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(Quatorze heures cinq minutes)
Le Président: Mmes etMM. les députés, nous
allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie. mmes et mm. les
députés nous allons suspendre nos travaux pendant quelques
instants. je vous prie de bien vouloir demeurer à vos places
jusqu'à l'arrivée de son excellence le lieutenant-gouverneur.
(Suspension de la séance à 14 h 6)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes et MM. les députés, vous êtes priés de
vous lever pour accueillir Son Excellence le lieutenant-gouverneur. Veuillez
vous asseoir, s'il vous plaît!
Allocution d'ouverture Le
Lieutenant-gouverneur
Le Lieutenant-gouverneur: M. le Président de
l'Assemblée nationale, M. le premier ministre du Québec, M. le
chef de l'Opposition officielle, Mmes et MM. les députés,
distingués invités, vous êtes réunis aujourd'hui
pour entreprendre les travaux de la deuxième session de la
trente-quatrième Législature.
Le 17 décembre prochain, il y aura précisément 200
ans que vos prédécesseurs s'assemblaient ici, à
Québec, pour la première fois en vue de constituer un Parlement
et de veiller aux intérêts et au bien-être de leurs
concitoyens du Bas-Canada. Depuis ce premier Parlement, le Québec n'a
jamais cessé de témoigner de son attachement profond aux valeurs
démocratiques et parlementaires. Permettez-moi, par ailleurs, de
profiter de cette occasion pour inviter l'Assemblée à saluer le
350e anniversaire de la fondation de Montréal.
La présente session permettra à la société
québécoise de continuer a maîtriser son avenir
économique, social et culturel, tant sur le plan législatif que
sur celui de la mise en oeuvre des politiques du gouvernement.
La question du statut constitutionnel du Québec au sein de la
Fédération canadienne occupera sans doute une place centrale dans
les travaux de cette Assemblée. Deux importantes commissions
parlementaires créées dans le cadre de la loi 150 feront rapport,
au terme d'études exhaustives menées sur le renouvellement du
fédéralisme et sur la souveraineté.
Le gouvernement poursuivra énergiquement les objectifs qu'il a
déjà identifiés et sur lesquels bon nombre de ses actions
ont porté sur le chapitre de l'assainissement des finances publiques. La
rigueur dans l'administration des fonds publics demeurera tout aussi
imperative, de même que la nécessité d'adapter constamment
le rôle de l'État aux besoins de notre époque.
Le financement du système de santé traduit les principes
du gouvernement à cet égard. À la lumière du
débat public qui a eu lieu en commission parlementaire et des grandes
orientations de la réforme, le gouvernement prendra des dispositions
dans le but d'assurer un financement équitable des services de
santé et des services sociaux. Tenant compte de considérations
économiques et budgétaires de même que des besoins des
citoyens, le gouvernement, à la lumière d'études
récentes, entend revoir l'organisation et le fonctionnement de
l'administration publique québécoise avec des objectifs
renouvelés d'efficacité, de productivité et
d'équité des services publics.
Tous les pays du monde traversent une période de mutation majeure
tant sur le plan politique qu'économique, et le Québec est
nécessairement concerné par ces nouveaux défis de notre
temps. Et la seule voie qui s'offre au Québec pour sortir gagnant de
cette période de changements accélérés
réside dans la poursuite d'une stratégie économique
axée sur le relèvement de la compétitivité. Dans
cette optique, le gouvernement a proposé récemment une
stratégie de développement industriel facilitant le passage du
Québec vers une économie à valeur ajoutée.
Basée sur le concept des grappes industrielles, elle vise à
accroître la compétitivité des industries
québécoises et à renforcer le partenariat.
Donnant suite aux propositions énoncées dans la politique
des Affaires internationales, c'est par la concertation véritable que
des Québécois et Québécoises devront relever les
défis de la concurrence internationale, de la modernisation des
entreprises, de l'innovation de la compétence également, car le
gouvernement doit accentuer ses efforts pour attirer des investissements
étrangers et inciter nos entreprises à accroître leurs
exportations de biens et de services tout en stimulant le rayonnement du
Québec, notamment dans les pays francophones.
Economie success is thus achieved through free markets, productivity,
competitive enterprises, and the active participation of workers. One of the
main elements for achieving this goal is quality training in school, as much as
in our working force.
Notre système d'éducation doit accroître sa
performance éducative. Actuellement, 64 % de la clientèle du
secondaire obtient un diplôme. D'ici à 10 ans, 2 emplois sur 3 qui
se créeront au Canada exigeront une scolarité minimale de 12 ans
et 50 % de ces nouveaux emplois exigeront 17 ans de formation. Un plan d'action
sur
la réussite éducative sera mis de l'avant
avec l'objectif d'augmenter de 3 % par année, pendant 5 ans, le taux de
diplomation à la fin des études secondaires. Ce plan indiquera
notamment les voies de coopération de développement qui engagent
l'ensemble des partenaires de l'éducation. Aussi, un projet de loi
modifiant la Loi sur l'instruction publique, de même que d'autres
initiatives, sera soumis à l'Assemblée nationale. L'accent sera
mis sur la décentralisation et la formation des professionnels de
l'enseignement. Cette Assemblée sera aussi invitée à
poursuivre la discussion du projet de loi proposant des modifications à
la Loi sur l'enseignement privé visant à moderniser et à
rationaliser la loi actuelle ainsi qu'à soutenir les
établissements privés.
L'année 1992 marque le 25e anniversaire de la
création des cégeps. Il importe d'apprécier le chemin
parcouru, de réactualiser les choix de société qui ont
été faits et, surtout, de préciser la façon dont il
convient d'orienter l'avenir. Cette Assemblée sera donc invitée
à confier à la commission parlementaire de l'éducation le
mandat de procéder à une consultation générale sur
l'avenir de l'enseignement collégial.
Un autre volet cible de l'intervention du gouvernement est
sans aucun doute la formation de la main-d'oeuvre. Le gouvernement entend doter
le Québec d'une véritable politique de développement et de
main-d'oeuvre. À cet égard, tout en affirmant la
compétence constitutionnelle du Québec en la matière, vous
serez appelés à instituer la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre regroupant
des représentants du patronat, des syndicats et du gouvernement. Un
projet de loi modifiant la Loi sur la formation et la qualification
professionnelles de la main-d'oeuvre vous sera également soumis.
