L'utilisation du calendrier requiert que Javascript soit activé dans votre navigateur.
Pour plus de renseignements

Accueil > Travaux parlementaires > Travaux de l'Assemblée > Journal des débats de l'Assemblée nationale

Recherche avancée dans la section Travaux parlementaires

La date de début doit précéder la date de fin.

Liens Ignorer la navigationJournal des débats de l'Assemblée nationale

Version finale

35e législature, 2e session
(25 mars 1996 au 21 octobre 1998)

Le jeudi 13 juin 1996 - Vol. 35 N° 37

Aller directement au contenu du Journal des débats

Table des matières

Affaires courantes

Affaires du jour


Journal des débats


(Dix heures cinq minutes)

Le Président: Nous allons d'abord nous recueillir quelques instants.

Très bien. Si vous voulez vous asseoir.


Affaires courantes

Alors, aux affaires courantes, déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.


Dépôt de documents

Au dépôt de documents, Mme la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité.


Document de consultation sur la réforme du Régime de rentes du Québec

Mme Harel: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer un document de consultation sur une réforme du Régime de rentes du Québec intitulé «Pour vous et vos enfants: garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec».

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le leader du gouvernement.


Consultation générale

M. Bélanger: M. le Président, je sollicite le consentement des membres de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante:

«Que la commission des affaires sociales procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du 8 octobre 1996 sur le document de consultation sur la réforme du Régime de rentes du Québec intitulé "Pour vous et vos enfants, garantir l'avenir du Régime de rentes du Québec";

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions au plus tard le 20 septembre 1996;

«Que la ministre d'État de l'Emploi et de la Solidarité soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour la présentation de cette motion? Il y a consentement. Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.


Dépôt de rapports de commissions

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission des institutions et député de Bonaventure.


Étude détaillée du projet de loi n° 25

M. Landry (Bonaventure): M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé le 12 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 25, Loi modifiant le Code civil en matière d'obligation alimentaire. La commission a adopté le projet de loi avec un amendement.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député d'Arthabaska.


Étude détaillée du projet de loi n° 29

M. Baril (Arthabaska): M. le Président, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé les 11 et 12 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 29, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu et d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.


Consultation générale sur la Loi sur les valeurs mobilières

Également, je dépose le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé les 4, 5 et 6 juin 1996 afin de procéder à une consultation générale et de tenir des audiences publiques afin d'étudier l'opportunité de maintenir en vigueur ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur les valeurs mobilières.

Le Président: Ces deux rapports sont déposés. J'invite maintenant M. le président de la commission de la culture et député de Lévis.


Étude détaillée du projet de loi n° 18

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de la culture qui a siégé les 7 et 12 juin 1996 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 18, Loi sur le ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration et modifiant d'autres dispositions législatives. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Et, maintenant, M. le président de la commission de l'économie et du travail et député de Laurier-Dorion.


Étude détaillée du projet de loi n° 27

M. Sirros: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a siégé le 30 mai et les 3, 5, 10 et 12 juin afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 27, Loi modifiant le Code du travail. La commission a adopté le projet de loi avec des amendements, M. le Président.

Le Président: Ce rapport est également déposé.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions, aujourd'hui, portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.


Questions et réponses orales

Nous en arrivons donc immédiatement à la période des questions et des réponses orales. M. le député de Mont-Royal, en principale.


Visite du président du Mexique au Canada dans le cadre d'une mission économique

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Le président du Mexique et un groupe de gens d'affaires sont au Canada, en mission économique, mais ils ont évité le Québec. Pourtant, le Québec s'est fait le promoteur de l'ALENA, même lorsque, pour leur part, le gouvernement fédéral et le gouvernement américain, après les élections, donnaient des signes d'hésitation. Le président du Mexique d'alors, en reconnaissance de l'importance du Québec, nous avait invités avec des gens d'affaires et nous avait reçus à Mexico. Durant le temps du gouvernement libéral au Québec, d'importantes délégations de gens d'affaires du Mexique sont venues au Québec, incluant le président du Mexique.

(10 h 10)

Alors, le premier ministre peut-il nous expliquer pourquoi il n'a pas mis tout en oeuvre pour que le président du Mexique et ces gens d'affaires viennent au Québec pendant qu'ils sont au Canada?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le député de Mont-Royal a raison de souligner l'importance des rapports entre le Québec et le Mexique. C'est également un marché très prometteur et il y a déjà beaucoup de gens d'affaires du Québec qui oeuvrent dans ce marché. C'est un partenaire dans l'ALENA, et il n'y a aucun doute que nous considérons très importants les rapports économiques, commerciaux et politiques avec le Mexique.

Ceci étant dit, c'est la raison pour laquelle le président mexicain et moi-même avons tout fait pour pouvoir trouver un créneau dans nos agendas respectifs pour établir une rencontre, pour préparer une rencontre. Nous avons jusqu'à la fin espéré pouvoir avoir cette rencontre, mais, quand ce n'était pas lui qui ne pouvait pas, c'était moi, parce qu'il y avait le premier ministre Juppé qui se trouvait pendant deux jours au Québec, de sorte que nous avons convenu de remettre à plus tard cette rencontre qui certainement aura lieu. Et nous déplorons tous deux de n'avoir pu nous entendre malgré des efforts considérables de son côté comme du mien.

M. Ciaccia: M. le Président, le premier ministre ne croit-il pas qu'au lieu que le président du Mexique se fasse parler seulement de souveraineté par le Bloc québécois à Ottawa, chose qui n'est pas rassurante pour le Mexique, que le Québec, honnêtement, là, que le Québec – parce que c'est vrai qu'il a des horaires, mais ils sont à une heure de Montréal, à une heure du Québec, de Toronto – a raté une belle opportunité de rencontrer les gens d'affaires du Mexique pour faire la promotion du commerce, des investissements, de la création d'emplois et renforcer nos liens économiques, culturels, politiques et institutionnels avec le Mexique? Et ce sont l'économie et les investissements, les vraies préoccupations de la population du Québec.

M. Bouchard: M. le Président, je suis convaincu que, si la rencontre avait pu s'organiser, comme nous le souhaitions tous les deux, le président mexicain et moi-même, nous aurions abordé l'ensemble des sujets qui nous intéressent. Je ne doute pas que nous aurions traité abondamment et de façon très intense des échanges commerciaux. Je ne doute pas non plus que le projet souverainiste du Québec aurait été soulevé, discuté, et j'aurais été très heureux et très fier d'expliquer au président mexicain quel est le projet du Parti québécois et quelle est la politique du gouvernement du Québec que je préside par rapport à ce grand projet collectif.

Mais je répète à l'intention du député de Mont-Royal, pour le rassurer, que nous avons tous convenu que ce n'était que partie remise. Et je peux vous assurer que des efforts extrêmement laborieux ont été déployés pour pouvoir démêler cet écheveau d'agendas extrêmement complexes que nous avions et qui étaient en contradiction flagrante.

M. Landry (Verchères): Voilà! Bravo!

M. Ciaccia: Additionnelle. Oui, il est important aussi de rencontrer le président du Mexique, mais est-ce que je pourrais rappeler au premier ministre qu'il y a d'importants gens d'affaires du Mexique qui sont ici, au Canada? Et est-ce que le premier ministre a perdu espoir que cette délégation, qui est présentement au Canada, vienne au Québec? Est-ce que le premier ministre peut s'assurer, prendre les moyens, faire quelque chose pour s'assurer que les gens d'affaires du Mexique qui sont présentement au Canada puissent venir au Québec pour parler de commerce, d'investissement et d'emploi pour les Québécois?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. J'ai personnellement rencontré le ministre de l'Énergie du Mexique, avec une dizaine de compagnies québécoises dont BG Checo, Gaz Métro et, également, des firmes qui oeuvrent déjà au Mexique – en particulier dans le domaine des pétrolières, il y a de l'avenir pour des projets concrets – et également Hydro-Québec, et tout cela s'est discuté pendant trois longues heures avec le ministre de l'Énergie. Il y a beaucoup d'espoir qui a été créé lors de ce passage du ministre de l'Énergie du Mexique au Québec.

Le Président: M. le député de Marquette, en principale.


Implantation des commissions scolaires linguistiques dans le respect du droit à des services éducatifs confessionnels

M. Ouimet: Merci, M. le Président. Hier, le gouvernement a décidé de choisir la pire, la pire des solutions pour implanter les commissions scolaires linguistiques au Québec. La solution Kenniff, M. le Président, va nous entraîner dans le fouillis le plus total à Montréal, à Québec et en région. Nous allons alourdir les structures scolaires, la ministre veut ajouter deux comités confessionnels, avec des pouvoirs exclusifs, qui vont gérer la majorité des écoles. M. le Président, il y a des contestations judiciaires qui sont imminentes, la ministre de l'Éducation le reconnaissait elle-même hier. Pourtant, il y a une solution rapide, efficace...

Une voix: On ne comprend rien.

Le Président: M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Pourtant, M. le Président, il y a une solution rapide, efficace à la portée de la main du gouvernement. Les ouvertures d'Ottawa sont là, ils ont déjà accordé une modification constitutionnelle à Terre-Neuve.

Question au chef du gouvernement: Pourquoi le premier ministre tient-il ainsi en otage les Québécois et Québécoises? Pourquoi ne met-il pas de côté son option souverainiste qui vise à démontrer...

Des voix: ...

Le Président: En conclusion, M. le député.

M. Ouimet: Oui, M. le Président, la question au chef du gouvernement: Pourquoi le gouvernement tient-il ainsi en otage les Québécois? Pourquoi le gouvernement ne met-il pas de côté son option politique partisane de démontrer que la Constitution est un carcan et pourquoi, M. le Président, le premier ministre ne place-t-il pas les intérêts supérieurs du Québec en matière d'éducation au-dessus de ses priorités? Pourquoi ne va-t-il pas négocier une modification constitutionnelle bilatérale pour régler enfin ce dossier?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je crois que nous avons tous entendu le député de Marquette décrire la solution empruntée par le gouvernement comme étant la pire des solutions. C'est pourtant la solution qu'il a lui-même appuyée, de même que son collègue, le député de Westmount–Saint-Louis, qui était à l'époque ministre de l'Éducation, qui a fait adopter la loi 107. C'est la solution que le gouvernement libéral a proposée, et qu'il n'a pas eu le courage de mener à terme, et que nous allons maintenant emprunter en l'améliorant, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Bouchard: Je n'ai pas terminé. Dans notre cas, il n'y aura pas de superposition, puisque les moyens sont pris pour l'éliminer. Et j'ajouterai, M. le Président, s'agissant des poursuites judiciaires dont on nous menace, je dirai que, dès lors qu'une seule poursuite sera intentée, nous irons du côté du changement constitutionnel, M. le Président. En même temps que nous poursuivons les deux voies pour arriver au résultat, nous voulons arriver au but, et nous avons privilégié la solution qui nous amenait le plus rapidement possible à la mise en place des commissions.

La solution que nous empruntons est la plus simple et la plus directe, tandis que l'autre, l'amendement, on sait très bien que l'amendement de M. Woehrling est un amendement qui risquerait de nous exposer à des discussions avec plus que deux parties, puisqu'il se pourrait que d'autres provinces soient mises en cause, auquel cas nous serions très loin de l'échéancier que nous poursuivons actuellement, qui est 1998.

Une voix: Bravo!

(10 h 20)

Le Président: M. le député.


Comités confessionnels dans les commissions scolaires linguistiques

M. Ouimet: En principale, M. le Président, pour pouvoir alimenter la réflexion du premier ministre. S'il lit le rapport Kenniff, il constatera, à la page 7, que l'ensemble des gens qui ont siégé sur Kenniff privilégiaient une modification constitutionnelle pour régler le dossier, premièrement.

Deuxièmement, M. le Président, le premier ministre nous dit qu'ils vont éviter la superposition de commissions scolaires. Il n'y a rien de plus faux que ça. Le principal conseiller, Côme Dupont, le rédacteur de la loi 107, disait dans un avis, récemment, que, pour que les comités confessionnels rencontrent les exigences de la Constitution canadienne, ils devaient leur donner des pouvoirs exclusifs, des comités confessionnels, des comités catholiques et des comités protestants, pour embaucher les directions d'école...

Le Président: M. le député de Marquette, je sais que vous êtes en principale. Le problème, c'est que la question et le préambule ne sont pas nécessairement l'occasion de faire en sorte qu'on ait un débat contradictoire dans ce sens-là. Alors, ce que je vous demanderais, c'est, à ce moment-ci, puisque le temps que vous avez pour poser votre question est presque achevé, de formuler maintenant la question.

M. Ouimet: M. le Président, devant l'évidence...

Le Président: J'aimerais être en mesure de remplir mes responsabilités sans qu'il y ait, de part et d'autre – et je ne veux identifier personne – des gérants d'estrade qui indiquent au président comment se comporter. Alors, M. le député de Marquette.

M. Ouimet: Le premier ministre ne reconnaît-il pas que les comités confessionnels sont rien de moins que la reproduction des commissions scolaires confessionnelles à l'intérieur des commissions scolaires linguistiques? Pourquoi manque-t-il de courage? Pourquoi ne va-t-il pas à Ottawa? Nous avons deux ans devant nous pour aller chercher une modification constitutionnelle qui règlerait le problème de façon définitive. Pourquoi manque-t-il de courage? Pourquoi ne place-t-il pas les intérêts supérieurs du Québec en éducation en haut de ses priorités?

Des voix: Bravo!

Le Président: Mme la ministre de l'Éducation.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Le député de Marquette oublie de dire que la proposition qu'il défend, qui n'est pas celle qu'a appuyée son gouvernement lorsqu'il était au pouvoir, ni son parti, mais qui est celle qu'il défend maintenant, amènerait la superposition de commissions scolaires linguistiques et confessionnelles. Cela, il oublie de le faire, M. le Président.

Non seulement nous aurons le courage d'aller proposer des amendements à la Constitution, si cela est nécessaire, mais nous avons surtout le courage de mettre en oeuvre une proposition qui nous permettra d'implanter des commissions scolaires linguistiques sur l'ensemble du territoire québécois.

Cependant, M. le Président, nous avons des obligations que nous impose la Constitution en termes confessionnels et, à cet égard, les parents qui souhaitent avoir des services de pastorale ou des cours de religion dans leur école pourront les obtenir, et, pour ce faire, deux comités dans les commissions scolaires de Québec et de Montréal seront des chiens de garde s'assurant que ces services seront disponibles et que les droits des gens seront respectés.

Ce n'est pas de la confusion, ce n'est pas de la superposition, c'est, au contraire, le respect des obligations de la Constitution, les souhaits des parents et l'implantation, en même temps, des commissions scolaires linguistiques, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: En principale, M. le député de Chomedey.


Organismes coopératifs d'habitation subventionnés concernés par le projet de loi n° 30

M. Mulcair: Oui. M. le ministre. Hier, le ministre des Affaires municipales et le ministre responsable du dossier des autochtones prétendait que le projet de loi n° 30 visait simplement à établir des assises juridiques dans le domaine du logement social. Mais, comme par hasard, ces assises juridiques dont il parle sont, à toutes fins pratiques, identiques aux conclusions d'une requête pour mise sous tutelle et interdiction d'exercice de la fonction d'administrateur et action en résiliation de contrat présentée par la Société d'habitation du Québec contre Habitats Métis du Nord et corporation Waskahegen.

Est-ce que le ministre des Affaires municipales est au courant que dans ce dossier deux ordonnances ont été émises par la Cour supérieure, en date du 2 septembre 1994 et du 26 mai 1995, enjoignant aux parties de respecter leurs obligations pendant l'instance, et qu'à ce jour, M. le Président, à plusieurs reprises, c'est la Société d'habitation du Québec qui refuse d'obéir au jugement de la Cour, et qu'elle a maintenant le culot de demander au législateur de modifier la loi pour se donner raison, et que le ministre se laisse embarquer là-dedans?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, j'ai déjà eu l'occasion de préciser hier qu'il s'agit d'un projet de loi à portée générale qui vise à faire en sorte que, les 250 000 000 $ que nous investissons annuellement dans les fonds d'exploitation des offices municipaux d'habitation au niveau du logement social, nous ayons comme responsabilité de voir à l'application correcte quant à l'atteinte des objectifs de ces argents que nous investissons dans le domaine du logement social avec nos partenaires sur le territoire.

Oui, je suis bien au courant, bien au fait de la situation, et on ne saurait se substituer ici au processus judiciaire. Le projet de loi qui est à l'étude actuellement et qui sera étudié article par article est donc à portée générale et ne vise pas particulièrement un organisme mais vise à faire en sorte que nous puissions en arriver à contrôler efficacement la dépense des fonds publics dans les offices municipaux d'habitation ou autres organismes associés au gouvernement. Et c'est pourquoi, M. le Président, la Fédération des locataires de HLM, l'association des organismes coopératifs à but non lucratif qui travaillent au niveau du logement social sont intervenus et appuient ce projet de loi.

Le Président: M. le député.

M. Mulcair: Si, comme le ministre le prétend, la loi est à portée générale, est-ce que le ministre peut nous expliquer comment il se fait que, en réponse à une correspondance que lui adressait la Confédération québécoise des coopératives d'habitation, son ministère vient de confirmer qu'en fait la loi en question ne vise que 5 % – ce n'est pas de portée générale – du logement coopératif au Québec, mais couvre, par pur hasard, 100 % du logement visé par l'instance devant les tribunaux à l'heure actuelle?

Le Président: M. le ministre.

M. Trudel: M. le Président, tout comme dans le domaine de l'éducation, tout comme dans le domaine de la santé, nous effectuons du travail sur le terrain avec des organismes qui reçoivent des fonds publics d'importance, au-delà de 250 000 000 $, et nous voulons faire en sorte d'être responsables et de gérer efficacement ces fonds publics et d'avoir les possibilités, au niveau de la loi, pour intervenir lorsque les objectifs ne sont pas atteints, les objectifs que nous avons signés par convention.

Dans ce contexte-ci, M. le Président, les objectifs recherchés par le projet de loi font en sorte que, si nous avons actuellement le pouvoir de suspendre les paiements aux organismes à but non lucratif concernés, il est évident qu'en faisant ce geste-là nous pénalisons les plus démunis, les personnes concernées. Alors, dans ce contexte-là, nous voulons en arriver à une saine administration, et nous avons prévu au projet de loi qu'il devrait y avoir entente, on devra entendre la partie concernée avant qu'il y ait toute décision prise. Et, dans ce sens-là, nous poursuivons les mécanismes généraux qui s'appliquent dans nos autres ministères au sein du gouvernement.

Le Président: En principale, M. le député de Richmond.


Développement économique en région

M. Vallières: Oui, M. le Président. Le Bureau de la statistique du Québec constatait récemment une baisse de 5 % des investissements en 1995 pour l'ensemble des régions, davantage pour certaines qui connaissent une baisse encore plus importante, comme Laval avec 15 %, le Nord du Québec avec 14 %, la région de Québec avec 14 %. Selon les mêmes sources, les régions de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, du Bas-Saint-Laurent, du Saguenay–Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord connaîtraient, quant à elles, des baisses de population dans les prochaines années. Il en va de même pour certaines sous-régions, comme les MRC de Mékinak, Maskinongé, Nicolet-Yamaska, Bécancour, Centre-de-la-Mauricie, Charlevoix et bien d'autres. De plus, nous dénombrons, pour l'ensemble du Québec, plus de 800 000 assistés sociaux.

M. le Président, ce sombre mais réel tableau – baisse des investissements, chute prévisible de la population, dépendance de centaines de milliers de personnes de l'aide sociale – témoigne de l'urgence de gestes concrets pour éviter l'exode des jeunes et des familles, les fermetures d'écoles, les fermetures de commerces, les fermetures de services publics dans les régions.

(10 h 30)

Le constat fait de l'incapacité, à ce jour, de ce gouvernement de mettre de l'avant une véritable politique de développement régional, quels sont, M. le Président, à court, moyen et plus long terme, les moyens concrets que le ministre d'État responsable du Développement des régions propose pour relancer l'activité économique des régions afin d'éviter la déstructuration, voire la dévitalisation déjà prévisible de certaines régions et sous-régions du Québec?

Le Président: M. le ministre d'État des Ressources naturelles et responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Le député fait un sombre tableau. Je lui dirai qu'à se regarder on se désole, puis à se comparer on se console. Depuis notre arrivée au pouvoir, en septembre 1994, c'est plus de 30 % de tous les nouveaux emplois canadiens qu'il s'est créé en territoire québécois, et ce, dans l'ensemble des régions du Québec. Il y a énormément de projets sur la table, qui sont à se ficeler, semaine après semaine.

Encore hier, au comité ministériel de l'économie et de l'emploi, nous avons accepté plusieurs projets qui créent de nombreux emplois, et ce, dans toutes les régions du Québec: c'est dans l'Estrie, c'est dans la Montérégie, c'est dans l'Abitibi, ce sera à Bromptonville très bientôt, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. Et nous travaillons avec nos faibles moyens, mais nous travaillons à faire en sorte que les régions du Québec aient leur quote-part. Et soyez assuré qu'on ne négligera rien en ce qui regarde le développement économique régional. Au contraire, nous étudions également la possibilité de créer une équité interrégionale, et ça se fera d'ici le sommet de l'automne, qui s'annonce prometteur.

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, le ministre, qui nous parle aussi de sombre tableau, est-il conscient que neuf régions ont vu leur taux de chômage augmenter depuis l'arrivée du nouveau premier ministre? Que 11 régions ont un taux de chômage supérieur à la moyenne de 10,9 % pour le Québec? Que sept régions ont perdu des emplois en mai?

Comment le ministre peut-il trouver, comme il le disait il y a quelques jours en cette Chambre, formidables les résultats obtenus? Comment peut-il se contenter de pareilles situations, alors que le problème de chômage est plus aigu que jamais dans certaines régions et que le spectre, encore, rappelons-le, de la déstructuration et de la dévitalisation plane déjà à l'horizon, dans certains milieux? Qu'entendez-vous faire de concret pour remédier à cette situation?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je veux bien croire que l'opposition aime brosser un sombre tableau de la situation au Québec – il est vrai que la situation n'est pas ce que nous souhaitons, que nous travaillons très fort pour la redresser – mais je signalerai cependant, et je pense que ça va rassurer partiellement l'honorable député, que Statistique Canada de vendredi dernier nous annonce que, par rapport au mois précédent, il y a eu, au Québec, création de 5 000 emplois pendant qu'en Ontario il s'en perdait 17 000, et 12 000 au Canada. Et je voudrais souligner que le taux de chômage est tombé en bas de 11 %, il est maintenant à 10,9 %. C'est beaucoup trop encore, mais c'est le plus bas nombre de chômeurs depuis septembre 1990, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le premier ministre, et aussi député de Jonquière, qui a avoué publiquement qu'il ne s'était rien fait pour le développement des régions depuis son arrivée, et avant son arrivée, a l'intention de mettre fin à la multiplication de structures plus inefficaces les unes que les autres et poser tout de suite des gestes concrets afin de créer des emplois nécessaires pour le développement des régions et, par la même occasion, donner un coup de pouce à sa propre région, qui détient un des plus hauts taux de chômage au Québec, soit plus de 14 % pour la seule agglomération de Chicoutimi–Jonquière, un taux pire que celui de Saint-Jean, Terre-Neuve? Qu'est-ce que le premier ministre, en tant que chef de l'État, mais aussi en tant que premier ministre, en tant que député de cette région, a l'intention de faire pour remédier à ce contexte déplorable dans sa propre région?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, d'abord, je voudrais corriger amicalement le député qui me prête la déclaration que le gouvernement n'a rien fait pour le développement régional. Je n'ai jamais dit une chose telle. J'ai dit que, en ce qui concerne la mise en place d'une nouvelle structure de régionalisation, nous en parlerons quand nous aurons des nouvelles concrètes à annoncer.

Je dois dire que nous avons pris des décisions récemment, que des structures nouvelles seront bientôt annoncées, que les mandats sont donnés, que tout est en voie d'exécution, mais je sais très bien que des régions comme la mienne, le Saguenay–Lac-Saint-Jean, et malheureusement beaucoup d'autres régions au Québec, ont des graves problèmes économiques, des graves problèmes d'emploi, et c'est pour cela, M. le Président, que nous sommes en train de travailler activement, avec la meilleure volonté du monde, pour provoquer des investissements dans les régions.

Nous souhaitons avoir de bonnes nouvelles à annoncer. Nous travaillons très fort. Quand ce sera le temps, on l'annoncera. On ne veut rien promettre avant que les choses soient faites. Et je signale en particulier que nous avons déjà convenu qu'il y aurait un chantier de l'emploi pour les régions au sommet de l'automne, ce qui est une nouvelle également.

Le Président: En principale? En complémentaire, M. le député de Beauce-Nord.

M. Poulin: Les dernières prévisions démographiques indiquant une diminution de 9,7 % de la population du Saguenay–Lac-Saint-Jean, soit près de 30 000 personnes, l'équivalent de 15 municipalités de 2 000 personnes, comment le premier ministre entend-il remédier à cette situation inquiétante qui risque d'entraîner des conséquences désastreuses sur l'économie et la qualité de vie de la population de sa région?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, le député nous apprend ce que nous savons. Nous savons bien que dans les régions du Québec il y a des exodes vers la grande ville. Nous le savons. Nous savons que les jeunes s'en vont dans la grande ville. C'est la raison pour laquelle il y a tant de régionaux qu'on trouve partout dans les instances, dans les différents secteurs. Mais c'est un drame pour les régions, puisqu'elles perdent quelques-unes de leurs meilleures ressources. Et ce phénomène qui existe au Québec depuis très longtemps, depuis maintenant presque une génération, ne se résorbe pas, et il ne se résorbera que lorsque nous aurons mis en place des moyens de créer de l'emploi dans les régions, par les PME et par des investissements importants. Je peux dire que, pour ce qui est de notre région à nous, la mienne, nous travaillons présentement sur d'importants investissements, et, quand ça sera le temps, on pourra les annoncer.

M. Poulin: En principale, M. le Président.

Le Président: En principale, M. le député de Beauce-Nord.


Effets de la réforme des soins de santé sur l'économie des régions

M. Poulin: M. le Président, face aux nombreuses fermetures et aux conversions d'hôpitaux dues au virage ambulatoire qui a eu lieu dans diverses régions du Québec, lesquelles ont eu pour conséquence d'affecter la situation économique de plusieurs communautés par la perte de nombreux emplois occasionnels et à temps plein – en se rappelant, M. le Président, les pertes d'emplois dans les hôpitaux notamment situés à Beauceville, Matane, Mont-Joli, Bellechasse, etc. – est-ce que le ministre responsable du Développement des régions a demandé à son collègue, le ministre de la Santé, d'effectuer des études sur les impacts socioéconomiques avant que ce dernier entreprenne son virage aux conséquences désastreuses sur l'économie des communautés affectées?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, c'est intéressant de voir le Parti libéral se soucier maintenant du développement économique des régions, je suis très heureux qu'il le fasse.

M. le Président, c'est parce qu'on est en train de remettre de l'ordre dans plusieurs secteurs qu'on veut dégager les marges de manoeuvre nécessaires pour s'occuper des vrais problèmes. M. le Président, ces gens-là ont été neuf ans au pouvoir, ils ont laissé le système de santé se détériorer au point qu'il en coûtait des fortunes au détriment même de la qualité des soins, parce que c'était un désordre complet. Mon collègue de la Santé fait un travail admirable, et tous ceux qui le voient aller, M. le Président, et qui sont honnêtes intellectuellement disent: Enfin, en voilà un qui dit, qui réalise ce qu'on aurait dû faire. Même les libéraux intelligents pensent ça.

M. le Président, ma collègue de l'Éducation est en train de faire de même, et, M. le Président, dans tous les secteurs...

Le Président: En conclusion, M. le ministre.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. On va faire de même en éducation, on va faire de même dans tous les secteurs. M. le Président, nous avons créé une table Québec-régions et, à cette table-là, il y a des mandats précis. Nous remettrons de l'ordre dans le cafouillis libéral et, dans quelques mois, nous pourrons précisément, M. le Président, dégager une marge de manoeuvre qui fera en sorte que nos régions se développeront de façon cohérente, basée sur leur plan stratégique de développement et sur les ententes-cadres qu'ils ont signées avec les gouvernements, contrairement à ce que les libéraux ont fait pendant neuf ans.

Le Président: En additionnelle.

(10 h 40)

M. Poulin: Actuellement, qu'est-ce que le ministre propose pour atténuer l'impact sur les économies locales qui sont affectées? Quelles sont les mesures concrètes qu'il entend mettre de l'avant? C'est ça qu'on veut savoir.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, est-ce que vous me permettez de déplorer quand même un peu l'insistance et, je dirais, la complaisance que met le député de Beauce-Nord à assombrir le portrait de la situation économique des régions? Écoutez, je pense à la mienne, en particulier. J'ai entendu...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bouchard: M. le Président, je l'ai entendu tout à l'heure insister lourdement sur les déboires que connaît la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean. Il devrait tout de même reconnaître que, depuis un an, l'emploi est en hausse, M. le Président, que le chômage est tombé de 1,7 % depuis un an, que nous avons créé 6 000 postes de plus depuis un an et que la population active s'est accrue de 5 000 personnes, M. le Président.

M. Landry (Verchères): C'est beaucoup.

M. Bouchard: Il faut quand même dire les choses telles qu'elles sont.

Le Président: M. le député.

M. Poulin: En additionnelle. Qu'est-ce que le ministre fait concrètement pour les femmes, les jeunes qui détenaient majoritairement des emplois occasionnels dans le secteur hospitalier, puisque ces coupures accentuent le phénomène de l'exode dans les régions, réduisent des services et affectent l'économie de nos régions? Qu'est-ce que le ministre fait? C'est ça qu'on veut savoir, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, qu'est-ce que le gouvernement a fait?

Des voix: Ah!

M. Chevrette: Oui, on va s'en parler. Le gouvernement a mis sur pied le plan Paillé: au-delà de 30 000 emplois.

Des voix: Ha, ha, ha!

Des voix: Bravo!

M. Chevrette: Oui, 30 000 emplois, M. le Président.

Le Président: Je veux bien croire que la joute devient plus intense, mais, néanmoins, si on prend trop de temps à faire entendre des décibels, c'est moins de temps pour que les députés puissent intervenir de part et d'autre. Alors, M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, j'ai parlé du plan Paillé, qui a eu ses effets concrets. Je pourrais parler du capital de risque, avec la FTQ et ses fonds de développement ou ses fonds de solidarité régionaux: 6 000 000 $ de capital de risque dans chacune des régions du Québec. De nombreux projets. Je pense au programme FIR, qui est dépensé littéralement dans chacune des régions du Québec. Je pense au Fonds de développement régional. Je pense aux carrefours jeunesse, même dans le comté du chef de l'opposition.

M. le Président, si à se regarder on se désole, nous, quand on vous regarde, on se console.

Le Président: M. le député de Pontiac, en principale.


Diminution des crédits alloués à l'amélioration du réseau routier

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Après avoir coupé de près de 20 000 000 $ les travaux de développement et de quelque 50 000 000 $ ceux reliés à l'amélioration du réseau routier, et de plus de 56 000 000 $ ceux concernant les chaussées, le gouvernement Bouchard et son ministre des Transports en rajoutent.

Le Président: Je voudrais profiter de cette occasion... À l'ordre, s'il vous plaît! Je voudrais, sans ostraciser inutilement le député de Pontiac, rappeler à cette occasion que pas plus pour le premier ministre que pour les autres députés de l'Assemblée on ne doit utiliser le nom du député, on doit utiliser sa fonction et son titre de député. M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Simplement pour faire remarquer que vous avez laissé l'ancien leader du gouvernement mentionner le plan Paillé: ça, ça va. Mais, de ce côté-ci, quand il y a une question avec un nom, ça ne va plus.

Le Président: Vous avez à la fois raison et tort, dans le sens suivant, M. le leader de l'opposition officielle. Effectivement, puisque, dans le cas qui nous concerne, le député concerné est toujours... en fait, le ministre qui était responsable est toujours député de l'Assemblée et en fonction. Effectivement, on pourrait se contenter de n'utiliser que son nom de comté.

Par ailleurs, je crois qu'on conviendra, je crois qu'on pourrait convenir, qu'en l'occurrence ce programme gouvernemental a vite été connu sous le nom de son responsable.

Par ailleurs, je vous disais que vous aviez raison, et je crois que la règle devrait et doit s'appliquer de part et d'autre. Et c'est pour ça que j'ai indiqué au député de Pontiac que je ne voulais pas m'en prendre à lui ou l'ostraciser d'une façon particulière, mais simplement profiter de cette occasion pour rappeler la règle qui nous régit de part et d'autre. Alors, M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. Donc, après avoir coupé près de 20 000 000 $ les travaux de développement, de 50 000 000 $ ceux reliés à l'amélioration du réseau routier et plus de 56 000 000 $ ceux concernant les chaussées, le gouvernement PQ et son ministre des Transports en rajoutent en réduisant de 36 700 000 $ – ah! c'est drôle – l'aide financière aux municipalités au chapitre de l'amélioration de leurs routes. L'accumulation de ces coupures est égale à plus de 158 000 000 $, ce qui veut dire 158 000 000 $ de moins d'investissements sur le réseau routier québécois en 1996-1997 et aussi, en toute logique, moins de travailleurs et de travailleuses en emploi dans ce secteur d'activité et moins d'entrées d'argent dans les entreprises québécoises dont les activités sont liées aux travaux routiers.

Le Président: Votre question, M. le député.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président. Malgré l'annonce d'une enveloppe supplémentaire de 75 000 000 $, les investissements consentis sur le réseau routier québécois cette année sont beaucoup moins importants que l'an dernier et les besoins.

Ma question au ministre responsable du Développement des régions: Est-ce que le ministre partage la déclaration du premier ministre à l'effet que les coupures appliquées au réseau routier n'auront aucun effet sur l'emploi, et ce, dans l'ensemble des régions du Québec?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement des régions.

M. Chevrette: M. le Président, c'est clair que je vais donner la chance à mon collègue de Lac-Saint-Jean de rectifier des choses, mais je dirai, au départ, que le Parti libéral voulait qu'on redresse les finances publiques au point de nous proposer un loi antidéficit. Au moment où le gouvernement prend ses responsabilités, ils ne veulent pas qu'on coupe nulle part. Il va falloir, M. le Président, qu'ils apprennent à être cohérents un tantinet.

Quant au ministère des Transports comme tel, je vais demander à mon collègue, qui va vous donner une excellente réponse.

Le Président: Le gouvernement n'a pas terminé le temps qui lui est donné pour répondre. Alors, M. le ministre des Transports.

M. Brassard: D'abord, M. le Président, je suis content de voir que le député de Pontiac vient de découvrir qu'au ministère des Transports il y a des compressions budgétaires. On en a parlé pendant des heures en commission parlementaire. Je l'ai répété je ne sais combien de fois: C'est bien évident qu'il y a moins de travaux routiers cette année – quoiqu'il ait fini par déclarer qu'on avait obtenu du ministère des Finances 75 000 000 $ pour des travaux routiers. Ce n'est pas rien, quand même, 75 000 000 $ sur les routes du Québec. Mais c'est vrai qu'il y en a moins que l'an dernier et c'est vrai qu'il y a des compressions budgétaires au ministère des Transports.

Le Parti libéral se demande parfois pourquoi, dans les sondages, il est en si piteux état. C'est parce qu'il n'a aucune crédibilité, aucune crédibilité. Il harcèle le gouvernement sur les compressions de dépenses, alors qu'on sait très bien...

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader... M. le leader de l'opposition officielle, sur une question de règlement.

M. Paradis: Oui, simplement rappeler les dispositions de l'article 79: «La réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation.» M. le Président, il y a un autre article qui permet au ministre, s'il n'a rien à dire, de se taire.

Le Président: Alors, je pense que la lecture que vous avez faite est correcte, mais la finale était... elle était habile.

Alors, M. le ministre des Transports, en conclusion.

(10 h 50)

M. Brassard: Oui, en conclusion, M. le Président. Quand on a laissé les finances publiques dans un état aussi lamentable, avec un déficit record de 5 700 000 000 $, on est très mal placé pour s'indigner face aux compressions budgétaires que le gouvernement est actuellement obligé de faire.

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Est-ce que le ministre responsable des régions a abdiqué ses responsabilités au ministre des Transports? Est-ce que le ministre des Transports peut nous dire si son collègue responsable des régions lui a fait ressortir l'importance des retombées économiques des travaux routiers dans les régions? Sait-il que, pour chaque dollar investi sur nos routes, plus de 75 % demeurent dans les régions et qu'environ 60 % retournent dans les coffres de l'État, M. le Président?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, il va se faire quand même, dans les régions et au Québec, cette année, des travaux routiers de l'ordre de plusieurs centaines de millions de dollars, plusieurs centaines de millions de dollars, et avec des effets bénéfiques dans beaucoup de régions, beaucoup de circonscriptions aussi de certains députés d'en face, n'est-ce pas, à qui j'ai appris les travaux qui vont se faire à la suite du 75 000 000 $ supplémentaire que le ministre des Finances m'a accordé...

Une voix: ...

M. Brassard: Vous saurez où la semaine prochaine.

Le Président: Je m'excuse, juste une seconde. Faire des interpellations quand on a n'a pas le droit de parole, finalement, ça amène des réponses. Les gens qui s'intéressent à nos travaux se demandent d'où viennent les réponses à partir des questions qui ont été posées alors qu'on n'avait pas le droit de parole, que c'était hors micro. Alors, je pense qu'on devrait s'en tenir à laisser le ministre, qui a seul, à ce moment-ci, le droit de parole, donner sa réponse. Si on veut avoir des questions complémentaires, on a encore le temps. M. le ministre des Transports.

M. Brassard: M. le Président, il y a plusieurs députés de l'opposition actuellement qui auraient envie de me féliciter beaucoup plus que de s'indigner.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Quant aux impacts dans les régions, je laisserai la place à mon collègue responsable du Développement régional.

Le Président: Rapidement, M. le ministre.

M. Chevrette: M. le Président, d'abord, au cas où les libéraux ne le savent pas, nous formons une équipe, nous nous parlons, c'est bien évident. Le 75 000 000 $ que le ministre des Finances a accordé, ça s'ajoute aux 15 000 000 $ en plus pour les milieux défavorisés qu'on va pouvoir injecter au niveau du Fonds de développement régional, ça s'ajoute au 1 000 000 $ dans l'entrepreneuriat qu'on a mis de plus.

M. le Président, je suis convaincu que c'est plutôt l'envie qui guide leurs questions – l'envie, je dis bien – et ils devraient être heureux de voir...

Le Président: J'essaie de diriger les travaux à la période de questions en n'appliquant pas de façon ultrarigoureuse le temps qui, normalement, est imparti aux questions et aux réponses. Le problème, c'est que je ne voudrais pas être obligé de revenir à une attitude très rigide qui ferait en sorte qu'à chaque fois je sois obligé de couper des députés, d'un côté ou de l'autre, en plein milieu de leurs interventions, et, pour ça, la seule façon qu'on puisse fonctionner, c'est que, d'abord, les gens qui ont la parole regardent le président. J'essaie de faire des signes pour que les gens puissent savoir que leur temps de parole est écoulé, mais, si, de part et d'autre, on fait exactement le contraire et qu'on oblige le président à se lever, d'un côté ou de l'autre, soit pour interrompre une question ou une réponse parce que les temps de parole sont écoulés, ça finit par n'être plus gérable, la période de questions et réponses.

Alors, M. le ministre, le temps imparti au gouvernement à ce moment-ci est terminé. En complémentaire? Non. M. le député de Papineau, en principale.

J'ai déjà dit, et je voudrais peut-être le redire encore une fois, que le président n'entend pas être intimidé par qui que ce soit et par quelque remarque que ce soit.

Sur une question de règlement.

M. Bélanger: Je veux juste m'assurer, M. le Président, que ça s'adresse aux deux côtés de la Chambre.

Le Président: Je n'ai indiqué et je n'ai nommé aucun député, M. le leader du gouvernement. Et, tantôt, quand j'ai fait la remarque sur les gérants d'estrade, j'ai bien pris l'occasion de préciser que ça s'adressait de part et d'autre et que je ne voulais nommer aucun individu et aucun député. Et j'aurais pu nommer des députés de chaque côté de la Chambre à l'égard de ce problème particulier, qui est, à un moment donné, qu'on essaie de souffler des comportements au président de telle sorte que, finalement, on déstabilise sa situation, on l'empêche d'avoir la sérénité d'esprit qu'il doit avoir pour gérer la période de questions et de réponses, qui est une période intense dans notre vie politique et parlementaire.

À ce moment-ci, je reconnais le député de Papineau.


Financement de la Société de diversification économique de l'Outaouais

M. MacMillan: Merci, M. le Président. La Société de diversification économique de l'Outaouais, créée en 1993 par le gouvernement libéral afin de consolider et promouvoir la création d'emplois dans notre région, est présentement en attente de financement. Un plan d'affaires a été déposé auprès de la Société Innovatech du Grand Montréal. Le ministre d'État au Développement des régions cautionnait cette requête additionnelle, s'engageant toutefois à ce que le financement soit versé et qu'une décision soit prise à cette fin au plus tard le 5 juin. Comme le rapportait le quotidien Le Droit le 9 mai dernier, certains intervenants craignent présentement que la Société Innovatech du Grand Montréal refuse de verser la subvention parce que les objectifs de la Société ne visent pas strictement les projets de haute technologie.

Ma question s'adresse au premier ministre: Peut-il indiquer à cette Chambre lequel des deux ministres suivants bloque ce financement essentiel pour la création d'emplois? Est-ce que c'est le ministre d'État de la Métropole, qui est responsable de la Société Innovatech du Grand Montréal, ou le ministre responsable du Développement des régions? Et quand le gouvernement entend-il mettre fin à l'incertitude qui règne présentement sur la région et rendre une décision qui permettra un fonctionnement adéquat de la Société ainsi que la création d'emplois dans l'Outaouais?

Le Président: M. le vice-premier ministre et ministre d'État de l'Économie et des Finances.

M. Landry (Verchères): M. le Président, je suis sûr que personne ne bloque aucun dossier d'une région aussi importante et stratégique que le troisième grand pôle urbain du Québec, c'est-à-dire la région dont le député est originaire. Et je m'engage personnellement – c'est la première fois que j'entends parler du dossier...

Des voix: ...

M. Landry (Verchères): ...personnellement, j'ai dit – à faire tout ce qu'il faut pour que rien n'entrave l'action d'Innovatech dans sa région.

Cependant, le député a fort heureusement évoqué la question de l'emploi dans l'Outaouais. Je voudrais lui dire, parce que ça n'a pas été très publicisé, que, depuis le siècle dernier, où E.B. Eddy a ouvert son usine, c'est le Casino de Hull qui a créé 1 000 emplois dans l'Outaouais, le record historique.

Des voix: ...

Le Président: Je regrette sincèrement, M. le député de Papineau, mais le temps...

Des voix: ...

Le Président: Le temps imparti à la période des questions et des réponses orales est terminé, et j'ai calculé dans le temps le moment que j'ai pris pour faire des précisions ou des interventions.

Il n'y a pas de réponses différées annoncées aujourd'hui ni de votes reportés.

Nous en arrivons à l'étape des motions sans préavis.


Avis touchant les travaux des commissions

Alors, aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui la commission des affaires sociales entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 33, Loi sur l'assurance-médicaments et modifiant diverses dispositions législatives, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle du Conseil législatif;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 34, Loi sur le transfert des attributions de l'Office des ressources humaines, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

Que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 23, Loi modifiant la Loi sur la protection du territoire agricole et d'autres dispositions législatives afin de favoriser la protection des activités agricoles, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine;

Que la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi n° 32, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Revenu, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau;

(11 heures)

Que la commission des affaires sociales entreprendra l'étude détaillée du projet de loi n° 11, Loi modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance et d'autres dispositions législatives, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.


Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, maintenant.

Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Kelley: Oui, M. le Président. Le 3 juin dernier, dans la Chambre, la ministre de l'Éducation a pris l'engagement d'entendre les représentants et les représentantes des services de garde de Québec avant de procéder à l'étude détaillée du projet de loi n° 11. J'aimerais savoir quand la ministre va donner suite à son engagement, vu qu'on va procéder à l'étude détaillée de ce projet de loi cet après-midi.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, la décision du gouvernement est de procéder à l'étude détaillée du projet de loi en commission. Il existe un mécanisme au niveau des commissions parlementaires et, à ce moment-là, les députés peuvent faire des demandes pour que des groupes soient entendus avant d'entamer l'étude article par article. Alors, à ce moment-là, je conseille au député de le faire en commission, M. le Président.

Le Président: M. le député de Nelligan.

M. Williams: Oui, M. le Président. J'ai juste entendu par le leader du gouvernement qu'il appelle le projet de loi n° 32, qui est sévèrement critiqué devant la population, pour étude détaillée à 15 heures. J'ai appris dans le milieu que le ministre va...

Le Président: Je m'excuse, M. le député, mais j'ai beaucoup de difficulté même à vous entendre, à ce moment-ci. Il y a un bruit de fond. Je comprends que parfois les députés s'activent pour quitter l'Assemblée, mais...

M. Williams: Merci beaucoup, M. le Président. J'ai appris par le leader, dans ses annonces, que nous allons commencer l'étude détaillée du projet de loi n° 32 à 15 heures, à la commission du budget et de l'administration. Je veux juste vérifier comme il faut, parce qu'il y a beaucoup de bruit.

J'ai appris, ce matin, que le ministre va déposer une série d'amendements, parce que cette loi est sévèrement critiquée devant la population, mais je n'ai pas reçu les amendements. Je voudrais savoir comment on peut continuer notre travail sans avoir les amendements et comment on peut vraiment commencer une étude détaillée sans tous ces amendements qui sont supposés venir du travail, en privé, entre le Protecteur du citoyen, la Commission d'accès à l'information et plusieurs autres groupes. Je pense que ça va être assez difficile de faire l'étude comme on veut la faire sans avoir ces amendements, et, jusqu'à date, au moment où on parle, nous n'avons pas reçu les amendements.

Et, M. le Président, je comprends que les amendements peuvent arriver pendant l'étude détaillée, mais ce sont des amendements de fond, qui changent complètement le projet de loi. Avec ça, c'est presque un nouveau projet de loi. Je voudrais savoir comment je pourrai, comme membre de l'opposition, effectuer mon travail à 15 heures, parce que je n'ai pas eu la chance d'étudier ces amendements, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je suis un peu étonné de la question du député de Nelligan, parce que le ministre délégué au Revenu lui a déjà dit qu'il va lui faire parvenir très rapidement les amendements, M. le Président, avant qu'on procède à l'étude détaillée en commission. Je peux assurer que très bientôt, là...

Des voix: À 14 h 55.

M. Bélanger: ...avant qu'on procède à l'étude détaillée... Cet avant-midi! Cet avant-midi, M. le Président, le député de Nelligan va avoir les amendements proposés. Il va être très content des amendements qui sont tout à fait, M. le Président... qui correspondent aux critiques et aux recommandations faites par la Commission d'accès à l'information.

Le Président: M. le député de Nelligan, sur la même question.

M. Williams: Oui. Je pense que c'est complètement inapproprié de la part du leader de présumer de ma réaction aux amendements. C'est une chose. Alors, s'il vous plaît...

Le Président: Je voudrais vous signaler qu'il faut faire attention. On est à la période des renseignements sur les travaux de l'Assemblée et non pas à une période où on peut questionner le gouvernement sur des gestes qu'il aurait posés, même des gestes législatifs. Ça, c'est la période des questions et des réponses.

Alors, sur les renseignements, si vous voulez avoir un complément d'information, des précisions sur les indications qui viennent d'être données par le leader du gouvernement, M. le député de Nelligan.

M. Williams: Je n'ai pas voulu commencer un débat, M. le Président, c'est le leader qui a dit que je serais satisfait de ces amendements que je n'ai pas vus encore. Il présume de ma décision. Il est 11 h 5. J'ai juste appris officiellement que le leader va appeler l'étude détaillée du projet de loi n° 32 à 15 heures. Et ce n'est pas juste un projet de loi comme les autres.

Je voudrais savoir, M. le Président...

Le Président: Je m'excuse, là. À ce moment-ci, on n'entreprend pas un débat. Vous avez signalé qu'il y a une commission parlementaire sur laquelle vous siégez et qui concerne un projet de loi qui vous intéresse comme critique de l'opposition officielle. Il est appelé cet après-midi, et vous avez demandé au leader du gouvernement quand est-ce que vous auriez les amendements qui sont annoncés, considérant qu'il reste quelques heures, à ce moment-ci... Bon. Vous pouvez être d'accord ou pas d'accord avec le temps qui peut être accordé par le gouvernement pour vous donner les amendements, mais, à ce moment-ci, vous devez vous contenter, puisqu'on est à la période des renseignements sur les travaux, de demander... La réponse vous est fournie; elle peut ne pas vous satisfaire, mais ce n'est pas à cette étape-ci qu'on doit faire un débat sur la satisfaction ou non qu'on peut avoir par rapport à la gestion de nos travaux à l'Assemblée. D'accord?

M. Lefebvre: M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'opposition, leader adjoint.

M. Lefebvre: M. le Président, sur la même question. M. le Président, mon collègue a soulevé un questionnement extrêmement important. Il veut, au nom de l'opposition officielle et de la population du Québec, faire un travail responsable, un bon travail. Il a indiqué avoir été avisé que la commission parlementaire sur ce projet extrêmement important qu'est le projet de loi n° 32 allait reprendre à 15 heures avec un paquet d'amendements. Le leader, à une question de mon collègue, a dit: Très rapidement, vous aurez les amendements. Alors, très rapidement, c'est quelle heure, M. le Président? Entre maintenant et 15 heures, c'est quand? C'est ça qu'on veut savoir. C'est fondamental. C'est extrêmement important qu'on ait une réponse intelligente, M. le Président.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Si, M. le leader adjoint peut écouter intelligemment la réponse que je vais lui donner aussi, M. le Président, il va comprendre qu'à partir du moment où il va arrêter la procédure le Comité de législation va pouvoir se réunir, jeter un dernier coup d'oeil sur les amendements et on va les transmettre immédiatement au député de Nelligan, d'ici environ 20 minutes, M. le Président, d'ici 20 minutes. Est-ce qu'il a bien compris, le leader adjoint? Je crois que oui, M. le Président. Il me fait signe que oui, donc je pense qu'il a bien compris. Merci.

Le Président: M. le leader de l'opposition officielle.

M. Paradis: Oui. Est-ce que le leader du gouvernement peut confirmer à cette Chambre que son cabinet a demandé, ce matin, au ministre du Revenu de faire parvenir, même au début de nos travaux aujourd'hui, au ministre délégué au Revenu les amendements et que le ministre n'a pas obtempéré?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, le leader de l'opposition connaît très bien le fonctionnement en cette Chambre. Il sait très bien qu'un Comité de législation se doit toujours de regarder les amendements avant qu'ils soient soumis, à ce moment-là, à la fois à la commission parlementaire et à l'opposition. Alors, M. le Président, je pense qu'il sait ça. Alors, c'est la réponse, M. le Président.

Le Président: M. le député.

M. Williams: Dernière question sur ça. J'ai appris, j'ai entendu que peut-être j'allais avoir ces amendements avant la période des questions. Finalement, ils ne sont pas arrivés. J'ai entendu, à 11 h 5, que le leader assure que je vais avoir ça dans 20 minutes. Je voudrais demander le consentement du leader, si je n'ai pas les amendements à 11 h 25, s'il va reporter l'étude détaillée. Parce que je voudrais faire mon travail comme député de l'opposition, et c'est des amendements profonds à une loi qui touche la protection de la vie privée de la population québécoise. Est-ce que j'ai l'engagement du leader que, si je n'ai pas les amendements dans ma main à 11 h 30 – il faut être flexible – il va reporter la commission?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, tout à l'heure, j'ai dit que c'était dans 20 minutes qu'il les aurait. Maintenant, puisqu'on a encore cinq minutes de procédure de faite, ça va être 15 minutes environ.

Le Président: M. le député de Chomedey, sur une autre question.

M. Mulcair: Oui, concernant les travaux, justement. Hier, sur la Société d'habitation du Québec, j'ai posé une question au Procureur général du Québec sur la démarche entreprise par son collègue, le ministre des Affaires municipales. Je voulais juste savoir s'il a une indication quand le ministre de la Justice et Procureur général va donner réponse, qu'il avait gardée en réserve hier?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: On me dit, M. le Président, que, dès demain, ça devrait être fait.

Le Président: Je crois que ça complète l'étape des renseignements sur nos travaux.


Affaires du jour

Nous en arrivons maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

(11 h 10)

M. Bélanger: Oui, M. le Président. Je vous demanderais de prendre en considération l'article 3 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 12


Adoption du principe

Le Président: Alors, à l'article 3 du feuilleton, M. le ministre des Transports propose l'adoption du principe du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives. M. le ministre des Transports.


M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui de procéder au débat sur l'adoption de principe du projet de loi n° 12, qui est une pièce législative majeure, modifiant le Code de la sécurité routière et aussi diverses autres lois. Les modifications législatives qui sont proposées, M. le Président, ont pour but d'apporter une amélioration substantielle au bilan routier du Québec par un meilleur ciblage des interventions à l'endroit des usagers de la route qui sont les plus souvent impliqués dans des accidents. Plus précisément, nous voulons amener les personnes à changer leurs attitudes et leurs comportements dans un sens favorable à la sécurité routière.

Le projet de loi n° 12 est une suite logique des différentes interventions en sécurité routière réalisées par le gouvernement du Québec au cours des 15 dernières années, interventions qu'il n'est peut-être pas inutile de rappeler brièvement. La première de ces étapes majeures remonte à décembre 1980, alors que l'Assemblée nationale intégrait à la Régie de l'assurance automobile du Québec le Bureau des véhicules automobiles, qui était l'organisme responsable de contrôler l'accès au réseau routier par l'émission des permis de conduire et du certificat d'immatriculation. Quelques mois plus tard, le mandat de la Régie était élargi pour inclure la promotion de la sécurité routière, notamment en ce qui concerne les comportements des usagers de la route et la sécurité des véhicules automobiles.

En regroupant successivement au sein d'un même organisme des responsabilités touchant la prévention routière, le contrôle de l'accès au réseau routier et l'indemnisation des victimes d'accidents, le législateur créait un organisme unique au monde – je pense qu'on ne le dit pas assez souvent – au plan de la variété et de l'importance des moyens mis à contribution au sein d'une même entité en vue de réduire les risques des usagers de la route et d'améliorer le bilan routier. La grande innovation résidait dans le fait qu'étant entièrement responsable de son budget en vertu de sa loi constituante le nouvel organisme devait faire en sorte que ses actions en faveur de la sécurité routière se traduisent par une réduction effective des montants devant être versés en compensation aux victimes d'accidents de la route.

Le nouvel organisme, qui, comme vous le savez, s'appelle aujourd'hui la Société de l'assurance automobile du Québec, a eu pour premier mandat de remettre sur pied le système des points d'inaptitude qui permet de repérer les conducteurs ayant une propension à commettre des infractions et à leur imposer, si nécessaire, une suspension de leur permis de conduire.

En 1981, le gouvernement, soucieux de bien marquer le virage en faveur de la sécurité routière, présentait un projet de loi qui changeait l'appellation du Code de la route pour en faire le Code de la sécurité routière. Le même projet de loi apportait différents ajustements au plan de la sécurité routière, notamment en rehaussant des amendes associées aux infractions les plus dangereuses.

Au cours des années qui ont suivi, le gouvernement s'est attaqué avec force à deux cibles majeures en sécurité routière: le port de la ceinture de sécurité et la lutte contre l'alcool au volant. Ainsi, en 1985, l'Assemblée nationale adopta un projet de modifications au Code de la sécurité routière. Ces amendements avaient pour effet d'accroître de façon très marquée la durée des révocations de permis de conduire imposées aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies. Celles-ci passèrent, en effet, de trois mois à une année pour une première infraction, de six mois à deux ans pour une première récidive et de 12 mois à trois ans pour une deuxième récidive. De plus, en vertu des modifications adoptées, les personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies ne pouvaient plus obtenir de permis restreint leur permettant d'utiliser une automobile pour raisons personnelles ni à des fins de travail.

Un nouveau projet de loi adopté en 1986 donnait lieu à une refonte complète du Code de la sécurité routière en vue d'en faciliter l'application par les services policiers, le système judiciaire et l'administration gouvernementale. Les objectifs du projet de loi visaient essentiellement, d'abord, à étendre l'obligation de porter la ceinture de sécurité à tous les occupants de tous les véhicules munis de ceintures, à la seule exception des chauffeurs de taxi, deuxièmement, à améliorer sensiblement les capacités de contrôle de l'état mécanique des véhicules et, troisièmement, à permettre de conclure des ententes de réciprocité avec les administrations voisines en vue de l'application des sanctions contre les conducteurs délinquants. Les modifications législatives ajustaient à la hausse les amendes et elles permettaient aussi aux municipalités de conserver le produit des amendes résultant de l'application du Code par leur service policier. Cet avantage représentait un incitatif à agir en matière de sécurité routière.

Sous l'action combinée de ces modifications législatives, du travail des policiers, des campagnes de promotion et de publicité visant à changer l'attitude et les valeurs de la population, des progrès remarquables, je dirais même fulgurants furent réalisés quant au comportement des usagers des routes du Québec.

Le Québec qui, jusque-là, figurait parmi les pires provinces du Canada, aussi bien en ce qui concerne le bilan routier qu'en ce qui concerne la faible utilisation de la ceinture de sécurité, est passé en tête de peloton dès la fin des années quatre-vingt. Ainsi, le nombre de morts sur les routes du Québec est passé de 1 792, en 1979, à 827, en 1994. Dans les années soixante-dix, ça a même atteint des niveaux records...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Excusez, M. le ministre. M. le député de Hull, s'il vous plaît.

M. LeSage: M. le Président, je crois que nous avons devant nous un projet de loi très important. Il me semble qu'on devrait avoir quorum dans cette Assemblée pour écouter le ministre des Transports nous expliquer c'est quoi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, effectivement, nous n'avons pas quorum présentement.

(11 h 17 – 11 h 18)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous avons quorum, présentement. Alors, M. le ministre, je vous cède la parole à nouveau.

M. Brassard: Oui. M. le Président, je disais même qu'au début des années soixante-dix le bilan était encore pire qu'en 1979. On est même allé jusqu'à plus de 2 000 victimes sur nos routes. En 1994: 827. Il y a donc eu des progrès substantiels. Malgré une légère remontée à 882 décès en 1995, on peut considérer que, depuis le tournant des années quatre-vingt, le nombre de morts sur nos routes a baissé de moitié sur les routes du Québec, et ce, en dépit du fait que la circulation routière ait augmenté sensiblement au cours de cette période, et le nombre de véhicules sur nos routes également.

En fait, en comparaison avec les pays industrialisés, le Québec a connu une des baisses les plus considérables du nombre de décès par 100 000 000 de kilomètres parcourus entre 1980 et 1992. Il a certes lieu d'être fier de cette performance collective. Mais, au-delà de ces chiffres fort éloquents, je n'en disconviens pas, c'est la douleur et la souffrance humaine qui sont ainsi évitées. Sans ces progrès significatifs, un nombre beaucoup plus important de familles auraient déploré la perte d'un parent ou d'un enfant. De plus, davantage de personnes auraient dû accepter de vivre handicapées pour le reste de leurs jours à la suite d'accidents de la route.

De plus, en cette période de difficultés financières, tant pour les individus que pour les gouvernements, il faut également prendre en considération que la réduction du bilan routier profite à tous, non seulement par un sentiment de sécurité accru sur les routes, mais également par une réduction des coûts associés à l'insécurité routière. Qu'il s'agisse de primes d'assurance, d'activités policières, de perte de temps de travail, de bris matériels de toutes sortes, ces coûts sont estimés à plus de 2 500 000 000 $ annuellement au Québec. Les indemnisations que doit verser la Société de l'assurance automobile du Québec aux victimes d'accidents de la route s'élèvent à elles seules à 600 000 000 $ par année.

Toute médaille a un revers, et le revers de ces succès, c'est, bien sûr, que les gains supplémentaires deviennent de plus en plus difficiles. Quand plus de 90 % de la population portent déjà la ceinture de sécurité, qu'une majorité de conducteurs sont déjà sensibilisés aux dangers de la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool et que nous sommes parmi les meilleurs au monde au plan du bilan routier, améliorer ce bilan routier représente donc un défi de taille.

(11 h 20)

Pourtant, nous pouvons relever ce défi. Pour y arriver, il faut, de toute évidence, mieux cibler nos interventions et identifier, au sein de l'ensemble de la population, de l'ensemble des usagers de la route, les groupes les plus à risque. Il faut, de plus, s'attaquer aux facteurs spécifiques qui sont à l'origine de la plus grande implication de ces groupes à risque dans les accidents de la route. Du même souffle, il ne nous est pas interdit d'en profiter pour délester, déréglementer, simplifier et laisser tomber, au fond, ce qui n'est pas d'une utilité évidente en matière de sécurité routière. Nous en sommes maintenant là: rééquilibrer nos interventions pour en améliorer l'impact sur les groupes à risque sans pour autant augmenter les coûts ou les inconvénients pour l'ensemble de la population.

Les résultats remarquables du bilan routier que j'évoquais précédemment ont été obtenus à partir du début des années quatre-vingt par des mesures qui resserraient les contraintes et augmentaient les sanctions et les amendes pour l'ensemble des usagers de la route. Par contraste, le projet de loi n° 12 s'inspire plutôt d'une volonté de raffiner nos actions en augmentant la pression à certains endroits, soit là où on veut améliorer le comportement routier de certains groupes cibles, et en la relâchant ailleurs, là où les dispositions actuelles du Code de la sécurité routière n'ont pas eu les effets qu'on attendait.

Cette réforme du Code de la sécurité routière, M. le Président, s'inspire donc d'une analyse approfondie du bilan routier visant à identifier les groupes d'usagers de la route les plus à risque ainsi que les facteurs expliquant leurs implications dans les accidents. Parmi ces groupes d'usagers du réseau routier qui posent encore des problèmes très sérieux au plan de la sécurité routière, on remarque les personnes qui, malgré la réprobation sociale qui entoure ce type de comportement, s'obstinent à conduire avec les facultés affaiblies par l'alcool. Pour leur part, les nouveaux conducteurs, surtout des jeunes, évidemment, que ce soit à cause de leur inexpérience ou de leur trop grande propension à prendre des risques, sont deux fois plus impliqués dans des accidents routiers que les conducteurs plus âgés ou plus expérimentés. Nous devons donc nous intéresser en priorité à ces deux groupes de conducteurs.

Nous devons également en profiter pour améliorer l'efficacité de nos mesures en nous attaquant au phénomène de la conduite durant sanction. Nous devons remédier au fait qu'une fraction importante, très importante, qui pourrait atteindre 75 % selon certaines estimations, des conducteurs dont le permis de conduire a été suspendu ou révoqué conduisent quand même occasionnellement et même régulièrement; 75 % qui conduisent durant sanction, c'est beaucoup et c'est beaucoup trop.

