L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 1 mai 1997 - Vol. 35 N° 96

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires du jour

Présence du haut-commissaire pour la République du Kenya, M. Hassan Bagha

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures six minutes)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.


Affaires du jour

Alors, nous allons entamer les affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Bonjour, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 28 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 56


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 28, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables. Y a-t-il des interventions? Alors, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. Ce projet de loi a été discuté, naturellement, au niveau du principe, il a été abondamment discuté en commission parlementaire, mais je pense essentiel de résumer aujourd'hui quels sont les objets de ce projet de loi.

Essentiellement, ce que ce projet de loi vise à faire, c'est de faciliter et d'améliorer le travail, si je peux m'exprimer ainsi, de nos inspecteurs de la flore dans l'exécution de leurs fonctions en ce qui concerne les espèces florales, ou floristiques – il y a eu de grands débats entre les linguistes à mon ministère pour savoir quel était le juste terme, j'utilise donc les deux – pour aider nos inspecteurs de la flore à exécuter leur travail. J'explique ce que ce projet de loi va faire en termes d'amélioration de leur travail.

D'abord, il faut savoir que les inspecteurs de la flore, ce sont nos agents de conservation de la faune qui, au nombre de 357 à temps plein et 150 à temps partiel, bref plus de 500 agents de conservation, non seulement appliquent les lois eu égard à la conservation de la faune, mais, de plus en plus, sont appelés à appliquer certains règlements de la Loi sur la qualité de l'environnement et également en vertu de la Loi sur les espèces menacées et vulnérables. Nos agents de conservation de la faune sont donc des inspecteurs de la flore.

Or, il s'est trouvé que, dans l'exercice de leurs fonctions, nous avions avantage à modifier la façon dont ils travaillaient pour faciliter leur travail et faire en sorte que l'exercice de leurs fonctions dans le domaine de la flore soit identique aux pouvoirs et aux pratiques qui leur sont reconnus par la Loi sur la conservation de la faune.

Par exemple, lorsqu'un inspecteur de la flore faisait une saisie, il devait garder les biens saisis, les fleurs saisies, jusqu'à ce que le procès ait lieu. Or, vous conviendrez, M. le Président, que ces biens saisis sont périssables. Dans la même mesure où un agent de la conservation de la faune peut se départir d'un gibier qu'il a saisi – il n'a pas à le garder jusqu'au procès, ce qui peut prendre des mois ou même des années – dans cette même mesure, ce que le projet de loi fait, c'est que cet inspecteur de la flore pourra se départir de cette flore qu'il a saisie et garder des pièces à conviction cependant, soit des échantillons, des photographies, pour subséquemment les déposer devant les tribunaux pour ainsi confirmer et établir la preuve. Donc, l'inspecteur de la flore pourra se départir des espèces, des échantillons, des spécimens qu'il aura saisis.

La façon dont il va faire ça? Il y a une pratique d'établie. Habituellement, on vise d'abord et avant tout à privilégier des organismes sans but lucratif, des communautés religieuses, qui sont de moins en moins nombreuses. Mais on connaît très bien la pratique des agents de conservation de la faune de remettre à des gens qui sont dans le besoin des gibiers qui ont été saisis et qui, naturellement, sont propres à la consommation humaine. Donc, on peut penser que, s'ils avaient saisi de l'ail des bois, par exemple, une congrégation religieuse pourrait se faire une délicieuse salade à l'ail des bois à partir de l'ail qui a été saisi par les inspecteurs de la flore.

(10 h 10)

L'autre chose, l'autre modification, c'est que, lorsque ces biens ont été saisis et que le contrevenant a été déclaré coupable par le tribunal, nous voulons éviter à l'inspecteur de la flore de devoir revenir devant les tribunaux pour amener les tribunaux à convenir d'un jugement, à porter un jugement, pour saisir définitivement et confisquer le bien. Ce projet de loi fera en sorte que, lorsqu'un contrevenant sera trouvé coupable en vertu d'une infraction à la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, les plantes ou les animaux qui auront été saisis dans l'application de cette loi seront automatiquement confisqués. Nous n'aurons pas à retourner devant les tribunaux pour avoir un jugement de confiscation de ces plantes qui ont été saisies.

Autre modification, c'est qu'il est possible... Maintenant, nous allons faire en sorte d'étendre de 90 jours à 120 jours le délai fixé pour porter une accusation liée à du matériel saisi. Le délai de 90 jours se révèle un peu trop court – c'est pour ça qu'il sera porté à 120 jours – pour deux raisons essentielles.

La première est, disons-le, liée au fait que, dans la pratique, compte tenu de la complexité de monter les preuves, ça prend souvent plus de 90 jours, et, afin de permettre à nos agents – nos inspecteurs de la flore dans ce cas-ci – de monter correctement la preuve... Ils nous disent que 120 jours sont suffisants, de sorte que nous allons étendre ce délai. Ce projet de loi fera en sorte que nous étendrons ce délai de 90 à 120 jours.

L'autre raison, qui est intéressante et qui peut faire sourire les gens de cette Assemblée nationale, c'est que le délai de 90 jours était insuffisant pour faire germer les graines, faire germer les bulbes et ainsi établir que les graines ou les bulbes qui ont été saisis auprès d'un contrevenant sont effectivement les bulbes et les graines des plantes qui sont en ce moment sur la liste des plantes menacées, donc qui font l'objet de la protection de la loi sur les espèces menacées. Donc, essentiellement, c'est pour faire en sorte que nous ajustions le temps légal au temps biologique, qui, lui, est incontournable. Et le dicton populaire le dit bien: On a beau tirer sur une plante, elle ne pousse pas plus vite. On a beau regarder un bulbe ou une graine en espérant qu'elle germe plus vite, l'implacable temps biologique nous ramène à la raison. Il est ainsi sage d'ajuster notre temps légal au temps biologique, M. le Président.

Ces quelques modifications vont faire en sorte que nous allons offrir plus de latitude aux inspecteurs de la flore. Nous allons nous assurer que les inspecteurs de la flore qui feront des saisies pourront se départir de ces espèces, comme ils le font en ce moment dans le cas des espèces animales dans le cadre de l'application de la Loi sur la conservation de la faune, qu'ils font à ce moment-là en vertu de leur autre chapeau légal qui est celui d'agent de conservation de la faune.

Et, finalement, de faciliter la tâche au ministère dans la préparation de ces preuves qui doivent être déposées devant les tribunaux. Et, finalement, l'objectif ultime, c'est d'améliorer l'application de cette loi qui est fondamentale, qui, en ce moment, ne comporte, comme liste de protection ultime, que des espèces végétales, des espèces florales – ou floristiques, dépendamment du linguiste auquel on parle. Mais nous avons l'intention – et je suis en train de préparer une recommandation à mes collègues du Conseil des ministres – d'ajouter le plus rapidement possible, dans les meilleurs délais, j'espère d'ici à l'été, les espèces animales parce que nous avons maintenant l'indication claire d'experts – à la fois les experts du ministère, mais également des experts du comité scientifique – qui nous fait conclure que certaines espèces animales mammifères ont besoin d'une protection en vertu de cette loi.

Et je souligne, en terminant mon exposé, M. le Président, que je dois me réjouir du fait que la loi canadienne, qui avait été étudiée, en première lecture, à la Chambre des communes et, en deuxième lecture, lors de commissions, est morte au feuilleton avec la dissolution de la Chambre des communes et le déclenchement des élections canadiennes. Je m'en réjouis, pas parce que l'objet fondamental ne faisait pas l'assentiment avec mon collègue canadien. Nous sommes d'accord avec la protection des espèces vulnérables. La preuve, c'est que le Québec a une loi depuis 1989 et qu'avec l'Alberta il est la seule province canadienne à avoir une telle loi. Cependant, la proposition de législation fédérale faisait en sorte que c'était une flagrante ingérence dans nos juridictions, dans la mesure où le gouvernement canadien s'arrogeait le droit d'intervenir directement dans nos habitats, dans les habitats qui sont carrément de juridiction québécoise, en invoquant la protection d'un animal qui aurait franchi des frontières ou qui aurait été de juridiction fédérale.

On imagine un peu ce que ça aurait pu créer comme situation, un oiseau qui migre. La plupart des oiseaux migrent. Sauf quelques espèces qui sont connues et qui nous permettent de passer ces hivers longs, telle la mésange, la sittelle, les gros-becs, les sizerins, la plupart des autres oiseaux migrent. Or, le fédéral aurait pu invoquer la protection d'un de ces oiseaux pour venir geler, si je peux m'exprimer ainsi, des territoires québécois, alors que l'entente qui avait été signée à Charlottetown par tous les ministres canadiens de la Faune des provinces canadiennes et le ministre canadien de la Faune disait clairement et spécifiquement que, lorsque nous convenions qu'une espèce avait besoin de la protection, il était de la responsabilité du responsable de l'habitat de faire en sorte de protéger correctement l'habitat pour donner à cette espèce la chance de survivre.

Donc, grâce à l'appui du Bloc québécois à Ottawa et grâce à l'unanimité de tous les ministres de la Faune des provinces canadiennes, nous avons pu faire en sorte que ce projet de loi meure au feuilleton. Il est malheureux que, devant cette obstination du gouvernement canadien, nous n'ayons pu nous entendre avec le gouvernement canadien sur l'application, au Québec, de cet objectif que nous poursuivons, projets de loi et lois à l'appui depuis 1989, soit la protection des espèces vulnérables sur notre territoire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Nous cédons maintenant la parole au député d'Orford. M. le député.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Merci, M. le Président. C'est avec grand intérêt que j'ai écouté le ministre de l'Environnement. Alors, le projet de loi n° 56, vous comprendrez que c'est pour préserver à peu près l'ail des bois. C'est, en résumé, ce que nous a dit le ministre. Vous comprendrez que, ce matin, ça n'a pas soulevé la passion, ni dans le métro ni sur la rue Sainte-Catherine, à Montréal. Il n'y a pas eu d'émeute nulle part au sujet du projet de loi n° 56.

Je comprends qu'on ouvre cette Chambre un peu, ce matin, avec un projet de loi environnemental. On doit s'en réjouir, mais ce n'est pas le projet de loi du siècle. Je l'ai dit à d'autres occasions – et je le dirai ce matin: en environnement, depuis deux ans, deux ans et demi maintenant que ce gouvernement est en place, j'ai vraiment eu l'impression d'être comme un réparateur Maytag, d'être assis, les deux pieds sur un bureau, et d'attendre que quelque chose se passe dans ce ministère-là avec un projet de loi, M. le Président.

Ce projet de loi, il a, de mémoire – ne bougez pas, là – cinq articles, je crois... six articles. Si on enlève le titre et la date de la signature, il reste à peu près un bocal d'ail des bois dans le projet de loi. C'est la nature des projets de loi qu'on a eus depuis deux ans et demi du ministère de l'Environnement: des projets de loi de un article, deux articles, trois articles, alors que, je vous dirai franchement, il y a des problèmes environnementaux graves et importants au Québec.

D'ailleurs, on a pu voir que la passion était pas mal plus grande sur le projet de la production porcine, M. le Président: ils sont venus 12 000 ici, à Québec, essayer de trouver une solution. Ça, il y a eu une émeute là-dessus. Les bassins versants, en ce moment, les préfets aimeraient bien qu'on légifère un peu là-dessus. Ils ne savent plus trop qui va gérer tout ça. La politique de l'eau, j'aimerais ça qu'on se penche rapidement là-dessus. Sur ces sujets-là, il y aurait matière à passer des projets de loi, des règlements, rapidement, mais ce n'est pas ce qui se passe.

(10 h 20)

Pour ce qui est du projet de loi n° 56, M. le Président, le ministre nous dit: Bien, là on va donner de nouveaux pouvoirs aux inspecteur de la flore. C'est tout à son honneur, j'en suis fort aise et fort heureux pour lui. Il y a juste un problème: à la vitesse que les inspecteurs de la flore sont obligés de démissionner et qu'ils sont remerciés du ministère parce que les budgets sont tout à fait en voie de disparition... Je vous donne quelques chiffres, quelques ordres de grandeur: en 1992, au moment où le Parti libéral est là, que le gouvernement libéral est là, il y a 500 000 000 $ seulement pour le ministère de l'Environnement. Vous savez qu'après ça on va joindre ensemble le ministère de l'Environnement et le Loisir, le MLCP, comme on l'appelait à l'époque. Alors, même en mettant ces deux ministères-là ensemble, aujourd'hui, en 1997, le total du budget du ministère, qui était de 500 000 000 $ en 1992, est, en 1997, 217 000 000 $ seulement. Donc, une baisse de 40 % seulement dans la dernière année, M. le Président. Seulement dans la dernière année, 43 000 000 $ de moins dans ce ministère-là.

Le ministre nous dit: Très bien, il y aura des inspecteurs de la flore qui vont pouvoir prendre les gros méchants, là. Lui-même nous disait que c'était tellement épouvantable dans ce ministère-là, qu'il avait fait un tour dans un camion du ministère, à un moment donné, je ne sais trop où, puis il a dit: J'ai eu peur de ne pas me rendre au bout du voyage tellement le camion était en décomposition.

Il y a des inspecteurs qui sont venus nous voir sur un autre projet de loi de deux, trois articles, il y a quelques semaines, et qui nous disaient que... L'individu, je pense, restait à Trois-Rivières puis on l'appelait à La Tuque pour aller constater une carcasse de chevreuil. Il nous parlait de 1 000 km. Je me souviens du chiffre exactement, 1 000 km, pour aller visionner une carcasse de chevreuil. On a entendu des histoires comme celle-là. Alors, vous réaliserez qu'à la vitesse où on est après éliminer les inspecteurs de la flore, les agents de la faune...

Et il y a un effort de l'autre côté. On a contribué d'ailleurs à aider le ministre à faire passer ce projet de loi là pour amener des bénévoles en parallèle à tout ça. Mais, au total, M. le Président, encore une fois, je pense que ce gouvernement tient un double discours, c'est-à-dire: Oui à l'environnement, mais, quand il est temps de mettre les piastres sur la ligne, bien là, on se retire.

C'est un peu, d'ailleurs, ce que ressentent les gens qui font des évaluations dans les mouvements environnementaux ou les mouvements de protection de l'environnement. Je veux juste vous donner – je finirai peut-être avec ça – le dernier bulletin. On arrive à la fin de l'année: l'université, ça arrive; les cégeps dans quelques semaines; et après ça primaire et secondaire. Alors, le ministre a reçu deux bulletins dans les dernières journées, et son gouvernement bien sûr. Le premier, c'est les groupes d'environnement au Québec qui ont donné un E au ministre et à son gouvernement, pour «échec». Et ça, c'est tous les groupes d'environnement, ce n'est pas une gang en particulier. Ils ont dit: Ce gouvernement-là, on avait mis beaucoup d'espoir. Moi-même, je vous avouerai, comme environnementaliste, qu'on avait mis beaucoup d'espoir sur le gouvernement péquiste. D'abord, à cause d'un programme de 35 pages. Il n'y a rien qu'on ne promettait pas là-dedans, incluant les sites privés qui deviendraient publics. Le ministre m'a entendu le répéter 500 fois – 501 fois aujourd'hui: M. le ministre, les sites privés devaient devenir des sites publics. 75 % des déchets sont dans neuf sites privés. Ça, c'est un engagement qui a été bien, bien clair, M. le Président. On n'a pas respecté ça. Les incinérateurs à Montréal et à Québec: on s'aperçoit que les incinérateurs vont encore avoir une belle et longue vie, si j'ai bien compris. Alors, ça, c'étaient des engagements fermes dans le programme. Donc, on a flushé le programme d'un premier côté.

D'un autre côté, on a baissé l'influence de ce ministère-là complètement de 500 000 000 $ à 200 000 000 $ et quelques. C'est un ministère qui est à toutes fins pratiques devenu moribond, et c'est malheureux. C'est malheureux. Moi, je ne m'en réjouis pas.

Et, troisièmement, on avait mis beaucoup d'espoir parce qu'on s'était dit: Coudon, ce premier ministre là, il est arrivé un peu en retard comme premier ministre au Québec, mais il connaît l'environnement, il n'aura pas besoin de tout apprendre en même temps. L'environnement, il a déjà été ministre de ça au fédéral; il n'aura pas besoin d'avoir un «crash course» là-dessus, il connaît ça déjà. Bien là, on s'est aperçu que... Je ne sais pas s'il connaissait ça, mais il n'a pas vraiment défendu son ministre de l'Environnement, malheureusement. Et, quand il a eu à choisir entre deux groupes de manifestants, on sait quel groupe il a choisi, M. le Président, et, moi, je ne peux pas m'en réjouir comme environnementaliste.

Alors, les bulletins qui ont été donnés à ce gouvernement; j'invite les confrères du ministre à écouter avec grande attention pour aider le ministre à pouvoir faire des choses en environnement au Québec. Le premier bulletin, il est venu des groupes d'environnement. Alors, là ça a été un échec, et c'est malheureux. Et, le deuxième, bien, on l'a appris hier, c'est ce grand organisme pancanadien qui donne une cote à toutes les provinces – on ne fait pas exception – en ce qui a trait à la préservation des espèces, à la préservation des territoires. Et, je l'ai souligné tantôt, le ministre, dans une autre salle, nous a annoncé le projet du parc du Saguenay, avec le député de Saguenay. C'est très bien, ça. Ça, c'est dans la bonne direction, puis on va voter pour. Maintenant, il n'y a pas eu assez d'efforts de ce genre-là de faits depuis deux ans et demi. Cet organisme, le WWF, a donné au ministre une cote D, qui est à peu près ce qu'il y a de plus bas comme cote.

Moi, je n'aurais pas aimé, quand j'étais au primaire et au secondaire, arriver à la maison avec un bulletin avec un D et un E, M. le Président. Je me serais fait taper sur les doigts et probablement que le ministre aussi se serait fait taper sur les doigts par son père. Mais là le problème, c'est que c'est son père qui l'invite à aller chercher un D et un E: le premier ministre du Québec. Alors, c'est un peu à l'envers, toute cette histoire-là. Je pense que l'étudiant, il est pas pire. Franchement, je pense que l'étudiant est pas pire, c'est probablement le père, en haut, qui ne lui permet pas d'aller chercher des cotes plus grandes que ça. Tous ceux qui sont assis avec le père, en haut, ne lui permettent pas, à ce bon ministre de l'Environnement, je pense, d'aller chercher des cotes plus fortes que ça. Je déplore ça.

Je pense qu'il y a de grandes préoccupations en environnement: celle de la production porcine, celle des bassins versants, celle de la politique de l'eau, celle des BPC – il ne faut pas penser que c'est fini, hein, ça, là. Ce n'est pas parce qu'on en a moins parlé que c'est fini, le problème des BPC. Est-ce qu'on va prendre les camions puis on va les amener dans la région de Montréal ou est-ce qu'on ne serait pas mieux de prendre les BPC puis les amener où sont les installations? Il y a peut-être un débat qu'il faut regarder là-dessus; et je pourrais donner mon point de vue, en privé, au ministre là-dessus. Je l'ai déjà donné aux maires, d'ailleurs, dans la région de Montréal, ce que je pensais de ce débat-là, moi. Il me semble que la solution est relativement simple, mais, des fois, j'ai l'impression d'être seul à penser comme ça. Mais, enfin, ça, c'est un autre problème.

M. le Président, j'arrête ici. Je pense que nous allons voter pour le projet de loi n° 56. Il est court, je pense qu'il est bon, et, encore une fois, il n'y a pas eu d'émeute à Montréal sur le projet de loi n° 56. Et j'aimerais – je finis avec ça – que le ministre dépose des projets importants. Il y a de grands problèmes en environnement au Québec, puis j'aimerais qu'on les regarde, qu'on les étudie, mais qu'on ne provoque pas les clientèles, d'autre part. On ne gagnera rien à provoquer les agriculteurs. On ne gagnera rien à provoquer l'industrie chimique. On ne gagnera rien avec personne, comme environnementalistes, à provoquer des gens. Il faut écouter leurs préoccupations, il faut essayer de faire comprendre les nôtres et avancer allègrement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député d'Orford. Y a-t-il d'autres interventions? Alors, M. le ministre.


M. David Cliche (réplique)

M. Cliche: Oui, M. le Président. Une courte réplique sur quelques points qui ont été avancés, rapidement. Écoutez, sur la production agricole, la décision gouvernementale, elle est claire. D'ici le mois de juin, nous allons aller de l'avant avec quelque chose qui avait été promis par nos amis d'en face et qu'ils n'ont jamais fait, c'est la mise en oeuvre du droit de produire. C'est ainsi que, d'ici le mois de juin, il y aura la mise en force d'un règlement qui va réduire la pollution agricole au niveau de l'environnement physique et de la protection de l'eau et il y aura des orientations, des directives gouvernementales envoyées dans les MRC en ce qui concerne les distances séparatrices pour encadrer correctement la production agricole. Et ceci, c'est quelque chose qui était attendu et qui sera livré.

En ce qui concerne l'eau, écoutez, l'eau, encore là, c'est un engagement du gouvernement. Il y a eu des déclarations du premier ministre qui confirmaient que le Québec se dotera d'une politique de l'eau, que le Québec va encadrer la gestion de l'eau, que le Québec va s'assurer que l'eau, qui est une richesse collective, une richesse patrimoniale extraordinaire, sera conservée. Et on va aller de l'avant dans ce dossier de l'eau, comme nous sommes allés de l'avant avec le dossier du droit de produire et de l'encadrement correct de la production agricole pour faire en sorte que cette production agricole puisse se faire dans le respect de l'environnement physique et sociale, mais que, une fois que cet encadrement sera en place, les producteurs puissent produire en paix dans les zones vertes, dans lesquelles zones vertes, reconnaissons-le, ils doivent avoir le plaisir de produire en paix.

(10 h 30)

En ce qui concerne les notes, écoutez, si j'étais arrivé auprès de mes parents avec un D ou un F, comme vous avez déjà eu dans le même domaine lorsque vous étiez au gouvernement – on vous avait donné la note F pour le même domaine et on nous a donné la note D – mes parents auraient demandé sans doute la première question qu'il faut se poser: Qui est le professeur? Je n'ai jamais eu, dans ma vie, de telles notes. C'est la première fois que j'en ai. Mes parents, dans leur grande sagesse, auraient dit: Qui est le professeur? Dans ce cas-ci, ceux qui donnent les notes, ce sont les groupes environnementaux, et, le jour où les groupes environnementaux donneront un A, ou un A+, ou un 95% dans mon temps, ou un 98 %, comme j'ai déjà eu dans certaines matières, on devra se poser des questions. La question, à ce moment-là, qu'on devra se poser, c'est: Est-ce que les groupes environnementaux jouent encore leur rôle? Parce que eux-mêmes voient leur rôle, en grande partie, comme étant celui d'un phare dans la nuit, de groupes qui pointent du doigt ce qu'ils jugent être négatif.

Ils auraient pu noter les gestes posés par le ministère de l'Environnement et de la Faune et son ministre en 1996-1997. Nous avons créé trois nouvelles réserves écologiques au Québec. J'ai fait accepter par le Conseil des ministres un plan quinquennal de création de réserves. Nous avons créé un nouveau parc, le parc des Monts-Valin. Nous avons mis en place un groupe de travail pour la consolidation et la relance des parcs au Québec et j'ai l'intention de donner suite aux recommandations de cet excellent rapport de ce groupe de travail et de faire en sorte que, cette année, nous nous dotions d'une politique de consolidation et de relance des parcs québécois.

Nous avons déposé en cette Chambre et nous discutons aujourd'hui même en commission parlementaire du projet de loi qui est attendu depuis des années – qui va créer une première au monde – un parc marin pour protéger les mammifères marins du Saguenay et de l'estuaire du Saguenay dans le Saint-Laurent. Nous avons posé plusieurs gestes. Je suis fier d'avoir posé ces gestes et je prends ces notes décevantes avec un grain de sel, en provenance des groupes environnementaux. C'est leur façon de faire, c'est plutôt de mettre l'emphase sur ce qu'ils considèrent comme étant incomplet, comme étant insuffisant, en mettant un peu de côté ce qui a été fait. C'est leur façon de faire, donc je le prends avec un grain sel, et je le prends surtout avec une volonté de leur part que nous continuions dans le bon sens.

Cette mauvaise note... Au secondaire, au collégial, à l'université ou au primaire, lorsque j'avais une mauvaise note, des fois, qui me décevait, je le prenais comme un défi et je me disais: Il faut que j'améliore la note. Il faut le prendre comme un défi, comme une façon de se dire: il y a toujours place à amélioration. Il y aura toujours place à amélioration et c'est en ce sens que je prends ces notes.

Je tiens à souligner que c'est peut-être la dernière fois en cette Chambre que le député d'Orford sera le porte-parole officiel de l'opposition en matière d'environnement; il a été remplacé par le député de Laurier-Dorion. Je tiens à le remercier pour ses analyses constructives, à le féliciter pour ses envolées oratoires dans cette salle, qui nous ont amenés dans des débats que beaucoup de citoyens nous ont rappelés, ce qui m'a amené à parler du pédalo de ma belle-mère et des marais de sa municipalité d'Austin. En commission parlementaire, je tiens à signaler le travail constructif que le critique officiel de l'opposition a su apporter et je l'en remercie. J'espère, et j'en suis sûr, que le critique officiel de Laurier-Dorion saura avoir la même attitude pour nous aider à mettre en place de meilleures législations et de meilleurs règlements pour la conservation et la mise en valeur de l'environnement et de la faune au Québec. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Maintenant, est-ce que le projet de loi n° 56, Loi modifiant la Loi sur les espèces menacées ou vulnérables, est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 12 de notre feuilleton et de demander le consentement de cette Chambre pour déroger à l'article 237 de notre règlement.


Projet de loi n° 105


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 12 de notre feuilleton, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune propose l'adoption du principe du projet de loi n° 105, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 105? M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.


M. David Cliche

M. Cliche: Merci, M. le Président. C'est un très court projet de loi, mais il est substantiel sur le fond. C'est de valeur que le «réparateur Maytag» de l'opposition ne sera plus là pour en discuter. Ce projet de loi, il est fondamental et quelques explications s'imposent. Je vais lire l'article de fond qui vise à modifier l'article 31 de la Loi sur la qualité de l'environnement. Et je tiens à le lire, M. le Président, avant d'expliquer le sens et pourquoi on est arrivé à cette conclusion. Je le lis:

«Dans le cas où le responsable d'une source de contamination a, en application des articles 116.2 à 116.4, soumis et fait approuver par le ministre un programme d'assainissement, le ministre a le droit de prescrire les droits annuels à payer par le responsable de la source de contamination ou la méthode et les facteurs qui s'appliquent pour le calcul de ces droits ainsi que les périodes au cours desquelles le paiement des droits doit être effectué et les modalités de paiement. Ces droits annuels peuvent varier en fonction, notamment, de l'un ou l'autre des facteurs suivants:

«1° la catégorie des sources de contamination;

«2° le territoire sur lequel est situé la source de contamination;

«3° la nature ou l'importance de l'émission des contaminants dans l'environnement;

«4° la durée du programme d'assainissement.»

Ceci est très technique, M. le Président, mais voici pourquoi nous avons déposé... Et je fais l'intervention en ce que nous appelons le principe ou la première lecture. Voici les points fondamentaux. D'abord, le principe fondamental qui nous a menés dans l'élaboration de ce projet de loi, c'est le principe de l'équité, et voici pourquoi. En ce moment, les entreprises, les municipalités qui ont mis en place leur programme d'assainissement et qui maintenant font l'objet d'une attestation annuelle du ministère de l'Environnement et de la Faune qui atteste que ces entreprises ou municipalités sont conformes aux objectifs de dépollution et d'assainissement que nous nous étions donnés et remplissent les obligations et sont conformes aux obligations que nous nous étions données quant à l'atteinte de ces objectifs, contrairement au versement d'un droit annuel... Lorsque nous versons notre attestation, les entreprises qui n'ont pas atteint ce niveau, qui n'ont pas mis en place leur programme d'assainissement, elles ne versaient aucun droit. On se retrouvait donc dans une situation où les entreprises qui s'étaient conformées à un programme d'assainissement, les entreprises qui avaient atteint les obligations de résultat que nous leur avions données avaient annuellement à verser un droit lorsque nous leur remettions leur certificat d'attestation – c'est ainsi que la loi est faite – attestant qu'elles se conformaient à ce programme.

Contrairement à ça, les entreprises qui traînaient de la patte ou les municipalités qui traînaient de la patte dans le respect des politiques d'assainissement, elles n'avaient à verser aucun droit ou aucune pénalité. De sorte que j'ai fait l'objet de plusieurs représentations en provenance de deux secteurs: secteur industriel et secteur municipal.

Le secteur industriel. Dans le cadre du Programme de réduction des rejets industriels, certaines entreprises se sont conformées au programme de réduction des rejets industriels. Et nous nous apprêtons à émettre, à l'endroit de ces compagnies, M. le Président, des certificats d'attestation attestant qu'elles ont atteint et respecté ce Programme de réduction des rejets industriels et elles verseront, donc, un droit annuel en vertu de la loi non modifiée. Ces entreprises m'ont fait des représentations juste sur la base du principe de l'équité où elles m'ont dit: Il est inéquitable que nous, bons citoyens corporatifs qui nous sommes conformés au Programme de réduction des rejets industriels – le PRRI, dans notre jargon – ayons à verser un droit alors que les entreprises délinquantes qui traînent de la patte et qui refusent de s'y soumettre, elles peuvent le faire en toute impunité sans verser aucun droit de quelque nature.

(10 h 40)

C'est ainsi que ces entreprises auront à verser un droit qui sera déterminé en fonction de la catégorie des sources de contamination du territoire sur lequel est située la source, de la nature ou de l'importance de l'émission des contaminants ou de la durée du programme d'assainissement. On parle beaucoup du principe de pollueur-payeur. Dans ce cas-ci, c'était le dépollueur-payeur qu'on appliquait comme principe. C'est-à-dire que le bon citoyen corporatif qui, lui, respectait les programmes et les plans d'assainissement versait un droit, alors que les pollueurs qui traînaient de la patte et faisaient fi de nos politiques et de nos programmes, eux, s'en tiraient à bon compte sans payer quoi que ce soit.

L'autre exemple, l'autre cas que j'ai vécu – et ceci explique l'autre article de loi que nous soumettons dans ce projet de loi – c'est l'application de la politique des neiges usées. En 1988, M. le Président, le gouvernement du Québec mettait en place une politique des neiges usées qui visait, à ce moment-là, en ce qu'une période de six ans, de 1988 à 1994, l'ensemble des municipalités qui rejetaient de la neige usée dans les cours d'eau cessent de le faire. Pour vous donner un ordre d'idée de ce que peut représenter la pollution générée par les neiges usées, seulement pour la ville de Montréal, qui rejette encore des neiges usées dans le fleuve à Montréal, c'est plus de 5 000 tonnes métriques de détritus solides qui sont rejetés dans le fleuve, annuellement, lorsqu'on y rejette des neiges usées.

