer que les délais étaient maintenus à l'intérieur de deux ans pour les corporations qui ont plus de 50 employés. Ce phénomène-là, M. le Président, arrive régulièrement, où des gens qui, à cause de leur accident, se retrouvent, après deux ans, sans emploi et sans allocation de la CSST, parce que, s'il perd son droit, son support de la CSST, il se retrouve sur le bien-être social, souvent encore handicapé parce que son problème n'a pas toujours été résolu. Devant cette situation, il était impératif de raccourcir les délais.

(11 h 40)

Ce que je peux dire aujourd'hui, M. le Président, c'est que tous les délais que l'on a cherché à raccourcir, on ne peut le dire que sur une base théorique. Parce qu'il faut se souvenir que, par la commission qui vient de finir ses travaux, le projet de loi crée un nouveau tribunal administratif. Alors, on n'en connaît pas le fonctionnement sur le plan pratique. Ça n'a jamais été essayé comme tel. Alors, c'est du nouveau que l'on a mis de l'avant. Et on espère que, par les démarches qui seront tenues au cours du fonctionnement de cette nouvelle entité que sera la Commission des lésions professionnelles, avec le Bureau de révision et la disparition du Bureau de révision paritaire, ce fonctionnement aura pour effet de se traduire dans les faits exactement comme on l'a prévu sur le papier. Mais on sait que, souvent, la réalité est loin du rêve ou du souhait. Et j'espère que ça se concrétisera dans les faits et que les travailleurs verront un délai beaucoup plus court pour en arriver à une solution à leurs problèmes.

La révision administrative qui a été mise en place devrait aussi, avec la conciliation, faciliter la réintégration du travailleur au travail, le retourner avec les indemnités qui sont justes et équitables. Mais la conciliation est un des éléments importants de cette réforme, et un grand nombre de conciliateurs seront ajoutés pour permettre aux travailleurs de s'entendre. Un des grands avantages de cette réforme, c'est qu'au lieu de rechercher la confrontation on recherche la concertation. Les deux groupes, au lieu de se chamailler, essaieront de trouver une solution et de s'entendre sur le terrain, et ça, je pense que c'est favorable, c'est un des éléments positifs de cette loi où la révision administrative va prêter à cette conciliation même avant d'aller à la Commission des lésions professionnelles.

Comme vous le savez, M. le Président, j'ai soumis deux amendements. Les deux amendements, d'ailleurs, je suis sûr, n'ont pas surpris le ministre, parce qu'un des deux je lui avais dit que jusqu'à la dernière minute, dans les possibilités des règles, je reviendrais à la charge. Je suis revenu à la charge avec l'article 382 de la loi actuelle, qui avait donné la possibilité au président de la CALP, la Commission actuelle, après consultation avec les commissaires, d'en arriver à une entente pour le remboursement des dépenses pour les témoins. Or, le ministre m'a répété à de multiples exemplaires le fait que ça n'avait jamais été mis en place, et il a raison. Mais ce n'est pas parce qu'un président ne s'est pas acquitté de sa tâche qu'il faut persister dans l'erreur. Et je m'explique, M. le Président.

Le travailleur accidenté ou la travailleuse accidentée qui jouit du support de son syndicat, celui-là, il n'a aucun problème; son syndicat va assumer ses dépenses, son syndicat va assumer les consultations, son syndicat va être là pour le supporter et l'aider à travers sa démarche. Mais, comme on sait que 60 % des gens qui se présentent à la CSST après un accident ne sont pas syndiqués, que, pour un bon nombre d'entre eux, ce sont des gens qui sont sur le salaire minimum ou à peine, qui sont souvent démunis et qui vivent au jour le jour, si vous leur enlevez une journée de travail, ils n'ont pas ce qu'il faut pour, la fin de semaine, faire le marché. Alors, pour eux, leur gagne-pain, il est excessivement essentiel; ce n'est pas du luxe, c'est une nécessité.

Or, à la Commission des lésions professionnelles, le travailleur accidenté ou la travailleuse accidentée pourra faire appel à des témoins, s'il le juge à propos. Vous comprendrez qu'en général le témoin est sur le même terrain de travail que le travailleur accidenté ou la travailleuse accidentée. Et, dans ce contexte-là, lorsqu'il va demander à la personne de venir témoigner à ses fins, ce travailleur témoin va se voir pénalisé d'une journée de travail. Il n'est pas syndiqué, lui non plus, dans 60 % des cas, et il est aussi sur le seuil de boucler son budget toutes les semaines. Alors, la réponse de ce témoin au travailleur accidenté, ça va être: Bien, écoute, je ne peux pas me permettre de perdre une journée de travail pour aller témoigner. Et, en plus, M. le Président, on va lui demander d'assumer le transport, le billet de stationnement ou le billet d'autobus ou de taxi, ou je ne sais trop, puis son repas au restaurant, si ça se prolonge ou si c'est en après-midi ou tôt après l'heure du dîner.

À toutes les occasions qui m'ont été fournies au cours de l'étude article par article, je suis revenu à la charge pour demander avec insistance au ministre d'allouer une somme globale annuelle, à sa façon. Je ne veux pas entrer dans la cuisine. Mais, dans le nouveau projet de loi et le nouveau fonctionnement que la CSST aura, il y a une économie anticipée de 35 000 000 $ à 40 000 000 $. Moi, je me suis dit: Je suis favorable à une économie de 35 000 000 $ à 40 000 000 $, on ne peut pas aller à l'encontre de ça tant et aussi longtemps que les droits des travailleurs seront respectés. Mais on «pourrait-u» en même temps, M. le Président, leur en donner un petit bout?

On avait estimé à 1 500 000 $, grosso modo, la somme avec laquelle il faudrait supporter les travailleurs qui viennent témoigner par une cuisine – qui m'apparaît encore vague – de remboursement de dépenses. Le ministre n'a jamais cédé. J'aurais souhaité que, dans son empathie, son penchant favorable aux travailleurs, il leur donne un petit peu, lui aussi. S'il va chercher des économies en imposant un nouveau mode de fonctionnement, peut-être qu'il aurait pu allouer un certain support aux travailleurs. Mais non, M. le Président, il a refusé. Pourtant, tout ce qu'il y avait à faire, c'était de laisser au président de la CLP, après consultation avec les commissaires, le même pouvoir qui est actuellement dans la loi. Ce pouvoir-là, il est dans la loi depuis 1985. C'est dans la loi, l'article 382 qui donne ce pouvoir-là aux commissaires, lequel pouvoir il n'a jamais utilisé. Mais il aurait pu le faire. Moi, je me dis: Si le président du temps ne l'a pas fait, je pense qu'il n'a pas fait son devoir. Alors, il ne faudrait pas aujourd'hui continuer la même chose, d'où l'amendement que j'ai proposé. Et j'espère que, cette fois-ci, le ministre va finir par accéder à mes demandes. Et l'amendement, en plus, ne s'adresse qu'à ceux qui vont avoir gain de cause.

Alors, «le président peut, après consultation des commissaires, établir des normes et des montants concernant les frais et les allocations des témoins et déterminer les circonstances dans lesquelles ces frais et allocations peuvent être accordés à une partie. Dans tous les cas, la partie qui a gain de cause peut demander le remboursement de ses frais et le commissaire en dispose selon le mérite et les circonstances du cas, en fonction des normes et des montants établis par le présent article.» Ça, M. le Président, ça m'apparaît un élément essentiel, si l'on veut maintenir, lors de la parution à la CLP, un certain équilibre, une certaine équité pour le travailleur. On sait que le patron va pouvoir se permettre toutes ces dépenses. Il va pouvoir amener qui il va vouloir. Mais le témoin qui est démuni ne pourra pas se présenter parce qu'il n'a pas les ressources. Alors, je demande ça au ministre. Puis je pense qu'on arrive au dernier coin, là. On est au dernier bout, c'est la dernière occasion que j'ai de lui soumettre cette demande-là. Je la lui soumets à nouveau et je lui demande d'accéder à cette proposition qui pour moi serait un reflet de l'équité qu'il recherche à l'intérieur du nouveau fonctionnement de la Commission de sécurité et santé au travail.

L'autre élément, M. le président, auquel le ministre d'ailleurs a fait allusion, c'est le BEM. Le BEM n'a pas fait les frais d'une grande discussion dans le projet de loi parce qu'il n'y a pas de modification au BEM. Alors, on ne s'est pas attardé à voir comment on allait remodeler le BEM en regard des besoins des travailleurs et en regard de tout ce qui s'y présente. Mais on connaît très bien les histoires d'horreur qui nous ont été présentées à de multiples occasions – peut-être pure coïncidence – même pendant l'écoute de la commission parlementaire, à la télévision, au programme Enjeux . Histoires d'horreur. Évidemment, on ne retient souvent que ces histoires d'horreur. Il ne faut pas non plus exagérer. Ce ne sont pas que des histoires d'horreur qu'on vit au BEM. La majorité des cas se règlent sans problème. Mais on retient souvent, dans quelque milieu que ce soit, les cas qui nous frappent, les gros cas. Puis les cas qu'ils relèvent au BEM sont ceux qui sont souvent les cas les plus frappants, les cas qui sont les plus prolongés, les cas les plus handicapés; c'est ceux-là qu'ils relèvent mais qui sont aussi les plus dispendieux pour la CSST parce que ce sont ces cas-là qui traînent en longueur.

(11 h 50)

Alors, M. le Président, il aurait été important de voir à se poser la question: si le BEM est un élément de critique important pour les différents groupes qui sont venus nous rencontrer, nous présenter leurs demandes, peut-être qu'on aurait pu s'asseoir et revoir le fonctionnement du BEM pour rechercher une solution équitable qui réponde aux besoins des patrons, parce qu'il faut quand même reconnaître que ce sont eux qui paient pour la CSST, mais aussi qui reconnaisse les droits du travailleur accidenté, parce que c'est lui qui met ses membres en danger, c'est lui qui met son corps en danger, c'est lui qui travaille dans l'usine où les conditions de travail et la sécurité ne répondent pas nécessairement aux normes.

Alors, je me suis dit: Si on avait pris la peine de refondre en profondeur la CSST, y inclus le BEM, on aurait pu répondre aux demandes des uns et aux exigences des autres: les travailleurs qui demandent d'être traités de façon plus équitable par le BEM et le patron qui demande au BEM de s'assurer que les demandes des travailleurs sont bien justifiées. Alors, je pense qu'il y va des deux et on aurait pu s'attarder à retrouver des solutions.

D'ailleurs, M. le Président, on a proposé des solutions que la CSST a déjà mises en fonction, en partie, comme un projet de recherche. On a mis en place il y a déjà un certain temps des cliniques indépendantes de médecine du travail multidisciplinaires. Les cliniques de médecine indépendantes, M. le Président, de médecine du travail, ça sous-tend des compétences, ça sous-tend des gens formés en médecine du travail. Bon. Ça ne court pas les rues parce qu'il n'y a pas de fonctions pour eux. Et on dit aux étudiants, aujourd'hui: Ne va pas là-dedans, il n'y a pas de débouchés. Alors, on n'est pas pour demander à des médecins: Va-t'en en médecine du travail, quand il n'y a pas de débouchés pour eux. Alors, si on leur transmet – et le ministre l'a fait, un peu à mots couverts, tantôt, mais il l'a fait – l'importance que la CSST va prêter à la médecine du travail dans l'avenir, bien, à ce moment-là, on aura peut-être un plus grand nombre de médecins qui pourront répondre aux besoins des travailleurs accidentés.

Mais, en même temps, ce qui est important de réaliser là-dedans, M. le Président, c'est qu'il n'y va pas que du bien-être du travailleur accidenté; il y va du bien-être du travailleur accidenté, mais aussi des économies du patron. Et je m'explique. En Ontario, M. le Président, on reconnaît la multidisciplinarité des traitements qui sont appliqués aux travailleurs et aux travailleuses accidentés. On économise par année – par année, M. le Président – seulement avec les maux de dos, 34 000 000 $. Ne me demandez pas à moi de faire l'éloge de la chiropractie, je ne connais rien en chiropractie, je ne sais pas si c'est une science qui est efficace sur le plan scientifique. Mais ce que j'en retire, M. le Président, c'est que combien de gens qui ont mal au dos, qui se présentent chez le chiropraticien, ils en ressortent guéris, ils en ressortent soulagés. Est-ce que je dois me poser la question, comme législateur: Est-ce que c'est vrai, cette affaire-là, ou si c'est faux, ou si ça donne les résultats escomptés? Et on parle toujours de résultats, résultats, résultats. On en a un résultat, là, M. le Président, puis on se tourne de bord puis on regarde dans l'autre sens, dans l'autre direction. Je me dis: Si ça a des résultats, pourquoi ne pas l'utiliser?

On peut regarder la même chose des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des inhalothérapeutes, des physiatres, et j'en passe, qui sont tous des professionnels dont la contribution au traitement du travailleur accidenté pourrait ajouter à la qualité du traitement mis en place, d'une part, mais surtout, M. le Président, et c'est ce que l'on recherche tout le temps, c'est l'efficacité. Quand on peut retourner un travailleur accidenté plus rapidement au travail, il y a des résultantes importantes. Les résultantes importantes, M. le Président, c'est que, lui, il retrouve son plein salaire rapidement. Puis les gens, là, ils sont contents d'aller travailler.

Ce n'est pas vrai, M. le Président, que la majorité des travailleurs pensent qu'ils veulent profiter de la CSST à tour de bras. Oui, il y en a. Il y en a, c'est vrai. Vous avez raison. Je le sais qu'il y en a, mais ce n'est pas la majorité. Il ne faut pas généraliser à partir de cas d'espèce, à partir d'exceptions. Alors, oui, il y en a qui veulent en profiter, mais la majorité des travailleurs veut travailler. Alors, quand il est blessé puis qu'on peut le retourner travailler plus vite, lui, il gagne son salaire plus rapidement, puis il est plus heureux. Mais, en même temps, quand il retourne travailler plus vite, il cesse de recevoir les allocations de la CSST plus rapidement; donc il y a une économie de l'autre côté. Cette économie-là, M. le Président, elle se solde par des milliers et des milliers de dollars.

Alors, la contribution des cliniques indépendantes de médecine du travail multidisciplinaires, telle que celle qui a été instituée et fonctionnelle actuellement sur la rive-sud, qui est un projet de recherche, économise les millions de dollars déjà, et ce n'est qu'un projet de recherche sur quelques cas. Lorsqu'on prend un nombre très limité de travailleurs et de travailleuses accidentés qui vont se présenter à une clinique de médecine du travail multidisciplinaire puis qu'il y a des économies de millions de dollars, étendez ça à l'échelle de la province et à l'ensemble des travailleurs accidentés et essayez d'en déduire les coûts économisés. Et ça, M. le Président, c'est une orientation importante qu'on doit donner à la CSST.

Je sais que les patrons sont inquiets devant l'orientation qu'on pourrait donner à une clinique multidisciplinaire indépendante de médecine du travail. Moi, je leur dis: N'ayez pas peur, bien au contraire, vous allez y retrouver des économies, mais vous allez surtout retrouver des travailleurs expérimentés qui sont habitués à travailler chez vous qui vont réintégrer leur travail plus rapidement, plus heureux.

Mais encore plus, ce qui est plus important, c'est que les histoires d'horreur qu'on nous présente à la télévision, qui sont, encore une fois, des cas d'espèce, ce n'est pas la majorité des cas – on essaie de généraliser, mais ce n'est pas ça le résultat du BEM, ce n'est pas ça du tout, le résultat du BEM – mais il y en a, et j'en conviens... Mais, au lieu d'avoir des histoires d'horreur et de la confrontation entre les médecins du BEM, le travailleur accidenté, le médecin traitant du travailleur accidenté et, maintenant, le médecin consultant dont le médecin traitant aura le choix – ce qui est un amendement auquel le ministre a accédé – au lieu d'avoir la confrontation que l'on retrouve aujourd'hui, on aura une concertation de tout ce beau monde dans une clinique de médecine du travail multidisciplinaire. La concertation, au lieu d'avoir des batailles sans fin, va se solder par des solutions recherchées et retrouvées, mais surtout des travailleurs heureux de retrouver la santé puis de retrouver leurs compagnons au travail. Parce que c'est ça qui va arriver, ils vont retourner travailler plus rapidement.

Alors, quand on voit que cette proposition, qui ne fait pas partie actuellement de la loi parce qu'on ne peut pas la mettre de l'avant... Il n'y a pas suffisamment de spécialistes en médecine du travail au Québec aujourd'hui pour dire: On organise des cliniques multidisciplinaires de médecine du travail à travers la province à différents endroits qui seront le choix de la CSST. C'est elle qui reçoit les demandes de besoins.

Mais, le ministre, je lui ai demandé à plusieurs reprises de transmettre un message clair, que c'est l'orientation qu'il recherche. Il en a parlé tantôt dans son discours, et je le remercie parce qu'il... c'était un petit peu retenu, mais il en a parlé, de la qualité des soins que le travailleur accidenté retrouverait. Puis je pense qu'il devrait rechercher aussi à transmettre à nos partenaires du côté patronal l'importance qu'il y a pour eux d'accéder à ça, parce qu'il y va de leurs économies; c'est eux qui paient pour ça, et ils vont retrouver des économies au lieu de retrouver des confrontations. Au lieu de retrouver la guerre, ils vont trouver le sourire. Au lieu de retrouver l'acharnement, ils vont retrouver la paix. C'est ça qu'il y a dans ces cliniques multidisciplinaires de médecine du travail.

(12 heures)

Alors, vous allez comprendre, M. le Président, que, dans un des amendements que j'ai soumis, je demande au ministre du Travail qu'il s'engage, après l'entrée en vigueur de la présente loi, à déposer au gouvernement le rapport des résultats du ou des projets-pilotes ayant fait l'objet d'une entente avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail à l'égard de l'implantation au Québec d'une véritable médecine du travail fondée, notamment, sur l'approche multidisciplinaire. Ce rapport est déposé dans les 15 jours devant l'Assemblée nationale, si elle siège, ou, si elle ne siège pas, dans les 15 jours de la reprise des travaux.

Je demande au ministre... Je ne demande pas au ministre de me faire des expériences et des études, je veux juste qu'une fois que le rapport de la recherche qui est en cours à la clinique sur la rive sud par le docteur Loiselle... Que ce rapport qui va être remis au contractant, c'est-à-dire la CSST, parce que c'est un sous-contrat de la CSST – donc, la CSST envisage déjà cette possibilité – soit déposé par le ministre en Chambre, de sorte que les élus, ceux qui ont fait cette loi, M. le Président, ceux qui l'ont modifiée, ceux qui s'y sont intéressés puissent en prendre connaissance de bonne foi, l'évaluer et qu'ils soient, de façon intelligente, capables d'apporter une contribution lors de l'étude éventuelle d'un nouveau projet de loi qui amènera peut-être la modification du BEM avec le remplacement par des cliniques multidisciplinaires indépendantes de médecine du travail.

Ce n'est pas compliqué, ce que je demande au ministre, M. le Président, je demande juste de nous soumettre le rapport. Il a déjà mentionné son intérêt pour ce genre de cliniques, ce que j'apprécie infiniment parce qu'il ne l'a jamais dit en commission parlementaire. Ce matin, il s'est ouvert. Je vois que la nuit porte conseil. Puis le ministre, il écoute. Il écoute. Alors, ça porte fruit. L'orientation qu'il ouvre ce matin va, dans les années futures, dans trois, quatre, cinq ans, nous obliger, à cause de la qualité du rapport qui sera remis à la CSST... Si les notions préliminaires que nous avons du fonctionnement de ces cliniques s'avèrent vraies, ces cliniques vont avoir comme effet de régler le problème que les intervenants sont venus nous présenter à la commission parlementaire, en particulier la CSN qui se plaint et qui nous parle de ces histoires d'horreur, avec raison. Et ces histoires d'horreur vont disparaître avec la notion de ces cliniques.

Alors, les deux amendements que j'ai soumis au président, que je vous soumets, M. le Président, sont simples. Un, c'est le remboursement des frais des témoins sur une base fixe, un per diem, sur présentation de preuves justificatives. Ce n'est pas à moi à dicter le fonctionnement de la cuisine, mais je souhaiterais que les témoins puissent être remboursés parce que les travailleurs démunis ne pourront se retrouver de gens pour venir supporter leurs dires. Et l'autre, c'est celui d'au moins nous soumettre le rapport de l'étude qui est en chemin avec la CSST et les cliniques indépendantes de médecine du travail.

Alors, M. le Président, je voudrais, en terminant, remercier le ministre de son ouverture d'esprit, de sa critique, mais aussi de son accueil des amendements que nous avons proposés. La commission s'est déroulée sous un thème de bonne entente. C'est ce que nous avions demandé dès le début et ça s'est poursuivi jusqu'à la fin, sans avoir de règles rigides de fonctionnement. Les amendements que nous proposions, avec tout le support administratif que le ministère avait, c'est même le ministre qui les rédigeait.

Alors, je ne peux que le remercier d'avoir accédé, à de multiples occasions, à recevoir nos amendements, d'accueillir nos remarques positivement et d'avoir contribué, en partie... – je ne lui dis pas que c'est mission accomplie, je dis: Mission partiellement accomplie – d'avoir réussi à améliorer, je pense, une partie des délais que l'on vit actuellement à la CSST, et de l'ouverture qu'il a faite ce matin quant à la médecine du travail et l'orientation à laquelle, j'espère, dans le futur, il voudra bien ouvrir les portes plus grandes, devant les résultats positifs qui y seront présents et pour les travailleurs, qui réintégreront leur travail guéris, heureux et contents d'avoir pu échanger facilement à l'intérieur du système, et pour les patrons, qui retrouveront là encore des économies encore plus importantes que ce qu'on aurait pu justifier et rapporter aujourd'hui en modifiant le fonctionnement de la loi sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Argenteuil. Y a-t-il d'autres interventions? M. le ministre.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, vous me permettrez quelques remarques suite à l'intervention de notre collègue le député d'Argenteuil.

D'abord, je voudrais juste clarifier une chose au sujet des amendements. C'est vrai qu'ils ont été nombreux, mais, il le sait mieux que quiconque, 75 % des amendements en étaient de concordance. Je voudrais moi aussi remercier l'ancien critique de l'opposition, le député de LaFontaine, pour ses précieux services et sa contribution exceptionnelle dans ce débat. Vous me permettrez également d'adresser des remerciements très sincères à l'ancien président de la CSST, Pierre Shedleur, qui a quitté pour occuper maintenant un emploi à Bell Canada.

Quant à la demande du député, sa proposition d'amendement pour rembourser les frais quand ils viennent comparaître devant le tribunal, j'ai eu l'occasion de m'en expliquer avec lui à plusieurs reprises. On en a beaucoup parlé en commission parlementaire, et je n'étais pas d'accord. Une raison fort simple, c'est qu'il n'y aucun tribunal qui fait ça. Aucun tribunal administratif, en plus, ne paie les gens pour venir témoigner dans leur cause. Ils assument leurs responsabilités, puis je crois que c'est un peu normal. Il faut être cohérent avec notre régime de tribunaux administratifs, et, si on ouvre la porte, je sais que ça pourrait représenter des frais énormes non seulement au sein de la Commission des lésions professionnelles, mais de tous les autres tribunaux du Québec.

J'aimerais aussi souligner que l'on pensait... Le député d'Argenteuil avait soulevé en commission parlementaire la possibilité, et il le pensait de bonne foi, qu'à la Société de l'assurance automobile du Québec on payait les gens pour venir témoigner. Ce n'est pas le cas. Donc, je ne changerai pas d'idée là-dessus. Et son amendement, bien qu'étant bien sympathique, je ne peux pas l'accepter.

Je voudrais terminer mes remarques avec la question du rapport d'étude, de recherche et l'entente que nous avons conclue avec le Dr Loiselle et sa clinique sur une expérience-pilote que l'on va mener en santé et sécurité au travail au Québec. Et je n'ai pas besoin d'amendement pour le faire, M. le Président, je m'engage à donner ordre à la CSST, lorsqu'on fera les rapports d'évaluation d'ici quelques mois sur le Bureau d'évaluation médicale et aussi l'ensemble du train de mesures administratives qu'on met en place pour améliorer son fonctionnement... Je peux lui assurer que l'expérience qu'on aura vécue ensemble, l'expérience-pilote, je dis bien, en médecine du travail et sur la multidisciplinarité en matière de santé et sécurité au travail, ça sera greffé au rapport qui sera déposé au gouvernement, à l'Assemblée nationale, et étudié en commission parlementaire.

(12 h 10)

M. le Président, j'aimerais souligner, pour l'information de tous nos collègues députés, que ces cliniques, au Québec, sont presque inexistantes. Il y a une expérience qui se vit à Longueuil, sur la rive sud de Montréal; il y a une autre expérience intéressante qui se vit également dans l'Estrie. Nous suivons ces travaux. Non seulement nous suivons ces travaux, nous nous sommes engagés à vivre une expérience-pilote. Et, quand on aura tiré les conclusions de ça, évidemment ça me fera plaisir de les communiquer au gouvernement, à l'Assemblée et aux parlementaires.

Un dernier mot sur la chiropractie. Jamais personne n'avait osé toucher à ça. Je me suis engagé, M. le Président – nous avons créé un comité conjoint avec l'Ordre des chiropraticiens et le ministère du Travail – à examiner le sort de ces professionnels à l'intérieur du régime de santé et sécurité au travail au Québec.

M. le Président, mon dernier mot sera pour dire que je souhaite que cette loi soit adoptée à l'unanimité de l'Assemblée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du rapport de la commission?

M. Bélanger: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous savez, M. le leader, sur les rapports de commissions, l'auteur a toujours un droit de cinq minutes.

M. Bélanger: Vous avez absolument raison, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup. J'apprécie beaucoup lorsqu'on mentionne que j'ai raison. C'est mon petit côté taquin. Alors, est-ce qu'il y a d'autres intervenants sur le rapport de la commission?


Mise aux voix des amendements du député d'Argenteuil

Bon, à ce stade-ci, les amendements proposés par M. le député d'Argenteuil sont-ils adoptés?

Des voix: Rejeté.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Pinard): Rejeté. Alors, les amendements sont rejetés. Le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Je suis toujours heureux quand vous me reconnaissez. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 40, M. le Président.


Projet de loi n° 121


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 40 de notre feuilleton, M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration propose l'adoption du projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du projet de loi n° 121? Aucune.


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 121, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 109


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, à l'article 5 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat ajourné à la séance d'hier sur l'adoption du principe du projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. Le dernier intervenant, à minuit hier soir, était le député de Verdun. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, M. le leader adjoint de l'opposition.


M. Jean-Marc Fournier

M. Fournier: Oui, merci, M. le Président. J'interviens sur le principe du projet de loi n° 109. J'ai beaucoup de choses à dire. Je vais essayer de me limiter, le temps va sans doute me manquer. Je vais essayer de prendre quand même les éléments dans l'ordre qui est le suivant.

D'abord, la préoccupation des gens de mon comté, avant de regarder les impacts à d'autres niveaux qu'il peut y avoir, notamment en matière constitutionnelle, qui sont toujours un peu à une certaine distance de la réalité quotidienne que vivent les gens dans un comté, sur le terrain... Je voudrais m'intéresser à un premier élément, M. le Président, qui est la restructuration scolaire, autrement dit les fusions, autrement dit la façon dont demain on va gérer, administrer notre réseau scolaire. Il y a une proposition qui est sur la table, avec une consultation que je n'ai jamais hésité à dire et à qualifier de bidon, pour la raison suivante, M. le Président. C'est qu'à sa base même les critères qui guident la ministre de l'Éducation pour faire cette fusion ne permettent pas d'arriver à une consultation valable dans le délai imparti. Et je m'explique.

Je prends juste deux critères. D'abord, les territoires des commissions scolaires doivent respecter les limites des municipalités régionales de comté. Voilà un élément. Je dis: La consultation à l'égard de cet élément ne peut être que bidon pour la raison suivante. Dans certains endroits... Je vais parler de mon comté. Dans le comté de Châteauguay, dont la majorité des villes sont incluses dans la MRC de Roussillon, il y a présentement une étude et une demande de redécoupage géopolitique de la MRC; autrement dit, qu'il y ait une scission, au sein de la MRC, en deux.

Cette redéfinition du territoire de la MRC est appuyée par la députée de La Prairie, représentant le parti ministériel, et le député de Châteauguay, qui vous parle à l'instant évidemment de l'opposition. On comprendra qu'il ne s'agit pas là d'un débat partisan. Il s'agit de deux députés qui sont à l'écoute de la réalité de leur milieu et qui constatent qu'à l'égard des nouvelles responsabilités à venir, annoncées de façon partielle et fragmentaire par le gouvernement du Parti québécois, il y a eu chez les élus municipaux qui forment cette MRC de Roussillon le désir de revoir la composition de cette MRC, parce que dorénavant les nouvelles responsabilités à prendre en charge ne pourront plus l'être de façon efficace par le territoire non homogène qui existe présentement, celui de la MRC de Roussillon.

Je prends donc ce premier critère et je dis: Est-ce qu'on peut mener une consultation valable lorsque le critère qui est posé est de respecter les limites des MRC, alors que ces mêmes limites sont présentement en train d'être modifiées? Je dis ceci: Si la ministre persiste à ne pas voir ces réalités changeantes dans le milieu et à ne regarder que le statu quo, de deux choses l'une: ou bien elle ferme la porte au nez des élus municipaux qui ne veulent pas de ce territoire pour les nouvelles responsabilités à venir parce qu'elles vont entraîner des coûts additionnels, lorsqu'on va parler de transport, notamment. Quand on a deux sections dans une MRC qui n'ont aucune relation en termes de transport... Et vous savez, chez nous, M. le Président, c'est Kahnawake qui divise en deux cette MRC, et, à cause des habitudes de travail, de transport, il n'y a aucune relation de circulation qui permettrait d'avoir un transport entre eux. Mais, juste à ce niveau-là – je n'ai pas besoin de faire le tour de l'ensemble des autres responsabilités qu'on voudrait transférer – M. le Président, ça va entraîner des coûts supplémentaires.

Alors, ou bien en faisant, en forçant une fusion sur un territoire de référence qui n'est pas conforme à une maximisation des gains économiques qu'on pourrait faire... On est en train de faire perdre de l'argent à nos intervenants locaux, on est en train de fermer la porte à ceux dont on dit qu'on veut leur envoyer des responsabilités dans un esprit de décentralisation. Au contraire, M. le Président, on est en train de leur envoyer des factures en leur refusant les décisions qu'ils souhaitent que Québec prenne avec eux et non pas contre eux.

Alors, ou bien la ministre de l'Éducation tient compte de la demande des élus locaux, et auquel cas elle doit renoncer à son projet de fusion, elle doit renoncer à forcer deux commissions scolaires, sur un territoire de référence mal adapté... ou bien elle fera cette fusion et, l'année prochaine, elle devra la défaire. Où sont les coûts, M. le Président, d'intégrer deux commissions scolaires pour ensuite les désintégrer? On voit, juste à ce niveau-là, à l'égard de ce projet de loi, qu'il y a un problème à l'égard du territoire de référence, à l'égard d'un des critères.

(12 h 20)

Moi, je dis: Cette consultation ne peut être que bidon si on ne tient pas en compte la demande des élus locaux qui voient l'ensemble des autres transformations qu'entend prendre le gouvernement encore une fois de façon partielle, fragmentaire. On n'a pas – c'est toujours un peu ce que je dis – l'image du casse-tête dans lequel la fusion des commissions scolaires représente une pièce, comme on n'a pas l'ensemble du casse-tête. Jusqu'ici on a juste des impressions, et on voit que l'impression, les tendances que le gouvernement veut avancer vont nous amener une image qui ne marche pas. On force des pièces de puzzle dans un mauvais casse-tête. Il faut qu'on se pose la première question: Quel est le valable, le bon territoire de référence? Une fois qu'on a fait ça avec les élus locaux dans une vraie philosophie et une véritable approche de décentralisation, à ce moment-là on peut arriver à quelque chose. Donc, premier critère qui ne tient pas la route.

