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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 28 novembre 1989 - Vol. 31 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures cinq minutes)

Le Secrétaire général: Si vous le voulez bien, nous allons nous recueillir quelques instants.

Vous pouvez vous asseoir.

Dépôt de la liste des candidats proclamés

élus à la suite des élections générales

du 25 septembre 1989

J'ai reçu, le 11 octobre dernier, du Directeur général des élections, la liste des candidats proclamés élus à la suite des élections générales du 25 septembre 1989. J'ai l'honneur de déposer ce document.

M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le secrétaire général, je vous informe que Son Excellence, le lieutenant-gouverneur demande que les membres de l'Assemblée nationale élisent parmi eux un président.

Le Secrétaire général: Merci. En conséquence, j'invite le doyen de l'Assemblée, au sens de l'article 6 du règlement, M. le député de la circonscription électorale de Lévis, à présider à l'élection du président de l'Assemblée nationale.

M. Garon: C'est un jeune doyen. Des voix: Ha, ha, ha!

Élection du président, M. Jean-Pierre Saintonge

M. Garon: L'élection du président est prévue aux articles 5 à 8 du règlement de l'Assemblée nationale et, en application de ces dispositions, je suis prêt à recevoir la ou les propositions concernant la charge de président d'abord. Ensuite, j'accorderai des droits de parole sur cette ou ces propositions.

M. le premier ministre.

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président par intérim, si je puis dire, je voudrais vous féliciter d'assumer cette fonction de doyen. Comme vous le savez, c'est une fonction qui confère toujours une certaine sagesse. Et je suis convaincu que, malgré le bref passage comme doyen, ceci saura vous inspirer l'objectivité de vos propos lorsqu'il s'agira de critiquer l'action du gouvernement.

M. le Président, après consultation d'usage avec l'Opposition, j'ai le plaisir de proposer que M. Jean-Pierre Saintonge, député de la circonscription électorale de Lapinière, soit élu président de l'Assemblée nationale et prenne place au fauteuil en cette qualité. l'ouverture de cette première session de la 34e législature m'apparaît d'autant plus importante qu'elle nous renvoie au rôle essentiel...

M. Garon: Si vous voulez, on va attendre les propositions, on va voir s'il y a d'autres propositions. Après ça, je vous redonnerai la parole.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Avant, s'il y a d'autres propositions... Ceci ferme les candidatures.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, si vous avez été attentif à mes propos, j'ai bien mentionné: "après consultation avec l'Opposition".

M. Garon: On ne peut pas présumer...

M. Bourassa: Alors, j'en ai conclu qu'il n'y avait pas d'autres propositions.

Donc, ce rôle de président est important, mais il est également fondamental, comme en témoignent les droits, les privilèges et les immunités qui s'y rattachent. C'est la raison pour laquelle son exercice doit s'appuyer quotidiennement sur les valeurs sûres de la transparence, de l'ouverture, de la tolérance, de la dignité et de la probité. Est-il nécessaire de rappeler que c'est ici même, en cette auguste Assemblée, que se forge le destin de notre peuple, d'où la nécessité, voire l'obligation pour nous tous et toutes de conserver sans cesse le sens de l'institution et de l'État et ce, d'autant plus qu'une institution ne vaut que ce que valent ceux et celles qui sont appelés à l'animer.

La fonction législative à laquelle nous sommes de nouveau conviés, aujourd'hui, est la fonction suprême dans l'État. Dans ce contexte, la présidence de l'Assemblée nationale revêt une très grande importance. C'est la raison pour laquelle je propose qu'elle soit assumée par un parlementaire qui a siégé des deux côtés de cette Chambre et qui a également présidé, à maintes occasions, les travaux de cette Assemblée.

Élu en 1981, le député de Lapinière est un parlementaire que nous avons tous été à même d'apprécier, notamment pour ses compétences, sa capacité de travail, sa disponibilité et son respect de l'institution. La présidence est une tâche prestigieuse, certes, mais également lourde de responsabilités. Et parce qu'elle se doit d'être attentive, juste et équitable, je suis convaincu que le député de Lapinière sera à la hauteur de la fonction.