Donc, en 1988, le gouvernement du Québec, le gouvernement libéral de l'époque, qui à l'occasion faisait de bonnes politiques et de bonnes décisions, met en place cette politique qui dit essentiellement: D'ici à 1994, l'ensemble des municipalités du Québec devront avoir arrêté le rejet des neiges usées dans les cours d'eau du Québec, que ce soit le Saguenay, que ce soit le fleuve Saint-Laurent, que ce soit la rivière Chaudière, que ce soit la rivière L'Assomption, etc.

Or, en 1994, la situation est à l'effet que plus de 70 % des municipalités se sont conformées à la politique, mais que d'autres municipalités, elles, traînent de la patte, ne se sont pas conformées. Et, à tous les ans, lorsque le ministre de l'Environnement et de la Faune de l'époque haussait le ton, il y avait une montée aux barricades de ces quelques municipalités récalcitrantes qui venaient voir le ministre de l'Environnement et de la Faune de l'époque et qui disaient: On n'a pas eu le temps; donnez-nous encore du temps; il faut étudier; on a été préoccupées par d'autres choses; on a d'autres priorités. Et le ministre de l'Environnement et de la Faune de l'époque disait: Bon, je vous donne une autre année.

C'est ainsi que des délais dans l'application de cette politique qui devait avoir pleinement force en 1994, c'est-à-dire que l'ensemble des municipalités devaient s'y être conformées en 1994, ont été subséquemment reportés de 1994 à 1995, de 1995 à 1996. Et, en 1996, j'ai eu droit aux mêmes représentations des mêmes municipalités et j'ai dit: C'est terminé. Il faut qu'une politique veuille dire quelque chose. Si une politique c'est quelque chose que l'on peut bafouer, si une politique c'est quelque chose qu'on peut ne pas respecter, une politique ne veut plus rien dire. Il en va de la crédibilité même du gouvernement et de ses politiques et il en va de l'application du principe de l'équité.

Que dire à une ville, comme la ville de Québec, qui nous dit: Nous avons mis en place les équipements nécessaires pour gérer correctement les neiges usées, sauf en circonstances exceptionnelles – et on l'a vu cet hiver lorsque les cours des maisons débordaient, les rues débordaient, les cours à neige débordaient – nous confinons nos neiges usées et on fait en sorte que les matières solides et les polluants qu'on retrouve dans ces neiges usées là ne se retrouvent pas dans le fleuve? Que dire à une municipalité comme Québec qui vient rencontrer le ministre de l'Environnement et de la Faune et qui dit: Lorsque vous retournerez vers la région de Montréal, vers Laval, ce soir, regardez la ville de Sillery qui, elle, impunément, avec ce bulldozer vert que j'avais à l'oeil, rejette des neiges usées dans le fleuve le long du boulevard Champlain? Et cette ville avait raison. C'est pour cette raison que nous avons essentiellement, si je peux m'exprimer ainsi, signalé la fin de la récréation et que nous introduisons ce projet de loi, de sorte que, si des municipalités continuaient impunément à jeter des neiges usées dans le fleuve l'hiver prochain et l'automne prochain, faisant fi de la politique et faisant fi du respect, sur le principe de l'équité, des municipalités qui, elles, se sont conformées à la politique, elles devraient verser un droit qui fait en sorte qu'elles seraient pénalisées pour ne pas respecter cette politique, et nous allons calibrer essentiellement le droit qu'elles auront à verser par rapport à ce qu'il en coûterait pour confiner ces neiges usées et les traiter correctement.

C'est sur la base de ce principe de l'équité que nous proposons l'adoption de ce projet de loi et c'est pour ceci que ce projet de loi prévoit de façon exceptionnelle que le règlement qui déterminera les droits que, l'hiver prochain, j'espère, les municipalités récalcitrantes auront à verser ne fera pas, M. le Président, l'objet d'une prépublication, mais qu'il fera l'objet d'une publication directe, ce qui nous permettra, à l'automne et l'hiver prochains, de donner un sens réel à l'application de ce règlement à l'égard des municipalités récalcitrantes. Dans un sens démocratique, cependant, j'ai l'intention de déposer ce projet de règlement, sans qu'il passe par les longs processus de prépublication, en commission parlementaire. Lorsque nous allons discuter, en commission parlementaire, de ce projet de loi, j'ai l'intention de déposer, en commission parlementaire, ce projet de règlement pour faire en sorte que les municipalités en prennent connaissance et qu'elles nous fassent les représentations qui s'imposent.

C'est donc sur la base de ce principe d'équité, tant dans le monde industriel que dans le monde municipal, pour faire en sorte que nous appliquions sur la base de ce principe d'équité, mais également sur la base de ce principe du pollueur-payeur, que les pollueurs qui, impunément, ne se conforment pas à nos politiques d'assainissement, ne se conforment pas à nos règlements et à nos programmes aient à verser un droit au même titre que les entreprises et les municipalités qui, elles – les entreprises dans ce cas-ci – se sont conformées à nos politiques ont à verser un droit annuel lorsque nous leur versons notre certificat d'attestation, attestant ainsi que ces entreprises se sont conformées à nos programmes, notamment le Programme de réduction des rejets industriels.

Donc, M. le Président, c'est un très court projet de loi, mais il est lourd de signification parce qu'il signifie que les politiques gouvernementales en matière d'assainissement des eaux, en matière de protection de nos cours d'eau, ça veut dire quelque chose et que ceux et celles qui penseraient que ces politiques ne sont que des voeux pieux devront réaliser la volonté gouvernementale de faire en sorte que les politiques soient respectées, que leur environnement au Québec soit respecté pour la pérennité de nos cours d'eau et la jouissance de nos cours d'eau que nous voulons retrouver pour nous, nos enfants et, comme l'a dit le poétique critique officiel de l'opposition ce matin, les enfants de nos enfants. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de l'Environnement et de la Faune. Y a-t-il d'autres interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 105?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 105, Loi modifiant la Loi sur la qualité de l'environnement, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader...

M. le whip en chef du gouvernement.

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Est-ce que je pourrais vous demander un moment de suspension, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Pinard): Il me fait plaisir d'accorder au gouvernement un moment de suspension. Alors, nous suspendons quelques instants nos travaux.

(Suspension de la séance à 10 h 50)

(Reprise à 11 h 13)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous reprenons nos travaux. M. le leader du gouvernement.


Révocation de l'adoption du principe

M. Bélanger: M. le Président, je voudrais vous demander que cette Chambre révoque l'ordre d'adoption du projet de loi n° 105 qui a été fait tout à l'heure, car nous voulons préserver le droit de parole du porte-parole de l'opposition officielle qui a une intervention à faire sur ledit projet de loi au niveau de l'étape de l'adoption du principe. Alors donc, je vous demanderais de révoquer l'ordre d'adoption et, en même temps, la motion qui le référait à la commission.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Elle est adoptée. Donc...

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 10 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 102


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 10 du feuilleton, Mme la ministre de la Sécurité du revenu propose l'adoption du principe du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 102? Mme la ministre.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. C'est avec fierté, en ce 1er mai, Journée internationale des travailleuses et des travailleurs, que je dépose en deuxième lecture, que je présente ce projet de loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée.

M. le Président, ce projet de loi suit la tendance des Québécois et Québécoises – une tendance d'ailleurs qui est illustrée dans d'autres pays industrialisés – à prendre une retraite plus jeunes. Qu'il me soit permis simplement de vous citer qu'à l'égard de la rente publique, en 1985, 34 200 travailleurs et travailleuses prenaient leur retraite entre 60 et 64 ans, alors qu'en 1995, 10 ans plus tard, ce nombre avait presque doublé et c'était 54 600 travailleurs et travailleuses qui prenaient leur rente de retraite publique entre 60 et 64 ans. Alors, on le voit, il y a là une tendance importante, tendance qui a pu être freinée jusqu'à maintenant par des rigidités, notamment celles introduites dans les régimes privés qu'on appelle les régimes complémentaires de retraite.

Le projet de loi n° 102 rendra plus accessible, pour les travailleurs et les travailleuses en fin de carrière, l'aménagement et la réduction du temps de travail ainsi qu'il rendra plus facile leur départ à la retraite. Il m'apparaît que les dispositions contenues dans le projet de loi n° 102 sont innovatrices en Amérique du Nord et vont donc permettre à des travailleurs et travailleuses âgés de 55 ans ou plus de prendre une retraite progressive avec une compensation partielle pour la baisse de leur revenu de travail. Ces dispositions permettront également la retraite anticipée pour celles et ceux qui désirent complètement cesser de travailler.

Jusqu'à aujourd'hui, rien n'avait été fait véritablement pour encourager la retraite progressive et lever les obstacles qui empêchent des travailleurs et travailleuses aînés de profiter d'une telle retraite progressive. Pourtant, on sait que plusieurs d'entre eux souhaitent réduire leurs heures de travail – que ce soit pour des raisons de santé, que ce soit aussi pour des raisons d'insatisfaction à leur travail ou pour s'occuper à des activités de leur choix – mais qu'ils hésitent à le faire parce que ce choix ne favorise pas des revenus suffisants lors de la retraite normale.

Je comprends qu'au Sommet sur l'économie et l'emploi, qui s'est tenu à Montréal en octobre dernier, les partenaires tant patronaux, syndicaux que le gouvernement ont convenu que l'État devait encourager le partage du temps de travail perçu comme l'une des manifestations de la solidarité des travailleuses et des travailleurs qui sont désireux de favoriser l'accès à l'emploi pour les plus jeunes et les chômeurs, et aussi, en même temps, désireux de réduire leurs heures de travail. Alors, comme les partenaires l'avaient mentionné, ce partage doit être fait sur une base volontaire, autant pour les entreprises que pour les travailleurs. La retraite progressive, dès ce Sommet, avait été identifiée comme étant l'un des moyens de parvenir à ce partage du temps de travail.

Alors, devant la commission parlementaire d'ailleurs, l'automne dernier, en octobre 1996, juste avant le Sommet, les centrales syndicales de même que les grandes associations patronales sont venues recommander au gouvernement, lors de l'étude des recommandations du livre vert sur la Régie des rentes du Québec, de prendre aussi des dispositions pour favoriser la retraite progressive en modifiant les régimes privés de retraite. Alors, le projet de loi qui est déposé ce matin consiste justement à assouplir les règles pour favoriser la retraite progressive.

Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où se retrouvent les grandes associations patronales et syndicales, a d'ailleurs mené des études approfondies sur cette question et rendu public, il y a un an maintenant, un rapport sur l'aménagement et la réduction de travail, qui contenait un chapitre recommandant la retraite progressive. La définition qu'on retrouvait de la retraite progressive dans ce rapport est la suivante: «C'est une option qui permet aux travailleurs de réduire graduellement la durée du temps de travail en anticipation de la retraite complète. Cette réduction peut prendre la forme d'une diminution de la durée journalière, ou mensuelle, ou annuelle du temps de travail et peut s'échelonner sur plusieurs années. De plus, la retraite progressive peut comprendre des mesures de compensation partielle ou totale, immédiate ou différée des pertes de revenus encourues.»

J'ai parlé tantôt des obstacles qui, présentement, se lèvent contre la retraite progressive. Ces obstacles, M. le Président, sont finalement les suivants. Le système de sécurité du revenu à la retraite, comme vous le savez, se compose de mesures d'assistance qui relèvent du gouvernement fédéral – mesures d'assistance qui prendront, en 2001, la forme de la prestation des aînés déjà annoncée dans le discours du budget du ministre Paul Martin, il y a déjà un an de cela – et de mesures d'assurance qui relèvent du gouvernement québécois et des régimes privés.

(11 h 20)

Comme la pension de la sécurité de vieillesse est payable à compter de 65 ans seulement, elle n'offre pas la possibilité d'une retraite progressive ou anticipée; elle ne la favorise pas non plus. Le supplément de revenu garanti ne peut également être versé qu'à 65 ans. Bien que l'allocation au conjoint, l'allocation payable au veuf ou à la veuve puisse être versée à partir de 60 ans, il y a peu de chance que ces allocations soient utilisées pour une retraite progressive étant donné le faible niveau de revenus des personnes qui bénéficient des programmes d'allocation au conjoint ou du supplément de revenu garanti. Alors, le même argument va s'appliquer à la prestation aux aînés qui va remplacer l'ensemble des programmes fédéraux de sécurité du revenu à la retraite en l'an 2001.

Alors, ce qui se passe avec le Régime de rentes du Québec, c'est que la retraite progressive entraîne nécessairement une diminution des revenus de travail. Diminution des revenus de travail veut dire diminution donc du revenu global. Et, comme les cotisations au Régime de rentes du Québec sont fonction de ce revenu de travail, toute diminution de travail et diminution de revenus de travail entraîne donc une cotisation moindre actuellement au Régime de rentes et, par le fait même, une possibilité de diminution de la rente de retraite. En d'autres termes, avant d'accepter une retraite progressive, un travailleur ou une travailleuse y pense sérieusement parce que c'est souvent ses meilleures années de rémunération et, s'il diminue ses heures de travail, sa rémunération de travail va diminuer. Il ne se trouvera plus à cotiser pour sa retraite normale sur son plein salaire et il hypothèque finalement sa retraite normale.

D'autre part, quant aux régimes complémentaires de retraite, à l'heure actuelle, ils ne permettent pas d'accorder une rente partielle visant à compenser la perte du revenu d'un travailleur qui accepte de réduire ses heures. Alors, présentement, il faut que vous soyez retraité ou travailleur. Vous ne pouvez pas être la combinaison des deux en même temps. Donc, il s'agit là d'obstacles qui sont importants et il s'en ajoutait un dernier. Si, actuellement, les régimes privés de retraite permettent d'offrir une rente temporaire au travailleur qui prend sa retraite avant de pouvoir bénéficier, par exemple, d'une rente des régimes publics à 60 ans, les régimes complémentaires n'avaient aucune obligation légale d'accorder cette rente. C'était comme une faveur, d'une certaine façon.

Donc, les mesures qui sont proposées sont les suivantes. Il s'agit de modifier la Loi sur le régime de rentes du Québec et de modifier la Loi sur les régimes complémentaires de retraite. Ces modifications vont éviter que les dispositions du Régime de rentes fassent obstacle à la retraite progressive en raison de la réduction de la rente de retraite qui pourrait en résulter. Il sera donc permis dorénavant au travailleur qui réduit sont temps de travail de continuer à cotiser au Régime de rentes comme si son salaire n'avait pas été réduit. Cette mesure s'appliquera, de façon générale, au travailleur âgé d'au moins 55 ans qui conclut une entente dans ce sens-là avec son employeur. La cotisation additionnelle qui va donc continuer d'être versée sur le salaire antérieur, même s'il y a retraite progressive, va être versée à parts égales, moitié-moitié, par l'employeur et le salarié.

D'autres mesures qui sont contenues dans le projet de loi concernent les régimes privés. La première vise à faire en sorte qu'un travailleur en fin de carrière, qui accepte de réduire son temps de travail suite à une entente avec son employeur, pourra recevoir une prestation annuelle de son régime de retraite. Cette prestation annuelle pourra atteindre le moindre des montants suivants: soit 70 % de la perte de revenus qui découle de la réduction des heures de travail, soit 40 % du maximum des gains admissibles, ce qui représente, disons, un plancher de 14 320 $ en 1997.

Le meilleur exemple pour donner, si vous me permettez, une démonstration est le suivant: une travailleuse dont la rémunération annuelle est de 50 000 $. Alors, cette travailleuse réduit son temps de travail de 50 %. Donc, c'est une diminution de salaire de la moitié. Elle ne reçoit plus que 25 000 $. Cette travailleuse aura maintenant droit à une prestation annuelle de son régime de retraite qui peut aller jusqu'à 14 320 $. C'est donc la prestation annuelle maximale de 1997.

Auparavant, elle aurait eu un revenu de travail de 25 000 $. Ça l'aurait fait hésiter certainement avant de prendre une retraite progressive tout en réduisant la moitié de son temps de travail, alors qu'avec la mesure annoncée aujourd'hui ce travailleur ou cette travailleuse pourra jouir d'un revenu annuel qui combinera son revenu de travail de 25 000 $ plus la prestation annuelle de son régime de retraite qui pourra aller jusqu'à 14 320 $. Dans cet exemple-là, elle aura un revenu de 39 320 $, c'est-à-dire 79 % de son revenu antérieur. Certainement que ce revenu de 79 % pourra lever les hésitations qu'un travailleur ou une travailleuse avait d'aller du côté de la retraite progressive.

La deuxième mesure concerne le fait que le régime complémentaire de retraite vise à favoriser la retraite anticipée. Donc, il y a, d'un côté, la retraite progressive dont je viens d'expliquer les modalités. Quant à la retraite anticipée, il ne s'agit pas, cette fois, de combiner des heures de travail et une rémunération donc de travail avec une prestation de retraite; il s'agit, cette fois, d'un travailleur ou d'une travailleuse qui quitte définitivement son emploi. Alors, cette modification qui est introduite prévoit le droit à une rente temporaire payable jusqu'à ce que le travailleur atteigne 65 ans.

Actuellement, un régime complémentaire – je pense que ça ne me fait pas, M. le Président; à chaque fois, j'ai un problème de voix – peut offrir le remplacement d'une partie de la rente viagère par une rente temporaire, mais il n'est pas tenu de le faire. Encore là, le montant de la rente temporaire ne pourra être supérieur à 40 % du maximum des gains admissibles. Alors, l'avantage de cette mesure sera de permettre à un travailleur, qui désire prendre une retraite anticipée, donc quitter définitivement son emploi, de moduler le revenu provenant de son régime complémentaire de façon à s'assurer un revenu stable tout au long de sa retraite. Présentement, son revenu est beaucoup, beaucoup moindre avant 65 ans et puis devient plus important après 65 ans par l'ajout, souvent, de sa rente de la Régie des rentes, plus des programmes de supplément de revenu garanti ou des programmes de prestations de la pension de vieillesse.

Je vais vous donner un exemple. Un retraité de 58 ans, qui, actuellement, a droit à une rente viagère de 25 000 $ de son régime, pourra, dans le fond, la moduler avant 65 ans pour la faire porter à 31 700 $. Après cet âge, à 65 ans, son régime lui versera une rente de 18 200 $, mais s'ajouteront la rente de retraite du Régime de rentes du Québec et la pension de la sécurité de vieillesse qui, ensemble, vont totaliser 13 500 $; ça s'ajoutera à sa rente viagère. Donc, son revenu annuel stable sera de 31 700 $ avant et après 65 ans. Donc, ça peut favoriser aussi la retraite anticipée et faire basculer les hésitations des personnes qui s'inquiètent de voir qu'avant 65 ans elles sont perdantes, alors que, souvent, c'est à cet âge-là qu'elles ont le plus besoin de leurs revenus.

Et la troisième et dernière mesure concernant les régimes complémentaires de retraite vise le fonds de revenu viager. Dorénavant, le fonds de revenu viager pourra servir soit à procurer une prestation annuelle à un travailleur qui prend une retraite progressive, soit à procurer un revenu temporaire à ce travailleur qui quitte son emploi pour prendre une retraite anticipée. Jusqu'à maintenant, les sommes accumulées dans un fonds de revenu viager ne pouvaient servir qu'à la constitution d'un revenu viager qui était donc uniformisé pour le restant de la vie, tandis que maintenant il va pouvoir être modulé en fonction plus d'un besoin avant et après 65 ans.

(11 h 30)

Donc, voilà les grandes lignes, M. le Président, de ce projet de loi n° 102 dont je propose l'adoption de principe. Essentiellement, il s'adresse à des personnes évidemment qui ont accès à un régime privé, à une retraite donc dans un régime complémentaire de rentes. Ce projet fait en sorte que la retraite progressive sera ouverte à partir de 10 ans avant l'âge normal de la retraite. Alors, dépendamment du régime, si l'âge normal de la retraite commence à 55 ans, ça sera la possibilité de commencer à 55 ans ou même à 50 ans pour celles et ceux, peu nombreux, dont le régime complémentaire a fixé l'âge de la retraite à 60 ans. En général, l'âge de la retraite dans les régimes privés est 65 ans, mais, avec les dispositions, se sera donc possible, 10 ans avant l'âge normal de la retraite, d'ouvrir, si vous voulez, à ces assouplissements.

Ce n'est pas un concept nouveau, la retraite anticipée. La retraite progressive, par contre, est de l'ordre des innovations, et le projet de loi voudra encourager systématiquement les travailleurs et travailleuses qui ont la chance de participer à un régime complémentaire de retraite de pouvoir profiter, donc, d'une retraite progressive ou anticipée. Le but ultime, c'est d'accroître l'accès des jeunes et des chômeurs au marché de l'emploi. On évalue à 39 000 le nombre de participants à des régimes complémentaires de retraite âgés entre 55 et 65 ans et qui pourraient profiter de ces nouvelles mesures.

Les avantages de la retraite progressive sont nombreux. Pour les travailleurs et travailleuses, ça leur permet de connaître une transition plus harmonieuse entre la vie en milieu de travail et la retraite, puisque cela se fait de façon plus graduelle, en conservant un niveau de revenus suffisant, en continuant d'accumuler des droits en vue d'une rente de retraite normale. Le fait de se retirer progressivement permet aussi à ces travailleurs et travailleuses âgés de mettre leur expérience à profit pour préparer la relève. Certainement que bon nombre d'entre eux vont en retirer un sentiment d'utilité plus grand et auront, en fait, l'occasion de mettre à profit leur expérience.

D'autre part, les avantages de la retraite progressive sont aussi évidents pour l'employeur. Ces derniers risquent moins de perdre prématurément des employés en raison d'une retraite anticipée. C'est évident que ça évite les problèmes éventuels dus au vieillissement de la main-d'oeuvre auquel on doit se préparer. Ça permet de diminuer l'absentéisme qui peut être dû à des problèmes de vieillissement ou à des problèmes de santé. Ça peut augmenter définitivement la productivité et ça assure un transfert des connaissances et une diminution des coûts, certainement, par rapport à une retraite qui serait trop brusque ou brutale.

L'impact sur l'emploi. Je termine là-dessus, M. le Président. L'ensemble des actions annoncées dans le cadre des travaux du Sommet dans le domaine de l'allégement de la masse salariale, de l'aménagement et de la réduction du temps de travail. Je pense, entre autres, à la diminution de la semaine normale de travail de 44 à 40 heures; le projet de loi est déjà déposé devant cette Assemblée. Je pense également à l'aide fiscale pour la création d'emplois, annoncée au Sommet mais bonifiée dans le discours du budget du ministre des Finances, qui a porté le crédit d'impôt remboursable de 750 $, qu'il avait été annoncé, à 1 200 $ pour chaque emploi qui fait partie de cet aménagement et partage du temps de travail. Alors, nous pensons que combiner, n'est-ce pas, aménagement du temps de travail, réduction de la semaine normale de travail, aide fiscale pour la création d'emplois, retraite progressive et retraite anticipée peut favoriser à près de 20 000 Québécoises et Québécois l'accès au marché de l'emploi.

Alors, voilà, M. le Président, et je souhaite évidemment que l'opposition concoure à l'adoption de ce projet de loi en deuxième lecture. Je vous en remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la ministre de la Sécurité du revenu. Nous cédons maintenant la parole au critique officiel de l'opposition, le député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Alors, oui, en deuxième lecture, l'opposition va voter en faveur du projet de loi n° 102. Voter en faveur parce qu'on donne suite, par le projet de loi n° 102, à un rapport du Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre qui, depuis longtemps, demandait qu'on assouplisse la possibilité de prendre des retraites progressives, c'est-à-dire, pour les gens, les travailleurs et travailleuses qui sont en fin de carrière, de pouvoir diminuer leur temps de travail et compenser par leur fonds de pension la diminution du temps de travail pour maintenir un revenu relativement stable.

Donc, oui, on est en faveur de cette approche pour des retraites progressives. La ministre a rappelé tout à l'heure les avantages que le rapport du Conseil consultatif du travail avait fait et pour les employeurs et pour les travailleurs et les travailleuses de pouvoir bénéficier d'un tel régime.

Il faut bien être conscient que le projet de loi, pour les gens qui choisissent de prendre une retraite progressive, va leur permettre, d'une part, de compenser leurs revenus à l'aide de leur fonds de pension, mais aussi de ne pas être pénalisés par rapport au Régime de rentes du Québec, c'est-à-dire de pouvoir, pendant la période où ils auront diminué leur temps de travail, donc diminué leurs revenus de travail, cotiser au Régime de rentes du Québec comme s'ils travaillaient à plein temps, de manière à ne pas diminuer la prestation qu'ils recevront du Régime de rentes du Québec lorsqu'ils y auront droit. Alors, c'est une mesure qui n'était pas prévue à l'heure actuelle dans la loi du Régime de rentes du Québec, et on ouvre actuellement cette possibilité. Je crois qu'on doit y concourir.

Il y a néanmoins – je voudrais revenir sur ça – un petit point qui peut poser problème, c'est que la cotisation au Régime de rentes, même pour la partie non travaillée, va continuer à être assumée à 50 % par le travailleur, mais à 50 % par l'employeur qui n'aura pas de prestation de travail pour cela. Peut-être une discussion que, je suis sûr, nous allons pouvoir avoir en commission parlementaire sur cette question.

Je signalerais aussi que la rédaction du projet de loi pose un problème mineur, mais pose un problème quant à la définition, absente dans le projet de loi, de ce qu'on appelle la retraite progressive. J'ai compris de l'intervention de la ministre qu'elle accepte la définition qui avait été donnée par le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, puisqu'elle l'a réitérée dans son intervention. Il serait peut-être intéressant que cette définition soit incluse dans le projet de loi, puisque c'est un concept relativement nouveau et non défini encore au point de vue légal. Et le projet de loi utilise le terme «retraite progressive» sans nécessairement le préciser. Il y aurait peut-être lieu dans le projet de loi de réintroduire d'une manière plus précise la définition.

Donc, ça, c'est le premier élément: la possibilité pour les personnes qui vont diminuer leur temps de travail de contribuer au Régime de rentes du Québec comme s'ils travaillaient à plein temps. Ça, c'est la première partie du projet de loi.

Deuxième partie du projet de loi, ça touche les retraites anticipées. La possibilité pour un travailleur, 10 ans avant l'âge normal... Et encore, l'âge normal, il y a encore un élément sur lequel il faudra préciser ce concept d'âge normal. Parce que, dans les régimes – mais là on parle des régimes privés – de pensions, vous avez soit une mécanique, bien souvent, qui est la somme de l'âge réel de la personne plus le nombre d'années travaillées, ce qui donne la date ou l'âge à partir duquel vous pouvez prendre votre pension... Est-ce que c'est ça qu'on entend par «âge normal»? Est-ce qu'il y a un autre concept d'«âge normal»? Il va être important de mieux le préciser à l'intérieur du projet de loi.

(11 h 40)

Mais qu'est-ce que fait essentiellement le projet de loi en ce qui touche les retraites anticipées? Il dit: Puisqu'à 60 ans vous allez avoir droit au Régime de rentes du Québec et qu'à 65 ans vous allez avoir ce que tout le monde appelle couramment «la pension du fédéral» – vous allez y avoir droit seulement à partir de 60 ans et seulement à partir de 65 ans – si vous prenez votre retraite à 55 ans, c'est-à-dire cinq ans avant la date du 60 ans à partir de laquelle vous aurez droit au RRQ ou avant la date du 65 ans à partir de laquelle vous avez droit à ce qu'on appelle «la pension du fédéral», pendant cette période de 55 à 60 ans, vous avez moins de revenus qu'après, lorsque vous touchez les autres prestations.

Le projet de loi va permettre aux gens d'égaliser leurs revenus, c'est-à-dire de pouvoir dire: Au lieu de toucher ma pension de la manière calculée en fonction du nombre d'années que j'ai travaillées et de la valeur actuarielle de ma pension, je vais pouvoir en toucher plus de 55 à 60 ans, un peu moins de 60 à 65 ans, et encore un peu moins à 65 ans et après, de manière que, à partir de la période où je vais prendre ma pension jusqu'à la fin de ma vie, mon revenu va être uniforme, compte tenu qu'à partir de 60 ans ça ne sera pas uniquement mes revenus de mon fonds de pension privé qui contribueront, mais aussi les revenus que je retirerai du Régime de rentes du Québec, et, à partir de 65 ans, j'aurai en plus ce qu'on appelle «la pension du fédéral».

Alors, pour faire en sorte que ces trois revenus soient uniformes, on va permettre que la rente que vous obteniez de votre régime de pension soit différente, soit plus importante dans les premières années de votre pension et moins importante un peu après, de manière que, d'une manière uniforme, les revenus que vous auriez soient stables, mais que, dans les premières années, ce soit uniquement les revenus venant de votre fonds de pension dit privé et que, lorsque viendront les contributions du Régime de rentes, il y ait moins de revenus venant de votre fonds de pension privé et, lorsque vous toucherez la pension dite «pension du fédéral», vous ayez encore un peu moins de revenus qui viennent de votre fonds de pension privé. Sur le plan actuariel, les fonds de pension ne seront pas pénalisés. C'était la manière strictement de répartir dans le temps d'une manière différente les revenus de la rente que vous avez retirés de votre fonds de pension, de manière à uniformiser l'ensemble de ces revenus.

C'est une mesure intéressante, mais il va y avoir lieu de préciser à un certain nombre de cas la différence entre «rente viagère»... L'article 11, en particulier, du projet de loi aurait peut-être besoin d'être raffiné pour préciser les différences qu'on entend entre les rentes viagères et les rentes temporaires sur l'article 11. L'inquiétude qu'on peut avoir sur l'article 11, c'est qu'il réfère – il est fondamental, cet article 11 – au règlement, la manière dont on peut l'appliquer. Je sais qu'il y a toujours, dans toutes les lois, des règlements, mais il sera important pour les parlementaires en commission de comprendre quels sont ces règlements.

Je me permets de vous le lire, M. le Président: «Le participant ou conjoint qui a acquis droit à une rente au titre du régime de retraite a droit – et c'est là que ça vient – dans les conditions prévues par règlement, de le remplacer par une rente viagère ou temporaire – bien comprendre la différence qui y aura entre les deux – constituée par contrat, dont le montant peut varier annuellement. La rente peut également, dans les cas prévus par règlement, être remplacée par un paiement en un seul versement.» Il est important, dans ce cas-là, de savoir ce qu'il y aura dans le règlement, parce que vous comprenez bien que le règlement peut rendre inopérant ou plus ou moins opérant ce régime de retraite.