J'en cite un autre: «Le découpage devra s'harmoniser avec le territoire des organismes régionaux de transport qui seront mis en place dans le cadre du projet d'intégration des services de transport terrestre des personnes.» À venir, M. le Président, à venir dans le domaine du transport, qui ne colle pas du tout à la réalité. Je ne veux pas faire le tour de tous les comtés. Deux comtés: La Prairie et Châteauguay, ça ne marche pas. Ça entraîne des coûts supplémentaires. Si la ministre utilise ces critères pour faire sa consultation qui se termine avant que les décisions soient prises à l'égard du redécoupage des MRC, à l'égard des politiques sur le transport régional, elle se trouve à court-circuiter ce qui va venir par la suite, soit à faire ce qu'elle devra défaire ou à forcer les réformes à venir, les territoires de référence à venir à être non efficaces, à entraîner des coûts économiques. Simplement à ce point-là, M. le Président, nous aurions déjà suffisamment d'arguments pour dire au gouvernement: Attention! Vous êtes sur une mauvaise route.

Mais il y a pire, M. le Président. Dans le cas concret des commissions scolaires qu'on propose de fusionner, au-delà de se donner un critère qu'on veut appliquer mur à mur, les MRC, si on avait regardé la réalité sur le terrain, si on avait pris une approche – certains diraient asymétrique – où on respecte ce qui se passe dans la réalité de tous les jours entre les commissions scolaires, si on veut les fusionner, on se serait aperçu de ceci... Et ce qu'il est intéressant de noter, c'est que la députée de La Prairie venait à la ville de Beauharnois, il y a un mois, un mois et demi, deux mois peut-être, faire une annonce pour la ministre de l'Éducation. Cette annonce concernait de la formation professionnelle en horticulture. Ce programme de formation professionnelle a été monté conjointement entre la commission scolaire des Moissons et la commission scolaire de Châteauguay. Conjointement, deux commissions scolaires.

Là, je donne un exemple. Il y a beaucoup d'autres exemples où deux commissions scolaires ont des protocoles d'entente, font des projets conjoints, communs, démontrant qu'il est possible d'avoir deux commissions scolaires qui maximisent leurs énergies et leurs ressources pour arriver à des projets qui vont être utiles pour l'ensemble de la communauté. Évidemment, ces deux commissions scolaires peuvent arriver à développer ces programmes-là parce que le territoire a une certaine homogénéité et que ça colle à la réalité du terrain. Alors, c'est ça qui s'est passé.

La députée de La Prairie vient donc faire l'annonce à la polyvalente de Beauharnois. Profitant de cette annonce, elle parle un peu de son comté de La Prairie, qui est juste de l'autre côté, où là on retrouve la commission scolaire du Goéland. Elle dit: C'est le fun ici, dans votre coin, c'est l'horticulture; dans mon coin, chez moi, c'est la mécanique et la métallurgie.

Moi, M. le Président, je suis là, dans cette salle. J'écoute ça et je me dis: Mais bon Dieu! Pourquoi on va forcer la fusion de la commission scolaire de Châteauguay avec celle du Goéland, comme c'est la proposition de la ministre de l'Éducation, alors que, la député de La Prairie comme moi, on constate que les deux commissions scolaires, du Goéland et de Châteauguay, n'ont pas ensemble de projets communs et d'ententes particulières comme Châteauguay et des Moissons ont? Pourquoi on va défaire déjà l'harmonisation qui existe pour forcer deux commissions scolaires qui n'en ont pas à espérer en avoir même si leur territoire ne sera pas homogène, même si leurs réalités ne seront pas les mêmes, alors que déjà il existe un territoire homogène, bien sûr qui ne colle pas à la réalité de la MRC?

Mais alors, c'est le critère de la MRC qui est déficient. C'est le critère que la ministre a choisi, ce critère mur à mur qu'elle compte appliquer autant sur la Côte-Nord qu'en Abitibi, qu'en Montérégie, mais qui ne colle pas à la réalité. Et on ne peut pas passer à côté de ça, de se dire: On se donne des critères dans un bureau...

Vous savez, on sait un peu comment ça fonctionne. Il y a une réunion avec des fonctionnaires: Moi, je veux faire une fusion, ça me prend des critères, et puis les gens ne connaissent pas vraiment la réalité du terrain. C'est toujours dommage de voir que, nous autres, on est ici pour parler pour notre monde, puis on a l'impression qu'on est toujours consultés a posteriori. Il y a une décision qui est prise dans un cabinet, c'est feutré, tout ça, ils sont ensemble, ils ne connaissent pas vraiment la réalité. Je le dis, M. le Président, je suis persuadé qu'il y a des gens de l'autre côté qui ont exactement la même réaction chez eux. Si ce n'est pas vrai, on a un problème. Même, même problème. Les gens s'aperçoivent qu'on met une règle abstraite, et, lorsqu'on arrive dans la réalité, ça fait le contraire de l'intention que le gouvernement voudrait avoir.

Moi, je veux bien que l'intention de la ministre soit une intention bonne pour le Québec, bonne pour les Québécois, bonne pour l'économie. Mais est-ce qu'il n'est pas possible de s'assurer que les moyens qu'elle va prendre ne vont pas faire le contraire de son intention? Et, dans le cas du choix de la fusion de la commission scolaire de Châteauguay avec celle du Goéland, on enlève ce qui existe déjà au niveau d'un territoire homogène, de deux commissions scolaires qui existent et qui vivent ensemble. On brise cette harmonie pour forcer une intégration entre deux commissions scolaires qui n'ont pas de territoires de référence utile, homogène, qui va permettre de développer des programmes adaptés à la réalité du coin.

C'est simple comme bonjour. Et ça nous frappe en pleine face quand on s'aperçoit que l'ensemble des intervenants scolaires – commission scolaire de Châteauguay, des Moissons, l'ensemble des élus municipaux à la MRC, soient-ils dans le coin de la commission scolaire du Goéland, c'est-à-dire dans le comté de La Prairie, ou ceux de mon comté – se sont entendus pour dire: Avec ce qui s'en vient, il faut changer le territoire de référence. Tout le monde sait ça, tout le monde est conscient de ça. On ne va pas, M. le Président, nous envoyer là-dedans, c'est impossible, c'est à rejeter.

Et je me lève aujourd'hui pour rappeler à la ministre les nombreuses lettres que je lui ai envoyées, à elle comme au ministre des Affaires municipales, pour dire: Arrêtez! Les nombreuses lettres qui ont été envoyées par les gens des commissions scolaires, les municipalités, la MRC, qui disent: Attendez! Ayons le portrait global avant d'agir à la pièce parce que ce qu'on va faire, ou bien il faudra le défaire ou bien ce qu'on aura fait, sous prétexte qu'on l'a fait, va nous entraîner à faire d'autres choses qui vont être inefficaces, qui vont nous coûter de l'argent. C'est un mauvais choix. C'est aussi simple que ça. Premier élément, donc, que je voulais toucher.

Deuxième élément, bien sûr, commissions scolaires confessionnelles à commissions scolaires linguistiques. D'abord, c'est pour rappeler, M. le Président, que nous avons toujours manifesté des hésitations concernant la procédure bilatérale de modification constitutionnelle. Nous avons toujours demandé – et c'est pour ça que les inquiétudes persistent – au gouvernement du Québec qu'il nous dépose ses opinions juridiques, qu'il possède supposément, et qui permettraient de contredire les opinions que nous avons déjà de Proulx-Woehrling, du sénateur Beaudoin, à l'époque où il écrivait, de Benoît Pelletier, d'Henri Brun, ensemble de constitutionnalistes, tous partis – si on voulait dire – confondus, M. le Président, qui ont dit que cette méthode bilatérale pouvait avoir quelques effets pernicieux. Malheureusement, on n'a pas répondu à notre demande.

Nous avons des hésitations aussi parce qu'on a vu comment ça s'est passé au niveau de cette procédure initiée d'amendement constitutionnel. Pendant un an, notre collègue de Marquette a proposé, a initié, a plaidé, a favorisé qu'ensemble, avec le gouvernement, nous adoptions une solution commune pour cet amendement. Ce n'est pas la piste privilégiée par notre collègue de Marquette qui a été utilisée; une autre piste qui nous amène des hésitations à l'égard de la procédure bilatérale, une autre piste qui a été choisie après un an de tergiversations. Et, après avoir attendu un an, elle a dit: Oh non! on ne veut pas passer par là, ce ne sera pas faisable, on ne sait pas comment, on ne veut pas, ce n'est pas nécessaire. Là, après ça, on a décidé tout à coup, à un mois des élections fédérales, que là il fallait que ça passe à toute vapeur parce que ça démontrait qu'Ottawa n'était pas fin avec nous, ça sentait l'astuce et on avait des hésitations à cause de ça.

(12 h 30)

Alors, M. le Président, finalement, nous avons dit au gouvernement: On a allumé nos lumières rouges, vous avez décidé de pousser, alors essayons quand même de nous entendre. C'est ce que les Québécois souhaitent de ces parlementaires. Alors, il y a eu une motion de modification qui a été proposée par le gouvernement. On y a apporté une modification, à cette motion de modification constitutionnelle. Parce que ce qu'on cherchait, c'était de permettre que les commissions scolaires linguistiques ne créent pas de divisions au sein de la société, qu'elles soient bien accueillies par l'ensemble des Québécois. Si on dit qu'il y a un consensus, il faut bien favoriser l'émergence de ce consensus et le stabiliser, le solidifier.

Alors, le collègue de Chomedey avait déposé un amendement qui dit ceci:

«Considérant qu'en ce faisant l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise – on parle ici de communauté québécoise d'expression anglaise. En particulier, considérant que les Québécois dont les enfants sont admissibles selon le chapitre VIII de la Charte de la langue française ont le droit de les faire instruire – où? – dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle».

Quelle communauté? La communauté de ceux qui sont admissibles ou la communauté québécoise d'expression anglaise qui se retrouve dans le texte de la motion? M. le Président, ça va de soi, c'était la communauté québécoise d'expression anglaise. Autrement dit, à l'unanimité, cette Chambre a décidé qu'il y avait une différence entre l'admissibilité à l'école et la gestion des écoles. Or, M. le Président, il est arrivé que le gouvernement a décidé de renier cet engagement qu'il avait pris ici. Encore une fois, renier un engagement. Le gouvernement du Parti québécois renie l'engagement pris en cette Chambre de permettre que la gestion ne soit pas liée à l'admissibilité, crée de l'exclusion, fragilise le consensus. Et la solution était bien simple, pourtant, et elle persiste à être simple, elle existe toujours.

Et je vous lis un éditorial de Lise Bissonnette qui fait le tour de la question. Elle dit ceci: «Il existe une solution assez simple au dilemme, celui de l'exclusion provoquée par la renonciation, le reniement à l'engagement pris par le gouvernement du Parti québécois. Cette solution, c'est celle qu'évoquait la Centrale de l'enseignement du Québec et que le Parti québécois lui-même avait déjà inscrite dans d'anciens et défunts projets de loi sur le même sujet. Il s'agirait de reconduire la procédure actuelle qui permet de départager les électeurs des commissions catholiques et des commissions protestantes. La Loi sur les élections scolaires prévoit qu'un électeur doit être inscrit sur la liste électorale de la commission scolaire que fréquente son enfant et que l'électeur sans enfant vote à l'une ou l'autre commission, selon son choix. Ce n'est pas là le régime de libre choix absolu que plusieurs groupes ont réclamé en commission parlementaire, mais il est logique et praticable, autant en régime linguistique que confessionnel, et même Alliance Québec y voit un compromis suffisant.»

M. le Président, ce que l'on comprend, c'est que non seulement le gouvernement du Parti québécois renonce à l'engagement qu'il avait pris ici suite à l'amendement déposé par notre collègue de Chomedey, adopté à l'unanimité, mais le gouvernement du Parti québécois brise avec la continuité de ses propres engagements dans des documents antérieurs.

Pourquoi le Parti québécois a-t-il fait le choix de taper à nouveau sur la tête de la communauté d'expression anglaise, M. le Président? Il me reste une minute pour vous offrir une réponse à cette question. Une réponse. Pourquoi, tout à coup, ce geste, M. le Président? Parce que, depuis, il y a un livre qui est sorti, celui de Jacques Parizeau. Et Jacques Parizeau a écrit dans son livre quelle était la prochaine étape, le prochain chemin à suivre pour faire l'indépendance du Québec et il a donné comme conseil au Parti québécois: Tapez! Tapez sur les gens membres de la communauté d'expression anglaise, oubliant que 93 % des Québécois parlent français, donc que ces gens-là, M. le Président, sont aussi membres de notre communauté d'expression française, sont aussi membres de notre société, sont aussi Québécois que ceux qui, dit-on, sont membres du Parti québécois.

L'ensemble des Québécois ont droit d'avoir une place dans cette société et le gouvernement du Parti québécois – et je termine là-dessus – devrait cesser de suivre la nouvelle théorie de Jacques Parizeau et remettre un peu de bon sens pour assurer la cohésion sociale au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Châteauguay. Nous cédons maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je vais tenter, dans les 20 minutes qui me sont imparties, de faire les observations que j'ai à faire sur le projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. C'est une loi assez complexe, M. le Président, vous en conviendrez avec moi. J'ai deux préoccupations majeures que je vais tenter d'exposer ici, en cette Chambre. C'est des préoccupations qui touchent le régime provisoire et des préoccupations qui touchent le droit de vote des anglophones dans les élections pour les commissions scolaires linguistiques.

Le régime provisoire. Là, ça devient très compliqué, on tombe dans le constitutionnel pas mal. Mais je vais tenter d'être le plus clair possible pour démontrer au gouvernement que le régime provisoire n'a aucun bon sens en ce qui concerne en particulier le comté de Notre-Dame-de-Grâce, les électeurs que je représente, et, je crois, par extension, énormément de comtés dans les territoires touchés par le régime provisoire, soit la région du Grand Montréal et la région de Québec.

M. le Président, le régime provisoire – et je sais que ça va intéresser surtout le leader du gouvernement comme jeune père de famille – établit que, faute d'un amendement à la Constitution du Québec, l'Acte constitutionnel de 1867, les quatre commissions scolaires confessionnelles protégées par l'Acte constitutionnel de 1867, soit la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, la Commission des écoles catholiques de Montréal et les commissions des écoles protestantes et catholiques de Québec, qui sont protégées par la Constitution canadienne, demeurent en place jusqu'au moment où il y aura un amendement à la Loi constitutionnelle de 1867. Mais elles demeurent en place uniquement dans les territoires qui sont protégés par cette même Constitution.

Dans le cas qui me touche le plus, le cas de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal et de la Commission des écoles catholiques de Montréal, ces deux commissions scolaires confessionnelles, qui vont demeurer, selon le régime provisoire, sont limitées au territoire de la ville de Montréal uniquement. Et c'est là, en ce qui concerne le comté de Notre-Dame-de-Grâce, le noeud de la question.

Mon comté est formé à 90 % du territoire de la ville de Montréal; 10 % du territoire du comté se trouve à être dans la municipalité distincte de la ville de Montréal-Ouest. 90 %, ville de Montréal, 10 %, ville de Montréal-Ouest. Nous avons un total de neuf écoles, dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce, neuf écoles anglophones: six écoles primaires, trois écoles secondaires: les écoles primaires Royal Vale, Willingdon, Somerled, John XXIII, de la CECM, Élizabeth-Ballantyne and Edinburgh; les écoles secondaires de Royal Vale, Marymount et Royal West Academy. Sur ces neuf écoles, trois sont situées sur le territoire de la ville de Montréal-Ouest, dans une municipalité distincte dont le territoire n'est pas protégé par l'Acte constitutionnel de 1867.

(12 h 40)

Quel est l'impact de ça, M. le Président? L'impact est très clair. Énormément de parents demeurant dans le territoire de la ville de Montréal envoient leurs enfants aux trois écoles situées sur le territoire de la ville de Montréal-Ouest, soit les écoles primaires Élizabeth-Ballantyne, Edinburgh et l'école secondaire Royal West Academy. Même nous, mon cas particulier, individuel: demeurant sur le territoire de la ville de Montréal, mon fils, qui est maintenant dans le cinquième niveau au primaire, désire aller à l'école Royal West Academy, qui est située dans la ville de Montréal-Ouest. Avec le régime provisoire, M. le Président, il ne pourrait pas y aller. Parce qu'on demeure sur le territoire de la ville de Montréal, il serait limité à la seule école secondaire de la Commission des écoles protestantes du Grand Montréal, qui est Royal Vale.

M. le Président, il y a 500 élèves au primaire et 500 élèves au secondaire qui fréquentent présentement des écoles dans la ville de Montréal-Ouest, dont la très grande majorité vient du territoire de la ville de Montréal, et ça serait défendu dans le régime provisoire. Un tiers des écoles que fréquentent les élèves du comté de Notre-Dame-de-Grâce seront exclues par loi de leur choix à cause du régime provisoire. Mille élèves qui fréquentent présentement ces écoles seront obligés, ou une grande partie de ces 1 000, parce qu'ils viennent largement, très majoritairement du territoire de la ville de Montréal, 800 à peu près de ces 1 000 élèves vont être obligés de quitter ces écoles-là et d'aller à des écoles situées ailleurs sur le territoire de la ville de Montréal. Ça n'a aucun bon sens, et sur le plan pratique d'organisation des effectifs scolaires et sur le plan du choix des parents, d'adopter un régime provisoire qui fait en sorte qu'on prive 800 élèves... et leurs parents, évidemment, du choix d'envoyer leurs enfants à des écoles qui sont situées à l'extérieur du territoire de la ville de Montréal.

Ça peut être aussi ridicule que, si vous demeuriez sur la rue Trenholme et que l'école Royal West Academy est deux rues plus loin, mais, vu qu'elle est située dans le territoire de la ville de Montréal-Ouest, vous n'auriez pas le droit d'envoyer votre enfant là. Ça n'a pas l'air de déranger trop, trop le whip en chef du gouvernement, mais ça va déranger les familles et ça va déranger les enfants. Et quand on commence à jouer avec des enfants comme des pions sur un jeu d'échecs, c'est rendu grave. Ça va créer de l'anxiété, ça va bouleverser notre système d'effectifs scolaires dans énormément de comtés dans le Grand Montréal et dans Québec. Ça n'a aucun bon sens.

Quelle est la réponse pratique à ça? Il y en a une, réponse pratique, M. le Président: c'est de ne pas procéder avec un régime provisoire. C'est d'attendre simplement l'amendement constitutionnel que cette Chambre désire et que, je dirais, la majorité des anglophones désire. Pas unanimement, mais, moi, je suis prêt à avancer que la majorité des anglophones désire l'amendement constitutionnel, avec certaines garanties pour s'assurer qu'il n'y aura pas cette situation bordélique avec les effectifs scolaires sur le territoire de la ville de Montréal.

Les gens d'en face vont dire: C'est la faute d'Ottawa. Ils disent ça tout le temps. Toujours la faute du fédéral qui traîne la patte avec l'amendement constitutionnel. M. le Président, ce n'est pas vrai. C'est ce gouvernement qui a attendu deux ans avant de faire une demande d'amendement. Il voulait que cet amendement soit déposé, au fédéral, dans quelques semaines de temps. Ça n'a pas de bon sens. Et si les gens d'en face étaient de bonne foi, ils diraient simplement: Nous allons attendre l'amendement constitutionnel pour éviter cette situation bordélique avec les enfants demeurant sur le territoire de la ville de Montréal. Ça n'a aucun bon sens.

M. le Président, si je deviens virulent à cet égard, ce n'est pas uniquement parce que ça me touche personnellement... Oui, ça me touche personnellement; ça me touche dans les tripes de penser que mes enfants vont être bouleversés dans leurs écoles, leur choix d'école à cause du fait que le gouvernement ne peut pas attendre de régler la question constitutionnelle. Comme père de famille, ça m'enrage. Les gens d'en face devraient porter attention, comme je l'ai dit tantôt, à ne pas jouer avec des enfants dans les écoles comme avec des pions. Ça ne se bouge pas d'une à l'autre, d'un carré à l'autre comme ça, un enfant, sans avoir un impact. Je suis convaincu que le leader du gouvernement est d'accord avec moi, comme jeune père de famille. S'il ne l'est pas tout de suite, il va l'être dans quelques années, quand sa fille va avoir l'âge de fréquenter les écoles.

Mr. Speaker, the other question, of course, that is of major concern is the exercise of the franchise for English-speaking people when voting for linguistic schoolboards.

Mr. Speaker, it is for me a fundamental question and I believe for many in the English-speaking community a fundamental question. The attempt of this Government to limit, to define in a very narrow sense those people who will have the right to vote, those English-speaking people who will have the right to vote in English language schoolboards, to link that and to limit it purely to those who are eligible for English language instruction has raised serious concerns in the English-speaking community.

Mr. Speaker, the MNA for Vachon, parliamentary assistant to the Premier, has to be aware – you can applaud him, Mr. MNA for Ungava; he is but the only person that does, that's O.K. – he has to be concerned about this limit on the exercise of the right to vote for English-speaking people. He has to be aware of it and he has to be concerned by it.

Mr. Speaker, there is a compromise available. It's a simple one. The compromise is to allow people who have children in English-language schools to vote, allow people who have children in French-language schools to vote for French-language schoolboards, and for people who have no children in the system, to allow them to make their choice.

And it's my prediction, Mr. Speaker, that those who consider themselves to be English-speaking, members of the English-speaking community, as does the MNA for Vachon, will want to vote in English-language schoolboards, those who do not consider themselves to be members of the English-speaking community will vote in French-language schoolboards.

Mr. Speaker, the suggestion, the absolute ludicrous suggestion coming from the Minister of Education that this measure is to protect the English-speaking community needs to be exposed. That this Government should have the nerve, this PQ Government should have the nerve to stand up and say: We're doing this for your own protection, for your own good. Mr. Speaker, it's ludicrous, it's paternalistic. I would go so far as to say: It masks the real intention of this Government. Because the English-speaking community, per se, is not concerned about limiting those who can vote. It's not a concern for my community.

We believe that these school elections will not be invaded by thousands or tens of thousands of French speaking Quebeckers who want to vote in English language boards, Mr. Speaker. We don't feel that the control and management of an English language board is in any way threatened by the free choice of Quebeckers to either register with English language boards or French language boards. If we don't feel that there is any threat there, why should the Government feel that there is a threat there? It's like the Government is saying: We're going to protect you for your own good even if you don't agree with it. Mr. Speaker, that doesn't hold water.

Il est risible de prétendre, M. le Président, complètement risible de prétendre que restreindre le droit de vote à des gens qui sont éligibles aux écoles anglaises, le gouvernement fait cela pour protéger la communauté d'expression anglaise. C'est risible. Il ne faut pas nous prendre pour des caves, M. le Président! On ne croit pas ça. La communauté anglophone du Québec ne croit pas ça, que ces mesures sont faites pour notre bénéfice, M. le Président.

(12 h 50)

Pourquoi sont-elles faites? Le gouvernement serait beaucoup plus crédible s'il disait: On a peur de faire le lien entre l'admissibilité à l'école et le droit de vote. On a peur de faire ce lien-là parce que ça peut, dans peut-être les yeux de quelques-uns de l'autre bord, faire une brèche dans la question de l'admissibilité. La question n'est pas là, M. le Président.

Une voix: C'est là la question.

M. Copeman: Ah! Voyez-vous, M. le député de Richelieu l'a confirmé. Je suis très content qu'il ait confirmé dans cette Chambre que c'est là la question. Enfin, les vrais objectifs, le vrai raisonnement de ce gouvernement est démasqué. Enfin! C'est parce que la question de lier les deux choses... Le député de Richelieu l'a admis en cette Chambre. Je suis très content qu'enfin la transparence soit revenue, très content. Parce qu'on peut contrer ça par les arguments, M. le Président. Mais, de nous dire que c'est pour notre bénéfice, que c'est pour nous protéger qu'on fait ça, c'est risible, ce n'est pas crédible. Ça ne me fâche pas. Normalement, M. le Président, j'ai envie de rire quand j'entends ce grand défenseur, la ministre de l'Éducation, grand défenseur de la communauté anglophone du Québec, me dire à moi en cette Chambre: C'est pour vous protéger, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, et pour protéger vos enfants, votre épouse, la gestion de vos écoles qu'on fait ça. C'est risible, M. le Président, ce n'est pas crédible.

Si les gens d'en face veulent le faire parce qu'ils pensent qu'on va lier la question de l'admissibilité à des écoles avec le droit de vote, c'est, pour moi en tout cas, un peu plus crédible en sachant d'où ils viennent, M. le Président, c'est quoi leurs orientations. Mais, encore une fois, ils font fausse route. La question de gérer une école avec un droit de vote n'est pas, à mon esprit, liée à la question de l'admissibilité, d'aucune façon.

M. le Président, je vous donne un petit exemple, en terminant, d'une situation aberrante. Imaginez-vous, M. le Président, un couple francophone-anglophone. La madame anglophone vient, on va dire de la Californie. Elle se marie avec un francophone de Québec. Ils ont des enfants. La madame anglophone qui vient de la Californie prétend et admet qu'elle parle avec ses enfants en anglais à la maison. Moi, j'aurais tendance à dire que cette madame fait partie de la communauté anglophone du Québec. Elle parle avec ses enfants en anglais à la maison, elle vient de la Californie, j'aurais tendance à dire que cette madame-là fait partie de la communauté anglophone du Québec.

Mais cette même madame ne pourrait pas voter lors des élections pour les commissions scolaires linguistiques anglophones, dans les circonstances établies par le gouvernement. Ça n'a aucun bon sens. Et cette madame de la Californie qui a deux enfants, qui parle avec ses enfants en anglais à la maison, elle sera privée de son droit de vote à cause des règles proposées par ce gouvernement. Ça n'a aucun bon sens. Je croirais, M. le Président, que le premier ministre du Québec sait que ça n'a aucun bon sens que cette madame de la Californie avec deux enfants, deux fils qui parlent anglais à la maison, n'aurait pas droit de vote dans les commissions scolaires linguistiques anglophones. Je croirais, M. le Président, que le premier ministre lui-même est au courant que ça n'a pas de sens.

All the Government has to do, Mr. Speaker, is adopt this compromise that was put forward by number of groups: parents whose children are in English schools vote for English-language boards; parents whose children are in French-language schools vote for French-language boards; and people who have no children in this system make the choice, as they do now, to vote in either currently catholic or protestant boards, that we allow them to have the choice where to vote. That's the right thing to do. It's the proper think to do. It's the honest thing to do. And it's that compromise, I think, Mr. Speaker, that could resolve some of the difficulties that we're having at this point in this House, and probably make some of the, I would suggest, further difficulties that we may have before a joint committee of the Commons and Senate, it would smooth things out, Mr. Speaker. Those are my major preoccupations. The Government can correct them with a minimum of fuss and bother and should do so if they wish to obtain the cooperation and collaboration of this side of the House with regard to Bill 109. Thank you very much, Mr. Speaker.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, compte tenu de l'heure, je vous suggérerais de suspendre jusqu'à 15 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Votre suggestion est acceptée par la présidence. Les travaux sont suspendus à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 56)

(Reprise à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, nous reprenons nos travaux aux affaires du jour. J'inviterais M. le ministre à nous indiquer l'affaire à l'ordre du jour.

M. Simard: M. le Président, voulez-vous, s'il vous plaît, faire lecture de l'article 30.


Projet de loi n° 110


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 30, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives. Je suis prêt maintenant à céder la parole au premier intervenant. Mme la ministre, je vous cède la parole.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 110 a été étudié en commission, et, essentiellement, nous avons reçu l'appui, après plusieurs discussions, des intervenants qui sont dans le milieu brassicole du Québec.

Je rappelle, peut-être pour ceux qui nous écoutent, de quoi il s'agit. C'est un projet de loi qui a pour but d'autoriser les détenteurs d'un permis industriel de brasseur à vendre sur les lieux de leur fabrication les boissons alcooliques qu'ils fabriquent soit pour une consommation sur place, soit pour une consommation à l'extérieur des lieux.

Alors, on sait que les microbrasseries, au Québec, constituent un phénomène qui a subi un développement impressionnant avec des bières de spécialité. On a vu d'ailleurs à travers le monde, lors des derniers festivals de la bière en Europe, combien les brasseurs québécois avaient fait la fierté des Québécois, puisque cinq entreprises québécoises avaient été retenues lors du Festival de la bière de Strasbourg, il n'y a pas tellement longtemps.

Ce que ça veut dire, c'est que cette modification que nous proposons à la Loi sur la Société des alcools du Québec va permettre maintenant de développer un nouveau champ d'action et toute une nouvelle clientèle pour l'industrie touristique, notamment. C'est l'objectif de ce projet de loi. On sait que les brasseurs industriels qui possèdent des microbrasseries ont développé, à travers toutes les régions du Québec, des installations où ils brassent et vendent, et pourront vendre maintenant de la bière. Donc, on pourra inscrire ces installations-là, au même titre que les vignobles à travers le Québec, sur un circuit touristique.

Il y aura un certain nombre de retombées pour ça. D'abord, la clientèle touristique, qu'elle soit québécoise ou étrangère, va découvrir ces bières québécoises sur leur site de production, va aussi apprendre comment on fabrique, comment on produit de la bière, et la clientèle va peut-être trouver une occasion non seulement de goûter à un nouveau produit, mais de prolonger son séjour dans certaines régions où se trouvent ces brasseries.

Dans ce contexte-là, je pense que l'harmonisation que nous avons proposée dans ce projet de loi et les modifications qui ont été proposées vont permettre non seulement de consolider les 250 emplois des microbrasseries à travers le Québec, mais peut-être de faire augmenter la part du marché de la bière que détiennent les microbrasseurs. Actuellement, ils détiennent entre 2 % et 2,5 % du marché de la bière, et peut-être que ça pourrait augmenter un peu. Et si, ce faisant, on consolidait quelques activités de fabrication de bière à travers différentes régions du Québec, cela ne ferait qu'ajouter des qualités à notre offre touristique.

Plusieurs intervenants s'inquiétaient de certaines disponibilités ou de l'ouverture du projet de loi, mais à force d'explications on a réussi à répondre à leurs préoccupations, et les microbrasseurs qui se qualifient d'industriels, à qui s'adresse ce projet de loi, vont donc pouvoir maintenant vendre sur place leurs produits et permettre à tout le monde de le goûter avec plaisir.

En conséquence, je pense que nous avons eu une commission où les députés de l'opposition nous ont apporté des propositions, des suggestions, des questions, en fait, intéressantes. On en a beaucoup discuté, et j'espère que je peux compter sur l'appui de l'opposition pour que nous puissions adopter ce projet de loi qui modifie la Loi sur la Société des alcools du Québec et qui permet justement la vente sur place des boissons alcooliques, notamment de la bière. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui. Merci, M. le Président. Oui, nous allons aller dans le sens qu'a proposé la ministre. Nous croyons que le projet de loi n° 110 est valable. Et comment refuser à la ministre, si bien vêtue en rose aujourd'hui, je vois même la vie en rose, comment lui refuser un vote positif?

Alors, oui, nous allons bien sûr aller dans le sens du projet de loi. Les microbrasseries sont un phénomène en développement au Québec et, tel que l'a dit la ministre, à travers le monde, tranquillement mais sûrement nos microbrasseurs sont en train d'aller chercher une réputation qui n'est pas évidente. Il y a des grands dans cet univers-là, mais il y a encore de la place dans le marché. Il y a des secteurs qui semblent être mal couverts, et c'est l'histoire, finalement, de l'économie. Les grands arbres laissent toujours pousser alentour d'eux des petits arbres qui éventuellement prennent la place. C'est un peu ce qu'on voit dans le phénomène des microbrasseurs, tel que l'a expliqué la ministre, et ça touche d'une façon particulière la région dans laquelle je demeure, soit la région de Magog, Memphrémagog, la région de Coaticook, une région qui est touristique et où effectivement, particulièrement à Lennoxville, dans le comté de notre consoeur de Saint-François, il y a de ces microbrasseries. Et on sait que c'est un peu la mode en ce moment, particulièrement chez les touristes européens, qui sont beaucoup plus friands de cette approche-là que le touriste américain, et on sait que, l'an passé au Québec, il y a eu tout près de 400 000 touristes européens.