En terminant, je désire insister plus particulièrement sur cette valeur fondamentale que

constitue le respect. Je ne fais pas ici référehce au respect des droits et privilèges de la majorité ministérielle, ni à ceux de l'Opposition. Je fais simplement référence au respect des droits et privilèges de chacun des membres de cette Chambre, car c'est là l'essence de notre régime parlementaire et du règlement de cette Assemblée. En ayant constamment à l'esprit ces valeurs, nous serons en mesure de nous assurer que cette Assemblée continue d'être ce qu'elle est et ce qu'elle doit être, une institution à laquelle tous nos concitoyens et concitoyennes se reconnaissent. Merci, M. le Président.

M. Garon: M. le chef de l'Opposition. M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le doyen, je voudrais d'abord, au nom de la formation que je représente et au nom, j'en suis sûr, de tous les membres de cette Chambre, remercier M. Lorrain qui a présidé les travaux de la Chambre pendant la 33e Législature. Je pense qu'il est normal, non seulement que nous le remerciions, mais que nous lui souhaitions nos meilleurs voeux dans les nouvelles fonctions qu'il occupera.

Au moment où une demi-douzaine de pays retrouvent ou trouvent enfin le chemin de la liberté et de la démocratie, vous allez, M. le député de Lapinière, présider l'un des vieux Parlements du monde. Dans quelques années, dans trois ans, en fait, nous allons célébrer le bicentenaire de ce Parlement. Un Parlement à son origine, bien sûr, limité par des privilèges de la couronne qui donneront lieu à bien des débats et bien des tensions, aussi bien à Londres que chez nous, mais un Parlement qui, déjà au départ, à sa création, reconnaissait au fond que les Canadiens, disait-on à ce moment - les Québécois, comme on dirait aujourd'hui - devaient avoir un Parlement. Comme disait Edmund Burke, ce grand parlementaire, à l'occasion de la création de ce Parlement, ici, à la Chambre'des communes à Londres: "Essayer d'amalgamer deux peuples ayant des langues, des lois, des moeurs différentes, ce serait une pure folie."

Déjà, en 1795, non seulement ce Parlement siégeait mais il décidait. Il avait siégé quatre mois, c'est-à-dire à peu près autant de temps que nous aurons siégé en 1989.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: II votait les taxes et les impôts - ceci intéressera le premier ministre - il a aussi voté pour la première fois la détermination des taux de change de toutes les monnaies que nous utilisions. Dans ce sens, le Parlement fédéral est une sorte de "parvenu", si on peut me passer l'expression. Évidemment, au fur et à mesure du passage de l'histoire, on nous a associés à d'autres. On nous a amalgamés. Nous avons connu l'union avec le Haut-Canada et donc le privilège de payer une partie de la dette de l'Ontario. Nous avons connu la Confédération, les chemins de fer, l'occupation du territoire face à ce qui se faisait aux États-Unis. Encore en 1982, il n'y a pas si longtemps, cette Assemblée nationale perdait une partie de ses pouvoirs sur la langue et sur l'admission dans les écoles. Mais ce Parlement, il est réduit, restreint, amputé peut-être, mais il demeure notre Parlement.

La première session, celle qu'on présente dans cette peinture, M. le doyen, portait sur la langue de la législation. Déjà, deux siècles plus tard, nous parlons de la même chose.

Vous aurez devant vous, M. le député de Lapinière, un parti qui veut donner à ce Parlement la plénitude de ses pouvoirs; aux citoyens, la plénitude de leurs droits; au Québec, la plénitude de son existence. L'accélération de l'histoire peut faire en sorte que ce soit sous votre présidence que des étapes importantes soient franchies dans cette voie. Que le poids de l'histoire vous soit léger. Que le sens de l'histoire vous guide. Que le respect de notre vieux, de notre cher Parlement, en tout temps, vous inspire.

M. Garon: M. le député de D'Arcy-McGee. M. Robert Libman

M. Libman: M. le doyen, au nom de mes collègues du Parti Égalité, il me fait plaisir d'appuyer le choix du député de Lapinière comme président de l'Assemblée nationale. Depuis le 25 septembre, nous avons eu l'occasion d'apprécier sa gentillesse, sa compréhension et sa compétence. De plus, nous avons appris de sources multiples que le nouveau président est un homme indépendant, impartial et juste.

The four members of our caucus look forward to working under the authority of the incoming Speaker to whom we will be looking for guidance and for the protection of our minority rights.

Il faut comprendre qu'une grande partie de la communauté que nous représentons visionne les délibérations de l'Assemblée nationale de façon très particulière. Elle surveillera le traitement de notre minorité à l'intérieur de l'Opposition et l'attitude de la majorité ici, à l'Assemblée nationale, qui reflétera sur le Québec tout entier.