Autres questions qui ne sont pas abordées dans le projet de loi et qui étaient recommandées par le Comité consultatif du travail, c'est: Qu'est-ce qui arrive à la fin... Est-ce qu'il y a une date limite, est-ce qu'il y a une période limite pour cette rente, cette mise à la retraite progressive? Autrement dit, est-ce que, à la fin de la période de la retraite progressive, on est obligé de tomber en retraite, ou est-ce qu'on peut être en retraite progressive, et de progressive en progressive? Ça n'a pas l'air d'être prévu à l'intérieur du projet de loi. Il y aura lieu de savoir exactement si on peut, par exemple – et vous allez le comprendre très facilement, M. le Président – passer de cinq jours à quatre jours travaillés, de quatre jours à trois jours, de trois jours à deux jours, de deux jours à un jour. Est-ce qu'il y a cette possibilité-là? Ma lecture – et peut-être à tort, M. le Président – du projet de loi, c'est que ce n'est pas permis à l'heure actuelle. Je trouve qu'il y aurait lieu d'acquérir encore un peu plus de flexibilité.

Autres questions qui ne sont pas couvertes par le projet de loi, c'est l'ensemble des bénéfices. Vous savez que, pour un salarié, un travailleur ou une travailleuse, il y a souvent un ensemble de bénéfices marginaux, qu'ils soient le nombre de jours de congés, le nombre de jours de maladie permis, un ensemble de ce qu'on appelle les bénéfices marginaux. Seront-ils, lorsque vous prenez une retraite progressive, calculés au prorata du temps travaillé? Seront-ils calculés comme si la personne était à plein temps? Il y a là un champ sur lequel il faudrait que, en commission, on puisse être en mesure de discourir et au moins d'avoir un certain nombre de précisions qu'on aura à débattre lorsqu'on analysera article par article le projet de loi en commission.

Il reste, M. le Président – et je voudrais conclure là-dessus – que je trouve la ministre extrêmement optimiste lorsqu'elle pense que ça pourrait régler des questions quant à l'emploi. Je ne pense pas qu'avec une telle mesure on réglerait les problèmes de sous-emploi et les problèmes de chômage importants qu'on connaît dans notre société. La retraite progressive est un instrument intéressant pour permettre à des gens de se retirer plus facilement du marché du travail. C'est un instrument intéressant pour les employeurs – et on l'a rappelé tout à l'heure – de voir une partie de leurs travailleurs quitter progressivement et que le transfert des connaissances, le know-how, soit transféré plus facilement des travailleurs qui restent et qui partent progressivement aux jeunes qui entrent. Mais il n'y aura pas là, M. le Président, matière à une révolution sur le marché du travail, et réellement il ne faut pas s'imaginer que c'est par des mises à la retraite progressives qu'on réglera actuellement les poches importantes de sous-emploi que l'on connaît au Québec, et dans la région de Montréal particulièrement.

Mais ça reste un projet intéressant, particulièrement pour les entreprises et pour les travailleurs. Je crois que son influence sur l'emploi sera relativement faible. Les incidences actuarielles, il faudra les regarder, bien s'assurer que les étalements, en quelque sorte, des rentes soient à coût nul sur le plan actuariel. Il faudra le préciser peut-être mieux dans le projet de loi. Le coût pour l'État est relativement faible. On a déposé hier un avis de l'actuaire en chef – et je concours assez facilement à cet avis-là – qui dit que l'effet sur le Régime de rentes du Québec sera marginal et donc sans grande importance sur le coût du Régime de rentes.

Il y aura certainement un coût dans une baisse de rentrées fiscales; on l'a évalué à quelques millions de dollars, donc un coût qui... Évidemment, ça a l'air bizarre de dire «un coût faible de quelques millions de dollars», mais il faut comprendre que, dans les rentrées fiscales du gouvernement, c'est environ 30 000 000 000 $ d'impôts des particuliers. Donc, 1 000 000 $ est un élément relativement marginal.

Donc, si on peut synthétiser en quelques mots: Un projet de loi intéressant; reste à avoir un certain nombre de précisions à l'intérieur du projet de loi. Ce n'est pas, en aucune manière, un moyen de régler le problème du chômage, du sous-emploi, et ça ne créera pas d'emplois, mais ça donne plus de flexibilité pour les gens qui veulent prendre leur retraite. Et, dans ce cadre-là, M. le Président, l'opposition va voter en faveur du projet de loi en deuxième lecture. Et on réserve notre décision en troisième lecture en faveur des précisions qu'on pourra avoir sur certains points en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe du projet de loi?


Mise aux voix

Alors, le principe du projet de loi n° 102, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes complémentaires de retraite afin de favoriser la retraite progressive et la retraite anticipée, est-il adopté?

(11 h 50)

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous prierais de prendre en considération l'article 11 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 103


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): À l'article 11 du feuilleton, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité propose l'adoption du principe du projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 103? Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Le projet de loi n° 103 ouvre un nouveau régime, le régime d'apprentissage, notamment. Et je comprends que ce projet de loi est extrêmement important.

Je voudrais faire savoir aux membres de cette Assemblée que j'ai déposé ici même, en Chambre, deux projets de loi la même journée: le projet de loi n° 102, dont nous venons d'adopter le principe en deuxième lecture, sur la retraite progressive et la retraite anticipée, et le projet de loi n° 103 sur le régime d'apprentissage. Vous ne serez peut-être pas surpris de constater comme moi que le projet de loi portant sur la retraite et les retraités a obtenu une couverture de presse abondante et importante, alors que le projet de loi sur le régime d'apprentissage, qui, dans le fond, s'adresse aux plus jeunes dans notre société, a à peine bénéficié d'entrefilets dans les médias. Alors, je pense important aujourd'hui de rappeler quelques chiffres qui nous permettront de mieux comprendre tout le rattrapage qu'on doit faire comme société en matière de régime d'apprentissage.

Dans les 25 pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économique – vous savez que l'OCDE, c'est le club des pays industrialisés – avec lesquels le Québec entre en concurrence sur les marchés internationaux, 38 % des jeunes obtiennent un premier diplôme de niveau secondaire en enseignement professionnel ou dans le cadre d'un régime d'apprentissage. La proportion des jeunes qui vont chercher, au niveau secondaire, un tel diplôme varie entre 40 % à 60 % en Belgique, en France, en Finlande et en Norvège. En Allemagne, c'est 68 % des jeunes qui vont chercher un premier diplôme de métier au niveau secondaire; en Suisse, 67 %; en Suède, 61 %. Combien de jeunes, vous pensez, au Québec, obtiennent un premier diplôme de niveau secondaire en enseignement professionnel ou en régime d'apprentissage, en comparaison? 2 %. Alors, avez-vous idée du rattrapage qu'il faut faire?

Quand on sait que le taux de chômage des 15-24 ans au Québec est plus élevé que le taux de chômage des travailleurs plus âgés et qu'il se situait autour de 16,8 % chez les 15-24 ans, alors qu'il était de 9,5 % chez les 45-64 ans, on voit combien les systèmes en Allemagne, en Autriche, où les jeunes bénéficient d'un régime d'apprentissage développé, où l'écart de chômage entre les jeunes et les travailleurs est beaucoup plus réduit... On voit à quel point on n'était pas outillé, on n'avait pas les instruments, comme société, pour agir efficacement.

Alors, je ne m'attarderai pas plus longtemps sur le passé, puisque ce matin nous ouvrons un nouveau chapitre en matière de formation professionnelle et de valorisation des métiers dans notre société. C'est inutile de nous plaindre du taux de décrochage scolaire quand on sait que, principalement, ces décrocheurs sont des garçons, principalement aux deux tiers, et que, pour bon nombre d'entre eux, c'est un manque de motivation à l'école même qui, disent-ils, explique finalement le décrochage.

Alors, le projet de loi qui est déposé ce matin, ce projet de loi nous permettra de donner suite à l'engagement du Sommet sur l'économie et l'emploi, et puis le projet a fait consensus unanime auprès des partenaires. Dorénavant, le régime d'apprentissage devient un instrument important pour la qualification de la main-d'oeuvre. Le projet de loi n° 103 modifie la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et permet aussi la reconnaissance des comités sectoriels de main-d'oeuvre. Donc, c'est à la fois le régime d'apprentissage qui va trouver ses lettres de noblesse avec le projet de loi n° 103, mais c'est aussi la consécration de l'intervention des comités sectoriels en main-d'oeuvre.

Les comités sectoriels, je dirais que c'est le meilleur héritage que les grappes industrielles de Gérald Tremblay nous auront laissé. Une trentaine de ces comités sectoriels ont, en l'espace de deux ans, été mis en place en matière de main-d'oeuvre au Québec, M. le Président. Ces comités sectoriels se sont développés avec une concertation patronale-syndicale faite avec enthousiasme et avec un engouement qu'on ne retrouve pas habituellement dans les relations de travail, qui font plus apparaître les points de divergence, alors que les comités sectoriels travaillent de façon concertée pour développer les stratégies, les plans d'action nécessaires dans les pâtes et papiers, en aéronautique, dans la pétrochimie, dans le tourisme, dans la culture, en fait dans toutes les branches industrielles ou les secteurs d'activité et de services qui ont besoin de faire développer une vision commune des employés et des employeurs quant à la croissance, quant aux besoins en main-d'oeuvre, quant aux besoins de main-d'oeuvre dans ces secteurs-là.

Le régime d'apprentissage est destiné en priorité aux jeunes qui ont réussi une troisième année secondaire. Ce régime d'apprentissage sera offert dans le cadre d'une formation alternée entre l'école... Pour la formation de base, l'école continuera à dispenser les cours de formation générale, alors que l'entreprise va recevoir les apprentis pour offrir la formation spécifique du métier. Les compétences acquises vont conduire à un diplôme d'études professionnelles du ministère de l'Éducation qui va avoir la même valeur que le diplôme qui est émis par le ministère de l'Éducation lorsque l'enseignement professionnel est offert à la polyvalente.

Ce régime d'apprentissage va certainement favoriser un plus grand accès aux métiers, à la diplomation, à la formation professionnelle pour les jeunes et une meilleure intégration au marché du travail. Je pense qu'on reconnaît, M. le Président, qu'un bon nombre de jeunes, dans n'importe quelle société, y compris les sociétés industrialisées, n'entrent pas dans le monde des adultes par l'école, mais entrent dans le monde des adultes par le travail. Ce régime d'apprentissage va permettre, dans l'environnement du travail, à contrats de travail, de diplômer nos jeunes.

Alors, ce régime va s'inscrire dans l'objectif de développer la formation de la main-d'oeuvre et de permettre, en fait, à des jeunes admis comme apprentis de devenir des salariés dans l'entreprise. L'employeur versera une rémunération qui va augmenter au fur et à mesure que l'apprenti va progresser dans sa formation. Alors, il apparaissait important, c'est ce que fait le projet de loi n° 103, de protéger les apprentis contre tout risque d'abus de la part d'employeurs. Alors, j'apporte donc une modification à la Loi sur les normes du travail, avec l'appui et le consentement de mon collègue le ministre du Travail, afin de préciser le salaire auquel un apprenti aura droit. Ce salaire sera établi, pour la première année, à 40 % du salaire d'un diplômé qui commence à exercer le métier, à 60 % la deuxième année et à 80 % la troisième année. De plus, les modifications à la loi des normes vont préciser les autres recours auxquels les apprentis auront accès, comme tout autre travailleur, en vertu de la Loi sur les normes du travail.

(12 heures)

Alors, M. le Président, je comprends que je devrais terminer ici ou si vous le permettez, très rapidement... s'il y a consentement?

Le Vice-Président (M. Pinard): Il y a consentement.

Mme Harel: Alors, je vous rappellerai que, d'autre part, les comités sectoriels de main-d'oeuvre sont une façon de travailler en concertation avec les partenaires impliqués sur le marché du travail. À date, 23 comités ont été mis en place, sept autres viendront au cours de l'année compléter l'intervention sectorielle. Le projet de loi prévoit reconnaître de façon explicite les comités sectoriels comme responsables, pour leur secteur respectif, de l'identification des besoins en développement de la main-d'oeuvre, de l'élaboration, de la mise en oeuvre des plans d'action et de formation pour répondre à ces besoins.

De plus, la reconnaissance des comités sectoriels dans l'application du régime d'apprentissage va venir confirmer l'importance des partenaires du marché du travail. À cet égard, le développement de l'apprentissage va demeurer intiment lié à l'impulsion, à l'élan que les employeurs et les travailleurs, notamment les organisations syndicales, vont donner à cette nouvelle façon de diplômer les jeunes. Les comités sectoriels vont constituer des leviers majeurs pour favoriser une main-d'oeuvre compétente et compétitive pour les entreprises du Québec.

Alors, d'autres dispositions également sont apportées par le projet de loi, qui viennent éliminer des irritants apparus au cours de la première année d'application de la loi du 1 %. Cette loi du 1 %, j'aurai certainement l'occasion d'en faire le bilan lors des échanges que nous aurons en commission parlementaire lors de l'étude article par article du projet de loi. Je rappelle que cette loi du 1 %, qui a été adoptée le 22 juin 1995, renforce l'investissement des entreprises québécoises dans la formation de la main-d'oeuvre en y consacrant 1 % de leur masse salariale.

Alors voilà, M. le Président, l'essentiel des dispositions contenues dans le projet de loi n° 103. J'espère également, bien évidemment, que nous obtiendrons le concours de l'opposition pour faire adopter ce projet de loi et, donc, ouvrir dès juin prochain le régime d'apprentissage à une quinzaine de métiers qui vont permettre à des jeunes d'aller chercher la diplomation dont ils ont besoin pour relever les défis de la main-d'oeuvre à l'aube de ce nouveau millénaire. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Pinard): Comme il n'y a pas d'autres intervenants, le principe du projet de loi...

Une voix: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Le débat n'est point terminé? Donc, nous allons suspendre nos activités à cet après-midi, 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 4)

(Reprise à 14 h 3)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, nous allons débuter par une période de recueillement.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Présence du haut-commissaire pour la République du Kenya, M. Hassan Bagha

J'ai aujourd'hui le grand plaisir de souligner la présence dans les tribunes du haut-commissaire pour la République du Kenya, Son Excellence M. Hassan Bagha.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article a de notre feuilleton.


Projet de loi n° 112

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales présente le projet de loi n° 112, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités afin de l'alléger de certaines procédures et d'accorder de nouveaux pouvoirs visant à faciliter le processus de division du territoire en districts électoraux et la procédure de révision de la liste électorale.

En ce qui concerne le processus de division du territoire en districts électoraux, ce projet de loi supprime certains envois de copies d'avis, de projets de règlement ou de règlement au ministre des Affaires municipales ou encore à la Commission de la représentation. Il modifie également le contenu obligatoire de certains avis exigés dans le cadre du processus de division en districts électoraux lors de la procédure électorale et référendaire.

En matière de révision de la liste électorale, M. le Président, le projet de loi abolit les bureaux de dépôt et prévoit qu'une demande d'inscription, de radiation ou de correction doit être présentée directement devant une commission de révision. Et, enfin, M. le Président, ce projet de loi apporte plusieurs modifications de concordance avec la Loi électorale concernant la révision de la liste électorale, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? Adopté.


Dépôt de documents


Rapport d'accueil de la VIe assemblée générale de l'Association parlementaire Ontario-Québec

Alors, au dépôt de documents, je dépose le rapport d'accueil de la VIe assemblée générale annuelle de l'Association parlementaire Ontario-Québec qui s'est tenue à Québec du 12 au 14 février dernier. Cette activité était sous la responsabilité de M. François Beaulne, député de Marguerite-D'Youville. Mme Claire Vaive, députée de Chapleau, Mme Cécile Vermette, députée de Marie-Victorin, M. Lévis Brien, député de Rousseau, M. Lawrence Bergman, député de D'Arcy-McGee, M. Russell Copeman, député de Notre-Dame-de-Grâce, et M. Michel Côté, député de La Peltrie, ont également participé à cette activité.

Il n'y a pas de dépôt de rapports de commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, au niveau du dépôt de documents, je constate que vous n'avez pas reçu de lettre de démission de la députée de Kamouraska-Témiscouata ou du député de Bourassa. J'ai attendu quelques jours avant de soulever cette question. On sait que l'élection fédérale a été déclenchée dimanche dernier. Nous avons deux membres de cette Assemblée nationale, donc toujours membres de cette Assemblée nationale, qui sont à la fois candidats dans une élection fédérale et toujours membres de l'Assemblée nationale, et, en vertu de l'article 17.3° de notre règlement – je le lis, je crois que c'est important – «le siège d'un député à l'Assemblée devient vacant si le député est candidat à une élection fédérale ou à une élection provinciale dans une autre province».

Je comprends qu'il n'est pas de coutume pour un président de faire une interprétation de la loi, mais je crois que cet article établit d'une façon claire l'incompatibilité de fonctions de député à l'Assemblée nationale et de candidat dans une élection fédérale. Comme je vous le dis, M. le Président, nous avons attendu plusieurs jours avant de soulever la question pour ne pas être accusés de mesquinerie, et la question...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Oui, oui, je crois, M. le Président. Je soulève cette question. Ça fait rire un peu, je crois, peut-être l'autre côté de cette Chambre, mais la question se pose d'autant plus que le député de Bourassa – je le nomme encore par sa fonction, ici, qu'il occupe à l'Assemblée nationale – fait paraître de la publicité dans le comté d'Anjou–Rivière-des-Prairies, où il mousse sa candidature comme étant député provincial à l'Assemblée nationale. Et j'aimerais déposer cette publicité du journal le Flambeau de l'Est , dans lequel on fait part de la candidature du député provincial.

Alors, la question, M. le Président, que je me pose est la suivante, et j'aimerais que vous... Alors, la question que je me pose, c'est: Est-ce que vos services de l'Assemblée nationale ont communiqué avec les députés pour leur faire part de l'incompatibilité des deux fonctions? Sinon, est-ce que vos services de l'Assemblée nationale entendent le faire dans les plus brefs délais?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Sur cette question, M. le Président, comme j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec les deux députés concernés au cours de la semaine, je pense que, sauf erreur, vous avez déjà reçu, de la part du député de Bourassa, une lettre et que vos services ont indiqué au député de Bourassa qu'il fallait que cette lettre soit signée en présence de deux autres députés. Et, comme les députés sont retenus à Québec cette semaine, ils m'ont assuré que, dès que les députés seraient de retour dans leurs régions respectives, deux députés pourraient apposer leur signature comme témoins. Et j'ai la même indication de la part de la députée de Kamouraska-Témiscouata. Il s'agit... Il s'agit...

Des voix: ...

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Il s'agit essentiellement, M. le Président, de se conformer à la procédure qui est prévue.

Quant au respect de la loi, nous sommes en mesure de vous assurer que nous avons fait les vérifications nécessaires et qu'au moment où nous nous parlons aucun des deux députés interpellés n'est en infraction à aucune des lois québécoises. Donc, les mesures à prendre, il n'y en a pas, c'est une question futile, elle est avant son temps, et, dans les circonstances, les députés ont agi de bonne foi. Mais il faut se conformer à la procédure rigoureuse qui exige que deux députés attestent de la démission comme telle, à moins que la démission ne survienne du siège du député à l'Assemblée nationale du Québec. Le leader du gouvernement devrait connaître cette procédure, M. le Président, je m'étonne qu'il ne la connaisse pas.

Le Président: Alors, l'article 17 de la Loi sur l'Assemblée nationale est clair: «Le siège d'un député à l'Assemblée devient vacant si le député décède, démissionne, est candidat à une élection fédérale ou à une élection provinciale», etc. Alors, je n'ai pas reçu de lettre de démission...

(14 h 10)

Des voix: Ah!

Le Président: ...qui serait conforme aux exigences, d'une part, et je n'ai pas non plus reçu d'avis qu'un ou l'autre des deux députés de l'Assemblée nationale est actuellement officiellement candidat à une élection fédérale. Dans ce contexte, actuellement je considère que les deux députés en question sont toujours membres de l'Assemblée nationale jusqu'à ce que les dispositions de l'article 17 soient remplies correctement. Par ailleurs, la présidence de l'Assemblée nationale n'a pas à interpréter la loi fédérale sur les élections. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Pour la compréhension de tout le monde qui suit nos débats, je dois comprendre que, donc, on peut être à la fois candidat à une élection fédérale et continuer à recevoir un salaire de député de l'Assemblée nationale. C'est ça?

Le Président: M. le leader du gouvernement, vous savez très bien qu'il y a une différence entre quelqu'un qui annonce qu'il va être candidat et le fait d'être officiellement candidat, c'est-à-dire non seulement de déposer son bulletin de candidature, mais d'avoir un reçu du Directeur général des élections de la circonscription, qui fait en sorte que finalement la candidature est reçue. À ce moment-ci, je crois qu'on devrait...

Des voix: ...

M. Bélanger: M. le Président, est-ce que je dois comprendre encore... Je ne comprends pas au niveau strictement légal, mais, quand on entend les cris d'indignation du chef de l'opposition, est-ce qu'on doit comprendre qu'ils ont eu la consigne de ne pas commencer leur élection fédérale, leur campagne avant, justement, de s'être conformés à cette directive?

Le Président: Écoutez, je crois que vous n'avez pas, à ce moment-ci, à l'Assemblée nationale, à poser des questions à la présidence qui l'ameneraient à intervenir sur un terrain où elle n'a pas à intervenir.

L'article 17 est clair: le siège d'un député devient vacant s'il démissionne, et actuellement j'ai indiqué qu'il n'y avait pas eu de démission conforme aux exigences du règlement. Et je n'ai pas eu non plus d'avis qu'un ou l'autre des membres de l'Assemblée était actuellement candidat à une élection fédérale.

M. Paradis: Est-ce qu'on doit comprendre que le premier ministre va demander un congé sans solde ce soir pour être dans le comté de Saint-Maurice, comme il aurait dû en demander pour être dans les autres comtés?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je voudrais juste faire remarquer au leader de l'opposition que le premier ministre est présent en Chambre et que les deux députés ne le sont pas, eux autres.

Le Président: Alors, nous en arrivons... Sur une question de règlement, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président, comme le règlement interdit à quiconque de souligner l'absence en cette Assemblée d'un membre de l'Assemblée nationale, où est le député de Joliette aujourd'hui? En train de faire campagne pour le fédéral?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, normalement ce genre de questions est juste avant le début de la période de questions, mais, si le leader de l'opposition me pose la question, il me fait plaisir de lui répondre que le ministre des Ressources naturelles est présentement à Laval, en congrès, à l'association des régions d'ailleurs, pour parler de son important livre blanc qu'il vient de déposer. Alors, il travaille, M. le Président.

Le Président: Alors, nous en arrivons maintenant à l'étape du dépôt de rapports de commissions. Il n'y a pas de dépôt je crois aujourd'hui, ni de dépôt de pétitions, pas plus qu'il n'y a d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.


Questions et réponses orales

Ceci nous amène immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Frontenac, en principale.


Destruction de plants de marijuana à Kanesatake en 1995

M. Lefebvre: M. le Président, mardi, à l'étude des crédits de la Sûreté du Québec, nous avons appris de la haute direction de la Sûreté du Québec qu'aucune accusation ne serait portée dans le dossier de la plus grosse opération de culture de marijuana au Québec, à Kanesatake, en juillet 1995.

M. le Président, le Procureur général peut-il nous expliquer pourquoi son substitut ferme ce dossier sans aucune poursuite contre qui que ce soit, alors que tout le monde sait au Québec qu'il y a eu crime et alors aussi que les criminels sont connus par l'ex-ministre de la Sécurité publique, le député de Laval-des-Rapides?

Le Président: M. le ministre de la Justice et Procureur général.

M. Bégin: M. le Président, l'ancien ministre de la Justice et ancien Procureur général doit savoir qu'avant qu'une accusation soit portée il doit y avoir rapport de la part de policiers à l'effet qu'il y a un crime qui a été commis et que la preuve est disponible pour être capable de porter des accusations à l'encontre d'une personne. Aucune telle preuve n'a pu être établie et, en conséquence, aucune plainte n'a été portée à l'égard de qui que ce soit dans ce dossier.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, comment le Procureur général peut-il laisser passer, fermer les yeux sur un crime que tout le monde a vu au Québec? Tout le monde a été témoin de la commission de ce crime-là, crime dont les auteurs ont été identifiés publiquement par l'ex-ministre de la Sécurité publique en conférence de presse, le 29 juillet 1995. Comment le Procureur général peut-il laisser ce crime impuni parce que l'ex-ministre de la Sécurité publique, au lieu de conserver la preuve, a participé à sa destruction, invitant Jean Paré, de L'actualité , à faire le commentaire suivant: «Depuis quand voit-on un ministre détruire les preuves plutôt que les conserver»? Comment le Procureur général peut-il laisser passer une histoire semblable?

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: Je comprends que le député de Frontenac invite tout le monde à laisser pousser les champs de marijuana pour que les gens puissent les récolter...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, les liens nécessaires pour amener une preuve devant les tribunaux ne sont pas disponibles dans ce dossier. En conséquence, il n'est pas question d'amener n'importe qui pour leur faire plaisir devant les tribunaux et les faire acquitter. M. le Président, on va devant les tribunaux lorsqu'on a une preuve; nous ne l'avons pas actuellement. Le lien entre ceux qui ont planté et ceux qui auraient éventuellement fait la récolte, il y avait un état de fait qui était là, ç'a été détruit, mais la preuve n'existe pas, M. le Président. Donc, on ne va pas devant les tribunaux.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le Procureur général réalise que l'ex-ministre de la Sécurité publique, parce qu'il a lui-même détruit la preuve dans ce dossier, pourrait être poursuivi pour entrave à la justice? C'est prévu à l'article 141 du Code criminel du Canada, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: Je pense, M. le Président, qu'il ne s'agit pas, ici, de faire un cours de droit pour savoir si de telles poursuites devaient être intentées, M. le Président. Ceux et celles qui sont chargés de l'application de la loi font leur travail, et il n'y avait rien à faire dans ce dossier, sauf de laisser les choses sur place, en sachant, tout le monde, vous le savez, M. le Président, que les choses avaient été perçues, connues et, en conséquence, personne ne se serait présenté sur les lieux. M. le Président, il n'y a pas de lien entre les personnes et le crime qui aurait pu être commis. En conséquence, il n'y a pas eu et il n'y aura pas de poursuite, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le Procureur général, qui a la responsabilité de faire appliquer les lois au Québec, particulièrement les lois à caractère criminel, réalise, admet que détruire de la preuve ou participer à de la destruction de preuve, ça constitue, en soi, une infraction, ça s'appelle de l'entrave à la justice? Oui ou non, M. le Président? C'est ça, ma question au Procureur général.

(14 h 20)

Le Président: M. le ministre.

M. Bégin: M. le Président, il ne s'agit pas d'admettre quoi que ce soit. Nous sommes devant une situation. Il n'y a pas de preuve que nous pouvons établir pour relier des personnes à un état de fait, et, en conséquence, on ne peut pas poursuivre. Il ne s'agit pas du tout de savoir si quelqu'un a détruit ou n'a pas détruit une preuve illégalement, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Le député de Frontenac fait l'ignorant. Je vais expliquer à la population des choses qu'il connaît, que le député de Frontenac connaît très bien.

Quand on est en présence d'une quantité industrielle de marijuana, la loi prévoit que l'on prend un certificat... qu'on prend des échantillons qu'on fait analyser et qu'on fait remplir un certificat, et cette procédure est prévue à la loi des aliments et drogues et à la loi sur les stupéfiants, et c'est celle que nous avons suivie.

Comprenez aussi, par exemple, que, si un éléphant a été volé dans un zoo, nous ne gardons pas l'éléphant jusqu'au procès, n'est-ce pas, dans une chambre. La même chose s'applique aux quantités industrielles de marijuana. On n'est pas obligé de les garder pendant une éternité. On suit la procédure prévue à la loi sur les stupéfiants, et c'est celle que nous avons suivie après ce temps-là. Donc, personne n'a détruit de preuve autrement que légalement, et ça, vous auriez dû le savoir. Vous faites l'ignorant, mais, en fait, vous êtes de mauvaise foi.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique, qui à l'époque faisait beaucoup plus de télévision que de s'occuper de la Sécurité publique, se souvient d'avoir fait le commentaire suivant le 29 juillet relativement à ce dossier-là, alors qu'il reprochait aux Peacekeepers d'avoir commencé la destruction des plans de marijuana: «L'attitude intelligente est d'observer et d'attendre celui qui vient prendre possession de la drogue»? Après avoir dit ça, deux jours plus tard, M. le Président, en compagnie de membres de la Sûreté du Québec qu'il a entraînés dans son show de télévision, lui-même détruisait ce qu'il restait de champs de pot. Il a détruit la balance des plans de marijuana, alors qu'il avait reproché, deux jours plus tôt, aux Peacekeepers de l'avoir fait, M. le Président.

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: La différence, c'est que nous l'avons fait en suivant la procédure légale prévue à cet effet. Voilà.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, l'ex-ministre de la de la Sécurité publique peut-il me dire c'est quoi, dans le Code criminel, de la destruction de preuves? Ça s'appelle comment, dans le Code criminel, participer partiellement ou totalement à de la destruction de preuves? C'est quoi, dans le Code criminel, comme infraction, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Dites-moi encore pourquoi quelqu'un qui a été procureur général feint encore l'ignorance? Si c'est fait de façon illégale, c'est une entrave à la justice. Si c'est fait de façon légale, ça ne constitue pas un crime, mais l'obligation d'un devoir. Et c'est ce que nous avons fait.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que l'ex-ministre de la Sécurité publique peut me dire sous son serment de qui il parlait, le 29 juillet, lorsqu'il disait en conférence de presse: La culture des plants de marijuana à Kanesatake est la responsabilité d'un réseau composé de cinq trafiquants, dont un Blanc et 13 jeunes armés? Vrai ou faux? Est-ce que le ministre de la Sécurité publique, à ce moment-là – et encore aujourd'hui, nécessairement – connaissait le nom des trafiquants?

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Les informations que je donnais sont les informations que me communiquait la police. Et vous devriez savoir, comme ancien Procureur général – mais, en fait, je sais encore que vous le savez et que vous faites l'ignorant, montrant ainsi votre mauvaise foi, n'est-ce pas – qu'il y a deux choses entre savoir et pouvoir prouver hors de tout doute raisonnable ce que l'on sait. Mais c'est justement pourquoi nous avons des forces de police que nous entraînons et que nous formons. C'est justement pour non seulement trouver les criminels, mais amener devant les tribunaux une preuve hors de tout doute raisonnable. Et il y a une marge entre les deux. Vous le savez, vous faites encore semblant que vous ne le savez pas pour des raisons démagogiques qui vous...

