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Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 5 décembre 1996 - Vol. 35 N° 63

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Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures deux minutes)

Le Président: Mesdames, messieurs, nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre de l'Éducation.


Rapports annuels de diverses universités et institutions d'enseignement

Mme Marois: J'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1995-1996 suivants: l'Université du Québec en cinq volumes; l'Université du Québec à Montréal en quatre volumes; l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue en deux volumes; l'Université du Québec à Chicoutimi en deux volumes; l'Université du Québec à Hull, rapport en deux volumes; l'Université du Québec à Rimouski, rapport en deux volumes; l'Université du Québec à Trois-Rivières, rapport en deux volumes; l'Institut Armand-Frappier, rapport en deux volumes; l'Institut national de la recherche scientifique, rapport en deux volumes; l'École nationale d'administration publique, rapport en deux volumes; l'École de technologie supérieure, rapport en deux volumes; et enfin la Télé-université, rapport en deux volumes.

J'ai décidé de ne pas déposer les caisses, elles seront déposées directement, M. le Président.

Le Président: Bonne initiative, Mme la ministre. Les documents sont déposés. Alors, M. le ministre de la Justice maintenant... peut-être un peu plus tard. Mme la ministre déléguée à l'Industrie et au Commerce.


Rapport annuel de Tourisme Québec

Mme Dionne-Marsolais: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 de Tourisme Québec.

Le Président: Ce document est déposé.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commission, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Étude détaillée du projet de loi n° 15

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 2 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 15, Loi concernant la mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur. La commission a adopté le projet de loi sans amendement.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 73

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 28 novembre et les 3 et 4 décembre 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 73, Loi concernant la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances et modifiant diverses dispositions législatives en matière de retraite. La commission a adopté le projet de loi avec amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Consultations particulières sur le projet de loi n° 76

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé les 2 et 3 décembre 1996 afin de procéder à des consultations particulières et de tenir des audiences publiques sur le projet de loi n° 76, Loi instituant le Fonds de partenariat touristique.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de documents (suite)

Nous allons revenir quelques instants au dépôt de documents. M. le ministre de la Justice.


Rapport annuel du ministère de la Justice

M. Bégin: Merci, M. le Président. M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1995-1996 du ministère de la Justice.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.


Dépôt de pétitions

Au dépôt de pétitions, M. le député de Champlain.


Maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires, augmenter leur nombre et assurer la protection des HLM

M. Beaumier: Oui, M. le Président. En vertu de l'article 64 du règlement, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 826 pétitionnaires, citoyennes et citoyennes du Trois-Rivières métropolitain et ses environs.

«Les faits invoqués sont les suivants:

«Considérant que le gouvernement du Québec s'apprête à réviser ses programmes en habitation et que les mesures envisagées menacent directement plus de 800 000 ménages à faibles revenus déjà très affectés par d'autres compressions budgétaires;

«Considérant l'augmentation importante des loyers dans les HLM, les coopératives et les autres logements sans but lucratif afin de puiser 50 000 000 $ dans les poches de 85 000 locataires;

«Considérant le retrait graduel du financement de nouveaux logements sociaux;

«Considérant l'abolition du remboursement d'impôts fonciers (RIF) afin de récupérer 133 000 000 $ auprès de 724 000 ménages;

«Considérant le transfert de la propriété des HLM aux municipalités sans aucune mesure garantissant qu'ils ne pourront être privatisés et que les droits des locataires seront protégés;

«L'intervention réclamée se résume ainsi:

«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale d'intervenir afin de: maintenir les loyers dans les logements sociaux à 25 % des revenus des locataires; augmenter le nombre de logements sociaux réalisés chaque année; sauvegarder le remboursement d'impôts fonciers; assurer la protection intégrale des HLM et le traitement équitable des locataires où qu'ils demeurent au Québec par le maintien de normes nationales strictes.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée.

Il n'y a pas, aujourd'hui, d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège.

Je vous avise qu'après la période des questions et des réponses orales sera tenu le vote reporté sur la motion de M. le ministre de la Sécurité publique proposant le principe du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives.

Je vous avise également qu'après la période des questions et des réponses orales M. le ministre de la Santé et des Services sociaux répondra à une question posée hier, le 4 décembre, par M. le député de Beauce-Nord relativement au plan de transformation du réseau de la santé et des services sociaux dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean.


Questions et réponses orales

Alors, nous en arrivons maintenant à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Westmount–Saint-Louis, en principale.


Rencontre du premier ministre avec les chefs syndicaux concernant la proposition de réduction de la masse salariale dans la fonction publique

M. Chagnon: Merci. Merci, M. le Président. La proposition gagnante du premier ministre négociateur en chef ressemble et fait penser à un yogourt: meilleure avant le 9 décembre prochain, soit lundi qui vient. Sa proposition yogourt doit s'améliorer cet après-midi, au moment où il aura des rencontres avec les chefs syndicaux à Montréal.

Fort de sa volonté de faire des consensus et d'avoir un bon partenariat, est-ce que le premier ministre a pris soin de présenter les modifications à sa proposition qu'il compte présenter aux chefs syndicaux cet après-midi d'abord à ses partenaires patronaux qui, le 29 novembre dernier, soit la semaine dernière, lui ont écrit – ont écrit au premier ministre, M. le Président – pour lui demander une rencontre préalable à celle qu'il aura cet après-midi, parce que – disent-ils, en parlant de sa proposition – «elle n'est pas sans soulever des inquiétudes et certaines difficultés chez vos partenaires patronaux»?

Je pourrais déposer la lettre que le premier ministre a déjà reçue le 29 novembre, M. le Président.

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, les rencontres qui sont cédulées pour cet après-midi, à Montréal – puisqu'il s'agit de deux rencontres: d'une part, les trois centrales syndicales et, ensuite, les autres syndicats – ont lieu dans le but de lancer un processus de négociation autour des paramètres de la situation actuelle, notamment de la proposition gouvernementale comportant certains éléments additionnels qui tentent de répondre aux appréhensions qui ont été exprimées par les syndicats par rapport à la proposition déjà déposée.

(10 h 10)

Donc, cet après-midi, ce n'est pas une séance de négociation comme telle, M. le Président, puisque nous savons que les représentants syndicaux, dans plusieurs cas certainement, n'ont pas les mandats d'entreprendre une négociation. Le but de la rencontre, c'est de lancer un processus de négociation rapide et intense, cette fois-ci, qui serait rendu possible par des obtentions de mandats, ce qui, nous espérons, sera rendu possible par cette rencontre.

Autrement dit, si on peut engager des négociations, il est entendu que le gouvernement va consulter ses partenaires patronaux. Déjà, nous avons eu des communications téléphoniques pour expliquer que nous allons rencontrer les partenaires syndicaux. Et je peux dire à la Chambre que, bien entendu, une fois enclenché un processus de discussion sur le contenu technique de ce qui pourrait être une entente – c'est ce que nous espérons – il est entendu que les partenaires patronaux seront consultés.

Le Président: M. le député de Westmount– Saint-Louis.

M. Chagnon: M. le premier ministre vient de nous annoncer qu'il y aura des propositions additionnelles cet après-midi. Est-ce que le premier ministre ne se rend pas compte qu'il va mettre ses partenaires patronaux devant un fait accompli, puisqu'il leur parlera, les rencontrera après les chefs syndicaux?

Des voix: C'est ça.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, il faut bien se rendre compte que ce que le gouvernement demande aux centrales syndicales, aux syndicats et aux salariés, publics et parapublics, ce sont des concessions. Donc, ce n'est pas des choses qui ont pour objet d'accroître le fardeau de l'administration, le fardeau normatif ou encore moins le fardeau monétaire de ceux qui doivent gérer les conventions. Donc, les premiers qu'il faut rencontrer, ce sont les intéressés, ceux à qui on demande des concessions. Mais ça ne se fait pas en cachette de nos partenaires. Il y a des sous-ministres adjoints de la Santé et de l'Éducation qui, je crois, d'ici quelques jours, sinon demain matin, auront des rencontres avec les vis-à-vis patronaux. Je ne crois pas que le député ait à s'inquiéter à ce sujet.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle.

M. Johnson: Contrairement à ce qu'on pourrait croire de sa réponse, est-ce que le premier ministre se rend compte que, lorsque le gouvernement, comme payeur ultime, fait des propositions à ses employés, à ses employés, là, les instances patronales un peu partout, dans le scolaire, dans la santé, partout dans l'appareil public, sont les instances, sont les gens, les hommes et les femmes, qui sont pris avec l'application de cette nouvelle offre que le gouvernement fait comme patron de l'ensemble du secteur public et que ce n'est pas demain ou après demain que les fonctionnaires de la ministre de l'Éducation, par exemple, devraient voir les commissions scolaires, mais que c'est aujourd'hui que le premier ministre lui-même et le président du Conseil du trésor devraient voir les hommes et les femmes au Québec qui vont être pris avec ça? C'est ça que ça veut dire.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le gouvernement entretient les meilleurs rapports avec ses partenaires patronaux. Il y a des rencontres constantes. Il y a des contacts réguliers. Il y a même des rencontres formelles et annuelles où on fait le point sur la question des conventions et de l'administration publique. En ce qui concerne l'opération qui est en cours, M. le Président, il faut comprendre qu'il y a comme des urgences. C'est d'abord les centrales syndicales qu'il faut rencontrer. Puis il n'y a rien qui va se décider aujourd'hui, sauf la relance d'une négociation. Et, si la relance avait lieu, il est entendu qu'il y aura des rencontres plus immédiates avec les partenaires patronaux. Mais, déjà, M. le Président, il y a des contacts téléphoniques, des contacts avec les ministres sectoriels. Tout se passe très correctement avec nos partenaires patronaux.

Le Président: En principale, M. le député de Frontenac.


Tarification des services policiers dans le cadre du projet de loi n° 77 sur la réorganisation des services de police

M. Lefebvre: Merci, M. le Président. L'Assemblée nationale étudie présentement le projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police, projet de loi qui, essentiellement, vise à refiler 48 000 000 $ de nouvelles taxes aux contribuables de toutes les municipalités du Québec.

Jeudi dernier, en commission parlementaire, on a entendu, entre autres éloges au premier ministre puis à son projet de loi n° 77, les commentaires suivants. Le directeur général de l'UMRCQ, M. Fernet, dit du projet de loi n° 77 ceci: «Il méprise et humilie les élus municipaux. C'est la négation du partenariat au profit du paternalisme passé.»

Mme Jacinthe Simard, présidente de l'UMRCQ, a ajouté d'autres compliments. Le projet de loi n° 77, pour elle, «une arnaque qui prend en otage les citoyens des municipalités les moins bien nanties du Québec».

M. Jacques Duchesneau, directeur de la police de la CUM, ajoute les louanges suivantes, M. le Président: «Le projet de loi n° 77, des pirouettes et une réformette à la sauvette; un modèle de réorganisation policière que le ministre de la Sécurité publique tente de nous enfoncer dans la gorge.»

M. le Président, ma question au premier ministre du Québec: Réalise-t-il, en entendant des jugements aussi sévères, que tout le Québec sait maintenant que toutes ses grandes promesses solennelles en mars 1996 de ne toucher que les machines, l'administration et non les contribuables n'étaient que faussetés, illusions, double langage et cynisme?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: Oui. M. le Président, effectivement, nous sommes à débattre d'une importante réorganisation de la carte policière. Cette réorganisation s'inscrit dans le cadre de principes qui sont acquis au Québec depuis des années, notamment la responsabilité des administrations publiques municipales locales en matière de dispenser les services policiers de base. C'est un acquis, au Québec, dans nos règles du jeu depuis des années.

Cette réforme s'inscrit également dans nos réalités, puisque, alors qu'elles ont le choix, au moment où on se parle, alors qu'elles ont le choix, plus de 1 165 municipalités de moins de 5 000 habitants ont décidé d'utiliser les services de la Sûreté du Québec.

Et, puisque l'opposition parle d'arnaque, je voudrais juste rappeler à l'opposition que la démarche a été enclenchée sous l'ancien gouvernement en matière de permettre plus d'équité entre les contribuables quant au partage des coûts de police. Et je nous rappelle, M. le Président, à tout le monde, que ce que certains ne paient pas au Québec, d'autres contribuables le paient. Dans le cas présent, dans le contexte des finances publiques, il est tout à fait raisonnable, tout à fait raisonnable de faire en sorte que l'ensemble des contribuables du Québec, en matière de coûts de police, arrivent à un peu plus d'équité. Et je rappelle que la proposition du gouvernement, contrairement à celle du gouvernement précédent, a fait l'objet de débats. Elle fait en sorte, M. le Président, qu'elle donne aux élus locaux une prise sur ce que sont les services de police. Elle fait la réforme que jamais l'administration précédente n'a faite. Ils se sont contentés d'envoyer une facture, eux autres, M. le Président.

Le Président: M. le député de Frontenac.

M. Lefebvre: M. le Président, au premier ministre, deuxième tentative, M. le Président.

Une voix: Oui, au premier ministre.

M. Lefebvre: Après que le projet de loi n° 77 aura été malheureusement adopté dans quelques jours, M. le Président, ce qui...

Des voix: ...

Le Président: Alors, M. le député de Frontenac, en complémentaire, directement à votre question.

M. Lefebvre: M. le Président, est-ce que le premier ministre, après que le projet de loi n° 77 aura été adopté, malheureusement, dans quelques jours, ce qui constituera une trahison pure et simple de ses engagements solennels, M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement, question de règlement.

M. Bélanger: M. le Président, déjà le député de Frontenac, dans sa question principale, il y avait des termes qui frisaient l'antiparlementarisme, mais je pense que le terme «trahison», plusieurs fois en cette Chambre, a été considéré comme excessif et contraire à l'esprit, M. le Président, de notre règlement.

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, j'aimerais bien être capable d'entendre la question de règlement du leader du gouvernement. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, à plusieurs reprises, les présidents qui vous ont précédé ont déjà décidé que le terme «trahison» était un terme excessif qui était contraire à l'esprit de notre règlement qui permet qu'on est capable de faire des débats en cette Chambre sans s'accuser de choses et d'intentions. Je pense que le député de Frontenac a assez d'expérience en cette Chambre, M. le Président, pour respecter au moins l'esprit de notre règlement, si ce n'est pas la lettre.

Le Président: M. le député de Frontenac, en complémentaire. Je pense que...

M. Lefebvre: Alors, le projet de loi n° 77 étant adopté, est-ce que le premier ministre réalise que ça constituera une trahison de ses engagements du 29 mars?

(10 h 20)

Le Président: M. le député de Frontenac, j'avais compris qu'on s'entendait pour que le terme... Je ne voudrais pas recommencer à être obligé de ressortir les anciennes décisions des présidents précédents, mais je pense qu'il y a des termes que la présidence doit apprécier à partir des débats qui sont faits et, dans ce contexte-ci, je vous demanderais, M. le député de Frontenac, avec l'expérience que vous avez, de reformuler votre question d'une façon différente.

M. Lefebvre: Ce qui constituera, M. le Président, une volte-face totale des engagements du premier ministre. Est-ce que le premier ministre sera encore capable, le soir de l'adoption du projet de loi n° 77, de se regarder dans un miroir, dans un deuxième miroir, M. le Président, étant donné qu'il en a fracassé un, un premier miroir, il y a 15 jours?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le miroir dans lequel je voudrais que le gouvernement et le Québec puissent se regarder, c'est le miroir de l'équité. C'est un geste d'équité que de demander que les contribuables ès qualités puissent participer partiellement au remboursement d'une partie des coûts de services rendus par la Sûreté du Québec. Et donc c'est très important – je pense que l'opposition devrait également être d'accord avec nous – que nous procédions avec équité. Équité, c'est le maître-mot dans la démarche qui s'amorce.

Le Président: M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire.

M. Johnson: Oui, au premier ministre qui manie très bien la langue de Molière: Est-ce qu'il pourrait nous dire comment on qualifie les décisions du gouvernement, compte tenu de son engagement il y a quelques mois de ne pas augmenter les impôts parce que nous sommes trop taxés? Aujourd'hui, en les augmentant, est-ce que, dans le fond, ce n'est pas carrément une trahison?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je suis un peu surpris que le chef de l'opposition suive le chemin mal tracé du député de Frontenac dans ses questions.

Une voix: Mauvaise influence.

M. Bélanger: Je comprends, M. le Président, que c'est spontané, ce qu'il vient de dire, là, mais je pense quand même, M. le Président... Vous avez déclaré que le mot «trahison» n'avait pas à être employé en cette Chambre. Je pense que le chef de l'opposition officielle devrait reformuler sa question, M. le Président.

Une voix: S'il est capable!

Une voix: Daniel, Daniel, l'exemple!

Le Président: À propos d'exemple, je serais tenté de demander au député qui parle d'exemple de faire en sorte que le débat, ce matin, puisse se faire entre ceux qui ont la parole, d'abord et avant tout.

Alors, M. le chef de l'opposition officielle, en complémentaire et de façon...

Des voix: ...

Le Président: Écoutez, je pense, et je m'en excuse, mais vous avez vu que j'étais à ce moment-là, quand la question a été formulée, en discussion avec un des officiers de la table pour une vérification. Alors, je n'ai pas entendu le commentaire. Et, à ce moment-ci, compte tenu de la situation particulière, ce que je demanderais, c'est, compte tenu de la tradition et de l'esprit qui doit régner dans l'application de nos règlements, que les questions soient formulées de façon à ne pas inutilement susciter des débats et en respectant l'esprit du règlement qui est de ne pas avoir des propos qui soient exagérés dans cette Chambre. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le chef de l'opposition doit se souvenir des propos qu'il vient de prononcer, alors je pense qu'il peut lui-même reformuler la question.

Des voix: ...

Le Président: Justement, la question qui a été soulevée tantôt par le leader du gouvernement, sur laquelle j'ai été amené d'abord à demander au député de Frontenac de reformuler sa question, c'était la raison pour laquelle j'étais en consultation avec les officiers de la table. Et, après vérification, un peu, de la jurisprudence à l'égard de l'utilisation du mot «traître» ou du mot «trahison», ce qu'il faut faire attention, c'est de faire la distinction entre une accusation qui serait portée à quelqu'un, qui ferait en sorte qu'un individu, et un membre de l'Assemblée en particulier, serait considéré comme traître ou aurait agi de façon inacceptable, alors que la jurisprudence fait en sorte que trahir ses engagements, trahir sa parole, etc., là, ce n'est pas dans le concept de la trahison qui est défendue par...

Des voix: ...

Le Président: Ceci étant dit, par ailleurs, je pense que, de part et d'autre, il y a aussi une autre disposition du règlement qui veut que les questions comme les réponses ne puissent pas susciter de débat. Et, dans ce contexte-là, les termes qu'on peut utiliser, même si, à la limite, ils peuvent être acceptables dans la dynamique du débat, peuvent aussi faire en sorte qu'on envenime la situation et qu'on fasse en sorte que le débat qui doit se faire sur le fond des choses ici ne se fasse pas. Alors, M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je constate que ce qui est interdit au député de Frontenac est permis au chef de l'opposition.

Des voix: ...

Le Président: Ce que j'ai indiqué, M. le premier ministre, c'est qu'après avoir demandé au député de Frontenac j'ai par la suite vérifié la justesse de l'intervention que je venais de faire, et c'est la raison pour laquelle je n'ai pas entendu les propos du chef de l'opposition, puisque j'étais en consultation avec des officiers de la table. Et les corrections ou les mises au point que j'ai faites par la suite viennent du fait que les informations qui m'ont été transmises sur la jurisprudence et l'utilisation des propos sont plus complètes.

Ceci étant dit, je vous cède la parole pour la réponse maintenant.

M. Bouchard: Bon, je pense que c'est une démonstration de la toute-puissance du président qui est le seul à pouvoir se renverser lui-même.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bouchard: Alors, M. le Président...

Des voix: Oh! Oh! Oh!

M. Bouchard: M. le Président...

Des voix: ...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je répète que ce gouvernement est engagé dans une démarche voulue par la population, supportée par la population pour remettre de l'ordre dans la maison du Québec et que cela se fera par équité.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, Mme la députée... En complémentaire?

Mme Delisle: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: Mme la députée de Jean-Talon, en complémentaire.

Mme Delisle: M. le Président, au premier ministre. Le premier ministre pourrait-il nous dire dans quel dictionnaire il a trouvé cette nouvelle définition d'«équité» et comment pourrait-il aujourd'hui expliquer aux préfets de la MRC de La Côte-de-Beaupré qu'elle devra débourser 71 000 $ dans son territoire non organisé pour les services de la sécurité publique alors qu'il n'y habite que six personnes, de la MRC de Mékinac qui a reçu un compte de 25 000 $ alors qu'il n'habite pas une seule personne dans le territoire non organisé, et de celle du Haut-Saint-Maurice où habitent 331 habitants et qui a reçu une facture de 105 000 $, M. le Président? Comment explique-t-il cette nouvelle définition de l'équité?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Perreault: M. le Président, le projet de loi qui est devant nous vise à faire en sorte que l'ensemble des contribuables du Québec, à travers leurs comptes de taxes foncières, assument leur part, leur quote-part de l'organisation des services policiers au Québec. On sait que, dans le cas des municipalités de 5 000 habitants et plus, ce qui est le cas de près de 5 000 000 des contribuables québécois, de la population du Québec, les gens assument 100 % de la facture de police. Dans le cas des municipalités rurales de 5 000 et moins, l'entente fait que le gouvernement continuera d'assumer 50 % des coûts policiers.

Dans cet exercice, M. le Président, et contrairement à certains faits qui ont été donnés, il est prévu que les contribuables qui ont des propriétés dans ce qu'on appelle des territoires non organisés assument également... Et, dans certains cas, M. le Président, des chalets qui valent 100 000 $, où parfois la Sûreté du Québec se rend pour une simple fausse alarme, ça coûte 50 $, 60 $ pour s'y rendre, il est prévu que ces contribuables assument également 50 %, à travers leurs comptes de taxes, des coûts des services policiers.

Je donne un exemple bien concret, M. le Président. Dans la municipalité, par exemple, de Portneuf, tout près de Québec, où on retrouve des valeurs foncières de plus de 8 500 000 $, oui, il y aura pour 15 000 $ de taxes à partager entre 436 contribuables, dont certains ont des propriétés de plus de 100 000 $, 150 000 $, M. le Président. Et c'est une question, oui, comme disait le premier ministre, d'équité entre les contribuables du Québec.

(10 h 30)

Le Président: En principale, M. le député de Marquette.


Examen du financement du transport scolaire par les commissions scolaires

M. Ouimet: Vendredi dernier, la ministre de l'Éducation nous informait que 30 commissions scolaires n'ont pas atteint leur plafond de taxation de 0,35 $ du 100 $ d'évaluation et qu'il reste 100 000 000 $ à aller piger dans les poches des contribuables. Ce matin, on apprend que le gouvernement va refiler aux contribuables une facture additionnelle d'au moins 250 000 000 $ en confiant aux commissions scolaires la gestion du transport scolaire.

Ma question: La ministre de l'Éducation peut-elle confirmer l'intention du gouvernement de pelleter dans la cour des commissions scolaires une facture additionnelle de 250 000 000 $ pour financer le transport scolaire?

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci. Mon collègue des Transports, M. le Président, donnera un complément de réponse. Je me suis demandé depuis une semaine où on avait pris ces données que le député de Marquette véhicule quant au fait que j'avais décidé d'ajouter un effort budgétaire, transféré aux commissions scolaires dans la taxe, de l'ordre de 100 000 000 $, et j'ai trouvé ma réponse, M. le Président, puisque, en effet, c'est une des recommandations de la Fédération des commissions scolaires du Québec à la Commission sur la fiscalité, qui proposait de prendre en charge certaines responsabilités au niveau de la gestion des écoles et que, pour ce faire, on transfère une partie des sommes nécessaires.

En ce qui a trait à la deuxième question, M. le Président, à la deuxième partie de la question, mon collègue des Transports y répondra.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, nous sommes actuellement en processus budgétaire, tout le monde le sait. C'est un rituel annuel qui devra nous conduire au dépôt du livre des crédits quelque part en mars. Et, dans cette perspective – vous le savez, vous connaissez l'effort considérable d'assainissement des finances publiques que nous devons faire, l'ancien gouvernement nous a mis dans le trou, il faut s'en sortir, il faut s'en sortir – c'est clair que tous les postes budgétaires d'un ministère comme le ministère des Transports, mais c'est le cas dans tous les autres ministères, sont examinés, analysés. Il y a toutes sortes de scénarios qui sont faits. Évidemment, en matière de transport scolaire – qui est un poste budgétaire important au ministère des Transports, c'est 440 000 000 $ – bien, ce poste budgétaire est lui aussi sous analyse et sous examen. Mais c'est clair que, à ce sujet-là et en cette matière, le gouvernement n'a pas pris de décision.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: M. le Président, ma question était à la ministre de l'Éducation: Siège-t-elle au Comité des priorités où ces décisions ou ces hypothèses sont évaluées? Et, dans un deuxième temps, peut-elle confirmer que son gouvernement ira encore piger dans la poche des contribuables ce 250 000 000 $ là en accordant aux commissions scolaires un déplafonnement de la taxe scolaire?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Marois: Alors, M. le Président, je constate que le député de Marquette est généralement bien informé: je siège au Comité des priorités.

Cela étant, je réitère le fait, M. le Président, parce que peut-être n'a-t-il pas compris ma réponse tout à l'heure, je réitère le fait, M. le Président, soit dit en passant sur ce 100 000 000 $ dont on parle tant, que c'est l'une des recommandations qu'a faites la Fédération des commissions scolaires à la Commission sur la fiscalité, et cette recommandation se lit comme suit: «Que le financement des activités administratives des écoles et des centres d'éducation des adultes soit décentralisé et assumé localement au moyen de la taxe scolaire.» Alors, si nous devions...

Le Président: Je voudrais rappeler qu'on peut ou pas aimer les réponses, mais le gouvernement est libre de ses réponses. Alors, Mme la ministre de l'Éducation.

M. Paradis: M. le Président. M. le Président.

Le Président: Sur une question de règlement?

M. Paradis: Oui, 79, M. le Président. Le gouvernement est libre de ses réponses, mais ça doit au moins traiter de la question qui a été posée. Les autobus, ce n'est pas des questions administratives...

Le Président: Je pense que l'appréciation du président, c'est que la ministre répondait à la question comme elle le voulait. Alors, Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Évidemment, le député de Marquette, qui est généralement bien informé, saura aussi que ces genres de décisions se prennent lorsque nous préparons les budgets et qu'elles sont annoncées au moment où nous déposons le livre des crédits à l'Assemblée nationale, M. le Président. Alors, à ce moment-ci, ce serait répondre à une question essentiellement hypothétique, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Ouimet: Question à la ministre de l'Éducation: Y a-t-il une hypothèse sur la table de travail du gouvernement pour refiler le dossier du transport scolaire aux commissions scolaires et donc de transférer le coût de 250 000 000 $ aux contribuables? C'est ça, la question.

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, le transport scolaire, c'est sous la responsabilité du ministère des Transports. Il y a un poste budgétaire de 440 000 000 $ qui sont transférés aux commissions scolaires. Les contrats avec les transporteurs scolaires vont prendre fin – c'est des contrats de trois ans – en juin 1997. Le cadre financier, de même durée, lui aussi, il va prendre fin en juin 1997. Alors, c'est clair que, dans le processus budgétaire en cours – comme tous les autres postes budgétaires, pas juste celui-là, tous les postes budgétaires sont sous examen, sous analyse pour faire en sorte que le gouvernement réussisse à atteindre ses cibles en matière d'assainissement des finances publiques – alors, oui, le transport scolaire est analysé. Oui, il y a plusieurs scénarios qui sont concoctés sur cette question-là, mais il n'y a pas de choix. Il n'y a pas de choix. Tout à l'heure, dans sa question, le député de Marquette affirmait que le gouvernement avait décidé de refiler 250 000 000 $ aux commissions scolaires. C'est faux! Il n'y a pas de décision de prise, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Bourassa.


Réorganisation des services offerts par la SQDM

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Le 12 novembre dernier, alors que nous interrogions la ministre de l'Emploi quant à son intention de mettre au rancart la SQDM, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, elle nous disait que nous étions mal renseignés. Même, elle avait le culot d'ajouter, elle a dit: Je ne vois pas ce qu'on a à reprocher à la SQDM. En un sens, elle avait raison parce qu'au Sommet, dans les faits saillants, il y a des louanges à l'égard de la SQDM dans le développement des compétences dans les entreprises.

Par contre, jeudi dernier, le 28, elle a déposé devant le conseil d'administration de la SQDM son arrêt de mort, ni plus ni moins. La ministre a annoncé son intention de rapatrier dans son ministère tous les services confiés à la responsabilité des partenaires du marché du travail et son intention de remplacer la SQDM par une batterie de structures consultatives à tous les niveaux, M. le Président, sur tous les murs au lieu de laisser aux partenaires des mandats de décider, de gérer et d'organiser les services comme c'est le cas présentement.

M. le Président, est-ce que la ministre pourrait nous dire, elle, maintenant, ce qu'elle a à reprocher à la SQDM? Est-ce qu'elle pourrait nous dire pourquoi elle condamne cette organisation au lieu de l'appuyer et de l'encourager? Pourquoi elle retire aux grands partenaires du marché du travail tout pouvoir de décision pour les confiner à de la consultation dans ces matières? Je pense que la population et les entreprises attendent des services et non pas des structures consultatives en la matière, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'espérais cette question depuis le début de la semaine pour pouvoir clarifier des manchettes parues en début de semaine. Je remercie donc le député de Bourassa.

(10 h 40)

Je lui rappelle qu'il y a, au Québec, un très large consensus pour mettre fin aux dédoublements, aux chevauchements, au cloisonnement et à la dispersion et, donc, pour finalement s'engager dans la voie d'une réorganisation qui s'impose. Je veux immédiatement rassurer le député de Bourassa. Les partenaires du marché du travail, ceux à qui le gouvernement, depuis deux ans, a décidé de confier la gestion concertée, là, du marché du travail – celle-là seule qui peut nous garantir qu'il y a une politique active du marché du travail – bien, se trouvent non seulement à voir confirmer leurs responsabilités dans les grands mandats nationaux dont ils s'occupent présentement – comme par exemple, le 1 % en matière de formation de la main-d'oeuvre, l'apprentissage à l'égard de cette nouvelle filière pour diplômés après le secondaire III, la mise en place des interventions sectorielles de main-d'oeuvre dans le cadre de 20 comités sectoriels présentement dans des secteurs comme la pétrochimie, l'aéronautique et d'autres – eh bien, ils se trouvent à voir confirmer leurs responsabilités dans ces mandats nationaux qu'ils exercent très bien et, en plus, M. le Président, se voient proposer un rôle consultatif à l'égard de l'ensemble des orientations de la politique active. Alors, je rappelle, M. le Président, que...

Le Président: Mme la ministre, à ce moment-ci, je dois constater que le temps est largement imparti pour la réponse. Alors, en complémentaire, M. le député de Bourassa.

M. Bélanger: M. le Président, je pense que l'esprit de synthèse n'était peut-être pas la qualité de la question qui était posée par le député de Bourassa.

Le Président: M. le leader du gouvernement, je vous ferai remarquer que, vous-même, tantôt, vous m'avez signalé que le temps qui était imparti au député de Bourassa était largement complété. Je pense que, si on laissait la présidence apprécier à la fois les questions et les réponses, ça serait plus simple. M. le député de Bourassa, en complémentaire.


Remplacement de la SQDM par des guichets uniques locaux

M. Charbonneau (Bourassa): M. le Président, c'est une deuxième principale. Pendant que la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, dans ses discours d'endormeuse, en arrive quand même à proposer la démolition de la SQDM telle qu'elle est pour la remplacer par des structures plus complexes, mais des structures de consultation, et qu'elle annonce la mise sur pied de guichets uniques locaux devant desservir personnes et entreprises, son collègue le ministre d'État au Développement des régions proclamait à tous vents, dans une lettre du 14 novembre, son intention de mettre sur pied sa propre série de guichets uniques au service aussi des entreprises.

Une voix: Deux guichets uniques.

M. Charbonneau (Bourassa): Et il présentait les guichets uniques de sa collègue comme s'adressant seulement aux personnes.

Une voix: C'est ça.

M. Charbonneau (Bourassa): C'est son texte. La ministre de l'Emploi et de la Solidarité a été tellement choquée qu'elle a écrit une lettre à son collègue où elle dit: Je ne souscris pas à la teneur de vos propos; vous interprétez de manière toute croche les consensus du Sommet.

Ma question, c'est au premier ministre, M. le Président: Est-ce que le premier ministre n'est pas un peu tanné de voir deux poids lourds de son cabinet, tellement solidaires autour de sa personne, se chicaner sur la place publique quant au nombre et à la nature des guichets uniques à mettre en place?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le député de Bourassa, je pense qu'à ce moment-ci la question est terminée. M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, ce qui découle directement du Sommet, c'est un consensus très net, je dirais unanime, à l'effet de simplifier les structures, de regrouper les intervenants, de diminuer le nombre de programmes et de rapprocher les services des citoyens. Il a été décidé également que les services seraient rendus sur une base locale, le territoire sous référence étant celui de la MRC, et que c'est au niveau régional cependant qu'on abordera les questions d'harmonisation et de coordination. Ce qui veut dire qu'il y aura donc des guichets uniques au niveau local, un guichet unique. Il y aura plusieurs niveaux locaux, donc il y aura autant de guichets uniques que de niveaux locaux et, dans chaque guichet...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: Et au niveau de chaque territoire de MRC il y aura un guichet unique qui va rendre les services à l'entreprise et aux citoyens à l'emploi en particulier.

Alors, il y a donc des organismes locaux qui vont fonctionner, qui vont être beaucoup plus simples qu'avant, parce qu'on va débarrasser le terrain de tout ce qui a été érigé de structures hirsutes du gouvernement libéral quand il était en place pour faire en sorte que les citoyens soient rapprochés des services et que tous les partenaires impliqués se regroupent au sein des unités locales.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire.

M. Charbonneau (Bourassa): Est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, finalement, combien il va y avoir de réseaux de guichets uniques qui vont desservir les entreprises qui sont la pomme de discorde entre ces deux réseaux? Est-ce que le premier ministre n'est pas un peu gêné de voir ses ministres se quereller sur la place publique alors que la population et les entreprises attendent des structures claires de services, et immédiatement, M. le Président?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, il existe 450 et quelques structures de soutien à l'entreprenariat de toute façon au Québec. Dorénavant, sur le territoire de chacune des MRC, il y aura un guichet unique à l'entreprenariat – et ma collègue va compléter ma réponse – et, au même endroit, un individu ou un groupe d'individus qui veulent partir une entreprise retrouveront tous les services à un même endroit; celui qui veut consolider son entreprise ira au même endroit; celui qui veut connaître de l'expansion de son entreprise ira au même endroit. On corrigera ainsi... Et, en plus de ça, l'économie sociale sera également à ce guichet au niveau de l'entreprenariat. Donc, il y aura un seul endroit au niveau du territoire des MRC, et ça nous apparaît être enfin la solution au désordre qu'on nous avait préparé.

Le Président: Je sais, M. le ministre, que vous aviez indiqué que votre collègue aurait un complément de réponse. Le problème, c'est que vous... Je m'excuse, mais vous avez pris tout le temps qui est imparti. Et, encore une fois, le président est équipé pour apprécier le temps qui est imparti aux questions et aux réponses en termes de longueur de temps. Alors, je m'excuse, Mme la ministre.

En complémentaire ou en principale?

M. Chenail: En principale.

Le Président: M. le député de Beauharnois-Huntingdon, en principale.


Rencontre du ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation avec les intervenants du secteur agricole

M. Chenail: M. le Président, je voudrais tout d'abord saluer le monde agricole qui vient manifester dans les estrades.

M. le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Agriculture: J'aimerais que le ministre de l'Agriculture nous fasse un rapport de sa rencontre d'hier avec le monde agricole.

Le Président: M. le ministre, votre rapport devra s'inscrire dans le temps pour une réponse.

M. Julien: Je suis tout à fait d'accord. D'abord, comme je l'ai mentionné hier, j'ai été très heureux de rencontrer mes partenaires dans le monde agricole, ça a été une excellente rencontre.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Julien: On me disait hier soir, lorsque je suis allé à la rencontre du président, il y avait un cocktail: Tu viens de faire partie du club. Bien, j'étais bien content.

Évidemment, hier, cependant, ce que je retiens de la rencontre, c'est qu'au niveau de la loi n° 23, on l'a adoptée, puis je pense qu'on a précisé hier... ça m'a permis de préciser certaines choses, entre autres, au niveau de la réglementation. Dans la question de la réglementation d'origine agricole qu'on appelle «au sol», c'est une réglementation qui a été faite conjointement avec tous les partenaires, qui est signée, qui va être déposée au Conseil des ministres la semaine prochaine pour fins de discussion.

L'autre élément que je veux préciser, parce qu'il faut séparer les deux, il y a les questions concernant l'origine, c'est-à-dire la question des inconvénients. Et on s'était dit, lors de l'adoption de la loi n° 23: On se donne une année pour régler cette question-là. Il y a un document de travail qui est prêt, qui va être déposé pour fins d'analyse à la commission parlementaire, en consultation avec les intervenants du milieu. Et, comme gouvernement, nous prendrons notre décision. Et la décision va se faire dans le cadre suivant: elle va se faire dans le cadre d'un développement durable. Et, comme gouvernement, on a pris des engagements, au niveau de la loi n° 23, on les a tenus.

Deuxièmement, on va s'assurer que, dans le cadre de la protection de l'environnement, les producteurs aient les outils nécessaires pour répondre à leurs besoins.

C'est dans ce sens-là que je me suis engagé hier, et c'est ce que je vais faire.

Le Président: M. le député d'Ungava, en principale.


Négociations avec les employés de la SAQ

M. Létourneau: Merci, M. le Président. M. le Président, à l'approche de la période des Fêtes, est-ce que le ministre du Travail peut nous faire part de l'avancement de ses travaux en regard de la négociation avec la Société des alcools du Québec?

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Rioux: M. le Président...

Le Président: M. le ministre, juste un instant.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Je pense que nous ne nous sommes point compris, M. le ministre. Je me suis levé... Il y a une règle simple, et je pense que vous venez de comprendre: quand le président est debout, les autres membres de l'Assemblée sont assis. Et, en l'occurrence, je me levais non pas pour vous priver de votre droit de parole, mais simplement pour vous permettre de répondre avec le silence qui vous est dû. Alors, M. le ministre.

(10 h 50)

M. Rioux: M. le Président, je suis très heureux d'annoncer aux Québécois et aux Québécoises qu'ils vont pouvoir se procurer les produits de la Société des alcools pendant la période des Fêtes. La menace de grève a été écartée. L'élément central qui faisait l'objet du litige, qui faisait l'objet du conflit, a été réglé cette nuit.

Des voix: Bravo!

M. Rioux: Cependant, M. le Président, pour la suite des choses, un comité a été formé – un comité a été formé, c'est important de donner l'information – en vue d'examiner les autres points en litige au cours des prochaines semaines, ce qui constitue, à mon avis, une excellente nouvelle et l'indication qu'on fait notre travail.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Sauvé, en principale.


Le point sur la candidature de M. Yves Ryan à l'Agence métropolitaine de transport de Montréal

M. Parent: Oui, M. le Président. Hier, en réponse à ma collègue de Marguerite-Bourgeoys et dans son empressement nerveux à justifier son existence, le ministre de la Métropole s'est contredit. D'une part, il nous a dit qu'il respectait le consensus obtenu auprès des représentants de la Communauté urbaine et qu'il avait l'intention de suggérer la nomination de maire de Montréal-Nord comme administrateur de l'Agence métropolitaine de transport. D'autre part, il est allé jusqu'à leur suggérer, à la place de M. Ryan, deux autres candidatures que, naturellement, ces derniers ont rejetées.

Maintenant que la situation a été réglée par un jugement de la Cour supérieure du Québec, M. le Président, est-ce que le ministre d'État à la Métropole peut nous confirmer si la nomination de M. Ryan a été soumise et acceptée hier par le Conseil des ministres? Et, compte tenu des avertissements de la Communauté urbaine et de la Conférence des maires de la banlieue, peut-il aussi faire acte d'humilité et s'excuser publiquement auprès des élus de l'île de Montréal ou auprès du maire de Montréal-Nord pour cet affront injustifié?

Le Président: M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: Je n'ai aucune espèce de doute, M. le Président, que le maire de Montréal-Nord ne me demanderait pas de m'excuser d'aucun affront, car je ne lui ai fait aucun affront. J'ai toujours été extrêmement prudent, dans les représentations publiques que j'ai faites, d'expliquer que le conflit d'intérêts personnel dans lequel l'opinion du Procureur général le plaçait était un conflit qui était dû à sa fonction et non à sa personne. Et c'est pour ça, je pense, ils ont bien... Il n'y a aucune espèce de contradiction dans mon attitude.

Ayant dans les mains des opinions contradictoires disant qu'il était en conflit d'intérêts, d'autres qui disaient qu'il ne l'était pas, je me suis adressé au Procureur général: le plus indépendant, ce que je pouvais avoir de mieux en attendant une décision de cour...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...n'est-ce pas? Cette opinion confirmait qu'il était en situation de conflit d'intérêts, que je pourrais le nommer quand même, mais qu'il devrait se retirer des délibérations chaque fois qu'il serait question de la STCUM, la STCUM qui gère 85 % du transport en commun sur le territoire de la métropole, et que, s'il ne le faisait pas, les décisions risquaient d'être annulées. Je pense que c'était d'être prudent que de suggérer aux maires de l'île de me suggérer un autre nom, qui ne ferait pas courir ce risque.

Maintenant que nous avons une décision judiciaire, ce risque semble plus éloigné, et c'est pourquoi je me suis rendu à la suggestion qui m'a été faite. Même si la loi ne m'obligeait pas de suivre les suggestions, j'aurais pu, si j'avais été arrogant...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ménard: ...ce que je ne suis pas...

Le Président: Rapidement, M. le ministre, en conclusion.

M. Ménard: J'aurais pu, si j'étais arrogant, ce que je ne suis pas... J'ai peut-être des sautes d'humeur, mais elles sont rapidement corrigées par les excuses appropriées. Mais, dans ce cas-ci, je n'ai aucune raison de présenter des excuses et je vais suivre ma première idée qui était de suivre leurs suggestions. Mais la loi me permettait... m'obligeait à les consulter, mais ne m'obligeait pas à suivre leurs suggestions. Et j'ai été assez patient pour attendre les décisions judiciaires, pour aller dans le sens de leurs suggestions. C'est ça, les respecter, et je crois qu'ils l'apprécient.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, cette réponse met fin à la période des questions et des réponses orales.


Réponses différées

Aux réponses différées, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux répondra maintenant à une question posée hier, le 4 décembre, par M. le député de Beauce-Nord relativement au plan de transformation du réseau de la santé et des services sociaux dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.


Réorganisation des soins de longue durée dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean

M. Rochon: M. le Président, le député de Beauce-Nord, parrain pour la région du Saguenay– Lac-Saint-Jean...

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Rochon: Alors, le député de Beauce-Nord, donc, M. le Président, a soulevé hier la question d'un transfert possible de lits, d'une cinquantaine de lits du secteur de La Baie au secteur de Chicoutimi, dans le domaine des soins de longue durée, et a demandé si la décision d'un investissement de 5 500 000 $ pour construire un édifice neuf à 15 km ou 20 km de distance était justifiée, et ce qui serait fermé dans le secteur de La Baie.

Alors, pour clarifier la situation, je voudrais dire trois choses, M. le Président. D'abord, je pense qu'il est important de rappeler le contexte de discussions qui se font présentement au Saguenay–Lac-Saint-Jean par rapport à cette question.

C'est la mise en place et la consolidation là-bas, comme dans toutes les régions du Québec, du réseau de soins de première ligne, qui comprend essentiellement les CLSC, les médecins qui travaillent dans leur cabinet et les soins de longue durée, qui est un réseau intégré au niveau de chacun des territoires des MRC, alors que, par ailleurs, les soins de courte durée, les soins spécialisés, s'organisent et se consolident au niveau de la région.

Deuxièmement, sur la MRC en question, la MRC du Fjord, où on retrouve trois grands secteurs: Chicoutimi, La Baie et Jonquière, il y a effectivement – et je pense que des données le montrent clairement et tout le monde s'entend là-dessus, si on regarde chacun des secteurs – un surcroît de lits de longue durée, dans le secteur de La Baie, qui est évalué à à peu près une cinquantaine, et un manque de lits à peu près correspondant dans le secteur de Chicoutimi.

Et, présentement, ce que les gens font, c'est de voir quelles sont les possibilités pour assurer l'accessibilité aux soins de longue durée, intégrés aux soins de première ligne, le plus près possible des communautés locales et des groupes bénévoles qui travaillent de près avec ces établissements-là. Il y a différentes hypothèses. Il y a effectivement une étude qui a été faite pour voir ce que ça coûterait si on construisait un édifice neuf. C'est à ça que faisait référence le député de Beauce-Nord, M. le Président, et ça, ça pourrait coûter un peu plus que 5 000 000 $. Mais, par ailleurs, il y a beaucoup d'autres possibilités que les gens examinent aussi là-bas: l'utilisation d'édifices publics qui sont vacants ou qui sont en excédent présentement.

Et, troisièmement, ce qu'on regarde aussi, c'est de voir: Est-ce qu'on aura vraiment besoin de 50 lits, compte tenu de ce qu'on veut prioriser au niveau du maintien à domicile et d'autres options alternatives? Alors, c'est là où on en est. Les gens travaillent là-dessus présentement et vont faire des recommandations et des choix prochainement.

Ce que je pense qu'il faut faire – et je conclus, M. le Président – c'est laisser aux gens qui, localement et régionalement, travaillent de façon très systématique, très organisée et très méthodique... Et au lieu de circuler, comme le font des députés de l'opposition, spécialement de Robert-Baldwin et de Beauce-Nord, de raconter toutes sortes de ragots, de faire de la désinformation systématique, qu'on laisse les gens en paix, M. le Président.

Le Président: M. le député de Beauce-Nord, pour votre question complémentaire.

(11 heures)

M. Poulin: Oui, M. le Président. Si j'ai bien compris le ministre, il est en train de nous confirmer que les questions que j'ai posées hier, c'est vraiment la réalité qui se passe aujourd'hui.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre de la Santé.

M. Rochon: Si j'ai bien compris le député, M. le Président, lui, il n'a pas compris ma réponse. Alors que lui annonçait triomphalement qu'on faisait une dépense de 5 000 000 $, moi, j'explique ce matin qu'on a documenté le fait qu'une construction neuve pourrait coûter 5 000 000 $ et qu'on regarde présentement toutes les options alternatives – et il y en a – au niveau de l'utilisation d'édifices publics qui existent et aussi l'équilibre avec les ressources alternatives qui peuvent exister. Ce dont on peut être sûr, c'est que la solution qui va être choisie éventuellement coûtera probablement beaucoup moins cher que 5 000 000 $ et utilisera beaucoup mieux les établissements qu'on a. Alors, je conseillerais au député de Beauce-Nord de continuer à visiter sa région assidûment. Il va pouvoir voir le progrès dans les prochaines semaines.


Votes reportés


Adoption du principe du projet de loi n° 77

Le Président: Alors, nous en arrivons maintenant à la rubrique des votes reportés. Tel qu'annoncé précédemment, nous allons maintenant procéder au vote sur la motion de M. le ministre de la Sécurité publique proposant le principe du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives.

Que les députés en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Bouchard (Jonquière), M. Bélanger (Anjou), M. Chevrette (Joliette), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Ménard (Laval-des-Rapides), M. Léonard (Labelle), Mme Marois (Taillon), M. Bégin (Louis-Hébert), M. Trudel (Rouyn-Noranda– Témiscamingue), M. Campeau (Crémazie), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Perron (Duplessis), M. Simard (Richelieu), M. Rochon (Charlesbourg), Mme Doyer (Matapédia), M. Julien (Trois-Rivières), M. Perreault (Mercier), Mme Beaudoin (Chambly), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Jolivet (Laviolette), Mme Dionne-Marsolais (Rosemont), Mme Carrier-Perreault (Chutes-de-la-Chaudière), M. Rioux (Matane), M. Payne (Vachon), Mme Robert (Deux-Montagnes), M. Blais (Masson), Mme Malavoy (Sherbrooke), M. Baril (Berthier), Mme Caron (Terrebonne), M. Paré (Lotbinière), M. Bertrand (Charlevoix), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Pelletier (Abitibi-Est), Mme Leduc (Mille-Îles), M. Morin (Dubuc), M. Boulerice (Sainte-Marie–Saint-Jacques), M. Landry (Bonaventure), M. Paquin (Saint-Jean), Mme Simard (La Prairie), M. Baril (Arthabaska), M. Garon (Lévis), M. Rivard (Limoilou), M. Côté (La Peltrie), M. Deslières (Salaberry-Soulanges), Mme Signori (Blainville), M. Beaulne (Marguerite-D'Youville), M. Beaumier (Champlain), Mme Barbeau (Vanier), M. St-André (L'Assomption), M. Lachance (Bellechasse), M. Jutras (Drummond), M. Létourneau (Ungava), M. Gaulin (Taschereau), M. Gagnon (Saguenay), Mme Charest (Rimouski), M. Dion (Saint-Hyacinthe), M. Brien (Rousseau), M. Désilets (Maskinongé).

M. Filion (Montmorency).

Le Président: Que les députés contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Johnson (Vaudreuil), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Bourbeau (Laporte), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Vallières (Richmond), Mme Frulla (Marguerite-Bourgeoys), M. Cusano (Viau), M. Maciocia (Viger), M. Gobé (LaFontaine), M. Lafrenière (Gatineau), M. Thérien (Bertrand), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), M. Brodeur (Shefford), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Gautrin (Verdun), M. Marsan (Robert-Baldwin), M. Chagnon (Westmount–Saint-Louis), M. Lefebvre (Frontenac), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Sirros (Laurier-Dorion), Mme Delisle (Jean-Talon), M. Bordeleau (Acadie), M. Beaudet (Argenteuil), M. LeSage (Hull), M. Poulin (Beauce-Nord), M. Bergman (D'Arcy-McGee), Mme Houda-Pepin (La Pinière), M. Ouimet (Marquette), Mme Loiselle (Saint-Henri–Sainte-Anne), M. Fournier (Châteauguay), M. Cherry (Saint-Laurent), M. Charbonneau (Bourassa), M. Mulcair (Chomedey), M. MacMillan (Papineau), M. Copeman (Notre-Dame-de-Grâce), Mme Vaive (Chapleau), M. Kelley (Jacques-Cartier).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: Pour:60

Contre:40

Abstentions:0

Le Président: Alors, la motion est adoptée. Donc, le principe du projet de loi n° 77 est adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Bélanger: Adopté.


Motions sans préavis

Le Président: Aux motions sans préavis, M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: M. le Président, j'aimerais demander à l'Assemblée le consentement pour déposer et débattre brièvement cette motion:

«Que cette Assemblée s'engage, tel que lui permettent la Loi électorale et la Loi sur l'Assemblée nationale, à tenir de façon statutaire, chaque année, des audiences publiques avec le Directeur général des élections pour l'examen de ses engagements financiers et que cette Assemblée demande au Directeur général des élections de lui fournir les informations pertinentes sur ses engagements financiers au moins deux mois avant la tenue des audiences.»

Des voix: Bravo!

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, comme j'ai expliqué au député de Laurier-Dorion, il y a plusieurs personnes nommées par l'Assemblée nationale qui sont dans le même cas. Moi, ce que j'ai proposé au député de Laurier-Dorion, c'est que la commission de l'Assemblée nationale mette à l'ordre du jour de sa prochaine réunion une procédure. Moi, je suis d'accord pour le principe que toutes les personnes nommées par l'Assemblée nationale devraient, à ce moment-là, pouvoir être entendues statutairement une fois par année, mais il y a le Vérificateur général qui n'est pas entendu, il y a le Protecteur...

Le Président: M. le leader du gouvernement, je comprends qu'il n'y a pas consentement, de votre réponse. Alors, M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Compte tenu des propos exprimés par le leader du gouvernement et de l'importance de la question, suivant l'information dont je dispose, il semble y avoir une incompréhension au niveau des faits. Je n'accuse pas qui que ce soit de l'autre côté, mais il semble y avoir une incompréhension au niveau des faits. Avant de statuer sur le consentement comme tel, peut-on permettre au leader du gouvernement de même qu'au député de Laurier, qui a présenté la motion, d'au moins s'entendre sur les faits, de façon à pouvoir donner ou refuser un consentement un peu plus éclairé? C'est ça, le but de mon intervention, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, moi, je n'ai absolument aucune objection à ce que je rencontre le député de Laurier-Dorion pour qu'on regarde de quelle façon on pourrait faire en sorte que le voeu qu'il exprime, avec lequel je suis d'accord, se réalise, mais ce n'est pas par motion sans préavis que ça doit se faire. Je dis que c'est la compétence des commissions. Les commissions ont une autonomie. Les députés en cette Chambre, tous les députés, ont une responsabilité de faire des vérifications des comptes, et c'est à la commission des institutions de se donner le mandat et de convoquer, à ce moment-là, comme la loi lui permet, le Directeur général des élections devant elle.

Le Président: M. le député de Laurier-Dorion.

M. Sirros: M. le Président, je suis heureux de constater que le leader me dit qu'il est d'accord avec le fond, mais il n'a pas compris le fond. Non, mais vraiment... Ce que je demande, ce n'est pas de permettre aux commissions, de par leur propre initiative, de faire quelque chose. J'aimerais ça que, comme parlementaires, on décide, au Parlement, qu'on veut, de façon statutaire, qu'une de nos commissions, celle qu'on choisira, convoque chaque année – comme ça s'est fait d'ailleurs entre 1979 et 1993 – le Directeur général des élections. C'est, en quelque sorte, un voeu que la Chambre exprimerait en donnant ordre à ses commissions, à la commission qu'on choisira, de faire ces audiences, ce qui est très différent de laisser à une commission le loisir de prendre l'initiative de convoquer possiblement le Directeur général des élections. Alors, c'est ça que j'aimerais que le leader me dise, s'il est d'accord avec ce débat.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

(11 h 10)

M. Bélanger: M. le Président, je pense qu'on est d'accord sur la même chose. Cependant, quant à moi, il y a plusieurs personnes qui sont nommées par l'Assemblée nationale, et je crois qu'il est important, pas uniquement pour le Directeur général des élections... Il y a quatre personnes nommées par l'Assemblée nationale, dont le Vérificateur général, dont le Protecteur du citoyen. Moi, je voudrais que la commission de l'Assemblée nationale, oui, modifie et donne le mandat aux commissions systématiquement d'entendre ces personnes-là et, à ce moment-là, de pouvoir déposer leur bilan. Et de toute façon, aussi, dans les engagements financiers, hein, l'opposition officielle peut décider d'entendre les personnes désignées par l'Assemblée nationale et, à ce moment-là, de vérifier leurs engagements financiers ou l'étude des crédits.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui, puis-je suggérer brièvement, vu qu'il semble y avoir au moins une entente au niveau des volontés comme telles, qu'il y ait rencontre entre les deux interlocuteurs sur cet aspect et qu'on puisse revenir demain, s'il y a lieu, après qu'on aura débroussaillé, si vous voulez bien, le dossier, de façon à ce que ça soit très clair que non seulement on est d'accord en paroles, mais qu'on est prêts également à passer à l'action, M. le Président?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, il faut passer à l'action devant la commission de l'Assemblée nationale. C'est ce que je tente d'expliquer au leader de l'opposition. Ce n'est pas par une motion sans préavis qu'on fait ça.

Le Président: Écoutez, si je peux faire une suggestion à tout le monde, c'est qu'à ce moment-ci, au-delà du fait que le député de Laurier-Dorion et le leader pourraient se rencontrer, bien, il y a peut-être que les deux leaders et la présidence pourraient se rencontrer, puis ce serait peut-être plus simple.

Des voix: ...

Le Président: Alors, si on convient de ça, les deux leaders et le président se rencontreront. M. le député de Richelieu et ministre des Relations internationales.


Condoléances aux proches de Mme Hélène Viel

M. Simard: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que l'Assemblée nationale offre ses plus sincères condoléances aux proches de Mme Hélène Viel, décédée suite à l'attentat survenu à Paris le 3 décembre dernier.»

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, juste pour confirmer l'entente intervenue, il y aura un intervenant de part et d'autre sur cette motion.

Le Président: Très bien. Et, avant que la discussion s'amorce, je demanderais aux députés qui doivent quitter l'enceinte de le faire immédiatement pour que les interventions puissent se faire dans le calme, et compte tenu, entre autres, des circonstances. M. le ministre des Relations internationales.


M. Sylvain Simard

M. Simard: Nous avons eu l'exemple, M. le Président, dans les dernières heures, d'une tragédie qui nous a tous bouleversés: un couple de Québécois qui, en voyage de noces à Paris, s'est retrouvé, dans une station de métro, victime d'un attentat aveugle et meurtrier.

Je pense qu'il est important, comme Assemblée nationale, que nous marquions non seulement notre solidarité et notre sympathie à l'égard des familles touchées, mais également, par ce fait, notre désarroi et notre condamnation devant des actes de terrorisme aveugles qui, même à l'étranger, nous atteignent ainsi directement.