Le gouvernement amorcera, par ailleurs, une
réflexion en profondeur sur les relations du travail et leurs impacts
sur le marché du travail en vue de dégager des voies d'avenir
pour la collectivité. Il portera également une attention
particulière à l'administration de l'ensemble du régime de
santé et de sécurité au travail.
À la suite des consultations tenues en commission
parlementaire, vous serez invités à adopter des modifications
à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et
la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. La mise en
application du plan d'action qui prévoit notamment la formation d'un
groupe de travail paritaire sur le champ d'application de la loi sera
poursuivie.
The overall economic situation has been a challenge to our
financial institutions. Recent experience has shown that the climate of
confidence towards Quebec's financial service enterprises must be protected and
maintained.
Le gouvernement, de concert avec l'industrie
financière, se propose de prendre toutes les mesures nécessaires
pour maintenir le leadership dans le développement des institutions, en
donnant priorité à la sécurité des épargnes
du public.
Le développement scientifique et technologique du
Québec doit se poursuivre. Le gouvernement a posé plusieurs
jalons déterminants, soit le Fonds de développement
technologique, les abris fiscaux en recherche et en développement, le
fonds de développement de technologie en environnement et, plus
récemment, une nouvelle initiative, le fonds Innovatech Grand
Montréal au sujet duquel un projet de loi vous sera soumis.
Le projet de développement d'Hydro-Québec
demeure un élément moteur de l'économie du Québec.
Le gouvernement entend prendre les mesures nécessaires pour maximiser
les retombées économiques qu'il génère et pour que
les travaux se poursuivent dans le respect des exigences de l'environnement,
comme cela a été démontré lors de la signature de
l'entente avec les autochtones et le gouvernement fédéral dans le
dossier Grande-Baleine.
Vous serez appelés aussi à vous prononcer sur
le plan de développement d'Hydro-Québec de 1993 à 1996,
après une consultation auprès du public. Le gouvernement entend
se doter d'une stratégie d'efficacité énergétique
globale, au sujet de laquelle des groupes intéressés et des
partenaires industriels seront consultés.
Le Québec des régions, voilà une autre
réalité prioritaire pour votre Assemblée. C'est en
comptant sur la concertation et le partenariat de tous les intervenants que le
gouvernement met en place sa stratégie de développement
régional. Cette stratégie repose sur la concertation permanente
et le dynamisme des milieux régionaux. Elle privilégie des
actions qui s'inscrivent à l'intérieur d'axes de
développement précis et qui reflètent les forces et les
avantages spécifiques à chacune des régions.
La forêt est au coeur de l'économie de
plusieurs régions du Québec. Des milliers d'emplois y sont
reliés. Le potentiel de croissance économique de plusieurs villes
et villages en dépend directement. En s'appuyant sur les principes de
partenariat économique mis de l'avant par le rapport du groupe de
travail sur l'industrie des produits forestiers, l'ensemble des intervenants,
dont le gouvernement, verra à prendre les moyens pour réduire
plus particulièrement les coûts de production de l'industrie. Les
difficultés présentes de l'industrie de la forêt doivent
être surmontées. De nouvelles perspectives d'avenir doivent
être esquissées. À cet égard, le gouvernement
adoptera une stratégie de protection des forêts, tenant compte
à la fois des résultats de la consultation menée par le
Bureau d'audiences publiques sur l'environnement et de sa volonté
d'assurer la pérennité d'une forêt saine, et ce, dans le
respect de la réalité économique. L'ensemble de ces
orientations nécessitera des amendements importants à la Loi sur
les forêts. (14 h 20)
Par ailleurs, une méthodologie de gestion intégrée
des ressources forestières faisant intervenir en concertation les
ministères des Forêts, de l'Environnement et du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche sera mise en application. De même, en
matière d'affectation des terres publiques, le gouvernement
définira ses orientations en vue de les concilier avec les
schémas d'aménagement des municipalités régionales
de comté. En outre, le gouvernement se propose d'approuver un guide de
villégiature et de confectionner des plans régionaux de
développement de la villégiature sur les terres publiques. Enfin,
un projet de loi poursuivant la réforme du cadastre vous sera
soumis.
Des régions entières dépendent du
développement minier. Aussi le financement de ce secteur sera
réévalué et des mécanismes d'assistance au
développement vous seront proposés dans le but de fournir de
nouveaux moyens pour stimuler l'activité minière.
Pour les régions, également, le gouvernement vous
proposera d'actualiser ses orientations de rationalisation, de consolidation et
de rentabilisation de toutes les activités de l'industrie des
pêches et fera preuve d'une vigilance accrue dans le partage de
ressources. Suite à une consultation, un projet de loi concernant les
pêcheurs commerciaux pourrait être présenté pour
assurer, entre autres, la reconnaissance des mécanismes de
représentation de l'industrie québécoise des
pêches.
Avec la mondialisation des marchés, la libéralisation du
commerce, les nouvelles conditions qui se dessinent en agriculture impliquent
des modifications au mode d'intervention du gouvernement. L'ajustement des
programmes de financement agricole et d'encadrement technique des agriculteurs
s'impose pour répondre à ces nouvelles conditions de
l'économie moderne. L'organisation d'un sommet sur l'avenir des
politiques agricoles portant sur toutes ces questions permettra de
dégager un consensus à cet égard. Le gouvernement
renouvelle devant cette Assemblée sa solidarité envers le monde
agricole du Québec en ce qui concerne les négociations du
GATT.
C'est dans ce même esprit de solidarité et de participation
que des modifications législatives touchant le financement des
entreprises agricoles auprès des institutions prêteuses seront
proposées. Vous serez appelés, de plus, à discuter d'un
projet de loi régissant la nature des interventions en matière de
financement agricole, de même qu'une révision des programmes de
sécurité du revenu. Dans le but de promouvoir la
régionalisation des programmes, une réorientation des programmes
d'aide aux exploitations agricoles sera envisagée, de même qu'une
nouvelle façon d'encourager la formation, d'encourager la recherche et
les transferts technologiques ainsi que la gestion et la préparation de
la relève.