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, comment l'ex-ministre de la Sécurité publique peut-il concilier la réponse qu'il vient de me donner, à savoir: On n'avait que des doutes, on ne le savait pas, comment peut-il concilier cette réponse-là avec une conférence de presse? Pourquoi avoir fait une conférence de presse le 29 juillet? Pourquoi avoir créé le doute dans la communauté autochtone? Pourquoi avoir fait un show encore une fois médiatique suivi d'un autre spectacle de télévision, sinon parce qu'on avait des preuves? Et, si je me trompe, c'est que le ministre de la Sécurité publique d'alors a eu une conduite absolument irresponsable et inqualifiable.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Alors, après avoir fait l'ignorant, le député de Roberval fait le sourd.

Des voix: Pas Roberval, Frontenac.

M. Ménard: Le député de Frontenac, pardon, fait le sourd. J'ai dit que j'ai donné les informations que les policiers m'avaient données.

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: J'ai dit que j'avais donné les informations que les policiers m'avaient fournies alors. Mais je sais très bien qu'il y a une différence entre connaître l'auteur d'un crime et disposer contre lui d'une preuve hors de tout doute raisonnable. Et, s'il n'y a pas eu d'accusation, c'est parce que les policiers n'ont pas pu présenter au substitut du Procureur général une preuve qu'eux auraient qualifiée de «hors de tout doute raisonnable», ce qui ne m'étonne pas, parce que, effectivement, à partir du moment où on a dit où était la marijuana, je ne vois pas les auteurs, n'est-ce pas – publicisé comme ça l'était – allant la chercher eux-mêmes pour se faire cueillir et se faire emmener en prison. Donc, il n'y avait plus qu'une chose à faire, à ce moment-là, c'était d'aller la chercher pour empêcher que d'autres personnes aillent la chercher, tout un chacun, comme ça a commencé à se faire certainement dans la communauté qui entourait ces plantations.

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, je veux savoir de l'ex-ministre de la Sécurité publique: Qu'est-ce qui le motivait? Pour quelle raison a-t-il, en conférence de presse, le 29 juillet 1995, donné l'information suivante au grand public et aux présumés criminels: «Le ministre de la Sécurité publique a révélé hier que le réseau de trafiquants de drogue à Kanesatake comptait 18 personnes. Cinq trafiquants dont un Blanc dirigent ce réseau – c'est lui qui parle, M. le Président – tandis que 13 jeunes armés protègent les 250 000 à 300 000 plants de marijuana répartis sur sept à huit champs cultivés.»? Pourquoi le ministre a-t-il rendu ces renseignements-là7 publics s'il n'avait pas de preuve?

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Je ne me souviens pas des détails de cette conférence de presse. Les chiffres que vous citez...

Des voix: ...

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Je n'ai pas lu ça hier, mais je voudrais bien savoir d'où vous les sortez. Et je remarque aussi qu'il n'y a aucun nom qui est dit là. Donc, je décrivais une situation qui était celle que m'expliquaient les policiers et qui nous justifiait d'intervenir. Et allez-vous prétendre aujourd'hui que nous n'étions pas justifiés d'intervenir et que nous aurions dû laisser les champs de marijuana comme ça, ouverts à tout le monde, sachant que ceux qui les avaient plantés dans l'espoir d'en faire un profit n'iraient jamais les chercher? Voyons donc! L'attitude irresponsable, ça aurait été de les laisser sur place. L'attitude responsable, c'était d'y aller et de disposer de la preuve selon la loi, ce que nous avons fait.

(14 h 30)

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Lefebvre: M. le Président, dernière question, le député de Laval-des-Rapides ne répond pas à la question.

Le Président: Question, M. le député.

M. Lefebvre: Pourquoi le ministre de la Sécurité publique a-t-il jugé utile, nécessaire d'étaler – je n'ai jamais vu ça, moi – au grand public l'essentiel de la preuve qu'il détenait avec ses policiers de la sécurité publique? Pour quelle raison, M. le Président, a-t-il rendu public l'essentiel de sa preuve? C'était quoi, son objectif?

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Mais ce n'est pas ce que nous avons fait. J'ai exposé la situation qui justifiait une intervention exceptionnelle, dans un contexte extrêmement difficile d'ailleurs, et que je voulais faire de la façon la plus pacifique dans un contexte qui pouvait être très dangereux. Je pense que ça devait faire partie de l'ensemble de faits sur lesquels nous avons basé cette décision.

Encore une fois, j'espère que vous allez reconnaître tout à l'heure que vous faisiez le démagogue en feignant l'ignorance. Vous saviez très bien pourquoi nous avions détruit la preuve et que nous l'avions fait légalement. Pourquoi prétendiez-vous dans cette Chambre que nous avions agi illégalement et que je me serais rendu coupable, moi, d'entrave à la justice en détruisant la preuve, alors que tout a été fait légalement? Quel genre d'accusation portez-vous? Vous feignez quoi, vous, là, actuellement? Vous n'avez jamais vu des preuves détruites légalement, dans votre carrière? Alors, pourquoi feignez-vous d'être scandalisé?

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le ministre de la Sécurité publique de l'époque réalise qu'il a été victime de sa propre manoeuvre, de sa propension à vouloir passer à la télévision? Il aimait ça, et c'est ce qui l'a amené à faire le commentaire suivant, et je le cite, M. le Président: «M. Ménard – l'ex-ministre de la Sécurité publique – a indiqué – c'est lui qui parle – qu'il était désormais peu probable de procéder à des arrestations, puisque l'affaire était désormais rendue publique et que les criminels se savaient observés.» C'est lui qui a dit ça et c'est lui qui a rendu la moitié des informations publiques dans une conférence de presse, et subséquemment – ce n'était pas suffisant – il est allé détruire la preuve. C'était ça qu'on avait, M. le Président, à la tête du ministère de la Sécurité publique au Québec.

Le Président: M. le ministre.

M. Ménard: Alors, M. le Président, je pense que vous pouvez apprécier la conduite du député de Frontenac qui...

Le Président: Je voudrais indiquer que ça fait la deuxième journée qu'on commence à prendre une tendance qui commence à être dangereuse, c'est-à-dire de revenir à des vieilles habitudes qui faisaient que l'Assemblée n'est pas particulièrement valorisée dans notre société. Alors, que le débat se fasse vigoureusement, mais que ceux qui n'ont pas la parole respectent l'article du décorum de l'Assemblée. Il y a un intervenant à la fois; à ce moment-ci, c'est l'ancien ministre de la Sécurité publique.

M. Ménard: Je trouve encore scandaleux que le député de Frontenac, M. le Président, continue à maintenir que j'ai détruit de la preuve sans ajouter les mots «selon la procédure légale prévue à cet effet» ou le mot «légalement», maintenant qu'il est informé de cela et que, d'ailleurs, il le savait. D'ailleurs, je l'ai fait avec des policiers qui m'accompagnaient et des officiers. Donc, vous le saviez, et là vous voulez laisser prétendre que j'ai détruit de la preuve et que j'ai commis un acte criminel. Comment qualifiez-vous une attitude semblable, M. le député de Frontenac? Moi, j'ai un mot pour ça; j'en ai même plusieurs et beaucoup d'autres aussi.

Le Président: M. le député d'Argenteuil, en principale.

M. Beaudet: Oui. M. le Président, on va laisser un répit au ministre d'État à la Métropole.


Application du décret de la construction aux travailleurs de l'industrie du câblage informatique

Le 16 novembre 1996, en réponse à une question de l'opposition sur l'intention du gouvernement d'assujettir l'industrie du câblage informatique aux lois et règles de l'industrie de la construction, le premier ministre du Québec nous confirmait les engagements pris lors du Sommet quant à la déréglementation et affirmait qu'il y aurait des études d'impact pour tout règlement nouveau qui sera adopté à cet égard.

Le 17 avril dernier, M. le Président, le ministre du Travail, en réponse à une question sur le même sujet, affirmait que sa décision n'était pas encore prise là-dessus. Le ministre a été incapable alors de nous dire si oui ou non cet élargissement du champ d'application par voie judiciaire ferait l'objet d'une consultation du Secrétariat à la déréglementation. Maintenant, M. le Président, six mois plus tard, toujours rien de la part du ministre du Travail, et l'industrie du câblage informatique s'inquiète. Elle s'inquiète, M. le Président.

Est-ce que le ministre du Travail a l'intention, oui ou non, d'assujettir l'industrie du câblage informatique au domaine de la construction?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président, je pensais que le député d'Argenteuil profiterait du 1er mai pour féliciter le ministère du Travail et l'équipe pour avoir réglé à peu près 90 % de l'industrie de la construction. Je pensais que ça serait ça. Du jamais vu au Québec, M. le Président, du jamais vu au Québec. Je pensais que le nouveau critique de l'opposition serait sensible à cette réalité-là. Cependant, en ce qui a trait à sa question précise, oui, il est vrai que les systèmes d'alarme ont été assujettis et il est vrai aussi que la Fédération des électriciens s'intéresse à la question – et ils sont venus me rencontrer – à savoir si nous allions assujettir d'autres technologies pour qu'elles puissent être régies par cette réglementation-là. La décision n'est pas prise; on est en train d'examiner la question, mais on n'agira pas à l'aveuglette là-dedans, vous pouvez m'en croire, M. le Président. On n'ira pas improviser, comme l'aimerait le député d'Argenteuil.

Le Président: M. le député.

M. Beaudet: M. le Président, est-ce que le ministre du Travail sait que j'aimerais beaucoup mieux féliciter les travailleurs et les travailleuses du Québec aujourd'hui que de féliciter le ministre? Et en même temps est-ce qu'il peut me confirmer si le Secrétariat à la déréglementation a été saisi de ce problème?

Le Président: M. le ministre.

M. Rioux: À ce moment-ci, M. le Président, nous sommes en train, au ministère du Travail, d'examiner l'ensemble de la question, et ça sera soumis au Secrétariat à la déréglementation le moment venu.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, au premier ministre, avec qui on a échangé là-dessus hier après-midi, à l'étude des crédits. Est-ce que le premier ministre, qui est responsable du Secrétariat à la déréglementation, est disposé à nous indiquer aujourd'hui si en gros il trouve que c'est une bonne idée d'assujettir de plus en plus de métiers – notamment dans les nouvelles technologies – au décret de la construction, à fixer leurs conditions de travail et à faire en sorte qu'on donne un monopole syndical, à toutes fins pratiques, à des pans complets de l'industrie dans lesquels il n'y a plus de concurrence, alors que ces industries ne sont pas, je dirais, composées de quelques grandes entreprises mais de nombreux entrepreneurs spécialisés qui sont en concurrence pour le plus grand bénéfice et de la recherche et du développement et du développement de ces produits et de toute la clientèle?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, puisque la question est posée en gros, je répondrai en gros que non. Non, ce n'est pas une bonne idée.

(14 h 40)

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Oui. Est-ce que cette Assemblée pourrait savoir du ministre du Travail s'il a compris le message, cette fois-ci?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, la politique du gouvernement entérinée par un consensus au Sommet économique, c'est de regarder toutes les possibilités de déréglementer et non pas de réglementer autre chose.

Le Président: M. le député de Viau, en principale.


Recommandations du comité Gélineau en matière de transplantation d'organes

M. Cusano: Merci, M. le Président. Encore une fois, le ministre de la Santé semble plus préoccupé par son poste d'adjoint au président du Conseil du trésor que de s'occuper de la santé de nos concitoyens. Le comité qu'il a lui-même institué pour étudier le déclin des transplantations au Québec vient de lui dire que c'est lui, lui-même, le problème principal dans ce domaine. Le président de ce comité, M. Gélineau, fait une première recommandation. Cette recommandation est la suivante: Que chaque centre hospitalier devrait avoir un comité de transplantation. M. le Président, j'aimerais vous indiquer que cette recommandation se trouve presque mot à mot à l'article 204.1 de la loi que le ministre a l'obligation de faire respecter.

Est-ce que le ministre pourrait nous dire quelles sont les raisons pour lesquelles il ne prend pas les mesures nécessaires pour faire respecter l'article 204.1?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, la loi en question a été votée en 1992, je pense, si ma mémoire est bonne, et l'article en question, si mon souvenir est bon, dit que chaque centre hospitalier doit avoir une personne qui est identifiée – pas un comité; on parle de deux choses – comme étant responsable d'identifier toutes les situations qui pourraient permettre qu'un organe soit disponible pour une transplantation.

Cet article, à ma connaissance, n'a à peu près jamais été respecté de façon rigoureuse par aucun établissement, jamais, et c'est probablement pour des raisons qui étaient les mêmes que celles auxquelles a fait face mon prédécesseur de l'ancien gouvernement, qui n'a pas réussi, lui non plus, à faire appliquer la loi. C'est pour ces raisons-là que j'en suis venu à la décision de mettre sur pied un comité technique de travail pour aller au fond des choses et s'assurer qu'on aura un système de transplantation au Québec qui sera beaucoup mieux articulé, qui sera beaucoup plus efficace.

La recommandation à laquelle fait référence le député de Viau est un premier rapport pour consultation de la part du comité. Et le comité vient de commencer, il y a une semaine ou deux, une consultation avec tous ceux qui sont impliqués dans le domaine de la transplantation pour nous dire justement pourquoi, malgré les lois qu'on avait, on a un système qui n'a pas fonctionné de façon aussi performante et ce qu'on pourrait faire pour l'améliorer.

Alors, on a identifié le problème. On n'a pas continué à attendre, à laisser la situation comme elle était là, par exemple. Et, dès que j'aurai, vers les mois de juin, juillet, les recommandations du comité, je peux assurer cette Chambre qu'on va procéder dans les meilleurs délais pour corriger et améliorer la situation, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Cusano: M. le Président, le ministre est-il au courant qu'avant qu'il arrive au ministère l'article 204.1 a été appliqué au Québec dans une dizaine d'hôpitaux par son prédécesseur libéral?

Deuxièmement, est-ce que le ministre réalise que la deuxième recommandation du comité de M. Gélineau sur les transplantations au Québec, elle aussi, se trouve mot pour mot dans le projet de loi 197 qui a été adopté à l'unanimité de cette Assemblée nationale en son absence, parce qu'il n'avait pas le courage d'être ici, M. le Président.

Des voix: ...

Le Président: M. le député, je vous demanderais de trouver un langage qui fasse en sorte que la question puisse être posée sans nécessairement soulever un débat inutile.

M. Cusano: M. le Président, le vote a été enregistré. Vous remarquerez que le ministre était absent.

Le Président: Mais, M. le député, il y a une différence entre faire état d'un fait et prêter des intentions à partir d'un fait.

M. Cusano: Alors, M. le Président, ce que je dis, la question au ministre, c'est que, puisque la deuxième recommandation de ce comité... Le comité a étudié l'ensemble et apporte deux recommandations, la deuxième étant justement de permettre...

M. Bélanger: M. le Président, question de règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Ces questions ont été posées. Là, il est en train de recommencer sa question. Laissons au ministre le soin de répondre, et, à ce moment-là, il pourra en reposer une autre.

Le Président: À ce moment-ci, M. le député de Viau, le temps que vous aviez pour poser la question est écoulé. Je pense qu'à ce moment-ci on va laisser le ministre de la Santé et des Services sociaux répondre à la question.

M. Cusano: Question principale.

Le Président: Non. La question a été posée. D'abord, il y aura une réponse, et, si vous voulez venir en principale, vous pourrez le faire par la suite. M. le ministre.

M. Rochon: À travers tout le reste, là, ce n'est pas évident, ce qu'était le but de la question. Écoutez, M. le Président, moi, là, je comprends très bien que le député de Viau a particulièrement à coeur tout ce qui regarde les transplantations. Je le sais. On a déjà eu l'occasion d'en parler, et je le sais très bien. Mais je ne vois pas ce qu'il cherche, parce qu'il avait lui-même soulevé, il y a moins d'un an de ça, des problèmes avec des situations où on suspectait peut-être que notre système n'était pas vraiment performant. On a examiné la situation à la suite de questions qui avaient été soulevées par le député de Viau, puis on a réalisé qu'effectivement c'était une situation qui pouvait être améliorée, que, par exemple, l'article de la loi qui demande aux établissements d'avoir une personne responsable, c'était appliqué, mais plus ou moins, que ce n'était pas vraiment suivi.

On a su à travers tout le Canada, quand il y a eu la Semaine des dons d'organes il y a quelques mois, qu'à travers tout le pays il y a des améliorations qui peuvent être apportées, parce que les gens seraient disponibles à offrir plus, de ce côté-là, que ce pour quoi on est organisé pour pouvoir réaliser de façon efficace... C'est à la suite de points soulevés par le député qu'on a décidé d'approfondir la question. Il y a un comité technique sur pied qui vient de produire un document préliminaire, sur la base effectivement de nos lois, de nos règlements, de ce qui a été fait jusqu'ici, qui est en consultation pour les prochaines semaines et qui va nous faire des recommandations pour s'assurer qu'on puisse effectivement améliorer la situation. Alors, je suis bien prêt à donner plus d'informations, là, mais j'aimerais être capable de comprendre un peu ce que le député de Viau cherche, M. le Président.

Le Président: M. le député de Viau, je vous suggère d'aller en additionnelle sur le même sujet, parce que autrement je donnerais la quatrième principale au député de Rivière-du-Loup, comme je l'ai indiqué.

M. Cusano: ...va me la céder. M. le Président, est-ce que le ministre peut réaliser que la recommandation qui est faite par M. Gélineau, du comité qu'il a lui-même institué, se trouve mot à mot dans le projet de loi 197 qui a été adopté ici par l'Assemblée nationale et que, pour une raison qu'on ne connaît pas, puisqu'on a adopté le principe – l'ensemble des députés ont adopté le principe – on refuse, de l'autre côté – un clan de ministres – d'en arriver à l'étape de l'adoption de ce projet de loi qui répondrait aux besoins et aux inquiétudes des personnes qui sont en attente d'une transplantation? C'est ça que je veux. «C'est-u» clair, ça?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Je pense que je commence à comprendre ce qu'il veut dire, mais il ne le dit pas clairement. M. le Président, le projet de loi auquel fait référence le député, je pense que c'est le projet de loi qu'il a présenté – est-ce que c'est de ça qu'on parle? – et qui demandait qu'on exige par une loi que sur les permis de conduire les gens puissent autoriser un prélèvement d'organe.

Est-ce que je peux me permettre de poser une question pour comprendre la question, M. le Président?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bien, écoutez, là, on ne veux pas que ça... Ha, ha, ha!

(14 h 50)

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je pense que...

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le ministre, je vous invite à aller selon vos intuitions plutôt que de poser une question au député de l'opposition.

M. Rochon: Ça va peut-être être plus clair comme ça, effectivement.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Si mon hypothèse est bonne, ce projet de loi demandait que, par une loi, on exige que les gens puissent avoir un permis de conduire où ils puissent signer si, oui ou non, ils autorisent un don d'organes, ce qui a déjà existé sur notre permis de conduire et qui a été enlevé quand on a modifié la façon de préparer le permis de conduire.

Ce que j'ai dit souvent en cette Chambre, ce que j'ai redit lors de l'étude des crédits: Vérification faite, on nous a confirmé que ce qui a été enlevé par voie purement administrative peut être restauré par voie administrative et qu'à la fin de cette année, dans l'émission des permis de conduire, il y aura une possibilité de revenir à une formule, à une approche où on pourra avoir une autorisation écrite sur le permis de conduire.

En plus, les modifications qu'on prévoit à la carte-santé, qui sera une carte à microprocesseur, vont prévoir que, dans le dossier et dans les accès des autorisations données par un patient, on aura aussi de façon beaucoup plus sécure l'accès à l'autorisation que quelqu'un a donnée. Alors, ce que j'ai dit: On est tellement d'accord qu'on n'a même pas besoin de passer une loi et qu'on va corriger administrativement ce qui a été défait administrativement, M. le Président. Pourquoi rendre compliqué ce qui peut être simple?

Le Président: En complémentaire, M. le député de Brome-Missisquoi.

M. Paradis: Est-ce que le ministre va admettre que ce qui est compliqué, c'est que son plan, c'est un échec? Et ce n'est pas de l'année passée, c'est de cette année que l'Assemblée nationale a voté unanimement le projet de loi n° 190 déposé par le député de Viau, qui a à coeur ce sujet.

Est-ce que le leader du gouvernement va accepter de modifier – parce que c'est tout ce qui manque pour que, pour les gens qui ont besoin de transplantation, ça puisse fonctionner, parce que c'est ça qui choque le ministre – de changer le nom sur le projet de loi – le député de Viau est d'accord – parce que ce n'est pas le nom du député de Charlesbourg qui est dessus, et qu'on l'adopte unanimement d'ici la fin de la session, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je voudrais juste rappeler au leader le l'opposition que c'est le principe qui a été adopté et non pas le projet de loi qui a été adopté. Et de nombreux principes ont déjà été adoptés par l'opposition et par la suite bloqués au niveau de l'adoption, au niveau du travail, au niveau des commissions parlementaires. Donc, le principe, c'est quelque chose, M. le Président, l'adoption du projet de loi comme tel, c'est une autre chose. Et je crois que le ministre a très bien répondu à l'effet qu'une loi, quant à l'avis du ministre, n'est pas nécessaire, que ça peut être fait d'une façon administrative. Et la réponse du ministre, je crois, est très claire à cet effet-là, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce que je peux comprendre et est-ce qu'on doit comprendre de la réponse du leader du gouvernement qu'un projet de loi qui a été adopté unanimement au niveau du principe par l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale du Québec n'a pas été appelé depuis un an, un projet de loi qui touche dans ce qu'il y a de plus essentiel la vie d'êtres humains au Québec, ceux qui attendent des transplantations, parce que le député de Charlesbourg n'aime pas que ce soit le nom du député de Viau qui apparaisse comme parrain du projet de loi?

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle, je pense qu'à ce moment-ci je voudrais rappeler l'article 35.6°. Il est interdit d'«imputer des motifs indignes à un député ou de refuser d'accepter sa parole». Et, dans ce contexte-ci, je pense que vous pouvez très bien poser votre question sans nécessairement prêter des motifs au ministre. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Au-delà des procès d'intention qui ne reposent sur rien... Et j'aurais bien aimé voir à quel article de La Presse on faisait référence. On le montre vite, là, parce que... Est-ce qu'on peut savoir ce que l'entête dit? On dit que...

Une voix: ...

M. Rochon: ... – voilà, c'est ce que je pensais – «Québec-Transplant s'avère un échec». Ça, ce que ça veut dire, M. le Président...

Une voix: Ça ne marche pas!

M. Rochon: ...c'est que ça ne marche pas.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Rochon: Québec-Transplant, c'est le système de qui? Ce n'est pas le système du ministre du gouvernement actuel, c'est le système qui est en place depuis une vingtaine d'années. Et ça montre très bien qu'au-delà d'une signature sur un permis de conduire il y a pas mal d'autres raisons qui font que ça ne va pas aussi bien que ça pourrait aller. Et, au lieu d'en être sur un processus et de faire croire à la population qu'on a passé une loi, qu'on a fait une petite chose et que ça va être corrigé, et que ça ne dépend pas de nous autres si ça ne marche pas, on va au fond des choses.

Et le système qu'ils ont mis en place, qui ne marche plus aussi bien qu'il a déjà marché, va marcher mieux parce qu'un comité va aller au fond des choses et on va apporter des changements, pas un seul changement, mais tous les changements qu'il faut, y compris celui qui a été suggéré par le député de Viau. Par façon administrative, on va peut-être le faire de façon pas mal plus simple que de la façon dont il nous proposait de le faire. On n'en est pas sur les processus, mais sur les résultats, M. le Président.

Le Président: M. le député de Viau, à ce moment-ci, compte tenu du temps, je m'excuse, mais je dois aussi...

M. Cusano: Une additionnelle, s'il vous plaît. M. le Président, j'ai le droit à une additionnelle.

Le Président: Je voudrais vous rappeler les responsabilités du président, M. le député de Viau. Le président, bien sûr, n'a pas à intervenir dans le choix des questions ou la stratégie, sauf qu'il doit aussi protéger l'ensemble des membres de l'Assemblée et, en l'occurrence, le député de Rivière-du-Loup. Si je permets que le débat se continue, il reste à peine quelques minutes, il n'aura pas la possibilité d'intervenir aujourd'hui, alors qu'il a signifié qu'il voulait le faire et que je lui avais indiqué qu'il pourrait le faire. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour insister sur deux points. La réponse du ministre de la Santé a mis en cause le député de Viau, et le sujet qui est traité est un sujet qui touche profondément les personnes dont la vie dépend des décisions qui seront prises par le gouvernement.

Le Président: Je suis très conscient de ces remarques que vous venez de faire, en fait, des précisions, du contenu de ce que vous venez d'indiquer, M. le leader de l'opposition, mais néanmoins je pense qu'à ce moment-ci je vais permettre au député de Rivière-du-Loup, à moins, parce que je viens d'entendre... Le président a une bonne approche périphérique. Alors, s'il y a effectivement consentement pour permettre au député de Viau de poser une additionnelle sans pénaliser le député de Rivière-du-Loup, à ce moment-là, je vais le permettre. Alors, une dernière question complémentaire du député de Viau.

M. Cusano: M. le Président, dois-je comprendre que le ministre de la Santé n'a rien compris dans le problème de transplantation. Alors, j'adresse ma question au premier ministre. Il y a quelques gens ici, dans cette Chambre, M. le Président, qui ont subi des interventions chirurgicales très spécialisées, entre autres le premier ministre et moi-même. Je demande au premier ministre de parler à son ministre de la Santé et de s'assurer que des transplantations commencent...

Le Président: M. le député de Viau, je comprends et je pense que tous les membres de l'Assemblée comprennent l'intérêt particulier que vous portez à cette question et, à cause de l'émotion que ça peut susciter chez vous, la difficulté que vous pouvez peut-être avoir, à un moment donné, à faire en sorte que la question soit formulée comme elle doit l'être. Par ailleurs, vous comprendrez que la présidence ne peut pas vous permettre de poser une question qui n'est pas une question. Alors, si vous voulez poser une question complémentaire, allez-y, mais dans les formes, s'il vous plaît.

M. Cusano: Est-ce que le premier ministre pourrait nous assurer qu'il va parler à son ministre de la Santé pour lui dire qu'il y a des gens qui sont en attente d'une transplantation et qui vont décéder d'ici la fin de l'année à cause de l'inaction de son ministre, M. le Président? Est-ce que le premier ministre va dire au ministre de la Santé qu'il n'a pas appliqué l'article 204 de la loi qu'il est responsable d'appliquer, M. le Président? Je lui demande au nom des personnes qui vont être transplantées. Je l'ai été déjà, je n'en ai pas besoin d'une autre. Ce n'est pas pour moi que je demande ça, c'est pour les gens qui sont en attente, M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, à l'instar du ministre, je reconnais l'intérêt tout à fait authentique que porte le député à cette question et je voudrais lui dire que je partage également sa préoccupation, de même que toute la Chambre, j'en suis convaincu. Je pense que l'une des personnes qui est la mieux placée pour donner suite à cette préoccupation de la Chambre, c'est notre ministre de la Santé et des Services sociaux, qui nous a dit qu'il travaillait activement sur le dossier, qu'il était en train de préparer une réforme fondamentale qui va améliorer radicalement la situation actuelle.

(15 heures)

Le Président: M. le député de Rivière-du-Loup, vous avez la possibilité de poser votre question et éventuellement une complémentaire.


Subvention accordée à l'entreprise française Ubi Soft

M. Dumont: Merci, M. le Président. Le vice-premier ministre annonçait il y a deux semaines ce qui devrait être en soi une bonne nouvelle, la décision de l'entreprise française Ubi Soft de s'établir au Québec. Il annonçait du même coup, cependant, un nouveau crédit d'impôt remboursable, nouvelle formule, une subvention qui pourrait aller jusqu'à 22 000 000 $ pour l'entreprise en question. On a appris dans les jours qui ont suivi que le gouvernement avait posé ce geste sans aucune consultation avec les représentants de l'industrie locale. Pourtant, il y a déjà 3 000 emplois dans ce domaine-là au Québec et plusieurs dizaines, même des centaines, de petites entreprises, largement des entreprises de moins de 10 employés, quelques plus grandes, dont la réaction négative n'était pas contre l'arrivée d'un nouveau joueur qui peut amener de l'activité, mais davantage contre la façon dont le gouvernement a traité une entreprise étrangère par rapport à la façon dont elles-mêmes se sont senties ignorées.

Alors, ma question à la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce: Est-ce que la ministre peut nous dire d'abord si elle a eu des avis de son ministère, du ministère de l'Industrie, du Commerce, de la Science et de la Technologie, des avis du Secrétariat de l'autoroute de l'information? Serait-il vrai qu'elle a eu des avis défavorables? Et est-ce qu'elle peut nous expliquer s'il s'agit d'une décision d'affaires ou simplement d'une décision d'image politique?

Le Président: Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.

Mme Dionne-Marsolais: Merci, M. le Président. Je remercie le député de Rivière-du-Loup de me donner l'occasion de répondre à cette question-là, parce que je pense que, au moment où nous avons rencontré cette société et au moment où le vice-premier ministre a annoncé les mesures du budget pour le développement du secteur des technologies de l'information, il a bien indiqué que toutes ces mesures étaient disponibles pour toute l'industrie du multimédia. Je souhaiterais que tous les députés dans cette Chambre se réjouissent de cette décision-là, tout comme l'a fait un auteur, André Beaulieu-Green, dans Le Devoir aujourd'hui, qui indique qu'il est important de se réjouir de cette décision-là, et je cite: «Si le Québec peut être fier de plusieurs réalisations, il faut reconnaître que l'industrie du jeu interactif y est encore à peine développée, et l'effet d'entraînement de l'investissement d'Ubi Soft au Québec est un effet qui va consolider l'industrie du multimédia pour lequel on devrait tous se réjouir, et en particulier dans la grande région de Montréal.»

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Dumont: Est-ce que la ministre peut nous expliquer pourquoi, au moment d'offrir des subventions payées par les payeurs de taxes québécois à une entreprise étrangère, on n'a pas exigé de cette entreprise-là qu'elle doive faire affaire avec des partenaires québécois? Pourquoi on n'a pas exigé qu'il y ait des garanties d'interaction avec des partenaires québécois? Est-ce que le Parti québécois pourrait apprendre de l'expérience d'Hyundai et éviter de prendre des risques?

Puis, deuxièmement, est-ce qu'elle pourrait, si elle a un plan d'affaires, nous déposer le plan d'affaires qui nous démontre comment on va arriver aux 800 emplois annoncés par le vice-premier ministre, alors que tous les leaders mondiaux dans ce domaine-là, les plus grandes entreprises sur la planète présentement dans ce domaine-là, sont des entreprises de 400 à 500 emplois?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, d'abord le programme que nous avons annoncé est un programme universel. Il est offert à toutes les entreprises. Lors d'un dernier passage à Paris il y a exactement deux semaines, j'ai rencontré les dirigeants d'Ubi Soft, j'ai visité leurs installations et je les ai invités à rencontrer des partenaires potentiels québécois, ce à quoi ils ont acquiescé. Je suis persuadée que leur investissement aura un effet de consolidation de cette industrie et je pense que c'est dans l'intérêt des jeunes en particulier.

