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(Quatorze heures huit minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! MM.
les députés, s'il vous plaît. Nous allons nous recueillir
quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Alors, en ce mardi 17 mars, nous allons procéder aux affaires
courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents. M. le ministre des Finances.
Dépôt de documents
Rapport annuel, états financiers,
statistiques financières et
investissements
de la Caisse de dépôt et
placement
M. Levesque: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport annuel 1990-1991 de la Caisse de dépôt
et placement du Québec, ainsi que les statistiques financières
pour la même année.
Le Président: ces documents sont déposés. m.
le ministre de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de
la formation professionnelle.
Rapport annuel de l'Office de la
sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport annuel 1990-1991 de l'Office de la
sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs cris.
Le Président: Ce document est déposé.
Maintenant, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie.
Rapports annuels des sociétés des parcs
industriels et portuaires de Bécancour et Québec-Sud
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, j'ai l'honneur
de déposer le rapport annuel 1990-1991 de la Société du
parc industriel et portuaire de Bécancour ainsi que le rapport annuel
1990-1991 de la Société du parc industriel et portuaire
Québec-Sud.
Le Président: Ces rapports sont déposés.
Maintenant, au niveau du dépôt de rapports de commissions,
M. le président de la commission de l'économie et du travail et
député de Laval-des-Rapides.
Dépôt de rapports de commissions
Étude détaillée du projet de loi 410
M. Bélanger (Laval-des-Rapides): M. le Président,
j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de
l'économie et du travail qui a siégé les 12 et 25
février 1992 afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 410, c'est-à-dire la Loi
favorisant l'augmentation du capital des petites et moyennes entreprises. Le
projet de loi a été adopté avec des amendements.
Étude des propositions tarifaires
d'Hydro-Québec
J'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission de
l'économie et du travail qui a siégé les 11 et 12 mars
dernier afin d'étudier les propositions tarifaires d'Hydro-Québec
pour l'année 1992. Merci.
Le Président: Ces rapports sont donc
déposés.
Dépôt de pétitions.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Nous allons donc procéder à la période de questions
et réponses orales et je vais reconnaître, en première
question principale, M. le député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, le 14 février
dernier... Un instant, M. le Président.
Le Président: Oui, un instant. Oui, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Nous avons vu dans les passages ici le ministre
délégué et président du Conseil du trésor et
la première question s'adresse à lui. Est-ce qu'on pourrait faire
le nécessaire pour qu'il y soit?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, le ministre
délégué à l'Administration et président du
Conseil du trésor doit se joindre à nous dans quelques minutes.
Peut-être pourrions-nous procéder à la deuxième
question, à ce moment-ci? Le voici.
Le Président: Très bien. Nous allons débuter
dès maintenant. Nous recommençons. Officiellement, la
période de questions débute à l'instant même. En
première question principale, M. le député de Labelle.
Questions et réponses orales
Négociations avec les syndicats du secteur
public
M. Léonard: M. le Président, le 14 février
dernier, le président du Conseil du trésor donnait un autre
exemple d'improvisation qui caractérise la politique budgétaire
du gouvernement libéral. Reconnaissant que l'entente qu'il a
signée avec ses employés au printemps dernier, l'an dernier,
était fondée sur de mauvaises prévisions de sa part, il
demandait aux employés du secteur public de faire un nouvel effort et de
s'engager pour les deux prochaines années à des conditions qui
reposent, encore une fois, sur ses prévisions. Hier, cinq organisations
syndicales, représentant 280 000 employés, faisaient une
contre-proposition au président du Conseil du trésor. Ainsi, les
conventions collectives seraient prolongées d'une seule année si
le gouvernement consentait à respecter sa signature de l'an dernier. Le
président du Conseil du trésor est-il disposé à
négocier avec ces organisations syndicales sur la base du respect de la
signature des deux parties au printemps dernier?
Le Président: M. le ministre délégué
à l'Administration et à la Fonction publique et président
du Conseil du trésor.
M. Johnson: Merci, M. le Président. Nous avons, nous,
respecté notre signature. Nous n'avons pas diminué les salaires
unilatéralement de 20 %. Nous avons convenu...
Des voix:...
M. Johnson: C'est ça qui est arrivé.
Une voix: C'est ça.
M. Johnson: J'ai quand même la mémoire de ces
choses-là. Nous avons convenu avec les employés du secteur
public, l'an dernier, d'un gel salarial qui devait se poursuivre jusqu'au 30
juin prochain. Nous avions également convenu qu'une contribution
additionnelle pouvait être requise dans la mesure où les 3 % qui,
à ce moment-là, étaient prévus se seraient inscrits
dans une inflation, une augmentation du coût de la vie de quelque 4 % ou
4,5 %. C'est ce qu'il faut avoir à l'esprit. Ce que je dis maintenant,
c'est qu'à mon sens, et c'est ce que j'ai soumis, et non imposé,
à mes partenaires syndicaux, dans l'environnement économique que
nous connaissons, compte tenu de l'évolution de la
rémunération dans le secteur privé et de celle du secteur
public, il n'apparaît pas raisonnable d'augmenter de 3 % en juillet
prochain les salaires du secteur public alors que l'inflation sera à
peine de 2 %. Ça m'apparaît, M. le Président, le genre de
choses dont des gens raisonnables peuvent s'entretenir et surtout qu'ils
peuvent conclure ensemble plutôt que de se les voir imposer.
Une voix: C'est ça.
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
M. Léonard: M. le Président, est-ce que le
président du Conseil du trésor pourrait reconnaître au
moins qu'il a signé cette convention l'an dernier, ces 3 % dont il est
question, et qu'il doit respecter sa parole?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: M. le Président, nous avions également
signé en 1989 et 1990 des conventions collectives avec nos partenaires
du secteur public qui prévoyaient qu'une nouvelle convention collective
débuterait le 1er janvier cette année. Nous avons convenu par
écrit, en nous entendant, qu'il y aurait une prolongation de six mois de
la convention collective. Des parties raisonnables, responsables peuvent
convenir de ce qui est dans l'intérêt et de l'une des parties et
de l'autre, c'est ce que nous tentons de faire. Je suis particulièrement
frappé par la façon raisonnable dont les instances syndicales ont
répondu, pour l'instant dans leur ton, à la proposition que j'ai
faite avec mes collègues en février dernier. Je n'y vois pas
là un «claquage» de porte de quelque façon que ce
soit, mais possiblement des pistes qui nous permettront de discuter du fond des
choses. La solution ne passe pas par des augmentations d'impôt ni,
d'ailleurs, par une imposition d'un fardeau supplémentaire pour le
secteur privé ou les autres contribuables.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Léonard: Le président du Conseil du
trésor, qui parle de raisonnabilité, reconnaît-il que les
augmentations qu'il a consenties l'année dernière
représentaient déjà un effort très significatif de
la part des employés du secteur public, qu'il les a signées suite
à une négociation de bonne foi et que ce qu'il offre aujourd'hui
est basé, encore une fois, sur une prévision dont la
réalisation est tout aussi aléatoire que celle qu'il a faite l'an
dernier, et qu'à ce titre, dans les circonstances, la prudence des
syndiqués est très compréhensible?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: prévisions pour prévisions, je
préfère les nôtres où il y a des ajustements de 1 %
ou 2 % à faire plutôt que de moins 20 % ou de moins 15 % comme en
1981 et 1982, la
première des choses. Deuxièmement, je
réitère que nous avons à regarder ensemble, les
employés du secteur public et nous-mêmes qui représentons
l'ensemble des citoyens, les contribuables, nous avons à convenir, je le
répète, je le préfère de loin, d'un mode de
rémunération qui tienne compte de l'état de
l'économie, qui tienne compte du niveau de rémunération
qu'on observe dans le secteur privé et qui tienne compte,
évidemment, du taux d'inflation, donc de la protection du pouvoir
d'achat à l'égard de laquelle je me suis déjà
engagé.
Le Président: En complémentaire.
M. Léonard: Compte tenu de la faiblesse des
prévisions du Conseil du trésor, est-ce que le ministre ne croit
pas plus raisonnable de ne prolonger que d'une seule année les
conventions actuelles, comme le demandent ces organisations syndicales?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: Les raisons pour lesquelles j'ai soumis les termes
d'une prolongation plus longue qu'une année tiennent au fait que des
éléments importants doivent être discutés avec nos
partenaires syndicaux: dans le monde de la santé, on le sait, notamment
suite à la commission parlementaire; dans le monde de l'éducation
- mon collègue de l'Éducation en a déjà entretenu
ses partenaires syndicaux - et nous devons régler certains de ces
problèmes et convenir du règlement de ces problèmes dans
une atmosphère qui n'est pas celle de négociations de conventions
collectives de travail.
Il m'apparaît que nous ayons intérêt à
acheter, en un sens, une pause dans nos relations de travail afin, comme
gouvernement et comme travailleurs du secteur public, de discuter de choses
importantes qui regardent la qualité des services, la prestation des
services, l'accessibilité aux services. C'est de ces choses dont nos
partenaires syndicaux veulent nous entretenir.
Le Président: Alors, pour une autre question
additionnelle.
M. Léonard: Dans ces circonstances, est-ce que le
président du Conseil du trésor serait disposé à
tenir un débat public qui serait l'occasion de mettre sur la table le
vrai portrait des finances publiques et de mettre aussi un frein à
l'improvisation qui caractérise l'approche du gouvernement non seulement
au plan des négociations, mais dans l'ensemble de la politique
budgétaire et économique du gouvernement libéral, et de
répondre oui à la demande des organisations syndicales qui
veulent ce débat public, en particulier aussi sur l'aspect fiscal?
Le Président: M. le ministre.
M. Johnson: J'ai déjà indiqué et je
répète que je ne vois pas beaucoup de potentiel dans une
discussion qui s'engagerait sur la base qui a été indiquée
hier par les syndiqués du secteur public, que le gouvernement a un
problème de revenu et qu'en conséquence nous devons lever des
impôts additionnels. Ça ne m'apparaît pas être une
voie bien constructive. Pour payer les employés du secteur public, nous
avons à regarder de façon beaucoup plus large, au-delà de
l'aspect de la rémunération, l'ensemble des
éléments des équilibres financiers. Mais ça ne se
négocie pas, un budget, de cette façon.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Bertrand. (14 h 20)
Présence d'un représentant de la
Délégation
générale du Québec à une
conférence de presse
du chef du Front national français
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Jeudi dernier,
Jean-Marie Le Pen, le chef du Front national, parti d'extrême droite
française, convoquait à une conférence de presse
l'ensemble du corps diplomatique présent à Paris afin de se
servir de la présence des diplomates pour tenter de revamper sa
crédibilité auprès de l'électorat français.
Tous les ambassadeurs et chefs de mission en poste à Paris se sont
empressés de décliner cette invitation, flairant le guet-apens
que M. Le Pen leur tendait, sauf la Délégation
générale du Québec. André Dufour,
délégué général du Québec à
Paris, y a délégué son chef de cabinet,
Jean-François Normand. M. Normand, comme en témoigne le reportage
du téléjournal de FR3 qui est écouté par 4 000 000
de Français, a souligné que M. Normand y assistait, et je cite:
À titre d'ambassadeur du Québec. M. le Président, c'est
une bourde inacceptable de voir le Québec associé à une
conférence de presse tenue par ce mouvement d'extrême droite
française qui érige le racisme en politique.
Le Président: Votre question, s'il vous plaît!
M. Beaulne: Compte tenu du fait... Ma question s'adresse au
ministre des Affaires internationales. Étant donné qu'il s'agit
d'une gaffe diplomatique majeure, le ministre peut-il nous indiquer s'il
cautionne l'erreur de jugement du délégué
général à Paris et peut-il nous indiquer quelles actions
concrètes il a prises après la conférence de presse pour
rectifier la situation?
Le Président: M. le ministre des Affaires
internationales.
M. Ciaccia: M. le Président, je crois qu'il est tout
à fait normal que les conseillers et les
services de presse participent à des conférences de
presse, des congrès, des réunions dans le cadre de leur mandat
d'information sur les activités qui se tiennent sur le territoire qu'ils
sont appelés à couvrir. Je m'étonne de l'attitude du
député de Bertrand. D'un côté, il nous dit - il nous
accuse - que notre politique des affaires internationales est strictement une
politique de commerce extérieur et quand nous assistons à des
activités pour mieux connaître nos partenaires, pour mieux
connaître et obtenir l'information, vous appelez ça une
«gaffe internationale». Je regrette, M. le Président, c'est
dans le cadre des activités normales de connaître et d'être
au courant de ce qui se passe sur ce territoire, spécialement la France
avec laquelle nous avons des relations privilégiées.
Alors, M. le Président, je crois que le conseiller en information
était là strictement pour obtenir des informations,
c'était dans le cadre de son travail et il a accompli son travail sans,
avec ça, donner un appui. Ça ne veut pas dire, parce que le
conseiller en information était présent à cette
réunion, que le gouvernement du Québec ou que le
délégué général appuyait
nécessairement les propos de cette formation politique. Mais ça a
été fait dans le cours et dans le travail normal de leur
mandat.
Le Président: Pour une question complémentaire.
M. Beaulne: Le ministre n'est-il pas conscient que, selon les
règles de la diplomatie internationale, il est permis aux
représentants étrangers d'assister aux congrès
généraux de quelque formation politique que ce soit, mais non pas
aux conférences de presse? Et, dans cette situation précise, M.
Dufour a même confirmé aux journalistes qu'il s'était fait
représenter par son chef de cabinet parce que son emploi du temps ne lui
permettait pas d'assister à cette conférence de presse. N'est-ce
pas là, M. le ministre, un aveu qu'ayant eu la disponibilité, M.
Dufour se serait prêté à cet exercice?
Le Président: M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, je ne pense pas qu'on doive
interpréter les propos du délégué
général. Le fait demeure qu'il n'était pas présent,
qu'il a envoyé son conseiller en information et il ne saurait être
question que la Délégation générale du
Québec a Paris marque par là un appui quelconque à la
formation politique. C'est strictement dans leur travail et dans leur mandat
d'obtenir des informations sur le territoire. Il semble qu'on ne puisse jamais
satisfaire l'Opposition parce que si on avait eu une invitation d'un chef de
parti politique en France et que quelqu'un n'y avait pas assisté pour
obtenir des informations, vous nous auriez sûrement critiqués en
disant que nous négligeons notre mandat et négligeons notre
devoir. Ce que nous avons fait, c'était dans le cours du travail normal
d'un conseiller en information.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Beaulne: Le ministre ne reconnaît-il pas que son
délégué est tombé dans un guet-apens puisque aucun
des ambassadeurs, aucun des chefs de mission en poste à Paris n'a
participé à cette conférence de presse? Et peut-il nous
dire si, compte tenu du fait qu'il s'agit de la deuxième gaffe majeure
de M. Dufour en six mois, puis-qu'en juin dernier il apostrophait publiquement
le maire de Paris, M. Chirac... Peut-il nous dire...
Le Président: Un instant! Question de règlement, M.
le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, pourriez-vous demander
à l'honorable député de Bertrand...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Pagé: Pourriez-vous lui demander de se limiter au sujet
principal de sa question et de ne pas faire le tour de tous les
événements à Paris, auquel cas on va vous écouter
très longtemps, vous savez. Si vous voulez une réponse,
posez-là donc, la question.
Le Président: Très bien. Alors, terminez votre
question, mais sans information supplémentaire, s'il vous
plaît.
M. Beaulne: Le ministre peut-il nous dire s'il a l'intention, au
nom du gouvernement du Québec, de désapprouver et de se dissocier
formellement, auprès des autorités françaises, du geste
posé par les représentants de la Délégation
générale du Québec?
Le Président: M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, il s'agissait... Je crois que
le député de Bertrand fait une tempête dans un verre d'eau.
Il s'agissait d'une invitation par un chef de parti politique et c'est
strictement de la routine, pour un conseiller en information, d'y assister,
pour obtenir des informations. Il ne faut pas lire dans ça plus que ce
qui est arrivé. Alors, M. le Président, il n'est pas question que
ce soit une gaffe. Il n'est pas question d'interpréter ça de la
façon dont le député de Bertrand l'interprète.
C'était une séance d'information. Le conseiller en information y
a assisté. Il a fait son rapport au délégué
général du Québec pour compléter, pour obtenir des
informations aussi complètes que possible sur le territoire où
ces employés, ces agents, le délégué
général et tout son personnel ont le mandat de travailler.
Le Président: Une question complémentaire.
M. Chevrette: Oui. Compte tenu que le ministre cherche à
minimiser l'histoire, est-ce que lui-même enverrait son chef de cabinet,
par exemple, à une invitation à une conférence de presse
du Ku Klux Klan?
Le Président: Alors, sur une question de règlement,
M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, la plus éloquente
question hypothétique!
Le Président: Effectivement, c'est une question
hypothétique, je le reconnais fort bien. Alors, pour une question
principale maintenant, M. le député de La Prairie.
Empiétement du gouvernement
fédéral sur la juridiction québécoise en
matière environnementale
M. Lazure: Merci, M. le Président. Le 9 décembre
dernier, le ministre fédéral de l'Environnement déposait,
à la Chambre des communes, le projet de loi C-13 qui mettrait en oeuvre
le processus fédéral d'évaluation environnementale. Ce
projet de loi constitue un empiétement dangereux du gouvernement
fédéral qui pourra commander une évaluation
environnementale sur à peu près tous les projets
québécois, entraînant le dédoublement des
coûts, la confusion, des délais accrus, et ça, au
détriment des entreprises. La question au ministre de l'Environnement:
Mis à part le télégramme qu'il a fait parvenir hier au
ministre Charest et qu'il n'a pas rendu public, d'ailleurs, ainsi qu'une lettre
du 28 février dernier, quelles sont les pressions qu'il entend exercer
pour empêcher le gouvernement fédéral d'adopter ce projet
de loi et l'empêcher d'agir de façon unilatérale, sans
tenir compte de la position du Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Vous me permettrez, dans un
premier temps, M. le Président, de replacer la question du
député dans un contexte historique un peu plus large. Le projet
de loi a été redéposé au Parlement du Canada le 9
décembre, parce qu'il avait été déposé dans
une Législature antérieure. Il s'agit essentiellement du
même projet de loi.
M. le Président, l'environnement n'étant pas un des sujets
décrits à l'Acte de l'Amérique du Nord britannique de
1867, il s'est agi dans la pratique depuis une dizaine d'années, pour
chacune des juridictions, d'exercer ces pouvoirs environnementaux concurremment
avec les pouvoirs qui découlaient de sa compétence. À
titre d'exemples, un projet de nature québécoise était
évalué par le ministère québécois de
l'Environnement, un projet de compétence fédérale
était évalué par le ministère fédéral
de l'Environnement. Lorsqu'on tombait dans des dossiers mixtes, à titre
d'exemples, le dossier Soligaz, le dossier Grande-Baleine, il y avait des
ententes entre les deux niveaux de gouvernement de façon à
éviter les dédoublements. (14 h 30)
Avec le projet de loi déposé devant le Parlement canadien,
le fédéral oublie cette façon de pratiquer et choisit de
s'introduire, par le biais de l'environnement, dans des champs qui sont de
façon indiscutable de juridiction québécoise. À
titre d'exemple, le fédéral, à partir de son pouvoir de
dépenser, va pouvoir, lorsqu'il va octroyer quelque somme que ce soit
à une PME québécoise, évaluer les impacts
environnementaux causés par les activités de la PME, même
s'il s'agit d'un domaine de juridiction typiquement québécoise.
Même chose en matière d'énergie, même chose en
matière de forêts, même chose en matière de
transports, on pourrait prendre les ministères un par un. Il s'agit d'un
véritable cheval de Troie dans les juridictions
québécoises.
Le Président: En question complémentaire.
M. Lazure: Oui. Mais, M. le Président, justement, est-ce
que le ministre de l'Environnement a l'intention de renseigner le public
québécois sur ce projet de loi là que le gouvernement
fédéral menace d'adopter dès cette semaine? Est-ce qu'il a
l'intention de renseigner la population sur les dangers d'un tel projet de loi,
sur les contestations en justice qui vont résulter de ce projet de loi,
sur la confusion et sur la multiplication des coûts? Qu'est-ce qu'il a
l'intention de faire pour renseigner le public?
Le Président: M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je viens
de fournir au député de La Prairie et à cette Chambre
l'utilisation du pouvoir de dépenser par le gouvernement
fédéral pour se donner juridiction en matière
environnementale dans tout ce qui bouge au niveau industrie et commerce au
Québec. Je pourrais vous parler de la Convention de la Baie James. Ce
projet de loi va permettre au gouvernement fédéral, en plus
d'appliquer la loi fédérale sur la Convention de la Baie James,
d'appliquer une autre législation fédérale en sus et en
plus de ce qui a été déjà convenu entre les parties
qui ont signé, au cours des années soixante-dix, la Convention de
la Baie James.
