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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le mardi 15 avril 1997 - Vol. 35 N° 88

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Table des matières

Nomination du whip adjoint du gouvernement

Nomination de membres du Bureau de l'Assemblée nationale

Motion proposant d'adopter des modifications à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale

Nomination du leader adjoint et du whip adjoint de l'opposition officielle

Présence dans les tribunes d'un membre du Sénat de la République italienne, M. Rocco Loreto, et de conseillers de la ville de Castellaneta

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Quatorze heures neuf minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien, si vous voulez vous asseoir.


Nomination du whip adjoint du gouvernement

Avant de procéder aux affaires courantes, je vous informe que j'ai reçu de M. le premier ministre une lettre, datée du 11 avril dernier, m'informant de la nomination de Mme Diane Barbeau, députée de Vanier, à la fonction parlementaire de whip adjointe du gouvernement en remplacement de M. Claude Lachance, député de Bellechasse.


Document déposé

Alors, je dépose cette lettre.


Nomination de membres du Bureau de l'Assemblée nationale

J'avise également cette Assemblée que j'ai reçu une lettre de M. le premier ministre, datée du 11 avril également, concernant les nominations suivantes: M. Michel Morin, député de Nicolet-Yamaska, à titre de membre du Bureau de l'Assemblée nationale en remplacement de M. Michel Côté, député de La Peltrie; et Mme Nicole Léger, députée de Pointe-aux-Trembles, à titre de membre suppléant du Bureau de l'Assemblée nationale en remplacement de M. Michel Morin.


Document déposé

Je dépose également ce document.

M. le vice-président.


Motion proposant d'adopter des modifications à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale

Le Vice-Président (M. Pinard): Je fais motion, M. le Président, pour que soient adoptées ces modifications proposées par le premier ministre à la composition du Bureau de l'Assemblée nationale.


Mise aux voix

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée? Alors, elle est adoptée.

(14 h 10)


Nomination du leader adjoint et du whip adjoint de l'opposition officielle


Documents déposés

J'ai reçu également, de M. le chef de l'opposition officielle cette fois, une lettre m'informant de la nomination de M. M. Jean-Marc Fournier, député de Châteauguay, à titre de leader adjoint de l'opposition officielle. Cette nomination est effective à compter du 10 avril 1997. Alors, je dépose cette lettre.

J'ai également reçu de M. le chef de l'opposition officielle une lettre m'informant de la nomination de M. Norman MacMillan, député de Papineau, à titre de whip adjoint de l'opposition officielle. Cette nomination est également effective à compter du 10 avril dernier, et je dépose cette lettre.


Présence dans les tribunes d'un membre du Sénat de la République italienne, M. Rocco Loreto, et de conseillers de la ville de Castellaneta

Et, avant d'aborder les affaires courantes, j'ai le plaisir de souligner la présence dans les tribunes d'un membre du Sénat de la République italienne, le sénateur Rocco Loreto. Le sénateur Loreto est accompagné d'une délégation de conseillers de la ville de Castellaneta.


Affaires courantes

Aux affaires courantes, déclarations ministérielles.


Présentation de projets de loi

Présentation de projets de loi. M. le député de Rivière-du-Loup.

M. Dumont: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article c du feuilleton.


Projet de loi n° 195

Le Président: À l'article c du feuilleton, M. le député de Rivière-du-Loup présente le projet de loi n° 195, Loi modifiant le Code du travail en matière de cession d'entreprise. M. le député de Rivière-du-Loup.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. Alors, ce projet de loi modifie l'article 45 du Code du travail afin d'exclure l'application de la règle du maintien d'accréditation dans le cas de la cession d'une partie des fonctions d'une entreprise ou de ses tâches n'incluant aucun élément d'actif ou autre moyen de production. Ce projet de loi a pour effet d'harmoniser la législation applicable dans la société québécoise en matière de maintien d'accréditation avec les autres sociétés de l'espace économique nord-américain.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce qu'on pourrait savoir du leader du gouvernement s'il est de l'intention de ce dernier d'appeler ce projet de loi au cours de la présente session et de tenir une commission parlementaire pour entendre les parties intéressées?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: On verra, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Mais, auparavant, je voudrais savoir si l'Assemblée accepte d'être saisie du projet de loi. Alors, adopté, l'Assemblée se saisit du projet de loi.


Dépôt de documents


Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale et nouveau diagramme de l'Assemblée

Au dépôt de documents, je dépose les décisions 827, 828, 829, 831, 832 et 833 du Bureau de l'Assemblée nationale et je dépose le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale, daté du 15 avril 1997.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Élection du vice-président de la commission des institutions

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 10 avril 1997 afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. J'invite maintenant le président de la commission des finances publiques et député d'Arthabaska.


Élection du vice-président de la commission des finances publiques

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé le 10 avril 1997 afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission, en la personne du député de l'Acadie.


Poursuite du débat sur le discours sur le budget

Je dépose également le rapport de la commission des finances publiques qui a siégé les 9, 10, 15 avril 1997 afin de poursuivre le débat sur le discours du budget, concernant l'article 275 du règlement.

Le Président: Ces rapports sont déposés, bien sûr. Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Chicoutimi.


Élection du vice-président de la commission de l'éducation

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 10 avril 1997 afin de procéder à l'élection du vice-président de la commission.

Le Président: Alors, ce rapport est également déposé. M. le président de la commission de l'administration publique et député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: Westmount–Saint-Louis, M. le Président.

Le Président: Le «Saint-Louis» n'a pas été très bien prononcé.

M. Chagnon: Ce n'est pas grave. On se reprendra, M. le Président.

Le Président: Je n'en ai aucun doute, M. le député.


Élection du président et du vice-président de la commission de l'administration publique

M. Chagnon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'administration publique qui a siégé le 10 avril 1997 afin de procéder à l'élection du président et du vice-président de la commission. Le vice-président est le député de La Peltrie.

Le Président: Alors, le rapport du député de Westmount–Saint-Louis est déposé. M. le président de la commission des transports et de l'environnement et député de Bellechasse.


Élection du président et du vice-président de la commission des transports et de l'environnement

M. Lachance: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport de la commission des transports et de l'environnement qui a siégé le 10 avril 1997 afin de procéder à l'élection du président et du vice-président de la commission, en l'occurrence le député de Jeanne-Mance.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Masson.


Maintenir la maternelle mi-temps et octroyer les budgets nécessaires pour ce faire

M. Blais: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 316 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du comté de Masson.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants, mais répond aux demandes de 50 % des parents du Québec...»

Le Président: Alors, je voudrais vous proposer d'ajuster le volume à deux niveaux. Si tout le monde peut se taire et permettre au député de Masson de parler plus fort.

M. Blais: M. le Président, j'allais requérir votre aide parce qu'il y avait du bruit dans la salle.

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond aux attentes de 50 % des parents du Québec;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour...»

Des voix: ...

Le Président: Je m'excuse. Je voudrais vous rappeler que, selon une de nos chartes, il y a un droit très strict pour les citoyens, c'est de pouvoir déposer des pétitions à l'Assemblée nationale. C'est un geste important et, qu'on soit d'accord ou pas, comme élu, on a la responsabilité, lorsqu'on nous demande de présenter la pétition que les citoyens se donnent la peine de signer... À ce moment-ci, M. le député de Masson, je voudrais vous demander de faire en sorte que la lecture soit audible pour l'ensemble des membres de l'Assemblée.

M. Blais: Je vous remercie de rappeler l'opposition à l'ordre, M. le Président.

«...de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.».

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

(14 h 20)

Le Président: Merci, M. le député de Masson. J'invite maintenant M. le député de Marguerite-D'Youville.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 99 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la Rive-Sud de Montréal.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants, mais répond aux demandes de 50 % des parents du Québec;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond aux attentes de 50 % des parents du Québec;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député de Marguerite-D'Youville, votre pétition est déposée. M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Deslières: Oui. M. le Président, je demande le consentement de cette Chambre, puisqu'une partie de la pétition est non conforme.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement? Il y a donc consentement. Vous pouvez y aller, M. le député.

M. Deslières: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition signée par 551 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le Québec est une société démocratique;

«Considérant que les parents sont les premiers responsables de l'éducation de leurs enfants;

«Considérant que le projet de maternelle temps plein cinq ans ne convient pas à tous les enfants, mais répond aux demandes de 50 % des parents du Québec;

«Considérant que la maternelle mi-temps existante répond aux attentes de 50 % des parents du Québec;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale: de maintenir telle qu'elle existe présentement la maternelle mi-temps tout en offrant la maternelle temps plein à la demande des parents; de confier aux commissions scolaires et aux milieux-écoles le pouvoir et les budgets nécessaires pour répondre adéquatement à cette requête.»

Je certifie que cet extrait est conforme à une partie de l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député. La pétition est également déposée. Il n'y a pas aujourd'hui d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Et je vous avise qu'après la période de questions et des réponses orales seront tenus les votes reportés sur la motion présentée par M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et sur la motion d'amendement présentée par M. le député de Chomedey.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le chef de l'opposition officielle.


Émigration de jeunes anglophones québécois

M. Johnson: C'est vendredi dernier, je crois, qu'il y a eu une intervention ici, à l'Assemblée nationale, une interpellation du vendredi sur la situation économique du Québec qui mettait en présence notamment le député de Orford, de notre côté, et le vice-premier ministre et ministre des Finances.

À l'occasion de ce débat ont été soulevées les statistiques sur le bilan migratoire du Québec, dont on doit déplorer que des milliers de nos concitoyens ont quitté l'an dernier le Québec pour aller vers d'autres régions, quelles qu'elles soient, soit ailleurs au Canada, soit ailleurs dans le monde. Il s'est avéré, à l'étude plus fine de ce phénomène, que beaucoup de ces expatriés volontaires, exilés volontaires, comme on le dit dans les journaux, sont des anglophones dans la vingtaine ou la jeune trentaine et qui ont des diplômes universitaires.

J'ai eu l'impression, en écoutant les propos du ministre des Finances, qu'il tentait, au-delà du constat et peut-être de déplorer un peu le phénomène, qu'il semblait banaliser, pour l'économie du Québec, ce départ de milliers de nos concitoyens qui ne parlent pas français à la maison, qui sont dans la vingtaine ou la jeune trentaine et qui ont une contribution à faire au Québec, avec les diplômes qu'ils ont acquis... la plupart du temps, qu'ils ont acquis ici.

Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire s'il souscrit à l'attitude du ministre des Finances, qui a donné l'impression, vraiment, là, de banaliser ce phénomène? Et est-ce que le premier ministre pourrait nous dire ce qu'il fait, lui, pour s'assurer que des citoyens bien formés, jeunes, peuvent demeurer au Québec, peuvent se sentir confortables au Québec et rester au Québec pour contribuer à construire le Québec?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): Avant même cette interpellation, j'avais déjà réagi sans aucune espèce d'équivoque à ces statistiques, et c'est peut-être parce que ces représentants à l'interpellation de vendredi n'ont pas porté autant d'attention que les médias l'avaient fait à mes déclarations. J'ai dit de façon claire et nette qu'un départ est de trop, quelle que soit la couche d'âge, d'ailleurs, et quel que soit le niveau de scolarité. Un bon travailleur en usine, c'est aussi grave qu'un jeune diplômé de McGill ou d'ailleurs.

Ce que j'ai dit à l'interpellation, par ailleurs, c'est que la population du Québec continuait à augmenter. Elle pourrait augmenter plus. Le territoire est suffisamment vaste que 7 000 000 de personnes, ce n'est pas grand monde. Ce que j'ai dit aussi aux journaux et à l'interpellation – et là il y a beaucoup de Québécois et Québécoises qui pourraient prendre part à la solution du phénomène – c'est que de jeunes unilingues anglophones bien formés quittent le Québec. C'est entendu que, quand on est unilingue, on a des problèmes à s'épanouir pleinement au Québec si on veut faire une carrière dans les courants les plus progressistes. Si je voulais faire une carrière au Mexique, moi, et que malheureusement je ne connaissais pas la langue du lieu, j'aurais sans doute des entraves graves. Alors, ceux et celles, sérieusement, qui veulent que le phénomène de cet exode déplorable en soi diminue n'ont qu'à encourager – et je pensais que c'était presque fait – tous nos compatriotes anglophones, le plus rapidement possible et par les meilleurs moyens, à apprendre la langue du lieu.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Je redemande au premier ministre ce que son gouvernement a fait de concret pour que les gens qui ne parlent pas français à la maison se sentent à l'aise et puissent s'intégrer davantage ici même, au Québec, de la même façon, non seulement à l'égard des gens qui sont déjà ici, mais des gens que le premier ministre notamment et d'autres ministres tentent d'attirer d'autres pays, que ce soient des pays asiatiques ou d'autres contrées. Sur quoi le premier ministre peut-il nous dire que son action a porté, de façon concrète, pour que des gens qui ne parlent pas français à la maison se sentent bienvenus au Québec et décident d'y rester?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il est vrai qu'une des composantes des données rendues publiques récemment par rapport à ces mouvements migratoires indique qu'il y a une intensification du côté des jeunes anglophones unilingues – et j'y reviendrai – mais il faut quand même noter que ces données-là, il faut les prendre avec quand même un peu de réticence, en un sens, puisque, premièrement, il est clair qu'il y a un mouvement, au Canada, qui va de l'est vers l'ouest. Parce que, si c'est vrai que les données montraient qu'on fuit le Québec, il faudrait conclure qu'on fuit également l'Ontario, puisque l'Ontario a perdu 7 000 citoyens l'an dernier. Il y a comme un mouvement qui fait que les gens vont vers l'ouest du Canada présentement. Deuxièmement, ces données sont des estimations; ce sont des estimés qui doivent être vérifiés par la réalité dans les années qui suivent. L'écart est parfois considérable. Il faut prendre ça avec des pincettes, là, parce que, en 1994 par exemple, l'écart était aussi considérable que de 16 000 réduit à 10 000, une fois la réalité prise en compte.

J'ajouterai aussi qu'il n'y a pas un phénomène de fuite du Québec, il y a 25 000 étrangers, il y a un chiffre net de 25 000 étrangers qui sont venus l'an dernier s'établir au Québec. Ce n'est pas rien. Il y a également 25 000 personnes qui sont venues du reste du Canada s'établir au Québec. Donc, le Québec n'est pas fui.

Et, s'agissant des jeunes anglophones, en fait, on peut mettre le doigt sur ce qui fait mal, en réalité – c'est vrai que ça fait mal – c'est de voir qu'il y a de jeunes anglophones qui sont diplômés, qui ont acquis des compétences au Québec et qui quittent le Québec, mais on voit très bien que ce sont surtout ceux qui sont unilingues anglophones. Donc, là, il y a comme un problème. Ça doit montrer que, entre autres choses, le gouvernement doit intensifier ses efforts de francisation pour la minorité anglophone qui souhaite parler français pour pouvoir s'épanouir davantage dans notre société, M. le Président.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Si le premier ministre – et je n'en doute pas une minute, comme tout le monde – souscrit à l'objectif du ministre des Finances, de dire «il faut qu'il y ait le plus de monde possible ici, on n'est pas assez nombreux, le territoire est énorme, nos ressources sont illimitées», qu'est-ce que le premier ministre, au-delà de discuter des statistiques comme il vient de le faire... comment le premier ministre peut-il nous rassurer que son gouvernement a pris des mesures concrètes? C'est ça que je lui demande, ça fait trois fois que je le lui demande, là: Qu'est-ce qu'il fait, là, depuis presque un an et demi pour s'assurer qu'il a en place des politiques qui font en sorte qu'on attire les gens ici, qu'une fois qu'ils sont ici on les y retient et que, lorsqu'ils sont ici, ils peuvent contribuer pleinement à l'épanouissement du Québec? C'est ça que je lui demande. Qu'est-ce qu'il a fait depuis un an?

(14 h 30)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Pour ce qui est des questions qui sont relatives à des gens qui, à 24 ans, ne parlent pas le français au Québec en sortant de l'université, il y a des choix personnels qui ont été faits, là, parce que les jeunes qui vont à l'université au Québec, qui sont diplômés universitaires, ont eu l'occasion d'apprendre le français. Et, s'il y a une corrélation – je ne dis pas qu'il y a une causalité – observable dans le fait qu'ils sont unilingues anglophones et qu'ils quittent le Québec, on peut, je crois, du côté des politiques linguistiques, favoriser la francisation.

Mais, fondamentalement, c'est une question économique surtout. Une société retient ses jeunes, attire les jeunes, attire la population quand elle offre des emplois. Or, je n'ai pas entendu l'opposition se féliciter de voir que, dans les derniers rapports d'emplois, le Québec a créé 56 000 emplois au cours des quatre derniers mois et que le taux de chômage a baissé de 12,7 % à 11,2 %. Ça, c'est une façon de retenir les jeunes et d'en attirer davantage.

Le Président: M. le chef de l'opposition.

M. Johnson: Dans ce cas-là, comment ça se fait qu'ils s'en vont pareil?

Le Président: M. le ministre des Relations avec les citoyens et de l'Immigration.

M. Boisclair: Oui, M. le Président. L'objectif de tout le gouvernement, c'est la francisation au maximum. Est-ce que je peux rappeler que le premier ministre ainsi que l'ensemble des membres gouvernementaux, nous avons accueilli favorablement les recommandations du rapport Grant commandé par ma collègue ministre de la Culture? Une des recommandations du rapport Grant visait justement la francisation des gens qui ne sont pas admissibles à nos programmes réguliers offerts particulièrement au ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration. C'est pourquoi, en collaboration avec ma collègue ministre de l'Éducation nous souhaitons être capables de faire en sorte qu'au Québec n'importe qui qui désire apprendre le français puisse le faire dans des conditions favorables, au-delà des exigences réglementaires qui sont celles fixées par les règlements, chez nous, qui sont les critères du 36 mois.

Les collègues de l'Assemblée nationale doivent savoir que les services de francisation du ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration sont disponibles pour des gens qui ne sont pas citoyens canadiens. Compte tenu du fait que ces services pourraient être élargis, nous souhaitons, avec ma collègue de l'Éducation, faire en sorte que chaque citoyen, peu importe son origine, peu importe le temps de résidence au Québec, puisse avoir accès à des cours de français de façon favorable. C'est pour ça d'ailleurs que je dois rencontrer ma collègue de l'Éducation pas plus tard que la semaine prochaine. Nous allons donner une suite favorable aux recommandations du rapport Grant.

Le Président: En principale, M. le député des Îles-de-la-Madeleine.


Droit de produire des agriculteurs dans le cadre du développement durable

M. Farrah: Oui. Merci, M. le Président. Comme on le sait, le monde agricole vit présentement une période très difficile au Québec. D'ailleurs, La Terre de chez nous , dans son édition de cette semaine, titre: Entre les producteurs agricoles et le gouvernement, rien ne va plus . À tous les jours, nous sommes en mesure de constater des préjugés de ce gouvernement contre la production agricole et le traitement injuste qu'on fait subir aux travailleurs et aux travailleuses de notre terre agricole.

Nous avons entendu la déclaration fracassante du ministre de l'Environnement, qui a déjà traité en cette Chambre les bâtisseurs de l'industrie porcine du Québec de «barons du cochon». Aujourd'hui, en commission parlementaire, ce matin, le ministre de l'Environnement prétendait qu'il n'était pas question d'empester nos campagnes pour nourrir les Japonais. Le ministre de l'Agriculture demeure silencieux, sourd, immobile devant ces attaques répétées à l'endroit de nos producteurs et productrices du Québec.