En agissant auprès de ces groupes particuliers et auprès d'autres usagers de la route, nous croyons pouvoir améliorer encore substantiellement le bilan routier. En fait, la politique de sécurité routière rendue publique l'an dernier par mon prédécesseur aux Transports proposait de réduire d'environ 25 % ce bilan routier d'ici l'an 2000. En d'autres termes, nous visons à passer en dessous du seuil des 750 décès par année et des 5 000 blessés graves par année sur les routes du Québec.

Afin d'atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés à l'égard de l'amélioration des comportements de certains groupes d'usagers de la route, le gouvernement dispose d'un certain nombre de moyens d'action. Il doit d'abord proposer des modifications légales, législatives et réglementaires qui spécifieront les comportements attendus. Tel est l'objet de mon intervention aujourd'hui, puisque le Code de la sécurité routière vise précisément à indiquer quels sont les comportements attendus des usagers de la route pour assurer l'usage harmonieux et surtout sécuritaire du réseau routier. Certaines des mesures introduites par le projet de loi seront complétées au cours des prochains mois par des projets de modification de différents règlements découlant du Code de la sécurité routière.

Quels sont les défis maintenant, M. le Président? Il y en a trois. Comme je le mentionnais précédemment, les modifications légales envisagées visent à corriger trois problèmes majeurs en sécurité routière, qui constituent, par le fait même, de véritables défis: d'abord, la surreprésentation des jeunes et des nouveaux conducteurs dans le bilan routier, c'est-à-dire dans les accidents de la route; deuxièmement, la conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool, deuxième problème; et, troisième problème, la conduite sans permis de conduire valide. Prenons-les l'un après l'autre, M. le Président.

D'abord, pour ce qui est des jeunes et des nouveaux conducteurs, il y a consensus aussi bien au Québec qu'ailleurs dans le monde, ça apparaît, entre autres, dans les sondages, de façon éloquente, pour attribuer la surreprésentation des jeunes dans le bilan routier... En fait, les jeunes représentent 16 % des détenteurs de permis et ils sont impliqués dans 25 % des accidents de la route. C'est le double.

Comment expliquer cette surreprésentation des jeunes dans le bilan routier? Là-dessus, tout le monde est d'accord pour dire que c'est un problème d'attitude et de comportement, de prise de risque, plutôt qu'un manque de connaissance ou une insuffisance d'habileté, de pratique. Ça, c'est capital, ce point-là, M. le Président.

Ce n'est pas parce qu'ils manquent de connaissance que les jeunes sont plus impliqués dans des accidents, ce n'est pas parce qu'ils ont des habiletés de conduire qui sont insuffisantes. Non. C'est parce qu'ils ont des comportements à risque, ils ont des attitudes à risque, ils prennent trop de risques et ils prennent plus de risques que les autres catégories d'âge des conducteurs.

Donc, la conclusion, évidemment, c'est le comportement qu'il faut changer. Il faut agir sur le comportement, il faut agir sur l'attitude. Et les mesures proposées à cet égard visent justement à favoriser l'émergence de comportements responsables par l'acquisition d'expérience de façon progressive, graduelle et dans un encadrement approprié.

Nous proposons donc d'instaurer ce qu'on appelle un régime d'accès graduel à la conduite par quatre mesures précises. Premièrement, l'allongement de la période d'apprenti conducteur à 12 mois; elle est actuellement, vous le savez, de trois mois. Si on veut changer les comportements et les attitudes, il faut que la période d'apprentissage soit allongée. Donner plus de temps, parce que changer des attitudes et des comportements, ça prend plus de temps. Ça prend du temps. Alors, pendant cette période, le conducteur devra être accompagné d'une personne – comme c'est le cas, mais pour trois mois seulement, là ce sera pour 12 mois – qui détient un permis de conduire de la classe visée depuis au moins deux ans et qui est elle-même en état de conduire. De cette façon, on pense que l'accompagnateur va influer sur les changements de comportement et d'attitude de l'apprenti conducteur.

Deuxièmement, nous introduisons l'obligation d'être titulaire d'un permis probatoire pendant au moins 24 mois, ou jusqu'à l'âge de 25 ans, après la période de 12 mois d'apprentissage. Rappelons que le permis probatoire existe déjà – il est requis depuis 1991 – et qu'il a une durée de deux ans commençant une fois que la période d'apprenti conducteur est terminée.

La distinction entre les personnes dont l'âge se situe entre 16 et 24 ans – c'est important, ça – et celles qui ont 25 ans et plus est pleinement justifiée compte tenu du fait que ce dernier groupe, les 25 ans et plus, présente un taux d'accident sensiblement meilleur à partir de leur deuxième année de conduite, une fois leur période d'apprentissage terminée. Déjà les attitudes changent et ils sont nettement moins impliqués dans des accidents. En d'autres mots, l'apprentissage des 25 ans et plus se fait beaucoup plus rapidement que celui des nouveaux conducteurs plus jeunes, des 16-24 ans.

Troisièmement, la fixation d'un maximum de quatre points d'inaptitude pendant la période d'apprentissage et la période probatoire. Quatre points d'inaptitude par comparaison avec 15 points pour le conducteur régulier, et une alcoolémie, un taux d'alcoolémie de zéro – c'est ce qu'on appelle la tolérance zéro – alors que pour les conducteurs réguliers ça demeure 0,08 de taux d'alcoolémie accepté. Donc, tolérance zéro pour tous les conducteurs détenteurs d'un permis d'apprenti conducteur ou d'un permis probatoire.

(11 h 30)

Également, la déréglementation des écoles de conduite et l'abandon du caractère obligatoire des cours pratiques de conduite automobile. Toutefois, la période d'apprenti conducteur sera d'une durée de huit mois plutôt que de 12 mois, il y a un crédit de quatre mois qui est accordé pour les personnes qui auront suivi un cours de conduite dans une école reconnue par la Société de l'assurance automobile du Québec. C'est un crédit, sans doute, important. Il y a bien des jeunes qui vont y avoir recours parce que, ce faisant, l'obligation d'être accompagné va être d'une durée de huit mois plutôt que de 12 mois. Nous voulons ainsi, aussi, tenir compte du fait que les personnes qui, spontanément et volontairement, choisissent de suivre un cours d'école de conduite témoignent d'une attitude, au départ, favorable à la conduite automobile sécuritaire et représentent, par le fait même, un bon risque.

Rappelons, par ailleurs, que le caractère obligatoire des cours théoriques a déjà été abandonné, lui, en 1991, sans qu'il en découle, d'ailleurs, une aggravation du bilan routier des jeunes conducteurs ni d'impact dramatique sur l'industrie des écoles de conduite. Soulignons aussi, de plus, que le Québec est l'une des rares administrations en Amérique du Nord à imposer des cours de conduite à tous les nouveaux conducteurs. Voilà pour ce qu'on appelle l'accès graduel à la conduite, ce qui concerne, évidemment, surtout les nouveaux conducteurs et particulièrement, évidemment, surtout les jeunes.

Deuxième bloc d'amendements, c'est la prévention de la récidive en matière de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool, la consommation d'alcool. La conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool, c'est encore aujourd'hui, et depuis bien des années, le plus important facteur d'accidents graves, puisqu'elle est à l'origine de plus de 45 % des décès, soit environ 400 décès, 400 morts par année sur nos routes dont on peut attribuer la responsabilité à la consommation d'alcool.

J'avais utilisé une image frappante lors d'une conférence de presse, je la répète parce que ça illustre bien l'importance des accidents et des décès, le nombre de décès résultant de conduite avec facultés affaiblies: c'est un peu comme si, à chaque année, un Boeing 747 rempli s'écrasait au Québec. À chaque année. C'est ça, le nombre de décès reliés à la consommation d'alcool. C'est comme si, à chaque année, un Boeing 747 rempli s'écrasait, à tous les ans. C'est évidemment inacceptable.

Malheureusement, bien qu'elles aient eu pour effet de réduire l'ampleur de ce phénomène, les interventions menées jusqu'à présent ont connu ce qu'on pourrait appeler un certain plafonnement, on n'est plus en mesure de faire des gains, un plafonnement qui, croyons-nous, s'explique par le délai trop long avant l'application des sanctions – surtout quand il y a plaidoirie de non-culpabilité, là, ça prend du temps, le procès et tout. Ça s'explique aussi, ce plafonnement, par le non-respect des sanctions et, entre autres, conduite durant sanction, beaucoup de personnes conduisent quand même durant sanction. Et ça s'explique aussi par l'absence de mesures efficaces pour contrer la récidive. C'est là qu'est le problème majeur, c'est la récidive.

Pour remédier à ces situations, les mesures suivantes sont proposées, et on les retrouve dans le projet de loi n° 12; elles sont sévères, j'en conviens, mais je pense qu'il faut aller vers la rigueur et la sévérité en cette matière, encore plus de rigueur et de sévérité. D'abord, la suspension immédiate du droit de conduire du conducteur dont l'alcoolémie est supérieure à 0,08 ou du conducteur dont l'alcoolémie est supérieure à 0 % s'il est titulaire d'un permis d'apprenti conducteur ou d'un permis probatoire. Il s'agit donc du retrait sur-le-champ du permis de conduire. Cette suspension administrative sera de 15 jours pour une première infraction et sera portée à 30 jours dans les cas de récidive.

Deuxièmement, l'obligation de suivre un programme d'éducation après une première condamnation pour conduite avec les capacités affaiblies par l'alcool. Il y a eu condamnation; après condamnation, il y aura obligation de suivre un programme d'éducation. Il s'agit, en l'occurrence... Le programme existe; d'ailleurs, il s'applique actuellement, le programme Alcofrein, Alcofrein qui a été mis sur pied par le ministère de la Sécurité publique il y a déjà quelques années. Présentement, la participation au programme Alcofrein est limitée aux seuls cas des conducteurs qui ont reçu une ordonnance à cet effet, donc par le juge qui a entendu leur cause. Là, c'est toutes les personnes qui seront condamnées pour conduite avec les capacités affaiblies qui devront obligatoirement suivre un programme d'éducation. Par la mesure législative que nous proposons, cette participation sera obligatoire dans tous les cas où une personne est ainsi reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies pour une première fois. Ça, c'est une première fois.

Nous visons ainsi à faire en sorte que toutes ces personnes aient l'occasion d'être sensibilisées aux conséquences de la conduite avec facultés affaiblies et d'acquérir une meilleure connaissance des moyens pouvant prévenir qu'elles se retrouvent à nouveau dans une telle situation.

Troisièmement, l'obligation, dans le cas de récidive – là, on est dans les cas de récidive – de produire un rapport d'évaluation émis par un professionnel de la santé ou un travailleur social et permettant de conclure que le conducteur n'a pas ou n'a plus de problème d'ordre médical ou de comportement susceptible d'entraîner chez lui la conduite avec les facultés affaiblies. Nous voulons de la sorte tenir compte du fait qu'une large partie des personnes – ça, ça a été démontré – continuant de conduire avec les facultés affaiblies après une première condamnation, ont en fait un problème de dépendance à l'alcool. Les récidivistes, très largement, ont un problème de dépendance à l'alcool ou des habitudes de vie qui nécessitent un traitement ou un programme de rééducation sous la supervision de professionnels qualifiés. C'est uniquement par ce biais que nous pourrons espérer contrer le phénomène de la récidive en matière de conduite avec facultés affaiblies, puisque les mesures habituelles de sensibilisation ou la menace de sanction me semble rester sans effet sur ces personnes.

Également, après l'écoulement de la moitié de la période normale de révocation de permis – c'est-à-dire la moitié, si c'est la première condamnation, c'est six mois, puisque c'est un an, ou un an quand il y a récidive, ou 18 mois quand il y a une deuxième récidive, c'est ça l'écoulement de la moitié de la période normale – la personne pourra utiliser un véhicule automobile. On pourra lui permettre de le faire, à condition cependant que l'automobile soit munie d'un dispositif empêchant le démarrage en présence d'alcool dans l'haleine du conducteur. C'est ce qu'on appelle un dispositif antidémarreur. Il y a 35 États américains et l'Alberta aussi, du côté des provinces canadiennes, qui ont déjà des lois permettant l'usage de tels appareils.

Par ailleurs, les fabricants de ce genre d'appareil, de dispositif, ont déjà une expérience d'une vingtaine d'années dans ce domaine, de sorte que les appareils de blocage de l'allumage et du démarreur en fonction de l'alcoolémie ont été grandement améliorés au plan de la précision, au plan de la résistance aux tentatives de contournement. De fait, on estime leur efficacité à plus de 98 % en ce qui a trait à la prévention de la conduite avec les facultés affaiblies chez les conducteurs dont le véhicule est équipé de la sorte.

Évidemment, cette mesure vise les récidivistes. Il faut bien encore une fois le préciser. Et cette mesure ne vise pas, bien évidemment, c'est clair, à faciliter la vie aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies. On en est bien conscient. Nous visons plutôt à leur fournir une occasion d'apprendre, par la pratique répétée, à utiliser leur véhicule sans avoir au préalable consommé d'alcool. Il s'agit donc d'une véritable mesure de rééducation. Nous cherchons, encore une fois, à attaquer le problème à la source dans l'espoir de réussir à changer les habitudes des conducteurs que la menace de sanction, jusqu'à maintenant, n'a pas réussi à décourager de conduire avec les facultés affaiblies par l'alcool.

Cette mesure aura également un impact favorable au plan social et économique, puisqu'elle permettra l'usage d'un véhicule automobile aux personnes qui en ont besoin pour aller au travail ou aux études. Enfin, cette mesure constitue une solution de rechange légale à la conduite alors que le permis a été révoqué.

Troisième catégorie d'amendements. Ça concerne, je le rappelle, la répression de la conduite durant sanction. La conduite durant sanction est un phénomène largement répandu, c'est-à-dire des conducteurs dont le permis a été suspendu ou révoqué qui conduisent quand même, qui utilisent leur véhicule quand même. Et, comme je le mentionnais tantôt, on estime à 75 % au Québec – et c'est comme ça aussi ailleurs en Amérique du Nord – le pourcentage de personnes qui conduisent alors que leur permis fait l'objet d'une suspension ou d'une révocation.

(11 h 40)

Présentement, le conducteur qui est pris en défaut, qui conduit sans permis ou avec un permis révoqué, il est passible d'une amende et il se voit imposer une suspension additionnelle de son permis à chaque fois qu'il est intercepté. Il est déjà suspendu, son permis. Là, on ajoute encore un autre délai de suspension. L'accumulation des sanctions nuit grandement à l'efficacité du système, parce qu'il continue quand même de conduire durant la sanction. Il y a des cas de conducteurs qui ont une accumulation comme ça de sanctions, puis ils continuent quand même d'utiliser leur véhicule. Alors, ça n'a pas beaucoup d'effets. L'efficacité du système est évidemment mise en doute, et ça favorise aussi forcément la délinquance, puisque, parvenus à un certain stade, les conducteurs estiment qu'ils n'ont plus rien à perdre et ils prennent le risque d'être interceptés de nouveau. Ça ne les dérange plus beaucoup.

Dans ce contexte, les mesures suivantes sont proposées. Ça aussi, il y a pas mal de sévérité, j'en conviens. Le retrait immédiat du permis de conduire par le policier et, surtout, M. le Président, ça va faire mal, on en est bien conscient, la saisie du véhicule pour une durée de 30 jours dans les cas où la personne conduit alors que son permis a été suspendu ou révoqué pour les motifs suivants: accumulation de points d'inaptitude; reconnaissance de culpabilité pour conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool ou non-paiement d'une amende à condition qu'il s'agisse d'un cas de récidive; levée des suspensions additionnelles figurant déjà au dossier du conducteur; et, enfin, l'autorisation par la Société de l'assurance automobile du Québec de communiquer à toute personne des renseignements sur la validité d'un permis de conduire.

Parce qu'il pourra arriver, dans certains cas, que le conducteur n'est pas propriétaire du véhicule. Le véhicule va être saisi quand même. Là, le propriétaire, s'il veut le récupérer, devra faire une démarche devant un juge de la Cour du Québec pour récupérer son véhicule. Alors, ça veut dire que, avant de prêter son véhicule, le propriétaire d'un véhicule devra y penser à deux fois, puis savoir vraiment à qui il le prête et que celui à qui il le prête, il a son permis valide. Ça va inciter à beaucoup de vigilance et de prudence.

C'est très dur, c'est très sévère, mais je pense que c'est la seule façon de réduire le taux de conduite durant sanction. Je suis convaincu, moi, d'une chose, M. le Président, à partir du moment où, ça, ça va entrer en vigueur, quand, à travers le Québec, il y aura un certain nombre de saisies de véhicules qui auront eu lieu – pendant un mois, plus de véhicule – ça va avoir un effet incitatif extraordinaire, ça va avoir un effet pédagogique extraordinaire et ça va avoir pour effet, donc, de réduire considérablement le taux de conduite durant sanction.

Encore là, nous nous sommes... Nous n'innovons pas non plus, je dois le dire, M. le Président, puisque nous nous sommes inspirés de dispositions similaires légales qui ont fait leurs preuves ailleurs. La saisie des véhicules durant sanction, c'est déjà en vigueur, actuellement, dans 10 États américains et dans deux provinces canadiennes, Manitoba et Alberta. Donc, on n'innove pas, et, par conséquent, il y a deux provinces canadiennes qui l'ont mise en application et on n'a pas, jusqu'à maintenant, contesté la validité constitutionnelle, en vertu des chartes, de ces dispositions. L'introduction de ces mesures vise évidemment à dissuader les conducteurs de conduire alors que leur permis fait l'objet d'une suspension ou d'une révocation. Nous voulons ainsi renforcer la prévention routière que constituent les sanctions rattachées au permis de conduire.

Il y a aussi, enfin, d'autres ajustements proposés au Code de la sécurité routière; je voudrais en parler quelque peu. Ce projet de loi présente un certain nombre de dispositions qui visent soit à améliorer l'efficacité des interventions de la Société de l'assurance automobile et des services policiers, soit à abolir certaines obligations qui sont imposées aux usagers de la route ou à certains groupes particuliers. Les principaux changements proposés concernent, par exemple, les dispositions relatives au permis de conduire délivré par une autre administration. Nous proposons d'enlever l'obligation de réussir un examen de compétence pour le titulaire d'un permis délivré à l'extérieur du Canada qui démontre avoir été antérieurement titulaire d'un permis délivré au Québec. Ces personnes seraient ainsi libérées d'une tracasserie dont l'utilité pour la sécurité routière n'a pas pu vraiment être démontrée.

Les dispositions relatives aux commerçants et aux recycleurs de véhicules routiers, pour mieux les adapter. Il y a des dispositions là-dedans aussi pour mieux adapter le recyclage de véhicules routiers au contexte actuel et régler différentes difficultés d'application. Ainsi, le permis de vente publique sera aboli, entre autres.

Les dispositions relatives au système de points d'inaptitude imputés aux transporteurs routiers – c'est l'industrie du camionnage – celles-ci, ces dispositions, seront abrogées et remplacées par un système administratif de suivi des transporteurs qui est articulé autour de la notion de cote de sécurité.

Cette notion de cote de sécurité, qui est présentement en voie de développement – on est en train de la fignoler, de la mettre au point à l'échelle nord-américaine – tient compte de l'ensemble du dossier de chaque transporteur au plan des accidents et des infractions. On attribue une cote à un transporteur en fonction du nombre d'accidents et du nombre d'infractions commises concernant ses véhicules et ses conducteurs, ses chauffeurs. Beaucoup plus souple d'application, elle réussira mieux que le règlement actuel à distinguer les transporteurs sécuritaires et ceux qui représentent un risque sur la route. Ce nouveau système sera plus équitable, puisqu'il tiendra compte de la taille et du secteur d'activité de chaque transporteur routier. Ça va faire l'affaire des transporteurs routiers. Ils ont évidemment été consultés à cet effet.

Il y a aussi des dispositions relatives à la vérification mécanique obligatoire des véhicules lourds. Nous visons à favoriser le recours à l'entretien préventif systématique en remplacement de l'inspection annuelle obligatoire. C'est-à-dire, un transporteur, s'il met en oeuvre dans son entreprise un programme, un système d'entretien préventif de ses véhicules, il sera à ce moment-là dispensé de l'inspection annuelle obligatoire. Nous croyons de la sorte encourager les transporteurs à s'assurer du bon état mécanique continu de leurs véhicules, pas uniquement au moment de l'inspection annuelle, plutôt que justement à l'occasion de cette inspection annuelle. Tout en augmentant la sécurité du transport lourd, ce changement aura pour effet d'abolir l'échange d'un volume de paperasse important entre les transporteurs routiers et la Société de l'assurance automobile.

Il y a également des dispositions relatives aux rapports d'accidents en vue de remplacer le seuil actuel de 500 $ à partir duquel un tel rapport est obligatoire. Ce qui fait qu'il y a un grand nombre de rapports d'accidents faits par les policiers – puis ça c'est de la paperasse – qui, en réalité, n'ont pas d'utilité. On sait qu'aujourd'hui les dommages matériels de plus de 500 $... Ça ne prend pas un gros accident pour dépasser 500 $, vous le savez très bien, M. le Président, on va vite dans les 1 500 $, 2 000 $, puis l'accident, les dommages matériels ne sont quand même pas considérables. Donc, ça veut dire qu'il y a un grand nombre de rapports policiers qui étaient faits et qui n'avaient aucun lien réel avec la sécurité routière.

Là on va remplacer l'obligation d'établir un rapport par des critères qui sont reliés plutôt à la sécurité routière. Des critères objectifs. Par exemple, le rapport d'accident sera obligatoire lorsqu'il y a présence de blessés. Il y a des blessés: rapport obligatoire. Ou lorsqu'il y a impossibilité pour le véhicule de reprendre la route. Donc, l'accident est assez grave, le véhicule ne peut plus reprendre la route. C'est ce genre de critères qu'on va instaurer à partir duquel un rapport de police, un rapport d'accident sera obligatoire ou non.

Les dispositions relatives aux ententes de réciprocité en matière de permis de conduire et d'immatriculation de façon à permettre à la Société de l'assurance automobile de conclure elle-même de telles ententes, et ce, de manière à éviter les délais considérables actuellement nécessaires pour obtenir toutes les approbations requises de la part du gouvernement. Il faut passer par un décret du Conseil des ministres; c'est très long, très laborieux. On permettrait à la Société de négocier et de conclure elle-même des ententes de réciprocité avec différentes administrations avoisinantes.

L'abrogation des avertissements de 48 heures – fini – et le remplacement par une procédure administrative plus simple, permettant à l'agent de la paix d'émettre un billet de courtoisie.

Les dispositions diverses aussi concernant la conduite de bicyclettes, l'aménagement de pistes cyclables, la délivrance de certificats de compétences temporaires pour la conduite de véhicules scolaires, on retrouve ça également dans ce projet de loi. Puis il y a un certain nombre d'autres dispositions de nature technique et de concordance qu'on verra évidemment surtout en commission parlementaire. Il n'y a pas lieu d'en parler au moment de l'adoption du principe.

M. le Président, les mesures introduites par ce projet de loi vont avoir un impact important pour améliorer le bilan routier du Québec, puis réduire ainsi les coûts humains et économiques qui en découlent. C'est ça qu'on vise – c'est important de se le rappeler constamment – qu'il y ait moins de morts sur nos routes, moins de blessés graves dans des accidents routiers. C'est ça, l'objectif. Donc, moins de souffrances et moins de douleurs humaines.

(11 h 50)

Par exemple, en ce qui a trait à l'accès graduel à la conduite, j'aimerais souligner que les jeunes conducteurs ont huit fois moins d'accidents comme apprentis conducteurs, même quand ça dure juste trois mois, que durant la période probatoire qui suit immédiatement après, c'est-à-dire au moment où ils peuvent conduire sans accompagnateur. Huit fois moins quand ils sont accompagnés. Donc, l'allongement de trois à 12 mois de la durée de la période obligatoire de détention d'un permis d'apprenti devrait réduire sensiblement, on en est convaincu, le bilan routier des nouveaux conducteurs.

Par ailleurs, comme je le mentionnais précédemment, les mesures touchant la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool visent à contrer, par la rééducation et le traitement médical, un phénomène qui est à l'origine de près de la moitié des accidents mortels. Nous croyons ainsi être en mesure de réduire de façon très sensible, significative, le phénomène de la récidive en matière de conduite avec facultés affaiblies.

Enfin, la menace de sanctions sévères et immédiates telles que la saisie sur le champ du véhicule sera de nature à réduire la conduite durant sanction et améliorera ainsi grandement la crédibilité et l'impact des contrôles effectués par les services policiers.

Au total, en nous basant sur l'efficacité attendue des mesures proposées en rapport avec ces trois défis majeurs et en tenant compte des coûts moyens d'indemnisation de la Société de l'assurance automobile du Québec, nous devrions en arriver à réduire de plus de 10 % le nombre de décès sur nos routes, de plus de 7 % le nombre de blessés graves et de près de 5 % le nombre de blessés légers résultant d'accidents de la route. Encore une fois, c'est des statistiques. Ça peut apparaître froid, mais, derrière ces statistiques, je le répète, c'est des personnes humaines, c'est des enfants, c'est des êtres humains qui meurent sur nos routes à la suite d'accidents ou qui demeurent handicapés pendant tout le reste de leur vie. C'est ça qu'il y a derrière ces statistiques. Donc, aussi, une réduction annuelle, forcément, d'à peu près 40 000 000 $ en frais d'indemnisation des victimes de la route. Ces chiffres ne donnent qu'une idée minimale des bénéfices attachés à ces mesures, puisqu'il faudrait y ajouter aussi la réduction des dommages matériels aux véhicules et à la propriété.

J'ajoute aussi, M. le Président, que tout ça doit être également combiné à la poursuite de campagnes de promotion, d'éducation, de sensibilisation; doit être aussi combiné au travail des policiers, au travail de contrôle des services policiers. C'est la combinaison de ces mesures qui devrait nous permettre d'atteindre nos objectifs en matière de réduction du bilan routier. Il faudrait aussi tenir compte du fait qu'un moins grand nombre d'accidents se traduira par des pertes économiques moindres par le simple fait, par exemple, qu'il y aura moins de journées de travail perdues.

Bien sûr, les chiffres que je viens de présenter, si imposants soient-ils, ne reflètent en rien le bénéfice rattaché à la réduction, encore une fois, comme je le disais tantôt, des souffrances physiques et morales associées aux tragédies routières. Aussi, la rentabilité des mesures que je propose dans ce projet de modification au Code de la sécurité routière ne fait pas de doute si l'on considère qu'elles n'entraîneront que des déboursés minimes en comparaison des bénéfices de tout ordre qui en résulteront.

Plusieurs autres impacts sont à prévoir du fait de l'implantation de ces différentes mesures législatives, et ce, tant pour la Société de l'assurance automobile, les services policiers que pour la population en général ou certains groupes particuliers, comme les transporteurs routiers, les commerçants ou les recycleurs de véhicules. Ces impacts s'inscrivent particulièrement bien dans la volonté du gouvernement de simplifier, d'alléger l'administration dans un souci, bien sûr, d'équilibre budgétaire et de réduction aussi des formalités qu'on impose aux diverses clientèles.

Ainsi, les nouvelles dispositions concernant l'entretien préventif des véhicules lourds ou le suivi de la performance des transporteurs au plan des accidents et des infractions vont permettre également d'alléger les fardeaux administratifs de la Société et des transporteurs, mais vont aussi faire appel à une plus grande responsabilisation des transporteurs pour qu'ils s'assurent eux-mêmes, à tout moment de l'année, de la sécurité de leurs opérations.

Par ailleurs, l'allégement des règles en matière de vérification mécanique, d'entente de réciprocité, d'échange de permis et d'immatriculation, d'élaboration de rapports d'accidents, d'avis de 48 heures, tout ça est de nature à assouplir substantiellement les processus administratifs et à faciliter l'évolution de la réglementation.

Selon l'expérience des autres provinces, on peut croire qu'une forte proportion, vraisemblablement plus de 80 %, d'apprentis conducteurs vont continuer de s'inscrire à des cours de conduite. C'est ce qui se passe ailleurs en Amérique du Nord. Je pense même que ce sera plus de 80 %, ça va frôler les 90 % – moi, j'en suis convaincu – à partir du moment où il y a ce crédit de quatre mois qu'on inclut dans le projet de loi.

Cependant, puisqu'ils le feront de leur propre chef, c'est librement qu'ils le feront, ils tiendront à en avoir pour leur argent et ils exigeront que les cours qui leur sont offerts correspondent vraiment à leurs besoins d'apprentissage particuliers. Dans ce cas, le gouvernement propose donc d'abolir une obligation qui avait pour effet d'amener les nouveaux conducteurs à défrayer plus de 40 000 000 $ sans impact vérifiable sur la sécurité routière et nous laisserons une relation d'affaires véritable s'établir entre l'industrie des écoles de conduite et sa clientèle.

Les mesures proposées ont fait l'objet de consultations nombreuses avec les divers partenaires gouvernementaux concernés, avec les services policiers, avec les principaux partenaires privés et communautaires et ont fait l'objet d'un accord généralisé quant à leur bien-fondé. On peut dire que tout cela repose sur de très larges consensus. De même, certaines enquêtes d'opinion, de nombreux témoignages reçus depuis, entre autres, qu'on a rendu publiques ces mesures-là sont à l'effet qu'elles reçoivent, pour la plupart d'entre elles, un large assentiment dans la population. Mais, cependant, compte tenu de l'ampleur de la réforme proposée, parce que ce n'est pas banal, ce n'est pas marginal non plus comme modifications, il ne fait pas de doute qu'une démarche complémentaire de consultation et de concertation particulière s'impose.

Nous sommes conscients que, dans le contexte actuel, nous ne pouvons atteindre de résultats notables en sécurité routière qu'en autant que nos mesures reposent sur un large consensus social et une collaboration efficace de l'ensemble des partenaires publics et privés concernés. Nous sommes convaincus, à la lumière de notre expérience et de nos connaissances, que les mesures proposées vont dans la bonne direction. Toutefois, nous demeurons ouverts aux suggestions susceptibles d'améliorer le contenu du projet de loi. C'est pourquoi il y aura, avant l'étude détaillée, une consultation générale, que nous annoncerons après ce débat d'adoption de principe. Alors, selon les résultats de cette consultation qui aura lieu, des ajustements pourraient être apportés au projet de loi et introduits en vue de son étude détaillée en commission parlementaire.

Je conclus, M. le Président. La réforme proposée par ce projet de modifications au Code de la sécurité routière vise à recibler nos interventions pour nous attaquer en priorité aux groupes les plus à risque en vue de les amener à améliorer leur comportement sur la route. Je le répète depuis plusieurs fois, mais je pense que c'est important de le rappeler, c'est ça, l'objectif. Les changements proposés devraient permettre d'améliorer substantiellement le bilan routier et ainsi réduire la progression des coûts d'indemnisation des victimes de la route tout en simplifiant les procédures administratives au bénéfice des usagers et des contribuables. Au total, M. le Président, j'ai la ferme conviction que ce train de mesures, que cet ensemble d'amendements maintiendra le Québec parmi les meilleures administrations en Amérique du Nord et au niveau mondial en ce qui a trait à la protection de sa population contre les risques inhérents à l'usage de la route. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Transports. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Pontiac. M. le député.


M. Robert Middlemiss

M. Middlemiss: Merci, M. le Président. C'est bien sûr avec intérêt que je prends la parole dans le cadre du débat entourant l'adoption du principe du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

En effet, M. le Président, ce projet de loi présenté par le ministre des Transports le 8 mai dernier est fort important. Présentant 130 articles, il modifie tout d'abord une pièce législative majeure: le Code de la sécurité routière, dont les 676 articles qui en font partie visent à assurer la sécurité sur les routes du Québec. Comme l'indiquait le ministre, c'est un code qui existe depuis 1986, et il est tout à fait normal que, 10 ans plus tard, on doive y apporter des révisions.

(12 heures)

Ce projet de loi, M. le Président, que nous avons devant nous tire dans plusieurs sens: un, la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool, la saisie d'un véhicule pour conduite durant sanction, l'accès graduel à la conduite pour les nouveaux conducteurs, les programmes d'entretien préventif et l'établissement d'une cote de sécurité pour les transporteurs routiers, les avertissements de 48 heures, les dispositifs de sécurité pour les enfants de moins de cinq ans, le seuil pour la production obligatoire d'un rapport d'accident, l'échange de renseignements et les ententes de réciprocité, l'installation de pellicules assombrissantes sur les vitres avant. Il est vrai, M. le Président, qu'avec le temps et l'évolution des comportements il y a lieu d'ajuster, voire même de changer certaines dispositions du Code de la sécurité routière. Nous y reviendrons, d'ailleurs, abondamment à l'étude détaillée de ce projet de loi.

M. le Président, c'est certain qu'après les coupures de plus de 200 000 000 $ effectuées par le gouvernement Bouchard sur notre réseau routier...

Une voix: ...

M. Middlemiss: ...il est opportun de revoir certaines modalités du Code, et ce, dans le souci d'accroître la sécurité des usagers de la route.

M. le Président, j'ai entendu le député de Lac-Saint-Jean faire des commentaires. Pendant 10 minutes, M. le Président, j'ai accepté de continuer à faire ce projet de loi sans avoir eu le quorum...

M. Brassard: Question de règlement.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre des Transports, sur une question de règlement. M. le ministre des Transports.

M. Brassard: Je veux écouter attentivement le député de Pontiac, il a sûrement des choses intéressantes à dire, mais qu'il le fasse dans le respect du règlement. L'opposition a pris l'habitude, en parlant du gouvernement, d'utiliser le nom du premier ministre. C'est le gouvernement du Québec. C'est ça, l'expression qu'on doit utiliser en cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Effectivement, d'ailleurs, la question a été soulevée pendant la période de questions par le Président, et il faudrait prendre cette habitude. Ça fait quelque temps qu'on a introduit cette habitude de désigner le nom du gouvernement par le nom du premier ministre, et vous savez que les règles ne le permettent pas. On laisse passer une fois ou deux, mais, quand on voit que c'est un peu plus régulier, il serait peut-être temps de corriger cette habitude avant qu'elle ne devienne invétérée. M. le député de Pontiac.

M. Middlemiss: Oui, M. le Président, et aussi le règlement dit bien, pour une pièce aussi importante que ça, qu'il faut avoir quorum dans l'Assemblée nationale, au salon bleu, pour discuter de ces choses-là, M. le Président. C'est exactement ça que j'indiquais.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le quorum, nous l'avons actuellement. Depuis le début que vous avez pris la parole, nous avons eu quorum. Alors, vous avez la parole.

M. Middlemiss: D'accord, M. le Président, sauf que, pendant les premières 10 minutes, je n'ai pas dérangé le ministre puis il n'y avait pas quorum. C'est ça que je veux vous dire, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de Pontiac, c'est sur une question de règlement qui était fondée. Alors, ce n'est pas sur le contenu de ce que vous dites. Je crois que vous avez le droit d'exprimer vos opinions et votre point de vue comme vous l'entendez, mais, sur un point de règlement, sur le fait de désigner le gouvernement par le nom du premier ministre, ça va contre nos règlements. Alors, il ne faut pas mêler les choses. Je vous cède la parole.

M. Middlemiss: Remerci, M. le Président. À la lecture de ce projet, on constate que les mesures proposées touchent l'ensemble des utilisateurs des routes du Québec, soit les automobilistes et leurs passagers, les motocyclistes, les cyclistes, les camionneurs, les chauffeurs de taxi ou de véhicules d'urgence, les vendeurs de l'un ou l'autre des moyens de transport, les policiers, les recycleurs de pièces d'automobiles et les assureurs.

M. le Président, à une question posée le 10 juin dernier au ministre des Transports où je lui demandais pourquoi il n'avait pas cru bon d'inviter les groupes représentant les jeunes dans le cadre des consultations annoncées, le ministre des Transports a répondu: Bien, là, on y pense puis ils vont pouvoir venir. Pourtant, M. le Président, il y a à peine 15 minutes, le ministre indiquait qu'il y avait des changements importants au Code de la sécurité routière, et le groupe qui va être le plus touché, c'est les jeunes. Et je tiens à préciser que l'opposition officielle a reçu, après le dépôt du projet de loi n° 12, une liste d'environ une trentaine de groupes que le gouvernement conviait lors de consultations particulières, mais, parmi les grands absents, on y retrouvait les groupes de jeunes.

Je suis totalement d'accord, M. le Président, qu'on a des changements à faire, mais il me semble que la décence même, ça aurait été de penser que les gens qui vont être les plus touchés par ces changements doivent avoir la facilité de venir exprimer leur point de vue. Cet oubli est inacceptable, puisque les jeunes sont grandement concernés par ce projet de loi qui établit un taux d'alcoolémie de 0 %, l'allongement de la période d'apprenti conducteur et une diminution de leurs points d'inaptitude. Les personnes concernées, M. le Président, c'est important qu'elles puissent au moins exprimer leur point de vue.

Je me réjouis toutefois, M. le Président, du fait que, suite à l'intervention de l'opposition officielle en cette Assemblée, le ministre des Transports ait accepté de tenir des consultations générales sur cet important projet de loi. Oui, M. le Président. Sauf que, M. le Président, il me semble que, la vérité, elle a sa place. Et tout ce que j'essayais de démontrer, M. le Président, il me semble que ça aurait été... Le groupe le plus important à inviter à la consultation aurait certainement été les jeunes. Heureusement, on a corrigé le tir. Tant mieux. Tant mieux, M. le Président.

Et je dois vous dire, M. le Président, que ces consultations sont essentielles. En conséquence, je demande au ministre des Transports d'y participer avec un esprit d'écoute et d'ouverture envers les points de vue de ceux et de celles qui seront directement touchés par les modifications proposées. Tout comme moi, le ministre des Transports a sans doute reçu du Protecteur du citoyen une lettre de quatre pages sur le projet de loi n° 12, et permettez-moi d'en citer un extrait, M. le Président:

«Dans un premier temps, il nous faut souligner qu'il nous a été difficile de saisir toute la portée de ce projet de loi sur les citoyens sans connaître les règlements qui permettront l'application des modifications qu'il propose. En effet, le projet de loi contient nombre de dispositions qui réfèrent aux cas, aux règles, aux normes, aux conditions, aux catégories, aux renseignements ou aux frais prévus par règlement. Or, c'est tout particulièrement dans ces moyens d'application du Code que pourraient résider des sources d'iniquité, des irritants ou même des atteintes à des droits fondamentaux pour les citoyens.»

De son côté, M. le Président, l'opposition officielle s'engage à lire et à écouter les représentations de chaque groupe, et ce, afin de mieux comprendre les tenants et les aboutissants qui sous-tendent le projet de loi n° 12. Cette façon de faire ne poursuit qu'un seul objectif: faciliter l'étude article par article l'automne prochain.

Par ailleurs, le ministre a annoncé qu'à cette même occasion les parlementaires pourront entendre et échanger avec différents groupes sur deux autres sujets d'importance: le virage à droite sur feu rouge et le port de casques en vélo. L'opposition officielle estime important que ces deux sujets fassent aujourd'hui l'objet d'un débat et est d'avis que l'ouverture du Code de la sécurité routière représente la meilleure occasion de le faire.

Toutefois, elle déplore que le ministre des Transports n'ait pas ouvert la porte à une discussion sur la pratique du patin à roues alignées. Cette activité, M. le Président, comme vous le savez, qui connaît une hausse de popularité de 300 %, est malheureusement souvent la cause d'accidents. Pratiquée par des milliers de jeunes, comme de moins jeunes, elle aurait mérité qu'on s'y attarde. Il n'est jamais trop tard, M. le Président.

Bien sûr, nous ne pouvons être contre la vertu et, en ce sens, nous ne pouvons qu'endosser toute mesure visant à mieux cibler le fléau qu'est l'alcool au volant. Mais, avant toute chose, nous nous devons d'entendre les représentants de ceux et celles qui seront touchés par ces nouvelles dispositions.

(12 h 10)

On le sait, le nombre d'accidents sur les routes impliquant une surconsommation d'alcool est très important. Au Québec, à chaque année, l'alcool fait plus de 400 morts et 7 500 blessés sur nos routes. Ces statistiques nous font tous frémir, que l'on soit d'un côté ou de l'autre de cette Assemblée. La réalité est telle qu'en termes de décès l'alcool représente – et je vais répéter l'exemple du ministre – autant de morts qu'un Boeing 747 rempli qui s'écraserait chaque année au Québec. Et je pense que c'est réellement, M. le Président, très bien, très bien imagé, cet exemple.

Comme on dit, un seul accident de la route avec décès relié à l'alcool en est un de trop. Comment contrer ce fléau, M. le Président? Est-ce en adoptant les dispositions contenues dans le projet de loi n° 12? Une chose est sûre, c'est qu'avant que de nouvelles dispositions à ce chapitre deviennent force de loi des questions doivent être posées et des réponses doivent être données.

En ce qui a trait à l'accès graduel à la conduite pour les nouveaux conducteurs, le même principe nous anime. Comment être contre la vertu? Toutefois, de sérieuses interrogations se posent sur les orientations proposées par le gouvernement, dont celle sur l'abolition des cours de conduite. Même si le ministre assume que 90 % des gens vont continuer à prendre des cours de conduite, on n'est pas certain. Là où je suis d'accord avec le ministre, toutefois, M. le Président, c'est que je crois qu'on devrait améliorer les cours, donner un peu plus d'éducation qui aurait comme conséquence, peut-être, que les jeunes conducteurs atteignent la maturité de conduire un peu plus tôt et qu'on pourra, par l'éducation, par la publicité, réduire le nombre d'accidents et pas seulement par la coercition.

Le questionnement et des éclaircissements aussi sont appropriés en ce qui touche notamment les programmes d'entretien préventif, l'échange de renseignements, les pellicules assombrissantes. C'est avec toute la collaboration requise que l'opposition officielle effectue l'étude de ce projet de loi. C'est de façon constructive qu'elle alimente les discussions et qu'elle proposera des améliorations au projet de loi qui est présenté aux membres de cette Assemblée, et ce, après avoir entendu les groupes qui, de près ou de loin, sont touchés par les amendements gouvernementaux.

M. le Président, en terminant, nous ne pouvons être contre un projet de loi dont le principe directeur est d'accroître le niveau de sécurité sur nos routes. Toutefois, notre assentiment final ne pourra être consenti sans des éclaircissements préalables et, dans certains cas, des modifications aux dispositions proposées par le gouvernement.

Et j'espère, M. le Président, qu'au moment des consultations on pourra ouvrir la discussion de façon à chercher à réduire le besoin de la coercition, pour atteindre l'objectif visé: la réduction d'accidents, de pertes de vie, de pertes matérielles, de pertes d'usage de membres, M. le Président, pour qu'on puisse respecter... S'il y a un problème de comportement de la part des plus jeunes ou des nouveaux conducteurs, il me semble, M. le Président, qu'on devrait, au lieu d'avoir une coercition, chercher... si c'est le seul objectif, d'accord, mais chercher d'autres moyens de faire réaliser à ces gens que c'est bien important. Il y a peut-être certaines périodes de l'année où, au niveau des jeunes, il y a plus d'accidents reliés peut-être à des événements de graduation, de reprise des écoles. Peut-être, comme l'indiquait tantôt, M. le Président, le ministre, on pourra accentuer la publicité, donner une meilleure éducation. Et c'est peut-être à même les cours de conduite ou d'autres façons qu'on pourra sensibiliser nos plus jeunes de notre société, la relève de demain, aux conséquences graves des accidents sur nos routes.

Donc, M. le Président, il y va de la sécurité des usagers de la route, il y va de nos vies et de celle de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Sur ça, M. le Président, je vous remercie, et c'est avec anxiété que nous attendrons la commission parlementaire à l'automne.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Pontiac. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Rimouski. Mme la députée.


Mme Solange Charest

Mme Charest: Merci, M. le Président. J'ai vraiment plaisir aujourd'hui à intervenir sur le projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Le projet de loi modifiant le fameux Code de la sécurité routière, présenté par le ministre des Transports du Québec et ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, je pense, vient mieux cibler et adapter de façon plus précise les actions à venir en sécurité routière.

Les modifications qui sont proposées au Code de la route, comme tel, par ce projet de loi concernent avant tout l'accès graduel à la conduite des véhicules routiers par les nouveaux titulaires de permis. Il s'agit également de la conduite avec facultés affaiblies, de la conduite sans permis qui est valide, qui est en vigueur, et, là-dessus, ça rejoint trois problèmes majeurs qui ont été identifiés comme faisant obstacle à l'amélioration du bilan routier au Québec.

Mais, avant d'aborder les modifications qui sont proposées par le projet de loi, j'aimerais rappeler certains éléments de base qui sont essentiels pour qu'on puisse mieux comprendre comment surviennent les accidents de la route et les nombreuses victimes de la route qui y sont reliées.

En premier lieu, je voudrais rappeler que le problème des accidents de la route, ce n'est pas dû à la fatalité ou à un malheur qui devait arriver et qui est arrivé, ou, dans certains cas, à la main de Dieu. Au contraire, c'est qu'il y a des facteurs de risque qui interviennent, qui interagissent à un moment donné et qui occasionnent la survenue comme telle d'un accident de la route.

Je commencerai par vous parler des facteurs mécaniques. Parce qu'il y a quatre types de facteurs: il y a les facteurs mécaniques, les facteurs d'environnements physiques, les facteurs d'environnements sociaux et les facteurs de comportement humain, les facteurs humains.

En regard des facteurs mécaniques, il est bon de rappeler que le type de véhicule moteur et son état mécanique jouent un rôle majeur dans la gravité des accidents qui surviennent sur le réseau routier. Il y a également toute la question de l'absence ou de la présence d'équipements de sécurité. Est-ce que les freins, les pneus, le système de lumières sont adéquats ou pas? Ce sont là quelques exemples de facteurs mécaniques qui jouent un rôle majeur dans la survenue d'un accident.

Si je vous parle des facteurs d'environnements physiques, je fais référence comme tel au réseau routier sur lequel nous circulons avec nos véhicules moteur. La conception du réseau routier joue un rôle également dans la survenue des accidents. La nature et l'état de la chaussée sont également partie de ce problème: l'éclairage, le marquage, la signalisation sont tous des facteurs qu'on appelle d'environnements physiques et qui, à un moment ou à l'autre, peuvent jouer un rôle dans la survenue d'un accident.

Quand on s'attaque au problème des facteurs d'environnements sociaux, on fait surtout référence aux lois en vigueur qui régissent à la fois les normes de construction, les normes de comportement et ce qui est acceptable ou inacceptable en termes de normes sociales par rapport à certains éléments qui sont reliés à la conduite d'un véhicule moteur sur les réseaux routiers.

Je parle également du contexte économique, parce qu'il est bien connu que, lorsque le contexte économique est très favorable, l'augmentation du bilan routier est également proportionnelle à l'augmentation, je dirais, de la croissance économique, parce, que plus on a des sous, plus on circule; plus on fait de kilométrage, plus on devient à risque d'accident.

(12 h 20)

Et, naturellement, un autre type de facteurs, une autre catégorie de facteurs qui interviennent dans la survenue d'un accident, il s'agit des facteurs humains. Ceux-là, on en parle souvent, il s'agit de l'âge et du sexe.

Oui, c'est vrai, l'âge est un facteur important, qui influence le taux et la gravité des accidents. Naturellement, il y a l'alcool au volant, il y a les excès de vitesse et ce qu'on appellerait, en quelque sorte, tout autre type de comportements téméraires, intrépides, qui sont en quelque sorte déviants du Code de la route comme tel.

M. le Président, je pense qu'il est important de vous souligner que le projet de loi vise donc à modifier les comportements et les attitudes de clientèles à risque. Dans le fond, ce projet de loi n° 12, il veut corriger trois problèmes majeurs en sécurité routière, c'est-à-dire: la surreprésentation des jeunes, des jeunes, entre autres, de 16 ans à 24 ans, qui, d'année en année, dans le bilan routier du Québec, sont surreprésentés; et également celui des nouveaux conducteurs, parce que les nouveaux conducteurs sont aussi très, très présents dans le bilan routier – malgré sa bonne volonté, lorsqu'on arrive comme conducteur, on n'a pas nécessairement l'expérience qui fait qu'on peut peut-être, dans certains cas, éviter bien des accidents – il y a également le fameux problème de la conduite avec les facultés affaiblies et la conduite sans permis valide comme tel.

Je vais vous parler surtout des facteurs qui ont trait à l'accès graduel à la conduite. Je pense que là-dessus il est bon de rappeler qu'il y a de nombreuses études scientifiques qui ont été réalisées tant au Canada, au Québec, qu'ailleurs en Amérique du Nord et en Europe, qui démontrent hors de tout doute que les nouveaux conducteurs sont toujours surreprésentés dans les accidents et dans les infractions au Code de la route. Il faut se rappeler que ces conducteurs représentent 81 %... Je m'excuse, je me suis trompée, ce n'est pas 81 %. Les jeunes conducteurs de 16 ans à 24 ans représentent 81 % des nouveaux conducteurs et c'est eux qui sont le plus souvent présents dans les accidents routiers.

Vous allez me dire: Pourquoi les conducteurs de 25 ans et plus sont moins représentés que d'autres? Bien, on a pu constater, à partir d'études sérieuses, qu'après un an d'expérience, les conducteurs de 25 ans et plus ont un taux d'accidents comparable à celui des conducteurs du même âge ayant plus d'expérience de conduite. Et, ça, je pense qu'il faut le rappeler, les jeunes conducteurs, eux, conservent un taux d'accidents beaucoup plus élevé, significativement plus élevé, durant leurs trois premières années de conduite. Ils représentent 23 % des conducteurs impliqués dans des accidents avec des dommages corporels, c'est-à-dire avec des blessures, des blessures graves, des blessures légères, alors qu'ils ne comptent que pour 13 % de l'ensemble des titulaires de permis de conduire.

Vous savez, au cours des années passées au Québec, on avait instauré le système du cours de conduite obligatoire. Certaines études nous ont démontré que, malgré l'impact positif des cours de conduite sur l'acquisition de nouvelles connaissances et sur le développement de certaines habiletés, ça n'avait pas comme tel d'impact sur, je dirais, l'expérience de conduite. Ce que ça faisait comme effet, c'était d'amener sur le réseau routier une foule de nouveaux conducteurs ayant suivi un cours de conduite, mais n'ayant pas nécessairement une expérience suffisante pour éviter un nombre d'accidents. Il faut se rappeler qu'à cet âge, entre 16 et 24 ans, c'est beaucoup plus à la fois la prise de risque et le manque d'expérience des nouveaux conducteurs qui sont responsables, je dirais, de la surreprésentation des jeunes dans les accidents qui surviennent sur le réseau routier.

Mais, pour contrer cette tendance, pour essayer de diminuer le bilan routier chez les jeunes conducteurs, les mesures qui sont proposées dans le projet de loi n° 12 vont nous permettre, je pense, de diminuer de façon significative le taux d'accidents chez cette clientèle. Il suffit de dire que la nouvelle approche qui va permettre d'accéder à la conduite de façon graduelle est proposée pour les nouveaux conducteurs de classe 5, c'est-à-dire ceux qui ont un permis de conduire de promenade, et pour la classe 6, ceux qui ont un permis de conduire pour la moto. Alors, l'allongement à 12 mois de la durée du permis d'apprenti conducteur avec la possibilité de l'écourter à huit mois si la personne a suivi un cours de conduite auprès d'une école reconnue par la Société de l'assurance automobile du Québec est une mesure qui va nous permettre, entre autres, d'améliorer en quelque sorte à la fois les connaissances et l'expérience des jeunes apprentis conducteurs.

L'obligation pour l'apprenti conducteur d'être accompagné par une personne qui est titulaire d'un permis de conduire de la classe appropriée depuis au moins deux ans va permettre de faire bénéficier l'apprenti conducteur de l'expérience d'une personne qui pourra l'épauler et lui suggérer des façons de pouvoir éviter certaines situations à risque. Et je pense que, là-dessus, l'accès graduel à la conduite va favoriser un libre choix aussi dans les moyens d'acquérir des connaissances et des habiletés requises pour un tout nouveau conducteur qui veut prendre la route au Québec en toute sécurité. Ainsi, les cours de conduite pratiques vont devenir facultatifs, comme c'est beaucoup le cas dans d'autres cours de conduite théoriques, mais ils vont quand même demeurer des cours reconnus et ils vont permettre aux apprentis conducteurs de raccourcir leur période de probation, en quelque sorte.

Dans le fond, les mesures proposées pour améliorer l'accès, je dirais, au permis de conducteur pour les nouveaux arrivants vont leur permettre d'instaurer un cadre d'apprentissage beaucoup plus sécuritaire et qui va viser à réduire, en quelque sorte, la prise de risque. On pense que ces mesures vont susciter aussi chez les nouveaux apprentis conducteurs un développement de comportements beaucoup plus responsables et vont, de façon graduelle, amener chez les conducteurs de moins de 25 ans des comportements appropriés pour conduire les véhicules automobiles. Je pense que, là-dessus, M. le Président, l'accès graduel à la conduite se devait d'être mieux encadré, et ce que le projet de loi propose, ce sont des mesures qui, justement, vont nous permettre d'avoir ce meilleur encadrement.

Maintenant, j'aimerais aborder la question de toute la conduite avec facultés affaiblies. Vous savez, le problème de l'alcool au volant est un problème majeur pas seulement au Québec, mais partout dans les pays développés, et c'est un facteur qui est une des premières causes des accidents graves. C'est à l'origine de plus de 45 % des décès qui surviennent par accident de la route. C'est vrai qu'il y a eu, au cours des dernières années, des améliorations, mais, vous savez, quand on a encore un décès sur deux qui survient suite à un accident avec de l'alcool, il y a lieu d'encore resserrer les mesures pour contrer ce phénomène. L'alcool au volant est également responsable de 28 % des blessures graves et de 15 % des blessures légères. Et, ça, ça s'ajoute, je dirais, aux coûts économiques qui sont reliés aussi aux victimes de la route, parce que c'est près de 200 000 000 $ qui sont versés annuellement par la Société de l'assurance automobile à toutes ces victimes d'accident de la route où l'alcool était présent au moment de la survenue de l'accident.

(12 h 30)

C'est vrai que, depuis 1980, le pourcentage des conducteurs québécois ayant une alcoolémie de 0,08 ou plus la nuit – parce que c'est surtout la nuit que les accidents avec l'alcool surviennent – est passé de 5,9 % en 1981 à 3,6 % en 1986 et à 3,2 % en 1991. Vous allez nous dire qu'il y a eu là une grosse amélioration. C'est vrai, on ne le nie pas. Mais il faut se rappeler qu'il y a encore trop de gens au Québec qui meurent sur les routes dans un accident relié à l'alcool au volant qui aurait pu être évité. Et je pense que certaines interventions, comme l'Opération Nez rouge, deuxième conducteur, taxi aussi, le programme de taxi qui va reconduire chez lui le conducteur qui a pris un verre de trop et qui ne se sent pas capable de conduire et qui dépasse la limite légale, ont eu un impact sur le niveau de tolérance de la population vis-à-vis de la conduite avec facultés affaiblies, mais on a atteint un certain plafonnement par rapport à l'efficacité de ces interventions. Et ce plafonnement, je vous dirais qu'il est relié à trois facteurs, comme tel.

C'est que, lorsqu'on est arrêté pour facultés affaiblies, les délais sont vraiment trop longs avant la sanction administrative, c'est-à-dire la révocation du permis de conduire comme telle. Et ça, je pense qu'on ne peut plus le tolérer parce que ça crée un embourbement administratif dans la machine, et je pense que, là-dessus, ça engendre aussi le non-respect de la sanction par les personnes qui sont reconnues coupables parce qu'elles ont... Ah! ce n'est pas grave, j'ai pris un verre, je me suis fait arrêter, mais ça va prendre un an avant qu'on puisse me poursuivre et que je perde, effectivement, mon permis de conduire. Je pense que, là-dessus, il y avait également une absence de mesures pertinentes applicables à ceux qui, une fois, deux fois, trois fois, ont perdu leur permis de conduire avec, comme cause principale, les facultés affaiblies.

Alors je pense que les mesures qui sont proposées dans le projet de loi n° 12 à l'effet de suspendre immédiatement le permis dès que quelqu'un est trouvé en état d'ébriété – on parle d'une suspension de permis pour 15 jours lorsqu'il s'agit d'une première infraction et de 30 jours lorsqu'il s'agit d'une récidive – ça va favoriser un climat ou, enfin, un contexte où les gens vont croire que c'est vraiment sérieux, l'alcool au volant, et qu'on ne peut pas prendre de risques et qu'il faut absolument dissocier la conduite et la prise de l'alcool. Je pense que, là-dessus, cette mesure va venir renforcir cet état de fait.

Le retrait, également, du permis de conduire sur-le-champ, je pense que, ça, là, il faut y penser. Parce que le permis de conduire, pour de nombreuses personnes au Québec, c'est indispensable, au même titre que manger, je vous dirais. Vous savez, il suffit de se rappeler qu'au Québec de nombreuses régions à caractère rural n'ont même pas de système de transport en commun et que, pour le moindre déplacement, nous avons besoin de nos voitures. Donc, le permis est indispensable. Et si, pour une négligence ou un comportement déviant, nous perdons notre permis de conduire, ça a des conséquences incommensurables sur notre vie quotidienne, et je pense, entre autres, à la question de se rendre à notre travail, qui devient de plus en plus compliquée si, parce qu'on a pris de l'alcool au volant, on perd notre permis de conduire.

Vous savez, il faut rappeler aussi que, lors d'une première condamnation, ce que le projet de loi prévoit, c'est que le permis est révoqué, mais on peut le réobtenir selon des normes, et ces normes-là sont soit un écoulement d'une période de 12 mois et, s'il y a récidive, il faut aussi s'attendre à ce qu'on soit l'objet de mesures vraiment restrictives. Je pense, entre autres, à l'instauration du système antidémarrage qui va permettre au conducteur qui a déjà été trouvé coupable mais qui, je dirais, pour des raisons primordiales, doit conduire son véhicule, il va se voir installer dans son véhicule un système antidémarrage. Ce système-là est muni d'un dispositif qui va permettre de mesurer si le conducteur a de l'alcool dans l'haleine; si oui, la voiture ne démarrera pas et, sinon, le véhicule pourra démarrer. Je pense que cette possibilité va exister, au terme d'une période de 12 mois lorsqu'il y aura une première récidive et au bout de 18 mois s'il s'agit d'une deuxième récidive, de conduire un véhicule muni d'un dispositif qui va être agréé par la Société de l'assurance automobile, et ça va nous permettre de détecter si la personne a acquis, suite à la perte de son permis, de meilleures attitudes, de meilleurs comportements par rapport à la conduite avec facultés affaiblies.

M. le Président, j'avais préparé beaucoup plus long d'intervention sur tout le projet de loi, mais je pense que ce qu'il faut rappeler ici, c'est qu'il y a des problèmes majeurs pour qu'on puisse améliorer le bilan routier et que les mesures proposées dans le projet de loi ont fait l'objet de consultations des principaux partenaires reliés de près ou de loin à toute la question de la gestion du Code de la route et qu'elles ont reçu, de façon très généralisée, un accord et une approbation, parce qu'on pense qu'il faut faire quelque chose pour régler ce fameux problème. Et je pense que les bénéfices qui sont escomptés par l'application de ce projet de loi, c'est vraiment de réduire les coûts humains et économiques qui sont associés aux accidents et aux victimes de la route.

Les mesures qui vont être introduites dans ce projet de loi, j'aurais aimé vous en parler plus longuement et plus en détail. Je n'en ai abordé que deux, il y en a beaucoup plus que celles-là. Mais je pense que les mesures qui sont introduites par ce projet de loi auront un impact important à la fois pour améliorer le bilan routier du Québec et réduire les coûts humains, les coûts économiques qui en découlent.

Vous savez, il faut rappeler que, en ce qui a trait à l'accès graduel à la conduite, il faut souligner que les jeunes conducteurs ont huit fois moins d'accidents comme apprenti conducteur que durant la période probatoire qui suit immédiatement. Alors, je pense que les mesures qui seront instaurées par ce projet de loi vont nous permettre de faire des acquis au niveau du bilan routier. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Rimouski. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Hull. M. le député.


M. Robert LeSage

M. LeSage: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir aujourd'hui d'intervenir sur le projet de loi n° 12, soit la Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

M. le Président, le ministre nous a expliqué tantôt, lors de son allocution, quels étaient les tenants et aboutissants de ce projet de loi, et je pense qu'il l'a très bien fait. Il a également été épaulé par le député de Pontiac et critique au ministère des Transports qui, lui aussi, nous a expliqué très bien ce qu'il en était de ce projet de loi. Il a même mentionné qu'il ne pouvait être contre la vertu. Tout ce qui était pour améliorer les conditions des conducteurs d'automobile, tout ce qui était pour responsabiliser un peu plus les conducteurs, il ne pouvait s'y opposer. Et je suis convaincu que le ministre lui-même, s'il avait des amendements qui lui étaient proposés en commission parlementaire par le député de Pontiac et critique au ministère des Transports ou par d'autres parlementaires de cette Chambre, il accepterait volontiers de se prêter à l'exercice, au moins à l'étude de ces propositions pour améliorer son projet de loi.

M. le Président, j'aimerais vous faire remarquer que, dans l'Outaouais québécois – et je veux le signaler ici parce que je pense que c'est quand même important – les étudiants de l'école secondaire Nicolas-Gatineau sont invités à prendre leurs responsabilités en signant un contrat en bonne et due forme avec leurs parents. C'est un système qui existe présentement et qui propose aux étudiants de signer cette entente avec leurs parents, qui consiste en un engagement de la part des étudiants à ne pas conduire une automobile s'ils ont bu de l'alcool ou à ne pas monter à bord d'un véhicule dont le conducteur s'est enivré. Je pense, M. le Président, que les jeunes commencent à comprendre finalement, peut-être plus vite que nous lorsqu'on était jeunes. Mais, à tout événement, je pense que nous sommes sur la bonne voie.

J'aimerais également vous faire mention que, de ce côté-ci de la Chambre, on ne s'objectera pas à l'adoption de principe d'un tel projet, et surtout pas le député de Pontiac, M. le Président. Je suis convaincu qu'il n'est pas en position de s'objecter, lui, sur un projet de loi qui fait en sorte qu'il va améliorer la condition et la sécurité des gens sur les routes.

Mais, M. le Président, j'aimerais attirer l'attention du ministre sur certains points qui, il me semble, sont également très importants et qui ne figurent pas à son projet de loi. C'est Napoléon Bonaparte qui disait qu'un bon gouvernement tient toujours compte de sa géographie avant d'adopter des lois ou des règlements.

J'aimerais que le ministre nous explique – peut-être qu'il aura l'occasion de le faire en commission parlementaire, peut-être qu'il aura l'occasion d'en discuter lors de ses grandes consultations – comment il se fait... Parce que j'ai entendu le ministre, j'ai entendu le critique officiel, j'ai entendu la députée de Rimouski faire allusion à ce qui existait ailleurs en Amérique du Nord, à ce qui existait ailleurs au Canada, les comparables soulevés par le ministre entre le Québec, le reste du Canada et l'Amérique du Nord: Comment il se fait qu'au Québec, M. le Président, on ne peut pas encore virer à droite sur un feu rouge? Dans toute l'Amérique du Nord, c'est permis. Et dans l'Outaouais...