Je pourrais également mentionner à titre d'exemple, pour
renseigner l'Opposition et l'ensemble de la population, qu'en ce qui concerne
les revendications territoriales des autochtones, à partir du moment
où ces revendications territoriales seront incluses dans la Loi sur
les
Indiens qui est de compétence fédérale, le
gouvernement fédéral pourra évaluer les impacts
environnementaux de tous les projets dans ces territoires revendiqués,
et vous vous souvenez de la carte qui a été montrée
à la télévision il n'y a pas tellement longtemps. En ce
qui concerne les projets frontaliers avec les autres provinces, même
là où nous avons des ententes frontalières, comme avec le
gouvernement de l'Ontario, pour ne citer que cet exemple, le gouvernement
fédéral, malgré ces ententes, veut quand même
s'arroger le droit d'évaluer en plus les évaluations
environnementales.
M. le Président, le fédéral va, pour le moins,
doubler la procédure partout. Lorsque vous doublez la procédure
environnementale, ce ne sont pas des gains environnementaux. Les seuls à
en profiter sont ceux qui tentent de profiter des conflits entre
juridictions.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Lazure: M. le Président, compte tenu que ce projet de
loi est un très bel exemple de fédéralisme dominateur,
est-ce que le ministre veut prendre l'engagement, devant cette
Assemblée, de convaincre son premier ministre pour qu'il intervienne
auprès de son ami, le premier ministre fédéral, pour qu'il
retire ce projet de loi odieux? Étant donné qu'il semble y avoir
consensus des deux côtés de la Chambre, est-ce que le ministre de
l'Environnement est prêt à convaincre son premier ministre?
Une voix: Que ce serait beau! Le Président: M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, le
ministère de l'Environnement a effectué des démarches dans
ce dossier au cours des dernières années. Il a tenté de
convaincre ceux qui ont précédé le ministre actuel de
l'Environnement. Ils ont fait l'impossible pour convaincre l'actuel ministre de
l'Environnement des répercussions pour le Québec du
libellé d'un tel projet de loi. Les autorités gouvernementales
québécoises à tous les niveaux, à partir de mon
collègue responsable des Affaires intergouvernementales, et le bureau du
premier ministre ont été prévenus, de même que mes
collègues ministres de l'Environnement des autres provinces
canadiennes.
Le Président: Pour une dernière question
additionnelle.
M. Lazure: M. le Président, je pense que nous restons, de
ce côté-ci de la Chambre, un peu sur notre appétit. Est-ce
que le ministre peut nous dire clairement ce qu'il a fait? Est-ce qu'il a
soumis ce problème au Conseil des ministres? Est-ce qu'il va y avoir une
intervention officielle de son gouvernement, du gouvernement Bourassa, pour
qu'il intervienne et empêche le fédéral de passer ce projet
de loi?
M. le Président, en terminant, je demanderais le consentement
à ce qu'on dépose le télégramme que le ministre de
l'Environnement a envoyé, hier, à son collègue du
fédéral. C'est un très bon télégramme.
Le Président: Alors, il y a une demande de consentement au
dépôt d'un document. Est-ce qu'il y a consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président: Consentement. Très bien. Le document
est donc déposé. Pour la réponse, M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, j'ignorais
que le député de La Prairie était sur ma liste d'envoi de
télégrammes. Je constate qu'il a réussi à s'y
infiltrer.
M. le Président, le ministre de l'Environnement n'a pas
commencé la lutte hier, quant à ce projet de loi. Moi, ça
ne me ferait rien de discuter avec le député de La Prairie et de
mettre sur la place publique l'ensemble de la correspondance que j'ai
échangée, l'ensemble des interventions qui ont été
faites, autant par le ministre que par les hauts fonctionnaires du
ministère de l'Environnement. Encore tout au cours de la journée
de dimanche, le sous-ministre en titre de l'Environnement a poursuivi les
négociations avec le haut fonctionnaire fédéral qui est
son vis-à-vis et qui a déjà travaillé pour le
Québec. Son nom est Michel Dorais. Nous espérons encore, avec la
collaboration de l'ensemble de l'Assemblée nationale et avec la
collaboration des parlementaires à Ottawa qui croient encore que, les
juridictions provinciales, ça doit se respecter, faire échec
à l'adoption de ce projet de loi.
Le Président: En question principale, M. le
député de Montmorency.
Effets de l'intervention du ministère du Revenu
sur la contrebande du tabac
M. Filion: M. le Président, le ministre du Revenu
créait, en janvier dernier, son escouade du tabac, au coût
d'environ 2 000 000 $, et ce, M. le Président, dans le but de mettre fin
à la contrebande des cigarettes qui prive le Trésor public
d'environ 75 000 000 $ par an, un minimum, selon certains membres du Parti
libéral.
Ma question, M. le Président: Est-ce que le ministre du Revenu
reconnaît que son escouade n'a pas eu et n'aura pas d'effet sur la
contrebande du tabac?
Le Président: M. le ministre.
M. Savoie: Une question aussi comique, finalement, peu
pertinente. Effectivement, le travail se fait d'une façon convenable.
Nous suivons révolution du dossier. Comme je l'ai mentionné la
semaine passée, nous sommes satisfaits du travail qu'ils ont fait
jusqu'à date. Nous suivons leur travail de près et il ne faudra
pas se fier à des à peu près. Leur rôle n'est pas de
faire des interventions en tant que saisies. Ils n'ont pas ce
pouvoir-là, ils ne sont pas armés, ils n'ont pas de formation
pour ce faire. Leur truc, c'est de faire de la filature, de faire du suivi au
niveau du dossier et, ensuite, évidemment, de dénoncer, lorsque
le moment sera jugé opportun.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député de Montmorency.
M. Filion: M. le Président, le ministre du Revenu est-il
conscient de son geste médiéval, ramenant en quelque sorte la
société québécoise au Moyen Âge, afin de
collecter son butin?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Franchement, ça manque de sérieux. Je
trouve qu'effectivement il ne s'agira que de regarder les faits. J'avais
convenu, lorsque nous avons présenté ce projet-là, que
l'objectif était de créer une pression à la baisse.
Lorsque, après trois mois d'opération, je vais exécuter
l'obligation de rendre publique la nature des interventions, ce que ça a
donné à date, c'est à ce moment-là qu'on pourra
l'évaluer et non pas d'après des qu'en-dira-t-on.
Le Président: Pour une question complémentaire.
M. Filion: M. le Président, quelque chose de plus
sérieux. Le ministre est-il toujours d'accord avec les propos qu'il
tenait: «Oui, oui, ça a bien sorti, effectivement. Il n'y a eu que
deux ou trois éditorialistes qui n'avaient rien d'autre à faire
que de ne pas comprendre ce qu'on faisait. N'importe quel bouffon peut dire ce
qu'il veut, c'est comme ça que ça fonctionne»?
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Savoie: Franchement, là, ce n'est pas à propos,
du tout, d'une part. D'autre part, c'est hors contexte. Il y avait
effectivement, au moment où nous avons fait la présentation, par
ceux qui étaient au courant... Effectivement, ça a
été très bien reçu. Et les reportages ont
été, d'une façon globale, générale, bien
faits. Il y a eu, évidemment, quelques éditoriaux qui n'ont fait,
finalement, qu'une réflexion très sommaire, qui n'ont pas su
constater qu'effectivement il y avait une hausse au niveau de la contrebande,
qu'il fallait mettre une pression à la baisse au niveau de la
contrebande. Jusqu'à date, je peux vous dire que ça a l'effet
escompté. Alors, il ne faudrait pas trop se fier aux interventions
sommaires qui ont eu lieu il y a déjà quelques mois. Il faudrait
plutôt regarder, effectivement, les reportages lors de la
conférence de presse, de même que l'impact général
que ça a eu, ce que nous avons fait, et ça a donné l'effet
voulu.
Le Président: Pour une question additionnelle.
M. Filion: dernière question additionnelle, m. le
président. je voudrais juste savoir de la part du ministre: à ce
moment-là, les éditorialistes, qu'est-ce qu'ils font de leurs
journées?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président... (14 h 40)
Des voix:...
M. Pagé: M. le Président... Le Président:
S'il vous plaît!
M. Pagé: Je ne crois pas que la dernière question
additionnelle de M. le député soit rattachée au sujet
principal, à l'objet principal de la question. Et je ne suis pas
convaincu, non plus, que c'est d'intérêt public.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: Sur la question de règlement.
M. Chevrette: Est-ce qu'on pourrait demander au ministre:
Qu'est-ce qu'ils font, ses enquêteurs?
Le Président: Alors, c'est donc une question
complémentaire. M. le ministre du Revenu.
Une voix: Ils travaillent.
M. Savoie: Effectivement, ils font leur travail, ils font ce pour
lequel ils ont été engagés.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Savoie: Ah oui! Ils font exactement ce qu'ils doivent faire,
ils font leur travail comme il se doit. Ils font un travail que nous jugeons
suffisant et, depuis toujours, le ministère du Revenu fait des
interventions d'une façon ponctuelle. Alors, je comprends que vous
puissiez trouver ça drôle; je comprends que, de temps à
autre, vous puissiez bien rire de cette intervention, mais rira bien qui rira
le dernier, messieurs!
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témis-camingue.
Relocalisation de l'Hôtel-Dieu de
Montréal
M. Trudel: Merci, M. le Président. Les citoyens du
nord-est de Montréal réclament, depuis de très nombreuses
années, la construction d'un hôpital régional pour
desservir les quelque 300 000 personnes de ce secteur de I He de
Montréal. De son côté, le ministre de la Santé et
des Services sociaux laisse planer, depuis plusieurs mois,
l'éventualité de la fermeture et du déménagement de
cet hôpital fondé il y a 350 ans par Jeanne Mance. Hier, à
Montréal, une coalition d'intervenants, dont la chambre de commerce de
Montréal et la CSN, se joignait au comité exécutif de la
ville de Montréal pour réclamer la publication des études
du ministère et pour s'opposer également au
déménagement de cette institution fondée il y a 350 ans,
je le rappelle, par Jeanne Mance.
Ma question au ministre de la Santé et des Services sociaux: Le
ministre est-il disposé aujourd'hui, suite à ces demandes des
intervenants, à rendre publiques ces études portant sur la
fermeture de l'Hôtel-Dieu de Montréal et sur la perte de son
statut universitaire, et ce, avant de rendre publique toute décision sur
un éventuel déménagement de cet établissement
hospitalier au Québec?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
c'est en 1989 que ma prédécesseure, Mme Thérèse
Lavoie-Roux, a sensibilisé les autorités gouvernementales
à une problématique en ce qui a trait à l'Hôtel-Dieu
de Montréal. Un certain nombre de décisions, à
l'époque, ont été prises. Le Conseil du trésor, et
donc le gouvernement, a exigé, dans un premier temps, que l'on fasse un
plan fonctionnel et technique, de un; de deux, qu'on fasse une étude sur
la vétusté de l'Hôtel-Dieu actuel; de trois, qu'on fasse,
simultanément, une recherche de terrains ou de sites potentiels pouvant
accueillir l'Hôtel-Dieu s'il devait être relocalisé.
De tout cela, M. le Président, il est sorti un certain nombre de
choses pendant les deux ans où tout le monde a travaillé en
concertation. C'est ce qui est assez étonnant aujourd'hui, de voir
évidemment, lorsqu'on prend une coalition ou un regroupement comme
celui-là, qui fait appel à une transparence, qu'on laisse
supposer dans le public qu'il n'y ait pas eu d'échanges et de
transparence, alors que l'Université de Montréal a
été représentée, le CRSSS de la région de
Montréal a été représenté, la corporation
propriétaire, les religieuses, le conseil d'administration, le FRSQ et
bien d'autres gens ont été impliqués dans ce processus
pendant tout ce temps.
J'ai même rencontré, à sa demande, au mois de
janvier 1991, le maire Doré, en présence de Mme Léa
Cousineau et de M. Moisan. J'ai à nouveau rencontré, le 21
octobre 1991, Mme Léa Cousineau et M. André Lavallée. J'ai
aussi rencontré le conseil d'administration de l'Hôtel-Dieu de
Montréal, la corporation propriétaire de l'Hôtel-Dieu de
Montréal pour échanger avec eux et pour faire en sorte que le
dossier soit transparent.
M. le Président, pas plus tard que la semaine dernière,
à leur demande, les médecins de l'Hôtel-Dieu de
Montréal ont été invités à une séance
de travail et d'information avec les dirigeants du ministère, où
il y a eu des échanges d'information. Il est clair que nous avons, quant
à nous, à la lumière de toutes ces études,
acheminé au gouvernement, pour une décision, des propositions
qui, pour une, parlent du maintien de l'Hôtel-Dieu là où il
est; deuxièmement, la proposition de l'Université de
Montréal que l'Hôtel-Dieu de Montréal et l'Hôpital du
Sacré-Coeur soient réunis pour créer un hôpital
universitaire et, troisième proposition - celle que le ministère
privilégie - le déménagement de l'Hôtel-Dieu de
Montréal à Rivière-des-Prairies pour en faire un centre
hospitalier universitaire en tenant compte du bilan-lits. M. le
Président, c'a été transparent du début à la
fin, ça va continuer de l'être.
Le Président: En question complémentaire.
M. Trudel: Là, M. le Président, je ne comprends pas
tout à fait. Ma question était: Le ministre est-il disposé
à rendre publiques toutes ces études? Pourquoi le comité
exécutif de la ville de Montréal, hier, demandait-il que ces
études soient rendues publiques pour faire en sorte que ce dossier cesse
d'être ténébreux? Comment se fait-il qu'il y ait eu autant
d'études, que le ministre s'avance sur tellement de transparence et que
tous les intervenants concernés réclament la publication des
données avant qu'une décision soit prise au Conseil des
ministres?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): D'abord, M. le
Président, y compris pour le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, avoir un petit peu d'information sur
l'historique du dossier, ça fait du bien. Ça éclaire les
lanternes de temps en temps pour être capable de prendre une position
autre que celle que vous avez prise.
Première chose, M. le Président, lorsque j'ai
rencontré, en janvier 1991, le maire Doré, avec Mme Cousineau, sa
première demande était celle du bilan-lits, puisque
lui-même évoquait qu'une étude du GRIS arrivait à
des conclusions dif-
férentes de l'étude bilan-lits du ministère.
C'était la première interrogation. Nous nous sommes dit: On va
échanger des données pour être capables de faire en sorte
que tout ça soit transparent. Il y a eu des échanges de
données de transmises à la ville de Montréal et aux
officiers supérieurs de la ville de Montréal. De un.
De deux, M. le Président, la semaine dernière, nous avons
mis à la disposition des médecins, avant la rencontre du 10, le
bilan-lits, le plan fonctionnel et technique et, deuxièmement
l'étude sur la vétusté. Les médecins les ont
consultés du vendredi au mardi. Le mardi après-midi, ceux-ci
pouvaient poser des questions aux autorités du ministère. M. le
Président, quant à moi, je n'ai pas d'objection à faire en
sorte qu'éventuellement, certains documents puissent être du
domaine public. Je n'ai pas d'objection. Le gouvernement est saisi d'un
processus, actuellement, de décision. Lui-même décidera au
rythme où il veut bien décider. Puisque c'est dans les instances
centrales du gouvernement, on prendra le temps qu'il faut pour analyser,
répondre aux questions qui se posent de la chambre de commerce, du
syndicat, des médecins, de l'hôtel de vide de Montréal.
Mais qu'on ne vienne pas me dire que les gens de la ville de Montréal
n'ont pas été impliqués dans ces
décisions-là sur le plan de l'information, puis-qu'en janvier
1991 j'ai rencontré M. le maire, on a échangé des
données. J'ai à nouveau rencontré Mme Cousineau - M. le
maire était absent à la rencontre du 21 octobre 1991 - avec M.
Lavallée, et on a échangé de l'information à ce
moment-là.
Le Président: En question complémentaire.
M. Trudel: Le ministre est-il disposé à
déposer ici, devant l'Assemblée nationale, ce qu'on appelle le
bilan-lits de la région centre-ville de Montréal?
Élément dont il a peut-être saisi la ville de
Montréal, mais la ville de Montréal ne peut pas rendre public ce
qui appartient au ministre et au ministère, quand même!
Deuxièmement, le ministre peut-il nous indiquer, afin de faire cesser
l'incertitude autour de ce dossier, quel est l'échéancier qu'il
entend privilégier pour solutionner cette question et répondre
aux besoins en lits de courte durée dans la région du nord-est de
Montréal?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Ah! voilà que c'est
beau, M. le Président!
Une voix: Ah oui?
M. Côté (Charlesbourg): Cette formation qui a pris
position en disant: Non, on ne déménagera pas l'Hôtel-Dieu
du centre-ville de Montréal... (14 h 50)
Des voix: Bravo!
M. Côté (Charlesbourg): ...qui s'est fait
littéralement ramasser par les péquistes du nord de l'île
de Montréal en disant qu'ils ne se préoccupent pas d'eux, arrive
aujourd'hui en disant: Peu importe le bilan-lits, peu importe le...
Le Président: S'il vous plaît! Je demande la
collaboration. S'il vous plaît! Je demande la collaboration de tous les
collègues, s'il vous plaît. Rapidement, M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, on
en ajoute, des lits, dans l'Opposition pour être capable de solutionner
les problèmes même s'il y en a déjà de trop au
niveau de l'île, en faisant en sorte qu'on règle les
problèmes en disant: Ajoutez un hôpital dans le nord de
Montréal et laissez les 500 lits au centre-ville, ça en fera
juste 350 de plus que ce qu'il y a déjà privant ainsi les
régions de Laval, Montérégie, Lanaudiè-re des lits
de courte durée dont elles ont besoin. Ce n'est pas comme ça
qu'on gère. On gère, on donne des lits selon ce dont on a besoin.
Loin de moi de penser et de cautionner ceux qui, aujourd'hui, disent que de
déplacer des lits du centre-ville de Montréal, où on est
en surplus, à Rivière-des-Prairies, c'est les
déménager dans une région éloignée.
Ça, il y a des gens qui prétendent ça et il y a ceux qui
font partie de la coalition qui le prétendent actuellement; eux, ils
iront le défendre dans le nord-est de Montréal. On va voir si
vous allez les supporter.
Des voix: Bravo!
Le Président: Pour une question complémentaire, M.
le député de LaFontaine.
M. Gobé: En additionnelle, M. le Président. Est-ce
que M. le ministre de la Santé et des Services sociaux pourrait nous
indiquer si le fait de rénover l'Hôtel-Dieu sur place ou de le
transférer dans le nord-est de Montréal pourrait avoir un impact
sur sa vocation universitaire?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, ce
dont il s'agit ici, et c'est la volonté ferme du gouvernement du
Québec, c'est de faire en sorte que l'Hôtel-Dieu de
Montréal soit un hôpital universitaire des années modernes
pour être capable de tourner le prochain siècle avec un
hôpital francophone, avec un plan fonctionnel et technique et,
là-dessus, tout le monde est d'accord. Un plan fonctionnel et technique
dès l'an 2020, c'est ça que nous voulons faire à
l'Hôtel-Dieu de Montréal. Le ministère - je ne parle pas du
gouvernement - quant à lui, pense qu'il n'est pas possible de le faire
sur le site actuel sans faire en sorte que l'Hôtel-Dieu
actuel ne perde son statut universitaire, et ça, c'est aussi
l'opinion de l'Université de Montréal qui souhaite un
regroupement avec l'Hôpital du Sacré-Coeur. Dans ce
sens-là, nous avons dit oui à Rivière-des-Prairies et nous
le défendons comme ministère au niveau du gouvernement du
Québec et nous ne sommes pas les seuls, M. le Président.
Le Président: En conclusion.
M. Côté (Charlesbourg): Un instant! Il s'en est
passablement beurré, M. le Président, on va rétablir un
certain nombre de faits.
Une voix: M. le Président...
M. Côté (Charlesbourg): Et, M. le
Président...
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix:...
Le Président: Oui, c'est ça, exactement. Je vous
demanderais votre collaboration également puisque votre temps de
réponse est pratiquement achevé. Alors, une brève
conclusion, très brièvement.
M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président,
je vous assure de ma collaboration. Vous savez que je suis un homme très
sage, surtout quand vous m'interpellez.
M. le Président, en terminant, suite à la rencontre
à laquelle ont participé 50 médecins de
l'Hôtel-Dieu, la semaine dernière, avec les officiers
supérieurs du ministère pour répondre aux questions, le
CMDP de l'Hôtel-Dieu de Montréal a pris une décision. C'est
ceux qui sont représentatifs du corps médical; s'ils ne sont pas
représentatifs, M. le Président, qu'on les change. Mais à
partir du moment où ils s'expriment et qu'ils sont mandatés... Il
y a une résolution qui est ici, que je veux déposer à
l'Assemblée, une résolution confirmant le statut universitaire et
qu'il est prêt à déménager à
Rivière-des-Prairies, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement au
dépôt du document? Consentement. Le document est
déposé.
Je reconnais, en question principale, M. le député de
Montmorency.
Aide à la municipalité de
Sainte-Brigitte-de-Laval, à la suite d'inondations
M. Filion: M. le Président, le comté de Montmorency
est durement éprouvé par des inondations spectaculaires dans la
municipalité de Château-Richer, mais surtout par une inondation
catastrophique que doivent subir les résidents de l'île
Enchanteresse dans la municipalité de Sainte-Brigitte-de-Laval.
Des voix:...
Le Président: Je m'excuse. Un instant. Je vais demander la
collaboration des collèges, la période des questions n'est pas
terminée. Je demande le silence pour que nous puissions entendre la
question. M. le député.