Ma question: Comment le ministre de l'Agriculture peut-il concilier son discours sur le développement de l'industrie agroalimentaire du Québec, sur le dynamisme de nos exportations – alors qu'il disait que, dans le domaine du porc spécifiquement, il y avait eu un boum de 33 %, 35 % dans l'Ouest canadien et de seulement 6 % ici, au Québec – alors qu'il demeure muet et immobile devant les attaques et la vision ratatinée de son collègue de l'Environnement? M. le Président, on sait bien qu'il est à plat ventre devant le ministre de l'Environnement, mais j'espère qu'il ne lui passera pas la parole et qu'il va répondre à la question.

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: M. le Président, franchement, mon collègue des Îles... En tout cas... Je l'ai répété moult et moult fois. Au mois de juin, on l'a adoptée. C'est un acquis, la loi n° 23; elle est acquise. On est en consultation sur une question d'inconvénients. Et je l'ai mentionné moult fois: Oui dans le cadre du développement durable, mais dans le respect du droit de produire des producteurs. Puis ça, c'est clair. Je ne sais pas combien de fois il va falloir que je le dise. Je le dis et je le redis: Mais dans le cadre du développement durable. Et les producteurs me l'ont démontré, ils se sont autoresponsabilisés: les plans agroenvironnementaux qu'ils se sont donnés – vous étiez présent – la Fédérée qui a donné son propre plan de développement au niveau de l'environnement... Donc, il y a une autoresponsabilisation des gens.

J'ai même dit, et je l'ai dit souvent – il va falloir que vous relisiez vos notes: L'environnement, il ne faut pas qu'il soit vu comme une contrainte, mais comme un outil de développement international. De plus en plus, sur les marchés internationaux, la qualité des produits, l'environnement va devenir une barrière tarifaire. Et, là-dessus, les producteurs en sont conscients, puisqu'ils ont commencé à prendre le développement durable. Ils se sont déjà donné des plans agroenvironnementaux pour répondre à ces objectifs-là.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Farrah: M. le Président, ce n'est pas l'environnement qui est une contrainte, c'est le ministre de l'Agriculture. C'est lui, la contrainte.

Le Président: Vous êtes un parlementaire d'expérience, M. le député des Îles, alors ce n'est pas parce que vous regardez le président que ça vous donne la possibilité de contourner le règlement.

M. Farrah: Je m'excuse, M. le Président. Je parle au nom du monde agricole. Alors, comment le ministre peut concilier ses propos avec l'attitude du ministre de l'Environnement – parce que, ultimement, c'est lui qui émet les certificats d'autorisation – alors que le ministre de l'Agriculture dit qu'on a besoin d'exporter, au Québec, et alors qu'il y a 350 dossiers de bloqués au ministère de l'Environnement? Alors, comment concilier le discours d'exportation du ministre avec l'attitude du ministre de l'Environnement, M. le Président, sauf dire que le ministre de l'Agriculture est à plat ventre et à genoux devant le ministre de l'Environnement?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Julien: Alors, M. le Président, si le député des Îles m'écoute, on a 2 000 000 000 $ d'exportation cette année. On va atteindre une balance commerciale équilibrée. On exporte dans au-delà d'une centaine de pays. Alors, au niveau de l'exportation, je pense qu'on n'a pas de leçons à recevoir; les producteurs, les transformateurs rencontrent les objectifs qu'ils se sont fixés, puis on va les dépasser. Quant à la réglementation de l'environnement, je vais laisser mon collègue, le ministre de l'Environnement, répondre à votre question.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement et de la Faune.

M. Cliche: M. le Président, je pense que j'aurais, de toute façon, invoqué l'article 212 parce que mes propos ont été déformés. Lorsque ce matin, en commission parlementaire, je faisais référence aux odeurs à la campagne, c'était en réponse à une affirmation, d'un producteur de porcs dans ce cas-là, qui disait qu'il fallait être tolérant pour nourrir le ventre des Québécois. Je signalais que 65 %, notamment de la production d'Olymel, producteur de porc bien connu, est exporté vers les marchés, notamment les marchés japonais. Alors, c'était tout simplement pour mettre dans le contexte qu'une partie importante de la production de porcs est exportée.

Mais, en ce qui concerne les certificats d'autorisation, c'est faux de dire qu'il y a des dossiers de bloqués. Il y a des dossiers à l'étude au ministère de l'Environnement et de la Faune, comme il y en aura toujours et comme il y en a toujours eu. Depuis le 1er octobre, nous avons autorisé 200 nouveaux projets, au niveau du ministère de l'Environnement et de la Faune; nous avons autorisé plus de 15 000 unités animales en production porcine seulement. Quinze mille unités animales, M. le Président: si je fais le total ici, c'est 350 000 nouveaux petits cochons qui pourront vivre sur le territoire du Québec. Alors, c'est faux de dire...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

(14 h 40)

M. Cliche: M. le Président, je ne sais pas pourquoi les gens rient à ce fait. On autorise les projets – on ne bloque pas les projets – lorsqu'on est assuré qu'on peut autoriser des projets qui se font dans le respect de l'environnement physique et de l'environnement social. Nous ne sommes pas contre la production agricole, et là-dessus, avec mon collègue de l'Agriculture, on est sur la même longueur d'onde. Oui au développement de la production agricole, mais oui au développement de la production agricole qui va se faire dans le respect de l'environnement physique et de l'environnement social, pour un développement durable de cette industrie, M. le Président.

Le Président: M. le député des Îles-de-la-Madeleine.

M. Farrah: Je comprends qu'ils sont sur la même longueur d'onde, M. le Président....

Le Président: M. le député.

M. Farrah: M. le Président, qu'est-ce que le ministre a à répondre aux producteurs porcins du Québec, qui, dans une lettre ouverte qui a été publiée la semaine dernière dans la Terre de chez nous , nous disent ceci, et je cite: «À partir d'aujourd'hui, nous vous demandons – en parlant au ministre – de ne plus parler du dynamisme du secteur porcin dans vos discours économiques, puisque, nous, nous ne parlerons plus, dans nos interventions, de l'existence du ministre de l'Agriculture.» Qu'a-t-il à dire là-dessus, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Julien: Bien, écoutez, je n'ai pas entendu tous les propos du député des Îles-de-la-Madeleine. L'activité porcine au Québec, je vais continuer à en parler parce que c'est un élément moteur de notre économie. C'est évident qu'on va continuer à en parler, c'est une grosse part de nos exportations, c'est une grosse part de notre production et de notre transformation. C'est clair que l'industrie porcine, je vais continuer à en parler dans le cadre d'un développement économique, dans le cadre d'un développement durable, c'est évident.

Le Président: Mme la députée de Saint-Henri– Sainte-Anne, en principale.


Coût des médicaments pour les personnes à faibles revenus

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. Mardi, en cette Chambre, le ministre de la Santé et des Services sociaux soutenait que presque tous les problèmes visant l'assurance-médicaments avaient été réglés, sauf pour les gens les plus démunis – un petit détail. Le ministre nous rappelait, M. le Président, avec fierté, qu'il avait réglé les problèmes de gestion, qu'il avait réglé les problèmes informatiques, qu'il avait réglé les problèmes des arrangements administratifs avec le fédéral, avec les ententes avec les assureurs. Mais, moi, M. le Président, j'aimerais parler avec le ministre des gens, des gens malades, des gens démunis. Parce que le ministre soutenait que les gens qui se privent de manger pour acheter leurs médicaments, là aussi il n'y avait pas de problème, c'était une question d'arrimage entre les CLSC, entre les intervenants, entre les pharmaciens et les groupes communautaires, puis il n'y en aurait plus, de problème.

Alors, je pose ma question au ministre de la Santé, M. le Président: Est-ce que le ministre est au courant que les organismes communautaires, en collaboration avec les CLSC, font présentement circuler une lettre, sous forme de pétition, contre le ministre afin qu'il change la Loi sur l'assurance-médicaments pour que les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté n'aient plus à payer leurs médicaments?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Oui, M. le Président. J'ai effectivement rappelé en cette Chambre – pour qu'on garde la vue, là, sur la perspective de la mise en oeuvre du programme d'assurance-médicaments – qu'à peu près toutes les difficultés qui peuvent se présenter quand on développe un nouveau programme de ce genre-là ont été solutionnées dans les deux, trois premiers mois depuis le départ du programme. J'ai aussi dit, et ça correspond à ce que la députée nous rappelle aujourd'hui, qu'il nous reste maintenant, de façon très claire, la situation des personnes qui vivent dans la pauvreté et, effectivement, les plus démunies de notre société, et qu'on s'aperçoit très bien, quand on regarde leur situation, que ce sont les mêmes gens qui ont de la difficulté pour obtenir des médicaments, qui ont de la difficulté pour équilibrer leur budget pour avoir une alimentation suffisante, adéquate, ce sont les mêmes gens, le même groupe de personnes qui ont des difficultés avec les logements. Ce sont des gens qui sont pauvres et qui ont une difficulté à vivre, de façon générale. Ce qu'on fait présentement, de façon très active, c'est qu'on a une approche qui est globale et qui veut prendre en compte les différents aspects de la situation de ces gens-là pour qu'on apporte vraiment des améliorations, mais qui vont être des améliorations de fond, qui vont vraiment les aider et les aider à vivre dans le contexte de la communauté où ils sont. Souvent, les solutions sur le terrain ne sont pas exactement les mêmes dépendant qu'on soit en milieu rural ou urbain, et même à l'intérieur d'une région, d'une partie à l'autre de la région.

Alors, le travail se fait de façon plus intersectorielle, autant centralement que localement, présentement. Et, au cours des prochaines semaines, alors qu'on aura une meilleure vision avec le début du deuxième cycle de trois mois, qui va nous donner vraiment le portrait d'où on en est, on sera capable d'apporter d'autres mesures qui vont vraiment aider ces gens-là, mais les aider plus, au fond, que d'apporter des mesures parcellaires, sectorielles, qui ne se complètent pas quand ça rejoint les gens sur le terrain, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce qu'il n'aurait pas été plus généreux de la part du ministre de commencer par régler la situation des gens qui souffrent, des gens qui sont pauvres, des gens qui sont plus démunis, que de commencer par régler les problèmes informatiques et administratifs de l'assurance-médicaments? Et que répond le ministre à la lettre de pétition des gens malades et démunis qui disent au ministre: «Personnellement, je peux vous dire, M. le ministre, que j'ai dû – et les gens cochent – soit arrêter de prendre mes médicaments; soit diminuer certains médicaments ou leur fréquence; soit me priver de nourriture ou me priver de vêtements; soit demander de l'aide alimentaire ou financière à des organismes; soit même emprunter et me faire donner de l'argent, pour acheter mes médicaments, à un ami ou à un parent.» C'est ça, M. le Président. Les gens – pas la structure, pas l'administration, pas l'informatique – les plus démunis, les gens qui souffrent.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, il serait tout à fait inexact de donner l'impression, comme le donne la question, qu'on a attendu à maintenant pour s'occuper des gens qui sont dans cette situation-là. C'est depuis trois mois que les gens ont été aidés régulièrement, à chaque mois, pour s'assurer qu'ils pourront avoir leurs médicaments. Ce que je dis, c'est que la situation des autres catégories de personnes était plus simple, était plus technique et se prêtait à une solution prise centralement, qui visait toute une catégorie de personnes, ce qui n'est pas le cas...

La députée semble bien connaître la situation, puis on comprend bien la situation de ces gens-là: ce n'est pas une approche sectorielle qui va régler leurs problèmes. Bien sûr que le programme d'assurance-médicaments pour tout le monde pourrait être encore plus généreux. Même si on nous dit et qu'on voit que c'est un des programmes les plus généreux qui existent présentement en Amérique du Nord dans le domaine, il pourrait être encore plus généreux. Et j'espère que, quand on va s'être sorti de la situation, qu'on va avoir des meilleures finances publiques, on va pouvoir le rendre encore plus généreux.

Mais je «peux-tu» rappeler que la solution qu'avaient trouvée nos prédécesseurs à ça, ce n'était pas d'avoir un programme plus équitable, comme on l'a fait, c'était de couper le remboursement des médicaments les plus coûteux, la fameuse circulaire «malades sur pied», de l'enlever complètement puis de dire au monde: Arrangez-vous. C'était ça, leur solution. Ce n'est pas ça, notre solution. Nous, on le prend et on le prend de façon globale, le problème. Et, dans les prochaines semaines, on va continuer à trouver une solution pour tout le monde. Et, en attendant, on s'occupe de ceux qui ont besoin de leurs médicaments, M. le Président.

Le Président: Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, puis-je rappeler au ministre de la Santé...

Des voix: ...

Mme Loiselle: Puis-je rappeler...

Des voix: ...

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée.

Mme Loiselle: Est-ce que je peux rappeler au ministre de la Santé...

Des voix: ...

(14 h 50)

Le Président: Je voudrais rappeler aux membres de l'Assemblée que, quand on est en complémentaire, bien sûr que c'est une question et non pas un débat ou un discours qu'on prononce. Par ailleurs, je crois que la présidence doit prendre en considération aussi la façon dont elle apprécie et a apprécié sur une très longue période des questions complémentaires. Et, si, de part et d'autre, on veut resserrer la tradition et la façon dont les autorisations ou la période de questions a été gérée jusqu'à maintenant puis devenir encore plus strict, bien il va falloir qu'à un moment donné, de part et d'autre, on s'entende sur le fait que tout à coup il serait temps de resserrer.

Pour le moment, je pense qu'on va laisser d'abord la députée poser sa question complémentaire. C'est évident, et on n'a simplement qu'à refaire un peu un retour sur l'arrière pour se rendre compte qu'il n'y a pas beaucoup de questions, ni principales ni complémentaires, qui ne contiennent pas des expressions d'opinion. Et, s'il fallait qu'à chaque fois on intervienne pour empêcher les expressions d'opinion dans la formulation des questions principales et des questions complémentaires il n'y aurait pas grand questions qui seraient posées à l'Assemblée nationale. Mme la députée.

Mme Loiselle: M. le Président, est-ce que ministre de la Santé peut se rappeler qu'il a trouvé de l'argent pour la commission Doyon, qu'il a trouvé de l'argent pour le préréférendum et la campagne référendaire et pour la soi-disant augmentation salariale qu'on a retirée récemment avec la pointe du couteau sur la gorge? Quand va-t-il, M. le Président, retirer la taxe sur la santé des pauvres?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je répète ce que j'ai dit. La situation est suivie de très près avec les organismes qui, localement, s'occupent des gens, et on s'assure – c'est notre objectif – que les gens ne soient pas privés de médicaments, qu'on va vraiment améliorer la situation et qu'on va y aller au fond. Ce n'est pas parce qu'on ne conclut pas immédiatement que la solution qu'a trouvée comme ça la députée est nécessairement la bonne solution qu'on ne s'occupe pas de l'affaire: on s'en occupe et on va y aller plus en profondeur. Le monde voit leur situation personnelle prise en compte pendant ce temps-là. Au cours des prochaines semaines, on va apporter les améliorations qu'il faut pour équilibrer de façon plus stable la situation. C'est ça qu'on fait. Alors, je peux le répéter, et le répéter, et le répéter encore: c'est une situation et il faut encore quelque temps pour la régler. Les gens sont employés à ça et on va trouver la solution, M. le Président.

Le Président: En complémentaire?

M. Cusano: En principale.

Le Président: En principale, M. le député de Viau.


Services de transplantation pulmonaire à l'hôpital Laval de Québec

M. Cusano: Merci, M. le Président. Au mois de novembre dernier, le ministre de la Santé et des Services sociaux nous affirmait de son siège que, dès le 15 janvier 1997, l'hôpital Laval de Québec serait prêt à effectuer des transplantations pulmonaires. À ce jour, M. le Président, aucune transplantation pulmonaire n'a été effectuée dans ce centre. Cette semaine, au cabinet du ministre de la Santé, on affirme que le programme des greffes de poumon de l'hôpital Laval est pleinement fonctionnel, M. le Président, et que tout le nécessaire est en place pour procéder.

J'aimerais savoir du ministre de la Santé et des Services sociaux: Si tel est le cas, si tout est prêt, si on est prêt à procéder, pourquoi aucune transplantation pulmonaire n'a été faite ici, à Québec, lorsqu'il y a 10 personnes qui sont en attente, M. le ministre?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: Si le député avait bien écouté toute l'information qu'on lui a donnée quand il a communiqué au ministère et à mon cabinet, il se rappellerait de la raison, de la réponse qu'on lui a donnée, M. le Président. Il a été établi une phase de transition et un protocole de collaboration entre l'Institut de pneumologie et de cardiologie de Québec et le pavillon Notre-Dame du Centre universitaire de Montréal. Dans ce protocole de collaboration, il avait été convenu que les patients qui étaient déjà en liste d'attente – il y en avait à l'époque entre 15 et 20, je pense, quelque chose comme ça – vu que certains avaient déjà même déménagé ou s'étaient installés à Montréal pour attendre une greffe éventuelle ou une transplantation éventuelle, auraient le choix et que les cliniciens prendraient la décision avec eux pour décider où ce serait préférable pour eux d'avoir la transplantation.

Jusqu'ici, les transplantations qui ont dû se faire des gens qui étaient en attente se sont faites à Montréal. On n'en fait pas à tous les jours, des transplantations, M. le Président: c'est une par mois, parfois deux. Alors, la fréquence n'est pas nécessairement énorme. Alors, c'est tout simplement le déroulement de ce qui avait été prévu qui se passe, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Cusano: M. le Président, pourquoi le ministre de la Santé a induit cette Chambre en erreur, pourquoi a-t-il induit cette Chambre en erreur lorsqu'il nous disait, au mois de novembre, décembre, qu'il y avait une équipe de transplanteurs qui était prête ici, à Laval, et on apprend aujourd'hui, M. le Président, que sa fameuse équipe qui était censée être prête au mois de janvier, le seul chirurgien qui serait apte à faire des transplantations est présentement en Angleterre en étape de formation?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Rochon: M. le Président, je n'ai pas induit la Chambre en erreur, absolument pas. L'Institut de cardiologie et de pneumologie est préparé et peut intervenir et peut faire une transplantation. Son équipe, sur place, sera au complet dès les mois de mai et juin. Présentement, les médecins qui sont là, avec les arrangements et les ententes qu'ils ont et avec Montréal et avec d'autres centres universitaires, peuvent intervenir si c'est nécessaire, M. le Président.

Il faut se rappeler qu'il a été convenu qu'on aurait un programme qui serait établi avec la collaboration des deux centres universitaires, que la coordination en serait confiée à l'Institut de cardiologie et pneumologie Laval et que les deux équipes travailleraient ensemble pour diriger le programme, pour s'occuper des personnes qui sont déjà là, et que l'Institut prendrait en relève le programme de recherche et développement pour amener ce traitement à la phase d'un traitement général accepté et non plus à la phase de développement où il est présentement et que graduellement il prendrait la relève, au besoin, des transplantations.

Alors, M. le Président, je ne vois pas ce qu'on essaie de soulever. Si une transplantation devait être faite à l'Institut, ils nous ont assurés qu'ils peuvent la faire – et je n'ai pas de raisons de ne pas les croire – et leur équipe sera encore plus forte, plus stabilisée et plus complète dans quelques mois, M. le Président. C'est ça qui est la situation.