Il est très important que nous oeuvrions au niveau international afin que nous trouvions pacifiquement des solutions aux conflits et que de tels attentats deviennent de plus en plus difficiles à se produire et que les auteurs en soient pourchassés où qu'ils se trouvent. Je vous remercie.

Le Président: Mme la députée de La Pinière, sur la motion également.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, c'est avec une profonde tristesse que je joins ma voix, ce matin, à celle du gouvernement pour présenter, au nom de l'opposition officielle, mes sincères condoléances à la famille et aux proches de Mme Hélène Viel, une Québécoise décédée suite à l'attentat à la bombe qui a eu lieu au métro Port-Royal, à Paris, le 3 décembre dernier.

Je me suis entretenue ce matin même avec Son Excellence l'ambassadeur de France au Canada, M. Siefer-Gaillardin, qui m'a exprimé de vive voix sa profonde tristesse et ses sympathies pour la famille de Mme Hélène Viel. J'ai profité de cette occasion pour lui transmettre, à mon tour, au nom de l'opposition officielle, nos sincères sympathies aux familles françaises qui ont été durement éprouvées par cet attentat et à la France toute entière.

Mme Hélène Viel, une jeune pharmacienne de 36 ans originaire de Rivière-du-Loup, venait à peine de se marier. Elle se trouvait à Paris en compagnie de son époux pour entreprendre une nouvelle carrière professionnelle. Son mari, M. Frank Stonebanks, de Victoria, a d'ailleurs été grièvement brûlé dans cet attentat, mais heureusement on ne craint pas pour sa vie. Je lui souhaite un prompt rétablissement et lui présente toutes nos sympathies pour la perte d'un être si cher.

Mme Hélène Viel est une victime innocente qui a été fauchée par cet attentat tragique où une autre victime française a perdu la vie et où on a enregistré un bilan de sept blessés graves, dont trois dans un état critique, et quelque 95 personnes touchées à différents degrés. Les conditions dans lesquelles Mme Hélène Viel a perdu la vie sont dramatiques et suscitent l'indignation du monde entier.

M. le Président, le terrorisme est un acte barbare qui menace la paix et la sécurité internationale. La France plus souvent qu'à son tour a été le terrain d'événements douloureux qui ont coûté la vie à des dizaines de personnes innocentes. Le plus rassurant cependant est de constater la fermeté avec laquelle le gouvernement français agit dans ces moments critiques, refusant de céder à la logique de la terreur et des ultimatums. Je suis persuadée, M. le Président, qu'une fois de plus les autorités françaises sauront surmonter cette dure épreuve comme ils l'ont toujours fait par le passé. À cet effet, et au-delà des messages de sympathie, je suis très heureuse de constater que, sur le plan de la sécurité, la France peut compter sur la collaboration du gouvernement canadien, qui est l'un de ses principaux partenaires dans ce domaine. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Président: Merci, Mme la députée de La Pinière. Je comprends que la motion du ministre des Relations internationales sur cet incident est adoptée?

Des voix: Adopté.


Avis touchant les travaux des commissions

Le Président: À moins qu'il y ait d'autres motions sans préavis, nous allons passer aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 77, Loi modifiant la Loi de police et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission de l'économie et du travail poursuivra et terminera les consultations particulières sur le projet de loi n° 50, Loi sur la Régie de l'énergie, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi n° 74, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Très bien. Aux renseignements sur les travaux de... M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: J'ai un autre avis, M. le Président.

Le Président: Ah bon!

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée que la commission du budget et de l'administration entendra les intéressés et procédera à l'étude des projets de loi d'intérêt privé suivants: projet de loi n° 214, Loi concernant le Groupement des chefs d'entreprise du Québec; projet de loi n° 238, Loi concernant la conversion de l'Entraide assurance-vie, société de secours mutuels, en une compagnie mutuelle d'assurance; projet de loi n° 209, Loi concernant des fédérations, conseils centraux et syndicats affiliés à la Confédération des syndicats nationaux (C.S.N.); projet de loi n° 210, Loi concernant la Congrégation Shaar Hashomayim (Porte du Ciel); projet de loi n° 202, Loi modifiant la Loi constituant en corporation Les Soeurs de Sainte-Anne. L'étude de ces projets de loi d'intérêt privé se déroulera à la salle Louis-Joseph-Papineau, le vendredi 13 décembre 1996, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Strictement une question d'information, M. le Président. Est-ce qu'il y a d'autres projets privés ou d'intérêt privé qui sont prévus pour étude par le gouvernement au cours de la présente session parlementaire?

M. Bélanger: Oui, tout à fait, M. le Président. Demain, je prévois donner d'autres avis relativement à l'étude d'autres projets de loi privés.


Avis de sanction

Le Président: Alors, merci. Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, de mon côté, je vous avise qu'il y aura sanction du projet de loi n° 70, Loi modifiant la Loi sur Hydro-Québec, au cabinet de Son Excellence le lieutenant-gouverneur, cet après-midi, à 13 heures.


Affaires du jour

Nous allons maintenant passer aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 39 de notre feuilleton.

(11 h 20)


Projet de loi n° 54


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Président: Article 39, bien. La loi numéro... Juste un petit instant, on va essayer de trouver ça. Alors, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. Est-ce qu'il y a des interventions? M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Merci, M. le Président. Aujourd'hui, le projet de loi n° 54 franchit une nouvelle étape. Il s'agit donc de la prise en considération du rapport de la commission permanente du budget et de l'administration. Ce projet de loi a été présenté le 22 octobre 1996, et le principe en a été adopté le 7 novembre. La commission permanente du budget et de l'administration en a fait l'étude détaillée et a adopté les deux articles de ce projet de loi sans amendement, et son rapport a été déposé le 19 novembre 1996.

Il s'agit d'un projet de loi qui donne suite à la déclaration du vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances du 19 juin 1996 en cette Chambre. Permettez-moi de rappeler que, pour les années 1966 à 1986, le taux de la cotisation au Régime de rentes du Québec, qui est versée à parts égales par les employeurs et les cotisants, était de 3,6 %. La Loi sur le régime de rentes du Québec a été modifiée en 1986 pour prévoir une hausse annuelle de 0,2 % de ce taux pour les cinq années suivantes. En 1991, cette même loi a de nouveau été modifiée pour prévoir une augmentation annuelle du même ordre pour les années 1992 à 1996. Le taux de cotisation atteint donc 5,6 % cette année et, cependant, aucun taux n'est présentement prévu pour la prochaine année.

Il est donc impératif pour les employeurs et le ministère du Revenu que soit fixé le plus tôt possible le taux de cotisation au Régime de rentes du Québec pour l'année 1997. Le taux prévu par le projet de loi n° 54 correspond à celui proposé au terme de l'analyse actuarielle du Régime de rentes au 31 décembre 1994 pour l'année 1997.

Par ailleurs, la hausse annuelle des taux de cotisation a toujours été négociée lors de conférences fédérales-provinciales des ministres des Finances. Le taux de cotisation du Régime de rentes du Québec a, jusqu'à maintenant, été identique à celui prévu par le Régime de pensions du Canada en raison de l'équivalence souhaitée entre ces deux régimes. Or, M. le Président, suivant la loi applicable au Régime de pensions du Canada, l'augmentation annuelle du taux de cotisation serait de 0,25 % pour les années 1997 à 2001. Cependant, comme cette hausse est insuffisante pour assurer une capitalisation adéquate du régime, le plus récent rapport actuariel de ce régime suggère une hausse de 0,29 %, donc très près de ce que nous proposons actuellement.

Par ailleurs, le document de consultation publique du fédéral propose plutôt une augmentation annuelle plus rapide du taux de cotisation pour les six prochaines années, soit 0,4 % pour 1997, 0,6 % pour l'année suivante, 0,8 % pour 1999, 1 % pour l'an 2000, 1,2 % pour 2001 et, finalement, 1,3 % pour l'année 2002. Cette augmentation porterait le taux de cotisation au Régime de pensions du Canada à 10,9 % en 2002, pour demeurer stable par la suite.

Dans cette optique, l'éventualité d'une augmentation de 0,4 % du taux de cotisation au Régime de pensions du Canada dès l'année 1997, tel que proposé par le document de consultation du gouvernement fédéral, corrobore en quelque sorte l'étude actuarielle de la Régie des rentes du Québec et incite le gouvernement à agir dès maintenant pour fixer le taux de cotisation pour l'année 1997. Cette décision favorisera une meilleure capitalisation du Régime de rentes à court terme tout en assurant pour 1997, dans la mesure où le Régime de pensions du Canada est modifié conformément aux recommandations de ses actuaires, l'arrimage nécessaire entre les régimes canadien et québécois au chapitre de leur taux de cotisation.

M. le Président, avant de demander l'adoption du rapport de la commission, j'aimerais, en conclusion, remercier les membres de la commission pour leur collaboration, notamment la contribution du porte-parole de l'opposition officielle en ces matières, M. le député de Verdun.

Alors, je demande donc à cette Assemblée d'adopter le rapport de la commission permanente du budget et de l'administration sur l'étude détaillée du projet de loi n° 54.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu. Je cède maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. Comme l'a fait remarquer le ministre, c'est un projet de loi sur lequel il y a eu consensus, en commission, entre la partie ministérielle et la partie de l'opposition.

Le projet de loi va augmenter de 0,4 % le taux de cotisation au Régime de rentes du Québec. Ce n'est pas rien. Ce n'est pas rien, c'est une augmentation des taxes sur la masse salariale, c'est un poids sur l'ensemble de nos entreprises, mais c'est nécessaire. C'est nécessaire de le faire maintenant pour éviter de devoir, dans une année ou deux, avoir une augmentation de taux beaucoup plus importante, ce qui a un effet beaucoup plus pernicieux encore sur l'économie.

Je suis sûr que le député de Portneuf et ministre délégué au Revenu concourt avec moi. Il aurait probablement préféré, lui aussi, ne pas avoir à augmenter aujourd'hui le taux de cotisation, mais la santé du Régime de rentes de l'ensemble des Québécois oblige cette augmentation qui est, somme toute, relativement absorbable par l'économie québécoise, et ça a aussi l'effet, l'importance, de ne pas perturber une augmentation plus importante d'ici un an ou deux, et ça va améliorer la capitalisation du Régime et freiner aussi la décaisse. Parce qu'on est en situation de décaisse, M. le Président, de la Caisse de dépôt. Ça veut dire que, à l'heure actuelle, on est dans une situation, pour les comptes du Régime de rentes du Québec, où on est en train de vider progressivement, année après année, la Caisse de dépôt, et l'augmentation de 0,4 % va freiner actuellement cette décaisse et éventuellement en revenir à une recapitalisation de la Caisse de dépôt.

Je voudrais terminer mon intervention, M. le Président, en insistant sur l'importance, néanmoins, de l'harmonisation avec le Régime de pensions du Canada. Le Régime de pensions du Canada n'a augmenté son taux de cotisation qu'à 5,85 %, c'est-à-dire qu'il y a une différence de 0,15 % entre la position du Régime de rentes du Québec et celle du RPC. Je crois, comme a fait remarquer le ministre, qu'il est sage de monter à 6 % et qu'il serait sage aussi que les autorités fédérales augmentent leur taux de cotisation à 6 %. Et c'est d'ailleurs la recommandation qui leur est faite par l'actuaire en chef du Canada.

Je terminerai mon intervention en demandant aux autorités qui représentent le Québec dans ces négociations, à savoir le ministre délégué au Revenu et le ministre des Finances, d'insister sur l'importance de l'harmonisation entre le RPC et le RRQ, et de faire en sorte que le RPC s'harmonise le plus rapidement possible avec la décision, et je le répète, la décision sage que nous prenons aujourd'hui.

Alors, M. le Président, je terminerai là-dessus. C'est un projet de loi avec deux articles, qui est nécessaire aujourd'hui, donc en faveur duquel nous allons voter et en demandant aux autorités gouvernementales d'intervenir auprès des autorités gouvernementales du Canada pour que l'on arrive le plus rapidement possible à une harmonisation. Parce que je pense aussi, si vous me permettez, que le RPC devrait aussi monter à 6 %. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, en réplique, M. le ministre délégué au Revenu.


M. Roger Bertrand

M. Bertrand (Portneuf): Oui, M. le Président. Tout juste pour rassurer, à cet égard, le porte-parole de l'opposition officielle sur ces questions, le député de Verdun. Nous avons l'intention, effectivement, de faire les représentations appropriées auprès du gouvernement fédéral pour que, le plus possible, on ne s'éloigne pas de l'harmonisation traditionnelle et justifiée dans ces questions. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre délégué au Revenu.


Mise aux voix du rapport

Alors, comme il n'y a plus d'interventions, le rapport de la commission du budget et de l'administration portant sur le projet de loi n° 54, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec est-il adopté?

(11 h 30)

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 67


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 9 du feuilleton. M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des interventions sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67? Alors, M. le ministre des Affaires municipales et de l'Habitation.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Et évidemment député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue, et également responsable du sport et du loisir. Merci, M. le Président, parce que, par les temps qui courent, il est important de préciser toutes ses responsabilités. Parce qu'on a vu, M. le Président, ce matin – et c'est la bonne occasion de le rappeler – quand arrive décembre, l'industrie des hypothèses fonctionne à plein régime, ce qui, évidemment, est de nature à alimenter les sources d'information habituelles des citoyens et citoyennes. Alors, c'est pour ça que j'apporte cette précision, M. le Président, et vous-même député de ce beau comté de Saint-Maurice.

M. le Président, donc, je vous remercie de cette présentation, d'appeler, donc, à la demande du leader parlementaire, le projet de loi n° 67, un projet de loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives de la Loi sur la fiscalité municipale.

M. le Président, à périodes relativement déterminées ou de façon périodique nous revenons ici, devant l'Assemblée nationale, pour adapter le texte ou adopter un certain nombre de dispositions à l'égard de la fiscalité municipale, pour permettre d'ajuster avec les pratiques ou ajuster des pratiques de façon à rendre ça le plus simple possible, le plus efficace possible.

Vous savez, M. le Président, il en est en matière de fiscalité municipale comme dans toute autre question fiscale. Disons que ce n'est pas un domaine dans lequel on va jouir du texte et des dispositions qui sont prises en termes de rédaction puisqu'il s'agit d'adopter des dispositions, au niveau de la loi, qui permettent aux citoyens et citoyennes – qui, dans ce cas-ci, véritablement, s'appellent des contribuables – de payer leur part pour financer des services publics municipaux ou nationaux, suivant le cas – mais, ici, c'est des services publics municipaux – de payer leur part, mais aussi de ne payer que leur juste part et aussi d'être en relation, de la façon la plus simple possible, la plus efficace possible, avec leur administration locale qui s'appelle la municipalité, le niveau de gouvernement qui est le plus directement en relation avec les citoyens.

Il y a beaucoup de maires... Il y a un maire en particulier qui, pour décrire cette situation, M. le Président, a une expression que je trouve assez jolie, à tout le moins très illustrative. En parlant du niveau municipal, du niveau de gouvernement local, il dit: C'est le niveau où le pied du citoyen est le plus près du derrière des élus, parce qu'on peut directement interpeller les élus municipaux. Et lorsqu'on sait comment ça se passe au niveau de la loi, au niveau de la réalité, au niveau des pratiques dans le monde local, dans le monde municipal, bien, M. le Président, c'est 10 000 personnes au Québec qui sont en contact de façon quasiment quotidienne, sinon hebdomadaire, très certainement au niveau de la loi à tous les mois, avec les citoyens.

Et c'est à ce niveau de gouvernement qu'on exerce la démocratie directe de la façon la plus efficace, la plus réelle, parce que vous savez que la loi, en pareille matière, oblige le conseil municipal, le gouvernement local, à tenir une période de questions. Et là ce n'est pas les citoyens qui sont représentés par des partis, par des représentants, c'est la population qui peut poser une question directement à son maire ou à ses conseillers municipaux. Alors, on se doit donc, en matière d'instruments de la fiscalité municipale, d'apporter périodiquement un certain nombre d'éclaircissements, un certain nombre d'ajustements pour permettre aux citoyens de s'y retrouver, mais surtout aux élus municipaux de gérer le plus efficacement possible et le plus simplement possible tout l'aspect de la fiscalité municipale.

Alors, M. le Président, le projet de loi n° 67, c'est ça, la première dimension, la première dimension qui nous préoccupe. Le projet de loi modifie en premier lieu un certain nombre de mesures relatives à l'évaluation foncière de manière à instaurer un nouveau mécanisme de révision administrative dans ce domaine et à modifier le calendrier du dépôt des rôles d'évaluation à la Communauté urbaine de Montréal.

Commençons par ce premier aspect d'une révision administrative à l'occasion d'une contestation de l'évaluation de son bien faite par la municipalité à travers son service d'évaluation ou une firme spécialisée en pareil domaine. M. le Président, on va décrire ça comme il faut, dans les mots qu'il faut employer pour être techniquement bien précis. Cependant, l'effet général recherché à cet égard est le suivant: nous souhaitons instaurer un premier niveau où les citoyens contribuables vont pouvoir, avant de contester l'évaluation de leur bien devant un tribunal administratif qui s'appelle aujourd'hui le Bureau de révision de l'évaluation foncière... on va permettre une étape, préalable, je dirais, avant de se réveiller devant un tribunal et qu'il y ait des frais et qu'il y ait un engorgement. On va obliger une première étape, c'est d'abord d'aller parler à l'évaluateur, à la municipalité, au responsable de la confection du rôle, pour voir s'il n'y a pas eu erreur administrative, mauvaise perception, mauvaise lecture de la situation, et l'expérience nous indique qu'en pareille matière de justice douce, de façon alternative de régler un conflit potentiel, évidemment, c'est beaucoup moins onéreux. Les citoyens sont toujours en contact directement avec le service, la municipalité, la personne, les professionnels compétents qui opèrent en pareille matière. Et on espère, on souhaite vivement qu'on puisse réduire l'espèce de processus de judiciarisation qui s'est introduit dans ce secteur au Québec, toujours sous l'objectif de simplifier, simplifier, simplifier, M. le Président. C'est un mot d'ordre que nous devons tous nous donner au cours des prochains mois et des prochaines années.

Ce projet apporte également un certain nombre d'améliorations au régime fiscal municipal. Vous savez, M. le Président, la fiscalité municipale est un domaine particulièrement complexe qui nécessite des ajustements constants. Les contribuables, les administrations municipales, d'ailleurs, nous font régulièrement état de problèmes ponctuels qui surviennent non seulement dans la perception et l'administration des impôts et des taxes qui constituent les sources de financement des gouvernements locaux, mais aussi évidemment, en matière fiscale, dans l'interprétation des différentes lois fiscales.

Mon collègue de Portneuf, le ministre responsable du Revenu, sait de quoi on parle lorsqu'il a à administrer l'ensemble des dispositions fiscales pour faire en sorte... C'est complexe. On doit en arriver quotidiennement... Il est appelé avec son ministère, évidemment, à donner des interprétations. On sait que, sitôt que l'on prend un mot pour définir une chose, certains ont le métier, sinon la profession de donner une autre signification à ce mot, peut-être, et c'est bien qu'il en soit ainsi. Et le ministre du Revenu, lui, je dirais, est le gardien de l'interprétation officielle, et il en est de même au niveau des lois fiscales municipales, et c'est pour ça qu'on doit intervenir régulièrement. Et c'est ce que témoigne ce projet de loi, M. le Président, le projet de loi n° 67, qui traduit notre souci d'améliorer constamment notre législation fiscale de façon à répondre aux demandes des citoyens et des contribuables locaux, de même qu'à celles des administrations municipales.

Le système fiscal municipal en vigueur au Québec, M. le Président, est principalement basé sur l'imposition, on le sait, des taxes foncières calculées sur la valeur des immeubles situés sur le territoire de chacune des municipalités. Les revenus annuels tirés de cette forme de taxation sont d'environ 5 400 000 000 $ en taxes municipales et représentent les deux tiers des recettes municipales. Alors, on parle ici, M. le Président, d'un projet de loi à l'égard de la mécanique, à l'égard des dispositions pour percevoir 5 400 000 000 $. Et, on le dit, c'est les deux tiers des budgets, parce que l'ensemble – on a eu l'occasion en d'autres circonstances de le rappeler cette semaine – l'ensemble des budgets municipaux au Québec, c'est au-delà de 9 000 000 000 $, et on s'en va allégrement vers les 10 000 000 000 $ de budget au niveau municipal.

(11 h 40)

Alors, l'établissement des évaluations foncières à partir desquelles les gens paient les revenus des municipalités, l'établissement des évaluations foncières servant de base à la taxation est effectué dans un cadre décentralisé où les municipalités ont pour responsabilités de préparer périodiquement les rôles d'évaluation et de les tenir à jour: Combien vaut ma propriété et, partant de là, combien je vais payer de taxes pour l'année à venir? Elles s'acquittent de cette tâche, les municipalités, par l'intermédiaire des organismes municipaux responsables de l'évaluation foncière que sont généralement les MRC, les communautés urbaines et certaines municipalités ayant le statut de ville qui assument elles-mêmes un service d'évaluation de leurs immeubles sur leur territoire.

Pour des raisons évidentes de crédibilité et d'équité, tout contribuable doit pouvoir demander et obtenir une révision de l'évaluation qui a été faite de sa propriété, droit fondamental absolument, je dirais, universellement reconnu dans ce monde de la fiscalité. Il faut que le citoyen ait la capacité et la possibilité de dire: Je suis en désaccord, pour des bonnes raisons, avec l'évaluation que vous avez faite de mon bien, sur laquelle vous allez vous baser pour me taxer. Le citoyen a le droit et doit avoir un endroit pour être capable de placer cette interjection, de placer son désaccord et sa prétention de valeur différente de son bien.

La Loi sur la fiscalité municipale encadre actuellement l'exercice de ce droit par le mécanisme des plaintes sur l'évaluation foncière et le traitement de ces plaintes est confié au BREF, le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Cette façon de procéder s'applique obligatoirement à toutes les municipalités depuis 1980, et ça s'est avéré, M. le Président, efficace à bien des points de vue. On a donc, jusqu'à maintenant, un tribunal administratif et, lorsqu'on veut – on ne va pas dans le détail – contester, on place un avis de contestation devant ce tribunal administratif qui s'appelle le Bureau de révision de l'évaluation foncière, lequel va connaître, par ailleurs, une autre modification dès que nous aurons ici adopté les lois présentées par le ministre de la Justice à l'égard de la réforme des tribunaux administratifs depuis si longtemps attendue par les justiciables au Québec en matière de justice administrative. Il va y avoir des modifications, mais la mécanique fondamentale va demeurer.

Toutefois, quand on détermine un tel mécanisme au tournant des années quatre-vingt, bien, 15 ans plus tard, il faut se poser des questions. Il faut regarder si ça a marché et ce qu'on peut corriger s'il y a lieu de corriger un certain nombre de choses. L'expérience vécue en matière de traitement des plaintes depuis 16 ans nous a révélé effectivement un certain nombre de difficultés. Les mécanismes existants semblent être devenus insatisfaisants pour les contribuables qui questionnent plus massivement la crédibilité des travaux d'évaluation foncière; ça pose également des questions, ça vaut aussi pour les municipalités qui, souvent, déplorent l'instabilité financière que leur cause la révision des évaluations déposées. On comprend qu'on dépose notre rôle, on dit: Ça va produire tant de taxes. On prépare notre budget. Lorsqu'il y a un tas de demandes de révision, la résultante, c'est que ça modifie l'assiette foncière. Bien, la conséquence, c'est que ça modifie les revenus. Si ça modifie les revenus, il faut rééquilibrer le budget, il faut faire des réalignements budgétaires. Pour les administrations municipales, ce n'est pas le devoir le plus agréable, comme pour toute administration, parce qu'il y a un facteur qui échappe à la prévision pour ces municipalités.

Cette incertitude financière s'accroît avec le délai de traitement des plaintes, lequel délai est lié non seulement au nombre grandissant de contestations, mais aussi aux nombreuses remises d'audition obtenues par les parties impliquées et aux délais encourus avant qu'une décision finale ne soit rendue. M. le Président, ceux et celles qui sont concernés par ces questions ont développé un langage pour décrire le monde dans lequel on évolue lorsqu'on est en remise de délai, en remise de période d'audition, d'engorgement des rôles pour entendre les parties, les gens parlent maintenant communément de l'industrie de la contestation; on comprendra que ça vient de certaines parties qui sont concernées. Finalement, les administrations municipales, disons, sont un peu embêtées par cette question et c'est pourquoi on va tenter d'apporter des correctifs avec le projet de loi n° 67.

De plus, l'examen des plaintes déposées depuis 1990 révèle que 76 % des 20 500 plaintes annuelles devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière ne nécessitent pas son intervention directe. Il y a 20 000 plaintes qu'on pourrait ou qu'on peut régler autrement que par une intervention directe. Alors, on se dit: Bon, il s'agit ici d'une direction d'une justice plus souple, plus légère, moins coûteuse que nous pourrions peut-être adopter au profit de toutes les parties concernées. La moitié d'entre elles, donc de ces 20 000, font l'objet d'un règlement hors cour, alors que l'autre moitié sont tout simplement retirées par le plaignant ou rejetées pour défaut de comparaître. Alors, M. le Président, il semble qu'il y ait des enseignements là-dedans.

Cela nous amène à conclure que le contribuable municipal ne dispose pas de toutes les informations pertinentes lorsqu'il dépose une plainte et que l'expertise existante des services municipaux d'évaluation foncière ne lui est pas suffisamment accessible. Quand on s'explique, on comprend puis, quand on comprend, on finit par régler, parce qu'on a une meilleure connaissance mutuelle de la situation.

Nous concluons également que le processus actuel favorise une judiciarisation trop rapide du traitement des différends et a pour effet de déresponsabiliser les organismes municipaux d'évaluation.

En somme, M. le Président, on a une tendance à peut-être vouloir reporter son problème sur les autres, la situation, en disant: Bien, il y a un tribunal pour ça, allez au tribunal. C'est un peu facile et, en termes de responsabilité envers les citoyens, pour les citoyens, bon, c'est une situation, je pense, qui amène des correctifs. À ce sujet, nos analyses, au ministère des Affaires municipales, au cours de la dernière année, les conclusions qui s'en dégagent, rejoignent celles énoncées récemment par la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics. Alors, vous êtes bien au courant, M. le Président, des travaux de la commission D'Amours, et les conclusions que nous avions tirées de l'examen des 16 dernières années de pratique en matière d'évaluation foncière et de contestation des évaluations, eh bien, on est arrivés aux mêmes conclusions. Ce qui nous fait dire qu'il nous semble, à constater tous la même situation, qu'on est probablement dans la bonne direction, pour au moins constater qu'on a le même problème et qu'il faut y apporter des solutions.

Le projet de loi n° 67 apporte donc des améliorations très significatives au mode de traitement des plaintes sur l'évaluation foncière, sans pour autant rejeter ni les fondements, ni les éléments qui en garantissent l'équité. Ainsi, bien important de le préciser, le droit d'intervention du contribuable pour requérir des correctifs équitables au rôle d'évaluation foncière, essentiel au maintien de notre système fiscal, est soigneusement préservé, et même bonifié, dans ce projet de loi. C'est la base, il faut protéger ça comme la prunelle de nos yeux. C'est ce que nous allons faire.

La plus significative des améliorations apportées par ce projet de loi consiste à instaurer une nouvelle procédure administrative de révision des évaluations produites par les services municipaux d'évaluation foncière, laquelle devra être utilisée avant l'exercice de tout recours devant le BREF, le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Une période de justice douce, M. le Président. Cette procédure consiste d'abord à ce que le contribuable dépose sa demande de révision directement à l'évaluateur municipal plutôt qu'à la Cour des petites créances, comme c'est le cas actuellement, et qu'il verse à la municipalité le dépôt prévu à cet effet par l'actuelle réglementation. On ne s'en va pas en cour, on s'en va s'expliquer auprès du service d'évaluation de notre municipalité.

Le contribuable demandeur bénéficiera alors d'un délai d'au moins quatre mois pour convenir, avec l'évaluateur, des correctifs à apporter, s'il y a lieu, au rôle. S'il y a entente, le rôle est alors rapidement modifié en conséquence, le débat est clos, sans aucune intervention judiciaire, sans aucun coût supplémentaire et, je dirais, M. le Président, tout le monde est plus heureux parce qu'on a fait ça à la manière des hommes et des femmes qui peuvent discuter ensemble. Et c'est une chose qui est assez bien répandue sur l'ensemble du territoire québécois, qu'on soit dans le comté de Saint-Maurice, de Rouyn-Noranda, d'Anjou ou de Portneuf, c'est le gros bon sens et le jugement. C'est la façon de saisir un problème et de produire ou de préparer des solutions.

Si, par contre – puis, ça peut arriver – aucune entente entre l'évaluateur municipal et le demandeur n'intervient durant cette période de quatre mois, le demandeur peut alors déposer une plainte devant le BREF pour y faire entendre ses arguments, tel que ça se pratique depuis 1980. En somme, en bref, encore une fois – c'est le cas de le dire, en bref – avant d'aller au tribunal, on va se parler et on va tenter de s'entendre entre personne qui a un intérêt, le contribuable, le professionnel et le service professionnel de la municipalité concernée, pour avoir une juste réponse à la juste valeur du bien à être évalué, sur lequel on pratiquera une taxation dans un deuxième temps.

Ce changement législatif comporte de nombreux avantages. D'abord, il accorde aux services municipaux d'évaluation foncière une responsabilité accrue au regard des résultats qu'ils produisent, en les impliquant directement et immédiatement dans l'information de base que requièrent les contribuables. Cela va d'ailleurs dans le sens d'une autre des recommandations de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics. Arrêtons de traiter les choses au-dessus et au-delà de la tête des citoyens. Quand on conteste l'évaluation de sa maison, de sa petite entreprise, du bien sur lequel on va envoyer une facture par des comptes de taxes, faisons en sorte qu'on puisse avoir un contact direct.

(11 h 50)

Deuxièmement, cela va accélérer et simplifier les correctifs à apporter au rôle d'évaluation lorsque le contribuable et l'évaluateur municipal conviennent de leur pertinence. C'est lourd à préparer un rôle d'évaluation. L'évaluateur est un professionnel de son domaine, d'une compétence reconnue, il fait partie d'un ordre professionnel, code d'éthique, règles de discipline, etc.

M. le Président, personne n'est infaillible. Il peut arriver qu'on se trompe: on n'a pas perçu, on n'a pas vu, on a mal observé. Alors, quand on parle à la personne et qu'on dit: Écoutez, vous êtes venu voir le sous-sol; j'ai fait des améliorations, peut-être n'avez-vous pas noté telle ou telle chose... L'évaluateur municipal n'est pas un homme infaillible, il est seulement un professionnel compétent qui peut réviser sa décision si on lui apporte des faits nouveaux, pertinents à la demande, à la requête du citoyen. À cet effet, donc, tout cela va accélérer et ça va favoriser ainsi l'émergence d'échanges plus efficaces dans un contexte administratif entre le service et les personnes, sans connotation judiciaire.

De plus, cette nouvelle procédure maintient intégralement le droit du contribuable d'être entendu devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière, puisque, en cas d'absence d'entente, il peut choisir d'intervenir devant cet organisme. Il le fera donc en toute connaissance de cause – pas inutilement – car il bénéficiera alors de l'information obtenue au niveau de l'étape administrative qui aura précédé. Et, à cette fin, le projet de loi prévoit la réutilisation du formulaire de demande déjà déposé devant la municipalité.

Vous savez ce qu'on fait? Dans un certain nombre de processus, il faut que le plaignant récrive sa plainte, qu'on reparte à zéro. On repart le «meter» à zéro, M. le Président. Dans ce cas-là, on ne s'est pas entendu au niveau administratif; on prendra exactement le même formulaire qui a été rempli et c'est ça qui servira pour déposer sa plainte au Bureau de révision de l'évaluation foncière, pour qu'il puisse exercer – le citoyen – son droit de recours.

Enfin, l'implantation de cette nouvelle procédure nous permet d'escompter une réduction importante du nombre de dossiers dont est saisi le BREF. En effet, de nombreuses ententes hors cour pourront désormais être ratifiées localement et la décision de porter plainte se prendra de façon plus éclairée, entraînant donc moins de plaintes injustifiées au sens de non fondées sur une information correcte. Il est d'ailleurs intéressant de souligner qu'un système analogue à celui que je viens de vous décrire existe au Nouveau-Brunswick et qu'il fait en sorte qu'il y a moins de 10 % des demandes qui font l'objet subséquemment d'un traitement judiciaire; 90 % sont donc réglés au premier niveau. C'est un résultat assez exceptionnel.

Prenons le meilleur de ce qui existe pour régler cette problématique-là, et l'expérience qui existe ailleurs, et on va souhaiter obtenir de meilleurs résultats pour les contribuables et les municipalités, de façon plus simple et de façon moins onéreuse. Que ce soit moins coûteux, M. le Président.

Par ailleurs, l'expédition d'un avis d'évaluation à chaque propriétaire inscrit au rôle d'évaluation est une obligation imposée aux municipalités par la Loi sur la fiscalité municipale – le certificat – pour indiquer, donc, l'avis d'évaluation. Ce document a pour fonction de fournir au contribuable certaines informations extraites du rôle d'évaluation et qui concernent sa propriété, de façon à ce qu'il puisse d'abord connaître les éléments principaux qui servent de base au calcul des taxes foncières qui lui sont réclamées et qu'il puisse ensuite – ce contribuable – intervenir, s'il y a lieu, pour faire corriger les omissions ou les inexactitudes qui s'y trouvent, le cas échéant, bien sûr.

La loi actuelle permettant que les données de l'avis d'évaluation puissent être intégrées au compte de taxes et ne constituer qu'un seul document, il a été mis en lumière que le contribuable municipal peut alors confondre l'évaluation foncière et la taxation, avec comme conséquence qu'il dépose souvent, on le comprendra, une plainte sur la première alors qu'il est surtout intéressé par la seconde dimension. M. le Président, vous qui avez occupé un autre fauteuil très prestigieux avant d'occuper celui de vice-président à l'Assemblée nationale, celui de maire d'une municipalité, vous vous êtes fait dire souvent par vos contribuables: J'ai placé un avis de contestation parce que ça n'a pas d'allure, ce que j'ai comme résultat. Et, dans le fond, c'était pour le plaignant, pour le contribuable, son évaluation qu'il contestait et non pas la méthode, ou parfois, aussi, c'était l'inverse. On va essayer de rendre les choses plus claires.

De surcroît, comme les avis d'évaluation sont pratiquement toujours expédiés avec le compte de taxes, en janvier ou en février de chaque année, les propriétaires d'immeubles complexes, dont la valeur est plus difficile à estimer, ne disposent que d'une courte période pour analyser le bien-fondé de l'évaluation de leur propriété avant la date du 1er mai, fixée par la loi, pour déposer une plainte. Et là il arrive ce qui doit arriver, M. le Président, c'est: en cas de doute, tout le monde porte une plainte au cas où il y aurait quelque chose. Alors, vous imaginez l'engorgement des rôles, et là on obtient exactement l'inverse du résultat recherché. Plusieurs d'entre eux, donc, choisissent de déposer une plainte pour garder leur droit, pour protéger leur droit, pour l'exercer éventuellement.

Afin d'atténuer ces difficultés qui entraînent des coûts et des délais inutiles dans le processus de traitement des plaintes, le projet de loi contient deux mesures très concrètes. D'abord, il supprime la possibilité que le compte de taxes puisse également servir d'avis d'évaluation, ce qui aura pour effet de fournir un meilleur éclairage à celui ou celle à qui ces documents sont destinés. Ensuite, il requiert que l'avis d'évaluation concernant les immeubles évalués à 1 000 000 $ et plus soit adressé au propriétaire dans les 60 jours du dépôt du rôle, ce qui correspond normalement au 15 novembre de l'année. Cela rallongera d'au moins deux mois la période dont disposeront les propriétaires d'immeubles complexes pour analyser la pertinence de l'évaluation de leur immeuble et pour décider s'il y a lieu de porter plainte.

Enfin, M. le Président, le projet de loi apporte une amélioration qui a pour but d'éviter que les remises d'audition soient utilisées de façon abusive et que le demandeur profite monétairement de ce délai. Il y a toujours des effets secondaires, des effets pervers qui peuvent se glisser dans la préparation d'une loi ou de dispositions, surtout en matière fiscale. Et, comme il y a des gens dont la responsabilité professionnelle est de s'assurer du résultat, pour employer une expression généreuse, il peut arriver qu'on utilise toutes les failles ou les façons d'interpréter un texte pour en arriver au meilleur résultat pour son client qui est le bénéficiaire, finalement.

Alors, disons qu'on constate qu'il y aurait un niveau assez élevé de demandes de remise d'audition et que tout cela est utilisé de façon abusive et ça coûte de l'argent. À cet effet, le Bureau de révision de l'évaluation foncière aura désormais le pouvoir de suspendre le calcul des intérêts sur le remboursement ou le supplément de taxes à payer, selon le cas, pendant toute la période où il juge que l'audition de la plainte a subi un retard indu. Lorsqu'on sentira que l'évaluation du professionnel concerné au Bureau de révision de l'évaluation foncière, du juge administratif désigné, qu'on utilise le processus à des fins autres que celles prévues, on va suspendre pendant la période d'appel, pendant la période de remise, on va suspendre le calcul des intérêts. Disons qu'avoir un délai ne sera pas payant. Avoir un délai ne sera plus récompensé, et donc on espère un résultat plus efficace au niveau du processus.

M. le Président, le projet de loi comporte aussi une autre section, toujours en matière de fiscalité municipale, mais qui est fort importante, en particulier pour les citoyens de la région de Montréal. La Loi sur la fiscalité municipale prévoit que toutes les municipalités locales doivent déposer un nouveau rôle d'évaluation à tous les trois ans. À l'exception de certaines cités et villes ayant leur propre service d'évaluation, la tâche de la confection du rôle triennal d'évaluation est confiée à un organisme régional de l'évaluation foncière, soit ou la communauté urbaine ou en milieu rural la municipalité régionale de comté, ou – on le dit, là – encore certaines villes ont leur propre service d'évaluation.

Afin de mieux répartir leur charge de travail dans le temps, les organismes régionaux responsables de l'évaluation foncière ont adopté comme pratique administrative d'étaler sur trois ans le dépôt de l'ensemble des rôles d'évaluation dont ils ont la responsabilité. Ainsi, ces organismes régionaux déposent en septembre de chaque année d'un cycle triennal d'évaluation un certain nombre de rôles d'évaluation dont ils viennent de terminer la confection.

La situation, cependant, M. le Président, est fort différente à la Communauté urbaine de Montréal, 29 municipalités, qui est le seul organisme responsable de l'évaluation au Québec à déposer, à une même date, à tous les trois ans, l'ensemble des rôles d'évaluation des 29 municipalités sous sa responsabilité. Ainsi donc, la CUM, la Communauté urbaine de Montréal, a la tâche colossale de déposer à une date unique 29 rôles d'évaluation comprenant – c'est gros – 400 000 unités d'évaluation. Cette situation, conjuguée au nombre important de plaintes que le Service d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal doit traiter et analyser, a pour effet d'alourdir considérablement à certaines périodes spécifiques la charge de travail au Service d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal.

On comprendra, M. le Président, que quand on dépose 400 000 unités d'évaluation à la même date et que c'est sur ce territoire, évidemment, à l'oeil nu, où l'on retrouve le plus grand nombre d'unités complexes de plus de 1 000 000 $, ça augmente d'autant le taux de chances qu'il y ait des contestations d'évaluation. Et là la machine est partie. Et c'est ce qui nous préoccupe en particulier pour la Communauté urbaine de Montréal.

Le projet de loi n° 67 vise à corriger cette situation puisqu'il permettra au conseil de la Communauté urbaine de Montréal de déterminer par règlement quelles municipalités de la communauté verront, le cas échéant, leur rôle prolongé d'un an ou deux à la fin du présent cycle d'évaluation, en décembre 1997. Le cycle de trois ans finit en 1997.

(12 heures)

Est-ce qu'on continue le même rythme de déposer 400 000 unités d'évaluation, 29 rôles pour 29 municipalités, sur l'ensemble du territoire de la Communauté urbaine de Montréal l'an prochain de la même façon? Nous préconisons que non, M. le Président, pour les raisons suivantes. Nous prévoyons donc un pouvoir réglementaire à la Communauté urbaine de Montréal pour étaler le dépôt des rôles des 29 municipalités. Ce pouvoir réglementaire permettra ainsi aux municipalités de la Communauté urbaine de convenir entre elles, si telle est leur volonté – je répète, de convenir entre elles, si telle est leur volonté – d'un nouveau calendrier de dépôt des rôles réparti sur trois ans. Les 29 municipalités de l'île de Montréal, l'ensemble des contribuables municipaux de l'île seront, nous pensons, les principaux bénéficiaires de cette nouvelle façon de faire.

M. le Président, nous allons donc apporter ces précisions au niveau du dépôt des unités d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal. Il y a un impact pour les contribuables, pour les propriétaires au niveau résidentiel et non résidentiel sur l'île de Montréal. On comprendra que, si on fait une nouvelle synchronisation du dépôt des rôles d'évaluation, bien, il y a une conséquence, un corollaire direct à cette décision, une résultante directe de cette décision, c'est que certains rôles d'évaluation qui devaient être déposés en 1998 le seront donc, pourraient l'être uniquement en 1999-2000 et qu'à cet égard l'évaluation actuelle sera maintenue pour les taxes payables sur cet édifice ou ce bien à la valeur qui est actuellement au rôle jusqu'au moment où on le remplacera.

M. le Président, il y a une approche que nous avons utilisée depuis un grand nombre d'années pour, guillemets, la justice fiscale au niveau municipal au Québec, c'est celle de la valeur sacrée de la valeur marchande. Combien vaut mon bien? Et, ceci étant établi, payer ma part et ma juste part. Il y a donc des conséquences. C'est ça. Je ne souhaite pas qu'on fasse le débat à la première lecture ici. Je soulève, je souligne que nous allons faire ce débat ouvertement en commission parlementaire au niveau de l'étude article par article de ce projet de loi. Nous allons évaluer les conséquences. Nous répondons ainsi à une demande des élus municipaux de la Communauté urbaine de Montréal. Je tiens à le préciser, c'est une demande formelle des élus municipaux de la Communauté urbaine de Montréal. Il y a un certain nombre de conséquences, et nous allons en arriver à étudier ça de façon très large.

M. le Président, il y a un très grand nombre d'autres mesures que nous préconisons dans ce projet de loi au sujet de la procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et des dispositions législatives afférentes. On va étudier tout ça en détail, on va prendre tout le temps qu'il faut pour le faire. J'indique aussi que, suivant l'évaluation de la situation, nous pourrons très bien entendre un certain nombre de groupes particuliers directement intéressés par cette question, parce que ça touche la vie des citoyens qui, ici, s'appellent des contribuables.

En toute responsabilité, à la fois pour répondre en particulier à la demande des élus municipaux des 29 municipalités de la Communauté urbaine de Montréal et pour répondre à cette demande de la resynchronisation des rôles d'évaluation sur l'île, nous allons prendre le temps nécessaire, mais nous allons aussi prendre nos responsabilités, évaluer la situation, analyser les résultats dans un cas comme dans l'autre et prendre une décision qui nous tourne vers l'avenir et non pas qui nous gèle et qui nous amène dans le passé, à se lier les mains et à faire en sorte qu'on s'éloigne d'un certain nombre de pratiques que nous reconnaissons au niveau de la valeur marchande qui doivent être protégées, mais qui doivent aussi se vivre dans le contexte difficile du travail effectué par les élus municipaux. Nous allons non seulement les écouter, non seulement les entendre, mais nous allons faire en sorte de comprendre ce qu'ils nous disent pour répondre adéquatement à la situation et se réveiller avec un résultat qui soit plus facilitant pour les contribuables, pour les élus municipaux, et qu'on s'engage dans la voie de la progression et non pas de la régression, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre des Affaires municipales et député de Rouyn-Noranda–Témiscamingue. Alors, Mme la députée de Jean-Talon.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Me permettez-vous, M. le Président, avant de commencer mon intervention, puisque le ministre des Affaires municipales a annoncé il y a quelques minutes qu'il accepterait de rencontrer des gens, ou des groupes, sur le sujet qui les concerne plus particulièrement, c'est-à-dire le gel du rôle d'évaluation à Montréal, de la Communauté urbaine de Montréal, et la désynchro... Est-ce que vous me permettez de lui demander s'il accepterait de rencontrer la Communauté urbaine, l'Institut de développement urbain, les unions municipales, l'Ordre des évaluateurs agréés et la Ligue des propriétaires?

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, le ministre...

Mme Delisle: Question de directive, là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui. Le ministre des Affaires municipales pourra toujours répondre à votre interrogation lors de sa réplique. Ça vous convient, Mme la députée?

Mme Delisle: Ça me convient, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, on vous entend.

Mme Delisle: M. le Président, c'est avec plaisir évidemment que je prends la parole pour intervenir à mon tour comme critique sur le projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et qui modifie aussi d'autres dispositions législatives.

M. le Président, le domaine de la fiscalité municipale est fort complexe, j'en conviens, et je pense que tout le monde va en convenir. Toutefois, ce dernier est essentiel à la vie démocratique dans les municipalités. C'est, entre autres, par le biais de la Loi sur la fiscalité municipale que l'on édicte les obligations financières des contribuables pour le bon déroulement de l'administration municipale. Mais ce n'est pas parce que la fiscalité municipale est importante que l'on doive avoir une loi aussi complexe. Au contraire, celle-ci devrait être plus simple, permettre la consolidation de la solidarité sociale entre nos concitoyens et concitoyennes afin que chacun assume sa juste part du fardeau fiscal. Ce projet de loi ne s'inscrit toutefois pas dans cette perspective. C'est un projet qui est très technique, il comporte 55 articles et modifie quatre lois. Les modifications législatives les plus importantes sont apportées à la Loi sur la fiscalité municipale.

On peut raisonnablement prétendre que ce projet de loi s'inscrit dans les problématiques particulières du traitement des plaintes en matière d'évaluation foncière et du gel des rôles d'évaluation pour la Communauté urbaine de Montréal. Ce gel de l'évaluation foncière se retrouve à l'article 53 du projet de loi. Cette mesure législative est sûrement la plus publicisée de ce projet de loi et, sans l'ombre d'un doute, la plus contestable. Elle prévoit l'habilitation pour la Communauté urbaine de Montréal de décider de la séquence de désynchronisation des rôles d'évaluation en prolongeant d'un an ou de deux ans les rôles triennaux de 1995, 1996 et 1997. Ces rôles pourront donc rester en vigueur jusqu'à la fin de 1999.

Dans le jargon municipal, M. le Président, et je sais que vous allez savoir de quoi je parle, ça s'appelle un gel. Je conviens que la Communauté urbaine de Montréal veuille ajuster les rôles, les désynchroniser, parce que c'est vrai qu'une fois par trois ans, 400 000 unités d'évaluation en même temps, ça peut être problématique au niveau de la lourdeur de la tâche. Je n'ai rien contre la désynchronisation des rôles, je pense que c'est important qu'ils puissent le faire. Ce avec quoi j'ai un problème majeur, et je ne suis pas toute seule et on en fera la démonstration, c'est de geler d'abord le rôle et, ensuite, de le désynchroniser, parce qu'il y a une question d'inéquité absolument inacceptable ici.

(12 h 10)

Je vous ferai remarquer, M. le Président, que cet article, article 53 auquel faisait référence le ministre tout à l'heure, est absolument identique à un point près à l'amendement que le ministre des Affaires municipales avait déposé en juin dernier à l'Assemblée nationale, en papillon, en commission plénière, lors de l'adoption du projet de loi n° 24, qui est la loi qui modifiait la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et d'autres dispositions législatives. Cet amendement avait été rejeté par le président de l'Assemblée. Vous étiez le président, M. le Président, à cette époque-là, et les raions que vous aviez invoquées, entre autres, étaient que cet article ne s'inscrivait pas dans les objectifs prévus par le projet de loi n° 24.

M. le Président, on peut affirmer que le système fiscal est en crise. Nombreux sont les citoyens et les organismes qui ont fait ce constat dans le cadre des consultations qui ont été menées par la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, l'été dernier. À mon humble avis, la problématique du marché au noir en est probablement la plus belle illustration, elle démontre le manque de confiance des Québécois envers l'équité du régime fiscal.

Dans le secteur municipal, il y a une problématique tout à fait particulière. D'abord, les revenus des municipalités proviennent essentiellement de la perception de l'impôt foncier. De plus, la croissance de ces revenus est limitée par la baisse des valeurs dans le secteur immobilier.

L'autre source de financement possible pour les municipalités est la tarification des services. Est-il possible ou justifiable d'accroître la charge fiscale des citoyens en augmentant la taxe sur les services? Les citoyens, vous le savez, M. le Président, n'ont plus la capacité d'assumer une croissance au niveau des taxes.

Toutefois, ce dernier constat n'est pas toujours partagé par le gouvernement, qui décrète, semaine après semaine, de nouvelles taxes pour étouffer les investissements. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à se rappeler la déclaration du vice-premier ministre, ministre des Finances, le 28 novembre dernier, concernant l'abolition du remboursement partiel de la taxe de vente du Québec accordé aux municipalités et la hausse de la taxe sur les produits du tabac.

Cette nouvelle coupure – parce que c'est une coupure – de revenus imposée aux municipalités, elle est de l'ordre de 76 000 000 $. Elle est odieuse puisque ces dernières devront revoir leur budget pour combler le manque à gagner, juste pour la présente année, de 7 000 000 $, et, pour la plupart d'entre elles, devront refaire leurs devoirs pour 1997 afin d'assumer une nouvelle coupure de 76 000 000 $.

À ce titre-là, M. le Président, le ministre des Affaires municipales, ici, la semaine dernière, ou en début de semaine devrais-je dire, nous indiquait que les municipalités ne subiraient pas de conséquences importantes et graves de ces décisions. Bien, qu'on pense à la ville de Québec, dont le budget était déposé lundi dernier. Donc, la ville de Québec avait prévu une baisse de 1 % du compte de taxes, elle devra maintenir, donc geler le compte de taxes, au taux et à la taxation actuels. C'est une augmentation de taxes, M. le Président, parce que les gens savaient et souhaitaient avoir une baisse du compte de taxes: ils n'en auront pas.

Je pense qu'il n'y a que le ministre des Finances et le ministre des Affaires municipales qui ignorent que les budgets municipaux ont pour la plupart été complétés, puisque leur année financière est du 1er janvier au 31 décembre. On fait du rapiéçage, M. le Président. La fiscalité est malade et, quant à moi, elle est en phase terminale.

Il me semble important de faire un retour historique sur les principes directeurs de la réforme sur la fiscalité municipale qui a été effectuée au début des années quatre-vingt. De même, nous pourrions rappeler aux collègues de cette Chambre les principales caractéristiques qui ont guidé l'adoption de la Loi sur la fiscalité municipale, celle qu'on utilise actuellement. Elle a été adoptée le 21 décembre 1979, à la suite de nombreux travaux de comités et de consultations auprès des municipalités.

En prenant connaissance d'un texte écrit par Me Jean Hétu et intitulé «La jungle de la législation municipale», on constate que cette loi a été modifiée par environ 75 lois depuis 1979. Toujours selon le même auteur, la Loi sur la fiscalité municipale est complétée par une trentaine de règlements.

Dans une autre étude, cette fois-ci rédigée par Me Gilles Lareau et ayant pour titre «L'équité et la fiscalité municipale au Québec», publiée dans «Développements récents en droit municipal, 1996», l'auteur indique, et je le cite: «Pour leur part, les contribuables s'indignent du fait qu'ils ont dû composer avec les 152 amendements législatifs apportés à la Loi sur la fiscalité municipale depuis son adoption en 1980, ces amendements ayant été adoptés principalement dans le but de stabiliser – stabiliser, dis-je – l'assiette taxable des municipalités en déterminant une part statique du fardeau fiscal à être assumé par chaque type de contribuable sans référence au marché.» Fin de la citation.

Ces deux études auxquelles j'ai fait référence nous amènent à la conclusion suivante: la Loi sur la fiscalité municipale a été modifiée à de nombreuses et très nombreuses reprises. Chacune de ces modifications visait un objectif particulier, et, malheureusement, on ne peut plus retrouver dans ces modifications les principes directeurs, les principes qui ont dirigé, qui ont motivé le gouvernement à l'époque et les gens qui ont donné leur accord à cette loi. On ne les retrouve plus, ces principes dans cette loi qui a été adoptée à la fin des années soixante-dix.

Une réforme de la fiscalité s'impose, M. le Président. On doit cesser d'amender, année après année, session après session, cette loi qui aujourd'hui mérite d'être complètement refaite. On a des recommandations qui nous viennent de la Commission sur la fiscalité. Il y a un chapitre complet qui a été consacré au financement local, au financement du secteur municipal; le ministre, pour une des rares fois, vient d'y faire référence. Ce rapport-là a été déposé lors du dernier sommet. Mais ayons le courage de nous asseoir. Je sais qu'il y a un comité qui a été formé tout récemment, ayons le courage d'aller au bout. Tout le monde s'entend pour dire que ça prend une réforme de la fiscalité.

Ce qui se passe ici aujourd'hui, avec ce projet de loi là, et je vais y revenir, M. le Président, c'est qu'on amende encore une fois une section de la Loi sur la fiscalité, on modifie de façon importante deux éléments: celui de la mécanique de révision des plaintes et aussi, pour la Communauté urbaine de Montréal, la mécanique d'évaluation – ça va toucher aussi d'autres municipalités, là, d'autres communautés urbaines et MRC – mais on les révise à la pièce.

Encore une fois, plutôt que de dire: Oui ça prend une réforme majeure de la fiscalité municipale et oui on va s'asseoir, on peut attendre, il n'y a pas d'urgence à adopter ce projet de loi là. Il n'y a personne, à l'exception de la Communauté urbaine de Montréal, qui a demandé de façon urgente à ce qu'on dépose ce projet de loi là, qu'on amende encore à la pièce. Et je vous démontrerai, preuve à l'appui, toutes les objections majeures que les unions, que l'Ordre des évaluateurs agréés, les communautés urbaines ont à l'égard de ce projet de loi. Et ce sont des gens qui sont dans le champ, M. le Président. Ce n'est pas des gens qui écrivent des lois assis au ministère des Affaires municipales et qui ne se promènent jamais sur le terrain, qui n'ont jamais à vivre dans le quotidien. Il faut revoir de façon urgente et immédiate la fiscalité municipale.

Parmi les principes qui ont dirigé la réforme, qui ont amené la réforme de 1979, on retrouve un principe qui est absolument important, et ça concerne l'autonomie municipale, l'autonomie de gestion des municipalités. Cependant, le principe de l'autonomie fiscale des municipalités implique aussi certaines caractéristiques fondamentales afin que ce principe soit respecté, à savoir le rendement financier, l'équité du système, la neutralité du régime fiscal et la simplicité administrative. Est-ce qu'il y a quelqu'un, dans ce ministère-là, qui rédige des lois, qui va comprendre – puis, ça, ça touche toutes les autres lois – que ce que les administrateurs veulent, c'est de la simplicité. Ce que les citoyens veulent, c'est de la simplicité et de la souplesse.

Le rendement financier suppose la nécessité pour le système de procurer un rendement suffisant pour permettre aux municipalités de remplir leurs obligations financières. Le Comité Québec-municipalités – c'était un comité conjoint qui avait été chargé, en 1978, de trouver un système fiscal qui soit équitable – a déposé son rapport en décembre 1978, et on peut y lire: «Un système fiscal doit être juste envers ceux qui le supportent. L'équité fiscale oblige à traiter uniformément les contribuables qui se trouvent dans des situations analogues. Ce principe d'équité fiscale peut être envisagé sous deux angles différents: celui de la justice commutative ou du bénéfice reçu et celui de la justice distributive ou de la capacité de payer.» Fin de la citation.

(12 h 20)

Selon le principe de la neutralité fiscale, la fiscalité locale ne devrait pas être utilisée pour favoriser certains contribuables au détriment d'autres catégories de contribuables. Enfin, la simplicité administrative du système fiscal vise à rendre celui-ci plus simple de compréhension et d'application, aussi bien pour l'administrateur – qu'il soit élu, qu'il soit un administrateur public aussi – que pour le contribuable. On ne peut malheureusement dire ce matin devant cette Chambre, M. le Président, que ce principe a été concrétisé dans la Loi sur la fiscalité municipale, puisque de nombreuses modifications législatives, qui ont été apportées à la pièce depuis tellement d'années, n'ont pas permis de respecter les principes directeurs qui ont motivé l'adoption de cette loi en 1979.

La Loi sur la fiscalité municipale prévoit que l'évaluateur doit faire le rôle d'évaluation foncière tous les trois ans et pour les trois exercices financiers municipaux consécutifs. Il est à noter que l'année financière municipale est du 1er janvier au 31 décembre. Selon l'article 42 de la Loi sur la fiscalité, le rôle d'évaluation foncière doit indiquer la valeur de chaque unité d'évaluation sur la base de la valeur réelle de cette unité d'évaluation. La valeur réelle, c'est la valeur marchande. Il est à noter que le règlement sur le rôle d'évaluation foncière précise la forme et le contenu du rôle d'évaluation.