M. Filion: Comme je le disais, M. le Président, c'est une
inondation catastrophique que doivent subir les résidents de I He
Enchanteresse dans la municipalité de Sainte-Brigitte-de-Laval. Du
jamais vu, M. le Président! Des propriétés
complètement détruites, une catastrophe naturelle d'une ampleur
dramatique et non couverte par les assurances. M. le Président, depuis
maintenant six jours que des citoyennes et des citoyens de chez nous vivent
l'incertitude, l'angoisse, la détresse et le désarroi.
M. le Président, le ministre de la Sécurité
publique peut-il répondre aux préoccupations primordiales de la
population? Quand le ministre prévoit-il déclarer l'île
Enchanteresse comme zone sinistrée, tout comme l'a été
d'ailleurs Saint-Jean-Vianney suite à un détournement de cours
d'eau?
Le Président: En sollicitant la collaboration de tous les
collègues, s'il vous plaît. Je vais demander la collaboration de
tous les collègues. M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Ryan: M. le Président, nous suivons de très
près tous les développements relatifs au dossier de 111e
Enchanteresse. Je croyais avoir expliqué au député de
Montmorency vendredi dernier qu'il n'est plus dans les pratiques du
ministère de déclarer une région zone sinistrée
à l'occasion d'un événement comme celui-là. Nous
intervenons avec le concours de tous les agents gouvernementaux,
paragouvemementaux et même privés qui peuvent être
disponibles. Nous assurons une coordination de l'action et, en temps utile,
nous recommandons au gouvernement, quand il y a lieu, un programme
d'indemnisation. C'est ce que nous faisons dans ce cas-ci. Nous recommanderons
au gouvernement de prendre les mesures nécessaires quand nous aurons
complété la cueillette d'informations.
Actuellement, je pense que le député lui-même serait
bien embarrassé de nous dire les dommages qui ont été
causés là où on n'a pas accès. Il faut que l'eau
soit disparue, qu'elle ait baissé pour qu'on puisse aller voir sur les
lieux les dommages qui ont été causés. Là, on sera
en mesure d'apprécier le genre de programme qu'il y aura lieu de
recommander au gouvernement. Tout
est actuellement sous contrôle, sauf peut-être le
tempérament du maire et du député aussi qui font des
déclarations parfois qui n'ajoutent absolument rien à notre
connaissance de la situation. Ils feraient mieux de venir les porter
directement, leurs préoccupations, parfois. Hier, j'ai fait signe au
maire qui s'impatiente parfois. Je lui ai fait dire que je ne pouvais pas aller
là-bas. Et tant que je n'aurai pas accès aux maisons qui sont le
plus endommagées, ça ne donnerait rien d'aller là-bas,
ça serait seulement aller chercher une photographie pour Le Soleil.
J'ai autre chose à faire que ça!
Des voix: Oh!
Le Président: En conclusion, M. le ministre, s'il vous
plaît. En conclusion.
M. Ryan: Dès qu'on aura accès, on sera là
et, après ça, comme nous l'avons fait dans les autres sinistres
survenus au cours des deux dernières années, le gouvernement
prendra ses responsabilités rapidement mais avec la retenue et la
modération qui s'imposent.
Je tiens à rappeler publiquement une autre chose, juste une autre
chose, M. le Président, étant donné le caractère
tout à fait inusité de la situation. La municipalité a
été autorisée à faire certaines dépenses
d'urgence, mais je lui rappelle qu'il faut qu'elle obtienne le consentement du
ministère de la Sécurité publique pour engager des
dépenses au sujet desquelles elle souhaitera éventuellement un
remboursement.
Le Président: C'est la fin de la période de
questions.
Il n'y a pas de votes reportés.
Aux motions sans préavis, maintenant. Mme la ministre des
Affaires culturelles.
Motions sans préavis
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, je sollicite le
consentement de cette Assemblée pour présenter la motion
suivante.
Le Président: S'il vous plaît! Un instant, Mme la
ministre. Mmes et MM. les députés.
Mme la ministre des Affaires culturelles pour sa motion sans
préavis.
Hommage à l'écrivain Roger Lemelin et
condoléances à sa famille
Mme Frulla-Hébert: Comme je le disais tantôt:
«À la suite du décès de M. Roger Lemelin, que
l'Assemblée nationale rende hommage à cet écrivain et
journaliste québécois et offre ses plus sincères
condoléances à sa famille et aux nombreux amis.»
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à ce
que nous débattions cette motion? M. Chevrette: Consentement.
Le Président: Donc, il y a consentement. En demandant
à nouveau la collaboration de tous les collègues et à ceux
qui doivent quitter de le faire dans le silence, s'il vous plaît, je
donne donc la parole à Mme la ministre des Affaires culturelles.
Mme Liza Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, c'est avec
énormément de tristesse et de chagrin que nous avons appris hier
le décès de M. Roger Lemelin.
Je serai brève parce que la plupart des médias, sinon
tous, aujourd'hui, ont commenté à leur façon et de
façon très professionnelle et aussi très émotive le
décès de M. Lemelin. (15 heures)
Écrivain et homme d'affaires, éditeur de La Presse
pendant plusieurs années, M. Lemelin a marqué plusieurs
générations en exprimant une partie dé l'âme du
Québec. Son premier roman «Au pied de la pente douce»,
publié en 1944, fut aussitôt salué comme un
événement. Sa façon marquante de décrire les
milieux populaires et humbles du Québec lui a fait mériter de
nombreux prix littéraires dont le prix David, plus haute distinction que
le gouvernement du Québec décernait dans le secteur de la
littérature.
En 1953, il entreprend l'adaptation de son roman «Les
Plouffe» pour la télévision. Pendant près de six
ans, «Les Plouffe» remporte le succès qu'on lui
connaît. Ce fut la consécration. Ses oeuvres dépeignent
avec force détails et réalisme les milieux sociaux
défavorisés. Elles ont donné aussi à la
littérature québécoise ses premiers romans de moeurs
urbaines; il suffit d'évoquer le nom de Roger Lemelin pour
qu'immédiatement les images et souvenirs de son univers surgissent de
notre mémoire. Roger Duhamel disait de lui: «II a su nous
démontrer qu'il avait l'étoffe d'un romancier de race».
Homme de coeur, engagé dans son milieu, Roger Lemelin avait le
courage de ses opinions et les exprimait aussi très clairement. Son
dynamisme, son imagination fertile et sa créativité ont
profondément marqué l'évolution non seulement de la
littérature québécoise et de l'ensemble du milieu des
arts, mais aussi de notre société entière. Fidèle
à lui-même, M. le Président, ses obsèques auront
lieu samedi qui vient, à 14 heures, à l'église
Saint-Joseph de Québec, dans le quartier Saint-Sauveur, juste au pied de
la pente douce.
En attendant ce dernier rendez-vous, je voudrais aujourd'hui lui rendre
un ultime hommage et lui exprimer toute notre reconnaissance au moment
où il entre dans l'histoire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la ministre.
Sur cette même motion de la ministre des Affaires culturelles, je
cède la parole à M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Oui. M. le Président, l'Opposition
officielle appuie sans réserve cette motion présentée par
la ministre des Affaires culturelles visant à rendre un dernier hommage
à l'écrivain Roger Lemelin, décédé hier des
suites d'un cancer du poumon qu'il combattait avec énergie et, surtout,
avec la fougue qu'on lui connaît.
Fils d'ouvrier, Roger Lemelin est né en 1919, dans le quartier
Saint-Sauveur, à Québec. C'est en décrivant avec brio la
réalité de ce quartier populaire qu'il amorce, en 1944, sa
carrière d'écrivain avec son premier roman «Au pied de la
pente douce». Il publie par la suite, en 1948, un second roman,
«Les Plouffe», décrivant la vie quotidienne d'une famille de
la basse-ville de Québec. «Les Plouffe» demeure l'oeuvre
marquante de Roger Lemelin. Après l'avoir adaptée à la
radio en 1952, Roger Lemelin adaptera, à partir de 1953, la série
«Les Plouffe» à la télévision de Radio-Canada.
Pendant plus de sept ans, plus de 4 500 000 Québécois et
francophones dans le reste du Canada se retrouvent chaque semaine devant le
petit écran, captivés par les péripéties des
Plouffe.
M. le Président, vous me permettrez d'ajouter que, comme ma
collègue, Mme la ministre des Affaires culturelles, c'étaient
sans aucun doute nos premières émissions de
télévision que nous regardions, et forcément dans un salon
bondé de parents et d'amis puisque, en 1953, la télévision
n'était malheureusement pas l'apanage de tous les foyers. Par ce
véritable succès sans précédent de l'adaptation
d'une oeuvre littéraire québécoise à cette
télévision naissante d'ici, M. Lemelin y trouva la
véritable consécration de son oeuvre littéraire. Ce
succès s'explique dans la mesure où Roger Lemelin y
décrivait le quotidien d'une famille, donc rejoignait le quotidien des
Québécois et des Québécoises.
Président-éditeur du quotidien La Presse de 1972
à 1981, il fonde durant cette période les Éditions La
Presse. De retour à ses racines et à Québec au
début des années quatre-vingt, il fonde les Éditions du
téléphone rouge et publie «Le crime d'Ovide Plouffe»,
30 ans après son avant-dernier roman, «Pierre le
magnifique». De plus, Roger Lemelin collabore, à cette même
époque, à l'adaptation cinématographique des
«Plouffe» et du «Crime d'Ovide Plouffe». Voici
l'itinéraire impressionnant de cet écrivain qui traduit son
attachement à la société québécoise et
à sa ville, notre capitale, Québec.
L'Opposition officielle désire saluer son importante contribution
à la littérature québécoi- se ainsi que son
engagement profond pour la culture et la langue française, malgré
les divergences politiques que nous ayons pu avoir quant aux moyens de
contribuer au rayonnement de notre culture et de notre langue. Merci, M.
Lemelin. Et nous offrons, par ma voix, l'Opposition officielle, nos plus
sincères condoléances à sa famille et à ses
proches.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur cette même
motion, je cède la parole à M. le député de
Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: M. le Président, je désire me joindre
à mes collègues de l'Assemblée nationale pour rendre un
dernier hommage à M. Roger Lemelin. Comme Gabrielle Roy fut le peintre
du quartier Saint-Henri, à Montréal, feu Roger Lemelin fut celui
de la basse-ville de Québec, dans le comté de Taschereau.
Né en 1919, à Québec, dans le quartier
Saint-Sauveur, il y fit ses études primaires. C'est là,
d'ailleurs, qu'il y trouva l'inspiration pour ses futurs romans. Comme ses
parents étaient pauvres, il n'a pu poursuivre ses études plus
loin que le primaire. Il a travaillé comme aide-comptable durant
quelques années, tout en suivant des cours du soir. Comme un autre
romancier très connu, Yves Thériault, on peut considérer
M. Lemelin comme un véritable autodidacte.
À cette époque, Roger Lemelin s'intéressait autant
aux sports qu'à la littérature. Il était d'ailleurs un
skieur émérite et, n'eût été une fracture
à une cheville, il aurait pu participer aux championnats du Canada.
C'est durant cette immobilité forcée qui suivit cet accident que
lui vint l'idée d'écrire son premier roman, «Au pied de la
pente douce». Dès sa parution, cette oeuvre connut un
éclatant succès. Il a mis en valeur de façon brillante,
dans ce roman, tout un quartier populaire de la basse-ville de Québec.
C'est une fresque qui a fait connaître nos gens, leurs habitudes, leurs
coutumes, leurs petits défauts autant que leurs belles qualités.
Entre les «mulots», qui sont les ouvriers, et les
«soyeux», les petits bourgeois, défile un monde d'intrigues
qui a fait le délice des lecteurs. «Au pied de la pente
douce», en 1944, et «Les Plouffe», en 1948, sont avant tout
des romans de moeurs qui ont fait connaître le peuple de Québec
tel qu'il vivait dans les années quarante.
Nous avons perdu en M. Lemelin un homme bien de chez nous, un homme qui
a fait connaître, dans un style simple et naturel, les gens de chez nous.
Il a su saisir le trait dominant d'un personnage simple, ou d'une foule, ou
d'une collectivité. C'est en ce sens que nous lui devons beaucoup, nous
du comté de Taschereau, les descendants des personnages qu'il a su si
bien peindre.
M. Lemelin, nous, du pied de la pente douce, nous vous regrettons et
nous vous remercions pour ce que vous avez fait pour notre quartier et pour
notre ville. Notre quartier, non seulement, vous l'avez fait connaître,
mais vous l'avez fait reconnaître. Merci, M. Lemelin.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur cette même
motion, M. le député de Jacques-Cartier.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. I speak on behalf of
all the Members of our own parliamentary group in also mourning the passing of
Roger Lemelin, a remarkable writer, editor, publisher, Quebecker, Canadian, and
a man who had a kind of impact in the world of letters and in the creation of a
set of characters that, I suppose, live in the imagination of us all, and in a
way has no exact counterpart even among other very distinguished writers in
Québec and Canada.
I know that for myself, for some of the greatest writers of
Québec, I did not know their writings until I came to live here. Even
someone as remarkable as, let us say, Emile Nelligan, was a writer, a poet that
I first, in fact, heard of through reading an American critic named Edmund
Wilson, not from my own Canadian school system.
But I was one of the staggering number of people who watched «The
Plouffe Family»; in this case in an English version, which was, I
suppose, one of the most remarkable television programs of its kind anywhere,
not merely here, but in the North American Continent. In the obituary notices
for Mr. Lemelin, I note that this program at its peak reached over 4 000 000
people in Canada, which is a rather staggering number, if you consider the
television of the time. I suppose to me, to other Members of this Assembly, to
other people throughout Canada, Ovide Plouffe is one of those figures who is as
real to us as people we actually know. (15 h 10)
We remember Mr. Lemelin, as I said before, not only for his considerable
literary achievement made after starting with humble origins and from poverty,
but we remember also the strong support he gave to a united Canada. I can
understand my colleagues on this side of the House, therefore, having some
reservations in marking him, but I think they would agree, all politics aside,
that he was a great figure in the literary and cultural history of
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Jacques-Cartier. Sur cette même motion de Mme la
ministre des Affaires culturelles, je cède la parole à M. le
député de Mercier. L'alternance.
M. Godin: Votre tour viendra, M. le député. Une
voix: Pas de problème...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le
député de Mercier.
M. Godin: Soyez patient, M. le député! Une
voix:...
M. Gérald Godin
M. Godin: Non, je sais bien que ce n'est pas après moi,
c'est après votre tour que vous en avez. Vous voulez avoir votre tour.
Effectivement, pour parler de Roger Lemelin, je pense qu'il est presque normal
que toute la Chambre participe à cette notice funèbre, parce que
Roger Lemelin a été, en quelque sorte, le père de la
télévision moderne au Québec. Je me souviens qu'à
l'époque, avant que chaque maison ait sa télévision, nous
nous regroupions dans des restaurants du coin de la rue, les jeunes de
l'époque, pour regarder «Les Plouffe» qui
précédait la lutte à la télévision. Toute la
soirée, on la passait debout à regarder «Les Plouffe»
et à découvrir une oeuvre de Roger Lemelin et, surtout, la classe
ouvrière de la ville de Québec qu'il a décrite mieux que
personne. En fait, la classe ouvrière du Québec, est dans
«Les Plouffe». On aurait beau chercher d'autres oeuvres de
l'époque, même d'après ou d'avant, on ne trouverait pas un
roman aussi fouillé dans la description du mode de vie et des
personnages, des tempéraments qui, dans cette famille, coexistaient
pacifiquement.
C'est ainsi qu'on assistait au dévoilement de la
réalité sociale de la ville de Québec et, par la
même occasion, de la ville de Montréal et de
Trois-Rivières, où j'habitais à l'époque. Donc, on
se voyait nous-mêmes à la télévision pour la
première fois. On n'a pas encore fait le bilan des oeuvres
influencées par «Les Plouffe», mais ce qu'on peut dire,
c'est que le grand succès aujourd'hui des
téléséries - je n'en mentionnerai aucune pour ne pas
déplaire à celles qui ne seraient pas mentionnées - c'est
grâce aux «Plouffe». Ça a amené des gens
comme... d'autres écrivains après lui, à écrire
«Lance et compte», à écrire «Les filles de
Caleb»... «Scoop», c'est mon métier, mon cher
collègue. Je n'oserais pas parler de cette émission-là
parce qu'on pourrait en discuter longtemps puis pas nécessairement pour.
N'est-ce pas, mon cher collègue journaliste d'en face?
M. le Président, je vais terminer en disant que Roger Lemelin est
parti. C'est une lourde perte pour la télévision
québécoise, pour le roman et pour les lettres
québécoises. Je me souviens quand je l'ai rencontré en
tant que journaliste, il avait des propos incendiaires contre la France. Il
prenait plaisir presque à
«picosser» les Français, et pour cause, devrais-je
dire!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Godin: II leur avait même dit, un jour: Vous devriez
tout raser ça, ces palais-là, prendre ces fonds-là puis
investir ça dans la télévision et dans des séries
comme «Les Plouffe» pour qu'on ne comprenne pas seulement la
grandeur et la richesse de vos rois, mais également la profondeur de
votre peuple. On attend encore «Les Plouffe» français, M. le
Président, parce qu'ils n'ont pas osé mettre un bulldozer, comme
on dit en bon français, dans Saint-Sauveur. On n'a pas encore
trouvé un bulldozer assez sans coeur pour raser Versailles, raser le
Louvre et autres. Au contraire, on fait des pyramides en verre autour du Louvre
pour s'assurer, s'il y a une autre révolution en France, que les vitres
de la pyramide soient les premières victimes de la hargne populaire.
M. le Président, je me joins à mes collègues pour
déplorer la perte de Roger Lemelin qui était un homme
exceptionnel. Je sais à quel point il faut travailler pour arriver
à faire un roman de la qualité de «Au pied de la pente
douce» et pour l'adapter, ensuite, en une série
télévisée qui a duré plusieurs années. Donc,
M. le Président, c'était un travailleur de force, avec un
souffle, je dirais, imbattable, qui a réussi à maintenir les
Québécois sur le bout de leur chaise pendant des années
autour des aventures du père Plouffe, de Napoléon et de toute la
famille.
Une voix: Ovide.
M. Godin: Pardon, M. le député?
Une voix: Ovide.
M. Godin: Est-ce que vous voulez parler, M. le
député? Je ne vous en empêcherai pas, n'étant pas
président. Oui, Ovide, c'est vrai.
Une voix: Ah bon!
M. Godin: Je reconnais que ce que vous dites est juste, mais ce
que je conteste, c'est le temps, le moment de vos propos. De toute
façon, comme je l'ai déjà dit, il faudrait qu'on parle
tous sur cet homme-là. Je ne voudrais pas me contredire deux secondes
après et vous barrer la route, M. le député d'Alma. Il
reste qu'Aima non plus n'a jamais été décrite, sauf
peut-être dans «Broue», écrit par deux de vos
étudiants, monsieur, qui ont d'ailleurs gardé de vous un souvenir
aussi ému que, moi, j'en garde un de Roger Lemelin. Mais il reste
à décrire la vie des gens, du peuple d'Alma et faute de compter
sur vous, qui avez d'autres occupations, nous devrons attendre que les auteurs
de «Broue» en pètent encore et nous fassent une série
qui s'appellerait peut-être «Les Brassard».
M. le Président, j'ai terminé. J'ai peut-être
dépassé ma limite, mais quand on parle d'un auteur comme Lemelin,
il est difficile de s'empêcher de parler longuement parce qu'il
était spécial. Tous ceux qui l'ont connu vous l'attesteront, M.
le Président. C'était un auteur aussi exceptionnel et aussi
irremplaçable que peut l'être Mordecai Richler pour la
communauté juive de Montréal. Mais, au moins, lui, il avait de
l'humour.
M. le Président, je sais que ce n'était pas pertinent au
sujet d'aujourd'hui, mais je ne peux m'empêcher, en comparant des
écrivains, de les comparer pour ce qu'ils sont, avec leurs
qualités et leurs défauts, et que les autres s'occupent des
leurs. M. le Président, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Mercier. Alors, en respectant la règle de
l'alternance, M. le député de Louis-Hébert, en vous
rappelant que c'est ce que j'ai fait depuis le début: d'abord, Mme la
ministre, suivie du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
député de l'Opposition officielle; le député de
Taschereau, député ministériel; le député de
Jacques-Cartier a suivi, député indépendant; un
député de l'Opposition officielle, M. le député de
Mercier, et maintenant c'est à votre tour, M. le député de
Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: M. le Président, je ne discuterai pas à
savoir si les députés indépendants sont de l'Opposition.
En tout cas, une chose est sûre, c'est qu'ils ne sont pas du pouvoir.
À partir de là, j'en tire certaines conclusions.