(12 h 40)

Je vous ferais remarquer également que le vice-premier ministre, tout récemment, en commission parlementaire, reconnaissait que l'Outaouais québécois était la troisième plus grande région du Québec. Il n'y avait pas juste deux grandes régions au Québec, il y en avait trois: la région de Montréal, la région de Québec et la région de l'Outaouais. On compte 250 000 de population dans l'Outaouais québécois. On compte des milliers, si ce n'est des dizaines de milliers de personnes qui vont travailler du côté ontarien tous les matins, des milliers d'Ontariens qui viennent travailler du côté québécois tous les jours, et, en Ontario, M. le Président, comme ailleurs en Amérique du Nord, on peut virer à droite sur un feu rouge. Je pense que le fait qu'on ne puisse virer à droite du côté québécois devient dangereux, finalement, pour les citoyens et citoyennes qui, eux, au Québec, savent qu'ils ne peuvent virer à droite sur un feu rouge.

Prenez, par exemple, la personne qui est habituée, tous les jours, à virer à droite sur un feu rouge, à Ottawa. Elle s'en vient du côté de Hull et elle pense qu'elle peut virer à droite – et elle le fait, effectivement – pendant qu'un automobiliste québécois, lui, s'en vient à ce coin de rue, il pense que c'est un Québécois qui est de ce côté-là, qu'il ne peut virer à droite et qu'il ne virera pas à droite parce qu'il n'a pas le droit de virer à droite, mais c'est un Ontarien et il va virer à droite, et ça cause des accidents.

M. le Président, j'aimerais juste vous ramener un petit peu, parce que je l'ai fait souvent pour expliquer certaines différences qui peuvent exister entre Hull et Ottawa, ou l'Outaouais et le côté ontarien. Est-ce que, dans Longueuil, par exemple, vis-à-vis de Montréal, on accepterait de ne pas avoir les mêmes règles qui existent à Montréal? Est-ce qu'on accepterait longtemps, à Longueuil, que l'on ne puisse pas virer à droite sur un feu rouge alors qu'à Montréal on peut virer à droite sur un feu rouge? M. le Président, ça serait impensable. On ne peut pas imposer à une population, peu importe de quelle région elle soit, des règles de jeu qui ne sont pas les mêmes que leurs voisins.

J'aimerais, si c'est possible – je pense que ça l'est – que le ministre nous indique en commission parlementaire, qu'il fasse faire des études s'il le veut... Je comprends qu'au ministère des Transports on va peut-être dire, les fonctionnaires, là, que ce n'est pas vrai que dans toute l'Amérique du Nord on peut virer à droite sur un feu rouge, parce que dans la ville de New York, on n'a pas le droit. Soit, M. le Président. Je comprends que dans la ville de New York, peut-être qu'on ne peut pas virer à droite, mais je pense qu'il y a un petit peu plus d'automobiles et de taxis dans New York qu'il y en a dans Hull; je pense qu'il y en a un petit peu plus dans New York qu'il y en a dans Montréal; je pense qu'il y en a un petit peu plus à Los Angeles qu'il y en a à Montréal.

Mettons qu'à Montréal on ne pourrait pas virer à droite sur un feu rouge, pour des raisons de sécurité, peu importent les raisons, M. le Président, ailleurs au Québec, est-ce qu'on ne pourrait pas, nous, virer à droite sur un feu rouge? Est-ce qu'on ne pourrait pas, nous, ailleurs au Québec, au lieu d'attendre deux minutes sur un coin de rue, à brûler de l'essence, à polluer pour rien, pouvoir virer à droite sur un feu rouge? Il me semble que si c'est bon pour l'ensemble de l'Amérique du Nord et plusieurs pays d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale et même d'Europe, si c'est bon de virer à droite sur un feu rouge, pourquoi, au Québec, on ne peut pas virer à droite sur un feu rouge? C'est ce que j'aimerais que M. le ministre des Transports étudie. Et sûrement qu'en commission parlementaire, M. le Président, je vais soulever le point à nouveau parce que je pense qu'il est important. Il est important surtout pour l'Outaouais québécois, comme je le mentionnais tantôt, parce qu'il y a des habitudes qui se sont créées. Les gens, lorsqu'ils viennent du côté du Québec, il y en a qui le savent, mais ils ne le savent peut-être pas tous; et, même s'ils le savent, M. le Président, il arrive parfois, parce que la mémoire est une faculté qui oublie, qu'on puisse oublier qu'on ne peut pas virer à droite sur un feu rouge, et ça devient dangereux dans l'Outaouais. Possiblement que le ministre pourrait aussi, M. le Président, en faire un projet-pilote pour l'Outaouais québécois. Si le taux d'accident n'augmente pas, possiblement qu'il pourrait l'étendre à l'ensemble du Québec. C'est une solution qu'il pourrait facilement envisager.

Alors, tout ça pour vous dire, M. le Président, que l'ensemble du projet de loi... moi également, je suis en accord avec le principe de ce projet. En terminant, je veux tout simplement vous dire que, en commission parlementaire, je vais ramener le point du virage à droite sur un feu rouge. Mais, pour ce qui est du projet de loi comme tel, pour son adoption de principe, nous serons d'accord avec le projet de loi, M. le Président. Et je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Hull. Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre des Affaires municipales. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Il y a quelquefois des moments privilégiés dans cette Assemblée où on peut constater une convergence de vues lorsqu'il s'agit, à travers nos projets de loi, d'adopter des mesures qui, sans l'ombre d'un doute, visent à améliorer, en quelque sorte, la situation des personnes dans chacune des régions du Québec. Et c'est un peu ce qu'on peut voir, ce qu'on peut entendre ce matin avec la réplique qui est faite à la présentation du projet de loi n° 12 par le ministre des Transports, la réplique qui a été faite par le député de Pontiac et, également, ce qu'on a entendu de la députée représentant le comté de Rimouski et le député de Hull, il y a quelques instants, M. le Président. C'est-à-dire, c'est un objectif social, dans le fond, que poursuit ce projet de loi, le projet de loi n° 12, en voulant réviser le Code de la sécurité routière et les dispositions législatives pour ce faire, pour atteindre cet objectif-là.

M. le Président, probablement que vous avez, comme plusieurs membres dans cette Assemblée, le même comportement le lundi matin. Le lundi matin, on a toujours la tendance de regarder la triste petite colonne à gauche, la triste petite colonne, à gauche, des décès de la fin de semaine, et probablement que d'autres collègues ici, à l'Assemblée, ont ce même réflexe, M. le Président, de lire cette description. On dirait que, au fur et à mesure que s'amènent le printemps et l'été, la colonne s'allonge, la tristesse s'intensifie, des familles, de plus en plus nombreuses, sont plongées dans le drame. Il n'y a qu'à penser, donc: par une belle fin de semaine ensoleillée du mois de juillet, 30 familles, 20 familles, 15 familles sont plongées dans le drame parce que des jeunes, parce que des hommes et des femmes n'ont plus la vie. Ils étaient à circuler; ils allaient en vacances; ils retournaient à leur travail; ils allaient tout simplement faire des courses. C'est une lecture bien simple, mais on termine la colonne et c'est souvent le sentiment que j'ai. Ce matin, il y a 35 familles, au Québec, qui sont en plein drame, qui sont plongées dans la tristesse. Et pourquoi? Parce qu'on a développé, comme société, des moyens modernes de communication efficaces, l'utilisation de l'automobile, et qu'on n'y a pas toujours associé le type de comportement correct, le type de comportement acceptable. Et il en résulte, compte tenu de la très haute utilisation de ce moyen de transport, de l'automobile et des différents moyens de transport, il en résulte des drames absolument incroyables qui marquent des vies.

J'ai déjà eu l'occasion de le dire à l'occasion d'un autre projet de loi ici, le député de Pontiac, porte-parole de sa formation en matière de transport, sait de quoi on parle, lui qui a personnellement vécu cette situation, et, à chaque fois que j'ai eu l'occasion de l'aborder avec lui, on voit toujours l'intensité de la situation que ça provoque dans les familles. Et lorsqu'on constate les mesures qui vont être prises, discutées et adoptées par le ministre des Transports et la volonté de collaboration de l'opposition qui fait son travail de bonification pour obtenir les meilleurs résultats, eh bien, on doit le faire, M. le Président, parce que des hommes et des femmes, des familles ont été plongées en plein drame et que ça laisse des traces indélébiles pour le restant de la vie, comme l'a sûrement vécu le député de Pontiac. Et c'est pour ça que, sans l'ombre d'un doute, sa participation sera d'autant plus significative à cette commission parlementaire sur les mesures de modification au Code de la sécurité routière, parce qu'il sait de quoi il parle, en particulier dans ce domaine-là.

Donc, M. le Président, une longue liste triste le lundi matin. Quand on regarde pour une année durant, en 1994-1995, 882 personnes, ça veut dire 882 familles qui ont été affectées, et pas par un événement qui a un début et une fin, c'est un drame qui n'a pas de fin, M. le Président, et on doit, comme législateurs, prendre toutes les mesures les plus corsées, les plus dures s'il le faut, les meilleures mesures à prendre pour en arriver à baisser ce triste bilan des décès et des blessures graves.

(12 h 50)

On pourrait faire tout un chapitre là-dessus aussi, les blessures graves. Combien de fois a-t-on entendu cette triste – on l'a peut-être dit nous-mêmes – le triste constat, dire: Bof! dans le fond, il est peut-être mieux mort que d'être demeuré dans un état très difficile. Mais imaginons cette situation pour les familles, pour l'entourage, pour la personne elle-même, qu'on soit obligé d'en arriver à cette phrase qui est un peu stéréotypée mais qui décrit bien l'ampleur du drame.

C'est 882 personnes l'an passé, tout près de 5 000 blessés graves et légers également. Il faut absolument abaisser ce bilan, et les mesures qui sont proposées, je pense que ça va nous aider à atteindre cet objectif-là. Le ministre des Transports s'est fixé, au nom du gouvernement, un objectif de réduire de 25 % d'ici l'an 2000 les décès dus aux accidents routiers. Ça veut dire qu'il faudrait baisser en deçà de 750 personnes par année. C'est encore très lourd, c'est beaucoup trop lourd. Cependant, à un mal immense, il faut prévoir des étapes. Il faut prévoir différentes mesures qui vont faire en sorte que, graduellement, on va l'atteindre.

Oui, le député de Hull a probablement raison, on peut constater chez les jeunes une sensibilité, un plus grand sens des responsabilités. Je suis toujours impressionné – et probablement que, ça aussi, on l'a vécu dans plusieurs familles, chez mes propres enfants – de constater que, lorsqu'ils ont une fête, en particulier... je suis toujours un peu effrayé lorsque je constate les périodes de graduation, actuellement, dans les écoles. C'est tellement une belle occasion de fêter d'avoir obtenu son diplôme secondaire, son diplôme au niveau des études collégiales, au niveau universitaire, que, parfois, on abuse un petit peu, c'est la tendance humaine. Il faut admirer les jeunes qui, se groupant, disent: Ce soir, c'est toi qui ne prendras pas d'alcool. Et il y a toujours une personne responsable. Mais, encore là, malgré toutes ces mesures, le nombre de drames est encore trop élevé. Il y a trop de cas d'exception, il y a trop de fois où ça ne se produit pas, et on ne doit pas avoir une grande marge de pardon pour la conduite en état d'ébriété, M. le Président. On ne doit pas permettre... on doit avoir un système extrêmement étanche.

Il y a 113 jeunes, M. le Président, l'an passé, entre 20 et 24 ans qui ont perdu la vie, et les statistiques nous indiquent que dans la très grande majorité il y a présence d'alcool. Alors, lorsqu'arrivent ces drames, lorsque ça se produit, on ne peut pas laisser cette société, on ne peut pas laisser notre Code de la sécurité routière ne pas s'occuper – je dis de cette «clientèle», c'est le terme à peu près le plus détestable qu'on puisse utiliser – de ces hommes et de ces femmes qui sont au meilleur de leur capacité de production, qui font la fierté de leurs parents, qui font la fierté des familles et qui se retrouvent au centre du drame.

Et parfois aussi, bien sûr, d'autres personnes qui s'y retrouvent, tout en n'ayant rien à y faire au niveau de la situation, parce qu'elles ont été victimes tout simplement d'être là au moment où il y a eu un abus. Et, là-dessus, je pense que, socialement, on a tous atteint un degré de maturité qui fait en sorte qu'on veut contrôler ça de façon extrêmement efficace.

Chacun des députés ici, j'en suis persuadé, a déjà reçu à son bureau une personne qui est venue le voir et qui lui a dit: Bien, malheureusement, j'ai perdu mon permis de conduire parce que j'étais en état d'ébriété. Et j'ai eu l'occasion de discuter avec beaucoup de collègues de cette situation. Eh oui, c'est une situation difficile, mais c'est une sanction qui doit s'appliquer sans aucune tolérance. La loi, c'est la loi, et ça doit absolument s'appliquer.

C'est une autre occasion de rappeler que cette personne-là a été bien chanceuse d'avoir été interceptée puis d'avoir été arrêtée par les forces policières pour lui éviter le pire, pour éviter ce drame qui ne s'est pas produit. En tout cas, chaque fois que j'ai eu l'occasion de rencontrer ces personnes dans mon bureau de comté, je leur ai plutôt dit que c'était de la chance qu'elles avaient eue, ces personnes-là, la chance d'avoir été arrêtées et de se faire appliquer des mesures au niveau du Code de la sécurité routière. Parce qu'elles pouvaient venir dans notre bureau, elles pouvaient venir voir le député parce que, précisément, on avait appliqué ces mesures-là. Sans cela, bien, on aurait peut-être été à un autre office qui est pas mal moins agréable et qui plonge les familles en plein drame.

M. le Président, on pourrait en parler longuement. Je suis très heureux que le ministre des Transports fasse une large consultation en commission parlementaire. Ça permettra de discuter de problèmes réels comme, par exemple, le virage à droite, tel que soulevé par le député de Hull. Ça va permettre d'en parler et également de voir si les mesures qui sont prises à l'intérieur du projet de loi vont réussir à atteindre l'objectif. On fait tout cela, M. le Président, parce que, entre Québécois, on veut rester le plus nombreux possible en santé, avec le moins d'invalidité et avec des conditions de mieux-être qui vont faire en sorte qu'au Québec on peut devenir à cet égard, dans le Nord-Amérique, une société modèle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au débat, à moins que le ministre veuille prendre quelques minutes pour la réplique.

M. Brassard: Non, M. le Président. C'est-à-dire que j'ai fait quand même une longue intervention. Mes collègues, de part et d'autre, ont mis en évidence des points importants, fait des remarques judicieuses. En rajouter serait superfétatoire, M. le Président. Donc, passons à l'adoption.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, ceci met fin au débat sur l'adoption du principe du projet de loi. Le principe du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

M. Middlemiss: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

Je vous avise, avant peut-être de... Avant... Très bien, Mme la leader adjointe du gouvernement, pour disposer du projet adopté dans son principe.


Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

Mme Caron: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est adoptée?

Mme Caron: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

Mme Caron: Et, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante, qui va nous permettre effectivement de faire les consultations générales.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il y a consentement... On va entendre la motion d'abord, et puis je demanderai le consentement ensuite.


Consultation générale

Mme Caron: «Que la commission de l'aménagement et des équipements procède à une consultation générale et tienne des auditions publiques à compter du 27 août 1996, dans le cadre du projet de loi n° 12, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives;

«Que les mémoires soient reçus au Secrétariat des commissions, au plus tard le 16 août 1996;

«Que le ministre des Transports soit membre de ladite commission pour la durée du mandat.»

Le Vice-Président (M. Brouillet): Il y a consentement pour que nous prenions en considération cette motion?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Middlemiss: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

Mme Caron: Compte tenu de l'heure, M. le Président, je vous demanderais de suspendre nos travaux.


Avis de sanction

Le Vice-Président (M. Brouillet): Avant de suspendre les travaux, j'ai un avis à vous donner. Je vous avise qu'il y aura sanction de projets de loi au cabinet du lieutenant-gouverneur cet après-midi, à 15 heures.

Alors, sur ce, nous suspendons nos travaux jusqu'à cet après-midi, 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 58)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir.

Alors, les travaux ont été suspendus aux affaires du jour. Donc, nous continuons notre ordre du jour. Alors, M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: M. le Président, je voudrais que vous preniez en considération l'article 34 du feuilleton.


Projet de loi n° 1


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre. À l'article 34, M. le ministre d'État à la Métropole propose l'adoption du projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole. Y a-t-il des interventions sur le projet de loi? M. le ministre.


M. Serge Ménard

M. Ménard: Merci, M. le Président. C'est évidemment un très grand honneur pour moi que de proposer l'adoption du projet de loi n° 1, la loi créant le ministère de la Métropole. D'abord, parlons du nom. Pourquoi la métropole? Je voulais trouver un nom qui soit plus que Montréal, parce que la métropole, c'est plus que Montréal. Je voulais trouver un nom auquel tous les gens s'attacheraient, tous les gens s'identifieraient, tous ceux qui habitent cette métropole, qu'ils soient de Montréal, qu'ils soient de l'île de Montréal, mais qu'ils soient aussi de la grande banlieue, des couronnes qui sont aussi dynamiques et où, actuellement, sont créés la majorité des emplois et développées beaucoup d'habitations.

Je voulais aussi un nom, donc, qui soit rassembleur, mais aussi un nom qui soit un objectif. C'était un nom qu'on utilisait moins depuis que nous avions perdu le titre de métropole du Canada au profit de la région de Toronto mais que nous pouvons retrouver comme métropole du Québec. Et je pense que, dans l'esprit de tout le monde, une métropole, c'est nécessairement dynamique, c'est en progression. C'est comme ça que nous voudrions qu'elle soit. Je voulais donc un nom à la fois rassembleur et un objectif.

Mais quel territoire, justement, est-ce que la métropole recouvre? Nous aurions pu donner une liste; d'ailleurs, nous l'avons fait en annexe pour que les gens puissent savoir s'ils sont ou ne sont pas dans la métropole, quoique généralement ils s'en doutent, puisqu'ils peuvent y aller facilement. Mais il fallait trouver une notion qui soit facilement applicable et qui ne demande pas continuellement des négociations entre les élus. Parce que les élus sont un peu comme les avocats, c'est compréhensible, ils cherchent à défendre leurs concitoyens, et particulièrement leur argent, leurs contributions, et ils aiment bien être dans la métropole quand il y a des avantages, mais ils aiment moins y être quand arrive le temps des factures.

L'expérience qu'on a eue avec l'Agence métropolitaine de transport nous a démontré aussi que, lorsque, entre élus, nous cherchons à délimiter le territoire métropolitain, ce sont des décisions qui laissent certaines frustrations. J'ai donc cru qu'il serait important de trouver une définition objective, une définition qui avait l'avantage d'être internationalement reconnue, d'être appliquée dans tous les pays de l'OCDE – cet organisme, je ne me souviens plus pourquoi il contient le C, mais c'est l'organisme de l'ONU qui s'occupe du développement économique – donc une notion qui est appliquée uniformément partout en Amérique du Nord.

J'ai donc pris la région métropolitaine de recensement. Comment définit-on une région métropolitaine de recensement? D'abord, on définit le noyau urbain. Alors, on s'en doute bien que, si l'on définit un noyau urbain, c'est par la densité de la population. Alors, 400 habitants au km² à moins de 2 km de distance. Pourquoi à moins de 2 km de distance? Parce qu'il est rare de trouver une ville où il y ait une densité de population uniforme partout. Par exemple, sur le mont Royal, il n'y a pas évidemment 400 habitants au km². Alors, on dit partout où il y a 400 habitants au km² à moins de 2 km de distance, cela détermine le noyau urbain.

(15 h 10)

Ensuite, les communautés qui sont autour. On regarde les travailleurs, et, partout où, dans ces communautés, il y a plus de 50 % des travailleurs qui se rendent quotidiennement dans le noyau urbain pour leur emploi, pour y gagner leur vie, bien, ces communautés font partie de la région métropolitaine de recensement. Cela m'apparaissait la meilleure forme de définition de la métropole du Québec. Meilleure forme parce que, justement, les citoyens votent avec ce qu'ils ont de plus essentiel après leur famille, après les choses privées, c'est-à-dire avec leur relation économique la plus intense, leur emploi, et aussi parce qu'on n'a pas continuellement à faire des accommodements, des discussions avec des élus. Parce que, sur ce territoire qui regroupe 47 % de la population du Québec, d'après le dernier recensement dont nous connaissons les chiffres, celui de 1991, eh bien, sur ce territoire, il y a 111 municipalités et un territoire autochtone, celui de Kahnawake. Alors, vous voyez tout de suite le nombre d'intervenants qui s'y trouvent.

Quand vous prenez en considération, aussi, que cela regroupe 47 % de la population... On m'a dit aussi, quoique ce soit difficile à calculer – j'ai entendu des chiffres divers – que l'État y perçoit à peu près 80 % de ses revenus. Et j'essaie de le faire calculer, mais il semble bien, si on ne peut pas le connaître encore avec précision, que l'État y dépenserait à peu près 40 % au moins de ses revenus. Donc, 40 % des fonctionnaires seraient, d'une façon ou d'une autre, rattachés au service des citoyens de la métropole.

Alors, déjà, quand on considère cette population, l'on voit tout de suite qu'il était impensable de confier à un seul ministre 40 % ou 50 % du gouvernement. Ça aurait été en faire, quoi, un autre premier ministre, plus restreint. Il fallait donc créer un ministère qui serait différent, un ministère qui chercherait à utiliser les machines, c'est-à-dire les fonctionnaires des autres ministères, des ministères sectoriels, comme l'Éducation, la Santé, la Sécurité publique, l'Industrie et le Commerce qui est très important, pour qu'il les rende plus sensibles aux réalités de la métropole.

Parce que c'est une critique que l'on entend dans tous les pays où la métropole n'est pas la capitale, la métropole étant l'agglomération urbaine la plus importante de ce pays: les fonctionnaires de la capitale sont souvent perçus comme étant moins sensibles, sentant moins l'urgence de certains problèmes, n'ayant pas la familiarité quotidienne avec les problèmes qui y sont vécus, et, à cause de cette distance, n'apportant pas assez rapidement les solutions les plus adéquates, les solutions innovatrices que demandent ces nouveaux problèmes. Et je ne crois pas que ces fonctionnaires le font par méchanceté ou par esprit de clocher pour la capitale... mais je crois d'ailleurs que plusieurs sont très sensibles aux problèmes de la métropole. Il s'agit justement d'aller les informer, d'aller les regrouper.

Donc, cela détermine, je pense, la première fonction du ministère de la Métropole: assurer la cohérence des actions gouvernementales, donc laisser les autres ministères sectoriels préparer des politiques, élaborer avec eux des solutions, et c'est ce que prévoit... Le premier élément que prévoit cette loi, c'est justement cette fonction de cohérence.

Comment la réaliser? Certains proposaient – et j'avoue y avoir pensé pendant un certain temps moi-même – que la meilleure façon de s'assurer que le ministre d'État à la Métropole serait impliqué dans l'élaboration des politiques qui concernent la métropole ou des solutions qui sont apportées à ses problèmes serait de lui donner un droit de veto sur tout projet gouvernemental avant qu'il soit soumis au Conseil des ministres. Comme ça, semble-t-il, les autres ministères le prendraient plus au sérieux, après qu'il aurait exercé un ou deux vetos et, par conséquent, iraient le voir avant de préparer leurs politiques pour s'assurer de son concours.

Je n'ai pas un penchant naturel pour une attitude aussi négative et je pense aussi que cela aurait créé une attitude de confrontation inutile, alors que, s'il y a bien une chose dont n'a pas besoin le ministère de la Métropole, c'est de confronter. J'ai dit à mes collaborateurs immédiats que le défaut le plus dangereux et qui ne devrait jamais exister chez nous, c'était l'arrogance vis-à-vis des autres, parce que nous avons justement besoin, puisqu'il était impensable de prendre 40 % à 50 % du gouvernement, nous avons nécessairement besoin de passer par les ministères sectoriels pour atteindre les objectifs qui nous ont été fixés.

Alors, plutôt que d'avoir un droit de veto – je sais bien que l'opposition pourra dire encore que je n'ai pas assez de pouvoirs, mais essayons déjà ceux qu'on nous donne et puis on verra ce que ça va donner; c'est déjà beaucoup plus que ce qu'il y avait avant – j'ai préféré avoir l'obligation pour les ministères d'impliquer le ministère de la Métropole dans l'élaboration des politiques qui ont un impact significatif sur la métropole. Alors, les mots importants sont «l'élaboration», tout le monde le comprend; «impact significatif» sont aussi des mots importants. Je pense qu'il était nécessaire aussi de se fixer certaines priorités, de ne pas s'occuper de tout ce qui peut concerner la métropole – ce qui aurait voulu dire, en fait, s'occuper de tout au gouvernement – et de plutôt cibler ses actions sur les choses les plus importantes, celles qui ont un impact significatif sur la métropole.

Une fois que nous sommes mêlés à l'élaboration, pour bien garantir que les politiques du gouvernement seront adéquates pour sa métropole, pour 47 % de sa population, l'avis du ministère de la Métropole est requis avant que les projets gouvernementaux ne passent les deux étapes cruciales du Conseil du trésor et du Conseil des ministres. Je pense que cela donne suffisamment de pouvoirs pour que, dans toutes les actions gouvernementales qui ont une certaine importance pour la métropole, ses problèmes particuliers, sa situation particulière soient pris en considération.

Cela assure donc la première branche, la première mission du ministère de la Métropole. Elle est exercée aussi par le fait que, d'autorité, le ministre de la Métropole siège dans les cinq comités ministériels. Je dois dire que cela est un travail considérable, un peu ingrat, un peu secret, mais qu'il n'en est pas moins très important – des fois, j'ai l'impression que je vais souffrir de «réunionite» aiguë – qu'il est essentiel pour exercer cette première mission.

La deuxième mission, on la réalise tout de suite quand on voit le nombre d'élus municipaux qu'il y a sur ce territoire. Alors, je vous disais tout à l'heure: 111 municipalités. C'est donc 111 maires, près de 1 000 échevins. En plus, ces maires sont regroupés dans 16 MRC; certaines, c'est partiellement dans le territoire de la métropole, d'autres complètement. Il y a une communauté urbaine, la Communauté urbaine de Montréal. De plus, il y a 31 commissions scolaires. Nous englobons complètement deux régions administratives et nous chevauchons, dans la couronne de Montréal, trois autres régions administratives.

Alors, tout de suite, on sent quelle devra être la deuxième mission du ministère de la Métropole, c'est-à-dire la concertation entre tous ces élus. Non seulement entre ces élus, d'ailleurs, parce qu'il y a dans une métropole beaucoup d'acteurs socioéconomiques qui ont autant, et parfois même plus, d'importance que les élus. Alors, la deuxième mission est expliquée dans la loi, c'est la concertation entre le gouvernement du Québec et les municipalités, le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec et les partenaires privés, et ainsi de suite.

Le but, évidemment, de cette concertation, et c'est ce qui détermine la troisième mission du ministère de la Métropole, c'est la coordination des actions de tous ces acteurs. Cette coordination est importante. Il ne faut pas que les gens se contredisent, dans leurs politiques, trop. Je dis «trop» parce qu'une des caractéristiques d'une métropole et ce qui en fait la richesse et qui doit être conservé, c'est une saine compétition. C'est un peu comme ça, aussi, que je compte attaquer mon mandat.

Et peut-être que c'est en comprenant cela, en comprenant cette attitude, que j'espère pouvoir enlever les craintes des villes qui font partie de la couronne, de certaines villes qui sont autour de la métropole et qui ont craint, quand le ministère a été créé, quand ils ont pu voir que le premier livre que j'ai lu, c'est le rapport Pichette... qui se voyaient déjà dépossédées d'une partie des fruits de leur bonne gestion au bénéfice du noyau urbain. Bien, je veux leur dire que, quant à moi, j'ai toujours considéré que toute activité économique qui vient s'installer sur une partie du territoire de la métropole est nécessairement à l'avantage de l'ensemble de la métropole et que c'est comme ça que j'entends percevoir ma fonction.

(15 h 20)

Du même souffle, cependant, je veux indiquer qu'il ne faut pas qu'il arrive à la métropole du Québec ce qui est arrivé à d'autres grandes métropoles nord-américaines et qu'on décrit souvent par une image – j'allais dire «qui me rappelle mon ancien ministère», mais il ne faut pas le dire trop fort – celle du trou de beigne. Je sais que les policiers ont le sens de l'humour et qu'ils le prennent bien. Mais là on a décrit quelque chose de tout à fait différent. On décrit ce phénomène par lequel les grandes villes se vident de leur centre pour aller dans les couronnes. Généralement, on le fait parce que la couronne coûte moins cher. Et, en plus, comme les terrains sont neufs, il est facile d'y faire un plan d'urbanisme qui correspond mieux aux désirs de la clientèle, alors que, nécessairement, dans un vieux tissu urbain, on doit composer avec toutes sortes d'exigences.

Donc, les gens commencent à quitter parce que c'est moins cher. Il reste moins de gens au centre pour payer les infrastructures déjà existantes. Alors, ces gens-là trouvent ça plus cher. Quand ils en ont les moyens, pour que ça leur coûte moins cher, eux aussi ils partent. Alors, ça coûte encore plus cher pour ceux qui restent. Donc, vous sentez tout de suite que c'est un cercle vicieux. De sorte que, à la longue, ne restent au centre-ville que ceux qui n'ont pas les moyens d'en sortir, se créent au centre-ville des poches de pauvreté, des poches de chômage, des poches de misère. Si vous additionnez à cela des problèmes ethniques, comme on le voit dans tant de métropoles américaines, vous avez là un bouillon dangereux, vous avez là un bouillon de délinquance. Et, lorsque cette délinquance commence à naître, les gens commencent à quitter non plus parce qu'ils n'ont pas les moyens d'y rester, mais parce qu'ils ont peur.

La métropole du Québec n'en est pas là, mais il ne faudrait pas que ce phénomène aille jusqu'au bout, ici, avant que nous comprenions ce qui a été compris dans plusieurs grandes métropoles américaines: que ce phénomène doit être arrêté et renversé. Parce qu'il reste que c'est au centre du noyau urbain, généralement, que sont logés les grands instruments qui font la fierté des métropoles, qui sont aussi à l'origine de son dynamisme, de son innovation: les grandes institutions d'enseignement où on envoie nos enfants quand on veut qu'ils réussissent, qu'ils aillent loin dans la vie; les grands hôpitaux spécialisés; les grands équipements culturels qui font notre fierté; les grands équipements sportifs. On ne peut pas les laisser au milieu de la pauvreté et de la délinquance des quartiers délabrés comme on en trouve dans les grandes métropoles américaines.

En plus, ce qu'on appelle aux États-Unis les «edge cities», les cités du tour qui se forment, les nouveaux centre-villes qui se forment tout autour des métropoles ne réussissent jamais à avoir la même synergie qu'une métropole qui n'a qu'un seul centre. Et Boston est un des beaux exemples, aux États-Unis, où on a réussi à renverser avec succès ce phénomène, et c'est redevenu une ville extrêmement dynamique. Alors, il faut donc que les gens de la couronne sachent que c'est aussi dans leur intérêt de repeupler le tissu urbain du centre.

Pour cela, je ne songe pas à aller dans leurs poches, mais il faudra cesser de subventionner l'étalement urbain. Nous ne voulons pas brimer la liberté des gens, bien au contraire, mais il faudra que les gens assument les coûts réels pour s'installer. Et, si nous avons, comme gouvernement, à encourager de la construction, du renouvellement, bien, on comprendra que nous pensions à nous adresser d'abord au centre du noyau urbain.

Je voudrais maintenant répondre peut-être à certaines objections qui ont été données. D'abord, sur le territoire, je pense que, dès que l'on comprend la sagesse de la définition de la région métropolitaine de recensement, ce sur quoi elle est basée, l'on comprend tout de suite que c'est probablement la moins mauvaise des définitions. En tout cas, jusqu'à date, je la trouve meilleure que d'autres qui m'ont été suggérées, notamment hier, que l'on devrait être dans la métropole lorsqu'on voit les tours de Montréal et que, lorsqu'on ne les voit pas, peut-être qu'on ne devrait pas y être. Enfin, c'est une définition un peu poétique, n'est-ce pas. Ou encore, d'autres l'ont donnée comme une communauté d'intérêts. D'autres mettent l'accent sur l'intensité des liens économiques; ils ont parfaitement raison. Mais, justement, les liens économiques les plus étroits sont ceux de l'emploi. Alors, on comprend que, tous ceux qui habitent le territoire de la métropole, bien, il y a au moins la moitié des travailleurs, où qu'ils soient, qui trouvent leur gagne-pain, donc leur principale source de financement, nécessairement d'argent, dans le noyau urbain.

Cela commande aussi d'autres attitudes métropolitaines. Le meilleur exemple, c'est le transport en commun. Le transport en commun... Bien, lorsque vous pensez aux problèmes de circulation dans une métropole, vous pensez à quoi – un problème qui n'existe pas ailleurs que dans les métropoles? La congestion, n'est-ce pas? La congestion le matin et le soir, à l'heure où on se rend au travail et où on en revient. Alors, comment résout-on ce problème de la congestion? Soit en bâtissant plus de routes, plus de ponts, soit encore en encourageant le transport en commun, de façon à ce que les gens fassent le choix de ne pas prendre la voiture qu'ils ont mais de prendre le transport en commun pour se rendre à leur travail.

Si vous faites cela, puisque ces gens-là ont déjà des voitures... En moyenne, d'ailleurs, dans la région métropolitaine, il y a plus d'une voiture par ménage. À certains endroits, il y en a même plus de deux. Mais, en moyenne, il y a plus d'une voiture par ménage. Il faut donc que vous convainquiez les gens de laisser leur voiture à la maison. Pour ça, il n'y a pas 1 000 façons, il faut que le transport en commun soit moins coûteux, plus rapide, plus pratique que la voiture personnelle.

Mais, ça, ça veut dire qu'il faut donc que vous organisiez un système de transport en commun qui soit efficace, et, cette efficacité, vous ne pouvez pas toujours l'étendre de la même façon dans toutes les villes de la couronne. Il y a des endroits plus denses où vous pourrez mieux l'organiser. Mais, si vous amenez plus de gens à utiliser le transport en commun, vous réglez le problème de la congestion à l'avantage d'au moins la moitié des travailleurs partout, où qu'ils soient dans la métropole, qui n'auront plus à affronter la congestion, même si ces travailleurs sont dans un endroit de la métropole où le transport en commun ne peut pas être aussi efficace parce que la densité de la population n'est pas aussi grande. N'est-il donc pas normal que la facture du transport en commun soit répartie équitablement sur l'ensemble du territoire métropolitain?

Ce que je dis sur le transport est également vrai pour d'autres problèmes de métropole, comme la gestion des déchets où, pour de saines raisons d'environnement, on pense que chaque communauté doit traiter elle-même ses déchets. Mais, dans une métropole, il y a tellement de communautés que c'est évident qu'il faut que ce soit réglé dans un ensemble, sur l'assainissement des eaux, et ainsi de suite.

Mais là où c'est le plus important, c'est sur l'essor économique. Et, là-dessus, je veux saluer certaines suggestions d'amendements qui ont été faites par l'opposition. Il est certain que j'ai voulu que cette loi soit claire d'abord, qu'elle soit, d'une certaine façon, pédagogique, qu'on puisse la lire facilement et bien la comprendre. Et, soit dit en passant, je pense que nous avons fait à peu près 80 versions avant de s'attaquer à celle-ci. Malgré cela, nous avons reçu quelques suggestions utiles de l'opposition. L'une d'entre elles visait à la préoccupation pour la création d'emplois. Quant à moi, je n'avais pas pensé à la mettre dans la loi parce que j'estimais que cela était déjà couvert par la mission que nous avions d'assurer l'essor économique, social et culturel, mais l'essor économique de la métropole. Mais l'on m'a signalé que c'est, hélas, une des caractéristiques de l'économie moderne, que l'économie parfois reprend, mais l'emploi ne suit pas.

(15 h 30)

C'est certain que, pour toutes sortes de raisons sur lesquelles il est inutile d'élaborer ici, il faut développer, il faut que l'essor économique s'accompagne, dans la métropole, de création d'emplois. Alors, nous avons accepté cette suggestion. D'autres nous ont été faites avec les meilleures intentions, et, si nous ne les avons pas acceptées, ce n'est pas parce que nous sommes en désaccord, mais c'est parce que ou bien nous les trouvons inutiles et qu'elles auraient alourdi inutilement le texte ou encore parce qu'elles n'étaient pas opportunes.

Le meilleur exemple, c'est lorsqu'on nous demandait d'établir le siège social du ministère à Montréal. Je n'ai pas d'objection à établir le siège social du ministère à Montréal, mais les ministères n'ont pas de siège social parce que, pour avoir un siège social, il faut être une entité juridique distincte. Alors, par exemple, l'Agence métropolitaine de transport, qui a été créée et qui relève du ministre de la Métropole, elle a un siège social parce que c'est une entité juridique distincte. Mais le ministère de la Métropole, lui, n'a pas d'entité juridique distincte. Il n'a donc pas un siège social. Alors, là, on voudrait mettre «principale place d'affaires à Montréal». Mais, «principale place d'affaires», d'abord, ce n'est pas une expression, je pense, qui convient bien à un ministère ou à un organisme public. Une place d'affaires convient à une entreprise privée ou même à une entreprise publique, mais qui fait un certain commerce de son activité. Bien, dans la réalité, si, place d'affaires, ça veut dire là où il y a le plus d'employés, où l'on donne le plus de services, eh bien, dans la réalité, c'est ce qu'est le ministère de la Métropole. Sur 70 employés que nous avons maintenant, il n'y en a que 10 qui sont à Québec; 60 sont à Montréal et habitent la métropole. Donc, nous accordons la réalité.

Ensuite, il faut bien comprendre aussi l'utilité des employés qui sont à Québec, parce que, justement, je vous rappelle que la première mission du ministère de la Métropole, c'est d'assurer la cohérence des actions gouvernementales des autres ministères sectoriels: Éducation, Culture, Sécurité publique, Transports, et ainsi de suite. Bien, ces décisions sont prises très souvent à Québec. Il nous faut donc des fonctionnaires qui sont bien au courant des projets qui se font dans les différents ministères et qui vont, conformément, justement, au premier paragraphe de l'article 4, y élaborer, avec les ministères sectoriels, les politiques gouvernementales pour qu'il soit tenu compte des intérêts et des problèmes particuliers de la métropole. Tandis que les 60 qui sont à Montréal, eh bien, eux, c'est pour rendre des services à la population et c'est pour, en fait, diriger les différents projets que nous avons pour la métropole, généralement d'ailleurs des projets d'investissement ou des projets de concertation avec les différents élus puis, en fait, tous les acteurs socioéconomiques dont je parlais tout à l'heure.

Je pense que ce sont là les objections les plus sérieuses qui ont été faites. Ah oui, avant de terminer, je voudrais dire que, après avoir, j'espère, rassuré les élus de la couronne de mon attitude vis-à-vis du développement économique de la métropole, je pense qu'il est bon aussi de rassurer les autres régions. La création du ministère de la Métropole n'est pas faite en réaction aux régions. En fait, je dirais que c'est un corollaire d'une politique gouvernementale qui est justement de ne plus faire de politique mur à mur, n'est-ce pas? Je me suis donc demandé ce que ça voulait dire, cette expression-là, moi-même. Au cas où il y en aurait d'autres qui se le demanderaient, je peux donner ce que j'ai compris. Les politiques mur à mur, c'est comme le tapis que nous avons ici. C'est un tapis mur à mur, il est uniforme partout. Alors, ce que l'on veut, c'est des politiques qui puissent s'adapter aux besoins particuliers de chaque région. Alors, si vous adoptez cette attitude quand vous arrivez à cette région qui regroupe 47 % de la population, bien, vous en arrivez à une région qui a une grande importance et qui, par conséquent, doit avoir des politiques spéciales, d'où la nécessité de nommer un ministre de la Métropole.

Mais je pars avec la conviction que tout ce qui est bon pour les régions est bon pour la métropole, parce que, naturellement, la métropole recueille ce qu'on appelle le tertiaire supérieur, c'est-à-dire les services spécialisés aux entreprises, d'où qu'elles soient sur le territoire dont elle est la métropole. Par exemple, le siège social d'Alcan, qui n'a évidemment pas d'usine à Montréal, bien, est situé à Montréal parce qu'il a des usines un peu partout au Québec, les avocats qu'il consulte, les comptables, et ainsi de suite... Alors, l'aluminium est un bon exemple pour démontrer comment Montréal peut profiter. La métropole va toujours profiter de la richesse des régions, parce que, si l'aluminium va bien, c'est excellent pour les régions où sont les alumineries, le Lac-Saint-Jean, puis un peu sur la Côte-Nord, mais c'est excellent aussi pour la métropole. Et ce qui est vrai pour l'aluminium est...

Combien? Ah bon! Je pensais que vous me disiez... que vous m'indiquiez du temps. Merci. C'est le temps qu'il me restait. Je sais qu'il m'en reste beaucoup, mais j'achève, M. le Président. Merci.

Alors, ce qui est vrai pour l'aluminium est aussi vrai pour la forêt, le papier, les mines, la métallurgie en général.

Par contre, aussi, si l'économie de la métropole est relancée, c'est aussi bon pour le reste du Québec, parce que ça demeure, à 47 %, le premier marché naturel de toutes les entreprises du Québec. Je vous donne un exemple. L'agroalimentaire diversifiée est une des choses qui va bien au Québec, quoiqu'on n'en parle probablement pas assez souvent. L'agroalimentaire québécoise a une originalité en Amérique du Nord, sa diversification, parce qu'elle a un public qui apprécie cette diversification. Et ce public, bien, il est à 47 % situé sur le territoire de la métropole. De plus, si l'économie va bien, il consomme plus. C'est bon, donc, aussi pour les régions.

Mais, surtout, la métropole est la seule qui a une masse critique de population qui permet l'innovation. Et, ça, ça n'est pas un phénomène absolu, mais elle permet l'innovation technologique, la création de nouveaux produits qui iront vers l'exportation. Et c'est d'ailleurs une des choses dont on n'est pas assez conscients à propos de la métropole. On est très pessimistes, ces temps-ci. Des fois, je me dis que j'aurais tout intérêt, personnellement, à laisser courir ce vent de pessimisme, puisqu'au fond, après un an ou deux, on finirait par réaliser la réalité et dire: Ah! Ménard, il est bien bon, hein, depuis qu'il est ici, l'économie relève. Mais je ne veux pas bénéficier de mérites que je ne mériterais pas.

C'est vrai que Montréal... On parle souvent du déclin de l'économie de la métropole. C'est vrai qu'il y a un certain déclin. C'est vrai que Montréal a perdu certaines choses. Elle a perdu notamment des sièges sociaux qui ont suivi la richesse qui s'est installée en Ontario, et dont on savait qu'ils s'étaient installés pour toutes sortes de raisons: d'abord parce que le sud de l'Ontario était plus près, je pense, de l'industrie automobile américaine, qui était le moteur de l'économie des années cinquante, puis ça a continué pendant longtemps, et ça l'est encore, d'ailleurs, très largement. Ensuite, il y a eu les politiques du gouvernement fédéral, pendant et après la dernière guerre, sur l'industrialisation de l'Ontario, qui ont fait se déplacer la richesse.

Il y a aussi que, si Montréal avait été la métropole pendant aussi longtemps, c'était à cause de sa situation géographique exceptionnelle. C'était le dernier grand port de mer le plus à l'intérieur des terres. Une fois rendus à Montréal, les bateaux de mer devaient décharger leurs marchandises. Tant qu'à décharger les marchandises, on commence à les transformer. Le commerce qui est créé là... Il y a beaucoup d'activité commerciale qui est créée simplement par le déchargement et même le rechargement. La finance suit, la finance s'installe. Mais quand la voie maritime a été ouverte, on s'est dit: Tout ça va se déplacer vers le centre des États-Unis et aussi le centre du Canada. On nous avait dit: Évidemment, ça ne se fera pas tout de suite, ça va prendre 30 à 35 ans. Bien, nous y sommes.

Puis, en plus, il y a la compétition des pays en voie de développement. Maintenant, avec la mondialisation de l'économie, les grandes entreprises peuvent installer leurs usines un peu partout. Et dans le cas où elles ont besoin d'une main-d'oeuvre qui n'est pas qualifiée, bon marché, elles se retrouvent facilement dans les pays en voie de développement. Montréal avait beaucoup de ces usines avec de la main-d'oeuvre non qualifiée, qu'elle perd lentement au profit de ces pays en voie de développement.

(15 h 40)

Mais alors, naturellement, par contre, Montréal s'est retournée et s'est orientée vers l'économie de l'an 2000, l'économie du savoir, grâce à ses quatre universités. Vous savez que nous avons un des taux de diplomation universitaire les plus élevés d'Amérique. Grâce à ces centres de recherche, grâce, justement, à cet échange, nous avons développé l'excellence dans un certain nombre de secteurs de haute technologie: l'aviation, l'aérospatiale, les transports en général, l'informatique, la biopharmaceutique, comme généralement les produits pharmaceutiques, les sciences de la santé, tous des domaines qui seront vraiment l'économie de l'an 2000. Ce choix que nous avons fait est probablement le meilleur choix parce que ces emplois sont des emplois à haute valeur ajoutée. En plus, ce qui a pu être considéré par certains qui sont jeunes – je me souviens, à l'époque, à l'assimilation comme un désavantage le fait de ne pas parler la même langue que le reste du continent, ce n'était pas pratique sur le plan du commerce et de toutes sortes de choses – là ça devient nettement un de nos avantages; non seulement un avantage culturel indéniable, un plaisir, une ouverture d'esprit, puisque, justement, parlant le français dans un continent anglais, nous sommes nécessairement aux confins de deux civilisations, continuellement. Nous avons donc une plus grande ouverture d'esprit, ce qui aide d'ailleurs aussi nos gens, nos spécialistes à s'adapter.

Pourquoi pensez-vous que les ingénieurs québécois sont si appréciés dans le monde? C'est à cause de cette ouverture d'esprit et de cette absence d'arrogance. Ils allient compétence et absence d'arrogance par rapport aux ingénieurs américains ou aux ingénieurs d'autres pays qui ont un passé colonialiste. Mais, justement... Alors, l'un des avantages que trouvent les industries de haute technologie à venir s'installer à Montréal, c'est qu'elles ont remarqué que le roulement de leur personnel qualifié se fait moins vite qu'ailleurs. Parce que, dans les domaines de haute technologie, les compagnies performantes recherchent toujours nécessairement les meilleurs éléments. En Californie, les gens qui se trouvent dans une compagnie se font nécessairement faire des offres par une autre et le roulement est très élevé. À Montréal, les gens qui ont atteint cette qualité, bien, c'est vrai qu'ils se font faire des offres d'aller en Californie, d'aller à New York, d'aller à Boston, d'aller à Toronto, d'aller à Vancouver, mais, avant de partir, il faut qu'ils songent à leur conjoint ou à leur conjointe, à l'éducation de leurs enfants, et, donc, ils prennent plus de temps. Ça prend de meilleures offres pour les retirer. Alors, ils restent plus ici, et puis je pense qu'ils apprécient le reste que l'on aime tellement dans cette métropole, sa qualité de vie, sa sécurité, la richesse de sa vie culturelle qui, justement, nourrira le sens de l'économie de demain, de l'économie du savoir, parce que ces cerveaux ont aussi des coeurs et ils veulent se distraire aussi. C'est un des grands avantages de Montréal.

Alors, je voulais terminer peut-être en montrant que, justement, Montréal est autre chose que des statistiques. La métropole est autre chose qu'une définition de fonctionnaires, comme parfois certains veulent nous le dire. Cette définition du territoire, elle est naturelle, elle met l'accent sur la relation qui est à l'origine de toutes les autres, la relation d'emplois, qui illustre bien aussi la distance. Mais, justement... En tout cas, en conclusion... C'est parce qu'il y a une chose que je voulais dire et que j'oublie, mais ça va me revenir.

Ah oui! Je voulais dire une dernière chose. Je sais que, comme ministre de la Métropole, j'ai pu donner l'impression, depuis cinq mois, que je m'étais un peu dispersé, et c'est vrai. Je pense que tout le monde comprend que, personnellement... D'abord, quand j'ai accepté ce poste, je n'avais jamais cru... D'abord, je n'avais pas prévu qu'on créerait un poste semblable. Quand on m'en a parlé, je ne me voyais pas nécessairement le meilleur candidat. Je ne m'étais donné aucune préparation à ce faire autre que celle d'être Montréalais, passionné d'aménagement du territoire, d'urbanisme et d'autres choses, mais, enfin, ce n'était pas ma profession. Ma profession, moi, me rapprochait plus, justement, du droit, de la police et des prisons, puisque j'étais criminaliste. Mais c'est vrai que j'ai passé un certain temps à essayer de rencontrer le plus de gens possible dans la métropole, ce qui est d'ailleurs à peu près impossible. J'ai encore au moins trois à quatre fois plus de demandes d'entrevues que n'importe quel homme ne serait capable d'en accepter. Et on comprendra aussi, en plus du nombre de réunions auxquelles je dois assister dans une semaine, que c'était nécessairement limité. ...pour que, lorsque je fixerai mes priorités, ce soit après avoir consulté le plus de gens possible et après avoir senti quelles sont ces priorités. C'est aussi parce que je réalise que, dans un tissu aussi complexe que la métropole, avec son nombre d'élus et son nombre d'acteurs socioéconomiques, non seulement il est important de trouver les meilleures solutions, mais il est important d'obtenir des consensus pour les appliquer.

Dans mon ministère antérieur, c'était un petit peu plus pratique. Les policiers ont leurs défauts, comme tout le monde, mais de grandes qualités. Et l'une de leurs qualités, c'est qu'ils aiment avoir des ordres clairs pour les exécuter avec loyauté; c'est ça, la majorité des policiers. Et je pense qu'ils étaient heureux d'avoir un ministre qui réfléchit assez longtemps pour leur donner des instructions claires et qui, une fois qu'il les a données, est prêt à les appuyer dans les initiatives et s'il leur arrive des accidents.

Mais les maires, je dirais que c'est un petit peu le contraire. Il faut qu'ils en viennent eux-mêmes à adopter les solutions, les meilleures solutions que nous voyons pour la métropole, de sorte que ce que je dois réaliser, c'est... Parfois je réaliserai des choses qui ne seront pas tellement fonction de mes priorités, mais qui seront plutôt parce qu'un consensus est maintenant possible. Le premier exemple là-dessus qui me vient à l'esprit, c'est la Société Montréal international. La Société Montréal international, je dirais que cette idée d'avoir une représentation uniforme hors frontières des intérêts économiques de Montréal... Il ne s'agit pas d'avoir des relations internationales pour Montréal, mais il s'agit de faire ce que l'on fait actuellement lorsqu'on envoie des commissaires industriels à l'étranger.

Bien, qu'est-ce que vous voulez, il y a tellement de villes à Montréal qu'à un moment donné il y avait cinq ou six, ou sept, ou huit commissaires industriels qui se retrouvaient à la même foire commerciale en Europe pour représenter les intérêts... Évidemment, ils ne disaient pas que c'était Saint-Laurent ou Laval, ou Longueuil, ils disaient que c'était dans la région de Montréal; ça ajoutait beaucoup de confusion. Il y a aussi beaucoup de double emploi. Je pense qu'il était nécessaire... Cette idée de réunir cette fonction autour d'un même organisme métropolitain est née, mais ce fut une des suggestions du comité des sages qu'avait réuni le maire Bourque. Les maires de banlieue, sur l'île de Montréal, étaient prêts à accepter de mettre en commun, je pense, avec Montréal, d'une certaine façon, ces services de représentation des intérêts économiques de Montréal à l'étranger. Mais, à un moment donné, j'ai senti que ça allait mal entre eux. Donc, là, j'ai cru que c'était le rôle du ministre de la Métropole d'agir, comme le dit la loi, comme catalyseur – c'est-à-dire, catalyseur, c'est celui qui accélère, si vous voulez, les réactions – pour sauver le projet et pour le remettre sur les rails. Et puis, en si bon chemin, j'ai cru que, pour qu'il ait vraiment une attitude métropolitaine, il faudrait qu'on y joigne Laval, qui est quand même la deuxième ville du Québec, et puis Longueuil, qui est la troisième plus grande ville de la région métropolitaine; et, comme ça, ça donnerait un support métropolitain à cette société.

J'espère que ce projet aboutira bientôt, mais on voit tout de suite que... Mais je ne suis pas un doctrinaire sur le territoire. Il est possible, je dirais même, il est probable que certaines des solutions que nous chercherons regrouperont parfois une seule partie du territoire, de sorte que ceux qui, trop loin de la couronne, sont inquiets que ça leur coûte trop cher devraient être rassurés par cette attitude. Alors, voici donc, en... J'espère.

(15 h 50)

J'ai voulu que ce débat sur la création du ministère de la Métropole soit le moins partisan possible. J'apprécie que, chez la majorité des gens de l'opposition, ils aient eu la même attitude. Certains, hélas, sont trop habitués au travail partisan pour l'avoir oublié complètement, quoique c'était quand même moins dur que sur d'autre chose. Mais je voudrais que la création de ce ministère se fasse dans l'enthousiasme et, si possible, dans l'unanimité. Ce n'est peut-être pas la meilleure solution. Peut-être n'avons-nous pas tous les pouvoirs que nous devrions avoir. Peut-être que ça n'est pas la perfection, mais c'est certainement mieux qu'avant, et cela vaut la peine, la situation de la métropole étant telle, les problèmes étant si urgents. Chaque fois qu'une métropole américaine a été placée dans la même situation que nous et qu'elle a refait le chemin vers la prospérité, c'est grâce à une solidarité de tous ses acteurs socioéconomiques, de tous ses acteurs politiques, au-delà de leurs différences politiques, de sorte que j'espère, M. le Président, que l'opposition aura l'ouverture d'esprit... avec le même esprit qu'ils ont accueilli le dépôt du projet de loi... J'espère que ce projet de loi, le projet de loi n° 1, peut-être est-il imparfait, mais recevra l'accord unanime de cette Chambre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre d'État à la Métropole. J'accorde maintenant la parole à la députée de Marguerite-Bourgeoys et critique officielle de l'opposition sur la métropole. Mme la députée.


Mme Liza Frulla

Mme Frulla: Merci, M. le Président. Nous sommes rendus maintenant en troisième lecture. On a passé plusieurs étapes au niveau du projet de loi. Chacun d'entre nous avons fait un travail, je pense, extrêmement sérieux. De part et d'autre, nous avons essayé d'être extrêmement constructifs, et, pour ça, je remercie autant mes collègues que les collègues du parti ministériel.

En troisième lecture, habituellement, M. le Président, ce que l'on fait, c'est qu'on regarde un peu le résumé de toute la situation, de toutes nos conversations, de nos débats, de nos tergiversations aussi, et aussi, peut-être, la différence de vision entre un côté, dans ce cas-ci celui du gouvernement, et l'autre côté, celui de l'opposition. J'aimerais commencer en parlant, à propos du projet de loi, du rôle du ministre, d'abord. Après, nous allons tout simplement aller vers le résumé, ensemble, de l'étude de la création du ministère de la Métropole, pour ensuite regarder les problèmes concrets et tangibles de la métropole.

Le rôle du ministre, M. le Président, dans ce que l'on nous propose. Vous savez que, en 1994, le programme du Parti québécois parlait déjà d'un ministre de la Métropole. Ça, c'était dans le programme. Quand le gouvernement a été élu, au lieu d'avoir un ministre de la Métropole, on avait un délégué général qui présidait un comité spécial du Grand Montréal. Il n'y avait pas de ministère. Quand le nouveau premier ministre est arrivé au pouvoir, il a décidé, lui, par décret, le 29 janvier dernier, de proposer un ministère de la Métropole. Et je dois vous dire que, tous, nous avons applaudi à la nomination d'un ministre d'État à la Métropole qui verrait à assurer le développement social et économique de la métropole. On était unanime là-dessus.

Cependant, après étude du projet de loi, après consultation, aussi, avec les intervenants de Montréal – et vous savez, M. le Président, que nous sommes quand même, comme caucus, très métropolitain, ayant 21 députés élus dans la région de Montréal, particulièrement aussi sur le territoire de la CUM; donc, évidemment, nous avons nos racines dans la ville même de Montréal et dans la métropole – on s'est aperçu que très peu ont accueilli, après étude, favorablement le genre de projet de loi sur lequel nous allons voter aujourd'hui. Et je parle bien du genre du projet de loi, pas, encore une fois, sur l'intention d'avoir un ministre de la Métropole, pas sur un projet de loi qui met en évidence la métropole et ses besoins, mais sur le genre de projet de loi, l'écriture en soi, le genre de projet de loi qui nous a été proposé.

Qu'est-ce qu'on se souhaite pour la métropole, M. le Président? Je pense que c'est un voeu commun. C'est que c'est une vision, d'ailleurs mobilisatrice, où la créativité du milieu pourrait s'exprimer, se développer, être à l'origine d'une véritable politique de développement en fonction des besoins de la population. Le tout, évidemment, appuyé d'un support financier qui est là, justement, pour aider à développer cette créativité qui existe et, je dois dire, qui, en son genre, est unique au niveau de la métropole.

Ce qu'on dit depuis le début par rapport au rôle du ministre... Et, M. le Président, je redis encore, en troisième lecture, qu'il n'y a personne qui met en doute la bonne volonté du ministre. Personne. Je parle du rôle fonctionnel du ministre, que ce soit le ministre présentement ou que ce soit un autre, ou que ce soit n'importe qui d'autre d'entre nous, parce que, quand on regarde la création d'un ministère, il faut penser aussi que c'est une structure, habituellement, qui reste d'un gouvernement à l'autre, que ce soit de ce côté-ci de la Chambre ou de l'autre côté. Ce que l'on craint du rôle de ce ministre-là de la Métropole, c'est que celui-ci soit plus... enfin, au lieu d'être un ministre décisionnel, celui qui est capable, justement, d'élaborer une vision de développement cohérente, que celui-ci soit beaucoup plus un tuteur au développement, sans détenir dans les mains les leviers essentiels pour l'aider à accomplir ce travail.

Quand on lui a posé les questions au niveau du projet de loi, il a semblé se donner la tâche de concilier les agendas des autres ministres. Il siège aux conseils ministériels, entre autres, sauf au Conseil du trésor – je vais y revenir, là-dessus – mais sur tous les comités ministériels, sur le Comité des priorités, c'est vrai, mais il concilie les agendas, puisque celui-ci, le ministre titulaire, n'a aucune voix prépondérante par rapport aux autres. Il doit écouter, informer, faire rapport, mais sans avoir aucun pouvoir décisionnel par rapport aux autres. Il a un pouvoir de surveillance, c'est vrai, pour s'assurer que, quand on parle de l'ensemble des politiques gouvernementales, on voit aussi l'implication au niveau de Montréal. De surveillance. Mais, quand il vient temps pour lui de dire: J'accepte ceci et je refuse celui-ci, le ministre n'a aucun pouvoir prépondérant. Il doit remettre, s'il y a litige – on va revenir à certains litiges potentiels – ce pouvoir, évidemment, au premier ministre.

Je disais qu'il siège sur tous les comités ministériels, sauf au Conseil du trésor. Pour nous, il aurait été important de siéger peut-être sur moins de comités ministériels, mais de siéger au Conseil du trésor. Pourquoi? Parce que c'est au Conseil du trésor que, vraiment, l'ensemble des dossiers sont analysés, au niveau financier d'abord. Mais, comme dans nos économies actuelles, tous – ce n'est pas pertinent au Québec, que ce soit au Québec ou dans les autres provinces – ont cette considération en tête, c'est la bonne gestion des finances publiques. C'est sûr que chaque projet présenté doit avoir, évidemment, une considération financière au bout. Ça coûte combien? Le Trésor, sa job, c'est de demander: Ça coûte combien? Puis si c'est trop cher, bien, c'est non. Ce n'est pas compliqué, c'était comme ça dans notre temps, et c'est comme ça aussi, j'en suis certaine, maintenant. Le Trésor, c'est son rôle, c'est d'être le chien de garde des finances publiques. Donc, tous les projets déposés du gouvernement, des projets d'action, sont analysés au Conseil du trésor. Le ministre ne siège pas au Conseil du trésor.

Ce qui me frappe aussi depuis sa nomination, c'est que le ministre nous parle constamment de sa nouvelle fonction, de son ministère – on a entendu parler tantôt du territoire, je vais y revenir – sans jamais dire aussi ce qu'il va mettre de l'avant. C'est-à-dire, encore hier, il nous a expliqué encore une fois le ministère, ce qu'il va faire, ses interactions, la cohérence qu'il doit assurer, mais on n'entend jamais parler, dans les cartons, de projets concrets en termes d'investissements concrets et économiques pour Montréal, de projets nouveaux, de projets qui sont inhérents au fait qu'on crée un ministère de la Métropole.

(16 heures)

C'est sûr, M. le Président, on voyait, ce matin: CAE annonce 500 emplois. Bravo! Bravo! On est contents, mais ce n'est pas inhérent au ministère de la Métropole. Que Birks se redresse après avoir – je ne sais pas combien, je pense, l'année passée, qu'on parle de 500 à 800 – congédié 500 à 800 personnes, fermé des succursales un peu partout, après avoir consolidé, après avoir vendu, puis après avoir des investisseurs qui viennent de New York, entre autres, c'est tant mieux, hein. Ça assure encore une fois, en tout cas, l'établissement futur ou enfin le rayonnement futur d'une maison qui est avec nous depuis le début du siècle, mais ce n'est pas inhérent au ministère de la Métropole. Mais qu'est-ce que ça va faire? En termes de projets concrets, quels changements ça va apporter, d'avoir un ministère de la Métropole? Et c'est ça qu'on va étudier, M. le Président. C'est ça qu'on a étudié et c'est là-dessus, un peu, mon propos.

Depuis le début, on parle d'écrire une belle loi. Le ministre nous a dit: On a fait à peu près 16 versions, puis on a voulu écrire une belle loi. Excepté que, vous savez, M. le Président, une loi c'est une loi. Elle peut être belle ou pas belle, il faut qu'elle soit efficace, sinon ça peut être écrit magnifiquement bien, ça peut être dans des termes juridiques extraordinaires... C'est une loi, effectivement, qui, pour la première fois, décrit un ministère régional, c'est tout vrai, excepté que, en bout de ligne, si la loi ne donne pas les effets d'efficacité escomptés, on est aussi bien de ne pas avoir de loi.

Alors, encore une fois, nous, notre action, ça a été de voir et d'étudier à fond si c'est une structure qui va donner un coup de pouce à l'économie et créer des emplois ou si c'est une structure qui, malgré une bonne volonté du départ... Parce qu'il ne faut quand même pas oublier que nous étions pour le principe, encore une fois, et les intervenants sont pour le principe. Si, malgré une bonne volonté du départ, la structure est appropriée, présentement, aux besoins de la métropole, d'une part, et, aussi, à l'interaction qui se passe sur le territoire du Québec...