Tel que je l'indiquais, le rôle d'évaluation foncière, il est fait sur la base de la valeur réelle. L'article 43 de la loi indique que la valeur réelle d'une unité d'évaluation est sa valeur d'échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable, le plus près, le plus proche qui puisse être payé lors d'une vente de gré à gré dans les conditions suivantes: premièrement, le vendeur et l'acheteur désirent respectivement vendre et acheter l'unité d'évaluation, mais n'y sont pas obligés; deuxièmement, le vendeur et l'acheteur sont raisonnablement informés de l'état de l'unité d'évaluation, de l'utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier.

Le rôle d'évaluation doit être déposé dans la municipalité, entre le 15 août et le 15 septembre de l'année fiscale, au bureau du greffier ou du secrétaire-trésorier de la municipalité pour laquelle il est fait. Dans les 15 jours du dépôt du rôle, le greffier ou le secrétaire-trésorier, selon le cas, donne avis que le rôle est déposé à son bureau, que toute personne peut en prendre connaissance et que toute plainte doit être déposée, avant le 1er mai de l'année suivante, devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière au moyen d'une formule qui est prescrite par le règlement sur la forme et le contenu minimal de plusieurs documents relatifs à la fiscalité municipale. Le greffier ou le secrétaire-trésorier de la municipalité expédie, avant le 1er mars de chaque année, un avis d'évaluation à chaque personne au nom de laquelle est inscrite au rôle d'évaluation une unité d'évaluation.

Il est possible, M. le Président, de contester l'exactitude de l'évaluation foncière qui est inscrite au rôle de sa municipalité en déposant une plainte auprès du Bureau de révision de l'évaluation foncière. Le délai pour les plaintes est très strict. En effet, toute plainte doit être déposée avant le 1er mai suivant l'entrée en vigueur du rôle, sauf dans certains cas d'exception que l'on retrouve aux articles 131 à 134 de la Loi sur la fiscalité municipale. Le Bureau de révision de l'évaluation foncière exerce un pouvoir quasi judiciaire lorsqu'il entend une plainte déposée par le citoyen. Les pouvoirs quasi judiciaires du Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec, mieux connu sous le nom de BREF, assurent le citoyen que le BREF va respecter les principes de justice naturelle et d'équité, va respecter les règles procédurales ainsi que les garanties offertes par les chartes des droits. Un citoyen, M. le Président, autrement dit, qui est mécontent de la décision du BREF peut en appeler à la Cour du Québec.

Il est bien entendu que j'ai sciemment résumé de façon succincte le fonctionnement de la Loi sur la fiscalité municipale. Mon but, c'était de vous décrire de façon résumée et de façon générale le fonctionnement prévu par la loi de façon à améliorer la compréhension que l'on pourrait avoir des modifications qui sont proposées par le projet de loi n° 67.

Il y a plusieurs modifications dans le projet de loi n° 67, mais je vais m'arrêter à deux modifications qui m'apparaissent très importantes. D'abord, l'article 53, qui permet à la Communauté urbaine de Montréal de décider de la séquence de désynchronisation des rôles en prolongeant – donc en gelant – d'un an ou de deux ans les rôles triennaux de 1995, 1996 et 1997. Les rôles vont donc pouvoir demeurer en vigueur jusqu'à la fin de 1999. Le ministre, tout à l'heure, tout en expliquant les raisons qui justifient de retrouver cet article-là dans le projet de loi, disait que la Communauté urbaine de Montréal avait le choix, pouvait décréter par voie de règlement. On sait que la Communauté urbaine de Montréal cherche, depuis deux ans, à geler son rôle et on sait également, et le ministre le sait – pas question de dire qu'ils peuvent le faire, c'est vrai que, dans la loi, c'est marqué «peut» – que, dès que la loi sera adoptée, la Communauté urbaine de Montréal va geler, pour un an et deux ans, ses rôles et, ensuite, procédera à la désynchronisation de ses rôles.

Le projet de loi aussi instaure une nouvelle procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière. Dorénavant, le citoyen qui veut contester l'évaluation foncière de sa propriété devra présenter une demande de révision qui sera d'abord traitée par l'évaluateur de l'organisme municipal responsable de l'évaluation. Il sera possible pour les parties de conclure des ententes ou des modifications à apporter au rôle d'évaluation et au rôle de valeur locative sans faire intervenir le Bureau de révision de l'évaluation foncière du Québec. Devant l'impossibilité d'une entente sur ces modifications aux rôles, le citoyen pourra donc déposer une plainte devant le Bureau de révision. Il est très important de préciser que le citoyen ne pourra déposer une plainte devant le Bureau de révision s'il n'a pas fait, préalablement au dépôt de sa plainte, une demande de révision auprès de l'organisme responsable de l'évaluation de son unité d'évaluation. Quand on parle d'unité d'évaluation, là, on parle d'une propriété ou d'un immeuble. Je pense que tout le monde s'entend là-dessus. C'est très technique, évidemment.

Traitons d'abord de la question du gel du rôle d'évaluation foncière à la Communauté urbaine de Montréal. Je sais bien que le ministre aime bien parler de désynchronisation, mais je pense qu'il faut être clair, il faut être transparent, il faut appeler un chat un chat, M. le Président. Et je vais tenter de vous l'expliquer dans mes mots. On demande au gouvernement, c'est-à-dire que la Communauté urbaine de Montréal demande au gouvernement de geler pour deux ans les rôles d'évaluation et, ensuite, de procéder à la désynchronisation de ces rôles. M. le Président, ce que ça signifie, c'est que la Communauté urbaine de Montréal va déterminer, par voie de règlement, quelles municipalités verront leur rôle gelé pour un an, lesquelles verront leur rôle gelé pour deux ans et, ensuite, désynchroniseront, tel que l'a expliqué le ministre.

(12 h 30)

Quand vous gelez un rôle pour un an ou deux ans, il est clair que la valeur marchande de votre propriété n'est plus la même aujourd'hui, puisque la valeur marchande sur laquelle s'est fait, ou s'est déposé, ou s'est confectionné le rôle d'évaluation... Parce qu'il faut se rappeler que c'est un rôle de trois ans. Dans le cas qui nous concerne, ça remonte à 1993. Il faut se rappeler également que le rôle de la Communauté urbaine de Montréal qui a été déposé en 1993, bien, ce n'est pas la veille que ce rôle-là a été fermé. Il a été fermé un an avant, au moins un an avant. Ce qui signifie que, dans la région de Montréal – je prends ça au hasard – un bungalow qui vaut 100 000 $, sur papier aujourd'hui, donc évaluation de 100 000 $ lors du dépôt du rôle de 1993, si cette évaluation reflétait la valeur marchande actuelle – on sait qu'à Montréal, comme un peu partout ailleurs, les valeurs ont chuté – donc, votre maison, votre bungalow de 100 000 $, il est très juste de dire qu'aujourd'hui il vaut probablement 90 000 $. Vous payez les taxes sur 100 000 $. Vous vendez votre maison 90 000 $. Celui qui l'achète la paie 90 000 $ mais paie aussi des taxes, va continuer de payer des taxes sur 100 000 $ pendant un an ou deux ans, si votre rôle est gelé, va même payer la taxe de bienvenue, la fameuse taxe... je n'ai jamais compris pourquoi elle s'appelait «bienvenue», mais c'est une taxe de mutation. Alors, cette taxe-là, vous allez la payer aussi, si vous êtes l'acheteur, sur une valeur de 100 000 $, alors que vous ne l'avez payée que 90 000 $.

Il y a plusieurs éléments qui motivent la demande de la Communauté urbaine de Montréal. Dans une entrevue qu'accordait au journal Les Affaires , le 23 novembre dernier, le vice-président du comité exécutif et responsable des finances de la ville de Montréal, M. Sammy Forcillo indiquait, et je le cite: «En gelant le rôle pour deux autres années, il n'y aurait pas de nouvelles contestations, ce qui permettrait au service d'évaluation de passer au travers de celles qui restent.» Toujours dans la même entrevue, M. Forcillo déclarait que, depuis 10 ans, la ville avait dû verser 450 000 000 $ en remboursements, incluant les intérêts, ce qui représente 45 000 000 $ par année. C'est énorme! C'est beaucoup d'argent, j'en conviens. Et c'est un problème majeur pour la Communauté urbaine, mais aussi pour les villes qui la composent, puisque ces montants d'argent là font en sorte que les municipalités voient une diminution importante de leurs revenus. C'est la ville qui doit rembourser ces montants-là, parce qu'il y a un jugement qui a été fait en faveur... qui a été rendu, devrais-je dire, en faveur du plaignant, le plaignant ayant contesté l'évaluation municipale qui était faite par l'évaluateur de la ville.

La présidente de la Communauté urbaine de Montréal, Mme Danyluk, que je respecte beaucoup, que je connais depuis des années et avec qui j'ai travaillé lorsque j'étais à la Fédération canadienne des municipalités, indiquait au cours de la même entrevue que la Communauté urbaine de Montréal favorisait la désynchronisation afin d'éviter un transfert du fardeau fiscal vers le résidentiel. Bon. Là, on va expliquer ce que ça veut dire.

Sur l'île de Montréal, l'évaluation foncière, l'évaluation des propriétés a chuté de façon magistrale. Le résidentiel, un peu moins – puis je dirais pas mal moins, là, pour être juste – que le commercial et l'industriel. On parle d'une moyenne, au niveau résidentiel, de l'ordre de 10 %, 10 % à 12 %, 15 %; au commercial, d'une moyenne de 30 %. Donc, il y a des propriétaires fonciers commerciaux et immobiliers qui ont vu leurs propriétés chuter. Si on dit une moyenne de 30 %, ça peut être 45 %, hein. Il y en a peut-être que c'est 25 %, mais il y en a d'autres que c'est 45 %. Donc, je pense qu'on ne peut pas ignorer ce problème qui est majeur pour Montréal, parce que Montréal ayant les problèmes qu'on connaît au niveau de son économie, on ne peut pas rester insensible à ça. Et ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys aura l'occasion, M. le Président, de vous en faire part tout à l'heure.

Mais ça ne justifie pas – c'est une question de principe, M. le Président – ça ne justifie pas que, parce qu'il y a une chute au niveau de l'immobilier à Montréal, on doive faire une brèche énorme au niveau de l'équité fiscale. On ne peut pas geler un rôle sous prétexte qu'on veut avoir les mêmes revenus, sous prétexte que ça va permettre, parce qu'il y a trop de contestations, sous prétexte, donc, que ça va permettre d'alléger le nombre de plaintes – on appelle ça le «backlog», là; il doit y avoir un meilleur mot que celui-là, j'en conviens. On ne peut pas faire ça. Avec tout le respect que je dois à ceux qu'on a rencontrés de la Communauté urbaine de Montréal – et je sais que mes collègues du côté ministériel ont eu aussi les représentations de ces gens-là – la mesure, telle que souhaitée par Mme Danyluk, ne peut pas être transitoire non plus. Elle ne peut pas être ad hoc et ponctuelle. On ne peut pas, parce qu'il y a un problème dans une région, y mettre un petit pansement ou un gros diachylon et dire: On va le régler, sans réaliser qu'on ouvre une brèche et que, en amendant ces lois-là, ça affecte toutes les autres règles d'équité envers les citoyens.

Alors, M. le Président, j'ai illustré il y a quelques minutes ce que signifiait le gel du rôle. J'ai aussi dit que j'étais d'accord avec la désynchronisation. Donc, la Communauté urbaine pourrait, je pense, entre autres, si vraiment les arguments étaient assez valables pour nous convaincre, la Communauté urbaine, dis-je bien, si elle souhaitait vraiment et uniquement la désynchronisation, pourrait faire ce que je vais vous proposer. Je n'ai pas de tableau, je n'ai pas de crayon, mais essayez de vous imaginer un petit graphique où on divise les 29 municipalités de l'île de Montréal ou de la Communauté urbaine de Montréal en trois. On en prend un tiers qui verraient leur rôle confectionné en 1997 pour 1998, le rôle de 1998 confectionné pour un an, et, dans un an, on referait le rôle triennal. On prendrait l'autre tiers, on confectionnerait dès maintenant, là, un rôle de deux ans, et ensuite on referait un rôle de trois ans, ce qui vient évidemment permettre la désynchronisation. Et l'autre tiers, ce sera la décision de la Communauté urbaine de Montréal, un rôle confectionné pour trois ans, et ensuite un autre trois ans. Ça, c'est de la désynchronisation.

Mais on ne peut pas accepter de geler le rôle pour deux ans et ensuite de désynchroniser. C'est carrément injuste pour les propriétaires. Tout le principe d'équité souhaité par la réforme de 1979 est remis en cause. En effet, le citoyen auquel on refuse le droit de contester, son évaluation est faite sur la base de la valeur réelle, la valeur marchande. Le citoyen devra donc assumer une charge fiscale sur un immeuble qui a été évalué, comme je l'ai dit tout à l'heure, en 1993 et dont la valeur, pour chacun de ces secteurs, a été diminuée.

M. le Président, M. Forcillo a fait référence – et je l'ai mentionné tout à l'heure – aux 450 000 000 $ de remboursements. Mais, 450 000 000 $ de remboursements, c'est parce que le citoyen, corporatif ou résidentiel, a réussi à se retrouver devant le BREF, a obtenu un jugement qui dit: Vous avez raison, monsieur ou madame, la valeur sur laquelle on vous a taxé n'est pas la valeur réelle et n'est pas la valeur marchande. La ville va donc devoir vous rembourser, pour x années, le trop-perçu des taxes. C'est sûr que ça cause un préjudice aux municipalités. C'est sûr que ça fait des trous dans les budgets. Mais qu'est-ce qu'on fait du citoyen, ici, celui à qui on a demandé de payer en trop sur une valeur qui n'était pas la bonne valeur? Moi, je ne porterai pas de jugement, M. le Président, sur le Service d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal. Ça ne me regarde même pas. Mais je dirais quand même que si on a réussi à perdre, sur des jugements qui ont été rendus, 450 000 000 $ qui ont dû être remboursés aux citoyens plaignants, c'est parce que la valeur réelle n'était pas représentée. Il faut donc, je pense, s'asseoir et regarder comment on fait l'évaluation. Et, s'il faut ajouter des effectifs, ils en ajouteront. Mais je ne rentrerai pas dans la petite cuisine et l'organisation de la Communauté urbaine de Montréal, pas plus que je ne le ferais pour une autre organisation. Alors, je pense qu'on a bien compris toute la mécanique de représentation et de plainte devant le Bureau de révision.

(12 h 40)

Je ne peux que réitérer ce fameux principe de la transparence du régime fiscal. On ne peut accepter de faire supporter aux citoyens, par une valeur artificielle de leur unité d'évaluation, des taxes qu'ils n'ont pas d'affaire à payer.

La Communauté urbaine de Montréal aussi invoque que si le gouvernement du Québec lui accorde ce qu'elle demande elle gèlera pour trois ans ses quotes-parts. C'est sa gestion interne. Je n'ai pas d'affaire à dire si c'est une bonne idée ou pas. Sauf que si on commence à dire qu'une condition présuppose qu'on va faire autre chose, si on décide de geler les quotes-parts, ce qui signifierait, à toutes fins pratiques, une espèce de gel de taxes – ça peut présupposer ça – bien là, on a un problème parce que, là, on est rendus qu'on joue dans la mécanique de la taxation. Et là où je veux en venir, c'est que ça fait des années que le monde municipal – moi, je vais parler du monde que je connais – demande une réforme de la fiscalité.

Tantôt, si ça vous a paru long, ma démonstration d'où on était parti pour voter cette loi-là, c'est que je voulais vraiment démontrer qu'il y avait eu des efforts de faits en concertation avec le milieu pour s'assurer qu'on ait une fiscalité qui soit juste et équitable, qu'on ait une évaluation foncière qui soit juste et équitable, puisque c'est de ça qu'on parle. Il y a eu, au fil des ans, tellement d'amendements apportés qu'on ne s'y retrouve plus.

Le gouvernement précédent, comme le gouvernement actuel, tous les gouvernements qui se sont succédé ont voulu, au fil des ans, répondre aux demandes de tout le monde. Ça va mal dans tel domaine, amendons la loi; ça va mal dans un autre domaine, amendons la loi. Et ainsi de suite pendant des années. Mais, aujourd'hui, on se ramasse avec une loi qui est tellement compliquée, je vous dirais même qui n'a plus sa raison d'être, parce qu'elle ne reflète aucunement ce qui était à la base de cette loi lorsqu'on l'a votée, en 1979.

Quand on pense qu'on dit – et là je le dis de façon plus large – aux citoyens: Vous pouvez jouer avec le taux de taxation, on peut geler les quotes-parts, on peut monter le taux de taxes, on peut le baisser... C'est vrai que les municipalités n'ont pas beaucoup de choix. Si l'évaluation baisse, c'est clair qu'il y a moins de revenus. Ça ne prend pas la tête à Papineau, comme on dit, pour comprendre ça! Mais le gouvernement a donné depuis plusieurs années des outils aux municipalités pour compenser ça. Mais là on est rendu avec tellement d'outils, puis les gens sont tellement choqués puis enragés qu'on ne sait plus quel outil utiliser. Et les citoyens sont tellement taxés de la part des gouvernements supérieurs – moi, je parle des citoyens contribuables municipaux, mais c'est les mêmes contribuables qui paient – que là ça n'a plus de bon sens.

Alors, quand le ministre nous dit que, oui, il va y avoir des conséquences, que, oui, il faut amender, que, oui, il faut revoir, bien, moi, je lui dis: C'est quoi l'urgence d'adopter ce projet de loi là? C'est quoi l'urgence d'adopter l'article 53? S'il était sincère, M. le Président, le ministre, et s'il y avait vraiment une volonté au sein de son ministère – et je ne vise pas ici seulement le ministre, j'en vise d'autres – de vraiment aller sur le terrain, de réviser la fiscalité municipale, d'accorder un suivi et une attention particulière au rapport D'Amours, le rapport sur la fiscalité, et toutes les recommandations qui ont été faites, on pourrait reporter d'une session ou deux l'adoption de ce projet de loi là.

C'est vrai que ça ne règle pas le problème de la Communauté urbaine de Montréal, mais le «patchage», le rapiéçage, ça n'a jamais rien réglé. Vous avez été maire, M. le Président, vous savez de quoi je parle. Quand on voulait sauver de l'argent pour l'amélioration d'une route, on mettait un petit bout de pavage puis on espérait que ça tienne jusqu'au printemps suivant. Au printemps suivant, on s'apercevait que ça n'avait pas tenu. On faisait ça pendant deux, trois ans pour sauver de l'argent. C'étaient des économies de bouts de chandelles, puis, finalement, on était obligé de refaire la rue. C'est un peu ce que je veux illustrer. On en est rendu aujourd'hui à ne plus être capable de gérer correctement, avec des outils simples, peu complexes et souples.

Et ça a des conséquences sur les investissements. Je l'ai dit tout à l'heure. Si on a une fiscalité qui ne veut plus rien dire et qui est tellement compliquée que, à chaque fois qu'il y a un investisseur qui veut venir dans nos villes, dans nos communautés urbaines, investir, il ne s'y retrouve pas – là, je ne vous parle pas de la souveraineté, je vous parle du concret – bien, ces gens-là ne viennent pas, c'est trop compliqué.

C'est vrai que Montréal a un problème criant. On m'a fait la démonstration hier – je n'ai pas le temps de toute vous la faire – par la biais d'un tableau, des différences énormes entre ce que coûtent au pied carré des espaces locatifs de bureaux à Montréal, à Longueuil, à Laval. Moi, si j'avais à investir, je vous dis bien honnêtement qu'à 8 $ du pied carré à Montréal, alors que je peux avoir la même chose dans des édifices peut-être plus neufs à Laval ou à Longueuil, bien, moi, je ferais comme les gens puis je m'en irais là. Mais ça n'aide pas Montréal, ça n'aide pas son économie, puis ce que je suis en train de vous dire là, ça ne règle pas le problème de la Communauté urbaine de Montréal.

Si je prends beaucoup de temps pour parler de ce problème-là, de cette réalité-là, c'est que cet article-là a des conséquences drastiques, a des conséquences majeures autant pour le citoyen corporatif que pour le citoyen payeur de taxes, c'est-à-dire le citoyen corporatif que le citoyen résidentiel.

M. le Président, on a constaté évidemment qu'il y avait des augmentations majeures, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, au niveau de la taxation; on constate aussi qu'il y a une baisse importante au niveau des évaluations. Mais, moi, je demande au gouvernement, puis je me fais la porte-parole de tous ceux qui s'objectent à cet article-là... Je pense à l'Ordre des évaluateurs agréés, qui nous dit que ça n'a pas de bon sens, qui demande à être rencontré par le ministre à la commission parlementaire afin qu'il puisse faire part de sa vive inquiétude à l'égard de certains éléments qui sont contenus dans le projet de loi. L'UMQ, qui n'est pas en désaccord avec l'ensemble du projet de loi, l'UMQ qui, sur un article et ses amendements plus spécifiques, dit: On était d'accord avec l'article, ou ce qui motivait certains amendements à l'article 42, mais dans le cadre où il y aurait une réforme de la fiscalité municipale.

Prendre les recommandations du rapport D'Amours et les planter dans un projet de loi municipal parce que ça fait notre affaire de le voir là, le mettre dans un projet de loi qui touche l'éducation parce que ça fait notre affaire là, ce n'est pas procéder à une réforme fiscale. Il ne s'agit pas ici de prendre chaque élément et de le faire à la pièce. Il s'agit de rassembler tout le monde.

C'est votre gouvernement, alors, moi, je vais rendre à César ce qui lui revient. C'est votre propre gouvernement, M. le Président, en 1979, qui a procédé à cette réforme sur la fiscalité municipale, qui était une bonne réforme, tout le monde en convient. Pourquoi on ne peut pas refaire ça aujourd'hui? On a l'impression que le contexte des finances publiques occupe tellement de place... Puis c'est vrai que c'est important d'assainir nos finances publiques, je n'ai rien contre ça, au contraire. Mais il ne faudrait pas que ça devienne tellement gros qu'on oublie de regarder comment le gouvernement peut changer, améliorer et revoir sa loi sur la fiscalité municipale.

Il y a la Communauté urbaine de Montréal, évidemment, qui était d'accord avec l'article 53. Il y a l'Ordre des évaluateurs agréés qui est contre. L'Union des municipalités du Québec est contre. On peut également parler de l'Institut de développement urbain, qui est contre. Ce sont des gens qui travaillent sur le terrain.

(12 h 50)

Je suis toujours fascinée – et je sais que je le dis à chaque fois que je me lève, mais peut-être qu'ils vont finir par comprendre – de voir comment les légistes peuvent pondre des politiques, pondre des lois sans jamais aller sur le terrain. Comment est-ce qu'on peut décider de réformer toute la mécanique de révision d'évaluation foncière sans jamais être sorti de son bureau, sans jamais avoir consulté personne?

M. le Président, tout à l'heure, on a fait référence justement à la mécanique qui était changée. Moi, je veux bien qu'on rapproche ce service-là du citoyen, je suis d'accord avec ça. Puis je vous dirais même que, quand j'ai lu le projet de loi – rapidement, là – je trouvais que ce n'était pas une mauvaise idée de dire aux citoyens: Écoutez, au lieu d'aller devant un tribunal quasi judiciaire, vous pouvez d'abord vous rendre à l'organisme municipal, à la municipalité ou à la communauté urbaine qui s'occupe de votre évaluation foncière, puis vous pouvez peut-être aller traiter avec eux.

Sauf que, quand on se met à regarder ça, on s'aperçoit que la porte est ouverte, largement ouverte, puis qu'on va peut-être avoir un petit problème. J'ai parlé avec la Communauté urbaine de Montréal, avec la Communauté urbaine de l'Outaouais, qui, elles, nous disent qu'elles donnaient ce service-là occasionnellement, quand un citoyen souhaitait avoir des explications sur son rôle.

Mais là, on va l'institutionnaliser. Là, on va obliger tous les citoyens à une première démarche auprès de leur municipalité. Parce que le citoyen va appeler à la municipalité pour savoir quoi faire pour contester son évaluation. Là, on va l'envoyer soit chez l'évaluateur, s'il y a une firme d'évaluateurs d'engagée pour la municipalité, ou à la Communauté urbaine, une des trois communautés urbaines qui sont chargées, dans ce cas-ci, pour les municipalités, de confectionner le rôle. Mais là on procède à une révision complète de l'évaluation foncière.

Et là, M. le Président, je ne veux pas voir des poux où il n'y en a pas, mais il me semble que ça va être facile de s'asseoir automatiquement avec son évaluateur puis de lui expliquer pourquoi on pense que, dans notre coin, la maison ne vaut pas tant, pourquoi elle vaudrait plus, pourquoi elle vaudrait moins, parce que, il ne faut pas l'oublier, là elles valent moins, nos maisons valent moins parce que le contexte n'est pas très, très extraordinaire, mais il y a eu des moments, dans les années quatre-vingt, où nos maisons, on aurait bien voulu qu'elles valent plus cher, parce qu'on voulait les vendre plus cher. Évidemment, on payait peut-être des taxes en conséquence pour ça, mais il y a aussi eu ce moment, en 1980, cette étape où on aurait pu aussi contester parce qu'on trouvait que notre maison ne valait pas assez cher, parce qu'on avait l'intention de la vendre.

Alors, à ma grande surprise, moi qui pensais que c'était une bonne idée, je m'aperçois que les communautés urbaines non seulement sont contre, mais sont férocement contre, parce qu'elles voient dans cette modification importante une façon pour le gouvernement de se débarrasser de ses responsabilités, de se délester de ses responsabilités et de faire des municipalités et des communautés urbaines des perceptrices de taxes, et c'est exactement ce que la Communauté urbaine nous dit.

La Communauté urbaine de Québec a regardé le projet de loi, l'a étudié en profondeur et a envoyé une résolution au ministre. Je vous épargne la série d'«attendu que», M. le Président, parce que c'est assez long, mais je vais vous faire part des demandes de la Communauté urbaine de Québec au ministre des Affaires municipales, ses demandes de modifications: «...afin de retirer la procédure de révision des plaintes telle que proposée et de conserver la procédure actuelle, d'introduire dans la loi et non par règlement les principes et méthodologie d'évaluation propres à mieux baliser l'établissement de la valeur pour fins de taxation municipale des immeubles à vocation unique et d'introduire dans la loi des mécanismes propres à éliminer des déplacements fiscaux entre les catégories d'immeubles occasionnés par le dépôt des rôles d'évaluation.»

M. le Président, une des recommandations du rapport D'Amours était de revenir aux rôles annuels, parce que les rôles annuels permettaient vraiment d'y trouver la valeur marchande. On est retourné dans le temps puis on s'est demandé pourquoi, à l'époque, le ministre des Affaires municipales, en 1989 et surtout en 1992, avait permis la confection des rôles triennaux, et c'était pour s'apercevoir finalement qu'il y avait des plus petites municipalités – et c'était largement répandu, cette façon de faire – qui ne faisaient pas, ne révisaient pas annuellement les rôles ou les faisaient à peu près. Pour toutes sortes de raisons et de bonne foi, on a imposé une façon de faire pour l'ensemble de la province pour essayer de corriger cette situation-là, et on a sans doute causé préjudice à la Communauté urbaine de Montréal qui s'est vue prise avec un problème majeur.

Je demande aujourd'hui au ministre des Affaires municipales de reconsidérer son projet de loi, de le retirer, de s'asseoir avec les intervenants du milieu, d'élargir son comité de suivi s'il le faut afin d'y inclure des évaluateurs, des gens qui connaissent toute cette problématique-là, la problématique d'évaluation. Ces gens-là sont sur le terrain. Je lui demande de retirer ce projet de loi là. Il n'y a aucune urgence. D'ailleurs, M. le Président, je vous dirais bien honnêtement que je ne comprends pas pourquoi on retrouve – à part l'article 53, parce que ça fait longtemps que c'est demandé – l'ensemble des autres articles. Personne n'a demandé ça. Il doit y avoir quelqu'un au ministère qui a décidé que ça prenait un projet de loi, ils l'ont pondu. Il y a d'ailleurs des correctifs qui vont devoir y être apportés parce que ce n'est pas clair.

Pourquoi ne remet-on pas d'un an ou de six mois? On devrait tenir compte des recommandations du rapport D'Amours et dire à la Communauté urbaine de Montréal: Écoutez, là, on va vous trouver une solution – parce qu'il va falloir leur trouver peut-être une petite solution temporaire – mais pas une solution qui va être discriminatoire à l'égard de l'ensemble des citoyens de Montréal, mais aussi de l'ensemble de la province. Le ministre pourrait nous revenir avec une proposition d'amendement ou de révision complète de la loi. On lui offre toute notre collaboration. On connaît des gens qui sont prêts à s'asseoir avec lui, des gens qui sont neutres, ni d'un bord ni de l'autre. Ils sont du bord de l'équité fiscale, de la révision de la fiscalité municipale.

Alors, M. le Président, en terminant, j'aimerais réitérer que, pour toutes les raisons que j'ai énumérées, on ne peut pas être pour ce projet de loi là. On est contre, on est férocement opposé à l'adoption de ce projet de loi là parce qu'il ouvre une brèche majeure à la transparence et à l'équité. Et je suis surprise que le ministre des Affaires municipales – et je le dis comme je le pense – se fasse complice de cette façon de faire, lui qui dit toujours qu'il est important de s'asseoir avec ses partenaires. Bien, moi, je pense que, s'il croit vraiment qu'il doit s'asseoir avec ses partenaires, il doit aussi les entendre puis il doit aussi faire l'effort, avec les gens de son ministère, ceux qui ne sortent jamais, qui ne savent pas ce que c'est que d'aller devant un bureau de révision, qui ne savent pas ce que c'est que d'évaluer une unité d'évaluation... C'est bien beau d'écrire des principes, puis des projets de loi, puis des articles de loi, mais si vous n'êtes jamais allé dans la rue, on a un problème majeur. Je ne demande pas au ministre d'aller dans la rue; il y a des gens qui sont payés pour ça. Puis peut-être qu'on ne se retrouverait pas avec le projet de loi qu'on a actuellement, on se retrouverait avec autre chose.

Alors, M. le Président, on est contre. J'espère que le ministre acquiescera à notre demande... D'ailleurs, c'était son voeu, là – je vais laisser à César ce qui lui revient – d'entendre des groupes qui pourraient nous sensibiliser aux raisons qui les motivent à être contre, et je l'assure de ma collaboration dans ce dossier-là. Je pense que c'est un dossier majeur. On doit tenir compte des recommandations du rapport D'Amours, mais on ne doit pas, à la petite semaine, prendre, goutte par goutte, un élément du rapport D'Amours puis l'appliquer ici et l'appliquer là, pensant qu'on a appliqué, à la grandeur de notre législation, de notre fiscalité municipale, des correctifs majeurs. Ce n'est pas ça qu'on fait actuellement. On les insère dans un projet de loi, sans tenir compte des conséquences que ces modifications-là ont sur l'ensemble de la loi et sur l'ensemble de la fiscalité municipale. Je vous remercie, M. le Président.

(13 heures)

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Jean-Talon. Alors, comme nous arrivons à 13 heures, nous allons suspendre nos travaux à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions le débat sur l'article 9 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 61 de notre feuilleton.


Motions du gouvernement


Reprise du débat sur la motion de clôture des travaux de la commission chargée de l'étude détaillée du projet de loi n° 130

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 61, l'Assemblée reprend le débat ajourné le 4 décembre 1996 sur la motion proposée par M. le leader du gouvernement conformément aux dispositions de l'article 251 du règlement. Cette motion se lit comme suit:

«Que la commission des institutions à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative, mette fin à ses travaux quant à ce mandat dès l'adoption de la présente motion et fasse rapport au moment prévu de la période des affaires courantes de la séance qui suit celle au cours de laquelle aura été adoptée la présente motion.»

Alors, nous nous sommes entendus sur les temps de parole et tout. Il reste des interventions de 10 minutes. Je vais céder la parole à M. le député de Robert-Baldwin. M. le député.


M. Pierre Marsan

M. Marsan: M. le Président, je vous remercie. Je trouve que c'est vraiment dommage qu'on soit de nouveau réunis pour parler d'un autre bâillon. Je suis un jeune député, et, depuis deux ans à cette Assemblée, tout ce qu'on entend lorsque le gouvernement veut passer un projet de loi, c'est le bâillon, le bâillon, le bâillon. Par expérience et comme critique de la santé, nous avons eu trois projets de loi importants; toujours le bâillon – vous vous souvenez, vous étiez avec nous: la loi n° 83, qui était celle de la fermeture des hôpitaux, la loi n° 116, qui est devenue un véritable monument bureaucratique aux régies régionales, et aussi la loi n° 33 sur l'assurance-médicaments. Je vous rappelle qu'elle avait été approuvée en pleine nuit à 5 heures du matin et qu'à minuit, cette même nuit là, on avait déposé 120 pages d'amendements.

Nous voilà de nouveau réunis autour d'un projet de loi, le projet de loi n° 130, et même situation. On dirait un gouvernement en fin d'exercice plutôt qu'un gouvernement après deux ans de pouvoir. Et l'autre point que je constate, comme nouveau député, c'est le silence de la députation ministérielle. On les entend peu ou pas parler. Les gens, maintenant, la population doit manifester dans les rues, puisqu'elle n'est pas bien représentée à cette Assemblée.

M. le Président, lorsqu'on présente un projet aussi important que le projet de loi n° 130, il y a un avis qui demeure primordial, et c'est l'avis du bâtonnier du Québec. Je me permets de prendre quelques instants pour vous lire une courte lettre qui résume vraiment la position du bâtonnier du Québec, qui est un peu le gardien moral de nos institutions.

Alors, ça s'adresse au premier ministre: «C'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative. Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions.» C'est le bâtonnier du Québec qui dit ça. «En l'absence de consensus des milieux intéressés sur les éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme.»

On nous impose le bâillon aujourd'hui. Où est l'urgence d'adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130? Je poursuis plus loin, M. le Président, la lettre du bâtonnier: «En conséquence, nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130.»

M. le Président, c'est le bâtonnier du Québec qui dit au ministre de la Justice, qui dit au gouvernement: Écoutez, prenez le temps. Ça fait plus d'un an que ce projet de loi là est déposé. Comment ça se fait qu'on est obligé d'imposer un bâillon aujourd'hui? On aurait pu siéger à plusieurs moments. Il y a toutes sortes de sommets, depuis le début de l'année, qui nous ont empêchés de siéger.

M. le Président, je pense que la situation devient de plus en plus problématique. Je me permets de souligner au ministre responsable de ce projet quelques avis, lorsqu'on regarde les journaux. Eh bien, je constate à peu près les mêmes commentaires dans le secteur de la justice que dans le domaine de la santé: «Le pouvoir discrétionnaire de nomination des ministres suscite toujours la grogne». «Des juges vulnérables». «Une réforme qui suscite des interrogations». «Les faiblesses d'une certaine justice». «Pas de justice à rabais». «Favoritisme et arbitraire minent la crédibilité des tribunaux administratifs».

«Projet de loi contesté par la Cour du Québec». Ça, c'est assez rare, M. le Président. La Cour du Québec, par la voix du juge en chef Louis-Charles Fournier, conteste vivement la partie du projet de loi n° 130 sur la réforme de la justice administrative qui prévoit l'abolition pure et simple de la plupart des appels qu'elle entend en matière administrative et la suppression de son rôle de première instance en expropriation.

(15 h 10)

Mais qu'est-ce qui arrive, là? Habituellement, le parti au pouvoir a sûrement recours à des avocats chevronnés. Comment ça se fait qu'aujourd'hui on n'est pas capable d'écouter ce que les experts dans le domaine de la justice ont à dire au gouvernement? Est-ce que c'est parce qu'on manque d'avocats au niveau du gouvernement? On peut se poser des questions.

Je rappelle que ce projet a été déposé il y a plus d'un an, en décembre, un an jour pour jour ou presque. Pourquoi, encore une fois, un bâillon à ce moment-ci? Il y a eu une étude détaillée en commission parlementaire. Je pense qu'il y a eu près de 50 heures de commission parlementaire. C'est vraiment le même scénario que ce que nous avons connu avec l'assurance-médicaments: des gens qui viennent dire des choses au gouvernement, puis un gouvernement qui n'écoute pas, qui ne veut pas entendre ce que les gens ont à dire. Le ministre en est à son deuxième bâillon. Le ministre de la Santé, lui, a eu trois bâillons, il a eu le tour du chapeau. Est-ce que le ministre de la Justice a l'intention ou ambitionne d'avoir le même record que le ministre de la Santé? C'est sûrement une question qu'on peut se poser aujourd'hui.

Je voudrais souligner la collaboration de l'opposition dans ce dossier-là, particulièrement en commission parlementaire où l'opposition a été des plus constructives, où il y a eu des articles qui ont été amendés. Mais l'opposition s'est butée à une obstruction systématique du ministre, qui refuse d'amender les articles 13 et 17. Comment peut-on croire ce gouvernement qui nous avait tant promis? On nous avait fait tellement de belles promesses. On était supposé avoir une autre façon de gouverner, mais cette autre façon, c'est d'être complètement déconnecté de la population. On n'écoute pas ce que les gens ont à nous dire, on n'écoute pas ce que différents corps professionnels ont à nous dire. Dans le domaine de la justice, on n'écoute pas le bâtonnier. C'est important, le bâtonnier du Québec, on ne veut pas l'écouter.

M. le Président, comment se fait-il qu'une cour doit contester un projet de loi? C'est quelque chose qui est assez rare. Vous pouvez sûrement nous en parler plus longuement, vous avez une bonne connaissance de ce qui s'est fait dans le domaine de la justice, vous aussi. Mais comment ça se fait qu'une cour est obligée de prendre les armes, à toutes fins pratiques, pour essayer d'avoir raison ou de faire entendre raison au ministre? Comment se fait-il également que l'ensemble des éditorialistes sont tous défavorables au projet de loi du ministre? Comment ça se fait qu'il y a une grande unanimité dans notre société contre un tel projet de loi? Puis comment ça se fait qu'on veut bâillonner encore une fois les députés?

Être député, M. le Président, surtout dans la députation ministérielle, ça doit être une difficulté extrêmement importante. On oblige les députés à ne pas parler. On ne veut pas que les députés s'expriment sur un projet de loi. Pourquoi est-ce que nous sommes élus? C'est pour représenter nos concitoyens, alors qu'actuellement ce qu'on fait, ce qu'on nous dit, c'est: Vous représentez vos citoyens, mais vous n'avez pas le droit de parler. À combien de bâillons aurons-nous droit encore une fois à cette session intensive qui commence?

Et, malgré le peu d'expérience que certains d'entre nous ont, je crois que c'est vraiment prêcher par le mauvais exemple lorsqu'on impose, à chaque fois qu'on a un projet de loi, je dirais, important... Mais, en pensant à ceci, lorsqu'il y a un projet de loi qui rapporte de l'argent au gouvernement, il est important, puis là on va en mettre des bâillons. Je vous ai parlé de l'assurance-médicaments. C'est pour ça qu'on a mis le bâillon: parce qu'on allait chercher de l'argent dans les poches des patients. Maintenant, on va aller encore une fois à l'encontre de ce que la population pense, de ce que la population souhaite.

Je trouve que c'est dommage, M. le Président, avec une courte expérience en Chambre, d'avoir été bâillonné aussi souvent. Nous avons au moins l'occasion de l'exprimer. Nous ne l'entendons jamais de la part des députés ministériels. Ils semblent facilement s'accommoder de cela. Et je pense de nouveau, M. le Président, et j'ose espérer qu'avec les interventions de mes collègues, eh bien, on pourra convaincre le ministre de la Justice de mettre fin à son bâillon, d'écouter le bâtonnier, d'écouter la population et de surseoir à cette intention dans le plus grand intérêt de la population. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Robert-Baldwin. Je vais maintenant céder la parole à M. le député... J'en vois deux debout, là. Est-ce que... Je ne sais pas lequel va... M. le député d'Orford, d'abord? Très bien. Alors, M. le député d'Orford, je vous cède la parole.


M. Robert Benoit

M. Benoit: Oui, M. le Président, merci de me reconnaître. C'est un jour sombre pour la démocratie. Je vois dans les estrades, ici, un bon nombre d'étudiants qui nous écoutent et qui, sûrement, comme bien d'autres qui nous regardent à la télévision en ce moment, étudient ce qu'est la démocratie. Et on sait tous... Et particulièrement ces jeunes qui sont dans les balustrades, qui nous regardent en ce moment, ils savent comment est fragile la démocratie.

Je veux rappeler à ces gens qui sont ici, avec nous, en ce moment certaines données fondamentales de la démocratie. Une des premières libertés fondamentales de la démocratie, c'est celle de se réunir. Ces jeunes qui sont ensemble en ce moment ont le droit de se réunir. Ils ont le droit – je ne sais pas si leurs enseignants sont d'accord, mais... – de contester. Ils ont le droit d'écrire des pétitions, de nous les faire parvenir à l'Assemblée nationale. Ça fait partie intrinsèquement de la liberté, de la démocratie. Ils ont le droit d'écrire des lettres dans les journaux, des lettres ouvertes dans les journaux et de faire connaître leurs propos.

Ils ont le droit d'élire et, dans le cas du Québec, à tous les cinq ans, la tradition voulant qu'à peu près à tous les quatre ans il y ait une élection. Et, en élisant des gens, on espère que ces gens-là vont nous représenter à l'Assemblée nationale. Et la démocratie veut qu'à chaque élection une partie des élus seront du gouvernement et une partie d'autres élus seront dans l'opposition. Bien sûr que l'ouvrage de l'opposition, c'est de faire valoir les points faibles d'un projet de loi: ce qui a été sous-estimé, ce qu'on a mal regardé, les gens qu'on a mal écoutés dans la société.

Alors, aujourd'hui, on est devant une situation... C'est un jour malheureux pour la démocratie parce qu'au-delà de toutes ces libertés que nous donne la démocratie une des libertés fondamentales est bâillonnée. On défend maintenant à l'opposition de pouvoir parler, et on l'obligera même à voter, à un moment donné, dans un délai précis. Ces jeunes qui sont avec nous aujourd'hui, qui sont après faire leurs premières expériences en démocratie – j'imagine qu'ils ont élu dans leur classe un président ou une présidente de collège, de classe – eh bien, eux, ils ont cette permission de s'exprimer, probablement, que, nous, on veut nous enlever en ce moment.

Et, pour eux, je vais lire ce que le dictionnaire «Robert» dit sur le mot «bâillon»: «Morceau d'étoffe, qu'on met entre les mâchoires ou contre la bouche [...] pour l'empêcher de parler.» «Bâillonnement: Action de bâillonner, de mettre un bâillon. Suppression – ceux qui parlent en même temps que moi seraient mieux d'écouter, M. le Président – de la liberté d'expression. Le bâillonnement de la presse, de l'opposition, par les pouvoirs publics.» «Bâillonner», maintenant, le dictionnaire dit: «Empêcher la liberté d'expression, réduire au silence.» C'est Victor Hugo, d'ailleurs, qui disait: «L'art n'a que faire des lisières, des menottes, des bâillons.» Je pense qu'on pourrait dire: La démocratie n'a que faire des lisières, des menottes et des bâillons, comme l'a si bien dit Victor Hugo.

C'est un jour sombre, où on enlève à des gens qui ont été élus démocratiquement, devant des jeunes qui nous écoutent ici aujourd'hui... Je dois dire: C'est une heure malheureuse pour la démocratie.

Vous savez, on ne nous enlève pas le droit de parole sur rien, M. le Président. On n'est pas après parler de la politique des terrains de jeux au Québec ou de la couleur de la margarine. Si c'était ça puis que le gouvernement en avait plein le casque, il pourrait toujours imposer un bâillon. Ou encore, si c'était sur la couleur des lignes sur l'autoroute ou si c'était sur une politique occulte qui finalement n'aurait pas de grandes conséquences dans le vécu des citoyens à tous les jours... Mais non, on est après bâillonner l'opposition sur un des aspects les plus importants de la démocratie, celui de la justice.

Ces jeunes qui nous écoutent, qui sont ici, dans cette Assemblée, aujourd'hui – et je les félicite de venir voir ce qui se passe dans le Parlement – peut-être qu'ils peuvent penser pour un instant que l'opposition s'est trop opposée. Ça peut arriver, en démocratie. Eh bien, ici, ce n'est pas le cas. Sur un projet de loi de 188 articles, l'opposition avait collaboré avec le gouvernement pendant 47 heures, et 78 % de ces articles-là avaient été votés. Donc, il n'y avait qu'un petit bout de chemin à faire, un petit bout de chemin, mais c'est le bout où on demande à ce gouvernement: Ça va coûter combien, ce projet de loi là? On veut avoir un impact, une étude sur l'économie des coûts qui va être faite avec ce projet de loi là. Le ministre n'est pas capable de répondre, et c'est notre job de le pousser dans les câbles, d'insister, de lui faire cracher le morceau pour savoir comment ça va coûter. C'est ça que les citoyens du Québec veulent savoir.

(15 h 20)

Je vous rappellerai que ce même ministre, il en est à son deuxième bâillon. Deuxième bâillon, ministre de la Justice. On n'est pas après discuter de la couleur de la margarine, ici; on est après parler d'une structure qui sera plus importante que tous les tribunaux municipaux ensemble et peut-être, à ce qu'ont dit les experts, possiblement plus importante que le tribunal du Québec. Cette superstructure est considérée par les experts comme étant plus importante que les cours municipales, voire même que la Cour du Québec. Et on veut passer ça, on veut regrouper, de mémoire, 47 tribunaux de tout acabit, on veut les regrouper dans un seul.

Et là l'opposition, qui a fait 78 % du bout de chemin, se fait maintenant bâillonner. On lui défend d'aller plus loin. On va l'obliger à voter. On l'empêche de parler, M. le Président. Libertés fondamentales, les plus fondamentales des démocraties: celle de se réunir, celle de manifester, celle d'écrire des pétitions, celle de faire partie d'un syndicat, celle d'écrire des lettres ouvertes dans les journaux, celle d'élire des politiciens qui, eux, devront défendre votre point de vue. Mais la façon d'empêcher ces gens-là de parler, c'est de les bâillonner, et c'est ça qu'on est après faire ici aujourd'hui, M. le Président, et encore une fois sur un des aspects les plus importants de la démocratie, celui de la justice.

Combien de fois avons-nous eu à expliquer à nos citoyens – je le dis à ces jeunes qui nous écoutent en ce moment – qu'au-delà de la démocratie administrative de ces bons fonctionnaires, de ces bons politiciens, au-dessus de nous, il y a quelque chose de plus important, de plus obligatoire? C'est la justice, M. le Président. Et je dis toujours à ces jeunes, quand on jase sur ces aspects-là, comment le président américain, quand il a été obligé de démissionner, c'est un juge qui l'a obligé; comment Jean Charest, quand il a parlé à un juge, a été obligé de démissionner dans les minutes qui ont suivi; comment nous, comme politiciens, on n'a pas le droit de s'adresser à la justice, jamais, jamais. Et combien de fois on est demandé pour aller intervenir dans ces tribunaux administratifs et on doit refuser?

Et là, alors qu'on est après statuer sur ces tribunaux administratifs, sur le regroupement qui va faire une superstructure au Québec, on bâillonne. On bâillonne non seulement le député d'Orford, non seulement on bâillonne le Parlement, mais on bâillonne les citoyens libres et réfléchis du Québec. On bâillonne les citoyens du comté d'Orford qui m'ont élu pour que je pose des questions avec nos confrères et consoeurs ici, à l'Assemblée nationale. C'est ça, le drame de ce qu'on est après faire ici, à l'Assemblée nationale.

Et ce n'est pas notre problème à nous, de l'opposition, si le ministre n'est pas capable de gérer ses dossiers adéquatement, d'amener ces dossiers-là dans un entonnoir pour les faire voter comme un bon ministre fort, convaincu de son affaire. Ce n'est pas des farces, M. le Président, le Barreau du Québec... Moi, je ne m'y connais pas, je ne suis pas un avocat, mais je vous dirai que j'ai appris, depuis sept ans ici, à l'Assemblée nationale, que, quand le Barreau écrit en commission parlementaire, s'il y a un groupe qu'on doit écouter, c'est bien celui-là, parce qu'il représente dans mon livre à moi à peu près ce qu'il y a de plus démocratique et de plus noble. Alors, on a une lettre ici, signée par le bâtonnier du Québec, M. Claude Masse, qui nous dit: Attention, vous n'avez pas le droit de faire ça. Ce n'est pas correct, ça va contre toutes les règles d'éthique en démocratie.

Alors, je finis en disant à ces jeunes qui sont les témoins d'un jour sombre en démocratie... Et c'est malheureux. C'est malheureux. Triste journée pour la démocratie. Triste journée non seulement parce qu'on nous bâillonne, mais parce qu'il y a des manifestants aussi dehors, M. le Président. Pas parce qu'ils manifestent, mais ce qu'ils disent au gouvernement, c'est: Vous ne nous écoutez pas. Et ce n'est pas les moindres manifestants aujourd'hui, ce sont des maires et des mairesses qui représentent au fond même des citoyens, la démocratie la plus profonde, qui sont devant le parlement au moment où on se parle et qui manifestent avec la présidente de l'UMRCQ en tête. Les avocats sur un bord, les maires sur l'autre côté: tout le monde est bâillonné au Québec. Ce n'est pas exactement rose, ce qui se passe, et on doit le déplorer comme membres de l'opposition. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député d'Orford. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que je suis malheureux que nous soyons réunis ici aujourd'hui. Malheureux parce qu'on nous a enlevé notre droit de nous exprimer librement et ouvertement conformément aux règles et procédures de cette Assemblée nationale du Québec. Malheureux aussi parce que le gouvernement séparatiste du Parti québécois a suspendu nos règles de démocratie. Malheureux parce que le gouvernement séparatiste du Parti québécois a imposé le bâillon à la commission parlementaire étudiant le projet de loi n° 130, qui s'appelle Loi sur la justice administrative.

Mr. Speaker, why has closure been imposed by the PQ Government with respect to Bill 130? The answer is that the PQ Government wishes to quietly place all their friends in positions of authority in this province, this being to the detriment and prejudice of all Quebeckers. Let us remember that, soon after the separatist PQ Government was elected, the minister of Justice, in order to gain favor with the vice-premier, named the latter's wife as a judge in the criminal and appeal division of the Court of Québec, notwithstanding that this lady never practiced law in a law office and had never pleaded a case before any court of law. This trend continued when the minister named his personal friend Louis-Charles Fournier as the chief judge of the Court of Québec. Another friend of the separatists in a high position.

M. le Président, le gouvernement du Parti québécois a continué d'annoncer des nominations à des positions de haut calibre qui sont plus que questionnables. Questionnables en ce qui a trait à la compétence, aux qualifications, au code d'éthique et aux valeurs morales de ces personnes. Pensons seulement à la nomination au poste de sous-ministre associé aux affaires criminelles et pénales de Me Mario Bilodeau. Encore une fois, les Québécoises et les Québécois ont été horrifiés d'apprendre que celui qui décide d'intenter ou non des poursuites criminelles au Québec, et ce, tant à l'égard des motards que d'autres, n'est nul autre que l'ex-avocat des Hell's Angels. Et maintenant l'histoire se répète encore et encore avec la nomination au poste de juge de la Cour du Québec de Richard Therrien, ex-felquiste et ami des péquistes.

Mr. Speaker, the sham continues with the appointment to a high-ranking position by the PQ Government of someone linked to the terrorist Front de Libération du Québec, Gaëtan Desrosiers, now an assistant deputy minister responsible for economic development in the city of Montréal. Mr. Speaker, the present assistant deputy minister was the man who delivered a bomb to a factory in the city of Montréal, resulting in a bombing which killed a 64-year-old woman and injured several other employees. Mr. Speaker, another separatist in a high ranking position here, in the Government of Québec.

M. le Président, cette suite interminable de nominations en pente, de favoritisme, patronage, utilisation d'influences a continué avec la nomination, par le ministre de la Justice, des présidents des comités de discipline des ordres professionnels. Il est important, en ce triste moment, que nous nous penchions sérieusement sur la compétence du ministre de la Justice à nommer les présidents des comités de discipline des ordres professionnels.

Mr. Speaker, I ask you to examine the list of appointments of persons appointed by the minister as presidents of various disciplinary committees, and you will note that almost each and everyone of them have one common qualification: they are friends of the separatist regime. One of them, as a matter of fact, is a brother of a PQ MNA sitting in this House.

(15 h 30)

Dans la situation économique difficile que nous connaissons actuellement, avec un taux inquiétant et... de chômage créé par les politiques du gouvernement péquiste, épouses, frères et amis du régime au pouvoir ont tous des emplois garantis, alors que les Québécoises et les Québécois moyens vivent dans l'insécurité, ne sachant pas si demain ils auront un emploi. Je ne vous fais pas part de mes inquiétudes sur les nominations faites par le gouvernement seulement pour des raisons partisanes. Vous devez comprendre que la décision du gouvernement séparatiste du Parti québécois de nous imposer le bâillon justement alors que nous allions discuter de ce sujet en commission parlementaire m'apparaît plutôt curieuse et n'est pas seulement accidentelle.

M. le Président, au moins deux députés péquistes de cette Assemblée devraient, s'ils ont le courage de leurs convictions, voter contre cette motion de clôture du gouvernement péquiste. Je vous demande votre attention pour écouter quelques citations, et je vous cite. «Dois-je vous rappeler à vous, M. le Président, dont la fonction justement est de sauvegarder, de préserver les droits de l'opposition, que, dans un vrai Parlement, il existe une opposition et ce qu'on appelle les droits de l'opposition. Là où ça n'existe pas, ça cesse d'être un vrai Parlement et ça cesse d'être une vraie démocratie.» La citation continue, et je cite: «Sinon, on est un régime autoritaire et un régime totalitaire, mais non pas un régime démocratique.» Je viens de vous citer les mots du député de Lac-Saint-Jean prononcés dans cette Assemblée le 22 juin 1992.

Permettez-moi de citer cette autre citation en référence à cette motion de clôture, et je vous cite: «C'est la négation même de ce qu'est un Parlement que d'agir de la sorte.» Fin de citation. M. le Président, cette fois je cite les mots du député de Joliette dans cette même Assemblée, le 22 juin 1992.

Mr. Speaker, this closure prevents the Opposition from exercising its parliamentary function for which we were all elected to do and therefore preventing us to help create legislation which will be a benefit to all Quebeckers. The separatist PQ Government with this closure brings dishonor upon the National Assembly and I call upon all people of Québec to join me in condemning injustice, intolerance, nepotism, patronage and bad government.

M. Bélanger: M. le Président.

M. Bergman: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Ah! M. le Président, puisque le supplice vient de se terminer, ça va.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, simplement, j'aimerais peut-être apporter une précision, parce qu'on a fait appel aux responsabilités du président dans ces débats. Tout ce que je dois dire, c'est que le président, tout ce qu'il peut faire, c'est de faire respecter les droits de l'opposition dans le cadre des règlements, et ce n'est pas le président qui établit le règlement, c'est l'Assemblée nationale. S'il y avait des choses dans le règlement qui n'allaient pas pour certains, il faudrait soulever la question quand on réformera le règlement. Vous savez que, dans le règlement, on prévoit la motion de clôture, et, quand le gouvernement, qui a, de par règlement, le pouvoir de présenter cette motion... on prévoit aussi des temps de parole avant d'en disposer, et là l'opposition a, si vous voulez, tout le temps de parole – interventions de 10 minutes par membre de l'Assemblée. Alors, c'est les règles que l'Assemblée s'est données et c'est dans le cadre de ces règles que, moi, j'ai à faire respecter les droits de l'opposition ainsi que les droits de tous les membres de cette Assemblée. Alors, je veux faire seulement cette mise au point pour ceux qui n'étaient pas trop au courant, peut-être, de cet aspect du règlement et de la fonction du président, aussi.

M. Bélanger: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vais céder la parole au prochain intervenant, M. le député de Richmond.


M. Yvon Vallières

M Vallières: Merci, M. le Président, et merci de votre éclairage, parce que c'est intéressant pour les nouveaux en cette Chambre de comprendre le rôle respectif de ceux qui ici ont à intervenir.

Nous avons devant nous un projet de loi dénommé le «projet de loi n° 130, Loi sur la justice administrative», qui vient de faire l'objet d'un bâillon en commission parlementaire de la part du gouvernement. J'ajouterai ma voix à celle des autres qui m'ont précédé pour dire qu'il s'agit d'un triste moment en démocratie, car un des fondements de notre institution parlementaire, c'est le droit de parole.

Et qu'il me soit permis, M. le Président, de vous prédire qu'il y en aura d'autres au cours de la présente session. J'arrive d'une manifestation à l'extérieur et j'ai à peu près l'assurance que, dans quelque temps, pour récupérer des sommes de l'ordre de 50 000 000 $ – on vient modifier la Loi de police – très probablement, nous connaîtrons le même sort que sur le projet de loi n° 130, c'est-à-dire que, malgré notre volonté de l'améliorer, le gouvernement agira par la voie d'une clôture, nous empêchant carrément de nous exprimer dans toute la mesure de notre capacité pour bonifier les projets de loi que nous avons devant nous. Ce geste-là m'apparaît hautement condamnable, car c'est justement en commission parlementaire que s'effectue le travail le plus important et le plus efficace, je dirais, de notre Assemblée législative.