M. le Président, je dirai tout simplement que la Grande Faucheuse
a encore fait son oeuvre, hier, en nous ravissant un écrivain
extraordinaire en la personne de M. Roger Lemelin. M. Lemelin fait
l'unanimité. C'est une personne qui n'a jamais renié ses
origines. C'était tout simplement une force de la nature, quelqu'un qui
est allé puiser profondément dans ses racines tout ce qu'il nous
a présenté. Roger Lemelin n'a jamais renié le fait qu'il
venait de Saint-Sauveur, il en a toujours été fier, et c'est
à partir de là qu'on peut reconnaître la
sincérité d'un homme. (15 h 20)
Roger Lemelin était à l'aise avec tout le monde. Ici, dans
la région de Québec, nous avions le bonheur et le
privilège de croiser M. Lemelin en toutes occasions. Même, depuis
un certain temps, nous avions même l'occasion de le voir parfois au Grand
Théâtre, alors qu'il avait juré que jamais il ne mettrait
les pieds au Grand Théâtre, pour des raisons qui étaient
les siennes, concernant le graffiti qu'il y avait là.
M. Lemelin était quelqu'un qui jouissait d'un respect unanime de
la population et qui
était d'une approche facile. C'était non seulement un
grand écrivain, mais c'était en même temps quelqu'un qui
avait oublié qu'il était un grand écrivain. Et ça,
c'est le signe d'un grand homme. M. Lemelin ne se prenait pas, comme on dit
vulgairement, pour un autre. C'était quelqu'un qui avait continué
de frayer avec les gens ordinaires, comme vous et moi, comme les gens d'un peu
partout. C'était un compagnon absolument extraordinaire, avec lequel on
ne s'ennuyait en aucun moment. Il faut avoir fait un voyage de pêche au
saumon, comme j'ai eu l'occasion de le faire à quelques reprises, avec
lui pour voir comment les journées pouvaient s'envoler, comment les
soupers pouvaient se prolonger jusqu'à 1 heure, jusqu'à 2 heures
le matin, parce que M. Lemelin était non seulement un écrivain
extraordinaire, mais en même temps un conteur extraordinaire, doué
d'une mémoire absolument fascinante. C'était quelqu'un dont on
buvait les paroles et on en redemandait. Et c'était quelqu'un qui nous
permettait d'avoir le plaisir de frayer, de frôler, quelqu'un qu'on
savait rempli de talents, rempli de capacités et qui jouissait
déjà d'une réputation immense.
Toute la population de Québec, toute la population de la
région du Québec, du Canada, tire son chapeau à ce grand
homme, à ce grand écrivain qui n'est plus parmi nous, mais que,
fort heureusement, nous pourrons retrouver grâce à ses
écrits. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de louis-hébert. m. le député de
notre-dame-de-grâce, sur la même motion de mme la ministre des
affaires culturelles.
M. Gordon Atkinson
M. Atkinson: Thank you very much, Mr. Speaker. I believe I stand
in a rather priviledged position with respect to our friend Roger Lemelin. In
the early 1950s, I was the director of programming for CBC television from
Winnipeg to Vancouver. As the program director for Winnipeg, where we have a
sizable French-speaking population in Saint-Boniface, I instituted a series of
programs in French that were taken from the Montréal operation of
Radio-Canada. And I think that I had the great honour of not only having
«La famille Plouffe» en français in Winnipeg on Sunday
afternoon, but «The Plouffe Family» in English on Monday
evenings.
I recall the start of the program. I made friends with Jean-Louis Roux,
with Mme Pelletier, with all of these wonderful people; for the first time in
my life, I had really met a French-speaking Canadian. And I was proud of them,
as I know they were proud to bring to the rest of Canada their unique culture
and their unique language. To Roger, merci. We will always remember you. Roger,
au revoir.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Est-ce qu'il y a d'autres
interventions? Il n'y a pas d'autres interventions. M. le député
d'Argenteuil et ministre des Affaires municipales.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, je vais ajouter ma modeste voix
à celles que nous avons entendues pour rendre hommage à ce grand
écrivain, à ce grand Québécois, à ce grand
Canadien aussi qu'a été Roger Lemelin. J'ai bien connu Roger
Lemelin pendant la période où il était éditeur de
La Presse. Nous étions des rivaux, en même temps des amis.
J'ai eu l'occasion de ferrailler avec lui autour de sujets qui tantôt
nous séparaient, tantôt nous unissaient, et jamais il n'est
resté de ces croisements de fer des sentiments de rancune, de vengeance
ou d'inimitié. Au contraire, chaque fois que nous avions l'occasion de
débattre publiquement, nous étions plus proches l'un de l'autre
après qu'avant, ce qui est le signe d'un débat
civilisé.
Il aimait beaucoup le débat, il aimait la lutte. C'était
un homme qui avait grandi dans l'épreuve, dans la lutte. Il donnait,
à ce point de vue là, un témoignage formidable à
ses compatriotes québécois en leur rappelant que toute ascension
véritable doit d'abord procéder d'un effort personnel, d'une
responsabilité individuelle, et que ça ne donne rien d'invoquer
les droits collectifs ou les recours collectifs à tout propos; si la
volonté d'être personnellement n'est pas là d'abord, tout
le reste risque d'être grande illusion. De ce point de vue là, je
pense que l'expérience de sa vie et le témoignage de son oeuvre
portent une leçon très forte, cette leçon de la
responsabilité de l'engagement total.
Deuxièmement, ce que je retenais, c'est que M. Lemelin n'avait
pas fait des études que d'autres avaient faites. Il n'avait pas eu le
privilège d'accéder aux études régulières
par les voies du collège et de l'université. Mais son
expérience démontre que la vie de l'esprit ne passe pas
nécessairement par ces voies conventionnelles, qu'on peut y avoir
accès sous ses formes les plus exaltantes, les plus créatrices,
à force d'initiatives, de réflexion, de travail. Et je pense que
c'est ce qu'il y a de plus beau dans sa vie, qu'il ait atteint au sommet de la
création, de l'expression, même de la responsabilité parce
que, en plus d'être écrivain, il a été un homme
d'affaires remarquable. Il y a une période de sa vie pendant laquelle il
s'est occupé pratiquement exclusivement d'affaires, et il avait
très bien réussi. Il a même été
propriétaire, à un moment donné, d'une compagnie de
saucisses, si mes souvenirs sont bons. Mais tout ce qu'il a touché, il
réussissait à lui donner vie, à lui donner un sens.
Je l'ai connu de manière particulière également
dans les luttes que nous avons faites
au plan politique ces dernières années. M. Lemelin
était un Québécois profondément enraciné. Il
a exprimé mieux que la plupart d'entre nous ce qu'il y a d'absolument
fondamental dans l'âme québécoise, dans la conscience et
dans l'expérience québécoises.
En même temps, c'était un Canadien très
engagé. C'était un homme qui croyait profondément à
l'expérience canadienne, qui l'a vécue personnellement, qui l'a
défendue sur le plan politique et public, toujours avec une vigueur
empreinte de modération. Finalement, il était vigoureux dans
l'expression, mais très modéré dans la pensée,
très modéré. Je partageais ce sentiment avec lui, et je
pense qu'il l'a nourri, ce sentiment, jusqu'à la fin.
J'étais très ému... Samedi dernier, j'ai lu dans
La Presse une chronique; je pense que c'est Reginald Martel qui a fait
une chronique. C'est une toute dernière entrevue qu'il était
allé faire avec M. Lemelin. On retrouvait son esprit combatif. Moi, en
lisant l'article, j'avais eu l'impression qu'il avait vaincu le cancer. Et
quand j'ai appris la nouvelle hier, j'ai été complètement
renversé parce que je me disais: La politique nous sépare de nos
amis. Je n'avais pas le temps de le voir à Québec et je me
promettais toujours, un bon jour, de passer une soirée avec lui, mais
l'occasion ne se présentait pas. Quand la nouvelle est arrivée
hier, j'ai été profondément renversé,
attristé. Je pense que tous nos concitoyens, toutes nos concitoyennes
partagent ce sentiment qui s'est exprimé dans la Chambre aujourd'hui:
l'admiration devant une très grande oeuvre, devant une vie qui a
été réussie à tous points de vue, et
également devant le message d'espoir que Roger Lemelin a toujours
incarné. C'était un optimiste qui croyait en l'avenir, qui
croyait en la possibilité pour l'homme de construire un avenir meilleur.
Et je pense que ce sentiment vivra longtemps avec nous.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.
Est-ce que la motion de Mme la députée des Affaires culturelles,
qui se lit comme suit: «Qu'à la suite du décès de M.
Roger Lemelin, l'Assemblée nationale rende hommage à cet
écrivain et journaliste québécois et offre ses plus
sincères condoléances à sa famille et à ses
nombreux amis», est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le
leader du gouvernement, pour les avis des travaux.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Pagé: Alors, M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, de 15 h 30 à 18 h 30 et de 20 heures
à 23 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de
l'aména- gement et des équipements complétera sa
consultation générale dans le cadre de l'étude du projet
de loi 412, la Lof sur l'Office de protection de l'environnement du
Québec et modifiant diverses dispositions législatives. (15 h
30)
J'avise, de plus, que de 15 h 30 à 18 h 30 et de 20 heures
à 20 h 45, ainsi que demain, le mercredi 18 mars 1992, de 9 h 30
à 13 heures, à la salle du Conseil législatif, la
commission des affaires sociales poursuivra sa consultation
générale sur le document de consultation intitulé
«Partenaires pour un Québec compétent et
compétitif» et aussi sur le projet de loi 408, Loi sur la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre.
J'avise également cette Assemblée que demain, le mercredi
18 mars 1992, de 9 h 30 à 12 h 30, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions procédera à
des consultations particulières dans le cadre de l'étude du
projet de loi 404, Loi modifiant la Loi sur les conditions de travail et le
régime de pension des membres de l'Assemblée nationale et
d'autres dispositions législatives.
Par ailleurs, je rappelle à cette Assemblée que demain, le
mercredi 18 mars 1992, de 16 h 30 à 18 h 30 et, si nécessaire, de
20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFon-taine, la
commission de l'aménagement et des équipements poursuivra
l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt
privé 281, Loi concernant la ville de Saint-Laurent. Cet avis modifie
celui communiqué à cette Chambre le mardi 10 mars 1992.
D'ailleurs, on se rappellera que l'avis du 10 mars indiquait que la commission
de l'aménagement et des équipements siégerait après
les affaires courantes, en après-midi, plutôt qu'à 16 h 30.
Or, elle siégera à compter de 16 h 30 demain.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le leader du
gouvernement. J'ai besoin d'un consentement pour déroger à
l'article 143. Consentement.
J'ai moi-même l'avis suivant à vous fournir. Je vous avise
que demain, le mercredi 18 mars, de 9 h 30 à 12 h 30 et, si
nécessaire, le jeudi 19 mars, de 9 h 30 à 12 h 30, à la
salle 161, la commission de l'aménagement et des équipements se
réunira en séance de travail. L'objet de ces séances est
de procéder à l'étude du projet de rapport sur l'examen
des orientations, des activités et de la gestion du Bureau de
révision de l'évaluation foncière du Québec et
à l'étude du projet de rapport sur la procédure
d'évaluation des impacts sur l'environnement.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée. Aucune question?
J'ai l'avis suivant à vous transmettre.
Je vous informe que demain matin, lors des affaires inscrites par les
députés de l'Opposition, sera débattue la motion
présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean et
whip de l'Opposition officielle, motion qui se lit comme suit: «Que
l'Assemblée nationale réaffirme la position du gouvernement
exprimée solennellement par le premier ministre à l'occasion d'un
message à la population, le 23 juin 1990, à l'effet de
négocier dorénavant à deux et non à onze avec le
gouvernement canadien tout projet d'entente constitutionnelle.»
Nous en arrivons maintenant à l'étape des affaires du
jour. M. le leader du gouvernement, quel article de notre feuilleton?
M. Pagé: M. le Président, je vous invite à
appeler l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 418 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 7 de
notre feuilleton, M. le ministre des Approvisionnements et Services propose
l'adoption du principe du projet de loi 418, Loi modifiant la Loi sur la
Société immobilière du Québec. M. le ministre des
Approvisionnements et Services, pour votre intervention principale.
M. Robert Dutil
M. Dutil: Merci, M. le Président. En 1971, dans le but
notamment de centraliser certains espaces à bureau du gouvernement et de
ses organismes à Montréal et de contribuer au
développement de l'est du centre-ville de Montréal, la
Société de développement immobilier du Québec, la
SODEVIQ, s'associe avec le Mouvement Desjardins pour construire et
opérer Place Desjardins. Les droits de la SODEVIQ sont assumés
depuis 1985 par la Société immobilière du Québec,
mieux connue sous le nom de la SIQ, et la construction de ce complexe s'est
achevée en 1976, au coût total de 207 000 000 $.
Place Desjardins est un complexe immobilier composé de trois
tours à bureaux, d'un basiliaire et d'un hôtel opéré
par la chaîne Méridien. L'immeuble appartient et est
géré par la corporation Place Desjardins inc., que l'on nomme
habituellement PDI, dont les actionnaires sont la SIQ, pour 49 %, et diverses
institutions du Mouvement Desjardins, pour 51 %, dont 36 % par la
Fédération des caisses populaires Desjardins de Montréal
et de l'ouest du Québec.
Les actionnaires du Mouvement Desjardins sont regroupés dans une
coopérative, la Corporation immobilière Place Desjardins,
laquelle est partie à une convention d'actionnaires avec la
Société immobilière. En vertu de cette convention, la
Société immobilière du Québec, la SIQ, ne peut
céder ses actions dans PDI sans autorisation de la CIPD, sauf à
la Caisse de dépôt et placement du Québec. La SIQ et le
Mouvement Desjardins sont les principaux locataires de PDI avec chacun 35 % de
l'espace à bureaux et du basiliaire. Ils disposent tous deux de baux
à long terme à des conditions avantageuses pour des superficies
de 600 000 pieds carrés pour la Société immobilière
du Québec et de 250 000 pieds carrés pour le Mouvement
Desjardins.
Par ailleurs, Place Desjardins occupe une place avantageuse dans le
marché immobilier montréalais avec un taux d'inoccupation presque
nul dans l'immédiat. La politique du gouvernement en matière de
participation des sociétés d'État - c'est ce qui nous
amène à demander à l'Assemblée nationale l'adoption
du projet de loi 418 - à des activités commerciales est de se
retirer lorsque les objectifs initiaux sont atteints et que le secteur
privé peut prendre la relève. Dans le cas de PDI, l'objectif de
contribuer au développement de l'est du centre-ville a évidemment
été atteint par la construction de l'immeuble. Quant à
l'objectif de centraliser à bon prix la localisation de certaines
activités gouvernementales qui sont conduites à Montréal,
il a également été atteint par la signature de baux
à long terme par la SIQ à des prix avantageux qui échoient
en l'an 2005 et qui auraient dû, de toute façon, être
renouvelés à ce moment-là au prix du marché.
Étant donné ces acquis, il n'y a plus de justification
majeure au maintien d'une participation de la SIQ dans Place Desjardins. C'est
la raison pour laquelle le projet de loi apporte deux légères
modifications, qui sont: la première, de remplacer le mot
«doit» par «peut» quant à notre participation au
conseil d'administration. Ça se lirait donc: «Que la
Société immobilière du Québec peut participer au
conseil d'administration de Place Desjardins». Un deuxième article
nous permettrait de vendre cette partie de notre portefeuille à la
Confédération des caisses populaires et d'économie
Desjardins du Québec ou à Place Desjardins, ce qui n'avait pas
été prévu initialement dans la loi puisque, à
l'article 21.2, nous mentionnions que ses actions ne pouvaient être
cédées à d'autres qu'à la Caisse de
dépôt et placement du Québec ou à toute corporation
publique ou à tout corps public.
Voilà, M. le Président, les objectifs du projet de loi que
nous présentons aujourd'hui. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mme la
députée de Verchères, sur le même sujet, à
savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 418, Loi
modifiant la Loi sur la Société immobilière du
Québec, je vous cède la parole. Je vous rappelle qu'en votre
qualité de critique vous disposez d'une période maximale de 60
minutes.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. M. le ministre des
Approvisionnements et Services, en faisant l'historique, un bref historique de
la Société immobilière du Québec, je lui en suis
reconnaissante au niveau de l'information à donner au public. Cependant,
je suis un peu surprise de voir avec quelle rapidité ce projet de loi
est arrivé en Chambre et avec quelle rapidité on veut le passer.
On sait que ce projet de loi permet à la Société
immobilière du Québec, qui détient les
intérêts du gouvernement dans Place Desjardins, de vendre ses
actions à Desjardins ou à une de ses filiales, comme M. le
ministre a bien voulu l'expliquer tantôt. On sait que la
Société immobilière du Québec détient 49 %
des parts et que ses parts seraient vendues à la société
de placements Desjardins.
Ce qui m'étonne dans ce geste du gouvernement et dans ce projet
de loi qui arrive avec autant de rapidité, c'est les motifs pour
lesquels on s'apprête à vendre, le gouvernement s'apprête
à vendre, et les motifs invoqués par le ministre. Le ministre
vient de dire, tantôt, qu'il se retire, que le gouvernement se retire
lorsqu'une entreprise privée est prête à prendre la
relève. Je doute que ces motifs ne soient les vrais motifs, M. le
Président, puisqu'on peut dire que, présentement - M. le ministre
en conviendra - à cause de la conjoncture, ce n'est pas un marché
qui favorise les vendeurs, mais plutôt les acheteurs. (15 h 40)
On sait aussi que la conjoncture économique, comme je l'ai dit
tantôt... Le gouvernement donne l'apparence de vouloir favoriser
l'entreprise privée. On sait que le gouvernement actuel a une tendance
à la privatisation. Ce n'est pas un défaut en soi, mais
là, ce qui me préoccupe, c'est qu'il donne une autre apparence
qui est celle, M. le Président, d'un gouvernement qui est pratiquement
sur le point de faire faillite. Pourquoi le présenter à ce
moment-ci et avec autant de rapidité, si ce n'est pas pour aller
chercher, en vendant ces actifs, 200 000 000 $ pour peut-être - demain
nous le saurons, à la lecture du budget - boucher un trou dans le
budget, un trou de 200 000 000 $? C'est l'apparence que ça donne, M. le
Président. Je ne serais pas étonnée du tout de voir qu'il
y a peut-être un trou de 200 000 000 $ dans le budget et que, là,
on vend les actifs pour essayer de donner l'apparence d'une saine gestion et
que le gouvernement est parvenu à boucler le budget et à ne pas
faire de déficit plus que prévu.
Nous aurons l'occasion, bien sûr, d'élaborer sur le sujet
en commission parlementaire. Cependant, il y a quelques questions aussi
auxquelles le ministre devra répondre, à savoir: Est-ce que le
montant qui représente la vente - on parle d'une vente de 200 000 000 $,
quoique les chiffres soient à vérifier en commission par-
lementaire - et la valeur totale, qui serait de 414 000 000 $, ce qui, en
apparence, donne l'impression que c'est à peu près une valeur
exacte, que le prix d'achat ou le prix de vente serait dans les valeurs assez
exactes... Cependant, on se base, pour établir ce montant, sur
l'évaluation, le rôle d'évaluation de la ville de
Montréal. On sait que ce n'est pas toujours exact et que c'est
très rare qu'une propriété ou un immeuble soit
évalué à sa juste valeur. Ça, M. le
Président, c'est bien sûr qu'en commission parlementaire le
ministre devra donner plus de précisions à cet effet, à
savoir: Est-ce que ça représente bien la valeur du marché
immobilier actuellement au centre-ville et quels seraient les effets aussi de
cette vente sur les baux et espaces occupés par le gouvernement? On sait
qu'une partie ou, du moins, peut-être autour de 50 % de la Place
Desjardins, c'est occupé - ce serait à préciser, toutefois
- par des bureaux du gouvernement. Donc, ce sera intéressant de savoir
l'impact que ça aura sur la location et le prix que devra payer le
gouvernement pour ses espaces à bureaux.
Bien sûr qu'à première vue l'Opposition n'est pas
contre le principe que le gouvernement ou qu'une société
appartenant au gouvernement vende ses actions au moment où il le
décide bien. Ce qui est plus préoccupant, c'est de voir à
quel moment il le vend et les motifs. Comme je disais tantôt, quels sont
les motifs pour lesquels le gouvernement veut le vendre tout de suite et
à ce prix? Ça s'est fait pratiquement, je ne dirais pas
pratiquement en catimini, mais c'est déjà tout fait. Il
semblerait que le projet de loi ne vienne que confirmer ce qui est
déjà fait, vienne confirmer les ententes qui sont
déjà faites. Je lis, par exemple, dans La Presse, que le
gouvernement du Québec doit vendre, d'ici à deux semaines, au
Mouvement Desjardins ses intérêts. Pourquoi «doit
vendre»? Pourquoi d'ici à deux semaines? Pour le gouvernement
Bourassa, il s'agit... il serait nécessaire... La transaction avec
Québec devrait se conclure avant le 31 mars. Pourquoi cette date?
Pourquoi autant d'urgence à le présenter et avant la fin du
budget, avant le 1er avril? Je pense que c'est des questions auxquelles le
ministre devrait certainement avoir ou, du moins, devra avoir des
réponses.