Le Président: M. le député.

M. Cusano: M. le Président, dois-je comprendre qu'en novembre on disait qu'elle était prête, cette équipe de transplantation, qu'en janvier elle était en formation et que présentement ces gens-là sont à l'extérieur du pays pour se former et pour commencer peut-être au mois de mai? Est-ce que je pourrais savoir du ministre, tout simplement, c'est qui le transplanteur qui va faire les transplantations pulmonaires à l'hôpital Laval? C'est qui?

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, on se rappellera, quand on a discuté plus longuement de cette question, qu'on a rappelé que, pour faire de la transplantation, surtout d'un organe comme le poumon qui demande encore beaucoup d'activités de recherche, en plus des équipes de recherche, il faut des pneumologues, qu'il y a une équipe complète de pneumologues à Laval; qu'il faut tout un support d'immunologie, que tout ça est là; qu'il faut un support chirurgical et des salles d'opération disponibles, tout ça est là, M. le Président, et disponible. Alors, je ne vois pas ce qu'on essaie de chercher.

L'hôpital est prêt à faire des transplantations. Mais pourquoi on reprocherait, M. le Président, à un centre universitaire, qui est un centre de pointe dans un tel développement, de profiter de la période du début du développement du programme, de profiter de cette période où l'intensité de la demande n'est pas tellement grande pour le moment, pour se perfectionner et envoyer ses chirurgiens dans les meilleurs centres au monde, qui ont fait le plus grand nombre de transplantations, de sorte qu'on puisse assurer aux Québécois et Québécoises le service le mieux développé possible, M. le Président? Pourquoi on leur reprocherait ça?

Le Président: M. le député.

M. Cusano: Très brièvement: C'est qui, le médecin qui va faire les transplantations à Laval? C'est tout ça qu'on veut savoir.

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: M. le Président, je dois avouer que je n'ai pas en mémoire tous les noms de tous les médecins de l'équipe ni de Laval ni de Notre-Dame ou des autres hôpitaux où il se fait des transplantations d'organes. Si c'est l'information que veut absolument le député, nous pourrons lui fournir l'information sur les équipes qui sont en place et nous pourrons expliquer plus en détail, comme on l'a déjà fait, redire à la population quelles sont les équipes qui lui assurent les services dans ces centres hospitaliers, M. le Président.

(15 heures)

Le Président: M. le député de Montmorency, en principale.


Attribution automatique de pourboires aux employés qui en déclarent pour moins de 8 % de leurs ventes

M. Filion: Merci, M. le Président. Les mesures fiscales et budgétaires déposées en cette Assemblée par le ministre des Finances tout récemment prévoient une attribution de pourboires aux employés qui en déclarent moins de 8 %, une attribution automatique, M. le Président. En effet, la législation fiscale prévoit déjà un mécanisme d'attribution automatique des pourboires lorsque les pourboires déclarés à ce titre par l'ensemble des employés sont inférieurs à 8 % du chiffre des ventes sujettes à pourboire pour la période de paie précédente. Ce mécanisme d'attribution, M. le Président, n'a jamais été mis en vigueur. Et on prévoit, M. le Président, mettre en vigueur ce mécanisme d'attribution automatique des pourboires à compter du 1er janvier 1998.

M. le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. On sait que ce mécanisme d'attribution automatique de 8 % des pourboires a été adopté il y a environ une dizaine d'années et s'inspirait, semble-t-il, de la législation fiscale américaine d'alors. Au ministre des Finances: Cette législation fiscale américaine est-elle toujours en vigueur?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député est fiscaliste et son préambule, que j'ai écouté attentivement, m'apparaît exact, mais j'ai fait le budget pour le Québec, je n'ai pas la moindre idée de ce qui se passe techniquement aux États-Unis en cette matière. Je sais que la tradition américaine est une grande tradition de rigueur fiscale. L'Internal Revenue Service, c'est un des services de perception les plus efficaces du monde, mais ce n'est pas de là qu'on a pris notre inspiration.

On a pris notre inspiration auprès de deux grandes centrales syndicales représentant les travailleurs à pourboires de l'hôtellerie, plus une association non syndicale représentant les travailleurs à pourboires, et nous avons discuté avec les patrons et les propriétaires d'hôtels et de restaurants. Afin d'être sûrs que le mécanisme, quand il entrera en vigueur, soit tout à fait prêt, nous avons préféré ne pas dire «à partir de minuit ce soir». On a encore nombre de mois pour discuter des interfaces et des angles qui pourraient être arrondis. Nous pensons qu'enfin, après des années que je pourrais qualifier de négligence, mais prenons simplement le mot «hésitation», les travailleurs et les travailleuses à pourboires contribueront à l'effort collectif québécois en payant leurs impôts et taxes, mais, en plus, recevront des droits sociaux qui sont leurs droits stricts, comme l'assurance-emploi, la Régie des rentes et autres éléments de notre filet de protection sociale.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le député.

M. Filion: M. le Président, avec le consentement de la Chambre, j'aimerais déposer le document suivant; je vais le lire, c'est très, très succinct. C'est l'article 95.1 de la Loi sur le ministère du Revenu qui indique: «Le ministre n'est pas lié par une déclaration fiscale, un rapport, une demande de remboursement ou les renseignements fournis par une personne ou en son nom et il peut, malgré la déclaration, le rapport, la demande ou les renseignements ou en l'absence d'une déclaration, d'un rapport ou d'une demande, faire une cotisation», M. le Président. Avec le consentement, j'aimerais déposer le document.

Le Président: Je pense que ce que vous pouvez faire, M. le député, c'est de formuler votre question complémentaire en intégrant le fait que vous vous référez à un article de loi qui est en vigueur.

M. Filion: ...tourne autour des pourboires, c'est une question de lourdeur administrative, M. le Président. Pourquoi mettre des mécanismes en place si la loi fiscale déjà en vigueur le prévoit? C'est la question que j'aimerais demander au ministre du Revenu: Pourquoi un mécanisme additionnel?

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Pourquoi un mécanisme additionnel? Surtout pour équilibrer, par les avantages sociaux, la perception des impôts et taxes. Le gouvernement du Canada n'a pas voulu, vous savez, admettre à l'assurance-emploi l'immense majorité des travailleurs à pourboires parce qu'il n'y avait pas un mécanisme qui lui permettait de constater quels étaient véritablement les montants reçus. Alors, nous avons... J'ai parlé des discussions qu'on a eues avec les travailleurs, les travailleuses et les syndicats. Je n'avais pas parlé des discussions qu'on a eues avec le gouvernement du Canada, on en a eu aussi. Il faut – là, je les comprends – que l'assurance-emploi ait une certaine sécurité quant aux contributions.

Mais je redis que, comme nous avons de longs mois devant nous assurant du délai pour étudier la meilleure formule, bien, on n'est pas absolument figés dans le béton quant aux modalités. Mais, pour les principes, je crois qu'ils sont solides: tout le monde doit payer ses impôts sur ses revenus et tout le monde a droit aux services.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Viger.

M. Maciocia: M. le Président, le ministre est-il au courant que les organisations qui ont été contactées par le ministère, la CSN, la FTQ et d'autres, ça représente seulement 30 % des gens qui sont touchés par la loi? 70 %, ils ne sont pas contactés, ils n'ont pas donné leur consentement. Est-ce que le ministre est prêt à s'engager, étant donné que c'est le 1er janvier 1998 que la loi va entrer en vigueur, à avoir une commission parlementaire où tous ces gens-là pourront s'exprimer devant la commission et dire de quelle façon il faudrait appliquer les modalités du gouvernement? Parce que tout le monde est mécontent actuellement de cette loi-là.

Le Président: M. le ministre.

M. Landry (Verchères): Je l'ai dit ce matin en commission parlementaire et je le redis, M. le Président, ce n'est pas exact que tout le monde est mécontent. Et beaucoup de gens sont contents, au Québec, dans le milieu de la restauration, comme dans tous les milieux, qu'enfin ces travailleurs et ces travailleuses puissent dignement et facilement payer leurs impôts et leurs taxes et recevoir les services. Quand le député affirme que tout le monde est mécontent, c'est une fausseté. On aurait pu s'attendre à des vagues considérables concernant un tel changement, que vous auriez dû d'ailleurs faire pendant 10 ans et que, pour diverses raisons, vous n'avez pas fait, mais cette vague, elle n'est pas survenue. Tout se déroule bien, tout est bien négocié, tout est bien discuté.

C'est vrai qu'un certain nombre ne sont pas syndiqués, mais il y a cette association dont j'ai parlé. Il y a deux puissants syndicats plus une association, d'où d'ailleurs l'avantage d'avoir des associations, parce que ça nous fait des interlocuteurs.

Alors, j'ai dit ce matin en commission parlementaire et je le redis au député: Si jamais il s'avérait nécessaire d'entendre les parties d'une manière ou d'une autre, il n'y a pas de fermeture. Au contraire, on a des mois et des mois pour chercher la meilleure solution et on prendra les meilleurs moyens pour arriver à la meilleure solution.

Le Président: En principale, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, les audiences publiques tenues sur le livre vert de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité portant sur la réforme de notre système d'aide sociale sont maintenant terminées. Quatre-vingt-dix-neuf groupes sont venus se faire entendre en commission parlementaire et, comme l'ont d'ailleurs reconnu publiquement certains députés ministériels, les critiques à l'endroit de ce projet de réforme ont été fort nombreuses.

Par ailleurs, suite à leur demande, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour déposer la réaction de la Coalition des groupes communautaires de la région de Châteauguay au livre vert de la ministre.

Des voix: ...

Le Président: M. le député, je vous demanderais de faire en sorte que cette poubelle disparaisse...

Des voix: ...

Le Président: J'ai déjà indiqué à l'Assemblée qu'il y avait des choses qui étaient inacceptables dans la façon d'illustrer des propos. Et, dans ce cas-là, je pense que, si la présidence avait été consultée pour savoir si elle aurait accepté ou non un tel geste, je vous dis immédiatement que j'aurais refusé. Ceci étant fait, le geste ayant été posé et le retrait de l'objet ayant été fait, ce que j'espère, c'est que chacun des membres de l'Assemblée fera en sorte que dorénavant on se rappelle que les gestes que nous posons, même pour illustrer des propos avec beaucoup de vigueur, sont aussi des gestes qui qualifient la façon dont on se comporte à l'Assemblée et la respectabilité de l'institution.

Dans ce contexte, M. le député, je pense que ça termine la période des questions et des réponses orales.

Il n'y a pas de réponses différées.

Nous en arrivons, comme je l'ai indiqué précédemment, aux votes reportés. Alors, je demanderais au... M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, question d'information avant que le vote ne soit pris. Il s'agit d'un vote sur un amendement constitutionnel. Est-ce que le fait qu'on demande d'appeler le vote immédiatement indique à l'ensemble de la population du Québec que le gouvernement ne tiendra pas de commission parlementaire sur cet important amendement constitutionnel?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je réitère que, comme prévu lors du dépôt du projet de loi de la ministre de l'Éducation, il y aura des commissions parlementaires et des audiences, on entendra les gens sur le projet de loi qui sera déposé. En même temps, en faisant l'étude du projet de loi, il sera évidemment question de la motion.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

(15 h 10)

M. Paradis: Oui, M. le Président, strictement une précision. Compte tenu qu'on est appelés à voter immédiatement cette résolution d'ordre constitutionnel, quand ce projet de loi sera-t-il déposé et quand cette commission parlementaire aura-t-elle lieu?

M. Bélanger: M. le Président, la ministre de l'Éducation m'indique qu'au plus tard la semaine prochaine le projet de loi devrait être déposé.

M. Paradis: M. le Président, deuxième point. Compte tenu de l'importance de cette modification constitutionnelle qui affecte autant des droits linguistiques que des droits confessionnels, il y a eu entre les formations politiques des discussions quant au libellé de la version anglaise du texte de la motion. De façon exceptionnelle, est-ce qu'on pourrait demander, à ce moment-ci, ou convenir unanimement que la présidence fasse lecture de la version anglaise du texte final de façon à ce que les députés sachent exactement sur quel libellé ils votent?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, vu les circonstances exceptionnelles, nous serions d'accord pour cette façon de procéder, que la présidence fasse lecture de cet amendement, finalement, puisqu'il y avait une erreur de forme relativement au feuilleton de la version anglaise, pour s'assurer que tous les membres de cette Assemblée votent bien sur la bonne version. Mais c'est exceptionnel, M. le Président, je ne voudrais pas que ça soit un précédent.

Le Président: Alors, puisque vous obligez la présidence à présenter publiquement ses connaissances linguistiques dans la langue de Shakespeare, je m'exécuterai, avec l'indulgence que, j'espère, vous accorderez à la présidence à ce moment-là.


Votes reportés

Alors, tel qu'annoncé, donc, précédemment, nous allons procéder maintenant aux votes reportés. Je vais donner lecture de la motion de M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Je voudrais simplement qu'on s'entende sur la demande et sur le consentement qui viennent d'être accordés par le leader du gouvernement. Vous demandez à ce que le texte de la motion du gouvernement soit lu en français et en anglais ou simplement l'amendement présenté par le député de Chomedey?

M. Paradis: Le texte de l'amendement tel que discuté entre les formations politiques.

Le Président: Très bien, on s'entend. Alors, je vais d'abord donner lecture de la motion de M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, et la motion se lit ainsi:

«Considérant que le gouvernement entend mettre en place dans les meilleurs délais des commissions scolaires linguistiques;

«Considérant qu'à cette fin une modification de la Loi constitutionnelle de 1867 est souhaitable pour que le Québec récupère sa pleine capacité d'action en matière d'éducation;

«Considérant qu'une telle modification ne constitue en aucune façon une reconnaissance par l'Assemblée nationale de la Loi constitutionnelle de 1982 qui fut adoptée sans son consentement;

«Considérant que les engagements pris par le gouvernement fédéral de donner suite rapidement à une telle modification de façon bilatérale avec l'accord de l'Assemblée nationale et du Parlement fédéral;

«En conséquence, que l'Assemblée nationale autorise la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec le texte suivant:

«Modification de la Constitution du Canada. Loi constitutionnelle de 1867.

«1. La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 93, de ce qui suit: "93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent pas au Québec."

«Titre.

«2. Titre de la présente modification: "Modification constitutionnelle de..."», il y aurait année de proclamation et Québec.

Alors, la motion de M. le député de Chomedey, quant à elle, se lit comme suit:

Que la motion en discussion soit amendée par l'ajout, après le premier «considérant», du considérant suivant:

«Considérant qu'en ce faisant l'Assemblée nationale du Québec réaffirme les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise. En particulier, considérant que les Québécois dont les enfants sont admissibles selon le chapitre VIII de la Charte de la langue française ont le droit de les faire instruire dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle, conformément à la loi, et qui sont financés à même les fonds publics;».

Et le texte anglais de cette modification:

«Whereas in so doing the National Assembly of Québec reaffirms the established rights of the English Speaking Community of Québec. More specifically, whereas Quebeckers whose children are admissible in accordance with Chapter VIII of the Charter of the French language have the right to have them receive their instruction in English language educational facilities under the management and control of this community, as provided by law, and which are financed through public funds;».


Motion d'amendement à la motion du gouvernement proposant que l'Assemblée autorise la modification de la Constitution par proclamation du gouverneur général afin de mettre en place des commissions scolaires linguistiques

Conformément à l'article 201, je mets d'abord aux voix la motion d'amendement de M. le député de Chomedey que je viens à peine de lire.

Alors, que les députés en faveur de cette motion d'amendement veuillent bien se lever.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount– Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Filion (Montmorency).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever. Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:103

Contre:0

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion d'amendement de M. le député de Chomedey est adoptée.


Motion amendée

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de M. le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, qui vient d'être amendée. Alors, est-ce que les membres souhaitent que...

Une voix: Vote nominal.

Le Président: Non, mais ce que je veux savoir, c'est d'abord: Est-ce que vous souhaitez que le texte soit relu?

Une voix: Non.

Le Président: Ça va. Alors, qu'on appelle les députés.

Que les députés en faveur de la motion amendée se lèvent.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Brouillet (Chauveau), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Boisclair (Gouin), M. Rioux (Matane), M. Pinard (Saint-Maurice), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup). M. Filion (Montmorency).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever. Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:103

Contre:0

Abstentions:0

(15 h 20)

Le Président: Alors, la motion amendée est adoptée. Et je comprends qu'il va de soi que cette résolution sera transmise au Conseil privé du Canada.


Motions sans préavis

Alors, aux motions sans préavis, madame... J'avais une indication que, M. le leader, vous vouliez faire une intervention. Pas à ce moment-ci. Alors, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Souligner la Semaine de l'action bénévole

Mme Harel: Alors, M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«À l'occasion de la Semaine de l'action bénévole, que l'Assemblée nationale rende hommage à toutes celles et à tous ceux qui oeuvrent bénévolement dans de nombreux secteurs de l'activité sociale québécoise. Ils sont plus de 1 000 000 de Québécoises et de Québécois de tout âge qui n'hésitent pas à donner de leur temps et de leur énergie pour apporter soutien et réconfort à leurs concitoyens et à leurs concitoyennes.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion?

Des voix: Adopté.


Mise aux voix

Le Président: La motion est adoptée sans débat. Très bien. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis? M. le député de Nelligan.

M. Williams: M. le Président, je demande le consentement pour la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement, afin de respecter la motion adoptée par cette Assemblée visant la création des commissions scolaires linguistiques, qu'il dépose cette semaine le projet de loi donnant suite à ladite motion.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre? M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: ...de l'hésitation de l'autre côté. Avant de donner une réponse définitive, est-ce qu'il serait possible de suggérer une suspension de quelques minutes, compte tenu de la réponse qui a été apportée tantôt par le gouvernement, avant que le vote ne soit pris sur cette question?

Le Président: Alors, je vous pose la question, là: Est-ce qu'il y a moyen de faire en sorte que les consultations que le leader veut avoir avec son collègue se fassent tout en faisant en sorte que les travaux des commissions puissent... Alors, nous allons suspendre quelques instants.

(Suspension de la séance à 15 h 26)

(Reprise à 15 h 33)

Le Président: Alors, Mmes et MM. les députés, nous reprenons la séance.

Vous pouvez prendre place, vous pouvez vous asseoir.

Alors, je vais céder la parole au leader parlementaire de l'opposition officielle, puisque c'est lui qui avait demandé la consultation.

M. Paradis: Oui, M. le Président, le député de Nelligan a proposé à l'Assemblée nationale une motion qui vise à obtenir le dépôt du projet de loi dans les prochains jours. Maintenant, il appartient au gouvernement de donner sa réponse.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je ne peux donner consentement à cette motion pour les motifs que j'ai indiqués tout à l'heure, lors de la période de questions, à l'effet qu'il est de l'intention de la ministre, dans la mesure du possible, de le déposer la semaine prochaine. Donc, tout va être fait dans toutes les possibilités, M. le Président, pour le déposer la semaine prochaine, mais évidemment on ne peut pas s'engager par motion à le faire. Mais la réponse que j'ai faite tout à l'heure reste: il est de l'intention de la ministre de déposer au plus tard la semaine prochaine ledit projet de loi.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement pour débattre de la motion, M. le député de Nelligan.