Le gouvernement, par ailleurs, entend intégrer les politiques de
l'environnement et de l'agriculture dans le cadre d'une stratégie
québécoise sur le développement durable en agriculture. Le
gouvernement mettra également en place une stratégie de
protection des cours d'eau en milieu agricole afin d'améliorer de
façon substantielle leur qualité d'ici à l'an 2000. Des
mesures seront prises pour réduire de 50 % l'usage des pesticides. Un
règlement favorisant une approche intégrée eau-air-sol
pour mieux tenir compte des préoccupations environnementales en milieu
agricole est également prévu. Une politique d'intervention en
matière de gestion de la faune sera instaurée afin d'encourager
une implication accrue des intervenants extérieurs dans l'offre
d'activités et de services.
The National Assembly will be called upon to study amendments to the Act
respecting the conservation and development of wildlife in order to improve and
protect wildlife habitats.
En ce qui a trait au transport, le gouvernement entend poursuivre
l'effort entrepris au chapitre de la conservation et de l'amélioration
du réseau routier. Un projet de loi visant à moderniser la Loi
sur la voirie et à préciser les responsabilités des
municipalités dans ce domaine vous sera soumis. Pour améliorer
notre bilan en matière de sécurité pour l'ensemble des
véhicules motorisés, des modifications seront proposées au
Code de la sécurité routière et à sa
réglementation. L'encadrement législatif des secteurs du
camionnage, du transport par taxi, des traver-siers du Québec, sera
également amélioré.
Le gouvernement entend prendre les moyens pour assurer la mise en oeuvre
de son plan d'action touchant le tourisme par des mécanismes de
concertation avec l'industrie et les partenaires publics.
Quebec's economic development must be carried out along with protection
of the environment. The Government's action in this field will continue to be
based on two general principles: the liability of those responsible for
pollution and the search for a constant balance in the use and exploitation of
resources so as to ensure lasting development.
Cette Assemblée suivra les étapes législatives
nécessaires à la mise en place de l'Office de protection de
l'environnement. En outre, le gouvernement donnera la suite appropriée
aux recommandations de la commission parlementaire qui a étudié
le régime d'évaluation de l'environnement. Une politique sur la
qualité de l'air définira des objectifs qualitatifs et des
propositions de réglementation en découleront.
Également, un projet de règlement sur les CFC sera
proposé afin de donner suite au protocole de Montréal. La
réglementation sur les déchets dangereux sera
révisée. Elle touchera désormais toutes les
matières dangereuses. De plus, le gouvernement continuera de favoriser,
par diverses mesures, la récupération et le
recyclage. Par ailleurs, une étude sectorielle sur
l'industrie québécoise des produits et services de
l'environnement sera réalisée dans le but de favoriser la
conception au Québec d'équipements nécessaires à la
manipulation, au traitement et au recyclage des rejets et des
déchets.
Le soutien aux entreprises et aux travailleurs et
travailleuses, la qualité de la formation des ressources humaines, le
développement du potentiel des régions et la protection de
l'environnement ne sont que quelques-uns des instruments majeurs de
développement qui feront l'objet des travaux de votre Assemblée
au cours de la présente session.
La recherche de l'amélioration de la qualité
de la vie a été inscrite au coeur de la réforme majeure du
système de santé et des services sociaux. L'Assemblée
nationale a déjà été associée à cette
imposante réforme. Le gouvernement vous invitera à poursuivre
votre travail en étudiant un projet de loi précisant les
modalités d'application de la Loi sur les services de santé et
les services sociaux. L'implantation de cette réforme s'inscrit dans la
perspective d'une politique de santé et de bien-être qui vise
à rassembler tous les intervenants autour d'objectifs centrés sur
la réduction des problèmes de santé et de bien-être.
Elle a pour but de mieux faire prendre conscience des facteurs agissant sur la
santé et le bien-être et des possibilités de créer
des conditions plus favorables à leur amélioration.
À la suite des travaux du comité
chargé d'analyser la situation des personnes âgées, un plan
d'action les concernant sera élaboré. Ce plan proposera un
conseil des aînés ainsi qu'un ensemble de mesures visant à
améliorer leurs conditions de vie et rendre disponibles ou bonifier
différents services, notamment les services à domicile, le nombre
de lits de courte durée et la rénovation fonctionnelle des
logements.
L'année 1992 marquera la fin de la décennie
des personnes handicapées, décrétée par
l'Organisation des Nations unies. Outre sa participation à un forum
national où seront discutés les progrès accomplis et les
perspectives d'avenir, le gouvernement révélera les règles
d'admissibilité au programme d'aide au transport adapté afin de
favoriser un plus large accès à celui-ci.
La famille constitue la cellule de base de notre
société et c'est toutefois l'une des institutions qui a connu les
plus profondes mutations au cours des dernières décennies. Compte
tenu de l'importance vitale de la famille, un deuxième plan d'action
triennal sera rendu public. Axé sur la prévention, la
conciliation du travail et de la vie familiale, l'amélioration du milieu
de vie et le respect des valeurs familiales, il apportera un soutien accru aux
jeunes parents. Les services de médiation en matière familiale
seront implantés dans toutes les régions du Québec et les
modifications nécessaires au Code de procédure civile vous seront
soumises. (14 h 30)
En matière de pension alimentaire, le gouvernement
verra à modifier les mécanismes de perception et simplifiera les
procédures d'exécution à l'encontre du débiteur en
défaut. Parce qu'ils constituent un instrument indispensable à la
participation des parents sur le marché du travail, les services de
garde continueront de recevoir une attention toute spéciale du
gouvernement.
Vous serez saisis d'un plan d'action qui viendra soutenir
le développement optimal des jeunes, protéger l'enfant ou
l'adolescent dont la sécurité ou le développement est
compromis et accroître les chances de réinsertion sociale des
jeunes en difficulté. Le gouvernement mènera une étude sur
les jeunes d'âge scolaire qui sont en même temps sur le
marché du travail. Il analysera l'impact de ce phénomène
sur l'abandon scolaire de même que pour toute notre collectivité,
dont le développement et l'avenir dépendent de la qualité
de ses ressources humaines. Enfin, un projet de loi modifiant la Loi sur la
protection de la jeunesse sera soumis à l'Assemblée
nationale.
L'équité en emploi constitue l'un des grands
volets de la politique de la condition féminine qui sera
déposée prochainement. De plus, la lutte contre la violence
conjugale et familiale demeurera au coeur des priorités
gouvernementales.