Je n'ai pas l'intention, M. le Président, de prolonger
indûment ce discours. Cependant, je pense que M. le ministre conviendra,
du moins en apparence - et souvent, vous savez, il y a justice, mais il faut
qu'il y ait apparence de justice - que ça ressemble à une vente
d'urgence, à une vente qu'on pourrait pratiquement qualifier d'une vente
de feu et que ce projet de loi vient pratiquement servir le rôle de
pompier en venant sauver le gouvernement d'un déficit qui n'était
pas prévu et sauver les apparences, ce qui donne, par contre,
peut-être, ce qui peut apporter plus d'insécurité au niveau
du public
qu'il n'y en a déjà présentement en disant qu'on
commence à liquider les actifs.
Alors, c'est à toutes ces questions-là, M. le
Président, que le ministre devra répondre lors de la commission
parlementaire. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée. Est-ce qu'il y a d'autres interventions sur ce
même sujet? Oui? Toujours sur ce même sujet, à savoir la
motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 418, Loi modifiant la
Loi sur la Société immobilière du Québec, je
cède la parole à M. le député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Je viens
d'entendre le ministre des Approvisionnements et Services parler 5 minutes sur
une vente de l'ordre de 200 000 000 $ d'actifs du gouvernement. Cinq minutes,
c'est pratiquement de l'arrogance et je pense que nous devons le lui reprocher.
Tout cela se situe, évidemment, en ligne avec la façon dont on a
traité cette transaction que l'on veut faire.
Quand je lis, dans le journal Les Affaires du samedi 14 mars
dernier, la phrase suivante: «La vente du bloc de 49 % de Place
Desjardins détenu par la SIQ doit recevoir l'aval de l'Assemblée
nationale, une formalité législative, au cours des toutes
prochaines semaines, estime-t-on à la direction du ministère des
Finances» - des Finances, pas de son ministère, des Finances -
cela laisse présager les raisons profondes qu'il y a derrière
cette transaction qui se passe tout à coup dans les dernières
minutes de la présente session et de la présente
année.
M. le Président, je pense qu'il y a des questions qui se posent
au sujet de cette transaction auxquelles nous devons avoir des réponses.
D'abord, l'implication ou les raisons de l'implication du gouvernement dans
cette Place Desjardins. Rappelons que la Place Desjardins est la place
immobilière la deuxième plus importante de Montréal et
pratiquement du Québec. La seule qui la dépasse en termes de
superficie, c'est la Place Ville-Marie.
Il s'agit de près de 2 000 000 de pieds carrés, en
l'occurrence, donc une place immense. Je me rappelle très bien que,
lorsqu'elle avait été annoncée et construite, les
Québécois en avaient été très fiers, non
seulement ceux de Montréal, mais ceux de tout le Québec, parce
qu'il s'agissait là d'un grand complexe immobilier à
Montréal. Le gouvernement s'était impliqué parce qu'il
avait besoin de locaux et que le Mouvement Desjardins avait lui aussi besoin de
locaux.
En fait, aujourd'hui, ce que nous trouvons dans les locaux du complexe
Desjardins à Montréal, c'est essentiellement le Mouvement
Desjardins et le gouvernement du Québec. Il y a l'hôtel
Méridien, il y a d'autres propriétés, d'autres
investisseurs, mais, en gros, les gros utilisateurs de ces espaces immobiliers
sont le Mouvement Desjardins et le gouvernement du Québec. C'est comme
cela que, finalement, aussi, au cours des années de 1975 à 1980,
on avait refait le dispositif financier, à la base, de Place Desjardins
qui était érigé de telle façon que c'était
le Mouvement Desjardins qui contrôlait 51 % des parts et le gouvernement
du Québec 49 %. (15 h 50)
L'une des raisons, aussi, pour lesquelles le gouvernement du
Québec avait décidé de s'implanter dans cet
édifice, c'était qu'on voulait développer le centre-ville
de Montréal, allant vers la partie centrale de Montréal, parce
que nous sommes tout près de la rue Saint-Laurent, qu'il y avait des
espaces libres, qu'on avait besoin de bureaux et qu'on voulait aussi refaire le
tissu urbain du centre de Montréal. Ça a été une
grande raison.
Quand nous regardons cet ensemble de Montréal, nous voyons
très bien qu'il y a la Place des Arts, en face, il y a la Place
Desjardins, il y a le complexe Guy-Favreau et il y a le Palais des
congrès que nous avons fait ériger lorsque nous étions au
gouvernement de façon que cet endroit, ce site de Montréal soit
lié le plus possible au Vieux-Montréal pour faire revivre
Montréal, le centre de Montréal.
J'entendais le ministre dire, tout à l'heure, que c'était
«mission accomplie». Je me suis dit, M. le Président, que ce
ministre n'est pas allé très souvent à Montréal par
les temps qui courent parce qu'il verrait tous les endroits vacants, tous les
terrains vacants qu'il y a à Montréal. C'en est une pitié!
Si le gouvernement récupère des fonds de la Place Desjardins, il
doit les conserver pour procéder à une autre opération de
même nature ou de nature, en tout cas, à meubler le centre-ville
de Montréal. Le ministre du Tourisme, qui est ici, devrait être
d'accord avec moi que les 200 000 000 $ que le gouvernement va
récupérer de cette façon devraient être
réinvestis dans des équipements qui vont meubler le centre-ville
de Montréal. Aucune intention de cette nature n'a été
indiquée par le ministre parce qu'il a dit que c'était
«mission accomplie».
Une telle phrase indique très clairement qu'il ne connaît
pas ce dont il parle. Il ne connaît pas ce qui se passe au centre-ville
de Montréal, c'est évident. Il devrait sortir. Je comprends que,
dans la Beauce, il y a aussi des développements, qu'il y a des choses
intéressantes qui se passent, mais il faudrait qu'il sorte un peu de la
Beauce et qu'il aille voir ce qui se passe à Montréal, qu'il y
aille. Ça ferait du bien. Il ne sortirait pas une phrase comme celle
qu'il vient de dire, que c'était «mission accomplie»
à Montréal, le rôle du gouvernement, puis dans le
centre-ville. C'est le contraire qui est évident. M. le
Président, c'est une des phrases malheu-
reuses que ce ministre a sorties dans les quelque pauvres cinq minutes
où il parlé de ce dossier.
Deuxièmement, le gouvernement choisit ce moment-ci pour faire la
transaction alors que l'on sait que le marché de l'immobilier à
Montréal est déprimé. Pas juste à Montréal,
mais à Montréal, en particulier, il est déprimé.
Est-ce que c'est le moment pour le gouvernement de disposer d'un tel actif?
Est-ce que c'est le moment? Je pense que non. Je pense que, normalement, pour
récupérer sa mise de fonds, il aurait dû attendre que le
marché se rétablisse, à moins qu'il n'y ait d'autres
raisons que celles qu'il a données. En passant, il me semble
justifié que le gouvernement utilise ces locaux et continue d'investir
dans ces locaux. mais, quoi qu'il en soit, en ce qui concerne la transaction,
les journaux ont parlé d'une somme de 150 000 000 $ à 200 000 000
$ sur un actif qui serait évalué, d'après un
professionnel... on nous dit ici que, comparativement à d'autres
immeubles, ça pourrait être évalué à 390 000
000 $. on parle donc d'un immeuble de 400 000 000 $, globalement, à ce
moment-ci, au moment où le marché est déprimé.
est-ce que le ministre va vendre, lui, ses actifs à un moment où
le marché est bas, où il va avoir les deux tiers de la valeur de
sa maison? peut-être, je ne connais pas ses qualités
d'administrateur. on pourra en juger à ce qu'il fait avec le bien
public. mais, quoi qu'il en soit, le faire, à ce moment-ci, c'est
sûr que ce n'est pas le meilleur moment pour le gouvernement, à un
moment où le marché est déprimé.
Qu'est-ce qu'on nous dit? 150 000 000 $ à 200 000 000 $. Quelle
est l'évaluation municipale? 414 000 000 $, nous dit-on. Encore
faudrait-il... Nous le vérifierons. J'espère que le ministre aura
les chiffres en commission parlementaire, 414 000 000 $. Est-ce que
l'évaluation municipale représente la valeur marchande de cet
immeuble? Grande question! Peut-être que oui, peut-être que non,
dépendant du marché.
Lorsque nous parlons d'évaluation municipale à
Montréal, d'après les comptes de taxes, à l'heure
actuelle, il s'agit de l'évaluation de 1990 qui a été
portée au rôle fin 1991 et qui sert maintenant
d'évaluation, donc deux ans de retard. Est-ce que ça ne vaut
toujours que 414 000 000 $, l'évaluation municipale? Si le marché
dit 390 000 000 $, par comparaison, c'est une indication que le marché
est déprimé et tout le monde sait que, deux ans après,
normalement, un immeuble se vend beaucoup plus que l'évaluation
municipale, celle qui a été faite il y a deux ans. Vente de feu?
Peut-être bien. Nous y reviendrons.
M. le Président, on est en train de se départir des actifs
du gouvernement. Remarquez bien, par ailleurs - et c'était le
troisième point que je voulais toucher - qu'il s'agit de locaux
utilisés en très grande partie par le gouvernement du
Québec. Est-ce que le gouvernement du
Québec est en train de nous dire qu'il va vendre ses
édifices pour les louer par la suite? À mon sens, je ne pense pas
que le gouvernement du Québec ait intérêt à vider
les locaux de la Place Desjardins pour en louer d'autres. Ce n'est pas de cela
qu'il s'agit. Il va rester dans les mêmes locaux, vraisemblablement. Ils
sont bien situés, au centre-ville. Ce sont des locaux très bons,
modernes. J'ai eu l'occasion de les voir, d'y vivre comme ministre des Affaires
municipales ayant ses bureaux dans ces locaux, et je pense que le gouvernement
va continuer de les habiter.
Donc, ce que nous faisons, nous vendons nos actions, nos parts dans un
édifice pour, après, garder ces locaux et louer ces mêmes
locaux. L'inverse de ce qu'on fait généralement. On peut louer
des locaux pour voir si cela convient, à la suite de quoi, une
période d'essai, d'expérience, on les acquiert, on les
achète. Le gouvernement libéral, qu'est-ce qu'il fait? Il a
d'abord contribué au financement pour développer le centre-ville
de Montréal. Nous-mêmes, nous l'avons fait aussi, mais maintenant,
après 15 années d'expérience, on vend les locaux et on
continue de les utiliser, de les habiter. Le contraire de ce qu'on fait
généralement. Ils sont en train de brader notre héritage
pour des raisons obscures. Les vraies raisons, on ne les dit pas. Le ministre
ne les a pas évoquées tout à l'heure. Il ne les a pas
évoquées.
Je pense qu'il s'agit là d'une politique malsaine que de vendre
des propriétés que l'on a pour les louer par la suite, y rester,
alors qu'on était propriétaires. C'est un gouvernement qui
était propriétaire et qui devient locataire. C'est ça qui
se passe, M. le Président, dans le deuxième plus grand complexe
immobilier du Québec. Du Québec! Je vois que le ministre commence
à baisser la tête. Oui, il a raison d'avoir honte de ce qu'il
fait. Il n'est pas seul dans le dossier, je pense bien, parce que je reviens
à la phrase que je lisais tout à l'heure, qu'il s'agissait
là «d'une formalité législative au cours des toutes
prochaines semaines, estime-t-on à la direction du ministère des
Finances.» Et voilà ce que dit le journal Les Affaires.
De quoi s'agit-il, au fond? Le ministre des Finances tarde à
déposer la synthèse des opérations financières du
31 décembre dernier. Nous sommes aujourd'hui le 17 mars, il n'a pas
encore déposé la synthèse des opérations
financières du gouvernement, puis il veut terminer son année le
31 mars avec un déficit qu'il voudrait garder en dedans de certaines
proportions, que je ne connais pas aujourd'hui, mais il a besoin de fonds.
C'est pour cela qu'il vend sa maison pour devenir locataire. Il vend sa maison
à Montréal pour devenir locataire. Le ministre des
Approvisionnements et Services est en train de vendre les
propriétés du gouvernement pour devenir locataire avant le 31
mars, avant le 1er avril, pour aller se chercher 200 000 000 $, combler ses
coffres et éviter de montrer à la population
un déficit très élevé. 200 000 000 $. (16
heures)
M. le Président, je voudrais bien que le ministre des Finances
dépose sa synthèse des opérations financières au
moins du 31 décembre. Au moins, nous pourrions avoir des explications
sur les véritables raisons qui motivent une telle transaction faite
à la vapeur, cette vente de feu qu'il fait maintenant. On veut
récupérer 200 000 000 $. On a le cran de venir dire ici que c'est
«mission accomplie» dans le centre-ville de Montréal. Je me
demande si le président du Conseil du trésor, responsable du plan
de relance de Montréal, est d'accord avec le ministre, avec ce qu'il
vient de dire.
Il me semble que ce soit à l'inverse des préoccupations
qu'il devrait avoir et qu'à tout le moins, si le président du
Conseil du trésor répondait à ses responsabilités,
il devrait mettre la main sur ces 200 000 000 $ et les investir dans des
équipements structurants à Montréal, et ne pas les laisser
uniquement au ministre des Finances simplement pour dorer l'image de la
situation financière désastreuse du gouvernement. Le ministre est
un instrument du ministre des Finances. Le ministre des Approvisionnements et
Services est un instrument du ministre des Finances. Il est en train de vendre
sa maison parce qu'il est en faillite. La faillite libérale. Eux qui
disent qu'ils ont bien administré le gouvernement du Québec et
qui, aujourd'hui, sont obligés de se départir de leurs actifs
à long terme pour faire du «window dressing» dans la
situation financière du gouvernement.
Vous ne connaissez pas ça du «window dressing»? Vous
êtes en train d'essayer de camoufler vos besoins de fonds à court
terme, la situation désastreuse de votre fonds de roulement au
gouvernement. Vous vendez votre maison pour vous faire des fonds à court
terme. M. le Président, je comprends que le ministre essaie, dans cinq
courtes minutes, de dire qu'il doit faire une transaction. D'ailleurs, les
raisons qu'il a données ne sont pas du tout concluantes. On doit les
faire avant le 31 mars, avant le 1er avril, et vous voyez bien que ça ne
va pas très loin comme raison.
Je voudrais bien qu'il m'explique l'empressement qu'il y a à
faire une telle transaction qui vient tout juste d'apparaître dans le
public. Est-ce qu'on peut dire... Est-ce que le ministre peut nous dire les
conséquences d'une telle transaction sur les équilibres
budgétaires du gouvernement? Est-ce qu'il peut nous en parler? Est-ce
que le ministre des Finances pourrait nous le dire? Je pense que c'est
ça la vraie raison. C'est pour ça que vous vous
départissez d'un tel actif, que le gouvernement se départit d'un
tel actif parce que les raisons qui ont fait que le gouvernement s'est
impliqué à l'époque dans le financement de Place
Desjardins sont toujours valables.
Il doit y avoir une implication du gouver- nement au centre-ville de
Montréal. Le gouvernement doit garder ses bureaux au centre-ville de
Montréal. Il doit être au centre de l'activité
économique et c'est pour cela que le gouvernement du Québec avait
investi dans Place Desjardins. Ces raisons-là sont toujours les
mêmes. Il n'y a eu aucune justification de donnée à l'effet
de changer une telle attitude, aucune justification, sauf celle qu'ils ne
disent pas.
En réalité, dans toute cette transaction... On me
comprendra, M. le Président, je n'ai absolument rien contre le Mouvement
Desjardins qui acquiert, qui va acquérir 100 % des parts de Place
Desjardins. À mon sens, on pourrait toujours se consoler facilement en
disant qu'effectivement, avec le Mouvement Desjardins, nos actifs sont
probablement mieux administrés, voyez, sont mieux administrés que
sous la gestion du gouvernement libéral.
À ce compte-là, Place Desjardins ou le Mouvement
Desjardins, je suis sûr, va garder ses actifs en bon état et va en
faire un bon usage-Sauf, M. le Président, que sur un plan public, sur un
plan de gestion publique, il me semble qu'on ne doive pas tirer les mêmes
conclusions, qu'on doive s'interroger, à savoir si le gouvernement doit
devenir locataire, doit vendre ses immeubles, ses édifices, ses actifs
et redevenir locataire des édifices qu'il a déjà
possédés et dont le coût de location va augmenter, par la
suite, à la valeur du marché, comme il arrive dans ces
transactions. Par la suite aussi, les coûts de location, les coûts
d'utilisation des locaux vont être beaucoup plus élevés que
s'il était propriétaire, alors qu'il n'aurait qu'à payer
les taxes sur ces immeubles.
M. le Président, je pense qu'il s'agit d'une gestion à
courte vue, vraiment une preuve de gestion à courte vue que celle que le
gouvernement nous fait aujourd'hui en vendant la Place Desjardins. Une gestion
à courte vue! De propriétaire, il devient locataire. Il
règle son problème financier? On ne le sait même pas. Il
diminue son déficit cette année mais, l'an prochain, il aura des
coûts de location plus élevés. Et plus le temps passera,
plus ses coûts de location seront élevés. En d'autres
termes, il se prive de l'augmentation de la valeur du capital, de son capital,
dans Montréal, pour des besoins de financement à court terme.
Je pense que, lorsque le ministre invoque l'orientation de
privatisation, c'est pousser loin, parce que ce n'est pas de cela qu'il s'agit.
S'il s'agissait d'opérations commerciales, d'opérations
industrielles, il pourrait y avoir certaines justifications, et, encore
là, il faudrait voir au dossier. Mais, dans le cas de l'utilisation de
locaux, d'édifices qu'il a construits en collaboration, en
coopération avec le Mouvement Desjardins, lorsqu'il s'agit de locaux
qu'il utilise lui-même, qu'il va continuer d'utiliser, il me semble qu'il
n'y a aucune raison de s'en départir. Aucune raison de s'en
départir, sauf, d'après ce
qu'il dit, d'aller chercher des fonds à court terme, de faire une
vente de feu de notre héritage collectif pour éviter de montrer
le vrai portrait de ses finances publiques. Ce qu'il va démontrer, dans
son déficit, ce sont des opérations courantes, à court
terme, sur un an. Pour montrer une meilleure image, il aura vendu un bien
collectif des Québécois.
Il va se retrouver locataire dans une maison qu'il avait
possédée. Il va devoir payer des loyers qui vont grandir
d'année en année, pour des locaux dont il était auparavant
le propriétaire. Lorsqu'un particulier administre ses affaires de cette
façon, on ne l'admet pas. Dans le privé, on ne l'admet pas, on
dit qu'il gère mal ses affaires. Même, dans l'entreprise
privée, on dit qu'une entreprise qui fait ainsi, qu'un particulier qui
agit ainsi gère mal ses affaires; c'est évident, c'est absolument
évident. C'est la caractéristique de ce gouvernement qui fait de
mauvaises prévisions, qui est incapable de les respecter, qui
défonce toujours ses dépenses, qui les contrôle mal et qui
prend les moyens pour empirer la situation, comme le dispositif que nous voyons
ici aujourd'hui. C'est de ça qu'il s'agit. C'est rare de voir une telle
incompétence à l'oeuvre.
Je vois bien que le ministre des Approvisionnements et Services a
cédé à la pression du ministre des Finances; c'est
ça qui se passe ici. Nous le rappellerons à l'Assemblée
nationale en temps et lieu. Je pense que, lorsqu'il a dit que c'était
«mission accomplie» pour le gouvernement, dans Montréal, M.
le Président, cela nous rend inquiets, très fortement inquiets,
alors que son travail n'a même pas commencé, depuis deux ou trois
ans qu'on le presse de poser des gestes concrets de développement,
à Montréal. Aujourd'hui, on va aller récupérer 200
000 000 $ dans une vente de feu pour limiter un déficit qui,
déjà, dépasse très largement les prévisions
du printemps dernier. (16 h 10)
M. le Président, c'est une mauvaise transaction. Nous verrons en
commission parlementaire. J'espère que le ministre va déposer son
dossier, qu'il va nous dire, nous démontrer les raisons, les appuyer,
les étoffer, ces raisons pour lesquelles il vend sa maison à
Montréal.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Labelle, je vous remercie. Alors, s'il n'y a pas
d'autres interventions, je vais demander à M. le ministre s'il veut
procéder à sa réplique. Allez-y, M. le ministre.
M. Robert Dutil (réplique)
M. Dutil: Alors, M. le Président, juste deux petits points
qui, je pense, méritent d'être redressés
immédiatement, avant que nous allions en commission parlementaire
à ce sujet. Quand j'ai parlé de «mission accomplie»,
évidemment, je ne parlais pas d'une mission accomplie pour l'ensemble de
tout le travail immobilier, ou de tout le travail que le gouvernement aurait
à faire dans Montréal. Je ne mentionnais que notre
présence dans Place Desjardins. La présence du gouvernement,
à l'époque, a permis la construction de cet
édifice-là. Je ne pense pas que le gouvernement, à
l'époque, aurait pu s'en retirer. Nous n'aurions pas trouvé un
acheteur, à ce moment-là, comme nous en trouvons un actuellement
avec les caisses populaires Desjardins qui sont intéressées
à faire cette acquisition pour des raisons qui leur appartiennent,
à un prix que nous aurons l'occasion de discuter en commission
parlementaire, M. le Président.
Je ne voudrais pas laisser l'impression, ici, que j'ai parlé de
«mission accomplie» pour l'ensemble du territoire de 111e de
Montréal, alors que je parlais de «mission accomplie» dans
le cadre du complexe Desjardins, tout simplement.