M. Williams: M. le Président, je demande le consentement pour la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale exige du gouvernement qu'afin de respecter la motion adoptée par cette Assemblée visant la création des commissions linguistiques il dépose au plus tard la semaine prochaine le projet de loi donnant suite à ladite motion.»

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, pour les mêmes motifs que j'ai exprimés précédemment, je ne peux donner mon consentement à cette motion.

Le Président: Alors, il n'y a pas consentement, M. le député de Nelligan, pour débattre de la motion. M. le député de Nelligan.

M. Williams: M. le Président, je demande à l'Assemblée nationale qu'elle exige du gouvernement que, afin de respecter la motion adoptée par cette Assemblée visant la création des commissions scolaires linguistiques, il dépose au plus tard le 29 avril 1997 le projet de loi donnant suite à ladite motion.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, ce n'est pas une question de date, le problème. J'ai donné déjà une réponse à ce qui est demandé par l'opposition officielle et je ne peux donner mon consentement pour débattre de cette motion, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, est-ce qu'on peut reprendre la motion, M. le Président, de façon sérieuse? On a demandé à l'Assemblée nationale de se prononcer, et l'Assemblée l'a fait de façon unanime, sur une motion qui vise à apporter des amendements à la Constitution du pays. À partir de ce moment-là, le gouvernement nous avait indiqué, avant le vote, qu'il s'apprêtait à procéder au cours des prochains jours. Par motion, le député de Nelligan propose qu'on adopte ensemble une motion qui dit que ça va être fait d'ici la fin du mois.

Moi, je ne peux pas croire qu'un gouvernement, qui se dit prêt dans un dossier comme ça, ne puisse pas donner son consentement à une motion de l'Assemblée nationale qui vise à donner suite à une motion unanime pour que ce soit officialisé au cours du prochain mois, M. le Président. À moins qu'on ne soit pas prêt.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'ai un petit peu de difficulté à comprendre pourquoi on débat, finalement, d'un consentement ou d'un non consentement. C'est assez exceptionnel qu'on le fasse. Si le leader de l'opposition a bien compris la réponse que je lui ai donnée, j'ai exprimé clairement quelle était l'intention de la ministre de l'Éducation. Alors, cette intention, elle est là, M. le Président. On ne commencera pas, par motion, à imposer des dates de dépôt de projets de loi; ça ne se fait pas comme ça.

Alors, c'est tout simplement ça que je dis, M. le Président, et, quant à l'intention de la ministre, je l'ai dit tout à l'heure, je l'ai réitéré, elle n'a pas changé.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: Très bien. Nous en arrivons maintenant aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation poursuivra les consultations particulières sur la proposition de principes généraux relatifs à la gestion des odeurs, du bruit et des poussières en milieu agricole, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, ainsi que demain, le mercredi 16 avril 1997, de 9 heures à midi, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de la culture poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 40, Loi modifiant la Charte de la langue française, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des institutions poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 89, Loi sur l'application de la Loi sur la justice administrative, aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Le Président: Très bien. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, maintenant. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, juste une question. J'ai constaté qu'il y a des membres de l'opposition qui ont un peu comme changé de place au niveau de leur endroit à l'Assemblée nationale, l'endroit où ils doivent s'asseoir. Je voudrais savoir: Est-ce qu'il y a eu un diagramme qui a été déposé ou un avis, parce que...

Le Président: Il y a eu un diagramme qui a été déposé plus tôt aujourd'hui, au début des affaires courantes.

M. Bélanger: Non. Il y a eu une lettre. Oui, vous avez fait mention – excusez-moi, j'ai peut-être mal compris, M. le Président – d'une lettre envoyée par le leader de l'opposition relativement...

Le Président: Oui, oui, on en a fait mention. On s'est malheureusement mal compris, mais ce n'est pas grave. Le diagramme a été déposé plus tôt dans la séance.

M. Bélanger: Ah! Parfait. Merci.

Le Président: Il n'y a pas de quoi.

Est-ce qu'il y a d'autres renseignements sur les travaux de l'Assemblée?

Alors, en ce qui me concerne, je voudrais convoquer une réunion des leaders afin de préciser les modalités de l'étude des crédits. Entre-temps, je vais faire en sorte que les affaires du jour soient amorcées sous la direction d'un vice-président. Alors, à ce moment-ci, je vais céder le fauteuil à un vice-président et...


Avis de sanction

On m'indique qu'il y aurait sanction d'un projet de loi au cabinet du lieutenant-gouverneur demain, à 15 h 30. Alors, demain, bien sûr.


Affaires du jour

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous allons entreprendre nos débats aux affaires du jour.


Affaires prioritaires


Reprise du débat sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement et sur les motions de censure

Aux affaires prioritaires, à l'article 1 du feuilleton, conformément aux dispositions de l'article 87 du règlement, l'Assemblée reprend le débat suspendu à l'assemblée du 9 avril 1997 sur la motion de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement, ainsi que sur les motions de censure présentées par M. le chef de l'opposition et député de Vaudreuil, M. le député de Laporte, M. le député de Rivière-du-Loup et Mme la députée de Jean-Talon.

(15 h 40)

Conformément aux dispositions de l'article 276 du règlement, je vous rappelle qu'une intervention de 30 minutes est réservée à M. le député de Laporte, représentant de l'opposition officielle, et que ce débat se terminera par la réplique de 60 minutes accordée au vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Comme vous venez de le dire, nous en arrivons maintenant à l'étape finale du débat qui entoure la présentation du budget du gouvernement du Québec, un budget qui nous a été déposé par le ministre des Finances il y a quelques semaines et qui...

Si on devait résumer, M. le Président, d'une façon simple ce que contient ce budget-là: il contient des mesures qui visent à réduire les dépenses du gouvernement et il contient aussi des mesures qui visent à en augmenter les revenus. Ce qui est malheureux, c'est que le budget en question met beaucoup plus l'accent sur l'augmentation des revenus que sur la diminution des dépenses. Si on regarde le budget de cette année par rapport aux chiffres finaux de 1996-1997, les derniers chiffres disponibles, si on regarde les dépenses probables du budget de l'année dernière, on se rend compte finalement que ce budget-là ne réduit les dépenses que d'environ 300 000 000 $ par rapport aux dépenses probables de l'année qui vient de se terminer.

Par contre, si on regarde les revenus, là, les revenus augmentent d'une façon importante, malheureusement pas d'une façon importante à cause de la croissance économique, mais à cause de la pluie de nouvelles taxes que le gouvernement fait pleuvoir encore sur les Québécois. De sorte qu'on peut dire sans se tromper qu'il y a trois fois plus d'augmentation de revenus que de diminution de dépenses.

Je sais que le ministre des Finances ne sera pas d'accord avec cette déclaration. Il va nous dire que le gouvernement a comprimé les dépenses d'une façon incroyable. On aurait pu dépenser plus, c'est bien évident. On aurait pu dépenser 2 000 000 000 $ et on ne les a pas dépensés, donc on a fait une grosse économie. M. le Président, c'est une logique qui est un petit peu discutable. Parce que c'est bien évident que, si je dis à quelqu'un que je viens de faire une économie de 1 000 $ parce que je n'ai pas dépensé 1 000 $ pour un voyage, évidemment ce n'est pas vraiment une économie, parce que je n'étais pas obligé de le dépenser.

Quand on regarde les vrais budgets, les dépenses de l'an dernier et le budget de cette année, ça ne peut pas être plus clair: la diminution des dépenses n'est que de 300 000 000 $, mais les revenus, eux, augmentent d'au moins trois fois plus. Alors, ça veut dire que le gouvernement n'a pas fait l'effort qu'il fallait pour faire porter l'essentiel de la diminution du déficit sur la compression des dépenses. On a plutôt cherché la solution qui est plus facile, c'est-à-dire augmenter les taxes des contribuables.

Les taxes. M. le Président, je sais que le temps me manque, je ne peux pas faire l'énumération de toutes les taxes qui ont été augmentées, je dépasserais le temps qui m'est alloué. Mais que je rappelle simplement, pour fins de mémoire, que la taxe de vente du Québec augmente, à partir du 31 décembre, de 6,5 % à 7,5 %. Le gouvernement libéral l'avait baissée de 9 % à 6,5 %; le PQ l'augmente de 6,5 % à 7,5 %. Et on nous promet en échange une réforme qui va baisser l'impôt des contribuables. J'en parlerai tout à l'heure.

La taxe sur la masse salariale. On va imposer encore la masse salariale pour créer le fonds d'aide à la pauvreté. M. le Président, on va en reparler tout à l'heure, c'est un sujet qui va venir à l'ordre du jour. Mais ce qui est malheureux, c'est que le gouvernement en profite pour réduire les budgets d'aide à l'emploi, de sorte que les contribuables vont payer plus d'argent, mais on ne verra pas des résultats plus importants, puisqu'il n'y aura plus d'argent dans les coffres publics.

Qu'on se souvienne des hausses sur les immatriculations, la guerre contre les automobilistes: hausse de l'immatriculation de 28 $; on avait, au printemps dernier, haussé les permis de conduire et également l'immatriculation. Le gouvernement, à toutes fins pratiques, on le sait, a déclaré la guerre aux automobilistes.

L'assurance-médicaments. Chaque Québécois doit maintenant payer 176 $ de prime d'assurance et, en plus de ça, à tous les trois mois, une franchise de 25 $, ce qui fait 100 $ par année, de sorte qu'un Québécois dorénavant devra payer 276 $ de prime d'assurance avant même d'avoir un médicament. Et ça vaut pour les personnes âgées de 65 ans et plus, ça vaut pour ceux qui avaient les médicaments gratuits avant, surtout pour les personnes âgées. Et, quand on parle d'un couple, il faut multiplier par deux, ça fait au-delà de 500 $.

Les municipalités du Québec. Le gouvernement déclare la guerre littéralement aux municipalités: 500 000 000 $, l'an prochain, de transfert de responsabilités, au-delà de 450 000 000 $ cette année, ce qui fait un total qui approche presque le 1 000 000 000 $. 1 000 000 000 $ de transfert aux municipalités, et le gouvernement vient se plaindre que le gouvernement fédéral lui transfère quelques millions, quelques centaines de millions de dollars ou, disons, quelques milliards de dollars. Il fait la même chose, et même plus – proportionnellement, j'entends.

Les commissions scolaires, M. le Président, la même chose. La guerre aux commissions scolaires. À Montréal, le taux de taxes scolaires va augmenter de 45 % dans l'année qui vient. Le taux va passer de 0,21 $ à 0,31 $ du 100 $ d'évaluation. Encore des taxes indirectes que le gouvernement impose aux contribuables québécois par voie de transfert et de responsabilités aux commissions scolaires.

Et, M. le Président, n'oublions pas les impôts à retardement que le ministre nous avait annoncés l'an dernier dans son budget, mais qui viennent en vigueur cette année. Il y en a pour 630 000 000 $ de ces impôts à retardement qui nous explosent en plein visage, alors que le ministre n'en parle même pas dans son budget: ça avait été annoncé l'an dernier.

Pour fins de mémoire: les personnes âgées, 82 000 000 $ de plus cette année, 131 000 000 $ l'an prochain; les crédits médicaux, 22 000 000 $ l'an prochain; les cotisations syndicales professionnelles et artistiques, ça va coûter 17 000 000 $ cette année et, l'an prochain, ça va coûter 31 000 000 $ aux contribuables québécois; un impôt minimum, 5 000 000 $ cette année, 10 000 000 $ l'an prochain.

La limite dans les régimes enregistrés d'épargne-retraite, le gouvernement a apporté des restrictions qui vont rapporter au gouvernement, donc coûter aux contribuables, 28 000 000 $ cette année, 59 000 000 $ l'an prochain. Même les travailleurs autonomes – tout le monde est d'accord pour favoriser l'éclosion du travail autonome – le gouvernement vient limiter la possibilité pour eux de réclamer des déductions pour les locaux qu'ils occupent: cette année, ça va leur coûter 4 000 000 $ et l'an prochain aussi.

M. le Président, je pourrais continuer la liste. J'en ai une liste de deux pages ici, mais le temps manque et je ne voudrais pas que vous me rappeliez à l'ordre. Ce que je dirai, je vais citer, pour être tout à fait objectif, M. Claude Picher, dans La Presse , qui dit ceci: «Les contribuables à revenus moyens croulent littéralement sous le fardeau des taxes et des surtaxes, des hausses d'impôts déguisées et des tables d'imposition non indexées.»

Il dit également: «Les contribuables de la classe moyenne, ceux qui supportent le gros de l'effort fiscal, continueront de jouer le rôle de vache à lait. Les faits: Ce couple de classe moyenne, trop riche pour avoir droit aux crédits pour la TVQ, ne gagne à peu près rien de la réforme du ministre. La classe moyenne est loin de sortir gagnante, dit-il.»

Également M. Claude Picher, dans La Presse : «Il est clair que le ministre, tout en proclamant haut et fort qu'il laisse respirer les contribuables à revenus moyens, a bien l'intention de continuer à les presser comme un gigantesque et inépuisable citron.» Fin de la citation, M. le Président.

Et je pourrais continuer. J'en ai trois, quatre pages comme ça, de citations où on nous dit que le fardeau fiscal des Québécois est rendu à un niveau qui est intolérable parce que, quand on le compare avec celui de l'Ontario – et le gouvernement aime bien se comparer avec l'Ontario – on se rend compte que le fardeau fiscal des contribuables québécois, des particuliers, en 1996, était de 40 % plus élevé que celui des Ontariens: ce n'est pas peu dire. Et, quant aux entreprises québécoises, le fardeau fiscal était de 30 % plus élevé qu'en Ontario.

Si c'est 40 % plus élevé pour les particuliers et 30 % plus élevé pour les compagnies, les entreprises, il ne faudrait pas se surprendre si les entreprises sont portées à déménager en Ontario, les particuliers aussi. On a vu aujourd'hui, on a fait état de migration, de Québécois qui déménagent. Ils ne déménagent, bien sûr, pas seuls: avec leurs revenus, leurs entreprises, leurs emplois, et c'est... En tous les cas, on pourrait nommer un grand nombre d'entreprises qui ont fui comme ça le Québec à cause du fardeau fiscal.

Et qu'est-ce que le gouvernement du Québec fait? Le gouvernement du Québec, quand on lui parle de ces choses-là, il nous dit: Ce n'est pas notre faute, c'est la faute du fédéral qui ne transfère pas au Québec les sommes d'argent suffisantes, qui nous coupe. Pourtant, M. le Président, toutes les provinces canadiennes sont traitées de la même façon; aucune n'est choyée par rapport aux autres, sauf peut-être un peu le Québec.

(15 h 50)

Or, si les autres provinces canadiennes réussissent à réduire leur déficit en étant traitées de la même façon par le gouvernement fédéral, il me semble que le Québec devrait se contenter du même régime que tout le monde, puisque le fédéral doit acquitter la dette fédérale aussi. Or, le Québec présentement reçoit 10 300 000 000 $ en transferts fédéraux. C'est le chiffre, là, pour l'année courante: 10 300 000 000 $. Quand on sait que le budget du Québec est de 40 000 000 000 $, M. le Président, ça fait une somme assez importante. En fait, le Québec reçoit 3 400 $ de transferts, ou de subventions, si vous voulez, du fédéral par ménage québécois, 3 400 $ par ménage québécois.

Prenons par exemple le Programme de péréquation, qui est le programme en vertu duquel le gouvernement fédéral transfère à des provinces moins fortunées une somme d'argent globale qui est autour de 9 000 000 000 $. C'est important, 9 000 000 000 $, c'est le budget de l'éducation au Québec, ce qui est important. Or, le Québec reçoit 46 % du Programme de péréquation. 46 %, c'est beaucoup plus que toutes les autres provinces canadiennes. Il reçoit, le Québec, 4 000 000 000 $ sur les quelque 8 000 000 000 $, tout près de 9 000 000 000 $, du Programme.

M. le Président, ça, c'est des sommes très importantes qui sont transférées au Québec. En fait, le Québec, comme on le sait, constitue 25 % de la population du Canada, 25 %, et nous recevons 31 % de tous les transferts fédéraux. Si ce n'est pas une situation qui est à l'avantage du Québec, je me demande bien ce que c'est. Et, si le Québec devait se séparer demain matin, là, bien, nous reprendrions notre 25 %, pas 31 %. On serait à court, là, des 6 % de plus qu'on reçoit et qu'on ne recevrait plus. Et, quand on parle de chiffres semblables, c'est des sommes colossales. En fait, le Québec perdrait exactement le 4 000 000 000 $ de la péréquation. Ça, ce serait parti.

M. le Président, j'aimerais revenir sur un point. Il n'y a pas tellement longtemps, en cette Chambre, le ministre des Finances qui est devant nous et qui nous écoute attentivement, M. le Président, nous disait, il n'y a pas longtemps, en parlant justement des transferts fédéraux, qu'on devrait savoir que, de toutes les provinces du Canada, disait-il, c'est le Québec qui, par tête d'habitant, reçoit le moins d'Ottawa. M. le Président, je cite à la lettre les mots qui sont inscrits dans le Journal des débats . Qu'on écoute bien mes paroles, ce sont celles du ministre des Finances: «De toutes les provinces du Canada, c'est le Québec qui, par tête d'habitant, reçoit le moins d'Ottawa.» Fin de la citation. Ça, c'était le ministre des Finances qui nous a dit ça, en cette Chambre, le 19 mars 1997.

Voyons ce qu'il en est. M. le Président, de toutes les provinces canadiennes, ce n'est pas le Québec qui reçoit le moins. En fait, il y a quatre autres provinces qui reçoivent moins que le Québec, de sorte que le Québec se situe dans la moyenne des provinces canadiennes. Et, comme je l'ai vu tout à l'heure, par tête d'habitant, j'entends – en chiffre absolu, c'est nous qui recevons le plus, on reçoit 10 300 000 000 $, c'est-à-dire 31 % de tous les transferts fédéraux – je dirais ceci: Le Québec reçoit 47 % de plus, par tête d'habitant, que la Saskatchewan, 72 % de plus que la Colombie-Britannique, 74 % de plus que l'Ontario et 85 % de plus, par tête d'habitant, que l'Alberta. Quand le ministre des Finances vient nous déclarer en cette Chambre que nous recevons moins, par tête d'habitant, que toutes les autres provinces canadiennes, le ministre des Finances a erré. Il s'est trompé, M. le Président, et j'espère que, dans sa réplique tout à l'heure, il va admettre que ce n'est pas exact que le Québec reçoit moins que les autres provinces canadiennes, par tête d'habitant, puisque les chiffres sont là; on peut les vérifier, ils sont officiels.

Le ministre, dans son budget, nous a annoncé une réforme fiscale. En gros, ce qu'il nous a dit, c'est que, l'an prochain, certains Québécois auront des baisses d'impôts, des baisses d'impôts sur le revenu. C'est une réforme, nous disait-il, qui va profiter à la classe moyenne. Qu'est-ce que c'est que la classe moyenne, M. le Président? Je ne sais pas quelle est la définition du ministre, mais il semble que la définition du ministre vise à rabaisser la classe moyenne au niveau des plus démunis. Parce que la classe moyenne, selon lui, c'est à peu près la classe des gens qui gagnent le salaire minimum. Il nous dit, quand on regarde ses tableaux, que, à partir de 40 000 $ de revenus, il n'y a aucun gain pour les contribuables québécois.