We believe in a parliamentary system and we have full confidence that the Speaker who represents all members will display that sense of fairness and openness which must be the hallmark of every democratic Legislature.

Au nouveau président, nous disons "félicitations" et ajoutons, en anglais, l'équivalent du mot de Cambronne..."Break a leg".

M. Garon: M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Vous me permettrez également un mot sur le rôle fondamental qu'a le président dans cette Chambre quant à la sauvegarde des droits de tous les parlementaires, non seulement individuellement mais collectivement, vis-à-vis l'appareil administratif comme vis-à-vis le pouvoir exécutif. De plus en plus, on tente de réduire les pouvoirs du Parlement et on en a des exemples quotidiens. Des exemples qui se sont produits dans d'autres Parlements ont été réprimés avec beaucoup de vigueur par la présidence de ces Parlements. Je veux parler d'Ottawa où M. Fraser, tout dernièrement, a été appelé à se prononcer sur des publicités faites par anticipation aux décisions qu'avait à prendre le Parlement.

Je voudrais donc donner un exemple, M. le Président, au futur président, un exemple qui s'est produit ici même, au mois d'octobre, au Québec, et qui démontre jusqu'à quel point dès son entrée, dès son arrivée sur le trône, il aura, comme président de l'Assemblée nationale, à considérer ce geste que je voudrais soulever aujourd'hui, ce geste qui a été posé par une société d'État, société d'État ou organisme d'État, qui est la CSST.

Je voudrais juste vous lire un petit paragraphe, M. le Président. À la page 3 du petit document il est bien indiqué: Le nouveau mode de tarification qui entrera en vigueur en janvier 1990 a été conçu pour telle chose ou telle ou telle chose. Cette /publicité a été tirée en quelque 300 000 exemplaires, sur papier glacé. 170 000 lettres ont été envoyées à des employeurs par la poste, ce qui représente des coûts astronomiques, tout en présumant que l'Assemblée nationale du Québec déciderait exactement ce qu'une assemblée ou un conseil d'administration aurait décidé. C'est présumer d'une décision finale qu'ont à prendre et que seuls les élus peuvent prendre. (14 h 20)

Qu'arrivera-t-il si l'on changeait un iota? À quoi servirait toute cette publicité qui présume d'une décision du Parlement? Je voudrais vous citer ce que M. Fraser disait dans une situation similaire. Il disait ceci: "Je rappelle à tous, dans la fonction, que nous sommes une démocratie parlementaire et non une démocratie de type exécutif ou de type administratif." Et M. Fraser d'ajouter: "Ce genre d'annonce publicitaire ne constitue peut-être pas un outrage à la Chambre, dans les limites étroites établies par une définition de procédures, mais elle est mal conçue à mon sens et elle dessert les grandes traditions de la Chambre. Si nous ne préservons pas ces grandes traditions, nos libertés seront menacées et nos conventions seront bafouées."

C'est un peu ce que je voulais confier au président de l'Assemblée nationale avant qu'il accède à la présidence et que, dans les prochaines heures ou dans les prochains jours, il statue, comme l'a fait M. Fraser à la Chambre des communes, pour que les droits les plus fondamentaux de tous les parlementaires, de quelque côté de la Chambre, soient gardés intacts, qu'on prenne les décisions et que l'appareil administratif s'ajuste par la suite. Merci, M. le Président.

M. Garon: M. le leader du gouvernement. M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci beaucoup, M. le député de Lévis, M. le doyen de l'Assemblée nationale du Québec, pour la séance d'aujourd'hui. Je ne m'étais pas proposé d'intervenir, mais vous comprendrez que, par déférence pour mon collègue, le député de Joliette et leader de l'Opposition, je me dois d'intervenir à la suite de son propos qui, je dois en convenir, n'était pas initialement prévu.

Tout comme, M. le doyen, j'aurais pu, en vertu de la procédure prévue à notre règlement, soulever le fait que la question - sans qualifier ou sans juger de sa pertinence - à laquelle vient de référer le leader de l'Opposition en référant, quoi, à ce document de la Commission de la santé et de la sécurité du travail... Je me permets de vous soumettre respectueusement, M. le doyen, que j'aurais pu soulever une question de règlement à ce moment-ci et vous obliger à changer votre mandat d'aujourd'hui qui en est un, il faut en convenir, d'élire le président de l'Assemblée nationale du Québec et non pas de statuer sur les divergences qui pourraient poindre entre le leader de l'Opposition et le leader du gouvernement.