(15 h 10)

Alors, je vois grandir les tables champêtres, je vois les fabricants de vin maintenant amener... je vois les gens aller à l'abbaye de Saint-Benoît, par exemple, goûter aux produits de la ferme de l'abbaye, je vois des transformateurs des produits de la pomme. Alors, il y a comme tout un marché qui se développe. Je ne sais pas si on peut l'appeler agroalimentaire, agroalimentaire touristique, mais il y a comme tout un tourisme qui recherche, probablement lié au vieillissement, entre autres, de la population... Ce sont des activités un peu plus calmes que les grands sauts de La Ronde de Montréal. Les microbrasseries ne pouvaient pas vendre sur place leurs produits, ne pouvaient pas permettre aux gens de prendre sur place. Alors, il y avait un peu une faille dans la loi. Alors, en passant la loi n° 110, nous allons permettre à ces gens de continuer à bâtir leurs entreprises.

Maintenant, nous avons, de notre côté, l'opposition, travaillé avec la ministre, aussi avec les experts qui accompagnaient la ministre, et, je tiens à le souligner d'une façon particulière, j'ai été grandement impressionné. Je le suis d'ailleurs régulièrement pour la qualité de notre fonction publique. Moi, j'arrive du monde des affaires. Avant d'arriver dans le monde de la politique, dans le monde de l'administration publique, j'avais des préjugés. Je dois avouer que certains de ces préjugés-là, à l'usage, se sont avérés complètement faux. Certains préjugés, je pense que j'avais raison, il y avait trop de monde dans la boîte, et tranquillement les gouvernements le reconnaissent. L'autre préjugé, souvent on dit: Bien, ces gens-là... On doute un peu, finalement, de leur compétence. Je dois avouer, après huit ans maintenant comme politicien, que je suis grandement impressionné de la qualité de notre fonction publique dans nos commissions parlementaires, et ce n'est pas la première où je dois avouer que ces gens-là ont une compétence.

Alors, encore une fois, les hauts fonctionnaires qui accompagnaient Mme la ministre, qui restent là gouvernement après gouvernement... Il faut bien reconnaître, là, qu'on a aussi dans l'appareil gouvernemental – c'est arrivé avec Jean Lesage, la Révolution tranquille – une grande stabilité dans notre fonction publique. Ces gens-là ont la tradition du gouvernement, des gouvernements, ont la connaissance, justement par cette stabilité que la Révolution tranquille a apportée à notre fonction publique. Alors, les gens qui accompagnaient la ministre étaient d'une très grande compétence sur des points très précis. Quand nous avons parlé, par exemple, de la question des heures, de la question du bruit, de la question de toute la moralité, on a eu des réponses très claires, très précises, et j'en étais tout à fait heureux, M. le Président. D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles nous donnerons notre approbation à ce projet de loi.

D'autre part, nous ne pouvons pas, nous, de l'opposition, que dire à la ministre qu'elle est habillée d'un beau rose, il faut toujours mettre un petit côté qui va moins bien. Vous savez, ce n'est pas parce que la ministre nous dit des choses qu'il faut toujours... Alors, quand elle nous dit que tout va bien dans le monde du tourisme au Québec, bien, là, je ne suis peut-être pas tout à fait d'accord avec ça. Hier, il y avait le Vérificateur général du Québec, et je veux juste lui lire le chapitre 6.24, M. le Président. Elle pourra peut-être méditer là-dessus, elle qui est responsable du secteur touristique. Alors, il nous parle du plan Paillé, le Vérificateur général du Québec, et il touche d'une façon particulière un secteur qui est la responsabilité de la ministre. Il dit: «Afin d'expliquer pourquoi il est moins indiqué d'aider des entreprises qui font face à une concurrence très vive, nous nous sommes attardés au secteur de la restauration.» Parce qu'on découvre, dans le plan Paillé, qu'ils ont aidé des secteurs qui finalement sont en mouvance constamment et ne créent pas, en bout de ligne, de l'emploi. Alors, il y a une concurrence très vive.

«Nous nous sommes attardés au secteur de la restauration.» Écoutez bien les horreurs qu'il va nous raconter: «Depuis cinq ans, les ventes totales de ce secteur sont assez stables et se chiffrent, en 1996», à 5 000 000 000 $, exactement 4 900 000 000 $. «Malheureusement, le nombre de restaurants ne cesse de croître, au Québec.» Il dit bien «malheureusement». Suivez-moi bien. Il dit: «Malheureusement, le nombre de restaurants ne cesse de croître, au Québec, car ils sont passés de 12 813 en 1989 à 16 777 en 1995, soit une hausse de 31 %.» Il dit bien «malheureusement».

«L'effet de cette prolifération est catastrophique.» Ce n'est pas moi qui parle, M. le Président. Il dit: «L'effet de cette prolifération est catastrophique sur le chiffre d'affaires moyen par établissement, qui a baissé de 21 %, tandis que le nombre d'emplois a chuté de 110 499 à 103 000 au cours de la même période. Dans certaines régions, les autorités municipales ont été priées d'interdire l'octroi de nouveaux permis d'exploitation dans ce domaine.» Or, quand nous avons été d'accord avec la ministre d'élargir un peu l'industrie des brasseurs, des microbrasseries, j'avais en tête... Je ne savais pas que ça s'en venait, mais j'avais en tête, finalement, le problème de la restauration au Québec, me disant: Est-ce qu'on est après donner là un avantage à des gens dont le compétiteur n'a pas le même avantage? Nous sommes arrivés avec la réponse, c'était non. Ces gens-là avaient une spécificité.

Mais le plan Paillé, lui, qu'il faudra décrier pendant les deux prochaines années, le plan Paillé, lui, a donné des avantages incroyables à des gens qui voulaient partir versus des gens qui étaient déjà là. Et ça a eu pour effet de baisser, au total, la main-d'oeuvre de 7 000 employés et de baisser les ventes dans la restauration de 21 %, M. le Président. C'est le Vérificateur général du Québec qui nous dit ça.

Ceci dit, le projet de loi est bon. Le personnel qui a accompagné la ministre est valable. Je pense que ça va aider l'industrie touristique. Et, quand on regarde les chiffres d'emploi au Québec, M. le Président, nous avons besoin de toute l'aide que nous pouvons aller chercher. Je ne montrerai qu'un seul graphique à la ministre. J'en ai des pleines pages. Depuis un an, depuis février 1996 à avril 1997 – ça, c'est l'arrivée de M. Bouchard à ce jour, M. le Président – au Québec, c'est la petite colonne plate que vous voyez, très plate, moins 3 000 emplois de créés au Québec. En Ontario, depuis l'arrivée de M. Bouchard, là-bas, on n'a pas parlé de souveraineté...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député, la première fois, on aurait pu penser que c'était un oubli. Je vous inviterais, s'il vous plaît, à désigner les membres de cette Assemblée par leur titre et non pas par leur nom. C'est une règle bien connue.

M. Benoit: Excusez-moi, M. le Président. L'enthousiasme. Or, M. le Président, je disais que le Québec, depuis l'arrivée de ce nouveau premier ministre, n'a créé que 3 000 emplois. L'Ontario qui, elle, pendant ce temps-là n'a pas parlé de souveraineté, n'a pas relancé le débat de la langue, n'a pas essayé de diviser les gens de l'Ontario, elle, même grosseur, tout étant égal par ailleurs, créera 73 000 emplois, et le Canada – vous le voyez ici – au total, créera 185 000 emplois pendant que, nous, nous en perdrons 3 000.

J'en ai, des graphiques comme ça, M. le Président. Or, heureusement, la ministre propose un geste ici qui, nous croyons, va aider légèrement peut-être pas à créer de l'emploi, mais au moins préserver les quelque centaines d'emplois que nous avons dans cette industrie-là. Et à cet égard, nous croyons que ce n'est pas une mesure qui va mettre en mauvaise compétition des gens relativement semblables. Elle ne donne pas un avantage démesuré à une industrie versus une autre. Alors, devant toutes les questions que nous avons posées, devant les réponses que nous avons eues, nous pensons que nous devons voter pour ce projet de loi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Mme la ministre, vous avez droit à une intervention de cinq minutes.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Alors, M. le Président, je serai brève, avec tous les commentaires du député d'Orford. D'abord, je veux aussi le féliciter pour sa tenue vestimentaire. Il a un bel habit bleu marine, très innovateur, et une très belle cravate en ce jour de printemps. Alors, j'espère que c'est fait au Québec, M. le Président, mais je ne l'embarrasserai pas pour lui demander.

J'aimerais rappeler effectivement que... Juste deux petites précisions sur les commentaires qu'il faisait. Le développement que nous anticipons avec ce projet de loi, en effet, c'est de développer la gamme des produits régionaux québécois. Je pense que, ça, c'est un très bon pas dans ce sens. Le seul regret que j'ai, c'est que ça aurait été intéressant que ça soit fait il y a quelque temps, mais il a fallu que nous soyons élus pour confirmer et faire ces modifications d'avenir, parce que nous regardons en avant, n'est-ce pas, M. le Président, ce qui n'est pas toujours le cas dans le cas de l'opposition.

Deuxièmement, il a parlé du phénomène de cet intérêt pour la clientèle touristique d'aller dans ces centres de production de produits régionaux, que ce soient les vignobles, les pomiculteurs ou les producteurs de produits artisanaux. Ce n'est pas tellement lié au phénomène du vieillissement, mais c'est plutôt lié au phénomène de la connaissance. De plus en plus de gens s'intéressent à une expérience touristique qui va leur faire connaître quelque chose, qui va leur faire apprendre quelque chose. Donc, de cette façon-là, le projet de loi qu'on propose va permettre justement de présenter comment on fabrique de la bière de manière industrielle, mais quand même à dimension plus réduite, plus humaine.

(15 h 20)

En conclusion, j'apprécie les commentaires du député quant à l'apport de la fonction publique dans l'étude de ce projet de loi là. Effectivement, nous avons eu des réponses très constructives de la part de nos fonctionnaires, et je les en remercie. Ils ont été très utiles.

Je conclus en recommandant et en remerciant le député et tous les gens qui ont participé à cette commission, tous les autres députés qui étaient présents, parce que cette mesure, je pense, non seulement consolidera les emplois dans l'industrie, mais va probablement en créer d'autres dans l'avenir. C'est une mesure qui est efficace, elle est constructive et elle sera rentable pour tout le Québec, M. le Président.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Il n'y a plus d'autres intervenants? Alors, le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 110, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 28 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 97


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 28, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 97, Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec. Alors, je vais céder la parole à Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce. Mme la ministre.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Alors, le projet de loi n° 97, la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, a fait l'objet de discussions, encore une fois, très constructives en commission parlementaire.

Ce projet de loi là vise à moderniser la loi qui a créé le Centre de recherche industrielle du Québec il y a déjà plus de 25 ans. Et je pense que la commission parlementaire a été l'occasion pour plusieurs députés, pour des députés du gouvernement et de l'opposition, de mieux comprendre l'importance de renouveler le mandat du Centre de recherche industrielle et de le ramener dans la modernité de l'évolution économique québécoise.

Alors, je rappelle que le Centre de recherche industrielle du Québec, c'est un centre de recherche qui vise à aider les entreprises à développer soit de nouveaux produits, soit de nouveaux procédés, d'une part, et qui vise aussi à homologuer certains produits au fur et à mesure que ces entreprises-là sont intéressées par les marchés internationaux.

Il y a quatre défis que nos entreprises doivent relever, celui, bien sûr, de la qualité. C'est un défi que l'opposition connaît bien, puisqu'elle a été très active à créer un réseau pour améliorer la qualité de la fabrication pour nos entreprises au Québec. Donc, l'homologation des entreprises par rapport aux normes internationales de qualité totale est faite par le Centre de recherche industrielle et de plus en plus sera faite par le Centre. C'est une voie importante qui est aussi rentable non seulement pour le Centre de recherche, mais aussi pour les entreprises du Québec.

Deuxièmement, le défi de l'innovation, c'est d'assurer un appui aux PME qui n'ont pas les moyens d'avoir, évidemment, les centres de recherche à elles mais qui ont des besoins de moderniser leurs produits, de développer de nouveaux produits ou de rafraîchir aussi leurs procédés de fabrication.

L'autre défi, bien sûr, c'est l'exportation. Le fait d'avoir une capacité d'homologuer des entreprises pour la vente de leurs produits sur les marchés étrangers est une responsabilité importante pour le CRIQ. Enfin, la dernière responsabilité du CRIQ, le dernier champ d'action, c'est tout le volet de l'information aux entreprises, la veille technologique ainsi que l'appui à la connaissance sur leur propre marché et aussi sur ce que leurs concurrents prévoient réaliser dans l'avenir. Je le rappelle, l'industrie québécoise, elle est composée de plus de 170 000 PME. Elles représentent la moitié, pratiquement, des emplois au Québec. Donc, le Centre de recherche industrielle joue un rôle important.

Ce que nous voulons réaliser avec ce projet de loi, c'est d'abord de rafraîchir la loi pour permettre au Centre de recherche industrielle de commercialiser, seul ou avec des partenaires, les fruits de sa recherche. Et c'est une façon, encore là, pour développer une source de revenus pour le Centre de recherche industrielle, ce qui lui permettra, à moyen terme, d'être encore plus performant pour appuyer les entreprises dans leur développement scientifique, technologique. C'est un projet de loi qui modernise, c'est un projet de loi qui vise l'avenir de la société industrielle québécoise et c'est un projet de loi qui a fait l'objet de beaucoup de discussions entre l'opposition et le gouvernement. Je pense que, dans sa forme actuelle, avec les petites modifications qui lui ont été apportées, cela représente un outil qui nous permettra de s'assurer que le Centre de recherche industrielle du Québec serve les intérêts des entreprises québécoises et, à long terme, l'avenir industriel du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, je voudrais commencer cette courte présentation sur le CRIQ en saluant, dans les estrades en haut, M. Reed Scowen, ex-député de Notre-Dame-de-Grâce, qui a été le grand responsable de la pensée de la déréglementation ici, au Québec. Combien de fois la ministre m'a entendu parler, dans je ne sais plus combien de discours, de déréglementation? Combien de fois je lui ai rappelé que son gouvernement, entre 1976 et 1985, avait écrit 12 000 pages de règlements par année? Combien de fois je lui ai rappelé que la réglementation, c'était de la non-productivité, c'étaient des coûts exorbitants? Tout ça, M. le Président, je l'ai appris de ce député de Notre-Dame-de-Grâce, adjoint parlementaire du premier ministre, M. Reed Scowen, qui avait été un homme d'affaires avant sa vie politique, qui a été un très grand politicien dans Notre-Dame-de-Grâce et qui est revenu maintenant de nouveau en affaires. Je tiens à le saluer. Ça a été un des gens qui a fait avancer la pensée économique au Québec. Il est parmi nous aujourd'hui, et je tiens à le saluer.

M. le Président, la ministre nous arrive avec un projet de loi, celui du CRIQ. La dernière fois où j'ai eu l'occasion de parler, c'était au moment du dépôt du projet de loi. J'avais pris l'heure complète pour expliquer pourquoi l'opposition voterait contre ce projet de loi là. Alors, il n'est pas de mon intention de faire perdre du temps à la Chambre, surtout que j'aimerais bien jaser avec mon bon ami Reed Scowen, et je ne veux pas le faire attendre trop longtemps, mais je ne prendrai pas l'heure complète pour expliquer à la ministre, qui me fait voir à l'occasion la vie en rose, comme je lui disais tantôt, pourquoi nous allons voter contre ce projet de loi là. D'abord, M. le Président, il est mondialement reconnu que les gouvernements qui s'impliquent dans le produit intérieur brut au-delà de la norme du 30 %, 32 %, ont un effet rétroactif négatif sur l'économie des pays, des provinces, des États, des municipalités.

Nous savons tous, au Québec, qu'en terre d'Amérique le PIB, en grande partie, vient de l'État: 52 %. Alors, on a un beau cas, dans le cas du CRIQ, où la ministre aurait pu se désengager. Mais là ce n'est pas ça qu'elle fait. Elle nous parle de privatisation, et j'ai illustré, la dernière fois, abondamment... elle nous parle de privatisation mais sans jamais nous expliquer quand elle va le faire, comment elle va le faire, avec qui elle va le faire, à quels coûts elle va le faire, M. le Président. C'est une manière de voeux pieux. Nous avons dit à la ministre: Écoutez, si vous voulez qu'on vote pour ça, cette affaire-là, donnez-nous-en un peu plus pour notre argent, et on n'a jamais été capables de savoir quand ça va se privatiser.

Il y a un document qui a été présenté au Conseil des ministres. Quand nous nous sommes mis à questionner ce document-là, nous nous sommes aperçus que tout ça était très flou: le cinq ans n'était plus cinq ans et puis la profitabilité qu'on nous assurait n'était plus assurée. M. le Président, il y a vraiment trop d'inconnues. Et, de la façon dont ils sont après faire ça, ce n'est pas évident que le CRIQ ne deviendra pas un compétiteur en ligne directe à l'entreprise privée; et, ça non plus, la ministre n'a pas été capable de nous démontrer le contraire, que nous aurons maintenant une autre entreprise d'État qui va compétitionner contre l'entreprise privée. La grande différence entre le moment où le CRIQ fut créé et aujourd'hui, c'est que nous avons des laboratoires dans à peu près tous les secteurs. Il est loin d'être sûr que l'État a encore raison. Il y a bien d'autres façons d'arriver à aider des PME à faire de la recherche industrielle sans nécessairement garder une entreprise qui a été relativement efficace, qui a été très grosse et très dispendieuse à opérer.

(15 h 30)

La façon de privatiser cette entreprise – et M. Scowen va nous confirmer qu'on a raison, parce qu'il a vécu, entre 1985 et 1989, 40 privatisations du gouvernement libéral – une des façons, ici, de privatiser cette entreprise, c'était de l'offrir aux 350 employés, qui sont tous des petits génies à leur façon. Et, là-dessus, on n'a aucun doute. Alors, il y avait une façon de le faire: c'était d'abord de l'offrir aux employés. On n'aurait rien inventé, ça s'est fait ailleurs. Vous savez, la règle des trois F: faire du foin, avoir la foi et avoir du fun! Alors, pour les 350 employés, je pense que la règle des trois F se serait appliquée. D'abord, ils travaillent là depuis longtemps, ils sont convaincus, ils ont la foi dans le CRIQ; la ministre nous l'a dit, le président nous l'a dit. Alors, ces gens-là avaient la foi. Deuxièmement, ils nous disent qu'ils ont du fun à travailler là. Le deuxième F. Bien, s'ils ont la foi et le fun, il ne manque que le foin. Et, quand la propriété appartient au gouvernement, je pense qu'on aurait pu la leur vendre lentement, sûrement, garder la mission. Les trois F auraient été réunis, les employés y auraient trouvé leur compte, l'État y aurait trouvé son compte et nous nous serions désengagés sans pour autant aller en compétition avec l'entreprise privée.

J'arrête ici. M. le Président, je pourrais vous entretenir encore pendant une longue heure. Je suis fondamentalement convaincu que la ministre ne fait pas la bonne transaction de la bonne façon et je lui répète que la seule transaction qu'ils ont faite en privatisation a été celle de la Société des alcools du Québec. Vingt ans plus tard, nous sommes encore pris en cour avec ce problème. Ils n'ont même pas été capables de privatiser les succursales de la Société, à l'époque. Nous en avons fait 40 sans aucun problème.

Alors, quand elle me parle de privatisation, M. le Président, laissez-moi vous dire que ça m'inquiète, ça m'inquiète allégrement, et je pense qu'elle ne s'en va pas... Ce qu'elle essaie de faire sans le dire, elle essaie de se désengager, comme ils essaient de se désengager dans les hôpitaux, dans les écoles, dans à peu près tout, mais ils ne veulent pas le dire. Ils ont donc pris le mot privatisation sans jamais nous dire qui, avec qui, combien et quand ils nous feront cette privatisation. Et jamais elle n'a pu répondre aux questions que nous lui avons posées pendant la commission parlementaire. Merci infiniment, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à Mme la ministre, pour cinq minutes d'intervention.


Mme Rita Dionne-Marsolais

Mme Dionne-Marsolais: Oui, M. le Président. Je vais prendre ce temps de réplique parce que je pense qu'il y a des petites précisions. D'abord, au Québec, notre production intérieure brute est de 175 000 000 000 $ et on en exporte 54 %. On doit faire quelque chose de bien là-dedans parce que c'est plus que toutes les économies – que ce soit le Japon, la France, même les États-Unis – industrialisées comparables.

L'objectif qu'on poursuit avec ce projet de loi, c'est d'augmenter l'autofinancement, mais de le faire d'une manière responsable, d'une manière planifiée et dans un contexte de transition prudente. Je sais que, pour l'opposition, ce sont des mots qu'ils ne connaissent pas ou dont ils ne connaissent pas la signification parce que, s'ils l'avaient connue, ils auraient mis de l'avant un certain nombre de mesures pour que ce processus s'engage intelligemment. Mais la privatisation dont parlait le député d'Orford tout à l'heure, les seuls exemples qu'ils nous ont laissés, et j'ai eu la tristesse de devoir en être témoin parce que j'ai eu le portefeuille du tourisme dès l'élection de 1994... On nous a dit qu'on avait privatisé le Mont-Sainte-Anne dans l'intérêt des Québécois, et ça a coûté à chaque Québécois 5 $ par tête pour donner – soi-disant vendre – le contrôle de nos terres à des étrangers. Mais payer 5 $ pour privatiser quelque chose, je trouve ça fort un peu qu'on nous donne ici des leçons quant aux façons de faire de la privatisation.

Notre façon, M. le Président, est un petit peu plus prudente, elle dit au Centre de recherche industrielle: Vous allez maintenant devenir une société, une compagnie, vous pourrez vendre des actions, vous pourrez commercialiser vos produits et, au fur et à mesure que votre autofinancement va se développer, vous pourrez, à ce moment-là, nous faire des propositions pour que les contribuables puissent éventuellement peut-être retirer des intérêts, des dividendes ou alors des revenus de l'évolution de la privatisation du CRIQ, le cas échéant.

Mais nous ne voulons pas le faire de manière irresponsable comme l'opposition l'a fait. Et j'en veux pour preuve non seulement le Mont-Sainte-Anne, qui est tout frais à notre mémoire, mais aussi la privatisation qu'ils avaient faite dans le secteur de la biotechnologie, au lendemain de leur élection. Ils ont fait retarder le Québec de 10 ans en matière de haute technologie quand ils ont vendu Bio-Mega pour la valeur de l'immeuble où se trouvaient une centaine de chercheurs, sous prétexte que l'État n'avait pas d'affaire là-dedans. Et, quand, à l'élection de 1989, ils ont eu un ministre de l'Industrie et du Commerce qui était M. Tremblay, tout à coup, lui, il est arrivé en disant: La biotechnologie, c'est important pour un État comme le Québec. Mais on avait perdu à peu près huit ans au niveau de notre avancement dans ce secteur-là.

Alors, des leçons en matière de privatisation – M. le Président, je vais m'arrêter là-dessus – nous n'avons certainement pas à en recevoir de la part de l'opposition, qui ne connaît de ce mot que la capacité d'offrir des actions pas chères à des chums. Merci, M. le Président.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 97, Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 29 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 108


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 29, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des finances publiques sur le projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal. M. le ministre délégué au Revenu, je vous cède la parole.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Alors, je soumets effectivement à l'Assemblée le rapport de la commission des finances publiques concernant ce projet de loi n° 108 en vue de sa prise en considération. Le projet de loi n° 108 a été présenté le 8 mai 1997 et son principe a été adopté le 21 mai suivant. La commission des finances publiques en a fait l'étude détaillée les 22 et 30 mai 1997 et en a adopté les 153 articles. Des amendements ont été adoptés à un certain nombre d'articles. Il s'agit de corrections techniques, légistiques ou de concordance pour la plupart, corrections résultant de facteurs externes ou de précisions ultérieures dans d'autres cas. Le rapport a été déposé il y a quelques jours.

Ce projet de loi modifie sept lois dont la Loi sur les impôts en vue de faciliter l'application des lois fiscales visant les contribuables québécois. Il a pour objet principal d'harmoniser la législation fiscale du Québec avec celle du fédéral. Il donne suite plus particulièrement aux mesures d'harmonisation prévues dans le discours sur le budget du ministre des Finances du 9 mai 1995.

M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur les impôts en y apportant des modifications semblables à celles qui ont été apportées à la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada par divers projets de loi fédéraux. J'aborde dès maintenant quelques-unes des règles modifiées ou introduites par ce projet de loi. La première concerne l'élimination de la possibilité accordée aux particuliers et à certaines entités qui exploitent une entreprise de différer l'imposition du revenu provenant de cette entreprise en choisissant un exercice financier qui ne correspond pas à l'année civile.

Un second sujet touche les règles applicables aux fiducies. Ainsi, il est proposé de modifier la Loi sur les impôts afin d'empêcher que l'utilisation de fiducies familiales ne confère des avantages fiscaux indus. À cet effet, ce projet de loi propose l'élimination, à compter du 1er janvier 1999, du mécanisme permettant à une fiducie familiale de différer l'application de la règle concernant l'aliénation réputée de ses biens à tous les 21 ans. À l'égard de ce même sujet, il est proposé une deuxième modification concernant l'élimination des règles portant sur l'attribution du revenu d'une fiducie à un bénéficiaire privilégié, sauf dans les cas où un tel bénéficiaire est atteint de déficience mentale ou physique grave et prolongée.

(15 h 40)

Une autre modification est relative aux règles applicables à l'égard de la production de la déclaration fiscale d'un particulier en affaires au cours d'une année et de son conjoint afin de prolonger le délai de production du 30 avril de l'année suivante au 15 juin de cette année suivante. Ainsi, M. le Président, afin de tenir compte du fait qu'un particulier qui exploite une entreprise au cours d'une année peut avoir besoin de plus de temps pour préparer ses états financiers et, de ce fait, sa déclaration fiscale pour l'année, la date limite prévue pour un tel particulier afin de produire cette déclaration passera du 30 avril au 15 juin de l'année suivante.

De plus, puisque, aux fins d'établir le montant de certains crédits d'impôt auxquels peut avoir droit un particulier, il peut être nécessaire de connaître le revenu de son conjoint, il est proposé que le particulier et son conjoint disposent du même délai pour produire leur déclaration fiscale. Ainsi, si le nouveau délai fixé au 15 juin de l'année suivante s'applique à l'un d'eux, il s'appliquera également à l'autre.

Un quatrième sujet concerne, d'une part, les règles relatives à la déductibilité des dépenses de recherche scientifique et de développement expérimental et, d'autre part, les crédits d'impôt remboursables pouvant en résulter lorsque ces recherches-développements sont réalisés au Québec.

De plus, le projet de loi n° 108 modifie la Loi sur le ministère du Revenu, d'une part, pour tenir compte de l'abrogation de la Loi favorisant le développement industriel au moyen d'avantages fiscaux et, d'autre part, afin d'étendre les règles relatives à la responsabilité solidaire en matière de retenues à la source à quiconque a le pouvoir d'autoriser, pour une personne, le paiement d'un montant assujetti à une retenue à la source ou de faire en sorte qu'il soit effectué et qui consent ou fait en sorte qu'un tel paiement soit effectué par cette personne ou pour son compte.

En terminant, la Loi sur les impôts et d'autres lois fiscales sont également modifiées afin d'y apporter diverses autres modifications, y compris des modifications de concordance et de terminologie.

En conclusion, M. le Président, je tiens à remercier les membres de la commission des finances publiques pour leur collaboration lors de l'étude du projet de loi. Leur contribution aura été certainement appréciée. En conclusion, donc, M. le Président, je demande à cette Assemblée d'adopter le rapport de la commission des finances publiques sur l'étude détaillée du projet de loi n° 108. Merci, M. le Président.


Mise aux voix du rapport

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre délégué au Revenu. Il n'y a plus d'autres intervenants. Alors, le rapport de la commission des finances publiques portant sur le projet de loi n° 108, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 38 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 106


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 38, M. le ministre de la Justice propose l'adoption du projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse. Il n'y a pas d'interventions?


Mise aux voix

Alors, le projet de loi n° 106, Loi modifiant la Loi sur la presse, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Je vous demande de prendre en considération l'article 31 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 111


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 31, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi n° 111, Loi modifiant la Loi sur les forêts. Y a-t-il des interventions?


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de l'économie et du travail portant sur le projet de loi n° 111, Loi modifiant la Loi sur les forêts, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Nous en sommes rendus à appeler l'article 5 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 109


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 5, l'Assemblée reprend le débat ajourné ce matin sur l'adoption du principe du projet de loi n° 109, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, la Loi sur les élections scolaires et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il d'autres interventions?

Mme Caron: M. le Président, je vais vous demander une petite suspension.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 45)

(Reprise à 15 h 46)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons reprendre le débat ajourné sur l'adoption du principe du projet de loi n° 109, et je céderai la parole à M. le député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Pour moi, c'est un privilège mais surtout un devoir d'intervenir sur le projet de loi n° 109, certains aspects du projet de loi n° 109, des aspects de droits fondamentaux.

Le nom de Middlemiss, ce n'est pas un nom qui est tellement francophone, c'est un nom qui est anglophone, et j'ai été extrêmement chanceux d'être issu d'une famille avec un père anglophone protestant et une mère francophone catholique. Je ne me souviens pas laquelle des deux langues j'ai parlée parce que, chez moi, lorsque mon père était là, comme les enfants du premier ministre, avec la mère, parlent en anglais, moi, je parlais en anglais et, avec ma mère, je parlais en français.

Quand je vous ai indiqué tantôt que j'étais issu d'un père protestant et d'une mère catholique, à ce moment-là on ne pouvait pas se marier dans l'église, on était obligé de se marier dans le presbytère et on était obligé d'élever les enfants dans la religion catholique. Le fait qu'au Québec la plupart des écoles étaient des écoles francophones, j'ai été choyé et chanceux d'avoir fait mon cours en français. Toutefois, M. le Président, ça ne m'a pas empêché d'avoir des racines dont je suis fier, des racines anglophones et des racines francophones. Je suis aussi fier des deux. Je me compte extrêmement choyé et je pense que ça m'a permis, dans ma vie, d'avoir les succès que j'ai connus, que ce soit dans le domaine du privé, que ce soit en politique, d'être capable de comprendre les deux langues, et je pouvais me promener n'importe où.

En politique, M. le Président, je représente un comté qui est un peu à l'image de ce que je suis: 50 % des gens que je représente sont anglophones et 50 % sont francophones. Et plusieurs sont dans la même situation que je viens de vous expliquer dans mon cas personnel. Ces gens-là sont tous d'accord pour des commissions scolaires linguistiques, aucun problème, sauf que la façon dont le gouvernement a procédé, un gouvernement en qui, en partant, ils n'ont pas confiance à cause... On dirait que, chaque fois que l'aile dure et pure commande, au gouvernement, on resserre un peu sur la communauté anglophone.

(15 h 50)

M. le Président, ces gens-là sont inquiets, mais surtout encore plus inquiètes sont les familles anglophones qui ont décidé d'envoyer leurs enfants à l'école en français, et elles n'ont pas demandé même la permission ou elles n'ont pas exigé un certificat pour se protéger. Ces gens-là sont inquiets parce que leurs enfants, qui ont voulu s'intégrer à la communauté francophone du Québec, viennent de perdre un droit, un droit que, moi, je n'ai pas pu avoir parce que mes parents avaient décidé de m'envoyer à l'école française. Et je n'ai aucun regret, sauf que ça n'enlève pas que je suis aussi fier d'être anglophone que d'être francophone.