Or, si vous prenez deux personnes – on parle d'un ménage – qui gagnent le salaire minimum, ça les place à peu près à 30 000 $, hein, le salaire minimum, ça fait à peu près 15 000 $ par personne, ça fait 30 000 $. Or, sa réforme, elle est la plus généreuse pour les gens entre 20 000 $ et 30 000 $, donc les gens qui sont en bas du seuil de la pauvreté. Le seuil de la pauvreté, on le sait, est à 31 000 $, selon Statistique Canada, pour un ménage avec deux enfants. Or, pour le même ménage avec deux enfants, c'est là que la réforme du ministre est la plus intéressante, la plus généreuse, entre 20 000 $ et 30 000 $.

Alors, ce qui veut dire que finalement dès qu'on sort de ce groupe de citoyens là et qu'on arrive dans la classe moyenne, la réforme, elle n'est absolument pas intéressante et elle ne profite pas à ces gens-là. Et, d'ailleurs, c'est ce que Alain Dubuc disait dans La Presse du 27 mars: «Les grosses baisses d'impôt, disait-il, touchent surtout les gens dont les revenus se situent entre 20 000 $ et 30 000 $.» Et Alain Dubuc appelait ça Les demi-vérités de la réforme fiscale. Et M. Alain Dubuc disait: «Cette façon d'englober dans la classe moyenne des familles aux revenus aussi bas que 30 000 $ – pour la famille, j'entends, là – a étonné la plupart des observateurs. Mais, quand on y regarde de plus près, cette définition de la classe moyenne n'est pas seulement étonnante, elle est incohérente», disait Alain Dubuc.

Selon les données de Statistique Canada, la famille type du ministre, avec un revenu de 30 000 $ et deux enfants, est carrément sous le seuil de la pauvreté, qui est fixé à 31 383 $. Et Alain Dubuc disait: «Il est bien sûr difficile de définir les classes moyennes, un concept souvent insaisissable. Mais on ne se trompera pas en englobant dans ce groupe, ceux qui ne sont ni des privilégiés ni des gens trop pauvres pour aspirer aux rêves et aux comportements dominants de la société où ils vivent. Au Québec, le groupe des 40 000 $ à 75 000 $ de revenus pour une famille – on s'entend, deux personnes qui travaillent – correspondrait bien à cette définition, ce qui équivaut à 37,5 % de la population.»

Et Alain Dubuc disait: «Trente mille dollars, ce n'est pas l'indigence, mais c'est à peu près ce que gagneraient deux parents au salaire minimum, une famille de petits salariés qui aura le plus grand mal à boucler ses fins de mois et dont la précarité l'exclura de la société d'abondance qui l'entoure. Au nom de quelle aberration, disait Alain Dubuc, un document aussi sérieux que le budget a-t-il pu se tromper? C'est trop gros, disait-il, pour être une erreur. Il faut plutôt y voir un effort volontaire pour brouiller les pistes et masquer ce qui est le vice fondamental de cette réforme de la fiscalité», disait Alain Dubuc. Et il continuait un peu plus loin: «Et c'est pour masquer cette réalité que le ministre Landry redéfinit à la baisse les classes moyennes – on rabaisse la définition des classes moyennes. C'est aussi pour cela qu'il joue avec les moyennes pour pouvoir dire que les contribuables de moins de 50 000 $ auront des baisses d'impôt de 15 %. C'est faux», dit M. Dubuc.

M. le Président, M. Dubuc continue en disant: «Le caractère modeste de la réforme et son orientation vers les bas revenus rendent tout à fait absurdes les arguments du ministre qui justifie cette initiative par la nécessité de rester concurrentiels face à l'Ontario. Dans la province voisine, les impôts baisseront de 30 % sur la même période. Le petit 2 % du Québec ne fera pas le poids. Surtout que les grands gagnants de la réforme, les gens à faibles revenus, ne sont pas ceux pour qui le caractère concurrentiel de la fiscalité québécoise est un critère.»

Et de conclure M. Dubuc: «Il n'y a pas de mal à aider les petits salariés par une baisse de leurs impôts. Mais le ministre Landry n'aurait pas dû tenter de faire croire aux classes moyennes qu'elles gagnent dans une réforme qui ne leur apporte pas grand-chose.»

M. le Président, on ne pourrait pas dire mieux. Et, quand on regarde les chiffres mêmes du budget du ministre des Finances, on se rend compte qu'en additionnant à ces chiffres qu'il a publiés les pertes de revenus causées par l'augmentation de la taxe de vente – n'oublions pas que cette baisse de l'impôt des bas salariés va être compensée par une augmentation du taux de la taxe de vente du Québec – quand on met les deux ensemble, il n'y a pratiquement aucun gain pour ceux qui sont au-dessus du seuil de pauvreté.

(16 heures)

M. le Président, un autre sujet qui est préoccupant, c'est le recul du revenu disponible des ménages québécois. Alors qu'on est censé être dans des années de prospérité, que la croissance économique est censée se manifester au Québec de plus en plus – on est depuis plusieurs années en croissance économique – à cause du fardeau des taxes que nous impose le gouvernement, le revenu disponible des Québécois a baissé en 1996, selon les documents du Bureau de la statistique du Québec, qui nous déclare dans un communiqué qu'«exprimé en termes – je cite – réels au moyen de l'indice implicite de prix des dépenses de consommation, le revenu disponible tombe de 1,1 % en 1996». M. le Président, c'est tragique quand on constate que le revenu disponible des ménages québécois a reculé de 1,1 % l'an dernier. Comment veut-on que les Québécois puissent absorber la montagne de taxes que le gouvernement fait pleuvoir sur eux, alors que, selon Statistique Québec, le revenu disponible des Québécois a diminué l'an dernier? M. le Président, c'est un non-sens, c'est une absurdité. Et ce qu'on doit dire à ce sujet-là, c'est que le gouvernement ne s'y prend pas de la bonne façon.

En résumé, quand le gouvernement nous dépose un budget où on voit le déficit reculer d'année en année, on ne peut qu'être d'accord, et l'opposition officielle et, je pense bien, tous les Québécois sont d'accord pour que le déficit du Québec soit réduit le plus rapidement possible à zéro. Je rappelle que c'est ce que nous avions proposé dans notre dernier budget. Et le programme de réduction de déficit que nous avions proposé est suivi par le gouvernement, et nous sommes d'accord avec lui.

Si nous sommes d'accord avec l'objectif recherché, nous ne sommes pas d'accord avec la manière par laquelle le gouvernement tente d'y arriver. Le gouvernement tente d'y arriver non pas en réduisant ses dépenses exclusivement ou en faisant en sorte que l'économie du Québec puisse générer des revenus, mais le gouvernement a fait l'erreur capitale de dépenser 1 000 000 000 $ à la veille du référendum pour tenter d'amadouer les fonctionnaires québécois. Le gouvernement libéral avait réduit de 1 % la masse salariale de ses fonctionnaires. À la veille du référendum, le Parti québécois a annulé cette réduction de salaire et a augmenté les salaires des fonctionnaires à deux reprises depuis ce temps-là, ce qui, de l'aveu même de la ministre des Finances de l'époque, coûte 1 000 000 000 $ aux Québécois.

Les Québécois sont donc requis de payer la facture de 1 000 000 000 $ de l'augmentation de salaire des fonctionnaires avant le référendum. Et c'est pour ça que le gouvernement est obligé aujourd'hui de déclarer la guerre, littéralement, aux municipalités, de nous servir une médecine qui ressemble de plus en plus à une médecine de guerre. On n'a qu'à se promener dans les salles d'attente des hôpitaux pour s'en rendre compte. C'est pour ça que le gouvernement, aussi, est obligé de détériorer le système d'éducation du Québec. Et on voit de plus en plus comment les commissions scolaires ont de la difficulté à faire en sorte de garder la qualité de l'enseignement. Le gouvernement coupe et coupe, et coupe pour payer les augmentations de 1 000 000 000 $ qu'il a données à ses fonctionnaires avant le référendum. Le gouvernement, également, est obligé d'augmenter le fardeau fiscal des Québécois pour acquitter la facture prérérendaire du gouvernement du Québec. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui le gouvernement est obligé de nous arriver avec un budget qui augmente d'une façon intolérable le fardeau fiscal des Québécois.

M. le Président, le gouvernement ne s'y prend pas de la bonne manière. Ce n'est pas comme ça qu'on aurait dû faire les choses. Et, si le gouvernement voulait vraiment que l'économie du Québec croisse rapidement, il pourrait suivre les conseils qu'on lui a donnés: arrêter de menacer continuellement les Québécois de séparer le Québec du reste du Canada, ce qui fait fuir les investissements.

Vous me permettrez, à ce sujet-là, de vous lire un paragraphe qu'on retrouve dans un document publié par Salomon Brothers. Salomon Brothers, c'est une firme new-yorkaise très prestigieuse qui participe aux syndicats, qui fait en sorte de vendre les obligations du Québec. Quand le Québec emprunte, on passe par des firmes comme Salomon Brothers pour trouver des prêteurs. Alors, Salomon Brothers, dans son rapport, M. le Président, le dernier rapport, disait ceci en anglais, et je traduirai en français: «Québec's political and economic status within Canada remains unresolved and therefore political uncertainty will continue to limit economic prospects.» C'est-à-dire que le statut politique et économique du Québec dans le Canada demeure tout à fait volatile, la question du statut politique du Québec n'est pas résolue et, en conséquence, l'incertitude politique va continuer à limiter les perspectives économiques du Québec. C'est ce qu'il dit: «economic prospects».

Les perspectives économiques du Québec sont limitées, malheureusement, par le fait que le gouvernement maintient toujours cette menace de la séparation du Québec; et, en conséquence, M. le Président, c'est bien malheureux, on le voit, l'économie du Québec ne progresse pas comme elle devrait. Je ne dis pas qu'elle ne progresse pas du tout, mais elle ne progresse pas comme elle devrait. On voit que le gouvernement du Québec... Les statistiques indiquent que la fiscalité, le fardeau de taxes est trop élevé. On voit que les ménages s'appauvrissent et que la plupart des indicateurs qu'on peut regarder sont inférieurs à ce qu'on voit dans le reste du Canada. C'est malheureux, M. le Président, c'est le prix que nous devons payer parce que nous avons un gouvernement qui refuse de reconnaître que son orientation nuit aux intérêts économiques du Québec, et j'espère que dans un avenir prochain on verra ce problème-là résolu de façon à ce que le Québec puisse progresser dorénavant et prendre sa place parmi les provinces les plus riches un jour, j'espère, du Canada. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Laporte. Je vais maintenant céder la parole, pour la réplique, à M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances. M. le ministre.


M. Bernard Landry (réplique)

M. Landry (Verchères): M. le Président, le député de Laporte, à la fin de ses remarques en particulier, a démontré jusqu'à quel point l'obsession de négation de son parti par rapport au destin du peuple et de la nation québécoise devient un boulet pour sa formation politique. Ils en sont rendus à ne penser à peu près qu'à cela. Dans leurs interventions sur le discours du budget, comme dans beaucoup d'autres de leurs attitudes, je crois qu'ils commencent à se rendre compte de l'ampleur de leur erreur historique.

À l'âge où le député de Laporte a fait ses choix politiques, qui sont dictés en toute bonne foi par certaines circonstances, par certaines circonstances géographiques, parfois par certaines circonstances familiales – ça peut être arrivé dans mon cas comme dans le sien – l'idée de souveraineté était une idée marginale, reconnaissons-le. Il y avait à peu près, j'imagine, à l'époque où le député de Laporte est devenu libéral, 25 souverainistes au Québec; pas 25 %, 25 personnes. Alors, des gens de son âge et de sa sociologie se sont dit: On veut faire des carrières politiques, on veut être, ce qu'on appelait, du bon bord, on n'ira pas du côté de la marginalité.

Ils ont négligé d'analyser en profondeur la question québécoise. Ils ont fait des choix superficiels sur ce qui semblait être une tendance. Pourtant, il y avait déjà des signes avant-coureurs, des gens comme René Lévesque – qui n'était peut-être pas le pilier, mais sûrement, pour le Parti libéral, un élément absolument essentiel à l'époque – ainsi qu'un certain nombre d'autres, plus le langage du premier ministre libéral du temps lui-même, Jean Lesage, qui commençait à renouer avec la tradition d'Honoré Mercier, premier ministre libéral de la fin du siècle dernier, dont le slogan électoral était Maîtres chez nous ... Les jeunes libéraux du temps auraient dû décoder qu'il y avait un glissement. Jean Lesage parlait de l'État du Québec, il ne parlait pas de la province de Québec, comme nos amis d'en face en parlent si souvent.

(16 h 10)

Et même là, pour illustrer leur drame, ils commencent à avoir honte eux-mêmes du mot «province», ils le disent de moins en moins souvent. Même avec l'accent... J'exagère, là, pour montrer que c'est une expression désuète. Je parle comme Maurice Duplessis quand il était assis dans ce fauteuil, à sa droite, qui parlait de la province de Québec, etc. Même les libéraux commencent à avoir honte de ça. Ils parlent du Québec. C'est parce qu'ils savent intérieurement que leur combat est perdu et qu'ils savent intérieurement que les souverainistes de mon parti et d'autres – on n'a pas le monopole, il y a eu d'autres partis souverainistes, l'ADQ nous a suivis dans le dernier référendum – vont gagner. Et ça, ça devient de plus en plus fatigant.

Ce que je pourrais leur suggérer, plutôt que de faire des séances de blocage et de mauvaises relations économiques, comme le député de Laporte en a fait cet après-midi, c'est de réexaminer la question en profondeur. Et je leur soumets un sujet de réflexion: les Québécois et les Québécoises forment un peuple, une nation. C'est facile, ça! Je demande au député de Laporte, à son chef, le chef du Parti libéral, à ses collègues de méditer cette simple phrase et de l'analyser à la lumière de la sociologie contemporaine, et même de la sociologie classique: Max Weber, par exemple, sociologue réputé, Ernest Renan, sociologue réputé, et d'autres. J'en nomme deux, mais il y a des bibliothèques entières sur le sujet. Si le député de Laporte, sans lire des bibliothèques entières, lisait juste un ou deux ouvrages majeurs sur la définition d'un peuple et d'une nation, et qu'il prenait des notes puis qu'il donnait ça à son chef et à quelques autres autour de lui, ça commencerait déjà à éclairer beaucoup le dialogue dans cette Assemblée, qui s'appelle, soit dit en passant, M. le Président, «nationale». Ce n'est pas l'assemblée provinciale. Pourquoi est-ce que c'est l'Assemblée nationale? Parce que c'est le siège, ici, d'une nation.

Quant un groupe humain comme le peuple québécois se rend compte qu'il forme un peuple et une nation, il recherche l'égalité avec les autres peuples et avec les autres nations, pas avec le Nouveau-Brunswick, qui est un endroit extrêmement respectable et sympathique, ou l'Ontario, ou la Colombie-Britannique. Tout ça, c'est des endroits très, très bien, pour lesquels nous n'avons que le plus grand respect généralement, sauf quand le Nouveau-Brunswick nous joue des petites pattes, comme on dit en bon québécois. Mais, globalement, on n'a rien contre le Nouveau-Brunswick, surtout que c'est la patrie de nos frères et de nos soeurs acadiens et acadiennes. Cela dit, le Québec ne cherche pas l'égalité avec le Nouveau-Brunswick, comme le dit la Constitution du Canada. La Constitution du Canada dit que toutes les provinces sont égales. Nous cherchons l'égalité avec les autres peuples de la terre. C'est facile, c'est simple!

Un des discours les plus célèbres prononcés par l'ancien premier ministre, feu Robert Bourassa – qui fut regretté par bien du monde dont celui qui vous parle, c'était un homme estimable – un de ses meilleurs discours dans cette Assemblée, c'est quand, cruellement mordu par la déception de Meech, il a dit: «Le Québec est une société distincte pour toujours et libre de ses choix.» C'était déjà un début. C'est pour ça que je n'aime pas que le député de Laporte essaie de relier la situation économique québécoise au fait, comme il a cité Salomon Brothers, que la question québécoise ne soit pas réglée sur le plan politique. Car c'est vrai qu'elle n'est pas réglée et c'est vrai que Robert Bourassa a essayé – ça, on ne pourra pas lui reprocher ça – avec Brian Mulroney, d'ailleurs – lui qui est toujours vivant puis qui voudrait réessayer encore, il a fait un discours hier à ce sujet – Meech, Charlottetown, pendant 10 ans. En fait, le dernier mandat Bourassa, c'était à peu près rien que ça, de la constitution, tous les jours. Quand ce n'était pas M. Bourassa lui-même, c'était M. Gil Rémillard, son ministre des Affaires intergouvernementales. On a entendu parler rien que de constitution pendant des années parce qu'ils ont essayé de façon désespérée de régler la question Québec-Canada dont parle Salomon Brothers, d'ailleurs.

Alors, l'incertitude était là dans le temps puis elle y est encore aujourd'hui. Il n'y a qu'une seule façon de la régler, cette question, et de remplacer l'«uncertainty» constitutionnelle par la «certainty», c'est de voter oui dans un référendum démocratique et d'aller où le peuple québécois va aller tôt ou tard et de toute façon, vers le statut d'une nation qui jouit de l'ensemble de ses droits et privilèges et qui accède au concert des nations d'une façon moderne, dans un contexte de libre-échange, de libre circulation des biens, des services, des personnes et des capitaux.

Tant que le député de Laporte n'aura pas fait cette démarche intellectuelle élémentaire et qu'il ne l'aura pas recommandée à ses parlementaires libéraux, bien, il va revenir avec ses vieilles obsessions qui, même mathématiquement, sont fausses d'ailleurs.

Il m'envoie un petit mot que je vais d'ailleurs... Il m'autorise à le lire parce que c'est une bonne précision qu'il donne. Je crois qu'il cite au texte le fameux discours de Robert Bourassa auquel j'ai fait allusion: «Le Québec est aujourd'hui et pour toujours une société distincte et libre d'assumer son destin et son développement.» Oui, c'est une très belle phrase et puis elle est bien équilibrée, puis je remercie le député de Laporte de me l'avoir envoyée intégralement, sans qu'il ne manque un mot. Et le mot clé, c'est «libre». Alors, maintenant, assumez ça. On est libre ou on n'est pas libre? Si nous sommes libres d'assurer notre destin et notre développement, ça veut dire que nous sommes libres de promouvoir la souveraineté nationale du Québec, de la réaliser, de la faire, d'être membre des Nations unies et d'être égal au Canada, et non pas au Nouveau-Brunswick, comme je l'ai dit. Alors, pourquoi, à chaque détour de la route, venir nous dire que la question de la souveraineté du Québec entrave le développement économique? Ce qui, d'ailleurs, est mathématiquement faux.