Une voix: Très bien.

M. Pagé: Ceci étant dit, je me limiterai à faire part au député de Joliette qu'il aura beaucoup d'autres opportunités, à compter de demain et des jours suivants, pour soulever l'ensemble des questions qui le préoccupent, dont celle à laquelle il a référé cet après-midi.

Or, M. le Président, nous en sommes à décider ensemble aujourd'hui, les 125 membres de l'Assemblée nationale du Québec élus par nos populations respectives dans chacun de nos comtés, nous avons à décider, à procéder, quoi! à la nomination de celui qui aura à assumer l'importante responsabilité, la très lourde responsabilité de présider nos débats.

J'apprécie au plus haut point, vous allez en convenir, ce consensus général qui se dégage à l'égard du député de Lapinière et, en référant à ses lourdes responsabilités, pour être député depuis quelques années déjà, mes pensées vont, avec beaucoup de respect, beaucoup d'appréciation, non seulement à l'égard de la fonction et de l'exercice de la fonction mais aussi... Je pense au président Lavoie, je pense au président Richard, je réfère évidemment au président Guay

qui a procédé, lui aussi, à une réforme majeure du règlement de l'Assemblée nationale et au président Pierre Lorrain qui a quitté, auxquels s'ajoute évidemment le président Vaillancourt qui, comme on le sait, a eu l'opportunité d'assumer ces lourdes responsabilités avec doigté, dignité et avec la confiance de l'Assemblée nationale du Québec.

Un mot seulement. Le président de l'Assemblée nationale doit être le gardien, le gardien des droits, des privilèges de l'Assemblée, comme assemblée délibérante, comme assemblée souveraine dans le cadre de juridictions, etc. Mais le président doit être aussi le gardien des droits et des privilèges de chacun des députés parce que, ici, quelle que soit la fonction occupée par un député, un député n'a pas plus de droits qu'un autre député. Ce député n'a pas moins de droits cependant aussi. Et que nous soyons 29 . dans un groupe, que nous soyons regroupés comme indépendants à cinq, à quatre, à trois, à deux, peu importe, que nous soyons 92 de notre côté, chacun des députés a les mêmes droits, les mêmes privilèges ici à l'Assemblée nationale.

Je crois... Et là, je vais vous donner une opinion qui est bien personnelle, je me permets de le faire parce que c'est quand même l'ouverture, je termine là-dessus, une opinion qui réfère à mon expérience. Le fait que le député de Lapinière ait été élu membre de l'Assemblée nationale du Québec en 1981, qu'il art occupé ces fonctions depuis, qu'il ait siégé d'ailleurs comme vice-président, témoignant d'une certaine autorité, d'une capacité de faire, ces éléments doivent s'ajouter à un autre élément qui, pour moi, est important et qui devrait d'ailleurs sécuriser non seulement l'ensemble des députés, mais plus particulièrement les députés qui sont dans l'Opposition, parce que le député de Lapinière ayant déjà eu l'opportunité, pour ne pas dire la chance, de siéger dans l'Opposition pendant quatre ans, pendant presque cinq ans, cette expérience saura très certainement le guider dans une compréhension que le président doit avoir à l'égard de l'ensemble des députés et particulièrement des députés siégeant dans l'Opposition dans cette Chambre.

Alors, M. le doyen, je vous remercie de m'avoir reconnu; je trouve ça très délicat, j'apprécie au plus haut point. Je présume que les interventions sont maintenant complétées et procédons enfin à l'élection de celui que nous . attendons avec intérêt, impatience, mais aussi avec sécurité. Merci, M. le Président.

M. Garon: ce n'est pas adopté. m. le premier ministre, il faudrait d'abord.... m. le premier ministre, je dois demander si votre proposition est adoptée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: La motion de M. le premier ministre est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Garon: Adopté. Alors, je proclame que M. Jean-Pierre Saintonge, député de la circonscription électorale de Lapinière, est élu à l'unanimité président de l'Assemblée nationale du Québec.

Des voix: Bravo! Bravo!