L'évolution de la pauvreté préoccupe
le gouvernement au plus haut point. Il entend poursuivre ses efforts pour en
limiter les effets. Entre autres, un plan d'harmonisation des politiques
d'habitation et de sécurité du revenu avec le régime
fiscal permettra de mieux cibler l'aide consentie, compte tenu de l'ampleur des
besoins de logements, et assurera une répartition équitable de
cette aide entre les clientèles à faibles revenus. Des mesures
seront également adoptées afin de venir en aide aux familles
monoparentales.
L'ensemble des ministères sera appelé
à examiner une réallocation de leurs ressources en fonction d'une
lutte concertée contre la pauvreté. Dans le prolongement du
premier Sommet de la justice, le gouvernement déposera devant votre
Assemblée un projet de loi visant à instituer un cadre et des
règles de base pour mieux assurer l'indépendance et
l'impartialité des organismes administratifs, tout en continuant
d'augmenter leur efficacité.
Le nouveau Code civil du Québec entraînera des
amendements au Code de procédure civile ainsi qu'à d'autres lois.
Vous serez invités à adopter un projet de loi sur
l'hypothèque mobilière. Vous serez également
appelés à poursuivre l'étude du projet de loi sur
l'Institut de la réforme du droit. Les victimes d'actes criminels
verront leur situation améliorée par la réforme du
régime d'indemnisation et de développement du réseau des
centres d'aide aux victimes.
L'admissibilité à l'aide juridique des
Québécois dits économiquement défavorisés
fera l'objet de modifications. Également, la juridiction de la Cour des
petites créances sera élargie et le processus judiciaire en
matière d'infractions pénales sera allégé.
En matière de communications, le gouvernement déposera
à cette Assemblée un projet de loi touchant la protection des
renseignements personnels dans le secteur privé. La commercialisation
des banques de données publiques fera l'objet d'une politique
gouvernementale. Des amendements seront proposés à la Loi sur
l'accès à l'information pour tenir compte des consultations
publiques auxquelles plusieurs des membres de cette Assemblée ont
été associés. Par ailleurs, le gouvernement entend
compléter l'élaboration d'une politique intégrée
des communications.
L'émergence du Québec comme société
distincte est redevable en grande partie à l'explosion culturelle qu'il
a connue au début des années soixante, la très grande
vitalité de la culture québécoise contemporaine. Au terme
d'un processus élaboré de consultation, le gouvernement est en
mesure de déposer à cette Assemblée une politique
culturelle. La réalisation de cette politique amènera le
dépôt devant cette Assemblée de plusieurs projets de loi
qui toucheront de nombreux aspects de nos institutions culturelles.
The Government has the responsibility to work with the English-speaking
community to reestablish trust, to strenghten its base and to encourage
participation in our collective life as Quebeckers. English-speaking Quebeckers
have developed a vibrant network of institutions that is the cornerstone of
their community. Our Government wants to see this relation grow and believes it
should be increased in order to strenghten the community. In particular, the
Government will continue its leadership role and support of English language in
health and social service institutions. The Government recognizes the concerns
of the English-speaking community with respect to its future and the prospect
of its youth leaving Québec.
Québécoises et Québécois de langue anglaise
ont été appelés à examiner, au cours des derniers
mois, les services éducatifs qui leur sont offerts. Le groupe de travail
sur le réseau scolaire anglophone, présidé par Mme Greta
Chambers, vient de remettre son rapport. Les nombreux aspects de ce rapport
seront analysés attentivement et le gouvernement y donnera la suite
appropriée.
L'accueil et l'intégration des immigrants à la
collectivité québécoise constituent l'un des défis
majeurs que relèvent le Québec. Dans la foulée de son
énoncé de politique sur l'immigration et de l'entente
fédérale-provinciale de 1991, le gouvernement soumettra à
l'Assemblée le premier projet de loi sur l'immigration et
l'intégration, confirmant ainsi la compétence
québécoise en cette matière et apportant surtout une
amélioration considérable des programmes d'intégration
économique, sociale et culturelle des immigrants. Ce projet viendra
illustrer la prise en charge progressive par le Québec d'un important
levier de son développement.
La poursuite de l'harmonisation des relations avec les
différentes nations autochtones du Québec demeure au coeur des
préoccupations de notre société. Aussi, le gouvernement
continuera les démarches entreprises en vue de l'élaboration
d'une politique autochtone.
La gestion du territoire, son exploitation, son développement
passent par la synergie des moyens développés par le gouvernement
et les municipalités, et ces dernières dispensent un nombre
croissant de services à leurs citoyens. Il importe que se poursuive un
dialogue construct à la table Québec-municipalités. Le
gouvernement entend profiter de la reprise des travaux de cette table pour
consolider les relations et les échéances avec les partenaires
municipaux, dans un esprit d'étroite collaboration et d'ouverture. La
révision et la modernisation des structures municipales, de même
que le regroupement de services à la population, seront entreprises de
concert avec les représentants du monde municipal. Un projet de loi
prévoyant des modifications à la Loi sur l'aménagement et
l'urbanisme sera déposé en vue d'améliorer le processus
d'élaboration et de révision des schémas
d'aménagement et de favoriser la pratique de l'urbanisme dans les
municipalités. La révision de l'ensemble des lois municipales se
poursuivra.
Le gouvernement entreprendra une réflexion approfondie sur
l'exercice des fonctions municipales et sur l'organisation du territoire de
Montréal et de sa région. Un groupe de travail recommandera des
voies d'action touchant l'ensemble des questions reliées au
développement de Montréal, dont l'aménagement du
territoire, ses structures politiques et ses fonctions comme métropole
et comme ville centre. Par ailleurs, le gouvernement mettra en oeuvre le plan
d'action stratégique pour le redressement durable du Grand
Montréal.
Montréal holds a key position given its metropolitan status and
its contribution to the economic and social development of Québec as a
whole.
Le gouvernement déposera un plan d'action établissant les
priorités de mise en valeur du territoire de sa capitale,
Québec.
Au terme de cette présentation et des initiatives du gouvernement
à l'égard desquelles vous consacrerez de très nombreuses
heures, je vous souhaite des débats empreints de
générosité, de rigueur et de tolérance. Ce que la
population attend de vous, c'est ce rôle privilégié, mais
particulièrement exigeant qu'il vous a confié pour faire cheminer
le Québec dans la voie du progrès social et du progrès
économique. Je prie la Divine Providence de bénir tous vos
travaux. Je vous remercie.
Le Président: Mmes et MM. les députés, nous
allons suspendre nos travaux quelques instants. Je vous invite à
demeurer à vos places jusqu'à la reprise de la séance.