Un deuxième point que je tiens à souligner, c'est que
notre espace de location à Place Desjardins est de 720 000 pieds
carrés, ce qui est substantiellement élevé, effectivement,
mais sur une location possible de 3 024 000 pieds carrés et non pas de 2
000 000 de pieds carrés, comme c'est écrit dans l'article qu'a
cité tout à l'heure le député de Labelle. Donc, une
proportion de 24 %, l'autre partie étant, en fait, non seulement des
bureaux, mais également un centre d'achats et un hôtel. Ce qui est
très différent de nos autres propriétés. A titre
d'exemple, la Société immobilière est propriétaire
du complexe G, ici, sur la colline parlementaire, qui est formé
essentiellement de bureaux avec quelques rares commerces pour desservir les
seuls travailleurs de cette bâtisse-là.
Alors, il n'est pas question de vendre des actifs, où nous sommes
propriétaires à 100 %, dans des endroits que nous occupons
à 100 %. Il s'agit, ici, de la vente d'une participation minoritaire de
49 % dans un édifice où nous n'occupons pas, et de loin, la
majorité des locaux. Il n'a pas pour vocation de n'avoir que des locaux
qui sont pour les services du gouvernement. Ce sont des locaux,
également, pour ceux qui vont à Place Desjardins pour servir le
public, que ce soit en termes d'hôtellerie ou en termes de centre
d'achats. Alors, c'est la raison pour laquelle je voulais intervenir
brièvement, à la fin de cette adoption de principe. Nous aurons
l'occasion, comme je l'ai mentionné, en commission parlementaire, de
parler de la transaction elle-même plus en profondeur et de la justifier
d'une façon, je pense, bien correcte.
Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.
Est-ce que la motion du ministre des Approvisionnements et Services proposant
l'adoption du principe du projet de loi 418, Loi modifiant la Loi sur la
Société immobilière du Québec, est
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le
leader du gouvernement, avant que vous m'indiquiez quel article du feuilleton,
si vous me le permettez, je vais vous faire le message suivant:
Conformément à un ordre adopté le 11 mars dernier... Je
m'excuse. M. le leader? C'est relativement au débat de fin de
séance. J'annule.
M. Pagé: Ne croyez-vous pas qu'après l'adoption de
ce projet de loi il serait utile de le déférer?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui Oui Oui. Alors,
allez-y. Le principe est adopté. M. le leader du gouvernement, votre
motion de déférence.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Pagé: M. le Président, le présent projet
de loi est déféré à la commission du budget et de
l'administration.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, est-ce que cette
motion de déférence est adoptée?
Une voix: Adopté.
M. Pagé: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'à compter de maintenant jusqu'à 18 h 30 et de
20 heures à 22 heures, ainsi que demain, le mercredi 18 mars 1992, de 9
h 30 à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la
commission du budget et de l'administration procédera à
l'étude détaillée du projet de loi 418, Loi modifiant la
Loi sur la Société immobilière du Québec.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le leader du
gouvernement. Tel que je l'indiquais tout à l'heure, conformément
à un ordre adopté le 11 mars dernier il sera tenu, à la
fin de la présente séance, un débat de fin de
séance demandé par M. le député d'Arthabaska au
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, sur une
question concernant les négociations du GATT.
J'ai également reçu en temps utile une demande de
débat de fin de séance par M. le député de La
Prairie au ministre de l'Environnement sur une question concernant le projet de
loi fédéral C-13 sur l'environnement prévoyant la tenue
d'audiences publiques obligatoires. M. le leader du gouvernement, quel article
du feuilleton?
M. Pagé: M. le Président, j'ai bien compris que le
débat de fin de séance aura cours demain - c'est bien ça -
entre le ministre de l'Agriculture et le député d'Arthabaska?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, à la fin de
la présente séance. S'il y a entente, on ne l'a pas
indiqué. Alors, demain...
M. Pagé: Je voudrais vous indiquer que, suite aux bons
échanges entre le côté droit et le côté gauche
de votre fauteuil et ceux qui les occupent et celles qui les occupent, nous
avons convenu d'un commun accord que le débat de fin de séance
prévu mercredi dernier comme devant être appelé aujourd'hui
serait plutôt reporté à demain, après la
période de questions.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que vous demandez
qu'on en fasse un ordre de la Chambre?
M. Pagé: À la fin de la séance, demain.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader de
l'Opposition officielle. Alors, le débat demandé par M. le
député d'Arthabaska au ministre de l'Agriculture sera donc tenu
demain à la fin de la séance régulière. Aujourd'hui
à la fin de la présente séance, je le
répète, le député de La Prairie procédera
à un débat de fin de séance avec le ministre de
l'Environnement. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je vous invite à
appeler l'article 5 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 413 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 5 de
notre feuilleton, M. le ministre responsable de l'application des lois
professionnelles propose l'adoption du principe du projet de loi 413, Loi
modifiant la Loi sur l'optométrie. M. le ministre responsable des lois
professionnelles, vous disposez d'une période maximale d'une heure.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: Merci beaucoup, M. le Président. Effectivement,
comme vous l'avez mentionné, nous débutons aujourd'hui des
discussions visant à procéder à l'adoption de principe du
projet de loi 413, Loi modifiant la Loi sur l'optométrie. Ce projet de
loi permettra, à certaines conditions, aux optométristes
d'administrer certains médicaments aux fins de l'examen des yeux du
patient.
M. le Président, l'interdiction totale d'usage de
médicaments par les optométristes prescrite actuellement par leur
champ d'exercice ne correspond plus à la réalité
nord-américaine. En effet, M. le Président, au Québec,
nous sommes une des rares provinces à ne pas permettre aux
optométristes de procéder à l'utilisation de certains
médicaments, entre autres, pour les fins de l'examen de la vue. Nous
tentons aujourd'hui
de convaincre les membres de l'Opposition de procéder à
l'adoption de ce projet de loi dans le but, justement, d'y donner suite et de
corriger une situation qui perdure depuis fort trop longtemps. Les
optométristes, M. le Président, au cours des derniers mois ont
fait des efforts considérables afin, effectivement, de reprendre
certainement le chemin qu'ils doivent suivre en tant que corporation
professionnelle, dans le but non seulement d'assurer la protection du public,
mais d'assurer un service convenable à ce public. nous avons eu
l'occasion de souligner également que notre politique en matière
de corporations professionnelles visait deux orientations bien précises:
d'une part, la protection du public, bien sûr, mais, deuxièmement,
de nous assurer que nous pouvons refléter fidèlement une
situation qui existe sur l'ensemble du territoire nord-américain. or, m.
le président, si on veut regarder du côté des états
américains, les états-unis actuellement autorisent les
optométristes à administrer des médicaments pour les fins
d'examens de la vue sur l'ensemble de leur territoire. le rhode island
accordait le droit le premier en 1971 et le maryland fut le dernier état
à imiter ce geste il y a déjà trois ans, en 1989.
Au Canada, où la pratique de l'optométrie s'exerce partout
de façon exclusive, toutes les provinces, sauf
l'île-du-Prince-Édouard le Québec, le territoire du Yukon
et les Territoires du Nord-Ouest, autorisent les optométristes à
se servir de médicaments pour les fins d'examens de la vue. Le
Nouveau-Brunswick a été la première province à
accorder ce droit, en 1979, et la Colombie-Britannique fut la dernière,
en 1986. (16 h 20)
À la lumière de ces différentes expériences
qui se sont avérées positives, nous sommes aujourd'hui en mesure
de présenter un tel projet.
M. le Président, le projet de loi, effectivement, va autoriser
les optométristes à administrer des médicaments aux fins
d'examens de la vue aux patients aux conditions qui sont
déterminées dans le projet de loi. On parle, M. le
Président, d'un projet de loi d'à peine deux articles et qui
contient quatre modifications à l'article 19 de la Loi sur
l'optométrie. Il détermine, finalement, les conditions,
c'est-à-dire: la détention d'un permis en vertu de l'article
19.2, que ce soit un médicament établi selon la liste conforme
à l'article 19.4 et que l'optométriste respecte les conditions et
les exigences du permis. À ce moment-là, effectivement, M. le
Président, l'optométriste pourra procéder à
l'utilisation de ces médicaments.
Nous voulons donc corriger une situation qui perdure depuis trop
longtemps, qui n'est pas du tout nécessaire, compte tenu de la formation
que reçoivent aujourd'hui les optométristes, qui ne
reflète plus en réalité leurs capacités dans la
pratique quotidienne qu'ils ont à faire auprès de la population
québécoise. Finalement, ça leur est dû suite aux
efforts constants qu'ils mènent, comme je l'ai mentionné, depuis
déjà plusieurs mois pour justement permettre à leur
corporation professionnelle d'exercer comme il se doit son rôle au sein
de notre société.
Évidemment, le dépôt de ce projet de loi s'est fait
suite à la recommandation que nous avons eue de l'Office des
professions. Nous déposons le projet de loi. Nous procédons
à son adoption de principe et, bien sûr, nous aurons l'occasion
d'échanger de nouveau avec les optométristes qui nous ont
signifié justement quelques modifications qu'ils voudraient voir
apporter au projet de loi. Dans la mesure où ces modifications se
situent dans l'ensemble des orientations, des permis qui sont accordés
pour l'utilisation des médicaments par l'Office des professions, dans la
mesure où nos échanges avec les optométristes seront
positifs, nous serons en mesure, j'imagine, lors de l'examen de ce projet de
loi article par article, d'apporter les modifications qui pourront
s'avérer nécessaires ou utiles pour donner, je pense, d'une part,
un bon rendement au niveau du projet de loi que nous avons déposé
et, évidemment, à la satisfaction de l'Office et de l'ordre des
optométristes, le tout dans la mesure où la protection du public
est assurée.
C'est attendu évidemment depuis longtemps par les
optométristes. C'est un pas en avant pour eux. C'est un pas dans la
bonne direction. Même si on constate qu'il y a encore des questions qui,
pour eux, demandent des modifications, je pense que l'orientation reste quand
même valable. C'est une situation, comme je vous l'ai mentionné
tout à l'heure, qui dure depuis déjà fort trop longtemps,
et des correctifs s'imposent dans leur situation actuelle. Tout ça dans
le but, justement, de permettre aux optométristes d'occuper la situation
qu'ils doivent occuper sur le territoire québécois.
M. le Président, vous comprendrez avec moi que, compte tenu de
nos deux balises, la protection du public et, bien sûr, le contexte
nord-américain, nous devons évidemment procéder avec ce
projet de loi. Nous espérons que les échanges que nous aurons
lors de l'étude article par article vont se montrer positifs, que nous
serons en mesure de livrer aux optométristes un projet de loi qui va
leur donner satisfaction, qui va respecter les orientations que nous avons
déterminées, et je suis convaincu, M. le Président, que,
dans un contexte comme celui-là, nous aurons une bonne collaboration des
membres de l'Opposition. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.
Sur le même sujet, à savoir la motion proposant l'adoption du
principe du projet de loi 413, Loi modifiant la Loi sur l'optométrie, je
cède la parole à Mme la députée de Ter-rebonne,
critique de l'Opposition officielle en cette matière.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Évidemment, M.
le Président, l'Opposition officielle est parfaitement d'accord avec le
ministre sur le fait que la situation actuelle pour les optométris-tes
est tout à fart inacceptable et qu'elle ne correspond absolument pas
à ce qui se passe à l'extérieur. Cependant, lorsque nous
devons décider si nous appuyons un principe ou si nous nous y opposons,
nous devons non seulement nous en tenir aux intentions verbales du ministre,
c'est-à-dire à son discours au moment de l'étude du
principe, mais nous devons nous en tenir au texte de loi que nous avons sous
les yeux, M. le Président.
Et je dois reconnaître que le texte du projet de loi 413 ne
correspond pas tout à fait aux intentions qui sont annoncées par
le ministre. Je vais me permettre de relire la note explicative de ce texte: Ce
projet de loi modifie la Loi sur l'optométrie afin de permettre,
à certaines conditions, aux optométristes d'administrer certains
médicaments aux seules fins de l'examen des yeux du patient.
La situation à l'extérieur - et le ministre l'a
souligné lui-même - ne ressemble aucunement à la situation
actuelle, mais ne ressemble aucunement non plus à la proposition que
nous avons sous les yeux. Il y a effectivement plus de 50 États aux
États-Unis qui accordent l'autorisation aux optométristes - donc,
tous les États -d'utiliser les médicaments diagnostiques, et ce,
depuis 1971. On va même plus loin, M. le Président. Du
côté des médicaments thérapeutiques, une trentaine
d'États accordent déjà les médicaments
thérapeutiques aux optométristes. Le premier État à
les accorder fut la Caroline du Nord en juin 1977, et il y a même des
études de faites depuis qui démontrent clairement que les
consommateurs n'ont eu qu'à être très heureux de cette
décision qui a finalement permis de meilleurs services aux
consommateurs.
Lorsqu'on regarde du côté du reste du Canada, M. le
Président, la situation est vraiment très différente de
celle du Québec. Tantôt, le ministre nous disait que, du
côté de l'île-du-Prince-Édouard, il n'y avait pas
encore de décision de rendue, peut-être parce que c'étaient
les premiers. À l'île-du-Prince-Édouard, l'entrée en
vigueur des médicaments autorisés s'est faite en 1974. Alors,
Terre-Neuve, 1981; l'île-du-Prince-Édouard, 1974; la
Nouvelle-Ecosse, 1987; le Nouveau-Brunswick, 1979; l'Ontario, 1975; le
Manitoba, 1983; la Saskatchewan, 1987; l'Alberta, 1986 et la
Colombie-Britannique, 1984.
Donc, M. le Président, c'est évident que, de ce
côté, le Québec est vraiment très en retard et se
doit de corriger ce retard. Et du côté des médicaments
thérapeutiques, les États-Unis ont voté une
résolution; tous les États devraient permettre très
bientôt l'utilisation des médicaments thérapeutiques. Et
cette résolution date de 1990.
Il faut aussi regarder un peu ce qu'on donne comme autorisations du
côté des autres corporations professionnelles. Je pourrais citer
les podiatres, je pourrais citer aussi la médecine
vétérinaire, mais je vais citer le texte concernant les
dentistes, M. le Président, puisque les dentistes ont exactement la
même formation que les optométristes, et j'y reviendrai
tantôt. Donc, du côté de l'utilisation de
médicaments, ce qu'on peut voir dans la loi des dentistes, à
l'article 34: «Tout dentiste est autorisé à utiliser les
médicaments, les substances et les appareils dont il peut avoir besoin
dans l'exercice de sa profession, de même qu'à administrer et
prescrire des médicaments à ses patients. Il peut
également délivrer des attestations relatives à la
fourniture de médicaments.» Le texte que nous avons sous les yeux
au niveau des optométristes, M. le Président, ne ressemble
aucunement à cet article 34 de la loi des dentistes. Il y a donc une
très grande différence.
Évidemment, il faut s'assurer de la protection du public, de la
protection des consommateurs. C'est le rôle premier d'un gouvernement et
c'est aussi le rôle premier d'une corporation professionnelle. Et,
à ce niveau, il faut regarder deux choses. Il faut regarder les services
que les consommateurs peuvent obtenir. On sait qu'il y a très peu
d'ophtalmologistes en région. Donc, les consommateurs
québécois qui vivent en région sont actuellement
privés de services au niveau des médicaments pour les yeux.
Il faut aussi regarder si la formation des optométristes permet
d'offrir ce service. Et, de ce côté-là, M. le
Président, je dois dire que, du côté de la formation, la
formation d'optométriste mène à l'obtention d'un doctorat
en optométrie après quatre années d'études.
L'optométriste diplômé de l'Université de
Montréal détient donc le même titre universitaire que celui
du médecin, du dentiste ou du vétérinaire. (16 h 30)
Pour les médicaments, on sait que, depuis une dizaine
d'années, à l'Université de Montréal, on donne la
formation pour les médicaments diagnostiques aux étudiants en
optométrie. On sait, M. le Président, que la Corporation
professionnelle des optométristes a déjà signifié
son intention, si le projet de loi accorde la possibilité de
médicaments diagnostiques ou thérapeutiques, de faire passer des
examens aux membres de sa Corporation. Donc, il y aurait obligation d'un examen
et une certification serait nécessaire pour pouvoir exercer avec les
médicaments. On parle même, M. le Président, de donner un
cours annuel de mise à jour pour s'assurer que les optométristes
soient toujours à la dernière information, toujours prêts
à offrir les meilleurs services possible au consommateur. Lorsqu'on
parle de médicaments thérapeutiques, on mentionne même dans
les documents de la Corporation des optométristes que l'on compte
exiger un cours obligatoire pour les optométris-tes, d'une
centaine d'heures, au niveau des médicaments thérapeutiques.
Donc, je pense que, lors de l'étude article par article, il
devrait être possible, du côté du gouvernement et du
côté de l'Opposition officielle, de s'entendre pour
améliorer, bonifier ce projet de loi. À ce chapitre, je
rappellerai simplement les paroles du ministre qui, lors de son allocution
à l'occasion de l'inauguration de l'École d'optométrie,
mentionnait ses inquiétudes par rapport à ce sujet et sa
volonté de vraiment rendre la situation identique à ce qui se
passe à l'extérieur du Québec.
Je me permets de le citer: L'exercice que vous faites sur le territoire
du Québec mériterait certainement une meilleure orientation de la
part du gouvernement du Québec. J'ai l'intention de déposer, cet
automne - ça, c'est l'automne dernier, M. le Président, donc
mieux vaut tard que jamais - pour adoption, l'utilisation des
médicaments, comme il en est usage sur l'ensemble du territoire
nord-américain pour et par les optométristes.
Je rappelle simplement que le projet de loi que nous avons devant nous
maintenant ne correspond pas à ce qui se produit présentement sur
l'ensemble du territoire nord-américain.
Une politique visant à maintenir le Québec sur un pied
d'égalité, sur un pied au moins concurrentiel avec l'ensemble des
autres États aux États-Unis, des autres provinces canadiennes,
nous voulons nous en assurer, le ministre continuait. Je suis confiant que
votre Corporation professionnelle arrivera à une entente et que l'Office
pourrait déposer, très bientôt, un projet de loi sur ce
sujet.
Il concluait: Tout cela pour vous dire qu'au niveau des
médicaments et au niveau également du titre de
«docteur», nous avons l'intention d'assurer que les
optométristes au Québec jouissent des mêmes droits, des
mêmes privilèges, des mêmes obligations que ceux et celles
des autres corporations en Amérique du Nord.
Alors, forte de cette intention écrite du ministre, M. le
Président, j'espère que lors de nos échanges en commission
parlementaire, de l'étude article par article, nous pourrons
concrètement, dans le projet de loi, pour assurer la cohérence du
discours du ministre avec le projet de loi, donner suite et apporter les
modifications nécessaires pour voter ce projet de loi. Au moment
où nous nous parlons, l'Opposition se voit dans l'obligation de voter
contre le principe tel qu'écrit dans le texte de loi actuel, mais je
suis certaine que nos échanges cordiaux en commission parlementaire nous
permettront d'arriver avec un projet de loi qui correspondra aux intentions des
deux côtés de la Chambre et que nous pourrons voter pour ce projet
de loi, M. le Président, lors de son adoption. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. Pas d'autres interventions? Est-ce qu'il y
a une réplique, M. le ministre? Pas de réplique. Est-ce que la
motion du ministre responsable de l'application des lois professionnelles
proposant l'adoption du principe du projet de loi 413, Loi modifiant la Loi sur
l'optométrie, est adoptée?
Une voix: Sur division. Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté sur
division. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Vous n'êtes pas pour?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté sur
division. M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de
l'éducation
M. Pagé: la division vient de ce
côté-là. m. le président, je fais motion pour
déférer le projet de loi 413 à la commission de
l'éducation.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
M. Pagé: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le
leader du gouvernement, quel article du feuilleton, s'il vous plaît?
M. Pagé: Je vous invite à appeler l'article 18 du
feuilleton.
Projet de loi 407 Adoption
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 18 de
notre feuilleton, M. le ministre du Revenu propose l'adoption du projet de loi
407, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres dispositions
législatives d'ordre fiscal. Je cède la parole à M. le
ministre du Revenu pour son intervention principale. M. le ministre.
M. Raymond Savoie
M. Savoie: Très rapidement, M. le Président. Nous
avons, je pense, procédé à l'ensemble des étapes
concernant ce projet de loi. Il a été examiné, je pense,
d'une façon fort exemplaire en commission et, évidemment, le
projet de loi a été étudié de façon
complète, sur une base thématique. Je voudrais, en
débutant, évidemment, revenir encore une fois aux membres de
l'Assemblée nationale pour souligner l'importance d'aborder des
lois fiscales sur une base thématique. Les procédures en
commission devront être modifiées pour justement permettre
l'étude de ces projets de loi sur une base thématique
plutôt que de les laisser à la discrétion de chacun des
intervenants au niveau de la commission parlementaire.
M. le Président, je pense qu'au niveau du projet de loi tout a
été dit. Il n'y a pas eu de modification apportée, sauf
les modifications que nous avons déposées nous-mêmes. Dans
son ensemble, ça a reçu l'appui de l'ensemble des intervenants.