Alors, c'est principalement grâce à ce mécanisme que nous, députés, pouvons participer à l'exercice de la fonction législative. On nous empêche donc de faire notre travail de législateur, dans tout les sens du terme. C'est précisément à ce moment, lors de l'étude d'un projet de loi article par article en commission parlementaire, que nous pouvons contribuer à le bonifier, à enlever les irritants, à faire part des préoccupations de nos commettants, de nos électeurs, les citoyens et les citoyennes du Québec qui souvent, au premier plan, seront affectés par la législation. Par l'application des lois, les contribuables que nous représentons sont affectés. Alors, inutile de vous dire que notre premier devoir de législateur, c'est de prendre cet intérêt en compte et de le faire valoir par tous les moyens dont nous disposons, dont celui de l'étude article par article des projets de loi en commission parlementaire. Et, avec la motion de clôture que nous avons, c'est bien évident qu'on nous empêche, comme opposition officielle, de le faire. Le gouvernement, en nous bâillonnant, nous prive de cet exercice, de notre devoir, je dirais plus, de notre responsabilité de parler au nom des électeurs que nous représentons.

Par ce geste irresponsable, il nous dénie ce droit des plus légitimes qui nous appartient comme législateur de veiller à ce qu'un projet de loi, avant d'être adopté, soit le meilleur possible. Ce bâillon du gouvernement est d'autant plus inexcusable dans le projet de loi qui nous préoccupe, soit le projet de loi n° 130. Ce projet de loi est éminemment complexe – pour l'avoir regardé – et également périlleux, car il vise à réformer notre justice administrative, il s'attaque à un large pan de notre système de justice. Et la notion de bien commun d'intérêt public devrait guider notre esprit lors de l'étude de ce projet de loi, ce qui est loin d'être la préoccupation du gouvernement, qui nous impose le bâillon.

Derrière la notion de l'intérêt public se cache la personne humaine. Il ne faut pas perdre de vue que notre État moderne est au service de la personne humaine. C'est la raison d'être de notre État et de son droit également. Il faut donc prendre le maximum de précautions pour que soit protégée la personne humaine vivant dans notre société. Nous sommes dans un État de droit, est-ce qu'il faut le rappeler? Or, la «rule of law» ou la règle du droit qui nous gouverne signifie que les libertés aussi bien individuelles que collectives sont protégées par le droit. Elle signifie une société où le pouvoir s'exerce conformément au droit et non sous le signe de l'arbitraire. Or, ce projet de loi suscite beaucoup d'interrogations et de controverses. Il est dommage que nous devions l'adopter à la vapeur, à la hâte, sans tenir compte des opinions qui ont été émises et qui pourraient l'être aussi tout au long de l'exercice de l'analyse de ce projet de loi article par article.

Tout d'abord, il faut se rappeler que ce qui caractérise les tribunaux administratifs, c'est l'attribution d'un pouvoir de décision affectant les droits ou intérêts des administrés suivant un processus communément appelé quasi judiciaire. Le processus quasi judiciaire permet de grandes garanties d'objectivité, et cela revêt une certaine importance, pour ne pas dire une importance certaine, lorsqu'un organisme doit apprécier les exigences de l'intérêt public ou de ce qui est juste et raisonnable. Quelle place accorde-t-on au quasi-judiciaire dans le projet de loi n° 130, puisqu'il parle uniquement de fonctions administratives et de fonctions juridictionnelles?

(15 h 40)

Une autre constatation relativement à ce projet de loi, et elle est faite par un réputé professeur de l'Université McGill, M. Roderick Macdonald: il dit de cette loi que ce n'est qu'une loi de contentieux, qui ne s'intéresse qu'à la procédure. Quand on sait que la procédure doit être la servante du droit et non sa maîtresse, cela augure mal pour le citoyen qui aura à affronter le Tribunal administratif du Québec. Aura-t-il la garantie que ses droits seront véritablement protégés? Permettez-moi d'en douter. Et, même si je ne suis pas un spécialiste dans ce domaine, je pense que le gros bon sens saute aux yeux dans ce cas-ci. Il aurait mieux valu, selon toujours le professeur Macdonald, d'améliorer le décideur plutôt que la procédure pour ainsi s'assurer que les décisions initiales soient de la meilleure qualité, plutôt que de tenter de remédier aux mauvaises décisions par le biais du Tribunal que nous voulons créer.

Autre irritant du projet de loi n° 130: il prévoit que les décisions rendues par le Tribunal administratif du Québec sont sans appel, et conséquemment toutes les décisions rendues par l'instance administrative incluse dans le Tribunal administratif du Québec. Les voies de recours offertes aux citoyens se trouveront ainsi considérablement limitées. L'existence d'un droit d'appel fait partie de notre justice administrative, et il n'y a, mais alors, aucun motif valable pour interdire ou entraver le droit d'appel en matière de justice administrative. On s'explique d'autant plus mal cette décision du gouvernement d'abolir le droit d'appel que, à la page 13 du programme du Parti québécois, on y retrouvait la promesse de voir à ce que les règles de procédure permettent un appel des décisions rendues par ces organismes ou personnes devant la Cour du Québec. Mais, si j'ai bien compris l'essence du projet de loi qu'il y a devant nous, c'est le contraire qu'on va faire.

Peut-être tantôt, quand les ministériels, les gens de l'autre côté de la Chambre prendront la parole, qu'on pourra nous expliquer comment on doit interpréter ce geste du gouvernement qui va, mais alors, complètement à l'encontre – c'est la négation – de ce qu'on retrouve dans le programme électoral du Parti québécois, qui a été élu en demandant, en s'inscrivant auprès de la population avec des promesses puis des engagements de ce genre. Alors, est-ce que ça ferait à nouveau partie du double langage que tient ce gouvernement dans à peu près tous les secteurs de l'activité gouvernementale? Serait-ce à dire qu'une fois de plus le gouvernement renie son programme, le programme qui a servi à le faire élire, et que c'est encore là la démonstration de ce que nous appelons gentiment, poliment, respectueusement le «double langage du gouvernement»? Et vous savez, M. le Président, jusqu'à quel point le dictionnaire pourrait nous être utile pour le qualifier de toutes sortes d'autres façons. Je me limiterai ici aujourd'hui à vous indiquer qu'il s'agit là véritablement d'un double langage. Il n'y a pas de meilleure démonstration qui puisse en être faite en cette Chambre.

Donc, si le projet de loi demeurait inchangé – une minute seulement, vous m'indiquez – un citoyen qui se voit lésé dans ses droits n'aurait d'autre recours que celui offert par le Tribunal administratif du Québec. Il sera face à des juges non impartiaux et non indépendants du Tribunal administratif du Québec, car la loi n° 130 renvoie en effet à des critères subjectifs dans le cadre du renouvellement des mandats des juges administratifs. Mes collègues en ont déjà largement parlé.

Et vous me permettrez, puisque le temps file, de conclure, puisqu'il me reste quelque 30 secondes. On peut donc se rendre compte qu'il reste beaucoup à faire pour améliorer et bonifier ce projet de loi là. C'est justement à cela que sert ou que servirait la commission parlementaire. Je disais au début combien était importante la justice administrative dans notre société. Pour nous donner une idée de son importance, ce type de justice, la quarantaine de tribunaux administratifs du Québec ont tranché, en 1993, 250 000 litiges, tandis que les tribunaux judiciaires ont rendu 5 670 verdicts. L'impact de leurs décisions sur le citoyen et sur l'État est donc considérable.

Je m'explique mal comment le ministre peut mettre le bâillon – oui, en terminant – sur les travaux de la commission, lorsqu'on connaît l'importance de la justice administrative et qu'on voit l'excellent travail qui a été fait en commission. Où est l'urgence d'adopter en vitesse ce projet de loi, allant même jusqu'à nous priver de nous exprimer comme parlementaires pour en forcer l'adoption avant la période des Fêtes? D'autres, M. le Président, me suivront. J'espère qu'ils seront convaincants afin que le gouvernement change son option face à la conduite de nos travaux, pour permettre que cette Assemblée soit suffisamment éclairée pour adopter des projets de loi qui ressemblent à ce que veut l'immense majorité de la population au Québec.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Richmond. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de l'Acadie. M. le député.


M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Alors, M. le Président, ce n'est pas aujourd'hui de gaieté de coeur que j'interviens à ce moment-ci à l'égard de la motion que nous a déposée le gouvernement, qui essentiellement est une motion de bâillon qui oblige la commission des institutions à cesser ses travaux. On arrête la discussion, et le gouvernement va procéder à l'adoption, va forcer l'adoption du projet de loi concernant la mise en place d'une réforme des tribunaux administratifs du Québec. Alors, c'est la négation même de ce que doit être un Parlement, où on doit discuter, discourir, émettre des idées, les confronter et tenter de sortir en bout de ligne avec un projet de loi amélioré, un projet de loi qui cherche d'abord et avant tout à répondre aux besoins de la population. C'est notre rôle, c'est notre responsabilité. Alors, c'est avec déception, et je suis certain que le Barreau du Québec, aujourd'hui, est extrêmement déçu aussi, lui qui a, tout au long des longues heures de discussion qu'on a pu avoir, tenté d'apporter et de contribuer également, à partir de son expertise, à l'amélioration du projet de loi. C'était un projet de loi qui avait deux irritants majeurs, que nous, l'opposition officielle, avons tenté de corriger; le Barreau, également, a tenté d'éclairer le ministre. Mais on doit constater que, si on parle des 130 heures de discussions que nous avons eues en commission parlementaire, le gouvernement peut l'interpréter en disant que l'opposition a fait de l'obstruction. Mais, moi, ce qui m'inquiète le plus, ce n'est pas qu'on a fait de l'obstruction. On n'a pas fait d'obstruction, on a fait une critique serrée du projet de loi, on a proposé un nombre incroyable d'amendements visant à améliorer le projet de loi. Tous ces amendements-là ont été défaits, et ce qu'il reste en bout de ligne – je pense que c'est ça qui est plutôt décevant – c'est qu'on avait en face de nous un ministre qui, après 130 heures de discussions, n'a pas changé un élément des irritants majeurs qui existaient au départ. C'est ça qui est décevant et c'est ça qui est incroyable, de constater qu'un ministre aurait dû faire preuve d'une certaine ouverture, aurait dû mettre d'abord de l'avant, en priorité, les intérêts des citoyens, mais a tout simplement mis en priorité la volonté du gouvernement de passer par-dessus tout le monde, peu importe les moyens, et d'imposer sa volonté, et ce, en dépit des représentations très qualifiées que nous a faites, par exemple, le Barreau.

Et je veux tout simplement, M. le Président, référer à une lettre, ici, qui a été envoyée au premier ministre le 4 décembre par le Barreau du Québec, où on nous dit, et je cite: «Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative, qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions. Nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme.» C'est clair, et ça, c'est ce qu'on obtient comme réaction de la part du Barreau, de la part des experts, après 130 heures de travail où rien n'a été réglé. Essentiellement, il y avait deux irritants majeurs, et je vais y faire référence rapidement parce que, évidemment, le temps est très court. Premièrement, on enlève aux citoyens des droits d'appel à l'égard de décisions que pourrait prendre un tribunal administratif. Ça existait avant; avant ça, le citoyen avait la possibilité d'aller en appel à la Cour du Québec sur une décision qui avait été rendue par un tribunal administratif quelconque. Et le Tribunal administratif, je pense que les citoyens doivent être conscients de ce que ça veut dire: c'est un tribunal qui va rendre des décisions finales, sans appel, dans des questions relatives à la sécurité du revenu et des allocations familiales; dans le domaine de la protection des personnes atteintes de maladie mentale; dans le domaine des services de santé et des services sociaux; dans le domaine des régimes de rentes, dans le domaine des indemnisations, dans le domaine de l'immigration. Alors, on voit que ce tribunal-là va avoir une juridiction très large, très étendue qui va affecter de façon très importante nos concitoyens, et on leur nie un droit d'appel que ces gens-là avaient avant. Et le ministre veut tenter de nous faire croire ou tenter de faire croire à la population qu'il améliore l'accessibilité des citoyens à la justice, quand on nie un droit aussi fondamental que le droit à l'appel.

(15 h 50)

Ça existe dans toutes les sociétés, un droit d'appel. Ça veut dire que la décision qui sera rendue, que les gens se soient trompés dans les faits ou dans l'interprétation des faits, c'est final et sans appel. Il y a un appel possible – M. le Président, pour faire une nuance – à la Cour supérieure. Qui peut se permettre d'entamer des procédures aussi complexes et aussi coûteuses pour faire corriger des torts qu'il pourrait avoir eus suite à certaines décisions?

Le deuxième élément, c'est l'indépendance des personnes qui vont être membres de ce tribunal administratif et qui auront à rendre des décisions. Ça a été unanime, ça a été reconnu par à peu près tous les intervenants qui sont venus, de dire que la façon dont on envisage la nomination et le renouvellement de ces gens-là, c'est une façon essentiellement qui va permettre la partisanerie politique. Et, encore là, étant donné l'importance du genre de décisions qui sont rendues là-dedans, on doit faire en sorte que les membres du Tribunal administratif soient totalement indépendants, ne soient pas insécures et soient capables de rendre des décisions sans crainte des représailles du gouvernement, si le gouvernement n'est pas d'accord avec leurs décisions. Et ça, M. le Président, c'est malheureusement le cas...

On a eu le cas, il y a quelque temps, à la CALP, pour deux commissaires qui avaient fait durant plusieurs années – je crois que c'est cinq ou huit ans – un travail impeccable, reconnu par des évaluations régulières, des évaluations très positives. Ces gens-là n'ont pas été renouvelés parce qu'on a voulu, au niveau du gouvernement, mettre en place des amis du régime. Et c'est ça qui va se produire de la façon telle que le projet de loi est décrit actuellement. Alors, l'indépendance, à ce moment-là, est en cause, et c'est toute la qualité et la crédibilité des décisions qui seront rendues par ces juges, par ces commissaires qui pourront être questionnées par la population. C'est certain qu'en procédant de cette façon-là on n'améliore pas la crédibilité à l'égard d'un tribunal qui va être aussi important et qui va affecter de façon très fréquente et même quotidiennement certains de nos concitoyens.

M. le Président, on a en face de nous un ministre qui a écouté les représentations qui lui ont été faites par les intervenants du milieu, par l'opposition, mais qui n'a rien compris. Il y a une différence, vous savez, entre écouter et comprendre. Il a été présent 130 heures, il a écouté, mais il n'a rien compris des représentations puisqu'il n'a fait aucun changement majeur sur les deux irritants dont je vous ai parlé, qui ne sont pas des irritants mineurs: droit d'appel et indépendance des juges. Aucun changement majeur. Le ministre a décidé que c'était lui, la vérité, que le Barreau se trompait, que l'opposition se trompait. Lui, dans sa sagesse, c'est lui qui a la vérité. Alors, vous avouerez, M. le Président, qu'on peut se questionner. Et on peut avoir des doutes, à ce moment-là, sur l'attitude...

Et ça a d'ailleurs été la même attitude que le ministre a adoptée au moment du projet de loi sur l'aide juridique. Vous vous souviendrez, encore là, M. le Président, que c'était un projet de loi fondamental: permettre aux gens les plus démunis de notre société d'avoir accès à l'aide juridique. Le ministre a, encore sur ce projet de loi important, mis le bâillon. Je pense, M. le Président, que c'est une caractéristique. C'est la façon dont le ministre travaille, le ministre de la justice travaille régulièrement. Il a mis un bâillon sur le projet de loi de l'aide juridique parce qu'il ne voulait plus entendre personne autour de lui. Il avait décidé... Et, d'ailleurs, on sait très bien quel était l'objectif ultime. Le vrai objectif de la réforme de l'aide juridique, ce n'était pas une réforme, c'était une économie de 18 000 00 $. C'était une commande qu'il avait eue du ministre des Finances, et il l'a remplie servilement. Il l'a remplie au détriment de l'aide dont les gens les plus démunis dans la société peuvent avoir besoin quand ils ont à faire face à un tribunal ou doivent revendiquer devant la justice certains de leurs droits. Et c'est les gens les plus démunis, M. le Président.

Vous savez, quand on a fait une opération comme celle de l'aide juridique et qu'on économise en bout de ligne 18 000 000 $, on peut prétendre qu'on a élargi l'accessibilité aux personnes, mais il faut dire, en même temps, qu'on a restreint le panier de services qui étaient rendus. Donc, à toutes fins pratiques, une économie de 18 000 000 $ pour le gouvernement, à ce moment-là, c'est 18 000 000 $ en moins au niveau de la justice pour les concitoyens du Québec qui en avaient le plus besoin. Et le ministre, pour faire passer cette réforme-là, a mis le bâillon à ce moment-là, tout comme il le fait aujourd'hui pour la question des tribunaux administratifs, qui ont une importance énorme.

C'est une institution fondamentale dans une société démocratique que de permettre au citoyen d'avoir accès à la justice. Et, dans les cas où il considère en toute conscience qu'il a été lésé, d'avoir la possibilité d'aller en appel. C'est fondamental, M. le Président. On ne joue pas avec de la dentelle, là. C'est du fondamental, et le ministre n'a absolument aucune objection à nier un droit comme celui-là et à procéder comme il le fait en bâillonnant le Barreau, en bâillonnant l'opposition.

M. le Président, vous dites que mon temps est terminé. Je dois vous dire que ce n'est pas une journée glorieuse pour notre Parlement, quand on est en face d'un gouvernement qui agit comme il le fait, bâillonne les discussions, termine les discussions et bafoue les droits individuels des citoyens qui auraient à revendiquer certaines décisions prises par l'État à leur égard. Alors, c'est un jour noir pour notre gouvernement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de l'Acadie. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Papineau. M. le député.


M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Tantôt, en préparant mes notes sur le bâillon, cet après-midi – comment je dirais ça? – j'ai reculé dans le temps, quand on était, nous, au gouvernement. Et je vois des gens qui sont assis en avant de moi qui, quand il y avait un bâillon du gouvernement, déchiraient leur chemise. Ils déchiraient leur chemise puis ils nous disaient: L'armée rouge. Mes collègues vont se rappeler de ça. Le député de Richmond et le député de Laviolette vont sûrement se rappeler de ça, le leader du gouvernement du temps déchirait sa chemise royalement en avant de nous autres: L'armée rouge! C'était comme un péché de faire un bâillon.

Alors, là, je vais vous en donner, un gros péché, moi. Je vais vous lire quelque chose qui a été dit par quelqu'un de vos collègues qui, malheureusement, n'est pas ici cet après-midi, mais qui était le leader du temps, qui disait ceci: «Le leader parlementaire du gouvernement... Et je pense que le leader actuel n'a pas vraiment écouté son collègue qui était le leader du temps, qui disait: «Le leader parlementaire du gouvernement a expliqué ne plus vouloir utiliser le bâillon ou la motion de clôture d'un débat.» M. Guy Chevrette – Ah! Je m'excuse, M. le Président, on a un nouveau règlement; c'est un lapsus, je ne voulais pas mentionner le nom – le leader du temps qui disait: L'armée rouge, vous n'écoutez pas les gens. Vous faites comme toujours. Vous passez vos lois, vous n'en parlez pas à personne, il n'y a pas de commission parlementaire. Et, tout à coup, ces messieurs-là sont rendus de l'autre côté. Ils ont une mémoire très courte. «L'autre façon de gouverner». «Oser», comme on a dit dernièrement.

M. le Président, je pensais qu'il était le temps de rafraîchir la mémoire des gens qui sont de l'autre côté, qui nous accusaient du temps que... On faisait des gros péchés quand on... Mais là il y en a encore un plus gros parce qu'on n'a vraiment pas écouté. On a eu des gens... Et, tantôt, mon collègue de l'Acadie... Et je vais vous lire la lettre intégralement. Il est important de savoir l'opinion des gens qui sont vraiment – comment je vous dirais? – dans le dossier de la loi, dans le projet de loi n° 130, les gens qui étaient affectés par cette loi-là, la loi n° 130 sur la réforme des tribunaux administratifs du Québec. Et la lettre était adressée le 4 décembre 1996 à M. Bouchard, et sûrement – je n'ai pas eu la chance d'écouter les débats avant – que mes collègues l'ont mentionnée régulièrement. Mais je vais vous la lire, la lettre, M. le Président. Je pense que vous devez écouter cette lettre-là qui dit réellement c'est quoi qui se passe avec le projet de loi n° 130, avec le bâillon de la loi n° 130. Ils nous disaient, dans le temps, qu'on n'écoutait pas, l'armée rouge. Alors, l'armée bleue – pour ne pas dire un autre mot, parce qu'on se connaît depuis deux ans puis je ne voudrais pas offusquer ou offenser personne – a fait la même chose avec ce bâillon-là. Je ne déchirerai pas ma chemise, parce que ça ne vaut pas la peine, mais les gens qui nous écoutent vont comprendre pourquoi nous, on dit qu'on ne devrait pas vraiment bâillonner aujourd'hui sur la loi n° 130.

Et le Barreau du Québec, qui, je pense – je me répète, M. le Président – est vraiment, lui, touché par cette loi-là et qui veut se faire entendre... Puis ce n'est pas comme ça que ça se passe.

(16 heures)

«M. le premier ministre, c'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative. Le Barreau juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions.

«En l'absence de consensus du milieu intéressé sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme. Où est l'urgence d'adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130?» Et c'est le Barreau du Québec qui se pose la question.

«En outre, compte tenu des interactions très étroites entre le projet de loi n° 130 et l'avant-projet de loi d'application, il conviendrait d'attendre d'avoir une idée plus précise de la loi d'application avant d'adopter la loi-cadre. En effet, plusieurs dispositions de la loi d'application affecteront et préciseront la portée de nombreuses dispositions du projet de loi n° 130, notamment en ce qui a trait à la juridiction du Tribunal administratif du Québec.

«En conséquence – et c'est toujours le Barreau qui parle – nous prions instamment le gouvernement de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130. Dans l'attente d'une réponse...» M. Claude Massé ou Masse – je pense que c'est Masse – le bâtonnier du Québec.

Le temps d'étude en commission pour le projet de loi n° 130, le temps d'étude et aussi... a été déposé en décembre 1995. Ça fait 12 mois. Il comporte 118 articles. Une consultation générale a eu lieu en mars 1996. Par la suite, l'étude détaillée en commission parlementaire a duré 47 h 37 min. L'opposition officielle a réussi à amender avec succès les articles 1, 4, 5, 6 et 8. Elle s'est, par contre, butée à une obstruction systématique du ministre, qui refusait d'amender les articles 13 et 17. Sur 188 articles, en 47 h 37 min, 146 articles ont été adoptés: 1 à 12, 53 à 188, sauf 121, soit 78 % du projet. Par ailleurs, aucune étude d'impact ni étude d'économie versus le coût n'a été faite. Où est donc l'urgence de forcer l'adoption du projet, qui, grâce à la collaboration de l'opposition, a été adopté à 78 %, M. le Président? 78 % de tous les articles dans cette loi ont été acceptés par l'opposition et par le gouvernement. Ce ministre en est à son deuxième bâillon et semble incapable de mener à terme une réforme sans utiliser cette mesure pour faire taire ses détracteurs.

M. le Président, les enjeux, maintenant. Le projet a pour but de regrouper une quarantaine de tribunaux administratifs au sein d'une nouvelle superstructure, le Tribunal administratif du Québec, dont le siège sera à Québec. Cette superstructure est considérée par les experts comme étant plus importante que les cours municipales, voire même que la Cour du Québec.

Réunis en colloque le 18 octobre dernier, les experts, et non les moindres, le professeur Macdonald, auteur du rapport du même nom, en 1991, sur l'accès à la justice, et le professeur Yves Ouellette, auteur du rapport sur la justice administrative de 1987, ont déclaré que le projet de loi s'attardait davantage aux structures et à la procédure qu'aux besoins des citoyens. Ces experts, le Barreau du Québec de même que plusieurs intervenants, dont le Conseil de la justice administrative, ont mis en relief que le projet de loi ne réussissait pas à répondre adéquatement au seul problème auquel une réforme devait s'attaquer, soit l'indépendance et l'impartialité des membres des tribunaux administratifs.

Principalement, c'est l'article 25 du règlement concernant le processus de renouvellement qui fait problème, en exprimant noir sur blanc que les mandats de cinq ans pourraient ne pas être renouvelés, si, de l'avis du gouvernement, il est opportun de favoriser la nomination de nouveaux membres. Nominations politiques, peut-être? Patronage, peut-être, M. le Président? Non? Vous dites non?

Une voix: Oui.

M. MacMillan: Merci, Mme la députée de Saint-Henri. Alors, vous me faites signe que, malheureusement...

Une voix: Heureusement.

M. MacMillan: Heureusement pour vous, oui. C'est comme la visite hier du ministre de l'Agriculture. Il aurait sûrement aimé mieux être avec nous ici aujourd'hui. C'est plus tranquille. Ha, ha, ha! Vous êtes avec vos partenaires aujourd'hui.

Malheureusement, M. le Président, avec peu de temps, je veux retourner encore une fois au commencement, quand on parlait de l'armée rouge, là. Je vais vous parler de l'armée bleue qui disait, par ailleurs, que le gouvernement limiterait les recours à la suspension des règles et procédures. Puis je vois encore mon ami le député de Joliette déchirer sa chemise en avant de nous. Pas trop haut, pas trop large, mais il sautait par-dessus son banc. C'était vraiment des péchés d'avoir des bâillons, et, depuis deux ans, on a des bâillons à chaque session. Alors, j'espère que ce gouvernement va donner la chance à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Papineau. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Jacques-Cartier. M. le député.


M. Geoffrey Kelley

M. Kelley: Merci beaucoup, M. le Président. À mon tour, j'aimerais me lever dans cette Chambre pour abonder sur un principe, un fait que le gouvernement n'a jamais compris. Et c'est le fait que, des fois, l'opposition a raison. Des fois, les choses que nous avons dites dans les commissions, six mois, 12 mois après, l'histoire nous donne raison. Et je veux mentionner juste rapidement quelques projets de loi que nous avons adoptés par le bâillon depuis le 12 septembre 1994 et ce qui s'est passé après.

On commence avec le projet de loi 40, la Loi électorale, qu'on a passée à toute vapeur: il fallait avoir ça avant Noël, le bâillon et tout ça. Je veux attirer l'attention de l'Assemblée nationale et la vôtre, M. le Président, sur le rapport du Vérificateur général et les choses que l'opposition a faites. Ça va coûter trop cher, ça va être compliqué à gérer, ça va être difficile: nous avons dit tout ça. Alors, le gouvernement a dit: Ah! ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai, on est capable, M. Côté est très efficace, pas de problème. On va aller faire aujourd'hui des dépassements de 60 % dans les coûts. C'était sous-estimer le coût pour implanter tout ça. Nous avons dit tout ça. Le gouvernement a dit: L'opposition n'a pas raison.

Deuxièmement, nous avons voté, nous avons collaboré, ma collègue de Saint-Henri–Sainte-Anne, sur la question des pensions alimentaires. Mais nous avons dit en commission: Peut-être que ce n'est pas une bonne idée de mettre les mauvais payeurs et les bons payeurs ensemble, ça risque de créer des débordements et tout ça. Le gouvernement a dit: Non, non, vous n'avez pas raison; ne vous inquiétez pas, on est capable. On n'a qu'à lire dans Le Soleil de la fin de semaine, toutes les pages, les débordements: il faut attendre trois, quatre, cinq, six mois pour appliquer les jugements. Encore une fois, peut-être que d'être à l'écoute de l'opposition, des fois, ce n'est pas une mauvaise idée.

Je continue. L'aide juridique, qui était le bâillon au printemps, on voit aujourd'hui une grève des avocats. Ça ne marche pas. Les ententes entre le ministre et le monde juridique n'étaient pas respectées. Nous avons soulevé ça en commission parlementaire, mais le gouvernement, qui sait tout – ils sont bons, ils sont fins, ils sont capables de tout faire – n'était pas à l'écoute de l'opposition officielle, et on est dans le trouble aujourd'hui.

Je continue. Nous avons soulevé, avec le projet de loi n° 33, qu'il y avait des problèmes avec la santé mentale, avec la sclérose en plaques, les personnes qui souffrent du sida. Oh! pas de problème. Le ministre à tout faire, le ministre de la Santé et des Services sociaux a dit: On va être capable de tout régler ça. On n'a qu'à lire le Dr Thomas dans les journaux de cette semaine, qui dit: Ça ne marche pas, ça cause des inquiétudes. C'est toutes les questions que l'opposition officielle a soulevées en commission parlementaire, et le gouvernement n'était pas à l'écoute.

(16 h 10)

Je continue. On a été obligé de bâillonner la loi n° 11 sur les garderies au printemps sans même faire une étude détaillée. On a bâillonné ça avant d'envoyer ça en commission. Alors, on n'a même pas dit que l'opposition... qu'il y avait de l'obstruction. On n'a même pas eu l'occasion de regarder le projet de loi parce que la ministre était pressée d'adopter tout ça. Six mois après, elle ne sait pas comment appliquer son projet de loi. Alors, elle va créer un groupe de travail. Formidable!

On a des groupes de travail ici: ça s'appelle les commissions parlementaires. Et, si la commission parlementaire avait eu le temps pour faire son travail, peut-être qu'on ne serait pas dans le trouble avec les garderies. Mais la ministre était trop pressée pour écouter l'opposition officielle, qui, croyez-le ou non, membres du gouvernement, des fois, a des choses intéressantes à dire.

Je continue. La création d'une agence métropolitaine de transport, l'année passée: Il faudrait faire ça à la vapeur, tassez-vous, l'opposition officielle, vous ne comprenez rien. Un an après, on n'est pas encore capable de compléter le conseil d'administration. Peut-être qu'ils ont tout intérêt à nous écouter, des fois, dire que peut-être il y a des choses qui ne marchent pas dans la loi qui a créé l'Agence métropolitaine de transport. Mais, encore une fois, le ministre était pressé.

Autre exemple, maintenant. Il y a des problèmes dans le projet de loi n° 130. Nous avons essayé de faire comprendre au ministre de la Justice que le projet de loi n'est pas prêt, n'est pas mûr. Et nos problèmes étaient – on peut les résumer – les trois A. Le premier A, c'était l'autonomie. On avait craint que, si on ne créait pas assez de marge de manoeuvre ou d'indépendance entre les juges qui seraient nommés au tribunal de la justice administrative et le gouvernement, les juges auraient toujours... le lien pourrait être trop près, il y aurait toujours le problème d'une ingérence du gouvernement sur ces personnes. Et on a dit: Il faut protéger ça. Il y a de la jurisprudence, la Cour suprême qui a dit qu'il faut créer une certaine marge de manoeuvre sur la méthode de traitement, la durée des mandats, sur le fonds de pension, etc. Le ministre ne veut rien savoir. Alors, premier problème, c'est le A, l'autonomie n'est pas assurée dans le projet de loi.

Le deuxième, c'est toute la question de l'arbitraire. Mon deuxième A, c'est l'arbitraire. Nous avons insisté pour que, dans certains cas, dans certains dossiers, il y ait une certaine marge qu'il faudrait créer pour les appels des décisions parce qu'il faut éviter qu'un juge tranche et qu'un citoyen se sente lésé dans ses droits. Alors, nous avons essayé de protéger ce deuxième mode, de protéger le citoyen contre l'arbitraire. Et qu'est-ce que mon collègue le député de Chomedey, entre autres, a essayé de faire comprendre à ce ministre? Qu'il y a toujours, surtout dans l'article 17, une crainte qu'on tombe dans l'arbitraire, et le citoyen va dire: Je n'ai pas eu justice, je n'ai pas eu l'occasion de présenter comme il faut mes doléances quant à une décision prise par l'administration.

Alors, le deuxième, c'était l'arbitraire, le premier A était l'autonomie et le troisième A, les amis. Alors, peut-être que c'est ça qui était derrière tout ça, c'est de trouver un moyen assez rapidement pour créer des nominations politiques. Et nous avons dit: Il faut procéder avec prudence, il faut protéger l'intégrité, le système, comment on va choisir et nommer les juges sur ce tribunal de la justice administrative. Encore une fois, le ministre ne veut rien savoir. Et nous avons toute crainte, de ce côté de la Chambre, quant aux nominations. Il y avait une grande controverse récemment sur plusieurs des nominations qui étaient faites par ce gouvernement, à saveur partisane, des personnes nommées comme juges qui, avec ce qu'elles ont fait dans le passé, ne sont pas, peut-être, les meilleurs choix. Et peut-être que, dans une société, il faut avoir, en nos juges, des hommes et des femmes de qualité. C'est vraiment les personnes qui sont les meilleures. Et il faut voir si quelqu'un qui a eu des démêlés avec un meurtre est une personne apte à siéger sur nos tribunaux administratifs.

Alors, c'est ça, les trois doléances que nous avons essayé de faire comprendre à ce gouvernement, c'est-à-dire les amis, l'autonomie et l'arbitraire. Et, encore une fois, le gouvernement ne veut rien savoir.

Finalement, nous avons soulevé un autre problème, c'était toute la question de l'évaluation foncière dont je sais que la Chambre a été saisie ce matin, aussi, toute la problématique autour des rôles d'évaluation. C'est un domaine fort technique. C'est un domaine où vraiment ça prend une expertise pour être capable de trancher dans les litiges. Et nous avons dit: Déjà, on a un système qui marche assez bien, il y a des délais surtout dans la région de Montréal, mais ça, c'est des délais qui sont faute de personnel plutôt que manque d'expertise. Et, je pense, entre autres dans La Presse , qu'on a parlé longuement de l'expertise du BREF, le Bureau de révision de l'évaluation foncière. Alors, le système est là en place. Alors, on va prendre cette expertise, on va la disperser dans l'ensemble de ce tribunal de la justice administrative. Et nous avons dit que ça pose des problèmes.

In conclusion, Mr. Speaker, as I say, the Government has every interest in sometimes listening to the Opposition, because the Opposition, on a number of bills, has brought forth constructive criticism. We've looked at the problem, we said: This is something that we think can be fixed, can be corrected. Have you thought of this? Have you looked at this? But this Government looks itself in the mirror and says, you know: Who's the prettiest one in... Who's the fairest in the land? and decides that they never make mistakes. So, they say to the Opposition: Get out of the way, you never have any ideas, you're no good. And, as I say, six months later, we open up the newspapers, we open up the report of the Auditor General and the exact things that we predicted in the opposition come to pass. So, it gets a little bit frustrating, and once again a government that doesn't take the time to do a law properly, to draft a bill properly, to take into consideration not just what the opposition is saying, what the Barreau du Québec is saying, what many other groups that came in parliamentary commissions said...

Il y a des problèmes dans tout ça. Il faut corriger ça, il faut prendre le temps de perfectionner notre projet de loi. C'est ça que ce gouvernement ne fait pas. Alors, six mois après, 12 mois après, le gouvernement se trouve dans le trouble parce qu'il n'a pas entendu à la fois l'opposition officielle qui, comme je l'ai dit, des fois, a des choses intelligentes à dire et également le milieu qui souvent est venu ici pour témoigner du fait qu'il y a des failles importantes dans le projet de loi n° 130. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Jacques-Cartier. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne.


Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. D'entrée de jeu, je vous dirais qu'il faut être culotté. Il faut avoir du toupet, je dirais même que ça frise l'indécence – Oui, vous pouvez rire, MM. les députés ministériels et M. le ministre – finalement de bâillonner l'opposition officielle, de bâillonner le Barreau du Québec, qui représente 17 000 avocats et avocates, de bâillonner le Conseil de la justice, de bâillonner l'ensemble des intervenants sur un projet de loi, le projet de loi n° 130, projet de loi qui touche la justice administrative, une pièce législative majeure, considérable quant à la réforme majeure de certaines institutions.

Il faut se poser la question: Qu'est-ce qui pousse le ministre de la Justice à agir de la sorte, à avoir un tel geste cavalier envers l'opposition officielle et envers les partenaires sur le terrain? Après avoir travaillé en commission parlementaire, l'opposition a déposé des amendements qui ont été acceptés par le ministre. Il y a eu tout près de 50 heures de travaux parlementaires. Presque les trois quarts du projet de loi sont présentement adoptés, M. le Président. Sur 188 articles, il y en a 146 qui sont adoptés. Et, tout à coup, le ministre se réveille en commission parlementaire et dépose une motion de clôture. Il retire le droit de parole à l'opposition officielle sur un projet de loi aussi considérable que la réforme de la justice administrative.

M. le Président, il y a trois choses qui motivent le ministre. Premièrement, il veut sabrer dans les services à la population. Il veut couper dans les services à la population parce que, lui, il a eu une commande du président du Conseil du trésor. Comme il a fait avec l'aide juridique: il a pénalisé les citoyens parce qu'il a reçu une commande du Conseil du trésor de couper 18 000 000 $. Là, on vient de lui en donner une autre, commande, au ministre de la Justice. Alors, il a dit: Pour aller récupérer de l'argent, il faut que je sabre dans les services offerts à la population.

Mais, en dessous de tout ça, il y a autre chose. Il s'est laissé la porte toute grande ouverte – parce qu'il faut le dire clairement – au favoritisme, aux nominations partisanes, parce que c'est là qu'est le jeu du ministre. Il veut se laisser de la place pour nommer des gens de son parti à des tribunaux administratifs. C'est pour ça qu'on nous bâillonne, parce qu'il a besoin de faire adopter son projet de loi n° 130 avant la fin de la session du temps des Fêtes. C'est ça, la vérité. Je repose la question aux ministériels, qui doivent parler à leur ministre de la Justice pour qu'il recule sur sa décision de la motion de clôture: Pourquoi agir de la sorte? Pourquoi être si irrespectueux de notre institution parlementaire?

(16 h 20)

M. le Président, il y a une chose qui est vraie, et ça agace le ministre. Je dirais même que ça chicote le ministre. C'est qu'il n'y a pas de consensus autour de sa réforme, parce que les gens ont vu clair dans son jeu. Il n'y a pas de consensus. Le Barreau du Québec l'a dit, cette réforme-là, elle est bâclée, elle est mal faite, elle est précipitée, elle est hâtive. Il faut que le ministre retourne faire ses devoirs.

Pour cette réforme-là, M. le Président, il n'y a pas de consensus. Il y a même des experts reconnus qui le disent. Il y a M. le professeur Macdonald, qui est cet homme qui a écrit le rapport, en 1991, sur l'accès à la justice; il y a aussi le professeur Yves Ouellette, qui, lui, a fait le rapport sur la justice administrative de 1987. Tous les deux ont déclaré que le projet de loi s'attardait davantage aux structures et à la procédure qu'aux besoins des citoyens. Encore une fois, on oublie les citoyens, puis ça, depuis deux ans, là, les gens du Québec commencent à comprendre que, pour le gouvernement du Québec, du Parti québécois, les citoyens, ils sont les derniers dans leurs priorités.

Ces gens-là, ce sont des experts reconnus, puis ils l'ont dit, au ministre, que sa réforme, elle n'est pas bonne. Il y a le Barreau qui le dit. Ils ont même écrit au premier ministre quand ils ont su qu'il y avait une motion de clôture sur le projet de loi n° 130. Ils disent au premier ministre du Québec, parce qu'ils ne veulent plus rien savoir, au Barreau du Québec, du ministre de la Justice – le ministre de la Justice qui fait semblant d'écouter mais qui n'entend rien – que c'est avec stupéfaction qu'ils ont appris qu'il y avait un bâillon sur le projet de loi n° 130. Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative. Ils disent même: En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments fondamentaux de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme.

Mais il faut comprendre aussi pourquoi le ministre nous force à aller de l'avant avec le projet de loi n° 130, un projet de loi si controversé. Il l'a dit dans un huis clos au député de Chomedey, qui est le porte-parole officiel en justice. Qu'est-ce qu'il a dit, le ministre de la Justice? Il a dit qu'il avait besoin de la loi n° 130, parce que, je le cite, «il faut que je mette mes gars en place». C'est ça qu'il a dit, le ministre de la Justice, «il faut que je mette mes gars en place». Et, pour que le ministre de la Justice puisse nommer de façon partisane ses amis à des postes aux tribunaux administratifs, il a besoin d'avoir en main la loi n° 130 adoptée.

Puis savez-vous quoi? Je suis très heureuse que le ministre de la Justice ait dit «il faut que je mette mes gars en place» puis qu'il ait oublié de dire «mes gars et mes filles», parce que c'est exactement le même ministre de la Justice qui pense que les femmes, quand elles sont enceintes, elles ont des drôles d'attitudes, elles sont portées à faire du vol à l'étalage. C'est le même ministre de la Justice qui a dit ça l'année passée, qu'une femme qui est enceinte elle a le goût d'aller voler. Alors, ces propos gratuits et inacceptables – je peux déposer le document, si ça fait l'affaire du leader, s'il ne s'en souvient pas, s'il est tellement fier de son ministre de la Justice envers les femmes – ce genre de préjugé gratuit dans la bouche du ministre de la Justice, c'est inquiétant, c'est inacceptable, et je suis certaine qu'il y a un grand nombre de femmes qui ne sont pas intéressées à avoir une nomination partisane, surtout quand ça vient de la part d'un tel ministre.

M. le Président, il y a une chose qui est claire, c'est qu'actuellement il y a une cinquantaine de membres dans les tribunaux administratifs dont le mandat est terminé, puis ils attendent des renouvellements de mandat. Et il est clair, encore une fois, que le ministre, s'il ne renouvelle pas les mandats, c'est parce qu'il a sa liste à lui, sa longue liste. Il a des noms d'amis avec leur carte de membre qu'il attend pour pouvoir les nommer, puis il a besoin de sa loi n° 130 pour ça. Mais j'espère qu'il réalise une chose, le ministre de la Justice, qu'en nous faisant ce bâillon-là ce n'est pas seulement nous qu'il bâillonne et qu'il fait taire, c'est le Barreau du Québec, c'est ses partenaires, et ça, eux, ils vont s'en souvenir.

Nous, de l'opposition officielle, on est habitués avec ce gouvernement du Parti québécois, le gouvernement des bâillons, le gouvernement du Parti québécois de la guillotine. Une chose est certaine: à tous les jours et de plus en plus, les citoyennes et les citoyens du Québec se rendent compte qu'ils sont la dernière priorité de ce gouvernement.

À chaque fois que le gouvernement a déposé des projets de loi qui avaient des impacts négatifs, qui avaient des conséquences fâcheuses dans la vie de tous les jours des citoyennes et des citoyens du Québec, l'opposition officielle les a décriés, l'opposition officielle a tout mis en oeuvre pour faire reculer le gouvernement, l'opposition officielle a tout fait pour bonifier, améliorer les projets de loi qui avaient des conséquences dramatiques sur la vie de tous les jours des citoyens du Québec.

Je vous rappelle l'assurance-médicaments. Le ministre de la Santé et des Services sociaux, le ministre que, moi, j'appelle «aux lunettes roses» mais dont la sensibilité et la compassion sont figées dans le ciment, en commission parlementaire, pendant des heures, on lui a dit que, s'il allait de l'avant en demandant aux personnes âgées à faibles revenus et aux personnes assistées sociales, aux personnes à l'aide de dernier recours, une contribution financière pour pouvoir se procurer leurs médicaments, ces gens-là auraient deux choix: soit de se priver de médicaments ou de se priver de nourriture. C'est ce qui se passe actuellement. Le ministre de la Santé, qu'est-ce qu'il nous a répondu? Le bâillon. Il nous a fait fermer la boîte et il nous a forcé l'adoption de son projet de loi.

Même chose, M. le Président, en terminant – vous me faites signe que mon temps est terminé – au niveau de l'aide sociale. Seulement cette année, 284 000 000 $ de compressions: 224 000 000 $ plus 60 000 000 $ au niveau de l'assurance-médicaments. On disait à la ministre du temps que, si le gouvernement allait de l'avant avec ces compressions-là pour les plus démunis, il les ferait basculer dans la pauvreté, de la pauvreté à la misère, et c'est ça que le gouvernement a fait. Et là qu'est-ce qu'ils ont fait pour nous faire taire? Ils nous ont mis un bâillon.

En terminant, je dis une chose au ministre de la Justice: S'il ne recule pas, s'il ne retire pas sa motion de bâillon, sa motion de clôture, ça sera lui-même qui se sera collé l'étiquette du ministre de la Justice le plus têtu du Québec et du ministre de la Justice le plus partisan que le Québec ait connu, M. le Président. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Je vais maintenant céder la parole au député de Verdun.

Une voix: Bravo!


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, je suis extrêmement étonné de la motion qui est devant nous. Sérieusement, on est le 5 décembre. On a encore plus de 16 jours jusqu'à l'ajournement du 21 et on est en train de vouloir nous proposer une motion de suspension des règles pour adopter le projet de loi n° 130. Alors, il y a deux éléments que je voudrais débattre avec vous, et vous convaincre de voter contre la motion de suspension des règles. Premièrement, y a-t-il urgence devant nous? Deuxièmement, est-ce que ce projet de loi, par sa nature même, n'est pas un projet de loi qui requiert un consensus minimal dans la population?

Alors, je répondrai: premièrement, il n'y a pas urgence. C'est important de faire la réforme de tout notre mécanisme de ce qu'on appelle les tribunaux administratifs. Dans notre langage, c'est quoi, les tribunaux administratifs? C'est les structures à l'intérieur de l'administration gouvernementale qui peuvent juger en appel lorsqu'un citoyen n'est pas d'accord avec une décision: une personne sur l'aide sociale ou une personne qui a subi un accident du travail ou quelque chose de cette nature-là. C'est réellement des individus. Et ces tribunaux fonctionnent d'une manière... pas exactement comme un tribunal juridique, mais pour en arriver à réévaluer la décision que des fonctionnaires, en général, ont prise. Y a-t-il urgence de procéder aujourd'hui à la réforme des tribunaux administratifs?

(16 h 30)

Très clairement, le 5 décembre, alors qu'il nous reste encore deux semaines de débats avant l'ajournement des Fêtes, si on avait eu un ministre qui était tant soit peu compétent, on ne serait pas obligé de passer aujourd'hui une réforme de ce type-là. Pour le leader, je le répète: Tant soit peu compétent. Merci, et je continue. Parce que le travail d'un ministre de ce gouvernement, le travail de ce ministre qui n'est pas capable de créer un consensus minimal autour d'un projet de loi aussi important... Et je ne nie pas l'importance du projet de loi. C'est un type de travail sur lequel, moi, je suis extrêmement critique, et je suis sûr que beaucoup de parlementaires actuellement ministériels sont aussi critiques que moi sur le travail de ce ministre. Je n'ai pas de commentaires à rajouter de plus là-dessus.

Qu'est-ce qu'il y a dans ce projet de loi comme tel? On parle d'un projet de loi, mais il faut regarder encore ce que ça va changer. Et est-ce que c'est quelque chose qui est important? La réponse: Oui, c'est un projet de loi très important, bien sûr! D'une part, ça va unifier l'ensemble de ce qu'on a appelé – vous avez bien compris – un tribunal administratif. Un tribunal administratif, c'est quelque chose qui est... juger ou renverser des décisions que des fonctionnaires de l'aide sociale, des fonctionnaires de la CSST ont pu prendre. Alors, premièrement, on veut réformer, à l'intérieur de ce projet de loi, le mécanisme de nomination des personnes qui vont juger à l'intérieur de ces tribunaux administratifs et aussi les mécanismes de renomination, c'est-à-dire comment la personne est renommée dans son poste. Il est bon de rappeler que les gens ont des mandats de cinq ans.

La députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, avec beaucoup plus d'éloquence que moi, a soulevé le problème qui pouvait se poser, la face cachée du projet de loi. Qui voudrons-nous nommer sur ces postes qu'on est en train de faire? Pourquoi changer le mode de nomination? Elle l'a très bien expliqué, et le ministre l'a d'ailleurs reconnu: c'est pouvoir s'assurer de nommer des partisans de sa propre formation politique. Nominations partisanes, M. le Président, nominations sur lesquelles nous allons nous opposer, mode de nomination partisan, mode de nomination sur lequel nous allons nous opposer parce qu'il remet en question, en quelque sorte, l'image, l'indépendance de ces tribunaux administratifs.

Mais il y a plus, il y a plus dans le projet de loi. Ça va rechanger les règles de procédure. Le leader du gouvernement, qui est un avocat bien connu, doit savoir qu'on judiciarise, en quelque sorte, avec le projet de loi n° 130, des tribunaux administratifs qui jusqu'à maintenant pouvaient fonctionner avec des règles de bon sens. Et on est en train, à l'intérieur du projet de loi, de rechanger tout le mécanisme de fonctionnement de ces tribunaux. D'une approche, disons, humaine, d'une approche dirigée vers le citoyen, on est en train d'avoir une approche plus rigide, plus judiciarisée et qui va perdre, de ce côté-là, certainement, à mon sens, le citoyen ordinaire, celui qui se considère lésé par une décision du fonctionnaire de l'aide sociale, celui qui se considère lésé par une décision de la CSST, qui n'a pas le bagage juridique pour être en mesure de présenter son cas suivant les nouvelles règles de procédure – et c'est plutôt volumineux, comme vous voyez – et qui va être pris au dépourvu à l'intérieur de ce nouveau mécanisme.

Il y a quelque chose d'extrêmement grave là-dedans. Nous, on aurait pensé – et c'est les travaux que les membres de la commission des institutions ont faits – qu'il était important d'en arriver à un consensus minimal sur la manière dont ces tribunaux devraient ou doivent fonctionner. Je suis désolé de vous le dire, M. le Président, à l'heure actuelle, on est en train de briser complètement le débat autour de ce projet de loi. On impose. Parce que c'est ça qu'on est en train de faire: on suspend les règles et on va imposer avant qu'on n'ait réellement pu obtenir le consensus minimal autour du projet de loi.

Troisième point, et je vous le rappelais, il y a toute la question d'appel. Parce qu'un tribunal administratif a rendu une décision, il y a à se pencher sur le comment on peut aller en appel de cette décision. C'est des questions qui sont fondamentales, des questions qui vont remettre en question la base juridique de l'administration gouvernementale, et ça nécessiterait un débat, un élément de consensus, une recherche d'équilibre. Et c'est malheureux, M. le Président, qu'en dépit de toute procédure parlementaire habituelle on suspende les règles, sans qu'il y ait urgence, pour imposer une réforme qui est une réforme en profondeur, fondamentale, actuellement, de notre système de fonctionnement des tribunaux d'appel en matière administrative.

Je ne voudrais pas revenir sur les points de vue du Barreau. La députée de Saint-Henri–Sainte-Anne vous l'a rappelé tout à l'heure, mais les collègues professeurs d'université, tant à l'Université McGill que Yves Ouellette – Yves Ouellette, c'est un de mes bons collègues, professeur à la faculté de droit de l'Université de Montréal – à chaque fois ils arrivent à dire: On n'a peut-être pas besoin de la loi n° 130, on aurait pu simplement réformer les modes de nomination des gens sur ces tribunaux administratifs pour réassurer, donner une meilleure image d'impartialité.

Vous m'indiquez que mon temps est écoulé, M. le Président. Mais pour réformer actuellement l'image d'impartialité de ces tribunaux, on n'aurait pas eu besoin d'avoir cet énorme projet de loi. Si le gouvernement a choisi d'aller dans ce projet de loi, au minimum, que nous le discutions en profondeur. C'est une modification profonde de notre mode de fonctionnement. Et je ne peux pas accepter qu'on nous impose aujourd'hui, le 5 décembre, alors qu'il reste encore 15 jours de débats possibles dans cette Assemblée, une motion de suspension des règles pour adopter à toute vapeur, en cachette un projet de loi qui n'a pas encore réussi à obtenir le consensus minimal. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Je cède maintenant la parole au député de Gatineau. M. le député.

Une voix: Où est-ce qu'il est?

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi! Alors, M. le député de Sauvé.


M. Marcel Parent

M. Parent: Je vous remercie, M. le Président. Si, après 12 ans dans l'enceinte de l'Assemblée nationale, vous me méprenez avec le député de Gatineau, bien, j'en suis flatté, ça veut dire que je suis un député qui a une vue universelle.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parent: Alors, M. le Président, malheureusement, après 12 ans, c'est l'histoire qui se répète. Quand je suis arrivé ici, il y a 12 ans, j'étais député de l'opposition et j'ai vécu ce que l'on vit aujourd'hui: les bâillons en continuité, les chapelets de bâillons présentés par un gouvernement qui craint la démocratie, qui craint notre façon de fonctionner, qui craint l'esprit du parlementarisme britannique. Un bâillon, pourquoi? Un bâillon, M. le député... M. le Président – je m'adresse aussi au député de Bellechasse en même temps, il me regarde, il dit: Qu'est-ce qu'il va dire? – pour museler l'opposition, pour empêcher l'opposition de faire son travail, ce qu'on appelle «la guillotine», arrêter de travailler sur un projet de loi pour imposer son adoption à la vapeur, pour imposer son adoption d'une façon accélérée tant qu'on n'a pas eu le temps de fouiller pleinement un projet de loi. Ça frise des tactiques antidémocratiques. Je suis convaincu qu'à l'intérieur de notre système, à l'intérieur de nos règles de fonctionnement, le bâillon existe. Mais le bâillon existe lorsque l'on peut reprocher à l'opposition de faire de l'obstruction systématique, de faire exprès pour faire traîner un projet de loi, de «filibuster», même si le «filibuster» est une coutume reconnue chez nous.

Mais ce n'est pas le cas, M. le Président. Ces gens-là ont oublié que c'est le devoir des députés de l'opposition d'étudier et de bonifier les projets de loi en commission parlementaire. On a été élus pour ça. Les gens nous ont élus pour être leurs représentants auprès du gouvernement, pour alerter l'opinion publique lorsque le gouvernement prend des tangentes pour lesquelles il n'est peut-être pas mandaté. Je ne me souviens pas, moi, dans le programme électoral du Parti québécois, que l'on ait parlé de justice administrative, je ne m'en souviens pas. Le ministre de la Justice me dit: Oui, on en a parlé. Je prends sa parole, M. le Président, mais ils n'ont pas insisté fort, fort, parce que je m'en rappellerais plus que ça.

(16 h 40)

Vous savez, empêcher les parlementaires de se prononcer, empêcher les parlementaires de faire leur travail, ce n'est pas trop, trop valorisant pour un ministre de la Justice. Un ministre de la Justice qui doit donner l'exemple. Ce ministre-là a la responsabilité de voir à ce que toutes nos lois soient justes. Eh bien, la sienne, il ne nous donne pas la chance de la fouiller à fond pour être certains qu'elle va être juste. Il n'est pas le ministre de l'enlèvement de la neige, il n'est pas le ministre des poubelles, il est le ministre de la Justice du Québec. Ce n'est pas n'importe quoi. Et c'est son propre projet de loi... et le bâillon.

Il n'avait pas grand raison de mettre le bâillon sur ce projet de loi là. Il y a 188 articles dans ce projet de loi là. Il a été déposé il y a un an, et on a travaillé pendant 47 heures, 47 heures et demie, environ, dessus. Quarante-sept heures, vous le savez par expérience, M. le Président – on a tous siégé sur des commissions parlementaires – ce n'est rien, pour un projet de loi qui a 188 articles. Au contraire, ça prouve que l'opposition avait commencé à travailler en profondeur, avait commencé à trouver des lacunes à ce projet de loi et, surtout, trouver des solutions pour l'améliorer. Mais non, il n'a pas voulu. Il a dit: Après 47 heures, on a adopté 146 articles sur 188. Ça veut dire 78 %. Bien non, vous allez trop lentement. Vous ne faites pas votre travail. Eh bien, je regrette, avec toute l'expérience qu'on a, nous, ici, en cette Chambre, on sait bien qu'adopter 146 article, 78 % d'un projet de loi de 188 articles en 47 heures de travail... Le ministre de la Santé peut dire que c'est un record, si on compare avec le temps qu'on a passé sur la Loi sur l'assurance-médicaments. On a été bon de consacrer 47 heures et demie pour adopter 146 articles.

C'est un projet de loi important. Ce n'est pas un projet de loi qui règle la température. Ce n'est pas un projet de loi qui fait en sorte que le beurre n'a pas la même couleur que la margarine, comme disait un de mes prédécesseurs. C'est un projet de loi qui voit à appliquer les règles de justice administrative au Québec. Je pense qu'il faut prendre le temps de savoir ce qu'il y a dans ce projet de loi, projet de loi qui établit les règles de procédure menant à la prise d'une décision individuelle par un ministère ou un organisme gouvernemental différent selon qu'une telle décision est prise dans l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle et qui donne les règles qui doivent être suivies dans l'un et l'autre cas.

Ce projet de loi, en plus de ça, institue ensuite le Tribunal administratif du Québec – retenez le terme – détermine ses pouvoirs et énumère les recours qui sont de sa compétence. C'est une loi importante. Ce n'est pas une loi qu'on peut réfuter comme ça, pour laquelle on peut dire: Bien, on arrête de l'étudier puis on l'approuve, que vous l'aimiez ou que vous ne l'aimiez pas. On n'a pas le droit de faire ça, M. le Président.