Avant de recevoir le mot du député de Laporte, que j'apprécie, j'étais en train de dire que c'était mathématiquement faux. Pourquoi? Parce que l'écart entre le taux de chômage québécois et celui de l'Ontario est le même aujourd'hui, sous Lucien Bouchard – malgré que les choses aillent beaucoup mieux depuis quelques mois, mais il est trop tôt pour conclure – qu'il était quand c'était Maurice Duplessis qui était assis dans ce fauteuil. Est-ce que Maurice Duplessis était séparatiste, lui qui parlait avec tant d'ardeur de la «province» de Québec? Évidemment, non. Mais Lucien Bouchard est souverainiste. Et on traîne cette hypothèque économique d'un mauvais fonctionnement de la fédération canadienne qui fait que le Québec, malgré son formidable dynamisme, malgré ses formidables richesses naturelles, est toujours 2 %, en termes de chômage, plus élevé que l'Ontario et que sa croissance économique, sauf exception... Il y a eu des périodes, je me souviens, quand le PQ était au pouvoir, du temps du premier ministre René Lévesque, où on avait dépassé à un certain nombre de reprises le taux croissance de l'Ontario. Mais, sur 60 ans, un déficit de deux points. Alors, c'est dans ce contexte-là qu'on a abordé la confection du dernier budget.

Et là je voudrais être d'une franchise brutale et dire quel était le lourd manteau de plomb qui pesait sur nous quand nous avons ouvert les livres pour faire le présent budget. Premièrement, les Québécois et les Québécoises sont les gens les plus endettés du Canada. Le député de Laporte a fait cette espèce de comparaison sur ce qu'on recevait et sur ce qu'on ne recevait pas d'Ottawa. Je maintiens ce que j'ai dit, j'ai fait toutes mes recherches, c'est le Québec qui, par tête, reçoit le moins du gouvernement du Canada. C'est connu, ça a été étudié par plusieurs instituts hors Québec. Je lui enverrai mes références, s'il le veut. Mais, en tout cas, en supposant qu'il veuille faire un débat là-dessus, on en fera un. Mais, un point sur lequel aucun débat n'est permis: les Québécois et les Québécoises sont les gens les plus endettés du Canada, plus que 10 000 $ par tête, hommes, femmes et petits enfants. Un.

(16 h 20)

Deuxième trame de ce tissu qui nous emprisonne: les Québécois et les Québécoises sont les gens les plus taxés du Canada, les plus endettés et les plus taxés. C'était vrai avant le budget, c'est vrai après le budget. Et ça va nous prendre encore beaucoup de temps pour s'en sortir convenablement et vraiment nettoyer l'ardoise. Qui, d'ailleurs, a rendu cette ardoise si peu montrable? Je ne veux pas tourner le fer dans la plaie, mais, quand nous sommes arrivés ici, il y a quelques années, de retour au pouvoir, on a eu sur les épaules le déficit le plus élevé de l'histoire du Québec. Et on a commencé à gérer alors qu'il était à 6 000 000 000 $. Le déficit était à 6 000 000 000 $. Il était moins cinq, en termes de finances publiques. Il fallait agir et agir en profondeur, et agir rapidement et avec détermination. Et il n'y a rien de drôle là-dedans. J'y reviendrai, si nécessaire. Je ne veux pas non plus en faire une chose trop partisane, mais j'ai dit que, si jamais je retournais à la vie académique, un des éléments de ma recherche serait d'essayer de comprendre pourquoi le Parti libéral du Québec, qui se prétendait un parti de gestion, un parti d'hommes d'affaires, voulait runner l'État comme une business – pour employer une tournure de phrase qui était la leur, mais que le député de Laporte, fort heureusement, n'approuve pas car il préconise le bon usage de la langue française – comment il se fait que ces gens-là nous ont laissé cet héritage si lourd et qui nous force aujourd'hui à faire des choses pour lesquelles on n'était pas prédestinés.

Il n'y a personne qui est venu en politique, de ce côté-ci, pour faire des coupures budgétaires et des compressions. Nous les faisons, suivant le nom d'un village de mon comté, d'une petite ville, à contrecoeur. On ne les fait pas juste à Contrecoeur, on les fait dans tout le Québec, hein, dans toutes les régions et partout!

Alors, voici des éléments de la problématique. J'en donne un troisième, qui n'est pas plus drôle non plus: les plus taxés, les plus endettés et, sur le plan de l'emploi et du chômage, ceux qui sont dans une situation, au sens littéral du terme, médiocre. Tout ce qui est à l'est du Québec vers la mer chôme plus que le Québec. Tout ce qui est à l'ouest du Québec vers l'autre mer chôme moins que le Québec. On est dans le milieu, on est dans une situation de médiocrité. On est à 11 %. Il y a des signes d'espoir qui ne nous permettent pas de chanter victoire encore maintenant. Une hirondelle ne fait pas le printemps et un léger souffle de vent n'est pas suffisant pour gonfler les voiles du navire.

Mais, depuis le mois de juillet dernier, le Québec a créé six emplois sur 10 de tous ceux qui sont créés au Canada, d'Halifax à Vancouver, et, depuis janvier dernier, ce chiffre monte à 95 %, ce qui est tellement impressionnant qu'il faut revérifier les chiffres deux ou trois fois avant de les dire, mais je les redis après nombre de vérifications. Le Québec a créé 95 % des emplois au Canada depuis le mois de janvier, et le taux de chômage, qui a commencé à céder et à baisser, est quand même de 11 %, ce qui est tout à fait inacceptable, ce qui est tout à fait en deçà de ce que le Québec peut faire et ce qui est tout à fait en deçà des attentes de nos fils, de nos filles, de nos neveux et de nos nièces, qui veulent s'intégrer dans l'appareil productif d'une façon convenable.

Or, je le dis et je le redis, depuis que Maurice Duplessis occupait ce fauteuil, il y a toujours eu un écart structurel de 2 % entre le taux de chômage du Québec et celui de l'Ontario; et, s'il n'y a pas là la preuve qu'il s'agit d'un problème structurel, on ne pourra jamais faire une preuve que c'est un problème structurel. Donc, il faut prendre des mesures qui vont au fond des choses et qui s'attaquent à la profondeur du mal. Et ces mesures, bien, vous les retrouvez dans le dernier budget.

J'avais fait préparer par mes adjoints une série d'extraits de presse qui louangent le budget. Je ne vais pas en abuser, puis je ne m'en serais peut-être même pas servi du tout si le député de Laporte n'avait pas lui-même cité l'éditorialiste chef de La Presse . Il l'a cité, alors je vais me croire autorisé à en faire autant. La Presse du 26 mars 1997: «Nous revenons de loin après l'immobilisme à la fin du règne libéral. Avec ce budget, le Québec est sur la bonne voie pour se débarrasser du fardeau du déficit.» Comme c'est le seul que le député de Laporte a cité, je vais vous dispenser des 10 autres citations élogieuses que j'ai d'à peu près tous les éditorialistes.

En fait, tout le monde le sait, nos députés le savent, surtout quand ils reviennent de leur circonscription, le budget, il a bien passé. Il a bien passé parce qu'il était basé sur des réalités solides. La première: nettoyer l'ardoise, et ça, on est sur la bonne voie, je l'ai dit souvent, parce qu'il y a beaucoup de Québécois, hommes et femmes, qui, d'une façon héroïque, ont réglé leurs problèmes un jour à la fois. Bien, nous, on essaie de régler notre problème une année à la fois, puis là on a deux ans de faits, derrière nous, bien enregistrés, bien calculés, ce n'est pas des prévisions, ce n'est pas des pronostics. Le député de Crémazie a réussi à ramener notre déficit en bas de la barre des 4 000 000 000 $, 3 900 000 000 $; le dernier exercice nous a permis de le ramener à 3 200 000 000 $, donc près de 3 000 000 000 $. Ça veut dire qu'on a la moitié du chemin de fait, ou à peu près.

Durant le présent exercice, en particulier à cause des efforts extraordinaires de mon collègue du Conseil du trésor qui, non seulement au jour le jour s'occupe de bien gérer notre argent, mais a mené, lui et des collègues sectoriels, une extraordinaire opération avec les salariés de la fonction publique, avec nos ressources humaines dont nous avons tellement besoin, il a mené une extraordinaire opération qui, dans le respect des interlocuteurs, va nous amener à réaliser le 2 200 000 000 $, qui est notre objectif cette année... Après ça, il restera une année au Québec avec des déficits, 1 200 000 000 $, et, quand dans les chiffres du millénaire apparaîtront, les zéros de l'an 2000, il apparaîtra, vis-à-vis le mot déficit du Québec, un seul zéro. Nous serons débarrassés de ce premier élément, de cette première chape de plomb qui pèse sur nos épaules.

Quand nous aurons fait ça, nous serons en mesure de nous attaquer sérieusement à notre deuxième record peu enviable: les plus taxés. Mais il y a encore deux années de patience. Puis, celle-ci, c'est la plus difficile. C'est la passe la plus difficile, cette année. Après ça, ce sera surtout du maintien, mais on ne sera pas encore en mesure de diminuer les taxes.

Mais, dans le budget présent, vous avez vu que l'espoir est là puis qu'il est plus qu'évoqué, il est inscrit d'une façon mathématique . C'est-à-dire que, par une réforme fiscale qui, dans un premier temps, est neutre, c'est-à-dire l'État ne prend pas plus et il ne donne pas plus, nous faisons voir que nos sacrifices n'ont pas été vains; et, dès la troisième année, cette réforme fiscale cesse d'être neutre et se retourne en faveur du contribuable, à la hauteur de 300 000 000 $ ou 400 000 000 $.

La mécanique est connue. Vous avions une marge de manoeuvre pour hausser la taxe de vente, on le fait. Avec l'argent que cette taxe nous rapporte – il n'est pas question, d'aucune façon, que le gouvernement en prenne plus qu'il n'en redonne – immédiatement à partir du 1er janvier prochain, une baisse d'impôts généralisée va frapper tout le monde de façon positive. Ceux en bas de 50 000 $ le seront plus et plus positivement, puisqu'on parle d'une moyenne de 15 % de baisse d'impôts pour les gens en bas de 50 000 $.

Je dois dire que, dans la moyenne, il faut tenir compte du fait que 200 000 contribuables aujourd'hui, des gens qui paient de l'impôt cette année, n'en paieront plus. On sort de la collecte 200 000 personnes, 200 000 ménages parmi les plus démunis. Alors, c'est déjà vous dire où est-ce qu'on veut aller en termes de justice sociale et de diminution du fardeau fiscal. Mais, globalement, ce qui va rentrer et ce qui va sortir va rester neutre pendant deux ans pour l'État. Et, en s'approchant du déficit zéro, l'année où le déficit sera à zéro précisément, là, les contribuables vont commencer à respirer un peu mieux et à sentir que tous ces sacrifices n'auront pas été vains.

Mais – et les libéraux nous l'ont souvent dit... Quand j'entendais le député de Laporte dire: Vous devriez suivre nos conseils, vous devriez suivre nos leçons. C'est comme si j'essayais, moi, de donner des leçons de golf à Arnold Palmer. Ce serait considéré comme totalement loufoque. Et je pense bien qu'on ne peut pas qualifier le député de Laporte d'expression aussi forte, il fait bien son possible, mais donner des conseils à des gens qui sont en train de régler le problème du déficit, alors qu'ils nous ont laissé le plus haut déficit historique, il y a un petit quelque chose de, disons, discordant, si le mot «loufoque» est trop fort.

Quoi qu'il en soit, ils nous ont dit souvent, les libéraux – ça, ce n'est pas très original, ils ont raison – que la création d'emplois est sûrement une excellente façon d'attaquer, aussi, le problème des finances publiques, parce que ceux qui travaillent paient des impôts et paient des taxes et ne sont pas dépendants de l'État. Ils ne reçoivent pas des transferts mais transfèrent plutôt de leurs ressources à l'État pour que l'État puisse en transférer à d'autres en toute justice sociale.

(16 h 30)

Alors, ce budget a trouvé la façon, même si notre marge de manoeuvre est inexistante, d'avoir une action de stimulation puissante de l'économie et de la création d'emplois dans les années qui viennent, et surtout dans les 18 mois qui viennent. Comment est-ce qu'on peut faire, si on n'a pas d'argent, pour avoir une action de stimulation de l'économie un tant soit peu significative? Nous croyons que nous pourrons déclencher pour 4 000 000 000 $ d'investissements du secteur privé par l'effet de levier, par le coup de pouce, si on veut employer une autre expression.

Il y a des projets de l'entreprise privée, financés par l'entreprise privée, qui sont sur les planches à dessin actuellement. On en a fait un inventaire total et complet, dans toute la mesure où on a pu, et on a redivisé par deux le fruit de notre récolte. On a pris tous ceux qu'on croit qui vont se faire puis on a divisé par deux pour être sûr que ceux qu'on allait appuyer se feraient. Et là on a conçu ces fameux coups de pouce qui ne sont plus jamais des subventions. On ne peut pas donner l'argent qu'on n'a pas et on n'empruntera pas d'argent pour opérer une soi-disant relance économique. Les Japonais ont mis des milliards et des milliards dans leur économie par une erreur de manoeuvre de ce genre-là, il y a quelques années. Le gouvernement japonais a essayé de relancer son économie par les dépenses publiques. Ça a été une catastrophe totale: l'État est plus endetté puis l'économie va plus mal.

Alors, même si on avait eu l'argent, on ne l'aurait pas fait. Mais ça tombait bien, en un sens, on ne l'avait pas. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On fait de la garantie de prêts. C'est facile à comprendre, ça. On endosse auprès d'une institution financière des dépenses d'investissements d'une entreprise qui veut créer de l'emploi. On fait de l'avance remboursable, c'est-à-dire que le gouvernement lui-même avance l'argent, mais l'argent sera remboursé au gouvernement en temps et lieu. Et on fait aussi des programmes d'infrastructures quand c'est nécessaire, parce que, des fois, pour un grand investissement, une grosse usine, une grosse installation touristique, les investisseurs sont prêts, mais il faut des égouts, il faut des routes, etc., pour desservir tout ce qui est infrastructure. Avec ça, nous croyons rajouter à peu près 4 000 000 000 $ d'investissements supplémentaires; peut-être pas totalement supplémentaires, parce que peut-être qu'à travers ça il y en a quelques-uns qui se seraient faits, mais la plupart ont besoin du coup de pouce, ils nous l'ont dit, ils nous l'ont assuré.

Une grande partie de ces investissements sont le fait de très grandes entreprises. C'est vrai. J'ai déjà donné des exemples. Intrawest, par exemple, au pied du mont Tremblant – et même un peu dans la pente à cause des installations de remontée – a investi 500 000 000 $ et est prête à en faire autant à condition que nous utilisions l'effet de levier et qu'on donne le coup de pouce. On va donner le coup de pouce, puis ça va déclencher un autre 500 000 000 $ d'investissements au pied des Laurentides. Il y en a d'autres. Il y en a plusieurs qui ont déjà été mentionnés dans des journaux, d'autres qui ne le sont pas, alors je ne les mentionnerai pas, ceux-là, parce que, comme c'est l'argent des entreprises, c'est bien normal que les entreprises fassent leurs annonces elles-mêmes.

Nous croyons que cette partie-là qui s'adresse surtout aux grandes entreprises va aider beaucoup à la création d'emplois, mais il y a aussi les PME. Plusieurs font l'erreur d'opposer la grande entreprise à la PME. C'est mal connaître la structure des économies qui ont réussi. Le Japon, c'est le pays où se retrouve le plus grand nombre de grandes entreprises, des entreprises, des conglomérats, mais monstrueux. Alors, on serait porté à dire: Vous voyez, une bonne économie, c'est une économie de grandes entreprises. Mais non! Il y a au Japon 1 000 000 de PME. Il y a 125 000 000 de Japonais. Il y a 200, 300 groupes industriels majeurs – Mitsui, Mitsubishi, on les connaît, Hitachi – il y a une série de grandes banques, tellement grandes, d'ailleurs, que la première banque japonaise, qui est le résultat d'une fusion, est plus grande probablement à elle seule que les sept, huit premières étrangères réunies, donc très grande, mais aussi, tout ça, avec une armée de PME pour les soutenir.

Donc, le budget travaille pour la grande entreprise et avec la grande entreprise, le budget travaille pour la PME, et de quelles façons? Bien, je vais vous donner quelques façons. Toute nouvelle petite ou moyenne entreprise qui naît au Québec à partir du dernier budget a une exemption fiscale totale, un congé total non seulement d'impôt sur le revenu, mais d'impôt sur la taxe sur le capital et d'impôt sur la masse salariale, le fameux impôt sur la masse salariale.

Alors, je pense que vous avez là, M. le Président, vous le voyez bien, tous les ingrédients de nos grands objectifs et d'une bonne garantie qu'ils seront atteints: règlement du problème des finances publiques et du déficit de cette façon; règlement du problème fiscal et du fait que nous sommes les plus taxés – quand on ne sera plus les plus endettés, on ne sera plus les plus taxés; et, enfin, utilisation au maximum des ressources québécoises, de l'entrepreneurship québécois pour casser ce damné modèle structurel qui fait que, depuis qu'on est capable de compter, le Québec a 2 % de chômage de plus que l'Ontario, l'un dans l'autre, avec des années où ça semble se corriger et des années où ça semble se détériorer.

Alors, si on peut parler de philosophie, bien que «philosophie» soit un grand mot, c'était ça, la philosophie globale du dernier budget. Vous voyez que c'est plutôt une pratique qu'une philosophie, c'est plutôt un pragmatisme qu'une doctrine. Mais à peu près tous les commentateurs et les réactions qu'on a dans la rue et les réactions qu'ont les députés dans leur circonscription nous disent que, si on n'a pas fait de miracle, au moins, nous sommes sur la bonne voie. Et ce budget, que j'ai qualifié à quelques reprises de budget de l'espoir, c'est littéralement cela. Alors, un espoir, c'est une chose qui n'est pas réalisée, mais c'est une chose qu'on souhaite voir se réaliser, c'est une chose qu'on pense qui va se réaliser. Et c'était, je crois, ce dont les Québécois et Québécoises avaient besoin. En faisant ce budget, comme je l'ai dit, nous avons tenté de servir notre peuple, notre patrie et notre nation. Et je crois que le passé récent est garant du fait que nous allons réussir à atteindre ces fins.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le vice-premier ministre. Cette réplique de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances met fin au débat sur le discours sur le budget.

Conformément à l'article 277 du règlement, l'Assemblée doit maintenant se prononcer sur les motions de censure qui ont été présentées à l'occasion du débat sur le discours sur le budget et sur la motion de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances proposant à l'Assemblée d'approuver la politique budgétaire du gouvernement.

Je vais d'abord mettre aux voix dans l'ordre de leur présentation les motions de censure présentées dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.

M. Paradis: M. le Président, vote par appel nominal.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vote par appel nominal, très bien. Alors qu'on appelle les députés pour le vote, par appel nominal, sur les motions de censure et sur le budget présenté par M. le vice-premier ministre.

(16 h 38 – 16 h 47)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît!


Mise aux voix des motions de censure

Je vais d'abord mettre aux voix, dans l'ordre de leur présentation, les motions de censure présentées dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.

La motion de censure présentée par M. le chef de l'opposition officielle et qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale condamne le budget du gouvernement péquiste pour son absence de perspective et de moyens quant à la création d'emplois pour les Québécoises et les Québécois et pour la poursuite constante de son option, soit la séparation du Québec, nuisible à l'économie québécoise.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

(16 h 50)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Rochon (Charlesbourg), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:34

Contre:60

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): On me fait signe... Y a-t-il consentement pour que le député de Pontiac entre et prenne son siège? Il y a consentement.

La Secrétaire adjointe: M. Middlemiss (Pontiac).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Selon la nouvelle règle, j'inviterais le député à se lever... Je lui demanderais, s'il est pour, de se lever. Pour? Très bien. Pour.