Le Président: Alors, sur cette réponse, nous terminons la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées ni de votes reportés.


Motions sans préavis

Nous en arrivons à l'étape des motions sans préavis, et je voudrais inviter les membres de l'Assemblée à réaliser que l'étape des motions sans préavis, même si certains pensent qu'elle n'est pas très importante... C'est des motions qui sont votées et c'est une prise de position publique de l'Assemblée. Alors, que tous ceux qui doivent quitter l'enceinte le fassent pour permettre à leurs collègues de pouvoir présenter les motions correctement. Alors, à ce moment-ci, M. le ministre du Travail.


Souligner la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs

M. Rioux: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne la Journée internationale des travailleuses et des travailleurs et, de façon particulière, souligne la contribution majeure de toutes les Québécoises et de tous les Québécois qui, par leur effort, leur dynamisme et leur esprit innovateur, continuent d'assurer dignement le développement social et économique du Québec d'aujourd'hui et de demain.»

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? On m'indique un intervenant de chaque côté. Alors, M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, c'est avec beaucoup de respect et même d'admiration pour nos concitoyennes et nos concitoyens que je présente cette motion aujourd'hui. Depuis quelque temps, nous avons pris l'habitude de célébrer cette journée du 1er mai comme la fête des travailleurs et des travailleuses. Et ce n'est un secret pour personne, l'origine de cette fête prend tout son sens dans la journée du 1er mai 1886, il y a à peine 100 ans.

C'est au jour du 1er mai 1886 que plus de 200 000 ouvriers et ouvrières américains participèrent à une première grève générale à l'échelle nationale aux États-Unis. Pour obtenir quoi? La journée de huit heures. En 1886, il s'agissait, M. le Président, pour les travailleurs et les travailleuses de l'époque, de se libérer des conditions de travail inacceptables qui relevaient plus de l'esclavage que de la convention collective librement négociée.

Aujourd'hui, une époque où une nouvelle structure naissante du marché du travail ne permet toujours pas de créer tous les emplois que nous souhaiterions créer, l'expression «fête des travailleurs et des travailleuses» revêt pour nous un nouveau sens aujourd'hui. Ce n'est pas tant le mot «fête» qui change de sens, même si certaines réalités du monde du travail d'aujourd'hui ne sont pas faciles; je crois qu'il est nécessaire, voire tout à fait normal, qu'on fasse en sorte de consacrer une journée pour souligner l'apport de nos travailleurs et de nos travailleuses du Québec. Non, M. le Président, ce n'est pas le mot «fête» qui change de sens, ce sont les termes «travailleurs» et «travailleuses» qui recouvrent aujourd'hui une toute nouvelle réalité.

M. le Président, il faut quand même convenir que le terme «travailleur» ne renvoit plus à la catégorie monolithique marquée du sceau du travail salarié à temps plein. Si presque tout le XXe siècle a été marqué du sceau du salariat, il en va tout autrement à l'aube du prochain millénaire.

M. le Président, depuis les 20 dernières années, l'essentiel des emplois créés au Québec et ailleurs ont été des emplois atypiques, en l'occurrence des emplois à temps partiel et des emplois autonomes. Ces deux formes d'emplois ont à elles seules monopolisé le trois quart du solde net des emplois créés depuis 1976. Non seulement assistons-nous aujourd'hui à une recrudescence de nouvelles formes d'emplois, le plus souvent caractérisés par la précarité, mais aussi à une pluralité de statuts d'emplois, où une personne peut, dans une même année, passer d'une forme d'emploi à une autre, et cela, à plusieurs reprises au cours de l'ensemble de sa vie active.

M. le Président, devant cette évolution de l'emploi, une évolution récente mais probablement irréversible, vers des formes mixtes qui s'éloignent constamment de la notion usuelle d'un emploi permanent, salarié à temps plein et assorti d'un régime d'avantages sociaux, devant cette évolution, donc, le gouvernement du Québec devra, et à très court terme, réagir. Il devra réagir non pas pour bloquer cette évolution, mais bien pour la rendre compatible avec un développement économique et social respectueux des principes d'équité et de justice qui ont fait du Québec l'une des plus belles démocraties du monde.

Déjà, les modifications à la Loi sur les normes du travail, qui font graduellement passer la semaine de travail de 44 à 40 heures et qui prolongent les congés parentaux, tiennent compte d'un ensemble de travailleurs et de travailleuses qui ne sont pas syndiqués, mais ici il reste tous les autres. Tous en cette Chambre, nous ne sommes pas sans savoir que nos régimes d'avantages sociaux privés comme publics, nos programmes sociaux, nos lois du travail en font un système de protection sociale qui s'est essentiellement construit autour du salariat et des conditions de travail que l'on connaît généralement au Québec. Or, le nombre de ce type d'emplois tend à diminuer. Il faut absolument éviter que se crée une nouvelle classe de travailleurs et de travailleuses, une classe de gens dont notre filet de sécurité sociale laisserait pour compte, alors qu'il s'agit de citoyens à part entière.

(15 h 10)

Aujourd'hui, 1er mai, au nom d'une saine et nécessaire solidarité, nous nous devons également de penser à tous ceux et celles qui sont à la recherche d'un emploi et qui souhaitent ardemment vivre dans la dignité et apporter leur contribution personnelle au développement social et économique du Québec. Par ailleurs, les travailleurs et les travailleuses qui exercent des emplois non traditionnels ou atypiques sont tout autant partie prenante que tous les autres du contrat social qui lie le gouvernement avec nos concitoyens et nos concitoyennes.

C'est pourquoi je tenais, à l'occasion du 1er mai, à souligner ces nouvelles réalités de l'emploi et du travail, réalités qui interpellent l'État et pour lesquelles on aura à relever les défis au cours des prochains mois et des prochaines années. Il faut comprendre qu'aujourd'hui, au moment où collectivement l'ensemble de la société québécoise s'apprête à prendre de front le XXIe siècle, au moment où la mondialisation des marchés, qu'on le veuille ou non, semble devenir un credo incontournable, il est de première importance de choisir quelles sont nos vraies valeurs.

On les appelle «employés», «travailleurs», «travailleuses» ou encore «ressources humaines». Il faut reconnaître qu'ils et elles demeurent une des forces fondamentales de notre peuple, une force à qui, certes, on doit demander d'être plus concurrentielle, plus efficace, mieux formée, plus apte à relever des défis des nouveaux marchés, mais aussi à qui on doit témoigner aujourd'hui le plus profond respect et la plus grande reconnaissance lorsque, à l'occasion, il nous faut souligner un événement comme celui d'aujourd'hui. Le 1er mai est une de ces occasions, et je suis très heureux que l'Assemblée nationale accepte de souligner avec force cette journée chargée de symbole, M. le Président.

Le Président: Merci, M. le ministre du Travail. M. le député d'Argenteuil, maintenant.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. C'est avec joie et inquiétude que je me lève aujourd'hui pour adresser la parole en cette journée du 1er mai. Vous comprendrez que le lot actuel des travailleurs et des travailleuses du Québec n'est pas ce qu'il y a de plus resplendissant. Ces gens vivent de grandes inquiétudes, des inquiétudes sur le plan politique. On aurait espéré que, lundi, le parti ministériel aurait eu le message qui a été transmis dans les deux élections partielles, dans Prévost et dans Beauce-Sud. On aurait espéré aussi que le premier ministre aurait compris le message que la population lui transmettait, lui demandant, à 63 %, de ne pas s'occuper des élections fédérales. On espérerait aussi que le parti ministériel aurait compris que 77 % de la population lui dit que, parler de séparation, ça nuit à l'emploi au Québec. Quand on dit que ça nuit à l'emploi, ça nuit aux travailleurs et aux travailleuses, parce que, malheureusement, il y en a trop, parmi eux et parmi elles, qui sont sur le chômage.

Il y a aussi une inquiétude économique, M. le Président. Ceux qui voyagent à l'extérieur se rendent bien compte de la valeur du dollar canadien, qui, il n'y a pas si longtemps, était à l'égal du dollar américain. Aujourd'hui, on peut s'approprier encore beaucoup moins d'éléments pour la même somme d'argent. On réalise aussi l'importance du déficit, qui a son impact, et on réalise aussi l'inquiétude financière de tous les travailleurs et les travailleuses du Québec qui, depuis 1973, année après année, s'appauvrissent régulièrement, parce que l'augmentation du produit intérieur brut n'a pas suffi à combler les services et l'augmentation des services qu'on s'est donnés.

Vous allez comprendre, M. le Président, que les travailleurs et les travailleuses du Québec, qui aujourd'hui aimeraient se réjouir en cette journée de leur fête, sont remplis d'inquiétude aussi à la venue de cette nouvelle ère de technologie qui devait nous amener des emplois, nous amener une plus grande richesse. Mal nous en prit, M. le Président. La nouvelle technologie ou les entreprises qui se modernisent, on nous disait il y a quelque temps que ça créerait des emplois, que ça amènerait plus de travailleurs dans l'entreprise. Eh bien, on réalise que, avec les investissements pour renouveler la machinerie, pour l'équiper à la fine pointe de la technologie, on fait des mises à pied tout en augmentant l'efficacité, l'efficience et les profits. On aurait pensé que cette ère de technologie aurait augmenté la richesse des travailleurs et des travailleuses du Québec. Loin de là, M. le Président, on continue à s'appauvrir. Le revenu par employé diminue, leur capacité d'achat diminue et le cycle vicieux est enclenché.

Le ministre faisait appel tantôt à la nouvelle génération de travailleurs et travailleuses qui, en grande partie, sont des travailleurs et travailleuses à temps partiel et des travailleurs autonomes. Plus de 30 % des nouveaux emplois créés le sont dans le secteur des travailleurs et des travailleuses autonomes. Ces gens vivent dans la précarité, ils ne bénéficient pas des mêmes avantages sociaux que les autres travailleurs qui sont dans l'industrie courante et qui bénéficient de conventions collectives bien assises.

La formation continue en emploi, M. le Président. Il y a 20 ans, on avait un emploi et c'était le temps d'une vie. Il y a 10 ans, il fallait envisager deux emplois. Maintenant, on doit envisager changer d'emploi aux cinq ans. Et, dans un avenir qui n'est pas si loin, les travailleurs et les travailleuses devront envisager être en formation continue devant les changements rapides qu'ils rencontreront dans l'industrie. Le défi du Québec, M. le Président, sera dans sa capacité d'assurer la préparation et la formation des travailleurs et des travailleuses qui feront face à cette complexité, de modifier leur endroit de travail, leur terrain de travail, leur milieu de travail, de façon régulière et assidue. Le défi du Québec sera d'assurer une main-d'oeuvre compétente qui amènera et attirera les investisseurs et les investissements au Québec.

Les travailleurs et les travailleuses du Québec sont des gens fiers qui recherchent à ramener chez eux un chèque à tous les 15 jours ou à tous les mois, le fruit de leur travail et de la sueur de leur front. Aujourd'hui, on est accablé par un taux de chômage de plus de 11 %. La société québécoise devrait essayer de redonner cette fierté à ceux qui sont sur la sécurité du revenu, qui recherchent eux aussi cette fierté de faire vivre leur famille, d'assurer leur avenir, et ce, par leur travail. Et, au lieu de recevoir un chèque de la sécurité du revenu, ils souhaitent, dans la grande majorité, recevoir un chèque fruit de leur labeur. Ils recherchent aussi de l'espoir parce que l'avenir leur paraît difficile avec tous les changements auxquels ils sont soumis.

Le chef de l'opposition fait référence fréquemment à l'importance de se concentrer sur l'emploi au Québec. Ça ne veut pas dire, M. le Président, que c'est au gouvernement à créer des emplois, que c'est au gouvernement à être propriétaire et gérant d'entreprise; ça veut dire que c'est au gouvernement, et j'espère qu'ils le comprennent, de faciliter la création de nouvelles entreprises, de faciliter la venue de nouveaux investisseurs, de créer un climat favorable par la sécurité qui sera engendrée en arrêtant de nous parler de séparation, par un climat qui sera amélioré en diminuant la réglementation, par un climat qui sera amélioré en favorisant une fiscalité plus compétitive de nos entreprises.

(15 h 20)

M. le Président, ce que je souhaite à tous les travailleurs et travailleuses du Québec aujourd'hui, en cette journée du 1er mai, c'est de continuer à porter leur chapeau haut avec fierté. Et tous ceux qui, par leur travail, peuvent bénéficier des revenus appropriés, je leur dis: Chapeau! Gardez votre emploi! Et à ceux qui, malheureusement, doivent se satisfaire de la sécurité du revenu, je leur dis: Ne désespérez pas, il y a de l'espoir. Il y a de l'espoir, M. le Président, parce que, alors qu'il y a 30 ans, on disait: Partageons la richesse, aujourd'hui, on nous dit: Si tu as une job, tu es riche. On veut même leur suggérer de partager leur job en leur demandant de faire du travail à temps partagé. Et le partage de la richesse aujourd'hui, M. le Président, c'est d'essayer de partager avec les plus démunis, ceux qui sont dans des difficultés temporaires, la présence de notre emploi. Aux travailleurs québécois et aux travailleuses: Gardez votre fierté, il y a encore de l'espoir. Mais n'abandonnons pas devant les difficultés qui nous affrontent. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Alors, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Autre motion sans préavis, M. le député de D'Arcy-McGee.


Souligner la Journée internationale de commémoration des victimes de l'Holocauste

M. Bergman: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin que soit présentée la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale souligne que le dimanche 4 mai 1997 sera le Yom Hashoah, soit la Journée internationale de commémoration des victimes de l'Holocauste.»

«That the National Assembly recognizes that Sunday, May 4 1997, will be Yom Hashoah, the International day of Commemoration for the victims of the Holocaust.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Une intervention de chaque côté. M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. D'après les récents estimés, il y aurait des centaines de présumés criminels de guerre nazis vivant au Canada.

Recently, a story made the rounds in the press telling of a private investigator who has taped conversations with numerous suspected nazi collaborators living freely in Canada today. That such a situation continues to be tolerated is a affront to the Jews of this country and a disgrace to all Canadians.

Beaucoup de gens, M. le Président, ont de la difficulté à comprendre pourquoi, après toutes ces années, les Juifs sont si inflexibles dans leur poursuite des criminels de guerre nazis. On dit souvent que ce serait beaucoup mieux, plus de 50 ans après la fin de la deuxième guerre mondiale, de laisser le passé où il est. Les criminels de guerre nazis qui ont trouvé refuge au Canada ont bien vécu toutes ces années. Ils ont eu des enfants et des petits-enfants. Pour plus d'un demi-siècle, ils ont planté leurs racines, érigé des entreprises, contribué à la vie sociale de leur pays. On dit également que ces gens-là sont à la tombée de leur vie, que ce n'est pas le temps de raviver le passé, de les soumettre au processus judiciaire, de les déporter, causant ainsi angoisse et inquiétude aux communautés dont ils font partie. De plus, il est souvent demandé comment, après tant d'années, après toutes les atrocités nazis, des poursuites dignes de crédibilité pourront être intentées. Les souvenirs deviennent confus, les perceptions altérées, et on devrait peut-être permettre que le passé reste enterré.

Dans plusieurs circonstances, M. le Président, des arguments semblables pourraient toucher une corde sensible. Conflits dans les affaires, intrigues familiales, tout cela nous vient à l'esprit. Mais, lorsqu'on parle des crimes de guerre nazis, on ne parle pas des événements naturels du quotidien de la condition humaine. On relate un moment de l'histoire où, pour plus de 6 000 000 de Juifs, le temps s'est arrêté et où la condition humaine telle que nous la connaissons a cessé d'exister pour devenir un immense cauchemar. Au-delà de tout ce que l'on peut imaginer ou comprendre, 6 000 000 de Juifs ont été exterminés de manière délibérée et méthodique. Et la première étape de leur élimination a été de les réduire à un état moins qu'humain, de les rendre moins qu'un pâle reflet de l'humanité pour rendre impossible tout lien de sympathie entre eux et les exécutionnaires.

No Jew alive today can forget that. Every Jew alive today knows that he or she might have been the one to die in some ditch or crematorium, in a cattle car or in a ghetto in Nazi-controlled Europe. Every Jew today knows that his or her family might have been wiped out by the Nazis whose network of willing accomplices extended far beyond the SS or the Gestapo. Indeed, Mr. Speaker, every Jew alive today knows that, if history had turned out differently, he or she would be extinct.

Les soldats canadiens se sont battus pour éviter cela, les Juifs aussi. Et, parmi ceux qui ont survécu, certains sont venus au Canada après la guerre. Ils ont planté leurs racines, ils ont fondé famille et entreprise, construit des organismes communautaires et ont tenté de vivre leur vie dans un semblant de normalité pour que leurs enfants n'aient pas à revivre les horreurs qu'ils ont eux-mêmes vécues. Si quelqu'un a enterré le passé, M. le Président, ce sont eux, mais ils transportent avec eux un cauchemar enfoui dans leur mémoire, leurs corps et leurs âmes qui ne pourra jamais être effacé.

Imaginez un peu ce que c'est pour eux que de savoir que leurs tortionnaires sont bien vivants et demeurent dans le même pays qu'ils ont choisi comme terre d'accueil. Contrairement à eux, cependant, ces criminels de guerre nazis ne sont pas arrivés au Canada comme réfugiés de ces atrocités, mais bien comme des fugitifs, une catégorie complètement différente de celle des réfugiés, des gens se sauvant de leur passé, de leur complicité dans des meurtres assez honteux pour vouloir se cacher, mais pas encore assez honteux pour affronter ce qu'ils ont fait. Pour eux, pour ces criminels de guerre nazis, on ne devrait pas enterrer le passé. Pour plus de 50 ans, c'est ce qu'ils ont fait, cachant la fraude pour laquelle... Ils ont pu entrer illégalement au Canada et profiter de nos droits démocratiques, ceux-là mêmes qu'ils s'étaient fait un devoir de détruire. Le fait qu'ils continuent à bénéficier de la citoyenneté canadienne ne fait que perpétuer le cauchemar de leurs victimes, des familles des victimes et de la communauté juive entière.

And let it not be forgotten that the longer officials wait to prosecute these individuals, the greater is the likelihood that war criminals will die before prosecutions are brought to bear.

(15 h 30)

Pour chaque criminel de guerre nazi qui vit tranquillement ici au Canada, nous, comme pays, devrions avoir honte. Notre passé était souillé et notre futur hypothéqué. Quelle est réellement la force de notre engagement à respecter les droits humains si notre léthargie et notre indifférence, nous permettons que des crimes de guerre demeurent impunis. Comme le disait le président du comité des crimes de guerre du Congrès juif canadien et historien bien connu, M. Irving Abella, au sujet de ces criminels: «One is too many». Il y a déjà trop longtemps que cette situation devrait être terminée.

Mr. Speaker, three days before Yom Hashoah, the day that Jews the world over commemorate in memory of the 6 000 000 kinfolks we lost to the Nazis, I would hope that this motion of the National Assembly of Québec which is being adopted today to mark this tragic anniversary, with that urgency to the call of the Canadian Jewish Congress, which is also my call, that the Canadian Government and judicial system speed up their efforts to bring those world criminals still residing in Canada to justice...

Trois jours avant Yom Hashoah, le jour où tous les Juifs partout dans le monde rendent hommage à la mémoire des 6 000 000 de Juifs morts aux mains des nazis, j'espère que la motion qu'adoptera l'Assemblée nationale du Québec aujourd'hui pour marquer ce tragique anniversaire, pour statuer l'urgence d'appuyer les efforts du Congrès juif canadien, qui sont aussi les miens, pour que le gouvernement canadien et le système judiciaire accélèrent le processus pour que les criminels de guerre nazis demeurant au Canada soient poursuivis en justice... M. le Président, je vous remercie pour le temps que vous m'avez accordé aussi aujourd'hui. Merci beaucoup.

Le Président: Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Avant l'intervention de mon collègue le ministre responsable des Relations avec les citoyens, je demanderais le consentement pour pouvoir faire l'avis touchant les travaux des commissions relativement aux crédits.

Le Président: Très bien.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: Alors, j'avise cette Assemblée que la commission de l'éducation poursuivra et complétera l'étude des crédits budgétaires du ministère de l'Éducation, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 17 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Alors, s'il y a consentement, ça va.


Motions sans préavis


Souligner la Journée internationale de commémoration des victimes de l'Holocauste (suite)

À ce moment-ci, je vais reconnaître M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.


M. André Boisclair

M. Boisclair: Oui. Merci, M. le Président. À l'occasion de la commémoration de l'Holocauste, je désire manifester d'abord ma sympathie et celle de tous les membres du gouvernement à tous ceux de mes concitoyens et concitoyennes dont les familles ont été victimes de l'Holocauste. Bien entendu, je suis tout à fait d'accord et l'ensemble des parlementaires gouvernementaux sont d'accord avec la motion du député de D'Arcy-McGee qui condamne l'ensemble des crimes perpétrés contre le peuple juif durant la Seconde Guerre mondiale. Le souvenir de cette période sombre de l'histoire ne doit jamais s'émousser afin que jamais cela ne se reproduise.

Il est affligeant, M. le Président, de penser qu'une poignée d'individus ont réussi à entraîner tant de gens dans leur sillage et à faire aussi tant de mal. Et pourtant la chose se reproduit avec une ampleur moindre, certes, mais se reproduit dans divers pays avec une ampleur, bien sûr, plus ou moins grande.

Ici, au Québec, fort de ses institutions, le gouvernement du Québec considère que tous les actes de discrimination, que tous les actes de racisme, que tous les actes de violence sont inacceptables dans une société civilisée, dans une société démocratique. Le gouvernement d'ailleurs entend plus que jamais appliquer les mesures prévues par la loi contre les manifestations de racisme et de discrimination raciale et aussi adopter toutes les mesures appropriées pour contrer ces manifestations de racisme ou de discrimination.

En effet, M. le Président, même si les actes isolés demeurent très difficiles à contrôler, nous devons tout mettre en oeuvre pour étouffer dans l'oeuf toute tentative de propagande et de systématisation de la haine et de la violence que parfois nous pouvons observer dans notre société. Non seulement le grand défi consiste à stopper les comportements racistes, mais aussi il faut s'attaquer aux causes de ces comportements en continuant de sensibiliser l'ensemble des Québécois et des Québécoises au respect de la différence, à l'inviolabilité des droits et de la dignité aussi de toute personne.

Il ne faut jamais oublier non plus, M. le Président, que ceux qui propagent la haine sont souvent des personnes qui ont elles-mêmes énormément souffert et qu'il est donc important de veiller à ce que tous les enfants grandissent dans un milieu approprié, à l'abri aussi de certaines manifestations d'intolérance. Et d'ailleurs nos chartes, nos institutions, nos lois sont là pour protéger ces personnes.

Face à la discrimination, le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration a adopté une politique d'exclusion zéro. Nul ne doit être exclu de la société simplement du fait de sa différence. Dans cet ordre d'idées, une récente étude du ministère démontre que les jeunes ont beaucoup de difficultés à s'intégrer au marché du travail et qu'ils estiment être victimes de discrimination en raison de leur âge. C'est pourquoi le ministère entend investir d'importants efforts pour créer des conditions qui leur permettront de prendre leur place dans la société.

Les jeunes qui ont grandi dans les écoles pluriethniques que nous connaissons maintenant, particulièrement à Montréal, sont les premiers à s'élever contre le racisme, contre la discrimination. Je pense qu'il ne faut pas gâcher ces belles dispositions en leur refusant la place qui leur revient de droit sur le marché du travail et dans la société en général. Je suis convaincu que toute la population québécoise partage notre volonté de faire du Québec un endroit hospitalier où toutes les énergies se conjuguent vers la tolérance, le respect et l'égalité.

Je suis convaincu aussi que l'ensemble des Québécois et des Québécoises souscrivent aux propos du député de D'Arcy-McGee. Je l'ai écouté attentivement tout à l'heure, au moment de son intervention sur la motion, et une pensée me venait à l'esprit. Alors que le député nous disait jusqu'à quel point il était important de se remémorer ces événements pour faire en sorte que jamais ces événements ne se produisent, au moment où le député aussi nous rappelait jusqu'à quel point, pour ces familles qui ont été victimes de l'Holocauste, ce souvenir chargé, ce souvenir lourd continue de marquer leur vie, de hanter leur vie peut-être même, d'une certaine façon, et celle de leurs descendants, au moment aussi où le député de D'Arcy-McGee nous rappelait l'importance que les gouvernements, les pouvoirs publics veillent à faire en sorte de respecter les lois et les conventions internationales, je me disais que la démocratie, au Québec et ailleurs dans les grandes démocraties occidentales, est un cadeau précieux pour laquelle des hommes et des femmes, ici comme ailleurs dans le monde, ont lutté, se sont battus et parfois au prix de leur vie, et que ces acquis ici, au Québec, que nous célébrons à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale et dans d'autres lieux au Québec sont toujours des acquis fragiles.

J'ai eu l'occasion, M. le Président – et c'est un peu les pensées qui me venaient à l'esprit alors que j'écoutais le député D'Arcy-McGee – récemment, à l'occasion du congé pascal, d'aller en France. J'y étais présent au moment où le congrès du Front national se tenait, à Strasbourg.

Et c'est bien à ce moment que j'ai compris que le défi de la démocratie, que l'idéal que le député de D'Arcy-McGee essayait de nous rappeler tout à l'heure – parce que c'est bien lui qu'il invoquait à l'appui du souvenir difficile qui habite la communauté juive qui vit ici, au Québec, l'ensemble des Juifs d'ailleurs qui vivent dans le monde – c'est peut-être de se servir de cet événement, de cette commémoration que nous marquerons tous ensemble – bien sûr, les membres de la communauté juive au premier chapitre, mais, je pense, dont l'esprit anime l'ensemble des Québécois et Québécoises – pour rappeler jusqu'à quel point il faut veiller au respect de nos institutions, combien aussi il faut faire en sorte de faire partager aux jeunes en particulier l'esprit qui anime les institutions, comme ici, l'Assemblée nationale, et d'autres institutions.

Et peut-être est-ce que ce sont ces efforts, des efforts d'éducation, de sensibilisation, qui constitueront le meilleur rempart contre des événements qui sont ceux qui se sont passés au profit de la Seconde Guerre.

À cet égard je souhaite ajouter ma voix à celle du député de D'Arcy-McGee, le faire au nom de l'ensemble de mes collègues ministériels et rappeler que ces événements tragiques qui hantent toujours l'humanité sont des événements qui continueront de nous marquer. Et peut-être, collectivement, avons-nous cette responsabilité de toujours faire en sorte de travailler pour le respect de la démocratie, pour faire en sorte collectivement, comme société, ici comme ailleurs dans le monde, de tout mettre en oeuvre pour pousser plus loin l'expérience démocratique. C'est là une des leçons que je tire des propos du député de D'Arcy-McGee, M. le Président. Je vous remercie.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

(15 h 40)

En cohérence avec la motion qui vient d'être adoptée, je vous prierais de vous lever quelques instants pour observer un moment de silence.

Bien, merci. Si vous voulez vous asseoir.


Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement, est-ce que vous avez d'autres avis?

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 79, Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des affaires sociales poursuivra et complétera les consultations particulières sur le projet de loi n° 39, Loi sur la protection des personnes atteintes de maladie mentale et modifiant diverses dispositions législatives, le mardi 6 mai 1997, de 9 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, le mardi 6 mai 1997, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement. Pour ma part, je vous avise que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation se réunira en séance de travail le mardi 6 mai prochain, de 10 heures à midi, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May. L'objet de cette séance est de discuter des observations, des conclusions et des recommandations que la commission pourrait déposer à l'Assemblée à la suite des consultations particulières sur la proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole.

Je vous avise également que la commission de la culture se réunira en séance de travail le mardi 6 mai prochain, de 10 heures à midi, à la salle RC.161 de l'hôtel du Parlement. L'objet de cette séance est de compléter le rapport final sur les enjeux du développement de l'inforoute québécoise.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 143 du règlement concernant l'horaire des travaux des commissions? Alors, il y a consentement. Est-ce qu'il y a également consentement pour déroger à l'article 145 du règlement, qui prévoit que trois commissions peuvent se réunir simultanément pendant les affaires du jour? Alors, il y a consentement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée maintenant, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Est-ce que le leader du gouvernement pourrait nous indiquer si le ministre de l'Environnement va être présent à la séance de travail de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation dont vous avez fait mention de la réunion, le 6 mai?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est une demande qui est peu usuelle qui est faite en cette Chambre. On va vérifier, M. le Président.

Le Président: Très bien. En ce qui me concerne, je voudrais indiquer que l'étude des crédits à la commission de l'éducation, cet après-midi, complétera l'étude des crédits budgétaires des ministères du gouvernement pour l'exercice financier en cours, 1997-1998.

Par ailleurs, est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 286 du règlement, qui stipule qu'une séance de la commission plénière est consacrée à l'étude des crédits de l'Assemblée nationale? Alors, il y a consentement.

Je vous rappelle d'autre part que l'interpellation de demain, le vendredi 2 mai, portera sur le sujet suivant: La nouvelle politique concernant les garderies. M. le député de Jacques-Cartier s'adressera alors à Mme la ministre de l'Éducation. Cette interpellation aura lieu exceptionnellement de 9 heures à 11 heures.

Est-ce qu'il y a consentement pour déroger à l'article 298 du règlement, concernant l'horaire habituel des interpellations, M. le leader de l'opposition?

M. Paradis: Oui, M. le Président. Simplement pour vérifier si la ministre va bel et bien être présente – c'est pourquoi nous avons consenti ou agréé à des modifications à l'horaire – est-ce qu'on pourrait avoir la confirmation?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: La ministre sera présente.

Le Président: Donc, il y a consentement. Je vous avise également que l'interpellation prévue pour le vendredi 9 mai prochain portera sur le sujet suivant: Le réaménagement des centres jeunesse. Mme la députée Saint-Henri–Sainte-Anne s'adressera alors à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Affaires du jour

Alors, nous en arrivons à ce moment-ci aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 11 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 103


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Alors, l'Assemblée reprend le débat ajourné ce matin sur l'adoption du principe du projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives.

Est-ce qu'il y a des interventions? Mme la députée de Saint-François.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. M. le Président, nous abordons aujourd'hui le débat de principe sur le projet de loi n° 103. Ce projet vise principalement à modifier la loi favorisant la formation professionnelle afin d'instaurer au Québec un nouveau régime d'apprentissage favorisant l'alternance travail-études.