(Suspension de la séance à 14 h 41)
(Reprise à 14 h 42)
Le Président: Alors, Mmes et MM. les
députés, vous êtes priés de vous asseoir.
J'invite maintenant le premier ministre à prononcer le discours
d'ouverture de cette deuxième session de la trente-quatrième
Législature. M. le premier ministre.
Discours d'ouverture M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, je voudrais souligner
l'importance et le grand intérêt de respecter ces orientations et
de réaliser ces mesures qui viennent d'être
énoncées, au nom du gouvernement, dans le discours du
lieutenant-gouverneur.
On doit constater les très nombreux programmes d'action,
près d'une centaine de mesures, dans tous les grands secteurs de
l'activité gouvernementale: évidemment, la culture et
l'éducation dont les objectifs se complètent et sont convergents,
le développement social, l'environnement et tous les secteurs de
l'activité économique.
Je voudrais traiter, dans mon exposé, principalement de
l'environnement: l'environnement économique, financier et
constitutionnel qui, nécessairement, pourra influencer et encadrer la
réalisation de ces objectifs. C'est évidemment un aspect
strictement essentiel pour obtenir des résultats concrets.
Auparavant, je me permettrai de souligner, comme l'a fait le
lieutenant-gouverneur, le Bicentenaire de nos institutions parlementaires. Nous
sommes, dans cette Assemblée nationale, dans la maison de la
démocratie, l'une des toutes premières en Amérique du
Nord. Nous sommes aussi dans la maison de la francophonie en Amérique du
Nord, puisque notre gouvernement est le seul qui est responsable à un
peuple majoritairement francophone.
L'Assemblée nationale, très souvent, a été
à l'avant-garde, en Occident, de la qualité de vie
démocratique. On n'a qu'à penser à la loi sur le
financement des partis qui a été et qui reste un modèle
pour tous les pays démocratiques. C'est évident que nous devons
demeurer vigilants. Il ne faut pas oublier que, même après deux
siècles, la liberté et la démocratie exigent un effort
permanent.
C'est clair qu'il y a plusieurs centaines de députés qui
ont siégé, qui ont eu le privilège de siéger en
cette Assemblée nationale, mais nous, nous avons le privilège
d'avoir parmi nous le député qui a siégé le plus
longtemps, le député de Bonaventure. Il y a bien quelques
députés qui ont également obtenu une
longévité parlementaire - son prédécesseur, M.
Alexandre Tas-chereau - mais il y a un avantage remarquable dans le cas du
député de Bonaventure. C'est que, lui, il a été
élu après que les femmes eurent obtenu le droit de vote.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, l'économie est
normalement une priorité fondamentale. Avec le ralentissement
économique que nous connaissons, c'est encore plus clair. Après
cinq ans ou six ans de croissance économique très importante,
nous devons assumer, depuis environ 20 mois, un ralentissement
économique très prononcé, avec toutes les
conséquences que cela comporte, très dures,
sévères, brutales, dans certains cas. Qu'on pense, notamment,
à l'accroissement du chômage chez les jeunes, à
l'insécurité, à l'anxiété pour tous ceux qui
sont menacés de chômage, à l'appauvrissement collectif de
notre société qui résulte inéluctablement d'une
réduction du taux de croissance économique.
Cette situation, on le sait, n'est pas particulière au
Québec. Tous les continents en sont frappés; les voisins
immédiats du Québec aussi, comme l'Ontario, l'État de New
York, la Nouvelle-Angleterre, les Matitimes. Comme le Québec exporte, on
le sait, 40 % de sa production et qu'une bonne partie de ces exportations sont
faites chez nos voisins immédiats, le ralentissement prend une allure
incontournable, puisque nous ne pouvons pas vivre dans un monde
séparé de ceux qui nous entourent. Mais la responsabilité
très ferme du gouvernement du Québec, c'est d'en limiter
l'impact.
Donc, nous avons agi avec une multiplication de mesures, que ce soit
dans le budget de 1990, dans le budget de 1991, dans les programmes comme Mon
taux, mon toit, qui a eu un succès exceptionnel. Dans le plan
d'accélération des investissements publics, 600 projets ont
été devancés; dans le cas de la relance des PME avec la
Société de développement industriel, plusieurs centaines
de projets ont été facilités.
Évidemment, le gouvernement a aussi développé, et
c'est un objectif fondamental, la concertation économique entre les
différents agents: patrons, travailleurs et gouvernement. Nous avons
développé cette concertation à un niveau
inégalé au Québec, au Canada et, je dirais même, en
Amérique du Nord. On a pu le constater avec l'accueil qu'a reçu
la politique de développement industriel du ministre de l'Industrie et
du Commerce, avec l'accueil qu'a reçu par presque tous les intervenants
la politique de formation de la main-d'oeuvre par le ministre de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. On
le constate aussi par cette paix industrielle que nous connaissons et
qui se reflète par les prolongements des conventions collectives. Cette
paix industrielle est un atout très important dans la promotion de nos
investissements, mais il y a d'autres atouts aussi qui sont bien connus, comme
la qualité exceptionnelle de notre main-d'oeuvre, qu'on souligne
régulièrement dans toutes les discussions qu'on peut avoir avec
ceux qui sont intéressés à investir dans le Québec
et qui est une source de confiance pour notre avenir. (14 h 50)
II y a aussi cette fiscalité des entreprises qui doit demeurer
très concurrentielle. On parle beaucoup de réforme de la
fiscalité et nous sommes ouverts pour en discuter, mais il ne faut pas
oublier la réalité des choses. Dans le cas des entreprises, les
profits d'aujourd'hui sont les investissements de demain et les emplois
d'après-demain, sans compter les emplois qui sont créés
avec les investissements.
Plus directement, l'État peut jouer un rôle à
travers les sociétés d'État. On le sait,
HydroQuébec, cette année, investit 4 000 000 000 $; la SGF est
intervenue dans le cas de Domtar; les alumineries et d'autres projets. J'ai
parlé de la SDI. On pourrait parler du rôle de la Caisse de
dépôt, de REXFOR, de SOQUIP dans le cas de Soligaz. On voit que le
gouvernement, directement par ses politiques fiscales et financières, de
même que par les instruments que l'État québécois
s'est donnés depuis le début de la Révolution tranquille,
s'implique de la façon la plus efficace possible.