Allocution du président

Le Président: M. le premier ministre, M. le chef de l'Opposition officielle, mesdames et messieurs les députés. Celles et ceux parmi nous qui ont pris place dans cette salle pour la première fois aujourd'hui et celles et ceux également qui, pour la première fois, viennent de participer au choix d'un président auront sans doute été surpris par mon hésitation, voire ma résistance au moment d'être conduit à ce fauteuil par les deux membres les plus éminents de notre Assemblée.

Au contraire, celles et ceux qui, suivant l'exemple du ministre des Finances, ont additionné de brillants états de service parlementaire mesurent sans peine à quel point l'honneur que vous me faites en m'appelant à la présidence de l'Assemblée nationale du Québec est à la fois grand et redoutable. Aussi, les sentiments qui sont les miens en acceptant cette charge tant/ convoitée sont-ils mélangés de crainte, de fierté, de témérité, peut-être, mais surtout d'un immense respect pour les femmes et les hommes dont je dirigerai les travaux, pour l'institution qu'ils perpétuent une 34e fois et pour les citoyens qu'ils représentent.

Avant toute chose, je désire remercier M. le premier ministre pour le témoignage d'appréciation dont il m'a gratifié comme député de la nouvelle circonscription électorale de Lapinière en me proposant pour remplir cette importante fonction. Mes remerciements vont aussi à M. le chef de l'Opposition officielle et à M. le député de D'Arcy-McGee qui, par leur appui à la motion du premier ministre, ont renouvelé à l'ex-vice-président la confiance que lui avait accordée la précédente Assemblée.

Ma reconnaissance s'adresse enfin à vous tous, chers collègues, anciens et nouveaux, qui, en toute conscience ou dans un acte de foi, mais unanimement, avez jugé sage de désigner votre serviteur pour être, ainsi qu'on le dit à Westminster, "the first commoner". Soyez assurés que je reçois et que je conçois cette responsabilité avec tout le dévouement et le sérieux dont je suis capable, car j'ai toujours cru que le respect qu'un peuple voue à son Parlement n'est pas sans rapport avec la considération dont jouit son président. (14 h 30)

En 1884, après son élection comme Speaker à la Chambre des communes de Londres, Arthur Wellesley Peel déclara: "I know how necessary it

is for any man who aspires to fill that great office to be aside ail that is personal, ail that is of party, ail that savours of political prédilection and to subordinate everything to the great interest of the House at large." En traduction libre: "Je sais combien il est important pour celui qui aspire à cette noble fonction d'être capable de faire abstraction de ses opinions personnelles, de ses idées partisanes, de ses choix politiques et de subordonner toute chose aux intérêts supérieurs de l'Assemblée.

Cette profession d'impartialité que je fais mienne, je m'engage solennellement à la mettre en pratique et j'invite les vice-présidents que vous désignerez dans les prochaines minutes à mettre ce principe au premier plan de leur action.

Mais là n'arrête pas le devoir de celui qui, président ou vice-président, dirige les travaux d'une Assemblée comme la nôtre. Sur lui repose l'obligation, notamment, de favoriser le plus possible l'étude de chaque affaire, de permettre à chaque député d'exprimer son opinion; dans la mesure où nos règles et le décorum sont observés et toute perte de temps évitée; et de voir à ce que les affaires qui sont soumises à l'Assemblée soient traitées de façon ordonnée.

Dès lors, celui qui occupe ce fauteuil devient le protecteur attitré des droits et des privilèges que la population du Québec, le 25 septembre dernier, a consentis individuellement à tous les membres de l'Assemblée, qu'ils appartiennent à la majorité gouvernementale, se réclament d'un parti d'opposition ou siègent comme indépendants. Ce souci de chacune et de chacun d'entre vous sera aussi au premier rang de mes préoccupations.

En contrepartie, je me montrerai - et vous le constaterez - exigeant en ce qui a trait au respect du décorum et des règles de procédure.

Depuis quelques années déjà, l'institution éminemment démocratique à laquelle nous avons le privilège d'appartenir et que bien des peuples nous envient, fait face à un désenchantement croissant au sein de la population.

Nous laisserons aux politicologues le soin de dégager les causes externes de ce phénomène, mais convenons, entre nous, que nos comportements et nos propos n'ont pas toujours été empreints de la gravité et de la profondeur appropriées à l'ampleur de notre tâche et aux attentes de celles et ceux qui nous l'ont confiée.

Trop souvent, en effet, l'Assemblée nationale donne à notre opinion publique l'image d'une institution bloquée où les députés se livrent à des querelles partisanes.