Et, quand je parle d'interaction, je reviens un petit peu à ce que le ministre responsable du Développement des régions disait, pas plus tard que ce matin, en réponse à une question de mon collègue, ici, député de l'opposition qui s'occupe aussi du développement des régions – donc on s'est assis l'un à côté de l'autre. Alors, celui-ci posait la question au ministre responsable du Développement des régions, et celui-ci disait: Nous étudions également la possibilité de créer une équité interrégionale et ça se fera d'ici le sommet d'automne, qui s'annonce prometteur.

Ça veut dire quoi, ça, une équité interrégionale, M. le Président? Et, quand on parle des régions ensemble, est-ce que Montréal fait partie du développement régional? Parce qu'elle devrait faire partie du développement régional, en théorie. Est-ce que Montréal devrait faire partie des plans du ministre responsable du Développement des régions? Parce que, dans la mesure où on considère Montréal comme entité totalement à part et isolée, là on commence à avoir des problèmes, parce que Montréal, à ce moment-là, ne bénéficiera pas, si on veut, d'un plan intégré et d'un plan gouvernemental intégré.

Là, vous allez me dire: C'est pour ça qu'il y a un ministre de la Métropole, parce que, lui, il va s'assurer de la cohérence. Mais il faut être sûr qu'il y a cohérence et qu'il n'y a pas divergence de vues, et divergence de vues par rapport au pouvoir d'action entre le ministre de la Métropole et le ministre responsable du Développement des régions.

Comme le mentionnait aussi M. Claude Masson, éditeur du journal La Presse ... Celui-ci se posait des questions, M. le Président, il y a peut-être un mois et demi ou deux, en se demandant s'il s'agissait d'un ministre symbolique ou d'un ministre décisionnel. Selon lui, le ministre de la Métropole devrait avoir deux fonctions principales qui sont en soi synergiques et aussi inhérentes. D'abord, le ministre de la Métropole doit remonter le moral, parce que c'est sûr qu'à Montréal le moral n'est pas tout à fait élevé. Et on a beau dire: Il faut être positif, on essaie d'être positif, excepté que c'est des nouvelles comme ce matin, 500 emplois par CAE, c'est ça, qui rend positif. Parce qu'on a beau avoir le plus beau discours, on ne sera pas positif si on n'a pas de résultats tangibles. Donc, pour remonter le moral, il faut aider la région qui forme la moitié du Québec à retrouver son statut de véritable métropole. C'est ça. Et le ministre de la Métropole doit avoir les leviers essentiels pour le faire. Et c'est là que nous sommes inquiets de la capacité d'agir du ministre avec, encore une fois, les outils présentement que lui donne la loi, donc les outils qu'il détient.

Tout au long de la commission parlementaire, même lors de l'adoption du principe, on a tenté d'aider le ministre à se doter de pouvoirs afin qu'il soit réellement efficace auprès de ses collègues.

Selon nous, M. le Président, selon moi aussi, qui ai siégé au Conseil des ministres et connais un peu la dynamique, je lui ai dit... Et c'est avec énormément de sympathie que je lui ai dit: Je pense que vous êtes dans une situation très difficile, voire impossible. Je vais vous dire pourquoi. Parce que le député de Saint-Hyacinthe mentionnait un pouvoir moral. Il disait que le ministre de la Métropole a un pouvoir moral. Mais le pouvoir moral autour d'une table du Conseil des ministres, M. le Président, je ne sais pas, là, mais il me semble que ce n'est pas suffisant. C'est Lysiane Gagnon, ce matin, qui disait: «Où y'a de l'homme, y'a de l'hommerie» et «où y'a de la personne, y'a de la personnerie». C'est vrai. C'est très, très vrai.

Autour d'un Conseil des ministres, quand ça vient un peu serré, spécialement de nos jours où l'argent se faire rare, bien, ça joue du coude et souvent on a besoin d'un petit coup de pouce. Puis ce petit coup de pouce là se trouve bien souvent dans un réseau d'influences aussi et puis dans le budget d'un certain ministère pour que les collègues autour de soi écoutent sérieusement ce qu'on a à dire. Et, ça, là, il n'y a personne qui va me dire que, parce que c'est un gouvernement péquiste et pas un gouvernement libéral, c'est différent. Il n'y a personne qui va me dire ça, là. Ce n'est pas vrai, surtout, encore une fois, quand les situations se corsent, surtout quand l'élection s'en vient. C'est dans ce temps-là que ça joue dur. Et il ne faut jamais oublier que nos actions, c'est face à notre clientèle, et que le ministre de la Métropole, sa clientèle, bien, c'est la métropole, donc tous les élus des 112 municipalités de la métropole.

Alors, encore une fois, on trouve qu'il est dans une situation particulièrement difficile. Quand on disait qu'il faut qu'il ait plus de pouvoirs, ce n'est pas face aux élus municipaux qu'il faut qu'il ait plus de pouvoirs. Ce sont des élus et ils bénéficient d'une autonomie, ils seront jugés par ceux qui les élisent. Donc, les élus municipaux, c'est une dynamique, et travailler avec eux, aussi, c'est une dynamique en soi. Quand on parle de plus de pouvoirs, c'est, comme je disais tantôt, un pouvoir d'interaction par rapport à ses collègues.

Le conflit, M. le Président, selon nous, part du décret du 6 mars, avant le projet de loi, dans le décret ministériel du 6 mars, qui disait ceci. Le mémoire indique que, si les mesures proposées affectent la région métropolitaine de Montréal ou, au contraire, n'ont aucune incidence sur la métropole... Dans l'affirmative – en parlant du ministre de la Métropole – il en précise les impacts. Si des échanges de vues ont lieu avec le ministre d'État à la Métropole, il en décrit les résultats.

Au début, nous croyions qu'il s'agissait d'un geste concret et positif, car seules de rares considérations doivent faire l'objet de l'ensemble des propositions au Conseil des ministres. Donc, ce qu'on se disait, c'était: Au départ, on va voir comment ce décret-là s'articule au niveau du projet de loi. Et on trouvait ça bon parce qu'on se disait: Dans le fond, au Conseil des ministres, habituellement, à part des incidences financières ou encore à part des incidences qui proviennent des affaires intergouvernementales, entre autres, ou qui ont des incidences internationales, c'est rare; chaque dossier est étudié de façon sectorielle. Alors, on se disait: Il y a une considération de plus, c'est-à-dire que, dans chacun des dossiers, il faut analyser et on oblige les collègues à analyser l'incidence sur la métropole. Donc, on disait que c'était positif.

Jusqu'à ce qu'on réalise que ça restait là. C'est parce que, après avoir analysé les incidences de certains dossiers au niveau de la métropole, s'il y a des incidences qui sont négatives, bien, il faudrait quand même que le ministre de la Métropole puisse dire: Moi, je ne suis pas d'accord avec ça, il y a des incidences négatives, et je tranche.

Je vais vous donner des exemples où le ministre, par exemple, se retrouve dans une position peut-être un petit peu difficile, malgré toute leur bonne volonté de part et d'autre, quand on parle de ministres qui sont conflictuels, qui se trouvent dans des positions, et l'un et l'autre, difficiles par rapport à un dossier donné. Le ministre des Transports, par exemple, versus le ministre d'État à la Métropole, au niveau de l'Agence métropolitaine de transport et du plan de transport.

Le jour des crédits du ministre des Transports, je suis allée et j'ai demandé au ministre des Transports: Qui est responsable du plan de transport de Montréal? «C'est-u» le ministre de la Métropole maintenant ou le ministre des Transports? Le ministre des Transports me répond: C'est moi. On va déposer, en 1997, un plan de transport pour la métropole. C'est clair, c'est dans les galées. Là, évidemment, lors de la commission parlementaire, je demande au ministre de la Métropole: Qui est responsable du plan de transport puis de la gestion de transport, puis tout ça, puisque le ministre de la Métropole, maintenant, a sous sa responsabilité, en fait, l'Agence métropolitaine de transport?

(16 h 10)

Quand on avait conçu l'Agence métropolitaine de transport... Je ne reviendrai pas – on l'a dit hier – sur le bâillon, puis l'urgence. Oui, à cause de la subvention du 50 000 000 $. Mais on aurait pu s'organiser avec des modalités pour donner la subvention de 50 000 000 $ puis s'organiser pour se donner le temps d'avoir le consensus régional ou, enfin, auprès des maires, d'aller le retrouver – parce qu'on en avait un, mais on ne l'a pas écouté – et se donner le temps d'étudier comme il faut la représentativité, par exemple, d'élus au niveau du conseil d'administration de l'Agence métropolitaine de transport. Parce que je dois vous dire que, ça, c'est un irritant qui demeure, au niveau des maires.

Cela dit, quand on a étudié le projet de loi de l'Agence métropolitaine de transport, l'Agence, en soi, faisait du sens parce qu'elle était sous la gouverne du ministre des Transports. Donc, celui qui est responsable du développement global, entre autres, de la métropole, donc du plan, du développement global de la métropole, est aussi responsable de l'Agence qui va s'occuper du transport en commun, ce qui fait que son monde, son ministère aussi avaient une vue globale de toute l'activité du transport dans la région métropolitaine.

Mais là c'est différent, parce que, d'un côté, on a un ministre des Transports qui, lui, de par sa loi, a la responsabilité du transport au niveau du Québec, donc de la métropole, et on a un autre intervenant qui est responsable de l'Agence métropolitaine de transport. Et, dans la loi de l'Agence métropolitaine de transport, on dit que celle-ci doit aussi déposer un plan d'aménagement du transport, entre autres – que ce soit du transport en commun... mais il faut quand même tenir compte de l'ensemble aussi – si ma mémoire est bonne, en 1996. Et, ça, c'est par la loi, là.

Alors, le ministre de Montréal a eu raison de dire, quand je lui ai posé la question, qu'une loi est faite pour être observée, qu'il est responsable de l'Agence métropolitaine de transport et que celle-ci a une responsabilité par rapport au développement du plan de transport. C'est bien beau, excepté que, dans la loi du ministre des Transports, lui aussi, il est responsable. Il est responsable de l'ensemble du transport dans l'ensemble du Québec. Et, quand celui-ci parle d'équité, quand celui-ci parle de diminuer les coûts de transport, quand celui-ci parle de diminuer, sur la surface québécoise au total, donc, au Québec au complet, les coûts de transport, il parle aussi de les diminuer au niveau de Montréal.

Or, l'Agence métropolitaine de transport, elle, se finance par les contribuables. Son financement, ce sont les contribuables, évidemment, parce que ceux-ci paient, ne serait-ce que ça, 0,015 $ du litre d'essence, entre autres, des frais d'immatriculation, et tout ça, pour payer l'Agence métropolitaine de transport. Et là qu'est-ce qui arrive si le ministre des Transports, lui, décide qu'il doit aussi charger l'ensemble du Québec pour diminuer les frais de transport? Parce qu'on en est là, M. le Président. Si on était dans une ère de développement, si on était dans une ère où les finances publiques – plus de déficit – roulent à fond, où on développe, on ne dirait pas la même chose, là. On n'aurait pas les mêmes propos. Mais, dans la mesure où c'est la gestion des finances publiques qui guide les gouvernements actuellement, bien, ça rentre en considération, ça aussi.

Innovatech Montréal, M. le Président. Le ministre de l'Économie et des Finances, entre autres, est responsable d'Innovatech. Le ministre d'État à la Métropole, Innovatech Montréal. Aujourd'hui, on avait une question du député de Papineau qui disait: Nous autres, on a un projet, puis il doit être déposé pour le 5 juin. On n'en a pas vu la couleur encore. Ça relève d'Innovatech Montréal. Qui va nous donner la réponse? Ce n'est pas le ministre de la Métropole qui s'est levé pour Innovatech Montréal, c'est le ministre des Finances. Mais le ministre de la Métropole a tout de même la responsabilité, de par la loi, de s'occuper d'Innovatech Montréal, qui va de l'Outaouais à l'Abitibi. En quelque part, s'il y a quelque chose qui arrive, s'il y a un contrôle quelconque à suivre, bien, c'est tout de même le ministre de Montréal qui a cette responsabilité-là de par la loi. C'est sûr que le ministre des Finances a un oeil, de par sa fonction... Mais c'est quand même le ministre de la Métropole qui, en soi, a cette responsabilité, en tout cas selon la loi d'Innovatech Montréal.

Autre dossier, M. le Président, les aéroports de Montréal. Les aéroports de Montréal, c'est un dossier qui est complexe, c'est vrai. On avoue tous que ça n'a pas été l'idée du siècle, sinon la gaffe du siècle, d'aller planter un aéroport à Mirabel, là, dans le champ, en 1972. Mais, en 1972, on était, pour certains d'entre nous, très jeunes, et là nous sommes en 1996. Nous vivons dans la métropole, et, chose certaine, c'est qu'il y a un problème là. Et ceux qui sont conscients et qui veulent le développement économique de Montréal se disent: On ne peut pas se permettre d'avoir deux aéroports.

Le CRD de Montréal, les intervenants de Montréal, Montréal-CUM, Montréal-ville, là, enfin, le Montréal qui regroupe, je dirais, la partie la plus populeuse de la métropole s'est prononcé en faveur de Dorval. Écoutez, il va y en avoir, des problèmes, là. C'est sûr que Dorval va avoir besoin éventuellement, probablement, de réaménagements, probablement d'infrastructures, excepté que Dorval, au moment où on se parle, par rapport à l'échéancier 1997 du «Open Sky», Dorval est probablement celui qui est le plus en mesure de se retourner rapidement et de pouvoir, si on veut, s'adapter à cette nouvelle politique du transport aérien, de telle sorte qu'on va arrêter ou stopper l'hémorragie, hein, et, évidemment, arrêter aussi de perdre la clientèle qui nous échappe.

Un exemple, M. le Président. Quelqu'un qui s'en va, par exemple, dans un vol outre-mer, qui est à Québec et qui décide, lui, de s'en aller à Paris, par exemple – ça arrive – alors, au lieu de passer par Montréal, au moment où on se parle, il passe par Toronto. Pourquoi? Parce qu'il fait Québec–Dorval, Dorval–Mirabel, Mirabel–Paris. Sinon, il fait Québec–Toronto, Toronto–Paris, et au revoir et merci. Alors, c'est évident que pour stopper, si on veut, cette érosion de la clientèle, Dorval, au moment où on se parle, est le plus en mesure de s'adapter pour, finalement, accommoder cette nouvelle politique, comme je disais tantôt, de vols aériens.

Le seul problème, c'est que, effectivement, il y a Mirabel. Il y a un plan de développement économique, si on veut, pour Mirabel. Le problème que j'ai, c'est que les seuls qui disent... Hier, on se disait: Bien, il faut bien le dire, nous autres, parce que, si on ne le dit pas, il n'y a personne qui va le dire. Mais les seuls qui disent que Mirabel est en danger et, sinon, sa fermeture serait imminente, c'est le gouvernement. C'est sûr que, si on annonce la fermeture d'un aéroport, M. le Président, les gens qui se servent de cet aéroport-là... Au moment où on se parle, il y en a certains qui pensent qu'il est déjà fermé. Alors, au lieu de dire: On a un aéroport ici qui est en mesure – en mesure, là, hein – de s'adapter facilement à la nouvelle politique de 1997... Serrons-nous les coudes. ADM, c'est un organisme privé, il va le faire pareil, là. Sa décision, elle est prise. Mais serrons-nous les coudes, ensemble, et trouvons des solutions ensemble pour parer à ce qui mine, au moment où on se parle, Montréal et son développement économique.

Mais ce que je trouve bizarre, c'est que, en bout de ligne, le ministre des Transports, le ministre du Conseil du trésor, dont la région d'action, c'est justement Mirabel – puis il n'est pas puissant, d'abord – lui, dit: Dorval, «over my dead body», ce sera Mirabel comme aéroport international. Il donne le ton, là, hein. Puis, ensuite, on sort dans les journaux, en disant: On n'appuie pas la position d'ADM. Et les 63 000 000 $ qu'ils vont être obligés de donner de toute façon, parce que c'est l'ensemble de l'amélioration du réseau routier, alors les 63 000 000 $, là, bien, on dit spécifiquement: On ne les donnera pas, là, pour l'instant, et puis on n'est pas chaud à Dorval. Mais, une semaine plus tard, le ministre de la Métropole, qui, lui, trouvait que c'était une bonne décision d'affaires – et il a raison, le ministre de la Métropole – se retourne, puis dit au fédéral: Pourriez-vous, s'il vous plaît, me donner 14 000 000 $ pour nous aider à moderniser, et puis, évidemment, à construire, là, jusqu'à l'aéroport de Dorval, cette voie de chemin de fer, à la poursuivre, pour desservir, évidemment, la clientèle?

C'est parce que là j'ai de la misère à comprendre. Si, d'un côté, le gouvernement fait... À ADM: Nous autres, on n'est pas chauds. On ne veut pas toucher à ça, tu sais, puis on n'est pas sûrs. Puis cette décision-là, cette position-là n'aide pas le ministre de la Métropole, qui, lui, s'en va, hein, puis dit à Ottawa – puis il a raison de le dire à Ottawa, il faut quand même qu'il partage aussi les coûts – pourriez-vous nous aider? Parce que ce qu'Ottawa va faire, comme n'importe quand ou n'importe qui dans une décision où on sent qu'il y a tergiversation, il va dire: Faites vos devoirs chez vous, là, adonnez-vous, puis, après ça, on se reparlera.

Alors, c'est encore une fois... Je sais que le ministre de la Métropole trouvait que c'était une bonne décision d'affaires. À preuve, son action face à Ottawa. Mais ses collègues ne l'ont pas tout à fait suivi en ce sens. Donc, s'il avait un pouvoir de décision, si celui-ci avait une voix prépondérante, hein... C'est sûr qu'en bout de ligne c'est toujours le premier ministre qui tranche, mais le premier ministre aime bien mieux quand c'est ses ministres qui s'organisent ensemble, qui tranchent ensemble, qui s'accordent, que lui soit toujours obligé de mettre son droit de veto. Tout premier ministre est de même, là, puis ils ont raison d'être comme ça.

(16 h 20)

Alors, si le ministre de la Métropole pouvait dire: Bon, bien, là, je tranche, c'est le développement économique de Montréal. Par rapport à toutes les données que j'ai, je pense que, dans toutes les solutions – et toute solution a ses imperfections – c'est Dorval et on va s'organiser ensemble pour faire que Mirabel fonctionne, puis vous allez me suivre là-dessus. Si le ministre de la Métropole avait eu cette voix prépondérante, peut-être qu'on n'aurait pas vu non plus ce cafouillis au niveau des médias.

Là, on en vient à la création du ministère de la Métropole. On s'est dit: «C'est-u» un secrétariat versus un ministère? Ce qu'on proposait puis ce qu'on avait mis sur la table un peu pour discussion, c'était qu'un secrétariat de la Métropole avait un avantage. Au lieu de dire: On fait un ministère de la Métropole, si on avait dit, par exemple: Bon, parfait, nous avons, d'abord, une volonté qui est dans notre programme électoral, nous avons une volonté qui a été dite et redite par les deux premiers ministres qui se sont suivis; on va faire un secrétariat de la Métropole. Il va y avoir un ministre qui sera en charge du secrétariat avec des objectifs très précis, des échéanciers très précis et j'oblige, moi, premier ministre, à une obligation de résultat. Autour de ce ministre, il va y avoir six ou sept ministres qui sont les plus concernés et ceux-ci devront se rallier aux objectifs que, moi, premier ministre, je donne au ministre responsable du secrétariat de la Métropole, et celui-ci maintenant a le pouvoir d'agir pour qu'en bout de ligne mes objectifs... celui que j'ai donné, moi, premier ministre, soit rempli. Je me demande si ça n'aurait pas été plus efficace, M. le Président, qu'un ministère. Parce que l'avantage d'un secrétariat, c'est une structure qui est légère et qui reste légère.

Lorsque nous avions, à l'époque, le secrétariat, on avait huit ministres, 10 fonctionnaires permis par le Conseil du trésor en plus... 19 fonctionnaires plutôt, pas plus. Là, au moment où on se parle, on se retrouve avec un ministre qui a, dans sa loi, un pouvoir de concertation, un pouvoir d'influence, un pouvoir de cohérence. Donc, on a un ministre versus huit ministres autour qui, eux, ont un pouvoir sectoriel, décisionnel et budgétaire. Donc, on a un ministre qui est là, qui n'a pas vraiment de pouvoirs et de marges de manoeuvre, surtout en termes de budget d'initiative, et 70 fonctionnaires. Le plus drôle, c'est que, dans un article du journal La Presse du 6 mars 1996, le ministre disait que son ministère ne compterait qu'une dizaine de personnes; ça, c'est le 6 mars 1996. À l'étude des crédits, ils étaient rendus à 45; ça, c'est à l'étude des crédits. En commission parlementaire, ils étaient rendus à 64 et, hier, ils étaient rendus à 70.

C'est ça, M. le Président, un ministère. Veux veux pas, Montréal, c'est vertical, ça se travaille à la verticale, ce qui fait qu'il y a toujours des dossiers, et les machines, veux veux pas, ont cette habitude de s'automultiplier. C'est partout pareil. C'est sûr que les dossiers sont infinis. À dossiers infinis, évidemment, bien, fonctionnaires infinis aussi. Alors, c'est une multiplication. Donc, pour une structure lourde, on a quand même une structure... Une structure qu'on voulait avoir légère, on a une structure qui s'en vient peut-être un peu plus lourde. Et c'est le ministre qui disait: Moi, quand je vais avoir besoin d'expertise, bien, je vais aller dans les ministères puis je vais aller piger l'expertise. Encore faut-il que l'expertise dans les ministères soit disponible pour venir travailler au ministère de la Métropole. Ce n'est pas évident que le ministre responsable de l'expertise donnée va laisser aller, lui... il va s'affaiblir, il va laisser aller, lui, son expertise pour que celle-ci s'en aille pour six mois ou huit mois, disons, en pension chez le ministre de la Métropole.

Alors, encore une fois, avec la volonté, la bonne volonté d'avoir une structure légère, on se retrouve, veux veux pas, avec un ministère. Qui dit ministère dit, évidemment, quelque chose d'un petit peu plus lourd et qui va continuer de s'alourdir, j'en suis convaincue, par rapport à un secrétariat qui, lui, évidemment, a, de par sa définition, une structure qui est plus légère.

Le problème qu'on a aussi, c'est que ça s'arrête où? Parce qu'on est obligé de dire que ce n'est pas la mode, de multiplier les structures, de ce temps-là, M. le Président. On ferme les hôpitaux, on ferme les hôpitaux. Pourquoi? Parce qu'on se dit: Avec la nouvelle technologie, ça va être plus efficace, puis on s'en va vers le virage ambulatoire. On n'est pas ici pour parler de ça, mais quand même. Ça, c'est la réalité, hein. On est en train d'étudier aussi un projet de loi qui regroupe des organismes. Qui dit regrouper des organismes, à un moment donné, peut dire aussi fusionner des organismes. Pourquoi? Parce qu'on veut aussi arrêter l'hémorragie des dépenses publiques, et on a raison de le faire. Excepté que, parallèlement à ça, on crée une structure qui est rendue à 4 000 000 $ – entre 4 000 000 $ et 5 000 000 $ – de fonctionnement, une structure qui devait être, à l'époque, le 6 mars 1996, d'une dizaine de personnes et qui est maintenant rendue à 70 fonctionnaires.

Voici maintenant aussi – bon, on a parlé de structure – les paramètres du rôle du ministre dans la loi. On dit qu'il sera – le ministre en question – rassembleur. Encore une fois, c'est beau de rassembler, c'est beau, excepté que, dans la mesure où il faut être efficace et il faut trancher, bien, il faut être plus que rassembleur; il faut quand même avoir ces moyens-là pour le faire. Et le ministre disait: Moi, je serai le représentant du milieu, au sein du gouvernement. Au moment où on se parle, avec les moyens qu'il a, la seule chose qu'il peut être, c'est le représentant du gouvernement au sein du milieu. C'est la seule chose que le ministère et les pouvoirs que le ministère lui confère lui donnent comme rôle.

Il y a une autre chose aussi, M. le Président. Fait à noter, il n'y a aucune consultation qui a été faite avant de procéder à la création du ministère, et, ça, ça aurait peut-être été très utile. Je comprends que, bien souvent, et c'est normal, évidemment, comme politicien on est toujours limité par le temps, par les mandats – c'est du quatre ans, quatre ans et demi, cinq ans, là, max – donc on veut en faire le plus possible dans son mandat, c'est légitime. Excepté que, dans un cas où on crée pour la première fois un ministère territorial, pour la première fois dans l'histoire du Québec, ça aurait peut-être été utile d'aller demander aussi des consultations, ne serait-ce que sur le champ d'action, sur les priorités et, encore une fois, ce que ça veut dire dans la tête des différents intervenants montréalais, la définition de «métropole».

Parce que je m'aperçois que, pour certains, la métropole ne veut pas dire la même chose. Pour Montréal, Montréal-ville, ça veut dire quelque chose; CUM, ça veut dire quelque chose d'autre; Laval, La Montérégie, c'est autre chose; et la troisième couronne, là, bien, c'est autre chose aussi. Alors, ce n'est pas le même sentiment d'appartenance ou, enfin, la même définition. Mais ce qu'il faut faire, c'est sûr, c'est rallier tout le monde sous un même chapeau et sous une même conviction. Mais, encore une fois, ça aurait été bien de faire une consultation, de telle sorte que les gens sachent pourquoi un ministère de la Métropole et dans quelle ligne ou, enfin, dans quel sens il s'enligne, ce ministère-là.

On parle de rôle de concertation. On a dit qu'il était rassembleur; il avait un rôle au niveau de la concertation. Ce n'est pas évident, ça non plus, M. le Président, parce qu'il y a les acteurs publics et les acteurs privés. Il y a 111 municipalités, entre autres – plus un territoire autochtone, mais mettons 111 municipalités – les commissions scolaires, les MRC, qui sont coupées en deux à cause du territoire – j'y reviendrai tantôt – les régies régionales, les CRD, les institutions nombreuses dont les intérêts sont parfois divergents.

C'est pour ça que je disais que ça aurait été bien d'avoir une consultation sur le ministère parce que, mettre tous ces gens-là ensemble sous un même chapeau... La plupart d'entre eux sont des élus avec des considérations d'élus aussi. Ce n'est pas non plus évident de pouvoir concilier tout ça et d'avoir un ensemble d'objectifs auxquels on tente de répondre tout à la fois. Alors, si on avait fait une consultation, on aurait pu établir nos priorités. Et c'est toujours mieux, M. le Président, de marcher selon quelques priorités et de les réaliser que d'avoir un beau plan d'action et qu'en bout de ligne on s'aperçoive qu'on a vu trop large.

On parle de coordonner. La coordination est fondée essentiellement sur celle de recevoir de l'information des ministères qui l'entourent et aussi, comme on disait tantôt, de faire coïncider les agendas des différents ministères et des ministres vis-à-vis des intérêts de la métropole. Mais, selon nous, la métropole a besoin de bien plus. Parce que, on l'a dit, le décret s'est traduit en loi et la loi disait: Recevoir l'information et échanger des points de vue; excepté que je pense que la métropole a besoin de plus que ça. On est quand même dans une situation qui n'est pas facile; la preuve, c'est qu'on crée un ministère de la Métropole parce qu'on veut souligner l'état d'urgence de cette région-là, entre autres.

(16 h 30)

Alors, si on crée un ministère de la Métropole parce que c'est urgent, il me semble qu'il faut aussi avoir plus qu'un pouvoir de recevoir et d'être informés, de distribuer l'information et de s'organiser pour que les agendas coïncident avec l'agenda du ministre de la Métropole. Quand je parle de l'agenda, là, je parle de l'agenda dans son sens large; je parle aussi d'agenda en termes d'objectifs et en termes de stratégies et d'échéancier.

Donc, la métropole, je le disais tantôt, a besoin de projets concrets qui lui permettent de se développer et a besoin d'aide du gouvernement pour la soutenir dans ces projets concrets là. Laissons l'entreprise privée, qui est capable de se débrouiller, faire ce qu'elle a à faire, mais incitons, par exemple, les investisseurs, les intervenants à être actifs économiquement dans la région de Montréal.

Le territoire. On parle de 111 municipalités, je le disais tantôt, plus la réserve amérindienne. C'est vrai que c'est basé sur la Région métropolitaine de recensement. On sait que cette base-là, c'est une base qui est statistique. C'est une base qui évolue. À preuve, quand le rapport Pichette s'est basé sur la Région métropolitaine de recensement, on parlait de 102 municipalités. Ça ne fait pas longtemps, là, ça fait à peu près trois ans et demi, quatre ans. On est rendu à 111 municipalités au moment où on se parle, hein. Et le problème, c'est qu'il faut se poser la question à savoir si... Bon. Ça, c'est un territoire statistique pour voir, évidemment, disons, les va-et-vient des intervenants qui demeurent sur ce territoire-là, c'est-à-dire les gens qui travaillent dans la couronne. Donc, c'est comme ça qu'on détermine la Région métropolitaine de recensement.

Par contre, mon collègue de Jacques-Cartier faisait état, entre autres, des MRC qui sont coupées en deux à cause du territoire, justement, de la définition de la RMR. Donc, si la municipalité ou la MRC est coupée en deux, si on fait la promotion d'une MRC, il y a une partie de la MRC qui est sur le territoire de la métropole, mais l'autre partie n'est pas là. Elle est ailleurs. Ça, c'est la même MRC.

Un autre exemple: Contrecoeur. Je le disais tantôt, Contrecoeur, c'est là que débute l'activité du port de Montréal. Contrecoeur n'est pas inclus. Pourquoi? Parce que les gens de Contrecoeur – il y a bien de l'activité – demeurent à Contrecoeur. Ça ne fait pas partie de la RMR. Excepté que l'activité du port de Montréal, c'est un élément crucial, extrêmement important pour Montréal. Contrecoeur ne fait pas partie de ça. Et on se demandait si, compte tenu des priorités fondamentales, compte tenu des problèmes qui sont très différents dans Montréal, la CUM, hein, et les deux couronnes, là, la rive nord et la rive sud, qui sont des solutions, des fois, au problème, mais qui contribuent aussi, des fois, au problème, avec des mentalités très particulières... Prenons Laval, par exemple. Laval est une MRC, une ville, une région quasiment en soi, là, alors, avec un CRD propre, puis tout ça. Ça, c'est à côté de Montréal. Alors, il y a assez de priorités autour de ces premières couronnes en termes d'aménagements, en termes aussi de défis, parce qu'ils ont des défis très similaires, qu'il aurait peut-être fallu réduire le territoire, M. le Président, au lieu de l'agrandir. Réduire, compte tenu des besoins maintenant.

C'est comme si on décidait de mettre une espèce de plâtre, hein, sur une blessure qui n'a besoin que d'un bandage. Je trouve que c'est aller très large pour, justement... Et ça nous oblige, ou enfin, ça nous évite souvent de focusser sur des problèmes qui sont inhérents. Et les problèmes, M. le Président, qui sont inhérents sont des problèmes, bien souvent, de la région de Montréal, de Montréal-ville et de la CUM. Bien souvent, les problèmes commencent là, et ce sont des problèmes qui sont extrêmement difficiles à résoudre, et particuliers, et qui ont besoin d'une attention à la loupe particulière.

Une autre chose au niveau du territoire. L'Agence métropolitaine de transport, elle, dont le ministre est responsable, s'étend sur 96 municipalités. Innovatech, je l'ai dit, d'Abitibi en Outaouais. C'est tous des territoires différents, ça, M. le Président. Donc, il me semble, en tout cas, que le territoire, pour nous, compte tenu de la situation de 1996... Encore une fois, M. le Président, si tout allait bien partout, s'il y avait des problèmes, oui, là, mais si on était en plein développement économique où on pourrait favoriser, si on veut, des mesures très, très spécifiques, là, facilement par rapport aux problèmes qui sont cruciaux et qui sont inhérents, je dirais: Ce n'est pas grave, c'est correct. Mais excepté que, là, dans un temps d'économie qui n'est pas facile, hein, puis parce que tout le monde est concerné par cette gestion des finances publiques, il faut absolument s'en aller aux priorités prioritaires d'abord et avant tout.

Il y a autre chose aussi qui inquiète quand on parle du territoire, c'est le territoire que le ministre de la Métropole couvre par rapport au territoire du ministre des régions, du Développement des régions, qui sera ministre des régions. M. le Président, le ministre de la Métropole disait, quand on a découvert, finalement, qu'il y aurait un ministère des régions, le jour même où on étudiait le projet de loi sur la métropole, le ministre de la Métropole disait: Ce n'est pas grave, moi, je vais couvrir 47 % du territoire, qui représente la population que je représente comme ministre de la Métropole, et l'autre, en parlant du ministre du Développement des régions, le député de Joliette, qui n'est pas un mince politicien, là, on s'entend, va couvrir 53 %, puis il n'y a rien de mal à ça. Mais ce que j'entends, M. le Président, depuis cette semaine, je ne pense pas que c'est tout à fait ça qui est dans la tête du ministre responsable du Développement des régions. Je ne pense pas, moi, M. le Président.

Quand le CRD, qui est le seul organisme de concertation de la région de Montréal, dépend, si on veut, financièrement et aussi en termes de philosophie, donc de planification globale, du ministre du développement régional, M. le Président, il faut se poser des questions. Ce n'est pas évident que le ministre du développement régional va décider de lâcher le morceau, là, spécialement quand celui-ci dit aujourd'hui qu'il veut étudier la possibilité de créer une équité interrégionale. Je veux dire, on est 47 % de la population, on est quand même la majorité, ou presque, du territoire en termes de population. Ce n'est pas évident que, s'il veut avoir une équité interrégionale, une vision interrégionale, celui-ci va dire au ministre de la Métropole: Toi, tu t'occupes de 47 % et, moi, je vais m'occuper de 53 %. Ce n'est pas évident, M. le Président.

Le financement du ministère, M. le Président. Ça, ça a été vraiment une des questions clés, je l'ai dit et je le répète. On parlait des frais de fonctionnement, ça va bien, parce que le ministère grossit, donc des frais de fonctionnement de 4 000 000 $ à 5 000 000 $. Le ministre, on lui a dit: Où est votre pouvoir d'initiative? Parce que, dans la loi, on dit que vous avez le pouvoir d'assurer la promotion – je n'ai pas les termes exacts, mais la promotion – en tout cas le développement économique, la promotion touristique, et même un souci sur l'emploi qu'on a fait ajouter et que le ministre a ajouté dans sa loi. Il l'a dit tantôt, et on pensait que c'était fort important, parce que, l'emploi, c'est quand même la clé. De l'emploi découle aussi toute l'activité économique. Alors, le ministre dit: Quand j'en aurai besoin, ne vous inquiétez pas, il y a le fonds consolidé, et je ferai une demande au fonds consolidé. Le problème, c'est que le fonds consolidé, il dépend du ministre des Finances, qui cherche, lui, 600 000 000 $, et le Conseil du trésor, lui, a 2 035 000 $ en périmés à récupérer. Alors, même s'il a une bonne idée, là, puis s'il a un pouvoir d'initiative, le fonds consolidé ne sera peut-être pas là pour répondre, parce que le ministre responsable, lui, sa porte sera peut-être fermée.

À preuve aussi que ça aurait été utile d'avoir un budget d'initiative: le CRDIM, et j'y reviens, a besoin d'aide, et l'argument du ministre du Développement des régions en disant... La Côte-Nord, c'est un territoire très grand et c'est un territoire qui a ses besoins, c'est vrai. Il a raison. Là, le problème, c'est que le CRDIM, lui, a évidemment comme responsabilité de répondre à des projets, et dans une région qui est... enfin, la plus populeuse du Québec. Ce qui fait qu'au moment où on se parle, 3 000 000 $ pour le CRDIM, ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas suffisant. À preuve, on ferme, on met la clé dans la porte au mois de septembre si le budget n'est pas augmenté.

Le ministre de la Métropole est conscient de ça. Il est conscient de ça et il a répondu lui-même non seulement ici, en Chambre, mais aux gens du CRDIM: Je ne vois vraiment pas ce que je peux faire, parce que je suis conscient qu'il manque des fonds. Et c'est la première année qu'on s'en ressent, parce que, les deux années dernières, ça a pris du temps à implanter, justement à cause... On est 150 là-dessus; ça a pris du temps à recueillir tout le monde puis, bon, à former, puis tout ça. Elle n'est pas parfaite, la structure, M. le Président, il y a encore des éléments qui boitent, mais, quand même, on se retrouve pareil avec un forum où les gens se parlent. Ils se parlent, ils sont obligés de se parler, ce qui n'est pas toujours évident à Montréal, hein?

(16 h 40)

Alors donc, l'argent qui était là, du CRDIM, qui avait été attribué du début, s'est trouvé accumulé. Donc, l'année passée, le CRDIM fonctionnait avec un budget à peu près de 1 000 000 $. Mais, là, cette année, on fonctionne avec la vraie réalité, là, la réalité du 3 000 000 $, et c'est nettement insuffisant. Le ministre de la Métropole en est conscient. Il est d'accord, excepté qu'il doit demander la permission au ministre du développement régional, qui, lui, dit: Bien, moi, j'en ai d'autres priorités, là. Il y en a d'autres CRD ailleurs qui ont ces besoins. Puis je le comprends, le ministre du développement régional, de dire: J'ai des demandes de partout. Alors, qui tranche, M. le Président? Qui tranche?

Ça serait bon que le ministre de la Métropole ait un budget à lui. Même si c'est la première année d'implantation, même si on n'a pas d'expérience avec un ministère territorial, on peut quand même prendre l'expérience du ministère du Développement des régions. Le ministre responsable du Développement des régions, lui, a un budget de 150 000 000 $ pour le développement des régions. On regarde ça. C'est pour des programmes, tout ça. C'est pour lui. Alors, on pourrait quand même prendre exemple de ce ministère-là et doter le ministère de la Métropole, considérant aussi l'année fiscale qui est en cours, etc., d'un budget, peut-être pas de 150 000 000 $, mais d'un budget pour lui permettre de fonctionner.

Si le Festival de jazz, par exemple, demande de l'aide, a besoin d'aide, s'il a besoin d'à peu près 150 000 $, s'il demande de l'aide, s'il va cogner à des portes, la ministre de la Culture, elle, son budget est très serré – ça, je le sais – distribué au niveau de la SODEQ et au Conseil des arts. Le budget, il est placé. Elle, elle n'a pas beaucoup d'argent. C'est fait, c'est placé, c'est distribué déjà. Elle a des programmes très fixes. Le Conseil des arts distribue. Elle dit au Festival de jazz: Allez voir le Conseil des arts. Ils sont responsables des événements majeurs, allez voir ce qu'ils peuvent faire. Le Conseil des arts, j'en suis certaine, va leur répondre, à cause des coupures de 15 000 000 $ de l'année passée, entre autres: Je ne peux pas, là. Je vous ai donné tout ce que j'ai pu. Qu'est-ce qu'ils vont faire? Ils vont aller cogner à la porte du ministre de la Métropole, c'est sûr. Là, le ministre de la Métropole trouve que le Festival de jazz, c'est créateur d'emplois, ça génère de l'activité économique à Montréal, c'est extraordinaire pour la promotion touristique. Il faut qu'il s'implique. Qu'est-ce qu'il fait? Là, il part, il prend son bâton de pèlerin puis il s'en va cogner aux portes. Il s'en va cogner aux portes du Développement des régions, de la ministre de la Culture: Trop serré. Il s'en va cogner aux portes du fonds consolidé.

S'il avait un budget, lui-même, pour pouvoir manoeuvrer, peut-être que cette fois-ci il pourrait créer ses programmes – pas bar ouvert, là – et qu'il pourrait donner des aides ponctuelles pour permettre à divers organismes – que ce soit culturel, social, économique – pour se développer, et ça dépendrait de lui. La réponse dépend de lui. Il ne devient pas le pèlerin du gouvernement. Alors, c'est pour ça qu'on voulait au moins qu'il ait un statut égal au ministre du Développement des régions.

Il a parlé, lors de la prise en considération du rapport, du budget, parce qu'il a dit: Moi, j'en ai du budget, des quatre sociétés qui sont sous ma responsabilité. Excepté que, M. le Président, outre Innovatech, sur laquelle il n'y a pas grand, grand-chose à dire et qu'il partage allègrement avec le ministre des Finances, ce n'est pas les budgets d'opération de la RIO – et on peut lui demander si le président du conseil d'administration de la RIO s'en vient – de la Société du Palais des congrès – si le président, je pense, permanent du conseil d'administration de la Société du Palais des congrès s'en vient – et l'Agence métropolitaine de transport qui vont contribuer à relancer l'économie de Montréal. Ils sont là déjà. Ce sont des acteurs qui sont là et qui opèrent déjà. Alors, pour relancer l'économie, ça prend des projets neufs. Alors, ça aurait été bien, encore une fois, qu'il soit de statut égal au ministre du Développement des régions.

Pouvoir d'initiative, M. le Président. On dit: Il n'y a pas de budget pour le pouvoir d'initiative. C'est quoi, le pouvoir d'initiative? Ça c'est peu connu, sauf en aménagement du territoire, qui a lieu d'inquiéter les maires. Et, au moment où on se parle... Parce qu'on n'est pas ici, on ne fait pas ça tout seul, là, parce qu'on se dit: C'est un ministère qui, s'il voit le jour, va rester ou, enfin, a tout lieu d'opérer pendant un bout de temps. Et, ça, c'est bon ou c'est mauvais pour tout le monde, là. Alors, on s'informe, on appelle, on tâte le pouls. Mais je peux vous dire que, en matière d'aménagement du territoire, malgré ce que disait tantôt le ministre, ils sont encore très inquiets. Les élus municipaux ont cette impression qu'on veut les noyer à travers d'autres intervenants qui, eux, ne sont pas élus. C'est ça, l'impression que les élus municipaux ont.

Et, au niveau de l'aménagement du territoire, c'est beau de dire qu'on va partager la richesse. Jésus-Christ disait ça aussi: On va partager la richesse. Puis c'est beau, c'est un principe chrétien. Excepté que, pas évident non plus, là. Une ville qui est bien administrée puis qui fonctionne très bien a une tendance à être un petit peu égoïste. Puis ce n'est pas évident que, elle, elle veut partager la richesse avec une ville qui est un petit peu moins bien administrée puis qui a un bon déficit, parce que la ville bien administrée va dire: Si le maire avait administré mieux, l'autre maire, là, il ne serait pas dans le trou comme moi je le suis. C'est une réaction totalement normale.

Et puis, moi, je me souviens, M. le Président, quand j'étais ministre de la Culture, sur le Conseil des arts de la Communauté urbaine de Montréal, les villes qui étaient les plus réticentes à embarquer, là, ce n'était pas la ville de Montréal, c'étaient les villes voisines, les riches, les villes voisines qui, elles, posaient des questions puis qui disaient: Moi, là, mes commettants, ils y vont à la Place des Arts, ils vont même à New York voir des shows puis ils vont même en Europe voir des shows. Eux autres, ils sont capables. Alors, pourquoi je devrais payer pour ça quand mes commettants sont capables de se le payer? C'est un peu ça. Est-ce que c'est bien, ce raisonnement-là, M. le Président? Non. Est-ce qu'on est d'accord avec ça? Non. Excepté que, encore une fois, si on avait eu une consultation sur le ministère, si on s'était, ensemble, collectivement, donné les priorités au début, peut-être que ça aurait aidé dans cette volonté, justement, de consultation, de rassembleur, mais aussi de partager, cette volonté du partage de la richesse.

Alors, M. le Président, tout ça pour vous dire qu'on en vient à un ministère qui, selon nous, est une structure parmi d'autres et qui est une structure qui risque – et, jusqu'à maintenant, on n'a pas la preuve du contraire – d'être peu efficace. Et je vais vous dire, M. le Président, il y a des dossiers qui sont cruciaux à Montréal, auxquels on n'a pas encore répondu depuis 1994. Le pacte fiscal, qu'on ne me dise pas qu'il n'a rien à voir avec le trou de beigne. Le pacte fiscal fait en sorte qu'on a un trou à Montréal, et il cause le trou de beigne à Montréal. Les industries qui sont à Montréal, qui paient plus cher le loyer – ça leur coûte 46 % de plus, elles, avoir leur siège social ou leur place d'affaires à Montréal par rapport à demeurer, je dirais, à Longueuil ou à La Prairie – et qui remplissent les subventions, les appels d'offres, et qui sont capables d'offrir leurs services pour... Des fois, M. le Président, ça joue entre 5 000 $ de moins que d'autres. Ce 5 000 $ là, c'est l'industrie qui demeure à Montréal qui, elle, doit payer des loyers qui sont supérieurs à ceux des industries qui sont en dehors.

Et je dois vous dire une chose, au moment où l'on se parle, le siège social de l'Union des artistes est en train de se bâtir, c'est tout du monde d'en dehors de Montréal, là, qui construit. Pourquoi? Parce que les offres étaient moins chères. Et c'est un problème au niveau du pacte fiscal, autant pour les habitants qui vivent à Montréal et qui bénéficient des services que pour les habitants de Laval ou ceux qui habitent aussi Longueuil ou Brossard, qui, eux aussi, ont des services. Peut-être pas d'une grandeur comparable, si on veut, à ceux de Montréal, mais, quand même, M. le Président, qui ont aussi certains services. Qu'il y ait une plus-value pour habiter l'île de Montréal, entre autres, et Lachine, correct. L'île de Montréal, c'est correct; je suis d'accord avec ça, moi. Excepté qu'il y a une plus-value et une plus-value. Ça prend un pacte fiscal. Il a été promis par M. Parizeau, il a été promis par Chevrette le 26 novembre 1995, le ministre du développement régional. Ce qu'il dit, c'est: Ce que je cherche, c'est une pacte fiscal, et j'ai pris l'engagement de le faire. Le 29 mai 1996, M. Ménard a dit: Ce que je voudrais, c'est chercher à obtenir un pacte fiscal récurrent avec Montréal. Et c'est ça.

Donc, il y a le pacte fiscal, il y a le dossier des cols bleus, M. le Président, qui, encore là, va traîner ad vitam aeternam, parce que ce n'est pas à l'avantage des cols bleus de régler. Il y a tout le dossier de l'emploi à Montréal qui, on l'a dit, périclite à Montréal, et il y a, évidemment... Je ne reviendrai pas sur l'incertitude politique qui n'aide pas à Montréal. Et, aussi, la police de la langue. On avait promis de garder une espèce de paix linguistique et on s'en va, à Montréal, leur mettre une police de la langue pour plaire aux gens de Montréal-Centre membres du Parti québécois. Je ne pense pas non plus que ça fasse l'affaire des intervenants financiers à Montréal.

Pour ça, M. le Président, pour Montréal, parce qu'on aime Montréal, on va voter contre la loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Marguerite-Bourgeoys. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Westmount–Saint-Louis. M. le député, pour une intervention de 10 minutes.


M. Jacques Chagnon

M. Chagnon: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, je serai bref; d'ici à 17 heures, en fait.

(16 h 50)

M. le Président, premier problème avec le projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole, c'est clair qu'il s'agit d'une appellation mal contrôlée. La Loi sur le ministère de la Métropole n'est pas la Loi sur le ministère de la Métropole mais la loi sur le Montréal métropolitain. À partir du moment où on écoute le ministre exposer une partie de la problématique de Montréal, on s'étonne de voir le projet de loi qu'il nous amène. Le problème de Montréal: un problème de pauvreté, un problème dysfonctionnel, de désorganisation de la ville de Montréal comme ville-centre et de dépeuplement de Montréal comme ville-centre et d'appauvrissement de la ville-centre. Pour régler le problème de l'appauvrissement de la ville-centre, eh bien, on a ce document, ce projet de loi.

Ce projet de loi, M. le Président, s'il s'était appelé correctement, Loi sur le ministère de la Métropole, aurait été une loi sur Montréal, touchant, en application, Montréal et, je dirais, l'île de Montréal. Ce qu'on a ici comme projet de loi, c'est un projet de loi qui cherche non pas seulement à cerner Montréal et sa ville, la ville de Montréal et l'île de Montréal, mais bien plutôt les couronnes nord, premier niveau, deuxième niveau; couronnes sud, premier niveau, deuxième niveau. Cent onze municipalités, M. le Président, qui partent de Saint-Anicet au canton de Gore. Ça m'a appris... Au moins, j'ai pu faire l'exercice de trouver où était le canton de Gore. Le canton de Gore est au nord de Lachute.

M. le Président, c'est clair que quand on est à Rome, à Paris ou à Tokyo, comme je le disais hier, et qu'on habite le canton de Gore, on dit aux gens par qui on se fait poser la question «Où habitez-vous?», on dit: On habite à Montréal. Mais le projet de loi n'est pas fait pour les gens de Londres, Paris, Rome ou Tokyo. Le projet de loi est fait pour Montréal, en principe, pour faire en sorte d'aider Montréal. Mais c'est une réponse qui est un bricolage que le ministre nous apporte ce matin.

M. le Président, le ministre nous a dit: Je voudrais que mon action soit empreinte de cohérence, de concertation et de coordination. Le premier niveau de cohérence qu'on aurait dû s'attendre à retrouver, c'est la liste des municipalités faisant partie de la loi qui aurait dû s'appeler «loi sur le ministère de la région métropolitaine». Les municipalités du projet de loi ne concordent pas avec celles de la liste de l'agence de transport, qu'on a adoptée ici, dans cette Chambre, il y a à peine six mois, ne concordent pas avec la liste des municipalités d'Innovatech, qui est sous le contrôle du ministre. C'est ça, la grande signification, la cohérence du ministre? Non, ce projet de loi n'est pas cohérent.

Ce projet de loi, le ministre nous affirme qu'il veut travailler en concertation. La première action qu'on a vue du ministre, ça a été de s'occuper du dossier d'Outremont, un dossier d'implantation de constructions résidentielles. Sa concertation s'est limitée à une attaque virulente à l'endroit du maire d'Outremont, à tel point que le ministre a dû s'excuser le lendemain et le surlendemain de cette attaque. Le ministre, un agent de concertation? Un rassembleur? Ce n'est pas parce que c'est écrit dans le projet de loi du ministre qu'il est un rassembleur, qu'il en est vraiment un. Le ministre a mis le feu à Outremont. Il a été obligé de l'éteindre deux jours plus tard.

On parle de coordination. Le ministre prétend que son action doit être sous le sceau de la coordination. On sait maintenant que son action n'est pas sous le sceau de la cohérence, sous le sceau de la concertation. Mais regardons la coordination, M. le Président. Le ministre n'est pas dans une position pour prendre action pour un dossier éminemment important pour Montréal. L'aéroport, Dorval, Mirabel. Le ministre, pris en porte-à-faux, je disais hier, est disparu. Il m'a répondu: Non, je ne suis pas disparu. Il m'a répondu ça hier: Non, je ne suis pas disparu.

Mais on a fait en sorte, par exemple, que si c'est le ministre des Transports, m'a-t-il dit hier, qui a livré la position gouvernementale, c'est parce que c'est celui qui était le plus impliqué, au point de vue du budget, dans ce qui était exigé du gouvernement du Québec par la décision qui était prise. Il m'a dit ça hier, le ministre.

Dans le fond, M. le Président, ce qu'il m'a dit hier, c'est quand on a un ministre comme lui en est un, on n'a pas de raison de se préoccuper de ce ministre-là parce que, si on a un vrai problème, on va régler ça avec le ministre des Transports. Si j'ai un problème de relations de travail et de grève dans le centre-ville de Montréal, dans mon comté, c'est avec le ministre du Travail que je vais régler ça, ce n'est pas avec le ministre de Montréal. S'il y a un problème de transport, c'est avec le ministre des Transports que je vais le régler. Si j'ai un problème avec un autre ministre... Je vais aller voir le ministre sectoriel si je veux avoir un règlement dans mon dossier.

On a besoin d'un ministre de la Métropole avec l'appellation non contrôlée, encore une fois, qui est celle que le ministre nous a apportée? Eh bien, on a besoin de ça à peu près comme d'un trou dans la tête. Le ministre de la Métropole aimerait peut-être faire de la concertation. Le ministre de la Métropole aimerait peut-être être cohérent et faire de la coordination, mais l'approche même de son projet de loi, les 111 municipalités, dans son projet de loi, vont faire en sorte que, comme dans le dossier Dorval-Mirabel, son projet de loi va être un grand lavabo dans lequel lui-même sera le prince des Ponce Pilate. Le ministre sera un Ponce Pilate parce qu'il n'aura pas le choix, il va être obligé de se laver les mains entre les problèmes de la couronne nord, les problèmes de la couronne sud et Montréal-Centre. Et c'est à cela que le ministre nous convie, c'est cela que le ministre nous demande d'agréer. C'est évident que la réponse va être non.

M. le Président, le ministre prétendait que ce projet de loi était pour être révolutionnaire. Le ministre prétendait que ce projet de loi était pour être innovateur. Le ministre a le contrôle sur quoi? La Régie des installations olympiques, l'Institut d'hôtellerie...

Une voix: La RIO.

M. Chagnon: Non, je l'ai dit. Le centre de tourisme, l'agence de tourisme de Montréal...

Une voix: Le Palais des congrès.

M. Chagnon: ...le Palais des congrès, trois opérations, trois organisations qui n'ont plus de président. Le ministre est là depuis cinq mois, il n'a même pas trouvé un président à la RIO. Et, M. le Président, dans le fond, ce que le ministre nous dit, c'est que les organismes qui sont sous sa tutelle, c'est des organismes qui marchent tout seuls. Ils n'ont même pas de président puis il n'y a personne qui s'en occupe, puis il n'y a personne qui s'en plaint non plus, semble-t-il. Et ils sont organisés avec des conseils d'administration qui peuvent fort bien se passer du ministre pendant un grand bout de temps.

Le ministre est responsable d'Innovatech. Innovatech, ça fait quelques années que ça fonctionne. Innovatech fait des investissements pour une trentaine de millions de dollars par année, investissements avec le secteur privé qui permettent de faire de la recherche et du développement; c'est une excellente chose. Le ministre reconnaîtra que le programme d'Innovatech est un programme qui date de 1992, 1993.

Mais, M. le Président, le Conseil régional de développement de l'île de Montréal a 3 000 000 $ de budget, le même niveau de budget qu'on retrouve dans tous les autres conseils régionaux de développement. Il y en a 16 au Québec, M. le Président. Celui de Montréal, avec 30 % de la population du Québec, a un seizième des fonds. Le ministre, il dit: Oui, je vais regarder ça, puis je pense que ce n'est pas normal. Il pose la question à son collègue, le député de Joliette et responsable du Développement des régions, il dit: C'est bien entendu que la règle de 1 $ pour une personne, 1 $ par tête de pipe, c'est une règle que l'on ne doit pas appliquer, surtout à Montréal. Ça coûterait plus cher, ça débalancerait un peu le budget du ministre responsable du Développement des régions. Mais le premier qui accepte cette définition-là, c'est le ministre responsable de Montréal, de la métropole, en fait, de la région métropolitaine, de presque rien, finalement, tellement c'est confus.

Le vrai pouvoir du ministre, ce sera quoi? Ce sera d'agréer, finalement, d'aller en conférence de presse avec le ministre des Transports, d'aller en conférence de presse avec la ministre de l'Éducation, ministre de l'Éducation qui a un dossier du Conseil supérieur de l'éducation pour lui signaler qu'à Montréal on devrait avoir... Et, aux états généraux, on a remarqué aussi la même position des intervenants de Montréal. Les gens ont demandé de prendre le dossier de Montréal puis de le regarder en particulier. Ils n'ont pas dit de prendre la moitié de la province, ils n'ont pas dit: Le problème est un problème du Montréal métropolitain. Le problème est à Montréal. Réponse du ministre? Est-ce qu'on a entendu le ministre dans sa volonté de coordination, dans sa volonté de concertation, dans sa volonté de cohérence? La réponse du ministre a été un silence. Silence, pas de réponse. Il n'y a pas de réponse, ni pour ce problème-là, ni pour d'autres problèmes qui touchent les Montréalaises et les Montréalais.

Finalement, M. le Président, le ministre nous a dit: J'ai eu 80 versions de mon projet de loi. Bien, il mériterait d'en faire une 81e. Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage, M. le ministre, parce que cette fois-ci n'est pas encore la bonne. Merci beaucoup, M. le Président.

(17 heures)

Le Vice-Président (M. Brouillet): Merci, M. le député de Westmount–Saint-Louis. Je vais maintenant accorder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Merci, M. le Président. J'aurai, sur ce projet de loi, une position nuancée. D'abord, je tiens à vous dire que je voterai en faveur du projet de loi n° 1 créant le ministère de la Métropole, mais que ce n'est certainement pas, de ma part, d'abord, un appui à l'action du gouvernement dans le dossier de Montréal jusqu'à maintenant, surtout pas un appui au ministre si ce qui s'en vient, c'est des débats de structure et des chicanes qu'on voudrait engager avec les élus municipaux ou avec les MRC de la couronne de Montréal; sûrement pas non plus parce que je suis très impressionné par le contenu de la loi qui est devant nous, parce que c'est une loi qui ne va pas très loin. Je pense que les gens de l'opposition officielle viennent d'exprimer, d'ailleurs, comment il y a des faiblesses dans la loi.

Je voterai en faveur pour une raison relativement simple, c'est que, devant une intention – appelons ça comme ça pour le moment – du gouvernement suite à la formation du nouveau gouvernement de mettre une priorité sur le renforcement de Montréal, je me dis: On va laisser la chance, au moins, au coureur. Il nous place devant cette volonté-là de créer un ministère. Je pense que, a priori, dans la population, ça a créé, spécialement chez les gens de la région métropolitaine, chez les gens de la région de Montréal, des attentes énormes. Ça a créé des espoirs. Jusqu'à maintenant, l'action du gouvernement est plutôt timide, et ce qui est mis dans le sac, ce qui est mis dans le coffre à outils par la loi du ministre responsable de la Métropole, ce n'est pas des outils trop, trop gros. C'est des outils assez limités dans leur portée. Dans bien des cas, c'est même des organisations qui étaient déjà là, qui fonctionnaient par elles-mêmes, qui fonctionnaient relativement bien. D'ailleurs, sous l'ancienne présidence, celle de M. Bibeau, la RIO, je pense, fonctionnait de façon particulièrement remarquable. Plusieurs personnes de la région de Montréal l'ont souligné.

Mais, dans sa volonté de redonner une santé économique, une santé en termes de développement dans la région de Montréal, je vais laisser la chance au coureur au gouvernement. Mais on va les suivre, M. le Président. Je dois vous dire que le départ de leurs bonnes intentions concernant Montréal a été un peu boiteux, parce que le ministre lui-même – je me souviens, on en a parlé en commission parlementaire – a dit, quand il est arrivé dans ses fonctions, en réponse à des questions: Une des choses importantes, une des conditions de la réussite de mon mandat, ça va être l'harmonie linguistique. Il l'a identifiée comme une des choses qui étaient importantes.

Évidemment, probablement que lui comme son chef n'ont pas énormément de contrôle sur les assises, puis les instances, puis les pressions de certaines ailes qui sont à l'origine même de la fondation du parti auquel ils se sont associés, puis ça n'a pas été long que les chicanes linguistiques sont réapparues. On venait de mettre en place un ministère sur la Métropole puis de parler d'harmonie dans la région de Montréal puis de développement économique, puis le même parti puis le même gouvernement était le premier à garrocher des allumettes dans le gaz pour essayer de relancer les chicanes linguistiques. Alors, certainement que ça démontrait que, à l'intérieur du gouvernement dont il fait partie, si le ministre, lui, est un convaincu, pour le moins dans sa propre équipe, dans sa propre formation, il y a tout un travail à faire. Et là on est reparti avec la création d'un nouvel organisme, la police de la langue qui revient, puis on peut imaginer ce qui va s'ensuivre.

En tout cas, les sommes qu'on va mettre là-dedans, je suis convaincu que le ministre responsable de la Métropole aurait bien voulu que ce soient des sommes, des enveloppes qu'on garde, hein, sous sa responsabilité pour réaliser des projets, pour créer des emplois, pour faire des choses qui vont dans le sens d'une unification et d'unir la population derrière la réalisation de projets de développement économique, sauf que, lui, il arrive probablement avec des idées mais fait partie d'un gouvernement qui oriente ses priorités d'une façon très, très différente.

Je pense qu'on souhaite tous, M. le Président, que la situation économique de Montréal se stabilise d'abord – parce que là, présentement, je pense qu'elle est un petit peu en décroissance; c'est le moins qu'on puisse dire – mais qu'on reprenne une période de prospérité, d'ici quelques années, encourageante. Parce que ce n'est pas seulement pour la région de Montréal. Comme député de Rivière-du-Loup, comme députés de toutes les régions du Québec, on doit être tout à fait conscients qu'il n'y a, au Québec – et, comme Assemblée nationale, on doit en être conscients – qu'une ville qui est à l'échelle internationale, à l'échelle mondiale, en compétition avec les grandes villes du monde.

Rivière-du-Loup, qui est une ville industrielle qui va très bien, n'est pas en compétition, pour l'obtention de projets, avec New York, avec Los Angeles, avec Toronto, avec Vancouver. Si des projets de cette envergure-là sont amenés au Québec, bien, ça doit nécessairement passer par Montréal. Ça fait que, quand c'est Montréal qui les obtient plutôt que Vancouver, quand c'est Montréal qui les obtient plutôt que Détroit, quand c'est Montréal qui les obtient plutôt que Toronto, bien, les retombées, les sous-contrats, le développement qui s'ensuit, là il rejaillit sur tout le Québec.

Je pense que c'est pour ça que, comme parlementaires, qu'on représente la région de Montréal ou qu'on représente n'importe quelle autre région, quand on connaît bien la structure économique du Québec, quand on connaît bien comment l'économie du Québec se développe, on souhaite tous que Montréal soit une ville compétitive, que la fiscalité de Montréal soit compétitive, que les conditions économiques à Montréal, que les conditions sociales à Montréal soient les plus harmonieuses possible, que la promotion de Montréal, internationalement, se fasse, parce que, tous et chacun, on y gagne.

Alors, je conclus donc, M. le Président, en résumant. À date, je pense que le ministre n'a pas eu encore l'occasion de faire des grandes démonstrations de réussite. À date, le ministre ne s'est pas vu confier par son gouvernement les outils. Peut-être que c'est l'adoption de la loi, là, qui est un point crucial et qu'avec l'adoption de la loi on va voir des actions débouler. En tout cas, je le souhaite, je le souhaite vivement.

Je peux dire qu'en appuyant ce projet de loi ma ferme intention, c'est de demander des comptes. Et je pense que le ministre se voit confier, si ce projet de loi là est adopté, un mandat pour lequel il aura à rendre des comptes; rendre des comptes pour les engagements que son gouvernement a pris, rendre des comptes pour la priorité qu'ils ont décidé d'inscrire sur la question de la métropole, rendre des comptes aussi à tous les Québécois, à toutes les Québécoises de la région métropolitaine, qui sont malheureusement beaucoup trop nombreux en chômage et pour qui les projets du gouvernement ont suscité des espoirs. Alors, devant ces gens-là, il aura à rendre des comptes.