Mais les parents, aujourd'hui, sont inquiets et ils m'ont appelé, plusieurs d'entre eux, pour me dire: Ça n'a pas de bon sens, on a posé des gestes dans le passé d'envoyer nos enfants à l'école en français, mais aujourd'hui ça ne veut pas dire qu'on est prêts à abandonner notre communauté, nous sommes des anglophones de racine et nous voulons maintenir nos droits et nos privilèges. Et vouloir aujourd'hui, avec les commissions scolaires linguistiques, dire que le droit de vote va être limité à ceux qui vont avoir des enfants à l'école, s'ils sont par hasard à l'école en anglais, et que ceux qui n'ont pas d'enfant à l'école, eux, ils devront obtenir une permission et faire la preuve que, selon la loi 101, ils avaient le droit à l'éducation en anglais... Ça veut dire qu'un des parents a été éduqué au niveau primaire au Canada, en anglais. M. le Président, il y en a plusieurs qui ne pourront pas la faire, cette preuve-là, mais ils sont de la communauté anglophone, et c'est des droits qui sont fondamentaux.

M. le Président, là, on comprend aujourd'hui, lorsqu'on voit le projet de loi n° 109, pourquoi ce gouvernement n'a pas écouté les recommandations que le critique de l'opposition officielle avait suggérées, qu'on passe par un changement constitutionnel. On comprend pourquoi, parce qu'ils ne voulaient pas reconnaître que la communauté anglophone, ce n'est pas parce que quelqu'un est allé à l'école anglaise au Canada, mais c'est quelque chose qui est fondamental, c'est quelque chose de racine, et sachant fort bien qu'en demandant au gouvernement canadien de changer la Constitution le gouvernement canadien voudrait s'assurer de protéger les droits des minorités ici, au Québec. Donc, c'est pour ça, M. le Président. Pourtant, on a perdu un an, peut-être deux ans, pour finir avec la recommandation qu'on avait suggérée au tout début. Mais on comprend pourquoi, M. le Président, à ce moment-là, parce qu'aujourd'hui le chat est sorti du sac, c'est qu'on voudrait limiter la communauté anglophone à une définition selon la loi 101, qui ne se tient pas debout, et ça, M. le Président, je trouve que c'est extrêmement triste. Et je vais vous dire pourquoi.

Je vous indiquais tantôt, dans la partie de mon comté 50 % francophone, 50 % anglophone... Et je prends un exemple, M. le Président. Il y a deux semaines, on a eu le Parlement écolier. On avait demandé, dans tous les comtés du Québec, de présenter un projet de loi et une classe, une 6e année serait choisie, parmi les classes, un ou une étudiante viendrait ici, à Québec, pour prendre la place du député. J'ai été très fier de voir que c'est une école anglophone, des élèves sachant fort bien qu'en venant ici, à l'Assemblée nationale, tout se ferait presque exclusivement en français... Je ne veux pas dire que l'anglais n'est pas permis, M. le Président, mais que ça se ferait ici exclusivement en français.

Et qu'est-ce que ces jeunes-là avaient comme projet qui n'a pas été choisi? Ils suggéraient un projet de loi pour que les commissions scolaires puissent augmenter l'enseignement de la langue seconde, l'anglais pour les francophones comme le français pour les anglophones, dans le but de bâtir des ponts pour que les communautés anglophone et francophone puissent se connaître mieux. Parce que, lorsqu'on connaît le langage, lorsqu'on comprend ce que d'autres personnes disent dans une autre langue, on est moins inquiet de ce qu'ils disent ou s'ils parlent de nous ou non.

Donc, M. le Président, c'est un exemple qu'il y a des jeunes, dans une municipalité à 99 % anglophone, qui ont pris le temps, avec leur institutrice, de préparer... Ça, c'est des gens qui veulent, qui ont fait les... Ils ont démontré par leurs actions qu'ils voulaient réellement s'intégrer. Un geste comme celui-là, de dire: Maintenant, c'est parce que vous êtes des anglophones de souche, mais vous n'avez pas le droit ou vous n'avez pas eu le permis d'être éduqué en anglais selon la loi 101, vous n'êtes pas une communauté, on nie un peu ça. Donc, ce n'est pas de cette façon-là que je crois qu'on va être capable, la communauté anglophone, d'avoir confiance, surtout dans ce gouvernement-là, ce gouvernement-là qui à tout bout de champ trouve tous les moyens possibles pour créer la dissension, la zizanie avec la communauté anglophone. On pourrait peut-être dire que ce n'est pas vrai. M. le Président, je pourrais vous en citer, des exemples. Donc, pourquoi...

Une voix: ...

M. Middlemiss: Aïe! M. le Président, si le député de Laviolette veut parler... Je ne sais pas s'il a déjà pris la parole ou non ou s'il a des choses à dire. Mais il faut reconnaître que le but des commissions scolaires linguistiques, c'est de s'assurer de renforcir la communauté francophone pour que les immigrants qui viennent ici puissent se joindre à la communauté. Mais j'espère que le but, ce n'est pas de faire disparaître la communauté anglophone. Regardez les statistiques: il y avait 250 000 étudiants; aujourd'hui il y a en 100 000.

Est-ce qu'on veut faire disparaître tout ça? Est-ce qu'on veut faire disparaître cette communauté-là ou est-ce qu'on n'est pas mieux de dire à cette communauté-là: Regarde, au point de vue de l'enseignement, de la loi 101, tu veux aller à l'école anglophone, il va falloir que tu démontres que tes parents ont été éduqués en anglais au Canada, c'est fini... Mais, comme société, pourquoi pas les laisser supporter la commission scolaire? Ce n'est certainement pas pour les protéger. Ils n'en ont pas demandé, de protection. C'est ça, l'argument de la ministre: On va les protéger parce que les francophones vont peut-être prendre le contrôle des commissions scolaires anglophones. Mon oeil! M. le Président, mon oeil! Si ça avait été le cas...

Oh! regardez, si on nous avait dit aussi: Puisque ça va être moins cher de payer les taxes à la commission scolaire anglophone, à ce moment-là on voudrait certainement empêcher que ça se produise. Je pourrais comprendre, ça a un peu de raison. Pourquoi les gens iraient payer à une commission scolaire pour payer moins cher? M. le Président, je connais des gens, moi, de l'Outaouais, et leurs enfants vont à l'école en Ontario. Pourquoi? C'est pour que ces gens-là puissent avoir l'opportunité d'apprendre les deux langues, ce qui est tout à fait un atout.

Et je vais vous donner un autre exemple, M. le Président, de comment les choses ont changé dans le comté de Pontiac. J'ai été élu il y a 16 ans passés, et on m'avait indiqué, à ce moment-là: M. Middlemiss, à Shawville, surtout, là, on ne parle pas français. J'ai insisté. Et tantôt, quand je vous ai cité la classe... J'ai insisté, moi, puis je l'ai fait tout le temps, de façon mesurée, dans le respect.

Et pourquoi c'est une classe de Shawville qui est venue ici, qui a préparé un projet pour venir au Parlement écolier? Est-ce que ce n'était pas l'exemple, de leur démontrer, de dire: Regardez, je vous respecte, je respecte votre langue, vous allez comprendre aussi qu'au Québec il y a une majorité de gens qui parle français et vous devriez tenter de faire tous les efforts nécessaires pour vous intégrer à cette communauté? Je pense qu'on a fait des pas, des pas de géant dans ce sens-là, et pas seulement dans ce sens-là, je peux vous donner un exemple. Et ça, ce n'est pas en voulant matraquer ces gens-là qu'on va réussir à le faire, c'est en tentant de les comprendre, de leur donner leurs droits et leurs privilèges. C'est de cette façon-là qu'ils vont vouloir coopérer avec nous autres.

(16 heures)

L'autre problème, M. le Président, c'est pourquoi les commissions scolaires doivent rencontrer les limites de la MRC. J'ai un problème tout à fait particulier, moi, dans la commission scolaire de Pontiac. On a recommandé de l'envoyer avec la Haute Gatineau; la commission scolaire est d'accord, mais les forces vives du milieu ne le sont pas. Les parents ne sont pas d'accord, les enseignants ne sont pas d'accord, les municipalités ne sont pas d'accord, les CLSC... Donc, M. le Président, tout ce groupe-là, ils ont demandé à la commission scolaire, ils ont dit: Regardez, on n'est pas d'accord parce qu'on ne sera pas bien servi de cette façon-là. On aime mieux, nous autres, suivre et continuer avec Hull et Aylmer, comme la municipalité de Pontiac, qui était censée être avec la MRC des Collines, demande à être avec Hull et Aylmer. La géographie, toutes ces choses-là, M. le Président, semblent être mieux.

Pourquoi on a décidé de prendre les limites d'une MRC? J'espère, M. le Président, qu'on va être capable de permettre à la commission scolaire de Pontiac, même si le conseil des commissaires a choisi de vouloir aller avec la Haute Gatineau, pour quelque raison que ce soit... Moi, il me semble que les maires des municipalités, que les parents, que les enseignants doivent avoir quelque chose à dire. S'ils sont en désaccord avec leur commission scolaire, d'être capable de présenter leur point de vue et de démontrer que tout va vers Hull et Aylmer. Même, regardez, la municipalité de Pontiac, aujourd'hui, fait partie de la commission scolaire d'Aylmer qui va se regrouper avec Hull.

Pourquoi ne pas tenter de reconnaître les affinités, des choses qui existaient bien longtemps avant les frontières, les limites des MRC? La commission scolaire existait bien avant ça. C'étaient des conseils de comté. Dans ce temps-là, la commission scolaire de Pontiac faisait partie du conseil de comté de Pontiac et non pas de la MRC des Collines. On espère, M. le Président, que, ces choses-là, la ministre va être capable de reconnaître ça.

Mais, sur l'affaire de la langue, il me semble, M. le Président, le droit de vote et où payer les taxes scolaires, que c'est fondamental. J'espère que vous ne voudriez pas qu'une personne comme moi, parce que je demeure au Québec où la majorité est francophone et que j'ai des racines aussi profondes anglophones, mette de côté ses racines, dise: Parce que la majorité au Québec est francophone, je devrais oublier que, moi, je suis à moitié anglophone, et j'en suis fier, oublier mon père et toute sa famille. Est-ce que c'est ça qu'on veut au Québec? Ce n'est pas ça que j'ai compris, moi. J'ai toujours compris que la société québécoise était généreuse. Il semblerait que la société québécoise, elle l'est, mais c'est le gouvernement PQ qui ne l'est pas. S'il veut faire passer des choses de cette nature-là, ils ont complètement oublié que... De la même façon, est-ce qu'on voudrait que les Franco-Ontariens, les Franco-Manitobains oublient d'être des francophones parce qu'ils sont avec une majorité anglophone? Mon oeil!

Pourquoi, M. le Président, au Québec, il faut que ce soit de cette nature-là? Essayons donc de comprendre que, même si les anglophones, ils sont majoritaires au Canada, ils sont minoritaires au Québec. Et c'est avec les lois du Québec qu'ils doivent vivre, c'est avec les droits et les privilèges qu'ils ont au Québec qu'ils doivent vivre et non pas avec ce qui se passe dans le restant du pays. Essayez donc de comprendre ça. Essayez de le comprendre.

C'est vrai que le vice-premier ministre et l'ancien premier ministre n'ont certainement pas aidé à la situation le soir du référendum du 30 octobre. Mais le premier ministre a tenté de vouloir mettre un peu de baume sur ça. Je dis «du baume» parce que je ne suis pas convaincu encore qu'il était aussi sincère qu'il en avait l'air. Parce que, s'il était aussi sincère, M. le Président, on n'aurait pas la situation qu'on a aujourd'hui, parce qu'il aurait dit qu'il faisait partie de cette communauté. Ils ont contribué à bâtir le Québec tel qu'on le connaît aujourd'hui. Après ça, on arrive puis on dit: Vous autres, parce qu'il y a des enfants dont les parents n'ont pas été éduqués en anglais au Canada, bien, vous n'êtes plus des anglophones, vous n'avez plus de droits.

Il me semble que quelqu'un qui est honnête et sincère lorsqu'il dit quelque chose, pas juste des beaux discours, là, il faut que dans l'action, dans les gestes... il faut que les gestes soient compatibles avec le discours. Donc, il est allé au Centaur, le premier ministre, pour essayer de réparer la gaffe des deux autres, du premier ministre, son prédécesseur, et du vice-premier ministre. Donc, si le premier ministre et le Parti québécois réellement trouvent que la communauté anglophone a sa place au Québec, bien, il me semble qu'il va falloir qu'on apporte des changements pour le reconnaître. Et on a suggéré des choses: le libre-choix, pas le libre-choix, de choisir; choisir.

Une voix: ...

M. Middlemiss: Oui. La CEQ l'a choisi. C'est un peu comme moi, M. le Président, lorsque j'étais en affaires en Ontario. Comme personne d'affaires, je pouvais choisir de soit payer les taxes à la commission scolaire publique, qui était protestante, ou à la commission scolaire séparée d'Ottawa. Et comme, moi et un de mes partenaires, on voulait supporter la communauté francophone, on a donné une partie de nos taxes. On avait le choix de le faire. Ça, c'est en Ontario, et je parle de plusieurs années passées.

Est-ce que ça serait tellement difficile, M. le Président? Surtout le prétexte que donne la ministre: de vouloir protéger les commissions scolaires linguistiques contre les francophones? Comme si la communauté francophone du Québec voulait, elle... C'est peut-être de la façon dont pense le Parti québécois, mais, moi, je suis convaincu, convaincu que la grande majorité des Québécois ne pensent pas de cette façon-là, et, eux, ils sont des vrais démocrates. Ils respectent la démocratie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, écoutez, nous allons suspendre quelques minutes pour permettre aux députés d'arriver.

(Suspension de la séance à 16 h 7)

(Reprise à 16 h 10)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Nous reprenons nos débats, et il n'y a plus d'autres intervenants pour l'adoption du principe du projet de loi n° 109. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Comme il n'y a plus d'intervenants, je fais motion pour ajourner le débat pour que la ministre puisse exercer son droit de réplique, et je veux qu'on en fasse un ordre de la Chambre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, alors, il restait le droit de réplique de la ministre. On demande l'ajournement du débat pour permettre à la ministre de pouvoir exercer son droit de réplique au retour. Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je vous demande de prendre en considération l'article 35 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 40


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 35, Mme la ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la Charte de la langue française propose l'adoption du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française. Je vais céder la parole à Mme la ministre de la Culture et des Communications.


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: Merci. M. le Président. Au mois d'août 1997, la Charte de la langue française aura 20 ans. Mais, grâce au courage politique du premier gouvernement du Parti québécois, la loi 101 a permis, en dépit des attaques dont elle a été l'objet, de faire avancer le Québec.

Presque tous s'accordent maintenant là-dessus. Et je vous rappellerai même l'opinion significative à cet égard de l'Institut C.D. Howe, qui affirmait au mois de décembre 1996, et je vous cite le texte en anglais: «Québec's Charte de la langue française has been controversial but necessary. In general, Bill 101's restrictions on use of English are reasonable if Québec as a whole and Montréal in particular are to remain majority francophone.»

La loi 101 a été un pas de géant pour l'entrée du Québec dans la modernité. On doit à la loi 101 des succès importants d'intégration des allophones. Mais pour que le français progresse encore, il faut amender en l'actualisant la Charte de la langue française. Et c'est ce que fait le projet de loi n° 40.

Il faut que la Charte s'adapte à son époque, ce que nous faisons grâce aux dispositions portant sur les logiciels et les ludiciels. Il faut aussi, M. le Président, appliquer la loi comme il se doit. Le projet de loi n° 40 traduit cette nécessité.

Je voudrais donc démontrer, M. le Président, que le projet de loi n° 40 respecte et poursuit la logique essentielle de la Charte de la langue française en revenant d'abord bien sûr sur la raison d'être de la Charte de la langue française afin de démontrer qu'une conception philosophique correspondant à la philosophie libérale qui l'inspirait l'inspire encore.

Ceux qui s'opposent à la Charte et à son application sous couvert de libéralisme pratiquent, M. le Président, un néolibéralisme. Il y a d'abord l'argument fondamental du contexte qu'on connaît bien, le contexte géopolitique. On l'a dit, on l'a répété souvent en cette Chambre, de ce côté-ci, M. le Président, nous représentons 2 % dans un continent anglophone. Il faut revenir au sens même de notre action en matière linguistique. Il s'est dit bien des faussetés, M. le Président, pendant les 40 heures de débats à la commission parlementaire.

Les mesures de protection et de promotion culturelle incluses dans le projet de loi n° 40 sont importantes. L'on ne peut se mobiliser au plan national uniquement sur des abstractions, les droits, les libertés, la constitution. Tous les pays, sans exception, ont des traits identitaires qu'ils valorisent et qu'ils veulent conserver, et ça n'a rien à voir avec un nationalisme ethnique, c'est d'un nationalisme civique dont il s'agit ici. Et quand on regarde ce que fait le gouvernement canadien pour la promotion de sa culture et qu'on ne le lui reproche pas constamment, contrairement à ce que nos amis d'en face ont fait pendant les 40 heures en commission parlementaire...

Pourquoi nos artistes réussissent-ils à avoir un minimum de part de marché en chanson et en télévision? Parce qu'il y a des quotas, parce qu'il y a une réglementation, parce que le CRTC utilise la coercition. Et c'est comme ça qu'on a développé une industrie de la télévision et de la chanson.

Gérard Bouchard, l'historien et sociologue, souligne ce fait que le Canada aussi ne se prive pas de protéger, donc, ce qu'il considère être sa culture, et je le cite: «À en juger par l'ardeur que met le gouvernement fédéral à intervenir pour défendre la culture canadienne contre l'influence des médias des États-Unis, on peut entrevoir quelle serait son attitude si la langue anglaise elle-même se trouvait un jour menacée.» Voilà une première raison, M. le Président, qui nous permet d'affirmer que la Charte de la langue française et les amendements que nous proposons reposent sur une nécessité.

En fait, c'est le gouvernement canadien qui se permet les accrocs les plus importants au libéralisme en matière culturelle. La politique adoptée en février 1997 et contestée actuellement devant les tribunaux, cette politique adoptée par le ministère canadien des Affaires étrangères en matière de subvention aux artistes canadiens en tournée à l'étranger est une violation claire de la liberté d'opinion, un droit considéré comme fondamental. Et je vous rappelle, en effet, qu'en vertu de cette politique le gouvernement canadien n'attribue des subventions qu'aux artistes qui font la promotion de l'unité canadienne. J'aimerais bien entendre une fois de temps en temps les soi-disant chevaliers du libéralisme, et notamment le député d'Outremont, condamner ces réelles entorses aux principes libéraux fondamentaux.

Les grandes nations qui sont constamment présentées comme des modèles de nationalisme civique, ce qu'est le nôtre aussi, ne se privent pas de protéger leur culture, notamment la France qui, à bon droit d'ailleurs, promeut la notion d'exception culturelle sur le plan international. Pour la première fois, la France, submergée par la musique américaine, a récemment imposé un quota de 45 % pour la chanson. Il y a eu des cris d'horreur au départ, mais, depuis un an, tout le monde est heureux parce que la demande est là et surtout parce que l'offre existe. Et si la demande est là, c'est parce que l'offre existe.

La plupart des États-nations libéraux, que ce soit la Norvège, les Pays-Bas, utilisent, comme le Canada et le Québec, des programmes de protection et de promotion culturelle. Bien sûr que le cas des États-Unis est un cas à part, parce que c'est la première puissance économique mondiale, ensuite parce que sa production culturelle profite d'une commercialisation internationale. Sa langue est devenue la langue des affaires grâce à la force du nombre et à l'économie.

Mais il faut dire que, malgré cette force écrasante de la langue anglaise, certains Américains, à tort ou à raison, sentent que, dans certaines régions, leur langue est menacée. Je tiens à dire que, s'il y a des Américains dans la situation d'extraordinaire force de leur culture et de leur langue qui ressentent de l'insécurité, on peut comprendre que, a fortiori, nous sentions, comme Fernand Dumont le disait, une fragilité de notre langue. Fernand Dumont affirmait d'ailleurs, et je le cite: «Si je vivais en France ou en Grande-Bretagne, je ne serais pas nationaliste, mais ici je le suis par nécessité. Devant la fragilité de ma société en Amérique du Nord, je récuse la prétention qu'on ne puisse être nationaliste et humaniste.»

M. le Président, nous considérons donc légitime de prendre des mesures, dans le cadre de la mondialisation actuelle, pour protéger la langue française, pour promouvoir une culture politique commune. Le néolibéralisme, au contraire, fait primer le laisser-faire. Transposé au domaine culturel, ce néolibéralisme et ce dogme du laisser-faire mettent en danger les fondements mêmes du libéralisme politique et, partant, de la démocratie, car la démocratie a besoin d'une langue, M. le Président, et d'une culture pour s'exprimer et pour qu'un espace public soit viable. Le laisser-faire, M. le Président, on sait le tort qu'il a fait aux communautés francophones et acadiennes. On en a aussi beaucoup parlé à la commission parlementaire et en cette Chambre. Il y a eu des mesures d'État, M. le Président, en ce qui concerne les minorités francophones et acadiennes, mais, dans l'autre sens, le règlement 17, les lois linguistiques du Manitoba, etc.

La Charte de la langue française, c'est une mesure libérale, M. le Président, qui respecte la diversité et qui vise tout simplement le développement d'une langue commune. Car ne pas agir pour promouvoir notre langue, c'est se résigner au laisser-faire, c'est appliquer Darwin à l'évolution des cultures, laisser la loi du plus fort faire son oeuvre. Et je vous rappelle que Darwin est du même siècle que Durham, qui est du même siècle que les théories économiques du laisser-faire et qui n'ont rien à voir, justement, avec le domaine culturel. Que serait le Québec français aujourd'hui, M. le Président, si nous avions poursuivi la logique du laisser-faire de la loi 63 de Jean-Jacques Bertrand?

(16 h 20)

La ruse canadienne du multiculturalisme nous apparaît à nous, au Québec, risquée, M. le Président. Dans son livre Selling Illusions , Neil Bissoondath s'interroge à juste titre sur le multiculturalisme canadien qui nous oblige justement à nous poser en ethnie à l'intérieur du Canada, ce que nous récusons. Et je partage son interrogation: Jusqu'à quel point une société démocratique peut-elle se permettre de cultiver la fragmentation et le cloisonnement culturel? Nous croyons, nous, qu'il est possible de respecter la diversité tout en préservant les conditions d'une intégration à la société francophone. Voilà le grand et noble projet que sert la Charte de la langue française.

La langue commune ne veut pas dire que les autres langues soient confisquées. Au contraire – et je l'ai dit souvent, M. le Président – je suis pour le plurilinguisme individuel. Il faut connaître plusieurs langues. Mais oui, M. le Président! Et je vous cite à nouveau Gérard Bouchard, donc, historien et sociologue, qui vient d'écrire, dans la revue L'Action nationale , un texte qu'il avait d'ailleurs déjà donné devant la Société des musées québécois en 1996, et je le cite, M. le Président: «Le Québec a intérêt à préserver le capital culturel représenté par sa diversité linguistique. Dans cet esprit, la langue française crée un moyen de communication nécessaire entre les composantes de la nation. Elle dessine un lieu d'échanges ouvert où peut s'exprimer et s'imprimer toute la diversité culturelle selon des processus d'intégration par interaction.» La Charte de la langue française vise donc l'inclusion, M. le Président, et les lois linguistiques du Québec ne sont pas le reflet d'une société frileuse et sur la défensive, mais elles marquent bien, au contraire, un effort pour accueillir les nouveaux arrivants et pour les inciter à s'intégrer à leur nouvelle société d'accueil. Je le rappelle, la loi 101 a permis au Québec d'intégrer au français beaucoup d'immigrants.

Si le Québec était hostile, M. le Président, comme on a voulu nous le faire croire, de l'autre côté de la Chambre, pendant les 39 heures de la commission parlementaire, si donc le Québec était hostile aux étrangers, il les laisserait libres de choisir l'anglais et de s'intégrer plutôt à la majorité canadienne et nord-américaine. En exposant clairement les règles du jeu à tous les nouveaux immigrants qui arrivent ici: Au Québec, la langue commune, c'est le français, les Québécois choisissent de transformer leur société en société d'accueil. Proposer aussi explicitement aux immigrants qui viennent s'établir ici de s'intégrer à la majorité francophone, c'est aussi proposer à terme de transformer la société québécoise, ne l'oublions pas. On fait la promotion de la langue française pour tous les habitants du Québec, tout le territoire. Ceux qui ne parlent pas le français vont peut-être développer le goût de l'apprendre. C'est une richesse que d'apprendre le français. Au Québec, c'est un atout parce que ça permet d'entrer dans l'univers culturel francophone majoritaire.

La langue, M. le Président, c'est un trait culturel. La langue s'acquiert. Une langue peut se perdre. Elle n'est pas un aspect naturel ni un aspect physique immuable. Donc, la protection de ce trait est une logique qui est très libérale, dans le bon sens du terme. On ne naît pas nécessairement francophone ou italophone, on le devient souvent par nécessité, parce qu'on l'acquiert, on le devient par les forces de l'environnement social. Aussi postmodernes qu'elles soient, les sociétés contemporaines ne peuvent faire l'économie d'une langue commune. C'est une des conditions mêmes de la vie en société. La loi 101, d'ailleurs, fait preuve de beaucoup d'ouverture en ce sens-là. Le projet de loi n° 40, et c'est important, ne change donc pas la Charte de la langue française dans son essence, mais nous devons l'amender pour les impératifs suivants.

Il y a 20 ans, l'ère numérique n'était pratiquement pas encore entamée. Nous entrons dans une économie du savoir, dans une économie de l'information. Or, les langues sont parmi les véhicules les plus essentiels de l'information. Les langues seront donc de plus en plus déterminantes dans la production d'un pays. Plus il y a de moyens de communication, plus il y a une utilisation intensive des langues. Mais la logique du marché mondial favorise actuellement la mise en marché des produits qui utilisent l'anglais. Donc, le projet de loi n° 40 vise en partie à protéger les consommateurs d'ici contre ce que j'appellerai «la langue unique», comme la pensée unique, donc «la langue unique de l'économie mondialisée».

Concrètement, par ces amendements à la Charte de la langue française, le gouvernement vise à augmenter, entre autres, la disponibilité de logiciels en français auprès des consommateurs québécois. Je rappelle donc ces articles extrêmement importants du projet de loi n° 40, contre lesquels a voté le Parti libéral, l'opposition officielle. Donc, ce que disent ces amendements, c'est que les versions françaises de logiciels et de jeux vidéo devront être rendues disponibles aux consommateurs québécois lorsque celles-ci existent quelque part dans le monde. Lorsque de telles versions françaises n'existent pas, la version originale anglaise pourra continuer, M. le Président, à être vendue sur le marché québécois. Il me semble que c'est le minimum que nous pouvons exiger.

Eh bien, en face, on a voté contre ces articles. Pourtant, le bilan de la langue française rendu public il y a un an a démontré que seulement 32 % des commerces montréalais offrent les logiciels en langue française, pourtant en vente sur le marché mondial. Je répète toujours cet exemple qui est très significatif et très symbolique, Windows 95. Si le projet de loi n° 40 avait été en vigueur l'an dernier, la compagnie Microsoft, pour être autorisée à vendre la version anglaise de son logiciel, donc aurait été obligée d'offrir la version française immédiatement puisqu'une telle version existait et qu'elle était commercialisée en France.

Le projet de loi n° 40 comprend donc, M. le Président, des aspects de protection importants, indispensables compte tenu de notre situation géolinguistique. Mais il ne faut jamais oublier que nous avons une politique globale du français. Par exemple, nous sommes extrêmement actifs, et nous l'avons démontré à nouveau, ce leadership, au moment de la Conférence des ministres francophones des inforoutes – il y avait 49 pays, le quart de l'humanité, qui étaient représentés à Montréal il y a 15 jours – donc ce leadership québécois dans la francophonie par rapport à la promotion de l'utilisation du français sur les inforoutes et dans la production de cédéroms.

Les actions coercitives, la protection ne sont donc qu'une des nombreuses mesures de la politique qui vise à faire du français la langue commune des Québécois. Et la qualité du français fait aussi partie des principes promus par cette politique globale de la langue française qui a été déposée il y a un an. Encore faut-il, M. le Président, que la loi soit appliquée. Tous ces principes sont bien beaux, mais il faut qu'ils se traduisent dans la réalité. Or, pendant 10 ans, il y a eu beaucoup de laxisme. Et les Québécois, quoi qu'on en dise, M. le Président, de l'autre côté de la Chambre, partagent en grande partie notre perception de la réalité, puisque, je répète, ce sondage du groupe Léger & Léger en février 1997, à la question: Selon vous, le Québec a-t-il besoin d'une Commission de protection de la langue française? 69 % des Québécois ont dit oui. La Charte de la langue française recueille un vaste consensus dans la société québécoise. Depuis 20 ans, toutes les expressions d'opinion le confirment.

Les libéraux, M. le Président, disent toujours qu'ils sont d'accord avec le principe de la loi 101, mais ils ne manquent jamais une occasion de la critiquer. Quand ils sont au pouvoir, M. le Président, ils affaiblissent la Charte. Quand ils sont dans l'opposition, ils nous disent: Ne faites rien, surtout pas. Au moment de l'adoption de la loi 101, ils ont prévu tous les cataclysmes et toutes les catastrophes possibles. Ils ont fait de même lors de l'étude du projet de loi n° 40.

(16 h 30)

En 1977, M. le Président, les libéraux ont voté contre la loi 101. Depuis, qu'ont-ils fait pour promouvoir le français? La dernière fois que j'ai entendu le Parti libéral défendre la langue française, c'était en 1974 – pas 1874, M. le Président, 1974 – quand le Parti libéral qui était au gouvernement a décrété – heureuse initiative, et je les en félicite – le français langue officielle. Depuis ce temps-là, M. le Président, plus rien. Le chef de l'opposition actuel, en 1977, M. Johnson, a signé un appel, M. le Président, qui disait pratiquement que la loi 101 était un crime contre l'humanité. En 1983, lors de l'annonce de sa candidature à la chefferie du Parti libéral, il déclarait au journal The Gazette – la morose Gazette – qu'il était entré en politique pour combattre la loi 101, en partie pour combattre la loi 101. Et Daniel Johnson, à nouveau, dans Le Devoir du 20 juin 1991, disait: «"Comment voulez-vous parler de Montréal, ville internationale, dans une société qui continue à y ériger des obstacles aux bonnes relations internationales?" a dit M. Johnson, en faisant allusion aux lois 101 et 178.» Et, dans la même foulée, dans la même mentalité, la réaction libérale au fait qu'un fonctionnaire a commis le crime de parler français à des visiteurs allemands, donc, la réaction du Parti libéral a été la même que celle que je mentionnais, en 1991.

Je le répète et je le dis: À ma stupéfaction, à ma grande déception, l'opposition libérale a voté contre les amendements sur les logiciels et les ludiciels. Or, M. le Président, en totale contradiction, le Parti libéral et ses représentants ont voté... Dans le rapport de la commission de la culture sur les inforoutes, ils ont dit le contraire, que ce type de mesure devait être adopté, qu'on devait assurer. Mais, si on assure, M. le Président, c'est qu'on assure par des moyens qui permettent d'assurer, donc de contraindre, si on assure. Mais j'espère que les consommateurs québécois de langue française, qui composent quand même 82 % de la population, s'en souviendront. Alors, que nos amis d'en face nous le disent donc franchement, ils sont contre la Charte de la langue française.

D'ailleurs, quel signal les libéraux ont-ils envoyé au Québec, de 1985 à 1994? C'était le suivant: Ne vous inquiétez pas, on n'applique pas la Charte de la langue française. Ils ont retiré à l'Office les moyens de faire son travail. On a aboli la Commission de protection en 1993. C'est donc pour renverser les effets d'une décennie de laxisme qu'il devenait impératif d'agir.

On réintroduit donc la Commission de protection de la langue française, et c'est une charge symbolique importante. C'est le signal inverse de celui que les libéraux ont donné pendant 10 ans. Il ne faut pas oublier que ce n'est qu'un moyen pour bien appliquer la loi, comme on le fait pour toute autre loi passée et adoptée par l'Assemblée nationale. Se donner les moyens d'appliquer la Charte, ce n'est pas changer sa nature, mais c'est tout simplement se donner, comme je l'ai dit, les moyens.

En passant, si la Commission a été si horrible, pourquoi, alors, les libéraux ont-ils attendu sept ans, plus de sept ans, donc, avant de l'abolir et avant de réagir?