Le Secrétaire: Pour:35

Contre:60

Abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est rejetée.

Je vais maintenant mettre aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Laporte et qui se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme le gouvernement péquiste pour son budget qui ne vise qu'à alourdir le fardeau fiscal global des Québécoises et des Québécois, notamment par la hausse de 1 % de la TVQ et par les nouvelles factures refilées aux contribuables municipaux et aux commissions scolaires du Québec.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Une voix: Même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote? Alors, le même vote. La motion est donc rejetée.

L'autre motion, celle présentée par M. le député de Rivière-du-Loup, se lit comme suit:

«Que l'Assemblée nationale blâme sévèrement le gouvernement du Parti québécois pour sa nouvelle charge contre les contribuables de la classe moyenne et condamne son refus de reconnaître le frein au développement économique que représente le fardeau fiscal abusif imposé à l'ensemble des Québécois et des Québécoises.»

Une voix: Même vote.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Même vote. Alors, la motion est donc rejetée.

Maintenant, je mets aux voix la motion de censure présentée par M. le député de Jean-Talon et qui se lit comme suit...

Des voix: Par Mme la députée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Par Mme la députée de Jean-Talon:

«Que l'Assemblée nationale blâme le gouvernement péquiste pour son budget qui ne vise qu'à alourdir le fardeau global des Québécoises et des Québécois, notamment par la hausse de 1 % de la TVQ, par la facture de 625 000 000 $ refilée aux municipalités et par son incapacité à présenter une réforme de la fiscalité locale.»

Le même vote? Alors, la motion est donc rejetée.


Mise aux voix de la motion du ministre des Finances

Je mets maintenant aux voix la motion de M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances proposant:

«Que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement.»

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

La Secrétaire adjointe: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Landry (Verchères), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda–Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Bertrand (Portneuf), M. Rochon (Charlesbourg), M. Boucher (Johnson), M. Julien (Trois-Rivières), M. Cliche (Vimont), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Jolivet (Laviolette), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), M. Facal (Fabre), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Laurin (Bourget), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Laprise (Roberval), M. Jutras (Drummond), M. Morin (Nicolet-Yamaska), M. Létourneau (Ungava), M. Kieffer (Groulx), Mme Léger (Pointe-aux-Trembles), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

La Secrétaire adjointe: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Middlemiss (Pontiac), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Parent (Sauvé), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Fournier (Châteauguay), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), M. Laporte (Outremont), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

M. Dumont (Rivière-du-Loup).

Le Vice-Président (M. Brouillet): Y a-t-il des abstentions?

M. le secrétaire, on m'informe qu'il y a un député, M. le député d'Argenteuil, qui entre présentement et qui aimerait enregistrer son vote. Y a-t-il consentement?

Des voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député d'Argenteuil, si vous êtes en faveur, je vous demande de vous lever ou, si vous êtes contre, je vous demande de vous lever. Contre.

La Secrétaire adjointe: M. Beaudet (Argenteuil).

Le Secrétaire: Pour:60

Contre:36

Abstentions:0

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion est donc adoptée.

Je désire maintenant vous informer que, conformément à l'article 285 du règlement, il y a eu une réunion entre la présidence et les leaders des groupes parlementaires afin de préciser les modalités de l'étude des crédits. J'informe donc l'Assemblée que l'étude des crédits débutera le mercredi 16 avril 1997 et se poursuivra jusqu'au mercredi 30 avril prochain, selon le calendrier convenu.

(17 heures)

À la demande d'un des leaders, le président convoquera une nouvelle réunion des leaders pour préciser toute autre modalité, si nécessaire. Le 30 avril prochain, une séance de la commission plénière sera consacrée à l'étude des crédits de l'Assemblée nationale pour une durée maximum de trois heures. M. le leader du gouvernement.


Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée que demain, le mercredi 16 avril 1997, les commissions parlementaires débuteront l'étude des crédits budgétaires 1997-1998 et, à cette fin, que la commission de l'économie et du travail entreprendra et complétera l'étude des crédits budgétaires de la gestion et du développement de la ressource minérale, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission des institutions entreprendra l'étude des crédits budgétaires du ministère de la Justice, de 9 heures à midi, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission des affaires sociales entreprendra et complétera l'étude des crédits dévolus à l'action communautaire, de 9 heures à 10 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le leader du gouvernement. Alors, M. le leader du gouvernement, pour la suite de nos travaux, je vous demanderais d'indiquer le menu.

M. Bélanger: Je vous demanderais de prendre en considération l'article 8 de notre feuilleton, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Avant d'annoncer l'article 8, j'attendrais quelques instants pour permettre aux députés qui ont à quitter... Je sais qu'il y a des commissions parlementaires qui doivent se poursuivre. Alors, je vous demanderais, s'il vous plaît, de le faire avec diligence. S'il vous plaît, je vous inviterais, ceux qui ont à quitter, à le faire immédiatement.


Projet de loi n° 95


Adoption du principe

À l'article 8, M. le ministre d'État de l'Économie et des Finances propose l'adoption du principe du projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. M. le vice-premier ministre.


M. Bernard Landry

M. Landry (Verchères): M. le Président, je dois d'abord vous dire, suivant l'usage, que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée. En fait, ce projet de loi, il donne suite à une déclaration ministérielle que j'ai faite en cette Chambre le 26 novembre 1996 et son objectif est à la fois simple et ambitieux: créer un fonds de 250 000 000 $ pour financer des initiatives de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.

L'idée de ce fonds, vous vous en souvenez, a germé à l'intérieur de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics. Cette Commission parlait d'une contribution de solidarité sociale destinée à venir en aide aux laissés-pour-compte, particulièrement les jeunes. La Commission avait un projet ambitieux: elle parlait d'un fonds de 240 000 000 $ par année et non pour trois ans. C'est pourquoi évidemment le gouvernement avait été un peu réticent devant l'ampleur des sommes, mais non pas sur les principes.

Les principes, c'était qu'on devait avoir une certaine parité entre employeur et employés pour participer à la constitution de ce fonds, qu'il devait comporter une contribution spéciale des institutions financières et que l'affectation des fonds, contrairement à l'affectation des fonds généraux du gouvernement, devait être sous la recommandation d'un comité aviseur. Alors, ces principes, nous les avons acceptés, et le Sommet de Montréal, on le verra, a fait la suite et a fait un vaste consensus québécois, auquel d'ailleurs, à ce moment-là, participait l'opposition, puisque l'opposition était représentée au Sommet. Et à aucun moment l'opposition officielle ne s'est élevée contre la constitution de ce Fonds.

Pourquoi avons-nous à faire un fonds de lutte contre la pauvreté? On sait que la réduction du déficit gouvernemental est incontournable; on vient d'en parler longuement dans cette Chambre. Il faut cependant éviter qu'elle se fasse sur le dos des plus démunis, qui sont plus dépendants du soutien de l'État. Et c'est ce qu'avait bien souligné la commission D'Amours sur la fiscalité, d'ailleurs: faire une réaménagement sérieux de nos finances publiques, oui, aller vers le déficit zéro, mais le faire d'une façon humaine et d'une façon même, si possible, humaniste. Alors, c'est donc comme un corollaire de nos efforts de lutte contre le déficit que se présente ce Fonds de lutte contre la pauvreté.

Il est sûr qu'en comprimant des dépenses publiques, il est sûr qu'en tenant une gestion serrée et rigoureuse, nous prenons le risque de faire certaines victimes parmi les plus démunis. Nous voulons conjurer ce risque au maximum, et toutes les précautions sont prises. Vous avez vu dans le dernier budget, qui est maintenant adopté par notre Assemblée, qu'il y avait 200 000 contribuables, dans les plus démunis, qui payaient des impôts et qui n'en paieront plus. Vous avez vu que tous les gens en bas de 50 000 $ vont voir une diminution moyenne de leurs impôts de 15 %. On a pris des précautions.

Mais nous avons voulu prendre une précaution supplémentaire, et active, celle-là, pour aider les plus démunis, c'est-à-dire souvent les sans-travail, les gens qui vivent d'aide sociale et qui voudraient se réintégrer dans la vie productive, au sens matériel du terme. Nous avons voulu mettre des moyens à leur disposition. Il y avait urgence d'agir, c'est pourquoi, après trois semaines seulement du dernier engagement du Sommet, je suis venu dans cette Chambre pour faire la déclaration ministérielle que l'on sait. Ça n'a pas traîné: le Sommet s'est prononcé; trois semaines après, la déclaration était faite. J'ai voulu que ce soit simple. Je l'ai dit, la proposition de la commission aurait nécessité une annexe spécifique dans la déclaration d'impôts sur les particuliers; je trouvais ça trop compliqué. Alors, j'ai plutôt annoncé une contribution égale à 0,3 % de l'impôt à payer.

Alors, c'est facile pour chaque contribuable de calculer ce que ça peut lui coûter. Il voit à peu près quelle est sa facture d'impôts. Il voit que le dernier budget baisse de 15 %, en moyenne, ou de 3 %, suivant qu'on est en haut ou en bas de 50 000 $, et ensuite 0,3 % de l'impôt à payer. Donc, par le dernier budget je me trouve à avoir réduit en même temps, comme tout le reste, la contribution. Cela équivaut en gros à une heure de travail rémunéré par année. En gros, une heure de travail. Alors, ceux qui gagnent 10 $ l'heure, ça va leur coûter 10 $ par année, puis ceux qui gagnent 22 $ l'heure, dans les industries comme l'automobile ou des choses comme ça, ça va leur coûter 22 $ pour être solidaires de ceux d'entre nous qui sont les plus démunis.

Pour les entreprises, ce sera très simple aussi: 2,8 % de leurs impôts à payer; pour les institutions financières: 3 % de leur taxe sur le capital à payer. Alors, les entreprises en général, 2,8 %; les institutions financières, 3 % de leur taxe sur le capital. Donc, ce n'est pas une façon, je ne veux pas dire «agréable», ce n'est jamais agréable de payer des impôts et des taxes, mais au moins c'est simple, ce n'est pas compliqué, tout le monde sait à quoi s'en tenir et c'est juste.

La simplification du régime fiscal est d'ailleurs une des forces de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics. Alors, ils nous proposaient de simplifier. On n'était pas, en constituant le Fonds, qui est une de leurs recommandations, pour complexifier. En plus, on a bien vu par le dernier budget qu'on est allé au bout du raisonnement: on va pouvoir faire son rapport d'impôts sur une seule feuille, que j'ai d'ailleurs déjà présentée aux contribuables.

Maintenant, ce Fonds sera utilisé de façon transparente. Il est sous la responsabilité du gouvernement, évidemment. Nous sommes en démocratie, nous avons été élus pour gérer, mais nous voulons qu'un élément de transparence supplémentaire soit ajouté par la constitution d'un comité aviseur, j'en ai parlé. Ce comité aviseur est indépendant du gouvernement. Les membres en sont nommés. Je vais les mentionner maintenant: M. Louis Bernard, président du comité aviseur, personnalité québécoise bien connue, un grand serviteur de l'État qui a servi sous divers gouvernements depuis la Révolution tranquille, lui-même un personnage de la Révolution tranquille, un intellectuel et un homme d'action à la fois – il allie bien les deux qualités – et il a une vue très profonde du fonctionnement de nos institutions démocratiques, de la vie en société; Mme Diane Lemieux, représentante d'un organisme gouvernemental, le Conseil du statut de la femme; c'est aussi une femme connue et estimée dans notre société; Mme Danielle Fournier, Université de Montréal, présidente de Relais-femmes; Mme Marie-Thérèse Forest, du Conseil régional d'économie sociale de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine; M. Pierre Laflamme, du Fonds de solidarité de la FTQ; M. Clément Guimond, du Fondaction de la CSN; M. Stéphan Reichhold, Regroupement des organismes au service des nouveaux arrivants; Mme Micheline Charest, présidente de Cinars; et M. Henri Drouin, président de la direction de Rona; Mme Michèle Soutière, Corporation de développement économique communautaire du sud-ouest de Montréal; Mme Micheline Simard, Conseil régional de développement de la main-d'oeuvre de Baie-Comeau; Mme Françoise David, présidente de la Fédération des femmes du Québec; M. Michel Noël de Tilly, sous-ministre du ministère de la Sécurité du revenu.

Vous voyez, une grande diversité. Hommes et femmes, bien entendu, suivant une préoccupation constante de notre premier ministre et notre gouvernement d'avoir à peu près l'égalité en nombre. Divers horizons socioéconomiques. M. Louis Bernard est cadre supérieur d'une institution financière bien connue, mais vous voyez que plusieurs des personnes participantes à ce Fonds ont des horizons à l'opposé du spectre, si on peut parler d'opposé, c'est-à-dire une grande banque, mais des représentants d'organisations humanitaires, d'organisations communautaires. Bref, on a essayé de faire que le comité aviseur reflète les objectifs et les mandats du Fonds. Le mandat du comité, c'est de conseiller le premier ministre sur les activités, programmes, interventions les plus susceptibles de contribuer à la réinsertion au travail des personnes démunies. Le comité a déjà siégé et a déjà fourni des avis. Le premier ministre rendra publics bientôt les projets qui sont retenus dans le cadre de l'engagement de la dépense.

(17 h 10)

Inutile de rappeler, le budget en a fait une obsession, que la création d'emplois est une priorité pour notre gouvernement. Si les initiatives spécifiques de lutte contre la pauvreté par l'insertion en emploi sont bienvenues, nous aurions tort de nous arrêter là. La vigueur de l'économie doit être continuellement recherchée pour ses effets bénéfiques sur les plus démunis. J'ai fait de la création d'emplois une priorité du dernier budget. J'en fait une priorité aussi de mon mandat comme ministre de l'Économie.

Il est utile de rappeler que, le 25 mars dernier, j'ai annoncé un plan ambitieux de soutien à l'investissement privé. Des investissements publics ciblés, une réforme majeure de la fiscalité, un train de mesures pour positionner avantageusement le Québec à l'aube du XXIe siècle: 4 000 000 000 $ de nouveaux investissements privés; 2 200 000 000 $ par la création du Fonds pour l'accroissement de l'investissement privé et la relance de l'emploi, le fameux FAIRE; 1 300 000 000 $ pour de nouvelles incitations fiscales et le démarrage de divers projets en partenariat avec les sociétés d'État; 235 000 000 $ pour des investissements en environnement; 500 000 000 $ grâce à deux initiatives annoncées au Sommet de Montréal, le Fonds de développement industriel et la disponibilité de 500 mégawatts d'électricité; enfin, 1 100 000 000 $ d'investissements publics pour répondre à des besoins: 369 000 000 $ dans les routes, 57 000 000 $ pour rénover le métro de Montréal – j'espère que c'est commencé, comme je l'ai dit; 706 000 000 $ dans l'éducation, la santé et la culture.

La plupart des mesures de ce budget sont bien connues, mais ce que je veux faire ressortir en en réénumérant quelques-unes, c'est que l'action du Fonds que nous créons par cette loi est une des facettes de l'action globale du gouvernement. Si le taux de chômage était à 5 %, on n'aurait pas besoin de créer de fonds pour la pauvreté. Alors, il faut attaquer sur tous les fronts: attaquer par le Fonds pour lutter contre la pauvreté et attaquer par l'ensemble de l'action du gouvernement pour relancer notre économie.

Je réitère, en terminant, que nous sommes actuellement, en termes de création d'emplois et d'emplois, dans une situation littérale de médiocrité, c'est-à-dire que nous sommes au milieu alors que nous devrions être au premier rang. Il faut viser le premier rang, et il faut le viser pour toutes les couches de la société, y compris ceux et celles qui sont visés principalement par cette mesure et qui vivent dans les affres de la pauvreté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le premier ministre. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Laporte.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en arrivons à l'étude de principe de ce projet de loi intitulé Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Les mots sont importants, M. le Président, parce que l'opposition est tout à fait d'accord à ce que le gouvernement forme un fonds pour lutter contre la pauvreté, et je suis absolument d'accord avec le ministre des Finances que la meilleure façon de lutter contre la pauvreté, c'est de favoriser la réinsertion au travail des personnes démunies.

Là-dessus, aucun problème. Nous sommes d'accord, M. le Président. Si on est d'accord avec l'objectif, il y a lieu de se poser quand même de sérieuses questions sur la méthode qui est employée par le gouvernement. Le ministre des Finances nous a dit tout à l'heure qu'à la suite du Sommet, trois semaines seulement après, il se levait ici, en cette Chambre, avec une déclaration ministérielle pour nous annoncer une nouvelle taxe, une nouvelle taxe qui justement créait ce Fonds de 250 000 000 $, sur trois ans, pour financer le Fonds.

Un ministre des Finances est toujours content quand un groupe constitué de patrons, de syndicats, lui donne l'autorisation de lever une nouvelle taxe. Quelle chance, M. le Président! Le ministre des Finances n'était pas pour la laisser passer. Il ne voulait surtout pas qu'on l'oublie. Alors, ça n'a pas pris trois semaines que déjà la taxe était annoncée.

M. le Président, il aurait été préférable, bien sûr, que le gouvernement crée un fonds sans imposer de nouvelles taxes. Si le gouvernement avait pu dire: Je mets à la disposition de ce Fonds 83 000 000 $, mais je n'impose pas les contribuables québécois, ç'aurait été vraiment préférable.

Bon, le gouvernement a choisi de taxer et de créer un fonds qui ajoute – c'est ça, le mot important – 83 000 000 $ à la lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. En fait, c'est ce qu'on pense, que le gouvernement ajoute 83 000 000 $. En réalité, ça ne se passe pas comme ça, et c'est ça qui est déplorable. Parce que je demanderais au ministre des Finances de peut-être aller voir dans les crédits. Quand on va voir dans les crédits du ministère de l'Emploi, de la Solidarité et de la Condition féminine, on se rend compte que le budget qui est prévu pour les mesures d'aide à l'emploi, ces mesures mêmes, dans ce ministère, qui font en sorte de favoriser la réinsertion au travail des personnes qui sont démunies, bien, ce budget-là a baissé de 62 500 000 $ entre les crédits de l'an dernier et les crédits de cette année. L'an dernier, on avait prévu 504 000 000 $, dans ce ministère-là, pour l'aide à la création d'emplois et, cette année, on a diminué de 62 500 000 $, il n'y en a plus que pour 441 000 000 $.

Alors, M. le Président, là on va se poser des questions: Qu'est-ce qui se passe? Le gouvernement nous dit: On va vous taxer 83 000 000 $ pour ajouter au budget de la création d'emplois, de l'insertion à l'emploi des personnes démunies, et, d'autre part, il soutire 62 000 000 $ de ce budget-là dans le ministère de l'Emploi. Alors là, je me demande qui se fait avoir. Quand le ministre des Finances s'est levé en cette Chambre et nous a dit que le Fonds permettra au gouvernement d'accentuer les mesures de retour à l'emploi, il ne nous a pas dit à ce moment-là que par la même occasion on retirerait 62 000 000 $ du budget du ministère de l'Emploi, dans justement les mêmes mesures d'insertion à l'emploi.