La grande majorité de ces mesures sont déjà en vigueur. On
connaît le processus des lois fiscales à l'Assemblée
nationale. La déclaration, par exemple, du ministre des Finances ou les
déclarations lors du budget font suite, par après, souvent 12
mois, 18 mois après, à la préparation du projet de loi,
à son dépôt à l'Assemblée nationale et
à son adoption. Il s'agit, évidemment, de mécanismes de
contrôle quant à la structure, la phraséologie, l'approche
qu'on utilise dans la rédaction du projet de loi.
Je pense que tout ça a été jugé fort
convenable par les membres des commissions. Nous avons eu l'occasion de revenir
à l'Assemblée nationale et de faire des commentaires. Je pense
qu'on y retrouve des éléments, évidemment, favorisant
plusieurs incitatifs d'ordre fiscal. On retrouve, par exemple, la hausse du
crédit d'impôt remboursable pour la taxe de vente, porté de
90 $ à 120 $ pour un adulte et de 25 $ à 40 $ pour un enfant;
l'indexation des besoins essentiels de 4,5 % pour les crédits
d'impôt personnel; le crédit d'impôt remboursable à
l'égard d'une production cinématographique et, évidemment,
le crédit d'impôt remboursable pour la recherche et le
développement effectués par un centre de recherche public
admissible; la prolongation de deux ans du délai pour l'engagement des
frais d'exploration; le nouveau programme d'aide à la formation des
travailleurs; des modifications substantielles au régime
enregistré d'actions pour renforcer le capital des entreprises; le
nouveau crédit d'impôt remboursable pour les PME qui favorise
l'augmentation de leur capital.
Tout ça, M. le Président, a été
étudié de part et d'autre. Nous avons fait, je pense, un
excellent travail. D'ailleurs, lors du dépôt de son rapport, le
président de la commission l'a fort bien souligné. Je demande
donc, M. le Président, de bien vouloir voter l'adoption du projet de loi
407 dès maintenant pour donner suite aux différentes
déclarations et annonces faites par le ministre des Finances.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre du
Revenu. Sur le même sujet, je reconnais maintenant M. le
député de Montmorency. (16 h 40)
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Effectivement, M. le
Président, nous avons procédé à l'étude du
projet de loi 407 en commission parlementaire, sujet par sujet. Une
amélioration que j'appellerais marquée par rapport, bien
sûr, au premier projet de loi que nous avons étudié,
l'automne dernier, sur la TVQ, le projet de loi 170, où nous n'avions
pas ces résumés, sujet par sujet. Ça nous a permis de
faire une meilleure étude et ce fut très constructif.
J'aimerais quand même, M. le Président, apporter quelques
commentaires concernant ce projet de loi. Vous savez, la fiscalité au
Québec, on en parle et on en parle et on n'a pas fini d'en parler. Ce
qui est toujours d'actualité, c'est de voir la complexité avec
laquelle on rédige nos lois. J'apporte des commentaires, M. le
Président, parce que j'aimerais ça qu'on s'arrête et qu'on
essaie de penser à nos lois fiscales pour que ce soit quand même
dans un jargon compréhensible.
On étudie un projet de loi, on nous présente des
amendements et on n'a pas aussitôt présenté des amendements
qu'on présente un amendement à l'amendement. Alors, M. le
Président, je pense que ce genre de comportement là, amender et
amender sans avoir même fini d'étudier le projet de loi,
démontre jusqu'à quel point on peut s'attarder davantage
lorsqu'on rédige nos projets de loi pour apporter le plus de soins
possible et éviter ce genre de corrections là.
Parce que vous savez, M. le Président, une loi, c'est quand
même le texte qui va nous permettre de travailler l'application de la loi
et si, effectivement, le texte n'est pas écrit d'une façon
compréhensible et sans oublier, bien sûr, les
particularités, bien, on se retrouve avec des interprétations
où les gens sont perdus, les gens sont confus et on applique la loi de
toutes sortes de façons où, à toutes fins pratiques, on ne
s'y comprend plus personne.
Alors, le projet de loi 407, bien sûr, la tradition ne change
rien, c'est un projet de loi très technique où on apporte
beaucoup de modifications à la loi de l'impôt sur le revenu. Parmi
ces modifications-là, j'aimerais en commenter quelques-unes où,
à mon point de vue, M. le Président, ça mérite une
attention particulière. La première mesure que j'aimerais qu'on
discute, c'est la mesure ou les mesures qui touchent les frais de recherche et
de développement. Là, M. le Président, je vais revenir un
peu en arrière parce que, l'automne dernier, on se souviendra qu'ici, en
cette Chambre, on avait dénoncé un scénario où on
abusait effectivement d'une situation fiscale pour donner des déductions
fiscales à des gens via les universités.
Je m'attendais, moi, comme critique de l'Opposition, d'avoir à
examiner ces mesures pour voir effectivement comment on avait
éliminé ce
scénario-là pour que ça ne se
reproduise plus dans le futur. Je me suis rendu compte, M. le Président,
en discussion et en commission parlementaire, que toutes les règles
relatives à la recherche et au développement, ce n'étaient
que des règles pour permettre simplement une meilleure application des
règles fiscales pour les universités, sans toutefois apporter des
correctifs légaux pour empêcher le scénario fiscal qu'on
qualifiait à l'époque d'immoral.
Alors, bien sûr, M. le Président, on n'a pas
pu avoir le détail technique de ce projet de loi là. On nous a
dit que ça serait à la prochaine ou au prochain projet de loi
qu'on aurait à étudier ces mesures-là, mais quand
même, M. le Président, je veux immédiatement attirer
l'attention des gens qui nous écoutent parce que j'avais soulevé,
l'automne dernier, une application de règles que j'appelais
d'anti-évrtement. Pour ceux qui s'en souviendront, c'était
1079.11 que je demandais au ministre d'appliquer et de faire en sorte de mettre
fin immédiatement au scénario fiscal immoral de frais de
recherche et de développement avec les universités. Ça
avait pris quelques jours pour me faire dire par le ministre, au fond, que
l'article que je soulevais, ce n'était pas un article qui pouvait
s'appliquer et que le scénario fiscal qui donnait des déductions
fiscales dans la recherche et le développement, cet article
d'anti-évrtement là, il ne pouvait rien faire avec, il ne pouvait
absolument pas mettre fin au scénario fiscal.
M. le Président, dans cette commission-là,
même si on n'a pas eu à étudier les mesures techniques de
correction, les gens m'ont effectivement confirmé... C'est ça qui
est intéressant parce que, moi, j'avais commencé à
questionner la commission à savoir comment, effectivement, on aurait pu
mettre fin à ce scénario fiscal là et si l'article 1079.11
aurait pu s'appliquer.
M. le Président, l'échange fut très
intéressant puisqu'on a confirmé à la commission que
l'article 1079.11 aurait pu s'appliquer. M. le Président, quand le
ministre me disait en cette Chambre que l'article 1079.11, qui mettait fin au
scénario fiscal immoral, il ne pouvait rien faire avec ça et
qu'au fond je n'avais rien compris, en commission parlementaire, on venait me
dire qu'effectivement ce que j'avais soulevé aurait pu s'appliquer. Bien
sûr qu'on l'a soulevé en disant que l'article 1079.11 avait une
portée beaucoup plus générale et qu'il pouvait, à
la limite, être mis en application pour mettre fin à un
scénario fiscal.
On aura à reprendre tout ce débat-là,
M. le Président, dans un an. C'est dommage! Les gens ont tendance
à oublier. Mais laissez-moi vous dire que le scénario fiscal
qu'on a vécu, ce qu'on appelle le «buy back», le rachat des
droits d'auteur, M. le Président, a coûté des millions de
dollars à la société; des millions et des millions et,
jusqu'à maintenant, on n'a pas encore fourni d'information. Et on laisse
planer toujours dans l'opinion publique que ce scénario, c'est un
scénario où on ne pouvait rien faire. On pouvait tout faire, M.
le Président! On pouvait tout faire; on pouvait y mettre fin et on ne
l'a pas fait l'automne dernier, soi-disant que l'Opposition amenait des mesures
qui ne pouvaient pas s'appliquer à la présente situation. Bien,
le ministre aujourd'hui est obligé d'admettre avec moi que la commission
a confirmé que la mesure que je soulevais pouvait s'appliquer, et on ne
l'a pas fait.
Vous savez, M. le Président, dans une
législation fiscale les règles de base sont là. Si vous
faites un scénario fiscal pour aller chercher une déduction
d'impôt et qu'à toutes fins pratiques vous n'avez pas à
l'assumer ou à la payer, en principe, cette déduction fiscale ne
devrait pas être admissible.
Quand vous regardez les frais de recherche qui
étaient faits via les universités, on payait la main-d'oeuvre,
bien sûr, et on demandait, dans le scénario fiscal, de payer les
frais d'administration des universités, c'est-à-dire
l'infrastructure; toute l'enveloppe administrative devait être
payée. Mais, en réalité, l'université ne demandait
jamais, à toutes fins pratiques, à être payée parce
qu'elle rachetait les droits d'auteur et elle disait: Bien, en
réalité, on va s'échanger des chèques et les droits
d'auteur que je vais racheter vont servir, à toutes fins pratiques,
à payer les frais administratifs que je ne vous chargerai jamais. Ces
frais administratifs se retrouvaient dans un scénario fiscal où
les gens, les investisseurs avaient des déductions d'impôt, et
c'est là, M. le Président, que ça devenait immoral.
C'est que l'université, à l'aide de sa
structure administrative qui est déjà subventionnée par
l'État, chargeait des frais qui, avec l'aide du rachat des droits
d'auteur, s'éliminaient. Et alors, si ça s'éliminait, on
se retrouvait, dans le scénario d'application, avec une déduction
fiscale pour les investisseurs. C'est ça qui était immoral, M. le
Président. C'est à ça que je disais qu'on devait mettre
fin avec l'article 1079.11. Et c'est là qu'on a refusé
l'application de cette mesure-là en nous disant qu'au fond
c'était un article qui ne pouvait pas s'appliquer et qu'on n'avait pas
à appliquer. La commission a au moins eu ça de constructif. C'est
qu'en commission parlementaire on a réussi à faire admettre aux
fonctionnaires du gouvernement qu'on aurait pu l'appliquer et mettre fin
à ce scénario fiscal abusif.
Par la suite, M. le Président, on a
étudié bien d'autres mesures très techniques, et une,
entre autres, que je veux à nouveau soulever. Je l'ai soulevée la
semaine dernière ici, en cette Assemblée. C'est la fameuse mesure
technique. Vous savez, on étudie des projets de loi qui sont techniques.
Ça vient soit du ministère des Finances, soit du ministère
du Revenu. Le ministère du Revenu peut, lui, s'il le juge à
propos, soumettre des changements techniques pour une meilleure
application ou une meilleure équité fiscale. Là, je veux y
revenir parce que c'est très important.
On assiste actuellement à un débat sur la place publique,
et le ministre a dit qu'il en avait pris note. Pour être certain qu'il en
a pris note, j'aimerais à nouveau en parler en cette Assemblée.
C'est le fameux cas de Mme Suzan Thibau-deau qui mène une bataille
concernant l'imposition des pensions alimentaires. Ses procureurs font une
interprétation qu'ils entendent défendre en Cour
supérieure prochainement. En effet, déclarer dans des rapports
distincts, au nom des enfants, la pension alimentaire versée pour leur
usage exclusif n'est pas une façon de procéder qui serait
interdite par la Loi sur les impôts.
Alors, là, on se retrouve dans une application de pension
alimentaire où on a un besoin d'équité sociale.
C'est-à-dire qu'on se rend compte que les mesures techniques de la Loi
sur les impôts ne répondent plus à une équité
sociale et on demande, effectivement, à ce que les enfants qui sont les
bénéficiaires, entre guillemets, des pensions alimentaires soient
imposables. Ça devrait être les enfants qui devraient être
imposés. C'est eux à qui va servir l'argent. Là, on force
un débat sur la place publique, on force des poursuites, on force des
recours collectifs quand, en réalité, on devrait s'asseoir et
regarder, sur le plan technique, comment on peut solutionner un tel
problème. Je pense qu'on doit s'y arrêter parce que le
débat de la fiscalité sur le plan technique doit se faire avec
les gens qui trouvent des injustices. Mme Thibaudeau, ici, a soulevé une
facette injuste de l'application de la Loi sur les impôts. Il faut
trouver des solutions.
Dans ce projet de loi, qui est encore très technique, je me
serais attendu, moi, à des changements techniques pour corriger cette
situation-là parce que, quand même, ça fait
déjà depuis une couple d'années qu'on assiste à ce
débat public de Mme Thibaudeau, et le gouvernement demeure toujours
inflexible. Il laisse traîner des mesures qui mériteraient qu'on
s'y arrête et qu'on les change. (16 h 50)
Alors, je pense que je profite de cette tribune, M. le Président,
pour réactiver ce dossier-là à nouveau et faire prendre
conscience que toute la situation familiale au Québec mérite une
étude en profondeur. Nos lois fiscales, chez nous, actuellement,
favorisent la désunion familiale. Vous savez, M. le Président,
l'archevêché de Québec, tout récemment, dans la
presse, nous disait qu'il trouve aberrant que nos mesures fiscales,
actuellement, encouragent les gens à la séparation et au divorce
quand, en réalité, on devrait avoir des mesures fiscales qui
favorisent l'union familiale. L'histoire de Mme Thibaudeau n'est pas
étrangère à cette situation-là. Je pense qu'on doit
s'arrêter. On doit penser à nouveau nos lois fiscales pour qu'on
puisse créer une meilleure équité d'application pour tout
le monde.
Alors, j'espère que, dans un prochain projet de loi, on pourra se
retrouver à nouveau pour étudier cette situation-là, pour
qu'on puisse corriger des articles, des applications techniques de la loi, M.
le Président. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais ce
sont des technicalités d'application. Alors, si un projet de loi aussi
technique que le projet de loi 407... Je pense que le prochain projet de loi
devrait tenir de ces technical ités-là.
M. le Président, un autre élément que je veux
porter à l'attention de cette Assemblée. Vous savez, ici, au
Québec, on est à la remorque du fédéral. Le
fédéral légifère et, au Québec, on dit qu'on
s'harmonise. On s'harmonise pour ne pas que ce soit trop compliqué. On
s'harmonise pour faire plaisir tantôt à Ottawa. On s'harmonise,
des fois, on ne sait pas trop pourquoi. Des fois, on ne s'harmonise pas. Je
vous avoue que, normalement... Le projet 407 présenté en cette
Chambre en 1991 fait suite, bien sûr, au projet de loi
fédéral C-18 du 30 mai 1991, où le ministre des Finances
à Ottawa a donné des mesures pour changer sa loi fiscale.
Chez-nous, au Québec, on a refusé de s'harmoniser à des
mesures que je considère comme importantes, M. le Président.
Pourquoi on a refusé de s'harmoniser à des mesures que je
considère comme importantes? Bien, c'est ce que je soulève comme
interrogation, ici, en cette Assemblée.
Une des mesures, M. le Président, que le fédéral a
modifiées pour créer une meilleure équité sociale,
c'est que le gouvernement a changé une mesure dans le sens suivant: Le
gouvernement aura le pouvoir d'annuler les pénalités ou
intérêts imposés pour les années 1985 et suivantes,
ou d'y renoncer sur demande écrite faisant état de la raison pour
laquelle il y a lieu d'annuler les pénalités ou
intérêts, ou d'y renoncer. Le contribuable devra indiquer les
circonstances extraordinaires, indépendantes de sa volonté, qui
l'ont empêché de se conformer aux dispositions de la loi
fiscale.
M. le Président, une mesure aussi juste que celle-là
aurait dû être reprise dans nos lois, chez nous, au Québec.
Vous savez, lorsqu'on a créé une injustice ou qu'on demande
à des gens: Bien, expliquez-vous; dites-nous pourquoi l'information ne
s'est pas rendue, etc., quand la raison est valable... On aurait dû,
nous, au Québec, suivre une harmonisation comme celle-là.
Pourquoi on ne l'a pas suivie, cette harmonisation-là, M. le
Président? Je me pose de sérieuses questions. Le
fédéral dit: Écoutez, si vous avez des raisons vraiment
valables - une inondation, des circonstances extraordinaires - on va
réétudier les pénalités et on va voir si,
effectivement, on peut faire quelque chose pour les supprimer parce que
ça vous cause préjudice pour des raisons qu'on considère
comme valables. Alors, on a modifie la loi au fédéral, par le
projet de loi C-18, le
printemps dernier. Nous, au Québec, on dit: Non, on ne
s'harmonise pas à ça, ce n'est pas important. Une mesure
d'équité comme celle-là, on n'est pas
intéressés à ce que les contribuables
québécois en bénéficient, on l'oublie.
Alors, M. le Président, je pense que c'est beau de s'harmoniser
toujours pour augmenter l'impôt, mais il serait intéressant qu'on
s'harmonise aussi pour créer des mesures fiscales plus équitables
pour les Québécois et les Québécoises.
Celle-là en était une. Je pense que le gouvernement
libéral a manqué une chance de regarder l'intérêt
public et de regarder l'équité fiscale au niveau des
pénalités et des intérêts.
Une autre mesure, M. le Président, qui n'a pas été
harmonisée par le Québec - d'ailleurs, je comprends difficilement
- c'est celle-ci. Au fédéral, le projet de loi C-18 disait:
Rétroactivement à l'année 1985, le gouvernement pourra,
sur demande écrite d'un particulier ou d'une fiducie testamentaire,
établir une nouvelle cotisation après l'expiration de la
période de trois ans et ainsi lui accorder un remboursement ou
réduire son impôt payable.
M. le Président, ces mesures techniques là, c'est
important parce que, après trois ans, en principe, une personne qui a
droit à un remboursement d'impôt, si elle a laissé passer
trois ans et qu'elle veut aller chercher son remboursement d'impôt, parce
qu'elle a été une retardataire chronique, pour des raisons x - on
a tous des raisons, dans la vie, pour retarder des déclarations - et
qu'elle a laissé passer son délai de prescription de trois ans...
M. le Président, à Ottawa, ils reconnaissent que le délai
de prescription de trois ans devrait être extensionné à une
période plus longue pour permettre, effectivement, de regarder un
dossier et de donner, à juste titre, s'il y a un droit de remboursement
après le délai de trois ans. Alors, le gouvernement
fédéral, dans ce geste d'équité sociale, propose
des mesures pour éliminer la période de trois ans et permettre un
délai plus grand. Alors, le projet de loi fédéral C-18
nous amène ces mesures et nous, ici au Québec, on dit: Non,
ça ne nous intéresse pas de créer l'équité
et de donner les remboursements après trois ans. On ne s'harmonisera pas
à cette mesure technique là.
M. le Président, ce sont des mesures techniques importantes. On
devrait, ici au Québec, les considérer également. Pourquoi
ne pas considérer des mesures d'équité et s'harmoniser,
quand ça peut aider les gens et créer une meilleure justice
d'application fiscale? Non, on refuse. On refuse, et je trouve ça
dommage parce que c'est toute la collectivité qui est
pénalisée. Encore une fois, on se retrouve dans une
législation fiscale où on ne sait pas trop comment ça
fonctionne. Est-ce que c'est le fédéral qui me permet trois ans
ou si c'est le Québec qui me les a refusés? Dans cinq ou six
mois, on va se retrouver dans des distorsions d'application compliquées.
Pour une fois qu'on aurait pu rendre justice à la collectivité du
Québec, on a refusé de s'harmoniser.
On s'est harmonisé à la TPS d'une façon magistrale.
On allait chercher des deniers additionnels, ça, il fallait aller
chercher tous les deniers. Mais quand on a des mesures techniques, anodines,
d'équité fiscale, ah! là, ce n'est pas important, on
laisse glisser, on ne s'en préoccupe pas! On doit s'en
préoccuper, M. le Président. C'est aussi important, les mesures
techniques d'équité, qu'une mesure d'harmonisation de la TPS avec
la TVQ. Je trouve désolant de voir qu'on étudie un projet de loi
aussi technique que ce projet de loi 407 et qu'on ne retrouve pas ce genre
d'équité.
Également, au niveau des dépenses d'artiste
afférentes à un emploi, M. le Président, au Québec,
on ne s'est pas harmonisé. On avait prévu une déduction
jusqu'au moindre de 1000 $ ou de 20 % du revenu d'emploi de l'artiste. On
donnait une déduction aux artistes, au niveau fédéral, et,
nous, au Québec, on dit non. Les artistes, ce n'est pas important. Le
domaine artistique, nous, on ne veut pas le favoriser. On ne veut pas le
reconnaître. On ne veut pas l'aider comme veut le faire le
fédéral. Pourquoi, M. le Président? On peut se poser les
questions. Pourquoi on refuse de s'harmoniser avec des mesures qui
reconnaissent une situation particulière pour les artistes, qui sont
amenées par le gouvernement fédéral et, chez nous, on
refuse d'appliquer des mesures d'équité qui donneraient
également aux artistes une déduction fiscale? Alors, on refuse de
s'harmoniser. Dans le projet de loi 407, je ne l'ai pas vu. Je ne l'ai pas vu.
Pourtant, on aurait dû s'inspirer, pour faire ce projet de loi, de ce qui
a été sorti dans la loi C-18 au fédéral. Mais on ne
l'a pas trouvé.