Et il va devenir urgent, pour arriver à des résultats, que le ministre puisse établir une stratégie des secteurs industriels, des secteurs de développement économique auxquels on s'accroche, qu'on mette des moyens en collaboration avec nos universités, en collaboration avec les instances de haut savoir, parce que c'est là que vont se développer les technologies d'avenir, qu'on ait une vision, des stratégies précises, qu'on mette les investissements stratégiques aux bonnes places et qu'ensemble, non pas en chicane puis en essayant de tout déstructurer ce qui existe déjà puis ce qui va bien dans la couronne, puis... non, non, en collaboration, en partenariat avec tous ceux qui souhaitent, dans la région métropolitaine, la grande région, le mieux-être de la population, le mieux-être économique de la région, bien, qu'avec tous ces gens-là on puisse réussir à améliorer la situation économique de Montréal.

Et, dans ce mandat fort important, dans ce mandat qui déborde tous les cadres, évidemment, partisans, je souhaite la meilleure des chances au ministre. J'espère que ce ministère sera, dans la stratégie du gouvernement, un outil plus efficace que ce qu'il peut nous apparaître aujourd'hui et qu'il pourra donc rendre des comptes positifs devant l'Assemblée nationale des résultats de son ministère lorsque, comme parlementaires de l'opposition, on va le suivre à la trace. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Mont-Royal. M. le député.


M. John Ciaccia

M. Ciaccia: Merci, M. le Président. Quand le gouvernement avait annoncé qu'il voulait créer un ministère de Montréal et avait nommé le député de Laval-des-Rapides, ex-ministre de la Sécurité publique, je pense que tout le monde avait très bien accueilli cette annonce. Ça avait été bien accueilli quant au concept d'un ministère de Montréal et aussi quant à la personne nommée pour diriger ce ministère. Et l'opposition officielle avait appuyé, avait voté pour le principe de la création d'un ministère pour Montréal, ministère de la Métropole.

(17 h 10)

Mais, M. le Président, malheureusement, malgré la bonne volonté du ministre, malgré la bonne foi du ministre, le projet de loi qui est devant nous ne répond pas aux besoins de Montréal. Même, je dirais qu'il pourrait apporter encore un peu plus de confusion dans la situation qui existe actuellement. Il ne répond pas parce que le problème, c'est Montréal. On a déjà souligné que l'étendue du territoire va au-delà de la métropole. Mais non seulement ça. Ça ne comprend pas la région économique de Montréal, même si on va plus loin que strictement l'île de Montréal. On doit réaliser plus que seulement en paroles que la force motrice du développement économique du Québec, c'est Montréal, et il faut lui donner les outils pour prendre les décisions pour qu'il puisse accomplir cette mission.

Quels sont, M. le Président, les vrais problèmes de Montréal? Premièrement, au lieu de donner à Montréal les moyens de sortir des difficultés, on impose une structure additionnelle qui ne définit pas. Vraiment, le rôle du ministre est très mal défini. On l'a déjà vu. On a donné des exemples de certaines décisions qui ont été prises, de certaines contradictions où le ministre n'est pas toujours sorti gagnant des résultats non pas parce qu'il ne le voulait pas, mais parce qu'il n'a pas le pouvoir décisionnel, et ce projet de loi ne le lui donne pas.

Quels sont les vrais problèmes de Montréal? M. le Président, un des problèmes, c'est l'exode de Montréal; deux genres d'exode. Premièrement, ceux qui s'en vont vers les banlieues. Je pense qu'on en a parlé au cours des années, puis on a des propositions, des suggestions et des recommandations de ce qui pourrait être fait pour empêcher l'exode vers les banlieues; des infrastructures et toutes sortes de programmes.

Mais il y a un autre exode aussi, l'exode de ceux qui quittent le Québec, et, ça, M. le Président, c'est encore plus inquiétant. Ce n'est pas de gaieté de coeur qu'on en parle, pas du tout. Parce que ceux qui ont travaillé, qui ont oeuvré, qui veulent que le Québec vraiment prenne sa place, quand ils voient l'inquiétude qui existe... Quand on regarde les sondages qui ont été faits, les jeunes se sentent tellement inquiets qu'une bonne partie sinon la majorité de ceux qui vont être diplômés de nos universités et de nos collèges, parce qu'ils voient l'inquiétude, parce qu'ils voient l'incertitude, ils expriment une volonté de quitter le Québec.

Et ça, M. le Président, il y a une incertitude politique, il y a une incertitude financière et je ne pense pas qu'on puisse la cacher. Il faut en parler pour voir ce qu'on peut faire même si on a cette épée de Damoclès au-dessus de nous. Qu'est-ce qu'on peut faire? Et, cette incertitude, elle existe. Ce n'est pas seulement nous qui la disons. Quand le premier ministre est obligé d'aller à New York pour essayer de répondre aux attentes, aux inquiétudes, aux questions des investisseurs américains, c'est parce que ce n'est pas seulement nous qui sommes inquiets. Les investisseurs, les financiers soulèvent ces questions-là. Quand le premier ministre est obligé, en Nouvelle-Angleterre où il veut parler seulement de l'économie, de se faire poser des questions sur l'avenir politique du Québec, c'est parce que nos partenaires économiques ont cette inquiétude.

Quand on voit que des missions économiques... Par exemple, un de nos partenaires avec lesquels nous avons travaillé sur l'ALENA, le Mexique, a évité de venir au Québec. C'est bien beau de dire... On ne nous a même pas donné des raisons très valables. Alors, il faut se poser ces questions parce que c'est notre avenir collectif qui est en jeu ici. Qu'allons-nous faire? Il faut en parler. On ne peut pas le mettre de côté et prétendre que le problème n'est pas là.

M. le Président, le ministre, quand il est venu en fonction, avait même parlé d'un certain irritant linguistique et il voulait faire son possible pour essayer de rendre la vie internationale du Québec plus facile. Avec le projet de loi qui a été déposé sur les modifications de la charte, de la loi française... On était arrivé à une paix linguistique au Québec. Vous savez, ça a commencé ça fait plusieurs années. Quand vous commencez à regarder tous les débats linguistiques de 1974 sur le bill 22, sur 101 en 1976, 1977, 1978, sur la loi 178, sur la loi 86, on en était venu à une atmosphère où tous les gens réalisaient: Oui, le Québec, c'est français; la langue de travail, c'est le français. Les différentes communautés minoritaires, la communauté anglophone, les communautés minoritaires avaient accepté et agissaient et respectaient cette volonté collective de la société québécoise. Et, pour venir nous créer une police de la langue, après des dizaines d'années de difficulté où nous nous sommes tous collectivement posé des questions, où on a tous fait notre possible, on a fait tout ce qui devait être fait, je crois, M. le Président, que ce n'est pas le projet de loi que nous présente aujourd'hui le ministre de la Métropole qui va aider Montréal, quand on pose de tels gestes.

Vous savez, quelle sorte de message on envoie au reste du monde? On parle de Montréal, et ça l'est, un centre international. Nous avons attiré ici des organisations internationales, nous avons attiré des investissements internationaux. Autant on peut critiquer les adhérents de la partition, les «partitionnistes» d'envoyer les mauvais messages dans le reste du monde et dans le reste du Canada, autant on peut critiquer les changements qui ont été apportés pour la création des enquêteurs sur la Charte de la langue française. Ça aussi, M. le Président, ça envoie les mauvais messages au reste du monde. Et nous voulons tous, au moins, nous avons tous le même objectif, on veut améliorer notre société, on veut que ce soit une société qui réponde aux besoins de tous les Québécois.

Malheureusement, même les intentions du ministre... Et c'est pour ça que ce projet de loi ne nous donne pas les pouvoirs, ne nous donne pas le droit, ne nous donne pas la capacité de pouvoir même mettre en oeuvre ce que lui-même sait, ce que lui-même a énoncé et a dit à la population sur certains aspects de nos lois.

Alors, M. le Président, malheureusement, parce que ce projet de loi ne répond pas aux besoins de Montréal, parce qu'il cause de la confusion, parce qu'il n'y a pas de définition claire sur le rôle du ministre, parce qu'il n'attaque pas les vrais problèmes... Ce n'est pas en faisant semblant, M. le Président, qu'on va créer une structure et que les problèmes de Montréal seront résolus. Il faut attaquer les vrais problèmes. Et les vrais problèmes que Montréal connaît présentement, malheureusement, ne sont pas, ne pourront pas et ne seront pas résolus par le projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole. Et, parce que, nous, nous sommes pour Montréal, M. le Président, nous allons voter contre ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, je vous remercie, M. le député de Mont-Royal. M. le député de Vachon, vous voulez intervenir, alors je vous cède la parole.


M. David Payne

M. Payne: Merci, M. le Président. Je n'avais pas vraiment l'intention d'intervenir, mais, quand j'entends les paroles du député de Mont-Royal, je pense que ça invite un député de notre côté à faire un appel au gros bon sens.

(17 h 20)

La question de confiance, lorsqu'on parle des investissements, c'est quelque chose qui devrait être partagé dans la communauté. Mais, lorsque nous entendons jour après jour les recommandations au désinvestissement, quasiment, de la part des membres de l'opposition, on trouve la solution à pourquoi il manque, des fois, de confiance dans l'économie québécoise. Avec des prophètes de malheur comme les gens de l'opposition, on commence à comprendre un certain nombre de choses. Et, lorsque le député de Mont-Royal indique que le premier ministre va aux États-Unis et puis il se rend compte de l'incertitude, ça m'invite à faire sortir quelques chiffres qui sont sortis l'autre jour.

Les exportations québécoises aux États-Unis représentent maintenant 29 000 000 000 $. Savez-vous où ça situe le Québec? Ça situe le Québec, vis-à-vis des États-Unis, à la sixième place, sixième place aux États-Unis. Nous sommes donc un des plus importants fournisseurs au monde de biens et de services aux États-Unis. Ça situe l'activité économique du Québec par rapport aux États-Unis plus que – et je vais donner un exemple qui va en faire sauter plusieurs – le Royaume-Uni, le Québec seulement. Les cyniques d'en face peuvent être surpris de cela, mais c'est bien le cas. La France est en deuxième place... Je parle des partenaires des États-Unis; les exportations de la France ou, tantôt, de l'Angleterre vers les États-Unis. Nous, on fait plus. La France, c'est 17 000 000 000 $ seulement. Tous ceux qui sont devant nous, c'est le Japon, le Mexique, la Chine et l'Allemagne. Et, essentiellement, cela, c'est concentré dans la région métropolitaine de Montréal. Si on regarde, par exemple, la question des importations, c'est à 13 000 000 000 $.

Le Québec occupe, en 1995, si on résume tout cela ensemble, le neuvième rang parmi les plus importants. Toute considération prise, on est les neuvièmes partenaires des États-Unis au niveau des échanges de toutes sortes, c'est-à-dire les exportations et importations composées.

C'est assez intéressant, mais ce n'est pas du tout l'histoire qui a été racontée tout à l'heure par le député de Mont-Royal. C'est sûr qu'il s'agit là d'une économie qui est en changement. C'est certain qu'il y a une transformation des usines manufacturières vers les hautes technologies. J'ai cité dans cette Chambre des études remarquables qui ont été faites dernièrement. Où se situe, par exemple, la région métropolitaine? La première d'une trentaine de villes métropolitaines en Amérique du Nord, la première en densité d'emplois dans les entreprises au-delà d'une centaine d'employés. Il y a de l'action, mais ce sont des gens d'affaires qui ont confiance. Ce n'est pas le gouvernement qui peut tordre le bras. Mais ça peut aider si, par exemple, l'opposition était pour applaudir ça de temps à autre. Remarquable, extraordinaire! Je dirais que l'opposition n'est pas capable de se lever devant cette Chambre, d'applaudir les efforts des Québécois qui investissent ici.

Et je pense qu'on devrait dire au député de Mont-Royal, aussi, que la question de la loi 101, ce n'est pas si fatal que ça. Je suis anglophone moi-même. Et on peut faire peur aux anglophones, c'est très évident. On peut répéter dans toutes les périodes de questions qui se font ici, jour après jour, mois après mois, année après année, que ça va mal. Et tu vas finir par en convaincre quelques-uns que ça va mal, que c'est impossible à cause de la loi 101. Quelle catastrophe! Bien, voyons donc! J'ai entendu le député de Westmount– Saint-Louis dans la première lecture, c'était le même sujet. La loi 101 ne décourage pas le monde. Le monde peut faire des affaires en Corée, il peut faire des affaires à Taiwan, il peut faire des affaires en Angleterre. Les entreprises peuvent faire des affaires n'importe où au monde, que ça soit en espagnol, en français ou en anglais. Elles s'accommodent.

Je vous donne un exemple. Il y avait un investissement de 350 000 000 $ de la part de la filiale d'une société britannique, RTZ-CRA, le plus important groupe minier au monde, tout dernièrement, dans les quelques derniers mois, qui va disposer, à l'automne de l'an prochain, une nouvelle usine produisant annuellement 200 000 tonnes de scories superconcentrées en bioxyde de titane. C'est un investissement majeur. Il y a l'investissement qui s'en vient de la part de Dowty-Messier, encore une firme britannique, qui investit ici déjà dans la manufacture des trains d'atterrissage. Une firme d'Angleterre qui, avec une association avec les Français, a choisi, ici, Montréal comme place stratégique pour faire des affaires après qu'ils eurent gagné le contrat remarquable de l'Airbus européen. Ils sont actuellement en concurrence pour un important contrat en Californie avec Boeing parce qu'ils vont construire ce qu'on appelle le «Stretched Boeing», une version plus étendue, plus allongée de leur Boeing qui va avoir une capacité d'à peu près 600 passagers. Très stratégique, très important que le Québec et cette firme-là, Dowty-Messier, gagnent ce contrat-là. Et je suis certain qu'on va le gagner.

Mais je peux dire une affaire, ce ne serait pas du tout grâce aux députés de l'opposition, pas du tout, parce qu'ils se lèvent jour après jour pour dire: Ça va mal. C'est la loi 101, c'est... J'ai discuté justement de ça avec les Britanniques, cette firme-là, en Angleterre. Ils ont dit que la question de séjour temporaire privilégiant, par exemple, l'accessibilité aux écoles anglaises pour leurs enfants, pour la période temporaire qu'ils sont ici, au Québec, ne posait aucun problème. Et les dispositions qui ont été déposées, l'autre jour, par ma collègue la ministre de la Culture et des Communications, avaient comme effet de même allonger quasiment indéfiniment le temps de séjour temporaire pour les personnes qui venaient au Québec. Cette disposition-là est plus souple qu'elle ne l'était dans le passé, et, ça, ça a été suivant les suggestions des entreprises privées.

Soyons francs, soyons honnêtes, ça ne pose pas le problème que vous imaginez. Si on peut faire affaire au Mexique, où ce n'est pas la langue anglaise, ou à Taiwan, où ce n'est pas la langue anglaise, de la part des entreprises de toutes sortes, ne nous dites pas que c'est impossible de travailler au Québec en français. À part ça, tout le monde sait qu'on peut travailler... Avec nos échanges directs avec nos voisins, avec des personnes, on peut parler dans la langue anglaise. Ce n'est pas l'enfer de vivre au Québec, si on doit travailler en français et utiliser l'anglais dans nos échanges personnels. Voyons donc! Ça bouge, au Québec. Je pourrais donner beaucoup plus de chiffres, M. le Président, si j'avais un peu plus de temps. Mais ce que j'ai, c'est un peu de temps pour envoyer un message de confiance dans l'économie.

Et un peu de sérieux de la part des gens d'en face! Lorsqu'ils voient ce qui se passe au Québec, à ce moment-ci, ils peuvent voir que nous sommes le cinquième en Amérique du Nord en aéronautique, nous sommes le sixième en biopharmaceutique. Ça, c'est une évolution, si ce n'est pas une révolution industrielle technologique extraordinaire.

Mais ça prend la complicité de l'opposition derrière ce projet de loi qui n'est pas un projet de loi symbolique. C'est la consécration des voeux exprimés par l'entreprise privée, par tous les intervenants, les milieux communautaires, les milieux défavorisés qui veulent ce sens de la solidarité qu'on a vu plus tôt cette année, au printemps, avec le premier ministre Bouchard et qu'on va voir à l'automne. Oui, ça bouge, au Québec. Et ce projet de loi, c'est un symbole de ça. C'est le Québec en marche. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Vachon. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Sauvé. M. le député.


M. Marcel Parent

M. Parent: Merci, M. le Président. M. le Président, le 30 avril dernier, le ministre d'État à la Métropole, le député de Laval-des-Rapides, déposait à l'Assemblée nationale le projet de loi n° 1 sur le ministère de la Métropole. Il s'agit, M. le Président, d'un projet de loi qui vient concrétiser la création du ministère de la Métropole, tel que promis par le premier ministre Bouchard lors de la nomination de son Conseil des ministres, le 29 janvier dernier. Il s'agit d'un droit nouveau, car, pour la première fois – et nous sommes d'accord – dans l'histoire du Québec, un gouvernement met en place un ministère à vocation territoriale.

(17 h 30)

Ce ministère, on ne pouvait que se réjouir que le gouvernement du Parti québécois mette sur pied un ministère de la Métropole et dote ce ministère d'un ministre de la région de Montréal, et d'un ministre, en plus, qui avait fait ses preuves comme ministre de la Sécurité publique. Et je suis heureux de lui dire qu'il nous avait impressionné. Mais j'ai l'impression qu'il n'est pas impressionné actuellement. J'ai l'impression que le ministre responsable de la métropole ne va pas être tellement heureux.

Le ministre responsable de la métropole hérite d'un ministère qui n'en est pas un, un ministère symbolique et qui a été créé pour une seule et simple raison, pour respecter l'engagement du premier ministre actuel, engagement qu'il a fait à Montréal, en présence du maire Bourque, pendant la campagne électorale. Si le gouvernement actuel avait voulu donner à la métropole un ministère actif, un ministère productif, un ministère avec des outils pour travailler, il ne lui aurait pas donné une structure latérale. Ça ne se peut pas dans notre régime démocratique, dans nos traditions parlementaires britanniques, M. le Président. Vous étiez ici quand je suis arrivé, en 1984. Ça fait 12 ans qu'on est ici. On le sait, comment ça fonctionne. On connaît les chasses gardées. On connaît les chapelles qui existent à l'intérieur des ministères. On sait bien que les problèmes de Montréal ne peuvent pas être réglés par un ministre qui ne possède pas le pouvoir, mais qui possède un pouvoir de consultation, et comme quelqu'un disait, un grand pouvoir moral.

Ah! c'est beaucoup, un grand pouvoir moral, quand il s'agit de décider des priorités dans le réseau routier de Montréal. C'est fort, un ministre avec un pouvoir moral, quand il s'agit de régler les problèmes de chômage et d'administrer l'emploi à Montréal. Ah! un ministre qui travaille à l'intérieur d'un ministère pourvu de structures latérales et qui a un grand pouvoir moral, c'est fort lorsqu'il faut régler des problèmes d'environnement, des problèmes d'enfouissement à Montréal et qu'il doit aller demander la permission au ministre de l'Environnement.

Vous connaissez les problèmes de circulation que l'on vit à Montréal, plus précisément depuis un mois. On a fermé le tunnel Hippolyte-Lafontaine partiellement. Qui est-ce qui s'est promené en hélicoptère, du haut des airs, pour analyser la situation? Le ministre des Transports, c'est normal. Ce n'est pas le ministre de Montréal. Il veut, le ministre de Montréal. Je l'admire. C'est un des meilleurs ministres que ce gouvernement-là s'est donné, mais j'ai l'impression – avec tout le respect, je ne veux pas lui faire de peine – qu'il s'est fait tasser. Il s'est fait tasser, M. le Président, comme d'autres ministres de valeur dans ce gouvernement se sont fait tasser à un certain moment. Et certains ministres de l'ancien gouvernement de ce parti n'ont pas accepté de se faire tasser. Il y en a d'autres qui ont dit: Non, ce qu'on m'offre, je ne peux pas y répondre. Honnêtement, je ne peux pas donner tout mon potentiel à l'intérieur d'un ministère comme celui-là. Et ils se sont désistés, et je respecte leur décision. Mais, le député de Laval-des-Rapides, il ne méritait pas ça. Le député de Laval-des-Rapides, on lui a tendu un piège. Le député de Laval-des-Rapides, on l'a enfermé dans une cage en l'empêchant, en l'enfermant, en fermant le cadenas et en lançant la clé dans Rivière-des-Prairies, entre Montréal et Duvernay.

M. le Président, la ministre de l'Éducation a annoncé, hier, dans une grande conférence de presse, dans un discours grandiloquent, qu'on voulait mettre sur pied d'ici 1998 des structures linguistiques dans le domaine de l'éducation. Je n'ai pas à porter de jugement immédiatement. Il est trop tôt. Je n'ai pas pris connaissance du projet, mais ce problème-là, de commissions scolaires confessionnelles ou linguistiques, de structure linguistique ou confessionnelle, ça existe où? Ça existe selon la Constitution canadienne. À Québec et à Montréal. Mais ça existe surtout où? À Montréal. Je n'ai pas entendu le ministre responsable de Montréal intervenir. Je ne l'ai pas entendu donner des commentaires suite à la conférence de presse de la ministre de l'Éducation, hier. Et ce ministre-là est responsable des deux plus grandes commissions scolaires au Québec, la PSBGM et la CECM. Et on ne l'a pas entendu parler sur ça. Mais c'est un problème de société, la scolarité à Montréal. C'est un problème propre à la métropole. Non, pas un mot. Il doit être malheureux. Je sympathise avec lui.

Dans le domaine de la santé, je me demande si le ministre de la Santé et des Services sociaux lui a parlé souvent de ses fermetures d'hôpitaux à Montréal. S'il lui en avait parlé, il ne l'aurait pas accepté. Il n'aurait pas accepté que l'on ferme d'une façon unilatérale, avec des consultations bidon, les hôpitaux à Montréal, l'endroit à Montréal où se rassemblent les plus démunis du Québec, les gens qui ont le plus besoin de services sociaux, les gens qui ont le plus besoin de services d'éducation. Tout ça se passe là, et le ministre est là. Il m'écoute, le ministre. Je vous souhaite bonne chance. Je lui souhaite, à ce ministre-là, de se lever debout et d'exiger des outils qui n'apparaissent pas dans ce projet de loi là.

D'ailleurs, c'est un projet de loi, M. le Président, qui n'est pas riche, un projet de loi dont on ne peut pas dire, là, qu'il est d'une très grande envergure, surtout avec les espérances que ça avait créées. Un exemple. Mon collègue de Mont-Royal, tout à l'heure, parlait de la paix linguistique qu'on était venu à bout de créer avec beaucoup de difficultés pour tâcher enfin de vivre dans un climat serein sur le plan culturel et linguistique à Montréal. Il y a une semaine à peine, la ministre de la Culture créait la police de la langue. Je n'ai rien contre ça, c'est peut-être un besoin. Moi, j'en doute, personnellement, mais c'est peut-être un besoin. Je ne l'ai pas entendu, lui qui a défendu le caractère multiculturel de Montréal, le caractère spécifique de Montréal. Si on a nommé un ministre pour Montréal, c'est parce que ça ne ressemblait pas aux autres, ça ne ressemblait pas à ailleurs, ça avait des problèmes particuliers. Où est-ce que la police va travailler? Elle va travailler à Montréal, où sont les usines, où sont les travaillants, où sont les immigrants. On vit une situation particulière dans ce milieu-là. Je ne dis pas qu'il ne faut pas l'améliorer, je ne dis pas qu'il ne faut pas la corriger, mais pourquoi est-ce que ce ministre-là, responsable de ma métropole, responsable de la ville où je suis né, où j'ai grandi, responsable des villes de la Communauté urbaine ne bouge pas, ne dit pas un mot? Pourquoi?

Double langage, M. le Président, parce que le premier ministre, dans sa campagne électorale, a fait accroire aux Montréalais qu'il leur donnerait un ministre pour les défendre, un ministre pour faire la promotion de l'économie à Montréal, un ministre pour ramener l'harmonie sur l'île de Montréal, sur la métropole. La métropole de Montréal, c'est la Communauté urbaine de Montréal, de Montréal-Est, Montréal-Nord et ville LaSalle, tout le territoire de l'île. C'est ça que la population de Montréal attendait: un ministre qui va venir réveiller l'économie, qui va venir revitaliser l'industrie à Montréal et qui va être capable de parler au Conseil des ministres puis de prendre des décisions, d'avoir des droits de veto quand c'est nécessaire. Mais non, on lui a tout enlevé. Pauvre ministre de la Métropole!

Et on va voter contre, M. le Président. On va voter contre ce projet qui aurait pu être le plus beau projet du siècle. On va voter contre pour une raison: parce que, nous, les Montréalais, on aime Montréal, mais on n'accepterait jamais que Montréal se soit fait flouer en nous faisant accroire qu'on avait pondu pour nous, qu'on avait mis pour nous au Conseil des ministres un ministre pour nous défendre, qui est enfin un ministre de région, de la région de Montréal, qui, enfin, n'en est pas une.

Alors, M. le Président, inutile de vous dire que les députés de la région de Montréal et tous les députés de l'opposition ne peuvent pas approuver ce double langage, ne peuvent pas être d'accord avec un gouvernement qui leur a fait accroire des choses puis qui n'est pas prêt à livrer la marchandise. Et les députés de Montréal vont défendre Montréal en ne laissant pas le gouvernement adopter une loi qui, en fin de compte, ne les protège pas, qui, en fin de compte, ne les aide pas, qui, en fin de compte, est diluée parmi 111 municipalités qui ont toutes des vocations complètement différentes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Sauvé. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Bourassa. M. le député.


M. Yvon Charbonneau

M. Charbonneau (Bourassa): Oui, M. le Président. Comme député de Bourassa, j'ai le privilège de représenter des citoyens, des électeurs, d'une part, qui habitent à Montréal-Nord et, d'autre part, aussi dans un quartier voisin de Montréal-Nord, à Montréal. Et, comme j'ai à coeur le développement de Montréal et de la région de Montréal, je tiens à exprimer mon point de vue sur ce projet de loi qui est intitulé Loi sur le ministère de la Métropole.

(17 h 40)

Comme le disait à l'instant mon collègue de Sauvé, mon collègue voisin, comme député qui représente Montréal-Nord, nous avons le sentiment que le problème a été mal posé de la part du gouvernement et de son nouveau chef. C'est pour ça que nous en arrivons à un désaccord aujourd'hui sur la formule qui est mise de l'avant. Ce n'est pas parce qu'il y a des esprits de partisanerie et parce qu'il y a des idéologies en cause, c'est que le problème n'a pas été défini de la même manière. En fait, il n'a pas été défini clairement de la part du gouvernement: Quel était le problème que l'on cherche à régler? Ils arrivent avec une solution qui s'inscrit dans la suite d'un engagement pris comme ça, à la volée, au lendemain du référendum, par celui qui est devenu maintenant le premier ministre du Québec.

Le premier ministre actuel a analysé la situation dans sa période de réflexion, en décembre, en janvier. Et, comme le chemin s'ouvrait devant lui pour qu'il accède au poste de premier ministre, il a eu le temps de consulter à gauche et à droite. Il a rencontré des gens et il a mesuré l'état de l'opinion et il s'est aperçu que sa cause, la cause de son parti, ne franchit pas vraiment la rampe dans l'île de Montréal et dans la région de Montréal. Alors il a dit: Je vais faire quelque chose de différent, je vais poser un geste d'éclat qui va éblouir une certaine tranche de l'électorat, je vais créer un ministère, je vais nommer quelqu'un ministre d'État. Et là il ne pouvait pas dire «seulement pour Montréal», parce qu'il aurait déplu aussi aux gens du sud de Montréal, aux gens du nord de Montréal, où il y a quand même un certain nombre d'appuis. Donc il dit: Je vais créer un ministère d'État, un ministre d'État à la Métropole, et je vais définir ça très largement.

Malheureusement, je le dis parce que je le pense, nous sommes dans une situation, nous de l'opposition, où nous devons émettre nos critiques face à celui qui détient le poste de ministre d'État à la Métropole; c'est lui que le premier ministre a assis sur la chaise. Mais celui qui a fabriqué la chaise, c'est à lui, en réalité, que nous adressons les critiques parce que c'est lui qui a été l'architecte de la situation dans laquelle se retrouve l'actuel titulaire du ministère de la Métropole. Et lui, bien, il doit subir nos critiques, nos remarques, il doit faire de son mieux pour répondre à nos questions, mais, en réalité, il est un peu victime de la situation et des circonstances. Il n'a pas utilisé lui-même le mot victime, mais, dans son allocution que j'ai soigneusement écoutée tout à l'heure, il a dit: Je n'avais rien prévu de ça. Puis, il a dit en toute candeur: Mes antécédents professionnels et politiques ne m'avaient guère préparé à cela, je ne m'y attendais pas, je n'ai pas de qualifications particulières pour ça, mais j'étais disponible pour le prendre. Lui-même confesse, à toutes fins pratiques, qu'il a été mis devant une proposition qu'il ne pouvait pas refuser, mais il est loin d'avoir été l'ingénieur et l'architecte de la situation dans laquelle il se trouve maintenant. Donc, je le prie d'accepter nos remarques pour fins de transmission à celui qui est l'auteur de la situation dans laquelle lui se retrouve.

Nous nous opposons à ce projet de loi, en définitive, non pas que nous sommes a priori contre l'idée de la création d'un ministère pour faire face à la réalité montréalaise. Le gouvernement précédent, le gouvernement libéral, avait préféré la formule d'un secrétariat coiffé d'un comité interministériel; c'était une formule. D'autres peuvent penser qu'un ministère est une meilleure formule. Là où nous en avons, c'est contre, d'une part, le territoire qu'on a voulu donner comme champ de compétence à ce ministre. Qu'est-ce qu'ont en commun les gens de Beauharnois et les gens de Varennes, et les gens de Terrebonne? Qu'est-ce qu'ont en commun les gens de Beloeil et les gens de Lorraine, les gens de Boisbriand et les gens de Saint-Bruno avec les gens de Montréal-Nord et les gens de Westmount?

On pourrait multiplier les rapprochements comme ça, on pourrait en faire des dizaines et des dizaines; il y a 111 municipalités, un territoire immense. Le ministre nous explique que ses techniciens ont utilisé des critères qui, semble-t-il, sont utilisés ailleurs: 400 habitants au km², à 2 km de distance. Ce sont des critères purement bureaucratiques, des critères purement techniques. Est-ce que la réalité de Boston ou la réalité de Cincinnati, ou la réalité de Miami... Il y a une île au centre. Est-ce qu'il y a une autre île au nord? Est-ce qu'il y a le même environnement global? M. le Président, je pense qu'on ne peut pas transposer, comme ça, des critères d'une manière mécanique et dire: Voici, c'est bon ailleurs, c'est bon ici. Et là, bien, inévitablement, il y a 111 municipalités dans le secteur, dans le territoire. M. le Président, il faut regarder les réalités économiques et sociologiques. On veut trouver une formule pour redynamiser la réalité montréalaise, la vie montréalaise, son économie, ses échanges de biens et de services, ses échanges culturels, on veut redynamiser le contexte montréalais, et là on s'étend une grande bannière qui va de Mascouche à McMasterville, à Boisbriand, à Oka, et qui recouvre tout le mont Royal; et là on va travailler avec ça. Je pense que ce n'est pas correct. C'est une création artificielle, c'est une création factice, c'est quelque chose qui ne correspond pas au vécu et aux besoins.

Comme mes collègues l'ont démontré, et on peut multiplier les exemples, quand on s'adresse à l'actuel titulaire du ministère de la Métropole sur une question particulière, on a quatre chances sur cinq que ce soit un autre ministre qui se lève pour répondre. J'ai des collègues qui ont posé des questions sur l'environnement, des questions environnementales au coeur de Montréal, et c'est le ministre de l'Environnement qui s'est levé. Quand on a posé des questions sur le transport à Montréal, c'est le ministre des Transports qui s'est levé. Moi, j'ai posé une question sur les problèmes d'emploi pour certaines catégories très particulières de la population en plein coeur de Montréal, je l'ai posée au ministre d'État à la Métropole et c'est la ministre de l'Emploi qui s'est levée. C'est comme ça à longueur de journée, M. le Président. De temps en temps il se lève, mais, si on resserre la question un peu trop, c'est le voisin qui répond. Il ne fait que commencer à exercer son mandat, mais il est dans une situation qui est déjà difficile.

Ce dont on a besoin à Montréal, c'est d'une relance du centre-ville. J'écoutais le ministre tout à l'heure, il a décrit avec beaucoup d'éloquence les problèmes de ce qu'il appelle le trou de beigne. Il les décrit, les problèmes, avec une précision de chirurgien. Il est remarquable pour décrire les problèmes, sauf que, quand arrive le temps de regarder les solutions, là, il va s'occuper de Saint-Bruno, il va s'occuper de Boisbriand, il va s'occuper de Beloeil, il va s'occuper de Beauharnois puis il va s'occuper de Montréal aussi.

M. le Président, ce dont on a besoin, c'est d'un ministre promoteur et développeur face aux problèmes qui sont les nôtres actuellement; ce n'est pas d'un ministre arbitre, d'un ministre qui va être pris entre des pressions contradictoires venant de la Rive-Sud, venant de la Rive-Nord, venant des Basses-Laurentides, de Saint-Jérôme, et qui va être pris à arbitrer tout ça et à passer d'une porte à l'autre pour aller chercher des solutions face à ses collègues sectoriels, ce n'est pas de ça dont on a besoin. On a besoin de quelqu'un qui est en prise avec la réalité là où elle est problématique. C'est pourquoi, face à cette espèce de geste d'éclat, de tentative de créer l'illusion qu'on s'occupe des problèmes, de la part du premier ministre, finalement, qui est l'architecte de cette proposition. Eh bien, face à cette proposition-là, nous ne pourrons pas être d'accord, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Bourassa. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de LaFontaine. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Faisant suite aux propos que mon collègue, le député de Bourassa, a mentionnés, en effet, nous sommes devant ce qui pourrait sembler être une illusion. En effet, nous nous rappelons tous les promesses et les engagements du gouvernement alors que nous étions en campagne électorale. Il n'était pas encore le gouvernement et il décidait, dans une rencontre avec le maire de Montréal et, donc, par voie de communiqué, par la suite, et dans son programme politique, d'annoncer un certain nombre de mesures pour aider la grande région de Montréal.

M. le Président, nous sommes presque deux ans plus tard. Qu'est-ce que nous avons, deux ans plus tard? Tout d'abord, il n'y a pas eu de pacte fiscal sur Montréal, la grève des cols bleus n'est toujours pas réglée, le plan de transport en commun urbain de Montréal n'a pas bougé, le Palais des congrès n'a pas été agrandi. Qu'est-ce qui a été fait? Est-ce qu'on a revitalisé les zones urbaines où les gens ne vont plus habiter parce que les logements sont désuets et auraient besoin certainement de fonds importants pour aider la ville et les entrepreneurs à construire des maisons pour les jeunes couples? Rien de tout ça.

Ce qu'on nous propose aujourd'hui, c'est un ministère de Montréal, un ministre un peu comme, dans le temps, le sauveur qui arrive. On va vous donner quelque chose, on va nommer quelqu'un et ça va régler les problèmes. Mais, concrètement, nous ne voyons pas de quelle manière le ministre peut réussir à régler les problèmes. Peut-être est-il de bonne foi, peut-être que lui, dans son idée, comme tout nouveau politicien... Et on sait qu'il n'est pas en cette Chambre depuis 20 ans, là, il a encore des illusions, il a encore des choses auxquelles il croit. Je ne mets pas en doute la bonne foi et la volonté du ministre, mais force est de constater que le projet de loi ne lui donne pas les moyens de réaliser la mission pour laquelle on s'attendrait qu'il soit nommé.

(17 h 50)

Prenons l'exemple, M. le Président, des trains de banlieue. Vous savez que le nord-est de Montréal, particulièrement Pointe-aux-Trembles, Rivière-des-Prairies, Montréal-Nord, ce sont des zones qui ont connu un accroissement, un développement urbain phénoménal depuis 10 ans, un des endroits où il y a le plus de construction domiciliaire, un des endroits où les travailleurs et les citoyens qui vont s'établir ne travaillent pas forcément dans la région. Ce sont des gens qui vont bien souvent vers le centre-ville ou les endroits périphériques, mais qui ne travaillent pas là. Pourquoi? Parce que, dans le nord-est de Montréal, c'est des zones industrielles traditionnellement lourdes, et les nouvelles populations qui ont été attirées dans cette région, maintenant, sont des populations plus scolarisées, plus employées de secteurs de services ou de secteurs de commerces, d'hôpitaux, enfin, d'autres choses comme ça.

Ces gens-là se retrouvent maintenant sans moyen de transport adéquat. Pourquoi? Parce que les gouvernements n'ont rien fait. Tout d'abord, il n'avait pas été prévu cet accroissement de population. Il n'avait pas été prévu non plus l'accroissement de population à 3 km de là, à Repentigny, à L'Assomption et dans toute cette région-là qui, elle aussi, a connu un accroissement important. Nous avions le maire de Montréal-Nord qui, depuis 20 ans, demandait un métro. Les députés de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, nous, les libéraux, avions soumis l'idée de créer un train de banlieue avec les lignes existantes, les lignes de voie ferrée. Alors, non pas seulement mettre quelques wagons derrière une locomotive diesel rénovée, mais faire une ligne électrifiée, un peu comme celle de Deux-Montagnes, et faire une liaison rapide qui irait au centre-ville et qui interconnecterait avec des stations de métro.

M. le Président, depuis deux ans, les citoyens de l'est de Montréal continuent à embouteiller les rues, à prendre des heures dans leurs voitures. Le soir, lorsqu'on retourne, il suffit de voir les lignes de gens qui vont jusqu'à Repentigny, alors que nous avons une situation facile à régler. Peut-être que, le ministre, il aimerait pouvoir la régler, mais ce n'est pas évident, parce que celui qui décide, dans le transport, ce n'est pas lui. Quand bien même que, lui, il dirait: Oui, on en a besoin... Comme il s'est rendu compte que Dorval était une solution intéressante, une solution viable... peut-être par la suite a-t-il dû mettre un bémol, au moins publiquement, sur ça, mais je suis certain que, lorsqu'il a vu ce projet, il a compris, il a dû comprendre que c'était là quelque chose d'intéressant. Mais, malheureusement, il ne peut pas décider lui-même. Il est obligé de demander au fédéral pour avoir de l'argent pour faire les liens routiers, alors que, si le projet de loi correspondait à la volonté de donner au ministre les moyens de réaliser le développement de Montréal, il aurait juste à décider et à aller au Conseil des ministres et à présenter un mémoire et dire: Voilà, moi, j'ai besoin de 30 000 000 $, 40 000 000 $ pour faire un lien routier ou un lien de métro, ou alors, pour l'est de Montréal, eh bien, pour faire cette ligne de train de banlieue interconnectée avec le métro.

Là, ce n'est pas ça. Là, il faut qu'il aille voir son ministre des Transports, qui, lui, a d'autres priorités, d'autres réalités. Il ne vient pas de Montréal, la grosse ville; d'autres projets, des coupures. Là, il essaie d'arbitrer pour l'ensemble de la province. Et c'est là un des vices, M. le Président, qu'on retrouve dans ce projet de loi, c'est le fait que le ministre n'a pas les moyens de ses politiques. On ne lui donne pas les moyens. Et c'est dommage, parce que, en effet, on a pu voir tout au long de la carrière du ministre en dehors de cette Chambre le dynamisme qu'il avait et la volonté de faire les choses, de les faire proprement et honnêtement. Et je crois que, s'il avait pu obtenir les moyens, les outils nécessaires pour réaliser ce à quoi il pense, nous aurions pu avoir, à ce moment-là, des changements dans Montréal. Nous aurions pu avoir un leadership qui se serait créé. Malheureusement, M. le Président, ce n'est pas vers là que nous allons.

Regardez les grandes villes à travers le monde, les grandes agglomérations, pas seulement les villes. Elles ont leur propre budget au niveau régional pour les infrastructures interrégionales. On a voulu faire ça un peu comme en Europe ou en France, où on fait les conseils régionaux, avec un président de conseil. Soit, pourquoi pas? Si vraiment on avait voulu faire quelque chose pour Montréal, on aurait créé un nouvel organisme avec un élu, qui pourrait être un ministre, qui serait président de ce conseil. On lui donnerait des budgets, 1 000 000 000 $, 2 000 000 000 $ par année pour certaines infrastructures, pour les écoles, pour le transport, pour les routes, pour la promotion touristique.

Un autre exemple, M. le Président, dans l'éducation. Tout le monde sait que nous nous sommes battus fortement en cette Chambre, avec l'appui de quelques collègues de l'autre côté, à l'époque, pour obtenir que le collège Marie-Victorin, qui était un collège privé qui était en faillite et qui fermait, soit transformé en cégep public. Et nous avions réussi, à l'époque, il y a deux, trois années. Un collège qui avait 700 élèves, qui fermait, en a maintenant presque 4 000, 6 000 le soir pour l'éducation aux adultes, qui devient un des chefs de file dans la mode, dans la confection, dans le design, pôle important de développement pour les jeunes du nord et de l'est de Montréal, reçoit, il y a quelques semaines, un avis de coupure de 1 800 000 $. Un cégep en plein développement, pas un cégep où les clientèles ont déménagé ou ont bougé, comme on peut trouver dans certaines régions, dans certains quartiers parce que, bon, les jeunes ont vieilli, les gens n'ont pas eu d'enfants, puis, bien, il y a moins de clientèle. Alors, on pourrait comprendre que, à ce moment-là, il y ait des baisses de budget. Non, un cégep en plein développement dans une région en pleine croissance, pleine de jeunes. Un cégep qui fait ses preuves et qui commence à faire des ententes internationales avec d'autres écoles dans le monde, en Suède entre autres, pour la fourrure, pour le design et pour faire en sorte que nos jeunes Québécois et Québécoises puissent s'adapter à ces marchés et compétitionner dans le monde. Mais non, 1 800 000 $ de coupure.

Est-ce que le ministre qui est maintenant responsable de la métropole a les moyens de dire: Non, ma priorité, moi, c'est dans cette zone-là, puis il n'y aura pas de coupure de 1 800 000 $? Il n'est pas capable. C'est la ministre responsable qui, elle, décide de couper, puis elle ne lui demande pas son opinion à lui. Donc, M. le Président, encore là, on démontre qu'on ne lui donne pas les moyens d'asseoir son leadership et de réaliser les objectifs qui devraient être les siens, soit le développement harmonieux des infrastructures, des systèmes d'éducation, des réseaux routiers et aussi la promotion de la ville de Montréal. Et je le déplore parce que je crois que, si le gouvernement avait voulu donner au ministre les moyens nécessaires, il aurait certainement pu faire des choses profitables pour l'ensemble de nos concitoyens, et il m'aurait fait plaisir de l'appuyer. Malheureusement, ce n'est pas ça. On lui donne une moitié de ministère. On lui donne les responsabilités, puis on ne lui donne pas les budgets, puis on ne lui donne pas les moyens.

Aussi, M. le Président, je me porte en faux, totalement en faux contre ça. Ce n'est pas dans l'intérêt des Montréalais. C'est de la poudre aux yeux, et, sans dire que c'est la faute du ministre, je dirais plutôt que son gouvernement n'a pas su écouter ce que peut-être lui avait vu, les vrais besoins de Montréal et la demande qu'il avait faite pour en avoir les outils. Alors, bien sûr, comme mes collègues et comme Montréalais, eh bien, je vais voter contre ce projet de loi. Et c'est un peu avec regret, M. le Président, parce que j'aurais pensé que, pour une fois, on aurait pu faire quelque chose de bon pour nos concitoyens.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de LaFontaine.

Étant donné l'heure, nous allons, s'il y a consentement de la part de tout le monde, là, suspendre nos travaux jusqu'à ce soir, 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 59)

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Pinard): Mmes, MM. les députés, veuillez vous asseoir. Alors, nous poursuivons le débat sur le projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole. Alors, je reconnais le député de Verdun.

M. Gautrin: Dans le fond, c'est le député de D'Arcy-McGee.

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le député de Verdun. Vous étiez debout. Alors, M. le député de D'Arcy-McGee.


M. Lawrence S. Bergman

M. Bergman: Merci, M. le Président. J'aurai le grand honneur de parler ce soir en faveur d'une ville tolérante et ouverte, cosmopolite, sécuritaire et accueillante, une ville qui a tout pour elle, une ville qui a des atouts considérables, une ville où se rencontrent deux grandes langues et deux grandes cultures, c'est la ville de Montréal.

Mais je suis ici, M. le Président, pour parler contre le projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole, une loi qui veut créer un ministère de la Métropole sans enveloppe budgétaire, sous la responsabilité d'un ministre sans pouvoir réel et dont les hauts fonctionnaires sont à Québec plutôt qu'à Montréal.

Il faut pourtant se donner les moyens et les défis à relever, surtout quand on considère l'importance de Montréal. Mais, M. le Président, ce projet de loi nous apparaît comme une coquille vide, sans aucune structure concrète pour relancer l'économie de la ville de Montréal. Il existe des doutes sérieux quant à la capacité de cette nouvelle structure de rencontrer les objectifs à l'origine de sa création.

Il ne faut pas oublier qu'à la structure proposée par ce projet de loi s'ajoute toute une organisation régionale et gouvernementale passablement complexe. Comment ce ministère permettra-t-il de simplifier, de coordonner et de mobiliser les décisions? Comment il accélérera la prise de décision, alors qu'on risque de créer des nouvelles tensions, des nouvelles crises à l'intérieur du gouvernement et des nouveaux méandres administratifs, sans parler des nouvelles structures?

This bill, Mr. Speaker, is an empty structure which, in my opinion, will do more harm than good to the city of Montréal, its people and its economy. It renders only lip service to the city of Montréal. Surely, this PQ Government must intend to pay more than lip service to the crisis affecting Montréal. Montréal, which should be the engine of the heart of the economy of the Province of Québec. However, as you know, an engine needs a spark to give it life, a sort of generator to begin the flow of energy. The latter is the role that the government must play in any society. But this present Government, this present PQ Government has shown no leadership, has taken no initiatives and is responsible for the problems at present facing the city of Montréal.

The Minister of State for the Métropole recently said that Montréal is not in agony and that it is only the result of a morose press that the impression is being given that Montréal is ailing. The Minister has been quoted as saying that he will attack a propaganda of fear. I say to the Minister: Let him look at the facts and figures: Shuttered shops, derelict factories, rusting refineries, decreasing population, less available growth of jobs than other Canadian major cities, a lack of investment, a soaring rate of poverty, a continuing and harmful exodus of head offices, a city which has been placed in last among 30 North American major urban centers with more than 2 000 000 inhabitants in categories such as unemployment, poverty, job creation, per capita income. I say to the Minister: Montréal's economy is in a free-fall.

Pourquoi une ville qui a eu et qui a toujours un tel potentiel est-elle en plein déclin? Je demande au ministre d'expliquer ces faits. Une réponse constante ressort de toutes les études objectives qui ont été faites, et la seule réponse qui a été donnée, c'est le climat d'incertitude politique. Ces menaces régulières de référendum après référendum ont causé le départ des entreprises et de nos meilleurs éléments intellectuels et ont été un facteur déterminant dans la réduction des investissements étrangers.

Les perspectives de développement que nous ratons aujourd'hui sont perdues à jamais. Il y a chez tous un véritable manque d'énergie. Les Montréalais sont devenus léthargiques économiquement et sont affectés par l'incertitude et les divisions créées par l'arrivée du gouvernement péquiste. Il est indécent et scandaleux de demander à la vaste majorité de la population de payer le prix des idéaux de quelques-uns qui sont prêts, pour arriver à leurs fins, à sacrifier n'importe qui à n'importe quel prix.

Le caractère français de notre ville de Montréal, de même que la présence d'une communauté anglophone solidement installée et qui est une partie de la fondation économique, culturelle et sociale de Montréal, et la présence de communautés culturelles très diverses font de Montréal une ville unique partout dans le monde, une ville avec un grand potentiel, une ville où le ciel est la limite. Mais pourquoi est-ce qu'on est en face d'une situation tellement grave? Pourquoi est-ce que notre population doit souffrir de ces conséquences?

(20 h 10)

M. le Président, Montréal est minée par l'incertitude politique qui entraîne depuis trop longtemps un désinvestissement marqué et des pertes d'emplois. L'incertitude politique vient de l'option de ce gouvernement péquiste. Ce gouvernement freine la croissance économique de Montréal et, par conséquent, toute la province de Québec. La stabilité politique est essentielle au développement économique soutenu et durable de la ville de Montréal. Pourquoi est-ce que le gouvernement péquiste ne pense pas aux milliers de Montréalais qui ont perdu leur emploi, leur maison, leur fierté à cause de l'option séparatiste?

And so I stand here today, Mr. Speaker, not only as the MNA for D'Arcy-McGee, but also as a member and a citizen of the city of Montréal to voice my concerns and the concerns of all my constituents who have to watch this slow decline of our beloved city, the city of Montréal. Investment is down, businesses are leaving, not only the... head offices move, but the many small and medium size enterprises whose departure spells the loss of so many jobs. Indeed, the downward spiral of Montréal spells bad news not only for Montréal but the entire Province. The shrinking tax base of the city of Montréal – as of the Province – its shrinking economy will have a multiplier effect in inverse proportion to the positive benefit that would accrue had we headed in the opposite direction. There is, of course, one major step that this Government can take for all 7 000 000 Quebeckers: to bury the referendum issue for a generation and let us get on with the job of rescuing the economy of the city of Montréal and, consequently, that of the Province of Québec. I can assure this Government, I can assure the Premier that if we bury the referendum issue, the climate of morosity will disappear and will change to confidence, and Montréal and Québec as a whole will prosper. I thank you. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Je cède maintenant la parole à la députée de La Pinière. Mme la députée.


Mme Fatima Houda-Pepin

Mme Houda-Pepin: M. le Président, j'aimerais intervenir sur le projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole, qui a été créé en janvier 1996. Lorsque l'annonce de créer un ministère d'État à la Métropole a été faite, j'ai été la première à applaudir à l'idée, considérant que la grande région de Montréal a un besoin urgent d'actions concrètes qui s'articuleraient dans le cadre d'une vision globale et intégrée des problématiques spécifiques à chaque sous-région.

En tant que membre de l'exécutif de la Société montérégienne de développement, j'ai pris part aux discussions menées sur ce dossier au plan régional. Je tiens d'ailleurs à souligner le travail de concertation qui a été fait par quatre CRD de la région métropolitaine, Laval, Laurentides, Lanaudière et la Montérégie, qui ont soumis un mémoire au ministre d'État à la Métropole ainsi qu'au ministre d'État au Développement des régions et à la ministre de l'Éducation, qui est également la ministre responsable de la Montérégie. Ce mémoire démontre l'importance que les élus locaux et les acteurs socioéconomiques des quatre CRD accordent au développement de la métropole et à la concertation interrégionale. C'est un effort méritoire qui visait à proposer au ministre d'État à la Métropole des pistes de solution pouvant l'aider à bonifier le projet de loi n° 1 dans l'intérêt non seulement de la ville de Montréal, qui vit certes une situation économique très difficile, mais aussi en tenant compte des problématiques particulières de l'ensemble de la région métropolitaine. Le mémoire des quatre CRD a mis le doigt sur plusieurs problèmes et proposé des solutions, notamment en ce qui a trait à la délimitation rigide du territoire de la métropole, telle que fixée par le projet de loi n° 1. Le mémoire plaidait aussi en faveur d'une harmonisation de la consultation interrégionale et de la planification stratégique des cinq régions administratives.

Les CRD de Laval, Laurentides, Lanaudière et Montérégie concluent leur mémoire en insistant sur trois impératifs. Premièrement, «le développement de la métropole repose sur la force et la synergie entre ses parties. L'expérience de la concertation et du développement socioéconomique réalisés par les CRD depuis plusieurs années doit être mise à profit, notamment dans le cadre des ententes découlant des plans stratégiques de développement». Deuxièmement, «la détermination du territoire de la métropole doit inclure les limites des cinq régions administratives, mais le territoire des agences doit être flexible selon le secteur d'intervention». Troisièmement, «la revitalisation socioéconomique de la métropole implique une véritable régionalisation de l'action gouvernementale, métropolitaine et régionale. Cette régionalisation doit permettre une forte implication des milieux régionaux et locaux aux niveaux politique et socioéconomique.» Fin de citation.

De son côté, M. le Président, l'opposition officielle a tenté d'améliorer le projet de loi n° 1 en commission parlementaire en proposant des amendements constructifs qui tiennent compte des spécificités interrégionales, mais le ministre a malheureusement opposé une fin de non-recevoir.

M. le Président, le Parti libéral du Québec, qui a organisé, le 9 juin dernier, un colloque spécial sur Montréal vers l'an 2000, est très conscient de l'urgence d'agir. Et nous aurions été heureux, comme opposition officielle, d'appuyer le projet de loi n° 1 afin de travailler ensemble et au-delà de toute partisanerie politique sur les enjeux majeurs auxquels se retrouve confrontée la métropole. Prenant la parole à ce colloque, le chef de l'opposition officielle a insisté sur la nécessité de doter la région métropolitaine de moyens et de ressources qui favorisent son redressement économique, et je cite: «Le gouvernement Bouchard a créé un ministère de la Métropole sans enveloppe budgétaire, sous la responsabilité d'un ministre sans pouvoirs réels et dont les hauts fonctionnaires sont à Québec plutôt qu'à Montréal. C'est tout à fait insuffisant si l'on considère l'effort à consentir.» Fin de citation.

En effet, M. le Président, la région métropolitaine, avec 1 400 000 emplois, est au coeur du développement économique du Québec, avec ses 3 200 000 habitants, dont 1 018 000 habitants pour Montréal, 315 000 pour Laval et 130 000 pour Longueuil. Quand on sait les difficultés que vit Montréal et qui ont des effets d'entraînement sur l'ensemble de la région métropolitaine et du Québec entier, on est en droit de s'attendre à une véritable politique de redressement de la métropole. Or, le projet de loi tel que présenté, conjugué au refus du ministre d'accepter les amendements proposés par l'opposition officielle, notamment en ce qui a trait au rôle du ministre et à son pouvoir réel, ainsi qu'en ce qui concerne la délimitation du territoire métropolitain, me renforce dans mes inquiétudes quant à la capacité du ministre de coordonner en toute équité les différentes actions du gouvernement touchant la métropole. D'ailleurs, quand on analyse le contenu du projet de loi, on constate qu'il s'agit vraiment d'une loi pour Montréal et non pour la métropole, territoire couvrant 111 municipalités, selon les termes du projet de loi n° 1.

Le mémoire des quatre CRD auquel j'ai fait référence au début de mon intervention a proposé que les limites du territoire métropolitain soient flexibles afin de tenir compte des différents secteurs d'intervention. Par exemple, en matière de tourisme, la promotion de Montréal ne peut se faire sans y inclure les charmes du mont Tremblant, du Parc Safari et du Festival de montgolfières de Saint-Jean.

L'une des incohérences de ce projet de loi au chapitre de la délimitation du territoire touche la Société Innovatech du Grand Montréal et l'Agence métropolitaine de transport, deux organismes relevant du ministre de la Métropole et dont les territoires respectifs ne concordent pas. Une autre préoccupation réelle des couronnes entourant Montréal touche la décentralisation des pouvoirs et des ressources s'y rattachant. Or, le projet de loi n'apporte aucune réponse à ce sujet.

Par ailleurs, les déclarations du ministre de la Métropole depuis sa nomination, le 29 janvier dernier, démontrent qu'il n'a pas réussi à établir sa crédibilité au sein de son propre Conseil des ministres ni à donner l'heure juste quant aux orientations qu'il entend prendre. Qu'il suffise de rappeler les nombreuses fois où il s'est fait contredire par ses propres collègues ministres, notamment le 11 juin dernier, lorsqu'il a déclaré à l'Assemblée nationale, et je cite: «Je pense justement que c'est une anomalie, qui devrait être corrigée avec le temps, de réaliser que, quand même, Montréal, et certainement une partie de Montréal, porte la population la plus pauvre du Québec, la plus difficile et que, dans la conception des politiques de développement régional, elle doit recevoir une part qui tienne compte de la gravité de ses problèmes, de la gravité de la pauvreté qu'on y retrouve, de l'aide qui est nécessaire parce qu'il s'agit quand même d'une des populations les plus importantes.» Fin de la citation.

(20 h 20)

Une telle déclaration, M. le Président, a été vivement contredite par son collègue, le ministre responsable du Développement des régions, qui venait tout juste de dire, et je cite: «Il y a eu des plans de développement stratégique, il y a eu des ententes-cadres. Dans les ententes-cadres, c'est précisément un contrat qui se signe avec les CRD. On doit donc respecter les contrats qu'on a signés. Je comprends que Montréal, par rapport à sa population, n'a pas le budget requis ou pourrait avoir beaucoup plus, mais je crois qu'il faut cesser de parler d'une piastre pour une tête de pipe ou une personne, comme on dit en bon québécois. On veut que les régions se développent le plus possible, au Québec, de façon équitable. Il faut donc un dosage de gros bon sens dans la répartition des argents et non pas penser exclusivement population, argent.» Fin de citation.

Une autre interrogation me vient du fait qu'on nous a annoncé récemment qu'un autre projet de loi serait introduit pour créer un ministère des régions. J'aurais, pour ma part, souhaité que l'on dépose les deux projets de loi en même temps pour qu'on puisse les harmoniser et s'assurer que les orientations soient complémentaires entre la métropole et ses régions. À cause de l'importance des enjeux et de leur impact sur la grande région de Montréal, j'aurais souhaité que les organismes et les élus municipaux concernés soient invités en commission parlementaire. Or, le ministre, pressé par des considérations partisanes pour faire respecter l'engagement du premier ministre Bouchard, n'a pas jugé utile de consulter les principaux partenaires métropolitains...

M. Bélanger: M. le Président, je m'excuse...

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Vous savez qu'on ne peut désigner un ministre ou un député en cette Chambre autrement que par son titre ou le nom de sa circonscription.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée de La Pinière, je vous prierais de bien vouloir continuer votre allocution tout en respectant intégralement les règlements qui nous régissent. Mme la députée.

Mme Houda-Pepin: Merci, M. le Président. Donc, je disais: Or, le ministre, pressé par des considérations partisanes pour faire respecter l'engagement du premier ministre, n'a pas jugé utile de consulter les principaux partenaires métropolitains sur un projet de loi qui les affecte directement.

Pour toutes ces raisons et bien d'autres que je n'ai pas pu exprimer faute de temps imparti à ce débat, et parce que l'idée d'une véritable métropole me tient réellement à coeur, je demanderais au ministre d'État à la Métropole de refaire ses devoirs au lieu de nous imposer, par la force du bâillon, un projet de loi incomplet et qui ne servira ni les intérêts de Montréal ni ceux de la grande région métropolitaine.

Pour ces raisons, M. le Président, je voterai contre le projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je n'avais pas prévu prendre la parole sur ce projet de loi, mais vous me permettrez une très, très courte intervention.

Je pense que la députée de La Pinière a fait erreur. Elle a peut-être mal lu son discours. Quand elle parle de bâillon, il faut qu'il y en ait un, il faut qu'il y ait une motion de suspension des règles. Il n'y a pas de motion de suspension des règles. Nous sommes en train, je pense, tous et chacun, de discourir sur un projet de loi, et je voulais corriger uniquement ce fait dans le discours de la députée de La Pinière, qui, je crois, a fait une erreur, peut-être involontaire, il n'y a pas de motion de suspension des règles, il n'y a pas de bâillon.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le leader du gouvernement. J'accorderai maintenant la parole au député de Verdun. M. le député.


M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: Nous sommes heureux de constater que le leader du gouvernement répugne à l'utilisation du bâillon. Nous serions heureux de comprendre ce leader qui n'utilisera pas cette technique absolument infamante pour le parlementarisme. Et je l'en félicite aujourd'hui, qu'il n'ait pas l'intention d'utiliser le bâillon d'ici la fin de cette session. Merci! Merci, M. le leader du gouvernement. Vous avez raison, c'est un geste absolument inacceptable pour le parlementarisme actuellement. M. le Président, en effet, aujourd'hui, il n'y a pas de bâillon sur ce projet de loi, comme je souhaite que le gouvernement ne pose jamais ce geste infamant qu'est le bâillon sur le débat démocratique en Chambre.

M. le Président, pour en revenir au projet de loi qui est devant nous, nous allons être contre ce projet de loi, pour une raison. Nous allons être contre ce projet de loi parce que nous sommes pour Montréal. Nous allons être contre ce projet de loi parce que ce projet de loi ne règle en rien les véritables problèmes de Montréal. Que ce soit en termes de chômage, que ce soit en termes de problèmes d'étalement urbain, que ce soit en termes de problèmes de transport, que ce soit en termes de concentration de la pauvreté, le projet de loi est une espèce de masque. On essaie de nous faire croire qu'on donne à un ministre des possibilités de régler des problèmes qui sont réels et que nous connaissons et, de fait, on ne lui donne aucun pouvoir, ni sur le plan budgétaire, ni sur le plan de son action. On essaie de faire croire, comme c'est souvent la pratique dans ce gouvernement d'en face, qu'on a un discours, qu'on a un beau discours pour soi-disant faire des choses; et la réalité est tout autre.

Le ministère de Montréal, le ministère de la Métropole, le ministre de la Métropole, M. le Président, avec tout le respect que je peux avoir pour lui, est un individu qui n'a pas de pouvoirs, qui n'a pas de budget. C'est une espèce de fiction qui est projetée par ce gouvernement pour régler des problèmes qui sont parfaitement réels. Voter pour ce projet de loi, ça se serait se faire complice, complice de ce gouvernement, complice des solutions qu'il essaie de mettre de l'avant pour les problèmes réels de Montréal. Et nous ne voulons pas être complices. Nous sommes parfaitement conscients, nous, les députés libéraux, qui, dans la majeure partie, représentons les comtés de la région de la métropole, nous, parce qu'on représente Montréal ici, nous n'acceptons pas cette espèce de projet factice, cette espèce de faux-fuyant, cette espèce de masque pour soi-disant régler les problèmes de Montréal. On l'a déjà dit lorsqu'on a débattu ici, en prise en considération du rapport: on a un beau discours, on a des beaux titres, on a un ministre qui était prestigieux du temps où il était dans d'autres fonctions, mais, malheureusement, en résultat, on n'a aucun pouvoir, aucun budget, aucun moyen d'agir, rien du tout. L'inaction.