Ce projet de loi, qui contient 17 articles seulement, nous indique que c'est par règlement que le régime d'apprentissage sera établi. Donc, vous comprendrez, M. le Président, que toutes les modalités du programme seront définies par le règlement. Malheureusement, nous n'avons pas encore en notre possession ledit règlement, mais, puisqu'on connaît déjà le numéro de téléphone pour information et puisque la ministre a dit en conférence de presse qu'une campagne d'information devait débuter le 19 avril dernier pour informer la population de ce nouveau programme d'apprentissage, j'espère qu'on pourra obtenir le règlement au moins pour l'étude article par article du projet de loi.

M. le Président, il devient aujourd'hui de plus en plus primordial d'offrir aux générations montantes tout le support qu'un État moderne peut apporter en faveur d'une main-d'oeuvre compétente, qualifiée et productive. La ressource humaine, la matière grise constitue la plus grande richesse du Québec. Il est tout à fait juste d'accorder aux travailleurs et travailleuses, aux jeunes, aux étudiants, aux étudiantes d'aujourd'hui et de demain tous les outils nécessaires pour bâtir un Québec meilleur, pour lutter contre l'exclusion, contre le chômage et contre la pauvreté.

Le monde se transforme. Le travail se transforme. La vie de milliers de Québécois et de Québécoises est bousculée par les événements, par des changements technologiques, par la mondialisation de l'économie, par l'ouverture de nos frontières à la concurrence étrangère. Le savoir devient de plus en plus le véritable pouvoir d'une société confiante dans l'avenir et capable de prendre sa place dans le concert des nations.

L'occasion est belle pour nous, les Québécois et les Québécoises, de conquérir le monde, d'accéder à de nouveaux marchés, de propulser nos produits et notre savoir-faire en Asie, au Japon, en Chine, en Europe et partout en Amérique, mais, en même temps, M. le Président, au Québec comme dans de trop nombreux pays, le chômage persiste, la pauvreté fait des gains et la situation est particulièrement difficile pour nos jeunes trop souvent laissés pour compte à l'intérieur d'emplois précaires, sur appel, à la pige, incapables de percer le mur du marché du travail.

Justement, M. le Président, je lisais dans Le Soleil du 28 avril dernier – c'est tout récent – un article qui titrait Avoir un emploi n'est pas une garantie contre la pauvreté . Selon le Conseil de la santé et du bien-être, dans une étude rendue publique, avoir un emploi ne met plus à l'abri de la pauvreté. Il y aurait au Québec 20,2 % de l'ensemble de la population qui vivrait sous le seuil de la pauvreté, soit plus de 1 500 000 Québécois.

On comprend facilement, dans un tel contexte, toute l'importance qu'on doit accorder aux questions de formation et d'éducation, ici, en cette Chambre, comme à tous les niveaux de gouvernement, comme dans toutes les sphères d'activité sociale, économique et communautaire. Il faut redonner espoir à notre jeunesse, lutter contre le décrochage scolaire et semer dans toutes les régions du Québec cette confiance en l'avenir. Cette confiance est l'ingrédient essentiel qui permettra à ceux et celles qui nous suivront d'exploiter leurs talents, leurs capacités, de développer leurs connaissances et de nourrir cette intelligence collective unique en Amérique. C'est cette sagesse populaire qui a permis aux Québécois et Québécoises de s'adapter, de traverser l'histoire jusqu'à ce jour et de vivre avec fierté sur ce continent. Rien n'est plus triste, M. le Président, que de voir nos jeunes diplômés sans travail, sur la sécurité du revenu, de voir nos jeunes diplômés quitter le Québec, s'installer ailleurs au Canada ou aux États-Unis, faute de travail ici, faute de débouchés, faute de développement économique.

Bien sûr, M. le Président, le projet de loi n° 103 est un modeste pas vers un arrimage plus étroit entre l'école et le milieu de travail, un modeste pas pour rapprocher l'école du milieu du travail, pour mieux répondre aux besoins de main-d'oeuvre des entreprises agissant dans certains secteurs d'activité. Je dis «modeste» parce qu'il ne s'agit pas ici d'un vaste programme qui pourrait diminuer substantiellement le taux de chômage trop élevé chez les jeunes ou permettre aux 48 500 jeunes Québécois et Québécoises de 18 à 24 ans, sans enfant et sans handicap, qui survivent tant bien que mal sur la sécurité du revenu d'avoir accès à ce nouveau régime d'apprentissage, alors que plus de 70 % de ces jeunes sont des décrocheurs de notre système d'éducation.

(15 h 50)

Non, M. le Président, les objectifs poursuivis par la ministre de l'Emploi sont louables, mais plus modestes.

On vise pour la première année 1 000 places de stage en entreprise pour 1 000 apprentis et la formation de 1 000 compagnons pour assurer la formation de ces élèves apprentis en entreprise. Selon les informations à notre disposition, ce nouveau régime d'apprentissage vise d'abord des étudiants ayant réussi leur troisième année de secondaire.

Pour encourager les entreprises à adhérer à ce nouveau programme, la ministre nous dit que ce nouveau régime d'apprentissage sera admissible au crédit d'impôt remboursable pour la formation et au 1 % de la loi favorisant la formation professionnelle. Nous aurons, au cours des prochaines étapes de l'étude de ce projet de loi, l'occasion de discuter plus avant des avantages à la disposition des entreprises. Je crois qu'il s'agit là de la pierre angulaire de l'avenir de ce nouveau programme, de son succès ou de son échec.

Le succès de cette nouvelle approche dépendra en grande partie de la volonté et de la capacité des entreprises du Québec d'investir davantage et de contribuer encore un peu plus à l'éducation et à la formation d'une main-d'oeuvre toujours plus compétente, à la fine pointe des nouvelles technologies, et voilà tout un défi de société. C'est l'amorce d'un changement dans la culture nord-américaine en matière de formation des ressources humaines. À cet égard, M. le Président, je crois que nous devons saluer les efforts consentis par les partenaires du marché du travail lors du dernier Sommet de l'automne dernier. Le projet de loi n° 103, bien que modeste, est le fruit d'un travail sérieux des principaux acteurs du monde patronal et syndical en faveur des jeunes du Québec, en faveur d'un meilleur rapprochement de l'école et de l'entreprise.

Bien sûr, M. le Président, la littérature qui accompagnait ce projet de loi n'indiquait aucun chiffre sur le coût de ce programme pour les entreprises, de même que sur les dépenses fiscales que le gouvernement entend investir dans la réalisation de ce nouveau programme d'apprentissage. J'espère que la ministre pourra éclairer les parlementaires à cet égard, d'autant plus que le Discours du budget de son collègue, le ministre des Finances, laisse croire qu'il y aura un dispositif pour favoriser l'embauche d'étudiants stagiaires et qu'une somme de 21 000 000 $ pourrait être disponible pour les trois première années. Est-ce que cette mesure, annoncée à la page 23 du Discours du budget, s'applique aux 1 000 apprentis de la ministre? D'autres mesures sont également indiquées dans le dernier budget. Alors, faudra savoir si ces mesures s'appliquent également au régime d'apprentissage.

La ministre de l'Emploi aura sûrement l'occasion de démêler et de préciser les mesures incitatives disponibles pour encourager les entreprises à prendre le virage de ce nouveau programme d'apprentissage. D'autres questions méritent aussi qu'on s'y attarde. Par exemple, il faudra s'assurer que l'arrivée d'apprentis dans certaines entreprises ne soit pas l'occasion pour un employeur de réduire ses effectifs réguliers de manière à profiter de la rémunération réduite prévue dans ce régime. À cet égard, M. le Président, nous comprenons très bien qu'il s'agisse d'étudiants apprentis. Mais la loi prévoit aussi qu'ils seront des salariés de l'entreprise. La formule retenue par la ministre permettra aux employeurs de verser 40 %, 60 % et 80 % du salaire moyen des employés de l'entreprise. On comprend qu'il s'agit du salaire moyen des employés à l'entrée en fonction, et, si tel n'était pas le cas, la ministre devra nous l'indiquer.

L'autre question porte sur la possibilité qu'une personne apprentie puisse recevoir moins que le salaire minimum. On se souviendra de la réaction des fédérations étudiantes lors du Sommet de l'automne dernier sur cette question. Il s'agira de voir s'il est possible, d'un point de vue social et moral, de faire une exception à une loi d'ordre public qui fixe les conditions minimales de travail pour toute personne qui contribue par son travail à la production économique de biens ou de services.

J'aurais aimé, M. le Président, prendre connaissance du projet de règlement qui doit accompagner ce projet de loi, car, comme je le mentionnais au début de mon intervention, le projet de loi ne dit pas grand-chose sur le régime d'apprentissage. Toutes les modalités seront définies par le règlement, et j'espère obtenir ce règlement le plus tôt possible afin de pouvoir me prononcer de façon plus éclairée.

Je comprends également qu'une vaste campagne de publicité est censée être en cours depuis le 19 avril et qu'un numéro de téléphone est déjà à la disposition des étudiants intéressés à ce nouveau régime d'apprentissage. C'est un peu exceptionnel qu'on lance une campagne publicitaire avant même d'avoir accepté ou d'avoir adopté, c'est-à-dire, le projet de loi. Il faudrait, vu que le projet de loi n'est pas encore adopté par l'Assemblée nationale, que la ministre de l'Emploi accorde au moins la même diligence à l'égard des parlementaires, par respect pour notre institution.

Voilà, M. le Président, les quelques remarques que je voulais faire à cette étape de l'étude du projet de loi n° 103. J'assure la ministre de ma collaboration pour l'adoption dudit projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Y a-t-il d'autres intervenants sur l'adoption du principe? Alors, je vais mettre aux voix. Le principe du projet de loi n° 103, Loi modifiant la Loi favorisant le développement de la formation de la main-d'oeuvre et d'autres dispositions législatives est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

M. Bélanger: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 1 de notre feuilleton. Et, dès que vous aurez lu cet article, je vous demanderais une conférence aux leaders afin que nous puissions départager le temps de parole sur ce débat.


Débats sur les rapports de commissions


Prise en considération du rapport de la commission qui a tenu des consultations particulières dans le cadre d'un mandat d'initiative sur l'administration de la justice en milieu autochtone

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 1 du feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission des institutions qui, les 21 août 1996 et 21 janvier 1997, a tenu des consultations particulières dans le cadre d'un mandat d'initiative sur l'administration de la justice en milieu autochtone. Ce rapport, déposé le 16 avril 1997, contient des recommandations. Je vous rappelle que, conformément aux dispositions de l'article 95 du règlement, cette prise en considération donne lieu à un débat restreint d'au plus deux heures et qu'aucun amendement n'est recevable.

Je vais donc suspendre quelques minutes les travaux de l'Assemblée afin que nous puissions organiser la distribution du temps dans le cadre du débat restreint. Alors, je suspends pour quelques minutes.

(Suspension de la séance à 15 h 57)

(Reprise à 16 h 2)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît.

Avant d'entreprendre le débat sur la prise en considération de rapports de commission, je vais vous faire part de la tenue de deux débats de fin de séance. Le premier débat aura lieu entre le ministre de la Santé et des Services sociaux et M. le député de Viau, concernant les dons d'organes, et le deuxième débat, entre le ministre du Travail et le député d'Argenteuil, au sujet de la déréglementation de l'industrie du câblage informatique.

Pour notre débat restreint, le partage du temps, après entente avec les leaders, sera le suivant: cinq minutes sont allouées à chacun des députés indépendants; les deux groupes parlementaires se partageront également le reste de la période consacrée à ce débat et, dans ce cadre, le temps non utilisé par l'un des groupes ou par les députés indépendants pourra être distribué équitablement entre les groupes. Les interventions individuelles ne seront soumises à aucune limite dans le cadre du temps qui est imparti aux différents groupes.

Alors, je suis prêt à céder la parole au premier intervenant. M. le député de Bonaventure, je vous cède la parole.


M. Marcel Landry

M. Landry (Bonaventure): Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir sur le rapport de la commission des institutions, rapport consécutif au mandat d'initiative que la commission s'était donné, je tiens à le rappeler, en janvier 1996, mandat qui a donné lieu à des auditions en août 1996 – le 21 août – à l'occasion desquelles audiences les membres de la commission ont pu interroger M. le juge Jean-Charles Coutu en regard de l'ensemble du rapport du groupe de travail, du Comité de consultation qu'il a présidé.

Nous avons aussi entendu, le 21 janvier 1997, les ministres de la Justice, de la Sécurité publique ainsi que le ministre responsable aux Affaires autochtones. Suite à ces auditions, la commission des institutions s'est réunie en séance de travail à quelques reprises afin d'examiner les suites qu'elle souhaitait donner à ces auditions.

Alors, je vais présenter très brièvement les trois recommandations adoptées par la commission des institutions et, par la suite, je reviendrai sur le rapport Coutu comme tel.

Alors, la commission des institutions, à sa dernière séance de travail en regard de ce mandat d'initiative sur l'administration de la justice en milieu autochtone, recommandait ce qui suit:

Que le Secrétariat aux affaires autochtones élabore un plan de mise en oeuvre des recommandations du rapport Coutu afin de s'assurer de la flexibilité, de la coordination et de la cohérence des interventions gouvernementales en milieu autochtone et qu'à cette fin le Secrétariat élabore les priorités se dégageant dudit rapport et un échéancier réaliste;

Deuxièmement, que le Conseil des ministres adopte ce plan gouvernemental de mise en oeuvre des recommandations du rapport Coutu;

Troisièmement, que le gouvernement donne le mandat au Secrétariat aux affaires autochtones de coordonner la réalisation de ce plan de mise en oeuvre des recommandations du juge Coutu sur la justice en milieu autochtone.

Alors, permettez-moi, M. le Président, dans un premier temps, quelques commentaires. À l'examen du rapport publié par le Comité consultatif sur l'administration de la justice en milieu autochtone, force nous est de constater que l'action gouvernementale en regard de l'administration de la justice en milieu autochtone interpelle plusieurs ministères et organismes gouvernementaux, pensons au ministère de la Justice, pensons au ministère de la Sécurité publique, pensons aussi, pour l'application de certaines lois, au ministère de la Santé et des Services sociaux et pensons aussi au ministère de l'Éducation. En fait, des organismes relevant de ces divers ministères sont forcément concernés aussi et évidemment le Secrétariat aux affaires autochtones pour son rôle de coordination de l'intervention gouvernementale en milieu autochtone.

Lorsque la commission des institutions recommande ce travail de coordination, M. le Président, il ne s'agit pas, dans la tête des membres de la commission et selon les échanges que nous avons pu avoir sur ce sujet et si on prend en considération aussi les discussions que nous avons pu avoir avec les différents ministres concernés, il ne s'agit pas de subordonner de quelque façon que ce soit l'action spécifique d'un ministère à un autre, mais il nous apparaît important qu'il y ait une très bonne coordination de l'ensemble des actions.

Je pourrai revenir plus loin, M. le Président, sur les blocs de recommandations, puisque le rapport Coutu en contient 54 et que je n'aurai pas le temps, dans la période qui m'est consentie, de les énumérer et de les commenter chacune, mais, à tout le moins, nous pourrons regarder, examiner la teneur de ces recommandations-là, les grandes orientations qui en découlent.

Donc, il y a une préoccupation et une volonté de suivi de l'application des recommandations du rapport Coutu quant à l'administration de la justice en milieu autochtone, et la commission a aussi souhaité suivre la mise en place des diverses recommandations.

Une des dimensions importantes qui nous apparaît dans la présentation du rapport du juge Coutu, c'est une approche qui respecte les réalités autochtones. Les éléments recueillis, les témoignages recueillis par le Comité consultatif sur l'administration de la justice en milieu autochtone nous font voir très clairement l'importance d'un travail qui se fasse communauté par communauté, peuple autochtone par peuple autochtone. Et certaines mesures, comme le souligne le rapport Coutu, doivent être, dans chaque cas, adaptées aux particularités culturelles, aux particularités communautaires des populations visées par ces services.

(16 h 10)

Le rapport Coutu nous propose une approche – M. le Président, vous me permettrez de citer ici quelques lignes de ce rapport – qui est à la fois globale, flexible, évolutive et permanente. Si vous me permettez d'utiliser ses mots pour préciser le sens de cette recommandation d'approche: «Une approche globale, puisqu'elle permettrait d'aborder l'ensemble des problèmes rencontrés au sein d'une communauté, tant sur le plan civil que pénal. Une approche flexible due au fait que les communautés pourraient choisir et adopter des modèles d'administration de la justice qui conviennent mieux à leur situation. Une approche évolutive, chaque communauté pouvant assumer de plus grandes responsabilités au fil de l'expérience acquise. Et une approche permanente, enfin, puisque la mise en place de nouvelles formes d'administration de la justice ne devrait pas être temporaire ni tributaire de subventions limitées dans le temps, mais, au contraire, faire partie de l'administration courante des affaires d'une communauté, d'où la nécessité d'un financement permanent.»

Vous me permettrez aussi, M. le Président, de revenir sur le mandat du Comité consultatif sur l'administration de la justice en milieu autochtone. Ce mandat est issu du Sommet sur la justice. Le mandat proposé par le ministère de la Justice a été formulé comme suit, à l'époque: Le Comité a le mandat de réaliser de façon systématique et ordonnée une consultation visant à identifier les modèles de justice adaptés aux besoins propres à chacune des communautés autochtones du Québec et qui soient en accord avec leurs us et coutumes et leurs valeurs socioculturelles. Le Comité devra prendre en considération les modèles proposés lors du Sommet sur la justice de février 1992 relatifs à la médiation, à la non-judiciarisation, le juge de paix autochtone et le comité de justice avec juge de paix autochtone.

À cette fin, le Comité devra consulter les différentes nations autochtones sur les modèles de justice les plus aptes à répondre à leurs besoins; consulter certaines organisations intéressées au domaine de la justice en milieu autochtone, telles que, et non limitativement, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires, les Services parajudiciaires autochtones du Québec, l'Association des femmes autochtones du Québec, la magistrature, le ministère de la Justice du Canada, le ministère du Solliciteur général du Canada et autres; identifier les démarches à engager en vue d'en arriver à une éventuelle implantation; préciser des échéanciers d'implantation; évaluer l'opportunité de réaliser des projets-pilotes; analyser avec les représentants autorisés des ministères fédéraux concernés les impacts de l'implantation d'un nouveau modèle de justice ainsi que les modes de coopération possibles entre le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral.

Le Comité devra également préparer des recommandations dans plusieurs autres domaines, notamment à l'égard de l'identification des besoins en matière de recherche sur les us et coutumes, les moeurs familiales, le droit coutumier, les langues vernaculaires et autres sujets reliés, la formation et l'information nécessaires auprès des communautés autochtones et des intervenants du milieu judiciaire.

Maintenant, M. le Président, comme on peut le constater, ce mandat n'inclut pas l'organisation des services policiers ni le domaine des services correctionnels relevant du ministère de la Sécurité publique. Cependant, comme le souligne le juge Coutu dans son rapport, puisque toute nouvelle forme d'administration de la justice aura des impacts sur les méthodes de travail des services de police et correctionnels, il importerait que le ministère de la Sécurité publique soit étroitement associé à la consultation menée par le Comité.

Je rappelle aussi, M. le Président, la composition du Comité qui a présidé à ces auditions ou à ces consultations. Le Comité responsable de la consultation auprès des communautés autochtones était composé de l'honorable juge Jean-Charles Coutu, juge de la Cour du Québec, président de ce Comité; de Me Jacques Auger, du ministère de la Justice du Québec; de M. Régis Larrivée, du ministère de la Sécurité publique du Québec; de M. Yvon Laviolette, du Secrétariat aux affaires autochtones du Québec; de Me Rita Dagenais, du ministère de la Justice du Canada, comme personne déléguée, elle aussi; de M. Marc Voinson, du ministère du Solliciteur général du Canada, comme personne déléguée; et de Me Martin Lévesque, du Comité de consultation, à titre de secrétaire.

M. le Président, dans le travail que la commission a pu faire dans son mandat d'initiative, nous avons eu l'occasion d'entendre, comme je le mentionnais au début, nos ministres de la Justice, de la Sécurité publique et le ministre responsable des Affaires autochtones. Nous avons pu, à cette occasion-là, examiner l'implantation de certaines recommandations.

Évidemment, lorsqu'on arrive avec un rapport de 54 recommandations, pour utiliser une fleur de style, on pourrait dire qu'il y a carrément du pain sur la planche. Déjà, à cette occasion, le ministère de la Justice a pu nous indiquer certaines interventions faites, réalisées pour répondre à la mise en place, en quelque sorte, de recommandations. Le ministre de la Justice nous a aussi indiqué que périodiquement la commission pourrait suivre, et d'ailleurs les membres de la commission ont souligné leur intérêt à suivre l'implantation progressive des mesures. Le ministre de la Sécurité publique nous a aussi fait part de mesures prises par les divers secteurs de son ministère pour l'implantation de recommandations. Le ministre responsable des Affaires autochtones a aussi indiqué son intérêt et le type d'intervention, de collaboration et de coopération qu'il peut avoir avec les autres ministres.

D'ailleurs, le ministre responsable des Affaires autochtones soulignait aussi l'importance d'associer dans les démarches de suivi et d'implantation le ministère de la Santé et des Services sociaux, en regard de certaines politiques sociales. Pensons en particulier aux droits de la jeunesse. Parlons aussi des questions liées à la violence en milieu familial qui interpellent aussi certains services relevant de la santé et des services sociaux.

Alors, évidemment, les membres de la commission des institutions sont intéressés à regarder, sur une base périodique, l'implantation. D'ailleurs, le ministre de la Justice nous suggérait justement de pouvoir nous rencontrer deux fois l'an pour examiner, questionner le ministère sur le rythme d'implantation et sur les nouvelles mesures qui sont mises en place.

(16 h 20)

Beaucoup de recommandations font appel à la complicité, en quelque sorte, de plusieurs intervenants. Et c'est là, je pense, un caractère très important des recommandations du rapport. D'une part, on veut une administration de la justice qui ait de plus en plus d'enracinements communautaires, donc une administration de la justice qui soit beaucoup plus associée à la dynamique propre à chacune des communautés autochtones et qui en même temps tienne compte des particularités, des us et coutumes, donc des particularités culturelles propres à chacune des communautés.

Et, lorsqu'on parle de particularités culturelles, M. le Président, évidemment, ce sont des caractéristiques importantes. Pour bien se comprendre, il faut être capable de comprendre la langue et la culture des gens avec qui on intervient. Et, en ce sens-là, nous pourrons le voir tout à l'heure, plusieurs recommandations ont trait à la formation non pas seulement des intervenants autochtones qui vont s'intéresser à la justice, mais aussi des intervenants qui vont travailler à l'application et à l'administration de la justice en milieu autochtone.

Cette dimension de la formation continue, selon moi, s'avère essentielle. Si on veut bien comprendre une population avec laquelle on travaille et, si on veut se faire comprendre, il est important d'être capable de s'ouvrir et d'aller chercher des clés, des clés culturelles en quelque sorte, pour mieux comprendre l'histoire, la dynamique de ce milieu-là.

Alors, dans les recommandations, nous pourrons le voir tout à l'heure, l'aspect de formation continue, autant des intervenants autochtones par rapport au cadre général de la justice et de la sécurité publique... mais autant aussi la formation des intervenants, devient en quelque sorte un point de ralliement là-dedans.

M. le Président, sur les 54 recommandations, je pense qu'il est essentiel qu'on regarde formellement la première recommandation. Je pense qu'elle définit fort bien l'ampleur et le cadre global proposé. On dit que le ministre de la Justice adopte la présente stratégie globale d'administration de la justice en milieu autochtone, en l'adaptant aux besoins propres à chacune des communautés en accord avec leurs valeurs sociales et culturelles, orientée vers une prise en charge graduelle des responsabilités en ce domaine par les autochtones eux-mêmes et, enfin, basée sur des orientations ayant fait l'objet de nos consultations, à savoir: la médiation, la non-judiciarisation, la nomination de juges de paix, la création d'un comité de justice et la consultation des communautés dans le choix des sentences.

Comme on le voit par cette première recommandation, M. le Président, on associe directement les communautés concernées à l'administration de la justice et au bon fonctionnement de la justice dans leur milieu, de nouvelles approches, bien sûr, qui vont dans le sens de la déjudiciarisation, comme on le voit globalement dans l'ensemble de l'administration de la justice ici et ailleurs aussi en Occident.

Le rapport Coutu insiste aussi beaucoup sur la dimension communautaire, je l'ai déjà souligné. Je référerai quand même de façon précise à la recommandation 4 qui dit «que le ministère de la Justice encourage et soutienne la création, au sein des communautés intéressées, d'un groupe de personnes – comité de justice ou autre – responsables de l'organisation et du maintien de services de justice et de règlement des conflits et qu'une personne rémunérée soit embauchée pour agir comme secrétaire d'un tel groupe».

Les comités de justice, comme on a pu le voir, peuvent prendre, selon les communautés concernées, diverses formes d'organisation. Mais cette volonté d'avoir une justice plus communautaire apparaît de façon très généralisée, je ne dirais pas, M. le Président, de façon unanime, parce que certaines communautés vont privilégier d'autres moyens. Mais, de façon très majoritaire, les communautés autochtones consultées par le groupe du Comité consultatif, donc ces communautés-là, ont très clairement exprimé leur intérêt pour ces formules-là.

On soulève aussi, dans ce sens-là, en regard des comités de justice, l'importance de former les gens qui vont être appelés à agir comme responsables ou comme membres de ces comités-là, donc un travail de formation auprès des intervenants intéressés dans la communauté. On souligne évidemment un support financier pour mettre en place ces comités.

Une autre recommandation importante, c'est la formation et la nomination de juges de paix dans les communautés. En janvier dernier, le ministre de la Justice nous soulignait qu'il y avait déjà trois juges de paix qui avaient été sélectionnés et qui étaient en formation pour agir dans les communautés inuit et qu'il y aurait éventuellement d'autres appels de candidatures pour poursuivre cette implantation progressive.

Cet aspect-là d'une démarche progressive aussi, M. le Président, est importante là-dedans. Implanter de nouvelles façons de faire suppose qu'on puisse intervenir en respectant le rythme et la volonté des communautés. Lorsqu'on a un ensemble de recommandations, il m'apparaît tout autant important de travailler sur l'approche et la démarche, sur la consultation et la concertation que d'essayer – et c'est même plus important de faire ça – de réaliser l'objectif tout d'un coup. Parce que, lorsqu'on veut développer de nouvelles approches qui interpellent la communauté, qui la mettent à contribution, bien il faut aussi travailler avec elle à digérer le processus, en quelque sorte, à se l'approprier.

Essayer de plaquer, tout d'un coup, un modèle mur à mur là-dedans, ce serait, selon moi, le pire affront à faire à nos communautés autochtones, parce qu'elles ont tenu à exprimer dans cette consultation-là leurs différences propres, leurs aspirations propres en regard de l'administration de la justice dans leur milieu. Elles ont voulu exprimer ce qui les caractérisait de façon spécifique. Pour moi, une démarche d'implantation doit donc se manifester ainsi, donc une approche qui soit progressive, comme le juge Coutu le disait, flexible, globale, évolutive et permanente.

(16 h 30)

Maintenant, l'apparition de juges de paix permet aussi d'intervenir dans les communautés pour régler des choses qui peuvent se faire sur une base locale sans nécessairement faire appel à des tribunaux. En ce sens-là, les juges de paix pourraient travailler de façon concertée et très efficace aussi avec leurs comités de justice locaux. Les recommandations 11 et 12, aussi, qui portent sur la non-judiciarisation, font référence à un programme à mettre en place en termes de non-judiciarisation ou de mesures de rechange pour les adultes qui pourraient, dans certains cas, être jumelés avec des programme de mesures de rechange déjà prévus à la loi sur les jeunes contrevenants. On proposait aussi qu'un tel programme soit mis sur pied tel que prévu à la réforme du Code criminel en matière de détermination de l'appel.

Une autre cour qui est proposée et qui fait appel à cette approche globale et communautaire, c'est la médiation, la médiation dans les communautés qui permettra aussi de travailler à l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Alors, on recommande très fortement là-dessus aussi des activités de formation. La consultation aussi dans le choix des sentences. Le rôle des comités de justice dans les communautés pourra inclure cette consultation-là dans la détermination des sentences qui soient peut-être plus adaptées au contexte. C'est cette détermination-là des sentences dans un contexte où on emprisonne moins, et on va, comme toutes les sociétés avancées, tenter de moins incarcérer. Bon. À terme, on va pouvoir travailler à des mesures correctrices, en quelque sorte, ou à des sentences, ou à des punitions, en quelque sorte, ou à des réparations envers la communauté qui peuvent mieux à la fois respecter les personnes et servir la justice dans ces milieux-là.

Une dimension importante soulevée par le juge Coutu dans son rapport, M. le Président, c'est la participation des femmes autochtones. Le juge Coutu insistait pour qu'on prenne en considération les préoccupations identifiées par les associations de femmes autochtones et qu'on s'assure aussi, dans l'application des diverses mesures mises en place, d'une participation aussi égale que possible des femmes et des hommes autochtones comme intervenants dans le cadre du fonctionnement de ces modèles-là, donc des modèles communautaires où les femmes et les hommes autochtones sont présents, sont actifs.

Le rapport Coutu soulevait aussi, en regard de l'administration de la justice dans les milieux autochtones, certaines carences; pensons à l'aide juridique. On a su, en janvier, qu'il y avait un bureau d'aide juridique dorénavant dans le Grand Nord qui était implanté à Kuujjuaq. Alors, dans un premier temps, c'est fait. Le juge Coutu recommandait qu'éventuellement on puisse en avoir un autre à Kuujjuarapik ou à Povungnituk aussi, et c'est déjà commencé. Il y avait aussi, en ce sens-là, la recommandation d'une corporation régionale ou locale d'aide juridique à être mise sur pied pour le territoire du Nunavik.

Les recommandations 21 et 22 insistaient beaucoup sur le travail d'information des ministères et le travail d'éducation à faire, et on recommandait une campagne d'information relative au système de justice en général, et qu'elle soit adaptée en termes de contenu et de langue aux différentes communautés et que des mécanismes soient mis en place pour en évaluer l'impact. On a eu l'occasion d'échanger avec les ministres concernés, en janvier dernier, là-dessus, et ça nous apparaît, ça apparaît à tout le monde – et je pense qu'il y avait unanimité à cet égard – que ce travail d'information et d'éducation populaire peut se faire, bien présenter le cadre général de notre système de justice au Québec.

On insistait aussi pour qu'il y ait dans le rapport Coutu, et ça, je pense, de façon unanime... Les membres de la commission des institutions trouvaient important que le ministère de la Justice ainsi que le ministre de la Sécurité publique, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le ministère de l'Éducation ainsi que les commissions scolaires et les écoles préparent des programmes de formation et d'éducation civique qui seraient dispensés dans les écoles fréquentées par les autochtones du Québec.