Il y a une chose importante dans ce projet de loi aussi. C'est un projet de loi qui prévoit des dispositions applicables aux membres de ce Tribunal administratif et relatives à leur nomination et à leur sélection, à la durée et au renouvellement de leur mandat, à leur rémunération et autres conditions de travail ainsi qu'à la fin prématurée de leur mandat. Écoutez bien, je reviens sur ça, M. le Président: «...relatives à leur nomination et à leur sélection...» Ça, ça veut dire que le politique, le gouvernement, le ministre de la Justice se donnent la latitude et le pouvoir d'intervenir dans la nomination de ces juges, dans la nomination de ces personnes qui ont à administrer la justice.

Et ça me rappelle un événement qu'on a vécu ici ce matin, à l'Assemblée nationale, M. le Président, lorsque j'interrogeais le ministre de Montréal, le ministre d'État, et que je lui demandais à peu près dans ces termes ce qui se passait avec la nomination du président de la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal sur le bureau de transport métropolitain. Et il me disait: Bien, j'ai fait des enquêtes. J'ai demandé au ministre de la Justice une opinion sur ça, j'ai demandé à peu près à tout le monde et, en fin de compte, après avoir demandé à tout le monde... parce que, pendant ce temps-là, il avait dans la tête de nommer une ou des personnes qu'il connaissait, des personnes probablement de son parti politique.

Eh bien, le juge l'a débouté en cour. Le juge l'a débouté parce que ça n'avait ni queue ni tête. C'était un raisonnement tortueux. Et c'est vers ça qu'on se dirige avec un projet de loi comme ça. On donne la latitude au ministre de suivre des chemins tortueux. Je ne parle pas du ministre actuel. Il y aura toujours un ministre. Lui, je connais son intégrité. Mais ça ne veut pas dire que ce sera toujours comme ça. Lorsqu'on donne la possibilité à un ministre de s'ingérer dans la nomination des juges et des gens qui ont à administrer la justice, on se met sur la corde raide. C'est une des faiblesses de ce projet de loi là. Il traite également des devoirs et des pouvoirs généraux des membres du Tribunal, plus particulièrement des conflits d'intérêts, des activités incompatibles et de l'exclusivité de la fonction. Ce projet de loi prévoit les règles applicables à la présidence et à la vice-présidence de ce Tribunal, particulièrement quant à la désignation du président et des vice-présidents, au renouvellement et à la fin prématurée de leur mandat. Ce projet traite également du fonctionnement de ce Tribunal, particulièrement des fonctions administratives. Le projet de loi énonce, de plus, des règles de preuve et de procédure de base relatives à l'exercice des fonctions juridictionnelles du Tribunal, notamment la procédure introductive à l'audience, à la preuve, à la réclusion d'un membre et à la décision.

Même le Barreau du Québec est venu en commission parlementaire mettre le ministre en garde contre ce projet de loi là. Dans une lettre qu'il faisait parvenir au premier ministre, le Barreau demandait de surseoir à cette tentation qu'avait le ministre de passer le bâillon sur le projet de loi n° 130, parce qu'il lui disait que ce projet de loi comporte des choses qu'il faut absolument fouiller, qu'il faut absolument améliorer. Et c'est pour ces raisons, M. le Président... Je pourrais en parler pendant des heures, de ce projet de loi là, mais je me dois d'arrêter pour donner la chance à mes collègues d'intervenir. Alors, M. le Président, nécessairement, nous voterons contre cette motion de bâillon amenée par le ministre de la Justice.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Sauvé. Je cède maintenant la parole au député de Jeanne-Mance. M. le député.


M. Michel Bissonnet

M. Bissonnet: M. le Président, votre président soumettait tout dernièrement un projet de réforme parlementaire quant au droit de parole, quant au moment où l'Assemblée doit siéger. Et on a ce gouvernement-là qui nous proposait, qui a proposé à la population, en 1994, une autre façon de gouverner. Aujourd'hui, on se pose la question: C'est quoi, une autre façon de gouverner? J'ai devant moi le ministre de la Santé. Le ministre de la Santé, dans son autre façon de gouverner, a soumis une motion de clôture ou un bâillon, appelé communément, pour le projet de loi n° 83: fermeture de certains hôpitaux. Et il nous a soumis, dans cette autre façon de gouverner, un autre projet de bâillon en ce qui a trait aux régies régionales et, tout dernièrement, dans cette autre façon de gouverner, il nous soumettait une autre motion de bâillon sur l'assurance-médicaments.

M. le Président, nous sommes en présence du projet de loi n° 130 sur la réforme administrative. Je me rappelle, moi, lorsqu'on a soumis un projet de réforme sur l'assurance automobile, dans les années 1977, que la commission parlementaire qui a étudié cette réforme-là a siégé des mois, durant des semaines consécutives. On a mis plus de 300 à 400 heures pour étudier cette réforme. Nous avons une réforme aujourd'hui sur les tribunaux administratifs. Il y a eu des auditions au mois de mars 1996, et on n'a pris que 47 heures pour étudier ce projet de loi. Et, durant ces 47 heures, un projet qui a 188 articles, il y en a déjà 146 d'adoptés. Les trois quarts du projet de loi ont été adoptés en 47 heures. À ce que je sache, nous sommes convoqués ici jusqu'au 21 décembre.

(16 h 50)

Une voix: ...

M. Bissonnet: Le 21 à minuit. C'est le 20 à minuit, M. le député d'Anjou. Je ne fais pas trop de dommages, je ne vous interromps pas souvent, vous m'avez arrêté dans mon esprit de... Vous m'avez tout dérangé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnet: Je n'aime pas être dérangé, M. le député. Moi, je ne vais pas le déranger, M. le Président, le député d'Anjou. C'est mon comté voisin. S'il veut me déranger un peu, vous savez que je peux aller faire un peu de problèmes dans son comté lorsqu'il y a des élections. Ah oui! M. le Président, vous devez maintenir l'ordre dans cette Assemblée, c'est ce que j'essayais de faire quand j'étais là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bissonnet: Alors, M. le Président, comme je le disais, après 47 heures... Il nous reste 16 jours. Le Barreau du Québec, à ce que je sache, le ministre de la Justice, il a déjà été membre de cet organisme. Puis, à ce que je sache, il va continuer à être membre bientôt. Alors, je ne sais pas, moi, le Barreau du Québec, le bâtonnier et l'opposition officielle, dans un travail remarquable pour adopter 146 articles en une semaine, une semaine et quart, j'ai l'impression que le ministre de la Justice, qui a été mandaté par son premier ministre pour être le responsable de ce ministère... Je pense qu'on n'a pas pris tout le temps nécessaire. Quand on lit la lettre du Barreau qui a été transmise au premier ministre, il est très clair que le projet de réforme n'est pas encore un projet de réforme qui répond aux besoins des citoyens. C'est un projet de réforme qui est davantage axé sur les structures et la procédure. Il y a 40 tribunaux administratifs actuellement qui vont être regroupés en un seul. Je pense qu'il est de notre droit...

Et j'aimerais connaître l'opinion des députés ministériels. Pourquoi on présente une motion de clôture après une semaine et demie de travail? Quels sont les motifs? Pourquoi nous la présente-t-on, cette motion de clôture? J'aimerais bien entendre mes collègues du gouvernement s'exprimer sur cette motion de clôture. Donc, je trouve ça très, très regrettable. Et, je ne sais pas, j'ai de la difficulté, moi, à suivre le gouvernement qui nous propose d'arrêter ces travaux-là, alors que c'est une commission qui a siégé avec beaucoup de collaboration de l'opposition officielle. Et, tout à coup, 16 jours avant la terminaison des travaux, on nous dit: Bien, c'est urgent, il faut aller vite, il faut adopter ça.

Mais le Barreau, lui, qui s'adresse au premier ministre... Et je vais citer quelques extraits; je pense que la lettre du bâtonnier du Québec, de M. Masse, est importante à ce sujet. Il écrit au premier ministre et il lui dit: «C'est avec stupéfaction que nous apprenions le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130. Le Barreau du Québec – on parle de 15 000 avocats qui sont membres de ça, M. le Président – juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de centaines de nos institutions.» Une réforme majeure! Quarante-sept heures de travaux! Qu'est-ce qu'il a fait, le ministre de la Justice, depuis le mois de mars 1996, après les auditions? Pourquoi on n'a pas convoqué cette commission parlementaire pour lui donner un mandat d'étudier en profondeur et de prendre le temps de le faire? Ça fait près de huit mois que les auditions ont eu lieu, mais là, au bout de 47 heures, c'est assez.

C'est quoi, le rôle d'un député? C'est d'adopter des lois. Mais, pour adopter des lois, il faut en discuter. Quand on parle d'une réforme majeure, M. le Président, je pense qu'il faut donner le temps aux élus. Et les élus, d'un côté comme de l'autre, ont des revendications. Je regardais, cet après-midi, M. le Président, nous avions une démonstration ici de beaucoup de maires de municipalités. Ce matin, je parlais au maire de ma municipalité, il a des problèmes à faire son budget; son budget était fini. Là, il m'a dit que ça se peut qu'il y ait d'autres choses qui s'en viennent. Si vous en avez, d'autres taxes... On en a une autre ce matin – je vais revenir à la pertinence, M. le Président – ce matin, c'étaient les commissions scolaires, un autre 200 000 000 $. Si vous en avez d'autres, dites-nous-le et dites-le donc aux maires. Un budget, ça ne se prépare pas en deux jours, ça ne se modifie pas en deux jours.

Alors, M. le Président, après tous ces commentaires, je ne crois pas du tout approprié que le ministre de la Justice nous force à ne pas discuter de façon sérieuse cette réforme majeure, et je vais voter contre, M. le Président. Mais je pense que, quand on veut parler de réforme parlementaire, on a un exemple ici: le nombre, puis la majorité abuse de sa majorité, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Jeanne-Mance. Alors, je cède maintenant la parole au député de Shefford. M. le député.


M. Bernard Brodeur

M. Brodeur: Merci, M. le Président. M. le Président, tout comme nous, vous avez veillé tard plusieurs soirs cette semaine. Et, nous, ici, nous avons eu l'occasion de prendre la parole à plusieurs reprises sur toutes sortes de projets de loi. On a pris la parole cette semaine, moi et mes collègues, sur la Loi de police, où on a taxé nos concitoyens; on a pris la parole sur quelques autres projets de loi qui avaient pour but encore de donner des taxes aux concitoyens. Aujourd'hui, on impose un bâillon sur une loi qui, en définitive, est qualifiée de toute croche par tous les intervenants.

M. le Président, je dois vous confier quelque chose. Il y a un an, un an et demi, j'étais porte-parole dans l'une des matières d'agriculture – d'ailleurs, je vois le ministre de l'Agriculture qui peut-être, tout comme moi, aimerait changer de dossier aujourd'hui. Non? Donc, j'étais porte-parole dans une autre matière. Je me suis dit, en rencontrant le chef: Peut-être que ce serait le fun, un dossier économique. Il est supposé y avoir de l'action là-dedans, des lois pour créer et pour donner une vigueur à l'économie, pour créer des emplois. Donc, j'ai dit il y a un an: J'aimerais avoir un dossier pour participer à l'essor économique du Québec. Donc, M. le Président, depuis ce temps-là, je me retrouve critique aux PME. Et savez-vous, depuis un an, combien de projets de loi ont été déposés pour raviver cette économie-là, pendant qu'on dépose des lois sur les taxes, imposer les gens ou des affaires qui sont plus ou moins douteuses? Savez-vous combien, M. le Président? Aucune. Aucune loi qui permette de stimuler l'économie. Pendant ce temps-là, on impose des lois aux gens, on impose des taxes. On s'est même fait une équipe de ce côté-ci, le député d'Argenteuil, la députée de Saint-François et moi, pour intervenir en commission parlementaire concernant des lois qui vont stimuler notre économie. Encore rien.

Donc, on a la possibilité, par exemple, d'intervenir soit en pleine nuit ou en plein après-midi pour critiquer des lois du genre de la loi n° 130 qui sont tout simplement inacceptables. On disait, M. le Président, vous connaissez le dicton: Il y a deux certitudes dans la vie, les taxes et la mort. Mais, depuis l'avènement de l'élection du Parti québécois, depuis 1994, il y a trois certitudes ici, au Québec: les taxes, le chômage et la mort.

Donc, M. le Président, pour revenir au vif du sujet, au projet de loi n° 130, sur lequel on nous impose le bâillon, il n'y a pas seulement l'opposition, comme je le disais tantôt, qui vous dit ici que le projet de loi est tout croche. Mes collègues ont parlé, entre autres, du Barreau. Je ne vous lirai pas la lettre du Barreau, je suis convaincu que le ministre ici présent l'a lue et relue, et j'espère qu'il l'a comprise. Mais, moi, je vais juste vous citer quelques mots, surtout pour les gens à la maison. C'est facile de résumer une lettre, surtout quand on fait la lecture rapide, on va chercher quelques mots. Alors, j'ai fait cet exercice-là. Donc, M. le Président, le bâtonnier, M. Claude Masse, dans sa lettre, utilise des mots clés, comme «stupéfaction», «inconcevable», «forcer l'adoption», «absence de consensus», «prématuré», «inapproprié», «où est l'urgence», «attendre d'avoir une idée plus précise». Donc, c'est le résumé de sa lettre, M. le Président, qui démontre clairement qu'on est face à un projet de loi inacceptable. Sans compter qu'on est devant un projet de loi inacceptable, on nous l'impose, on nous l'enfonce dans la gorge.

(17 heures)

J'ai eu la chance, M. le Président, d'assister à quelques travaux de la commission parlementaire sur les institutions. Naturellement, il ne se passe rien en économie et au travail, donc ça nous permet d'aller faire un tour, d'aller prêter main forte à nos collègues dans d'autres commissions parlementaires. Et j'ai eu l'occasion de poser une question au ministre. Le ministre s'en souvient probablement, je m'étais appliqué. Vous savez, vous arrivez une seule fois à cette commission-là, donc vous voulez vous faire instruire, comme on peut dire, par le ministre. Et je me suis appliqué à lui poser une question. Tout ce qu'il m'a répondu, il a dit: Ça fait – je ne sais pas – 20 heures, 25 heures, 30 heures que je suis ici, continuez à parler puis arrangez-vous! C'est à peu près, en résumé, ce que le ministre m'a répondu. Ça dénote tout le sérieux du ministre concernant les plaintes et les revendications non seulement de l'opposition, mais aussi des groupes et des experts qui ont signifié que le projet de loi n° 130 était inacceptable tel que proposé.

Donc, M. le Président, pour revenir directement aux lacunes du projet de loi n° 130, mes collègues ont souligné le fait que, dorénavant, dans la nomination des juges ou des commissaires – ou peu importe comment on les appelle – les gens qui auront à prendre les décisions dans ces tribunaux-là seront, on pourrait dire, vulnérables, puisque la nomination est tout simplement... Dans un premier temps, il faut dire que la nomination est partisane, donc selon les bons vouloirs du ministre, selon qui est ami et qui n'est pas ami du parti, ou qui est ami ou qui n'est pas ami du ministre.

Donc, une nomination qui, en fin de compte, est pour seulement cinq ans, je crois – le ministre saura me reprendre – à ce moment-là, c'est un poste qui est précaire. On nomme une personne qui est sujette à renomination à un tribunal. Vous savez que l'employeur du juge ou du commissaire en question reste quand même le gouvernement du Québec. Et cette personne-là aura tout simplement à rendre une décision entre un citoyen et un organisme qu'on peut qualifier de gouvernemental, qui est assujetti au gouvernement. Donc, en fin de compte, le patron du juge est presque l'une des parties. C'est pour ça qu'il serait important – puis on lui a demandé à plusieurs reprises – de rendre les décisions appelables, dans un premier temps, et de rendre la nomination de ces juges-là permanente, de telle sorte que ces gens-là n'auraient pas au moins dans l'idée peut-être de favoriser une partie plutôt que l'autre pour favoriser une nomination éventuelle.

On n'est pas les seuls à s'inquiéter de la vulnérabilité des juges. J'ai ici, devant moi, et je vais vous en citer un petit passage, un article dont le titre est: «Des juges vulnérables», sous la plume de Michel Venne. Je vous cite seulement le premier paragraphe, qui est très explicite: «Le problème qui est soulevé relève de l'indépendance et de l'impartialité de ces juges face à leur employeur. En effet, ces juges doivent trancher des litiges qui, la plupart du temps, opposent les citoyens à une instance gouvernementale. Or, c'est le gouvernement qui tient entre ses mains le sort de ces juges qui vivent dans l'incertitude. Sans mettre en doute la bonne foi des personnes en cause, il faut admettre que l'honnête citoyen est en droit de se demander si les décisions rendues le seront en toute impartialité, car ces juges sont dans une position de vulnérabilité.» Il n'y a pas seulement M. Venne qui parle de cette façon. On a des articles ici, que mes collègues ont sûrement soulevés tantôt ou qu'ils soulèveront plus tard, sur les mêmes interrogations que se posent la plupart des experts en la matière.

Ensuite de ça, il n'y a aucun droit d'appel, dans la plupart des cas. On l'a soulevé en commission parlementaire. On a conservé quelques droits d'appel, mais sur les matières financières, immobilières, donc pour les gens qui ont des sous. Donc, les gens qui ont de l'argent, eux autres, pourront aller en appel. Sauf que le simple citoyen, qui est souvent sans défense devant un tribunal administratif, lui, on lui dit: C'est ça, la réponse, puis ça finit là! Si je veux imager un peu le système qu'on a, M. le Président – et vous êtes notaire de profession – c'est comme si deux de vos clients qui se chicanent pour une succession, les deux frères, vous leur dites: On va nommer un arbitre, puis que vous nommez la femme de l'un des deux. Ça fait que je pense que ce n'est pas acceptable en démocratie, et surtout pour un ministre de la Justice, d'agir de cette façon-là.

M. le Président, vous me disiez tantôt qu'il me restait très peu de temps. Il semble que la méthode qu'on prend aujourd'hui, le bâillon qui est imposé, qui nous est enfoncé dans la gorge – donc, c'est une loi qui sera adoptée de force – semble un cadeau de Noël pour certains. Donc, les cadeaux de Noël sont prêts, le ministre aura sa loi et pourra nommer tous ses amis à ces tribunaux administratifs là avant Noël. Donc c'est un beau cadeau qu'il va pouvoir offrir aux amis du parti, à ses «chums». D'ailleurs, il l'a déjà mentionné à une reprise. Et pour nous c'est tout à fait inacceptable.

Donc, on force la démocratie, on force l'Assemblée nationale à l'adoption d'un tel projet de loi, qui pour nous est tout à fait inacceptable, non seulement pour nous, inacceptable pour le Barreau du Québec, inacceptable pour tous les experts. Et tout ce que ça fait, c'est que ça permet au gouvernement en place, au gouvernement du Parti québécois, de pouvoir nommer ses amis en grande quantité. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Shefford. Nous entendrons maintenant le député de Bertrand. M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. Vous savez, après avoir été taxé pendant deux ans, le Québec est maintenant bâillonné. On veut nous faire fermer la... la bouche – vous avez eu peur, hein? – mais on veut exactement nous empêcher de travailler positivement avec le ministre.

Mais il faut se rappeler un petit peu, M. le Président – puis vous n'étiez pas là dans les législations passées – jusqu'à quel point les gens déchiraient leur chemise lorsque le Parti libéral, lorsqu'il était au pouvoir, parlait de bâillon. Il y a eu un bel exemple hier, puis le ministre de l'Agriculture est ici. L'UPA hier est allée chercher des extraits de paroles du premier ministre d'alors, est allée chercher des propos pour dire: Voici, nous, le Parti québécois, votre gouvernement, nous allons faire telle ou telle chose. Ils lui ont montré jusqu'à quel point l'action n'est pas du tout équivalente à ça.

Si on sortait lorsque le député de Joliette, peut-être celui qui va s'en aller au Bloc québécois... Je le comprends un peu de s'en aller au Bloc québécois, avec toute la commission Doyon qui était supposément quelque chose d'exceptionnel, et on se fait dire que, même le document de base, ce n'était même pas signé. Je peux vous dire: J'espère qu'il va y avoir un recours collectif de 7 000 000 de citoyens pour toute cette perte d'argent dans une enquête pour démontrer qu'il y avait peut-être des collusions entre telles personnes et qui s'avèrent totalement fausses. Ça fait que, si on relevait un petit peu et qu'on disait au ministre...

Le ministre de la Justice est ici. Il en est à son deuxième bâillon. Il y a un autre expert en bâillons qui est dans la salle, ici, qui est dans l'Assemblée, qui est le ministre de la Santé, qui est un expert en bâillons. Il est tellement expert en bâillons qu'il bâillonne son ministère, parce que... Oui, M. le Président. Vous avez vu la dernière enquête, une étude qui a été faite à l'intérieur de son ministère? Ils disent, ces gens-là, que le ministre ne s'occupe pas des gens compétents dans le ministère, que c'est seulement lui qui agit avec son cabinet. Il n'a pas juste bâillonné l'Assemblée nationale, le ministre de la Santé, il bâillonne son ministère. J'espère que le ministre de la Justice n'aura pas les mêmes aspirations.

M. le Président, comme mon collègue le disait, vous savez, les gens sont tannés, ici, au Québec. Moi aussi, j'assistais tantôt... Il y avait peut-être 200 ou 300 personnes, des maires. À ma grande surprise, les maires que j'ai vus de ma région, ce n'étaient pas des maires libéraux. Non, c'étaient des maires qui avaient une option politique – en démocratie, c'est ça – et qui avaient des pancartes dans les mains, puis ils disaient: Arrêtez de nous taxer. Ah oui! Ces mêmes gens-là disaient au gouvernement: Écoutez... Puis bientôt ils vont être obligés de se mettre à genoux puis de chanter ensemble «peuple à genoux», parce que supposément – et la saison est propice à ça – ces gens-là ont toujours raison. Ils ont toujours raison, M. le Président.

Ce qui me fait peur, moi, dans la réforme du ministre – puis j'y reviendrai tantôt – c'est pourquoi il est aussi pressé. Puis, depuis quelque temps, j'ai remarqué une similitude: à chaque fois qu'on se presse de faire une loi... Puis le ministre de la Santé, qui est ici, il se pressait de faire sa loi de médicaments. Pour aider les citoyens? Faux! Pour aller récupérer de l'argent. Le ministre de la Sécurité publique se dépêche de faire sa Loi de police. Pour aider les citoyens? Faux! Pour aller chercher de l'argent. Et là le ministre de la Justice se dépêche de faire la réforme administrative. Pour aider les citoyens? Bien, je suis inquiet. C'est sûrement, là aussi, pour aller chercher de l'argent.

(17 h 10)

Est-ce qu'il y a quelqu'un qui va comprendre, l'autre bord, que... C'est vrai qu'il faut couper, c'est vrai qu'il faut arriver au déficit zéro, mais on arrive au déficit zéro lorsqu'on augmente aussi les revenus. Et ces gens-là n'ont pas compris, n'ont pas réussi. Je dois vous dire ça aussi parce que vous êtes de cette formation-là, M. le Président. Mais, vous écoutez, il faut augmenter les revenus. Les revenus, c'est en attirant aussi des gens pour venir investir. Si on n'a pas trouvé la bonne façon... Ça fait que le ministre vient nous dire aujourd'hui: On est pressé. On avait fait – puis on le dit ici – 78 % de la loi. C'est presque exceptionnel de faire 78 % de la loi en 47 heures quand on connaît c'est quoi, notre système parlementaire.

Le ministre, il est nouveau. Le ministre a eu, depuis deux ans, une vie assez difficile. Mais, quand le ministre a une vie assez difficile, c'est parce que ses lois ne sont peut-être pas toutes adaptées. C'est peut-être ça. Le ministre de la Santé aussi devrait réfléchir à ça. Il est peut-être moins populaire qu'il l'était au début. Pas mal moins. On va faire une étude là-dessus aussi, fort probablement, parce que c'est les citoyens...

M. le Président, il faut se dire qu'on est élu pour les citoyens, et la Fédération de l'UPA l'a bien rappelé au ministre: Écoutez, vous nous avez promis des choses et vous n'avez pas livré la marchandise. Peu importe qui vous êtes, le parti, vous nous avez dit que vous étiez pour faire ça et vous ne l'avez pas fait. C'est ça qu'il est important de voir.

Moi aussi, j'ai amené la lettre que le Barreau du Québec a envoyée au ministre, parce que le ministre, l'autre fois, il s'est levé et il a dit: Moi, j'ai envoyé une lettre au Barreau du Québec. Bien, le Barreau du Québec, j'espère qu'il lit la lettre autant que le ministre ne semble pas lire sa lettre. Parce que, vous savez, quand vous écrivez à un ministre, que vous écrivez à une institution et que vous commencez votre lettre – je dis ça par déformation de professeur: «C'est avec stupéfaction...», ça ne veut pas dire que c'est avec contentement, là. Ils sont stupéfaits de voir que... Parce qu'ils disent tous... Puis on reconnaît tous que la réforme, c'est une réforme importante puis même utile. Il commence sa lettre «avec stupéfaction».

Et le deuxième paragraphe, écoutez: «Le Barreau du Québec juge inconcevable...» Ce n'est pas des mots qui ne veulent rien dire, ça. C'est des mots qui disent au ministre: Qu'est-ce que vous faites là? Le ministre doit avoir eu une commande, parce que vous savez, ici, il y a deux personnes: il y a le premier ministre qui pense posséder la vérité puis il y a le ministre des Finances qui l'applique. Bien, regardez ça à la période des questions, là, le premier ministre dirige ça: Toi, tu réponds; toi, tu fais une autre affaire; toi, tu fais une autre affaire; puis toi, tu vas me collecter de l'argent. Puis le ministre de la Santé: Allah! Allah! Puis ça va, puis il collecte l'argent. C'est exactement ça qui se passe. Ceux qui viennent sur les tribunes, c'est exactement...

C'est la première fois que je vois ça en 11 ans. Habituellement, quand un ministre se fait poser une question, il se lève. Il a son ministère puis il est content de répondre. Ah non! là ils sont dirigés: Tu réponds; tu réponds pas; tu fais ci, tu fais ça, si tu veux garder ton poste. Quand je vois des gros calibres qui veulent s'en aller ailleurs, là, je peux vous dire une affaire: Quand le bateau commence à couler, on cherche les ceintures de sauvetage. Je peux vous dire ça, moi. Puis il y a une couple de personnes qui cherchent des ceintures de sauvetage.

Je conseille peut-être au ministre de la Justice de commencer à en chercher. Ça ressemble à couler un peu dans ce coin-là. Dans la région de Québec, je peux vous dire, je n'ai jamais vu autant de fonctionnaires insatisfaits. Et on sait tous qu'on est en élections partielles. J'ai eu l'occasion de faire du porte-à-porte, puis on ne demandait pas aux gens pour qui ils étaient pour voter, M. le Président: Êtes-vous contents du gouvernement? Moi, je peux vous dire: C'est votre choix, puis ça va être leur choix, puis on va respecter le choix des citoyens. Mais ça ne nous empêchait pas de demander la question, surtout dans un bastion comme on connaît: Êtes-vous satisfaits? Les gens disaient non. À savoir pour qui ils vont voter, ça, c'est une autre affaire.

Mais, vous savez, quand vous rendez des gens un peu insatisfaits... Je le disais hier, M. le Président: En politique, quand tu n'es pas cru, tu es cuit. Et ça, c'est un principe de base: les gens, quand ils ne croient plus... Ces gens-là – je vais vous mettre indépendants pour ce soir – ont dit des choses aux citoyens qu'ils n'ont pas respectées, absolument pas respectées. Donc, si on fait la conclusion, les carottes sont cuites, les gens refusent, et je n'ai jamais vu autant de groupes, présentement, à tous les niveaux... On parle du monde municipal. On va parler dans quelques jours du monde scolaire. Le monde des assurances. Les avocats qui font la grève, quand est-ce qu'on a vu ça récemment?

Et j'apprenais tout récemment sur la colline parlementaire, à la manifestation, après-midi, que les camionneurs vont venir bientôt parce que là aussi, au ministère des Transports, supposément, on a un éclair de génie, mais qui met en maudit tous les camionneurs.

Là, on nous dit aujourd'hui: Écoutez, on a 78 %... Puis on a fait amender, on a réussi à amender, avec le ministre, beaucoup d'articles. Puis ces gens-là disent: On met le bâillon. Ils sont bien pressés. Qu'est-ce qui se passe? Y a-t-il un party au 15 ou au 16 décembre? Qu'est-ce qui se passe, là? Moi, je le sais, ce qui se passe. Ils ne veulent pas être longtemps ici parce que, ici, ils se font poser des questions, les gens peuvent venir sur la colline parlementaire. Ils veulent rentrer chez eux. Je les comprends, parce que, avec un bilan comme le leur, je rentrerais chez nous, moi aussi.

Donc, M. le Président, aussi je voulais parler que les cadeaux... Puis c'est peut-être pour ça aussi. Le pouvoir discrétionnaire de nomination des ministres suscite toujours la grogne au niveau des tribunaux. C'est bien évident, c'est le temps des cadeaux, le ministre a besoin de faire des cadeaux. Il faut qu'il remonte un petit peu son niveau de satisfaction. Mais ça n'arrange rien, ça, parce que n'oubliez pas, puis je vous le répète, qu'en politique les faits rattrapent toujours les paroles. C'est une question de temps. Quand ça ne prend pas six mois, ça prend un an; quand ça ne prend pas un an, ça prend deux ans.

Ça fait que, M. le Président, on s'oppose au bâillon, on s'oppose à un projet de loi qui ne s'est pas terminé, surtout en collaboration, lorsque 78 % a été fait. Ça fait que je souhaite que le ministre... Puis je sais que le ministre n'écoutera pas, il a eu une commande. Je ne sais pas si c'est Allah, je ne sais pas qui a demandé la commande. Il se penche puis il décide que c'est correct. Mais, pour les citoyens, on l'implore de réviser sa position. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Nous allons maintenant céder la parole au député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Je pense que ça fait depuis tout l'après-midi que, de ce côté-ci de la Chambre, on a pris la parole sur le projet de loi n° 130; je devrais dire plutôt sur le bâillon du projet de loi n° 130. De l'autre côté, personne, personne n'a parlé à date. Je me pose des questions. On l'a dit même hier: Comment ça se fait que les députés ministériels, ils n'ont pas le courage d'intervenir sur ce projet de loi là. M. le Président, tout le monde s'objecte à l'adoption de ce projet de loi, et je ne peux pas comprendre que la députation ministérielle n'ait pas le courage d'intervenir et de défendre les intérêts de leurs citoyens, de leurs commettants, parce que, avec ce projet de loi là, on ne bâillonne pas seulement l'opposition, mais on bâillonne les citoyens du Québec.

Et pour vous dire que l'opposition a fait un travail remarquable, c'est que, justement, ce projet de loi, il a 188 articles et il y en a eu au-delà de 75 % qui ont été adoptés en commission parlementaire. M. le Président, pas 10 %. On n'est même pas... Il y a eu des fois, M. le Président, où il n'y avait que des motions préliminaires, on ne commençait même pas le projet de loi. Puis là je pouvais comprendre, à certains moments, les motivations du gouvernement pour arriver et dire: Vous ne voulez même pas commencer à étudier le projet de loi. Dans ce projet de loi là, on est rendu à 78 % des articles adoptés. Ce n'est pas une bagatelle. On a été en commission 47 heures, presque 48 heures, puis on a adopté, comme je le disais, au-delà de 75 % des articles. Quelle motivation, quelle urgence a le ministre de la Justice de bâillonner ce projet de loi et, par conséquent, de bâillonner l'opposition et de bâillonner les citoyens du Québec?

(17 h 20)

M. le Président, en italien, on dit... Machiavel, il disait: «Il fine giustifica i mezzi.» En français, on dit: La fin justifie les moyens. Je dois dire que, probablement, c'est le motto du ministre de la Justice: La fin justifie les moyens. Pourquoi le faire, M. le Président? Si tout le monde s'objecte à ça, pourquoi le faire? Eh bien, on l'a trouvé et on l'a trouvé à l'intérieur d'une déclaration même du ministre de la Justice quand, à un certain moment, il disait, et je parle principalement de l'article 25: Principalement, c'est l'article 25 du règlement concernant le processus de renouvellement qui fait problème en exprimant noir sur blanc que le mandat de cinq ans pourrait ne pas être renouvelé si, de l'avis du gouvernement, il est opportun de favoriser la nomination de nouveaux membres. Voilà la fin qui justifie les moyens, M. le Président. C'est ce gouvernement qui, pour ne pas renouveler et pour nommer des amis dans ses bureaux administratifs, va arriver à faire un projet de loi semblable.

M. le Président, pour vous dire que l'opposition faisait un travail remarquable, on a même eu, à un certain moment, en commission parlementaire, un député du côté ministériel qui a voté avec l'opposition, et – je vous le dis, M. le Président – c'était à l'article 13. L'article 13, l'opposition voulait faire des amendements pour qu'à cet article la population du Québec et les citoyens puissent avoir un droit de recours à la Cour du Québec, ce qui actuellement est complètement empêché; seulement dans des cas exceptionnels. Quand on a présenté cet amendement, il y a eu le député de Marguerite-D'Youville qui a voté avec l'opposition. M. le Président, ça vous pose – on se pose la question et je pense que vous vous vous la posez vous aussi – une question: Comment ça se fait que le député de Marguerite-D'Youville a voté avec l'opposition? Ça veut dire que l'opposition faisait un travail remarquable, elle faisait un travail de jugement, elle était là pour défendre les intérêts du citoyen, comme elle le fait habituellement. Et dans ses... je dirai dans ses moments de lucidité, le député de Marguerite-D'Youville a voté avec l'opposition parce qu'il considérait que c'était nécessaire que les citoyens puissent avoir un droit de recours qu'actuellement, le ministre de la Justice...

Et je ne peux pas comprendre que le ministre de la Justice ne puisse pas être sensible à cette question du recours de la population. Parce qu'on sait que, souvent, il y a des jugements qui sont rendus... Pas parce que c'est la faute du juge ou c'est la faute des juges administratifs, mais, des fois, il peut y avoir des erreurs, ça peut arriver. Ça peut arriver ici, ça peut arriver à l'extérieur, ça peut arriver dans des conseils d'administration. Et qu'est-ce qui arrive? Le citoyen qui se sent pénalisé et qui se sent brimé dans ses droits porte sa cause en recours à la Cour du Québec. Là, ces citoyens n'ont même plus ce droit. Avec le projet de loi, ils ne l'ont plus. Et c'est pour ça, j'imagine, M. le Président – et j'aimerais l'entendre ici – que le député de Marguerite-D'Youville, il a voté avec l'opposition sur l'article 13. J'aimerais que ce député vienne ici devant cette Assemblée nationale et qu'il dise aux députés ministériels: Voilà les raisons pour lesquelles j'ai voté en faveur de l'amendement à l'article 13. M. le Président, j'espère que, d'ici la fin de l'intervention qu'on va faire, nous de l'opposition, sur le projet de loi n° 130, le député de Marguerite-D'Youville va venir en cette Assemblée nous dire les raisons pour lesquelles il a voté avec l'opposition.

M. le Président, le ministre de la Justice, comme ça a été dit assez souvent ici cet après-midi, a présenté deux projets de loi majeurs, et les deux projets de loi majeurs, tous les deux ont été bâillonnés. Pourquoi? Il faudrait qu'ils se posent la question: Pourquoi ils ont été obligés de bâillonner? Parce que, vous le savez très bien, M. le Président, si l'opposition considère qu'un projet de loi est dans l'intérêt des citoyens et dans l'intérêt de la population, l'opposition collabore avec le gouvernement. Elle essaie de bonifier le projet de loi, mais à la fin elle va voter en faveur du projet de loi. Ça, c'est la logique même qui nous pousse à ça.

M. le Président, ce gouvernement, depuis qu'il est là, on l'a dit, même hier, il y a deux choses qu'il fait, et il les fait très bien, c'est d'aller chercher des taxes, des impôts, des millions et des millions, pour ne pas dire des milliards, dans la poche des citoyens, et le ministre de la Justice vient nous imposer des projets de loi que personne ne veut avoir.

Je ne veux pas revenir, moi aussi, sur la lettre du Barreau du Québec, qui dit: «C'est avec stupéfaction que nous apprenons le dépôt à l'Assemblée nationale, le 28 novembre dernier, d'une motion de clôture concernant les travaux de la commission parlementaire sur le projet de loi n° 130 portant sur la justice administrative.» M. le Président, si le Barreau du Québec, il se prononce avec stupéfaction sur le recours à la motion de clôture, il faut se poser des questions.

Et je ne comprends pas que quelqu'un qui a été déjà membre du Barreau du Québec, quelqu'un qui a vécu... et, j'imagine, qui a défendu les citoyens du Québec, la population du Québec à un certain moment, avant qu'il soit en politique, ne soit pas sensible aux arguments du Barreau du Québec pour qu'il retire sa motion de clôture et qu'il puisse ramener ce projet de loi à la commission parlementaire. L'opposition va continuer à travailler de bonne foi comme elle l'a démontré, et on va continuer à bonifier ce projet de loi pour le faire adopter dans l'intérêt des citoyens et dans l'intérêt de la population du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Viger. Nous allons maintenant entendre la députée de Marguerite-Bourgeoys. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Une remarque avant de partir. On est pris avec la sempiternelle période où le gouvernement décide, dans une certaine stratégie, de faire passer certains projets à la vapeur. Et finalement on sait tous que cette stratégie, elle est critiquable et souvent aussi contestée par l'ensemble des citoyens qu'on représente. Alors, je demande avec insistance qu'on passe à une réforme au niveau parlementaire qui pourrait répondre finalement à ces objections que nos citoyens nous disent au fur et à mesure qu'on les rencontre, à savoir que cette période, c'est une période qui est folle et que finalement eux ne comprennent pas non plus comment on peut être efficace et comment on peut passer en toute justice et en toute clairvoyance les projets de loi qu'on étudie.

Maintenant, je veux aujourd'hui parler ou donner mon point de vue sur le projet de loi en général. Maintenant, comme je ne suis pas... Je n'ai pas été à la commission, donc je ne suis pas experte. J'ai regardé le projet de loi et je me suis permis de jeter quelques idées sur le papier pour vraiment toucher certains points qui sont fondamentaux. D'abord, je veux rappeler aux membres de l'Assemblée que le projet de loi établit des règles de procédure qui mènent à la prise d'une décision individuelle par un ministère ou un organisme gouvernemental différent selon qu'une telle décision est prise dans l'exercice d'une fonction administrative ou d'une fonction juridictionnelle, et il donne aussi les règles qui doivent être suivies dans l'un et l'autre des cas. Par ailleurs, le projet de loi n° 130 institue le Tribunal administratif du Québec. Il s'agit d'ailleurs de la partie fondamentale du projet de loi, et il apporte des changements majeurs aux tribunaux quasi judiciaires au Québec.

Le tribunal administratif, dont le siège sera à Québec... Je ne m'étendrai pas là-dessus, M. le Président, mais j'aurais aimé, j'aurais apprécié, puisqu'il va y avoir une grosse partie de l'activité à Montréal, que le siège soit situé à Montréal. Mais je n'ai pas entendu le ministre de la Métropole là-dessus. Alors, j'imagine que le ministre de la Justice, venant de la région de Québec, a trouvé totalement normal – puis c'est normal aussi, il a défendu son point – de mettre le siège administratif à Québec, malheureusement. Alors, celui-ci regroupera, si le projet de loi est adopté, une quarantaine de tribunaux administratifs, ce qui en fera une toute nouvelle superstructure. Elle est considérée par les experts comme étant plus importante d'ailleurs que les cours municipales, voire même que la Cour du Québec.

M. le Président, le projet de loi n° 130 a été déposé en décembre 1995. Il est complexe, effectivement, avec 188 articles, et nécessite aussi une bonne dose de réflexion en raison de son importance. Il a été questionné, il a été critiqué, il a fait l'objet de plusieurs commentaires pertinents et justifiés. Il y a eu une consultation générale aussi qui a eu lieu en mars 1996, suivie d'une commission parlementaire importante qui a nécessité plusieurs heures de travaux.

D'ailleurs, je voudrais féliciter mon collègue le député de Chomedey, porte-parole de l'opposition officielle en matière de justice, ainsi que tous mes collègues qui siégeaient sur la commission et qui ont su, avec talent et détermination, faire connaître notre position et s'assurer de rappeler constamment au ministre les remarques et les oppositions de tous ceux et celles qui avaient intérêt d'ailleurs à se faire entendre.

(17 h 30)

M. le Président, à ce jour, bien qu'aucune étude d'impact ni étude d'économie versus les coûts n'ait été faite, la majeure partie des articles de ce projet de loi ont été adoptés. Or, à trois semaines de la fin de nos travaux – en théorie, on devrait finir vers le 20 décembre – on se demande où est l'urgence d'adopter ce projet de loi qui, selon ce que j'en sais, selon ce que j'ai suivi, selon ce que j'ai entendu, ne dégage toujours pas un consensus général dans son ensemble, non pas seulement avec l'opposition... Parce qu'on peut dire: C'est l'opposition, puis, bon, ils sont contre. Ce n'est pas ça, là. L'opposition représente aussi l'ensemble des citoyens, et ce qu'on entend un peu partout sur ce sujet-là, et j'y reviendrai, c'est qu'on n'est pas confortable. Il y a un inconfort, donc il n'y a pas de consensus. Mettre un bâillon, ça prendrait au moins un minimum de consensus, ce que l'on ne retrouve pas.

D'ailleurs, M. le Président, ce qui m'apparaît désolant aussi, c'est que – et mon collègue l'a dit tantôt – le ministre est à son deuxième bâillon et semble, lui, incapable de mener à terme une réforme sans utiliser cette mesure pour faire taire ses opposants ou ceux qui désirent simplement lui expliquer que ça ne fonctionne pas. Autrement dit, un ministre qui est plutôt dictateur. Pour appuyer mes dires, je prends pour exemple la lettre – qui a d'ailleurs été prise en exemple autant comme autant, mais il faut le répéter parce qu'elle est exceptionnelle – qui a été adressée au premier ministre hier par le bâtonnier du Québec, Me Claude Masse. Ce dernier lui demande, au premier ministre, de ne pas donner suite à la motion de clôture et de permettre à la commission des institutions de continuer ses travaux sur le projet de loi n° 130.

J'aimerais aussi citer deux passages de cette lettre qui sont assez éloquents et qui devraient inciter le premier ministre à revoir cette décision. Puisque son ministre ne comprend pas, c'est le devoir du premier ministre de dire à son ministre: Peut-être que les travaux ne sont pas finis et que tu n'as pas compris. M. Masse écrit, et je cite: «Le Barreau du Québec juge inconcevable que le gouvernement force l'adoption d'une telle pièce législative qui constitue une réforme majeure de certaines de nos institutions – c'est le Barreau, là. En l'absence de consensus des milieux intéressés sur des éléments de la réforme proposée, nous considérons prématurée et inappropriée l'adoption de cette réforme.»

Par la suite, il indique aussi: «Où est l'urgence – c'est ce qu'on dit, là – à adopter avant les Fêtes le projet de loi n° 130? Entre autres, compte tenu des interactions très étroites entre le projet de loi n° 130 et l'avant-projet de loi d'application, il conviendrait d'attendre d'avoir une idée plus précise de la loi d'application avant d'adopter la loi-cadre.» Il me semble que ça va de soi. Ça se fait dans tous les secteurs. «En effet, plusieurs dispositions de la loi d'application affecteront et préciseront la portée de nombreuses dispositions du projet de loi n° 130, notamment en ce qui a trait à la juridiction du Tribunal administratif du Québec.»

Or, M. le Président, on ne peut pas dire que ce ne sont pas de sages commentaires. Ça ne vient pas de l'opposition, ça vient de l'extérieur. Ces commentaires, aussi, représentent et viennent d'un groupe qui est directement impliqué par le projet de loi. De même, je suis persuadée, de par les nombreux propos tenus par le Barreau depuis le dépôt du projet de loi, que la lettre envoyée au premier ministre a aussi pour effet de protéger les citoyens et citoyennes contre une décision hâtive qui pourrait avoir des répercussions majeures dans l'avenir. Cela dit, je crois que, en regard de ce projet de loi plus spécifiquement, le ministre de la Justice doit poursuivre sa réflexion, être plus ouvert aux recommandations et ne jamais oublier que le citoyen doit être au centre de ses préoccupations.

Alors, M. le Président, le temps me manque pour citer les professeurs Macdonald, qui sont auteurs, en 1991, du rapport du même nom sur l'accès à la justice, et le professeur Yves Ouellette aussi, auteur du rapport sur la justice administrative, qui, eux, avaient déclaré que le projet de loi s'attardait davantage aux structures et à la procédure qu'aux besoins des citoyens. De plus, le professeur Macdonald, lui, allait un peu plus loin, parce qu'il considérait que ce projet n'est qu'une loi de contentieux qui ne s'intéresse qu'à la procédurite.

Alors, pour cela, M. le Président, et compte tenu de toutes les objections, je demande au ministre de continuer ses consultations, d'une part, et d'écouter les citoyens et les citoyennes, mais aussi les spécialistes qui lui disent: Avant de déposer la loi-cadre, peut-on étudier aussi la loi d'application pour en faire un projet de loi plus complet? Et, cela dit, si les méthodes du ministre de la Justice sont contestées, puisque deux bâillons pour deux réformes, c'est beaucoup dans une courte carrière, je suggérerais alors au premier ministre de prendre le ministre de la Métropole, de l'envoyer à la Justice, où il serait beaucoup plus confortable, de prendre le ministre de la Justice et de lui donner d'autres tâches. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Nous cédons maintenant la parole au député de Bourassa. M. le député.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Nous avons à ce moment-ci à dire notre point de vue sur cette proposition de suspension des règles qui est faite par le gouvernement sur le projet de loi n° 130. Donc, c'est à partir des enjeux du projet de loi n° 130 qu'on doit essayer de s'interroger sur ce qui pousse le gouvernement à agir de cette manière qu'on peut qualifier, compte tenu de ce qui se passe ici, à l'Assemblée nationale, c'est une manière brutale, c'est-à-dire qu'arrive un moment où: fini les discussions, fini les possibilités d'amendements, fini les échanges d'idées, on brise le débat, on brise le dialogue, et le gouvernement entre dans un entonnoir qui l'amène à imposer son point de vue. C'est une manoeuvre grave. Même si je n'ai pas une longue expérience parlementaire, il reste qu'on peut acquérir de l'expérience autrement que dans cette enceinte. Et, qu'on soit un vétéran parlementaire ou un jeune parlementaire, comme le leader du gouvernement ou moi-même, nous savons que ce sont des moments graves, ce sont des moments que le gouvernement doit avoir mûrement sélectionnés parmi d'autres moments. Ce doit être un projet de loi qui a une portée, une saveur, une signification absolument extraordinaires dans l'ensemble des dizaines et des dizaines de projets de loi qui sont devant nous. Le gouvernement a décidé d'essayer de faire ses preuves, d'essayer d'impressionner je ne sais pas qui, parce qu'il n'impressionne personne actuellement à l'extérieur de cette enceinte. Pour essayer de s'impressionner entre eux, au niveau de l'aide gouvernementale, ils ont décidé de taper sur la table, ramener la troupe ensemble: Le projet de loi n° 130, c'est ça qu'il nous faut, comme si c'était la mère de toutes les priorités au niveau politique actuellement.

Alors, ils prennent le projet de loi n° 130, qui est un projet de loi important, ça, je ne le nierai pas. De là à dire qu'il est le plus important sur la table actuellement, ça, je ne suis pas d'accord. C'est un projet de loi qui est important parce qu'il touche la vie de plusieurs centaines de milliers de personnes chaque année. On rapportait, par exemple, qu'il y a deux ans les tribunaux administratifs dans leur ensemble ont traité 250 000 plaintes. C'est beaucoup. Ça veut dire que probablement plus ou moins 200 000, 250 000 personnes ont eu affaire avec les tribunaux administratifs. Donc, c'est une affaire importante. Ils proposent de les regrouper dans un même ensemble qui s'appelle le Tribunal administratif du Québec.

M. le Président, il y a quelques enjeux dans ce projet de loi qui n'ont pas pu être véritablement discutés, et c'est bien dommage. Aujourd'hui, le gouvernement a décidé d'interrompre la discussion. Mes collègues ont dit tout à l'heure: On a discuté une quarantaine d'heures là-dessus; on a fait 75 % du travail. Je ne sais pas si c'est de la paresse ou si c'est de la hâte mal justifiée, mais je ne sais pas ce qui pique le ministre de la Justice de vouloir interrompre la discussion à ce moment-ci. On n'a pas peur de travailler en commission parlementaire, on n'a pas peur de mettre des propositions sur la table. Ils ont toujours le moyen, au bout de la course, de les battre, nos propositions, si elles ne font pas leur affaire, mais de là à se faire poser un bâillon, à se faire museler en matière de justice, M. le Président, ça, c'est terrible, ça m'apparaît complètement inacceptable.

Ce n'est pas une matière secondaire, ce n'est pas des bebelles, ce n'est pas des choses facultatives, c'est au coeur même de la réalité. La réalité des gens qui ont affaire avec la Régie des rentes, qui ont affaire avec la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui ont affaire avec la régie de l'assurance automobile, qui ont des problèmes de santé publique, qui ont des problèmes avec la Loi sur les services de garde à l'enfance, avec la loi de la santé et des services sociaux. Je pourrais vous en nommer des dizaines de lois qui ont comme recours les tribunaux administratifs: la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels, la loi sur l'immigration, etc. Il y a des dizaines et des dizaines de lois, il y a des dispositifs qui existent qui permettent aux citoyens d'avoir des recours. Aujourd'hui, avec le Tribunal administratif, un des grands problèmes, un des grands enjeux, c'est qu'il y aura moins de recours, il y aura perte de plusieurs recours et perte de plusieurs droits pour nos concitoyens. C'est majeur dans une société démocratique.

(17 h 40)

On écoutait le premier ministre conclure son congrès, il y a deux semaines, en disant: Je suis ci, je suis ça. Et, à travers tout ce qu'il disait de lui-même dans son miroir, il a dit: Je suis un démocrate. Vous avez remarqué ça, M. le Président? Il parlait de social-démocrate, puis il parlait de souverainiste, je pense, je ne suis pas sûr s'il l'a dit. Mais, en tout cas, il a dit: Je suis un démocrate. Alors, s'il est un démocrate, comment ça se fait qu'il donne le feu vert à son ministre de la Justice, avec l'aide d'un bâillon, la suspension des règles, pour passer un tel projet de loi sur la justice? Ce n'est pas compatible, ce langage-là, se vanter d'être démocrate puis, le lendemain, premier bâillon de la saison – parce que, là, probablement qu'il va y en avoir d'autres, on n'est rien que rendu au 5 décembre, puis il faut se rendre au 20, alors, ils vont peut-être arriver avec d'autres bâillons – le premier, pour donner l'exemple, sur une question reliée à la justice, le grand démocrate premier ministre et son adjoint, le ministre des Finances, un autre petit démocrate, en arrière. Ce n'est pas acceptable, ça, M. le Président. C'est pour ça qu'on se lève puis qu'on proteste vigoureusement.

Ça illustre le visage à deux faces de ce gouvernement. Il a peut-être plus que deux faces, mais il en a au moins deux: le visage du consensus puis le visage de la matraque, collés ensemble. D'un côté, vous regardez ça, ils parlent consensus; vous regardez de l'autre côté: matraque, bâillon. Le consensus? Ça, c'est la marque de commerce qu'a voulu imprimer le nouveau premier ministre depuis qu'il est entré en fonction, fin de janvier: conférence, à la fin de mars, à Montréal pour essayer de développer une espèce de consensus; six mois de travail; le sommet de la fin d'octobre. Toujours, sa ligne de fond, sa marque de commerce, le consensus; c'est ce qu'il disait, en tout cas. Il réunit 75 personnes autour des tables de travail, de nombreux comités, et il dit: On va bâtir le Québec à l'aide des consensus. Les consensus, ça veut dire, ça, qu'on essaie d'obtenir à peu près l'unanimité autour des idées-forces. Et puis là il se pète les bretelles puis il se vante: Voici la liste des consensus. Il y en avait plusieurs dizaines, disait-il.

Ça, c'est le travail en dehors de l'Assemblée nationale. Ça, c'est le travail pour la galerie, le travail pour les médias. C'est le travail pour les groupes de pression, les groupes intermédiaires, pour essayer de les enjôler, de les faire entrer tranquillement dans la cage à homards dont parlait l'autre premier ministre d'avant, quand il courait après les fédéralistes puis qu'il disait: Un bon jour, on va les mettre dans la cage à homards, ils ne pourront plus sortir. Le nouveau premier ministre, lui, ce qu'il essaie, c'est de faire entrer toutes sortes de groupes dans une espèce d'entonnoir. C'est sa cage à homards à lui, les consensus. Ça, c'est le travail à l'extérieur, c'est la première face, pour bien paraître, pour se gagner des titres.

Mais le vrai travail d'un député, d'un ministre, il est ici, à l'intérieur de cette enceinte. C'est ici que se prennent les vraies décisions. Les consensus, ça n'a pas de valeur juridique, ça, M. le Président. Alors, les décisions, ça, ça a une valeur de contrainte. Quand il s'adopte des lois ici, il faut passer par là, sinon il y a des sanctions. Là, c'est sérieux, ce n'est plus des consensus. Là, c'est l'autre visage qui réapparaît, c'est le visage du gros bout du bâton, le visage du bâillon, le visage de la matraque, et surtout sur les questions reliées à l'administration de la justice.

Alors, M. le Président, un gouvernement qui a deux visages, un pour la galerie, pour essayer d'éblouir, d'enfirouaper le monde, puis l'autre vrai visage, qui est ici, c'est le visage de l'autoritarisme. C'est le visage qui consiste à dire: Fermez-vous, du côté de l'opposition, c'est fatigant de vous écouter! De toute façon, du côté de son aile gouvernementale, il n'a pas besoin d'appliquer le bâillon, ils se bâillonnent tout seuls, il n'y en a pas un qui parle. Tellement que la plupart des projets de loi qu'ils mettent de l'avant ne sont pas présentables, quand on fait des débats, on leur offre la parole et ils ne prennent pas leur tour. On l'a vu sur plusieurs projets de loi cette semaine, ils ne prennent pas leur tour, ils se taisent. Ils ne s'expliquent pas. Même quand il y a des bons aspects dans leurs projets de loi, ils laissent parler l'opposition.

Tout à coup, là ils sont tannés de ça, ils arrêtent même l'opposition de parler, de présenter des amendements, d'essayer d'améliorer des situations. Ça fait que c'est un gouvernement qui est en train de s'écrouler tranquillement; même pas tranquillement, très rapidement, finalement, quand on regarde le nombre d'enjeux et le nombre de problèmes qui lui montent à la face actuellement sous tous les rapports, dans tous les domaines. On est bien placé, ici, à Québec, pour le savoir: face à l'Assemblée nationale, plein de manifestations. Des gens qui n'ont jamais manifesté de leur vie sont rendus ici.

Le nouveau premier ministre, il a réussi à réveiller des gens qui jamais n'avaient pris une pancarte encore dans leurs mains et à les amener ici, devant le parlement. M. le Président, ça, c'est le résultat de la deuxième face, pas la première, pas le résultat de la stratégie de consensus. Le résultat de cette stratégie consiste à imposer toujours et davantage, ce qui fait que les rues seront bientôt remplies de gens qui vont protester contre ce genre de politiques. Alors, encore cette fois-ci, nous sommes obligés évidemment d'élever notre voix le plus haut possible, d'exprimer notre indignation face à ce genre de manoeuvres inacceptables. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bourassa. Je cède maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.

M. Copeman: Merci. M. le Président, pour une motion d'une telle importance, vous allez constater avec moi l'absence de quorum. Je vous demande de vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, au moment où on se parle, nous n'avons pas quorum.

Nous avons maintenant le quorum. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, nous vous écoutons.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Une autre démonstration d'à quel point les institutions de ce Parlement ne comptent pas pour grand-chose avec le gouvernement. On ne peut même pas maintenir le quorum lors d'une discussion d'une telle importance.

M. le Président, nous sommes devant une motion de clôture, une motion qui met fin à notre processus parlementaire au moment où le projet de loi n° 130 est en commission parlementaire, ou était en commission parlementaire. Quelques brèves remarques en guise d'introduction, et mes collègues ont beaucoup parlé de ces faits-là avant moi. L'étude détaillée a duré, jusqu'au moment où on se parle, 47 heures. Ce n'est pas, quant à moi, abusif. C'est une réforme majeure de notre système administratif, un projet de loi qui a été l'objet d'une consultation générale assez vaste et qui comporte 188 articles. On est le 4 décembre, M. le Président, on n'est pas le 20. On n'est pas la journée à laquelle il faut mettre fin à nos travaux, on est le 4 décembre.