Comme il est naturel et normal dans une assemblée démocratique telle que la nôtre, nous divergeons par les programmes que nous souhaitons mettre en oeuvre, par les idées que nous voulons défendre et même par la conception que nous avons de notre société. Cependant, quelles que soient nos différences de sensibilité, gardons-nous du travers qui nous conduirait à faire de cette enceinte la tribune où s'expriment de stériles rivalités.

Notre Assemblée aura pleinement satisfait les espoirs qu'elle a fait naître il y aura bientôt 200 ans si, loin d'être le lieu de résonnance de nos seules divisions, elle demeure un forum indispensable où se déroulent des débats éclairés et productifs pour l'ensemble de la nation. Je suis convaincu que le pluralisme de l'Assemblée nationale constitue un facteur d'enrichissement et non un frein à la progression du Québec.

En ce qui me concerne, j'entends me consacrer en totalité à la tâche qui est devant nous. J'y parviendrai à la condition que la présidence demeure à l'abri de toute influence partisane et que ses décisions ne servent pas de prétexte pour remettre en question sa neutralité.

Comme le disait Peei à l'occasion de sa réélection en 1892: "Without the support of the House, a Speaker can do nothing; with that support, there is little ne cannot do." "Sans l'appui de l'Assemblée, le président ne peut rien faire. Avec cet appui, il peut pratiquement tout faire."

C'est dans cet esprit que je vous invite à aborder les travaux qui nous attendent.

Merci à nouveau de la confiance que vous me témoignez.

Nous allons maintenant procéder à l'élection des vice-présidents. Je suis prêt à recevoir les propositions concernant la charge de vice-président.

M. le premier ministre.

Élection des vice-présidents M. Lawrence Cannon

M. Bourassa: m. le président, toujours après consultation avec l'opposition suivant la tradition, je suis très heureux de proposer que m. lawrence cannon, député de la circonscription électorale de la peltrie, soit élu vice-président de l'assemblée nationale. je suis convaincu qu'il est tout à fait préparé pour assumer cette fonction.

Le Président: Y a-t-il d'autres interventions? Est-ce que la motion de M. le premier ministre est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. J'ai donc le plaisir de proclamer que M. Lawrence Cannon, député de la circonscription électorale de La Peltrie, est élu à l'unanimité vice-président de l'Assemblée nationale.

Des voix: Bravo!

Le Président: Nous allons maintenant procéder à l'élection de l'autre vice-président. Je

suis prêt à recevoir les propositions concernant la charge de vice-président. M. le premier ministre.

M. Michel Bissonnet

M. Bourassa: M. le Président, à la suite d'une consultation avec l'Opposition également, je propose que M. Michel Bissonnet, député de la circonscription électorale de Jeanne-Mance, soit élu vice-président de l'Assemblée nationale. Sûrement qu'il sera, lui aussi, très apte pour assumer ces fonctions.

Le Président: Est-ce qu'il y a d'autres propositions? Est-ce que la motion de M. le premier ministre est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. J'ai donc le plaisir de proclamer que M. Michel Bissonnet, député de la circonscription électorale de Jeanne-Mance, est élu à l'unanimité vice-président de l'Assemblée nationale.

Des voix: Bravo!

Le Président: Mmes et MM. les députés, nous allons suspendre nos travaux pendant quelques instants. Je vous prie, cependant, de bien vouloir demeurer à vos places jusqu'à l'arrivée de Son Excellence le lieutenant-gouverneur.

(Suspension de la séance à 14 h 37)

(Reprise à 14 h 38)

Le Président: mesdames et messieurs les députés, vous êtes priés de vous lever pour accueillir son excellence le lieutenant-gouverneur.

Le Sergent d'armes. Son Excellence le lieutenant-gouverneur.

Allocution d'ouverture du lieutenant-gouverneur

Le Lieutenant-Gouverneur: M. le ministre, M. le chef de l'Opposition, veuillez vous asseoir. M. le Président de l'Assemblée nationale, M. le premier ministre, M. le chef de l'Opposition, mesdames et messieurs les députés, dès le début de cette 34e Législature, vous me permettrez de vous offrir, au nom de tous les Québécois et de toutes les Québécoises, mes plus sincères félicitations pour votre engagement à servir le Québec. Cet engagement comporte, en même temps qu'une fierté bien légitime d'avoir été élus, une multitude de défis que vous devrez relever tout au long de votre mandat et ceci dans une société en constante mutation et continuelle évolution. Je suis assuré qu'avec les qualifications qui vous ont été récemment reconnues, vous saurez relever ces défis avec compétence et équité.