M. le Président, dans les 20 années qui se sont écoulées depuis 1977, à peu près 180 cas ont été portés à l'attention du Procureur général. Parce qu'on sait quelles sont les démarches. Ce sont donc des enquêteurs, des vérificateurs qui se rendent chez un contrevenant, qui l'avertissent, qui ensuite lui envoient une lettre, qui discutent avec lui, qui lui renvoient une seconde lettre avant toute mise en demeure. Et ce n'est qu'après ce long processus que, si le contrevenant ne se conforme pas à la Charte de la langue française, le dossier est envoyé au Procureur général, qui décide en toute liberté si, oui ou non, il doit poursuivre le contrevenant. Donc, il y a eu, depuis 1977, environ 180 cas.

La Commission a donc, et c'en est la preuve, exercé ses fonctions avec doigté, avec respect, avec considération, et c'est ce qu'elle fera. Et l'approche de la Commission que nous créons sera graduelle, exactement dans le processus que je viens d'expliquer, comme celle qui existait jadis.

Je rappelle aussi que l'Office de la langue française organise des campagnes de promotion auprès des commerçants pour leur expliquer quels sont les tenants et les aboutissants de la loi, pour les informer. C'est important. La procédure compte donc habituellement l'envoi de deux lettres, chacune suivie de délais; des discussions suivent, des négociations. Alors, tout ça se fait de façon intelligente et de façon responsable.

Pour promouvoir et protéger la langue française au Québec, il faut agir, agir sur plusieurs fronts: en informant, en sensibilisant, bien sûr – la Semaine du français, les Mérites du français, je pense que c'est fort important – en incitant aussi – l'Office de la langue française, dans toutes ses discussions avec les entreprises, procède par l'incitation, puisqu'on sait, en ce qui la concerne, justement que c'est là son rôle principal de francisation – en faisant aussi, M. le Président – donc, c'est les différentes manières dont il nous faut agir – du français une fierté, une langue de qualité. Toutes ces approches sont pour nous importantes. On les retrouve dans notre politique globale, Le français, langue commune . Il n'y en a donc pas une seule, approche, mais il y a plusieurs aspects: l'approche sociale, l'approche réglementaire et législative, qui demeure au coeur de notre projet, l'approche internationale.

En terminant, M. le Président, je veux tout simplement répéter que la souveraineté du Québec sera le meilleur amendement qu'on puisse faire à la Charte de la langue française. C'est la meilleure façon de promouvoir et de protéger la langue française en Amérique du Nord. C'est de faire la souveraineté du Québec, c'est de faire, donc, qu'il y ait un pays francophone et reconnu comme tel en Amérique du Nord. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Culture et des Communications et ministre responsable de la Charte de la langue française. Nous cédons maintenant la parole au député d'Outremont. M. le député.


M. Pierre-Étienne Laporte

M. Laporte: M. le Président, nous sommes aujourd'hui à l'étape de l'adoption du projet de loi n° 40. Cette étape met fin à un processus législatif qui aura duré en tout près de huit mois. Nous avons donc consacré à l'étude de ce projet de loi de longues heures.

Dans un premier temps, la commission parlementaire responsable de l'étude du projet a procédé à l'examen des mémoires des personnes et des associations qui avaient exprimé la volonté d'être entendues sur le projet de loi n° 40. Plus d'une quarantaine de mémoires ont été entendus, ce qui devait permettre à la commission de poursuivre un travail intensif sur les réactions des leaders d'opinion face au projet de loi n° 40. Parallèlement, nous avons pu prendre connaissance des évaluations des éditorialistes de tous les grands quotidiens du Québec, ce qui aura permis d'ajouter un éclairage additionnel et, disons-le, fort précieux à celui que nous avaient permis les audiences.

Je pense pouvoir affirmer, M. le Président, qu'à la fin de l'étape de consultation le gouvernement et la ministre responsable du pilotage du projet étaient dans une véritable impasse. En effet, le jugement d'opportunité posé par la grande majorité des experts entendus, des porte-parole d'associations, des groupes qui étaient venus témoigner et des éditorialistes qui s'étaient exprimés était à l'effet que la communauté linguistique québécoise, parce qu'il faut bien voir que c'est d'abord et avant tout sur cette communauté linguistique que se feront sentir les impacts de la loi n° 40... Donc le jugement d'opportunité de la majorité des intervenants dans le débat était à l'effet que les bénéfices que pouvait retirer la communauté linguistique québécoise de la loi n° 40 modifiant la Charte de la langue française étaient nettement inférieurs aux coûts que pourrait entraîner l'application du projet de loi.

J'ai dit, M. le Président, que le gouvernement et la ministre responsable étaient alors dans une impasse parce que la loi n° 40, contrairement à ce que le gouvernement et la ministre avaient prévu, faisait face à une opposition publique fort étendue, opposition publique qui, dans plusieurs cas, avait pris la forme d'un rejet pur et simple du projet. Je dois préciser que cette opposition publique, ce rejet concernait le noyau dur du projet de loi n° 40, à savoir le rétablissement en force de la Commission de protection de la langue française, plutôt que le projet entier. En effet, il faut bien voir que la loi n° 40 est un amalgame, un mélange hétérogène d'intentions législatives et de dispositions législatives dont la présence au sein d'un même projet de loi constitue, en réalité, une construction artificielle.

(16 h 40)

Le gouvernement avait, en fait, conçu, au départ de l'élaboration du projet, un artifice. D'une part, par quelques modifications à la Charte, le gouvernement venait corriger un manque significatif de réglementation linguistique.

Le domaine complexe des systèmes informatiques de consommation de masse – logiciels grand public, ludiciels et systèmes d'exploitation à grande diffusion – dont la législation linguistique avait jusqu'à maintenant fait l'économie devient, avec la loi n° 40, objet de réglementation. Ceci signifie que l'usage du français dans ce domaine deviendra, avec la loi no° 40, aménagé de telle sorte que les obstacles qui se présentaient face au français, à sa diffusion comme langue de communication, de travail et de création – disons plutôt d'essayage inventif dans le cas de beaucoup de ces produits – pourront être des freins moins actifs, sinon entièrement inopérants. Donc, il y a un aspect du projet qui – on y reviendra tantôt – contribuera certainement à un rayonnement plus étendu de l'usage du français, en particulier dans ce domaine technique nouveau au Québec.

Un amalgame, M. le Président, parce qu'à cet ajout, cette correction à la Charte, avec lequel nous étions d'accord, même si nous avions souhaité y voir ajouter des améliorations, venait se joindre la pièce maîtresse du projet, sur laquelle allait porter le débat et sur laquelle le gouvernement et la ministre allaient faire l'impasse dans un premier temps, c'est-à-dire le rétablissement, la résurrection de la Commission de protection de la langue française, l'infâme police de la langue – expression qu'on peut employer sans y inclure de connotation négative partisane, puisqu'elle fait maintenant partie de l'usage – décision à l'égard de laquelle, M. le Président, une majorité d'experts, d'associations, de groupements et de personnalités de la presse écrite et orale, entendus tout au long de la consultation, une majorité de porte-parole de toute catégorie, ont exprimé publiquement leur désaccord et leur désaveu.

Vous me ferez grâce, M. le Président, de vous éviter les citations qui, en abondance, pourraient être apportées afin de démontrer notre affirmation. Pour tout dire, M. le Président, à la fin de la consultation dont j'ai parlé plus haut, le gouvernement et la ministre et tous les apparatchiks qui ont concocté d'une façon ou de l'autre le projet de loi n° 40 faisaient face à une impasse. La loi manquait manifestement de la légitimité qui fait que les responsables d'un projet de loi se sentent heureux, confortables et, comme on dit dans la langue populaire, sûrs de leur coup.

Nous étions donc, après des audiences qui avaient duré près de deux mois, devant une situation où une grande majorité des personnes qui étaient intervenues pour venir nous faire part de leur évaluation en ce qui concerne de toute façon le noyau dur de la loi, on se retrouvait donc dans la situation où la majorité des gens entendus, la majorité des gens qui s'étaient exprimés, dans la presse ou ailleurs, s'étaient montrés défavorables au projet que présentait la ministre, en tout cas pour ce qui était du rétablissement de la Commission de protection de la langue française.

L'impasse créée par ce problème de légitimité était à ce point lourde à porter qu'après la consultation la ministre décidait de retirer momentanément son projet, quitte à revenir plus tard à l'attaque au moment de passer aux autres étapes du processus législatif. La suite des événements, M. le Président, est moins connue. Au retour du projet de loi n° 40 en commission parlementaire, l'opposition officielle a amorcé un long combat contre ce qui nous apparaissait être les éléments inopportuns et indésirables du projet de loi n° 40. J'insiste sur cette distinction entre l'opportun et le souhaitable parce que la critique du projet de loi allait se déployer sur deux plans distincts: d'abord, au plan des conséquences prévisibles, anticipées et attendues du rétablissement de la Commission de protection de la langue française; ensuite, au plan des valeurs.

C'est donc à dire, M. le Président, que ce qui nous séparait du gouvernement et ce qui nous en sépare toujours, c'est plus que la raison pratique. Nous nous séparons tout autant sur les principes, la philosophie publique qui à notre avis doit inspirer une intervention législative sur les rapports linguistiques, pour tout dire, sur le plan de la raison pure. Sur ce plan, notre opposition est radicale. En réalité, la radicalité de cette opposition est telle, M. le Président, que par mesure de cohérence nous avons décidé de nous abstenir de suggérer des amendements aux articles de la loi qui portent sur la Commission de protection, sur le choix de recourir non pas à la coercition légale, ce dont même une législation sur un objet aussi explosif, chargé d'émotion et de sensibilité vive qu'est une législation linguistique sur la langue ne peut faire entièrement l'économie...

Oui, M. le Président, nous sommes favorables à une gestion efficace des dérogations à la loi, sauf que ce n'est pas, à notre avis, par un recours à un renforcement du dispositif coercitif que cet objectif peut être le mieux atteint. C'est, tout au contraire, sur un dosage dans lequel prédominent les éléments de persuasion, je dirais même de séduction, d'information et d'aide active sur les éléments de coercition, ceux-ci constituant une ressource ultime de dernier recours, que l'objectif d'efficacité, d'application efficace doit savoir s'appuyer pour atteindre les objectifs.

Donc, M. le Président, il faut vraiment bien distinguer ici la philosophie qui inspire la loi n° 40, à laquelle nous nous sommes opposés parce que, comme je viens de le mentionner, cette philosophie renvoie à un dosage de la coercition avec d'autres moyens d'action qui sont plus des moyens de persuasion, d'aide, d'information, dosage qui nous apparaissait contraire à l'objectif visé parce que nous aurions souhaité que ce dosage fasse beaucoup moins appel au renforcement de la coercition légale qui est prévu dans la loi n° 40.

Ce n'est pas tout, M. le Président, mais pas tout du tout. Ce que prévoit la loi n° 40... Et toutes les circonvolutions, toutes les «entourloupoupettes», toutes les finesses, les finasseries et les subterfuges de la ministre sont restés et resteront impuissants à nous convaincre que le dosage d'une législation linguistique qui se veut efficace a besoin du dosage que prévoit la loi n° 40.

Gérer les rapports de coopération, de bonne entente, de loyauté au sein d'une communauté linguistique dont on souhaite élever le niveau d'adhésion à l'objectif de faire de la langue majoritaire une langue fédératrice de cohésion et de solidarité, de faire du français, ainsi que le discours officiel le proclame, la langue commune suppose tout autre chose que le projet de loi que nous avons devant nous, un projet qui, en renforçant la coercition, créera des réactions de résistance, ce qui est totalement contraire à l'objectif ultimement visé.

Personne ne nous convaincra, M. le Président, que l'article 174, dans son esprit actuel, envoie à la communauté linguistique le message rassembleur qu'il faut lancer, si on veut, comme l'affirme la Charte de la langue française, que le français devienne le plus tôt possible la langue des communications, du travail, du commerce et des affaires.

Je vous cite l'article 174. Il s'agit évidemment d'un article qui n'est pas de notoriété publique, donc il serait peut-être utile, opportun que cette Chambre en prenne connaissance, et, donc, je le cite à ce moment-ci. L'article dit ceci: «La personne qui effectue une inspection – et on parle ici évidemment soit de l'inspecteur ou de l'enquêteur – pour l'application de la présente loi peut pénétrer à toute heure raisonnable dans un établissement. Elle peut notamment examiner tout produit ou tout document, tirer des copies et prendre des photographies. Elle peut à cette occasion exiger tout renseignement pertinent.»

La version anglaise du projet de loi n'est pas moins agressive, M. le Président: «A person making an inspection for the purposes of this Charter may enter an establishment at any reasonable time. The person may, in particular, examine any products or documents, make copies and take photographs. The person may, in such a case, require any relevant information.»

Nous avons longuement débattu de cet article en commission. Nous avons abondamment illustré les risques et les dangers que cet article pourrait nous faire encourir. Nous avons maintes et maintes fois affirmé, en nous appuyant sur les opinions exprimées par des personnalités entendues et lues au cours du processus législatif, que confier ainsi à des employés de l'État, sauf lorsque la santé, la sécurité et l'ordre public sont en danger... constitue un risque qu'il faut savoir éviter de prendre.

(16 h 50)

Trop de choses ont été écrites sur les dérapages auxquels se livrent les bureaucraties, trop de réserves ont été exprimées sur la tendance naturelle des personnes à utiliser, je dirais, à banaliser l'utilisation du pouvoir qui leur est délégué par l'État et la loi, trop d'expériences ont démontré comment, dans une communauté linguistique dont les rapports demeurent tendus, la coercition légale peut-être mobilisée de façon abusive, nous en savons trop sur les organisations, trop sur la nature humaine et trop sur les tensions communautaires et leurs effets pervers pour accepter comme une lettre à la poste un projet de loi aussi potentiellement divisif, aussi virtuellement porteur d'acrimonie et aussi contraire à la longue tradition québécoise de civilité entre locuteurs de langues diverses et de langues différentes. Trop pour croire que le projet, que le dispositif de contrôle, de surveillance, de répression, contenu dans la loi n° 40, soit opportun et souhaitable.

L'angélisme ne doit pas guider la politique publique, M. le Président. Que d'autres l'aient cru et s'y soient laissés aller dans un élan de fureur et d'exubérance en regard des délices et des supposés mérites de la surenchère du pouvoir symbolique attribué à quelques fonctionnaires, à quelques bureaucraties célestes, ne devrait pas justifier que nous épousions cette philosophie publique qui banalise le recours bureaucratique à la coercition.

D'autant moins que rien, mais rien, M. le Président, ne justifie qu'il soit opportun de recourir à plus de coercition, comme le veut la loi n° 40, en réinstituant la Commission de protection de la langue française, en la réinstituant dans un esprit où la coercition légale est non seulement présente, mais renforcée par rapport au dispositif que nous avons connu antérieurement.

Permettez-moi, M. le Président, de citer un ouvrage récent, par une auteure française qui enseigne aux États-Unis et qui est une spécialiste des organisations qui veillent à la protection et à la correction linguistique, en particulier du côté de la langue française. La professeure Ada Giusti écrit ce qui suit dans un livre publié récemment sur la langue française. Après avoir décrit l'application de la Charte, Mme Giusti s'interroge sur son efficacité.

Je cite, M. le Président: «La politique linguistique québécoise – parce que dans cette partie de son texte, Mme Giusti examine l'efficacité de certaines politiques linguistiques: celle du Québec, celle de la Belgique et celle de la Catalogne, et elle s'interroge donc sur la question suivante – cette politique – et elle parle à ce moment-ci de la politique québécoise – est-elle efficace? Le 7 septembre 1995, le comité interministériel sur la situation de la langue française a été mandaté pour réaliser un bilan de situation de la langue française au Québec depuis l'adoption de la Charte – je cite toujours Mme Giusti. La généralisation de l'usage du français est en bonne voie, toutefois le français n'a pas atteint le statut que la Charte devait lui assurer.

«Les consommateurs réussissent à se faire servir en français dans 95 % à 100 % des commerces visités, et les travailleurs francophones occupent aujourd'hui de plus en plus la place qui leur revient. En outre, leurs revenus – elle désigne par là le revenu des catégories de travailleurs francophones – ont notablement progressé. En revanche, la francisation des entreprises est moins efficace. Selon le rapport, 22 % des entreprises de 50 personnes ou plus ne détiennent toujours pas de certificat de francisation – je reviendrai sur ce commentaire ultérieurement.»

Mme Giusti conclut en disant: «Dans l'ensemble du Québec, le comité a observé une progression de la connaissance du français, qui est passée de 89 % à 94 % en 20 ans. Le pourcentage d'anglophones capables de soutenir une conversation en français est passé de 37 % à 59 % entre 1971 et 1991. Enfin, les effectifs des écoles françaises ont aussi augmenté. La proportion des élèves du préscolaire, du primaire et du secondaire qui étudient en français est passée de 83,4 % en 1976-1977 à 90,3 % en 1994-1995. Grâce à la Charte, conclut l'auteur, le paysage linguistique du Québec a profondément changé.»

Si la politique est efficace, ainsi que le juge la professeure Giusti, pourquoi recourir maintenant au renforcement du dispositif de coercition légal? Pourquoi cette exubérance irrationnelle en faveur de la coercition, tel que le veut l'article 174? Pourquoi ce nouvel élan de ferveur en faveur de la coercition linguistique? Pourquoi faut-il ainsi ranimer l'esprit prussien, relancer toutes voiles déployées l'appareil de pouvoir et de coercition étatique? Pourquoi est-il nécessaire d'envisager, dans un paysage linguistique qui a profondément changé, M. le Président, pareil message de dissonance?

L'expression «esprit prussien» n'est pas de mon invention. Je l'emprunte à un ancien collègue du Conseil de la langue française que vous me permettrez de m'abstenir de nommer. Mais la remarque était à l'époque une remarque qui nous avait fait bien rire, au Conseil, et qui avait largement inspiré certaines des recommandations que nous avions faites à l'époque au ministre Claude Ryan.

S'il y avait péril en la demeure, alors que nous avons de toute évidence franchi le seuil de la sécurité linguistique, comment peut-on envisager une législation aussi coercitive, compte tenu du fait que ce péril en la demeure, dont la partie d'en face s'évertue à nous rappeler l'existence mais sans pouvoir en aucune façon baser l'affirmation sur quelque fait scientifique que ce soit... En l'absence de ce péril linguistique, comme le disait un peu en boutade mais aussi assez sérieusement le professeur Henripin, qui lui-même s'est beaucoup penché sur cette question pour en arriver à la conclusion que le péril était devenu un péril imaginaire, comment sent-on ce besoin de renforcer l'appareil de coercition?

Le gouvernement et la ministre ont été, tout au long de nos délibérations, incapables de répondre autrement à ces questions qu'en brandissant les épouvantails, en invoquant des dangers imaginaires et en faisant appel à des statistiques trompeuses sur de faux consensus construits de toutes pièces afin de légitimer une action que la grande majorité des membres de la communauté linguistique juge – je le répète, M. le Président, la grande majorité de la communauté linguistique juge – inopportune.

(17 heures)

La ministre évidemment s'évertue à nous répéter le résultat de 69 % de ce sondage dont j'ai déjà parlé en cette Chambre pour nous convaincre que la large majorité de l'opinion publique serait favorable au projet de loi. Mais, comme je l'ai mentionné, la question posée était un peu du genre: Êtes-vous pour ou contre l'amour maternel? Il est évident que, dans pareilles circonstances, les gens, disons, de bonnes intentions, les gens qui ne sont pas conscients des enjeux auxquels le projet de loi renvoie, il est assez normal qu'on produise, comme ça, un effet d'assentiment et que finalement on obtienne, de la façon dont la question est posée, une si grande expression d'opinions favorables à un projet qui, dans la question, n'est absolument, en aucune façon, décrit dans sa constitution propre.

Je l'ai déjà dit, M. le Président, mais vous m'avez repris là-dessus, je ne voudrais pas utiliser encore une fois l'expression que j'ai utilisée antérieurement, mais il n'en reste pas moins, M. le Président, que c'était, de la part du Secrétariat à la politique linguistique, qui a lui-même financé ce sondage qui a été fait, bien sûr, par des gens compétents mais qui ont néanmoins, comme tout bon client sait le faire, répondu aux besoins de celui qui leur fournissait les fonds, je répète, ainsi que je l'ai mentionné antérieurement... Mais je ne voudrais pas, encore ici, me faire reprendre, M. le Président. Je ne l'emploierais, l'expression, que dans un contexte technique et en vous rappelant que l'expression est largement employée, qu'on la retrouve dans tous les bons textes de sciences politiques. Il nous apparaît que l'opération menée par la ministre, et menée par son gouvernement, et menée par ses fonctionnaires frisait, peut-on le dire, M. le Président, ce que les spécialistes appellent le travail de manipulation politique.

J'emploie l'expression non pas dans un sens péjoratif, mais c'est ce que font beaucoup de décideurs publics lorsque, ainsi que je l'ai mentionné, ils sont face à une impasse. Et je pense que j'ai bien décrit cette impasse en la qualifiant de petite crise ou de crisette de légitimité, puisqu'un gouvernement qui avait probablement prévu qu'une large partie de l'opinion publique se rallierait derrière son projet s'est trouvé, suite à nos consultations, devant une opinion publique qui avait réagi, tout au contraire, très défavorablement au projet.

Et j'ai mentionné que je vous fais grâce des nombreuses citations de gens d'allégeances politiques de toutes sortes, de gens d'opinions partisanes de toutes espèces. Je pourrais vous citer 25 citations à l'effet que ce projet était, au moment où il a été présenté dans un premier temps, fort impopulaire auprès de la très grande majorité des gens, et dans certains cas c'était... On parle de spécialistes, on parle d'éditorialistes qui connaissent bien la politique linguistique du Québec, qui savent donc bien de quoi vire le projet de loi n° 40. La grande majorité de ces opinions étaient défavorables. Et on comprend bien que pour sortir de cette impasse le gouvernement et la ministre aient eu recours à cet artifice, à cet expédient qui consiste à faire faire un sondage par des fonctionnaires dont on dépend pour arriver à donner une légitimité à un projet qui en manque dangereusement.

Le gouvernement se trouvait donc dans un état d'inconfort et, dans les mois qui ont suivi la commission, je pense en janvier, ils ont eu évidemment la bonne idée de recourir aux fonds publics pour se redonner un visage d'acceptation publique et de légitimité politique quant au projet de loi n° 40. Ça nous est donc apparu, M. le Président, comme une opération un peu douteuse et à laquelle je ne pense pas qu'on puisse référer pour se vanter d'avoir réussi à mettre sur pied un projet de loi auquel se rallient la vaste majorité des Québécois.

Pourquoi, M. le Président, cette façon d'agir que j'ai qualifiée d'inopportune et d'indésirable? Parce qu'il faut bien... Je ne pense pas ici faire aucune interprétation partisane. Nous avons, de toute évidence, des preuves médiatiques de ce que j'avance. Il fallait bien remplir, M. le Président, une promesse faite à la sauvette dans un moment de discorde partisane – tous les gens qui sont présents dans cette Assemblée savent très précisément de quoi je parle – donc, remplir une promesse faite à la sauvette dans un moment de discorde partisane alors, et j'insiste là-dessus, que le plus haut représentant de l'autorité publique, dans un geste officiel de générosité politique et, j'ose croire, en toute bonne foi, avait réussi à créer une attente de réconciliation confiante entre toutes les parties de la communauté linguistique, attente, et j'insiste là-dessus, sur laquelle la communauté avait cru un bref instant pouvoir s'appuyer, comme s'il s'était agi du levier dont nous avions besoin pour nous propulser en avant pour assurer le mouvement élargi de solidarité, de loyauté et d'identification partagé par tous les locuteurs et les locutrices de la communauté, levier dont le français du Québec a un immense besoin, un grand besoin, un besoin urgent afin d'assurer sa pérennité.

Donc, lorsqu'on essaie de réfléchir au fondement, aux raisons, aux motifs qui ont pu amener le gouvernement non pas à présenter un projet de loi de type amalgame et ensuite évidemment aussi, en plus, une politique linguistique dans laquelle, je l'ai répété et je le répète sans aucune gêne, on retrouve des éléments valables, n'est-ce pas, nous aurions souhaité pouvoir les améliorer, dans le cas des articles auxquels référait la ministre tantôt. On verra à l'usage si effectivement les impacts de l'application des articles seront ce que nous avions prévu.

Donc, on n'est pas en présence d'une opération gouvernementale qui soit – comment dirais-je – totalement inopportune, totalement indésirable. Il y a eu des gestes imposants, il y a eu des gestes généreux qui ont été posés dans certains documents que la ministre nous a remis. Mais, lorsqu'on examine le coeur du projet, lorsqu'on examine le noyau dur de ce projet, peut-être faut-il penser, lorsqu'on examine aussi ce qui a fait naître l'idée de faire ce projet, qu'on aurait pu très bien ne pas amalgamer ces deux projets mais présenter des amendements à la Charte qui se rapportaient au domaine de l'informatique d'usage de grand public et, ensuite de ça, faire un autre projet sur la Commission de protection de la langue française. Lorsqu'on examine ce projet attentivement et qu'on essaie de comprendre les motifs qui ont amené le gouvernement à s'embarquer dans cette démarche, eh bien, on en arrive à des conclusions, M. le Président, dans un premier temps en tout cas, on en arrive à la conclusion que le motif qui a prévalu d'abord et avant tout au choix, ce n'est pas un motif politique au sens d'une tentative pour rallier les gens, rallier l'opinion publique derrière une législation, mais un motif partisan qui répondait, bien sûr, aux demandes de certaines catégories de militants du Parti québécois.

Donc, M. le Président – et nous n'avons toujours pas de réponse à cette question – pourquoi consacrer ainsi des ressources financières rares, des millions de dollars à rebâtir l'appareil coercitif, à lui ajouter du muscle plutôt que de s'attaquer aux vrais problèmes, à améliorer la francisation des entreprises, à promouvoir un meilleur enseignement du français, à assurer une meilleure information des citoyens, à favoriser les échanges et la coopération linguistiques entre les divers segments de notre communauté linguistique? Pourquoi créer une autre bureaucratie alors que nous savons pertinemment que la Charte est actuellement bien administrée par l'Office de la langue française, dont il faudrait mieux soutenir les efforts, plutôt que de consacrer des fonds publics à l'ajout, à la résurrection, à la création d'un organisme étatique de coercition linguistique qui soit d'ailleurs beaucoup plus musclé que ce que nous avions vu antérieurement – je le répète et je l'ai dit en commission parlementaire, et, si les gens d'en face sont capables de nous démentir, tant mieux – genre d'appareil dont on ne trouve nulle part l'équivalent dans le monde, dans les sociétés démocratiques.

(17 h 10)

D'ailleurs, je vous rappelle ici, M. le Président, que, lors de la commission, le Professeur Julius Grey, de l'Université McGill, est venu nous dire en toutes lettres que non seulement cet article est abusif, mais il risque d'entraîner le gouvernement dans certaines impasses juridiques, en prévoyant que tôt ou tard des gens qui sont intelligents et qui savent comment les législations et les politiques linguistiques fonctionnent à travers le monde verront l'utilité, l'opportunité de le contester.

Donc, pourquoi ne pas plutôt encourager l'avancement du français dans les domaines où un déficit se fait sentir? Pourquoi ne pas y consacrer tous les fonds disponibles plutôt que de les consacrer au rétablissement d'un appareil bureaucratique? Pourquoi ne pas mettre notre argent, le peu d'argent qu'il nous reste là où ce serait le plus rentable de le faire et surtout par des moyens dont les effets seraient de nous rassembler plutôt que de nous désunir? Parce qu'on s'entête, on s'acharne à croire que la coercition est un outil d'autant plus efficace qu'il est d'autant plus présent, accru et déployé, ce qui est une croyance fausse, dangereuse, dans une société de démocratisation radicale où tout nous convainc qu'il n'y a d'action publique efficace que celle qui repose sur le consentement des individus et des collectivités.

Et je l'ai mentionné tantôt et je le répète, en ce qui concerne le noyau dur de la loi n° 40, ce consentement n'existe pas. Et il existe d'autant moins, et c'est malheureux qu'il en soit ainsi, que le gouvernement a décidé de présenter son projet de telle façon qu'il était devenu évidemment impossible de pouvoir rallier derrière ce projet-là les deux grandes formations politiques.

On sait fort bien que les législations qui sont efficaces, les législations qui fonctionnent, les législations qui produisent les effets attendus ont, entre autres, deux grandes caractéristiques, celle de pouvoir s'appuyer sur une opinion publique de support, une opinion publique de soutien...

On le sait très bien, toutes les données des sciences sociales le démontrent, les législations qui ne s'appuient pas sur ces consensus éprouvent des problèmes d'application considérables. On le sait, lorsqu'on examine les législations américaines, par exemple sur la décision de forcer la répartition des effectifs scolaires, ce qu'on a appelé le «bussing» aux États-Unis. Il s'agissait d'une décision qui était très impopulaire, et on s'est aperçu à l'usage que, finalement, c'était un moyen de régler les problèmes de ségrégation raciale, qui étaient très inopportuns. On le sait aussi jusqu'à un certain point pour d'autres législations américaines, comme la législation sur ce qu'on appelle l'«affirmative action» ou l'action positive. On sait que ces législations qui sont controversées, ces législations qui sont contraires à l'opinion de catégories importantes de l'opinion publique donnent naissance à énormément de résistance et que finalement le gouvernement doit d'une façon ou de l'autre faire marche arrière dans sa volonté de les mettre en application.

Si, comme l'affirme la professeure Giusti, la politique linguistique est efficace, s'il est vrai, comme le démontrent les statistiques disponibles, que, dans sa configuration actuelle, avec le dosage que nous connaissons de coercition et de volontarisme, la législation fonctionne de façon satisfaisante même si des progrès restent à être accomplis, s'il est vrai que le français possède l'élan que souhaitait lui donner la Charte, que cet élan se poursuivra parce qu'il s'appuie sur des leviers puissants, pourquoi le gouvernement juge-t-il opportun de resserrer les fers, comme le veut la loi n° 40?

La réponse réside dans la philosophie publique qui a présidé à la décision gouvernementale. Je l'ai mentionné tantôt, on peut faire une interprétation de ce choix. Je n'aime pas, personnellement, trop, trop l'expression «décodage». Je trouve qu'on l'utilise, disons, à toutes les sauces. Je pense qu'on peut parler d'essayer de comprendre, d'essayer d'interpréter le choix. Comment peut-on comprendre ce choix? Comment peut-on essayer de s'expliquer pourquoi un gouvernement fait un choix qui, de toute évidence, est un choix inopportun? J'ai mentionné tantôt, M. le Président, qu'il y a évidemment des motifs partisans, tout le monde le sait, mais il y a aussi une philosophie publique qui préside, qui encadre ce projet. Cette philosophie publique en matière d'action linguistique repose trop exclusivement, à notre avis, sur la conviction qu'en brandissant des mesures punitives, qu'en élevant, M. le Président, comme le veut la loi n° 40, le niveau des peines financières à subir, qu'en créant un appareil de répression musclé on atteindra mieux et plus vite les résultats visés par un projet de loi.

Tout cela, M. le Président, faut-il le mentionner, au risque d'entraîner une conformité, aux articles de la loi qui sont visés ici, en particulier en matière d'affichage public, commercial, au risque d'entraîner une conformité sans adhésion profonde, un renforcement des rapports communautaires acrimonieux. Il ne faut tout de même pas avoir la tête dans le sable! Il faut parler aux gens, il faut rencontrer les gens de son comté, de ses comtés, pour savoir, malgré le fait que le gouvernement s'y est pris assez habilement, n'est-ce pas, pour enterrer finalement le débat là-dessus, jusqu'à quel point il y a, dans ces milieux des réactions négatives à l'endroit de l'idée du projet de remettre en vie la Commission de protection de la langue française, dont, d'ailleurs, personne ne nous parle. On ne nous parle jamais de la Commission de protection de la langue française. Tout ce dont on nous parle, M. le Président, c'est de la police de la langue.