Pourquoi est-ce que le gouvernement procède aujourd'hui à mettre le bâillon sur le projet de loi? C'est une bonne question, question à laquelle je ne peux pas répondre. Peut-être que le ministre est tanné, je ne sais pas. Mais, s'il est tanné, il faut qu'il soit un peu plus patient comme ministre de la Justice. C'est peut-être tannant, de temps en temps, de se battre contre un grand consensus qui est contre sa réforme, mais c'est son rôle de le faire, et, comme ministre de la Justice, peut-être qu'il devrait apprendre un peu plus de patience, parce qu'une réforme de cette envergure-là, quant à moi, M. le Président, ne se termine pas en bâillon.

Juste là-dessus, M. le Président, après-midi, je me suis permis d'aller fouiller un tout petit peu dans le Journal des débats des quelques années précédentes. J'ai trouvé des commentaires très intéressants, très intéressants, au sujet du patronage. Et je vais faire le lien, M. le Président. Cette importante réforme du ministre de la Justice qui vise entre autres, ou qui tente de baliser des nominations, d'établir des concours – c'est des bonnes choses en soi, M. le Président – des exigences, c'étaient des lacunes. Là, en partie, semble-t-il, le projet de loi du ministre répond à ces difficultés. Sauf que, M. le Président, chose assez intéressante, lors d'une rencontre à huis clos, une réunion à huis clos, semble-t-il – là, j'ai parlé avec une des personnes qui était présente – le ministre de la Justice a dit: «Il faut que je mette mes gars en place, comme vous le ferez quand vous reviendrez au pouvoir.»

C'était, semble-t-il, M. le Président – parce que je n'étais pas là, je l'avoue très honnêtement – une citation directe de notre très cher ministre de la Justice au niveau de cette grande réforme des tribunaux administratifs: «Il faut que je mette mes gars en place, comme vous le ferez quand vous reviendrez au pouvoir.» M. le Président, ça, à mon avis, à mes yeux, c'est du patronage, quand un ministre de la Justice dit: «Il faut que je mette mes gars en place.»

(17 h 50)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, en vertu du règlement... Là, vous laissez supposer des choses. Alors, je vous demanderais d'être plus délicat dans votre façon de vous exprimer. Vous connaissez très bien votre règlement, M. le député, vous savez que vous n'avez pas le droit de supposer des choses ou de laisser supposer des choses pour et au nom d'un autre député en cette Chambre. Alors, s'il vous plaît... Alors, M. le député.

M. Copeman: Je répète simplement, les membres de cette Assemblée vont en tirer des conclusions. Ça va? «Il faut que je mette mes gars en place». Mais là tout le monde peut en tirer ses conclusions. Ça vient du ministre de la Justice.

M. le Président, je vous ai dit que j'ai fouillé un tout petit peu dans le Journal des débats de l'Assemblée nationale. J'ai trouvé des commentaires très intéressants d'un éminent membre de cette Assemblée, le leader du gouvernement, le député d'Anjou, au niveau d'une réforme de la justice administrative. Il a dit, le 19 octobre 1993, en parlant du projet de loi 105, je ne sais pas si ça lui dit quelque chose, au leader du gouvernement, et je le cite: «C'est la question, je pense, qui fait l'objet de plus d'attention, qui fait l'attention de plus de débats présentement dans le public, tant au niveau des initiés qu'au niveau, comme je le dis, de M. et Mme Tout-le-Monde, c'est la question des nominations des membres de ces tribunaux.» Nominations des membres des tribunaux. Intéressant, M. le Président! Le leader continue: «On vous aime, on vous doit quelque chose, on peut vous nommer sur un tribunal administratif. C'est l'état actuel du droit, c'est l'état actuel de la législation relativement à nos tribunaux administratifs, c'est l'arbitraire le plus total.» Et il a dit, en 1993: «C'est un nid de patronage.» C'est ça qu'il a dit en 1993. Plus tard, dans le même discours, il dit: «Alors, je pense que dès maintenant le gouvernement devrait avoir le courage de mettre fin à cette situation de patronage.» C'est ce que le leader a dit. Mais là je vois que le leader va tenter de nous dire que c'est exactement ça que le ministre de la Justice fait. Et, si c'est le cas, M. le Président, comment se fait-il que le ministre a osé dire dans une réunion: «Il faut que je mette mes gars en place, comme vous le ferez quand vous reviendrez au pouvoir»? Ses gars, c'est qui, ses gars? Le leader actuel de ce gouvernement...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, sur une question de règlement, M. le ministre de la Justice?

M. Bégin: Oui, M. le Président. Je viens d'entendre le député de Notre-Dame-de-Grâce citer une supposée proposition que j'aurais énoncée. Ça fait au moins cinq fois que je l'entends. Je pensais que c'était pour s'estomper, mais, comme ça continue, je tiens à dire qu'en aucun temps je n'ai mentionné cette phrase qui a été évoquée pour la première fois par le député de Chomedey. Je répète que je n'ai jamais mentionné cette phrase devant personne et que, si jamais ils prétendent que c'est le cas, je leur demande de donner le nom de la personne qui aurait entendu ça, parce que c'est tout à fait inexact. Alors, je demanderais au député de retirer ses paroles, d'abord, un, qu'il dit lui-même n'avoir jamais entendues, qu'il a prises dans les galées qui proviennent de l'affirmation du député de Chomedey, qui est aussi non fondée. Alors, je pense que j'ai entendu suffisamment de choses qui ne concernaient pas le projet de loi mais qui concernaient la personne. Je pense que, là, il y a une limite à chaque chose, et là je pense qu'on vient d'arriver à cette limite. Et je demande qu'il retire ses paroles, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, c'est une intervention après le fait. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, je vous invite à poursuivre tout en... Si vous avez une preuve de ce que vous avancez, vous devez, à mon sens, à ce stade-ci, nous donner les références. Sinon, je vous inviterais à poursuivre votre allocution, la terminer tout en respectant le cadre de notre règlement.

M. Bégin: M. le Président, j'ai demandé...

Le Vice-Président (M. Pinard): De retirer.

M. Bégin: ...de retirer ses paroles et non pas de continuer, et je demande qu'il retire ses paroles.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. De mon bureau, j'ai constaté que vous aviez rendu une décision suite à l'argumentation du ministre de la Justice. Vous avez demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce de poursuivre son intervention; le ministre de la Justice a décidé d'aller en appel. Il se pense peut-être devant les tribunaux de droit commun qui peuvent renverser la décision du président. Je lui demanderais de consulter son leader. La décision du président est finale...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors...

M. Bélanger: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. Comme le leader de l'opposition vient lui-même de l'admettre – il est maintenant parmi nous – peut-être, à ce moment-là, qu'il pourrait, pour, je pense, éclaircir les choses, demander à son député de déposer le document dans lequel le ministre est cité. Ça pourrait peut-être clarifier les choses. Nous, on dit, de notre côté: Ce que le ministre prétend, c'est qu'il n'a jamais tenu ces propos. Alors, si le député de Notre-Dame-de-Grâce est de bonne foi, comme je crois qu'on doit présumer qu'il est de bonne foi, comme le leader de l'opposition, je présume aussi qu'il est de bonne foi et qu'il va vouloir faire en sorte que ce débat continue de se faire d'une façon harmonieuse, il va déposer le document dans lequel le ministre aurait tenu ces propos, sinon on est en train de diffamer le ministre de la Justice.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. M. le Président, si le leader du gouvernement faisait preuve de patience, se rendait à vos décisions que vous avez déjà rendues, vous auriez déjà reconnu le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui pourrait continuer à démontrer clairement ce qu'il a déjà énoncé et à confondre le ministre de la Justice davantage. Moi, je comprends le ministre de la Justice de se lever, il est gêné de la situation, il en a un petit peu honte, comme tel, le leader le défend de son mieux, mais ça...

Le Vice-Président (M. Pinard): Bon. Alors, je pense que j'ai une suggestion qui va rallier les deux côtés de cette Chambre: je vais suspendre les travaux, je vais écouter les enregistrements, et nous allons revenir à 20 heures avec cette question très pertinente concernant les propos du député de Notre-Dame-de-Grâce vis-à-vis du ministre de la Justice sur une question de fait personnel. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Est-ce qu'on doit déduire, M. le Président, des propos que vous venez de prononcer que vous allez, pendant l'intervalle entre 18 heures et 20 heures, réévaluer la décision que vous avez déjà rendue de reconnaître le député de Notre-Dame-de-Grâce...

Le Vice-Président (M. Pinard): Absolument pas. Le député de Notre-Dame-de-Grâce va continuer son allocution à 20 heures, mais nous pourrons, avant de débuter l'intervention du député de Notre-Dame-de-Grâce, revenir sur cette question tout à fait précise et particulière, d'autant plus que le débat devrait normalement se poursuivre encore quelques minutes après 20 heures. Donc, pour faire en sorte qu'il n'y ait surtout pas d'escalade, je pense, on devra sûrement trouver un moyen de s'en sortir tous ensemble. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Très brièvement, M. le Président, est-ce que je dois comprendre aussi que pendant cet intervalle de deux heures le leader de l'opposition va faire diligence auprès de son député pour déposer à ce moment-là soit le compte rendu ou les galées d'une prétendue déclaration qu'aurait faite le ministre de la Justice?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Moi, contrairement au leader du gouvernement, j'ai beaucoup trop de respect pour la présidence. Je vais attendre les conclusions de votre délibéré avant de poser quelque geste que ce soit, par respect pour la présidence.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je ne conteste en rien votre décision. Au contraire, j'admire votre sagesse et je fais appel à celle du leader de l'opposition et à celle du député de Notre-Dame-de-Grâce qui, à ce moment-là, j'en suis certain...

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci. Donc, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 17)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Avant de terminer nos travaux, nous avons eu droit à l'intervention, à l'allocution du député de Notre-Dame-de-Grâce. Et, pendant son exposé, une question de règlement a été soulevée par le ministre de la Justice concernant des propos non parlementaires. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Juste de façon à ce qu'on se comprenne bien, j'ai été invité, à la demande du leader du gouvernement, à fournir des preuves quant aux accusations qui avaient été portées, entre autres, par le député de Notre-Dame-de-Grâce, pendant l'intervalle. Vous, de votre côté, vous avez été invité à relire la transcription du Journal des débats de façon à vérifier la nature des propos. Nous avons, de notre côté, à la fois vérifié la nature des propos. Nous avons devant nous le «transcript» que vous devez vous-même avoir entre les mains. Je ne crois pas qu'il y ait de discussion quant à la nature des propos. Les propos sont les...

M. Bélanger: M. le Président...

M. Paradis: ...suivants: «Il faut que...» Je suis sur une question de règlement, je m'excuse.

M. Bélanger: Non, non. Peut-être en avoir une copie.

M. Paradis: «Il faut que je mette mes gars en place.» Il y a donc admission quant aux propos qui ont été prononcés en cette Chambre par le député de Notre-Dame-de-Grâce. Nous vous demandons, à ce moment-ci, de pouvoir faire la preuve de ces propos avant que vous ne rendiez une décision. Nous sommes dans un débat qui touche les institutions, la nomination de personnel judiciaire et quasi judiciaire, et potentiellement d'exercice de patronage par un ministre de la Justice, M. le Président, c'est extrêmement important.

M. Bélanger: M. le Président, des propos antiparlementaires. M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Le leader de l'opposition a assez d'expérience en cette Chambre pour savoir qu'on ne peut accuser en cette Chambre un parlementaire de choses telles que du patronage. On ne peut le faire. Maintenant, j'aurais apprécié qu'il me fasse part de sa recherche. Il vous en a remis une copie, il en a une copie, j'aimerais peut-être les voir, M. le Président, ces fameux documents, à moins que ce soit entre la présidence et le leader de l'opposition. Alors, à ce moment-là, est-ce que je pourrais peut-être... Je sais que, déjà, une fois, le leader de l'opposition s'est vanté du fait qu'il consultait la table avant de faire certaines choses. Ça aussi, j'ai ça sur galée. Alors, je ne sais pas si, encore, ça a été fait, M. le Président. Mais je voudrais, si c'est possible, avoir une copie des documents que vient de citer le leader de l'opposition. Ça aiderait le débat.

(20 h 20)

M. Paradis: Oui, M. le Président, il me fait plaisir de répondre à la demande du leader du gouvernement et de lui transmettre les éléments qui constituent le dossier du ministre de la Justice: «Il faut que je mette mes gars en place.» C'est une copie non certifiée, parce qu'elle a été faite par le personnel de l'Assemblée nationale à 17 h 52. C'est probablement la même copie dont vous disposez, et, à la demande du leader du gouvernement, je la dépose, s'il y a consentement, en cette Chambre.

J'aimerais également, M. le Président, lui remettre copie des transcriptions de nos travaux d'hier soir, où le député de Chomedey, qui est présent parmi nous ce soir et qui peut également fournir des explications et à la présidence et au leader du gouvernement, s'exprimait ainsi en cette Chambre, et je le cite au texte transcrit – encore une fois non certifié comme tel – par les gens qui font la transcription de nos débats. Il citait le ministre de la Justice qui lui parlait: «Écoutez, Thomas, il faut que je nomme. Il faut que je puisse nommer mes gars. Il faut que je nomme mes gars là-dedans.» C'est la transcription du Journal des débats d'hier.

Le Vice-Président (M. Pinard): Maintenant, à ce stade-ci, M. le leader de l'opposition et M. le leader du gouvernement... S'il vous plaît, je pense que vous êtes vraiment rendus à une étape ultérieure à la mienne. Vous avancez vite. Moi, en ce qui me concerne, j'ai annoncé à la fin des débats, juste avant la suspension, à 18 heures, que je devais me prononcer sur une question de règlement, et nous avons fait notre travail. Et là vous êtes rendus à une autre étape qui serait celle d'un dépôt de document concernant certaines affirmations. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, c'est que j'avais évidemment, effectivement, demandé au leader de l'opposition de citer des propos du ministre de la Justice, pas des propos entre eux, là. Je le sais, ils ont à peu près tous la même cassette relativement aux propos qu'ils prêtent au ministre de la Justice. Mais, moi, je disais au leader de l'opposition: Est-ce qu'il peut me trouver le verbatim d'une déclaration du ministre de la Justice, pas du député de Chomedey qui parle du ministre de la Justice? C'est ça que j'aimerais avoir, M. le Président. Ça nous aiderait.

M. Paradis: M. le Président, strictement pour citer...

Le Vice-Président (M. Pinard): Mais...

M. Paradis: ...ce que vous aviez décidé...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le leader de l'opposition. J'aimerais, à ce stade-ci, savoir... Écoutez, j'aimerais ça, connaître un peu les règles du jeu qui vont gérer nos travaux, parce que, en vertu de quel règlement, là, on travaille? En vertu de quoi? Parce que, moi, j'avais une décision à rendre sur des propos. Bon. Et là vous êtes rendus à négocier entre vous deux sur autre chose qui m'apparaît véritablement, à moi, au moment où on se parle, un autre pas, une autre marche à franchir. Et, au moment où on se parle, comme j'ai eu l'occasion de travailler là-dessus, j'aimerais bien vous faire porter le fruit de mon travail. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Sans douter du fruit de votre travail, au texte que vous vous étiez engagé à faire avant de suspendre nos travaux, à 18 heures, et je peux citer si vous le voulez: «Je pense – et c'est vous qui parliez, M. le Président – que j'ai une suggestion qui va rallier les deux côtés de la Chambre. Je vais suspendre les travaux. Je vais écouter les enregistrements, et nous allons revenir à 20 heures avec cette question très pertinente concernant les propos du député de Notre-Dame-de-Grâce vis-à-vis du ministre de la Justice sur une question de fait personnel.»

Donc, si vous nous demandez dans quel article du règlement nous nous situons à ce moment-ci, nous nous situons en vertu de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale et des articles 315 et suivants qui prévalent lorsqu'une telle question est soulevée à la présidence. Le leader du gouvernement, de son côté, comme il vient de le répéter juste avant que vous vous leviez, M. le Président, m'a demandé de trouver une preuve de ce qui a été avancé comme tel. J'étais en train de contexter la preuve comme telle, parce qu'il faut bien se comprendre à ce moment-ci. Nous sommes dans une question qui soulève une question de privilège d'un député. Les propos qui ont été prononcés de part et d'autre sont d'une gravité telle que celui qui... Excusez, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Pinard): Quelques secondes de consultation avec notre secrétaire général.

M. le leader de l'opposition, vous m'avez mentionné tout à l'heure que c'était une question très grave, c'était une question de privilège. Donc, nous allons maintenant travailler avec ce point de règlement là, et on va s'en aller avec ça. Est-ce que le leader du gouvernement est d'accord? O.K. Non, non, mais c'est quand même, là... Parce que, de part et d'autre, il y a eu des conversations dont je ne faisais point partie.

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): O.K. Alors, là, je vous cède la parole sur une question de privilège en vertu de l'article 55.

M. Paradis: M. le Président, pour qu'on se comprenne bien, avant de se quitter, le ministre de la Justice – et je peux le citer au texte, si vous voulez – à l'endroit du député de Notre-Dame-de-Grâce, a soulevé, lui, une question de fait personnel qui est assimilable à une question de privilège, comme tel, compte tenu des propos qui ont été prononcés en cette Chambre par le député de Notre-Dame-de-Grâce et qui, s'ils sont vrais, sont des propos qui attaquent dans sa fonction même un parlementaire et un ministre de la Justice. C'est aussi grave que ça.

Maintenant, je tiens à vous dire que ces propos-là ne sont pas les propos seuls du député de Notre-Dame-de-Grâce. Lorsque le président ou l'autre vice-président présidait – et c'est là-dessus que j'ai commencé à établir les faits... Cette question de privilège là ne s'adresse pas seulement à l'endroit du député de Notre-Dame-de-Grâce, elle s'adresse également au député de Marquette, qui a prononcé en cette Chambre exactement les mêmes propos que vous reprochez à ce moment-ci au député de Notre-Dame-de-Grâce et qui n'ont été relevés par personne de l'autre côté, ni par la présidence lorsqu'ils ont été prononcés. Les mêmes propos, et je les cite au texte, ont également été prononcés par le député... non, le député de Shefford. Les mêmes propos ont également été prononcés par le député de Marquette, et je peux le citer au texte, je les ai pratiquement tous: «Il faut que je mette mes gars en place», et il citait le ministre de la Justice. Et je le dépose, M. le Président.

Les mêmes propos ont été prononcés en cette Chambre par le député de Nelligan, et je le cite au texte et je le dépose en même temps: «Il faut que je mette mes gars en place», et il cite toujours le ministre de la Justice dans des nominations de postes quasi judiciaires au sein de l'appareil québécois. Je pourrais également vous citer les propos...

Une voix: M. le Président.

M. Paradis: Je pourrais également vous citer les propos, parce que ça touche également la question de fait personnel qui a été soulevée, de Mme la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne. Et je la cite au texte: «Je suis très heureuse que le ministre de la Justice ait dit "il faut que je mette mes gars en place", puisqu'il a oublié de dire "mes gars et mes filles", parce que c'est exactement le même ministre de la Justice qui pense que les femmes, quand elles sont enceintes, elles ont de drôles d'attitudes, qu'elles sont portées à faire du vol à l'étalage. C'est le même ministre de la Justice, M. le Président, qui a dit ça l'année passée, qu'une femme qui est enceinte, elle a le goût d'aller voler.» Et je cite...

M. Bélanger: M. le Président! M. le Président!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: La question... Là, le leader de l'opposition est en train de s'égarer. La question de privilège porte sur un point précis, c'est-à-dire l'allégation à l'effet que le ministre de la Justice aurait dit qu'il allait placer ses gars. Alors, tout ce que j'ai à date, c'est du ouï-dire, c'est-à-dire qu'on reprend les différents discours des différents députés de l'opposition. C'est un peu comme si 45 députés de l'opposition disaient que le député de Brome-Missisquoi a des cheveux blonds puis qu'il n'a pas de barbe. Est-ce que ça voudrait dire qu'il a les cheveux blonds puis qu'il n'a pas de barbe?

Une voix: Yé!

Une voix: Bravo!

(20 h 30)

Une voix: À date, là, la question de privilège, elle n'est pas forte.

M. Paradis: M. le Président, je ne suis quand même pas pour me faire teindre et me faire raser pour faire plaisir au député.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, vous m'avez soulevé une question de privilège. La question que vous avez... Tout à l'heure, je vous ai demandé en vertu de quel règlement on travaillait, et vous m'avez dit: C'est une question de privilège. Bon. Alors, à ce stade-ci, je peux vous mentionner que, pendant toute la période où j'ai siégé, cet après-midi, les propos que vous avez mentionnés, «il faut que je mette mes gars en place», ça, ça a été reproduit régulièrement à peu près par tous les interlocuteurs. Bon. Jusque-là, je pense qu'il n'y a personne en cette Chambre qui va renier ces choses-là.

Mais la question qui a été posée à 17 h 55, c'est que le député de Notre-Dame-de-Grâce a, lui également, soulevé, et ce, à six reprises, selon les galées que j'ai, il a soulevé à six reprises «il faut que je mette mes gars en place», et c'est toujours le même texte qui revenait dans les discussions.

Maintenant, là n'est point le cas le plus grave. C'est que, après la troisième reprise, et nous l'avons relevé dans nos galées, la présidence s'est levée – la présidence, moi-même – je me suis levé et j'ai mis en garde le député de Notre-Dame-de-Grâce parce qu'il venait de prononcer le mot «patronage», et ça, pour moi qui ai été assis sur le banc ici de 16 h 30 à 18 heures, c'était la première fois qu'on assimilait le fait de nommer ses gars en place...

Une voix: Non, non, non, non.

Le Vice-Président (M. Pinard): Bien, écoutez, moi, je n'étais point présent lorsque Nicole... lorsque la députée de Saint... bon, ou encore que le député de Marquette ont prononcé ces propos, mais j'étais présent et j'ai écouté toutes les allocutions qui ont été prononcées ici devant moi, et le seul député qui a parlé et qui a assimilé «je vais placer mes gars en place» et «patronage», ce fut le député de Notre-Dame-de-Grâce, et c'est la raison pour laquelle je me suis levé debout et que j'ai demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce de faire attention, dans son allocution, pour respecter en tous points le règlement. Et vous savez très bien qu'en vertu des articles 35.6 et 35.7 il y a des propos qu'on ne peut exprimer en cette Chambre. Bon. Alors, par la suite, le député de Louis-Hébert et ministre de la Justice s'est levé pour demander que les propos en question, pas les propos à l'effet, là, qu'on...

Une voix: Qu'on place ses gars.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...qu'on place ses gars, là, pas ces propos-là, mais les propos concernant le patronage. Alors, que ces propos-là soient relevés, soient retirés, de la part du député de Notre-Dame-de-Grâce. Et c'est là-dessus, et là-dessus seulement, que je me suis retiré en vous disant qu'à 20 heures je rendrais une décision. Et, à ce stade-ci, je demande au député de Notre-Dame-de-Grâce de tout simplement mentionner à cette Assemblée qu'il retire le mot «patronage», tout simplement.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Ce n'est pas parce qu'une personne mentionne le mot une fois, ou 12 fois, ou six fois que le mot est plus parlementaire ou est moins parlementaire. Une expression et un contexte sont parlementaires s'ils ne sont mentionnés qu'une seule fois à l'égard d'un membre de cette Assemblée, qu'il siège de quelque côté de la Chambre que ce soit. Quand on parle de patronage, vous avez la députée de Saint-Henri qui vous dit: Moi, je l'ai utilisé également, dans le même contexte. Je ne sais pas si c'est vous qui présidiez à l'époque ou si c'est... Mais vous êtes quand même, M. le Président, la présidence qui se perpétue à travers les trois personnages, si je peux utiliser cette expression, qui occupent le fauteuil. Donc, tout le monde est responsable au même niveau. À ce moment-ci, on est face à une question de fait personnel, parce que le ministre de la Justice a raison de le soulever. S'il n'a jamais prononcé ces paroles, s'il n'a jamais voulu faire ce genre de nomination politique, il a strictement raison de s'indigner, de s'offusquer et de soulever une question de privilège. Mais s'il y a des députés, de ce côté-ci, qui maintiennent qu'ils ont entendu et qu'on peut établir devant cette Assemblée nationale que le ministre de la Justice s'est comporté de telle façon, la population jugera et la commission de l'Assemblée nationale jugera en vertu de l'article 55 du règlement et des articles 315 et suivants de notre règlement.

À ce moment-ci, M. le Président, je vous demanderais de reconnaître le député de Chomedey, qui, de son siège, est prêt à répéter ce que le ministre de la Justice lui a dit, et vous entendrez le ministre de la Justice, s'il est prêt à nier qu'il n'a jamais prononcé de telles paroles. Et, s'il y a conflit, M. le Président, entre les deux, à ce moment-là, le ministre de la Justice, s'il veut que les paroles soient retirées, sait comment procéder: c'est l'article 55 et les articles 315 et suivants. Sinon, qu'il assume la paternité des paroles indignes qu'il a prononcées.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Alors, je comprends qu'il n'existe aucun document dans lequel l'opposition peut prouver que le ministre de la Justice a effectivement dit ces propos-là. Aucun document. C'est ce que je pensais, ce que nous pensions, M. le Président. Le ministre de la Justice n'a jamais prononcé ces paroles. Ce que je comprends, c'est que le leader de l'opposition voudrait transformer l'Assemblée nationale en tribunal d'inquisition. C'est un peu, finalement, leur spécialité, le tribunal de l'inquisition. Ils aiment ça, des tribunaux de l'inquisition. Il faut faire une motion si on veut se retrouver devant la commission de l'Assemblée nationale et faire un tel spectacle. Je peux vous dire qu'à ce stade-ci il n'y a aucune motion qui est devant vous, et on ne commencera pas à faire un pseudo-procès.

Moi, ce que j'ai demandé au leader de l'opposition... Puis le leader de l'opposition va être d'accord, il va se souvenir des propos que j'ai dits. Moi, j'ai demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce, j'ai dit: A-t-il... J'ai demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce; je ne m'adresse pas au député de Notre-Dame-de-Grâce, je m'adresse au président. Ce que j'ai demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce, c'est: A-t-il des documents, un verbatim, des preuves? Aucune preuve écrite à l'effet que le ministre a tenu ces propos. Rien. Rien, M. le Président. Donc, je comprends que ce sont des affirmations gratuites. Et maintenant, ce qu'on est en train de dire, c'est: Parce qu'un le dit, parce qu'un autre le dit et qu'un autre le dit, bien, ça doit être vrai, puisqu'ils disent tous la même chose. Mais je vous donnais l'exemple du député de Brome-Missisquoi qui serait blond puis qui n'aurait pas de barbe. Je pense que c'est assez éloquent comme preuve, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. M. le leader de l'opposition. J'aimerais, moi, clore le travail que j'avais à effectuer, et après ça on revient là-dessus.

M. Paradis: M. le Président, le problème...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui.

M. Paradis: ...qui se pose, c'est que, si vous rendez une décision – et je pense que vous avez suffisamment d'expérience pour le savoir – sans entendre complètement la preuve qui est devant vous, à moins de vous en déclarer complètement satisfait, c'est-à-dire que vous prenez la parole du leader du gouvernement suite à ce qu'il a dit, il nous est impossible de revenir en argumentation sur ce sujet. Et vous le savez, M. le Président. Dans les circonstances, le ministre de la Justice n'a jamais déclaré en cette Chambre – le leader du gouvernement l'a fait – qu'il n'avait jamais prononcé les propos que six députés libéraux lui imputent. Et si le leader du gouvernement insiste pour avoir de la preuve...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, la décision que j'ai rendue n'attribue absolument pas ce que vous venez de signifier. Ce que je dis...

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non. Ce que je dis, c'est que, la période où, moi, j'ai siégé cet après-midi, j'ai continuellement entendu les mêmes propos, continuellement les mêmes propos. Et ces propos-là ont, semble-t-il... Et vous allez les retrouver dans les galées de tous ceux qui ont fait des discours dans le courant de la journée. Ce n'est pas sur les propos...

Des voix: On va placer ma gang.

Le Vice-Président (M. Pinard): ...«on va placer ma gang», ce n'est pas là-dessus du tout, mais pas du tout. Le jugement que j'ai rendu et ce que je demande à ce stade-ci, en respect du règlement de l'Assemblée nationale, c'est tout simplement que le député de Notre-Dame-de-Grâce mentionne à cette Assemblée: Je retire les propos de «patronage». Alors, jamais je n'accepterai en cette Chambre qu'un député accuse un autre député de patronage, et ça, c'est notre règlement qui me l'impose, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, vous, vous pouvez, à ce moment-là, demander au député qui a prononcé ces paroles...

Le Vice-Président (M. Pinard): Oui, de les...

M. Paradis: ...de procéder à ce moment-là, au moment où il les a prononcées, soit de les retirer, soit de procéder, et ça, le député a le droit de le faire, procéder en vertu des articles 55, 315 et suivants. Nous sommes dans un cas d'une gravité extrême. Ce n'est pas un cas où on dit: Vous retirez vos paroles, et il n'y a pas de conséquence. S'il y a des admissions, s'il y a six députés qui se sont levés en cette Chambre pour dire que le ministre de la Justice voulait placer sa gang dans des postes quasi judiciaires, nous sommes dans une question extrêmement grave, qui touche l'essence même de la crédibilité de nos institutions au Québec. Et, à ce moment-là, vous pouvez dire aux députés: Si vous voulez maintenir ces paroles ou si le ministre veut forcer de les retirer, qu'ils aillent jusqu'au bout, qu'ils procèdent en vertu de 55, 315 et suivants.

Et, à ce moment-ci, M. le Président, je vous demande d'entendre... Parce qu'on n'a pas entendu de la bouche du ministre qu'il ne les avait pas prononcées. Si le ministre n'a pas le courage de se lever et de dire qu'il ne les a pas prononcées, que le député de Chomedey puisse se lever et dire à quelle occasion quelles paroles ont été prononcées. Et ça, ça fait partie de la preuve qu'a demandée le leader du gouvernement.

(20 h 40)

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. J'ai demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce le verbatim des galées d'une telle déclaration, ce qui, de toute évidence, n'existe pas. Je n'ai jamais demandé qu'on commence le procès ou un pseudo-procès, parce que, pour que ça se fasse, le forum où cette chose pourrait se faire, c'est devant la commission de l'Assemblée nationale. C'est la seule place où cette chose peut être faite, si jamais le député de Notre-Dame-de-Grâce décidait de faire une motion et d'envoyer ça devant la commission de l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas le cas.

Et je tiens aussi à vous dire que ce n'est pas parce qu'une chose a été dite 10 fois et qu'il n'y a pas eu de question de règlement qui a été soulevée à ce moment-là que ça devient acceptable. À partir du moment où on le relève une fois, même si ça a été dit 10 fois, à ce moment-là, la présidence se doit d'évaluer, pour la fois où ça a été mentionné, si, oui ou non, c'est parlementaire ou ce n'est pas parlementaire. Ce que j'ai fait, M. le Président. Je me suis levé et je vous ai dit que, quant à moi, c'était antiparlementaire. C'est ça, M. le Président.

Donc, vous n'avez absolument pas à entendre le député de Chomedey et, après, entendre le ministre de la Justice, après ça, entendre d'autres députés qui auraient entendu l'autre député. Ce n'est pas ça, M. le Président. Ça, c'est devant la commission de l'Assemblée nationale, si on décide de faire une motion en ce sens-là, que le député de Notre-Dame-de-Grâce peut toujours le faire, il connaît le règlement; le leader de l'opposition le connaît assez bien, il pourra le conseiller. Mais ce n'est pas le temps, à ce moment-ci, de faire le procès.

Quant à moi, je suis satisfait de la recherche qui a été faite, recherche qui est vaine, qui n'a apporté absolument rien. Et je répète: quant à moi, je n'ai aucune preuve, aucune déclaration, aucun texte, aucun verbatim – je vois le député de Chomedey qui m'écoute – à l'effet que ces paroles auraient été prononcées. Et ce n'est pas maintenant à écouter le député de Chomedey... Et je ne traite personne, là, de menteur, non, absolument pas, M. le Président. Moi, je dis tout simplement que, s'il y a des propos qui ont été – je ne sais pas pourquoi il y a deux députés qui sont debout en même temps, peut-être un exercice de respiration – mais c'est ça, tout simplement, qui a été la portée de mes propos.

Le Vice-Président (M. Pinard): Je dois mettre fin à ce débat qui n'a absolument aucun fondement en vertu de notre règlement. J'ai demandé tout à l'heure au député de Notre-Dame-de-Grâce de retirer ses paroles. Les paroles en question, je les ai bien mentionnées. Je lui ai demandé de retirer le mot «patronage». On est rendu là. On est rendu à cette étape. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, si vous ne vous exécutez pas, je devrai vous rappeler à l'ordre pour une première fois. Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, voulez-vous retirer le mot «patronage»?

M. Paradis: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Vous nous dites que vous acceptez, comme président, que des députés en cette Chambre disent que le ministre de la Justice a spécifiquement dit que, dans des cas de nominations quasi judiciaires, il nommerait ses chums. M. le Président, si ça ne s'appelle pas du patronage, quel est le mot que vous souhaitez que nous employions?

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, vous savez très bien que vous pouvez vous exécuter en fonction... en vertu des articles 315 et suivants. Alors, à ce stade-ci, il n'y a aucune motion qui est mise sur la table. Donc, je vous le soulève, vous avez le droit d'y aller avec les articles 315 et suivants, chapitre premier: «Conduite d'un membre du Parlement». Alors donc, au moment où on se parle, je suis toujours sur la même discussion que nous avons eue à 17 h 55. Et je constate et, en vertu de notre règlement, je demande au député de Notre-Dame-de-Grâce de bien vouloir retirer le mot «patronage». Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: M. le Président, je suis prêt à remplacer le mot «patronage» par «nomination partisane».

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, je vous remercie beaucoup, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Ça va permettre à cette Assemblée de poursuivre ses travaux, et nous en sommes... Alors, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, nous allons constater le temps qu'il vous reste, et, si vous voulez bien poursuivre votre allocution. Oui, il restait...

M. Copeman: Merci, M. le Président. Alors, je disais, avant 18 heures, que le ministre de la Justice, lors d'une rencontre, a dit: Il faut que je mette mes gars en place, comme vous le ferez quand vous reviendrez au pouvoir. Je disais que c'étaient les paroles du ministre de la Justice. Si ça, si ces mots-là ne constituent pas des nominations partisanes, je ne comprends pas...

M. Bégin: M. le Président.

M. Copeman: ...la différence entre les deux.

M. Bégin: M. le Président.

Une voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le ministre de la Justice. S'il vous plaît! C'est une question de règlement?

Bon. Excusez-moi, c'est vrai. Je vous avais cédé la parole, mais, comme j'étais debout, le micro... Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Question de règlement, M. le Président. Le député de Notre-Dame-de-Grâce reprend des propos qui n'ont pas été prononcés. C'est les...

Une voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement... S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, à ce stade-ci, je dois vous mentionner que, il y a environ 30 secondes, vous avez accepté comme propos parlementaires...

M. Bélanger: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Vous venez de l'accepter, on l'a dans les galées. S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Notre-Dame-de-Grâce, vous avez deux minutes pour votre allocution, alors je vous écoute religieusement. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Je reviens dans le but d'aider soit le leader du gouvernement, soit le ministre de la Justice.

Des voix: Ah!

M. Paradis: Si vraiment le ministre de la Justice n'a pas prononcé ces propos, il peut procéder en vertu de l'article 55 de la loi et des articles 315 et suivants du règlement de l'Assemblée nationale, et ça pourra clarifier le débat. S'il est prêt à le faire, qu'il le fasse.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Alors, M. le Président, avant d'être interrompu pour la xième fois, je disais que, lors d'une rencontre, le ministre de la Justice a dit: Il faut que je mette mes gars en place, comme vous le ferez quand vous reviendrez au pouvoir. Si ces mots-là ne représentent pas une admission de nominations partisanes de la part du ministre de la Justice, je ne comprends pas la différence.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Laviolette, s'il vous plaît. S'il vous plaît. S'il vous plaît. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je répète que, il y a à peine trois ans, le leader actuel du gouvernement avait, alors que le projet de loi 105 était devant la Chambre, le 19 octobre, dit: Alors, je pense que, dès maintenant, le gouvernement devrait avoir le courage de mettre fin à cette situation de patronage. C'étaient les mots du leader actuel. Ce que, il y a trois ans, il dénonçait...

Une voix: Oui.

M. Copeman: ...son gouvernement s'apprête à le faire avec la loi n° 130.

Une voix: C'est ça.

M. Copeman: C'est ça, la situation qui est devant nous, et on empire la situation avec le bâillon parce qu'on ne peut pas faire passer ces types de choses là avec nos procédures normales de terminer une étude en commission parlementaire, en étude détaillée. Non. Alors, pour terminer ce qu'ils ont commencé, les gens d'en face, ils mettent le bâillon pour faire expressément des nominations partisanes qu'ils dénonçaient il y a trois ans. Et c'est ça qu'on dénonce, de ce côté de la Chambre. Je vous remercie.

(20 h 50)

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: En vertu de notre règlement, comme auteur de la motion, je pense que j'ai un droit de parole de 30 minutes? Oui? Alors, je vais le prendre.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Paradis: Question de règlement.

M. Bélanger: Je me suis informé avant.

M. Paradis: M. le Président, je n'étais pas là hier. Le règlement prévoit que le leader du gouvernement se voie réserver un droit de réplique de dix minutes. Je pense que l'article est clair là-dessus. Je ne sais pas, et je vous demande de m'informer, si les droits de 30 minutes ont été utilisés par le parti ministériel, simplement pour clarifier la situation.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition, l'auteur de la motion, le premier ministre et les autres chefs des groupes parlementaires ou leurs représentants ont un temps de parole de 30 minutes. Les autres députés ont dix minutes. Et, enfin, conformément aux dispositions de l'article 251, au terme de ce débat, le leader du gouvernement a un droit de réplique de dix minutes. M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Sur la question de fait – ce n'était pas sur la question de règlement – est-ce que le droit de parole de 30 minutes a été utilisé hier? C'est simplement ce que je vous demande de vérifier.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, là-dessus...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: J'ai pris la peine de m'informer auprès de la table, de regarder mon règlement, et il y a deux droits de 30 minutes, quant à ma compréhension du règlement: l'auteur de la motion, le premier ministre ou son représentant. Le ministre de la Justice a pris le 30 minutes du premier ministre, et, moi, comme auteur de la motion, j'ai droit à mon 30 minutes.

M. Paradis: Je comprends que le leader...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le leader de l'opposition. Après vérification, il appert que le ministre de la Justice, comme représentant du gouvernement, a pris un droit de parole de 30 minutes. L'auteur de la motion, qui est le leader du gouvernement, n'a pas utilisé son 30 minutes. Également, je tiens à lui rappeler qu'il avait aussi droit, en vertu de l'article 251, au terme du débat, à un dix minutes additionnel. Alors, ça va? Donc, M. le leader du gouvernement, à vous la parole.


M. Pierre Bélanger (réplique)

M. Bélanger: Je vous remercie, M. le Président. Je suis content qu'on ait éclairci ce petit point. J'écoutais tout à l'heure avec beaucoup d'attention les discours qui, je dois le constater, étaient un peu répétitifs – je me demande pourquoi, M. le Président – les dix minutes des députés de l'opposition. Je les voyais s'indigner d'une motion de clôture, en particulier la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, qui s'indignait, le député de Bourassa, qui ne veut pas être de reste, qui s'indignait qu'on bâillonnait l'opposition, qu'on les empêchait de parler. Laissez-moi vous dire, M. le Président, que si on les empêchait de parler, pour des gens qu'on bâillonnait, ils parlaient pas mal. Une trentaine de personnes qui parlent dix minutes, si c'est ça, couper les droits de parole des gens, je me demande ce que c'est quand ça parle.

Maintenant, moi aussi, je voudrais poser la question à la députée de Saint-Henri–Sainte-Anne, M. le Président. Où était-elle en juin 1992, quand on a passé 28 lois dans une motion de bâillon? Un vrai bâillon: suspension des règles, avec cinq minutes sur chaque projet de loi. Où était-elle, M. le Président? Où était-elle, M. le Président, le 28 juin? Le député des Îles-de-la-Madeleine était là, lui aussi, je me souviens. Le député de Saint-Laurent était là, lui aussi. Il était là, M. le Président.

Des voix: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît! On est encore dans un débat où il n'y a que celui qui a le droit de parole qui peut intervenir, ce n'est pas un intervenant de part et d'autre, à tout moment. Acceptez les propos de l'autre, tant qu'ils sont parlementaires, et vous aurez le temps de répondre à votre tour. M. le leader.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Alors, je me demande: Comment devaient-ils se sentir en juin 1992? Je regardais d'ailleurs l'article qui avait été fait dans les journaux relativement à ce vrai bâillon. Un bâillon comme il n'y en a jamais eu. Ça a pris un gouvernement libéral pour l'inventer. Vingt-huit projets de loi! Certains de ces projets de loi, le principe était à peine fait, on les a passés en cinq minutes. Du jamais vu. Alors, maintenant, on crie à l'indignation. Je n'ai pas fait un bâillon, c'est une motion de clôture. Une motion de clôture fait en sorte qu'il y a encore deux étapes à passer: il va y avoir la prise en considération du rapport, si la motion est adoptée, et il va y avoir l'adoption du projet de loi, si la prise en considération du rapport est adoptée. Alors, c'est ça. Il reste encore deux étapes.

Et, en plus, M. le Président, avant de faire cette motion de clôture, je l'ai bien mise au feuilleton pour que le député de Chomedey la voie. Le député de Chomedey va bien voir que cette motion est là, que, si en commission parlementaire il n'y a pas un travail qui se fait, il n'y a pas une progression normale, qui peut être longue, c'est normal, mais une progression qui se fait, à ce moment-là, je vais l'appeler et on va la débattre, cette motion de clôture. Mais non, au contraire, il n'y a eu aucune progression.

Le député de Notre-Dame-de-Grâce, que je respecte beaucoup, qui est un parlementaire en cette Chambre qui normalement respecte vraiment nos règles parlementaires et qui, je dirais, est un gentleman, j'étais étonné quand je l'ai entendu citer des propos du ministre de la Justice. Et je dis bien des prétendus propos. Moi, ce que je demandais au député de Notre-Dame-de-Grâce, qui est un parlementaire respectable, c'est: Peut-il déposer en cette Chambre le verbatim? Peut-il déposer en cette Chambre les galées où le ministre de la Justice aurait dit de telles choses? Rien, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): S'il vous plaît, sur cette question, je ne veux plus que personne revienne. On n'a pas de raison de prendre la parole de l'un plus que de l'autre. Le ministre dit qu'il ne l'a pas dit, l'autre dit qu'il l'a dit. Alors, pour moi, c'est zéro. Bon. Vous avez, tout l'après-midi, fait allusion à cela. Lui, il commence à peine. Ça fait cinq minutes qu'il parle. Alors, s'il vous plaît, je ne veux plus entendre d'intervention sur ça. M. le leader.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Encore là, je ne fais rien que constater des faits. Je lui ai demandé qu'on dépose le document. Il n'a jamais été déposé et il ne sera jamais déposé, de toute évidence. Alors, qu'est-ce que ça peut être? Je me pose la question. Un procès d'intention? Parce que, dans les différentes interventions, j'ai remarqué une constante: on prête des intentions, on donne des intentions au ministre. On dit que le ministre, il veut faire ci en faisant adopter ça. Mais d'où vient cette méthode de procès d'intention? Évidemment, celui qui a parti le bal, c'est le député de Chomedey. Le député de Chomedey aime ça, faire des procès d'intention, je suppose. Et il parlait avec une certaine gravité, le député de Chomedey, du jugement du bâtonnier sur le projet de loi du ministre de la Justice, la fameuse lettre qu'on nous lit puis qu'on nous relit.

Mais, moi, je me demande, M. le Président, ce que ça doit être quand on se fait rappeler à l'ordre non pas par le Barreau du Québec – ici, dans le cas de la lettre, de toute façon, ce n'est pas un rappel à l'ordre, c'est un commentaire du bâtonnier – mais quand on se fait rappeler à l'ordre par la Cour d'appel du Québec. Parce que le député de Chomedey, moi, je trouvais ça excessivement intéressant, j'ai un jugement de la Cour d'appel: Jugement de la Cour d'appel, l'Ordre des pharmaciens du Québec contre Meditrust Pharmacy Services et Procureur général du Québec. Dans ce jugement de la Cour d'appel, il est fait abondamment mention du député de Chomedey, et il s'est fait rappeler à l'ordre par la Cour d'appel du Québec qui lui a dit, si on interprète le jugement, de cesser de faire des procès d'intention. Alors, c'étaient les juges Brossard, Otis et Rothman qui ont rendu une décision dans cette affaire. Il y avait dans cette affaire, alors que le député de Chomedey était tout simplement, je pense, président de l'Ordre des professions... Alors, le juge disait, relativement à un affidavit produit par le député de Chomedey: «Je suis d'avis, en effet, que non seulement aucune importance ne doit être accordée à cet affidavit, mais que, surtout, son contenu est absolument inadmissible selon toutes nos règles de preuve. Il me paraît être en effet un fouillis d'argumentations, d'attestations par ouï-dire et de procès d'intention.» Alors, c'est ça, M. le Président, ce qu'on pensait de l'affidavit.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le leader. M. le député de Bourassa, une question de règlement?

M. Charbonneau (Bourassa): J'aurais une question de directive à vous demander...

Le Vice-Président (M. Brouillet): De directive?

M. Charbonneau (Bourassa): ...pour qu'on se comprenne. Quel article du règlement permet au leader de parler d'un député en des termes aussi négatifs alors qu'il est absent? Trouvez-moi l'article.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, c'est certain, il n'y a aucun article qui prévoit qu'on ne peut parler de quelqu'un que lorsqu'il est là, parce que, en principe, tout le monde doit être là. Alors... Ah non! Je ne dis pas qu'il n'est pas... Comme pour d'autres aussi. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Maintenant, je vais prendre la défense du député de Chomedey. On n'a pas le droit de mentionner qu'il n'est pas là...

Une voix: C'est ça!

M. Bélanger: ...et le député de Bourassa n'a pas à mentionner que le député de Chomedey n'est pas là.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Bélanger: Je veux défendre le député de Chomedey. On n'a pas le droit de mentionner qu'il n'est pas là.

Des voix: Ha, ha, ha!

(21 heures)

Une voix: C'est beau, c'est beau.

M. Bélanger: Ça, c'est très important. Alors, je prends pour acquis qu'il est là et qu'il est devant moi.

Alors donc, le député de Chomedey, dont il est abondamment fait mention dans ce jugement de la Cour d'appel... Et ça, c'est des documents que je peux déposer, là, ce n'est pas des inventions. Je ne dis pas qu'il y en a eu, je ne dis pas... C'est un jugement de la Cour d'appel du Québec. Ça, on appelle ça, en bon jargon d'avocat, se faire botter le derrière par un juge. Ça vous arrive une fois. Quand ça vous arrive par la Cour du Québec, ça fait très mal; par la Cour supérieure, très, très, mal; mais, quand on se fait botter le derrière par la Cour d'appel, c'est très douloureux et très humiliant. Et j'imagine le député de Chomedey après avoir eu un tel jugement rendu par la Cour d'appel: ça a dû être terrible, M. le Président. Ça a dû être terrible. Alors, je me suis dit...

M. Farrah: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le whip de l'opposition.

M. Farrah: Je peux bien comprendre que le leader du gouvernement n'a pas d'argument, mais voulez-vous le rappeler à la pertinence sur sa propre motion?

Mme Loiselle: Sa propre motion. Il ne parle même pas sur la motion. Il ne parle même pas de la loi...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, écoutez... Écoutez, le leader intervient et il fait référence à des propos contenus dans le cadre du même débat. Alors...

M. le leader.

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Non, c'est très pertinent, et je vais expliquer pourquoi. Peut-être que le député de Bourassa ou le député des Îles-de-la-Madeleine n'ont pas suivi le cheminement, pourquoi je parle de ça. Je disais que la première intervention, celle qui a parti le bal, c'est celle du député de Chomedey, qui probablement, après ça, a donné, comme on dirait, des «hints» ou des arguments à ceux qui l'ont par la suite suivi. Je disais qu'il faisait des procès d'intention et je me demandais où le député de Chomedey avait commencé ses tactiques de procès d'intention, puis j'ai mis la main sur un jugement de la Cour d'appel du Québec où il est fait mention – il est nommé, le député de Chomedey, M. le Président...

M. Farrah: M. le Président, le leader du gouvernement vient spécifiquement de prouver que ça n'a aucun rapport avec le projet de loi qu'on a devant nous, devant la motion de clôture qu'on a. C'est totalement hors contexte, alors qu'on parle du député de Chomedey dans un autre contexte complètement.

Mme Loiselle: Bien oui.

M. Farrah: Alors, s'il vous plaît, rappelez-le à l'ordre. Je sais qu'il n'a pas d'argument sur sa motion de clôture. Rappelez-le à l'ordre sur la pertinence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bien, écoutez, si je commence sur la pertinence, il aurait fallu que j'intervienne après midi beaucoup, sur beaucoup de sujets.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Brouillet): Non, mais, écoutez, là, hein, dans la mesure où l'intervention a rapport à des interventions antérieures, on peut permettre, pourvu que tout le débat ne se fasse pas autour de ça, mais on peut se permettre quelques références à des propos qui ont été tenus durant ce débat depuis le début, si vous voulez. Alors, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Vous avez complètement raison, on peut référer à des propos qui ont été tenus pendant ce débat. Est-ce que vous auriez l'occasion de nous dire à quel moment pendant ce débat ces propos ont été tenus?

Une voix: Jamais.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pas ces propos. Pas ces propos. Écoutez – ha, ha, ha! – vous avez très bien compris ce que j'ai voulu dire. C'est qu'il se réfère à la personne qui a prononcé des propos aujourd'hui dans le débat de...

M. Paradis: ...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pas ces propos-là, mais les propos qui ont été soulevés. Bon, bien, à ce moment-là, les propos que vous avez avancés après midi, c'est des propos qui n'étaient pas dans le débat non plus. Vous les avez amenés dans le débat. Ha, ha, ha!

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, M. le leader.

M. Paradis: Oui. Les propos qui ont été prononcés par les six députés, sur lesquels celui qui occupait la présidence avant vous s'est prononcé, ont été prononcés en commission parlementaire, au cours de ce débat. Les propos que vient de prononcer le leader du gouvernement n'ont jamais été prononcés dans ce débat. Ils sont complètement hors contexte et ne font absolument pas partie, ni directement ni indirectement, d'une motion de suspension des règles, ni du débat qui a eu lieu sur ce projet de loi. Dans les circonstances, vous êtes chargé d'appliquer la règle de pertinence. Vous pouvez le faire d'office, comme tel, de votre siège, ou vous devez, lorsqu'un député le demande, comme le député des Îles-de-la-Madeleine l'a fait, vous prononcer sur la pertinence des propos. Si vous ne le faites pas ou s'il n'y a pas de député qui se lève... Je comprends que le débat est généralement plus large, mais, lorsque vous êtes appelé à interpréter notre règlement, si des propos sont hors contexte, s'ils n'ont pas été prononcés dans le cadre du débat, s'ils ne font absolument pas partie d'une motion de suspension des règles, c'est votre devoir de présidence de vous assurer, à ce moment-là, que le leader du gouvernement en vienne à la pertinence du débat. Pourquoi suspendre les règles dans le cadre d'un tel débat?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, vous avez à intervenir sur la question de règlement?

M. Bélanger: Oui, oui, M. le Président, je pensais que le leader de l'opposition, qui a toujours été là, se souvenait que j'avais mentionné le fait que, lors de l'intervention du député de Chomedey dans ce débat, quand il a donné la réplique au ministre de la Justice, il a prêté des intentions au ministre de la Justice. Et, moi, pour essayer de comprendre le député de Chomedey – donc, ça fait partie de mon intervention – j'essayais d'expliquer comment il avait développé cette stratégie de prêter des intentions. Et j'ai mis la main sur le jugement de la Cour d'appel.

M. Paradis: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, dernière intervention. M. le leader.

M. Paradis: Oui, M. le Président, il est interdit de prêter des intentions. Ce que le député de Chomedey a fait, ce sont des affirmations qui sont graves, qui ont été reprises par cinq autres députés de la formation de l'opposition, il n'a jamais prêté d'intention. C'est interdit, en vertu de notre règlement, de prêter des intentions à qui que ce soit. Ce n'est pas interdit de porter des accusations et de faire des affirmations en cette Chambre. Si le leader du gouvernement a des accusations à faire, pas des intentions à prêter, qu'il les fasse; sinon, qu'il s'en tienne au règlement comme tel, à la pertinence.

Il doit sans doute avoir des motifs pour lesquels il a proposé à cette Chambre de suspendre les règles. Nous, de ce côté-ci, nous sommes prêts à entendre ces motifs. Mais pas d'insinuations, pas de prêtage d'intentions, ce n'est pas conforme. L'article 35 de notre règlement est très clair, il est interdit à qui que ce soit de prêter des intentions, comme tel. Lorsqu'on fait des accusations, lorsqu'on fait des affirmations, il faut être capable d'y faire face. Et, si le ministre de la Justice – et je l'ai entendu, tantôt, il me corrigera si ce n'est pas exact – a dit à son leader: Demain, je procéderai en vertu des articles 55, 315 et suivants...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez, tout d'abord, c'est vrai qu'il ne faut pas prêter d'intentions aux autres, de part et d'autre. Et là on va plus loin, on prête des paroles aux autres. Et il y a un débat sur ça: Les paroles ont-elles été dites ou non? Ce n'est pas dans ce théâtre, ici, qu'on peut en débattre et en décider. Bon. Alors, prêter des paroles, c'est encore plus grave que simplement des intentions. Et, comme on n'a pas ce qu'il faut pour trancher sur cette question-là, je l'ai dit tantôt, j'aimerais que, ici, on évacue toute référence à ces soi-disant propos qui auraient été dits puis n'auraient pas été dits. On n'a aucune raison, à la présidence, d'accorder plus de crédit à un ou à l'autre. Et on n'a pas, ici, les moyens de décider. Il y a dans le règlement des articles, quand on met en question la conduite d'un député, et tout, et c'est dans un cadre bien particulier que nous pouvons, à ce moment-là, discuter et trancher sur cette question-là. Et c'est pour ça que je trouve qu'ici devant la situation, on ne devrait pas poursuivre le débat sur ces paroles, finalement. Il y a assez de matière à débat, si vous voulez, sans qu'on prenne cette matière-là. À mon sens, ce n'est pas le lieu pour en débattre, de cette matière-là.

Alors, c'est pour ça que j'inviterais, de part et d'autre, dans les interventions, à laisser de côté cette référence à des paroles qui, pour un, auraient été prononcées et, pour l'autre, n'auraient pas été prononcées. Alors, je vous invite, si vous voulez, à ne plus en parler, de ça, à ne plus faire référence à ces paroles-là et à passer, si vous voulez, au texte du projet de loi. Je pense que ça, c'est l'esprit du règlement. Alors, ça va, on se met d'accord sur ça? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, simplement pour qu'on s'entende bien, la personne qui occupait le fauteuil avant que vous ne l'occupiez a demandé à un député de retirer un mot. Il a reconnu à six reprises en cette Chambre que les autres mots prononcés dans le cadre de ce débat étaient acceptables dans le cadre parlementaire. Je veux simplement qu'on s'entende, que vous mainteniez la jurisprudence qui a été établie par celui qui occupait votre fauteuil. Le mot demandé à être retiré par la présidence l'a été. Six autres députés ont prononcé d'autres mots qui ont été jugés acceptables, des mots graves, par exemple, mais qui ont été jugés acceptables dans le cadre de notre débat parlementaire que...

(21 h 10)

Je m'excuse, là, je m'adresse à la présidence. À ce moment-là, je veux juste m'assurer que la présidence maintient... Si le mot qu'on a demandé de retirer est répété... J'espère qu'il ne le sera pas, M. le Président, le mot demandé par la présidence d'être retiré. J'espère qu'il ne sera pas réutilisé ce soir, pour se conformer correctement à la décision de la présidence. Quant aux autres mots qui ont été acceptés à une demi-douzaine d'occasions – je pense qu'ils ont déjà été acceptés – ils doivent être utilisés dans un contexte correct et approprié tout en étant dans la pertinence du débat. Et, à ce moment-là, si le ministre de la Justice – c'est son droit le plus fondamental – n'a jamais prononcé ces paroles, je pense qu'il a le droit d'établir qu'il ne les a jamais prononcés et qu'il utilise la procédure appropriée.

M. Bélanger: M. le Président.

Une voix: Ça n'a pas de bon sens, là!

M. Bélanger: M. le Président.

Une voix: On n'est même plus sur la pertinence.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je reviens à ce que j'ai dit et je maintiens ce que j'ai dit. Le mot «patronage» a été déclaré antiparlementaire tantôt. Ça, on accepte ça de part et d'autre. Et, sur l'autre point, je vous ai demandé, étant donné qu'il y a un litige qu'on ne peut pas trancher ici... Mais, écoutez, moi, je n'ai pas les galées. Il me semble que le ministre, à ce que j'ai vu, à ce qu'on m'a dit, s'est levé avant le souper pour dire qu'il n'avait pas prononcé ces mots.

M. Jolivet: Question de règlement, M. le Président. M. le Président, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Mais, ça, c'est une question de fait, là, d'abord, que je veux trancher.