For those less familiar with the French language, I would like to tell them that my congratulations were most sincere and the warm by which I expressed them in French is of the same quality, as warm and as strongly felt in the language of Shakespeare.

Je voudrais aussi associer mes voeux à ceux qui ont déjà été adressés au nouveau chef de l'Opposition, le député de L'Assomption, M. Jacques Parizeau, dont votre Assemblée connaît l'expérience et le dévouement.

Toujours à l'enseigne de la croissance et du développement économique, les défis du Québec moderne sont ceux de la concurrence internationale, de l'innovation, de la démographie et de l'environnement.

Pour les relever avec succès, le gouvernement entend mobiliser les compétences et le dynamisme de tous ceux et celles qui ont à coeur l'épanouissement et le rayonnement de notre société.

Cette société québécoise va donc continuer d'accorder au développement économique la toute première priorité. Cette société québécoise doit demeurer une société de langue et de culture françaises en même temps qu'une terre d'accueil pour les nouveaux arrivants et le lieu d'une solidarité féconde entre les Québécois d'expression française et les Québécois d'expression anglaise.

Cette Assemblée a formellement ratifié, par voie de résolution, le 23 juin 1987, l'accord constitutionnel du lac Meech. Cet accord constituant la condition essentielle à l'adhésion du Québec à la Loi constitutionnelle de 1982 et à la participation du gouvernement du Québec aux étapes à venir du processus de révision constitutionnelle au Canada, une attention prioritaire y sera encore accordée.

Après sept années de croissance ininterrompue, l'économie nord-américaine sera marquée par un ralentissement au cours des prochains mois.

Ce ralentissement aura inévitablement des conséquences sur le contexte financier dans lequel le gouvernement évoluera.

En ce qui concerne les mesures de développement qu'il compte introduire, le gouvernement entend privilégier, dans toute la mesure du possible, la réallocation de budgets plutôt que l'injection de nouveaux crédits qui aurait pour conséquence d'accroître indûment son déficit budgétaire.

Soucieux de poursuivre sa gestion rigoureuse et efficace des finances publiques, le gouvernement entend soumettre à l'Assemblée nationale un projet de loi visant à permettre d'effectuer, sous forme regroupée, les emprunts des institutions des réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux, et de certaines sociétés d'État.

Cette approche novatrice permettra à ces organismes de réduire leurs coûts d'emprunt et d'avoir accès à de nouveaux marchés financiers.

De plus, il devient impératif d'adapter le cadre de réglementation à la réalité du décloisonnement des institutions financières et des intermédiaires de marché afin que ceux-ci puissent oeuvrer efficacement dans ce nouveau contexte.

Vous serez donc informés des mesures que le gouvernement privilégiera afin d'harmoniser les réglementations existantes et de permettre aux institutions financières faisant affaire au Québec, et plus particulièrement aux institutions à charte québécoise, d'accroître l'efficacité de la mise en marché de leurs produits, tout en améliorant la qualité des services offerts à la population québécoise. y/le gouvernement suit de près les profondes iwations qui s'opèrent présentement sur la f/bène internationale et qui, sur le plan économique notamment, nous ouvrent d'énormes perspectives de développement.

The Québec business leaders are firmly committed to taking advantage of the Canada-US Free Trade Agreement and the Government is determined to support them.

In this respect, the Government will insure its active participation in the wake of this treaty and this Assembly will be kept informed of the modes of Quebec's participation in the . Canadian federal context.

D'une façon particulière, tout en contribuant à l'élaboration de la position canadienne dans les pourparlers du GATT, le gouvernement est bien déterminé à maintenir le développement du secteur agricole. Pour lui, la protection de l'économie agricole doit passer par des structures de mise en marché et de stabilisation des revenus que le Canada s'est données et auxquelles les producteurs québécois et leur gouvernement ont contribué de façon significative.

Par ailleurs, face à l'unification prochaine du marché européen, le gouvernement est à se doter d'une stratégie d'action précise et à planifier une démarche de sensibilisation des intervenants concernés pour que le Québec puisse pleinement profiter des nouvelles possibilités de ce marché.