Donc, on est en présence d'une entité administrative qui est devenue fort impopulaire et qui risque de le demeurer. On se retrouve donc devant un projet qui, plutôt que de favoriser l'adhésion, risque évidemment de favoriser, comme je l'ai mentionné, une espèce de conformité plate et, aussi, une augmentation des conflits d'acrimonie, des conflits acrimonieux. C'est-à-dire, par les conflits d'acrimonie, on ne veut pas dire des conflits d'intérêts. Ce n'est pas des conflits du type qu'on trouve entre patrons et syndicats. Ce sont des conflits qui surgissent de tensions au sein d'une communauté et qui ont à voir avec le fait que les populations ne se sentent pas représentées dans les symboles de cette communauté.

Le plus bel exemple, évidemment, d'un conflit d'acrimonie, c'est celui que, à l'origine, le projet de loi 101 a développé dans sa décision de décréter l'unilinguisme français dans l'affichage public et commercial. En faisant ce genre de choix, le gouvernement prenait un risque énorme. La loi décidait, à toutes fins pratiques, d'exclure de l'espace public visible une communauté linguistique, une communauté historique linguistique importante au Québec.

On a vu le genre de tiraillements auxquels ce choix a donné lieu. On est arrivé finalement à un compromis qui était et qui est toujours acceptable, d'autant plus acceptable que le gouvernement s'y est même rallié, qui a été celui de la loi 86, alors que, suite au jugement de la Cour suprême du Canada, nous avons accepté, le gouvernement du Québec a accepté de réglementer l'usage des langues dans l'affichage public et commercial, mais sans pour autant le proscrire. C'est une grande différence entre des législations qui réglementent l'usage des langues et des législations qui prohibent l'usage des langues. Généralement, M. le Président – nous l'avions dit à l'époque où le gouvernement a fait ce choix, nous en étions convaincus – les législations qui ont pour intention de prohiber des usages, de prohiber des comportements qui sont jugés comme des comportements normaux, mais des comportements aussi qui répondent au besoin de reconnaissance des communautés. Ces choix ont des conséquences divisives et ils ne font pas en sorte que les composantes de la communauté linguistique se rallient derrière des objectifs qui finalement sont des objectifs qui sont largement acceptés.

(17 h 20)

Les données statistiques nous démontrent, par exemple... Il y a des données, il y a des études qui ont été faites sur les anglophones du Québec qui montrent qu'au fur et à mesure des années il y a un ralliement, il y a une adhésion accrue de la communauté aux objectifs linguistiques de la Charte. De toute façon, s'il n'y en avait pas, il faudrait tout de même s'interroger, M. le Président, sur les statistiques que j'ai mentionnées tantôt, quoi. La connaissance du français langue seconde est rendue, au Québec, chez les anglophones à un niveau qui est supérieur à celui des francophones. On est en présence probablement de la communauté linguistique la plus bilingue au monde, compte tenu en tout cas des différences qu'on peut retrouver entre les générations. Des gens nous ont répété au fur et à mesure de cette commission qu'il existe toujours dans la région métropolitaine de Montréal des anglophones qui sont unilingues anglais, mais il faudrait dire, d'une part, qu'il doit y avoir une très forte corrélation entre le fait d'être unilingue anglophone et d'avoir, disons, 65 ans et plus.

Donc, il y a un phénomène de génération absolument fondamental qui s'explique par le fait que la tradition voulait à l'époque qu'on puisse fonctionner au Québec en anglais seulement sans être trop pénalisé de le faire, en tout cas lorsqu'on restait dans la région métropolitaine de Montréal. Si on était dans une petite ville comme celle où j'ai passé mon enfance, à Joliette, et qu'on était un anglophone unilingue, on se retrouvait évidemment pris dans des situations qui par moments pouvaient être assez embarrassantes. Donc, on brandit cette statistique comme on brandit d'autres statistiques, mais sans les nuancer à l'aide des distributions qu'on pourrait faire soit par niveau d'éducation, soit par classe sociale, par niveau socioéconomique et surtout par génération.

Personnellement, j'ai vu changer la situation montréalaise depuis que je l'observe, ça fait déjà presque 25 ans, presque 30 ans. J'ai vu changer cette situation du tout au tout, c'est-à-dire qu'il y a des choses aujourd'hui qui ne sont plus de l'ordre de l'imaginable, comme, par exemple, se présenter dans une grande bibliothèque d'une grande université anglophone de Montréal et être dans l'incapacité d'y obtenir des services en français. On peut, je l'ai mentionné, à l'occasion tomber sur une immigrante ou un immigrant récent qui débarque je ne sais trop d'où, de l'Union soviétique ou de la Yougoslavie ou du Portugal, et qui est encore en train de faire son apprentissage de la langue, mais, dans la très grande majorité des situations, on ne retrouve pas le genre de difficultés qu'on éprouvait antérieurement. Évidemment, je le répète, lorsqu'on se présente dans une petite librairie de la rue Sainte-Catherine de Montréal et qu'on achète un livre et que le libraire est âgé de 70 ans, eh bien, on éprouve certaines difficultés à communiquer en français. Mais c'est vraiment l'exception à la règle.

Donc, la question demeure: Pourquoi envisager une pareille législation, une législation qui sera pareillement divisive, alors que, comme le mentionne le professeur Ada Giusti, le Québec, du point de vue linguistique, a profondément changé au cours des 20 dernières années? La réponse, c'est ce que j'ai mentionné tantôt, il y a l'aspect partisan, il a l'aspect philosophie publique. Donc, non seulement prend-on le risque d'entraîner une conformité sans adhésion profonde, un renforcement des rapports communautaires d'acrimonie, mais encore plus de nous exposer – et ça, je le mentionne, M. le Président, et ce n'est pas anodin; c'est un danger réel, et trop réel – malheureusement à subir la diffamation de ceux et de celles qui ne demandent pas mieux que de créer la zizanie, lorsque ce n'est pas d'essayer de nous faire croire, de faire croire aux gens, et j'insiste, qui ne sont pas de la famille, n'est-ce pas, comme on retrouve dans certaines pièces de théâtre du grand auteur russe qui, si je me souviens, s'appelait Boulgakov, lorsque les gens ne sont pas de la famille, eh bien, évidemment, ces gens, il y a certaines gens qui ne sont pas de la famille, qui ne sont pas de la communauté linguistique québécoise au sens de se rallier aux objectifs qui sont largement acceptés dans la communauté, on se retrouve devant des gens qui ne demandent pas mieux que de créer la zizanie, lorsque ce n'est pas d'essayer de faire croire aux gens qui ne sont pas de la famille que nous sommes toujours porteurs des vieux démons, des stéréotypes et des préjugés mensongers dont on nous affublait jadis et qui font partie d'un héritage dont nous pensions nous être à jamais émancipé.

Donc, le gouvernement prend un risque ici. Non seulement prend-il le risque d'«acrimoniser» ou de rendre plus acrimonieux les rapports linguistiques, et en particulier les rapports linguistiques à Montréal – le gouvernement prend évidemment aussi le risque de se retrouver dans des situations de conflits juridiques, comme je le mentionnais tantôt – mais il y a un risque que le gouvernement prend face à ces personnes qui décideront de nous faire passer aux yeux de ceux qui nous connaissent mal, finalement, pour des personnes qui sont intolérantes, pour des personnes qui ne sont pas capables de se rallier aux grands objectifs des gouvernements des sociétés démocratiques. Ces personnes, évidemment, ont largement tort, mais il reste qu'on leur donne maintenant, M. le Président, une législation, on leur donne un menu qui va évidemment allégrement alimenter leur action.

Durant la commission parlementaire, mon collègue de D'Arcy-McGee a tenu là-dessus des propos extrêmement pertinents; par exemple, le projet de loi parle, à l'article 74, de ces établissements. On peut se présenter dans un établissement pour vérifier des documents, prendre des photos, faire des photocopies, et ainsi de suite, mais la transformation de l'organisation du travail, comme le mentionnait mon collègue de D'Arcy-McGee, est telle qu'on ne le sait plus trop, ce que c'est que cet établissement. Il y a de petits travailleurs autonomes – j'en ai dans ma propre famille – qui travaillent chez eux, qui sont équipés chez eux et qui pourraient, par exemple, par ignorance ou autrement... Je ne parle pas évidemment des gens de ma famille, parce que ces gens-là sont fort informés sur la Charte de la langue française, mais j'en conviens qu'il pourrait y avoir des gens comme ça qui, par ignorance, pourraient, par exemple, faire des cartes d'affaires ou faire de la papeterie, faire de la paperasse de toutes sortes qui ne seraient pas conformes à la Charte, et ces pauvres gens vont se retrouver éventuellement, s'ils font l'objet d'une dénonciation, face à un inspecteur ou à un enquêteur qui viendra leur demander des comptes.

Ce n'est pas rigolo, M. le Président, de se retrouver dans une situation comme celle-là. Et qu'un événement comme celui-là se produise, que la personne qui se sente lésée en fasse publiquement état, on va se retrouver avec des articles dans le New Yorker ou dans le Financial Times ou ailleurs qui vont évidemment nous faire passer pour des espèces d'hurluberlus.

Alors, à ce moment-là, on se demande vraiment: Pourquoi le gouvernement décide-t-il de prendre un tel risque – et, je le répète, si la ministre est capable de me convaincre du contraire, de nous apporter des données, nous sommes des gens rationnels – compte tenu du fait qu'il n'y a aucun signe, mais aucun signe, comme le mentionnait tantôt l'auteure Giusti, d'une érosion, d'une détérioration du visage du français et de la langue française à Montréal?

La ministre s'évertue, M. le Président, à nous citer, encore là, un résultat de l'Office de la langue française qui, si je m'en souviens bien, disait qu'il y aurait 42 % des affiches dans les commerces de Montréal qui seraient en dérogation de la Charte. Je veux bien. J'ai regardé ces statistiques très attentivement, mais vraiment... Habituellement, lorsque le Conseil n'a pas fait, disons, oeuvre exemplaire, dans ce cas-ci... Parce que, lorsqu'on essaie de mesurer la présence d'un phénomène, et en particulier d'un phénomène linguistique sur un territoire, habituellement on fait une distinction entre ce que les techniciens, les spécialistes appellent «la prévalence» et «l'intensité d'un phénomène». Ce qu'on retrouve lorsqu'on examine les statistiques attentivement, c'est que, parmi les 42 % d'affiches dérogatoires dont on parle, on retrouve une majorité de petites affiches, d'affiches temporaires, d'affiches saisonnières. Alors, évidemment, on ne peut tout de même pas imaginer... On ne peut même pas supposer qu'il y a là matière à faire scandale et à s'imaginer que la situation linguistique montréalaise est en implosion.

(17 h 30)

Donc, la question qui se pose, c'est toujours la même question, la question à laquelle nous avons tenté d'obtenir une réponse, mais sans succès, M. le Président. Pourquoi cette décision de ranimer un organisme qui n'était, pour toutes sortes de raisons, je l'ai mentionné tantôt, pas très bien vu, qui n'avait pas une réputation... qui avait une grande notoriété mais pas une grande popularité? Pourquoi ranimer pareil épouvantail, si on veut, à l'époque où, finalement, nos rapports linguistiques...

Il faut vivre à Montréal, il faut se promener sur la rue Sainte-Catherine, il faut se promener sur la rue Saint-Laurent – je ne parle pas de me promener sur la rue Laurier, M. le Président, ou sur la rue Bernard, n'est-ce pas – il faut aller se promener dans les grands centres d'achats de Stanstead, les grands centres d'achats de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, à Hampstead ou ailleurs, pour constater que le niveau de conformité à la Charte est exceptionnellement élevé, exceptionnellement élevé.

C'est-à-dire qu'on pourrait s'attendre... Si on écoute parler ceux qui nous parlent d'en face, on devrait s'attendre à trouver des dérogations. J'en ai cherché. J'ai passé trois semaines, au moment de la commission parlementaire de l'automne et de l'hiver, à me promener dans les centres d'achats, dans les grandes places commerciales de Montréal pour trouver des affiches dérogatoires. Évidemment, il m'est arrivé, comme je l'ai mentionné tantôt, de trouver, à l'occasion, une affiche temporaire qui n'était pas nécessairement dérogatoire au sens où elle n'était qu'en anglais, mais où la règle de nette prédominance n'était pas fidèlement respectée.

Mais, M. le Président, on ne peut tout de même pas partir en guerre, dépenser les fonds publics, faire des bureaucraties d'État pour essayer de corriger des situations qui pourraient se corriger tout autrement et pour lesquelles l'Office de la langue française est parfaitement capable, M. le Président, de corriger ces choses. Moi, dans mon expérience, je le sais, il s'agit d'aller voir les gens sur place et de leur expliquer comment la loi fonctionne. Écoutez, il n'y a pas de coût à faire une affiche: Vente de saison, en français, plutôt que d'appeler: Seasonal sale. Il n'y a pas de coût là-dedans. Les gens se plient, les gens sont ravis de pouvoir se conformer à la loi une fois qu'ils ont été informés.

Donc, M. le Président, et je vais terminer là-dessus puisqu'il va me manquer un peu de temps, je n'ose pas qualifier cette philosophie publique qui inspire le gouvernement, sauf pour réaffirmer une dernière fois, et c'est la distinction que je fais entre ce qui est opportun et ce qui est désirable, que cette philosophie publique répugne à un esprit libéral et que l'opposition officielle, en plus d'éprouver, je l'ai mentionné, M. le Président, une lassitude certaine à l'égard de tout ce pseudo, ce faux débat, ce débat artificiel qui a été créé pour les raisons que j'ai mentionnées tantôt, n'arrive toujours pas à comprendre, au-delà de la partisanerie habituelle – parce que, si on est partisan, on peut inventer à peu près n'importe quoi – la fixation de la partie d'en face à des convictions qui ne correspondent plus, mais plus du tout, M. le Président, à la convivialité, à la confiance et au respect mutuel dont témoignent quotidiennement, dans de multiples contextes de communication, les rapports individuels et collectifs au stade de développement auquel est enfin arrivée la communauté linguistique québécoise. Je ne parle pas de la communauté francophone, je parle de la communauté linguistique québécoise pour désigner par là l'ensemble des locuteurs de toutes langues, du Québec, qui, dans de nombreux cas, convergent au français dans des contextes de plus en plus nombreux.

On se retrouve donc devant une communauté qui a toute sa richesse, toute sa diversité, son incroyable vitalité, et on est maintenant devant une législation qui, plutôt que de répondre, disons, aux attentes de cette communauté, plutôt que de confirmer les efforts que cette communauté a faits pour se rallier aux objectifs de la Charte – et je ne parle pas seulement de la communauté anglophone, je parle aussi de la communauté francophone ou de la communauté allophone – plutôt que de transmettre un message positif, transmet le message qui est un message de méfiance, un message de manque de confiance, un message de soupçon qui est celui que véhicule la Charte de la langue française, le projet de modification de la Charte qui nous est proposé.

Je vais terminer, M. le Président – deux minutes – sur une note un peu ironique. Je l'ai mentionné à maintes reprises, peut-être deux ou trois fois à l'occasion de la commission, ce vieux proverbe chinois qui dit: Il n'y a pas de mur qui ne laisse passer le vent. Or, M. le Président, c'est à un démenti formel de la sagesse traditionnelle chinoise inspirée par le proverbe que je viens de mentionner que se sont livrés le gouvernement, la ministre de la Culture et des Communications responsable de l'application de la Charte et toutes les personnes de son entourage durant les longues heures qu'a duré le débat sur la loi n° 40 en commission parlementaire.

La ministre a répété maintes fois devant nous qu'elle est fière du choix qu'elle a fait de ressusciter la Commission de protection de la langue française, dite police de la langue. Elle nous a réaffirmé son assurance d'avoir agi de façon opportune et souhaitable, à ce point qu'elle nous disait qu'elle ira volontiers défendre et illustrer les bienfaits de la loi n° 40 partout où on voudra l'inviter à le faire à travers le monde, qu'elle sera, disons... Je voulais dire, M. le Président, qu'elle est même allée jusqu'à nous dire qu'elle pourrait même être proactive et qu'elle pourrait même, disons, engager cette campagne de mobilisation en faveur de la loi n° 40 même si on ne lui faisait pas d'invitation. C'est-à-dire qu'elle ira vendre son produit sur le marché linguistique international avec ou sans invitation.

M. le Président, je voudrais terminer très brièvement en disant que nous souhaitons à la ministre beaucoup de succès. Et nous souhaitons surtout à la ministre, compte tenu de la politique qui est maintenant la politique officielle du gouvernement, de se faire accompagner dans ses visites par de grands interprètes, de grands interprètes linguistiques mais aussi de grands interprètes politiques, parce que j'ai l'impression que nous, durant cette commission, nous avons vécu l'effet difficile, pénible du mur, mais j'anticipe que la ministre vivra elle-même le même effet sur la loi n° 40, lorsqu'elle aura rencontré à l'échelle mondiale tous les interlocuteurs auxquels elle souhaite pouvoir la vendre, cette loi. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Outremont. Nous allons maintenant céder la parole au député de Taschereau, en vous rappelant, M. le député, que vous n'avez qu'un temps de parole de 10 minutes, maximum. M. le député.


M. André Gaulin

M. Gaulin: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc, si j'ai bien compris le porte-parole de l'opposition officielle en matière linguistique, à l'ère du soupçon. Le porte-parole terminait son discours par un proverbe qu'il nous a souvent cité: Il n'y a pas de mur qui ne laisse passer le vent . Et en l'écoutant parler et en l'ayant écouté parler, nous avons l'impression que nous sommes vraiment face à un mur d'incompréhension et qu'il y avait beaucoup de vent!

M. le Président, la convivialité dont il a été question ne veut pas dire le laisser-faire. Si c'est ça, être libéral, nous ne sommes pas libéraux. La convivialité n'est pas le laisser-faire, et je pense que ce que le gouvernement fait actuellement, c'est ne pas laisser faire.

Le porte-parole de l'opposition officielle, qui a une longue carrière, une remarquable carrière, d'ailleurs, comme commis de l'État, qu'il a faite en particulier dans des organismes qui défendaient et qui assuraient la promotion de la langue française, ne s'est peut-être pas demandé pourquoi, après 205 ans, nous en sommes toujours au même débat que le débat premier, débat des origines de notre démocratie parlementaire au Québec qu'est le débat des langues en 1792, nous en sommes toujours, dans cette Assemblée, à un débat de confrontation. Ce que le député appelle l'appareil de coercition que nous serions en train de mettre en train avec la loi n° 40 n'est tout simplement qu'un fait historique d'occupation et de colonisation aussi; ce n'est pas du tout la même chose. Au fond, nous en sommes toujours à dire: Nous voulons vivre comme nous sommes et selon ce que nous sommes, c'est-à-dire nous voulons vivre en français.

Le porte-parole de l'opposition officielle, tout à l'heure, disait que nous avons franchi le seuil de la sécurité linguistique, et c'est pour ça que nous ne sommes pas d'accord avec lui et que nous ne sommes pas d'accord avec les libéraux. Nous n'avons pas franchi le seuil de la sécurité linguistique. La loi 101, ou la Charte de la langue française, dont il a fait état, a été infirmée dans ce pays qui s'appelle le Dominion of Canada. Elle a été infirmée, cette loi, à plusieurs reprises, tellement qu'on a comparé la Charte de la langue française, ou la loi 101, à un fromage de Gruyère, un fromage qui avait été troué.

(17 h 40)

Je pense, M. le Président, que ce que veut faire le gouvernement, c'est tout simplement de rassurer la majorité des Québécois qui pensent que leur langue est en déperdition. Ça peut être une simple impression, mais on peut aller plus loin que ça. Nous avons des statistiques, mais quand nous donnons des statistiques, pour les libéraux, elles ne sont jamais les bonnes. Nous avons toujours tort. Le ministre des Relations avec les citoyens nous disait l'autre jour, par exemple, que ce sont surtout des jeunes anglophones unilingues qui avaient quitté le Québec ces derniers temps. Et on nous a dit: Ce n'est pas vrai.

On dit qu'il y a actuellement 350 000 unilingues anglophones à Montréal. C'est un constat; ce n'est pas une accusation. On nous dit que ce n'est pas vrai ou on nous dit, comme vient de nous le dire le porte-parole de l'opposition officielle, qu'il sont plutôt âgés, ce qui est peut-être le cas. Mais ce que nous constatons sur le terrain, ce que constatent les francophones sur le terrain, c'est que le français perd du terrain à Montréal. Le porte-parole de l'opposition officielle nous disait au mois d'août passé, alors qu'il était frais émoulu: Dans les parcs que je fréquente, le français est une langue de convivialité. C'était à peu près ça qu'il nous disait. Nous pouvons dire, nous, que nous avons recommencé à voir certaines scènes qui nous rappellent les années d'avant la loi 101 à Montréal, et c'est pour ça que les francophones, du Québec en particulier, ont demandé qu'on resserre la loi 101. La loi qui est là n'est pas une loi qui vient ostraciser quelque citoyen que ce soit; c'est une loi qui vient rappeler qu'il y a un respect de la loi à faire, et s'il n'est pas fait, il y aura, évidemment après avertissement – il n'y a pas coercition – des poursuites et des amendes, s'il y a lieu.

Vous savez, M. le Président, en écoutant le porte-parole de l'opposition officielle, j'avais l'impression qu'on nous annonçait le déluge ou la révolution. Et je rappellerai ici au porte-parole de l'opposition officielle ses propres paroles. Il ne pourra pas dire que je l'ai mal cité, je le lis dans le texte du 13 mai 1997 à propos de l'article 174: «Et nous, de l'opposition – et c'est ça qu'ils vont faire, là; on l'a entendu, le ton des discours que nous allons entendre – nous allons veiller à non pas faire exploser la dynamite, mais on va certainement être là pour pouvoir veiller à pouvoir regarder son explosion. Quand ça va exploser, on va certainement en faire une bonne exploitation à la fois politique et technique. Donc, c'est un peu une stratégie révolutionnaire qu'on utilise maintenant» – de dire le député d'Outremont. À la Mao Tsé-Tung, quoi! On dit: Écoutez, éventuellement, la crise va se produire et, quand la crise se produira, bien, mon Dieu, la conjoncture fera en sorte qu'on sera confirmés dans nos prévisions et confortés dans nos appartenances et dans nos alliances et dans nos allégeances. C'est la chronique d'une mort annoncée, M. le Président.

«Mais, je vous le répète, M. le Président – de dire toujours notre vénérable collègue député – c'est plein de provocateurs, d'agitateurs, d'agents provocateurs». On se demande où ils sont puis d'où ils sont! On se demande même des fois s'ils ne sont pas dans l'opposition officielle! «C'est plein d'agents provocateurs, et j'ai hâte que ces agents provocateurs soient informés de l'article 174. On compte sur lui. Ils vont d'ailleurs avoir abondamment la chance de l'être, puisque nous avons encore deux belles étapes de la discussion de ce projet à l'occasion desquelles nous allons pouvoir prendre d'abondance la parole à l'Assemblée nationale – ce qu'il vient de faire – donc dans le grand public et non plus dans cette espèce d'enceinte qui est une commission».

Oui, M. le Président, ça va très vite. Je veux donc simplement rappeler que la question linguistique n'est pas une question de bonne volonté, c'est une question de rapport, au plan linguistique, de langues qui, sur le même terrain, ne peuvent pas être toutes les deux souveraines. Quand le porte-parole de l'opposition officielle nous dit qu'à Montréal les anglophones sont plus bilingues que les francophones, bien, mon Dieu, et ta mère? Et ta soeur? C'est tout à fait normal. J'imagine que c'est le cas des francophones qui vivent à Toronto. J'espère qu'ils sont plus bilingues que les anglophones, qui sont peut-être unilingues! Ça va de soi. Et je sais que l'arme qu'ils utilisent, de leur bord, c'est l'espèce de tentative de culpabilisation, parce que le porte-parole de l'opposition officielle nous disait que la culpabilité, ça fonctionne toujours chez des gens qui ont été un petit peu dans la culture judéo-chrétienne. Je pense qu'ils l'utilisent très, très abondamment. Le vieux démon dont ils parlent, qu'est-ce que c'est si ce n'est pas cet esprit-là lui-même?

M. le Président, je pense que nous avons ici un combat linguistique qui se termine. Nous ne voulons ostraciser personne. Nous sommes conviviaux à l'endroit de nos compatriotes anglophones. Ils se sont mis au français, et nous les remercions. D'ailleurs, l'article 85 de la loi 101 prévoit qu'on ne doit pas donner de diplôme aux jeunes du Québec sans qu'ils aient une connaissance d'usage du français. Mais je pense qu'il faut continuer d'assurer l'affirmation de la langue française, que cette langue est une langue commune et que ce territoire qui, je l'espère, sera un pays – ça réglera beaucoup de problèmes – est un pays français. Je pense que, pour que le français soit fort au Québec, il faut qu'il ait une emprise territoriale, que lui donne d'ailleurs le territoire du Québec. Un jour, pour reprendre Miron – je termine là-dessus – je dirai oui à ma naissance. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Taschereau. Nous cédons maintenant la parole au député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: Merci, M. le Président. Je suis toujours un peu surpris, lorsqu'on arrive à l'étape de l'adoption d'un projet de loi, de constater que, au moment de la prise en considération, bien, malgré la qualité des arguments qui ont été présentés au gouvernement, aucun d'entre eux n'a été retenu. Je suis également surpris du discours que je viens d'entendre du député de Taschereau, en ayant devant moi une lettre de la Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île, case postale 2, Roxboro, Québec. Ça, c'est dans le comté de Robert-Baldwin, dans l'Ouest-de-l'Île. Et la Société Saint-Jean-Baptiste, qui n'a aucune affiliation – je vous l'assure et j'espère que vous allez le reconnaître – avec le Parti libéral du Québec, a décerné le grand prix orange – pas le prix citron, le prix orange – à l'Ouest-de-l'Île.

Et je vous lis, M. le Président, le communiqué de presse de la Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île, dont le siège social est à Roxboro, dans le comté de Robert-Baldwin: «Nous voulons signifier à la communauté de l'Ouest-de-l'Île notre appréciation de constater à quel point l'affichage de la région est très majoritairement français, et ce, à plus de 90 %.» J'aurais aimé ça, avoir des commentaires des représentants, des députés du parti ministériel. À partir de cette affirmation-là, M. le Président, comment voulez-vous que les gens de l'Ouest-de-l'Île comprennent bien ce que veut faire le gouvernement du Parti québécois lorsqu'il a l'intention de créer la Commission de protection de la langue française, plus connue sous l'appellation «police de la langue»?

«Afin de prouver nos dires – et je rappelle le communiqué de la Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île – nous avons patiemment filmé les rues commerciales de la région avec une caméra – pas quelques jours ou quelques heures, M. le Président – pendant plus de deux ans. La preuve est là, indiscutable et certaine, que l'affichage d'ici – là, on est dans l'Ouest-de-l'Île de Montréal – est très majoritairement français. Maintenant, l'heure est venue de constater que ces changements sont survenus de manière paisible, continue et que le commerce demeure florissant dans la région.» Pourquoi une police de la langue lorsqu'une société comme la Société Saint-Jean-Baptiste reconnaît que le fait français est accepté, acceptable dans l'Ouest-de-l'Île et qu'il n'y a aucun problème majeur avec l'application des lois?

(17 h 50)

«L'affichage, loin d'être l'élément le plus important de la francisation, dans notre société, demeure le premier élément visuel immédiatement et directement perçu par l'oeil. Il invite tous les nouveaux arrivants à assurer leur apprentissage du français au-delà du minimum scolaire de manière volontaire et stimulante. Parallèlement, les services en français, malgré que des améliorations soient encore souhaitables, ont progressé énormément.» M. le Président, qu'est-ce qu'on veut de plus?

Et j'aimerais souligner, vraiment, que les gens de l'Ouest-de-l'Île, particulièrement du beau comté de Robert-Baldwin, ont beaucoup de méfiance lorsqu'on veut appliquer maintenant une police de la langue pour aller les contrôler, et je pense que c'est très mal venu. Nous avons pensé qu'on l'avait exprimé suffisamment pour que ça puisse être compris. Mais, lorsque quelqu'un d'une région différente de celle de Montréal vient nous dire que ce n'est pas vrai, moi, j'aimerais ça qu'on puisse analyser les statistiques comme elles sont vraiment, qu'on puisse analyser ce film qui a été fait par la Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île et qu'on puisse l'écouter. Je pense même que tous les députés ont reçu une cassette de ce film qui a été fait. Et je trouve vraiment dommageable que les députés ministériels n'aient pas daigné référer à cette affirmation de la Société Saint-Jean-Baptiste.

M. le Président, ce n'est pas assez. On va regarder les quelques affirmations qui ont été faites par des gens très près de ce gouvernement. Le ministre d'État à la Métropole: «On ne doit pas se payer le luxe d'une lutte linguistique à Montréal.» C'est la position du gouvernement. Le discours, M. le Président. Les faits, M. le Président. M. Larose: «Lorsque le principal instrument d'application d'une politique linguistique est un ruban à mesurer, cela nous pose des difficultés. C'est humiliant, ridicule, honteux, risible.»

Quelqu'un qui a beaucoup de crédibilité dans le milieu artistique et qui est apprécié vraiment, M. le Président, comme acteur, auteur, mais aussi je pense qu'il a fait un travail remarquable comme président de l'Union des artistes, M. Serge Turgeon: «Le visage du Québec s'est indéniablement francisé en 20 ans; et, s'il demeure nécessaire de faire respecter la loi, deux ou trois affiches en anglais ne me donnent pas d'urticaire, souligne M. Turgeon, qui est un résident de l'Ouest-de-l'Île.» Si je poursuis l'article de Mme Katia Gagnon dans La Presse du mois de mai dernier, eh bien, on mentionne: «Au contraire, les membres de l'exécutif national du Parti québécois croient, eux, que la situation est beaucoup plus inquiétante que celle décrite par M. Turgeon. On recommande au gouvernement d'en faire un examen attentif et de n'exclure aucune option pour réagir. Si nécessaire, il faudra aller plus loin que l'énoncé de la politique, croit un vice-président du Parti québécois.»

Eh bien, je pense que ça vient vraiment de là, la difficulté. C'est l'aile radicale du gouvernement, M. le Président, et ce sont eux qui refusent de venir voir vraiment ce qui se passe dans l'Ouest-de-l'Île, comme l'a fait, fort heureusement, la Société Saint-Jean-Baptiste, M. le Président.

Les gens sont méfiants à cause de la police de la langue. Bien, non seulement à cause de la police de la langue. Depuis l'arrivée du gouvernement, l'Ouest-de-l'Île de Montréal, eh bien, c'est l'endroit où il y a eu le plus d'hôpitaux qui ont fermé. L'Ouest-de-l'Île de Montréal, c'est l'endroit où on a fermé la cour juvénile, alors qu'on sait que les intervenants sociaux, les travailleurs sociaux, les parents, les organisations communautaires trouvaient cette cour juvénile extrêmement importante et aidaient les jeunes dans leur cheminement.

Dans l'Ouest-de-l'Île, M. le Président, on a entendu, le soir du référendum, cette expression extrêmement malheureuse de l'ancien premier ministre, M. Parizeau: Les ethnies, c'est à cause des ethnies si on a perdu. Et jamais un député de l'opposition s'est levé pour dire: Écoutez, ça n'a pas d'allure qu'on considère les ethnies de façon complètement dissociée de la société québécoise.

M. le Président, c'est toujours la même chose, et la liste est longue. Plus récemment, hier, on discutait, et même aujourd'hui, de cette fameuse loi sur les commissions scolaires linguistiques, dont le principe est accepté par tous les partis et par toutes les communautés. Eh bien, là aussi on veut restreindre le droit de vote de la communauté anglophone. Alors, il ne faut pas se demander pourquoi il y a une méfiance de la part de la communauté envers le gouvernement. Je pense que, d'un côté, on a eu le discours au théâtre Centaur, où le premier ministre se voulait le premier ministre de tous les Québécois, et, de l'autre côté, on a les faits, les résultats que je viens d'énumérer: fermeture d'hôpitaux, fermeture de la cour juvénile. On ne donne pas ou on ne veut pas, en tout cas, clairement indiquer que M. Parizeau s'est trompé le soir du référendum et on ne veut pas reconnaître le droit de vote, un droit légitime dans notre démocratie, à la communauté anglophone dans le cadre des commissions scolaires linguistiques.