Il y a d'autres projets qui sont envisagés. On peut certainement
mentionner celui dont on a beaucoup parlé, le projet de la
Grande-Baleine, qui demeure un objectif du gouvernement. Mais, là aussi,
le calendrier est lié aux forces économiques, le
développement est lié notamment, pour une certaine période
très courte mais existante quand même, à l'exportation
qu'on peut faire dans des États voisins comme dans l'État de New
York. Et même si on a beaucoup d'imagination, on ne peut pas blâmer
le gouvernement du Québec de la récession qui existe actuellement
dans l'État de New York, qui a perdu l'an dernier près de 200 000
emplois. Donc, il y a des phénomènes comme ceux-là, des
contraintes que nous devons respecter.
Toutes ces actions de l'État, M. le Président, sont
situées dans un contexte de plus en plus influencé par
l'évolution du commerce international. On en a des exemples tous les
jours, notamment dans nos relations commerciales avec les États-Unis.
Dans un simple rapport de force à cet égard, la situation du
Québec et du Canada n'est pas toujours facile, surtout avec le
développement du commerce international, d'où l'importance vitale
pour le Québec et le Canada d'accepter de participer à ces
ententes, comme nous l'avons fait dans le cas du libre-échange ou dans
le cas du GATT. C'est la seule façon con- crète, réelle de
circonscrire ou de limiter les abus de pouvoir économique des plus forts
à cause de l'existence de ces mécanismes de différends qui
nous permettent d'avoir dans les décisions qui sont prises des
décisions qui respectent le mérite du dossier.
Sous ce rapport, le gouvernement du Québec suit de très
près les négociations du GATT pour protéger sa force
concurrentielle dans la conquête de nouveaux marchés, mais aussi
pour protéger le développement de l'agriculture
québécoise. On a eu l'occasion de souligner les batailles qui ont
été faites par le gouvernement et par le ministre responsable
pour le renforcement de l'article 11, et toutes les discussions qui ont
été tenues, que ce soit au Québec, en Europe et avec nos
partenaires canadiens. Comme on le voit, le combat économique est un
combat de tous les jours. Le gouvernement l'assume pleinement et en fait sa
principale priorité.
Que nous réserve l'avenir immédiat? L'expérience
récente a fait de la prudence en matière de prédictions
économiques une vertu bien légitime. Toutefois, on doit mettre en
relief plusieurs éléments encourageants: l'inflation est la plus
basse depuis plusieurs décennies; le dollar canadien a subi une baisse
depuis quelques mois qui permet d'augmenter plus facilement nos exportations;
le taux d'épargne est quelque peu plus élevé que la
normale; le niveau des inventaires aussi permet d'espérer une plus
grande production; les taux d'intérêt sont relativement modestes
par rapport à ceux qui existaient il y a un an ou il y a deux ans. Et on
veut souhaiter, à cet égard, le réalisme de la Banque du
Canada, puisque le Canada a l'un des taux d'inflation parmi les plus bas de
tous les pays industrialisés. Il y a là une marge de manoeuvre
pour ceux qui ont à décider de la politique monétaire, de
tenir compte du niveau d'activités économiques que connaissent
actuellement toutes les régions du Canada.
Donc, à la lumière de plusieurs indicateurs, l'optimisme
n'est pas interdit, bien au contraire, et on peut être assuré que
le gouvernement est fermement déterminé à poursuivre
résolument son travail en tenant compte des nouveaux paramètres
qui existent, des règles du jeu du commerce international. Nous avons
fait beaucoup, nous continuons d'agir en en faisant notre première
priorité et, dans quelques semaines, le discours sur le budget pourra
compléter d'autres mesures qui ont déjà été
annoncées.
De façon pratique, on ne peut pas parler de l'évolution de
l'économie sans traiter de son impact sur la fiscalité et les
finances publiques. En effet, le ralentissement économique a
créé de sérieux problèmes budgétaires. Avant
le ralentissement de l'économie, nous avions presque atteint
l'équilibre dans les finances publiques, c'est-à-dire que les
dépenses courantes et les revenus courants étaient à peu
près en équilibre. Mais, depuis, la situation s'est
détériorée. Même
si elle n'est pas dramatique, comme l'a souligné hier le ministre
des Finances, elle est préoccupante et exigeante.
D'abord, on doit savoir que nous ne pouvons pas compter, dans
l'augmentation des revenus, sur l'inflation. Nous ne pouvons pas compter sur
une croissance très forte. Je crois que, pour 1992, le taux nominal de
croissance devrait se situer à environ 4 %; c'est le plus bas depuis
1961. Nous ne pouvons pas compter - et, là-dessus, tout le monde va
être d'accord - sur l'augmentation des impôts. Le gouvernement a
dû augmenter plusieurs taxes, évidemment, mais pas les
impôts directs. Je tiens à le souligner, l'impôt sur le
revenu n'a pas été augmenté depuis sept ans. Il n'y a pas
beaucoup de gouvernements qui peuvent présenter un tel bilan sur le plan
des impôts directs. Quant au niveau des taxes, nous sommes bien
près d'atteindre la loi des rendements décroissants, et c'est
pourquoi on ne peut pas escompter une augmentation de revenus avec ce type
d'accroissement.
Le gouvernement a dû, il l'admet, assumer des décisions
difficiles à ce niveau-là. Ceux qui sont tentés parfois de
nous accuser de gouverner par sondages devraient constater que, sur le plan
fiscal, ce n'est pas précisément ce que nous avons fait. Mais
nous avons essayé d'être responsables en tenant compte de la
protection de l'avenir ou des droits des générations futures en
n'augmentant pas le déficit d'une façon
inconsidérée. C'est vrai que ce déficit est plus
élevé que prévu, mais si nous regardons son poids dans le
produit intérieur brut, si nous voyons le niveau des déficits,
encore là, chez nos principaux concurrents, nos voisins
immédiats, que ce soit à l'est, au sud et à l'ouest, on
doit réaliser que c'est très comparable.