M. Jolivet: Mais juste un instant. M. le Président, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Bon, pas une question...

M. Jolivet: Juste un instant. Je vais être calme. Toute la question, M. le Président, a débuté par une demande de la part du whip de l'opposition sur la pertinence. Je crois qu'à ce moment-ci ça a dévié sur autre chose, M. le Président. Voulez-vous dire au leader du gouvernement qu'il peut procéder, si vous pensez qu'il n'était pas pertinent, en lui demandant la pertinence. Si vous faites ça, ça va être réglé, parce que, là, il a commencé à vous embarquer dans une décision qui était déjà rendue, et vous n'avez pas à revenir sur la décision; elle est faite, elle est donnée. Donc, à ce moment-ci, vous devez demander au leader du gouvernement de continuer son débat et d'être dans la pertinence, et il vous expliquera de quelle façon il va être dans la pertinence. C'est tout ça qu'il y a à régler à ce moment-ci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Vous me ramenez bien en arrière de ce que... là où on était rendu, vous, là. Non, moi, sérieusement, je pense que, sur une question comme ça, à ce moment-là, toutes les interventions... La pertinence en prend plus large un tout petit peu, là, parce qu'il y a, si vous voulez, en l'occurrence une question de crédibilité. Qui dit vrai, finalement?

M. Paradis: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui.

M. Paradis: ...est-ce que je peux vous demander de prendre le temps de vérifier? Parce que vous avez dit – et je pense que vous le dites de bonne foi, j'en suis convaincu – que le ministre aurait nié ces propos avant 18 heures, alors que quelqu'un d'autre occupait votre fauteuil. Est-ce que vous pouvez prendre le temps d'aller vérifier si...

Une voix: Ce n'est pas à vous autres à décider.

M. Paradis: Bien, je m'excuse, là, je ne prétends pas avoir la vérité absolue; je prétends simplement que j'étais là puis que je ne les ai pas entendus. Vous n'étiez pas là, M. le Président, et, à ce moment-là, je vous demande simplement d'effectuer les vérifications qui peuvent sous-tendre une de vos décisions. Ces propos-là n'ont pas été niés par le ministre de la Justice, comme tel. Je sais que vous venez de dire qu'ils auraient été niés et je ne prête aucunement une mauvaise intention. À ce moment-là, la seule façon de le vérifier, c'est de retourner aux «transcripts». Ces «transcripts» sont maintenant disponibles. On ne demande pas une suspension d'une demi-heure; en cinq minutes, ça peut être vérifié comme tel et on saura à quoi s'en tenir. Et je maintiens, quant à la question de règlement, la question de pertinence des propos du leader.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Écoutez! S'il vous plaît! Je vais suspendre quelques minutes parce que je veux voir...

(Suspension de la séance à 21 h 15)

(Reprise à 21 h 26)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, j'ai consulté les galées, et le ministre, quand il s'est levé, à plusieurs reprises, il a dit qu'il n'avait jamais prononcé ces paroles, que c'était tout à fait inexact. Alors, je peux vous lire le texte: «M. Bégin: Je viens d'entendre le député de Notre-Dame-de-Grâce citer une supposée proposition que j'aurais énoncée. Ça fait au moins cinq fois que je l'entends. Je pensais que c'était pour s'estomper, mais, comme ça continue, je tiens à dire qu'en aucun temps je n'ai mentionné cette phrase qui a été évoquée pour la première fois par le député de Chomedey. Je répète que je n'ai jamais mentionné cette phrase devant personne et que, si jamais ils prétendent que c'est le cas, je leur demande de donner le nom de la personne qui aurait entendu ça, parce que c'est tout à fait inexact.»

Alors, c'est en m'appuyant sur cette donnée que je croyais authentique et que, après vérification, j'ai pensé qu'il faudrait que cet aspect de la question soit évacué de nos débats dans cette Chambre, ici, pour le moment et que ça relève d'un autre forum, si vous voulez, s'il y a lieu d'y aller. C'est à vous à en décider. Ce n'est pas à moi. Mais je pense que le règlement est assez clair – au moins, l'esprit du règlement est assez clair – que ce genre de discussion là, de débat doit se livrer dans un autre forum.

Et je demanderais de part et d'autre, dans les débats, de cesser de faire référence à ces paroles, si vous voulez, qui, pour un côté, auraient été prononcées, pour l'autre, n'auraient pas été prononcées. Sinon, on va continuer dans un genre de débat qui ne devrait pas avoir lieu ici. Alors, j'invite les deux parties, les deux leaders et tout le monde, pour terminer sur une note conforme à l'esprit du règlement, à laisser de côté cette référence à cette parole.

M. Paradis: M. le Président, je partage tout à fait votre avis que ce genre de question se doit d'être tranché dans un forum qui est prévu à la Loi sur l'Assemblée nationale et au règlement de l'Assemblée nationale lorsque, d'un côté, on fait des affirmations et, de l'autre côté, on les nie, parce que ça touche la crédibilité même des parlementaires qui sont mis en cause.

Maintenant, celui qui vous a précédé sur le banc, immédiatement après avoir entendu le ministre de la Justice – et je cite le vice-président Pinard – s'est prononcé comme suit: «Je pense que j'ai une suggestion qui va rallier les deux côtés de cette Chambre: je vais suspendre les travaux, je vais écouter les enregistrements, et nous allons revenir à 20 heures avec cette question très pertinente concernant les propos du député de Notre-Dame-de-Grâce vis-à-vis du ministre de la Justice sur une question de fait personnel.»

Le problème que j'ai à ce moment-ci et qui, sans doute, est partagé également par le leader du gouvernement, c'est que le président s'est senti saisi d'une question de fait personnel. Ma question est une question de directive à ce moment-ci, M. le Président: De quelle façon le ministre de la Justice – et elle s'adresse possiblement à la présidence ou au leader du gouvernement – va donner suite à cette question de fait personnel? Parce que, lorsqu'il est revenu sur le banc, le président Pinard a demandé au député de Notre-Dame-de-Grâce de retirer comme tel un mot du vocabulaire que nous connaissons et qu'il n'est pas utile de reprononcer en cette Chambre, mais a maintenu autant les propos du ministre de la Justice que les propos du député de Notre-Dame-de-Grâce qui avaient été repris à cinq ou six reprises par d'autres députés en cette Chambre. Et je suis d'accord que ce n'est pas la place où on va tirer le fait au clair. Maintenant, la présidence affirme être saisie d'une question de fait personnel. Je veux juste vérifier si c'est la situation dans laquelle on se retrouve.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement.

(21 h 30)

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je pense que le leader de l'opposition a bien saisi le fait que, bon, ce n'est pas devant ce forum que cette chose peut être tranchée. Quant à la déclaration du vice-président qui était là avant vous, alors, à ce moment-là, quand il est revenu – et vous pourrez regarder les galées – il a disposé de la question, selon lui, comment il la concevait.

Maintenant, si on veut aller plus loin dans cette chose, je pense que le leader de l'opposition a assez d'expérience en cette Chambre pour être d'accord avec moi qu'à ce moment-là un député doit faire une motion et, à ce moment-là, ça doit être déféré à la commission de l'Assemblée nationale et là, si un député le désire, on peut faire finalement la preuve ou le procès peut être fait relativement à la motion qui a été présentée par le député. À ce stade-ci, le ministre de la Justice n'a pas fait de motion. Vous n'avez pas de motion devant vous. Il reste au ministre de la Justice à décider s'il veut le faire, mais, je veux dire, présentement il n'y a aucune motion devant vous, M. le Président.

Donc, je suis entièrement d'accord avec vous, je suis prêt à continuer mon intervention, à ne pas mentionner du tout cet incident. Quant à moi, cet incident est clos, à moins qu'un député fasse une motion à l'Assemblée nationale et demande qu'on aille devant la commission de l'Assemblée nationale pour ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Écoutez, je pense que c'est assez, actuellement. C'est que l'autre vice-président... Disons que je suis allé m'enquérir un peu de la décision qui s'en venait avant. Je n'ai pas participé à l'élaboration de tout ça, mais je l'ai regardé attentivement pour voir un peu... Il a peut-être dit: «Question de fait personnel» et tout, mais, dans sa décision, il a voulu exclusivement intervenir sur le mot «patronage» comme mot antiparlementaire. Pour le reste, il n'a pas pris position, il n'a rendu aucune décision. Il a peut-être, avant, fait allusion au fait personnel. Ça, c'était peut-être un message ou une indication qu'il envoyait aux parties, là. Peut-être.

Maintenant, effectivement, le ministre concerné peut avoir recours – c'est lui qui en décidera – à une question de fait personnel. Il peut s'expliquer, bon, et ça, c'est dans le cadre des affaires courantes, avec un préavis d'une heure. Et l'autre, c'est la motion mettant en question la conduite d'un député. Vous connaissez les articles 315 et 316. Alors, c'est aux gens concernés à décider du recours; ce n'est pas à moi à leur dire, ça. Mais j'indique simplement les possibilités.

M. Paradis: Oui, M. le Président. Maintenant, pour que les choses soient encore plus claires, dans la même continuité, lorsque le président qui vous a précédé sur le banc est revenu et qu'il a invité le député à changer de vocabulaire, si je peux utiliser cette expression, il a quand même accepté comme étant parlementaire dans le cadre du débat, sans utiliser le mot banni, que les phrases soient répétées, en se disant – et là, moi aussi, je n'ai pas eu de consultation, ni formelle ni informelle, avec le président qui a quitté le siège – que, si ces mots-là soulevaient, dans l'esprit de celui à qui ils étaient dirigés, un affront tel que le mécanisme que vous avez souligné peut-être déclenché, il le sera comme tel. Je veux juste m'assurer qu'on est encore dans la même mouvance, dans la continuité de ce qui a été accepté par celui qui vous a précédé sur le banc.

Le Vice-Président (M. Brouillet): En fait, l'expression, là...

M. Paradis: Non, non... Oui, oui, l'expression, ça va. Il n'y a pas de problème. Je suis certain que vous êtes dans la même mouvance; c'est un mot qui n'est pas parlementaire, donc qui ne peut...

Le Vice-Président (M. Brouillet): «Patronage». Oui, mais c'est parce qu'on a mentionné un autre mot qui pouvait être accepté.

M. Paradis: Ouais.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Pas ça? Bon.

M. Paradis: «Nomination partisane», si je m'en souviens. Mais, à ce moment-là, ces choses-là ont été acceptées comme telles, parce que justement le mécanisme dont n'était pas, suivant votre interprétation, officiellement saisie la présidence n'avait pas été mis en branle. Donc, tant que la présidence n'est pas saisie officiellement d'un tel mécanisme, le débat doit se poursuivre en suivant la prudence quant au mot qui a été interdit, mais en faisant preuve également d'ouverture quant aux expressions qui n'ont pas été interdites.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, mais il faut bien s'entendre: la phrase qu'on attribue, ça, on l'évacue. C'est ça, là, c'est clair sur ça. Très bien.

Alors, écoutez, nous en sommes au débat, je pense bien...

Des voix: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Brouillet): ...et c'est le leader qui avait entrepris son exposé. Alors, M. le leader du gouvernement, je vous cède la parole.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, maintenant, ce que je vais faire tout simplement, si j'ai le consentement de cette Chambre, je vais déposer le jugement de la Cour d'appel du Québec. Alors, jugement, Ordre des pharmaciens du Québec, Meditrust Pharmacy Services. Je vais le déposer.

M. Paradis: M. le Président... M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Je préférerais, étant donné qu'on vient de s'entendre... Il y a consentement, non? Bon.

M. Paradis: ...compte tenu que nous avons soulevé une question de pertinence comme telle, nous nous opposons comme tel au dépôt du jugement, mais, si vous voulez le consulter, M. le Président, il fait partie des recueils de jurisprudence qui sont disponibles à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale.

M. Jolivet: M. le Président, en vertu de l'article 214, puisque le ministre a cité un document, je lui demande de le déposer.

M. Paradis: M. le Président, à ce moment-là, il faudrait que vous tranchiez si c'est pertinent.

Une voix: Non, non. Non, non.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il l'a cité; alors, c'est à lui à juger si c'est contre l'intérêt du public ou non.

M. Bélanger: Je le dépose.

M. Jolivet: Dépose, dépose.

M. Paradis: M. le Président, je m'excuse. Strictement, là, les documents qui font partie des recueils de jurisprudence qu'on peut retrouver dans toutes les bibliothèques de droit et même à la Bibliothèque de l'Assemblée nationale du Québec sont normalement des documents qui ne sont pas à l'index ni contre l'intérêt public. Maintenant, vous avez à décider si les propos qui étaient tenus par le leader du gouvernement étaient pertinents. Si les propos n'étaient pas pertinents, ils ne peuvent donner introduction à un document qui, conséquemment, n'est pas pertinent. Si vous jugez que c'est pertinent, à ce moment-là, on comprendra que le débat est très large.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui. Écoutez, moi, je n'ai pas à décider de la pertinence du document, dans la mesure où c'est le député qui a demandé... Parce que le règlement est très précis sur ça: si un ministre cite un document en totalité ou en partie et qu'un député le demande, le ministre doit le déposer, à moins que, pour l'intérêt public, on ne doive pas le déposer. C'est le règlement; je le cite quasiment par coeur, là. Il doit le déposer à moins qu'il juge que c'est contre l'intérêt public. Alors...


Document déposé

M. Bélanger: Alors, M. le Président, je dépose le jugement de la Cour d'appel. Voilà, ce n'est pas plus compliqué que ça.

Alors, M. le Président, donc, pourquoi cette motion de clôture? Parce que, en cette Chambre, on a constaté qu'en commission parlementaire, depuis plusieurs heures, il n'y avait plus aucune progression qui se faisait. C'était évident que le député de Chomedey ne voulait pas que cette loi soit adoptée, que cette loi passe, et c'est tout à fait dans le rôle de l'opposition de le faire. Mais aussi, à un moment donné, il y a un droit dans notre Chambre qui est consacré à l'effet qu'une majorité ministérielle a le droit de faire adopter ses lois et ses projets de loi. Et la motion de clôture est prévue à notre règlement. Alors, c'est pour ça, encore une fois, quand j'entends les députés de l'opposition s'indigner... Non, pas du tout.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Oui. Est-ce que vous pourriez faire appliquer l'article 32?

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, pour le reste de la soirée, l'article 32 devrait s'appliquer, pour ne pas qu'on y revienne à chaque fois. Chaque député doit occuper son siège et garder le silence quand un autre a le droit de parole. Alors, c'est tout ça, hein, à peu près, à 32, de mémoire. S'il y a d'autres choses, je vous le lirai tantôt. Alors, s'il vous plaît, prenez vos sièges et puis gardez le silence pour entendre M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui. M. le Président, je remercie le leader de l'opposition de sa délicate attention. C'est vrai que ça va permettre, à ce moment-là, que je sois mieux entendu. Merci.

Alors, M. le Président, il était évident, donc, que le député de Chomedey ne voulait pas que cette loi soit adoptée. Et, comme je le dis, c'est le rôle de l'opposition de le faire. C'est correct, il n'y a pas de problème. Je me souviens encore justement de la rencontre. Il a été fait mention d'une rencontre où le ministre de la Justice est venu, un colloque sur justement la réforme des tribunaux administratifs qui était annoncée. Le député de Chomedey avait annoncé que tous les opposants allaient être là, que ça allait bloquer complètement le projet de loi, et il s'en faisait une grande joie, tellement que – et j'étais présent dans cette salle – le bâtonnier a dû rappeler à l'ordre, un peu, le député de Chomedey.

Bien oui! Il a dû lui rappeler que, non, ce n'était pas l'opposition au projet de loi qui était ici en question; c'était un débat de juristes, d'avocats impliqués par la réforme éventuelle. Et, à ce moment-là, il tenait à dire que, contrairement à ce qui avait été dit par le député de Chomedey, finalement ce n'était pas une opposition systématique au projet de loi qui était là. Alors, c'était important, je pense. Je l'avoue, j'étais content d'être là pour voir le bâtonnier finalement dire au député de Chomedey: Écoutez, non, non, on n'est pas là pour bloquer le projet de loi; on veut tout simplement rencontrer le ministre et pouvoir, à ce moment-là, discourir. Alors, c'est pour ça que c'est important.

Je crois, M. le Président, en plus, que c'est une bonne réforme. Le député de Notre-Dame-de-Grâce citait les propos que j'ai tenus quand j'étais porte-parole de l'opposition en matière de justice. On se souviendra du défunt projet de loi – c'était le projet de loi 105, je pense, à l'époque – qui avait été proposé par le ministre Rémillard, relativement à une réforme des tribunaux administratifs. J'avais dit que ça n'avait pas de bon sens, cette réforme, puisque uniquement cinq organismes étaient touchés, uniquement cinq organismes. Et ce que j'avais dit, et ce qui était vrai, et ce qui est encore vrai tant que cette réforme des tribunaux administratifs n'est pas faite, c'est qu'il n'y a aucun critère pour, présentement, nommer les gens sur les tribunaux administratifs, parce qu'il n'existe aucun critère. Et le député de Chomedey connaît bien les tribunaux administratifs, il sait que c'est vrai: présentement, il n'y a aucun critère.

(21 h 40)

Alors, je comprends mal comment on s'indigne maintenant en disant que le projet de loi va faire en sorte qu'il y a des nominations qui vont se faire qui pourraient être influencées par d'autres critères que ceux qui doivent l'être. Parce que, tant qu'il n'y a pas eu cette réforme, tant que cette réforme n'a pas eu lieu, il n'y a aucun critère. Il n'y a aucun critère, et c'est ce que je dénonçais, comme porte-parole de l'opposition en matière de justice – et je remercie encore une fois le député de Notre-Dame-de-Grâce de bien vouloir répéter les propos que j'avais tenus, qui étaient vrais – ce qui nécessite d'ailleurs l'urgence de l'adoption d'un projet de loi sur la réforme des tribunaux administratifs.

Donc, cette motion de clôture, elle est nécessaire, M. le Président. Elle est nécessaire, malgré ce qu'en pense le député de Chomedey. Je respecte son opinion. Mais nous avons le droit, je crois.


Motion d'ajournement du débat

En terminant mon intervention, je veux simplement vous faire une motion pour qu'on ajourne le débat, M. le Président. Je fais motion pour qu'on ajourne le débat.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Il s'agit d'une motion qui est débattable comme telle. Mais nous pourrions faire l'économie d'un débat si le leader du gouvernement donnait son consentement au dépôt, par le député de Chomedey, d'une lettre qui contredit le discours qu'il vient de prononcer et qui émane du Barreau du Québec.

M. Bélanger: Consentement, M. le Président.


Document déposé

Le Vice-Président (M. Brouillet): Consentement? Alors, très bien. Maintenant, le dépôt est fait.

M. Mulcair: Question de directive.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, mais que ce soit très bref. Ce n'est pas un argumentaire qu'on veut, le texte est supposé être là pour en témoigner.

M. Mulcair: Oui, mais les gens qui nous écoutent, M. le Président, ne vont pas savoir que c'est une lettre du Barreau qui dit que c'est le Barreau qui veut qu'on stoppe le projet de loi, tout à fait contrairement à ce que le leader...


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): La motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

Mme Caron: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Oui, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: ...je vous demande de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 67


Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 9, je vais essayer de voir ça. À l'article 9, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption de principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. Y a-t-il des intervenants? M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: M. le Président, le leader du gouvernement vient de proposer une motion d'ajournement sur le débat qui avait lieu. Il vient, comme c'est son droit de le faire, d'appeler une autre législation. En fin de session, il est coutume de donner un laps de temps pour qu'au moins, si le ministre – et je ne l'accuse pas, il vaque sans doute à d'autres occupations ministérielles – n'est pas parmi nous, on vérifie auprès de la critique de l'opposition officielle à savoir si elle souhaite ou non, ou d'autres parlementaires, intervenir. Je demanderais, à ce moment-ci, qu'on suspende pour cinq minutes nos travaux, de façon à effectuer les vérifications d'usage.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, demande acceptée, et tout. Alors, nous allons suspendre pour cinq minutes, à peu près. Nous suspendons.

(Suspension de la séance à 21 h 44)

(Reprise à 21 h 56)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du principe du projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. Je vais céder la parole à M. le député de Laporte. M. le député.


M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc à l'étude du principe du projet de loi n° 67 qui instaure une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et qui modifie d'autres dispositions législatives. M. le Président, quand on parle d'évaluation foncière, on parle de quoi? On parle de la valeur que le gouvernement... qu'on attache à des propriétés immobilières, à des maisons unifamiliales, à des maisons à multiples appartements, à des immeubles commerciaux ou industriels, bref, de ce que valent ces propriétés-là aux yeux de celui qui devra préparer éventuellement un compte de taxes.

C'est très important parce que, si vous avez à payer un compte de taxes, un citoyen doit être certain qu'il est taxé selon la valeur réelle de son immeuble et qu'il est taxé au même rythme que les autres citoyens dans une municipalité. Tous les Québécois qui sont propriétaires ou même les locataires sont d'accord pour payer un certain montant de taxes qu'on utilise pour payer les services municipaux, que ce soit les services de police, les services d'entretien des routes, les services d'égout, d'aqueduc, de loisirs, etc. Tous ces services-là que reçoivent les citoyens du Québec sont défrayés à même les taxes que perçoivent les municipalités.

Or, les municipalités, avant de percevoir des taxes, elles font confectionner ce qu'on appelle un rôle d'évaluation, et des experts, des gens qui sont spécialisés là-dedans, inspectent chaque propriété, chaque maison, chaque conciergerie, chaque immeuble commercial et lui accordent une valeur. Cette valeur-là, elle est calculée d'une façon tout à fait scientifique, et aujourd'hui on ne remet pas en cause les techniques d'évaluation qui sont connues, qui sont éprouvées. Un citoyen reçoit donc, à la fin de l'année, un document qui lui indique quelle est la valeur qui a été attribuée à son immeuble, qu'il soit résidentiel, ou commercial, ou industriel.

Et la municipalité confectionne, comme ça, un rôle où sont inscrites toutes les évaluations de toutes les propriétés d'une municipalité. Et, lorsque vient le temps de faire le budget de la municipalité, on détermine un taux de taxe et on multiplie la valeur d'évaluation d'une propriété par le taux de taxe, et ça fait le compte de taxes. Par exemple, si une propriété est évaluée à 100 000 $ et que le taux de taxe est de 1 $ par 100 $, ça fait 1 000 $ de taxes. Le citoyen reçoit son compte de taxes et il peut vérifier le taux de taxe, et il peut vérifier l'évaluation. Il sait que son compte de taxes a été bien préparé. Et, si une conciergerie est évaluée à 3 000 000 $, bien, elle paiera 30 000 $ de taxes, et chacun est traité de la même façon.

Et c'est bien important de s'assurer que tous les citoyens sont traités sur le même pied, qu'il n'y a pas là-dedans de favoritisme ou d'injustice. Et le principe de base, c'est que tous les payeurs de taxes, quels qu'ils soient, que ce soit des individus, que ce soit des compagnies, que ce soit des groupes, lorsqu'ils sont propriétaires d'un immeuble quel qu'il soit, doivent être traités strictement de la même façon avec une évaluation foncière qui correspond à la valeur marchande. C'est ça, le principe.

(22 heures)

Et la valeur marchande, c'est quoi? C'est le prix que serait disposé à payer un acheteur qui n'est pas obligé d'acheter d'un vendeur qui n'est pas obligé de vendre. C'est ça, le principe de base. Quand un vendeur, qui n'est pas obligé de vendre, met un immeuble en vente et qu'un acheteur, qui n'est pas obligé d'acheter décide de l'acheter, en principe on doit avoir la valeur du marché, la valeur marchande, et c'est cette valeur marchande là que doit refléter le rôle d'évaluation.

Or, on sait qu'avec le temps la valeur des immeubles varie. Par exemple, en 1987, 1988, 1989, sous un autre régime, M. le Président, lorsqu'il y avait un autre gouvernement, on a connu des hausses spectaculaires de la valeur marchande des immeubles au Québec. Une résidence unifamiliale qui avait été achetée 100 000 $ en 1985 pouvait valoir 130 000 $ ou 140 000 $ trois, quatre ans plus tard, parce qu'il y avait ce qu'on appelle de l'inflation, une plus-value. C'était le bon temps, M. le Président.

Malheureusement, aujourd'hui, c'est le contraire. On est en période où les propriétés immobilières perdent de la valeur. Depuis deux, trois, quatre ans, on assiste à une réduction, une baisse de la valeur des propriétés. Alors, si on vous a fait une évaluation foncière de 100 000 $ pour votre résidence et qu'aujourd'hui vous ne pouvez pas la vendre plus que 75 000 $, vous êtes donc traité injustement. Il faudrait donc que, rapidement, votre évaluation soit corrigée pour refléter la valeur marchande. Et, quand, comme je viens de le dire, les aléas de la vie font que la valeur marchande d'un immeuble augmente ou diminue, en principe on doit faire en sorte que l'évaluation foncière, le rôle d'évaluation soit modifié pour refléter ces changements-là. Et c'est ça qui existait au Québec jusqu'à il y a quelques années. À chaque année, les municipalités déposaient un rôle qui était confectionné à la valeur marchande, année après année, et ça fonctionnait très bien.

Pour toutes sortes de raisons, il y a quelques années, on a décidé de déposer des rôles triennaux, c'est-à-dire qu'on déposait un rôle et c'était pour trois ans. Bon. Ça faisait peut-être l'affaire des municipalités, elles n'avaient pas à engager un évaluateur à chaque année. Et, malheureusement, si, en cours d'année, ou l'année suivante, ou deux années après, il y avait des gros changements dans la valeur marchande, bien, il y avait comme une injustice, là, qui était créée, en ce sens que l'évaluation foncière de l'immeuble ne reflétait plus la réalité. C'est arrivé souvent.

Or, c'est arrivé évidemment d'une façon plus évidente au cours des deux, trois dernières années, où, là, les évaluations foncières sont demeurées les mêmes, mais la valeur marchande a diminué d'une façon absolument spectaculaire, et, parfois, la diminution dont on parle n'est pas la même pour toutes les catégories d'immeubles. Par exemple, on peut avoir une diminution de valeur marchande de 20 % ou 25 %, disons, pour des résidences unifamiliales, mais on peut avoir une réduction de 40 % pour des immeubles commerciaux ou industriels. Les chiffres sont peut-être exagérés, M. le Président, mais je donne ça à titre d'exemple. On peut avoir une catégorie qui diminue plus vite que l'autre, et, si on ne change pas l'évaluation, ça devient injuste, en ce sens que, si, par exemple, un immeuble a baissé de 30 % et qu'on n'a pas touché à son évaluation, et qu'un autre a baissé seulement de 10 % et qu'on n'a pas non plus touché à son évaluation, les deux continuent à payer des taxes sur la valeur qui existait avant la dévaluation, alors qu'en réalité un devrait payer moins cher que l'autre.

Alors, M. le Président, sur l'île de Montréal, on a observé justement ce problème de modification à la valeur marchande d'immeubles, alors que le rôle, lui, n'a pas encore été modifié. Et c'est le temps maintenant de faire un nouveau rôle, c'est le temps de faire un nouveau rôle, et le gouvernement nous arrive avec un projet, un projet qui, sous plusieurs aspects, M. le Président, est parfaitement intéressant. On propose de modifier la procédure pour demander des changements à l'évaluation. Par exemple, si une municipalité dépose un rôle d'évaluation et que vous trouvez que l'évaluation qu'on propose pour votre immeuble est trop élevée, par exemple, autrefois il fallait faire un avis d'opposition et aller devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière. C'est une procédure lourde, qui coûtait un peu d'argent, il fallait engager des experts, puis, évidemment, ce n'est pas tout le monde qui a les moyens de faire ça.

Dorénavant, on pourra avoir une procédure préliminaire, où le payeur de taxes, le citoyen pourra aller voir le fonctionnaire et discuter de son cas. Alors, je lis un peu la note, ici, qui est indiquée: L'exercice d'un recours devant le Bureau de révision devra être précédé d'une demande de révision qui sera traitée par l'évaluateur de l'organisme municipal responsable de l'évaluation. Alors, le citoyen pourra aller voir l'évaluateur, et s'asseoir avec l'évaluateur, et discuter de l'évaluation, et peut-être qu'ensemble ils pourront s'entendre. Le citoyen pourra faire valoir son point de vue, des arguments, et peut-être que l'évaluateur reconnaîtra: Oui, c'est vrai, je n'ai pas tenu compte de ça, je me suis trompé, et sur-le-champ rectifier l'erreur. C'est donc une procédure intéressante qui va permettre d'accélérer la justice qui sera rendue au citoyen et d'alléger aussi, bien sûr, les rôles du Bureau de révision de l'évaluation foncière.

Soit dit en passant, M. le Président, je tiens à dire que le Bureau de révision de l'évaluation foncière est un des tribunaux administratifs qui fonctionne le mieux au Québec. C'est un tribunal administratif composé de gens qui sont tout à fait spécialisés. Ne devient pas commissaire de ce Bureau-là qui veut. Ça prend des connaissances en évaluation foncière. Il y a, au Québec, des gens qui sont spécialisés là-dedans, et c'est hautement technique, et les gens qui sont là font un excellent travail. Et c'est reconnu dans la société québécoise depuis toujours que ce Bureau-là est un bureau qui fonctionne très bien.

C'est pourquoi, M. le Président, j'ai beaucoup de chagrin de savoir que le ministre de la Justice veut modifier la façon de procéder de ce Bureau de révision de l'évaluation foncière. Il veut l'abolir, en fait, à toutes fins pratiques, pour l'intégrer dans son mégaprojet de tribunaux administratifs centralisés au Québec. Alors, on veut mettre la hache dans un tribunal qui fonctionne très bien, qui est reconnu comme tel par toute l'industrie, pour mettre sur pied, dans un autre projet de loi – ce n'est pas celui dont on parle, là – un super tribunal administratif québécois qui va chapeauter un grand nombre d'organismes semblables au Bureau de révision. Et là-dedans, M. le Président, j'ai bien peur qu'on va perdre le professionnalisme et l'efficacité du Bureau de révision de l'évaluation foncière.

Mais je reviens à mon propos. Alors, sur l'île de Montréal, M. le Président, on est donc devant la perspective d'avoir à fabriquer un nouveau rôle d'évaluation. Or, c'est évident que, quand on va fabriquer un nouveau rôle, vont apparaître les divergences, les différences d'évaluation de valeur marchande entre les diverses catégories d'immeubles. Et ça, il y a des gens, M. le Président, qui n'aiment pas ça, qui seraient très contents si on gelait encore pendant un an, deux ans ou trois ans les anciennes évaluations. Ça ferait l'affaire de certaines personnes, qui n'auraient pas à envoyer des comptes de taxes, l'année prochaine ou dans deux ans, qui refléteraient ce changement de valeur marchande.

C'est peut-être pratique, M. le Président, pour les gens qui ont à envoyer les comptes de taxes ou pour le gouvernement, je présume, mais c'est sur le plan de la justice, de l'équité, M. le Président. Là, on doit dire que la justice et l'équité en prennent pour leur rhume avec une procédure semblable. Parce que, dans le projet de loi qui est ici, il y a un grand nombre d'articles qui sont parfaitement intéressants. Je viens d'en citer un tout à l'heure qui favorise le règlement hâtif de disputes avec une municipalité relativement à l'évaluation d'un immeuble. Mais il y a des articles à la fin de tout... mais c'est un petit peu, là... c'est caché à la fin, M. le Président. Il faut se rendre jusqu'à l'avant-dernier article pour trouver l'article 53, qui dit que la Communauté urbaine de Montréal peut, par un règlement, identifier, parmi les rôles – il y en a 29, municipalités, donc les 29 rôles des municipalités de l'île de Montréal, de son territoire – lesquels, M. le Président, dont l'application sera prolongée d'un an ou de deux ans. C'est donc dire qu'on veut geler à toutes fins pratiques des évaluations foncières. On ne veut pas y toucher avant un an ou deux ans.

Alors, avec ça, ça veut dire que la ville de Montréal, par exemple, dont les rôles d'évaluation sont en place depuis trois ans, ils ne reflètent absolument plus la réalité, il n'y a rien à voir entre la valeur marchande des immeubles et la valeur qui apparaît au rôle. On nous demande, nous, les législateurs, de prolonger encore pendant deux années pour la ville de Montréal un état de fait qui ne reflète plus du tout la réalité.

(22 h 10)

M. le Président, je dois dire que j'ai beaucoup de difficultés à me rallier à ce principe-là. Moi, j'ai toujours pensé que, dans le domaine de l'évaluation foncière, on devait toujours s'assurer que les valeurs inscrites au rôle reflètent la valeur marchande, la valeur réelle. C'est ça, la justice; c'est ça, l'équité entre tous les citoyens. Et les citoyens du Québec sont prêts à payer leurs taxes foncières dans la mesure où ils savent qu'ils sont traités justement et équitablement les uns par rapport aux autres, que personne ne paie plus ni moins que ce que ça vaut.

M. le Président, avec un système comme celui-là, ça veut dire que, dans deux ans, ça fera cinq ans à Montréal qu'on aura le même rôle d'évaluation, la même valeur. Or, tous les citoyens savent bien que, depuis longtemps, la valeur marchande a varié depuis trois ans à Montréal – il y a des différences de 25 %, 30 %, 35 % pour certaines catégories d'immeubles, pour des immeubles situés dans certains quartiers par rapport à d'autres – et que c'est tout à fait... qu'il n'y a plus aucune commune mesure entre la réalité et l'évaluation foncière.

D'ailleurs, M. le Président, je dois dire que, dans La Presse , le chroniqueur financier Claude Picher, qui est quand même quelqu'un qui connaît un peu l'économie, avait écrit un article au mois de juin lorsque ce projet de loi avait été déposé et qui, à mon avis, reflète exactement la réalité. Je vais me permettre d'en citer quelques exemples, M. le Président. Ce que disait Claude Picher, c'est ceci: «C'est tout juste si les médias en ont glissé quelques entrefilets, mais deux dossiers particulièrement chauds ont fait surface – bon, il parlait de cette semaine, au printemps dernier – et le premier, celui du gel des évaluations foncières, disait-il. Les élus de la CUM, disait M. Picher, on le sait, ont demandé à Québec de geler jusqu'à l'an 2000 les rôles d'évaluation, qui, en principe, reflètent la juste valeur marchande des propriétés en juillet 1993 jusqu'à l'an 2000.

«Les taxes foncières constituent la principale source de revenus pour les municipalités. Votre compte de taxes est établi en fonction de la valeur de votre propriété, dit-il. En 1990, il a été décidé d'introduire un rôle triennal d'évaluation – pour trois ans. Le rôle, préparé au cours de l'été 1990, a été déposé en 1991 et a servi à calculer les comptes de taxes des trois années suivantes, 1992, 1993 et 1994. Ce rôle, particulièrement sur le territoire de la CUM, comportait des hausses spectaculaires des évaluations à l'époque, ce qui reflétait la flambée des prix qui avait précédé l'été 1990. En principe, cela aurait dû entraîner des augmentations de taxes importantes, mais la plupart des municipalités ont décidé de réduire le taux de la taxe foncière. Rares, cependant, ont été les cas où les baisses de taux compensaient entièrement pour les augmentations des évaluations.»

Autrement dit, les politiciens se vantaient de baisser les taxes, les taux de taxe, mais les contribuables recevaient des comptes plus élevés, parce que, comme je le disais tout à l'heure, M. le Président, un compte de taxes, c'est le reflet d'un calcul: c'est l'évaluation foncière multipliée par le taux de taxe, et ça donne le montant du compte. Bien sûr, si les évaluations augmentent, même si on garde le même taux, le compte de taxes va augmenter.

«Arrive 1993 – dit M. Picher – et la confection d'un nouveau rôle triennal devant servir pour les années 1995, 1996 et 1997. C'est donc le rôle présentement en vigueur et qui est censé représenter la juste valeur des propriétés à l'été 1993. Or, entre 1990 et 1993, il est clair que les prix de l'immobilier ont reculé, surtout dans le cas des immeubles commerciaux. Dans le résidentiel, au mieux, les valeurs demeurent stables, mais, dans certains quartiers, on observe des baisses dépassant les 10 %.» Alors, dans le résidentiel même, M. le Président, il y avait des divergences. «Les politiciens n'ont pas aimé cela. S'ils veulent maintenir leurs revenus au même niveau – les revenus des municipalités, bien sûr – ils sont obligés de supporter l'odieux d'annoncer des hausses fort impopulaires du taux de la taxe foncière.

«Mais le pire, c'est ce qui s'en vient. Cet été, en 1996, un nouveau rôle triennal sera préparé. Il couvrira les années 1998, 1999 et l'an 2000. Or, si vous êtes le moindrement intéressé par l'immobilier, vous savez déjà à quel point la valeur des propriétés s'est effondrée en 1993 et 1994. Panique chez les politiciens, qui voient venir avec appréhension le moment où ils devront annoncer d'importantes hausses de taxes. À la CUM, on a pensé contourner le problème en réclamant un gel des évaluations à leur niveau de 1993, c'est-à-dire jusqu'à l'an 2000.» Toujours M. Claude Picher qui parle, M. le Président. Et d'ajouter M. Picher: «À Montréal, dans plusieurs quartiers en tout cas, les évaluations sont complètement déconnectées de la réalité. Si, en plus, elles sont gelées à un niveau largement supérieur à leur valeur marchande de 1993, les contribuables se trouveront lourdement et injustement pénalisés. Faisant fi de tout cela, les rapaces de la CUM, dit M. Piché, ont déposé une première demande de gel en octobre. Elle a été rejetée.» Bon, il décrit un peu ce qui s'est passé. Et, de conclure M. Piché: «Les vautours n'entendent pas renoncer aussi facilement. Une deuxième tentative vient tout juste d'échouer cette semaine – au mois de juin – grâce aux interventions de la députée libérale, Mme Margaret Delisle – notre collègue, elle-même ancienne mairesse de Sillery. Ce dossier sent le mépris à plein nez, dit-il. Lorsque les évaluations ont propulsé la valeur des maisons à des niveaux fous en 1990, aucun élu n'a parlé de gel. Tous ont joyeusement empoché en invoquant un argument d'une logique irréfutable: La valeur de votre maison augmente, c'est normal que nos taxes augmentent aussi.» Et de conclure, M. le Président, et moi aussi: «Mais, lorsque la valeur des maisons baisse, la même logique irréfutable s'envole en fumée. Rien ne tient plus. Les politiciens changent unilatéralement les règles du jeu parce qu'elles ne font plus leur affaire. C'est odieux, de conclure M. Piché.»

M. le Président, ce n'est pas moi qui le dis, c'est un chroniqueur économique très respecté, et c'est ça que nous demande de faire le gouvernement, de geler un rôle de taxes jusqu'à l'an 2000 alors que les évaluations reflètent la valeur de 1993. M. Piché dit que c'est odieux. Je vous laisse le plaisir de tirer vos propres conclusions. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce... excusez, M. le député de Laporte. M. le député de Notre-Dame-de-Grâce applaudissait avec tellement d'ardeur que j'ai été entraîné. Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys, pour une prochaine intervention.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. C'est avec intérêt que je vais intervenir aujourd'hui sur le projet de loi n° 67, cette loi qui instaure une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et qui modifie aussi d'autres dispositions législatives. En ce qui a trait à l'ensemble du projet de loi, je vais laisser à ma collègue la députée de Jean-Talon et porte-parole aussi de l'opposition officielle en matière municipale le soin de faire valoir notre point de vue – et, bien sûr, d'exprimer aussi une certaine déception, sinon une vive déception – et celui d'un grand nombre d'intervenants municipaux à l'égard de ce projet de loi. Elle en a fait part cet après-midi dans son discours, appuyé de l'Union des municipalités, entre autres, et de l'Union des municipalités régionales de comté. Alors, je vais me concentrer beaucoup plus sur l'article du projet de loi qui permettrait à la Communauté urbaine de Montréal de modifier le calendrier de dépôt des rôles d'évaluation des municipalités, c'est-à-dire l'article 53.

Cet article, M. le Président, comme mon collègue l'expliquait tantôt, c'est la mesure probablement la plus publicisée du projet de loi. Elle prévoit l'habilitation, pour la Communauté urbaine de Montréal, de décider de la séquence de désynchronisation des rôles en prolongeant d'un an ou deux les rôles triennaux 1995-1996-1997. Ces rôles pourront donc demeurer en vigueur jusqu'à la fin 1998-1999. Autrement dit, comme mon collègue le disait tantôt, ces rôles-là seront gelés.

Il faut comprendre aussi, M. le Président, que nous allons nous attarder sur le principe du fait que les rôles seront gelés et non pas tant sur le principe de la désynchronisation, qui est utilisé par la Communauté urbaine de Québec, entre autres, et qui fonctionne très bien. Le principe de désynchronisation n'est pas un mauvais principe en soi, spécialement dans la grande Communauté urbaine de Montréal, et fait en sorte que ça désengorge le système. Mais, pour en venir à la désynchronisation, il faut geler les rôles, et on doit dire qu'il y a un certain inconfort, sinon plusieurs opposants à ce geste. Par contre, il y a aussi des gens qui ont fait des représentations pour, et j'aimerais présenter un peu les deux points de vue.

D'abord, M. le Président, je veux indiquer que l'étude et l'analyse de ce projet de loi, plus particulièrement l'article 53, m'ont permis de constater à quel point il était primordial et même urgent de revoir l'ensemble de notre fiscalité. J'ai eu aussi l'occasion de rencontrer différents groupes et personnes qui étaient ou qui sont présentement impliqués dans ce projet de loi et j'ai pu constater que le ministre, avec son projet de loi, était loin, comme je le disais tantôt, de faire l'unanimité. Ce qui ressort d'ailleurs de toute la démarche est la nécessité, comme je le mentionnais, de revoir rapidement notre fiscalité et d'assurer une règle d'équité. Je vais y revenir.

(22 h 20)

Bien entendu, M. le Président, pour notre formation politique, ce qui doit demeurer évidemment au centre de notre préoccupation, c'est le citoyen, c'est-à-dire le contribuable. Or, tout au long de mon analyse en regard du gel d'évaluation et de la désynchronisation, par le fait même j'ai tenté de connaître l'impact d'une telle mesure sur les contribuables de l'île de Montréal. La question à se poser, c'est: Est-ce qu'ils vont être gagnants ou perdants d'une telle mesure, et le ministre des Affaires municipales a-t-il, lui, fait cette réflexion?

Au préalable, par exemple, M. le Président, je pense qu'il est important, à ce sujet, de bien connaître les deux positions, comme je le disais tantôt, qui s'affrontent. Tout d'abord, parlons du monde municipal et évidemment plus au niveau des intervenants de la Communauté urbaine de Montréal. Pour la Communauté urbaine, la proposition de désynchronisation et du gel des rôles d'évaluation demeure une position de compromis. Ça, c'est bien important. Ce n'est pas une solution; c'est un compromis à une situation, je dirais même de panique.

C'est que ce compromis lui permet d'atteindre différemment les objectifs recherchés à l'origine par le report des rôles. À cet égard, il est utile de rappeler les buts recherchés par la Communauté urbaine de Montréal. Dans son mémoire de novembre 1995 sur le report des rôles, les responsables de la CUM écrivaient, et je cite: «Dans cette optique, le report du dépôt des rôles triennaux d'évaluation de septembre 1997 à septembre 1999 peut contribuer de façon significative à redresser la situation actuelle en permettant l'introduction de nouvelles mesures aptes à corriger le régime fiscal actuel. Le report des rôles vient aussi s'inscrire à l'intérieur de la démarche globale visant la nécessaire réforme de la fiscalité municipale.» Fin de la citation.

Or, pour la Communauté urbaine de Montréal, le report des rôles comporte des avantages qui ne sont pas négligeables, il faut comprendre, c'est-à-dire de compléter l'audition de toutes les plaintes pendantes devant le BREF. À cet égard, il faut dire que plus de 50 % des cas de contestation ont conduit à des réductions des valeurs, et cela, tout particulièrement dans le secteur non résidentiel; que les projections de remboursement de taxes aux contribuables à la suite des baisses de valeurs sur l'ensemble du rôle 1992-1994 sont évaluées à 228 544 000 $ – c'est énorme – sans parler des intérêts, des coûts administratifs, des frais légaux et d'honoraires professionnels. Comme on voit, M. le Président, il y a un problème là. Il y a peut-être aussi un problème au niveau de l'ensemble de la procédure d'évaluation. Deuxièmement, il faut stabiliser l'assiette fiscale des municipalités et les charges fiscales des contribuables compte tenu de l'évolution instable du marché immobilier. Troisièmement, finaliser l'inventaire des propriétés résidentielles sur le territoire de la CUM. En somme, pour la Communauté urbaine de Montréal, la mesure de désynchronisation des rôles doit s'accompagner en même temps, M. le Président, en même temps, d'une réflexion sur le système fiscal actuel. C'est ce qu'indiquait d'ailleurs la CUM dans son mémoire.

Je les cite encore: «Il y a lieu de procéder à l'examen du processus d'évaluation et de l'ensemble des dispositions fiscales de façon à proposer des mesures favorisant la stabilisation tant des champs fiscaux des contribuables que des finances publiques.»

Plusieurs éléments motivent le positionnement des élus et demandent aussi au gouvernement d'agir, et d'agir promptement. Parmi ceux-ci, entre autres, d'abord il faut spécifier la tendance du marché 1996 encore inconnue; le service d'évaluation de la CUM aussi, qui est en phase préliminaire de ses activités... qui les prépare à la confection du rôle de 1998. La prolongation du rôle rendra possible l'audition et le règlement de l'ensemble des contestations en attente, sans générer la potentialité de nouvelles plaintes en 1998, lesquelles s'ajouteraient, comme je le disais tantôt, à un volume déjà excessivement élevé. Et il sera possible, au cours de cette période de moratoire, de procéder à l'étude des scénarios alternatifs quant à l'inspection visuelle et complète du parc immobilier, ce qui n'est pas encore fait, puisque ce que nous dit la CUM, c'est qu'ils n'ont pas le temps de se préparer à cette inspection visuelle puisqu'ils sont trop occupés à, finalement, tenir comte des contestations et à essayer de les régler.

Cinquièmement, il faut débattre de la fiscalité municipale et négocier un nouveau pacte fiscal spécialement pour Montréal. Et, à court terme, il s'agit d'une stabilisation des budgets municipaux, parce que, veux veux pas, M. le Président, c'est toujours un compte où il y a des revenus et des dépenses, et les deux doivent balancer.

Par ailleurs, les élus de la CUM justifient aussi leur demande par le fait que la dévaluation du secteur résidentiel est moins élevée que celle du non-résidentiel, et il en découlerait, selon eux, une hausse du fardeau fiscal des petits propriétaires pour compenser la baisse. La CUM estime que, depuis deux ans, la valeur des immeubles à bureaux a chuté de 30 %. Dans certains cas, notamment dans les immeubles moins prestigieux, qui sont nombreux au centre-ville, on parle d'une dégringolade de 50 %. Dans le secteur résidentiel, par contre, la chute est moins abrupte, on parle de 5 à 10 %. La CUM ajoute aussi que, pour ne pas se retrouver dans la rue, les villes n'auraient d'autre choix que de hausser le taux de taxes, avec, au bout du compte, la perception d'un déplacement du fardeau fiscal vers les contribuables montréalais, c'est-à-dire de déplacer le non-résidentiel au résidentiel.

Les opposants, M. le Président, d'autre part, ils viennent plus particulièrement, évidemment, du milieu des affaires, les petits commerçants, l'Institut de développement urbain, et un certain nombre d'éditorialistes, comme le disait mon collègue tantôt – entre autres, Claude Picher – et d'observateurs de la scène municipale qui, évidemment, réagissent extrêmement négativement à cette mesure. Pour eux, les bases qui sous-tendent le système fiscal actuel reposent sur le fait que la contribution de chacun est en fonction de la valeur de sa propriété foncière.

De plus, il est à noter que l'économie, aussi, de l'île de Montréal souffre précisément des conséquences d'une fiscalité qui est non compétitive avec les juridictions avoisinantes. Là-dessus, M. le Président, je vous enjoins de lire Espace Montréal , où on fait état justement de cette disparité entre la location de bureaux à Montréal, par exemple, et pas plus loin qu'à Laval, mais encore entre Montréal, Westmount, ville Saint-Laurent, où on s'aperçoit que Montréal n'est plus compétitive du tout.

Donc, comme le soulignait la présidente de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Mme Paule Doré, elle disait que geler les rôles, même partiellement, aurait pour effet de taxer les immeubles sur une valeur fictive, soit celle de 1993, alors que le marché s'est considérablement détérioré au cours des dernières années, et cela impose une injustice grave au secteur non résidentiel montréalais.

En un autre temps, dans une lettre adressée au ministre des Affaires municipales, du 2 décembre 1996, le président-directeur général de l'Institut de développement urbain du Québec mentionnait au ministre, et je le cite: «Le gel des rôles d'évaluation, aussi temporaire soit-il, est dommageable pour l'économie de Montréal et est discriminatoire envers certaines catégories de contribuables et trompe – et c'est ça, M. le Président, qui est très important au niveau du principe – les principes d'équité et de transparence que nous recherchons tous dans la taxation municipale.»

Donc, M. le Président, comme vous pouvez voir, les commentaires que j'ai recueillis méritent d'être mentionnés afin que nous soyons tous conscients des effets pervers anticipés par le milieu des affaires et les propriétaires d'immeubles non résidentiels, sur le gel, justement, des rôles d'évaluation.

Dans un marché où les valeurs non résidentielles ont tendance à baisser beaucoup plus rapidement que les valeurs résidentielles, ce gel accentuerait le déséquilibre du fardeau fiscal des entreprises par rapport à celui du secteur résidentiel. Toute vente d'immeuble entraînera la responsabilité de payer des droits de mutation sur la base de l'évaluation municipale, à savoir une valeur sans aucune correspondance avec la valeur 1996-1997-1998 actuelle. Les entreprises qui s'étaient abstenues de contester leur dernière évaluation ou qui avaient accepté tout bonnement le règlement se verront contraintes de payer des taxes trop élevées pour une ou deux années additionnelles sans aucune possibilité de recours.

Finalement, M. le Président, et toujours selon les milieux concernés par cette mesure, la transparence du système fiscal municipal au Québec, en vertu duquel chaque contribuable paie sa part des dépenses municipales en fonction des critères objectifs de la valeur de ses richesses foncières, au moment du paiement des taxes, constitue aussi un atout important pour attirer les investissements dans un climat de certitude fiscale.

(22 h 30)

Ce nouveau projet donne le coup de grâce à la transparence d'un système de fiscalité municipale qui comporte déjà des mesures d'étalement, de plancher, de plafond, de taxe ou de surtaxe sur les usages non résidentiels, avec ou sans dégrèvement. Ce qui fait dire aux gens d'affaires que l'équité passe par la valeur réelle et par l'utilisation des moyens déjà existants pour compenser cette baisse d'évaluation. Cela dit, M. le Président, il faut, à travers ces deux opinions, reconnaître que la mesure choisie doit être celle qui saura le mieux profiter aux contribuables montréalais et qui ne sera surtout pas dommageable pour une économie qui ne peut se permettre des ralentissements aussi injustifiés.

Pour ma part, M. le Président, j'ai constaté que, derrière ces représentations de part et d'autre, il y avait un problème fondamental qui relève de la volonté du gouvernement du Québec, soit évidemment celui d'une réforme fiscale en profondeur. J'en viens même à la conclusion que la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui, à débattre de ce projet de loi, n'aurait pas lieu si le gouvernement du Parti québécois arrêtait de promettre et aussi de reporter les échéances. Il est certain que, si ce gouvernement nous était arrivé avec une véritable réforme fiscale applicable, on n'en serait pas là, M. le Président, à essayer de comprendre entre les pro et les contre et essayer de voir, dans une mesure d'inéquité, les avantages. D'ailleurs, comme je le mentionnais précédemment, s'il y a un consensus général – on l'a vu partout, M. le Président, autant au Sommet qu'au forum appelé par le ministre de la Métropole – dans la région, dans la grande région de Montréal, c'est bien celui de revoir la fiscalité.

Dans une lettre qu'elle adressait au ministre des Affaires municipales le 15 novembre dernier, la présidente du comité exécutif de la Communauté urbaine de Montréal, Mme Vera Danyluk, lui a fait part des inconvénients du système fiscal actuel et de la nécessité de revoir l'ensemble de la fiscalité. De même, Mme Danyluk demande au ministre, et je la cite: «Les recommandations sont unanimes à l'effet de mettre sur pied un comité conjoint de représentants du gouvernement du Québec et de la CUM afin de procéder le plus rapidement possible à l'examen de processus d'évaluation foncière de l'ensemble des dispositions fiscales municipales.» Une demande similaire est parvenue aussi de l'Institut de développement urbain du Québec, qui demande une recherche concertée pour des solutions durables par l'entremise d'une réforme de la Loi sur la fiscalité municipale. Même demande, différents mots, c'est tout.

Donc, les solutions existent. On le sait que les solutions existent, M. le Président, et le ministre doit donner suite à ces demandes. Parallèlement au fameux pacte fiscal longtemps revendiqué par Montréal, pacte fiscal qu'on n'a pas pu livrer dans son entièreté malgré une promesse faite à huit reprises, une neuvième reprise cette semaine, encore une fois, par le ministre de la Métropole, qui disait se rendre, ou la possibilité de se rendre jusqu'à 60 000 000 $, jusqu'à temps que le ministre des Affaires municipales, ou, enfin, le ministre des Finances, plutôt, pellette dans la cour des municipalités le fameux 76 000 000 $ relevant de l'abattement... ou de l'abolition de l'abattement de la TVQ... Alors, l'apport de ce pacte fiscal, les villes autant que leurs contribuables ont vraiment besoin d'une réforme fiscale qui rendra le régime plus stable, plus prévisible et plus équitable.

Par ailleurs, en ce qui a trait au rôle d'évaluation, la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics, communément appelée la commission D'Amours, a déjà fait une série de recommandations au Sommet sur l'économie et l'emploi et, évidemment, ces recommandations n'ont toujours pas fait l'objet d'application de la part du gouvernement. La seule chose que le gouvernement a dite, je me souviens, au maire de Laval, M. Gilles Vaillancourt, qui en faisait part lors du Sommet, on lui a promis, évidemment, la constitution d'un comité. Donc, la commission D'Amours est d'avis, au-delà de la simplicité, de la mentalité du rendement fiscal, elle est d'avis qu'au-delà de tout ça le principe majeur qui devrait sous-tendre le régime fiscal local, c'est évidemment l'équité. C'est la seule base, M. le Président, sur laquelle, au niveau de la transparence et aussi pour l'équilibre des mesures futures, c'est le seul principe sur lequel on doit se baser, c'est-à-dire le principe d'équité. Et elle est aussi d'avis que le régime des rôles d'évaluation foncière triennaux va à l'encontre de ces principes, en plus de complexifier le régime. La commission croit que la valeur des immeubles utilisés pour fins d'imposition doit se rapprocher le plus possible de la valeur marchande au moment de cette imposition. À cet égard, et sans les énumérer, j'inviterais le ministre des Affaires municipales à relire les recommandations de la commission D'Amours à ce sujet.

En terminant, M. le Président, je demande aussi au gouvernement, le plus rapidement possible, d'emboîter le pas, de convoquer les parties impliquées, de se donner aussi un échéancier court et précis afin que dans les meilleurs délais nous soyons en présence d'une réforme fiscale à la hauteur des attentes de tous les contribuables. Entre-temps, je ne peux appuyer le projet de loi, parce que je cautionnerais, par ce projet de loi, le fait que l'on met un bandage, tout simplement, comme dit un des représentants des groupes qui sont ou qui oeuvrent dans l'évaluation: un bandage sur un cancer. Il faut crever l'abcès, soigner la maladie et, ensuite, laisser aller tout simplement le patient parce qu'il sera guéri. Donc, je ne peux cautionner, par ce projet de loi, cette mesure qui, encore une fois, n'est qu'une mesure de camouflage d'un problème qui est extrêmement grave pour la Communauté urbaine de Montréal. Et, quant à la fiscalité municipale, eh bien, je pense que ce serait bon non seulement pour l'ensemble du Grand Montréal, mais pour l'ensemble du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je cède maintenant la parole au député de Notre-Dame-de-Grâce. M. le député.


M. Russell Copeman

M. Copeman: Merci, M. le Président. Je désire intervenir sur le projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives, pour plusieurs raisons. La raison principale, M. le Président, vous allez très vite comprendre, c'est que le comté de Notre-Dame-de-Grâce est situé, pour ses quatre cinquièmes ou 80 % du territoire et de la population, sur le territoire de la ville de Montréal. Il est au centre-ouest de l'île de Montréal et, en fin de compte, à l'ouest de la ville de Montréal, et on l'appelle communément le west end, à ne pas confondre avec le West Island qui n'est pas du tout le même territoire.