En terminant, je pense qu'il aurait été nécessaire de garder ces argents-là – je pense qu'on parle de 5 000 000 $ – et de vraiment les mettre là où on en a besoin, dans les secteurs prioritaires, la santé. Les problèmes ont été évoqués par le chef de l'opposition aujourd'hui: les listes d'attente qui sont beaucoup trop longues, les urgences qui sont engorgées. Me semble qu'on aurait pu utiliser mieux ces argents-là. Dans le domaine de l'éducation, M. le Président, on en a tellement besoin. Pourquoi pas améliorer la situation du français dans les écoles? Et, là-dessus, il y a beaucoup de rapports et beaucoup de statistiques qu'on aurait pu sortir, M. le député de Taschereau, pour vraiment indiquer que dans certains secteurs le français n'est pas de meilleure qualité et qu'il y aurait possibilité de l'améliorer, et ces argents auraient pu être mieux utilisés.

En terminant, pourquoi ne pas avoir une approche persuasive plutôt qu'une approche coercitive qui est le propre du parti qui nous gouverne actuellement? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Robert-Baldwin. Si vous le permettez, nous allons suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures, puisqu'il nous reste seulement deux minutes avant la clôture. Alors, nous suspendons les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 58)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir. Nous allons poursuivre nos débats sur le projet de loi n° 40, et je suis prêt à céder la parole au prochain intervenant. M. le député de Nelligan, je vous cède la parole.


M. Russell Williams

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis venu supporter mes collègues ce soir sur le débat sur le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, et essayer de convaincre le gouvernement qu'il est en train de faire une grave erreur. J'espère que nos interventions de ce soir pourront convaincre ce gouvernement de l'erreur qu'il est en train de faire.

Moi, M. le Président, je ne suis pas certain si je dois rire ou pleurer avec ce projet de loi aussi mal fait. Ça répond à quoi, M. le Président? Ça répond à qui? Est-ce que c'est vraiment nécessaire? Est-ce qu'il y a un vrai problème ou est-ce que c'est un problème imaginé par le ministre ou le gouvernement ou concocté par ce gouvernement pour créer une espèce de problème?

M. le Président, il me semble que ça ne répond pas aux vrais besoins des Québécois et Québécoises mais que ça répond seulement aux radicaux du Parti québécois, les élites, comme on dit. Et ça répond à une tendance impérialiste, interventionniste de ce gouvernement qui veut être à la face de tout le monde, «in everybody's face».

Mais aussi, M. le Président, il me semble que c'est une logique des années passées et que, à mon avis, si ça n'a pas marché dans les années passées, les années soixante, ça ne marchera certainement pas dans les années quatre-vingt-dix. Qu'est-ce qu'il veut dire, le projet de loi n° 40? On est en train de créer une commission de la langue. On l'appelle souvent, M. le Président, la police de la langue: «tongue troupers», «vocabulary constabulary». Tout le monde parle de ça. Est-ce que nous avons besoin d'un groupe d'enquêteurs et d'inspecteurs qui vont vérifier si les Québécois et les Québécoises respectent la Charte de la langue française? Est-ce que nous avons besoin d'une autre structure qui va dépenser un autre 5 000 000 $? Non, M. le Président. Les Québécoises et Québécois sont beaucoup plus matures que ça, et nous sommes fiers d'être la seule province majoritairement francophone. Nous sommes fiers de la langue française. Nous le sommes tous, ici, dans cette salle, et la grande majorité des Québécoises et des Québécois veulent protéger et promouvoir la langue française. Nous n'avons pas besoin des mesures coercitives comme on trouve dans le projet de loi n° 40.

Mais le Parti québécois, comme d'habitude, est en train de créer des problèmes, des problèmes artificiels et d'essayer de convaincre qu'il existe un problème ici, au Québec, sur la protection de la langue française. Ils ont juste essayé, pendant les trois dernières années, de convaincre que nous sommes tous des séparatistes. Ce n'est pas vrai. Deux fois dans l'histoire du Québec, les gens ont voté pour rester au Canada, et encore le 2 juin – je sais que le côté ministériel ne veut pas en discuter – 62 % ont voté contre leur option, 62 %. Avec ça, M. le Président, c'est clair que nous n'avons pas besoin de ce type de commission, nous n'avons pas besoin de ce type de gouvernement et nous n'avons pas besoin de cette obsession séparatiste.

(20 h 10)

Mais, M. le Président, c'est correct de demander comment on peut protéger la langue française, parce qu'il me semble qu'on doit s'assurer que nous avons les outils d'assurer que la langue française est bel et bien protégée. Mais est-ce qu'on fait ça avec l'affichage? Comme mon collègue le député de Robert-Baldwin l'a déjà mentionné, même la Société Saint-Jean-Baptiste de l'Ouest-de-l'Île de Montréal dit que l'affichage est loin d'être l'élément le plus important de la francisation de notre société. C'est ça qu'ils ont dit.

Comment on protège la langue française, M. le Président? On fait ça par l'éducation. On doit encourager le secteur de l'éducation à essayer de répondre à nos besoins. Mais, dans mon comté, l'expérience que j'ai vue, avec ce gouvernement, c'est loin d'être positif en ce qui regarde les questions de l'éducation. Vous pouvez voir, M. le Président, un article: Québec endangers French teaching at the CEGEPs . Non, M. le Président. Qu'est-ce qu'ils sont en train de faire? S'ils veulent vraiment protéger la langue française, ils doivent arrêter de gaspiller 5 000 000 $ pour une autre commission et mettre ça dans l'éducation.

Aussi, j'étais pas mal fier de mon travail dans mon dernier mandat avec le cégep francophone de l'Ouest-de-l'Île de Montréal, qu'on appelle maintenant le cégep Gérald-Godin, mais, malgré mes efforts et l'annonce de M. Johnson, le premier ministre à cette époque, le député de Vaudreuil, ça a été arrêté. Tout de suite après l'élection du Parti québécois, ils ont arrêté le projet. Ils ont dit qu'ils allaient faire quelque chose de mieux que nous. Mais, maintenant, on parle d'un projet quatre ans en retard. La ministre de l'Éducation a annoncé que peut-être ça ouvrirait en 1999. Elle va être dans l'opposition dans ce temps-là. Avec ça, je lui souhaite bonne chance. Mais là, M. le Président, c'est la meilleure façon de protéger la langue française.

If we have to protect it, we protect it how and from whom? The English-speaking community of Québec is not part of the problem. If this Government would actually stop and look around, they would realize that the English-speaking community of Québec is part of the solution. The English-speaking community of Québec is one of the most bilingual communities in the country. They embrace the French language. They embrace this province. And I know there is a number of people who try to convince people otherwise, but the West Island community is a fine example of living in full respect, for both linguistic communities.

Well over 60 %, 60 %, M. le Président, des élèves qui ont le droit d'aller à l'école anglaise décident, avec leurs parents, d'étudier en langue française. Plus que 60 %. Voilà! Il n'y en a pas, de problème. Nous sommes en train de montrer que nous sommes capables d'assurer qu'ici, au Québec, on peut, avec une vision libérale, protéger la langue française et promouvoir la langue française, mais aussi toujours protéger la minorité. Quand nous étions au pouvoir, nous avons passé le projet de loi 86, qui était une bonne démonstration d'une paix linguistique, d'un juste équilibre. Mais on arrive ce soir, après un long débat sur le projet de loi n° 40, avec 5 000 000 $, un groupe d'inspecteurs qui ont un pouvoir incroyable d'aller dans les commerces, harceler la population.

Moi, je voudrais juste mentionner un exemple. Est-ce que dans cette affaire-là la ministre pense que, comme exemple, les Hell's Angels, ses enquêteurs vont visiter les Hell's Angels et ils vont dire qu'ils doivent s'appeler maintenant «Anges venus de l'enfer»? Voyons donc, M. le Président! Est-ce que ses enquêteurs vont aller dire que la «badge» d'identification des Hell's Angels doit être deux fois plus grosse en français qu'en anglais? Voyons donc! Ce n'est pas une façon de faire. Et, dans mon comté, la ministre a déjà envoyé les inspecteurs harceler les petites entreprises, leur dire qu'ils ne parlent pas assez français. Ils ne donnent pas de l'aide. Les petites entreprises qui veulent apprendre le français mais qui doivent travailler 15 heures, 17 heures par jour ont besoin de l'aide de ce gouvernement, pas de coercition, pas de harcèlement.

M. le Président, la communauté d'expression anglaise a été trahie par ce gouvernement, betrayed by this Government since the famous Centaur Theatre, and you know what everybody in this community now thinks about this: it's worth nothing. But since the famous discours at the Centaur Theatre, the community feels very betrayed. Since then, we've seen closures of hospitals, we've seen access plans delayed way beyond their legitimate legal time. Right now, just today, we've been debating a very discriminatory definition of the English-speaking community, a complete disenfranchisement of many of the communities in terms of the right to vote. And in fact, when you see, Mr. Speaker, the document Le français, langue commune: enjeu de la société québécoise , you see a master plan to limit control and, I believe, reduce the services for the community. What the community needs... Nous avons besoin de gestes positifs, pas coercitifs.

Je voudrais féliciter les députés d'Outremont, de D'Arcy-McGee, de Jacques-Cartier, de Notre-Dame-de-Grâce, qui ont vraiment travaillé pour convaincre ce gouvernement qu'il est en train de faire une très mauvaise loi.

Moi, M. le Président, quand je parle avec les Québécois et les Québécoises, ils ont confiance. Ils sont assez matures pour protéger leur langue. Peut-être que ce gouvernement n'a pas confiance, peut-être qu'il a déjà perdu confiance, mais les Québécois sont plus tolérants que ça. Je trouve que c'est une loi intolérante, je trouve que c'est une loi régressive et pas du tout nécessaire. Et dans le secteur des affaires, le monde ne demande pas: Qu'est-ce qu'on donne ici, au Québec? Les taxes les plus élevées au Canada, la menace de séparation et maintenant un groupe d'inspecteurs sur la langue et des règles linguistiques qui ne respectent pas la vérité.

My son Michael said this is one of the craziest things he's ever heard, to create a bunch of inspectors. What he was trying to say is: We will all lose. If this law gets passed as is, Mr. Speaker, Quebeckers will be set back. We, as a liberal party, know a much better approach.

Nous sommes fiers d'être Québécois. On peut protéger la langue française, on peut protéger la minorité, et nous n'avons pas besoin d'une loi aussi régressive, contre-productive et coercitive comme le projet de loi n° 40. J'espère, M. le Président, avec les interventions des membres du Parti libéral ce soir, que la ministre va comprendre finalement que c'est un mauvais projet de loi, que c'est contre la vision de la grande majorité de la population québécoise. Nous avons les moyens de protéger et de promouvoir la langue française, on peut faire ça. Nous n'avons pas besoin d'une autre commission, d'un autre gaspillage de 5 000 000 $. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Nelligan. Je vais maintenant céder la parole à M. le député d'Argenteuil. M. le député.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Oui, M. le Président. Je suis un peu étonné de voir qu'il se tient un caucus à la Chambre alors que les députés de l'opposition essaient de convaincre la ministre du bien-fondé de leurs arguments et qu'elle est en train d'entretenir des échanges – que j'assume très importants – avec ses confrères. Il me semblerait que ce n'est peut-être pas nécessairement approprié en Chambre, alors que les députés font des efforts pour essayer de partager avec elle des arguments pour essayer de la convaincre de modifier son projet de loi ou tout simplement de le retirer.

Je veux juste citer en exemple comment un individu qui est soumis à la police de la langue peut se sentir lorsqu'il fait des efforts pour parler le français. Je m'entretenais récemment avec un dresseur de chiens, et il me disait: Il faut être très attentif. Lorsque vous arrivez à la maison et que le chien a sauté sur le divan et que vous vous mettez à le chicaner, à lui dire toutes sortes de mots, et le chien part en courant, saute en bas du divan puis vous continuez à lui donner encore sa ronde, le pauvre animal, il ne sait plus où aller. Il ne sait plus où aller parce que vous l'avez chicané parce qu'il était sur le fauteuil puis là vous le chicanez parce qu'il est à terre. Il ne sait plus où aller, lui, il ne sait plus où aller.

Alors, je fais une comparaison avec ce que la police de la langue va faire vivre à des gens qui sont dans un milieu à grande majorité francophone mais qui font des efforts, M. le Président, pour parler le français, qui font des efforts notoires pour parler le français. Puis là on va leur envoyer la police. Alors là, ils ne savent plus s'ils doivent parler le français ou s'ils ne doivent plus du tout parler le français, parce qu'il n'y a plus de place pour eux. Il n'y a plus de place pour eux pour se tenir; ils ne savent plus où aller. Ils ne savent plus s'ils doivent parler le français, en mettre plus, en mettre moins. S'ils en mettent, ils se font poursuivre s'ils n'en ont pas mis assez; s'ils en mettent trop, ils n'ont plus de place parce qu'ils se disent: On n'est plus dans notre milieu. Ça me fait vraiment penser à ce dresseur de chiens qui nous dit: Écoutez, faites attention, vous le prenez avant qu'il saute sur le divan, pas après. Là il va comprendre. Quand il vient pour sauter sur le divan, vous dites: Oups! non.

Bien, M. le Président, moi, «avant de sauter sur le divan», c'est l'école, c'est la formation, c'est l'éducation. Et, malheureusement, la ministre ne nous écoute toujours pas, elle continue ses balivernes avec ses confrères.

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. En vertu de 35.7, M. le Président, un député ne peut en cette Chambre «se servir d'un langage violent, injurieux ou blessant à l'adresse de qui que ce soit». Je suis profondément choqué, comme parlementaire, qu'on compare la communauté anglophone à un chien.

(20 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député d'Argenteuil, je vous laisse apprécier votre exemple et la remarque. M. le député d'Argenteuil.

M. Beaudet: J'apprécie les commentaires du leader du gouvernement, M. le Président. Ce que j'essaie de lui dire, c'est que je parle du dresseur de chiens.

M. le Président, si on veut aider ces gens à régler leurs problèmes, il faut leur donner une formation appropriée. Comme j'avais dit à la ministre, au lieu d'utiliser la punition, qu'on utilise l'incitation, au lieu d'utiliser le bâton, qu'on utilise la carotte. Et il serait beaucoup plus productif pour la langue française au Québec d'amener l'éducation et la formation en français à un niveau tel que tous nous serions fiers de parler le français et de l'écrire correctement.

Malheureusement, au lieu de dépenser des ressources à aider les gens à améliorer leur français, à mieux le parler, à mieux l'écrire, on s'amuse à mettre des milliers et des milliers de dollars sur une police qui, au fond, n'a vraiment pas sa raison d'être. Cette police n'aura, à long terme, que des effets négatifs, parce que ça incite une communauté qui – à moins que je me trompe, mais, à mon avis, j'en suis sincèrement et profondément convaincu – est un enrichissement pour nous, qui est un plus au Québec... on incite ces gens à quitter. Au lieu de les inciter à rester et à partager avec nous leur héritage culturel, leur richesse culturelle, on les incite à quitter notre milieu.

Et, oui, M. le Président, on va se retrouver, les francophones, tous parmi nous, tous ensemble, tous un beau groupe, mais, au bout du compte, nous aurons perdu. Nous aurons perdu parce que nous n'aurons pas été capables d'inciter de façon positive une communauté à partager la langue de la majorité et à la partager sans avoir de mesures contraignantes, de mesures punitives, alors qu'il eut été si facile d'utiliser l'incitation et de favoriser un enseignement qui aurait donné à sa jeunesse, à ses enfants une formation adéquate leur permettant de parler leur langue seconde qui est notre langue primaire.

Vous comprendrez que la mise en place de ce projet de loi n° 40, pour nous, c'est un recul. On recule dans les années soixante, dans les années soixante-dix alors qu'on est à l'ère du troisième millénaire, du XXIe siècle. Et je me dis qu'au lieu de progresser dans nos mesures on régresse, on régresse parce qu'au lieu de rechercher la paix et la concertation on recherche la guerre et la confrontation. La ministre avait sûrement d'autres mesures plus positives, comme je lui ai déjà partagé, M. le Président. Combien de mesures incitatives auraient pu être utilisées afin de favoriser la langue française autres que celle de mettre en place une police de la langue qu'on avait jugé bon, nous, de mettre au rancart, de mettre un peu à l'ombre afin de favoriser le retour de la paix linguistique au Québec?

M. le Président, si, par mes propos, j'ai blessé le leader parlementaire, je m'en excuse, mais, s'il avait écouté attentivement ce que j'ai dit, il aurait compris le fond de l'exemple que j'ai voulu utiliser, il aurait compris qu'il est préférable, lorsqu'on a un enfant, de l'inciter à faire des choses plutôt que de le punir une fois le geste fait, qu'il est préférable d'encourager plutôt que de punir. Et ces mesures positives...

On nous reproche souvent, à l'opposition, d'être toujours contre, de n'avoir rien à proposer. Je pense que le côté ministériel sait très bien qu'ils sont rarement à l'écoute des propos qu'on leur dit et qu'on se sent un peu laissés pour compte. Pourtant, lorsqu'on leur propose des solutions, ils sont les premiers à les rejeter d'emblée, et chaque proposition que l'on met de l'avant reçoit de leur part une fin de non-recevoir. Alors, vous comprendrez qu'encore une fois nous serons dans l'obligation de voter contre le projet de la ministre de la Culture et que, malheureusement, on l'a mise en garde, mais on lui répète encore ce soir que ce que nous reverrons dans l'avenir, c'est la confrontation et la chicane plutôt que la paix et la concertation. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Il nous est difficile de croire que nous débattons une fois de plus un projet de loi qui réinstaure ce qui est mieux connu sous le nom «police de la langue».

Let me say, Mr. Speaker, that I, like so many other Quebeckers, French and English-speaking alike, am tired of having to listen to a government that systematically distorts reality, that says one thing and does another. The Premier parades around with a chip on his shoulder, accuses the Federal Government of trying to break Québec and bring it to its knees, while it is obvious that it is his Government that is systematically ruining this province with its misplaced priorities, of which Bill 40 is only one more lamentable example.

People from all walks of life, trade union leaders included, have warned that reviving the Commission de la langue française will only antagonize the Anglophone community and the business milieu without bringing any improvement to the French fact in Québec. Of course, it will gain us further notoriety in the world press. With the exception of the PQ radicales, to most of us Bill 40 is an invitation to ridicule when it is not an occasion for insult.

The fact of the matter, Mr. Speaker, is that French is doing quite well in Québec and we, Anglophones, Allophones alike, are as proud of that as anyone else. Our children are bilingual, if not trilingual in many cases, and those of us who stay in Québec despite all of the discouragement they receive from the Péquiste Government do so because they love not only this province, but the culture which makes it so unique in this North American continent. I have said it before and I'll say it again in this House to you, Mr. Speaker: there is no stronger ally of the French fact on this continent than the English-speaking population of Québec.

La préoccupation continuelle du gouvernement de préparer son option de séparation continue de faire fuir les investisseurs dont nous avons besoin au Québec. Elle contribue, en plus, à l'érosion économique et morale de notre province et plus particulièrement de Montréal, la plaque tournante et essentielle de son économie et de sa culture. Et, pendant que les coupures annoncées par le gouvernement du Parti québécois continuent de hanter nos systèmes de santé et d'éducation, le gouvernement trouve l'argent pour financer une police de la langue dont personne ne voit la nécessité.

(20 h 30)

Qu'est-ce que le gouvernement essaie d'accomplir avec le projet de loi n° 40? Il nous dit qu'il est prêt à dépenser de l'argent pour aviver les flammes du ressentiment parce que, sans ce ressentiment, le plan déguisé ou trompeur de séparation n'aurait pas une seule chance.

Je pense aussi qu'il nous dit que, même si les ministres nous font des beaux discours sur la démocratie et la tolérance, leurs actions démontrent un esprit retors et étroit qui se préoccupe plus d'instaurer des règlements punitifs que de bâtir des liens avec nos forces communes et qu'ils continuent à considérer le Québec comme une société en état de siège au lieu d'une société dynamique, ouverte dont le potentiel est illimité si nous pouvions seulement nous concentrer sur les sujets qui nous unissent et nous concernent tous. Pourquoi ne pas prendre avantage de l'incroyable richesse et du talent de la génération montante? Pourquoi ne pas regarder nos membres des communautés anglophone et allophone comme des ambassadeurs du fait français au lieu de les voir comme des éléments subversifs potentiels?

More people will be alienated just as the German businessmen were by a public servant's actions. More people will be discouraged just as were the private sector group that had arranged a meeting with the German industrialists and found that the Premier was busy campaigning rather than find the time to meet with them. More people will quietly pack their bags and move, not because the English signs are too small but because they find it more and more difficult to live in a society where there is a PQ Government which is intolerant, divisive and authoritarian.

The employment figures are already alarming. Montréal is reeling from the Government's preoccupation with issues which are far removed from the daily needs of our citizens. The welfare lists are growing, the tax base is eroding. No language police is going to address that situation, let alone redress it. Indeed, Bill 40 is a thinly veiled onslaught on Montréal, on its cosmopolitan character and aspirations, on its vitality as a hub for much of Québec's internal diversity, on all that it stands for as a beacon of what multiculturalism can actually do when initiative is encouraged and pluralism truly welcomed.

M. le Président, le message derrière le projet de loi n° 40 n'est pas seulement que la langue française a besoin de mesures coercitives pour la soutenir, mais aussi que sa vitalité est menacée par le caractère cosmopolite de notre cité très populeuse et dynamique. Ce que l'on ne dit pas, par exemple, ce sont les conséquences de ce projet de loi n° 40. Il va en résulter la construction d'un mur de plus autour du Québec, un mur qui vise non seulement les minorités linguistiques de cette province, mais aussi la majorité linguistique.

De la même façon que le gouvernement stipule des règles pour le référendum et d'autres règles pour en analyser les résultats, des critères pour définir, avant la tenue d'un vote, l'importance de la récente élection fédérale et d'autres critères pour en interpréter la signification après, de la même manière qu'ils parlent de diversité alors qu'en pratique il est démontré qu'ils sont honteusement étroits d'esprit, ils continuent de promouvoir leur propre version de la réalité quant à la situation de la langue française de cette province. Alors que la langue française devrait être un atout qui s'ajoute à la richesse de notre vie en Amérique du Nord, le gouvernement s'en sert pour nous plonger dans des politiques de division, réduisant la langue française à un pion dans le jeu de la séparation du gouvernement du Parti québécois. M. le Président, je suis totalement opposé au projet de loi n° 40 auquel, je suis heureux de le dire, est opposée la vaste majorité des Québécoises et Québécois, et pour de bonnes raisons.

For most Quebeckers know not only there is no reason for this bill, but also that its passage will somehow diminish us all. It is a bill whose spirit, as I said before, speaks to what is poorest in us all. It starts from incorrect premises – that French is threatened in Québec by non-francophone communities, hostile to its promotion – when in fact, survey after survey indicate that the contrary is true.

And because this law starts from incorrect premises, it's going to land us in a lot of trouble. We all know how language issues have embroiled us in the past in disputes that have brought us international ridicule. We all know how in the past bureaucratic meanness have left communities feeling as though their rights have been trampled upon. We also know that no amount of police measures can substitute for the willing and creative collaboration of citizens in a project of mutual respect and common endeavour. But the Government is not interested in projects of that kind.

The PQ Government would be loath to admit that within Québec, as presently constituted, we have all that we need to build a dynamic society whose French character is affirmed by the strength of its appeal, by the delight all members take in its use, by the pride we all feel in that which makes our home so distinctive and vibrant, and not by the restrictions its laws impose on the tongue spoken by others. Restrictions which sooner or later will clash for the rights that we have all come to cherish. And, as people protest, the Government will once again accuse the people of not respecting democracy.

Heureusement, dans une société démocratique, la population trouve toujours un moyen pour tenter de faire entendre raison même au plus sourd des gouvernements.

I stand today to ask the Government to withdraw this bill because if it persists in passing this law that will only bring us further humiliation, I am confident that my no will be echoed far beyond the confines of D'Arcy-McGee. I thank you.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Verdun.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Il y a un certain nombre de points sur lesquels il y a consensus, je pense, dans cette Chambre; c'est l'attachement que, de part et d'autre, nous avons pour la promotion de la langue française au Québec. Et je crois que les libéraux n'ont rien à remontrer au Parti québécois et que le Parti québécois n'a rien à nous remontrer sur cet attachement. Nous le partageons et nous le partageons tous, ici, dans cette Chambre. La question à quoi l'on a à répondre dans le débat que nous faisons ici, c'est: Est-ce que la loi n° 40 va améliorer d'une manière ou d'une autre la promotion de la langue française?

(20 h 40)

Alors, dans la loi n° 40, il y a le meilleur et le pire. Je dois dire que, personnellement, les articles comme les articles 2 et 3 qui touchent aux logiciels, c'est-à-dire à l'importance que, sur le marché du logiciel, lorsque des copies françaises existent dans le marché des logiciels, elles soient disponibles sur le marché québécois en même temps que l'on met les versions anglaises, me semblent un pas dans la bonne direction – et il serait malvenu de s'y opposer farouchement – pour éviter que, dans le grand continent américain, les producteurs de logiciels traitent le Québec comme faisant partie du continent nord-américain et aient tendance à oublier que se trouve ici une communauté francophone qui a le droit aussi aux logiciels en français. Donc, je vous le dis, M. le Président: Cette partie-là de la loi est quelque chose où je trouve qu'il y a un élément sur lequel nous pourrions être d'accord.

Mais il y a un élément profondément divisif à l'intérieur de cette loi: c'est la deuxième partie de la loi, à savoir l'instauration d'une commission de protection de la langue française. Là, il faut bien comprendre, les titres que l'on donne parfois aux commissions ne correspondent pas à la réalité. En fait, il ne s'agit pas d'une commission de protection de la langue française; il s'agit d'une véritable police de la langue.

Avec la loi 86, qui n'avait pas été facile à passer dans ce Parlement – et beaucoup de parlementaires, ici, devraient se rappeler les divisions que ça avait pu créer, de part et d'autre – nous avions atteint un certain équilibre linguistique. Depuis le passage de la loi 86, la situation du français à Montréal s'était considérablement, je dirais, stabilisée et même améliorée. Je pourrais vous rappeler que même une personne comme l'ancienne vice-présidente du Parti québécois, qui est maintenant présidente du Conseil de la langue française – je pense spécifiquement à Mme Nadia Assimopoulos – pensait qu'il n'était pas nécessaire, à l'heure actuelle, d'amender la loi 86.

Alors, ce qui est fait dans cette loi par la Commission de protection de la langue française ou plutôt la police de la langue, c'est qu'on va donner d'énormes pouvoirs à des groupes de fonctionnaires pour pouvoir rentrer, avec des pouvoirs d'enquête, énormes un peu partout pour surveiller, en quelque sorte, les questions de langue. C'est profondément divisif. Ce n'est pas de cette façon-là que l'on doit travailler pour rapprocher, pour unir les deux communautés, la communauté anglophone et la communauté francophone; ce n'est pas de cette manière-là, en procédant d'une manière extrêmement coercitive, que l'on peut faire la promotion du français.

Je me permets, M. le Président, parce que peu de personnes l'ont fait, de vous lire, par exemple, certains articles. On crée des inspecteurs de la langue: «La personne qui effectue une inspection pour l'application de la présente loi peut pénétrer à toute heure raisonnable dans un établissement. Elle peut notamment examiner tout produit ou tout document, tirer des copies et prendre des photographies. Elle peut à cette occasion exiger tout renseignement pertinent.» Je m'excuse, là-dedans strictement, M. le Président, pensez-y, actuellement, ceux qui m'ont fait des magnifiques discours sur l'importance de la défense et de la promotion du français, promotion à laquelle nous adhérons, vous êtes en train de voter une véritable police à laquelle vous donnez des pouvoirs que même la police, lorsqu'elle enquête en matière criminelle, n'a pas nécessairement.

Je continue, M. le Président: «Un inspecteur ou un enquêteur ne peut être poursuivi en justice pour une omission ou un acte fait de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions.» Ils pourront donc pénétrer un peu partout, demander, fouiller dans un commerce, à l'intérieur, dans chacun des ballots, se faire sortir toutes sortes d'informations.

On est en train d'avoir une vision d'une société, je pense, à laquelle nous ne pouvons pas, nous comme libéraux, adhérer. La vision d'une société qui est la nôtre, c'est une société beaucoup plus libre à laquelle les gens adhèrent, adhèrent à la qualité et à la promotion de la langue française, non pas doivent respecter le français parce qu'ils y sont obligés par des mesures coercitives, parce qu'ils ont peur de se retrouver demain avec un inspecteur qui puisse rentrer chez eux, fouiller partout, prendre des photographies, tirer des photocopies, exiger de produire tout document. Vous vous rendez compte, sérieusement, M. le Président? Même les corps de police traditionnels, lorsqu'ils enquêtent en matière criminelle, n'ont pas ces pouvoirs-là. C'est presque – je le dis en boutade – comme si on était en train de penser quelle punition on pourrait même sortir pour ceux qui ne respectent pas, à l'heure actuelle, la Charte de la langue.

«Lorsque la Commission conclut qu'il y a eu contravention à la présente loi [...] elle met en demeure le contrevenant présumé de se conformer» et, en cas de défaut, elle défère le dossier à un procureur. On voit actuellement toute la situation de poursuites en justice, de menaces de fermeture des commerces. Je vous le répète, M. le Président: Autant nous adhérons, de ce côté-ci de la Chambre, à l'importance de la promotion de la langue française, autant nous pensons qu'il est important réellement que des efforts soient faits, beaucoup plus que ce qui est fait à l'heure actuelle, dans l'ensemble de nos institutions d'enseignement pour défendre et améliorer la qualité du français, autant nous devons nous opposer à toute mesure qui s'en va soutenir, comme le font les articles de la deuxième partie du projet de loi, à toute mesure qui s'en va instaurer réellement un corps policier de la langue. Parce que c'est ça qu'on va voter.

Je connais un certain nombre de parlementaires ministériels et je suis sûr que, s'ils prennent la peine de lire ce projet de loi, ils ne pourront pas adhérer à cette vision d'une société policière où, pour des questions linguistiques, on va pouvoir enquêter, entrer chez tout le monde, vérifier si les gens satisfont ou non aux lois linguistiques. C'est une vision d'une société à laquelle les membres du Parti libéral, qui croient à la liberté des individus, qui croient à la défense de l'individu, ne peuvent pas adhérer.

Et c'est au nom de ces principes, au nom des principes de liberté, au nom des principes de défense des droits des individus que nous devons – et j'inviterais aussi les parlementaires ministériels qui croient aussi aux grands principes de liberté de l'individu – nous prononcer contre la loi n° 40, parce que cette police de la langue est totalement inacceptable pour nous, même si, et je le répétais au début, dans la partie qui touche les logiciels, la première partie du projet de loi, il y a des éléments auxquels on peut concourir.

À l'intérieur de ce projet de loi, vous avez le pire et des choses qui sont acceptables, mais le pire est tellement gros qu'il est impossible pour tout esprit qui est enclin à la liberté de pouvoir être en mesure de voter pour le projet de loi n° 40. Et j'invite tous ceux qui croient encore à ces grands principes de protection de la liberté individuelle à voter contre la loi n° 40, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Verdun. Je vais céder la parole maintenant à M. le député d'Orford.


M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, je veux saluer notre confrère de Verdun, qui a, je pense, très bien résumé la situation sur le projet de loi n° 40. Notre confrère de Verdun est un professeur d'université qui a des possibilités de grande réflexion, président de la Commission politique du Parti libéral pendant nombre d'années, un individu qui est arrivé par la filière du Nouveau Parti démocratique et qui a toute sa vie réfléchi sur les sociétés, mais, d'une façon particulière depuis qu'il est avec le Parti libéral, sur l'aspect de la liberté de la société, de la liberté des individus à l'intérieur de la société, et son discours, je pense, faisait honneur aux gens de Verdun, faisait honneur au Parti libéral du Québec, faisait honneur à la liberté des Québécois. Et je le salue d'une façon particulière, M. le Président. Notre confrère de Verdun a fait, je pense, un très bon résumé de tout ce qu'il ne faut pas faire dans un projet de loi linguistique.