Je ne veux pas abuser du temps de mes collègues qui veulent aussi intervenir, mais d'autres recommandations du juge Coutu et de son comité portent sur l'accélération du traitement des dossiers qui concernent les jeunes contrevenants autochtones. Alors, il y a un travail particulier à faire de ce côté-là, sur l'administration de la Loi sur les jeunes contrevenants, pour qu'on ait des moyens de travail en concertation aussi avec les milieux autochtones.

La langue et les questions liées à la langue et aux interprètes aussi. Quelques recommandations touchent cette question. Alors, concernant la langue et les interprètes, ce qu'on nous recommande, M. le Président, c'est de mettre sur pied un programme permanent de formation d'interprètes judiciaires pour les communautés autochtones du Québec. Alors, qu'il soit important que les gens qui ont recours à la justice non seulement puissent comprendre ce qui se passe et ce qui se dit, mais aussi qu'ils puissent se faire bien comprendre. Alors, il est important qu'on mette de l'énergie là-dessus. On soulignait aussi le fait que beaucoup de membres des communautés autochtones se servent comme langue seconde de l'anglais. Alors, que les formulaires et que les services puissent être facilement accessibles dans cette langue pour mieux les desservir, en tout cas pour ceux et celles qui comprennent déjà cette langue.

On insistait aussi sur la place des juges, M. le Président. Donc que soit institué le poste de conseiller auprès du juge en chef du Québec pour les affaires autochtones et qu'on étudie aussi la possibilité de créer un tel poste pour la Cour supérieure. Bien, on insiste aussi beaucoup sur des cours de formation sur l'histoire des autochtones du Québec, sur les us et coutumes autochtones et sur l'état du droit relatif aux autochtones, que ça puisse être organisé par le Conseil de la magistrature pour que les juges qui ont à oeuvrer en milieu autochtone soient mieux au fait de l'ensemble des réalités autochtones.

Le rapport Coutu insistait aussi sur les substituts du Procureur général, et déjà, M. le Président, nous avons appris que le ministère de la Justice a embauché une substitut du Procureur général, il y a déjà un mois, qui sera en poste à Kuujjuaq. J'ai souligné tout à l'heure la présence d'un bureau de l'aide juridique à Kuujjuaq aussi. Maintenant, d'autres mesures ont été prises en regard du ministère de la Sécurité publique.

(16 h 40)

J'aimerais quand même rappeler d'autres secteurs d'intervention que nous allons voir, des recommandations qui touchent des services parajudiciaires autochtones du Québec. Là aussi, essentiellement, les recommandations ont trait à une formation adéquate des personnes qui oeuvrent dans ces services. Il est important que tous les gens qui interviennent aient le maximum de compréhension des réalités, que ce soient les techniciens à l'aide juridique, que ce soient les avocats, les avocates, que ce soient les services correctionnels, que ce soient les juges, que ce soient les autres intervenants aussi. Cet échange et cette meilleure connaissance vont permettre de mieux échanger et de mieux oeuvrer à une saine administration de la justice dans les milieux autochtones.

D'autres recommandations, enfin, M. le Président, portent sur les règlements administratifs, portent aussi sur les tribunaux, sur la violence et les agressions sexuelles, et, à cet effet, le juge Coutu interpelle les ministères de la Justice, de la Sécurité publique et de la Santé et des Services sociaux pour travailler à des programmes de réconciliation et de guérison, pour qu'il y ait des programmes d'aide aux victimes, des mesures d'aide aussi aux agresseurs puis des mesures d'aide aux communautés.

On insiste aussi pour que soit mis sur pied un programme d'aide et d'accompagnement devant les cours pour les victimes et les témoins en matière de violence familiale et d'agression sexuelle. On insiste beaucoup aussi sur la nécessité d'une attitude nouvelle, et, pour développer cette attitude nouvelle, le Comité consultatif, dans ses recommandations, insiste sur des rencontres régulières entre les autorités des communautés et les autorités gouvernementales, politiques et administratives, aussi, pour qu'il y ait ce travail de compréhension centré sur les besoins et sur le développement d'un lien de confiance pour mieux harmoniser nos relations.

On insiste aussi sur l'adéquation des critères de sélection pour les personnes qui ont à intervenir en milieu autochtone et pour s'assurer de l'intérêt des intervenants à l'endroit de ce milieu; donc, cette relation d'empathie nécessaire pour faire un bon travail auprès des communautés. Le rapport du Comité consultatif insiste sur la reconnaissance et le respect des autorités locales, sur la formation, sur la nécessité d'une maîtrise d'oeuvre, sur un financement adéquat et sur la participation du gouvernement du Canada.

M. le Président, quand on regarde l'ensemble du chantier qui a été ouvert là, forcément il faut penser à faire un travail sur quelques années. Il serait illusoire de penser plaquer systématiquement des recommandations l'une après l'autre, compte tenu de la nature même des adaptations à notre intervention. Ce fut un long cheminement, depuis l'idée mise de l'avant, en 1988, par le ministère de la Justice d'alors, suite à des recommandations d'ailleurs du même juge Coutu, si je ne m'abuse, qui oeuvrait en milieu autochtone et qui avait fait des recommandations. Ça a débouché, suite au Sommet de la Justice de 1992, en un groupe de travail qui a consulté; en 1995, à la publication d'un rapport; à la remise officielle, en décembre 1995.

Il y a l'enclenchement d'un certain nombre d'actions entreprises, et maintenant – comment dire, M. le Président – prenons bien notre temps, nous sommes pressés. C'est en quelque sorte ça, je pense, le mot d'ordre qu'il faut donner à notre gouvernement, parce qu'il faut y aller en respectant le rythme, les coutumes, les cultures de chacune des communautés. Le juge Coutu nous l'a dit assez longuement dans ses recommandations et dans ses observations dans l'ensemble des consultations qu'il a pu faire: Nous devons forcément travailler pratiquement au cas par cas, communauté par communauté, projet par projet, mais en même temps il est important de bien suivre l'évolution de l'ensemble des mesures proposées.

M. le Président, on me fait signe que j'ai déjà empiété sur le temps de mes collègues, alors je m'arrête ici. Nous aurons sûrement l'occasion, à la commission des institutions, de revoir périodiquement les ministres qui oeuvrent à l'application de ce rapport. Alors, sur ce, je vous remercie de votre attention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bonaventure. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. Je suis doublement heureux de participer au débat sur la prise en considération du rapport de la commission des institutions sur le mandat d'initiative sur la justice autochtone. Doublement heureux, M. le Président, parce qu'on a parlé beaucoup de la nécessité et de l'importance de bonifier ou de valoriser le travail des députés, et je pense que le mandat d'initiative que la commission des institutions a pris est un bon exemple où le pouvoir des législateurs a été mis au travail pour faire un rappel au pouvoir exécutif de ce gouvernement de l'importance d'agir dans ce dossier. Alors, je pense que c'est un bel exemple d'un travail fait, sous la présidence du député de Bonaventure, pour mettre en relief les recommandations du comité présidé par le juge Coutu, et je pense que c'est un excellent exemple de ce qu'on peut faire dans nos commissions parlementaires, de ce que les députés peuvent faire pour faire avancer les dossiers qui ont une haute importance pour la société québécoise.

Je suis également heureux, parce que ça, c'est des dossiers qui sont en pleine évolution à travers l'Amérique du Nord et je pense que, comme parlementaires, on a tout intérêt à participer au débat sur les développements quant à la justice autochtone. C'est quelque chose qu'on peut voir soit au Grand Nord du Canada, chez les Inuit de la partie est des Territoires du Nord-Ouest, où on est en train de créer un nouveau territoire avec ses nouvelles institutions, et je pense qu'on a tout intérêt à suivre de près les développements. Il y a également les exemples qui sont cités dans le rapport du juge Coutu quant aux sentences alternatives et aux autres expériences avec le système de justice dans l'ouest du Canada;. On peut penser aussi aux Navahos du sud-ouest des États-Unis et aux institutions et aux expériences qu'ils sont en train de faire là-bas. Bref, M. le Président, c'est un secteur de l'administration de la justice qui est en plein développement et en pleine expérimentation à travers l'Amérique du Nord, et je pense que le Québec a le devoir et que l'Assemblée nationale a le devoir aussi de participer à ce débat.

Et le rapport du groupe du juge Coutu se situe avec les autres études qui ont été faites par les autres provinces canadiennes récemment: on peut penser, entre autres, à la Nouvelle-Écosse, où les tristes événements autour du procès de M. Donald Marshall ont donné suite à une enquête sur le système de justice en Nouvelle-Écosse; on peut penser à l'Alberta, où il y a eu tout un examen de leur système de justice quant aux autochtones; et finalement à la province du Manitoba, où, suite au triste meurtre de Helen Betty Osborne, il y a eu également un réexamen en profondeur du système de la justice qui, tranquillement, graduellement, va amener au changement. Alors, je pense qu'également c'est le devoir du Québec de faire un réexamen et je pense que le travail qui a été fait par le comité de travail du juge Coutu nous met également dans ce courant qui est très important pour les relations entre les gouvernements et les nations autochtones en Amérique du Nord.

(16 h 50)

Mais il faut aussi rappeler que ce débat et ce travail sont très importants, parce que les démarches qui ont été prises ont créé des attentes très élevées chez les autochtones. La grande enquête royale qui a été menée par le juge Dussault et George Erasmus, une brique de quelque 4 000 à 5 000 pages, c'est quelque chose que tous les gouvernements, avant tout le gouvernement fédéral mais également les gouvernements des provinces, doivent regarder attentivement. Parce que des attentes ont été créées suite aux travaux du juge Dussault et de M. Erasmus, tous les gouvernements ont le devoir de prendre au sérieux les recommandations et de voir comment on peut améliorer la qualité des relations entre les nations autochtones et les gouvernements à travers le pays.

Je pense aussi que des attentes ont été créées par le groupe de travail du juge Coutu. Ils ont visité une trentaine de communautés à travers le Québec, c'est un travail qui se dégageait du Sommet de la Justice en février 1992. Je pense que c'est important de rappeler aux membres de la Chambre le cheminement, ou le progrès, ou le manque de progrès qu'on a vu dans le traitement de ce rapport, parce que c'est quelque chose qui était le fruit d'une tournée d'une trentaine de communautés. Je pense qu'il y avait une quarantaine de groupes, des associations communautaires, des personnes impliquées dans l'administration de la justice au Québec, le Barreau, la Chambre des notaires et d'autres groupes qui ont été consultés avant de préparer le rapport.

Alors, ils ont réussi à créer des attentes. Mais on sait que ça a pris du temps, après la consultation, avant que le rapport voie le jour et, après ça, ça a pris encore du temps avant que le gouvernement agisse aux recommandations qui étaient formulées. Alors, la création du comité de travail a eu lieu au moment du Sommet sur la Justice, en février 1992. Le groupe de travail a fait le gros de sa tournée dans les communautés autochtones en 1993. Ils ont pris 1994 pour la rédaction du rapport qui a été déposé au ministre de la Justice au mois d'août 1995. Alors, il y a presque deux ans, pas encore mais presque.

On était, à ce moment, en pleine campagne référendaire. Alors, je comprends que le ministre n'ait pas pris le temps qu'il faut, pendant la campagne référendaire, pour réagir. Mais, au mois de novembre, c'est-à-dire après la fin de la campagne référendaire, le ministre de la Justice a pris l'engagement de déposer un plan d'action, tel que recommandé par le rapport du juge Coutu, avant le mois de janvier 1996. Alors, c'est ça, la réalité des choses, M. le Président: il y avait la promesse, l'engagement pris par le ministre, en conférence de presse, de déposer un plan d'action avant la fin de janvier 1996. Qu'est-ce qui s'est passé après ça? Rien, M. le Président. C'est ça, le triste bilan qu'il faut constater: le ministre n'a pas déposé un plan d'action au mois de janvier 1996 ni au mois de janvier 1997. On est toujours en attente.

C'est pourquoi, comme je l'ai dit, c'est à la fois le dévouement du juge Coutu, qui est un homme exceptionnel, qui a travaillé en milieu autochtone au-delà de 20 ans... C'est quelqu'un qui, avec sa cour itinérante, est en train d'inventer la roue, dans le sens que c'est lui-même et sa cour qui sont allés dans les communautés très éloignées du Québec, qu'il est presque en train, lui-même, de bâtir un système de justice rudimentaire dans ces communautés. On pense, entre autres, aux communautés cries, aux communautés inuit. Le travail que le juge Coutu a fait pour la société québécoise à faire avancer la justice chez les communautés autochtones est formidable.

C'est très rare qu'un juge qui est sur le banc va faire une sortie à saveur politique, mais je pense que c'est en désespoir qu'au mois d'août 1996, c'est-à-dire un an après le dépôt de son rapport, le juge Coutu a fait une sortie en disant: Le gouvernement n'agit pas. Le ministre laisse dormir mon rapport sur son bureau. Il faut aller de l'avant.

Au moment du mandat d'initiative... À ce moment, je n'étais pas membre de la commission des institutions, mais la notion qui a été soulevée au départ par le député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue d'avoir un mandat d'initiative sur la question autochtone a été avancée par mon collègue le député de Laurier-Dorion et cristallisée dans la notion de demander aux trois ministres principaux de venir témoigner devant la commission des institutions pour répondre aux doléances, pour répondre aux problématiques qui ont été soulevées par le juge Coutu.

Le juge lui-même est venu témoigner devant la commission au mois d'août 1996. Et c'était vraiment le cri du coeur de quelqu'un de tellement engagé, tellement dévoué à la cause de l'amélioration des relations entre les nations autochtones et le gouvernement du Québec et la société québécoise qu'il a décidé... Comme je l'ai dit, on voit rarement un juge faire une sortie politique pour essayer de faire avancer la cause qui lui tient à coeur, c'est-à-dire son rapport sur la justice pour et par les autochtones.

Alors, je pense que c'est très important de faire ce rappel historique, qu'il y a des attentes qui ont été créées par la création de ce groupe de travail. Ce groupe de travail a fait un travail remarquable dans des conditions souvent difficiles, parce que ce sont des communautés très éloignées, des communautés où la langue parlée est des fois le français, des fois l'anglais et des fois d'autres langues aussi. Et il y a les problématiques de traduction, des problématiques liées au fait de fournir les documents dans plusieurs langues. Alors, ce n'est pas un travail facile. Je pense qu'on a tout intérêt à saluer les résultats, les fruits de ce rapport.

Mais c'était, je pense, avec déception, au mois de janvier 1997, que les membres de la commission ont appris que le ministre de la Justice va procéder exactement dans le sens contraire des recommandations qui ont été formulées par le juge Coutu. Le juge a dit d'éviter de procéder à la pièce, il a dit d'éviter de faire des projets-pilotes ou d'agir dans un petit dossier, qu'il faut vraiment une approche un petit peu globale, englobante pour faire avancer ce dossier.

And, Mr. Speaker, I switch to English quite deliberately because it is one of the recommendations of the report, a reminder that the Micmacs to the East, and the Inuit and Cree to the North, and many of the Algonquins and the Mohawks to the West, their first language or the first European language that they are more comfortable in is English. And I think it's important to remind the House that the publication of this report, the consultation that was undertaken by juge Coutu, who is someone who is enormously respected in Native communities because of the work he's done... He is a virtual pioneer, in the sense of the work he's done to create a rudimentary system of justice in communities very, very far away from our palais de justice in Montréal or Québec City. And more often his Court would sit in the Band Council Office or in the school gym to sort of put together very, very quickly to come and try to bring some sense of justice, some semblance of justice to communities very, very far away from our capital, here, and from our large metropolitan area.

So, the Committee on Institutions of this House reacted very vigorously to the fact that the ministers involved were not moving forward quickly enough on the application of the 54 recommendations set out in Judge Coutu's report. And, as I said at the beginning of my remarks, I'm very happy to salute the unanimous work, the bipartisan work that was done in this House to try to get from the legislative side the executive side to act. And there are many recommendations in here that we have looked at that urge the Government to act and to take a global approach, Mr. Speaker, instead of looking at another projet-pilote, a pilot project, or trying to solve things one by one. What Juge Coutu was telling us is that we needed to have a very global approach with a concrete action plan to try to act on many of the things that are in his report.

C'est très important parce qu'il faut voir, et de plus en plus, le travail des policiers à travers la société québécoise. On s'est vite aperçu que le policier, en agissant seul, ne peut pas tout régler. Et je suis très fier du travail qui a été fait par le ministère de la Sécurité publique pour faire avancer... Je vois un des anciens ministres de la Sécurité publique qui a eu l'honneur de signer quelques-unes de ces ententes.

(17 heures)

Moi, j'ai eu le plaisir et l'honneur de travailler pour M. Claude Ryan quand il était ministre de la Sécurité publique. Et c'est au mois d'avril 1992 qu'il y a eu une entente-cadre avec le gouvernement fédéral pour faire avancer les ententes des services policiers. Et je pense que les deux gouvernements, à la fois le gouvernement libéral et le nouveau gouvernement, ont agi rapidement, efficacement pour signer des ententes. On a une longueur d'avance sur les autres provinces, parce que nous avons dit que ce modèle des ententes tripartites marcherait au Québec, et je pense que, sur la cinquantaine, il reste quelques communautés uniquement qui sont en dehors de ce nouveau système d'ententes tripartites.

Je pense que c'est un bon exemple que, au-delà des différences partisanes, et tout ça, quand le gouvernement du Québec et le gouvernement du Canada veulent travailler ensemble, veulent collaborer avec les peuples autochtones, on peut avoir des résultats fort intéressants. Je pense que le fait que nous ayons réussi à signer autant d'ententes policières à travers le Québec est un exemple que la collaboration avec le gouvernement fédéral dans ce dossier peut porter fruit. Comme je dis, je félicite le gouvernement pour le progrès qu'il a fait et je dis aussi que c'est le fruit de mon ancien patron, M. Ryan, qui a signé l'entente-cadre avec, à l'époque, le Solliciteur général du Canada, M. Doug Lewis, pour faire avancer ce dossier.

Mais nous avons réalisé que les policiers, en agissant seuls, ne peuvent pas tout régler. C'est pourquoi l'importance, dans le rapport du juge Coutu, d'une approche globale, à la fois la prévention et la formation, et je pense que le député de Bonaventure a été fort éloquent sur l'importance de la formation. Il y a également la prévention, et ce n'est pas uniquement le travail des policiers. Il faut travailler avec d'autres intervenants dans notre communauté.

Il y a, comme j'ai dit, le travail du policier, mais, après ça, après l'arrestation, après le moment où il y a quelque chose qui ne marche pas, il y a d'autres intervenants qu'il faut mettre en place aussi, à la fois à l'aide juridique pour l'accusé, les procureurs de la couronne, qui ont une sensibilité envers ces communautés, qui peuvent agir en fonction des us et des coutumes des gens de ces communautés. Alors, d'avoir le substitut du procureur de la couronne mis en place, qui connaît la sensibilité, qui connaît la culture de ces communautés, c'était fort important.

Au moment des sentences, ça, c'est également un moment où... Et, dans le rapport du juge Coutu, il y a des pistes fort intéressantes sur comment la communauté peut, sans déterminer la sentence... C'est fort clair que ça reste toujours le devoir du juge de se prononcer, de faire les sentences, mais est-ce qu'il y a des moyens d'impliquer la communauté, que ce soit prioritaire? Ça, c'est un dossier où nous devrons mettre un message clair que la communauté ne veut plus tolérer ça, ou peut-être, au contraire, que ça, c'est vraiment quelque chose, pas qui aura la tolérance, mais où peut-être la sentence pourrait être transformée dans quelque chose d'autre que de passer le temps dans une prison. Peut-être qu'il y a des mesures, des travaux communautaires, d'autres mesures possibles pour aider la communauté à faire une certaine guérison.

Il y a toujours les besoins dans le domaine carcéral, et ça, c'est quelque chose où il y a beaucoup de progrès à faire et c'est quelque chose que nous devrons regarder de près. Il y a l'approbation, ce qui arrive à la fin de l'incarcération, qu'il faut regarder; après ça, les guérisons communautaires et les besoins des victimes. Alors, il y en a toute une gamme.

Quand le juge Coutu parle d'une approche globale, c'est parce qu'il faut considérer ça dans son ensemble. Eh oui, c'est vrai, nous avons fait énormément de progrès sur le volet policier, et j'en félicite le gouvernement. Je pense que ça, c'est important, mais c'est juste un morceau du casse-tête. Je pense que le rappel qui est fait, qui est fort intéressant, du juge Coutu, c'est qu'il faut aller au-delà de ça et surtout qu'on considère la situation particulière de ces communautés et leurs besoins.

Dans la plupart des communautés autochtones, un chiffre global, deux tiers de la population ont 19 ans ou moins. Alors, c'est fort différent de la réalité dans plusieurs des communautés dans le reste du Québec. Avec beaucoup de jeunes, il y a beaucoup de choses qui découlent, c'est évident. Il y a des besoins très importants quant à la Loi sur les jeunes contrevenants, il y a des besoins très importants pour la Loi sur la protection de la jeunesse parce que c'est avec les communautés agrandissantes... Ils ont des besoins criants, dans ce domaine, qui existent à travers le Québec, mais qui sont encore plus aigus dans ces communautés.

Aussi, les jeunes sont des personnes qui vont commettre des infractions plus souvent que les autres couches d'âge de notre société. Vieux comme moi, M. le Président, on commence à ralentir nos activités criminelles, mais les jeunes ont des démêlés plus souvent avec le système de justice. Alors, ça, c'est une autre réalité.

J'ai mentionné tantôt la notion des besoins carcéraux. On a vu une augmentation importante et troublante du nombre d'autochtones incarcérés au Québec. Alors, ça va augmenter les besoins, ça va augmenter l'importance de ce dossier et de ce volet du plan d'action soulevé par le juge Coutu. De faire sortir quelqu'un du village de Aupaluk avec ces centaines de personnes qui demeurent dans la baie d'Ungava, le faire descendre pour purger une sentence au Sud, à Amos ou d'autres endroits comme ça, sans donner suite à ses besoins, sans avoir la capacité de l'aider à se réintégrer dans sa communauté après, on ne fait pas avancer le processus de guérison. On risque d'avoir une récidive parce qu'on n'a pas mis en place les choses qu'il faut mettre en place pour les besoins de cette population grandissante carcérale des autochtones au Québec. Alors, ça, c'est une réalité. Et, comme je l'ai dit, il y a peut-être des alternatives dans des sentences qui peuvent s'attaquer à ce problème, mais c'est juste un volet du problème.

Alors, je pense qu'on a tout intérêt, M. le Président, à aller de l'avant dans le sens du juge Coutu, d'avoir une gamme, vraiment une approche globale de A à Z et de travailler en concertation. Ça nécessite inévitablement la participation de plusieurs ministères. On sait fort bien que ça, c'est toujours très difficile. Quand un dossier touche plus qu'un ministère, c'est toujours très compliqué. Dans ce qu'il y a devant nous maintenant, ça touche plusieurs ministères à la fois, c'est évident: le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Santé et des Services sociaux, le ministère de l'Éducation et le Secrétariat aux affaires autochtones. Ça va toucher aussi d'autres ministères de moindre importance. Mais, quand il y a plusieurs ministères d'impliqués dans le dossier, ça prend quelqu'un qui a la maîtrise d'oeuvre, quelqu'un qui a la responsabilité de faire avancer le dossier, d'être une certaine conscience.

Parce que, comme je l'ai dit, M. le Président, les communautés autochtones sont éloignées, règle générale, de nos considérations ici, à l'Assemblée nationale. Il y a quelques députés qui ont des communautés autochtones dans leur circonscription, je pense, entre autres, au président de la commission des institutions, le député de Bonaventure, qui a des communautés importantes micmaques dans son comté. Mais ce n'est pas tous les députés qui ont à coeur ces préoccupations. On est pris dans les passions des autres débats et on peut oublier l'importance de ce dossier.

Je pense qu'il faut mettre l'accent... il faut aller de l'avant parce que les besoins dans ces communautés sont criants. Je vais juste mentionner deux de plusieurs dossiers qui sont soulevés dans le rapport, à la fois la question de la violence conjugale... Je pense à l'Association des femmes autochtones du Québec, entre autres, qui a indiqué tous les problèmes des abus sexuels, de la violence conjugale qui sont trop souvent enracinés dans ces communautés. Ça, c'est un exemple probant où ce n'est pas uniquement un policier qui peut régler ça. Oui, il peut arriver dans une maison dans un moment de crise et il peut calmer les choses ou il peut séparer l'époux et l'épouse. Mais, après ça, ça prend tous les autres intervenants, parce qu'on ne parle pas de grandes villes de 100 000 personnes où les deux personnes peuvent se diviser. Si vous êtes en chicane de couple à Weymontachie, avec une population de 700 ou 800 personnes, les chances sont bonnes que vous allez continuer de croiser votre ex-mari, votre ex-épouse, et tout ça. Alors, il faut avoir les choses en place pour aider la communauté à composer avec cette réalité. Ce n'est pas comme si je pouvais déménager dans une autre banlieue ou que je pouvais aller dans un autre secteur de la ville. Tout le monde est toujours là, un à côté de l'autre.

(17 h 10)

Moi, j'ai eu l'honneur d'assister, au gymnase de Manouane, c'était l'art fait par les enfants sur les maux de leur communauté. S'il y a juste une expérience qui peut me convaincre qu'il faut y aller de l'avant, c'est juste les images, dans l'art de ces enfants, sur la drogue, sur la violence, sur l'alcool, tout les fléaux, tous les problèmes que ces jeunes enfants – c'est une école primaire, M. le Président... Mais de voir les images des parents en train de se battre, en train de prendre un coup, ça, c'est les réalités que certains de ces enfants ont vues, et je pense que ça nous fait un rappel sur l'importance d'agir, sur l'importance d'aller de l'avant pour aider ces communautés.

Je pense que l'ère où nous, les gouvernements occidentaux, pouvons arriver avec nos spécialistes, nos façons de faire, notre sagesse et régler tous leurs problèmes, ça ne marche plus, M. le Président. Je pense que ça, c'est de toute évidence. Alors, c'est juste de trouver – et je joins ma voix également à celle du député de Bonaventure – des moyens flexibles. Mais le but doit être une prise en charge, d'avoir les personnes en place prêtes à faire le travail, comme nous avons vu dans le dossier de la police, où, avant tout, ça prend des Mohawks pour faire la police à Kahnawake. Je pense que tout le monde convient de ça, que d'essayer de faire ça de l'extérieur, c'est trop difficile. De miser sur la création des institutions à l'intérieur de ces communautés qui auront le devoir de collaborer, de travailler avec nos institutions, nos corps de police, nos cours, ça va de soi qu'il y aura cette collaboration

Et, sur ça, j'ai beaucoup aimé l'image du chef Gros-Louis, qui est dans le rapport, qui, au lieu de parler du «two-row wampum» – le «wampum» à deux rangées – il parle maintenant du «wampum à trois rangées». Le «wampum» était l'ancien traité signé entre les autochtones et les Hollandais au 17e siècle et qui était les deux canots qui peuvent continuer parallèlement sans avoir de communication et sans que les vagues perturbent le canot de l'autre. Et le chef Gros-Louis dit dans le rapport: Dans une société moderne avec les façons de communication – souvent nos communautés sont collées l'une après l'autre – il faut prévoir maintenant le troisième chemin, qui est le chemin de la concertation, qui est le chemin où il y aura toujours la communication, la collaboration, le partage des responsabilités, le partage des institutions et le mariage de nos institutions et de leurs institutions.

Alors, je pense que c'était fort éloquent comme image. Je veux terminer sur ça, M. le Président, mais encore une fois en disant que je pense que le travail fait par la commission des institutions était un bon exemple de comment une commission parlementaire peut travailler, comment le palier législatif peut exercer une certaine influence sur le palier exécutif, et dire que ça, c'est vraiment quelque chose d'important. C'est vraiment quelque chose où nous avons fait des progrès. Mais il faut continuer de faire des progrès. Les attentes sont énormes dans les communautés autochtones. Les besoins sont criants dans les communautés autochtones, et je pense que, comme législateurs, nous avons tout intérêt à aider et à collaborer avec le gouvernement pour faire avancer le travail sur la mise en application des recommandations du rapport du juge Coutu. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Y a-t-il un prochain intervenant? M. le député de L'Assomption, je vous cède la parole.


M. Jean-Claude St-André

M. St-André: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, aujourd'hui j'interviens sur le rapport déposé par la commission des institutions sur la justice en milieu autochtone. Nous avons eu le plaisir de recevoir en commission parlementaire le juge Jean-Charles Coutu et nous avons reçu également par la suite le ministre de la Justice, le ministre de la Sécurité publique et également le ministre responsable des Affaires autochtones qui nous ont fait part de leurs observations dans ce dossier.

La commission s'est donnée un mandat d'initiative en janvier 1996, suite au dépôt du rapport et des recommandations du juge Jean-Charles Coutu, et je pense que c'est important de souligner le travail absolument considérable que le juge et son comité ont fait pour nous présenter leurs recommandations. Ils ont sillonné les communautés autochtones pendant plus de deux ans. Ils ont rencontré les autochtones, leurs représentants afin de bien comprendre leurs doléances, de recueillir leurs commentaires et de saisir leurs besoins en ce qui concerne la justice en milieu autochtone. Donc, c'est un travail remarquable qui a été fait par le juge, et les membres de la commission ont pu en prendre connaissance au mois d'août dernier, lorsque nous l'avons reçu en commission parlementaire. Alors, ce n'est pas moins de 54 recommandations que le juge a formulées à la commission.

Donc, suite aux auditions de la commission parlementaire et suite aux travaux de la commission parlementaire, nous avons formulé au gouvernement trois recommandations. Je pense que c'est important de rappeler les recommandations en question:

D'abord, que le Secrétariat aux affaires autochtones élabore un plan de mise en oeuvre des recommandations du rapport Coutu afin de s'assurer de la flexibilité, de la coordination et de la cohérence des interventions gouvernementales en milieu autochtone et qu'à cette fin le Secrétariat élabore les priorités se dégageant dudit rapport et un échéancier réaliste;

Deuxièmement, que le Conseil des ministres adopte ce plan gouvernemental de mise en oeuvre des recommandations du rapport Coutu;

Et, troisièmement, que le gouvernement donne le mandat au Secrétariat aux affaires autochtones de coordonner la réalisation de ce plan de mise en oeuvre des recommandations du rapport Coutu sur la justice en milieu autochtone.

M. le Président, je pense qu'il est important de souligner que, dans les recommandations que la commission a formulées au gouvernement, il faut prendre en compte un aspect qui m'apparaît important. Le juge Coutu, dans une des ses recommandations, suggérait au gouvernement de créer une nouvelle structure, un nouvel organisme qui pourrait préparer et coordonner un plan de mise en oeuvre de l'ensemble de ce rapport. Les membres de la commission ont préféré émettre la suggestion, recommander au gouvernement que le Secrétariat aux affaires autochtones puisse prendre en charge cette responsabilité-là. À une époque où on souffre de bureaucratie et où on veut alléger de plus en plus les structures, il nous a semblé plus approprié que le Secrétariat aux affaires autochtones, qui existe déjà, et il existe depuis de nombreuses années, puisse s'occuper de coordonner l'ensemble des interventions du gouvernement dans ce domaine.