Et voter pour ce projet de loi – on s'est posé la question parce que, nous, nous sommes en faveur de Montréal – ça aurait voulu dire quoi? Ça aurait été cautionner l'inaction, ça aurait été cautionner l'espèce de paravent qu'on met de l'avant pour faire croire qu'on voudrait faire quelque chose pour Montréal. Nous sommes de ceux, M. le Président, nous sommes de ceux qui savons qu'il est nécessaire à l'heure actuelle d'avoir une véritable intervention sur les problèmes de la métropole et les problèmes de Montréal. Nous sommes de ceux, M. le Président, qui sommes convaincus à l'heure actuelle qu'il faut agir sur Montréal.

On aurait pu, si on avait voulu réellement donner des pouvoirs au ministre de la Métropole, au ministère de la Métropole, lui donner, par exemple, le pouvoir de dire que les interventions gouvernementales sur le territoire de la métropole devraient être cosignées par le ministre responsable et le ministre de la Métropole. Là, on lui aurait donné un véritable pouvoir. On aurait pu lui dire: Lorsque le gouvernement va agir ou dépenser des fonds sur le territoire de la métropole, il aura son mot à dire, non pas simplement comme un conseil qui viendra dire au ministre responsable son avis, mais il aurait pu réellement être impliqué dans la décision. Mais, malheureusement, dans les textes que nous votons aujourd'hui, nous votons des textes qui ne donnent rien, aucun pouvoir au ministre de la Métropole, sauf le titre, prestigieux par ailleurs, d'être ministre d'État à la Métropole.

Quel faux-fuyant, M. le Président! Un ministre d'État à la Métropole sans pouvoirs, sans ministère, sans budget. Un ministre d'État à la Métropole sans budget et sans moyens d'action. Voulez-vous réellement que, d'ici, nous nous fassions complices de ce genre d'intervention, M. le Président? Je vous réponds non, et je vous réponds non justement parce que nous sommes conscients, de ce côté-ci de la Chambre, de l'ampleur des problèmes, actuellement, que vit Montréal. Nous sommes conscients qu'il y a besoin d'interventions particulières de la part de ce gouvernement dans la grande région de Montréal. Nous sommes conscients que Montréal est le poumon économique du Québec. Nous sommes conscients, à l'heure actuelle, qu'à Montréal se vivent des problèmes de pauvreté extrêmement graves. Nous sommes conscients que, à Montréal à l'heure actuelle, se trouvent des problèmes de décrochage scolaire. Nous sommes conscients que c'est à Montréal à l'heure actuelle que se trouve tout le problème de gestion et de répartition des hôpitaux et des soins de santé. Nous sommes conscients que c'est à Montréal à l'heure actuelle que l'intégration des nouveaux arrivants et des communautés culturelles se pose d'une manière absolument aiguë. Nous sommes conscients qu'il y a un agenda politique à réaliser à Montréal. Nous sommes conscients que, pour réaliser cet agenda politique, il faudrait quelqu'un qui ait des pouvoirs. Il faudrait quelqu'un qui ait des pouvoirs réels. Il faudrait quelqu'un qui puisse agir. Il faudrait quelqu'un qui puisse être autre chose qu'un paravent, qu'une fiction.

(20 h 30)

Et là, M. le Président, qu'est-ce qu'on nous met de l'avant? Un ministre – et ça ne touche absolument pas la personne qui remplit ce poste – qui a le titre prestigieux de ministre d'État, mais qui n'aura pas de budget, qui n'aura pas de fonctionnaires, qui n'aura absolument pas de pouvoirs. Et voulez-vous réellement que nous soyons complices de cette fiction, de ce genre de double langage qui est le propre, en général, de ce gouvernement? On prétend projeter une image magnifique, et, en réalité, qu'est-ce que l'on fait? On fait tout autre chose ou presque rien. Presque rien. Et c'est ça, M. le Président, qui est la position de notre formation politique.

Nous aurions souhaité une réelle action du gouvernement pour Montréal. Nous aurions souhaité réellement un ministre qui puisse faire des choses. Et je vais vous dire une chose – et c'était public, dans une commission parlementaire – lorsque même on a voulu aller jusqu'à proposer que le ministère de Montréal soit basé à Montréal, le ministre n'a pas été d'accord avec cet amendement qui était proposé par l'opposition, pour ne pas heurter ses collègues. Et je crois que c'est dans les galées à l'heure actuelle.

On a un ministre sans pouvoirs, sans budget, sans réellement de fonction et qui, à part le titre, n'a rien. Et est-ce que vous pensez sérieusement, M. le Président... Est-ce que tous les gens qui nous écoutent pensent sérieusement que nous pouvons, nous, ici, nous faire complices de cette absence, de ce vide? Moi, je vous réponds non. Je vous réponds non, et c'est le sens du non qu'on devra faire dans le vote actuellement.

Nous allons voter non parce que nous sommes pour Montréal. Nous allons voter non parce que nous croyons qu'il est nécessaire, à Montréal, d'avoir une politique de développement particulière. Nous allons voter non parce que nous aurions souhaité non pas avoir – et excusez le terme, avec tout le respect que je dois au ministre de la Métropole – un véritable ministre plutôt qu'un fantoche. Quelqu'un qui va avoir absolument... Je dis bien le terme, et je le répète, M. le Président, avec tout le respect que je dois actuellement à la personne qui occupe ce poste. Le poste, actuellement, est un poste fantoche, un poste où il n'y a pas de pouvoirs, un poste où il n'y a absolument aucun budget. Et ce poste – et, réellement, ça ne touche pas la personnalité du député de Laval-des-Rapides – en conséquence, est un faux poste, M. le Président. Le poste n'a aucune réalité à l'intérieur du cabinet du ministre. Et nous ne pouvons pas cautionner une telle action, alors que nous savons, parce que nous sommes des députés de Montréal... La majeure partie des comtés de Montréal sont représentés par des députés libéraux. Parce que nous représentons réellement Montréal, nous sommes conscients des problèmes qu'il y a à Montréal, nous les connaissons dans chacun de nos bureaux de comté. Nous les connaissons, nous, les problèmes de Montréal, et nous savons que ce n'est pas avec ce genre de cataplasme qu'on va réellement les régler.

Nous aurions voulu des actions concrètes pour relancer l'économie à Montréal. Nous aurions voulu des actions concrètes pour lutter contre la pauvreté à Montréal. Nous aurions voulu des actions concrètes pour être en mesure de lutter contre le décrochage scolaire à Montréal. Et nous n'avons rien, non pas parce que le ministre manque de bonne volonté – je ne doute pas de la bonne volonté du ministre en la matière – mais parce que le ministre va constamment être obligé d'arbitrer un conflit avec chacun de ses collègues, que ce soit le ministre responsable du développement régional, que ce soit le ministre de l'Industrie et du Commerce, le ministre responsable de l'action municipale. Le ministre n'a pas de pouvoirs, M. le Président, et nous ne pourrons pas, de ce côté-ci de la Chambre, en votant en faveur du projet de loi, voter pour quelque chose qui ne donne aucune solution concrète aux problèmes que nous avons soulevés.

Alors, le gouvernement va pouvoir faire des gorges chaudes. Il va pouvoir dire: Là, à l'heure actuelle, l'opposition ne veut pas voter en faveur de Montréal ou de la métropole. L'opposition ne veut pas être complice, à l'heure actuelle, de pseudosolutions que vous mettez de l'avant pour des problèmes réels que nous vivons à Montréal. Nous ne pourrons pas être partie avec le ministre qui n'a pas, malheureusement, de pouvoirs, ni budget. Je le rappelle encore une fois de plus, il est important de le comprendre: un ministre qui n'a pas de budget, qui n'a pas de pouvoirs et qui n'a qu'un titre. Nous ne pouvons pas voter pour un ministre-titre, un ministre qui n'a qu'un titre. Je l'ai déjà dit dans mon discours sur la prise en considération du rapport et je ne reviendrai pas là-dessus. M. le Président, je ne peux pas considérer qu'une personne intéressée au devenir de Montréal, à l'avenir de Montréal, à ce que Montréal doit être, à ce que Montréal pourrait être puisse voter en faveur d'un tel projet de loi

Et je rappellerai ce qui aurait été important. Il aurait été important que ce ministre puisse avoir un budget pour pouvoir agir lui-même, pour pouvoir faire des actions ponctuelles, aussi minimes soient-elles. Il aurait pu faire quelque chose, il aurait pu lui-même décider. Là, il n'a aucun budget, il ne peut rien faire. Il aurait pu avoir un pouvoir auprès de l'action de ses collègues. Il aurait pu dire, lorsque le plan de répartition des écoles fut fait par la ministre de l'Éducation: Je dois cosigner aussi le plan d'investissement. Il aurait pu agir, avoir le droit de pouvoir cosigner chacune des actions dans Montréal. Il n'a eu aucun pouvoir.

M. le Président, vous me signalez que mon temps commence à s'écouler. Je ne peux pas être complice, à l'heure actuelle, d'un ministre ou d'un ministère qui n'a pas de pouvoirs, d'une solution qui est une solution factice aux problèmes absolument réels de Montréal et de la métropole. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de Verdun. Alors, puisqu'il n'y a plus d'intervenants, M. le ministre d'État à la Métropole, vous avez droit à une réplique, conformément à l'article 256, de 20 minutes. Alors, M. le ministre.


M. Serge Ménard (réplique)

M. Ménard: Alors, M. le Président, je suis évidemment déçu de l'attitude de l'opposition de ne pas voter en faveur de ce projet de loi. Je note cependant qu'ils avaient déjà voté en faveur de l'adoption du principe de la loi telle qu'elle était. J'aurais voulu qu'il y ait une grande solidarité entre les législateurs pour lancer ce ministère qui est assez révolutionnaire, qui n'a jamais existé sur aucun modèle et qui est l'essai d'apporter des solutions aux problèmes que nous percevons tous. Je rappelle que, dans toutes les grandes villes américaines qui ont subi la même situation que Montréal, c'est dans la solidarité des différents acteurs qu'on a réussi à relancer ces métropoles.

Mais j'avoue que je deviens moins inquiet quand je regarde les arguments que l'on émet pour s'opposer à ce projet de loi, dont plusieurs, je noterai, sont contradictoires. Je note que certains, quand ils sont dans l'opposition, pensent qu'ils doivent demeurer dans l'opposition sur tout, et peut-être pour longtemps, je ne le sais pas, mais que c'est toujours leur rôle de s'opposer. Parce que beaucoup de choses sont contradictoires. Mais je vais m'attaquer simplement à certains problèmes. Par exemple, on dit toujours que je n'ai pas assez de pouvoirs. Par contre, certains parlent du danger de créer une autre machine, un autre monstre bureaucratique, un autre organisme par lequel il faudrait passer avant de faire réaliser les projets. Mais c'est justement à cause de ces inquiétudes que nous n'avons pas donné plus de pouvoirs.

Et d'ailleurs, quand on dit que j'aurais besoin de plus de pouvoirs dans ce ministère, on ne s'est pas donné la peine de dire de quels pouvoirs il s'agissait, quels seraient ces pouvoirs que j'aurais dû avoir. Ceux qu'on a intuitionnés, par exemple, c'est un pouvoir de veto. J'ai déjà expliqué qu'un pouvoir de veto, auquel j'ai réfléchi pendant un certain temps, aurait créé une problématique d'affrontements, probablement comme ceux qu'a expérimentés la critique de l'opposition, la députée de Marguerite-Bourgeoys, lorsqu'elle était au pouvoir. Dans l'équipe ministérielle où je suis, je pense qu'il est préférable d'avoir une attitude de collaboration. Je suis convaincu que ce n'est pas volontairement que les ministres prennent des actions qui sont contraires aux intérêts de Montréal et de sa métropole. Et, au fond, si on les convainc d'améliorer leurs politiques, ils le feront volontiers.

(20 h 40)

Et puis, si vous voulez, prenez donc la formule comme ceci, et je pense que c'est pourquoi ça a été reçu avec tant d'enthousiasme: parce que la création de ce ministère, par le titre, c'est vrai, un peu ronflant qu'on m'a donné, auquel je ne m'attendais pas... Mais je comprends que, si on me nomme ministre d'État à la Métropole – titre auquel j'ai eu autant de peine à m'habituer que quand je me suis habitué au titre de «maître» quand je suis devenu avocat et au port de la toge – si on me donne ce titre de ministre d'État, c'est justement pour que je siège au Comité des priorités qui est au-dessus du Conseil des ministres. Alors, voyez-le donc comme ceci: la métropole a son avocat partout où les décisions se prennent au gouvernement. Puis je n'ai pas si mal réussi. Le seul pouvoir que j'ai eu pendant toute ma carrière, c'est le pouvoir de conviction. Je ne me suis quand même pas si mal débrouillé, et des gens sont venus, avec moi, avec des causes bien pires que la métropole, laissez-moi vous dire, et ils en étaient heureux.

Alors, je suis à tous les centres de décision pour représenter les intérêts de la métropole et faire valoir ce pouvoir de conviction: Comité des priorités, Conseil des ministres, tous les comités ministériels. Je ne suis pas, il est vrai, au Conseil du trésor. Les journées n'ont que 24 heures et les semaines de ministre, comme je le dis souvent, n'ont que huit jours, le huitième jour étant pour se reposer. Ha, ha, ha! Mais, vous voyez, j'ai déjà siégé au Conseil du trésor et j'ai remarqué qu'il y a quand même beaucoup de projets qui concernent la province. Il faut la préparation. Je siège au comité ministériel sur l'économie et l'emploi où je suis informé de tous les projets qui peuvent affecter la métropole, et je peux les suivre.

Il y a beaucoup de choses contradictoires dans l'attitude, notamment quant au territoire. Le député de Westmount–Saint-Louis, dont les invectives semblent être à peu près à l'égal de son ignorance des dossiers, parle d'incohérence sur le territoire. Moi, je remarquerais que sa position est parfaitement contraire à celle du député de Mont-Royal et de la députée de La Pinière quant au territoire. Il le trouve, entre autres, incohérent avec celui de l'Agence métropolitaine de transport. Dois-je lui rappeler, encore une fois, que c'est l'expérience pénible d'avoir défini le territoire de l'Agence métropolitaine de transport qui nous a incités à avoir recours à une définition objective, reconnue internationalement, par laquelle les gens votent, en fait, par l'endroit où ils vont travailler, le plus naturellement du monde?

Et puis j'ai dit que je serais souple quand même dans l'application de certaines mesures. J'ai donné l'exemple de la Société Montréal international où j'ai cherché, d'abord, à grouper l'île de Montréal, l'île de Laval et Longueuil, et non pas tout le territoire de la métropole. J'ai donc eu exactement cette souplesse que, se plaignait la députée de La Pinière, je n'aurais pas eue. Il signalait l'incohérence, et elle aussi, avec la définition d'Innovatech. Dois-je leur rappeler que, si Innovatech du Grand Montréal comprend l'Abitibi et l'Outaouais, je pense que c'est une décision de l'ancien gouvernement? Alors, cette incohérence était déjà là. Je suis là justement, peut-être, pour corriger les incohérences qui ont été faites avant nous.

Une voix: Il va falloir un mandat de huit ans.

M. Ménard: Ensuite, l'on se plaint que le plan de transport soit préparé par le ministre des Transports. Mais dois-je rappeler, encore une fois, que c'est là qu'est l'expertise? Mais justement la loi prévoit, dans son article 4, aux paragraphes 1° et 2°, qu'il doit m'associer à l'élaboration de ces mesures, que mon avis sera requis, à la fin, sur ce plan de transport. Il est donc normal que le sous-ministre que j'aurai aux transports travaille avec le ministère des Transports pour établir ce plan de transport. Pourquoi dédoubler l'expertise?

Elle fait état, encore une fois, du fait que certaines MRC sont divisées. Mais justement les MRC, dans le passé, encore une fois, avant nous... Les limites sont refaites de temps à autre. L'avantage de la définition que nous avons adoptée de l'espace métropolitain et de la région métropolitaine de recensement est justement qu'elle est naturelle et qu'elle pourra inspirer, dans l'avenir, la délimitation de toutes les autres limites de toutes les autres institutions, que ce soit les régions administratives ou les MRC.

C'est un peu de même aussi – je le dis avec respect – pour le député de Rivière-du-Loup, que je respecte d'ailleurs, dont la seule critique était, encore une fois, que je n'avais pas de pouvoirs. Je lui dirai donc avec respect que ça aurait été plus utile si, à la commission parlementaire, il était venu nous dire quels pouvoirs je devais avoir. Mais, enfin, j'ai remarqué son attitude quand même positive. Il a fait un excellent exposé de la situation à Montréal, lui qui vient de Rivière-du-Loup. Et je sais que les électeurs de son comté lui sont attachés. D'ailleurs, certains dans mon comté sont attachés aussi à sa personne. Je l'ai noté dans mon porte-à-porte. Mais il a fait un bel exposé de la compétition, que Montréal est en compétition avec les autres métropoles de l'Amérique du Nord et même avec des métropoles européennes, parfois, lorsque nous cherchons des investisseurs.

Beaucoup de députés se sont plaints, encore une fois, de la définition du territoire, et c'est le cas du député de Bourassa. Il se demandait: Mais qu'ont donc en commun les gens de Beauharnois, les gens du canton de Gore, les gens de ci, les gens de ça? Mais, s'il avait assisté à tous nos débats, il saurait qu'ils ont ceci en commun: plus de la moitié de leurs travailleurs travaillent quotidiennement dans le noyau urbain de la métropole. C'est comme ça qu'est défini le territoire de la métropole. Je crois que ce sont les liens les plus intenses, ceux du travail, qui déterminent tous les autres.

Ensuite, j'ai apprécié les témoignages de sympathie reçus du député de Sauvé et les compliments qui allaient avec. D'abord, je signalerais – en fait, ce n'est pas secret – que j'ai accepté ce défi alors que le premier ministre m'avait donné le choix – ce qui est extrêmement rare, paraît-il – de rester où j'étais et où j'avais l'avantage de me sentir à l'aise et populaire, ce qui n'est pas rien pour un politicien. Et il n'a rien fait pour m'influencer dans le choix que j'aurais pris. C'est une attitude que je comprends parfaitement parce qu'il voulait que ce soit ma décision, et ce fut ma décision d'accepter ce nouveau défi.

Je sais que c'est un grand défi. Je ne sais pas si je réussirai. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre aurait réussi, non plus. Mais je sais une chose, c'est qu'il faut essayer. Il faut essayer quelque chose. Et, franchement, j'ai reçu, au cours des débats que nous avons eus, peu de suggestions qui nous auraient indiqué quoi de plus il aurait fallu essayer. Entre autres, par exemple, sur le territoire, je n'ai pas entendu une meilleure définition du territoire que celle de la région métropolitaine de recensement qui, je le rappelle, regroupe tous les gens, toutes les communautés où au moins 50 % des travailleurs se dirigent chaque jour dans le noyau urbain pour y travailler.

On se plaint beaucoup que je n'aie pas de budget, ou on me plaint beaucoup que je n'aie pas de budget. Dois-je rappeler que, si on regarde le budget des organismes qui me sont directement assignés – c'est vrai qu'ils ont une certaine indépendance – ce budget monte quand même à près de 250 000 000 $? Ça n'est quand même pas rien. De plus, je vous rappelle que l'article 5 me donne un pouvoir d'intervention. D'ailleurs, c'est la même réponse aux inquiétudes du député de Verdun qui disait qu'il fallait que j'élabore des politiques. Eh bien, l'article 5 dit justement que «le ministre élabore et propose au gouvernement des orientations et des politiques favorables à l'épanouissement de la métropole et supervise leur réalisation».

Donc, ce pouvoir d'intervention me permettra d'avoir un budget que nous sommes en train d'évaluer actuellement et que nous verrons l'an prochain. Mais, en attendant, au besoin, je peux me servir du Fonds de suppléance, mais je suis certain que, si on m'avait donné un budget, l'opposition nous aurait encore reproché de dépenser trop, que cela aurait nui à la lutte au déficit, que nous aurions créé une structure de plus, n'est-ce pas, alors que justement le but de ce ministère, c'est d'utiliser mieux l'argent qui est déjà dépensé, les structures déjà existantes pour la métropole.

(20 h 50)

Enfin, j'ai évité tout débat de partisanerie politique à l'occasion de la création de ce ministère parce que j'aurais aimé une solidarité entière. Je dois dire que l'opposition ne l'a pas toujours fait. Certains s'en sont abstenus, mais pas tous. Mais il y a quand même une chose à laquelle je dois répondre, ce sont les allégations sur la police de la langue. Il n'y a jamais eu, il n'y a pas et il n'y aura jamais au Québec de police de la langue, pas plus qu'il n'y a de police de l'hygiène ou de police de la construction, ou de police de la sécurité dans les lieux de travail. Il y a des inspecteurs. Le mot «police» de la langue est un mot de propagande. Le mot «police» évoque arrestation, il évoque incarcération. C'est la raison pour laquelle il est utilisé.

Je voudrais bien que l'on soit conscient, en face, que le malheur des termes de propagande, c'est que, à un moment donné, ils ne font plus effet sur l'électorat qui élit le parti contre lequel on les dirige, mais, hélas, cet effet continue à l'étranger et c'est alors qu'il nuit au Québec, qu'il nuit en particulier à Montréal. Le mot «police» évoque, à l'étranger, ce que vous voulez qu'il évoque contre vos adversaires et qu'il est inutile d'évoquer là-dessus, parce que je crois que vous n'affectez aucunement l'électorat québécois. Mais il évoque, à l'étranger, autre chose.

Lorsque nous allons chercher un expert américain surspécialisé pour occuper une position technique essentielle au maintien de certains emplois de haute technologie, et qu'il veut venir à Montréal, qu'il en parle à sa femme et à ses enfants, voulez-vous que ses enfants demandent à leur mère: «Mommy, if I can't speak French in Montréal, will the police arrest me and put me into jail?» Qu'est-ce que vous répondriez à sa place? Oh non! Ce sont des mots, ce sont des termes exagérés. Mais c'est exactement ce que vous évoquez à l'étranger. Il y a des gens dans le reste... qui pensent que l'on ne peut parler une autre langue que le français sous peine de se faire arrêter par la police.

C'est un langage exagéré. Il faut détester Montréal ou détester le Québec pour utiliser de pareils termes de propagande, ou encore il faut être totalement inconscient du fait que, lorsque ces mots dépassent le territoire sur lequel ils devraient être utilisés, eh bien, ces mots ont un effet délétère et ont un effet absolument épouvantable sur la métropole. Je suis convaincu que les membres de l'opposition qui ont utilisé ces mots de propagande ne pensaient pas, en fait, qu'ils auraient cet effet. Maintenant que je les rends conscients de ce fait, pourrais-je leur demander, en leur rappelant que ces mots ont finalement peu d'effet ici, mais qu'ils en ont beaucoup à l'étranger, de les abandonner?

D'ailleurs, c'est la même chose sur l'instabilité politique. Vous savez, vous utilisez beaucoup la peur de l'instabilité politique – ce que vous dites – parce que, dans les années cinquante jusqu'à la fin du communisme, l'instabilité politique signifiait, pour les investisseurs, souvent la crainte de voir un régime socialiste ou communiste s'installer, la crainte de guerre civile. Et c'est la seule raison pour laquelle les investisseurs ne voulaient pas aller dans les pays où ils risquaient l'instabilité politique.

Nos traditions démocratiques sont si fortes au Canada et au Québec qu'on ne peut imaginer que nos problèmes constitutionnels soient réglés autrement que par la démocratie et de façon pacifique. C'est probablement pourquoi, même pendant l'année du référendum, le Québec créait plus d'emplois que le reste du Canada. Oui, pendant l'année du référendum. Mais j'ai remarqué, cette semaine, au Musée d'art contemporain, que le premier ministre Juppé, de France, qui s'adressait aux hommes d'affaires qui étaient là, malheureusement, probablement, en l'absence des journalistes, nous a dit le plus naturellement du monde, sans être dirigé sur cette question, que l'un des avantages du Québec était la stabilité politique garantie par ses traditions démocratiques.

Justement, c'est ce que je dis aux investisseurs américains. J'ajoute toujours d'ailleurs, avec un sourire, qu'ils ne risquent pas ici que le gouvernement soit arrêté pendant trois jours pour un conflit entre le président et les Chambres. Ils me retournent généralement ce sourire et généralement comprennent bien, quand ils ont compris que tout changement, ici, au Canada et au Québec, se fera de façon pacifique et démocratique.

Cessez donc, de grâce, d'utiliser la propagande qui est préparée pour les campagnes référendaires ou les campagnes électorales, parce qu'elle a, hélas, des effets désastreux à l'étranger. Et, enfin, en attendant, je comprends – c'est vrai, entre autres, du député de Rivière-du-Loup, une partie importante de l'opposition par sa qualité – j'accepte qu'il aura un oeil critique sur ce ministère. J'accepte aussi que l'opposition se sentait un peu obligée de s'opposer, mais qu'elle collaborera à tout ce que nous entreprendrons pour la relance économique de la métropole.

Des voix: Bravo! Bravo!


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Alors, merci, M. le ministre d'État à la Métropole. Vous étiez le dernier intervenant concernant l'adoption du projet de loi n° 1. Alors, à ce stade-ci, le projet de loi n° 1, Loi sur le ministère de la Métropole est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division? Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 41 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 26


Adoption

Le Vice-Président (M. Pinard): Article 41. M. le ministre du Travail propose l'adoption du projet de loi n° 26, Loi sur le ministère du Travail. Y a-t-il des interventions sur le projet de loi? M. le ministre du Travail.


M. Matthias Rioux

M. Rioux: Merci, M. le Président. Il est important, dès le départ, de rappeler la collaboration intéressante, je dirais fort utile et importante de l'opposition dans l'élaboration et le cheminement que nous avons faits en vue d'en arriver à la création du ministère du Travail. Il y a des lignes directrices qui sont importantes dans ce projet de loi; j'aimerais les rappeler très brièvement. En 1994, la mission travail, vous le comprendrez bien, était intégrée à un autre ministère qui s'appelait l'Emploi. Mais ce qu'il importe de dire aujourd'hui, c'est qu'on retient, dans la création du ministère du Travail, l'essentiel de ce qui était contenu au ministère de l'Emploi et qui faisait en sorte que la mission travail, qui est une mission stratégique de l'État, constitue, à n'en point douter, aujourd'hui plus que jamais, un élément important dans la gestion des lois du travail et des relations entre les syndicats et les employeurs.

(21 heures)

Évidemment, on arrive, avec la création de ce ministère, au moment où les réalités sociales et économiques du Québec changent de façon considérable. Ainsi, on retrouvera dans le projet de loi la plupart des fonctions qui incombaient au ministère de l'Emploi; mais, je les maintiens, et on va les remodeler également, si je peux m'exprimer ainsi, pour permettre au ministère de situer son action d'une façon beaucoup plus globale.

La nouveauté de ce projet de loi par rapport aux lois passées qui encadrent les fonctions du ministère, c'est qu'il situe l'action de ce nouveau ministère suivant une approche qui tend à concilier l'intérêt des entreprises, mais aussi les intérêts des travailleurs. C'est ça, la beauté des relations de travail, c'est que des employeurs et des travailleurs, à l'intérieur de mécanismes bien définis, puissent s'attabler, parler de leurs problèmes et régler les choses dans le sens du compromis et de leur intérêt. Donc, la création et le maintien d'emplois, c'est ça aussi que ça veut dire pour nous, car, il faut être clair, pour les travailleurs, c'est le droit d'améliorer leurs conditions de travail et de travailler aussi dans un environnement sain, sécuritaire, et aussi un milieu où leur intégrité physique est vraiment garantie.

M. le Président, la loi créant le ministère du Travail attribue au ministre les pouvoirs d'agir sur l'ensemble des composantes qui peuvent influencer le climat de travail au sein des entreprises, et Dieu sait si on en a besoin par les temps qui courent. Le projet de loi confie au ministre titulaire le rôle de conseiller le gouvernement sur l'action à prendre de façon à développer un encadrement législatif propice aux objectifs de relance économique et de création d'emplois. Le contenu de ce projet de loi fera en sorte que le ministère du Travail pourra – et c'est ça qui est emballant – participer activement aux changements de la société québécoise, parce que la mission travail sera désormais au coeur de l'action gouvernementale. Dans le contexte socioéconomique actuel, la contribution du ministère est plus que jamais nécessaire, et le défi qui se pose au ministre du Travail et à ses représentants est extrêmement stimulant.

Le projet de loi sur le ministère du Travail est basé sur les grandes orientations suivantes: c'est une loi évolutive – on a eu l'occasion d'en débattre en commission parlementaire – c'est une loi moderne et c'est une loi aussi dotée d'un caractère social indéniable.

Donc, la loi est évolutive parce qu'elle permet au ministre et au ministère de travailler et de participer activement aux changements de la société, et, ça, ce n'est pas rien, sentir qu'à l'intérieur d'une organisation gouvernementale le ministère du Travail, dans ses nouvelles attributions, participe concrètement aux changements et à l'évolution de la société. C'est une loi aussi qui va mettre en place les mécanismes permettant au ministre d'agir en fonction des changements rapides qui marquent la société québécoise, puis on a fait du chemin depuis quelques années dans cette matière.

Une loi évolutive, sans doute, puisque ça donne au ministère du Travail les outils et les moyens nécessaires pour intervenir sur l'ensemble des composantes susceptibles d'affecter les relations de travail, d'où le rôle de prévention. On aura l'occasion, très certainement, au cours des prochains mois et des prochaines années, de le démontrer, comme on a commencé à le faire depuis un certain nombre de mois.

C'est une loi qui tient compte aussi que le Québec fait partie du contexte économique nord-américain et qui impose des contraintes particulières parce qu'on est liés par des accords commerciaux de libre-échange. C'est une loi évolutive parce qu'elle est adaptée à l'évolution du marché du travail, de l'économie et des besoins des personnes. Et on mise énormément sur cette loi pour que la concertation patronale-syndicale devienne extrêmement solide et comme un agent de changement socioéconomique et de changement social. Et en préparation du sommet de l'automne, Dieu sait si notre mission devient importante. La loi confie au ministère un rôle proactif dans l'établissement des rapports harmonieux de travail entre les entreprises et favorise aussi la participation des employeurs et des travailleurs, qu'ils soient syndiqués ou non, à l'élaboration des politiques et des mesures qui les concernent. Ça, c'est un élément qui était très cher à l'opposition, et j'en ai tenu compte dans la rédaction finale du projet de loi.

J'ai dit tout à l'heure, M. le Président, que c'était aussi une loi moderne, adaptée au contexte social et économique actuel, une loi moderne qui permet des actions appropriées à l'émergence des phénomènes qui émanent du contexte social et économique qu'est le nôtre. Une loi moderne qui considère le climat des relations du travail prévalant dans une entreprise comme un élément qui contribue à améliorer sa performance. Il fut un temps, avoir un syndicat dans une entreprise était interprété comme une malédiction. Aujourd'hui, au ministère du Travail, on dit: Au contraire, un employeur qui travaille efficacement avec un syndicat, ça peut contribuer à améliorer la productivité de son entreprise et à créer au sein de l'organisation un climat propice à une meilleure productivité.

Une loi moderne qui mise sur la gestion des ressources humaines comme facteur ayant un effet déterminant sur la capacité des entreprises d'accroître leur productivité de même que leur rentabilité. Une loi moderne qui allie les intérêts des entreprises avec ceux des travailleurs et des travailleuses du Québec et qui mandate le ministre du Travail pour faire la promotion des modes de gestion qui permettent de faire évoluer les syndicats et les employeurs. Et c'est pour ça qu'au ministère, j'ai eu l'occasion d'en parler à quelques reprises, nous avons mis de l'avant des mécanismes, des techniques qui font en sorte que les employeurs et les syndicats qui veulent se parler, tout est à leur disposition pour qu'ils le fassent: médiation préventive, sessions de formation pour les employeurs et les syndicats, négociations raisonnées, etc., etc.

Bref, c'est une loi, aussi, à caractère social, et je ne veux pas longtemps épiloguer là-dessus. Ce que je veux vous dire, c'est qu'il est important que l'on reconnaisse le rôle de l'État dans l'élaboration des politiques et des lois qui contribuent au développement de la société québécoise et du partage de la richesse. C'est important, M. le Président, que ceux qui créent la richesse ne soient étouffés par personne. On n'égorgera pas les créateurs de richesse; au contraire. Et on dit aux syndicats aussi: Vous avez le devoir de collaborer avec votre employeur si on veut qu'il génère la richesse et si on veut que l'État prenne cette richesse et qu'il la distribue au sein de la collectivité.

M. le Président, le gouvernement actuel considère aussi que les syndicats, le mouvement syndical est un agent de changement social important au Québec. La création du Fonds de solidarité de la FTQ, la création du fonds de la CSN en font maintenant des acteurs importants du développement, de la création et du maintien des emplois au Québec. On les a toujours respectés aussi en les intégrant à toute forme de réflexion devant conduire à l'amélioration des lois du travail. On les retrouve au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, on les retrouve à la CSST et à tous les organismes paritaires qui nous permettent de faire évoluer le monde du travail. Et c'est comme ça que le gouvernement du Québec veut s'inscrire, avec les employeurs et les travailleurs, à la relance de l'économie et à la création d'emplois.

C'est sûr que les relations patronales-ouvrières resteront la responsabilité du ministère, et on entend bien les assumer pleinement. Les normes minimales de travail, qui est une loi importante pour nous, va être également améliorée; la gestion des conditions de travail, la même chose. La santé et sécurité au travail, domaine important s'il en est un, va connaître une réforme importante. La CSST sera modifiée dans sa loi constituante. Et on va faire en sorte que les délais, les délais qui sont extrêmement longs avant qu'un travailleur trouve justice... On va essayer d'améliorer l'ensemble des mécanismes pour que le travailleur qui entre dans le système puisse en sortir rapidement, retrouver son emploi et retrouver la vie normale.

(21 h 10)

M. le Président, j'aimerais vous dire, en terminant, que je me réjouis de l'adoption finale du projet de loi créant le ministère. Je reçois cette mission comme un défi redoutable, sans doute. Mais, cependant, en se dotant d'un instrument privilégié qui n'est ni à la remorque des syndicats, ni des employeurs, parce que c'est une fonction neutre, ce qu'on espère, c'est de créer au Québec des relations de travail où les employeurs et les syndicats se respectent. Ils ont l'obligation de travailler ensemble, de se comprendre et de se parler. Je suis un adepte de la négociation. Je suis réfractaire aux lois spéciales. Je suis également favorable à des mécanismes harmonieux, fonctionnels. Et tout ce qui pourra être fait, tout ce qui sera en mon pouvoir pour débarrasser les irritants dans les nombreux mécanismes qui constituent les lois du travail au Québec, on va s'organiser pour le faire.

M. le Président, c'est un moment important parce que ça a été voulu par les syndicats et les employeurs, la création d'un véritable ministère du Travail avec un titulaire qui s'en occupe à temps plein. Je voudrais, dans le contexte économique actuel, vous dire aussi que la contribution du ministère du Travail est plus que jamais nécessaire, et le défi qui se pose à nous, bien, ça représente un défi redoutable mais terriblement stimulant. Je suis heureux, avec la création de ce ministère, que l'on replace la mission travail au coeur de l'administration gouvernementale. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre du Travail. J'accorderai maintenant la parole au député de LaFontaine et critique officiel de l'opposition en matière de travail. M. le député.


M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Alors, merci, M. le Président. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le dire lors de l'adoption du principe de ce projet de loi, cette loi crée un ministère incomplet. En effet, nous revenons à une ancienne formule qui faisait en sorte que la main-d'oeuvre et l'emploi étaient différents du ministère du Travail. Et nous pensions, dans une société moderne comme la société québécoise, une société interactive où tout est relié, où toute loi du travail a un impact direct sur l'emploi, que, en effet, ça devait être ensemble.

Alors, le gouvernement en a décidé autrement, a décidé de rescinder, de recouper, de créer une nouvelle structure, et, malheureusement, pour cette partie-là nous ne pouvons y souscrire, car, en effet, M. le Président, à quoi sert de créer structures après structures lorsque l'État ou l'appareil de l'État est impliqué dans un processus de coupures et de compressions dans des domaines et des secteurs névralgiques pour la population? À quoi sert de nommer de nouveaux sous-ministres, de nouveaux chefs de cabinet, de nouvelles secrétaires, de nouveaux fonctionnaires et même de nouveaux chauffeurs pour créer un ministère qui n'est pas complètement un ministère? Alors, sur ce côté-là, nous ne pouvons y souscrire. Et je l'ai dit au ministre et je le répète en cette Chambre.

En ce qui concerne, maintenant, le reste de la mission travail qui va être impartie au ministère, il est évident qu'il y a là des choses intéressantes. En effet, personne ne niera que notre société est en pleine mutation. Les rapports entre les travailleurs, entre les entreprises, entre les continents, entre les succursales, les filiales d'une même multinationale sont parfois complexes et doivent aussi entrer en compétition avec d'autres pays, d'autres blocs, d'autres groupes, et il est important que nos lois du travail soient modernes, compétitives, permettent aux gens, aux entrepreneurs et aussi aux travailleurs une liberté maximum pour pouvoir relever ce grand défi de la mondialisation des échanges et – la même chose – de la production et de l'augmentation de la productivité qui est nécessaire. Alors, le ministre ne nous apprend rien en nous disant cela. L'ancien ministère le faisait aussi. L'ancien ministre le faisait aussi. Ce que nous découvrons, c'est qu'on lui a donné un deux tiers de ministère. C'est juste ça que nous découvrons.

Il est vrai aussi que des modernisations sont demandées par les différents intervenants. Le ministre nous parlait tout à l'heure de la CSST. Oui, certes, il y a des changements qui sont nécessaires. Mais quels changements? Devront-ils être dans l'intérêt des travailleurs, des plus démunis ou dans l'intérêt des patrons? C'est là la question. On peut avoir des mots à gauche et gouverner à droite. Et, à cet effet-là, l'opposition sera vigilante, car il est dans le rôle de l'opposition d'être le porte-parole des gens qui se sentent non reconnus ou non représentés par les gouvernements. Et, là, je fais en particulier référence à tous ces nouveaux travailleurs que nous trouvons sur le marché du travail, ceux qui ne sont pas dans les organisations syndicales, ceux qui sont les travailleurs à contrats, les travailleurs temporaires, les travailleurs saisonniers, tous ces gens qui ont un statut précaire, bien souvent des femmes. Et, là, M. le Président, nous avons pu voir, malheureusement, que, dans le projet de loi du ministre, malgré les bonnes intentions du ministre, malgré ses déclarations, et je le reconnais volontiers, il n'a pas voulu passer à l'action. Nous n'avons pas été capables de faire en sorte que les politiques du ministère, les politiques du travail, comme c'est maintenant dans le projet de loi, dans la charte du ministère, dans la création, que les groupes non organisés, que les travailleurs non syndiqués soient tenus... que le ministère soit tenu de les faire participer. On nous a dit: Oui, en effet, ils sont là, ça va de soi, c'est naturel. Peut-être que le ministre, actuellement – et je suis prêt à lui accorder la bonne foi, M. le Président – peut-être que lui le pense, mais sera-t-il toujours là? On a vu des ministres bien intentionnés passer des projets de loi avec des grandes intentions, et le suivant ou la suivante qui devait l'appliquer, lorsque lui était parti ou remplacé, eh bien, n'avait pas la même vision, la même perception. Et, donc, je dois déplorer que nous n'ayons pas été capables, malgré les bonnes intentions apparentes du ministre, de le préciser et le mettre dans le projet de loi.

Car, M. le Président, ne nous trompons pas. De plus en plus, dans les prochaines années, ces travailleurs non organisés, à statut précaire, seront de plus en plus nombreux, et peut-être un jour représenteront-ils la majorité des travailleurs. Aussi, notre législation du travail va devoir s'adapter à ces nouvelles conditions, va devoir évoluer. Nous ne pourrons plus faire des conditions, des lois du travail en tenant compte seulement des groupes organisés comme les syndicats ou le patron, M. le Président; nous allons devoir tenir compte des autres. Il ne faudrait pas qu'ils deviennent des exclus, il ne faudrait pas que les lois du travail se passent en groupes de gens initiés, toujours les mêmes, parce qu'ils ont des intérêts dans des organisations ou dans d'autres, des intérêts syndicaux ou patronaux, bien sûr, et que ces gens-là soient exclus et laissés pour compte. Et je déplore donc, encore une fois, que ça n'ait pas été, dans le projet de loi, reconnu explicitement, et c'est un des reproches que j'amène au ministre, personnellement.

Pour l'autre, d'avoir les deux tiers d'un ministère, ce n'est pas de sa faute, c'est le premier ministre. S'il n'en avait tenu qu'à lui, certainement qu'il aurait voulu tout avoir. Alors, je ne peux pas lui reprocher à lui, M. le Président. Je peux le reprocher au gouvernement, par exemple, de ne pas avoir eu le courage de donner au ministre du Travail, qui semble avoir des idées, qui semble avoir une vision des fois décriée par son premier ministre, comme on a pu le voir le jour du 1er mai en période des questions, mais qui semble en avoir quand même. On ne lui a pas donné tous les outils et toute la latitude nécessaire pour pouvoir agir.

Alors, M. le Président, le projet de loi n° 26, bien sûr, ne sera pas un projet de loi qui passera à l'histoire comme un projet de loi faisant preuve d'originalité et de progressisme. Il passera à l'histoire comme un projet de loi qui a scindé en deux un ministère et qui donne à un ministre deux tiers des activités de l'autre. Voilà pourquoi il passera à l'histoire, M. le Président.

Alors, je pense qu'après tous les débats que nous avons eus en commission parlementaire, les discours que nous avons faits en cette Chambre, l'essentiel a été dit. Que pourrais-je rajouter, si ce n'est que nous avertissons, nous, de ce côté-ci, nous de l'opposition, que nous serons vigilants auprès du ministre, de ses actions et que nous n'hésiterons pas à collaborer avec lui lorsque ce sera nécessaire pour l'intérêt des travailleurs, des travailleuses du Québec, des citoyens et des citoyennes du Québec, et qu'aussi nous serons très vigilants et que nous n'hésiterons pas à le dénoncer ou à le forcer à agir lorsque nous penserons, en toute bonne foi, qu'il n'agit pas dans le meilleur des intérêts des travailleuses et des travailleurs du Québec.

Alors, voilà, M. le Président, ce que j'avais à dire sur ce projet de loi. Et je souhaiterais maintenant faire savoir que, malheureusement, nous ne pourrons pas appuyer, nous ne pourrons pas être en faveur de la création de ce ministère, pour les raisons que j'ai indiquées. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le député de LaFontaine. M. le...

M. Ménard: Alors, M. le Président, je vous demanderais maintenant de prendre en considération...

Le Vice-Président (M. Pinard): Excusez-moi, M. le ministre d'État à la Métropole. À ce stade-ci, M. le ministre du Travail, vous avez un droit de réplique. Est-ce que vous voulez l'utiliser?

M. Rioux: Non, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci. Alors, le projet de loi n° 26, Loi sur le ministère du Travail, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

M. Gobé: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le ministre de la Métropole.

M. Ménard: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 38 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 38 ou 35?

M. Ménard: L'article 38.

(21 h 20)

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 38. M. le secrétaire, pourriez-vous me l'apporter, s'il vous plaît?


Projet de loi n° 19


Adoption

Alors, l'article 38. M. le ministre des Finances propose l'adoption du projet de loi modifiant la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec. Y a-t-il des interventions sur ce projet de loi? Je constate qu'il n'y a pas d'interventions sur le projet de loi.


Mise aux voix

Donc, le projet de loi n° 19, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière concernant les produits d'épargne du Québec, est-il adopté?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Pinard): Sur division. Alors, M. le ministre d'État à la Métropole.

M. Ménard: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 8 de notre feuilleton.

Le Vice-Président (M. Pinard): L'article 8... M. le sergent d'armes, s'il vous plaît, pourriez-vous faire en sorte de fermer les portes afin que je n'entende point les cris et hurlements?

Une voix: ...

Le Vice-Président (M. Pinard): Non, le président est fatigué.


Projet de loi n° 131


Adoption du principe

Alors, l'article 8. M. le ministre de la Justice propose l'adoption du principe du projet de loi n° 131, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie. Y a-t-il des interventions sur le projet de loi n° 131? M. le ministre de la Justice.


M. Paul Bégin

M. Bégin: M. le Président, en choisissant d'encadrer l'éthique et la déontologie dans nos institutions publiques, le gouvernement indique clairement à la population du Québec qu'il est particulièrement soucieux de la probité des administrateurs publics. Le groupe de travail que j'ai constitué pour étudier l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics, dans un rapport que j'ai rendu public au mois de mai 1995, déclarait, et je cite: «Il y a des périodes de l'histoire où il existe un large consensus social sur les principes moraux. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, dans notre société comme dans bien d'autres. Le glissement prononcé vers des valeurs beaucoup plus individuelles et la grande diversification de la société ont opéré un passage vers un pluralisme éthique. Le consensus social a de moins en moins de principes à proposer.» Fin de la citation.

Si le consensus social a de moins en moins de principes à proposer, il demeure que la société exprime des attentes importantes en matière d'éthique. Les mesures que nous examinons aujourd'hui se veulent une réponse aux attentes exprimées et, par ricochet, à certains comportements dérogatoires qui ont été médiatisés au cours des récentes années et qui ont menacé le lien de confiance entre la population et les institutions publiques et les hommes et les femmes qui les administrent.

L'Assemblée nationale a adopté, au fil des ans, des mesures relatives à l'éthique en ce qui concerne les députés, les juges, la fonction publique et les ordres professionnels. Elle a même édicté dans le Code civil du Québec les règles devant régir les comportements éthiques pour les administrateurs du bien d'autrui comme pour ceux des personnes morales. Si l'Assemblée nationale a ainsi cru bon de préciser des règles de comportement entre personnes privées, il est maintenant opportun qu'elle se penche sur les règles qui devraient s'appliquer aux entités qui relèvent de l'État, totalement ou en partie, et aux personnes chargées d'administrer ces entités.

Le projet de loi n° 131 qui est soumis à notre attention vise tout d'abord les organismes et les entreprises du gouvernement. Plus particulièrement, il vise les personnes qui administrent ces organismes et entreprises ainsi que celles que ces entités nomment ou désignent dans les conseils d'administration d'autres organismes ou entreprises. Il vise aussi les personnes que le gouvernement nomme ou désigne dans les organismes ou entreprises qui ne sont pas des organismes ou entreprises publics. Ce sont ces personnes que l'on désigne par l'expression «administrateurs publics».

Le projet de loi contient aussi des dispositions relatives aux établissements des secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux, secteurs qui, comme on le sait, reçoivent une part considérable des budgets de l'État.

En ce qui concerne les administrateurs publics, le projet de loi habilite le gouvernement à prendre des règlements pour établir les règles d'éthique et de déontologie qui leur seront applicables.

Pour ce qui est des établissements des secteurs de l'éducation, de la santé et des services sociaux, le projet de loi leur fait obligation de se doter d'un code d'éthique et de déontologie applicable aux membres de leur conseil d'administration ou de ce qui en tient lieu.

Le Groupe de travail sur l'éthique, la probité et l'intégrité des administrateurs publics posait comme prémisse que l'administration publique représente des caractéristiques et obéit à des impératifs qui la distinguent de l'administration privée. Il constatait que, plus souvent qu'autrement, les personnes nouvellement nommées comme administrateurs publics ont le réflexe de considérer le conseil d'administration d'une société d'État comme un conseil d'administration comme les autres. Or, c'est précisément parce que l'administration publique n'est pas une administration ordinaire que le projet de règlement déposé le 15 décembre 1995 en même temps que le projet de loi énonce des exigences de conduite et de comportement qui vont au-delà de ce qui est demandé dans l'entreprise privée.

À un projet de loi beaucoup plus substantiel, j'ai privilégié la voie réglementaire en raison des aspects plutôt novateurs tant du champ d'application des mesures que du droit nouveau qu'elle crée. En effet, ces mesures touchent un éventail très large à la fois de personnes, d'organismes et d'entreprises tout en disposant d'aspects reliés à la rémunération et à l'après-mandat. Il m'apparaît donc que, à ce stade-ci, la voie réglementaire offre une plus grande souplesse d'adaptation que la voie législative.

Le projet de règlement propose le principe suivant lequel les administrateurs publics sont nommés pour contribuer, dans le respect de la justice et avec efficacité, à la réalisation de la mission de l'État et à la bonne administration de ses biens. Cette contribution doit être faite avec honnêteté, loyauté, prudence, diligence et assiduité.

Après avoir énoncé ces grands principes, le projet de règlement propose les mesures nécessaires afin de régir les situations qui se présentent au cours du mandat de l'administrateur public ainsi que celles que celui-ci devra observer après la fin de son mandat. Essentiellement, il est prévu que l'administrateur public sera tenu à la discrétion, qu'il devra éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et ses obligations d'administrateur public. Il ne pourra utiliser, tant à son profit qu'au profit de tiers, de l'information qui ne serait pas disponible au public.

Toujours guidé par le principe que l'administration publique n'est pas une administration comme les autres, nous affirmons que l'administrateur public n'a droit, pour l'exercice de ses fonctions, qu'à la seule rémunération reliée à celle-ci. L'entreprise privée a développé et continue de développer différents modes de rémunération pour ses administrateurs. Toutefois, et j'insiste là-dessus, l'administration publique n'est pas une entreprise privée. Elle existe pour le bien de la collectivité québécoise. Pour ce motif, nous ne pouvons pas accepter de reproduire tous les modes de rémunération établis par l'entreprise privée, tels les mécanismes d'intéressement. Ceci vise non seulement, je le rappelle, les personnes qui sont nommées dans les organismes et entreprises du gouvernement, mais aussi les personnes que ces organismes ou entreprises nomment ou désignent au sein d'autres entreprises. Le principe sous-jacent est que ces personnes, en raison même de leur nomination, participent à la mission de l'État.

Toujours en ce qui concerne la rémunération, le projet de règlement propose de baliser la question des allocations et indemnités de départ. Ainsi, l'administrateur public qui quitterait ses fonctions pour exercer d'autres fonctions dans le secteur public ne pourra recevoir d'allocation ou d'indemnité de départ.

Des règles sont aussi prévues pour les administrateurs qui, après avoir quitté le secteur public, y reviendraient. Le projet de règlement est très englobant dans sa définition du secteur public. Il couvre non seulement toute la fonction publique et les organismes et entreprises du gouvernement, mais aussi le secteur de l'éducation, de la santé et des services sociaux.

(21 h 30)

Le gouvernement, par son pouvoir réglementaire, tient à rendre applicables à toutes les personnes qu'il nomme ou qu'il désigne des règles qu'il estime être de première importance. Il demeure toutefois conscient que chaque organisme, chaque entreprise a une réalité qui lui est propre et que c'est cet organisme ou cette entreprise qui pourra le mieux prévoir les règles d'éthique et de déontologie qui lui sont particulières. C'est pourquoi il est fait obligation à chaque organisme de se doter d'un code d'éthique et de déontologie. À cette fin, le premier responsable de l'éthique et de la déontologie dans l'organisme ou l'entreprise est le président. Il devra s'assurer du respect des principes d'éthique et des règles de déontologie tant par les administrateurs publics que de l'organisme ou de l'entreprise que par ceux que l'organisme ou l'entreprise nomme ou désigne ailleurs.

Afin que l'éthique et la déontologie imprègnent la vie des organismes et entreprises et des individus qui les administrent, le projet de règlement prévoit que chaque organisme et chaque entreprise devra établir des programmes de formation et d'information sur les principes d'éthique et sur les règles de déontologie qui s'appliqueront à ses administrateurs.

De plus, le projet de règlement crée la fonction de conseiller en déontologie. Celui-ci sera le spécialiste en éthique et en déontologie au sein de l'organisme ou de l'entreprise. Il aura à encadrer le processus d'élaboration et de révision du code d'éthique et de déontologie, à assurer la formation et l'information des administrateurs publics en ces matières et à fournir son soutien à ceux qui seraient confrontés à une situation problématique. Le conseiller en déontologie devra enquêter relativement aux situations irrégulières et, s'il conclut à un manquement, en saisira l'autorité chargée de faire appliquer le règlement et le code.

Un mécanisme de nature disciplinaire sera aussi établi pour permettre de décider s'il y a, dans un cas donné, manquement à l'éthique ou à la déontologie et des sanctions à appliquer, le cas échéant. Enfin, pour assurer une certaine harmonie des règles d'éthique et de déontologie applicables tant dans les organismes et entreprises qu'aux personnes visées, les projets de code devront recevoir un avis de conformité aux dispositions du règlement.

Les codes d'éthique et de déontologie qu'auront à établir les établissements des secteurs de l'éducation, de la santé et des services sociaux auront à traiter relativement des mêmes sujets: les règles à respecter en cours de mandat et après celui-ci, certaines pratiques reliées à la rémunération et les mécanismes d'application. Je souhaite que ces établissements développent, eux aussi, pour leurs administrateurs des mécanismes de formation et d'information concernant l'éthique et la déontologie.

Je souligne enfin une disposition fort importante que le projet introduit dans l'application du régime. L'article 3.0.4 prévoit que quiconque reçoit un avantage comme suite à un manquement à l'éthique ou à la déontologie est redevable envers l'État de la valeur de l'avantage reçu. Cette disposition s'appliquerait tant aux administrateurs publics visés par le projet de loi qu'aux administrateurs des secteurs de l'éducation, de la santé et des services sociaux et permettrait d'éviter que le manquement profite à son auteur.

Vous vous souviendrez, M. le Président, qu'avant même de proposer à cette Assemblée d'adopter le principe de ce projet de loi nous avons tenu une consultation générale. Cette consultation a permis de constater que la très grande majorité des intervenants considéraient opportun d'établir ces règles d'éthique et de déontologie. Des réserves ont toutefois été exprimées sur certaines modalités de ces règles et il en sera tenu compte. Ainsi, par exemple, pour tenir compte des observations des représentants des commissions scolaires, qui ont estimé que le véhicule approprié pour créer l'obligation d'établir, à leur bénéfice, un code d'éthique et de déontologie serait les lois constitutives des commissions scolaires, je proposerai des amendements au projet de loi pour insérer cette obligation dans la Loi sur l'instruction publique.

La Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec soulignait qu'il serait regrettable de réserver à l'Université du Québec un traitement différent de celui des autres universités. J'en tiendrai compte et je proposerai que les universités aient toutes le même traitement.

Des représentants des milieux du travail comme des milieux culturels ont formulé des réserves en ce qui concerne le devoir de neutralité politique, celui de réserve concernant la manifestation publique des opinions politiques et celui de la confidentialité des informations que les membres des conseils d'administration obtiennent dans l'exercice de leurs fonctions.

Je présenterai, dans le projet de règlement, de meilleures balises quant aux personnes visées, mais je peux dès lors vous faire part de mes intentions. Le devoir de neutralité politique visera l'administrateur public, et je souligne, dans l'exercice de ses fonctions, lorsqu'il est à la table du conseil, si je peux utiliser cette image. Mes collègues députés admettront bien volontiers qu'un conseil d'administration n'est pas un forum politique. Pour ce qui est du devoir de réserve dans la manifestation publique des opinions politiques, cette obligation ne s'appliquera qu'à l'administrateur public à temps plein.

Je crois devoir rassurer les personnes dont la nomination est liée à leur appartenance à un groupe représentatif qu'il n'entre pas dans nos intentions de les réduire au silence, comme certains ont pu le craindre. Toutefois, si une loi décrète qu'une information est confidentielle ou si le conseil d'administration décide qu'une information est confidentielle, il est évident que l'administrateur public issu d'un groupe représentatif sera astreint au même devoir de confidentialité que ses autres collègues administrateurs publics. Il appartiendra aux différents acteurs impliqués de voir comment traiter la question de la confidentialité afin de voir à ce qu'elle soit respectée.

M. le Président, le contrat social impose un lien de confiance particulier entre l'État et les citoyens. Nous avons fait des progrès importants au fil des ans au Québec pour assainir la moralité publique, et je suis convaincu que le projet de loi n° 131 ainsi que le projet de règlement qui l'accompagne vont contribuer à préserver et à renforcer la confiance de la population dans ces institutions.

C'est pourquoi, M. le Président, je recommande à cette Assemblée l'adoption du principe du projet de loi n° 131. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci, M. le ministre de la Justice. J'accorde maintenant la parole au député de Viger. M. le député.


M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que j'ai accepté de prendre la relève de mon collègue, le député de l'Acadie, dans ce dossier de l'éthique et de la déontologie.

Vous comprendrez, M. le Président, que l'étude de ce projet de loi, dans le contexte actuel, comporte un degré d'importance peu commun. Vous vous souvenez sûrement, M. le Président, des nombreux événements qui ont marqué les premiers 18 mois du gouvernement du Parti québécois. Sans en faire une nomenclature exhaustive, les premiers mois de l'administration du Parti québécois ont été marqués par une purge sans précédent dans les hauts fonctionnaires de l'État. La plupart des observateurs de la scène politique québécoise ont été frappés par la rapidité avec laquelle ce gouvernement s'est permis de mettre à pied, congédier, déplacer, ou encore de remercier plusieurs grands commis de l'État pour des raisons strictement basées sur les croyances politiques.

Nous avons été témoins, M. le Président, à cette époque, de certains spectacles un peu désolants. Des personnes que je n'ai pas l'intention de nommer ici par respect, ces personnes ont publiquement fait une profession de foi sous la pression des interventions coercitives de certains ministres péquistes influents. D'autres personnes, plus résistantes, M. le Président, ont résisté à ces pressions. Ces personnes ont tout simplement été invitées à prendre la porte des fonctions qu'elles occupaient.

Ensuite, M. le Président, est arrivée la célèbre affaire Le Hir, que le premier ministre d'alors qualifiait de plus vaste complot jamais vu et de quelque chose de plus grave encore que ce que l'on pouvait imaginer. C'est grâce au travail acharné de plusieurs de mes collègues que le public a été en mesure de prendre connaissance des faits entourant cette affaire. Je pense, entre autres, à mes collègues de Châteauguay et de l'Acadie qui ont fait ensemble et avec d'autres un travail remarquable. Deux enquêtes du Vérificateur général du Québec, une enquête policière et des perquisitions ont suivi les interventions de l'opposition. À ce jour, M. le Président, je crois que l'enquête policière n'est pas encore terminée.

D'autres événements sont venus marquer la gestion de ce gouvernement. Plusieurs cas de double rémunération ont été portés à la connaissance du public, laissant chez plusieurs citoyens et citoyennes du Québec un goût amer. Un comité a été formé par le premier ministre du Québec et un rapport a été déposé récemment sur cette question importante en cette période difficile de notre économie où le chômage chronique et presque systémique frappe durement nos jeunes et nos moins jeunes.

(21 h 40)

D'ailleurs, M. le Président, on se souviendra de l'épisode qui a frappé le premier ministre du Québec lui-même au moment où il convoitait publiquement la plus haute fonction de notre organisation politique, quand, à un certain moment, il avait pris sa pension du fédéral, et après, disons, certaines pressions, il a décidé de la remettre à l'État.

M. le Président, je crois qu'il s'agit là d'une situation où l'éthique et la déontologie des personnes qui exercent des fonctions dans un appareil financé par les contribuables sont directement concernées. Il y a eu, M. le Président, je le rappelle, des excès qui ont marqué assez fortement l'opinion publique, et je pense à certaines fêtes tenues notamment à Hydro-Québec, où les fonds publics ont été dépensés allègrement. C'est dans ce contexte, M. le Président, dans une suite de tristes événements, que s'inscrit le projet de loi n° 131.

C'est dans ce contexte, M. le Président, que, le 13 janvier 1995, le ministre de la Justice confiait à un groupe de travail le mandat d'identifier les fondements et les composantes de la dimension éthique dans la gestion des biens publics et de cerner les aspects qui ont une importance primordiale pour le maintien du lien de confiance entre les citoyens et les administrateurs publics. Le mandat du groupe de travail incluait aussi l'identification et la proposition de balises et de normes de comportement en vue de favoriser l'intégrité et la probité des administrateurs et gestionnaires publics, tout en prévoyant des mécanismes de prévention et de sanction de comportements dérogatoires.

Ce comité, M. le Président, composé de 11 personnes, s'est réuni à sept reprises, pour remettre son rapport le 26 avril 1995. Il s'agit d'un rapport de plus de 175 pages qui couvre un vaste domaine partant de la sélection, la nomination, la rémunération, les indemnités et les avantages des gestionnaires de l'État dans un contexte où l'éthique, la probité et la déontologie professionnelles sont au centre des préoccupations.

Ce rapport, M. le Président, ne couvre pas la catégorie des élus, il s'adresse plutôt aux administrateurs nommés en vertu d'un acte de nomination. La toile de fond du rapport et du questionnement sur l'éthique, la déontologie et la probité des administrateurs est le rétablissement du lien de confiance entre l'État et les citoyens. Le contrat social impose un lien de confiance particulier entre l'État et les citoyens, nous indique le rapport à la page 23. C'est donc dire, M. le Président, que l'objectif de cette réflexion sur l'intégrité de l'administration publique en est un de séduction à l'endroit des citoyens. Étrangement, la matière à l'étude se limite aux administrateurs nommés et non pas à la responsabilité des élus.

Enfin, M. le Président, de ce rapport est né le projet de loi n° 131, que nous avons devant nous. Que propose ce projet de loi? Essentiellement, M. le Président, le projet de loi n° 131 modifie la Loi sur le ministère du Conseil exécutif pour introduire une nouvelle section permettant au gouvernement d'adopter par règlement des normes d'éthique et de déontologie applicables aux administrateurs publics et d'obliger les conseils d'administration des organismes et entreprises du gouvernement à établir un code d'éthique et de déontologie. De plus, le projet permettra d'établir la procédure d'examen, les instances et les sanctions applicables en cas d'infraction. Le projet de loi étend aux établissements des secteurs de l'éducation et de la santé et des services sociaux l'obligation de se doter de normes d'éthique et de déontologie applicables à leurs administrateurs. Un projet de règlement a été déposé en même temps que le projet de loi.

Ce printemps, M. le Président, une commission parlementaire a eu lieu sur la proposition du gouvernement. Je crois qu'il est important de faire un bref rappel des témoignages entendus en commission parlementaire. Par exemple, M. le Président, la FTQ s'oppose au projet de loi du ministre de la Justice parce que le projet de règlement ne prévoit pas de normes qui peuvent être adaptées selon les différentes catégories d'organismes, d'entreprises ou de personnes visées. Le projet de règlement a été rédigé davantage pour les hauts salariés administrateurs de la fonction publique que pour les organismes de consultation, nous dit la FTQ. Je rappelle, M. le Président, que la FTQ siège sur plusieurs conseils d'administration: la Caisse de dépôt, la CSST, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre, etc.

Les articles 3, 4, 5 et 8, paragraphe 2, et surtout l'article 6 du projet de règlement, qui prévoit que, et je cite, «l'administrateur public est tenu de faire preuve de neutralité politique dans l'exercice de ses fonctions et de réserve dans la manifestation publique de ses opinions politiques», fin de la parenthèse, démontrent que le projet de règlement est inadéquat pour les représentants issus du mouvement syndical. L'article 3.0.2 devrait permettre que les règlements qui édictent des normes tiennent compte de la spécificité des personnes qu'elles visent. La FTQ n'est pas prête à abdiquer sa liberté d'expression, de défense et de représentation de ses membres. En conséquence, M. le Président, la FTQ demande le retrait de la loi n° 131. Ce projet de loi est à refaire au complet.