(20 h 50)

Je dirai, dès le début, que le Parti libéral du Québec n'a rien à apprendre du parti péquiste en ce qui a trait aux lois linguistiques. Bien avant eux, des gens avaient déjà commencé la démarche de cette recherche de la promotion du français au Québec. Ça commencera avec le premier ministre, M. Jean-Jacques Bertrand. M. Bourassa suivra. Pratiquement tous les premiers ministres essaieront d'améliorer la situation du français au Québec. C'était une époque où il fallait le faire.

M. le Président, comme le dit si bien l'Union des artistes du Québec, le contexte politique du Québec a évolué. Et là ce n'est pas exactement des alliés du PQ qui parlent, c'est l'Union des artistes du Québec: «Le contexte politique du Québec a évolué. Alors qu'il y a 20 ans à peine il apparaissait légitime de vouloir redresser vigoureusement des tendances dont nous pouvions craindre qu'elles nous mènent tout droit à l'assimilation linguistique et culturelle, depuis ce temps, notre confiance en nos capacités s'est affirmée, nos réalisations se sont multipliées, notre désir d'assumer plus de pouvoirs et de responsabilités politiques s'est accru et intensifié.»

Eh bien, nous sommes en 1997. Les Québécois sont partout sur la planète. La revue Les Affaires , il y a quelques semaines, dénombrait des milliers de Québécois qui sont en poste d'autorité à la grandeur de la planète, dans des PME, dans des multinationales, des gens qui font la promotion de notre langue, qui font la promotion des intérêts du Québec et qui sont fiers du Québec, M. le Président. Jamais ces gens n'ont demandé à la ministre de la Culture d'être protégés par une police de la langue. Ces gens sont ouverts sur l'univers, sont ouverts sur les autres cultures; ils font même la promotion de notre culture, de notre identité, de notre société distincte.

Mais, dans ce qu'on nous offre ici, ce soir, oui, il y a des aspects de ce projet de loi qui sont corrects: tout ce qui regarde l'aspect informatique, et je salue la ministre à cet égard-là. Mais il faut reconnaître que ce projet de loi coûtera... Au même moment où nous coupons à peu près dans tout, incluant dans l'hôpital de Magog où des rumeurs voudraient qu'on coupe les lits, eh bien, au même moment, on parle de mettre 5 000 000 $ dans cette patente-là. Oui, monsieur, des polices qui vont vérifier la grandeur des lettres et des pancartes, c'est ça, le projet de loi n° 40, M. le Président.

Instaurer une autre commission. Savez-vous, depuis trois ans au mois de septembre, combien de ces patentes ils ont mises en place, M. le Président? Des commissions, des régies, des sociétés, et on continue par là, nous en avons dénombré, à l'heure actuelle, plus de 40, après trois ans. Et le mandat, comme vous le savez, est de cinq ans. Faites la règle de trois. Ils ne seront pas loin, probablement, d'une centaine parce que, dans tous les projets de loi que nous passons, il y a toujours une de ces patentes-là qui semble remonter à la surface.

J'espère que les gens qui nous écoutent ce soir n'ont pas de grandes surprises. C'est le propre des gouvernements sociaux-démocrates, M. le Président, de vouloir régir tous les aspects de la vie quotidienne des citoyens. Vous savez, ce vieil adage: On veut ton bien et on va l'avoir, ça s'applique d'une façon particulière aux gouvernements sociaux-démocrates, pas seulement à celui du Québec. L'Ontario a eu ça; ils l'ont enlevé de là. D'autres pays ont eu des gouvernements sociaux-démocrates et ils ont toujours péché de la même façon, en créant des régies, des sociétés et en s'impliquant, d'une façon souvent un peu cachée, disons-le, dans la vie du quotidien de tous les jours.

Eh bien, la grande différence entre le Parti libéral du Québec et nos amis du PQ, c'est de croire, chez nous, à la liberté des individus. Le citoyen est, d'abord et avant tout, un être libre et réfléchi qui est au centre de la société. Mais, quand on est péquiste, même si on a perdu une partielle, même si on est après perdre l'élection fédérale dans la générale, on continue à penser que, nous du PQ, on a raison et, nous, on va influencer, on va donner notre façon de voir les choses aux citoyens du Québec, qu'ils aiment ça ou pas.

La grande différence entre notre formation politique et la leur, c'est ce grand respect que nous avons, d'abord, pour la liberté et, ensuite, pour l'individu. Quand vous êtes péquiste, vous croyez toujours qu'une autre structure alentour du citoyen va régler tous ses problèmes. Bien, dans la vraie vie, ce n'est pas ça qui se passe. J'espère que les députés qui sont ici avec nous ce soir, qui font du bureau de comté, eux, réalisent... Et j'aimerais ça les entendre, eux aussi, du gouvernement. Ils semblent être bâillonnés, de l'autre côté. Il ne se peut pas que leurs citoyens leur disent: Créez donc une autre société, une autre patente. Les citoyens du Québec ne savent plus s'ils s'en viennent ou s'ils s'en vont dans toute cette structure gouvernementale, et ce qu'on a trouvé comme solution ce soir dans le projet de loi n° 40, c'est d'en créer une autre.

Celle-là, elle nous coûtera 5 000 000 $. Celle-là, elle va encore ratatiner un peu la liberté des citoyens du Québec. Elle fera, cette loi-là, comme les autres qu'ils ont faites entre 1976 et 1985. Savez-vous combien de citoyens libres et réfléchis ont quitté le Québec dans cette période-là, M. le Président? Les études démographiques prouvées démontrent qu'entre 1976 et 1985 plus de 300 000 Québécois prendront leurs bagages, prendront leurs enfants, prendront leur argent, prendront finalement leur génie et déménageront dans d'autres provinces que le Québec. C'est ça, le grand drame du Québec. Eh bien, savez-vous, l'an passé, combien de citoyens du Québec, et, entre autres, à cause de patentes comme celle-là, ont quitté le Québec? Et personne, personne dans cette Chambre n'a été capable de contredire ce chiffre: 14 000 citoyens ont quitté le Québec pour aller dans d'autres provinces, et la plus grande partie de ces gens-là étaient jeunes, instruits et souvent riches.

Oui, M. le Président, le débat linguistique, historiquement, est un débat qui divise les individus. Nous le savons tous. Nous espérions que ce gouvernement, enfin, avait compris et que les erreurs qu'il a commises en 1976 et 1985, il ne les recommettrait pas ou, au moins, qu'il les ferait autrement. C'est Harry Truman, ce président américain qui a été grandement apprécié, homme de la base, qui disait: C'est toujours la même pièce de théâtre; il y a seulement les acteurs qui changent. Bien, ici, oui, c'est la même pièce de théâtre, oui, c'est les mêmes acteurs en plus et, oui, ils sont après faire les mêmes erreurs de permettre à des gens de bâtir des frustrations, de permettre à des gens de se dire: On n'a plus de place dans cette société, de permettre à des gens de commencer à penser que, plutôt que de vivre au Québec, peut-être on devrait quitter. Et c'est ça, le drame. En essayant de créer une police de la langue, en essayant de dépenser 5 000 000 $, en essayant de créer une autre structure, ce n'est pas la société que nos pères ont voulue, ce n'est pas la société que Jean Lesage a voulue et ce n'est certainement pas non plus la société de liberté, d'ouverture que René Lévesque a voulue. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Moi aussi, je veux intervenir sur ce projet de loi n° 40. Comme le disaient mes collègues précédemment, il y a une partie de ce projet de loi avec laquelle nous sommes complètement d'accord. Mais où nous ne sommes pas d'accord, c'est sur la deuxième partie de ce projet de loi, où on veut instaurer la Commission de protection de la langue française. On se rappellera qu'à la fin août, début septembre, pendant cinq jours de 1996 – ça veut dire six, sept mois en arrière – la commission de la culture tenait une consultation générale sur le projet de loi n° 40. Il y a beaucoup d'intervenants qui se sont prononcés sur ce projet de loi, et je vais en citer quelques-uns.

(21 heures)

Il y a le président de la CSN, Gérald Larose, qui avait dit, à ce moment-là: «Lorsque le principal instrument d'application d'une politique linguistique, un ruban à mesurer, cela nous pose des difficultés. C'est humiliant, ridicule, honteux et risible.»

Aimé Gagné, du CPQ, qu'est-ce qu'il disait à ce moment-là? Il disait: «C'est l'organisme – et il se référait à la Commission de protection de la langue française – le plus détesté au Québec. Au lieu de servir la langue, il va la desservir.» Clément Godbout, de la FTQ, disait: «On ne perdrait pas connaissance si c'est chapeauté par un organisme comme l'Office de la langue française.» Et Serge Turgeon, ce n'est pas un libéral, qu'est-ce qu'il disait à ce moment-là? Il disait, et je le cite: «Si j'entends bien le discours du ministre des Finances, il n'y a pas de petites économies, avec les compressions qui s'en viennent dans le secteur de la culture. Rien ne nous a prouvé que l'Office de la langue française ne pourrait pas remplir le rôle de la Commission de protection de la langue française.» Et il continuait: «Deux ou trois affiches en anglais ne me donnent pas d'urticaire.» C'est ça qu'il disait, Serge Turgeon.

On a eu aussi d'autres avis. Le 28 août 1996, Michel David, dans Le Soleil , disait quoi? «Il ne faut pas prendre les gens pour des valises. Entre le début et la fin d'avril, quand ce virage a été effectué, rien de particulier n'est survenu si ce n'est la tenue d'un conseil national du Parti québécois.»

L'autre éditorial, d'Alain Dubuc, il disait quoi le 31 août 1996? Il disait, et je le cite: «M. Bouchard doit se rappeler qu'il est le premier ministre de tous les Québécois et qu'il doit agir non pas en fonction des luttes de factions qui agitent son parti, mais pour le bien du Québec. Il doit rétablir la paix linguistique parce que la crise actuelle nous mène tout droit à une catastrophe sociale, économique et morale.»

M. le Président, il y a eu même un sondage qui a été fait le 4 septembre 1996, un sondage où les Québécois se sont prononcés vis-à-vis de cette Commission de la protection de la langue française, et 84,5 % des 1 003 personnes interrogées se sont déclarées très favorables ou favorables au maintien de la loi 86. On se rappellera que c'est le Parti libéral qui avait passé cette loi 86, et on avait atteint à ce moment-là, je pense, un équilibre assez raisonnable sur le plan linguistique. On se rappellera que cet équilibre avait été obtenu avec beaucoup de sacrifices; on l'avait atteint. Mais qu'est-ce qui est arrivé, comme le disait Michel David? Chaque fois qu'il y a un conseil général ou un congrès du Parti québécois, c'est toujours la question linguistique qui retourne au premier plan.

M. le Président, c'est clair que le premier ministre du Québec est obligé de donner un bonbon aux purs et durs du Parti québécois. On se rappellera qu'à ce conseil national du Parti québécois l'aile radicale du Parti québécois lui avait fait la vie dure, au premier ministre du Québec. En sortant de là, pour garder la paix à l'intérieur de son caucus, pour garder la paix à l'intérieur de son parti, il a été obligé d'aller dans ce sens-là. Et, comme mon collègue d'Orford qui disait à un certain moment qu'on a eu le culot, dans le contexte économique et social actuel, de mettre 5 000 000 $ dans cette Commission de la protection de la langue française quand on ferme des hôpitaux à Montréal, quand on ferme des hôpitaux à Québec, ça prend vraiment du culot, parce qu'à un certain moment on préfère garder en danger des vies humaines, parce que ces personnes-là n'ont pas la possibilité d'aller dans les hôpitaux et de se faire opérer, mais on trouve de l'argent pour aller le mettre dans des commissions comme celle de la protection de la langue française, M. le Président, pour payer qui? Pour payer des inspecteurs qui peuvent rentrer n'importe où, n'importe quand, qui peuvent faire n'importe quoi à l'intérieur de ces commerces justement pour vérifier s'il y a une affiche, oui ou non, en anglais à l'intérieur d'un petit commerce.

M. le Président, c'est complètement ridicule. Il a déjà été prouvé ici, M. le Président, que le ministre de la Santé ne sait plus où donner de la tête à cause justement des coupures budgétaires, à cause justement du manque de ressources, mais on trouve de l'argent pour mettre dans des commissions que j'appellerais des commissions policières. Parce que ces inspecteurs-là, ils ne sont pas autre chose que des policiers qui vont rentrer chez vous, chez moi, n'importe où. Ils peuvent faire n'importe quoi et avec n'importe quels moyens. Et on n'a même pas le droit de pouvoir les dénoncer, parce que l'article 173 du projet de loi dit quoi? «Un inspecteur ou un enquêteur ne peut être poursuivi en justice pour une omission ou un acte fait de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions.» M. le Président, on ne peut même pas le poursuivre en justice.

Et l'article 174 dit quoi? «La personne qui effectue une inspection pour l'application de la présente loi peut pénétrer à toute heure raisonnable dans un établissement. Elle peut notamment examiner tout produit ou tout document, tirer des copies et prendre des photocopies. Elle peut à cette occasion exiger tout renseignement pertinent.»

M. le Président, imaginez-vous, on est rendu 50 ans en arrière, où il y avait quasiment, je dirais, des gouvernements où c'était la police qui gouvernait à ce moment-là. Il faut se poser des questions. Nous, c'est la raison pour laquelle nous allons voter contre et nous allons être contre ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viger. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: M. le Président, est-ce que la règle de l'alternance fonctionne toujours? Je comprends que le parti ministériel n'est pas intéressé par la question. Nous serons obligés de parler à la place des membres du parti ministériel qui, encore une fois, se font reconnaître, se font remarquer par leur silence. Des disciples de Midas.

M. le Président, nous...

Des voix: ...

M. Chagnon: Silencieux. Silencieux, Mme la ministre de la langue.

M. le Président, nous sommes à l'étude du rapport du projet de loi n° 40, projet de loi, sous plusieurs aspects, avec lequel nous pourrions être en accord.

Un aspect du projet de loi, par contre, nous a fait depuis plusieurs mois différer d'opinion, mais là de façon extrêmement importante, avec le gouvernement. Le gouvernement veut réinstituer ce qu'on a appelé dans le passé «la police de la langue», la police de la langue qui est une façon de concevoir comment on doit faire respecter la loi 101, et la loi 101 en ce qui concerne particulièrement l'affichage.

(21 h 10)

La vision péquiste, vision contrôlée par les zélotes de Montréal-Centre, contrôlée par les factions les plus radicales qui ont pris le contrôle du parti gouvernemental à temps partiel de conseil national en conseil national, qui permettent entre autres au premier ministre de pouvoir faire assumer son leadership et permettent de pouvoir lui faire faire des discours intéressants auprès de son groupe de militants les plus militants... M. le Président, c'est une vision, comme je le disais, un peu péquiste, faire une police pour s'assurer que les choses fonctionnent, marchent, même après avoir vu des rapports extrêmement intéressants de l'Office de la langue française qui démontrent que, là où il y a une communauté linguistique qui est un peu différente de la communauté francophone, particulièrement sur l'île de Montréal, les effets positifs de la francisation dans l'affichage, de la francisation dans tous les modes de vie ont augmenté de façon signifiante et significative depuis des années.

Malgré cela, le gouvernement nous propose de dépenser 5 000 000 $ pour recréer, remettre en place une vision péquiste – j'insiste pour le dire – une police de la langue. Une police de la langue, c'est une vision, c'est la vision que le gouvernement a. C'est une vision qui, malheureusement, n'a pas un grand avenir. La vision libérale de la promotion de la langue passe par d'autres moyens. La vision libérale de la promotion de la langue passe par un investissement accru, par exemple, dans nos institutions publiques d'enseignement, qui depuis les deux dernières années sont malheureusement saignées à blanc par manque de financement, tant aux niveaux préscolaire, primaire que secondaire et collégial.

Quand on regarde les résultats au test de français dans les collèges au printemps de 1995 et au printemps de 1996, on s'aperçoit que dans des collèges, dans des cégeps... Puis prenons les cégeps dans des régions... Je pourrais prendre la vôtre, M. le Président, j'y viendrai si vous insistez. Je prendrai Alma, par exemple, le cégep d'Alma, en plein coeur du Lac-Saint-Jean. C'est assez curieux et triste de constater que, dans le cégep d'Alma, le taux de réussite des étudiants, en 1995, les résultats au test de français dans les collèges: 32 % des élèves du collège d'Alma ont réussi le test de français leur permettant d'aller à l'université. En 1996, 51 % des étudiants du cégep d'Alma ont réussi un test de français.

Pendant ce temps-là, on va mettre 5 000 000 $ pour faire une police de la langue pour aller mesurer la grandeur des affiches dans un milieu, Montréal, milieu cosmopolite, milieu dans lequel on est habitué de vivre en harmonie et en paix ensemble, milieu duquel même le président de l'Union des artistes, en commission parlementaire, la ministre s'en rappellera...

M. Farrah: L'ancien président.

M. Chagnon: ...l'ancien président – le député des Îles-de-la-Madeleine, avec raison, me signale que c'est l'ancien président, M. Serge Turgeon – disait, au moment de son passage en commission parlementaire que, lui, résident de l'ouest de Montréal, se promenait dans les centres commerciaux de l'ouest de Montréal et de temps en temps, effectivement, il voyait une affiche en anglais et que cela – pour reprendre son expression – ne lui donnait pas de l'urticaire. Mais ça semble donner de l'urticaire soit à la ministre... Mais, à tout le moins, je soupçonne que ça donne de l'urticaire moins à la ministre qu'à son gouvernement. Et son gouvernement, et particulièrement ses militants – malheureusement, décimés par l'urticaire – sont susceptibles de nous voir aujourd'hui voter une loi qui va dépenser 5 000 000 $ pour recréer une police de la langue pour surveiller le monde dans l'ouest de Montréal, pour surveiller la langue et l'affichage.

Pendant ce temps-là, encore 51 % des élèves d'Alma peuvent réussir un test de français pour aller à l'université. À Saint-Félicien, pas très loin d'Alma, secteur pas très contaminé par les anglophones – il n'y a pas beaucoup d'anglophones dans le secteur d'Alma – 58 % des élèves du cégep de Saint-Félicien sont capables de passer un test de français. Dans Baie-Comeau, on monte à 67 %, puis dans d'autres secteurs, comme Rimouski, 52 % des élèves réussissent un test de français en 1996. Je ne parle pas de l'an du siège, là.

Le député de Lévis se rappellera, il était ministre de l'Éducation, c'était quelque chose, évidemment, qui devait le préoccuper, j'en suis convaincu, je le connais assez pour ça. En 1996, 52 % des élèves de Rimouski réussissent un test de français. Mais en 1997, on va mettre 5 000 000 $ qui devraient aller pour permettre aux élèves de niveau collégial de pouvoir avoir des cours de français, peut-être plus de cours de français ou des cours de français améliorés de façon à ce qu'ils puissent être capables de passer des examens de français de fin de collège les rendant admissibles pour l'université. Bien, là, on va mettre 5 000 000 $ pour faire de la police à Montréal.

Joliette-Lanaudière, pas un milieu... Le milieu du député de... D'accord avec moi, M. le député de Lévis? Même M. le député de Lévis est d'accord avec moi. Dans Joliette-Lanaudière, 56 % des étudiants, en 1996, du cégep de Joliette... Cégep de Joliette, 56 % des étudiants ont réussi leur test de français – Joliette – leur permettant d'aller à l'université. Je vais vous donner d'autres exemples. Au Vieux-Montréal, une de mes filles est là. Elle finit. 47 % des étudiants qui finissent ont réussi leur test de français. 47 %! Vous, M. le Président, qui avez été un professeur à l'Université Laval, vous qui avez eu un sens de l'organisation pédagogique, vous qui avez certainement un principe dans la vie, puisque vous avez été un enseignant, un maître pendant plusieurs années, vous devez au moins, me semble-t-il, comme moi, vous scandaliser de ce genre de constat qui fait en sorte que 47 % des étudiants du Vieux-Montréal aient eu un taux de réussite dans leur examen de français en 1996. Lévis-Lauzon, 77 %. Pas de police de la langue dans Lévis, puis 77 % de taux de réussite. Mais, même dans Lévis, l'ex-ministre de l'Éducation, qui est fier de ce résultat-là, et je le comprends...

M. Garon: ...

M. Chagnon: Collège de Lévis, oui, 77 %.

M. Garon: ...

M. Chagnon: Vous le trouverez. M. le Président...

Une voix: ...

M. Chagnon: Oui. Alors, le collège de Lévis, 78 %, et ça, ça prouve une chose: c'est que, dans Lévis, non seulement on n'a pas besoin de police, mais on réussit malgré tout à avoir 23 % d'échecs. 23 % d'échecs dans ce milieu. Mon propos, c'est que, dans plusieurs des cégeps, comme ceux de Rimouski, du Vieux-Montréal, d'Alma, d'André-Laurendeau... 46 % des étudiants au cégep André-Laurendeau ont réussi leur test de français.

M. le Président, brièvement, la vision libérale de l'amélioration de la qualité du français passe par un investissement accru dans l'engagement pédagogique et dans l'enseignement du français de façon à faire en sorte que le français soit mieux connu, mieux compris, mieux parlé, mieux écrit par les jeunes et les élèves du Québec, et cela nous différencie grandement de la vision péquiste qui va faire en sorte de dépenser 5 000 000 $ pour créer une police de la langue. Merci.

Des voix: Bravo!

(21 h 20)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, je vais céder la parole maintenant à Mme la ministre pour son droit de réplique.


Mme Louise Beaudoin (réplique)

Mme Beaudoin: Oui, M. le Président. Avant de terminer l'adoption de ce projet de loi, je voudrais revenir sur certaines des affirmations qui ont été faites. Je veux répéter que, contrairement à ce qu'on a dit – on a tout entendu sur la présumée police de la langue – tout ça, bien sûr, est faux, qu'il n'y a pas de police de la langue, que c'est employé de façon totalement démagogique par les libéraux. Les inspecteurs de la Commission de protection de la langue française ne seront pas des polices, mais non, pas plus que dans la Loi sur la protection du consommateur ou que dans la Loi sur les abeilles, M. le Président. J'ai découvert une loi qui s'appelle la Loi sur les abeilles, où il y a des inspecteurs qui ont exactement les mêmes pouvoirs!

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Non. J'en ai trouvé. On a fait l'inventaire, M. le Président, des lois québécoises, sans compter les lois fédérales, bien évidemment, mais des lois québécoises. Il y en a plus d'une centaine où l'on retrouve ces mêmes pouvoirs des inspecteurs, dans, donc, de multiples lois dont la Loi sur la protection du consommateur est peut-être la plus connue. Ce ne sont pas des polices, M. le Président, parce que...

Une voix: ...pas le droit de saisie.

Mme Beaudoin: ...exactement, ils n'ont pas le droit de saisie. Ils n'arrêtent personne, M. le Président. Au pire, ils vont envoyer une lettre, une lettre indiquant au fautif l'infraction puis l'encourageant à y remédier. Alors, la réalité est beaucoup plus prosaïque, et je dois dire que, franchement, les libéraux donnent dans la démagogie lorsqu'ils accusent le gouvernement de conférer des pouvoirs exorbitants aux inspecteurs de la Commission.

C'est une première chose qu'il me semble très important de répéter. Maintenant, M. le Président, pourquoi intervenir? On nous a beaucoup dit: Mais enfin, pas besoin, ça va si bien, il n'y a aucun problème, la langue française, puis des moyens incitatifs devraient suffire, et puis pourquoi donc avoir une législation? Ça fait longtemps, M. le Président, que les libéraux disent ça, qu'il ne faudrait pas avoir de loi. La loi 101, revenons donc à la loi 101. Et j'ai ici un document, Le Devoir du samedi 4 juin 1977, dans lequel, n'est-ce pas, il y avait une lettre ouverte qui avait été envoyée au Dr Camille Laurin et puis à M. René Lévesque, dont on vantait tout à l'heure... J'ai donc vu... Dieu ait son âme et Paix à son âme! À chaque fois que j'entends les libéraux parler de René Lévesque, avec tout ce que vous avez dit pendant toutes les années où il a été ici, présent dans cette Chambre, je crois que franchement vous n'êtes pas gênés, pas gênés; vous avez du culot de vous soucier des mânes de René Lévesque 20 ans plus tard.

Dans une lettre ouverte, donc – parce que les masques tombent, M. le Président – qui avait été adressée à René Lévesque et puis à Camille Laurin, un certain nombre de personnalités du Québec affirment que «le projet de loi numéro un, sur la langue française, est le reflet d'une société de méfiance plutôt que d'une société de confiance». Tout ce qu'on a entendu pendant 40 heures à la commission parlementaire. Ils préviennent le gouvernement et l'opinion publique que le texte aura de graves répercussions sur le développement économique et la qualité des rapports entre les citoyens du Québec. Et c'est signé, entre autres, par Daniel Johnson. Alors, ça fait longtemps, n'est-ce pas, que vous répétez les mêmes choses.

Mais, pendant que vous étiez au pouvoir, en effet, vous l'avez affaiblie, mais vous ne l'avez pas abolie, la loi 101, parce que...

Une voix: ...

Mme Beaudoin: Bien non, mais votre chef actuel, qui a été votre premier ministre pendant quelques mois – pas longtemps, mais quelques mois – donc c'est lui signait avec d'autres personnalités, en 1977, cette loi qui a été la loi la plus populaire adoptée par un gouvernement du Québec.

Alors, on voit très bien, M. le Président, où les libéraux se situent. Comme je le disais cet après-midi: Quand ils sont au pouvoir, ils l'affaiblissent; quand ils sont dans l'opposition, ils nous disent: Surtout, ne faites rien, ne faites rien en faveur du français. Jamais depuis 1974 avons-nous entendu le Parti libéral défendre la langue française, M. le Président.

Aussi, autre preuve au dossier, M. le Président. Johnson critique très sévèrement la loi 101 : «"La loi 101 est la loi la plus mesquine que j'ai jamais vue", a-t-il affirmé au cours d'une entrevue accordée à la presse canadienne.» Ça, c'était en 1983, M. le Président. Donc, vous savez, ça a continué comme ça. Et on veut nous faire croire cependant que, bien sûr, on accepte les grands principes de la loi 101, d'abord qu'elle n'est pas appliquée, d'abord qu'elle n'est pas appliquée. C'est formidable, des principes qu'on n'applique pas! C'est ça que le Parti libéral, M. le Président, a en tête.

Alors, nous, notre analyse de la situation, elle est la suivante: la situation à Montréal et dans l'Outaouais est préoccupante. C'est ça, notre analyse. Nous, on n'est pas jovialistes, M. le Président, on est réalistes. On la connaît, la réalité sur l'île de Montréal et dans l'Outaouais. Le français rencontre toujours des difficultés dans les lieux de travail, alors qu'encore 900 entreprises refusent de s'inscrire dans le processus de francisation. Le français rencontre toujours des difficultés comme langue d'intégration des immigrants.

Et quand j'entends, M. le Président, les libéraux nous dire, l'opposition officielle nous dire: Les mesures incitatives, les moyens incitatifs suffiraient, on sait très bien que le plus fier résultat que l'on peut constater, 20 ans après l'adoption de la loi 101, c'est le fait que les enfants des immigrants vont à l'école française. Ce n'est pas par la pensée magique et ce n'est pas par l'opération du Saint-Esprit, c'est par le chapitre VIII et c'est par l'imposition de ces mesures de francisation que nous y sommes arrivés, M. le Président.

Alors, le gouvernement du Québec a tout simplement décidé de faire en sorte que la loi soit respectée, puisque, pendant 10 ans, pendant que vous avez été au pouvoir, elle ne l'a pas été. Il y a donc quelque chose de profondément paradoxal dans la position des libéraux: Oui à la loi, mais non aux mesures visant à la faire respecter. Vous confondez le laxisme... M. le Président, nos amis d'en face confondent le laxisme, le laisser-faire, le non-respect de la loi avec une pseudo paix linguistique. Pour eux autres, c'est ça que ça veut dire. Ce n'est pas notre cas, ce n'est pas notre attitude. Donc, après avoir laissé pourrir la situation durant presque une décennie, il fallait donner un sérieux coup de barre. Nous répondons, et j'en suis sûre, au voeu des Québécois qui se disent inquiets pour l'avenir du Québec. Si vous ne comprenez pas ça, c'est vraiment que vous êtes déconnectés et qu'on ne vit pas sur la même planète.

Une voix: Ça n'a rien à voir avec les écoles.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, s'il vous plaît.

Mme Beaudoin: Ça n'a rien à voir avec les écoles? M. le Président, ce que j'ai expliqué, c'est que le chapitre VIII amène les enfants d'immigrants à aller à l'école française. Vous êtes contre ça maintenant? Bien, coudon! On en aura appris encore davantage que je n'aurais cru! Mais vous êtes contre toutes les mesures coercitives, contre toutes les mesures législatives. La preuve est faite, je vous l'ai donnée, M. le Président, depuis 1977 que vous combattez la loi 101.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, là! S'il vous plaît, je vous inviterais, s'il vous plaît, à ne pas intervenir. Bon. Et, Mme la ministre, je voudrais... à vous adresser au président, et à l'opposition de respecter le droit de parole de Mme la ministre.

Mme Beaudoin: Alors, M. le Président, je termine en disant que ce projet de loi n° 40, comme je l'ai dit dès le départ, quand je l'ai déposé ici, à l'Assemblée nationale, c'est un projet de loi responsable et équilibré qui va faire en sorte que la protection du consommateur va être mieux assurée, qui va faire en sorte que les logiciels, les ludiciels, quand ils existent en langue française – mais les libéraux ont voté contre ça, M. le Président; l'opposition officielle a voté contre ça en commission parlementaire et va voter contre ça ce soir ou demain, M. le Président – qu'ils soient présents, que l'offre et que la disponibilité de l'offre augmente et qu'on ne soit pas considéré, comme le veulent nos amis d'en face, le «domestic market» des Américains en ce qui concerne, donc, l'informatique.

Enfin, M. le Président, oui, nous appliquerons la loi. Nous l'appliquerons avec rigueur, mais aussi avec équité et avec doigté. Et puis je suis persuadée, donc, que cette loi est raisonnable et équilibrée et que le gouvernement a raison de faire ce qu'il fait. Je le fais sans me faire culpabiliser, parce que les attitudes coloniales, colonialistes, à certains égards...

Je vais terminer justement, si je peux le retrouver, M. le Président, par une citation du Devoir , donc de Mme Bissonnette, qui date de l'année dernière et qui dit ceci: «Le vieux fond de colonialisme de langue anglaise rencontre aujourd'hui, dans les débats de la commission parlementaire – sur la langue, au mois d'août dernier – le vieux fond colonisé de langue française toujours prêt à s'excuser de respirer ou à trouver radicaux ceux qui le font. Pendant ce temps, les nouveaux citoyens du monde rédigent en anglais ou en français d'élégants mémoires de fuite en avant pour regarder ailleurs ou prêcher une solidarité québécoise qui n'a pas d'équivalent dans un seul pays du monde incarné. Tant de conseils embrouillés, d'angélisme ou de faux-fuyants laissent le gouvernement seul avec ses responsabilités, dont celle, au terme des travaux de la commission, de tenir à son projet et de présenter clairement à la population la loi n° 40. Ce sera au moins un début de clarté.» Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

(21 h 30)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Culture et des Communications. Ceci met fin au débat sur le projet de loi n° 40. Le projet de loi n° 40.

Le projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Vote nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): On demande le vote par appel nominal. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, en vertu de l'article 223, je demande que le vote soit reporté à demain, à la période des affaires courantes.


Vote reporté

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, le vote sera reporté demain, à la période des affaires courantes. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au vendredi 6 juin 1997, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nous ajournons nos travaux à demain, vendredi, 10 heures.

(Fin de la séance à 21 h 31)