Aussi, je pense qu'il est important de rappeler que le gouvernement a déjà bougé, a déjà pris des décisions importantes en ce qui concerne l'administration de la justice en milieu autochtone. Et je voudrais rappeler qu'en janvier dernier le ministre de la Justice, le député de Louis-Hébert, a annoncé une série de mesures consistant à mettre en oeuvre plusieurs des orientations proposées dans le rapport. Ces mesures visent plus d'une vingtaine de recommandations du rapport en question.

Ces dernières s'inscrivent dans un plan d'action élaboré par le ministère de la Justice du Québec et qui prend en compte, d'une part, la nécessité d'accroître les relations et la coopération en matière de justice avec le milieu autochtone. D'autre part, ce plan d'action vise à augmenter la collaboration entre les trois ministères principalement concernés par le rapport, c'est-à-dire le ministère de la Justice, le ministère de la Sécurité publique et le ministère de la Santé et des Services sociaux – et, bien sûr, le Secrétariat aux affaires autochtones est impliqué – en vue de concerter les activités de chacun vers un but commun.

D'ailleurs, les diverses activités anticipées pour mettre en oeuvre le plan d'action élaboré par le ministre de la Justice feront l'objet de discussions avec le ministère de la Sécurité publique, le ministère de la Santé et des Services sociaux et le Secrétariat aux affaires autochtones. Et j'ai cru comprendre que ces discussions étaient déjà entamées.

Quelles sont, de façon plus précise, les différentes mesures que le ministre de la Justice a annoncées? Je vais en rappeler quelques-unes, les plus importantes. D'abord, en ce qui concerne les juges de paix, le ministère de la Justice a adopté un programme de nomination des juges de paix en milieu autochtone selon les orientations du rapport en question, et ce programme a déjà été mis en oeuvre dans les communautés intéressées.

(17 h 20)

De plus, il y a une entente à venir entre le ministère de la Justice du Québec et les communautés quant au fonctionnement du système, notamment en regard de la tenue des dossiers, de la nomination des greffiers et également de l'endroit où seront tenues les séances. Il y a eu de la formation aux candidats juges de paix en question en milieu inuit et il y a déjà eu des nominations, par arrêté ministériel, des juges de paix, en mars 1997.

Un autre domaine où le ministre de la Justice a pris des décisions qui rejoignent les recommandations du rapport Coutu, bien, c'est la nomination d'une coordonnatrice en matière de justice auprès de l'Association des femmes autochtones du Québec, et ça, effectivement, c'est une dimension particulièrement importante, puisqu'on sait qu'en milieu autochtone il y a de graves problèmes reliés à la violence conjugale et à la violence familiale. Alors donc, le ministre de la Justice a participé au financement de l'Association des femmes autochtones du Québec pour l'embauche d'une coordonnatrice en matière de justice, responsable, entre autres, de susciter auprès des femmes autochtones une réflexion sur le contrôle social et l'administration de la justice. Le financement permettra notamment d'amorcer la mise sur pied d'une table de concertation sur la justice pouvant réunir différentes représentantes des nations autochtones du Québec.

Le ministre a également procédé à l'ouverture d'un bureau d'aide juridique à Kuujjuaq. Ça, je pense que c'était nécessaire. On sait qu'il y avait de nombreux problèmes dans cette région-là. Maintenant, il y a un bureau d'aide juridique à Kuujjuaq et il y a une avocate qui est en fonction dans la communauté autochtone depuis maintenant le 3 mars de cette année.

Le ministre de la Justice a aussi procédé à l'ajout d'un poste de substitut du Procureur général afin d'agir auprès des cours itinérantes de la Cour du Québec et de la Cour supérieure du district judiciaire de l'Abitibi, et, au moment où on se parle, depuis le 1er avril dernier, la Direction générale des affaires criminelles et pénales a procédé à la sélection de la candidate qui est affectée à titre de substitut du Procureur.

Alors, comme vous pouvez le constater, M. le Président, il y a déjà plusieurs des recommandations du rapport Coutu qui ont été mises en oeuvre, et je pense que dans les prochaines années on pourra constater que le Secrétariat aux affaires autochtones va aller encore plus loin dans cette direction-là, ce qui rejoint, je pense, la préoccupation des députés des deux côtés de la Chambre.

On a bougé également dans d'autres domaines. Je voudrais rappeler, M. le Président, que le ministre de la Sécurité publique a annoncé, lui aussi, des mesures importantes en ce qui concerne l'administration de la justice en milieu autochtone. Le ministre de la Sécurité publique nous a annoncé, le 21 janvier 1997, lorsqu'on l'a entendu en commission parlementaire, une série de mesures qui sont importantes, et je vais me permettre d'en faire la nomenclature. Alors, le ministre, dans le cadre des relations du ministère avec les populations inuit du Nunavik, a annoncé différentes mesures en vue d'améliorer les services à cette clientèle en matière de services correctionnels. Ainsi, les mesures suivantes ont été mises en branle à compter de juillet 1996.

Premièrement, les services correctionnels du Québec ont procédé à l'embauche d'un agent de probation additionnel pour porter à quatre le nombre d'agents de probation sur le territoire du Nunavik. Les services correctionnels du Québec, avec l'Administration régionale Kativik, ont finalisé un plan d'action afin que deux agents correctionnels inuit puissent être embauchés par l'Administration régionale Kativik et encadrés par des agents de probation pour intervenir auprès des justiciables inuit. Cette mesure devrait être effective depuis la fin février 1997. La Maison Waseskun, de Montréal, se verra octroyer, après étude du dossier, deux places supplémentaires pour répondre à la clientèle inuit, et ce, dès que possible. Le Centre de désintoxication – vous allez m'excuser, M. le Président – Isuarsivik, de Kuujjuaq, recevra une subvention annuelle pour défrayer certains coûts occasionnés par les justiciables référés par les services correctionnels du Québec. Le Centre en question doit auparavant compléter les modifications qu'il a entreprises en vue de relancer son programme. Cette initiative devrait être effective depuis mars 1997.

Cinquièmement, les services correctionnels du Québec, en collaboration avec les représentants inuit, développeront un projet d'implantation d'une maison de transition d'une capacité de huit à 10 places dans le territoire du Nunavik. Les discussions ont déjà été entreprises à cet effet, et il est probable que, dès 1997-1998, donc cette année, la maison pourra commencer à être opérationnelle. Après entente avec les services correctionnels du Québec, un coordonnateur inuit sera chargé d'assurer la coordination des différentes mesures mises en place et de les harmoniser avec les autres services, tels que les services sociaux, la police et les tribunaux. Ce coordonnateur devrait être en place au plus tard en avril 1997, donc au moment où on se parle.

De plus, le ministre nous a fait part, lors de la commission, que trois tables de discussion et de négociation ont été mises sur pied avec les Cris de la Baie-James. Elles concernent les sujets suivants: premièrement, une table touchant des mesures correctionnelles à être mises en place en vertu du chapitre 18 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois; deuxièmement, une table sur la révision du chapitre 19 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois en ce qui a trait aux services policiers à être dispensés aux Cris de la Baie-James, plus particulièrement l'implantation des unités cries de la Sûreté du Québec; et enfin, troisièmement, une table en vue de procéder au renouvellement de l'Entente sur les services policiers avec les Cris de la Baie-James, pour que les communautés continuent de bénéficier de services policiers adéquats pendant les discussions qui auront lieu selon le chapitre 19 de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.

Alors, comme vous pouvez le constater, M. le Président, le gouvernement a déjà pris des mesures importantes en ce qui concerne la justice en milieu autochtone, et je crois que c'est extrêmement prometteur pour l'avenir. D'ailleurs – je vais terminer là-dessus – j'aimerais rappeler les principales orientations du rapport: la médiation, la non-judiciarisation, la nomination de juges de paix en milieu autochtone, la création de comités de justice et la consultation des communautés dans le choix des sentences. Quant à moi, M. le Président, ce sont là des orientations qui pourraient être étendues à l'ensemble de la société québécoise et éventuellement, peut-être, dans notre système de justice. Je vous remercie infiniment.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de L'Assomption. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, d'un commun accord avec l'opposition, ceci mettrait fin à la période des affaires du jour, et nous procéderions immédiatement au débat de fin de séance entre le député de Viau et le ministre de la Santé.


Débats de fin de séance

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien. Alors, nous allons procéder immédiatement, de consentement des partis. J'inviterais le député de Viau... Vous savez que vous disposez d'un temps d'une durée de cinq minutes pour exposer votre point de vue; M. le ministre, cinq minutes pour répondre; et une réplique de deux minutes. Alors, M. le député de Viau.

M. Cusano: Merci...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez-moi. Simplement, je vais indiquer seulement la question qui est en débat. La question concerne les dons d'organes. M. le député de Viau.


Réorganisation des services de transplantation d'organes


M. William Cusano

M. Cusano: Merci, M. le Président. Si j'ai posé la question au ministre de la Santé et des Services sociaux cet après-midi, à savoir pourquoi il n'applique pas l'article 204.1 de la Loi sur la santé et les services sociaux, laquelle il a pris serment, en tant que ministre, de faire respecter... Il est évident que, depuis son arrivée au ministère, la question de l'article 204.1, ou toute la question des dons d'organes, n'est pas une priorité de ce ministre. Il est plus préoccupé par les demandes qui lui sont faites de façon quotidienne par le président du Conseil du trésor.

(17 h 30)

M. le Président, la raison aussi pour laquelle je l'ai posée, cette question-là, c'est parce que, au mois de juin, il y a presque un an, je posais une question semblable au ministre. Et le ministre et le premier ministre... Dans un article qui paraissait dans La Presse du 19 juin, on y lisait: «Bouchard et Rochon s'engagent à prendre des mesures rapides pour faciliter les dons d'organes.» On est maintenant presque un an plus tard, puis on est exactement au même endroit qu'on était au mois de juin dernier, et c'est même pire. Ce qui est désolant et ce qu'on voudrait que le ministre comprenne, c'est que les personnes qui sont en attente d'une transplantation, à chaque année, il en décède une vingtaine, M. le Président. À cause de son inaction, on bat les records ici, au Québec, pour le nombre de personnes qui meurent en attente de transplantation, et ça, c'est totalement irresponsable de la part de n'importe quelle personne ici, dans cette Chambre.

Le ministre a essayé de ridiculiser un peu la question d'aujourd'hui, en disant qu'effectivement l'article 204 de la loi n'était pas tout à fait la recommandation du comité que lui-même a instauré, M. le Président. Parce que, dans le rapport du comité, on dit que ça devrait être un médecin qui aurait la responsabilité d'organiser les dons d'organes dans un hôpital. Alors, l'article 204 en question, l'article 204.1 parle du directeur des soins professionnels. Que je sache, le directeur d'un service professionnel dans un hôpital, c'est un médecin. Et l'article 204 donne toute la liberté au ministre de le faire à sa façon. Il peut, par règlement, justement s'assurer que chaque hôpital ait un comité, comme il est indiqué ici, à l'article 204.1, M. le Président.

La deuxième recommandation du comité, c'est à l'effet qu'il faudrait justement que l'on réinstaure d'une autre façon, sur soit les permis de conduire ou soit la carte-santé, l'indication que la personne est consentante. Le ministre nous répond sur ça en disant: Ah, la puce sur la carte-santé! J'aimerais qu'il m'écoute bien, M. le Président, parce qu'il y a un certain danger sur la question de la puce sur la carte-santé en ce qui regarde les dons d'organes. Je dois présumer que cette puce va contenir des informations confidentielles et que les informations qui sont contenues sur cette puce ne peuvent être changées ou modifiées que par des professionnels ou des établissements; problème principal en ce qui concerne la puce et les dons d'organes, parce que, à chaque fois que l'individu change d'idée – et ça arrive de changer d'idée – il va falloir qu'il aille voir un médecin ou qu'il aille voir un établissement pour faire changer cette indication-là.

Le projet de loi qui a été adopté, ici, par l'Assemblée nationale donne toute la liberté au ministre. On a de la difficulté à comprendre pourquoi le ministre, lorsque son propre sous-ministre a dit en commission parlementaire qu'il n'y avait aucun problème... Le seul problème, c'est que le ministre de la Santé, lui, les dons d'organes, il ne s'en occupe pas et ne veut pas s'en occuper. Puis, M. le Président, c'est immoral de voir des gens qui attendent présentement, et un geste du ministre pourrait assurer à ces gens-là, leur donner un espoir de pouvoir vivre comme beaucoup d'autres gens qui, dans le passé, ont eu un don d'organe et, aujourd'hui, ont une vie extrêmement normale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viau. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


M. Jean Rochon

M. Rochon: Bon, M. le Président, on est vraiment au même point, à devoir répondre à des procès d'intention et des jugements qui sont faits et qui ne sont pas supportés par les faits. Et je vais redire encore une fois, pour la xième fois, qu'on n'a aucun désaccord, quant au fond, avec ce que demande le député de Viau, qu'au contraire c'est des choses qu'on a mises en marche.

Mais on s'est aperçu que, même si on a une loi qui dit que, dans tous les hôpitaux, le directeur des services professionnels devrait voir à identifier une personne responsable qui, elle, verrait à bien reconnaître toutes les situations où un organe peut devenir disponible et à faire des démarches nécessaires et même si on resensibilise puis on ramène toujours le monde à repenser à cette question, comme ce n'est pas nécessairement des situations qui se présentent à tous les jours en plusieurs exemplaires, il faut quelque chose d'un peu plus structuré pour faire un suivi de ça, autrement on rappelle au monde, ça remet un peu plus d'ardeur pendant quelques semaines, voire quelques mois, et oups! ça reglisse encore. Ça, ça se comprend très bien dans un système humain, s'il n'y a pas un suivi systématique qui est fait.

Donc, on est d'accord. L'article est là, on veut l'appliquer, on a fait des vérifications et on s'est aperçu qu'au-delà de ça il y avait un besoin de réorganiser un peu plus en profondeur tout notre système de don d'organes et de distribution des organes. On a un système qui a très bien fonctionné, des gens qui se sont dévoués dans ce domaine-là depuis une vingtaine d'années, mais on est dans un secteur qui a évolué très rapidement au cours des 10 dernières années et surtout des cinq ou six dernières années. Le premier plan directeur du ministère qui prévoyait un financement et qui donnait un mandat à une organisation, qui s'appelle Québec-Transplant, pour justement recueillir les organes et les rendre accessibles aux receveurs, le premier mandat qui a été donné formellement l'a été au début des années quatre-vingt-dix, en 1993, je pense, avec un budget sur une période de trois ans; alors, un plan quinquennal mais budgété sur trois ans: 1993 à 1996.

Ce plan-là, on a réalisé qu'il arrivait à terme. Le financement pour l'avenir n'était pas vraiment approvisionné. À l'expérience, on a réalisé – et selon les chiffres que Québec-Transplant et le ministère avaient – que, dans certains cas de greffe, de transplantations d'organes, il y en avait eu plus que prévu en 1993; dans d'autres cas, moins; que, dans certains cas, on en était encore à une phase d'innovation de traitement, que ce n'était pas encore un traitement complètement généralisé et qu'il y avait lieu de refaire le plan directeur du ministère, de revoir avec Québec-Transplant, compte tenu de l'évolution dans ce domaine-là... Parce qu'on ne parle plus seulement des organes maintenant, on parle des tissus. Et ça s'est beaucoup multiplié. Donc, on a un système à remettre un peu à jour, à moderniser un peu, parce que le secteur s'est développé beaucoup du côté des organes qu'on peut identifier comme devenant disponibles à travers tout le réseau de la santé et des services sociaux.

Si on regarde du côté du receveur, maintenant, d'organes, il y a des modifications importantes dans le système de santé qui se sont faites aussi. Les CHU ont été créés. Les centres affiliés universitaires dans le réseau des universités, en plus des CHU, certains ont développé des expertises et des missions dans certains domaines. Alors, là aussi, il y avait à voir, compte tenu du volume possible de greffes qui peuvent être faites dans une année pour un organe en particulier, comment on serait mieux organisé, combien d'endroits au Québec et à quel endroit ces transplantations-là pourraient se faire.

Alors, pour être le plus rapide et efficace possible, tout en procédant sur le plan administratif à court terme, on a mis un comité en place qui a préparé une première version de documents de consultation, qui est présentement en consultation avec tout le monde qui est impliqué dans ce domaine-là. Ce n'est pas un comité qui va travailler pendant des années, M. le Président; il a un mandat pour nous faire rapport vers le mois de juillet. Donc, au mois de juillet, on va avoir le portrait complet pour voir comment on refait le plan directeur du ministère, comment on assure qu'il y a un bon financement, comment les établissements sont invités à réajuster au besoin, réenligner leur collaboration là-dedans et que, là, vraiment on ait un organisme et une organisation au niveau de chacune des régions pour que l'article 204 soit appliqué pas de temps en temps, avec le Père Fouettard qui repasse pour rappeler les gens à l'ordre, mais de façon continue et de façon stable.

Et, quant au consentement, c'est quelque chose qu'on a revu aussi. Et ce que je disais tout simplement, c'est qu'on peut faire ça plus directement et simplement que de faire une loi. On n'a pas besoin d'une loi, et des discussions ont déjà eu lieu puis des ententes avec le ministère des Transports pour que, dès la prochaine série d'émissions... Je ne me rappelle pas des détails administratifs, mais on me dit que, à l'automne 1997, ce sera possible de modifier le permis de conduire et de trouver un moyen pour qu'on revienne à la pratique de ce qui était avant, de pouvoir donner un consentement sur le permis. Et, quant à la carte à microprocesseur – ce serait un peu plus long à expliquer – bien, là aussi, il y a des moyens de souplesse dans l'utilisation de cette carte, parce que le dossier n'est pas contenu sur la puce. La carte à microprocesseur, dans la technologie où elle est rendue maintenant, c'est des clefs qu'il y a sur la carte donnant ouverture à différents dossiers qui, eux, peuvent être changés et contrôlés par le patient.

(17 h 40)

Alors, voilà, M. le Président. Quant au fond, on s'entend. Sur les moyens de faire, je pense qu'on prend peut-être un petit peu plus de temps, tout en procédant au quotidien, mais qu'on va y aller de façon beaucoup plus stable et beaucoup plus durable. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le ministre. Maintenant, M. le député de Viau, pour vos deux minutes de réplique.


M. William Cusano (réplique)

M. Cusano: M. le Président, j'aimerais tout simplement rappeler au ministre que le projet de loi n° 190 qui a été adopté ici en principe et qui n'a jamais encore été appelé pour l'étude finale, dans le temps qu'il me reste, je ne peux pas lire tout le projet de loi, mais on y dit: «À cette fin, il doit – parlant du ministre – notamment, adopter ou faire adopter des règlements pour permettre que soit apposée sur la carte d'assurance-maladie et sur le permis de conduire d'une personne toute indication permettant d'établir qu'elle a consenti au prélèvement sur son corps d'organes ou de tissus à des fins de transplantation.» Je pense que ça donne au ministre toute l'ouverture qui est possible, parce qu'il ne faut pas oublier qu'il y a un Code civil aussi qui touche directement la façon de procéder au niveau du prélèvement des organes.

Ce qui est vraiment frappant, c'est que le ministre de la Santé remet de comité en comité les solutions qu'il pourrait apporter lui-même de façon immédiate, et la raison pour laquelle le projet de loi a été présenté, c'est justement pour éviter ce qui a été fait dans le passé, à l'effet qu'un ministère décide de ne plus le faire. Lorsqu'il y a un projet de loi, avec toute l'ouverture que le projet de loi lui donne, le ministre pourrait commencer dès demain matin à pondre des règlements. On a vu des règlements qui ont été pondus au niveau de l'assurance-médicaments, ça a été fait presque en sept jours. Je suis sûr que le ministre a une équipe qui pourrait lui pondre des règlements pour mettre ça en place dès la semaine prochaine.

Alors, en terminant, j'ai seulement un commentaire à faire au nom des personnes qui attendent une greffe: On n'est pas rendu encore au point où on peut greffer de la compassion, mais j'espère que, si un jour on y arrive, à pouvoir greffer de la compassion, le ministre sera un candidat, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viau, pour la fin de ce débat. Ceci met fin, donc, au présent débat, et nous allons suspendre quelques minutes avant d'entreprendre le deuxième débat dans quelques minutes. Nous suspendons.

(Suspension de la séance à 17 h 43)

(Reprise à 17 h 44)


Application du décret de la construction aux travailleurs de l'industrie du câblage informatique

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Alors, nous sommes prêts pour entreprendre le deuxième débat de fin se séance entre M. le ministre du Travail et M. le député d'Argenteuil au sujet de la déréglementation de l'industrie du câblage informatique.

Je vais céder la parole pour cinq minutes à M. le député d'Argenteuil, suivra M. le ministre, pour cinq minutes, et la réplique de deux minutes du député. M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Cet après-midi, on demandait une question au ministre au sujet de l'industrie du câblage informatique. On sait que, depuis le mois de novembre 1996, nous lui avons transmis quelques questions à répétition au sujet de cette industrie qui actuellement jouit d'une compétence importante au Québec, qui est une industrie en progression et qui constitue le gagne-pain de milliers de travailleurs au Québec. Et, comme on l'a mentionné cet après-midi, ceci est le fait de petites entreprises, de plusieurs PME, qui sont l'apanage du Québec, qui fonctionnent dans ce champ d'activité. L'inquiétude ronge ces petites entreprises et même les plus grosses, M. le Président, parce qu'on a l'inquiétude de voir réglementer cette industrie et l'assimiler à l'industrie de la construction du Québec. On sait très bien qu'il y aura des coûts additionnels reliés à cette réglementation, si jamais le ministre y souscrit. Et, dans cette démarche, on connaît très bien l'aboutissement ultime: c'est toujours, toujours l'utilisateur qui finit par en assumer les coûts.

Dans cette situation, nous avons posé des questions cet après-midi au ministre, et il nous a répondu qu'il était en réflexion. On lui avait posé la même question au mois d'avril, et il était toujours en réflexion. M. le Président, à ce moment-ci, je réadresse ma question au ministre: Suite à l'intervention du premier ministre, à qui on a demandé s'il était d'accord avec l'orientation que semblait vouloir prendre le ministre, bien qu'il n'avait pas décidé, mais qu'il était toujours en réflexion... Quand on est en réflexion, c'est parce qu'on n'a pas décidé d'un bord ni de l'autre. Mais, comme il y a une industrie qui est déjà fonctionnelle, profitable et qui est quasiment exemplaire au Québec et qu'on est en réflexion, ce n'est pas en réflexion pour la maintenir, c'est en réflexion pour changer le cadre de fonctionnement.

Alors, on voudrait que le ministre arrête sa réflexion, rassure l'entreprise de l'installation de câbles informatiques, pour la rassurer et s'assurer que la sécurité qui est nécessaire au bien-fondé d'une entreprise, pour son bon fonctionnement, pour sa profitabilité, pour la sécurité de ses employés... que le ministre puisse les rassurer.

Cet après-midi, le premier ministre nous a très bien dit et clairement – si le ministre n'a pas eu le temps d'obtenir les galées, on pourra les lui fournir – en réponse à la question que j'avais posée et en réponse à la question du chef de l'opposition officielle qui disait au premier ministre, avec qui on avait échangé là-dessus hier après-midi, à l'étude des crédits: Est-ce que le premier ministre, qui est responsable du Secrétariat à la déréglementation, est disposé à nous indiquer aujourd'hui si, en gros, il trouve que c'est une bonne idée d'assujettir de plus en plus de métiers, notamment dans les nouvelles technologies, au décret de la construction, de fixer leurs conditions de travail et de faire en sorte qu'on donne un monopole au syndical, à toutes fins pratiques, dans des pans complets de l'industrie dans lesquels il n'y a plus de concurrence, puisque c'est soumis à l'industrie de la construction... Donc, les taux seront les mêmes partout. Ça créera une augmentation des coûts. À ceci, le premier ministre a répondu: Puisque la question est posée en gros, je répondrai en gros que, non, ce n'est pas une bonne idée.

J'aimerais savoir, M. le Président, si, dans cette coulée de cet après-midi, le ministre du Travail a bien compris l'intervention de son premier ministre qui lui a dit: Non, ce n'est pas une bonne idée. Est-ce qu'il va arrêter la réflexion sur ce sujet pour enfin rassurer les entrepreneurs de multiples PME au Québec de l'industrie du câble informatique, finalement, et leur dire: Oui, ça va continuer de façon non réglementée, tel que ça fonctionne actuellement, pour s'assurer que les consommateurs, au bout de la ligne, auront le meilleur prix pour le meilleur service possible? Et j'espère que le ministre va pouvoir me répondre dans ce sens-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre du Travail, pour une intervention de cinq minutes.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: M. le Président, d'abord, d'où vient cette crainte de l'assujettissement de l'industrie du câble informatique au champ d'application de la loi R-20 qui est la loi sur la formation de la main-d'oeuvre et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction? Le conseil d'administration de la CCQ a décidé de former un comité, désigné comité Gaul, afin de revoir les définitions de 25 métiers de l'industrie de la construction. Deux assesseurs patronaux et deux assesseurs syndicaux accompagnent M. Gaul dans son travail. C'est un chantier très important, puisque ces définitions n'ont pas été modifiées de façon significative depuis 1971 et qu'il existe de nombreux problèmes de définitions et de chevauchements à résoudre.

Dans le cadre de ces travaux, les représentants du métier d'électricien ont notamment suggéré au comité Gaul d'ajouter à sa définition les travaux d'alimentation et de raccordement des appareils informatiques ainsi que les installations de robotique, de domotique et d'immotique, l'immotique étant la domotique appliquée aux immeubles. Cette information ayant été l'objet d'une publicité, d'aucuns ont conclu que ces travaux seront désormais assujettis à la loi R-20. Alors, il faut faire bien attention à ce que veut dire le processus. Alors, voilà pour les craintes.

Qu'en est-il exactement? Lorsque le comité Gaul aura complété ses travaux, M. le Président, vraisemblablement en juin, il soumettra ses recommandations quant aux modifications à apporter aux définitions de métiers, mais non au champ d'application de la loi R-20, au conseil d'administration de la CCQ, la Commission de la construction du Québec. Le conseil d'administration de la CCQ prendra alors en délibéré les propositions qui lui auront été faites, les soumettra au Comité sur la formation professionnelle dans l'industrie de la construction et finalement décidera de ce qu'ils recommanderont au ministre du Travail comme modifications aux définitions de métiers, mais non au champ d'application de la loi R-20. Le ministre du Travail prendra à son tour en délibéré le dossier et formulera en temps opportun des recommandations au Conseil des ministres quant aux suites à donner à cette requête de l'industrie de la construction en matière de définitions de métiers, et non au champ d'application de la Loi R-20.

(17 h 50)

Quels liens y a-t-il avec le champ d'application? Il faudrait être clair là-dessus. Plusieurs soutiennent que, si la définition du métier est modifiée par le gouvernement dans le sens souhaité par l'industrie, cela va faciliter la décision quant à l'assujettissement de l'industrie du câblage informatique au champ d'application de la loi R-20. Qu'ils aient raison ou non, la crainte est réelle, et c'est sans doute pourquoi nous sommes ici ce soir, M. le Président.

On ne peut donc raisonnablement dissocier la démarche relative à la définition du métier d'électricien d'une éventuelle requête auprès du Commissaire de la construction ou du gouvernement afin d'assujettir ces travaux à la loi R-20 sur les relations de travail, la formation de la main-d'oeuvre et sa gestion dans l'industrie. À savoir si le gouvernement va donner suite à la demande de modification de la définition du métier d'électricien, tout ça, il faut se la poser, la question, ou encore si le gouvernement a l'intention de donner suite à une éventuelle requête d'assujettissement de ce type de travail à l'industrie de la construction.

Ce matin, M. le Président, en répondant à la question du député, j'avais surtout en tête le premier volet du dossier qui concerne la définition du métier d'électricien et le souci de respecter le processus en cours au sein de l'industrie, avant de me prononcer.

Deuxièmement, mais, puisque, par amalgame, les deux dossiers sont maintenant confondus, je me dois de dire que ma ligne de conduite relativement à toute recommandation au gouvernement concernant quelque projet d'élargissement que ce soit du champ d'application de la loi R-20 est celle du gouvernement, à savoir le respect des décisions du Sommet de l'économie et de l'emploi concernant toute nouvelle réglementation, y compris celle de l'industrie de la construction, qui doit être soumise à une étude d'impact préalable; deuxièmement, le respect de la politique du gouvernement du Québec en matière d'allégement réglementaire, qui comprend également l'industrie de la construction.

C'est donc dire qu'il n'est pas question que je recommande au gouvernement aucun élargissement du champ d'application de la loi R-20, à moins qu'il ne soit démontré hors de tout doute, ainsi qu'au gouvernement et au secteur de l'industrie concerné, que c'est une solution avantageuse au plan économique et au plan social. Voilà les distinctions qu'il fallait faire.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre du Travail. Je vais maintenant céder la parole, pour les deux dernières minutes de réplique, à M. le député d'Argenteuil.


M. Régent L. Beaudet (réplique)

M. Beaudet: Merci, M. le Président. Je suis heureux de voir que le ministre a gardé en ligne les recommandations du Sommet économique du mois d'octobre 1996, où on disait clairement vouloir favoriser la déréglementation et l'allégement de la réglementation sous toutes ses formes, dans la mesure du possible, tout en respectant les individus, les travailleurs, les entrepreneurs.

Ce que j'entends ce soir, M. le Président, bien que ça ne cadre pas directement avec la réponse du premier ministre, cet après-midi, m'incite à penser que le ministre a bien pris en ligne de compte le commentaire du premier ministre, qui était: Non, ce n'est pas une bonne idée.

Ce que je pourrais lui suggérer, en terminant: comme il a pris en considération que la réponse du premier ministre, c'est non et qu'il me donne ce soir ses commentaires qu'il verrait tous les impacts qu'une telle démarche créerait sur le plan économique et sur le plan du travail, qu'il arrête donc tous les gens de son ministère qui travaillent là-dessus. Il va sauver de l'argent et il va favoriser un règlement final dans ce cadre de l'industrie du câblage informatique, et tout le monde va avoir la paix. Alors, qu'il retire tous ses employés qui travaillent là-dessus. La réponse, c'est non, il nous l'a donnée. Et je remercie le ministre de cadrer dans le champ où le premier ministre nous a très bien orientés cet après-midi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député d'Argenteuil. Ceci met fin à notre deuxième débat de fin de séance.

Étant donné l'heure, nous allons ajourner nos travaux à mardi prochain, le 6 mai, à 10 heures.

(Fin de la séance à 17 h 56)