Par ailleurs, vu sous l'angle des employeurs, le Conseil du patronat est venu dire au ministre de la Justice qu'il faut faire une distinction entre les gestionnaires des organismes de l'État et les administrateurs nommés par un ministre ou le gouvernement qui siègent sur les divers conseils d'administration des organismes publics. C'est à tort que le projet de loi n° 131 couvre ce type d'administrateurs, nous enseigne le CPQ. Selon le Conseil du patronat, bon nombre d'administrateurs actuellement en poste quitteraient leurs fonctions avec cette réglementation.

Le règlement-cadre proposé est inacceptable pour bon nombre d'administrateurs représentatifs de leur milieu et qui donnent beaucoup de leur temps bénévolement aux affaires de l'État. Par exemple, les devoirs de discrétion et de confidentialité, articles 5 à 9, ne conviennent pas aux représentants patronaux et syndicaux, qui doivent consulter leurs membres avant de prendre position au conseil d'administration. Le devoir de neutralité politique et de réserve, article 6, forcerait un bon nombre d'administrateurs à démissionner. Enfin, sur la question de la rémunération, articles 18 à 23, le Conseil du patronat est surpris qu'on ne souhaite pas le retour du versement des jetons de présence, abrogé en 1986-1987.

En conclusion, le Conseil du patronat considère que le projet de loi et le règlement-cadre doivent être entièrement réexaminés pour distinguer clairement les obligations des gestionnaires des obligations des administrateurs nommés souvent bénévolement et à temps partiel. Il y a donc, M. le Président, un certain consensus patronal-syndical contre certains aspects du projet du ministre de la Justice.

Regardons, M. le Président, ce qu'est venu nous dire l'Office des professions du Québec sur le projet du ministre. L'Office des professions du Québec est un organisme gouvernemental dont la mission est de s'assurer que le public soit protégé par chaque ordre professionnel. Responsable de conseiller le gouvernement sur les codes de déontologie des 43 ordres professionnels régissant plus de 250 000 professionnels, l'Office a développé une expertise particulière en ces matières. L'Office recommande au ministre de la Justice de soustraire de l'application de la loi et du règlement les administrateurs nommés, les présidents et présidents suppléants des comités de discipline.

Dans un autre secteur d'activité, regardons ce que disaient les régies régionales du réseau de la santé en commission parlementaire. La Conférence des régies régionales de la santé questionne l'opportunité et les conséquences de vouloir codifier l'éthique par les biais de la législation et de la réglementation. La Conférence parle d'effets pervers. Il existe des pièges dans l'application de l'éthique à la réalité du rôle que les membres du conseil d'administration des régies régionales ont à jouer.

Ils sont étonnés, dans un premier temps, de voir le gouvernement imposer des normes législatives et réglementaires sur l'éthique des administrateurs. Pour eux, l'article 233 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux prévoit déjà de manière spécifique l'obligation pour les établissements d'établir un code d'éthique. Ce n'est pas uniforme dans chaque établissement, tant au niveau du contenu que de celui de l'application.

(21 h 50)

Par ailleurs, certains conseils d'administration des régies régionales se sont déjà dotés de règles d'éthique sans qu'aucune disposition législative ne l'oblige. Parmi les effets pervers d'une législation, on cite le caractère figé et statique de la codification qui produit un effet réducteur. L'article 322 du Code civil de même que l'article 406 de la loi sur la santé et les services sociaux prévoient des devoirs de prudence, de diligence, d'honnêteté et de loyauté.

Pour la Conférence, M. le Président, c'est au conseil d'administration de compléter ces grands principes, pas nécessairement par le pouvoir législatif du gouvernement. Les effets du projet de loi peuvent entrer en contradiction avec le principe de représentation aux conseils d'administration des régies. Je crois que, sur ce point, le ministre a donné des explications qui répondaient aux préoccupations des régies régionales.

D'autres organisations sont venues en commission parlementaire. Tout en appuyant le principe du projet de loi, elles demandaient des modifications soit à la loi, soit au règlement. On peut citer certaines d'entre elles: la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, la Caisse de dépôt, la Fédération des commissions scolaires, le Conseil scolaire de l'île de Montréal, Hydro-Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, la Confédération des syndicats nationaux, le Protecteur du citoyen, le Musée du Québec. On le voit, M. le Président, la question de l'éthique et de la déontologie est au coeur du contrat social entre les citoyens et l'administration publique. Pour certains, l'intervention du gouvernement est salutaire, pour d'autres, la proposition soulève des inquiétudes; d'autres demandent des ajustements qui paraissent tout à fait légitimes, soit dans la loi ou dans le règlement.

Par exemple, M. le Président, la Fédération des commissions scolaires a des difficultés sérieuses avec le projet du ministre de la Justice. La Fédération regroupe 137 commissions scolaires qui dispensent des services éducatifs à plus de 1 000 000 d'élèves. En vertu de la Loi sur l'instruction publique et de la Loi sur les élections scolaires, les commissaires sont élus au suffrage universel pour un mandat de quatre ans. Ces lois prévoient l'éligibilité à la fonction de commissaire; ces lois prévoient certaines règles concernant l'intérêt dans un contrat et le fait que les commissaires sont redevables devant la population à chaque quatre ans. Une commission scolaire ressemble à une municipalité, et la Fédération se demande pourquoi les commissions scolaires sont assujetties au projet de loi alors que les municipalités ne le seraient pas.

La Fédération dénonce cette approche du projet de loi. Depuis 150 ans, M. le Président, la commission scolaire est un gouvernement local dont les dirigeants représentent la population locale. Selon la Fédération, le projet de loi nie le rôle public des dirigeants des commissions scolaires. Pour la Fédération, l'élu est redevable devant la population. Plusieurs commissions scolaires ont élaboré et adopté des normes d'éthique pour les guider dans leur fonctionnement. La Fédération est favorable à l'établissement d'un code d'éthique et de déontologie pour le Conseil des commissaires. La Fédération dénonce le projet de loi n° 131 à cause du message qu'il sous-entend. Les commissions scolaires ne sont pas des conseils d'administration du gouvernement. La Fédération des commissions scolaires veut être exclue du projet de loi et demande que l'éthique soit traitée via la Loi sur l'instruction publique. C'est majeur comme intervention, M. le Président. Le ministre de la Justice a-t-il tenu compte de l'argumentation des commissions scolaires? Pourquoi ne pas assujettir les municipalités du Québec aux obligations prévues dans le projet de loi n° 131 si on y assujettit les commissions scolaires?

D'autres interventions en commission parlementaire méritent d'être soulignées. Je pense au témoignage d'Hydro-Québec, dont la réputation a été sérieusement ébranlée récemment. Hydro souscrit aux objectifs ainsi qu'à l'essentiel des mesures proposées par le projet de loi et le projet de règlement. Hydro fournit, en annexe de son mémoire, un organigramme de sa structure corporative et de ses filiales où elle détient des intérêts. C'est rare, M. le Président, un document où l'on peut voir d'un seul coup toutes les subtilités de l'organisation corporative d'Hydro-Québec.

La Loi sur Hydro-Québec prévoit explicitement des règles strictes concernant les conflits d'intérêts des membres de son conseil d'administration. Depuis juin 1994, Hydro a adopté son code d'éthique, dont copie est jointe en annexe du mémoire. Un comité d'éthique existe depuis 1992 et exerce un mandat de surveillance à l'égard des administrateurs et dirigeants de la société. Il a un pouvoir de recommander au conseil d'administration des sanctions contre un administrateur fautif. Depuis 1988, Hydro s'est dotée de règles d'éthique applicables à l'ensemble des employés de la société. On nous a dit, M. le Président, qu'une mise à jour est en cours.

Hydro nous dit que le projet de loi ne doit pas constituer un piège, car la lourdeur bureaucratique fait peur aux candidats les plus compétents au conseil d'administration. Il faut être respectueux des valeurs fondamentales telles que la liberté d'expression et le droit à la vie privée. Hydro souligne l'absence de règles entourant la nomination des administrateurs ou du président. Hydro propose de rémunérer les administrateurs à temps partiel. Je croyais, M. le Président, que le président d'Hydro-Québec était un administrateur à temps partiel payé à 150 000 $ par année pour gérer à temps partiel.

Hydro formule des commentaires sur le champ d'application, la contribution des administrateurs, l'organisation des affaires personnelles, l'obligation de discrétion, de réserve et de neutralité politique, les conflits d'intérêts, l'obligation de dénonciation, l'interdiction d'avoir un intérêt, l'exercice exclusif des fonctions, l'interdiction des avantages pécuniaires, les cadeaux, marques d'hospitalité ou autres avantages, l'interdiction d'accorder, de solliciter ou d'accepter une faveur, l'offre et les perspectives d'emploi, l'interdiction de tirer des avantages indus après la cessation de fonction, l'interdiction d'agir lorsque l'administrateur a été impliqué, le contrôle et la surveillance des administrateurs et leur rémunération.

En conclusion, M. le Président, Hydro qualifie le projet du ministre de la Justice de réforme pertinente et justifiée. Elle termine cependant son exposé avec 28 recommandations pour faciliter la mise en oeuvre de cette réforme en tout respect de l'autonomie des sociétés d'État, de leurs filiales et des autres entreprises dans lesquelles l'État détient une participation minoritaire. C'est quelque chose, M. le Président, à prendre en considération.

On le voit, M. le Président, certaines activités dans lesquelles le gouvernement du Québec est impliqué sont complexes. Il faut considérer avec attention tous ces témoignages. Le travail est considérable, mais le renforcement du lien de confiance entre les citoyens et l'État mérite que les parlementaires prennent le temps de bien légiférer sur les principes de l'éthique et de la déontologie. Il s'agit des contributions des citoyens, des impôts et des taxes que les citoyens paient avec courage, religieusement, par leur travail quotidien.

(22 heures)

Je crois que nous devons travailler à rendre le pouvoir de dépenser des organismes et ministères à l'abri de tout soupçon. À cet égard, M. le Président, le Syndicat des professionnels du gouvernement du Québec est venu livrer un témoignage intéressant en commission parlementaire. Ce syndicat, M. le Président, représente quelque 13 000 professionnels. Le syndicat appuie la démarche générale entreprise par ce projet de loi. Le gaspillage des fonds publics ne se justifie en aucun temps. La médiatisation de certaines situations, comme conflits d'intérêts, double rémunération, favoritisme, les rend encore plus scandaleuses. Le Syndicat veut faire une critique constructive du projet du ministre de la Justice. Le Syndicat est proche des centres de décision de l'État. Il a une expérience en matière d'éthique et il a alerté l'opinion publique à maintes reprises et de diverses manières sur des situations discutables. Il a un parti pris pour la population.

Pour eux comme pour nous, M. le Président, un contrat social impose un lien de confiance particulier entre l'État et les citoyens. Selon ce syndicat, M. le Président, le projet du ministre de la Justice occulte des parties importantes du rapport Côté. Le projet de loi ne va pas assez loin. Les règles doivent être strictes et les mêmes pour tout le monde, peu importe le niveau de financement de l'État dans l'organisme concerné. Le Syndicat ne veut pas de double standard, et les administrateurs soumis à la Loi sur la fonction publique, comme les autres, devraient appliquer les mêmes règles. Ces règles devraient être incluses dans la loi pour plus de transparence, comme le fait l'article 63 de la Loi sur la fonction publique.

Le Syndicat a des réserves sur le dispositif réglementaire que propose le ministre de la Justice. Ce dispositif, M. le Président, permettrait aux réseaux de la santé, de l'éducation et des universités d'adopter leurs propres règles. Le législateur doit être plus interventionniste, nous disent les représentants des professionnels du gouvernement.

Sur la question de la rémunération, que le ministre a oubliée dans son projet de loi, le Syndicat des professionnels demande une intervention plus transparente pour éviter les abus. Pour le Syndicat, les indemnités de départ sont de la rémunération oblique. Cette rémunération oblique constitue une rémunération supplémentaire déguisée.

Ce sont là des propositions qui font du sens, M. le Président, surtout au moment où la fonction publique est attaquée de toutes parts par les politiques de compression pas toujours heureuses du président du Conseil du trésor. La ressource humaine n'est pas une dépense, M. le Président, elle est un investissement dans notre plus grande richesse naturelle: la personne, sa matière grise.

La moyenne d'âge dans la fonction publique tourne autour de 48 ans. L'horizon pour notre jeunesse est complètement bloqué. Ce n'est pas dans 10 ans qu'il faudra penser à notre relève, M. le Président; il me semble que c'est tout de suite qu'il faut agir, il me semble que c'est tout de suite qu'il faut préparer demain.

Par ailleurs, M. le Président, le Syndicat souligne des oublis importants faisant partie des recommandations du rapport Côté. Par exemple, on ne retrouve pas dans le projet de loi la recommandation suivante: que le gouvernement rende publics ses modes de sélection des administrateurs publics occupant un poste d'administrateur d'État. Ça n'apparaît pas dans le projet du ministre.

De plus, le syndicat demande l'introduction d'une clause de non-concurrence encadrant les relations des ex-hauts fonctionnaires avec le gouvernement de même qu'une clause interdisant ce que les syndicats appellent les délits d'initiés. De plus, le syndicat demande l'introduction dans le projet de loi d'une clause qui prévoit la protection de la divulgation d'activités injustifiées, tel que le stipulait l'avant-projet de loi 194 présenté en 1992 par un de mes collègues. En anglais, M. le Président, et j'espère que vous pardonnerez mon anglicisme, on appelle cette clause la clause du «whistle-blowing». Cette clause est importante parce qu'elle protège le fonctionnaire témoin des gestes répréhensibles de la part de l'administrateur lorsque ce fonctionnaire porte plainte contre ses comportements qui remettent en cause le lien de confiance de la population à l'égard de l'État. Le Syndicat des professionnels, M. le Président, a demandé au ministre de la Justice de modifier le règlement sur l'éthique et la discipline dans la fonction publique qui interdit la divulgation.

En conclusion, M. le Président, le syndicat se demande si le gouvernement osera réformer un domaine où le discrétionnaire, les nominations partisanes, la double rémunération et le double standard sont devenus monnaie courante. Quant à nous, M. le Président, compte tenu de tout ce qui précède, je suis convaincu qu'il faut faire quelque chose pour rétablir le lien de confiance de la population.

Je crois que plusieurs événements qui se sont produits en cascade depuis l'élection du Parti québécois ont clairement démontré que le pouvoir de dépenser de l'argent qui provient des poches des contribuables doit être encadré par des règles très strictes d'éthique et de déontologie à tous les niveaux du gouvernement. Chaque fois qu'on dépense des fonds publics à des fins autres que le service à la population, on entache le lien de confiance qui est fragile, M. le Président. Lorsque ce lien est brisé, la société dérive. Les uns et les autres réussissent par tous les moyens à contourner leur obligation sociale. Le travail au noir pousse comme de la mauvaise herbe dans une économie de plus en plus souterraine. Aucune mesure coercitive, aucune police, M. le Président, ne peut débusquer cette mauvaise herbe. La règle devient de ne pas suivre la règle. Il s'ensuit, pour la société dans laquelle nous vivons, un effritement social, un glissement dangereux de la solidarité sociale, l'un des moteurs remarquables de la société québécoise.

Chaque dollar payé au noir, chaque dollar d'impôt ou de taxe non payé vient grossir notre déficit collectif. Chaque fois que le citoyen, désabusé, cherche à contourner ses obligations, ce sont nos écoles, nos hôpitaux, nos services publics qui en souffrent, qui souffrent de l'absence de ressources pour l'éducation de nos enfants, le soin à nos personnes malades, l'hébergement de nos aînés et les secours à nos citoyens victimes de la conjoncture économique, sociale ou culturelle dans laquelle ils sont plongés sans le vouloir. Lorsque les élus de la population, lorsque les administrations publiques sont cloués au pilori et sont considérés par les citoyens comme des destructeurs, la société a un problème.

Bien sûr, M. le Président, le projet de loi n° 131 à lui seul ne pourra ramener la confiance. Il faudra, de la part de ce gouvernement, des efforts véritables pour ramener non seulement le déficit, mais aussi la taxation et l'imposition à des niveaux acceptables pour les citoyens.

Au sortir de la commission parlementaire, notre formation politique avait demandé au ministre de la Justice de retirer son projet de loi pour le réécrire en tenant compte des nombreuses recommandations qu'il a reçues de ceux et celles qui se sont donné la peine d'écrire et de participer à nos travaux. Le ministre de la Justice a choisi une autre voie. C'est son choix, M. le Président, nous le respectons. Toutefois, vous comprendrez que nous allons garder notre enthousiasme pour un peu plus tard. À ce stade-ci, nous sommes dans l'impossibilité de porter un jugement sur le travail de réflexion que le ministre a peut-être eu le temps de faire depuis la fin de la consultation. Nous verrons, M. le Président, ce qu'il a retenu et ce qu'il a rejeté des nombreuses recommandations qu'il a reçues avec une certaine ouverture en commission parlementaire, parce que nous croyons qu'il est urgent de rétablir le lien de confiance entre la population et l'État; parce que nous croyons qu'avec le gouvernement en face de nous, et je le dis bien humblement, il existe des risques sérieux qu'on utilise les fonds publics pour soumettre la population à une option plutôt que le contraire; parce que je crois qu'il est urgent de soumettre à des règles strictes ceux et celles qui ont le privilège de dépenser l'argent que la population confie en fiducie au gouvernement qu'elle choisit.

Pour toutes ces raisons, M. le Président, l'opposition a l'intention d'examiner avec sérieux, avec une approche coercitive, le projet de loi n° 131, mais j'espère que le ministre de la Justice, compte tenu des circonstances, de l'importance du dossier et de la fin prochaine de la session parlementaire, prendra quand même le temps nécessaire avec les parlementaires pour étudier ce projet de loi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Viger. Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Rivière-du-Loup. M. le député.


M. Mario Dumont

M. Dumont: Oui, merci, M. le Président. Bien, je veux certainement m'inscrire en faveur d'un projet de loi dont l'objectif, l'esprit est d'augmenter les standards d'éthique dans le secteur public, d'augmenter les standards d'éthique dans des organismes qui gèrent de différentes façons des fonds publics, qui gèrent non seulement des fonds publics, mais des responsabilités au nom du public, au nom de nos concitoyens et de nos concitoyennes. En ce sens-là, M. le Président, je vais certainement appuyer le principe de ce projet de loi, surtout dans un contexte où, pour plusieurs raisons, suite à des décisions, des situations...

(22 h 10)

Je me souviens, il y a quelques semaines, ici même à l'Assemblée, on adoptait une motion pour revoir le mode de nomination des dirigeants de sociétés d'État, des hauts fonctionnaires, des grands commis de l'État, et on avait l'occasion, à ce moment-là, à cette opportunité qui nous était donnée, de discuter de ces standards de déontologie, d'éthique, de transparence. On avait l'occasion de mettre en relief comment, pour nos concitoyens et nos concitoyennes – je sais que le député de Viger y a fait référence tout à l'heure – ça peut devenir désolant de voir les gouvernements se succéder et faire tous, plus rapidement les uns que les autres, le grand ménage, les nominations partisanes, remplacer ceux d'une couleur par ceux d'une autre sans que, vraiment, le Parlement... sans que, vraiment, on ne prenne le temps de regarder la compétence de chacun et les curriculum vitae et où on a l'impression, parfois, que ça devient des récompenses. On a l'impression que le mandat qui est donné à quelqu'un d'occuper des fonctions d'importance de gestion de fonds, de responsabilités publiques, c'est une récompense qu'on donne à quelqu'un et non pas un mandat qu'on lui donne, une grande responsabilité qu'on lui donne au nom de l'intérêt public.

Alors, certainement que ce projet de loi, qui vise justement à faire un pas dans cette direction, un pas... Certains vont dire... Je pense bien que nos concitoyens, parmi les plus désabusés et ceux qui disent que c'est tout du pareil au même, la politique, et ceux qui sont de plus en plus découragés, ils diraient comme moi, hein, que ça ne va pas assez loin. Mais ils diraient: C'est quand même un pas dans la bonne direction, c'est un effort du côté de standards rehaussés du point de vue de l'éthique et de la déontologie.

J'ai quelques réserves, tout en appuyant le principe, M. le Président. D'abord, le projet de loi prévoit, et c'est ce que le ministre nous rappelait tout à l'heure, que les standards, les éléments de déontologie auxquels on va référer vont provenir de réglementations gouvernementales, et c'est une tendance qu'on a observée depuis plusieurs années. On met, à mon humble avis, M. le Président, des choses de plus en plus fondamentales, des choses qui ont de plus en plus d'envergure dans des réglementations. Or, dans notre système, les choses qui doivent être débattues publiquement et les choses qui doivent être étudiées, dans mon esprit, devraient l'être par le biais de la législation, donc discutées entre les parlementaires et inscrites dans la législation.

Dans la réglementation, qu'on mette dans certains programmes des montants d'argent ou des balises précises à partir de tel montant, qu'on inscrive des choses comme ça dans la réglementation, je pense que ça se comprend. Mais que, dans la réglementation, on aille aussi loin que de faire une loi qui est très, très générale, où, finalement, un début de paragraphe dit en deux lignes que les standards de déontologie puis d'éthique vont finalement être fixés par réglementation, donc, par l'Exécutif, par le Conseil des ministres, et que, oui, à l'Assemblée nationale, comme parlementaires, comme législateurs, on adopte le projet de loi lui-même, on adopte une espèce de cadre qui va baliser tout ça, il m'apparaît que, dans notre rôle de législateurs, c'est un peu réducteur. Il m'apparaît qu'on échappe de cette façon-là des morceaux. Peut-être que ce sera corrigé plus tard, mais il me paraît que, dans les discussions sur la valeur, la pertinence, la pleine valeur, la pleine pertinence du projet de loi, bien, il y aurait lieu d'avoir véritablement les normes d'éthique, les standards.

On parlait, entre autres, d'un thème qui a fait jaser combien de nos concitoyens et de nos concitoyennes, les primes de séparation. On sait que le gouvernement actuel, ce problème-là, il a l'intention de faire des choses là-dessus. Mais est-ce qu'il n'y aurait pas lieu que, directement dans la loi, on mette des balises, en tout cas, comme législateurs, en votant une loi sur l'éthique et la déontologie où on établit des standards, que sur des choses comme celles-là on mette des balises?

Alors, c'était ma première remarque sur ce qu'on pourrait appeler l'équilibre entre ce qui a sa place dans la législation, donc ce qui va passer devant le Parlement, et ce qui vient être complété par la réglementation. Il me paraît que dans ce projet de loi là – ce n'est pas le premier et ce n'est pas le seul – on va très, très loin du côté de ce qui est laissé à la réglementation, au point qu'une partie de l'essence même du projet de loi provient de la réglementation. Parce que, finalement, si la réglementation était insignifiante ou si la réglementation qui est votée par l'actuel règlement était changée, par exemple, dans cinq ans, pour une réglementation qui soit très, très large et très vaseuse, pour prendre un terme bien québécois, bien, on va se retrouver avec un projet de loi que les législateurs auraient voté mais qui aurait plus ou moins de portée, plus ou moins de valeur. Et je ne pense pas que c'est ce qu'on souhaite si notre but est de rehausser les normes d'éthique, de déontologie, les normes de conduite de ceux qui auront des responsabilités dans l'administration de la chose publique.

Je parlais d'aller plus loin, M. le Président, et je ne peux pas, dans une discussion sur ces thèmes-là, m'empêcher de revenir sur un thème important auquel le projet de loi aurait pu s'attaquer: c'est celui du processus de nomination dans la haute fonction publique des dirigeants de régie, des dirigeants de sociétés d'État, d'entreprises publiques. Je suis convaincu que vous vous souvenez, M. le Président, lors de la discussion sur une motion du mercredi qui portait justement sur cette question-là, du processus de nomination, j'avais fait une liste, j'avais remonté jusqu'en 1994, d'abord, toutes les nominations de fin de mandat, et on aurait pu remonter en 1985, puis ç'aurait été la fin d'un autre mandat, d'un autre gouvernement. Et je n'avais pas voulu personnaliser ça à un parti ou à un autre, mais c'était vraiment de dire: Les fins de régime, c'est l'occasion des nominations, les gens qui ne se représentent pas, on leur trouve un emploi. On a l'impression que c'est l'ère de la récompense. Chroniqueur éditorialiste bien connu, Gilles Lesage appelait ça la république des copains, alors que ce dont on a besoin dans les nominations, c'est de la transparence, c'est de la compétence, c'est des gens qui, par leur carrière, par leur formation, pour un ensemble, par leurs expériences dans leur carrière auront acquis un bagage, qui vont convaincre les parlementaires de tous les partis de leur capacité de gérer efficacement des sociétés d'État, de gérer efficacement des choses comme Hydro-Québec. Hydro-Québec, c'est plus gros que plusieurs des ministères du gouvernement. Et, pourtant, on choisit le dirigeant d'Hydro-Québec, le président d'Hydro-Québec, qui est très largement rémunéré, plus que le premier ministre lui-même, il est choisi par décision, comme ça, nomination. Souvent, c'est un ami du régime et c'est quelqu'un qui a contribué largement à la caisse du parti qui le nomme. Il n'y a aucune discussion, véritablement, devant le Parlement, il n'y a aucune discussion sur les expériences, par exemple, dans la gestion des choses énergétiques, aucune discussion sur la gestion des choses financières, aucune vérification de la capacité de gérer un certain ensemble de ressources humaines.

Alors, il paraît que le projet de loi qui est devant nous aurait pu commencer à travailler les questions de processus de nomination dans la haute fonction publique pour, d'abord, mettre à contribution les parlementaires. Ça se fait ailleurs. Ça se fait, entre autres, aux États-Unis. On s'assure que les gens qui sont élus... Quand on nomme quelqu'un qui n'est pas un élu mais qui est nommé, on s'assure au moins que ceux qui sont élus, que ceux qui ont une responsabilité de rendre des comptes devant la population puissent questionner, vérifier les orientations, vérifier la compétence, vérifier les curriculum vitae.

Le Vérificateur général – et ça, c'est intéressant, M. le Président – dans son dernier rapport, je crois que c'est le chapitre XI , le Vérificateur général a identifié, dans le chapitre XI, cette faiblesse-là qu'on a au Québec dans la gestion des entreprises publiques, la façon de nommer nos gens et, curieusement, le Vérificateur général arrivait avec une proposition pour rendre plus transparentes, pour vérifier, rendre plus sérieuses ces nominations, pour ne pas en faire des nominations partisanes ou politiques, mais en faire des nominations rigoureuses de gestion, comme une bonne compagnie le ferait pour s'assurer que ses affaires sont bien gérées. Il arrivait avec une proposition, M. le Président, qui n'est pas très loin de celle que j'avais suggérée, que le programme de l'Action démocratique du Québec met de l'avant en matière de nomination des dirigeants de sociétés d'État.

(22 h 20)

Là-dessus, sur ces questions-là, il y a une motion qui a été adoptée, diluée, fort diluée, qui prévoit maintenant que c'est une sous-commission de la commission de l'Assemblée nationale qui va voir comment on pourrait initier un processus en ce sens-là. On va attendre les résultats. Mais ça démontre de la part du gouvernement, à mon avis, une intention un peu faible, une intention un peu pâlotte de remettre de l'ordre dans le processus de nomination.

Il me semble qu'on aurait pu aller plus vite. Et surtout qu'on avait devant nous un projet de loi, le projet de loi sur l'éthique, sur la déontologie; on aurait pu y aller un peu plus large. On aurait pu profiter de cette discussion-là, sur ce projet de loi, pour l'élargir et que le gouvernement, par voie législative, se donne un processus transparent, se donne un processus respectueux des concitoyens et des concitoyennes qui paient des taxes, qui paient des factures d'Hydro-Québec. C'est nos concitoyens et nos concitoyennes qui sont les actionnaires des entreprises publiques, les actionnaires des sociétés d'État, qui sont, en même temps, ceux qui paient les comptes, donc ceux qui financent les sociétés d'État, ils sont les revenus, ils sont les actionnaires. Alors, ils sont en droit de vérifier que les choses sont bien gérées, que les argents sont dépensés correctement et, surtout, que les personnes qui sont nommées pour occuper ces fonctions-là, ce n'est pas des récompenses, ce n'est pas des cadeaux qu'on fait à des amis du régime, mais que c'est véritablement des personnes sur lesquelles les parlementaires, quel que soit le parti, sont capables de s'entendre pour dire: Voilà quelqu'un, voilà une personne qui va pouvoir administrer nos affaires d'une façon rigoureuse, qui va pouvoir administrer nos affaires dans le meilleur intérêt de notre population.

À mon avis, ça aurait dû prendre la forme d'une loi. Et si on avait adopté, évidemment, cette motion intégrale telle que je l'avais suggérée, inspirée de notre programme politique, bien, ça aurait mis en place un processus qui nous aurait peut-être mené à bonifier le projet de loi sur l'éthique et la déontologie ou arriver à un autre projet de loi. Et j'ose espérer, dans le fond, M. le Président, et ce sera ma conclusion, qu'en appuyant aujourd'hui, en appuyant le principe de ce projet de loi là... je l'appuie dans l'esprit que c'est un pas dans la bonne direction mais que ce n'est qu'un pas et que le gouvernement a l'intention d'aller plus loin, que le gouvernement veut, en matière d'éthique, de déontologie, et est suffisamment convaincu, et on se souvient des discours... Je pense qu'il faut rappeler ce soir les discours, entre autres du député de Lac-Saint-Jean quand il était député de l'opposition. Si je me souviens bien de ses termes, il parlait, en parlant des nominations partisanes, d'une gangrène qui vient ronger l'État. Ses termes étaient bien choisis, M. le Président, il disait: À force de nommer pour des raisons partisanes, pour faire des récompenses, puis de ne pas vérifier puis de ne pas être transparent, puis de faire des cadeaux de fin de régime... Il parlait d'une gangrène qui venait ronger l'État.

L'image était belle, mais, là, il faut bouger. Le gouvernement qui a été élu en disant à la population des choses comme ça, en dénonçant l'ancien gouvernement, ne peut pas se limiter à ça. Une fois élus, une fois rendus au pouvoir, ils doivent mettre en application ces principes-là, guérir cette gangrène que décrivait le député de Lac-Saint-Jean et, en appuyant le principe du projet de loi, aujourd'hui, sur l'éthique et la déontologie, je comprends qu'on l'appuie dans l'esprit que le gouvernement fait un premier pas, que son intention est ferme d'aller plus loin dans cette direction-là, d'y inclure éventuellement, dans le prochain projet de loi ou dans des amendements peut-être... peut-être qu'on ne voudra pas l'adopter à la vapeur ce printemps, peut-être qu'on se rendra compte qu'on est mieux de prendre plus de temps, arriver à l'automne avec un projet de loi plus large, avec des amendements qui viennent véritablement en élargir la portée: ajouter un nouveau chapitre sur les nominations qui pourra toujours s'inscrire dans le même objectif, dans le même esprit du projet de loi; redonner encore davantage confiance, par un meilleur projet de loi, à nos concitoyens dans le système; leur démontrer la volonté du gouvernement de faire preuve d'une véritable transparence et de se donner des standards d'éthique et de déontologie qui sont à la hauteur de ce à quoi nos concitoyens sont en droit de s'attendre dans le monde d'aujourd'hui, où les fonds publics sont si rares, où nos concitoyens, nos concitoyennes ont eu tellement d'exemples tristes de mauvaises nominations. On ne peut pas utiliser le mot, M. le Président, mais, même les journalistes l'utilisent, le patronage de part et d'autre, même si c'est un terme qui n'est pas admis dans notre Parlement, mais c'est comme ça que tout le monde l'appelle. Il faut bien appeler les choses par le nom que les gens utilisent dans la rue.

Nos gens ont eu tellement d'exemples de ça que, là, je pense qu'il faut, au-delà des partis, que tous les parlementaires et que le gouvernement, qui a le pouvoir d'agir en ces matières-là – parce que c'est eux, le gouvernement, c'est eux qui ont les pouvoirs – aillent de l'avant en ces matières-là et redonnent aux nominations, comme ce qu'ils sont en train de faire dans le projet de loi... mais qu'ils les étendent, ces principes d'éthique, de déontologie, à un processus de nomination transparent, rigoureux et dans le meilleur intérêt des payeurs de taxes du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le député de Rivière-du-Loup. Pas d'autres intervenants? Je vais céder la parole à M. le ministre pour son droit de réplique. M. le ministre.


M. Paul Bégin (réplique)

M. Bégin: Merci, M. le Président. Très, très rapidement, je voudrais d'abord remercier le député de Viger et le député de Rivière-du-Loup de l'appui qu'ils donnent au projet de loi. Je pense que c'est un signe encourageant de l'effort qui a été fait et de la justesse de l'objectif qu'on s'était fixé. Les remarques sont de deux ordres, M. le Président: d'une part, que ça ne va pas assez loin et, d'autre part, que ça va peut-être trop loin. Je pense qu'on prouve par là que ça n'est pas facile de travailler dans des champs neufs qui n'ont pas été explorés au préalable et ça nous indique aussi que la prudence a sa place dans ce genre de situation.

Je voudrais juste faire le rappel à cette Chambre que, compte tenu de ce que disait le député de Rivière-du-Loup, il y a des efforts importants qui sont faits. Entre autres, je rappelle que, par le projet de loi n° 130 qui est actuellement à l'étude, il y a toute une série de nominations qui sont prévues dorénavant dans un règlement qui permettra une plus grande transparence, qu'on souhaite qui existe, et ça, ça sera pour tous les membres des tribunaux administratifs du Québec.

Deuxièmement, il y a ce projet de loi qu'on étudie ce soir qui, je le soumets, effectivement, n'est pas parfait, mais qui est une première tentative d'aller dans ce domaine neuf de l'éthique et de la déontologie. Et il sera toujours possible éventuellement, après qu'on aura fait ce pas, d'aller plus loin.

Par ailleurs, je ferai remarquer à cette Chambre qu'il y a eu un groupe de travail aussi qui a été formé sur la double rémunération, un rapport a été déposé et sur lequel les gens sont libres de se prononcer d'ici la fin de juin, je le pense. Donc, M. le Président, un troisième effort.

Et, quatrièmement, il y a cette motion que le député de Rivière-du-Loup faisait le 29 mai dernier et qui a été adoptée, qui vise à faire en sorte qu'il y ait certaines vérifications des nominations, après coup, sur le comité. Bien sûr, on peut penser que ce n'est pas encore là une réponse parfaite, je peux en convenir, mais c'est certainement là un quatrième effort fait dans un temps relativement court, dans un domaine qui n'a jamais été touché antérieurement.

J'accepte, M. le Président, toutes les remarques qui sont faites à l'effet que ce n'est pas parfait, mais je souligne que c'est un effort important qui est fait. Et c'est le début, peut-être, d'une longue marche, mais où on arrivera tous ensemble à faire en sorte que, partout, l'éthique, la déontologie, la transparence dans les modes de nomination, ce sera une fierté pour tout le monde.

D'ici là, je pense qu'il faut qu'on travaille, et j'ai indiqué plusieurs amendements qui seront apportés au projet de loi. Je suis prêt, bien sûr, à regarder à nouveau ces commentaires ou ces recommandations qui seraient faits afin de bonifier le projet de loi ainsi que le règlement. Et peut-être que plus tard, en ce qui concerne le projet de règlement, lorsqu'on aura vraiment bien cerné tout ça, il sera possible d'inclure tout ça dans un projet de loi plutôt que, principalement, dans un règlement. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre de la Justice. Le principe du projet de loi n° 131, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Conseil exécutif concernant l'éthique et la déontologie, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.


Renvoi à la commission des institutions

M. Bélanger: Oui, M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Cette motion est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 42 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 28


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 42, Mme la ministre de la Culture et des Communications propose l'adoption du projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives. Mme la ministre, je vous cède la parole.

(22 h 30)


Mme Louise Beaudoin

Mme Beaudoin: M. le Président, le projet de loi n° 28 sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives est rendu à l'étape décisive de son adoption par l'Assemblée nationale du Québec. Je suis particulièrement heureuse de présenter ce projet de loi qui vient à la fois couronner une année d'efforts soutenus et inaugurer une ère nouvelle pour la télévision éducative et culturelle québécoise. Les recommandations du groupe-conseil sur l'avenir de Radio-Québec, les témoignages nombreux que ce groupe a recueillis et ceux que nous avons entendus lors de la commission parlementaire de l'automne dernier ont largement inspiré les principes qui nous ont guidés dans l'élaboration de ce projet de loi. Je tiens d'ailleurs à souligner l'excellent travail des membres de la commission de la culture. Je veux aussi rendre hommage à M. Jean Fortier, qui a présidé Radio-Québec jusqu'à son décès en décembre dernier et qui a dirigé l'institution avec énormément de leadership durant une période particulièrement tourmentée de la vie de l'institution.

Comme je l'ai déjà mentionné, les consultations menées au cours de 1995 ont permis l'établissement d'un consensus sur le rôle de la télévision éducative au sein de la société québécoise. Permettez-moi de faire référence ici à une des interventions en commission parlementaire, celle du Conseil supérieur de l'éducation qui décrit avec une très grande pertinence ce que doit être une télévision éducative et culturelle. Dans la société postindustrielle, soutient le Conseil supérieur de l'éducation, l'information massive a envahi tous les secteurs de la vie sociale et fonde de plus en plus le fonctionnement de la société. Les individus ont donc accès à plus d'informations et de connaissances qu'ils peuvent en utiliser dans leur vie quotidienne, notamment au service de leur développement personnel et social. C'est ici que la télévision éducative entre en jeu, aidant à sa façon chacun et chacune à passer de l'information au savoir et à se développer personnellement et socialement, ce qui nous situe au coeur même de l'éducation.

Si l'institution scolaire a une mission centrale et irremplaçable, elle ne peut répondre à tous les besoins éducatifs. L'éducation permanente dont on parle aujourd'hui ne se réduit pas à l'école à perpétuité. Il doit donc y avoir plusieurs lieux éducatifs. L'un de ces outils de l'éducation permanente est une télévision éducative. À la différence des autres télédiffuseurs qui peuvent contribuer, eux aussi, à l'information et à l'éducation du public, la télévision éducative met en oeuvre l'ensemble de sa programmation avec l'intention explicite et reconnue de susciter l'apprentissage et le développement.

Toujours au dire du Conseil supérieur de l'éducation, ce que peut faire de mieux une télévision éducative et non scolaire, c'est de multiplier des programmes variés qui font entrer les personnes lucidement dans le monde de la culture – ce qui comprend le monde des arts, des lettres, des sciences de la nature, des sciences humaines et des technologies – c'est de proposer des émissions qui cultivent l'intelligence et la sensibilité des personnes, c'est d'offrir au public des activités télévisuelles qui lui apprennent à analyser l'information, à l'accueillir avec un regard critique, à y séparer l'essentiel de l'accessoire, en un mot, à transformer la masse des informations issues de partout en un savoir où existent discernement, ordre et approfondissement. C'est, M. le Président, ce que nous demandons à Télé-Québec de faire.

L'année 1995 et le début de 1996 ont permis à l'institution d'amorcer un virage majeur, tant par le recentrage de sa mission qu'au plan organisationnel. Ce virage doit maintenant se traduire dans sa loi constitutive. Télé-Québec aura donc pour fonction première de développer le goût du savoir, de favoriser l'acquisition de connaissances, de promouvoir la vie artistique et culturelle, de refléter les réalités régionales et la diversité de la société québécoise.

Télé-Québec agira donc comme partenaire de l'école, aidant cette dernière à relever le primordial défi de l'éducation et de la formation. Nous répondons ainsi au voeu exprimé par l'ensemble des personnes et des organismes consultés. Parmi eux, se trouvaient des représentants du ministère de l'Éducation qui ont clairement indiqué qu'ils voyaient Radio-Québec comme une école alternative pouvant atteindre les gens qui ne sont pas rejoints par le système scolaire. Le partenariat entre la télévision éducative et le ministère de l'Éducation a, jusqu'ici, été fructueux et le sera sans doute encore davantage. De plus, compte tenu de sa mission éducative et, conformément à la recommandation de la commission de la culture, le public jeunesse sera privilégié par Télé-Québec. Une place de choix sera également faite aux sciences et aux technologies.

Télé-Québec sera également un lieu de diffusion des oeuvres des créateurs d'ici et d'ailleurs, et un lieu de sensibilisation du public. Dans le discours d'assermentation prononcé le 29 janvier dernier, le premier ministre a bien marqué la priorité que le gouvernement veut accorder à l'axe éducation et culture. Faisant référence à l'âme du peuple québécois, cette âme, affirmait-il, se doit d'être nourrie, métissée, enrichie, contestée, bousculée, réinventée, et cela ne peut se faire que par la culture et l'éducation et cela ne peut se faire, disait le premier ministre, que par la culture dans l'éducation.

En tant que télévision éducative et culturelle, Télé-Québec se situe au coeur même de cet enjeu prioritaire. Les médias ont, dans notre société contemporaine, un rôle majeur à jouer sur le plan culturel. Compte tenu de l'importance de leurs auditoires, ils sont les plus efficaces diffuseurs d'informations culturelles. Ce constat est encore plus vrai dans le cas de la télévision éducative et culturelle puisque cette dimension fait partie intégrante de sa mission.

Télé-Québec sera non seulement un partenaire des institutions ayant des visées éducatives, mais il sera aussi, par son rôle de sensibilisation du public, un maillon déterminant de la politique de diffusion des arts de la scène, dont je déposerai le projet d'énoncé avant le 1er juillet, dont un avant-projet circule actuellement et fait l'objet de premières consultations.

Un des ressorts fondamentaux d'une culture vivante est la réponse du public. Or, alors que de nombreux efforts sont consentis à la création, trop peu a été fait depuis que l'État s'intéresse à la culture pour répandre le goût des livres, du théâtre, de la musique, de la sculpture, de l'histoire. Le temps est venu de centrer nos efforts sur un rapprochement sensible du public québécois et de la culture.

Le ministère de la Culture et des Communications entend, à cet égard, jouer un rôle important de concertation auprès des diverses institutions concernées afin de faire de Télé-Québec un véritable carrefour culturel. La Société confirmait d'ailleurs, tout récemment, son intention d'inclure dans sa programmation des oeuvres transposées, adaptées pour le petit écran, avec les mêmes comédiens et metteurs en scène ayant initialement monté la pièce devant le public. Elle contribuera ainsi à bâtir un véritable patrimoine audiovisuel du théâtre québécois.

L'entente-cadre récemment annoncée avec la Société Radio-Canada illustre, elle aussi, la volonté de la télévision publique d'assurer une plus grande visibilité aux émissions culturelles et jeunesse, et d'offrir aux milieux des arts de la scène un meilleur soutien dans la production et la diffusion de leurs oeuvres à la télévision. Cette entente prévoit, entre autres, la production et la diffusion, sur trois ans, de 18 dramatiques à partir de pièces de théâtre créées par des troupes d'ici et adaptées pour la télévision.

L'entente entre Radio-Québec et Radio-Canada prévoit la mise en commun de ressources financières pour la production d'émissions qui seront diffusées sur les deux chaînes et l'harmonisation des grilles horaires axées sur la complémentarité. Je suis convaincue que le public n'en sera que mieux servi si nos deux télévisions publiques unissent leurs efforts. Il y aura aussi, bientôt, signature d'une entente avec la cinquième chaîne, en France, qui est une chaîne éducative et culturelle.

Un autre aspect de la mission de Télé-Québec concerne le reflet adéquat des réalités régionales. Répondre aux besoins de la population québécoise implique que le reflet de la société ne provient pas que de la métropole. C'est pourquoi nous accordons une attention particulière à la question des régions; la vocation régionale est inscrite au sein même de la mission de Télé-Québec. La nouvelle télévision sera régionalisée dans le respect de la réalité et des besoins des régions. Son implantation en région est d'ailleurs bien amorcée et, d'ici la fin de juin, des équipes de travail seront en place dans neuf bureaux régionaux afin de desservir l'ensemble du Québec.

D'autre part, conformément aux préoccupations exprimées par les membres de la commission de la culture, Télé-Québec aura pour mandat de refléter adéquatement la diversité du Québec. Elle devra, par conséquent, traduire les enjeux propres à la métropole et contribuer à aider les nouveaux arrivants à mieux s'intégrer et à mieux comprendre le peuple québécois. Diverses études démontrent, en effet, une sous-consommation des médias francophones par les Québécois dont la langue maternelle est autre que le français. Ce phénomène particulièrement marqué dans le cas de la télévision s'expliquerait, notamment, par le fait que les contenus véhiculés par les médias francophones ne correspondent pas à la réalité qu'ils vivent. Télé-Québec contribuera à combler cette lacune.

Notre télévision éducative et culturelle sera aussi active dans le domaine du multimédia. Le Québec fait face à cet égard à un immense défi, celui de créer des contenus originaux en langue française et de leur faire une place dans un monde où la culture anglo-saxonne domine largement. Puisque c'est d'abord par le biais des produits éducatifs et de formation que l'industrie du multimédia se développera, je suis convaincue que Télé-Québec relèvera aussi ce défi. Je vous rappelle que le crédit d'impôt pour la production de titres multimédias annoncé lors du discours sur le budget favorisera la production de titres multimédias répondant aux grandes priorités culturelles et sociales du Québec.

(22 h 40)

Par ailleurs, nous avons signé avec la France, cette semaine, lors de la visite de M. Juppé, une entente-cadre et un plan d'action pour l'année 1996-1997 dans ce secteur du multimédia pour favoriser la coproduction, et je souhaite donc que Radio-Québec soit associée à cette entente.

Au plan de son organisation, la gestion de la Société sera confiée à un conseil d'administration désormais composé de 10 membres, ce qui permettra davantage de souplesse et de flexibilité. De plus, afin d'assurer une représentation des intérêts des régions, au minimum trois de ces administrateurs seront domiciliés dans des régions autres que celle de la métropole. La Société devra rendre compte de ses actions au gouvernement, mais surtout à l'Assemblée nationale. Ainsi, elle transmettra, tous les trois ans, au ministre de la Culture et des Communications un plan des activités projetées et de ses objectifs, plan qui est déposé à l'Assemblée nationale et examiné en commission parlementaire. Je tiens toutefois à souligner qu'en tant que média d'information Télé-Québec bénéficie, d'abord et avant tout, d'une liberté éditoriale qui découle directement de la liberté d'expression inscrite dans les Chartes des droits et libertés. À ce titre, elle est entièrement responsable de ses décisions de programmation.

Une autre de nos préoccupations concerne la protection de la compétence du Québec en matière de programmation éducative. Nous devions, en effet, nous assurer, depuis la décision de la Cour suprême sur la compétence de la Régie des télécommunications, que la position traditionnelle du Québec à cet égard serait maintenue. Il importait d'identifier une instance québécoise pouvant exercer la fonction de déclaration du caractère éducatif de la programmation radiotélévisuelle soumise par une entreprise de télévision ou de cablôdistribution.

Le projet de loi propose à cet effet la création d'un comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation. Ce comité sera composé du président du Conseil des arts et des lettres du Québec, du président du Conseil des communautés culturelles, du président du Conseil de la science et de la technologie et du président d'un organisme désigné par le ministre et regroupant des dirigeants d'établissement d'enseignement universitaire, ce qui pourrait fort bien être le président de la CREPUQ. Le Comité pourra, pour l'exercice de ses attributions, s'adjoindre des experts, solliciter et recevoir l'opinion et les suggestions de toute personne ou organisme intéressé ou du public en général. Télé-Québec devra soumettre au Comité l'ensemble de sa programmation, conformément à la Loi sur la programmation éducative.

En terminant, M. le Président, Télé-Québec a déjà posé les jalons de cette importante réforme qui se traduira dans sa programmation dès septembre prochain. Je suis persuadée que cette télévision, à laquelle les Québécois consacrent, dans l'ensemble, plus de 4 000 000 d'heures d'écoute, se révélera un partenaire privilégié dans la poursuite de la mission éducative et culturelle de l'État, identifiée comme une priorité du gouvernement. Elle sera appelée à travailler conjointement avec d'autres institutions publiques qui ont des intérêts communs avec elle quant à la diffusion de la connaissance, au développement d'un esprit d'innovation et à la promotion de la culture. Je tiens, M. le Président, en terminant, donc, à exprimer ma très grande confiance en Télé-Québec, en ses artisans et en son avenir. Merci.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la ministre de la Culture et des Communications. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Saint-François. Mme la députée.


Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: Merci, M. le Président. Mes propos seront très brefs puisque, d'emblée, je dois vous dire que l'opposition est d'accord avec ce projet de loi, donc votera pour son adoption.

On se souviendra, M. le Président, que la commission de la culture a procédé à l'étude article par article du projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives. On s'est vite mis d'accord, assez facilement c'est-à-dire, sur ce projet de loi étant donné qu'il faisait suite au rapport unanime déposé par les membres de la commission de la culture qui avait tenu des consultations portant sur les recommandations du groupe-conseil mis sur pied en avril 1995 et qui avait comme mandat de redéfinir la mission de la Société et de réviser ses modes d'organisation et de gestion.

La Société de radio-télévision du Québec change de nom. Cette Société s'appellera dorénavant la Société de télédiffusion du Québec, ou Télé-Québec, qui sera une télévision éducative et culturelle, comme le mentionnait la ministre, M. le Président. J'aurais peut-être une simple remarque à ce sujet puisque ça m'a peut-être échappé lors de la commission parlementaire. Je me suis laissé dire, M. le Président, que cependant, lorsqu'on change de nom, il y avait des coûts, il y avait passablement de coûts associés au changement de nom. On me parlait peut-être de 500 000 $ à 1 000 000 $, 1 500 000 $, uniquement pour le papier, par exemple, les enseignes, les étiquettes, l'équipement aussi, parce qu'on sait qu'il y a des équipements aussi au niveau des régions, le lettrage des véhicules. Vous savez, parfois, on n'y pense pas, on s'imagine que... Ça semble être très facile.

On modifie, je pense, aussi parce que le nom de Radio-Québec n'était pas nécessairement... ne reflétait pas la véritable mission de la télévision. Cependant, c'est qu'en bout de ligne on se rend compte qu'un petit changement mineur, finalement, au nom, ça peut représenter des coûts aussi parce que ça suppose qu'il faut changer aussi la papeterie et ainsi de suite. Donc, j'imagine que la ministre va s'assurer, M. le Président, aussi de voir à ce qu'on économise le plus possible au niveau de ce changement de nom.

Donc, M. le Président, le coeur du projet de loi se retrouve, entre autres, à l'article 16 du chapitre II qui détermine précisément les objectifs que devra poursuivre la nouvelle Société, c'est-à-dire développer le goût du savoir, favoriser l'acquisition de connaissances, promouvoir également la vie artistique et culturelle québécoise, refléter les réalités régionales – je pense que c'est important, M. le Président, que notre société d'État puisse refléter les régions – et refléter, bien sûr, la diversité de la société québécoise.

Ce projet de loi confère aussi à la Société une liberté d'action et de gestion de ses pouvoirs sans toutefois, bien sûr, la soustraire aux exigences d'imputabilité. Je pense qu'il est important que cette Société réponde, à un moment donné, de ses gestes, et, dans ce sens-là, le projet de loi prévoit, bien sûr, ces exigences d'imputabilité. On prévoit également que la Société devra transmettre au ministre son plan d'action faisant état des activités projetées et de ses objectifs, et que la ministre devra déposer ce plan à l'Assemblée nationale, donc ce qui permettra, encore une fois, de connaître mieux les activités et de pouvoir, bien sûr, proposer des améliorations, si tel était le cas. Les membres de la commission parlementaire compétente pourront examiner ce plan d'activité et pourront entendre les représentants de la Société afin de bien s'assurer que les objectifs précis contenus au projet de loi soient bien atteints.

À l'article 31, on crée également un comité, intitulé le Comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation, qui aura le pouvoir de déclarer éducative la programmation d'une entreprise de radiodiffusion ou encore de câblodistribution. Télé-Québec devra donc soumettre sa programmation et se faire confirmer, par ce Comité, sa mission éducative.

Toutefois, M. le Président, un amendement a été apporté au paragraphe 3.1 de l'article 31 portant sur la composition des membres siégeant sur ce Comité. On se souviendra qu'à l'article 3.1 c'était inscrit comme suit: «Est institué un comité de reconnaissance du caractère éducatif de la programmation, formé du président de l'Université du Québec, du président du Conseil des arts et des lettres du Québec, du président de Conseil de la science et de la technologie et du président du Conseil des communautés culturelles.»

Alors, l'opposition a apporté un amendement pour faire en sorte, lorsqu'on parle d'universités, que la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec puisse être plutôt le représentant qui ferait partie de ce Comité. La ministre a apporté une contre-proposition que nous avons acceptée. Donc, dorénavant, ce Comité sera composé du président du Conseil des arts et des lettres du Québec, du président du Conseil de la science et de la technologie, du président du Conseil des communautés culturelles, de même que du président d'un organisme désigné par le ministre et regroupant des dirigeants d'établissement d'enseignement universitaire afin que l'article soit moins limitatif. Donc, c'était un peu dans ce sens-là que nous avions apporté l'amendement, et nous avons accepté le contre-amendement. C'est, tout simplement, pour qu'il soit moins limitatif et pour assurer aussi une tribune plus large et plus représentative du milieu universitaire.

M. le Président, on a abordé rapidement aussi l'article 45 qui a fait problème, l'article 45 du Code civil. J'ai rappelé à la ministre que ce projet de loi ne venait pas résoudre l'application ou la non-application de l'article 45 du Code du travail et que la situation de la Société demeure toujours fragile. C'est-à-dire qu'on est au fait qu'il y a eu une entente verbale qui est intervenue entre les travailleurs et la Société, mais on sait fort bien cependant que, du fait qu'il n'y a pas de modification à l'article 45, bon, n'importe quel travailleur pourrait contester encore, à ce moment-ci, tout contrat de sous-traitance qui pourrait être donné par la Société.

(22 h 50)

Donc, il suffit d'une seule plainte à ce niveau pour mettre en péril la nouvelle Société de télédiffusion du Québec; en espérant, bien sûr, M. le Président, que l'entente verbale tiendra et qu'on n'aura pas encore à se poser la question, à savoir: Est-ce qu'on doit fermer ou non Télé-Québec? Je pense qu'on modifie maintenant la loi; si on lui donne un nouveau nom, si on lui donne, je dirais, une nouvelle vocation éducative et culturelle, donc, c'est parce qu'on veut, M. le Président, que Télé-Québec survive. La ministre mise sur la bonne volonté dont ont fait preuve les travailleurs et, bien sûr, nous aussi, on espère bien que la ministre a raison. Mais, comme je vous dis, c'est une inquiétude cependant qu'on partage et on espère qu'on n'aura pas à revenir sur le sujet.

Alors, M. le Président, je termine en souhaitant, moi aussi, bon succès à Télé-Québec. Je souhaite, bien sûr, que sa programmation reflète sa mission éducative et culturelle, tout en, bien sûr, ne négligeant pas les régions, je l'espère. Merci, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, Mme la députée de Saint-François. Il n'y a plus d'interventions. Alors, le projet de loi n° 28, Loi sur la Société de télédiffusion du Québec et modifiant la Loi sur la programmation éducative et d'autres dispositions législatives, est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté.

M. Trudel: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Brouillet): Le leader étant absent, M. le ministre, très bien.

M. Trudel: Alors, M. le Président, pourriez-vous appeler l'article 35 de notre feuilleton, s'il vous plaît?


Projet de loi n° 10


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): L'article 35. Si vous me donnez une petite minute, je m'en vais essayer de retrouver ça. Alors, à l'article 35, c'est l'adoption du projet de loi... Il faudrait qu'on me donne le feuilleton, ce serait plus simple.

M. Trudel: C'est l'adoption, M. le Président.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, nous proposons l'adoption du projet de loi n° 10, Loi modifiant la Loi sur le régime de rentes du Québec. Alors, s'il n'y a pas de débat, est-ce que ce projet de loi est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. Alors, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 37 de notre feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 17


Adoption

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, à l'article 37, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du projet de loi n° 17, Loi abrogeant la Loi concernant les environs du parc du Mont Sainte-Anne. M. le ministre.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, il s'agit d'un projet de loi extrêmement simple qui vise à abroger le projet de loi qui avait été adopté en 1971 à l'occasion de la création du parc du Mont-Sainte-Anne – comme, maintenant, ça a été privatisé, il n'y a plus lieu d'avoir les dispositions de ce projet de loi – et à adopter des dispositions transitoires pour l'application des règlements d'urbanisme des municipalités concernées.


Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, sur le projet de loi n° 17, est-ce qu'il y a une autre intervention? Non? Alors, le projet de loi n° 17 est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Adopté. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Trudel: M. le Président, j'aimerais que vous puissiez appeler l'article 33 dans le feuilleton, s'il vous plaît.


Projet de loi n° 22


Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 33, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. Alors, M. le ministre des Affaires municipales.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Oui. Alors, M. le Président, nous en sommes donc rendus à la troisième étape de l'adoption de ce projet de loi, le projet de loi n° 22, concernant des modifications à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme. M. le Président, une présentation brève et surtout quelques commentaires à l'égard de ce que nous avons réalisé comme travail en commission parlementaire. Essentiellement, M. le Président, il s'agit d'une série d'allégements, pour toute l'administration des cités, des municipalités du Québec, de l'application de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme en matière de règlements d'urbanisme.

M. le Président, actuellement, lorsqu'on veut modifier un règlement de zonage, lorsqu'on veut modifier un règlement de lotissement, lorsqu'on veut modifier un règlement d'urbanisme, les municipalités nous ont indiqué, depuis surtout quelques années, depuis 1995 en fait, que le procédé était très, très, très lourd pour les municipalités et que cela amenait, en quelque sorte, à perdre de l'efficacité au niveau de la réalisation des modifications dans les différents plans d'urbanisme des municipalités et aussi, par ailleurs, entraînait des frais assez considérables. Et, aussi, les municipalités nous ont longuement mentionné et nous ont présenté des réclamations à l'effet de simplifier le processus, tout en permettant aux citoyens d'être entendus, d'être informés et de pouvoir discuter des modifications qui pouvaient les affecter comme propriétaires dans une zone concernée.

M. le Président, ces modifications ont toutes été discutées en commission parlementaire, mais les débats avec la porte-parole de l'opposition en particulier, la députée de Jean-Talon, ont porté autour de l'article 55, et c'est à cet égard-là que je dirai quelques mots seulement, M. le Président, à cette étape-ci de l'adoption de notre projet de loi.

Essentiellement, M. le Président, depuis 1993, il y a eu des modifications à la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme et l'article concernant ces modifications a été mis en application en 1995. D'une façon très simple, M. le Président, à chaque fois qu'on veut changer un règlement d'urbanisme ou une matière similaire dans une municipalité, il faut publier un règlement. Alors, on peut imaginer ce que ça signifie comme processus de publication dans les journaux et, par ailleurs, l'appel à l'ouverture de registres pour que les citoyens, oui, puissent manifester leur opposition à ce règlement, à cette modification, s'il y a lieu, et qu'on puisse, le cas échéant, tenir un référendum si un nombre suffisant de citoyens s'y opposent.

Alors, cette procédure, M. le Président, donc, est devenue très lourde pour les municipalités et a fait en sorte qu'on est allé, d'une certaine manière, à l'autre extrême de ce qui se passait avant 1993 où, là, à l'inverse, les municipalités avaient l'autorisation de publier plusieurs modifications dans un même règlement présenté à la population et demandaient, à ce moment-là, à toute la population de chacune des zones concernées additionnées de se prononcer sur ce règlement d'urbanisme.

Alors, ça amenait un phénomène qui a été communément appelé, dans les municipalités, le phénomène de la noyade, c'est-à-dire que, quand les personnes qui étaient intéressées ou qui s'opposaient à une partie du règlement et qui voulaient faire rejeter cette partie du règlement, eh bien, quand ces personnes concernées, dans une petite zone, s'exprimaient, ces personnes devaient s'exprimer également sur l'ensemble du règlement, ce qui faisait en sorte qu'elles étaient noyées dans un ensemble plus grand et, finalement, perdaient, en quelque sorte, leur droit de s'opposer à la modification dans leur zone concernée, dans leur municipalité.

On a apporté des modifications en 1993. On est allé à l'autre extrême. On a dit: À chaque fois, un règlement. À chaque fois qu'il y a une modification, on va faire un règlement. Et ça a amené – je le mets entre guillemets – une certaine bureaucratisation. Et on a constitué un comité de travail, M. le Président, à compter de 1995, avec les concernés pour en arriver à apporter des modifications pour rendre le processus plus simple, plus efficace.

(23 heures)

Alors, ce comité-là, il réunissait des représentants de l'UMQ, de l'UMRCQ, mais également de la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec, qui sont concernés parce que c'est les membres de cette Corporation qui font le travail autour de la réalisation de l'application du règlement, les membres de la Corporation des secrétaires municipaux du Québec et, également, bien sûr, des membres du ministère des Affaires municipales. Après plusieurs mois de travail, on est arrivé à un résultat où, essentiellement, maintenant, M. le Président, une municipalité pourra, dans un premier temps, présenter un projet de règlement qui va contenir plusieurs dispositions.

Pour fins d'illustration, la municipalité – prenons-en une au hasard – de Saint-Jérôme pourrait présenter 30 modifications à son règlement d'urbanisme et, dans ce premier règlement, aurait l'obligation, donc, de tenir une réunion d'information pour informer les citoyens et, également, indiquer quelles sont toutes les modifications qui sont présentées.

Alors, donc, dans un premier temps, on pourrait adopter un premier règlement faisant 30 modifications. Nous publierions un avis dans les journaux, nous organiserions une soirée d'information, une rencontre d'information, et là serait donné le détail sur les objets qui sont modifiés, les modifications qui sont introduites. Là, quelqu'un d'une zone concernée, dans un quartier plus particulier de Saint-Jérôme, pourrait dire: Eh bien, moi, je souhaiterais que telle partie du règlement qui affecte ma zone soit isolée, sortie, et fasse l'objet d'un règlement particulier et, éventuellement, soit soumise à la consultation par référendum, si telle est la volonté des personnes.

Mais, pour ce faire, M. le Président, pour en arriver à sortir un des 30 éléments du contenu du projet, il faudra que 12 personnes du quartier, de la zone concernée, signent une requête et disent: Nous, nous ne voulons pas traiter des 29 autres mesures; juste de la mesure qui nous intéresse pour notre zone à nous. Donc, demander de sortir ça du règlement général, de faire un deuxième règlement ne portant que sur cet objet et de faire en sorte que les registres soient ouverts, que les personnes intéressées dans la zone concernée, suivant le nombre de personnes habiles à voter, aillent signer le registre, et, éventuellement, qu'on aille consulter la population sur ce règlement particulier, dans cette zone particulière, avec les gens concernés dans cette zone particulière.