Alors, tantôt, M. le Président, on s'harmonise,
tantôt on ne s'harmonise pas. On prend ce qui fait notre affaire. Quand
on veut aider les gens à avoir une meilleure application, une meilleure
équité d'application pour être juste envers tout le monde,
on ne prend pas les mesures. On prend ce qui fait notre affaire. Si on peut
aller chercher plus d'argent, on le fait. Bien sûr, quand ce sont des
mesures comme celles-là, le gouvernement refuse. Il dit: Oui, ça
pourrait aider le domaine artistique, mais, nous, on veut garder notre argent;
on n'a pas d'argent à dépenser pour ça et on ne veut pas
suivre l'harmonisation du fédéral.
M. le Président, après ça, on vient nous chanter
qu'on s'harmonise, chez nous, au Québec, qu'on s'harmonise, qu'on suit
le fédéral et que nos lois se ressemblent depuis qu'on est au
pouvoir. M. le Président, les lois ne se ressemblent pas tant que
ça, depuis que les libéraux sont au pouvoir. Les lois, de plus en
plus, sur le plan fiscal, deviennent compliquées, lourdes d'application.
Les gens sont perdus, les gens ne se retrouvent pas. On se retrouve avec
des
situations aussi délirantes, comme on a vu dans la presse, en fin
de semaine, qu'on oublie dans les formulaires d'impôt... Les lois sont
rendues tellement complexes, mais vraiment complexes. Dans les formulaires
d'impôt, on oublie de mettre les règles d'application. Les gens
qui se fient juste au formulaire d'impôt pour faire leur
déclaration d'impôt, eh bien, s'ils oublient effectivement de
ramasser un crédit parce qu'on ne l'a pas mis, ils ne le verront jamais
et ils ne bénéficieront jamais du crédit. (17 heures)
Dans un article de La Presse en fin de semaine, on a cité
encore la ligne 222, très technique, M. le Président, tellement
technique qu'on n'est même plus capable, comme société,
d'arriver à la vulgariser pour que les gens puissent jouir de leurs
déductions fiscales, en bénéficier. C'est
déjà tellement compliqué, c'est déjà
tellement surtaxé que les gens devraient au moins avoir une
facilité d'application. Mais là, on est rendu... Puis ce n'est
pas seulement ça. J'en ai une autre à vous mentionner, M. le
Président, une mesure technique qui n'a pas été reprise.
J'en ai deux, moi, à vous donner. Il y en a une qui a été
soulevée dans la presse. Je vais vous en donner une autre, cette
semaine, en communiqué de presse.
M. le Président, la loi de l'impôt au Québec, c'est
rendu tellement compliqué que même le ministère du Revenu
fait des erreurs dans la vulgarisation et n'arrive pas à mettre
l'information dans les formulaires pour que les gens puissent
bénéficier des déductions fiscales. Alors, M. le
Président, imaginez-vous que ce n'est pas tout ça qui va nous
aider à calmer la révolte fiscale qui gronde au Québec.
Les gens paient des impôts partout. C'est rendu des taxes qu'on appelle
régressives, où c'est le démuni et la classe moyenne qui
écopent de plein front, et nous, on continue en pensant qu'on est ici
sur la bonne voie à faire des lois qui sont supercompliquées. On
veut faire un formulaire abrégé pour aider les gens, puis on
oublie de donner l'information pour qu'ils puissent bénéficier
des déductions fiscales.
Alors, M. le Président, inutile de vous dire que, tout à
l'heure, ça va être dans une administration assez
particulière qu'on va vivre, chez nous, au Québec. On va vivre
dans une administration où l'entendement humain va avoir des limites -
et je pense qu'on commence à atteindre cet entendement humain,
là. Le gouvernement en place devrait faire des efforts d'une
façon magistrale pour faire en sorte de simplifier nos lois
fiscales.
Bien sûr, une solution, on le dit et on le crie, ce serait
d'éliminer les lois fiscales fédérales et d'avoir juste
nos lois fiscales au Québec. Ça deviendrait déjà
beaucoup plus simple d'application. On n'aurait pas à attendre les lois
du fédéral pour s'harmoniser; tantôt on s'harmonise,
tantôt on ne s'harmonise pas, et on aurait un meilleur fonctionnement
chez nous. La lourdeur administrative est rendue à un point tel qu'elle
crée des complications d'application et coûte une fortune aux
Québécois et aux Québécoises. Je pense que le
projet 407 s'inscrit carrément dans cette lourdeur administrative
là et va simplement compliquer davantage la vie des gens.
Bien sûr qu'on apporte une série de mesures techniques, M.
le Président. Je vous dirais qu'il y a une foule de mesures dans
ça. Je questionnais même les gens en commission parlementaire et
je leur disais: Écoutez, pourquoi vous faites ce changement-là?
Ah! On a oublié de l'écrire quand on l'a fait. M. le
Président, souvent, les mesures de correction qui arrivent sont des
mesures, des oublis qui ont été faits dans le passé;
Est-ce que ça peut vous donner une idée jusqu'à quel point
on se retrouve avec des lois où, à un moment donné, bien
sûr, c'est facile de passer dans un trou fiscal et de faire en sorte que
les mesures d'application qu'on voulait voir appliquées de telle
façon ne se retrouvent pas du tout?
Alors, M. le Président, le projet de loi qui est devant nous
mérite effectivement une réflexion de la part du gouvernement et
j'aimerais que, dans les prochains projets de loi, on arrive à
essayer... On dirait qu'il y a une espèce de concours interne où
c'est celui qui va sortir les articles de loi avec le plus d'articles à
l'intérieur et qu'on soit certain que tout le monde soit
mêlé. Il faut faire un effort de rédaction; il faut faire
un effort pour que les gens comprennent. Il faut faire un effort pour que tout
le monde se retrouve. M. le Président, si les gens ne se comprennent
pas, ne s'y retrouvent pas, les gens vont continuer à se révolter
sur le plan fiscal et ils vont se faire une espèce de justice fiscale,
entre guillemets. On va assister encore à du travail au noir, à
une économie au noir. Les gens doivent se retrouver quelque part.
M. le Président, c'est important. C'est ce qui mène nos
règles d'application dans notre société et si nos projets
de loi sont incompréhensibles et continuent à atteindre une
complexité aussi grande, c'est certain que, tout à l'heure, on va
se retrouver avec des problèmes énormes d'application.
D'ailleurs, on les vit déjà au ministère du Revenu. Vous
avez un délai d'attente d'avis de l'Opposition qui est
phénoménal. Ça va jusqu'à un an. Imaginez-vous!
Vous avez une cotisation, vous avez vos déclarations d'impôt; vous
vous opposez au ministère du Revenu, il faut attendre un an pour savoir
qui a raison. Ça prend un an pour faire dire au ministère:
Écoutez, j'aurais des choses à vous dire; je pense que vous vous
êtes trompé.
M. le Président, écoutez, là! Il va falloir,
quelque part, qu'on s'assoie et qu'on passe à une réflexion en
profondeur de notre fiscalité. On ne peut quand même pas s'en
aller de cette façon-là en pensant que tout est beau, tout est
fin puis que ça fonctionne comme dans le meilleur des mondes. Il va
falloir passer à une orientation de
la fiscalité au Québec où ça va être
plus compréhensible, où les gens vont pouvoir... Bien sûr,
M. Tout-le-Monde... Comme le disait le ministre du Revenu lui-même, ce
n'est pas fait pour le commun des mortels. C'est fait pour des
spécialistes. Mais ce n'est pas vrai, M. le Président! Ces lois
sont faites pour que des gens puissent les comprendre, pour que le plus de
monde possible puisse les comprendre, parce que c'est tout le monde ici, ou
même dans la société, qui les applique, nos lois
fiscales.
Si on ne fait un effort collectif pour la vulgariser ou la rendre plus
comestible, bien, oui, tout le monde va être perdu. Il n'y a personne qui
va se retrouver puis ça va créer ce qu'on a aujourd'hui. Attendez
de voir la TVQ. Quand la TVQ va s'appliquer, M. le Président, au 1er
juillet, parce que ça semble être parti pour ça, vous allez
voir ce qui va se passer. Il va se passer des choses sur le terrain qui vont
être phénoménales. Les gens vont recevoir... Les gens ne
comprendront pas la loi. Ils ne peuvent pas la comprendre, c'est trop
compliqué. D'ailleurs, c'est normal; comme dit le ministre du Revenu,
ils n'ont pas d'affaire à comprendre ça. Mais c'est eux qui vont
l'appliquer. Et quand ils vont l'appliquer puis qu'ils vont recevoir des
cotisations deux et trois ans après parce qu'ils n'ont pas compris
l'application... C'est l'épicier du coin qui va appliquer la TPS et la
TVQ. C'est tous ces gens-là.
Alors, toute cette complexité-là, ça doit
être compréhensible pour les gens. Il faut faire un effort. Je
demande au gouvernement, dans ses prochains projets de loi, de faire un effort
pour reconnaître les points d'équité quand le
fédéral nous en amène, de s'harmoniser sur
l'équité fiscale quand le fédéral la voit et
d'arrêter de penser qu'on doit juste s'harmoniser pour aller chercher
plus d'impôts des contribuables. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Montmorency. Est-ce qu'il y a une réplique, M.
le leader du gouvernement? Alors, est-ce que la motion proposant l'adoption du
projet de loi 407, Loi modifiant la Loi sur les impôts et d'autres
dispositions législatives d'ordre fiscal, est adoptée?
Des voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté sur
division. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, à ce moment-ci,
l'ensemble du menu législatif que j'avais à proposer pour la
journée est maintenant adopté ou complété. Je vous
inviterais donc à suspendre nos travaux jusqu'à 18 h 30 pour que
puisse se conduire le débat de fin de séance.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je sus- pends les travaux
jusqu'à 18 h 30 et nous reviendrons pour procéder au débat
de fin de séance entre le député de La Prairie et M. le
ministre de l'Environnement...
(Suspension de la séance à 17 h 8)
(Reprise à 18 h 37)
Débat de fin de séance Projet de loi
fédéral sur l'environnement
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Veuillez prendre place.
Alors, la présidence a reçu une demande de M. le
député de La Prairie au ministre de l'Environnement sur une
question concernant le projet de loi fédéral C-13 sur
l'environnement prévoyant la tenue d'audiences publiques obligatoires,
à débattre suite à la période de questions. Alors,
je tiens à vous informer que, M. le député de La Prairie,
vous avez cinq minutes. M. le ministre, vous avez cinq minutes, et M. le
député de La Prairie a une réplique de deux minutes. Ce
sont des périodes de droit strict. M. le député de La
Prairie.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, comme on le
sait, aujourd'hui, à la période de questions, j'ai eu l'occasion
de soulever auprès du ministre de l'Environnement les problèmes
qui sont créés par le projet de loi que s'apprête à
adopter le gouvernement fédéral, le projet de loi C-13 qui va
créer et qui va mettre en oeuvre un processus fédéral
d'évaluation environnementale. Je dois dire d'emblée que le
ministre de l'Environnement a été tout à fait à la
hauteur, et il semble bien qu'au nom de sa formation politique il ait pris une
position tout à fait nette et claire: cette ingérence du
gouvernement fédéral est inacceptable, pour toutes sortes de
raisons, M. le Président.
D'abord, le gouvernement fédéral, surtout par son pouvoir
de dépenser dans tous les domaines d'activité, va maintenant, si
ce projet de loi est adopté, pouvoir venir procéder à des
évaluations environnementales dans à peu près tous les
secteurs d'activité où il y aura eu financement par le
fédéral. Comme on le sait, l'Acte de l'Amérique du Nord
britannique, la Constitution de 1867, ne prévoyait pas qui des deux
paliers de gouvernement, fédéral ou provincial, devait avoir
juridiction sur l'environnement. À cette époque plus naïve
on n'avait pas à se préoccuper des dégâts
environnementaux et à se préoccuper de la préservation
d'un environnement sain.
M. le Président, au nom de ma formation politique, je veux
dénoncer le plus vigoureusement possible cette espèce de
comportement
contradictoire de la part du gouvernement fédérai,
à une époque où le gouvernement fédéral
prétend, selon ses paroles, donner au Québec des pouvoirs accrus
auxquels il a droit et qu'il réclame depuis des années et des
années. Au même moment, ce gouvernement fédéral, par
des actions, et non plus par des paroles, par des actions, tel ce projet de
loi, vient s'immiscer, vient s'ingérer de façon scandaleuse.
Il y aura des coûts additionnels, évidemment, toujours le
problème des chevauchements et du dédoublement des
évaluations, avec tous les retards que ça cause, avec aussi toute
la confusion que ça va créer, avec les contestations judiciaires,
les contestations en cours qui vont s'ensuivre.
M. le Président, ce projet de loi fédéral doit
être mis de côté une fois pour toutes, à moins qu'il
ne soit complètement révisé pour prendre en compte le
respect des juridictions du Québec. Le Québec a mis sur pied,
depuis plusieurs années, bien avant que le fédéral y
pense, un mécanisme pour étudier les impacts environnementaux de
tel ou tel projet et, notamment, par le Bureau des audiences publiques
environnementales, le BAPE, qui a développé, qui a acquis une
certaine crédibilité, une crédibilité certaine.
Alors, l'arrivée, brusquement, d'une agence fédérale avec
ses gros sabots, qui va vouloir s'imposer même là où il n'y
a jamais eu d'autorité, de juridiction qui le justifiait, M. le
Président, c'est inacceptable.
Nous avons aussi, des deux côtés de la Chambre, il n'y a
pas si longtemps, à l'occasion du rapport Beaudoin-Dobbie, placé
les intérêts du Québec beaucoup plus haut que les
intérêts de chaque parti politique. M. le Président, je
vous exprime ma grande satisfaction de voir qu'aujourd'hui il semble que nous
ayons le même comportement et qu'en matière de droits fondamentaux
du Québec, surtout s'il s'agit de protection de l'environnement, les
deux côtés de la Chambre établissent une position commune,
solide, et qu'elle devra, cette position commune, être transmise le plus
tôt possible aux autorités fédérales. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre...
M. le député de La Prairie, pardon. M. le ministre de
l'Environnement, la parole est à vous.
M. Pierre Paradis
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. M. le Président, je
remercie le député de La Prairie de son intervention. Comme il
l'a mentionné, en 1867, quand les Pères de la
Confédération ont signé l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, la Constitution canadienne, personne, à
l'époque, n'avait fait mention de l'autorité législative
qui serait responsable de l'environnement parce qu'à cette époque
nous n'avions pas encore spolié notre environnement. Et peut-être
nos ancêtres étaient-ils tous des environnementalistes dans
l'âme et qu'ils n'avaient pas besoin de parier d'environnement en termes
de juridiction.
Les choses ont changé et, depuis 1978, le Québec s'est
doté d'une législation en matière d'évaluation et
d'examen des projets environnementaux. Depuis 1983, le gouvernement
fédéral, par l'adoption de directives ministérielles,
s'est également doté de pouvoirs en matière d'examen et
d'évaluation environnementale. Dans la pratique, ça fonctionnait
comme suit, M. le Président. Vous aviez un projet de juridiction
provinciale, dans le domaine des forêts, pour ne citer que cet exemple,
c'était le ministère québécois de l'Environnement
qui évaluait le projet. Vous aviez un projet de défense
nationale, c'était le gouvernement fédéral qui
exerçait sa juridiction en matière environnementale. Vous aviez
un projet mixte, M. le Président, où il y avait des incidences de
juridictions provinciale et fédérale à la fois - le projet
Soligaz, pour donner un exemple, à cause de la voie maritime, ou le
projet Grande-Baleine - à ce moment-là il y avait des ententes
qui étaient signées entre les deux niveaux de gouvernement de
façon à s'assurer qu'il n'y ait pas de dédoublement.
Le gouvernement fédéral vient de choisir, M. le
Président, de mettre fin à tout ce processus. Le gouvernement
fédéral vient de décider d'utiliser une loi
environnementale, le projet de loi C-13 qui est présentement devant le
Parlement du Canada, pour s'ingérer, pour s'immiscer dans des domaines
de juridiction qui sont spécifiquement québécois et pour
contrôler - ou tenter de prendre le contrôle de façon un peu
insidieuse - le développement économique et social du
Québec sous prétexte d'utiliser une loi environnementale. Cette
loi, ce projet de loi C-13, M. le Président, ce projet de loi
fédéral va faire en sorte qu'un entrepreneur qui veut s'installer
au Québec, qui veut installer une petite entreprise au Québec,
s'il reçoit quelque aide financière que ce soit du gouvernement
fédéral, s'il a besoin de quelque permis que ce soit du
gouvernement fédéral, avant de partir son entreprise il sera
soumis, en plus du processus québécois d'examen et
d'évaluation environnementale, au processus fédéral
d'examen et d'évaluation environnementale.
Vous aurez compris, M. le Président, que le fédéral
utilise son pouvoir de dépenser, qui est inclus à la Constitution
canadienne, pour venir contrôler chez nous notre développement
économique, sans se fier à notre capacité de faire
correctement notre travail sur le plan environnemental.
Le projet de loi affecte également, M. le Président, tout
le territoire conventionné de la Baie James et tous les projets de
développement hydroélectrique. Nous avons signé avec les
autochtones, avec les Inuit, avec les Cris et avec le gouvernement
fédéral une convention de la
Baie James. Cette Convention de la Baie James a été
ratifiée par une loi de cette Assemblée nationale. Cette
Convention de la Baie James a été également
ratifiée par une loi du Parlement du Canada. Et le Québec est
d'accord que ces lois doivent s'appliquer de façon concurrente. Ce que
le gouvernement fédéral tente de faire, par le projet de loi
C-13, c'est d'ajouter législath/e-ment un autre processus
d'évaluation environnementale qui ne tient pas compte des ententes
signées avec les trois autres partenaires: le Québec, les Inuit
et les Cris.
M. le Président, comme si ce n'était pas assez, le
gouvernement fédéral, par ce projet de loi C-13, tente de se
donner juridiction sur l'ensemble du territoire revendiqué par les
autochtones au Québec. Vous vous souvenez sans doute d'avoir vu à
la télévision, dernièrement, la carte du Québec et
les territoires revendiqués. Bien, le gouvernement fédéral
veut se donner une juridiction en matière d'évaluation
environnementale sur l'ensemble de ces territoires revendiqués.
Il y a d'autres dispositions qui choquent les juridictions du
Québec et qui sont contenues dans ce projet de loi C-13. Je veux
souligner à cette Chambre que la commission de l'aménagement et
des équipements vient d'adopter unanimement une résolution
présentée par les deux partis - le parti ministériel et le
parti de l'Opposition - à cette commission de l'aménagement et
des équipements et qui se lit comme suit: «II est résolu
que la commission de l'aménagement et des équipements
désapprouve vivement le projet de loi C-13 et prie l'Assemblée
nationale du Québec de transmettre au gouvernement fédéral
son opposition audit projet de loi.»
M. le Président, j'ai endossé cette proposition et je
dénonce et condamne cette attitude du gouvernement fédéral
dans ce dossier.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de
l'Environnement, de votre intervention. En vertu de votre droit de
réplique de deux minutes, maximum, M. le député de La
Prairie. M. le député, la parole est à vous.
M. Denis Lazure (réplique)
M. Lazure: Alors, merci, M. le Président. L'Opposition a
travaillé avec le parti ministériel à la rédaction
de cette motion qui vient de vous être lue en partie par le ministre de
l'Environnement. Nous pensons qu'il est fondamental que l'Assemblée
nationale soit saisie dans les plus brefs délais de cette motion des
membres de la commission de l'aménagement et des équipements qui
a compétence en matière d'environnement. Nous pensons que
l'Assemblée nationale doit en discuter plus longuement le plus tôt
possible et qu'il doit y avoir une prise de position commune, conjointe,
au-delà des lignes partisanes, pour bien faire comprendre au
gouvernement fédéral qu'il est en train de commettre une erreur
fondamentale et qu'il porte atteinte aux droits du Québec.
C'est comme si le gouvernement fédéral ne comprenait pas
ce que le Québec demande depuis longtemps: le respect de ses droits
acquis depuis longtemps. Maintenant, il y a depuis un certain temps, de la part
du gouvernement fédéral, au ministère de l'Environnement,
un désir évident de prendre de la place. Le ministre de
l'Environnement, M. Charest, a commencé un bulletin de santé
hebdomadaire quant à la couche d'ozone. Il est bien évident, M.
le Président, que les adversaires, au fédéral, du
désir d'émancipation des Québécois veulent faire
croire à la population que la procédure d'évaluation qui
serait faite par un gouvernement fédéral, ce serait meilleur, ce
serait plus sérieux que celle faite par le gouvernement du
Québec.
Alors, M. le Président, je pense que les Québécois
et les Québécoises ne sont plus dupes de cette stratégie
fédérale et je suis heureux, au nom de l'Opposition, de voir que
les deux partis en Chambre font front commun sur cette importante question.
Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député de La Prairie. Ceci met fin aux affaires du jour. Compte
tenu de l'heure, à la suite de ce débat de fin de séance,
les travaux de cette Assemblée sont ajournés à demain, le
mercredi 18 mars, à 10 heures. Alors, bonne soirée à
tous.
(Fin de la séance à 18 h 50)