C'est vrai qu'il y a un endettement élevé pour le
Québec. Le service de la dette est d'environ 16 % en 1991-1992. Il
était de 4 %. Le poids du service de la dette dans les dépenses
budgétaires était de 4 %, d'un peu plus de 4 % quand j'ai fait
mon discours, comme ministre des Finances, en juin 1970. Il a quadruplé
depuis 1970. Je n'ai pas l'intention, M. le Président, d'être
désobligeant et d'expliquer avec quel gouvernement ce service de la
dette s'est accru le plus rapidement. (15 heures)
Donc, si la marge de manoeuvre est étroite, à cause de la
baisse du taux de croissance des revenus et du déficit, qu'en est-il du
côté des dépenses? Nous avons eu la collaboration de nos
partenaires, notamment avec l'acceptation d'un gel. Mais nous sommes
obligés - je disais tantôt jusqu'à quel point le taux
nominal de croissance était relativement peu élevé - de
vivre avec la réalité de tous les jours et on sait que la masse
salariale du personnel syndiqué est l'une des composantes les plus
importantes du budget. Or, en 1992-1993, si l'on tient compte de
l'équité salariale - il y a eu gel, d'accord, mais il y a
l'équité salariale, il y a la progression dans les
échelons, il y a les contributions d'employeur -le gel des offres plus
les propositions qui ont été faites par le président du
Conseil du trésor vont conduire à une augmentation de 3,4 % pour
1992-1993.
Il y a un autre secteur qui est très important, comme on le sait,
dans les dépenses, le principal programme, celui de la santé. Il
est bien connu que ce programme augmente au taux d'inflation plus 3 %. Les
raisons sont également bien connues: le vieillissement,
l'alourdissement, les développements des clientèles, le
développement des technologies. Et le gouvernement et le
ministère et le ministre font tous les efforts nécessaires,
notamment avec la réforme qui a suivi l'adoption de la loi 120, mais
c'est un défi très exigeant puisque les dépenses de la
santé sont des dépenses qui sont liées aux progrès
de notre civilisation. La tâche est rendue plus difficile par la
réduction des transferts fédéraux, par l'endettement dont
je parlais tantôt, par la croissance économique plus faible. Ces
trois facteurs n'aident pas au financement de plusieurs programmes
établis dans une conjoncture beaucoup plus favorable.
Bref, dans le domaine des finances publiques comme dans le domaine de
l'économie, nous vivons dans une autre époque.
L'État-providence manque de souffle, ici comme ailleurs, y compris en
Suède où le célèbre modèle suédois
est actuellement sérieusement remis en question. Car la question est
bien simple: Jusqu'où peut-on hypothéquer l'avenir pour
développer l'État-providence comme dans le passé? Ce n'est
pas une question d'idéologie, c'est une question pratique. C'est dans
cet esprit que plusieurs groupes, notamment des députés
libéraux, dans un comité présidé par le
député de Chauveau, M. Rémy Poulin, des hauts
fonctionnaires, dans un comité présidé par le
secrétaire général, M. Morin, les membres également
de mon parti, ont examiné et proposé des voies de solution que le
gouvernement a reçues avec grand intérêt et avec toute la
confiance de pouvoir agir à cet égard. Ces propositions sont
réalistes et tiennent compte des contraintes que l'État se doit
d'assumer.
Je sais, par ailleurs, M. le Président, que certains proposent
des réductions de taxes tout en proposant en même temps des
augmentations de dépenses, tout en critiquant l'augmentation du
déficit. Bref, ils proposent de réaliser la quadrature du cercle.
Je dis simplement à ces honorables amis que ceux qui font de telles
promesses de réduire les taxes, d'augmenter les dépenses et de
réduire le déficit prennent un risque énorme avec leur
crédibilité.
Mutation industrielle, nouveau modèle de développement
social, on doit constater que le vent du changement s'applique également
dans le secteur constitutionnel. En novembre 1989, j'avais souhaité la
ratification de l'accord du lac
Meech. On connaît la suite. Vingt mois après, on constate
que le Canada, sur le plan constitutionnel, est dans l'une des situations les
plus difficiles de son histoire. Ce qu'on appelait «la ronde
Québec», qui faisait suite à un engagement unanime - ce
qu'on a appelé «la déclaration d'Edmonton» en
août 1986 - et qui avait pour but de corriger l'injustice de 1982 a
été suivi par la ronde Canada, et cela sans que l'iniquité
de 1982 ait été rectifiée. Le résultat:
l'Assemblée nationale a fait adopter la loi 150 suite à la
parution du rapport de la commission Bélanger-Campeau. Comme on le sait,
cette commission proposait deux voies: celle de la souveraineté et celle
du fédéralisme renouvelé.
Le gouvernement fédéral a accepté
l'échéancier de la loi 150 et a institué
différentes commissions: Spicer, Beaudoin-Dobbie afin de
présenter des propositions en étroite collaboration avec les
partenaires canadiens. À plusieurs reprises, le gouvernement a fait part
de ses grands objectifs pour la réforme constitutionnelle, ses objectifs
pour un fédéralisme renouvelé. Encore hier, M. le
Président, l'Assemblée presque toute entière a
appuyé cet objectif du fédéralisme renouvelé.
Des voix: Bravo!
M. Bourassa: M. le Président, les textes parlent par
eux-mêmes de même que les votes. Si j'ai bien lu, on a
adopté une résolution approuvant le fédéralisme
renouvelé.
Ce que nous disons, M. le Président, c'est que nous recherchons
l'accord du lac Meech en substance et un nouveau partage des pouvoirs. La loi
150 prévoit l'examen par deux commissions: ta commission sur les offres
et la commission sur les implications et les coûts de l'accession
à la souveraineté. C'est évident que les recommandations
de ces commissions seront une étape très importante dans le
processus de décision. Je voudrais souligner ici que la loi 150 propose
ces deux objectifs et que nous poursuivons, de notre côté, la
recherche de l'application de la voie du fédéralisme
renouvelé. J'avoue humblement, pour ce qui a trait à la loi 150 -
je ne parle pas de la résolution d'hier - que je comprends difficilement
qu'on invoque cette loi aujourd'hui comme étant intouchable, qu'on
appelle des centaines de milliers de citoyens à signer une
pétition pour l'application de la loi 150 alors qu'on a voté - je
ne comprends pas la logique - et en deuxième lecture et en
troisième lecture contre la loi 150.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
M. Bourassa: M. le Président, j'aimerais savoir de mes
honorables amis à gauche, à votre gauche, en vertu de quelle
liturgie ce qui était hérétique en juin 1991 devient
sacré en mars 1992. (15 h 10)
Des voix: Ha, ha, ha! Bravo! Bravo!