Cependant, M. le Président, à la suite de ce premier règlement, eh bien, la municipalité devra adopter un deuxième règlement, un deuxième règlement concernant, bien sûr, les 29 autres dispositions, et un trentième règlement concernant cette disposition-là. Et l'article 132 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme est modifié par le projet de loi. Maintenant, les municipalités vont publier un avis dans les journaux disant qu'il y a un second règlement qui a été adopté et qui concerne... soit que l'on décrive brièvement chacune des modifications concernées, si ce n'est pas trop long, et qu'on fasse apparaître les autres éléments des dispositions dans les zones concernées dans cet avis-là.

Et, par ailleurs, au lieu de décrire l'objet de chacun des règlements, ce qui peut devenir fastidieux et très coûteux, on pourrait également indiquer qu'il y a des modifications dans les zones suivantes de la ville de Saint-Jérôme et que les gens peuvent obtenir un résumé de ces modifications en se présentant à l'hôtel de ville et regarder ce qui pourrait affecter leur résidence ou leur propriété dans la zone concernée, au lieu d'avoir, M. le Président, des avis qui, finalement, souventefois, sont publiés tellement en petit caractère que ce n'est que quelques intéressés...

Finalement, on change de régime, M. le Président. Nous avons eu une très bonne discussion en commission parlementaire à cet égard-là. Il a été soulevé et par l'opposition et par les députés de la majorité ministérielle des questions fondamentales sur la présence et sur la nécessité d'informer les citoyens et de s'assurer que les citoyens sont informés de la possibilité qu'ils ont de contester le règlement qui prévoit une modification dans leur zone. Finalement, M. le Président, nous avons donc adopté le projet de loi avec simplement une petite modification, parce que nous sommes en présence d'un changement qui fait appel maintenant au sens des responsabilités des citoyens.

En somme, et je conclus là-dessus, M. le Président, la nouvelle procédure fera en sorte que nous allons informer les citoyens et les citoyennes qu'il y aura un ou plusieurs changements dans leur zone ou dans des zones de leur ville, et les citoyens auront la possibilité de venir s'informer de ces changements après que nous l'aurons signalé une première fois. Nous allons également répéter ce geste à l'occasion de la publication sur le deuxième règlement – et les citoyens, encore une fois, pourront venir consulter le résumé – au lieu, M. le Président, de, actuellement, comme procédure, publier tous les objets de tous les règlements, de toutes les modifications et d'ouvrir les registres de ces modifications chaque fois qu'il y a une demande de modification.

Je sais, M. le Président, que ça peut paraître un peu chinois toutes ces procédures, mais l'objectif bien simple qu'il faut décrire dans les modifications que nous voulons présenter avec les unions municipales et avec les officiers municipaux, c'est de faire en sorte que le citoyen soit bien averti qu'il pourrait y avoir des modifications dans sa zone et qu'il pourrait avoir accès et aux informations et aux mécanismes en vue de contester, éventuellement, ces modifications.

D'autres modifications sont introduites par ce projet de loi. Ces modifications ont fait l'objet de discussions. Mais je m'en tiendrai, à cette étape-ci de notre procédure, M. le Président, à ces éléments de notre débat et à indiquer le choix que nous avons fait, au niveau du gouvernement, avec les unions municipales et les officiers municipaux du Québec, pour modifier notre procédure et tenir compte... et s'assurer que les citoyens et les citoyennes seront toujours informés des modifications qui pourraient les affecter éventuellement.

Alors, voilà, M. le Président, l'élément, je pense, le plus fondamental du projet de loi n° 22, qui est actuellement à l'étude devant notre Assemblée. M. le Président, merci.

M. Morin (Dubuc): En vertu de 213, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vais remercier, tout d'abord, M. le ministre pour son intervention, et M. le député de Dubuc.

M. Morin (Dubuc): Oui, en vertu de 213, est-ce que je peux avoir le consentement du ministre pour lui adresser une question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre, vous acceptez une question du député de Dubuc?

M. Trudel: Oui.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien, M. le député de Dubuc.

M. Morin (Dubuc): Alors, M. le Président, comme l'a mentionné le ministre, la discussion en commission parlementaire a particulièrement porté sur l'article 55. Évidemment, à l'intérieur du débat, il y avait beaucoup de questionnement, et j'avais demandé au ministre s'il y avait lieu de vérifier, à partir de l'exemple qu'il a donné lui-même tout à l'heure, sur la possibilité de diviser un règlement en plusieurs parties afin de soustraire une zone d'un ensemble de mesures... J'avais posé la question au ministre: Est-ce que cette mesure, à soustraire de l'ensemble du règlement, pouvait concerner autant certaines affectations... que l'on pouvait soustraire certaines zones de l'ensemble des mesures? C'est une question un peu technique mais qui, finalement, de par la réponse du ministre, pouvait quand même atténuer certaines inquiétudes. Alors, est-ce que le ministre, finalement, a fait les vérifications, tel que je lui avais demandé?

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre.

M. Trudel: Oui. Alors, M. le Président, on a fait les vérifications, bien sûr, et l'économie générale de l'article fait en sorte que, si on isole une disposition, un élément de modification de l'ensemble qui est présenté, eh bien, il faut s'assurer que cela ne modifie pas, dans l'exemple que j'ai utilisé tantôt, les 29 autres éléments de modification, parce que, sans cela, on changerait la nature, évidemment. Alors, il faut que, dans l'élément isolé, toutes les personnes habiles à voter et concernées aient l'occasion de se présenter. Et, s'il y a des modifications quant à l'ensemble, on va dire, des 29 autres règlements, il faut recommencer la procédure pour s'assurer qu'on n'adoptera pas un règlement qui n'aurait pas fait l'objet de contestation mais qui aurait été modifié après la période pendant laquelle on aurait pu contester cette modification.

Alors, voilà, M. le Président, l'essentiel de la réponse à l'égard de la question du député de Dubuc.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. Effectivement, le projet de loi n° 22 modifie la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, et l'opposition était d'accord avec l'ensemble des propositions d'allégement qui étaient proposées à la fois par le ministère des Affaires municipales et par les deux unions municipales que sont l'Union des municipalités du Québec et l'UMRCQ.

(23 h 10)

Cependant, l'article qui m'a causé un problème, j'ai eu l'occasion d'en parler assez abondamment durant l'adoption du principe, c'est évidemment l'article 55, qui vient complètement changer la façon de consulter les citoyens, les citoyennes lors d'un amendement au règlement de zonage ou d'un amendement à un schéma d'urbanisme; et non seulement la consultation, mais aussi la possibilité d'ouverture de registre, donc la possibilité pour le citoyen d'une zone concernée de se rendre et de signer un registre, signifiant par ce geste-là qu'il s'oppose ou qu'elle s'oppose aux dispositions qui sont dans l'amendement au règlement de zonage.

D'entrée de jeu, je vous dirais que je veux remercier – ça va être les fleurs avant le pot – le ministre, parce qu'on a quand même eu, à l'occasion de l'étude de cet article-là tout particulièrement, un échange assez vigoureux, très intéressant, qui a été fait en début d'étude du projet de loi article par article. Et, si ma mémoire m'est fidèle, ça a duré plus d'une heure, et ça a permis à tout le monde, des deux côtés, à la fois du côté ministériel et du côté de l'opposition, d'exprimer et d'échanger sur ce qu'était la formule avant 1993, sur la formule d'après 1993 et sur ce qui était proposé dans le projet de loi n° 22.

On a eu aussi l'occasion de prendre certainement une autre heure ou un trois quarts d'heure sur un autre alinéa qui a causé beaucoup de réflexion, en tout cas certainement de ma part. J'ai failli convaincre le ministre, mais je dois vous dire que les fonctionnaires résistaient beaucoup. Alors, je n'ai pas réussi le tour de force de faire passer mon amendement.

Cependant, j'aimerais revenir très brièvement sur l'article 55, qui change, finalement, certainement dans notre esprit, fondamentalement le mécanisme qui est utilisé actuellement par le citoyen pour à la fois être consulté et à la fois, M. le Président, aller exprimer... Parce que, quand on signe un registre, malheureusement, c'est parce qu'on s'oppose à un projet. Il n'y a pas de registre pour puis il n'y a pas de registre contre. La loi est ainsi faite, la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme est ainsi faite depuis 1979.

Ce que je déplore beaucoup, M. le Président, ce que nous déplorons du côté de l'opposition, c'est que, s'il est vrai qu'il y a eu exagération avant 1993 et que les municipalités choisissaient bien involontairement – je pense que ce n'était pas de la mauvaise foi – d'inclure dans un règlement fourre-tout, là – si vous me permettez l'expression, parce que c'est celle qu'on a utilisée durant le débat sur le projet de loi n° 22 – alors, donc, si on a choisi d'inclure 30 puis 40 dispositions d'amendement sans jamais avoir la possibilité d'en exclure une zone, il est vrai aussi qu'en 1993, lorsque la loi a été amendée, on est passé à l'autre extrême. Et le ministre l'a bien exprimé tout à l'heure, on a obligé les municipalités à y aller zone par zone par zone. Donc, c'est certain que ça a alourdi, pour les municipalités, le système et le processus de consultation, oui, mais aussi le processus d'avis public. Pour chaque zone, ça prenait un avis public. Ça, moi, je reconnais très bien que, ce processus-là, il était très lourd.

On a maintenant, dans le projet de loi n° 22, par le biais de l'article 55, décidé de privilégier le règlement fourre-tout duquel, je dois dire, évidemment, on pourra sortir une zone si les citoyens trouvent que l'amendement ou les amendements proposés ne leur conviennent pas. Alors, je comprends que ça a pris deux ans de consultations avec les municipalités, avec les unions, pour essayer d'en venir à une entente, et je sais que ça n'a pas été facile, sauf qu'en privilégiant – et je vais m'expliquer après – cette méthode-là on a carrément mis de côté le règlement unique.

Et ce n'est pas vrai que, dans l'ensemble des municipalités du Québec, à chaque fois qu'il y a des amendements au règlement de zonage, on présente des 30 amendements puis des 25 amendements. Je suis persuadée que, si mes collègues de chaque côté de la Chambre prenaient la peine – je sais qu'il y en a qui l'ont fait, là – d'appeler les municipalités qu'ils ou elles représentent ici, à l'Assemblée nationale, ils se feraient répondre qu'effectivement il y a des municipalités qui passent trois amendements dans une année, parce que des amendements au règlement de zonage, on ne pond pas ça à toutes les semaines.

Si vous amendez votre schéma d'aménagement, M. le Président, bien, c'est clair qu'il y aura plusieurs dispositions. Mais, si vous amendez le règlement de zonage dans votre zone à vous, pour dézoner un secteur résidentiel et en faire un semi-résidentiel ou pour passer de faible densité à une moyenne densité, bien, encore là, ça aussi, ça ne se fait pas toutes les semaines. Bon. Alors, moi, ce que j'ai essayé de démontrer tout le long du débat sur l'article 55, c'est qu'on avait effectivement privilégié le fourre-tout et en négligeant, finalement, l'amendement au règlement de zonage que je qualifie de règlement unique.

L'autre élément, M. le Président, qui m'agace toujours et... Moi, je prétends toujours que j'ai été élue pour représenter les citoyens et non pas les villes et les villages et les cantons du Québec. Je les respecte beaucoup, mais je pense qu'à ce moment-ci les citoyens perdent un privilège qu'ils avaient. Ils ne perdent pas nécessairement le droit de s'exprimer. Je pense que je l'ai dit lors de l'adoption de principe, je ne veux pas faire de démagogie là-dessus. Il est clair dans mon esprit que, le citoyen, on lui a alourdi le processus.

Alors, aujourd'hui, s'il y avait un amendement au règlement de zonage dans votre secteur immédiatement concerné, ou dans le mien, vous auriez un avis public dans les journaux. Vous ne l'auriez peut-être pas vu ou vous l'auriez vu. Vous seriez convoqué à une séance de consultation qui est obligatoire en vertu de la loi. Alors, ça, ce n'est pas nouveau, on le retrouve dans le projet de loi n° 22. Il y aurait adoption du règlement et publication, par la suite, d'un avis pour inviter les gens des zones contiguës, dont vous ne faites pas partie dans le cas présent. S'ils choisissent de venir signer les registres, ils doivent donc remplir une requête. Il y a un minimum de personnes qui est requis ou un maximum de personnes qui est requis, là. Et, par contre, vous, vous avez le privilège d'aller signer le registre à la date qui est indiquée dans un avis public, dans le journal: Mardi prochain, entre 9 heures et 19 heures. Bon. C'est ce qui a changé et c'est là-dessus que je trouve qu'on a alourdi le processus pour les citoyens en privilégiant, finalement, le processus d'allégement à la fois pour l'administration municipale et à la fois, probablement, au niveau des coûts, évidemment.

À l'intérieur de l'article 55, il y avait l'article 132 sur lequel on a eu une bonne discussion aussi et qui fait suite... Enfin, cet article-là mentionne que, dorénavant, l'avis public devra contenir a, b, c, d, là. Je vous épargne la liste, parce qu'il y a quand même sept alinéas. Mais le deuxième alinéa est quand même intéressant, puisqu'on y lit que l'avis public mentionne... Un avis public qui «décrit brièvement l'objet des dispositions qui peuvent faire l'objet d'une demande ou mentionne le fait qu'une copie d'un résumé du second projet peut être obtenue, sans frais, par toute personne qui en fait la demande».

(23 h 20)

Alors, j'ai tenté, par un amendement qu'on a proposé, de faire remplacer le «ou» par le «et», obligeant ainsi la municipalité – et je suis consciente que ça obligeait la municipalité – à décrire brièvement l'objet des dispositions qui étaient amendées et à mentionner également que, s'il y avait des gens qui voulaient aller à l'hôtel de ville consulter les documents, que ça pouvait être fait aussi. Le gouvernement a opté davantage pour ou bien décrire dans le journal, dans l'avis public les dispositions qui étaient amendées ou bien mentionner qu'on pouvait avoir accès à une copie du résumé. Vous me direz que c'est peut-être un peu de chatouillage, mais je vous dirai bien franchement que je suis persuadée, moi, que ça va être plus facile pour les municipalités tout simplement de dire que la copie du résumé est disponible à l'hôtel de ville et ça force, évidemment, le citoyen à se déplacer encore une fois, cette fois-là, évidemment.

Le coût, quant à moi, d'inscrire ou de décrire l'objet des dispositions, c'est deux, trois lignes... On a démontré aux collègues qui siègent sur la commission de l'aménagement et des équipements, on a apporté des exemples, on a découpé des avis publics qui avaient paru dans les journaux la fin de semaine qui a précédé, et c'était très clair, c'était bien indiqué, il n'y avait pas de problème, les gens pouvaient s'y retrouver.

Là, les gens vont regarder passer ça. Est-ce qu'ils auront assez d'imagination pour comprendre que c'est un amendement qui concerne leur coin, qui concerne le coin du voisin? Je ne pense pas. Je pense que l'avis public actuellement, tel qu'il avait été publié... c'est-à-dire, décidé dans la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme de 1979, était très clair là-dessus. Et je pense, encore une fois, M. le Président, que le citoyen, il reperd au change. C'est un article qui change fondamentalement nos habitudes comme citoyens, qui change fondamentalement la démocratie, quant à moi, l'expression de la démocratie. Ça ne lui enlève pas la démocratie, je le répète, mais ça rend plus difficile l'expression de cette démocratie-là lorsqu'il y a amendement au règlement de zonage.

Et j'aimerais rappeler aux collègues de cette Chambre que le zonage, l'aménagement du territoire, ça nous appartient comme citoyens. Ça n'appartient pas aux villes, ça n'appartient pas au gouvernement. Votre propriété, ça vous... ça nous appartient, M. le Président. Et c'était à nous, comme citoyens et citoyennes ici, au Québec, de déterminer, de décider ce qu'on veut faire avec le zonage. À preuve, c'est qu'il y a des consultations où les gens peuvent participer et où les gens peuvent, en tout temps, s'exprimer. Les citoyens et les citoyennes qui ne se déplacent jamais vivront avec les conséquences de ne pas s'être déplacés. Je pense qu'il y a un bon vieil adage au Québec qui dit: Qui ne dit mot consent. Cependant, je pense que ceux et celles qui avaient pris l'habitude d'aller signer les registres, si tant est qu'ils en sentissent le besoin, parce qu'ils s'opposaient, pas nécessairement systématiquement, mais parce qu'ils étaient contre ce qui était proposé par la ville, bien, à ce moment-là, je pense que ces gens-là sont reperdants.

Le ministre, dans ses commentaires de clôture lors de la commission parlementaire, a dit qu'un des buts visés par cet article-là, c'était de responsabiliser davantage le citoyen. Je veux bien qu'on le responsabilise, M. le Président, mais je ne voudrais surtout pas qu'on déresponsabilise les administrateurs municipaux et les élus locaux. Ils ont une responsabilité à l'égard de leurs citoyens, ils sont les gardiens dans les quartiers, dans les villes – on va parler de zonage actuellement, ils sont les gardiens – mais ça ne leur appartient pas en propre, comme j'ai mentionné tout à l'heure. Ça nous appartient à nous, comme citoyens et citoyennes.

Donc, je terminerai en disant que je souhaite, malgré le fait que ce projet de loi sera sans doute adopté dans les minutes qui suivent, sur division, je vous le mentionne bien, M. le Président, je souhaite que le ministère fasse un suivi assez rigoureux des séances d'information qui sont données, des séances de consultation publique. On remet entre les mains du maire ou du président de l'assemblée, dépendamment si c'est une grande ville, on remet entre les mains du président de l'assemblée la responsabilité d'informer les citoyens et les citoyennes qui se seraient déplacés lors d'une assemblée de consultation publique. On lui remet, dis-je, la responsabilité de bien expliquer la mécanique pour s'exprimer s'il doit y avoir ouverture de registre.

Alors, je ne suis pas la spécialiste de ces choses, mais je pense que c'est important qu'il y ait un mécanisme où on pourra faire des vérifications de façon ponctuelle à travers les villes du Québec et s'assurer à la fois que l'information est très bien donnée et que les avis publics sont conformes pour ne pas qu'on se retrouve dans deux, trois ans à se faire dire: Bien, il y a trop de règlements fourre-tout. Les villes ont pris la mauvaise habitude d'avant 1993 de réinclure dans un règlement fourre-tout, une fois par année, 30, 40 dispositions, évitant ainsi à des citoyens – en temps normal, si ça avait été un seul règlement par zone – la possibilité de venir s'exprimer.

Alors, M. le Président, suite à ces commentaires, vous vous doutez bien que nous allons voter contre le projet de loi n° 22.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Alors, il n'y a plus d'autres interventions.


Mise aux voix du rapport

Le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements portant sur le projet de loi n° 22, Loi modifiant la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme, est-il adopté?

Une voix: Adopté.

Mme Delisle: Sur division.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Sur division. M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vous demanderais de prendre en considération l'article 9 de notre feuilleton.


Projet de loi n° 135


Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): À l'article 9, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi n° 135, Loi modifiant de nouveau la Loi sur la fiscalité municipale. M. le ministre des Affaires municipales, je vous cède la parole.


M. Rémy Trudel

M. Trudel: Alors, M. le Président, comme vous venez si bien de l'indiquer, il s'agit donc, à cette étape-ci, de l'adoption du principe du projet de loi n° 135 qui avait été déposé il y a un bon nombre de mois et qui vise à modifier la Loi sur la fiscalité municipale pour faire en sorte que le gouvernement puisse introduire un certain nombre de modifications dans la fiscalité municipale. Alors, il s'agit du projet de loi n° 135.

M. le Président, qu'en est-il des éléments de base de ce projet de loi? Quel objectif vise-t-il? Quels sont les éléments constitutifs du projet de loi? Quels sont les éléments d'avenir que renferme ce projet de loi? En simple, au mois de novembre 1995, le 23 novembre plus exactement, le ministre des Affaires municipales de l'époque, le député de Joliette, écrivait aux 1 401 municipalités du Québec pour leur indiquer que nous allions leur demander un effort, une contribution pour l'assainissement des finances publiques du Québec.

Alors, que les choses soient bien claires, parce que tout cela a fait l'objet de bien des débats et de questions, ici, de l'opposition, par exemple, qui a dit: Est-ce que, au niveau du livre des crédits, des prévisions de dépenses pour l'année 1996-1997, il y a une diminution des montants d'argent que le gouvernement va consacrer, par exemple, aux revenus des municipalités en situation plus difficile au Québec, ce qu'on appelle le programme de péréquation? Est-ce que le gouvernement va en verser moins à partir de ses propres fonds? Et la réponse a été très claire. C'est oui.

On a demandé aux municipalités, en 1995, au mois de novembre, de faire un effort de 47 000 000 $. Alors, ce qu'on leur a indiqué, c'est que nous avions l'intention de réduire nos programmes de transfert, puisque 90 % du 1 000 000 000 $ et quelques millions de dollars du budget du ministère des Affaires municipales, ce sont des programmes de transfert vers les municipalités, soit d'investissement dans les infrastructures ou un programme en particulier, le programme de péréquation, qui vise à aider les municipalités les plus démunies par catégories comparables, et c'est 36 000 000 $ par année.

(23 h 30)

Donc, M. le Président, face aux objectifs budgétaires qu'on s'était fixés, face au programme d'équité que nous avions déterminé, face aussi, à l'intérieur de ce déficit appréhendé et des objectifs fixés, face au mouvement du gouvernement fédéral qui nous imposait des restrictions de 1 500 000 000 $ pour l'année que nous vivons actuellement, nous devions prendre des mesures. Nous avons pris ces mesures en novembre 1995 parce que, vous le savez très certainement, les municipalités doivent faire leur budget à compter du 1er janvier, l'année civile pour les municipalités au niveau de leur budget. Il faut donc qu'elles soient informées au plus tard au début décembre de ce qui risque de modifier leurs revenus, par exemple, en ce qui concerne la partie transferts du gouvernement du Québec. Voilà pourquoi nous l'avons fait, nous avions informé les municipalités au mois de novembre 1995.

Alors, ce que nous avons indiqué, c'est que nous allions retirer, que nous allions réduire de 47 000 000 $ l'effort du gouvernement et demander aux municipalités – c'est 0,5 % des revenus des municipalités – de réaliser cet effort d'assainissement des finances publiques. 47 000 000 $, qu'est-ce que ça signifiait? Ça signifiait d'abord que la somme de 36 000 000 $ qu'actuellement nous transférons aux municipalités dans notre programme de péréquation, eh bien, le gouvernement du Québec, à même ses fonds propres, allait supprimer les crédits prévus à cette fin et informait les municipalités que nous allions conserver ce programme, mais qu'il allait être dorénavant financé dans une enveloppe, une enveloppe qui s'appelle l'ensemble des taxes, pour les municipalités, sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité. On va appeler ça, donc, la taxe sur le TGE, pour les fins du débat ici, les taxes sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité.

Pour faire une histoire simple, M. le Président, au lieu de procéder à d'énormes opérations d'évaluation de ces installations, eh bien, c'est une taxe sur le chiffre d'affaires de ces entreprises de télécommunications, de gaz et d'électricité qui est imposée, et le produit de la taxe est retourné aux municipalités, perçu par le gouvernement du Québec et retourné aux municipalités suivant une formule de partage assez complexe sur laquelle nous nous sommes entendus, évidemment, avec les municipalités. Donc, 36 000 000 $ que nous n'allions plus payer à l'aide des fonds propres du gouvernement et qui allaient être payés à même le fonds constitué par les revenus de taxes sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité.

Et, deuxièmement, nous allions couper 50 % du programme de plafonnement, institué par la réforme Ryan à l'époque, pour en arriver à compenser les trop fortes augmentations de taxes dues au transfert de responsabilités vers les municipalités. Ce programme, en 1996, allait coûter, au niveau des évaluations de prévisions, 22 000 000 $. Nous avons décidé de l'éliminer, ce programme, en deux ans et de supprimer 50 % de la subvention que nous donnons à un certain nombre de municipalités dont les comptes de taxes pour les citoyens augmentent trop vite. Nous allions supprimer 50 % du montant en 1996-1997, soit 11 000 000 $, et également supprimer l'autre 50 % l'année suivante, en 1997-1998.

Alors, vous retrouvez, M. le Président, le montant ici, l'effort demandé aux municipalités, c'est 47 000 000 $: 36 000 000 $ de péréquation, 11 000 000 $ de coupures dans le programme de compensation pour le plafonnement, le plafonnement destiné aux municipalités les plus affectées par la réforme Ryan, que nous avons appelée, à l'époque. Cependant, M. le Président, pour en arriver à financer notre programme de péréquation de 36 000 000 $, nous avons décidé d'abord de maintenir le niveau de financement et le programme de péréquation de façon identique à ce programme, aux critères fixés pour l'année 1994-1995, en 1995-1996 pour ne pas introduire de changements immédiatement et nous assurer que les municipalités recevraient le même montant, financé à partir d'une autre enveloppe.

Alors, M. le Président, il fallait donc introduire le projet de loi n° 135 ici pour faire en sorte de faire financer ce programme de péréquation pour les municipalités plus pauvres à même le programme des revenus de la TGE, et c'est l'objet fondamental du projet de loi n° 135. Mais, à l'occasion de cette annonce, au mois de novembre 1993, aux municipalités, le gouvernement en a profité aussi pour annoncer à un certain nombre de villes-centres du Québec que nous allions leur donner une certaine compensation pour des responsabilités qu'elles occupent à titre de villes-centres en assumant les infrastructures qui ont une envergure régionale, mais dont c'est la seule municipalité-centre qui assume la responsabilité et, évidemment, le financement et l'exploitation.

Alors, ça, M. le Président, je ne vais pas dans le détail, mais, au niveau des unions municipales et du ministère des Affaires municipales, on a une table spécifique de travail qui est intervenue au sujet de la situation et de l'avenir des villes-centres au Québec, et, dans ces discussions et les éléments de conclusion, le gouvernement, à l'époque – et il continue encore aujourd'hui – tire la conclusion que nous devons supporter et nous devons aider à supporter des infrastructures assumées par ces municipalités de villes-centres.

Alors, ce que nous avons indiqué aux municipalités, c'est qu'à l'intérieur de l'enveloppe constituée par les revenus de taxes sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité, nous allions prendre 11 000 000 $ en 1996-1997 et que nous allions faire parvenir ces sommes aux villes-centres de Québec, Montréal, Chicoutimi, Hull, Sherbrooke et Trois-Rivières. Alors, six villes reconnues comme villes-centres et 11 000 000 $ de compensation.

Le restant de l'enveloppe, M. le Président, après le programme de péréquation, après le programme de compensation pour les villes-centres, c'est environ 300 000 000 $, et ça va évidemment toujours continuer, on va toujours poursuivre la distribution aux municipalités suivant les critères qui ont déjà été adoptés.

Ce qu'on peut donc en tirer, de façon simple, comme conclusion aujourd'hui pour ces trois éléments, c'est que l'ensemble des revenus générés par la taxe sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité, qui totalisent, à notre évaluation, quelque 350 000 000 $, va être retourné totalement aux municipalités. Je répète, M. le Président: va être retourné totalement aux municipalités.

Ce qui est modifié, c'est évidemment – je viens de le mentionner et c'est très clair au projet de loi – la méthode de distribution et les éléments de distribution. Donc, 36 000 000 $ dans la péréquation, 11 000 000 $ au niveau du financement de certaines infrastructures dans les villes-centres du Québec: Montréal, Québec, Chicoutimi, Hull et Trois-Rivières. 11 000 000 $. Et tout le solde de l'enveloppe, 300 000 000 $, toujours continuer de le retourner aux municipalités suivant les critères, les règles habituelles.

M. le Président, le projet de loi que nous avons déposé devant l'Assemblée nationale prévoyait également et prévoit toujours que, pour toute autre modification dans la répartition de cet argent pour les municipalités, alors, si, d'abord, on consacre le principe que tout l'argent doit retourner aux municipalités, on indique également que c'est par règlement que dorénavant le gouvernement pourrait modifier la répartition de ces sommes pour les municipalités aux fins de programmes qui s'adressent aux municipalités.

Alors, dans ce contexte-là, on a eu un très grand nombre de représentations des unions municipales, les représentants des municipalités du Québec, en particulier l'UMQ, à son congrès, à ses assises annuelles du 2 mai dernier. Ce que les municipalités nous ont demandé, c'est, au moment où nous aurions, si tel est le cas, à nouveau à intervenir dans cette enveloppe des réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité, c'est que tout cela se fasse par entente au moment où nous adopterions un règlement.

(23 h 40)

Ça a fait l'objet d'intenses discussions, en particulier au lac Saint-Pierre, la réunion avec les municipalités, la réunion spéciale de la Table Québec-municipalités, les 23 et 24 mai dernier, et nous en sommes donc arrivés à des conclusions, à des consensus au niveau, bien sûr, de la répartition pour laquelle nous avons informé les municipalités en 1995 et, pour l'avenir, faire en sorte que tout règlement puisse d'abord faire l'objet d'une entente avant d'être soumis au Conseil des ministres, avant d'être soumis au gouvernement pour adoption.

Alors, M. le Président, à cet égard-là, j'aurai l'occasion de présenter, donc, des amendements au projet de loi à l'étape des discussions en commission parlementaire pour rejoindre cet objectif. Et, de cette façon, on va donc permettre de financer des programmes existants à même cette enveloppe, faire en sorte... Oui, il faut le dire très clairement, très ouvertement, en toute transparence, oui, nous demandons un effort de 47 000 000 $ aux municipalités.

M. le Président, lorsqu'on a fait nos discussions au lac Saint-Pierre autour de cette question de la contribution du monde municipal à l'assainissement des finances publiques, je ne peux quand même pas vous dire que c'est de toute gaieté de coeur... que les municipalités nous ont indiqué qu'elles se réjouissaient, en quelque sorte, que nous supprimions 47 000 000 $ au niveau du financement. Je pense que je peux quand même affirmer ici, et ça a été répété à l'occasion de la Conférence sur le devenir social et économique du Québec, que les municipalités du Québec, tant au niveau de l'UMRCQ que de l'UMQ, veulent également réaliser un effort, faire un effort dans le mouvement de l'assainissement des finances publiques. Et ces gens-là nous ont clairement indiqué, comme représentants des municipalités, que le mouvement dans lequel nous nous sommes engagés suppose que tout le monde joue dans le film, que tout le monde fasse son effort, que toutes les catégories d'entreprises, de citoyens, de collectivités fassent leur effort et qu'à ce compte-là le mouvement d'assainissement des finances publiques, il est aussi inéluctable pour les municipalités.

Cependant, vous savez très bien aussi, M. le Président, que nous avons annoncé presque au même moment que, pour l'année 1997, l'année financière des municipalités 1997, nous prévoyons abolir les subventions au fonctionnement des MRC du Québec. Alors, actuellement, en gros, il y a pour 9 000 000 $ qui sont consacrés au financement du fonctionnement des MRC au Québec.

Un tout petit bout d'histoire là-dessus pour indiquer qu'au moment où on a mis sur pied les MRC, le gouvernement avait accordé de l'aide pour aider à la réalisation de la mission aménagement, et les fonds accordés pour la mission aménagement se sont vite transformés en des fonds pour aider au fonctionnement des MRC. Toujours dans le mouvement de l'assainissement des finances publiques et d'assurer, de supporter le développement économique au Québec, on a indiqué que, pour 1997, nous allions supprimer ce programme-là.

Au lac Saint-Pierre, j'ai demandé aux unions municipales que nous puissions inclure dans notre projet de loi, dans la répartition, une somme de 3 000 000 $ puisée à même les revenus de l'enveloppe de la TGE, que nous puissions prendre une somme de 3 000 000 $ pour assurer un minimum de financement aux MRC, pour indiquer la volonté, en quelque sorte, aussi du monde municipal de supporter ces infrastructures, ces lieux de coopération au niveau municipal, et on a établi un consensus qu'il y a 3 000 000 $ qui pourront être utilisés dans cette enveloppe au titre du financement des MRC. Et j'ai indiqué, par ailleurs, que nous allions – et je vais répéter cet engagement – travailler de façon extrêmement ferme à établir un nouveau programme de développement pour les MRC, pour assurer le développement et l'avenir des MRC.

Alors, M. le Président, ça indique bien les dimensions du projet de loi n° 135 pour réaffecter aux municipalités toutes les sommes qui sont générées par la taxe sur les réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité, et comment nous allons procéder dans l'avenir suite à nos discussions du lac Saint-Pierre.

C'est ça, l'objet du projet de loi n° 135. Je le répète, nous avons établi des discussions avec les municipalités, nous avons convenu de certaines modalités, et je n'oublierai pas... Parce que, dans toute la description que j'ai faite tantôt des sommes qui seront affectées ou des sommes qui seront retournées aux municipalités, j'indiquais, par exemple, que, pour l'année 1996, c'est 11 000 000 $. Eh bien, il est inclus également que toute croissance de revenus de cette taxe va également contribuer à augmenter les revenus que nous allons transférer à ces 11 municipalités-centres, à ces 11 villes-centres du Québec. Alors, l'accroissement du produit de la taxe en 1997-1998 va donner lieu également à un partage, entre six villes-centres du Québec, de la croissance de cette enveloppe.

Alors, voilà, M. le Président. C'est extrêmement simple. C'est un projet de loi qui s'inscrit dans la foulée de l'assainissement des finances publiques. Les municipalités, comme les gens de l'éducation, les gens de la santé, de tous les secteurs d'activité, font un effort, parce que nous avons décidé – et je conclurai là-dessus, M. le Président – depuis le premier budget Campeau, de redresser les finances publiques du Québec qui étaient dans un état déplorable lorsque nous sommes entrés au pouvoir, en 1994.

L'actuel ministre des Finances a bien indiqué la formule, M. le Président. Elle est difficile à réaliser, elle se fait avec des efforts considérables de tous les éléments de la population, et il nous faut atteindre nos objectifs. Et, oui, nous demandons aux municipalités de faire cet effort de 0,5 % de leurs revenus. Oui, ça implique un effort de gestion considérable de la part des municipalités, mais je peux déjà vous indiquer, M. le Président, que, pour 1996, ces revenus que nous n'avons pas transférés vers les municipalités, eh bien, les municipalités ont fait des efforts de rationalisation assez exceptionnels, et tout cela s'est transformé en une augmentation de 0,1 % pour les maisons unifamiliales sur l'ensemble du territoire du Québec. Donc, la capacité de gestion des municipalités s'est exercée aux fins que nous recherchions et les objectifs ont été, d'ores et déjà, atteints dans ce domaine-là.

Je terminerai donc en disant, M. le Président, que le ministre des Finances nous a bien indiqué les cibles, 3,2, 2,2, 1,2, 0: 3 200 000 000 $ de déficit pour 1996-1997; l'année suivante, 2 200 000 000 $; la troisième année, 1 200 000 000 $; et, lorsque l'année 2000 va apparaître avec ses trois zéros, également, dans la colonne du déficit du gouvernement du Québec, zéro ira trouver ainsi la marge de liberté de nos choix que nous voulons effectuer pour les générations à venir, cesser de les endetter, cesser d'emprunter sur leur dos, cesser d'emprunter sur leur tête, leur imposer des taxes avant même qu'ils soient nés, M. le Président. Et cela va demander, encore une fois, des efforts considérables pour les mois et les années à venir.

Mais, M. le Président, il y a aussi un beau côté, puisque tout cela va nous permettre de récupérer, de nous dessiner des éléments, de nouveaux outils, de nouveaux instruments pour assurer le développement économique de nos municipalités, de nos régions, de l'ensemble des citoyens et des citoyennes qui cherchent une situation de mieux-être dans l'ensemble du territoire québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Je vous remercie, M. le ministre des Affaires municipales. Je vais maintenant céder la parole à Mme la députée de Jean-Talon. Mme la députée.


Mme Margaret F. Delisle

Mme Delisle: Merci, M. le Président. M. le Président, lorsque le ministre des Affaires municipales et député de Joliette a déposé, en décembre dernier, le projet de loi n° 123, l'opposition avait exigé que le gouvernement scinde son projet de loi en deux, ce que l'opposition avait obtenu. Le projet de loi n° 135 est le produit de cette scission.

Les raisons qui motivaient notre formation, à l'époque, à s'opposer à l'adoption de ce projet de loi sont fort nombreuses, et mes collègues et moi-même aurons l'occasion, dans les interventions que nous allons faire au cours des prochaines heures, de démontrer que, par ce projet de loi, le gouvernement exproprie ses propres citoyens, qu'il s'approprie des montants perçus par le ministère du Revenu au nom des municipalités pour ensuite les redistribuer à sa guise auprès des municipalités.

Permettez-moi, M. le Président, de vous brosser un bref historique de l'origine de cette taxe. Le ministre a, je ne sais pas si c'est volontairement ou pas, oublié, évidemment, d'expliquer l'origine de la taxe. Et je trouve d'ailleurs, M. le Président, que le ministre a brossé un tableau un peu rosé de la situation en ce qui regarde le projet de loi n° 135.

(23 h 50)

M. Jacques Parizeau, à l'époque, qui était ministre des Finances du Québec, avait réalisé en 1979, en concertation avec les partenaires municipaux, ce qu'il est convenu d'appeler depuis lors la réforme sur la fiscalité municipale. Un des éléments importants de cette réforme faisait en sorte que les exploitants des réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité seraient imposés sur leur chiffre d'affaires plutôt que sur la valeur foncière des installations qu'ils possèdent sur le territoire d'une municipalité. L'une des raisons justifiant cette entente qui était conclue entre les municipalités et le gouvernement découlait de la difficulté qu'avaient les municipalités à répertorier, pour les fins d'évaluation foncière, les équipements, les poteaux, les tuyaux qui étaient nécessaires, justement, à l'exploitation des réseaux de télécommunications, de gaz et d'électricité.

Une autre entente qui avait été conclue dans le cadre de cette décision était que les sommes seraient dorénavant perçues par le ministère du Revenu. Ces mêmes sommes seraient transmises au ministère des Affaires municipales et, par la suite, redistribuées aux municipalités en vertu de certains critères qui avaient été acceptés par le monde municipal à l'époque.

M. le Président, je vais vous épargner la partie technique concernant ces critères. Qu'il me suffise, par contre, de mentionner que cette redistribution se fait en fonction du calcul suivant: il s'agissait de diviser le taux global de taxation uniformisée, c'est-à-dire l'ensemble de toutes les taxes payées par les contribuables, sauf la taxe d'affaires ou la taxe sur le non-résidentiel, donc de diviser le taux global de taxation par le total de l'évaluation imposable.

Un autre élément de cette taxe sur les télécommunications, gaz et électricité faisait en sorte que le gouvernement prenait une commission – oui, une commission, et pas n'importe laquelle, s'il vous plaît – sur le total de l'enveloppe qui était reçue au ministère du Revenu. Le ministère du Revenu prélève, et le fait toujours, 1,5 % du montant. Pour cette année, ça s'évalue à 5 000 000 $. Le ministère des Affaires municipales, pour gérer cette enveloppe-là, toujours la même, transmet d'un ministère à l'autre un autre 1,5 %, donc un autre 5 000 000 $. Pour faire la boîte à lettres, M. le Président, vous conviendrez avec moi que, 10 000 000 $, ça commence à faire de l'argent qu'on pourrait mettre dans bien d'autres programmes. Au moment où on se parle, le ministre l'a mentionné tout à l'heure, l'enveloppe globale de 1996-1997 de la TGE est de l'ordre de 350 000 000 $. Si on soustrait de ça 10 000 000 $, il n'en reste que 340 000 000 $.

Le projet de loi n° 135 ne contient que cinq articles, M. le Président. On se demande donc pourquoi on s'oppose à un petit projet de cinq articles. Je dois vous dire, M. le Président, qu'on a plusieurs raisons de s'y opposer.

Le gouvernement péquiste, avec la complicité de son ministre des Affaires municipales, va créer un dangereux précédent, oui, un dangereux précédent. J'entends déjà nos amis d'en face tenter de se cacher derrière les nombreuses chemises déchirées en cette Chambre, M. le Président, lors du dépôt de l'étude en commission parlementaire et de l'adoption de la loi 145. J'y reviendrai un peu plus tard, et je dois vous dire que je me suis amusée à relire quatre volumes, M. le Président – il y en a même un qui est plus épais que ça – sur les interventions qu'ont faites nos voisins d'en face lorsque M. Ryan, qui était le ministre des Affaires municipales à l'époque, avait déposé son projet de loi 145. Et c'est étonnant de retrouver certains députés, certains ministres de l'autre côté, M. le Président, qui, à l'époque, non seulement avait déchiré leur chemise, mais c'était une question de principe: pas de consultations, pas de concertation, les partenaires municipaux... se retrouver aujourd'hui à faire pire, parce que, aux yeux du monde municipal et au dire du monde municipal, c'est pire que la réforme Ryan.

Et, moi, j'ai reçu plus de 350 fax à mon bureau, de municipalités, de résolutions dénonçant le projet de loi n° 135. Je suis persuadée, M. le Président, que le ministre des Affaires municipales en a reçu autant, sinon plus. Je suis persuadée, M. le Président, que mes collègues en cette Chambre ont tous reçu de leurs municipalités des résolutions dénonçant le projet de loi n° 135.

Donc, ce n'est pas un projet de loi qui vient créer une équité, qui permet de remettre aux municipalités l'argent qui leur revenait de toute manière. Ce n'est pas ça du tout. Le projet de loi n° 135, M. le Président, fait en sorte que le gouvernement pige dans une enveloppe qui ne lui appartient pas. Qu'on veuille ou non nous faire croire le contraire, bien, je regrette, ce n'est pas ça, la réalité. Cette enveloppe-là, elle contient de l'argent qui vient des municipalités, c'est de l'argent qui vient des entreprises, des industries. Elle est perçue par le ministère du Revenu, elle est transmise au ministère des Affaires municipales et elle est redistribuée aux municipalités en fonction de certains critères. J'aimerais bien qu'on explique, parce que le ministre, tout à l'heure, nous a mentionné que c'était une enveloppe qui, de toute façon... une enveloppe dans laquelle il y avait de l'argent qui, de toute manière, était entièrement redistribué aux municipalités. Je ne peux pas le contredire. Mais j'aimerais bien, par contre, qu'il vienne expliquer au maire de Charlesbourg comment ça se fait qu'il y a un manque à gagner de 500 000 $ – c'est un demi-million! – qu'il vienne expliquer au maire de Sillery pourquoi il lui manque 45 000 $. L'argent qui est dans cette enveloppe-là est redistribué aux municipalités de son choix à partir de critères de son choix. La ponction qui a été faite, de 46 000 000 $, elle a été faite selon les critères du gouvernement et non pas en vertu d'une entente ni même d'une consultation avec les municipalités, avec les unions municipales.

M. le Président, le ministre, tout à l'heure, nous mentionnait que les municipalités avaient été avisées par lettre par son prédécesseur qu'elles devaient faire un effort pour alléger les finances publiques. Je pense que tout le monde est d'accord que tout le monde doit jouer dans le film, pour utiliser une expression chère à notre ministre des Affaires municipales. Par contre, ce n'est pas tout à fait comme ça que ça s'est passé. Il y a peut-être eu une lettre, sauf que la lettre leur est parvenue sans doute quelques jours après que le ministre les eut averties, la veille, qu'il y aurait une annonce le lendemain, qu'il y aurait cette ponction-là dans une enveloppe qui leur appartient.

Alors, M. le Président, lors de l'étude des crédits, il fallait entendre le ministre des Affaires municipales tenter d'expliquer aux membres de la commission que la péréquation distribuée aux municipalités serait maintenue. Or, l'enveloppe de péréquation que nous retrouvions année par année, bon an mal an, dans les crédits du ministère des Affaires municipales et qui se chiffrait, en 1995-1996, à 36 000 000 $, ne se retrouve plus dans les crédits de 1996-1997. Qu'est-ce qui lui est arrivé? Subtilisée? Suspendue? Annulée? Autant de questions, peu de réponses de la part du ministre. M. le Président, les municipalités recevront leur part de péréquation, il est vrai, cette année, mais elle sera pigée, expropriée, dans l'enveloppe de la TGE.

(minuit)

Nous sommes tous conscients des efforts que nous devons faire comme collectivité pour éliminer notre déficit, diminuer notre dette et assainir nos finances publiques. Le ministre nous a dit durant l'étude des crédits que tous étaient appelés à jouer dans le film. Il nous l'a dit tout à l'heure, je vous le répète une deuxième fois. Il faut se rappeler, M. le Président, que personne du monde municipal n'a été consulté sur cette ponction de 46 000 000 $, ponction dans une enveloppe qui n'appartient pas au gouvernement, ponction dans une enveloppe qui existe depuis 1979 et sur laquelle les municipalités pouvaient compter jusqu'à ce jour.

Et je vous soumets comme preuve la réponse qu'a donnée le ministre des Affaires municipales à ma question posée en Chambre, ici, à l'Assemblée nationale, le 28 mars 1996. Je l'interrogeais sur cette ponction de 46 000 000 $, sur les nombreuses coupures dans l'aide financière aux municipalités, et voici sa réponse, M. le Président: «M. le Président, je pense que c'est le moment d'indiquer à la députée de Jean-Talon que les municipalités avaient été prévenues. Nous avons travaillé, selon une formule de partenariat, sur l'ensemble du territoire québécois, avec ces partenaires, parce que, déjà, au mois de décembre, nous leur avions fait connaître les intentions du gouvernement.» Fin de la citation. Moi, je peux vous dire en cette Chambre, M. le Président, qu'au moment où la ponction a été annoncée il n'y a jamais eu de consultation, et ça n'a pas été fait en partenariat, il n'y a pas eu d'entente de conclue, ça leur a été annoncé comme ça, sur le bras. La réaction du président de l'UMQ n'a pas tardé à venir, et voici, au texte, ce qu'il a dit: «Le président de l'Union des municipalités du Québec et maire de Laval, M. Gilles Vaillancourt, tient à rectifier certains faits. Contrairement à ce que le ministre des Affaires municipales, Rémy Trudel, a prétendu jeudi dernier – je m'excuse, j'ai une grippe, M. le Président – aucun partenariat n'a été établi entre les municipalités et le gouvernement du Québec en ce qui a trait à une modification de la taxe sur les télécommunications, le gaz et l'électricité.» Ce gouvernement est passé maître, M. le Président, dans le double langage, il est passé maître dans les beaux discours. À l'exemple de son chef qui demandait récemment à ce qu'on l'excuse de ne pas avoir rapporté la vérité, est-ce que le ministre était fatigué au moment où il a répondu à cette question?

Il faut entendre le ministre des Affaires municipales discourir sur le renforcement des collectivités locales au lieu d'utiliser des expressions plus populaires et plus compréhensives. Qu'on pense aux fusions ou aux regroupements. Croit-il que les citoyens sont assez dupes pour ne pas voir au travers de ce maquillage?

Quand le ministre des Affaires municipales induit cette Chambre en erreur et qu'il prétend qu'il y a eu consultation avec le monde municipal, il faudrait peut-être lui rappeler comment l'ex-ministre des Affaires municipales et député de Joliette a couru après les unions municipales pour leur faire part qu'il allait annoncer cette expropriation de fond le lendemain. Partenariat, consultation, quelle frime!

M. le Président, ce gouvernement parle de chantiers, de solidarité, de partenariat, de consultation, de partage. Ce projet de loi apporte un changement au règlement très important sur la péréquation. J'aimerais qu'on s'attarde quelques moments sur cette notion de partage qui existe depuis longtemps dans notre pays. Le partage de la richesse collective illustre bien, autant au fédéral qu'au provincial, cette volonté qu'ont toujours eue nos gouvernements respectifs d'assurer une certaine équité, que ce soit dans le domaine de la santé et des services sociaux, de l'éducation, de l'assurance-chômage, de la sécurité du revenu. Au Canada comme au Québec, on connaît bien cette notion de partage de la richesse qu'est la péréquation. Depuis maintenant quelques décennies, les municipalités dont l'effort fiscal des contribuables est plus fort que celles dont l'effort fiscal est moindre reçoivent une compensation financière dénommée péréquation. Dans le livre des crédits des années précédentes, il y avait un poste budgétaire appelé péréquation, et à côté duquel on retrouvait un chiffre de l'ordre de plusieurs millions de dollars, c'est-à-dire 36 700 000 $ pour l'année 1996-1997. Cette année, à côté de cet item, à côté de ce poste budgétaire, aucun chiffre, une parenthèse.

Je ne veux surtout pas, ici, faire peur aux municipalités et leur faire croire qu'elles n'auront rien cette année au chapitre de la péréquation, ce serait malhonnête de ma part. Ce qu'il faut leur signaler, c'est que le montant de leur péréquation leur sera distribué à partir de l'enveloppe de la TGE. Certains d'entre vous se demanderont quelle est la différence entre la recevoir à partir d'un programme du ministère des Affaires municipales ou à partir d'une enveloppe; bien, la grande différence, c'est qu'il y a un manque à gagner de 36 000 000 $ et c'est le ministre lui-même qui a décidé, de façon unilatérale, de rayer du livre des crédits le programme de péréquation et de l'inclure dans la ponction qu'il a prise à partir de l'enveloppe de la TGE.

Eh bien, M. le Président, l'astuce péquiste est justement là. Environ 600 municipalités reçoivent annuellement de la péréquation; certaines à tous les ans, d'autres pas. L'argent venait d'un programme appelé Péréquation. Plusieurs de ces municipalités recevaient aussi la part qui leur revenait de la redistribution de l'enveloppe de la TGE. M. le Président, ces municipalités vont être pénalisées. Il ne faut pas être bien savant pour comprendre que si le gouvernement prend 36 000 000 $ dans l'enveloppe globale de la TGE, c'est-à-dire sur 336 000 000 $, il en restera ça de moins à distribuer.

M. le Président, je dénonce avec vigueur, aujourd'hui, ce projet de loi n° 135. Le premier ministre Bouchard et son ministre des Affaires municipales sont complices d'une utilisation honteuse de fonds qui appartiennent aux municipalités, qui n'appartiennent pas au gouvernement. Ce dont il faut s'inquiéter, M. le Président, c'est que, dans ce projet de loi n° 135, le ministre se donne non seulement le droit d'exproprier à chaque année, à nouveau, des montants pris à même la TGE, mais de reconduire ou pas les programmes créés de l'année précédente et d'en créer de nouveaux, au bon gré de son humeur.

Je sais, M. le Président, qu'il y a eu le consensus lors du lac-à-l'épaule du lac Saint-Pierre, à la fin de mai. Je sais aussi que le ministre a déposé ou déposera des amendements. Mais je trouve très étrange que les amendements nous aient été déposés à nous, alors que, nous, on n'étaient même pas présents lors du consensus du lac Saint-Pierre, et que les unions municipales, l'UMQ et l'UMRCQ, au moment où on se parle, n'aient pas encore reçu les amendements proposés suite au consensus du lac Saint-Pierre. Et ça, M. le Président, je pense que c'est une insulte au monde municipal, à ces partenaires qui ont exigé, jusqu'à la dernière minute avant d'arriver au lac Saint-Pierre, que, si le projet de loi n° 135 n'était pas mis à l'ordre du jour, ils ne se présenteraient pas au lac-à-l'épaule du lac Saint-Pierre. Il y a un consensus qui a été établi. Je sais que le ministère des Affaires municipales et les deux unions ne s'entendaient pas tout à fait sur ce qu'était le consensus réel – j'ai de bons contacts, M. le Président – je sais également, après avoir vu les amendements parce qu'on a eu la décence de me les envoyer, que les unions ne les ont pas eus.

Alors, avant de dire qu'il va y avoir des amendements de présentés ici lors de l'étude en commission parlementaire, avant de laisser croire... Parce que, s'il y a des amendements qui sont présentés sur le projet de loi n° 135, puisqu'ils font partie d'un consensus établi lors du lac-à-l'épaule, il faut donc imaginer que les gens les ont vus. Alors, moi, je trouve qu'il y a un vice ici, dans la façon de consulter les unions et de faire en sorte que ces gens-là, qui sont nos partenaires, puissent avoir confiance, finalement, en ce gouvernement et au ministre des Affaires municipales, qui dit souvent que ce sont ses partenaires.

M. le Président, au moment où j'avais préparé mon texte, on devait faire l'adoption de principe avant le lac-à-l'épaule du 23 et 24 mai, et, à ce moment-là, il n'avait pas été question de maintenir l'enveloppe à 50 000 000 $. Je sais, pour avoir parlé avec les unions, que le consensus est à l'effet que le ministre ne pourra pas, à moins d'une entente avec le monde municipal, piger un autre montant dans cette enveloppe-là, donc ne pourra pas dépasser le montant de 50 000 000 $, sauf si le programme d'aide aux villes-centres profitait, pendant un an ou deux, de la croissance de l'enveloppe de la TGE. Cette proposition-là, je sais, se retrouve dans les amendements. Malheureusement, on ne peut pas en discuter ce soir puisque les amendements n'ont pas été déposés. Donc, au moment où on se parle, M. le Président, on n'a absolument aucune garantie que le ministre ne se donnera pas, puisqu'il a ce pouvoir actuellement dans le projet de loi, le privilège de piger des montants plus élevés que le 50 000 000 $ ou même de réduire des programmes, d'en abolir, créant ainsi un problème pour les municipalités.

(0 h 10)

D'ailleurs, M. le Président, un autre élément qui m'avait beaucoup étonnée lors de l'étude des crédits, c'est que j'avais questionné le ministre sur la péréquation justement, sur les programmes de péréquation, parce que ça me chicotait, je ne pouvais pas comprendre comment ça se faisait que le ministre parlait qu'il n'y avait aucun problème avec la péréquation, qu'elle serait distribuée. D'ailleurs, ça a pris plusieurs questions, ici en Chambre, avant qu'il admette bien franchement qu'effectivement la péréquation serait pigée dans l'enveloppe de la TGE. Mais ce qui est, je pense, dommage et dangereux, c'est que... Pour avoir droit à la péréquation, il y a des critères. Ces critères-là ont été établis depuis plusieurs années et, cette année, le même montant a été reconduit, M. le Président, aux mêmes municipalités, sans même avoir fait l'étude, c'est-à-dire à savoir si chacune des municipalités devait ravoir cette péréquation-là ou pas. Alors, à la question que j'ai posée au ministre: Est-ce que la péréquation a été reconduite selon les critères habituels? il m'a répondu, et je le cite: «On a reconduit presque bêtement et aveuglément les critères, mais pour quelle raison? Écoutez, l'objectif, c'était de maintenir cet élément de partage.»

M. le Président, je l'ai mentionné tout à l'heure, les municipalités n'ont pas été consultées, les entreprises n'ont pas été consultées, celles qui contribuent par le biais de la taxe qu'elles paient et qui est perçue par le ministère du Revenu, elles non plus n'ont pas été consultées. Or, ne serait-il pas normal qu'une entente conclue avec les municipalités et les entreprises en 1979, donc depuis 17 ans, que cette entente qui n'est plus respectée soit discutée avec les gens qui avaient conclu cette entente-là en 1979? Le lien de confiance est brisé, M. le Président. Ce gouvernement, qui pendant la campagne électorale de l'été 1994 a promis mer et monde aux citoyens, a promis de ne jamais transférer de responsabilités sans transfert de fonds, a, en novembre 1995, 14 mois seulement après la prise du pouvoir, volontairement et unilatéralement brisé le lien de confiance avec les municipalités. M. le Président, que le ministre des Affaires municipales ait le courage de rouvrir cette entente de 1979 s'il veut continuellement piger dans cette enveloppe. Au rythme où ce gouvernement gouverne d'astuce en astuce, si on prend le total de l'enveloppe budgétaire, je peux vous dire que, dans six ou sept ans, il ne restera plus un sou dans cette enveloppe de 350 000 000 $.

M. le Président, vous me permettrez d'attirer votre attention sur deux dispositions importantes de ce projet de loi. Elles sont importantes puisqu'elles risquent d'attribuer un effort fiscal supplémentaire pour le citoyen. Contrairement à ce que ce gouvernement croit, nous savons bien qu'il n'y a pas cinq contribuables différents pour payer ces taxes fédérales, provinciales, municipales, scolaires et les différents droits et tarifs qui sont exigés pour les services, mais un seul à qui on demande toujours plus. Notre formation politique l'a démontré alors que nous avons prouvé que la déclaration du premier ministre à l'effet que le gouvernement, et je le cite: «Le gouvernement a pris l'engagement, et le tiendra s'il vous plaît, de ne pas hausser les taxes et les impôts.» Fin de la citation. C'était dans La Presse du 3 avril 1996. Le premier ministre a également dit ici, à l'Assemblée nationale, M. le Président, et je le cite: «La machine, l'administration, les appareils, c'est sûr, mais les citoyens ne seront pas touchés.»

M. le Président, deux dispositions de ce projet de loi risquent d'augmenter, comme je l'ai mentionné tout à l'heure, la charge fiscale des citoyens. Il y a l'article 1 qui indique à son dernier alinéa qu'«une partie des recettes devant être versées à des municipalités en vertu du premier alinéa peuvent être affectées au financement de tout programme du gouvernement ou de l'un de ses ministres ou organismes, désigné dans le règlement pris en vertu du paragraphe 4° de l'article 262, qui vise à assister financièrement une municipalité ou un groupe de municipalités. Le solde doit être réparti entre les municipalités locales par la personne déterminée par ce règlement et selon les règles et modalités prévues par celui-ci». On indique ainsi clairement qu'une partie des recettes de la taxe sur les entreprises de télécommunications, de gaz et d'électricité peuvent être affectées au financement de tout programme du gouvernement. Il y a lieu de rappeler que cette taxe, M. le Président, l'est à titre de taxe foncière. Cet argent appartient aux municipalités. Je ne le répéterai jamais assez, ce n'est pas l'argent du gouvernement, c'est l'argent des municipalités.

Toutefois, on constate que le gouvernement peut affecter les recettes de la taxe au financement de tout programme du gouvernement. C'est tout à fait inacceptable. Je pourrais caricaturer la situation de la façon suivante: après avoir payé mes impôts, le gouvernement se donne le droit d'affecter une partie de ce qui me reste dans mon porte-monnaie au financement de ses programmes. C'est tout à fait inacceptable.

Un peu plus loin dans cet article, on décrit les programmes du gouvernement qui pourront être financés par une partie des recettes de la taxe sur les entreprises de télécommunications, de gaz et d'électricité. Ce sont ceux désignés dans le règlement pris en vertu du paragraphe 4° de l'article, qui visent – et j'insiste, M. le Président – à assister financièrement une municipalité ou un groupe de municipalités. Vous constatez donc, M. le Président, l'étendue de ces programmes dans lesquels le gouvernement peut affecter les recettes de la TGE.

La deuxième disposition sur laquelle je voulais attirer votre attention, c'est l'article 2 de ce projet de loi. Par cet article, le gouvernement peut adopter des règlements pour désigner tout programme du gouvernement au financement duquel sont affectées une partie des recettes provenant de la TGE. Il peut déterminer la personne qui répartit entre les municipalités locales le solde de ces recettes et prescrire les règles et modalités de cette répartition. Ce pouvoir de réglementation que se donne le gouvernement est très large, mais il y a plus encore. En se donnant ce pouvoir de réglementation pour désigner les programmes qui seront financés par la taxe, la TGE, le gouvernement peut exercer son activité de création avec l'argent des autres. Par ailleurs, il faut noter que le processus retenu par le gouvernement est celui de la voie réglementaire. Il est moins apparent qu'un processus législatif. En effet, lorsqu'on utilise la voie législative, l'opposition peut informer les citoyens des impacts du projet de loi proposé par le gouvernement, à l'exemple de l'intervention que je fais présentement sur le projet de loi n° 135 et des nombreuses à venir de mes collègues. Toutefois, lorsque le gouvernement choisit de procéder par voie réglementaire et publie son projet de règlement dans la Gazette officielle du Québec , il ne peut édicter ce projet de règlement avant l'expiration d'un délai de 45 jours... Je m'excuse. Je sais qu'il y en a qui ont hâte de partir, j'achève, là.

Le Vice-Président (M. Pinard): Mme la députée, prenez le temps qu'il faut et, surtout, soignez votre santé.

Mme Delisle: Il ne peut édicter ce projet de règlement avant l'expiration d'un délai de 45 jours ou avant l'expiration du délai mentionné dans l'avis qui l'accompagne ou dans la loi en vertu de laquelle le projet peut être édicté ou approuvé lorsque cet avis ou cette loi prévoit un délai plus long.

M. le Président, vous savez bien que, dans toute règle, il y a des exceptions. C'est le cas pour la publication des projets de règlement que j'ai énoncée plus haut. On retrouve cette exception à l'article 12 de la Loi sur les règlements qui prévoit que l'on peut déroger à cette procédure lorsqu'un des motifs suivants le justifient: l'urgence de la situation ou que le projet vise à établir, à modifier ou abroger des normes de nature fiscale. Vous comprendrez que le gouvernement pourrait utiliser ce processus qui est tout à fait légal, mais qui a pour conséquence de restreindre la consultation sur la même visée. Cela serait le cas si le projet de loi était adopté, puisqu'il s'agit de normes de nature fiscale.

M. le Président, je vous ai indiqué que le processus réglementaire permet au gouvernement de déroger à la règle de publication des projets de règlement. J'ajouterai qu'il existe la même règle d'exception pour l'entrée en vigueur d'un règlement. Cette exception est prévue à l'article 18 de la Loi sur les règlements.

Je m'excuse, M. le Président, j'ai de la misère à poursuivre. J'ai de la misère avec votre projet de loi, M. le Président. Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Pinard): Le projet de loi ne passe pas, M. le ministre.

Mme Delisle: Ça prend du courage pour venir ici à 0 h 20.

(0 h 20)

M. le Président, je conclurai en vous disant que ce projet de loi ne fait définitivement pas l'unanimité. Le ministre a reçu, j'en suis persuadée, de nombreuses lettres, de nombreuses représentations du monde municipal l'enjoignant de retirer le projet de loi, et c'est ce qu'on aurait souhaité, d'ailleurs, qu'il fasse. Et je pense que les unions municipales, même si elles ont dû se contraindre à un consensus et à une entente avec le ministre, elles demeurent très, très opposées à ce projet de loi.

Alors, M. le Président, j'aurais d'autres choses à dire sur ce projet de loi là. Je reviendrai avec mes citations sur le projet de loi n° 135. Étant donné la condition de ma voix, je pense que je vais m'arrêter là, mais je dois vous dire que c'est un bien triste jour en cette Assemblée que l'adoption de principe de ce projet de loi n° 135. On n'avait pas besoin de ça, mais absolument pas. C'est un précédent, et le ministre des Affaires municipales, avec la complicité de tous les ministres et du côté ministériel, ouvre une brèche qui, à notre sens, ne s'arrêtera pas là, et c'est fort dommage. Merci.

Le Vice-Président (M. Pinard): Merci beaucoup, Mme la députée de Jean-Talon. Et, considérant votre état de santé, je n'ajournerai pas nécessairement, mais je tiens à vous remercier de vous être déplacée quand même pour votre allocution, malgré votre état de santé. Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je vais le faire pour vous. Je fais motion pour que nous ajournions le débat.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): M. le leader du gouvernement.

M. Bélanger: M. le Président, je fais motion pour que nous ajournions nos travaux au vendredi 14 juin 1996, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Pinard): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Pinard): S'il vous plaît.

(Fin de la séance à 0 h 22)


Document(s) associé(s) à la séance