M. le Président, le projet de loi n° 67 comprend, quant à moi, plusieurs articles très discutables, et dont un principalement qui peut avoir un effet très néfaste, mais très néfaste pour les commettants du comté de Notre-Dame-de-Grâce et même pour les résidents de toute la ville de Montréal. Il s'agit évidemment de l'article 53 du projet de loi, qui autorise la Communauté urbaine de Montréal à prolonger des rôles d'évaluation foncière; le rôle triennal qui existait pour les années 1995, 1996 et 1997, le prolonger pour un ou deux ans. On sait, après avoir discuté avec les autorités de la Communauté urbaine de Montréal, qu'il est de leur intention, si jamais ce projet de loi est adopté, de procéder à une prolongation de deux ans pour la ville de Montréal, ce qui ferait en sorte que le rôle triennal d'évaluation déposé en 1995, qui a effet sur les années 1995, 1996 et 1997, serait extensionné jusqu'à la fin de l'année 1999.

M. le Président, ma collègue la députée de Marguerite-Bourgeoys, mon collègue le député de Laporte et notre porte-parole en matière d'affaires municipales, ma collègue la députée de Jean-Talon ont très clairement, je pense, fait la démonstration que, pour toutes sortes de raisons, le rôle de l'évaluation foncière sur lequel sont basées nos taxes municipales doit être collé au plus haut point possible aux réalités du marché de l'immobilier de la région. Elles doivent être basées sur la valeur marchande des propriétés.

(22 h 40)

Juste pour vous donner un exemple, M. le Président, dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce – et je sais de quoi je parle, parce que ça se trouve à être la situation où j'ai acheté une maison en 1995 – l'évaluation sur ma propre maison, de 1995, a été de 20 % supérieure au prix que j'ai payé pour la maison. Et on m'informe, par le biais des agents immobiliers dans le comté, que, généralement, ce pourcentage est à peu près applicable à tout le marché immobilier de Notre-Dame-de-Grâce. Autrement dit, M. le Président, en 1995 ou 1996, début de 1996, la valeur marchande des maisons dans Notre-Dame-de-Grâce est de 20 % de moins du rôle d'évaluation foncière.

L'effet de ça est très clair, très, très précis: les propriétaires paient des taxes foncières sur des valeurs de 20 % plus importantes, supérieures, à la valeur réelle de leur maison. Et on m'informe que, durant l'année 1996, cette valeur réelle, cette valeur marchande, a également diminué d'un autre 10 %, ce qui peut représenter, dans certains cas, que la valeur marchande des maisons dans le comté de Notre-Dame-de-Grâce est maintenant inférieure de 30 % du rôle d'évaluation foncière qui a été fait et déposé en 1995.

Si on prolonge pour deux ans ce rôle-là, on prolonge une inéquité flagrante qui existe entre la valeur réelle marchande et la valeur foncière. Ça me frappe, M. le Président. Ce gouvernement qui parle sans arrêt de l'équité de ses mesures. C'est un thème qui est répandu par les ministériels, ils parlent de l'équité dans la loi sur la police, de l'équité salariale, de l'équité dans le redressement des finances publiques. L'équité, l'équité, l'équité, c'est tout ce qu'ils disent quasiment, les gens d'en face. Mais là ils sont en train de proposer une mesure qui va perpétuer une inéquité, M. le Président. C'est d'une incohérence flagrante, une incohérence flagrante qu'il faut dénoncer, quant à moi.

M. le Président, pourquoi est-ce qu'on songerait à prolonger cette valeur, ce rôle d'évaluation foncière? Pourquoi est-ce qu'on le fera? Il y a essentiellement deux explications qui nous ont été fournies. Dans un premier temps, toute la communauté urbaine de Montréal, le rôle est applicable pour toute la quelque trentaine de municipalités sur l'île de Montréal. Ça pose un certain problème une fois que les rôles sont déposés, parce qu'il y a beaucoup de plaintes, M. le Président, dans le processus de révision. Alors, les plaintes sont déposées toutes en même temps pour les 30 municipalités sur l'île de Montréal. L'effet de ça, c'est qu'il y a une certaine surcharge au Bureau de révision de l'évaluation foncière, M. le Président, et cette surcharge est due au fait que le rôle est déposé en même temps pour toutes les 30 et quelques municipalités sur l'île de Montréal. Alors, une explication technique du pourquoi de prolonger ce rôle, c'est que ça permettra en même temps de désynchroniser le rôle. Beau grand mot, M. le Président, qui veut dire simplement qu'on va étaler le dépôt du rôle sur deux ans pour s'assurer que le tout n'est pas déposé en même temps, pour s'assurer que le tout n'est pas contesté devant le BREF en même temps. Il y a une certaine logique à ça, M. le Président, une certaine logique. Ça étale les contestations multiples et nombreuses devant le Bureau de révision de l'évaluation foncière.

Mais il y a une autre raison majeure, quant à nous, M. le Président, pour laquelle le gouvernement décide de procéder de cette façon. On nous explique que les représentants de la Communauté urbaine de Montréal, avec grande éloquence, M. le Président... qu'il y a une crise dans l'assiette fiscale de la Communauté urbaine de Montréal depuis le dépôt du dernier rôle triennal, en 1995. Qu'est-ce que ça veut dire, cette crise dans l'assiette fiscale? C'est très clair. La valeur marchande de presque tout, en moyenne, a chuté de façon tellement importante que, si on ne fait pas quelque chose, si on ne fait pas quelque chose, si on permet le dépôt des nouveaux rôles d'évaluation foncière, les recettes pour la Communauté urbaine de Montréal, les recettes pour la ville de Montréal vont diminuer d'une façon incroyable, dont l'effet sera que la ville, les villes, les diverses villes, en particulier la ville de Montréal, n'auront pas les moyens de payer pour leurs services. Pourquoi est-ce qu'on a cette crise dans l'assiette fiscale? Qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président? Pour répéter, là, ça veut dire simplement que la valeur du marché immobilier a chuté à Montréal. Alors, on propose un plâtre, une mesure temporaire pour palier à cette crise.

Mais d'où vient cette crise, M. le Président? La question se pose. Pourquoi est-ce que la ville de Montréal, entre autres, mais toute la Communauté urbaine de Montréal, mais particulièrement la ville de Montréal, est en crise? C'est à cause, quant à moi, M. le Président, je vous le soumets très humblement, c'est largement dû à l'incapacité de ce gouvernement d'arriver à un pacte fiscal avec la ville de Montréal, mais, plus profondément, elle est due à l'incertitude politique causée par l'option séparatiste de ce gouvernement. M. le Président, les gens en face peuvent bien rire de ça s'ils le veulent, ils peuvent bien ne pas le croire s'ils le veulent, mais ils ont juste besoin, M. le Président, de se promener dans les rues de Montréal, et cette thèse que j'avance va être confirmée par la vaste majorité des Montréalais. La raison pour laquelle Montréal se trouve dans un marasme économique, c'est grâce à l'option séparatiste du Parti québécois. Le lien est là, M. le Président. Ça a été démontré au sommet socioéconomique par le sous-comité présidé par M. Brian Levitt, président d'Imasco, que l'incertitude politique pèse sur Montréal. C'est à cause de ça en grande partie que l'assiette fiscale de Montréal a chuté. Les députés ministériels, par la promotion de leur programme de séparation, sont grandement responsables de cette situation.

Ils sont également responsables parce que ce gouvernement n'a pas été capable jusqu'à ce jour d'arriver à un pacte fiscal avec la ville de Montréal. Le ministre responsable de la métropole a indiqué en cette Chambre il y a un peu plus qu'une semaine, si ma mémoire est bonne, qu'il était, lui, arrivé à trouver 33 000 000 $ d'aide à la ville de Montréal pour satisfaire en partie les revendications légitimes de la ville de Montréal concernant son financement. Mais, M. le Président, d'un coup de baguette magique, dans l'espace de pas une semaine, ce pacte fiscal, cette aide de l'ordre de 33 000 000 $ pour la ville de Montréal est tombée à 22 000 000 $. D'un coup de baguette magique, ce gouvernement a fait disparaître 11 000 000 $ de l'aide pour la ville de Montréal. Et comment? Ça a été très simple. Il y a une semaine, le ministre des Finances a annoncé l'abolition du remboursement de la TVQ aux municipalités, mesure de l'ordre de 76 000 000 $ par année dont on prive les municipalités, dont la quote-part de Montréal est de 10 000 000 $. Ça fait qu'avec la simple déclaration ministérielle faite ici, en cette Chambre, il y a une semaine, le ministre des Finances a d'un seul coup enlevé 10 000 000 $ à la ville de Montréal, ce qui fait tomber le 33 000 000 $ annoncé en grande pompe par le ministre responsable à 23 000 000 $.

Autre mesure, M. le Président, le projet de loi n° 77, qui est le projet de loi sur l'organisation policière. Ça aussi, si jamais ce projet de loi est adopté, ça va ajouter une facture à la ville de Montréal de 1 000 000 $ pour financer l'Institut de police de Nicolet. Si jamais ce projet de loi est adopté, la ville de Montréal va être obligée de payer une facture additionnelle de 1 000 000 $ pour l'Institut de police de Nicolet.

(22 h 50)

Alors, on est parti de 33 000 000 $ d'aide pour Montréal, on est tombé à 10 000 000 $ à cause de l'abolition du remboursement de la TVQ. Juste pour Montréal, on est tombé à 23 000 000 $. Puis on enlève un autre million. On n'enlève pas, mais on pellette une facture d'un autre million à la ville de Montréal, ce qui arrive à 11 000 000 $ qu'on a enlevés en l'espace d'une semaine. Coup de baguette magique! Alors, l'aide fiscale pour Montréal part de 33 000 000 $ et arrive aujourd'hui, si jamais le projet de loi n° 67 est adopté, à 22 000 000 $.

Mr. Speaker, Bill 67 which is before this House, An Act to establish an administrative review procedure for real estate assessment and to amend other legislative provisions, has, contains in it one article that will have a particular impact on the residents of the riding of NDG. Section 53 of the bill permits, authorizes the Montréal Urban Community to extend the real estate evaluation, the roll, the triennial roll which was established for the years 1995, 1996 and 1997, permits them to extend it for another two years, which would only perpetuate the ludicrous situation that currently exists on the territory of the city of Montréal, whereby, at the moment, the present moment, the real estate value of homes is anywhere from 20 % to 30 % less than the roll, the evaluation that was authorized and deposited in 1995.

Residents of the city of Montréal are, amongst other residents, Mr. Speaker, paying 20 % to 30 % higher taxation based on an evaluation that is no longer up-to-date, that is no longer accurate, that is no longer fair, that is no longer equitable. For a government that claims to have as a guiding principle the theory of equity, doing things in an equitable fashion – we have pay equity, we have, according to the Minister of Public Security, another equitable measure in the distribution of the cost of police force in this province. That's another measure of equity, according to the Minister of Public Security!

What I find interesting, Mr. Speaker, is that, every time this Government talks about equity the end result is we pay more taxes. They have redefined the word «equity». The Parti québécois, the PQ has redefined the word «equity», because every time they stand up and announce a measure based on equity, we Quebeckers end up paying more tax. So that, whenever I hear that in the House, I know there's trouble coming. A minister stands up and says: We have a measure based on equity. Right away, I know, right away! You can get out your checkbook because the Government of Québec is coming for more money. It's gonna cost you more money. The incoherence is that this particular measure in Bill 67 is, by its very nature, an inequitable measure. It perpetuates an inequitable situation and it's completely incoherent, completely contrary, I think, to the best interests of the people residing on the territory of the Montréal Urban Community.

Mr. Speaker, why is it inequitable? It forces people to pay municipal property tax based on inflated evaluation rolls. Why are the rolls so much lower today? Why is the real estate value so much lower today? It's very clear why. There is a crisis in the public financing of the Montréal Urban Community. That crisis comes from the fact that real estate values have taken a dramatic plunge since the roll was deposited for 1995. The reason that that has happened, Mr. Speaker, is clear in my mind, it is because of the political option, the separatist option of this Government. It is driving away people, it is driving out people. It is provoking an exodus among people. It is dropping the value of homes and businesses to the point where... I agree that if a new roll were imposed next year, revenues from the MUC would drop dramatically. That is not our problem, Mr. Speaker, that is the creation of the PQ, and they must solve it in a different way and a more equitable way. And I can think of one way to solve it, Mr. Speaker, it would be simply to drop their separatist option. We'd have some stability, we'd have some growth, we'd have some jobs and we wouldn't need these types of measures.

En terminant, M. le Président, je vous ferai remarquer également que, dans la loi n° 67 qui est devant cette Chambre, il y a également une incidence qui découle d'un autre projet de loi. L'incidence, M. le Président, est très claire. Le projet de loi n° 130 qui est devant cette Chambre, sous bâillon, remplace le Bureau de révision de l'évaluation foncière, le BREF, qui est l'appel, par le Tribunal administratif du Québec. M. le Président, on connaît déjà l'attitude du ministre de la Justice dans ses nominations partisanes dans ce dossier, et je crains pour le BREF, je crains pour le processus de révision de l'évaluation foncière, selon son projet de loi n° 130. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, nous donnons maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Merci, M. le Président. M. le Président, en octobre 1996, Alban D'Amours, Michel Audet, Jean-Guy Frenette, Peter Bakvis, Claudine Harnois, Nicole Beaudoin, Richard Langlois, Yvon Cyrenne et Ruth Rose ont signé conjointement un rapport qui va faire date au Québec, c'est le rapport de la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics: «Ensemble pour un Québec responsable». Un rapport qui avait été commandé par le ministre des Finances dans le but, M. le Président, de voir à une réforme globale de la fiscalité.

Ce rapport a étudié l'ensemble des champs de taxation, que ce soit l'impôt direct, que ce soit l'impôt indirect, que ce soient les taxes foncières, M. le Président. Il est important pour ce gouvernement de se rappeler ce qu'a recommandé le rapport qu'ils ont eux-mêmes commandé, fait par des gens qui venaient... Et je me rappelle le ministre des Finances, un homme éminemment respectable, qui a rappelé à quel point un consensus avait pu être obtenu sur la question de la fiscalité, à quel point on était arrivé à se mettre d'accord sur les grands objectifs de la fiscalité du Québec.

Alors, M. le Président, ce rapport sur la fiscalité qui, je l'espère – et je crois à la parole en cela du ministre des Finances – va être la pierre de base de la réflexion et des réformes que l'on doit faire dans notre régime fiscal, ce rapport traite aussi de la fiscalité municipale. Il traite des rôles d'évaluation, et peut-être que le ministre des Affaires municipales ne l'a pas lu, peut-être que le ministre des Affaires municipales ne le connaît pas, peut-être que le ministre des Affaires municipales ne sait pas ce qu'il y a dans le rapport commandé par son propre gouvernement, parce que, s'il connaissait ce rapport, il ne présenterait pas ce projet de loi.

(23 heures)

Je vais vous expliquer pourquoi, M. le Président. Je lis. «La stabilisation des variations de comptes de taxes...» C'est à la page 114 du rapport sur la fiscalité. C'est extrêmement important, un rapport qui a été unanime et qui va être la base, actuellement, de la réforme de la fiscalité. «La stabilisation des variations de comptes de taxes ne devrait pas s'effectuer au détriment de l'équité. Des mesures qui plafonnent les hausses démesurées des comptes de taxes, mesures déjà prévues d'ailleurs par la législation, apparaissent préférables pour atteindre cet objectif, particulièrement dans un contexte où une baisse des valeurs foncières fait en sorte que les contribuables ont plutôt tendance à s'attendre à des réductions de taxes.» Et le point important qui arrive là-dedans, c'est: «Dans ce contexte, la Commission croit que la valeur des immeubles utilisée pour fins d'imposition doit se rapprocher le plus possible de la valeur marchande au moment de cette imposition.» Je rappelle: «Dans ce contexte, la Commission croit que la valeur des immeubles utilisée pour fins d'imposition doit se rapprocher le plus possible de la valeur marchande au moment de cette imposition.»

Et la Commission en conclut une recommandation, qui est la recommandation 55, qui dit: «Amender la Loi sur la fiscalité municipale pour délaisser le régime des rôles d'évaluation foncière triennaux et en revenir au rôle d'évaluation foncière annuel.» Ça, M. le Président, c'est un comité constitué par le ministre des Finances du Québec qui était... J'ai commencé par nommer les personnes, ici, qui étaient avec des commissaires dont la compétence et les connaissances n'ont jamais été remises en doute, qui venaient de tous les champs, depuis le mouvement patronal jusqu'au mouvement syndical, qui ont réussi à faire un travail absolument extraordinaire et sont arrivés à atteindre un consensus.

Ce consensus, je vous l'ai rappelé, M. le Président, disait: On doit arriver à une évaluation le plus proche possible de la valeur marchande de l'immeuble, premièrement. Deuxièmement, on doit en arriver à un rôle d'évaluation annuel. Le projet de loi qui est devant nous va exactement à l'opposé. Le projet de loi qui est devant nous va exactement à l'opposé. Le ministre des Affaires municipales, ou il n'a pas lu ce document ou, s'il l'a lu, il ne l'a pas compris parce que ça va exactement à l'opposé. Ou bien il a l'intention de l'amender, son projet de loi, pour le rendre conforme à ce qui a été un consensus établi parmi, disons, l'ensemble des personnes qui se sont penchées sur la fiscalité du Québec. Et je pourrais citer à quel point le député de Verchères, le ministre des Finances, a vanté la qualité du rapport ici, et personne ne l'a remis en cause ici aujourd'hui.

Ce projet de loi, ici, M. le Président, propose à l'heure actuelle de geler le rôle d'évaluation pour la Communauté urbaine de Montréal, ce qui veut dire que le rôle d'évaluation des immeubles de la Communauté urbaine de Montréal ne va pas se faire sur le plus proche possible de la valeur marchande d'aujourd'hui, mais va se faire sur une valeur marchande vieille de cinq ans si on regarde le gel du rôle pour deux ans qui est demandé dans le projet de loi. Ceci, M. le Président, va exactement, complètement à l'encontre de ce qui avait été recommandé par la Commission sur la fiscalité et le financement des services publics qui avait été instaurée par ce gouvernement. Alors, l'opposition ne peut pas du tout voter en faveur du projet de loi n° 67, et je me demande comment des ministériels peuvent voter en faveur de ce projet de loi qui, dans son article 53, va exactement à l'opposition de ce qui est proposé. En effet, on va, par l'article 53, geler le rôle d'évaluation. Ça veut dire quoi, geler le rôle d'évaluation? Ça veut dire qu'on va taxer la taxe municipale non pas sur la valeur marchande aujourd'hui, en 1996 ou en 1997, des immeubles que vous possédez ou que les députés ministériels possèdent, mais en fonction de la valeur marchande de 1993. Et ça, c'est contraire à tout esprit de réforme de la fiscalité qui a été proposée dans le rapport «Ensemble pour un Québec responsable», qui recherchait une plus grande équité.

Alors, bien sûr, je comprends ce qu'essaie de rechercher le ministre des Affaires municipales. La valeur marchande des immeubles, particulièrement les immeubles commerciaux et industriels, a baissé sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. Alors, pour maintenir, pour ne pas avoir à augmenter le taux de taxation, eh bien, on va donner une évaluation foncière artificiellement élevée. C'est fondamentalement contraire à tout ce qui est recherché et tout ce qui a été demandé par la Commission sur la fiscalité, à savoir que la fiscalité soit la plus ouverte possible, soit la plus claire possible. Lorsqu'on débattra en commission parlementaire, je suis sûr qu'une bonne partie des députés ministériels ne pourront pas accepter cette espèce de cachette qui est faite à l'heure actuelle par l'article 53.

Les municipalités, si elles ont besoin, lorsque le rôle d'évaluation a baissé parce que la valeur marchande a baissé, elles peuvent parfaitement augmenter le taux de taxation. Il faut bien être conscient – et c'est un peu technique, M. le Président – que la taxe foncière que vous payez est une multiplication de deux valeurs: d'une part, le taux de taxe et, d'autre part, la valeur de l'évaluation de votre propriété. Si vous voulez maintenir le même revenu et si l'évaluation de votre propriété a baissé, vous devez augmenter le taux de taxe. C'est strictement le jeu de réalité et ça correspondrait à la réalité du marché. Mais, pour cacher la situation aux citoyens, pour cacher la réalité aux gens, pour faire croire qu'on va maintenir le même taux de taxe suivant les années qui viennent malgré que la valeur marchande des propriétés a baissé, eh bien, on dit: On va prendre la valeur marchande qu'il y avait il y a cinq ans sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal. C'est exactement ce que propose le ministre des Affaires municipales.

Je m'étonne. Je m'étonne, M. le Président, que le gouvernement, qui est solidaire, puisse avoir un double langage. D'un côté, le ministre des Finances a de nombreuses fois été en faveur d'une taxation la plus claire possible. Il s'est fait le défenseur de ce rapport. Et moi aussi je me fais le défenseur de ce rapport que je trouve excellent. D'un côté, il fait ça. De l'autre côté, au niveau des actions concrètes, la première chose que je vois, le premier projet de loi qui est approché, qui est celui du ministre des Affaires municipales, va exactement à l'encontre de ce qui est recommandé par le rapport de la Commission sur la fiscalité. Au lieu d'avoir une ouverture complète, au lieu de fonctionner à visière levée, au lieu d'expliquer la réalité aux concitoyens, on essaie encore des entourloupettes, de faire croire qu'on va encore se baser sur un rôle d'évaluation vieux de trois ou quatre ans. Il y a là, M. le Président, quelque chose de fondamentalement inique et inacceptable.

(23 h 10)

M. le Président, si vous me permettez, les municipalités ne sont pas dépourvues de moyens d'action. Si on avait accepté le principe d'un rôle d'évaluation annuel... Et je reviendrai là-dessus, M. le Président. Ce n'est pas quelque chose qu'il est impossible de faire, c'est quelque chose qui peut se faire même facilement et ça permettrait réellement d'avoir, année après année, une taxe foncière basée sur la véritable valeur de la propriété. Si on acceptait ce principe-là et si on se disait qu'il y a une chute importante dans le taux de taxation pour certains secteurs, particulièrement dans le secteur commercial et le secteur industriel, les municipalités – et vous le savez, M. le Président – auraient la possibilité d'avoir un taux différencié de taxation, par secteur, c'est-à-dire d'avoir ce qu'on appellerait une surtaxe pour les immeubles, les immeubles commerciaux et résidentiels. Ça fait partie de l'ensemble des moyens qu'une municipalité peut avoir pour corriger des baisses plus importantes dans certains secteurs, comme les secteurs commercial et résidentiel, sans avoir à affecter le secteur résidentiel. Ce serait une approche ouverte, claire, limpide où on expliquerait la réalité, sans vouloir la cacher. Mais ce n'est pas ça qu'on fait, hein? Ce n'est pas ça qu'on fait du tout.

Votre propriété, pour ceux d'entre vous qui avez des immeubles sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, ne sera pas basée sur le rôle d'évaluation de 1996, comme ça devrait être. On vous dira: Votre taxe foncière est établie sur ce que valait votre immeuble en 1993, même si l'ensemble du marché immobilier à Montréal – pour les raisons d'ailleurs exprimées par le député de Notre-Dame-de-Grâce, que je ne voudrais pas commenter ici – a baissé considérablement. On pourrait m'objecter, M. le Président, que faire un rôle d'évaluation annuel, ça serait quelque chose de difficile. Vous me permettrez de vous rappeler, brièvement, comment ça se fait un rôle d'évaluation. Un rôle d'évaluation, ça ne veut pas dire qu'on retourne réévaluer absolument tous les immeubles à chaque fois. La première évaluation, lorsqu'un immeuble est construit, bien sûr, il y a une évaluation qui est faite, en fonction du marché, où on visite chacune des pièces, l'état de la maison, etc. Mais, ensuite, pour les évaluations subséquentes, on ne refait pas toute cette visite-là; on compare les différents immeubles en fonction des ventes à l'intérieur du quartier ou de la région. Il n'y a pas une revisite complète de l'ensemble des immeubles.

M. le Président, il y a possibilité – et vous le savez parfaitement parce que vous êtes quelqu'un qui avez été éminemment actif dans le secteur de l'immobilier – sans des coûts abusifs, de pouvoir faire, année après année, un rôle d'évaluation qui correspondrait à la véritable valeur marchande de votre propriété. C'est ce que recommande actuellement le rapport sur la fiscalité. Et, si je posais la question suivante, individuellement, à l'ensemble des députés ministériels: Est-ce que vous préférez avoir un rôle d'évaluation des propriétés qui correspond à la véritable valeur marchande ou à une valeur marchande vieille de quatre ou cinq ans? je suis presque sûr que l'ensemble des députés ministériels diraient: On préfère, bien sûr, ce qui est le bon sens, avoir une taxe foncière basée sur la véritable valeur marchande de la propriété. Mais ce n'est pas ce que l'on fait. La loi n° 67, qu'on débat aujourd'hui, article 53, le dernier ici, de la loi n° 67...

Pour le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, on propose actuellement ce qu'on appelle un rôle d'évaluation différencié, ce qui fait qu'on va, dans certains cas, avoir à prolonger le rôle d'évaluation jusqu'à cinq ans, c'est-à-dire un gel pour cinq ans, non pas seulement en 1996, 1997, 1998, mais cinq ans de gel. Et ça veut dire qu'en 1998 votre propriété sera taxée non pas sur sa valeur marchande, mais sur la valeur marchande qu'elle avait en 1993. Je pense, M. le Président, que la logique serait de retirer cet article à l'intérieur du projet de loi n° 67 et de faire en sorte que les municipalités se basent sur un rôle d'évaluation correspondant à la véritable valeur marchande, quitte, si elles ont besoin de revenus, etc., à imposer un taux de taxation qui corresponde à leurs véritables besoins financiers, quitte, le cas échéant, même si dans certains secteurs, comme le secteur du commercial ou de l'industriel, il y a eu une chute plus importante, à avoir une surtaxe pour les immeubles commerciaux et résidentiels.

Il y a tous les appareils qui sont disponibles, il y a les instruments qui sont à notre portée, mais on ne peut pas, nous, ici, de l'opposition, accepter le double langage. On ne peut pas accepter, d'un côté, ce gouvernement qui recommande une révision en profondeur de la taxation municipale basée sur un principe d'équité normal, et je vous l'ai rappelé tout à l'heure, qui veut dire qu'on se base sur des rôles d'évaluation annuels, comme ça a été recommandé à la page 114, actuellement, du rapport sur la fiscalité municipale, et, de l'autre côté, dans le même souffle, trois jours après le dépôt de ce rapport, avoir le ministre des Affaires municipales qui va complètement à l'encontre du rapport et qui dépose un projet de loi qui demande un gel pour cinq ans du rôle d'évaluation.

Ça n'a aucun bon sens, M. le Président. Il n'y a qu'une chose à faire: voter contre ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, je cède maintenant la parole au député de Bertrand. M. le député.


M. Robert Thérien

M. Thérien: Merci, M. le Président. M. le Président, je tenais à intervenir sur le projet de loi n° 67, parce que, comme vous le savez, lorsque vous avez été un élu au municipal, toutes les pièces législatives qui concernent les municipalités, ça a un intérêt plus grand, et particulièrement celle-là.

Je veux juste vous rappeler, avant de parler de la loi n° 67 strictement, du fond, que, si on est ici ce soir, je dirais, si on est ici durant cette session, c'est parce qu'il y a eu une promesse de faite. Il y a eu une promesse de faite aux Montréalais durant la période électorale qu'il y aurait une révision fiscale, un pacte fiscal pour les Montréalais. C'est exactement ça. Et le pacte n'est pas venu.

Et on se retrouve avec des pièces législatives très complexes – puis, ça, je vais vous en parler tantôt – et j'imagine presque – puis je pense que je vais suggérer ça à mon parti – la prochaine campagne électorale, avec des vidéos: la promesse puis le résultat. Ça va être assez impressionnant. Comme l'UPA a fait. L'UPA, c'est ça qu'elle a fait. Elle a dit: Écoutez, il y a des ministres qui nous ont dit ça, il y a le premier ministre qui nous a dit ça, puis, deux ans après, on a ça.

Ici, le premier ministre de l'époque, M. Parizeau, et le ministre de l'époque, le député de Joliette, s'étaient engagés à faire un pacte fiscal, une réforme fiscale en profondeur. Chose qui ne s'est pas faite. Donc, on est obligé de remplacer ça par des projets de loi qui effleurent, en fait, le problème. Ça serait à peu près comme soigner un cancer avec de l'aspirine. C'est à peu près ça qu'on fait. Et c'est pour ça qu'il y a des contrariétés, tout simplement.

M. le Président, il y a eu une question aujourd'hui au premier ministre, qui était excellente. On lui a demandé: C'est quoi la définition du mot «équité»? Parce que n'oubliez pas qu'on fait des lois ici, mais les lois doivent être faites pour les citoyens, pas pour répondre nécessairement à une administration municipale; répondre nécessairement à un gouvernement qui est en quête d'argent. Une loi doit être faite pour répondre au mieux-être des citoyens. Et on va voir dans cette loi-là que cette loi-là ne répond pas au mieux-être des citoyens, au contraire, elle crée une iniquité. Mais je peux vous dire, avec la définition que le gouvernement du Parti québécois donne au mot «équité», une chose: C'est un peu difficile de savoir où on s'en va là-dessus.

Donc, si on regarde au niveau fiscal, parce qu'il ne faut pas oublier que les réformes fiscales c'est très compliqué, c'est très technique et que le citoyen se perd là-dedans; il ne faut pas oublier aussi, M. le Président, qu'il y a eu une réforme fiscale importante en 1979 – il y a peut-être des parlementaires qui s'en rappellent – qui a modifié – et on peut donner quelques chiffres – 75 lois, il y a eu 152 amendements législatifs. Donc, ça a été une réforme en profondeur, compliquée, où les gens s'y perdaient.

(23 h 20)

Aujourd'hui, on décide de changer ça, de changer ça complètement, et je ne vois pas de députés ministériels qui se lèvent souvent pour dire: Écoutez, la loi qu'on passe va répondre à un besoin des citoyens. Est-ce qu'un citoyen a demandé cette réforme-là? Non. C'est des élus municipaux qui ont demandé cette loi-là parce que le pacte fiscal n'est jamais arrivé. C'est ça, le problème.

Donc, comme je vous disais, M. le Président, il y a eu une réforme majeure en 1979 sur la fiscalité, et ce projet de loi, imaginez-vous, même s'il y a eu une modification majeure puis, depuis ce temps-là, il y a eu d'autres modifications, d'autres amendements, ce projet de loi là a 55 articles qui modifient quatre lois. Ça fait que demandez au citoyen du Québec d'essayer de comprendre la fiscalité de son propre argent et, surtout, la fiscalité de sa propre évaluation de son avoir à lui, pas l'avoir du gouvernement. On décide, le gouvernement, de changer les règles du jeu pour des avoirs ou, surtout, l'évaluation de son avoir, parce que l'avoir, c'est une chose, mais la considération au niveau de l'évaluation, c'est une autre chose. On peut posséder un avoir qui est évalué à 100 000 $, et l'évaluation en donne seulement 80 000 $ ou, l'inverse, 120 000 $. Donc, le projet de loi a deux faits importants: c'est le traitement des plaintes en matière d'évaluation qui, ça aussi, change une donnée assez importante, parce que c'était simple avant. Il y avait une évaluation qui était déposée, un rôle d'évaluation déposé. La personne était insatisfaite, déposait une plainte au Bureau d'évaluation avant le 1er mai. Mais ce n'est plus comme ça que ça se passe. C'était simple, ça fonctionnait très bien. C'est peut-être pour ça, parce que ça fonctionnait bien, qu'on a changé ça.

Mais, surtout, ce qui est important dans ce projet de loi, M. le Président, c'est le gel des rôles d'évaluation de la Communauté urbaine de Montréal, qui peut dépasser le plan triennal. Vous savez, un système fiscal, lorsqu'on joue avec ça, ça débalance énormément la facilité pour un élu d'administrer sa propre municipalité. Vous savez, les élus, c'est simple: ils perçoivent des taxes sur les rôles d'évaluation, ils perçoivent des taxes sur le caractère commercial. Ils n'ont pas d'autre façon d'aller s'approprier les deniers publics pour donner des services. Lorsqu'on change les faits, et ça change toute la nature... Exemple, on l'a vécu après-midi. Écoutez, il y a des maires qui sont descendus dans la rue. Pourquoi? Pour la simple raison qu'il y avait des règles du jeu et que le gouvernement a décidé de changer les règles du jeu sans même en parler aux élus et, pire que ça, changer les règles du jeu 11 mois après le dépôt de ces mêmes règles là. Et les gens du gouvernement sont tout à fait surpris que les gens de l'opposition se lèvent puis crient, disant qu'on brise l'autonomie, le lien de confiance envers les gens, l'équité. L'équité, un mot, écoutez. Depuis à peu près un mois, on parle de consensus, on parle d'équité. On en parle, on en parle, mais les faits disent complètement le contraire. Complètement le contraire. Je défie les membres du gouvernement de se lever puis de nous dire quels sont les gestes d'équité, pas les paroles, les gestes. Je vous le dis, je vous l'ai déjà dit parce que vous étiez sur le banc, vous savez, en politique, il y a une chose de sûre: les faits rattrapent toujours les paroles. Si les faits sont bons, ça rattrape, ça confirme les paroles. Mais si ce n'est pas le cas... Je vois le ministre de l'Agriculture, qui semble d'accord avec moi. Je sais qu'il a eu son baptême hier. Ils lui ont peut-être laissé une chance, mais j'espère que ce ne sera pas l'extrême-onction plus tard, que les agriculteurs ne lui feront pas... Ici, on est obligé, à l'Assemblée nationale, de prendre pour acquis que ce qu'on nous dit est vrai. Mais, la population, elle... Oui, oui. On est obligé, je veux dire, c'est ça, les règles ici au Parlement. Sauf que, lorsque le ministre part d'ici puis s'en va au congrès de l'UPA, eux autres n'ont pas la même obligation. Ils ne l'ont pas cru. Ils lui ont laissé un petit sursis. Il s'est levé encore aujourd'hui pour nous dire qu'il va régler ça. Bon. On le croit. On le croit. Sauf que les faits vont le rattraper. Je souhaite, d'ailleurs on souhaite tous que ça fonctionne au Québec; on souhaite tous qu'il réussisse. Mais je peux vous dire une affaire: dans ce gouvernement-là – je le disais cet après-midi – il y a deux personnes: il y a le premier ministre, qui décide, même qui répond aux questions: Tu réponds, tu réponds, tu réponds, et il y a le ministre des Finances, qui dit: Toi, tu collectes; toi, tu collectes; toi, tu collectes. Les autres, c'est: Allah, Allah! Parfait, tout est réglé. C'est exactement ça. Le ministre de la Santé rit, mais je te dis qu'il rit fort dans les «Allah, Allah!» parce qu'il collecte fort, hein? Il collecte fort, puis je peux vous dire que c'est le genre de personne qui est en train de traiter le Québec, que je disais tantôt...

Ça me ferait énormément plaisir si on écoutait. Il a été discipliné aujourd'hui; il n'a pas réagi beaucoup. Il calculait, mais, d'après moi, ses calculs n'arrivent pas, hein? Absolument pas, il nous prépare d'autres coupures. Mais je ne veux pas annoncer ça, M. le Président. Des ristournes, oui, des ristournes à la baisse. Ce n'est pas fort, ce n'est pas fort. Comme je vous ai dit après-midi, on était sur le bâillon, il a même bâillonné son ministère. Il est le seul à prendre des décisions. Ça fait qu'il n'a pas juste bâillonné l'Assemblée nationale, il a bâillonné toutes les personnes qu'il y avait là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, si on revenait à la pertinence du dossier.

M. Thérien: Vous pensez qu'on s'est égarés un peu, légèrement?

Le Vice-Président (M. Pinard): Très, très légèrement.

M. Thérien: Donc, on revient à la fiscalité pour vous dire que les deux objectifs de la grande réforme fiscale en 1979, c'était l'autonomie municipale, l'autonomie dans la gestion municipale. Et je peux vous dire qu'on est loin de ça présentement parce que l'autonomie est dictée par le gouvernement, dictée. Écoutez, on a besoin d'argent. Je prends l'exemple de Montréal. On a besoin d'argent, vous allez nous donner 10 000 000 $. C'est ça, la gestion; c'est ça, l'autonomie municipale. Je vous dis quoi faire, puis vous le faites. Ça, je peux vous dire une chose: si on parle d'autonomie de gestion, d'autonomie municipale, on passe complètement à côté. Crois ou crève, ou marche ou crève, ou paye ou crève, c'est plutôt ça présentement.

Vous savez, les élus de Montréal avaient un rôle annuel. Ils ont souhaité un rôle triennal et, dans les municipalités de banlieue ou ailleurs, les rôles aussi sont déterminés dans le temps. Pourquoi les rôles sont déterminés dans le temps, M. le Président? C'est simple, pour conserver une certaine stabilité. Mais on sait très bien que trois ans, les valeurs peuvent changer mais peut-être pas assez rapidement. Mais, lorsqu'on monte une année de plus ou deux années de plus, là il peut y avoir des variantes énormes. C'est ça qu'on dénonce dans le projet de loi.

Écoutez, c'est bien simple. Le gouvernement n'a pas répondu à sa promesse de pacte fiscal. Il dit: Écoutez, les valeurs ont baissé, les valeurs ont baissé. Écoutez, ce n'est pas le Parti libéral qui dit ça; c'est les évaluateurs, c'est le marché. Le type qui est propriétaire d'une maison à Montréal ou d'un commerce à Montréal – une maison, ça a baissé à peu près de 10 % – il possède moins, donc il doit payer moins. Mais ce n'est pas ça qu'on reconnaît l'autre bord parce que, l'autre bord, on est habitué de les faire payer. Donc, on ne voit pas ça; on ne voit absolument pas ça. Mais c'est ça, la réalité. C'est ça, la réalité. On dit: Pourquoi? Pourquoi, M. le Président?

D'ailleurs, quand il y a une action posée par le gouvernement, il faut toujours savoir pourquoi il la pose. Pourquoi il la pose? C'est simple, parce que les valeurs à Montréal ont baissé, puis c'est vrai que Montréal est dans le besoin. C'est vrai que Montréal, il faut trouver des solutions. Mais est-ce que c'est la bonne solution? Ce n'est pas la bonne solution parce que chaque citoyen est pénalisé. Le citoyen, lui, qui a une valeur, qui malheureusement voit sa valeur baisser, il ne voit pas sa taxe baisser pour autant.

(23 h 30)

Moi, s'il y en a quelqu'un qui a à m'expliquer le principe d'équité là-dessus, là, il y a à peu près juste le premier ministre qui est capable d'expliquer c'est quoi, l'équité dans une affaire de même. Puis là je pense que, de moins en moins, il y a des gens qui sont en train de le croire. Je voyais, aux nouvelles, 3 000 professeurs qui s'en venaient dire... Écoutez, là, 3 000 professeurs. Moi, je fais partie de la charge des enseignants, j'ai rarement vu 3 000 professeurs dans la rue depuis des années, rarement vu ça. Et là je vais vous dire une affaire: Quand ils sortent, ils sont tannés. Ils sont tannés parce qu'on nous a promis quelque chose, un peu comme on a promis à Montréal, puis là on fait ça différemment. Écoutez, quand on me dit que, là, le pacte... Pardon, excusez. Je me reprends; je vais boire. Quand on me dit que le pacte fiscal a été respecté, les chiffres changent, ça va venir, il y a une étude, ainsi de suite. Ça n'a pas été respecté.

Même chose que les conventions. Demandez aux professeurs – je dis les professeurs parce que, dans mon entourage, il y a plus de professeurs – s'ils savaient que, dans leur convention, il y avait un petit paragraphe qui disait qu'on pouvait rouvrir des conventions. Il n'y a pas un professeur... Le chef syndical, peut-être, parce que, lui, il avait une connivence pour la souveraineté, là, le référendum.

Mais, si on signe des conventions avec des clauses pour les rouvrir quand on veut, bien, qu'on n'en signe pas, de conventions. Une convention, savez-vous c'est quoi? C'est la sécurité qu'une personne a pendant les trois prochaines années ou les quatre prochaines années. Mais ce n'est pas ça, là. Demandez aux gens normaux s'ils savaient qu'il y avait une clause qu'on pouvait rouvrir n'importe quand. Ce n'est pas vrai, ça. Les gens ont été trompés, comme les gens de Montréal ont été trompés.

Et là on dit, à Montréal... C'est sûr que les gens de Montréal, les administrateurs de Montréal, ils veulent s'en sortir. Les gens sont de bonne foi. Mais les citoyens, eux, le million de personnes que ça touche, qui ont une valeur de propriété, qui se voient taxés au-delà de la valeur, vous allez me dire que c'est un principe équitable. C'est ça, le projet de loi. C'est un hold-up, puis même pas, le type qui fait le hold-up, il n'est même pas masqué. C'est le gouvernement qui dit: On va te taxer davantage. On ne dit pas ça, écoutez, on dit pire que ça: On va aider la ville de Montréal. On dit ça: On va aider la ville. Mais c'est qui, la ville? C'est des citoyens. Et c'est ces citoyens-là qui sont pénalisés.

Donc, on prend l'exemple bien simple, bien simple, M. le Président: une maison de 100 000 $, en 1993-1994, est-ce qu'elle vaut 100 000 $, à Montréal, présentement? C'est non. Est-ce qu'elle est taxée pour 100 000 $? C'est oui. Ça fait que ça ne se peut pas que ça reste de même.

Qu'on ne nous dise pas ici qu'on passe une loi pour améliorer... Parce que n'oubliez pas, si les élus... Parce que les élus, écoutez, les gens, s'ils ont changé de gouvernement, c'est parce qu'ils pensaient que c'était pour être mieux; ils pensaient qu'ils étaient pour avoir certains avantages; ils pensaient que l'ancien gouvernement... On leur avait dit que l'ancien gouvernement faisait mal. Sauf que, là, je peux vous dire une chose: Avec toutes les taxes qu'ils reçoivent, je comprends qu'on ne croie pas les élus. Je vous le répète, vous savez, en politique, quand tu n'es pas cru, tu es cuit. Ça, c'est bien évident.

Dans le projet de loi qui nous concerne, c'est pire pour quelqu'un qui a une entreprise: 30 %, la dévaluation qu'un édifice commercial... On le sait tous, beaucoup de faillites. Encore ce soir, Maple Leaf, 100 employés, là. Ça va bien au Québec, M. le Président, ça va très, très bien, très, très bien. 30 %, savez-vous, une bâtisse... Parce que, quand on parle de commercial, on parle de bâtisses. On ne parle pas de bâtisses de 100 000 $, à Montréal, on parle de millions, de millions moins 30 %, puis taxées plus 30 %. Imaginez-vous, le type s'en va à la banque pour emprunter. Il ne peut pas avoir le financement parce qu'elle n'est pas évaluée à 100 %; elle est évaluée à moins 30 %. Par contre, il paye 100 % de l'évaluation. Si c'est ça, l'équité, je peux vous dire qu'il y a quelque chose qui ne marche pas, il va falloir changer.

Vous dites qu'il me reste seulement quelques minutes. C'est dommage qu'on n'ait pas plus de temps, parce que j'ai l'impression qu'on réussit à en convaincre. Même à travers les sourires, vous savez, c'est peut-être pour démontrer jusqu'à quel point ils sont dans l'erreur, tu sais, pour ne pas l'avouer. Ça prend beaucoup d'humilité pour avouer qu'on est dans l'erreur. Beaucoup d'humilité. Beaucoup d'humilité pour dire qu'on s'est trompé. Beaucoup.

Le ministre de l'Agriculture va l'apprendre, et particulièrement le ministre de la Santé, qui se levait, la première année, de façon triomphale; la deuxième année, un peu moins; puis là, peut-être, la troisième année, que le premier ministre va dire: Réponds pas, toi. Parce que ça prend l'autorité pour celui qui répond, écoutez. Quand le premier ministre ne veut pas répondre, il en nomme un autre. C'est la première fois que j'ai vu ça en 11 ans, moi, que les débats, ici, les réponses sont dirigées par le premier ministre.

Donc, M. le Président, bien entendu, je vais être contre, comme mon parti, le projet de loi n° 67. Tout simplement.

Il a des soubresauts, le ministre de la Santé. Ça va le mélanger dans ses calculs. Il ne faudrait pas. Il est déjà pas mal mélangé, à mon avis, mais... Je vais un peu trop loin? Bon, c'est parfait. Parfait. On va lui souhaiter, d'abord, parce que c'est le bien de tous les citoyens, qu'il calcule bien, mais qu'il pense un peu plus aux citoyens qu'au ministre des Finances.

Donc, le projet de loi n° 67 particulièrement, parce qu'on ne répond pas, absolument pas, à la promesse qui a été faite aux citoyens et aux élus de Montréal, ça incorpore une iniquité pour les citoyens qui, présentement, cherchent tout simplement à avoir ce qui leur est dû. Donc, M. le Président, je serai contre et j'espère que le gouvernement, et particulièrement le ministre des Affaires municipales, va réviser sa position. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Bertrand. Nous cédons maintenant la parole au député de Chomedey. M. le député.


M. Thomas J. Mulcair

M. Mulcair: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir de prendre la parole sur le projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives.

Le premier constat que l'on doit faire en regardant le projet de loi, M. le Président, c'est qu'il est assez difficile de comprendre comment, au moment même où le gouvernement procède avec son bâillon sur le projet de loi n° 130 qui porte sur une réforme de l'ensemble du droit administratif, on est en train de présenter ce projet de loi qui comporte des éléments qui pourraient justement contredire ce qui serait dans le projet de loi n° 130.

Rappelons que le projet de loi n° 130 vise à faire l'amalgamation d'un ensemble d'organismes et de corps décisionnels qui rendent des décisions qui affectent le citoyen face à l'administration. Un des domaines qui vont être touchés par le projet de loi n° 130, c'est justement l'évaluation foncière. Alors, que le gouvernement soit ici en train de donner sa nouvelle version «repatchée» des articles qui ont été déclarés inadmissibles au mois de juin, c'est assez étonnant qu'il le fasse, dans un premier temps, et, dans un deuxième temps, qu'il le fasse nonobstant les dispositions tout à fait incompatibles qui sont contenues dans le projet de loi n° 130.

Pour ce qui est de l'idée même de prévoir une révision administrative, personne ne peut être contre l'idée de permettre à quelqu'un qui a déjà rendu une décision d'avoir l'occasion de la corriger; c'est le genre de chose qui se voit tous les jours de la semaine. Malheureusement, le projet de loi en question, la loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière, va beaucoup plus loin. Comme mon collègue le député de Bertrand vient de le mentionner, on est en train de proposer un certain gel et une désynchronisation des cycles dans les listes et les rôles d'évaluation foncière.

M. le Président, c'est important de tenir compte des observations qui ont été faites par plusieurs membres de cette Assemblée. On ne peut pas sortir le bâton magique référendaire du premier ministre et, d'un coup de bâton magique, dire: Pouf! Je vais geler la valeur des propriétés, par exemple, à Montréal ou à Laval où ma circonscription est située. La réalité, M. le Président, c'est qu'il y a des problèmes économiques au Québec tels que les rôles d'évaluation, tantôt en matière résidentielle, tantôt en matière industrielle et commerciale, sont complètement déphasés. Les rôles d'évaluation dans certaines parties, notamment l'ouest de l'île de Montréal, ne reflètent plus du tout les valeurs des maisons, les valeurs industrielles non plus. Dans certains secteurs, on est en train de retourner aux banques les bâtiments industriels et commerciaux.

Alors, comment prétendre pouvoir jouer là-dedans? Par décision gouvernementale, par décret de l'État, on va venir dire: Bien, en fait, à bien y penser, les soubresauts économiques que le Québec est en train de vivre, tous les problèmes économiques engendrés par l'option séparatiste du gouvernement actuel, avec une loi on va faire semblant que ça n'a pas eu lieu.

(23 h 40)

Le gouvernement actuel, M. le Président, est en train de faire de très nombreuses choses pour aller chercher des nouvelles sommes dans les poches des contribuables. Une des choses les plus évidentes qu'on a vues encore aujourd'hui avec le projet de loi n° 77 sur la réforme dans le domaine de la police, c'est qu'ils sont en train de pelleter des factures – pour des cinquantaines de millions de dollars dans un cas, une centaine de millions dans l'autre – en train de pelleter des factures de taxes très importantes à d'autres niveaux de gouvernement, d'autres paliers, notamment aux niveaux municipal et régional.

Ce soir, aux nouvelles, M. le Président, on a tous pu assister à ce spectacle absolument extraordinaire du ministre des Transports du Québec qui était en train de patiner un peu de reculons lorsqu'il était coincé sur la question suivante: Est-ce que, oui ou non, vous vous apprêtez à sabrer dans les budgets de transport scolaire au Québec? Est-ce que, oui ou non, vous allez refiler une nouvelle facture entre 200 000 000 $ et 250 000 000 $ aux commissions scolaires pour le transport scolaire? La réponse était absolument incroyable. Le ministre des Transports a dit: il faut réduire les dépenses.

Ça trahit une incompréhension fondamentale des règles de base en économie. Ça prouve que le ministre des Transports, à l'instar de son gouvernement et de sa formation politique, croit vraiment que, si le gouvernement du Québec, le gouvernement provincial dit: Je dépenserai dorénavant 250 000 000 $ de moins sur le transport scolaire, et qu'il donne cette facture aux commissions scolaires, il ressort le bâton magique référendaire, puis pouf! on vient de réduire les dépenses gouvernementales de 200 000 000 $ à 250 000 000 $.

C'est de la science-fiction, M. le Président. Il y a un contribuable, il y a une personne, au bout du compte, qui paie toutes les factures du gouvernement, que ce soit un gouvernement local, un gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral. Ça sort des mêmes poches. Alors, qu'on le sorte du registre provincial pour le mettre dans le registre local ou régional ne change strictement rien sur le fond. C'est le contribuable qui paie à la fin. Et d'entendre ce soir le ministre des Transports dire que, selon lui, il s'agit là d'une réduction des dépenses démontre que ce gouvernement-là est en train de berner la population avec des arguments qui n'ont strictement aucun bon sens sur le plan économique. Et, s'il croit que le public est assez dupe pour croire que, lorsque à la fin de l'année il a payé plus de taxes au municipal pour compenser les coupures à d'autres endroits, ce n'est pas sorti de sa poche, il se trompe. Le monde sait que ça sort de sa poche.

Le monde sait que c'est un gouvernement qui ne peut plus boucler ses budgets pour une bonne et simple raison: ils ne peuvent plus boucler leur budget parce que, depuis qu'ils sont arrivés au pouvoir, ils n'ont proposé aucune mesure concrète, sérieuse pour créer de l'emploi, pour relancer l'économie. Depuis un an que l'actuel premier ministre est en place, il s'est perdu au Québec plus de 50 000 emplois. Ça, c'est un chiffre absolument terrible qui montre à quel point ce gouvernement est incapable de générer de nouveaux revenus.

Alors, c'est évident, il ne leur reste qu'une chose, c'est de sabrer dans les services à la population ou de sabrer dans les dépenses. Et, dans les services à la population, M. le Président, c'est l'exemple classique du ministre de la Santé et des Services sociaux. C'est dans son domaine qu'on l'a vu le plus. C'est justement lorsqu'il s'agit d'un service direct à la population. C'est toujours ça que l'administration pointe du doigt: Oui, oui patron, pas de problème. Coupe là, coupe là. Pourquoi? Parce que ça n'affecte pas l'appareil. Ça n'affecte pas l'État. Ça n'affecte pas les fonctionnaires. Demandez au ministre de la Santé et des Services sociaux s'il y a un étage de moins de fonctionnaires à l'édifice Joffre depuis qu'il est ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Lachance: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Bellechasse.

M. Lachance: M. le Président, nous sommes à l'étude d'un projet de loi important et je pense que le député s'éloigne du règlement en ce qui concerne l'article 211 sur la pertinence du débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le député de Chomedey, je vous inviterais à vous rapprocher le plus possible de l'objet du débat.

M. Mulcair: M. le Président, l'objet du débat est le projet de loi n° 67, Loi instaurant une procédure de révision administrative en matière d'évaluation foncière et modifiant d'autres dispositions législatives. C'est une autre loi qui démontre l'incompréhension du gouvernement à l'égard des règles économiques fondamentales. Par la démonstration qu'on était en train de faire, on dénotait, dans plusieurs domaines, que ce soit dans le transport scolaire, dans le domaine de la santé et des services sociaux, que ce gouvernement-là a une incompréhension complète des règles de base en matière d'économie et de fiscalité. C'est cette incompréhension qui se retrouve à travers le projet de loi n° 67.

Par le biais de ces exemples, comme parlementaire, je suis en train de situer le débat sur le projet de loi n° 67 dans son contexte. Je sais que ça doit être très déplaisant d'être membre de ce gouvernement et d'entendre la vérité sur l'ineptie de l'action gouvernementale en matière de finances publiques, mais, M. le Président, dans un débat parlementaire, justement, il y a deux côtés: il y a un côté qui propose des mesures et un autre côté qui, au nom de l'intérêt du public, fait une critique constructive dans le but d'améliorer les projets de loi, le cas échéant, ou encore dans le but de les reporter lorsque c'est opportun.

Je vous avoue, M. le Président, que c'est une chose que le député devrait songer à proposer à son propre gouvernement, car, à l'heure actuelle, il y a tellement d'erreurs qui sont en train de se glisser dans leurs analyses économiques que tout observateur objectif externe est capable de constater que les livres tels que présentés par l'actuel gouvernement ne correspondent plus d'aucune manière à la réalité. C'est un grave problème parce que le Québec risque une décote à cause du fait que le gouvernement actuel, de par et en raison de sa mission fondamentale qui est la destruction du Canada, est en train de créer une telle instabilité économique au Québec qu'ils ne peuvent pas créer d'emplois. Ils ont détruit des dizaines de milliers d'emplois dans la dernière année seulement. Ils ne peuvent pas attirer des investissements. Ce n'est pas possible, ils sont voués à la destruction du pays dont on fait partie et qui est la source de la richesse dont on a toujours bénéficié ici.

Alors, c'est évident que c'est en train de créer des problèmes et d'affecter l'économie. Et ce n'est pas en disant: Avec notre baguette magique référendaire, pouf! le rôle d'évaluation est gelé et les valeurs sont les mêmes... Les gens qui tiennent ce raisonnement-là sont peut-être gelés eux-mêmes, M. le Président, mais par d'autres moyens, pour d'autres motifs.


Motion de report

Je disais tantôt, M. le Président, qu'il est important que les membres du gouvernement aient le temps de réfléchir sur ce projet de loi et sur leurs erreurs. C'est pour ça, M. le Président, que, en vertu de la règle 240 du règlement de l'Assemblée nationale, je veux faire la motion suivante:

Que la motion en discussion soit amendée en remplaçant les mots «soit maintenant adopté» par les mots «soit adopté dans six mois».

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, M. le député de Chomedey, l'article 240, c'est une motion de report. Donc, je vais suspendre les travaux pour une réunion avec les deux leaders. Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Oui, M. le Président. Alors, je voudrais faire une motion pour ajourner le débat.

(Consultation)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement, avant de discuter de votre motion, j'aimerais qu'on règle le partage du temps de la motion de report avant tout, et, par la suite, on reviendra avec votre motion de suspension ou d'ajournement des travaux. Alors, nous suspendons quelques instants et je convoque les deux leaders.

(Suspension de la séance à 23 h 50)

(Reprise à 23 h 52)

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Concernant la motion de report, après la discussion avec les deux leaders, le temps est de 10 minutes, consacré aux indépendants. Si les députés indépendants ne prennent pas le temps, il sera partagé en parts égales entre les députés ministériels et les députés de l'opposition. La balance du temps est effectivement partagée en parts égales entre le côté ministériel et le côté de l'opposition. Le temps qui ne sera pas utilisé par une des deux parties, soit gouvernementale ou opposition, ira à l'autre partie. Et, quant aux interventions, il n'y aura pas de limite de temps. Alors, ça vous convient de part et d'autre? O.K. Alors, Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: M. le Président, je fais motion que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

M. Paradis: Bien, là, je ne peux pas si vous êtes debout, M. le Président.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Oh! excusez-moi, il y a un peu de fatigue, M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Non, non. Ha, ha, ha! Ça va. Comme c'est une motion qui est débattable et peut-être pour faire l'économie d'un débat à 23 h 55 comme tel, est-ce qu'on peut savoir de Mme la députée quel est l'autre article du feuilleton qu'elle compte appeler, de façon à ce que nous puissions dès maintenant prendre les procédures nécessaires pour faire en sorte que les députés soient disponibles quant au prochain sujet qui sera appelé?

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la leader adjointe du gouvernement.

Mme Caron: Certainement. M. le Président, comme nous sommes à 23 h 55, je ferais motion que nous ajournions nos travaux au vendredi 6 décembre, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion... M. le leader de l'opposition?

M. Paradis: Cette motion-là est également débattable, M. le Président. Mais, compte tenu que...

Le Vice-Président (M. Pinard): Une seconde. Nous allons d'abord ajourner le débat. Alors, est-ce que le débat est ajourné? O.K. Alors, nous discutons maintenant de la motion d'ajournement des débats.

Mme Caron: Je fais motion que nous ajournions nos travaux au vendredi 6 décembre, 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader de l'opposition.

M. Paradis: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, j'ajourne donc les débats au vendredi 6 décembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 23 h 55)


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