Alors, M. le Président, je vais vous donner un exemple. C'est comme si vous, M. le Président, à chaque année, vous faisiez un chèque de 300 $ à Centraide – vous êtes généreux, bon, vous faites un chèque de 300 $ à Centraide – puis, tout à coup, vous allez voir des amis, vous leur dites: Écoutez, il me semble qu'on devrait faire plus pour Centraide. Faites-moi chacun un chèque de 50 $. Vous êtes trois, ça va faire 150 $. On va ajouter ça à mon chèque et on va donner ensemble 450 $ à Centraide. Supposons que vos amis vous font confiance et vous donnent 50 $ chacun, et là vous allez voir Centraide puis vous leur donnez 300 $. Alors, qu'est-ce qui s'est passé? Bien, il se serait passé que – vous ne feriez pas ça, M. le Président, mais supposons que quelqu'un ferait ça – vous auriez soustrait, vous, 150 $ de votre propre contribution, en disant: J'ai la contribution de mes amis, je mets mon 150 $ et on donne 300 $ à Centraide. Mais, par la même occasion, vous auriez réduit d'autant votre part.

C'est ça que le gouvernement fait présentement. Il dit aux Québécois, il a convaincu... Et ce qui est étonnant, M. le Président, c'est que le ministre des Finances terminait sa déclaration ministérielle en disant que tous les groupes se sont rangés derrière cette action – quel beau langage! – les syndicats, le patronat, les milieux financiers, les groupes sociocommunautaires, le monde municipal. C'est donc dire que la poursuite d'un idéal social élevé est possible! M. le Président, on ne peut pas dire mieux, vraiment, là, c'est même émouvant, j'en avais la chair de poule quand j'ai entendu le ministre prononcer ces paroles-là. Mais les groupes qui se sont rangés derrière l'action, les syndicats, le patronat, les milieux financiers, les groupes sociocommunautaires, le monde municipal, ces gens-là étaient de bonne foi, ils étaient convaincus que le gouvernement allait accentuer les mesures de retour à l'emploi.

(17 h 20)

Or, on remarque que, du budget de l'an dernier au budget de cette année, il y a une baisse de 62 000 000 $ dans le programme d'aide pour le retour à l'emploi. Alors, ça veut dire, M. le Président, que les trois quarts, en fait, de la somme que le gouvernement va chercher avec la nouvelle taxe ont été retirés du budget de Mme la ministre de l'Emploi parce qu'on a un nouveau fonds qui vient faire la même chose. Alors, le gouvernement a décidé d'escamoter ou d'exproprier les trois quarts de la nouvelle taxe qui est censée ajouter au Fonds, il l'a mis dans sa poche et, finalement, ce qui va être de plus qu'avant, c'est 25 % de 83 000 000 $, à peu près 20 000 000 $ de plus.

Donc, ça veut dire que les Québécois auront payé 83 000 000 $ en nouvelles taxes mais qu'il n'y en aura que 20 000 000 $ qui vraiment vont aller aux mesures d'intégration au travail des personnes démunies parce que le gouvernement aura au passage retiré du budget ou escamoté, si vous voulez, 62 000 000 $. C'est en toutes lettres dans les crédits du ministère de la Solidarité. Cela veut dire que, dans le fond, les groupes dont on parle, ils ont été floués par le gouvernement. Le gouvernement a profité d'une situation de bonne foi où les gens avaient convenu de mettre plus d'argent, d'une taxe, avaient convenu d'être taxés davantage pour créer un fonds pour la pauvreté, et le gouvernement, dans son budget de cette année, réduit les crédits du ministère, par rapport aux crédits de l'an dernier, de 62 000 000 $. Alors, c'est déplorable, parce que finalement ça ne sera pas 83 000 000 $ de plus que l'effort des contribuables générera en faveur de la réinsertion au travail des personnes démunies, mais ça sera 20 000 000 $. Parce que, quand on regarde les chiffres du budget, le gouvernement, lui, s'est approprié 62 000 000 $ sur les 83 000 000 $.

Si on regarde maintenant le projet de loi lui-même, le projet de loi n° 95. Je ne ferai pas une étude exhaustive de tous les articles de ce projet de loi, mais il y a quand même un point qui me paraît un peu étonnant, et c'est le suivant. À l'article 4, on dit: «La gestion des sommes constituant le fonds est confiée au ministre des Finances.» Le ministre des Finances a la gestion des sommes. À l'article 12, on dit: «Le premier ministre est responsable de l'application de la présente loi.» Alors, ça se complique un peu. Le premier ministre est responsable de l'application de la loi, mais c'est le ministre des Finances qui est responsable de la gestion des sommes. Encore là, on peut comprendre, M. le Président, le premier ministre est là, il est responsable, mais c'est le ministre des Finances qui gère les sommes.

Mais là où ça se complique vraiment, c'est à l'article 14, où on dit: «Le gouvernement désigne le ministre responsable de l'administration de la présente loi.» Alors là, je ne comprends rien, M. le Président! On avait déjà le premier ministre qui était responsable de l'application de la loi et on avait le ministre des Finances qui était responsable de la gestion de sommes, et là on nous dit qu'il va y avoir un autre ministre qui va être désigné par le gouvernement pour être responsable de l'administration de la présente loi. Parce que, soyons clair, le premier ministre n'était pas responsable de l'administration de la loi, il était responsable de l'application de la présente loi.

Je ne sais pas si vous saisissez la nuance très fine qu'il y a entre quelqu'un qui est responsable de l'application d'une loi et quelqu'un qui est responsable de l'administration d'une loi. C'est assez ténu comme distinction. Ça demande, évidemment, une étude exhaustive des mots «administration» et «application». J'aimerais bien qu'éventuellement on nous explique de quoi ça retourne, parce que ça m'a l'air d'un méchant cafouillis, où un ministre va être responsable de l'administration de la loi, ministre qui n'est pas encore désigné, un autre est responsable de la gestion de sommes qui sont dans le Fonds constitué par la loi, et un autre, le premier ministre, est responsable de l'application de la loi. Alors, entre celui qui est responsable de l'application, celui qui est responsable de l'administration et celui qui est responsable de la gestion, ça va faire pas mal de monde, pas mal de cuisiniers pour cette sauce-là.

Et je ne sais pas si c'est parce que les gens qui sont nommés là, les ministres, veulent se faire du capital politique avec la distribution des sommes d'argent qui sont dans le Fonds, mais, un jour, on va annoncer une subvention à même le Fonds qui va être annoncée par le ministre responsable de l'application de la loi, une autre par le ministre responsable de la gestion de la loi, une autre par le ministre responsable de l'administration de la loi, et finalement, à chaque jour, il y aura un nouveau ministre qui prétendra être responsable de ce Fonds-là, ou d'une partie du Fonds, ou de l'administration, ou de la gestion, ou de l'application, je ne sais pas trop, mais ce sera toujours un autre ministre qui viendra faire des annonces. Ça ne m'apparaît pas être de la plus grande logique. Et j'espère que le ministre des Finances va éventuellement amener un peu d'ordre là-dedans. Ça m'apparaît déraisonnable que tant de monde soit responsable d'une loi semblable. Il me semble que ce n'est quand même pas 20 000 000 000 $, cette loi-là, et qu'il devrait y avoir un ministre responsable; ça m'apparaîtrait suffisant. En tout cas, si le ministre des Finances veut apporter un amendement pour faire en sorte qu'il n'y ait qu'un seul ministre responsable, nous, on serait d'accord, M. le Président, ça serait bien plus simple.

Alors, ceci étant dit, M. le Président, ça complète les propos que j'avais à faire au sujet de cette loi-là. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, M. le député de Laporte, je vous remercie. Y a-t-il d'autres intervenants? Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous cède la parole.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. À mon tour de prendre quelques minutes pour faire des remarques au sujet du projet de loi n° 95 présenté par le ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. le Président, le député de Laporte a indiqué un certain nombre de «réservations» que nous avons quant à l'application de ce projet de loi en disant très clairement qu'on était favorables à l'objectif de la création d'un Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, mais qu'on avait de graves «réservations» quant aux moyens et quant à l'utilisation éventuelle de ces sommes-là, des sommes assez importantes, M. le Président, je vous le rappelle: 250 000 000 $ sur trois ans, 83 300 000 $ par année, grosso modo, pour les trois prochaines années.

M. le Président, en tant que porte-parole de l'opposition officielle en matière de sécurité du revenu, je ne peux qu'évidemment endosser les paroles de mon collègue le député de Laporte quant au jeu de chiffres qui, semble-t-il, est en train de se faire entre le ministre d'État à l'Économie et Finances et la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.

M. le Président, dans les crédits de cette année, on retrouve dans le volume III essentiellement une explication quant à la baisse importante que fait le gouvernement actuel en matière de mesures de réintégration et d'intégration à l'emploi. Ces sommes-là, M. le Président, les crédits que nous sommes appelés à voter en cette Chambre diminuent de 62 000 000 $ par année; 62 000 000 $ cette année, par rapport à l'année passée, en termes de crédits à voter à l'Assemblée nationale pour l'aide à l'intégration en emploi.

M. le Président, il me semble assez paradoxal que le gouvernement puisse d'une main diminuer son financement à lui de l'ordre de 62 000 000 $ pour l'aide à l'intégration en emploi et de venir en cette Chambre avec une mesure, essentiellement une taxe, pour créer un fonds de lutte contre la pauvreté par le même biais, par la réinsertion au travail.

Il me semble, M. le Président, que le jeu devient assez clair. On enlève avec une main l'engagement financier du gouvernement du Québec de financer, par le biais du fonds consolidé, tous les revenus du gouvernement du Québec, de l'ordre de 62 000 000 $, pour le remplacer avec une taxe spéciale qui va ramasser 83 300 000 $ par année.

(17 h 30)

M. le Président, ce jeu de chiffres est important. On l'appelle en anglais, M. le Président, «robbing Peter to pay Paul». On enlève d'une poche, on donne de l'autre. Ce jeu, il faut, quant à moi, le démasquer, M. le Président. Ce jeu-là est important, parce qu'il y a, pour les derniers chiffres qu'on a, M. le Président, au mois de décembre de l'année passée, 539 845 adultes prestataires de l'aide sociale, au Québec. À l'intérieur d'un peu plus de ces 500 000 Québécois adultes qui sont prestataires, pour les fins de nos discussions, parce qu'on parle de réinsertion au marché du travail, dans le régime actuel, il faut essentiellement enlever les prestataires qui sont catégorisés «soutien financier» parce qu'ils ont des contraintes sévères à l'emploi. Ils bénéficient d'un montant supplémentaire d'à peu près 100 $ par adulte parce que, effectivement, ils ont des contraintes sévères à l'emploi. Ça nous laisse avec 428 876 personnes adultes au Québec prestataires de la sécurité du revenu dans la catégorie qu'on appelle «aptes au travail».

De ce chiffre-là, il faut enlever un certain nombre d'entre eux qui sont non disponibles parce qu'ils ont à leur charge un enfant en bas âge, jusqu'à cinq ans, ou parce qu'ils sont dans la catégorie non disponibles pour raison d'âge, entre 55 et 64 ans. Il faut enlever 139 412 personnes. Ça nous laisse avec, grosso modo, un peu plus de 250 000 Québécois et Québécoises adultes qui sont essentiellement à la recherche d'un emploi, à la recherche des mesures. Ça, c'est des bénéficiaires de l'aide sociale toujours, M. le Président. Je ne parle pas des chômeurs dans le sens traditionnel, tels que reconnus par le gouvernement fédéral, mais des prestataires de l'aide sociale, au nombre 289 462, qui veulent avoir des mesures réelles d'insertion en emploi. Tout près de 300 000 Québécois et Québécoises qui veulent avoir accès à des mesures d'employabilité, des mesures d'insertion en emploi.

De ce nombre-là, il y a 32 759 participants – ça, c'est toujours en date de décembre 1996. Ça veut dire que c'est des prestataires de l'aide sociale qui suivent présentement une mesure active – soit de rattrapage scolaire, soit une mesure d'employabilité, un stage, programme PAIE ou EXTRA... qui fait en sorte qu'ils suivent présentement, ou qu'ils suivaient en date du 31 décembre, des mesures qui visent à mieux les insérer dans le marché du travail – au nombre de 32 000 – et 256 000 qui voulaient avoir accès à de telles mesures, mais ces mesures-là n'étaient pas disponibles. Ils ne pouvaient pas avoir accès à des mesures.

La raison générale, la raison le plus souvent citée par des prestataires qui n'ont pas accès, c'est parce que cet accès est limité par les politiques budgétaires du ministère de la Sécurité du revenu, limité parce qu'on ne peut plus financer, semble-t-il, de la formation. Pour presque 250 000 Québécois prestataires de la sécurité du revenu, 256 000, on ne peut pas financer de l'éducation par le biais du rattrapage scolaire, on ne peut pas financer des stages en milieu de travail, on ne peut pas financer des programmes PAIE, on ne peut pas financer toute une gamme de mesures d'employabilité auxquelles ces 250 000 Québécois et Québécoises veulent avoir accès.

Parce que je suis convaincu que la très vaste majorité des prestataires d'aide sociale ne le sont pas par choix, mais parce qu'ils ne trouvent pas un emploi. Ils sont incapables de trouver un emploi soit par manque de formation, manque d'éducation ou simplement, un autre gros problème, M. le Président, parce que le taux de chômage est tellement élevé au Québec que c'est de plus en plus difficile pour les prestataires de la sécurité du revenu de trouver des emplois.

M. le Président, si on disait non à cette loi-là, la loi n° 95, on priverait 32 000 prestataires – potentiellement prestataires – de la sécurité du revenu des mesures d'employabilité et on dirait aux 256 000 qui ne participent pas présentement parce qu'ils n'ont pas le budget pour le faire: Vous n'aurez jamais l'espoir d'avoir accès à des programmes. Alors, comme opposition officielle responsable, on ne peut pas refuser notre accord à ce projet de loi.

Mais on peut décrier, et c'est notre devoir de le faire, ce jeu de chiffres d'une somme à l'autre. On transfère des responsabilités du fonds consolidé, qui est tiré des revenus généraux du gouvernement, pour financer des programmes. On les retire de là et on les met sous la responsabilité d'une taxe spéciale, M. le Président, et ça, on peut le décrier. Il s'agit, quant à moi, d'une autre forme de pelletage, en quelque sorte, des responsabilités gouvernementales de financer des programmes vers une tarification ou une taxe qui s'applique à tout le monde. Et ça, on peut le décrier, M. le Président.

Sur quoi est-ce que je me repose en disant que le fonds créé par la Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail, c'est dédié à des programmes établis? Mais c'est très clair, l'article 7, premier paragraphe: «Sont prises sur le fonds les sommes requises pour: les versements à effectuer en application des programmes établis ou approuvés par le gouvernement pour la lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail.» C'est en noir et blanc, M. le Président. L'intention du gouvernement est là en noir et blanc, de prendre à partir de ce fonds-là le financement des programmes déjà établis qui font l'objet de compressions de l'ordre de 62 000 000 $. Ça va laisser, comme mon collègue le député de Laporte l'a bien décrit, à peu près, si on se fie sur les chiffres dans les crédits, 21 300 000 $ par année de plus pour la réinsertion au travail.

Et, même à ça, ça ne peut pas être totalement 21 000 000 $, ça va être moins que ça, parce qu'il y a une autre condition: «Sont prises sur le fonds les sommes requises pour – et c'est le troisième paragraphe: le paiement de la rémunération et des dépenses afférentes aux avantages sociaux ainsi qu'aux autres conditions de travail des personnes qui, conformément à la Loi sur la fonction publique, sont affectées aux activités reliées à ce fonds.» Autrement dit, il faut que ce fonds-là, l'administration de ce fonds-là s'autofinance. Non seulement on va être obligé de transférer les trois quarts des sommes ramassées par le gouvernement pour des programmes existants qui sont coupés de 62 000 000 $, mais on va être obligé de prendre les coûts associés à l'administration du fonds à partir des revenus sur le fonds.

Comment est-ce que ces sommes-là vont être allouées? C'est quoi, les critères? Ce sont toutes des questions qu'on va poser au ministre de l'Économie et des Finances. On a une certaine indication à l'article 12: «Le premier ministre est responsable de l'application de la présente loi.» À l'article 13: «Le comité formé par le gouvernement en vertu du décret n° 79-97 conseille le premier ministre et lui donne des avis sur l'utilisation des sommes constituant le fonds.» Alors, on voit la création d'un comité aviseur au premier ministre pour l'utilisation des sommes. Mais, là, encore une fois, M. le Président, je vous prédis que les avis et les conseils de ce comité vont être contraints par l'objectif financier de compressions de 62 000 000 $ dans les mesures d'aide à l'emploi et à la réinsertion à l'emploi annoncées dans le livre des crédits.

(17 h 40)

M. le Président, ce comité-là ne pourrait pas aviser le premier ministre, quant à moi, sur l'utilisation de 83 300 000 $ parce que, cette année seulement, le gouvernement actuel diminue le financement de l'aide à l'intégration à l'emploi de 62 000 000 $.

Alors, M. le Président, essentiellement il s'agit d'un geste, geste un peu par coup de baguette magique, où on enlève d'un côté un financement de l'ordre 62 000 000 $, on se désengage comme gouvernement, le gouvernement actuel se désengage de l'ordre de 62 000 000 $ pour être compensé par la tarification ou un pelletage de taxation, de responsabilités, sur tous les Québécois et Québécoises.

M. le Président, c'est, je dirais également en anglais, «a shell game», hein? On a trois, mettons trois tasses inversées, on met de l'argent en dessous d'une, puis on mélange les trois. Il s'agit de savoir où est l'argent après ce mélange des trois tasses inversés. Et ce n'est pas facile à suivre, M. le Président, il faut avoir l'oeil fin pour être capable de suivre les gestes de ce gouvernement en matière d'intégration en emploi – et ce, malgré les discours, la belle rhétorique, les beaux discours de ce gouvernement: il mise tellement sur la réintégration au travail!

Nous avons passé des heures et des heures ensemble, M. le Président, en commission parlementaire, et la ministre de l'Emploi et de la Solidarité plaidait que sa réforme visait essentiellement à donner de meilleurs services en mesures d'intégration au travail à des prestataires d'aide sociale et aux chômeurs, le guichet unique.

On a tous suivi ça. Des belles paroles. Mais, dans les gestes concrets, les actions, on voit une diminution de 62 000 000 $ dans les crédits comparatifs de l'année passée et de cette année dans les mesures d'intégration au travail.

Ça, c'est un exemple, M. le Président, de double langage, de gestes qui ne se conforment pas aux paroles, et, à un moment donné, M. le Président, le gouvernement va être démasqué avec ce jeu de chiffres dont les perdants sont essentiellement les prestataires d'aide sociale, les plus pauvres parmi les plus pauvres au Québec, qui veulent surtout et avant tout avoir accès à des mesures qui vont leur permettre d'avoir accès au marché du travail et d'avoir accès à la dignité qui vient avec le fait de gagner sa vie par chèque, par emploi, au lieu de le recevoir de l'aide sociale, de l'aide de dernier recours. Les gestes de ce gouvernement sont incohérents et ils vont être démasqués, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Il n'y a plus d'autres intervenants.


Mise aux voix

Je mets aux voix l'adoption du principe du projet de loi n° 95, Loi instituant le Fonds de lutte contre la pauvreté par la réinsertion au travail. Ce principe du projet de loi est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des finances publiques

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des finances publiques pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au mercredi 16 avril 1997, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, nos travaux sont ajournés à mercredi, 14 heures. C'est bien ça? Oui.

(Fin de la séance à 17 h 45)