M. Bourassa: M. le Président, pourquoi le gouvernement
souhaite-t-il le renouvellement du fédéralisme de façon
très concise? On peut donner quelques raisons. Le Canada - personne ne
peut le nier - est un rare pays privilégié au monde en termes de
paix, de liberté, de justice et de niveau de vie.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Bourassa: M. le Président, on peut également
souligner d'autres aspects: les problèmes que comporte la
désintégration d'une fédération qui existe depuis
125 ans et dont les liens sont de plus en plus étroits. Le processus
paraît long, complexe, coûteux, tout cela, évidemment, sujet
aux recommandations de la commission qui examine l'accession à la
souveraineté. Dans ce fédéralisme, le Québec vise
à obtenir tous les pouvoirs pour gérer son développement
social, culturel et économique. Il constate aussi que, dans ce
fédéralisme, il conserve son droit à
l'autodétermination ou son droit à la souveraineté qu'on
lui a reconnu de facto en 1980. Je me souviens très bien, M. le
Président, d'un discours que je prononçais en juin 1987, le 18
juin 1987, lorsque j'ai proposé la ratification de l'accord du lac
Meech; je mentionnais, à ce moment-là, très clairement
qu'avec l'accord du lac Meech nous conservions ce droit à
l'autodétermination.
Il y a toute la question de la sécurité économique.
On invoque la déclaration du 23 juin 1990. Qu'on lise cette
déclaration et on verra que le chef du gouvernement, parlant directement
à ses compatriotes, leur disait qu'aucun geste ne serait posé de
manière à compromettre la sécurité
économique des Québécois. Voilà ce qu'on disait en
juin 1990. Le fédéralisme économique, M. le
Président, consolide l'union économique et monétaire.
L'union monétaire se reflète au niveau des taux
d'intérêt, au niveau du déficit, au niveau de
l'endettement. Elle présume de liens politiques pour être durable.
Autrement, si elle n'est pas soutenue par des liens politiques, l'union
monétaire se fragilise et, à ce moment-là, devient
temporaire dans une situation économique d'une grande volatilité
des capitaux.
Qu'on n'oublie pas, M. le Président, qu'actuellement le Canada,
ses institutions, ses gouvernements ont 260 000 000 000 $ de prêts
à l'étranger, 260 000 000 000 $ qui sont prêtés aux
différents gouvernements et compagnies, d'où l'importance dans
les décisions qu'on prend de tenir compte de la volatilité des
capitaux dans un contexte comme celui-là avec les conséquences
que ça peut comporter. M. le Président, ce n'est pas une faute
d'être réaliste de ce côté-ci de la Chambre.
Sur le plan international, le Canada et le Québec, actuellement,
sont des États très respectés. Nous le constatons, que ce
soit dans des
rencontres avec les représentants de l'étranger, que ce
soit ici ou ailleurs. Nous pouvons signer des ententes sans aucune contrainte
constitutionnelle, comme je l'ai fait avec le président de la Roumanie.
Nous pouvons signer des ententes avec les pays étrangers. Dans le monde
francophone, le Québec s'affirme. Je veux rendre hommage au
prédécesseur du chef de l'Opposition, M. Pierre Marc Johnson; je
veux lui rendre hommage d'avoir signé cette entente au nom de son
gouvernement, à laquelle participaient plusieurs de ses
collègues, en octobre 1985, avec M. Mulro-ney, permettant au
Québec d'avoir un rôle distinct au sein de la francophonie
internationale. Donc, on doit constater que le Québec, dans le contexte
actuel, peut s'affirmer sur ce plan-là, comme nous l'avons
démontré à plusieurs reprises.
M. le Président, j'ai souligné que les objectifs du
gouvernement étaient de respecter l'accord du lac Meech et de travailler
à un nouveau partage de pouvoirs acceptable au Québec. On doit
constater à l'égard de l'accord du lac Meech, comme je l'ai dit
le 3 mars dernier, qu'il y a un rapprochement pour ce qui a trait à
certaines propositions, notamment au droit de veto. Par ailleurs, sur le
partage des pouvoirs, la méthode proposée n'est pas
acceptable.
Il est vrai qu'on mentionne un nombre relativement élevé
de pouvoirs qui seraient accessibles au Québec et il est vrai
également qu'il n'y a pas beaucoup de précédents où
autant de pouvoirs ont été offerts aux différents
gouvernements, notamment au gouvernement du Québec. Mais les textes qui
nous ont été soumis ne suivent pas les intentions
exprimées, et c'est pourquoi nous avons exprimé notre
désaccord. Si c'est exclusif, c'est exclusif.
Cela étant dit, on est réaliste; on est conscient de la
réalité géographique du Québec qui se trouve au
coeur d'une union économique, avec la liberté de circulation des
capitaux, des personnes, des biens et des services. Chaque pays doit avoir la
politique de sa géographie. Donc, nous sommes au coeur de cette union
économique. Donc, des ententes librement négociées peuvent
être faites dans certains secteurs, que ce soit pour fins
d'équivalence ou de compatibilité, mais en respectant,
évidemment, le caractère des pouvoirs qui, selon la Constitution
- ça peut être très opportun - sont de juridiction
québécoise. C'est le sens commun qui doit nous guider à
cet égard.
M. le Président, le gouvernement du Québec et la
majorité de cette Assemblée souhaitent vivement la
réussite des présentes discussions constitutionnelles. Le
gouvernement actuel a démontré dans le passé sa
volonté d'en arriver à une entente raisonnable. C'est encore sa
politique comme, nous le croyons aussi, celle d'une majorité de la
population. S'il n'était pas compris et qu'on veuille forcer le
Québec à faire des choix sans tenir compte des
événements de 1982 et de 1990, qu'on se rappelle que la
fierté du peuple québécois ainsi que sa dignité ne
sont pas négociables. Respecter notre histoire dans l'édification
de ce monde nouveau où tous les peuples doivent collaborer,
voilà, M. le Président, ce que nous disons à nos
partenaires canadiens.
C'est ce que j'avais à dire dans cette première
journée de la nouvelle session. Je veux assurer cette Assemblée
de notre plus grande détermination à travailler de toutes nos
forces pour protéger l'avenir de tous les Québécois.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, conformément aux dispositions
du règlement, les travaux de l'Assemblée sont ajournés au
mardi 24 mars prochain, à 14 heures.
(Fin de la séance à 15 h 20)