Le développement du Québec étant maintenant conditionné par son ouverture au monde extérieur, le gouvernement révisera en profondeur son approche et dégagera une stratégie qui consolidera le rôle des relations internationales comme instrument majeur de ce développement.

Au cours des dernières années, le gouvernement a mis en place un important dispositif de stimulants et de supports financiers à la recherche scientifique et à l'innovation dont le Fonds de développement technologique, en vertu duquel des projets mobilisateurs en voie de concrétisation seront annoncés sous peu.

Pour aller encore plus loin dans cette voie, le gouvernement annonce à cette Assemblée qu'il procédera à la mise en place de deux instruments additionnels.

En premier lieu, un Fonds d'assistance au développement technologique, spécialement dédié à la recherche et au développement en matière d'environnement, sera institué.

En deuxième lieu, un nouvel incitatif fiscal sera élaboré afin de canaliser l'épargne individuelle vers le financement de projets moteurs pour l'économie, c'est-à-dire d'initiatives majeures d'entreprises renommées dans leur secteur et visant, ici même au Québec, le développement ainsi que la commercialisation de produits ou procédés innovateurs.

Au cours des années quatre-vingt-dix, le développement des ressources humaines et la formation de la main-d'oeuvre constitueront les nouveaux objectifs prioritaires du gouvernement en vue d'assurer la croissance économique, la justice sociale ainsi que la lutte au sous-développement et à la pauvreté.

Le gouvernement déposera donc à l'Assemblée nationale un document majeur d'orientation sur la formation permanente de la main-d'oeuvre et sur les moyens de la favoriser pour l'ensemble des travailleurs du Québec.

Il élaborera également une politique d'apprentissage pour faciliter l'intégration professionnelle, le perfectionnement des travailleurs, de même que l'adaptation et le recyclage des travailleurs sans emploi et des bénéficiaires de la sécurité du revenu aptes au travail.

Vous aurez également à vous pencher sur la révision de la loi sur ia formation et sur la qualification de la main-d'oeuvre, le mandat et les responsabilités des commissions de formation professionnelle devant être adaptés aux réalités d'aujourd'hui.

Dans le cadre de la stratégie d'adaptation au libre-échange, cette Assemblée sera invitée à faire de ces commissions des guichets régionaux uniques d'accès aux programmes de main-d'oeuvre et de concertation en matière d'adaptation.

Le gouvernement envisage également le recours à la fiscalité pour stimuler l'investissement dans le développement des ressources humaines, sujet qui fera également l'objet d'un important sommet.

The high importance given to human resources and manpower will therefore translate into major governmental interventions.

L'éducation demeurant le moteur premier de la croissance économique d'une société moderne, le gouvernement invitera cette Assemblée à poursuivre ses efforts pour valoriser ce secteur-clé de notre développement.

Des propositions vous seront donc soumises pour améliorer la formation de base et les apprentissages.

Le gouvernement prendra des mesures afin d'améliorer les programmes d'alphabétisation et donnera suite aux recommandations du groupe de travail sur les bibliothèques scolaires.

De même, l'Assemblée nationale aura à

adopter des modifications à la Loi sur l'instruction publique de façon à tenir compte d'un récent jugement de la Cour suprême.

De plus, les importantes améliorations au régime des prêts et bourses déjà annoncées par le gouvernement, lesquelles permettront aux étudiants de financer plus facilement le coût de leurs études, feront l'objet d'un projet de loi.

Des mesures concrètes et significatives concernant le financement des universités seront également instituées. L'ensemble de ces mesures viendra concrétiser la volonté du gouvernement de former une main-d'oeuvre instruite et de préparer une génération de Québécois disposant d'une solide formation de base et capables de relever le défi du progrès scientifique et technologique.

Dans le domaine du travail, le gouvernement vous invitera à revoir les domaines de compétence et les modalités de fonctionnement de la Commission des relations du travail à la lumière des recommandations du rapport Blain, ainsi qu'à réviser les responsabilités du ConseH consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, entre autres dans le processus de sélection des arbitres. (14 h 50)

L'Assemblée nationale sera saisie d'un projet de réforme sur la tarification de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour la rendre plus équitable, plus conforme aux règles de l'assurance et pour inciter les entreprises à faire de la prévention.

Des modifications à la Loi sur le Régime de rentes du Québec et la levée du moratoire sur la disposition des surplus accumulés dans les régimes complémentaires de retraite seront aussi soumises à l'attention des députés.

Le dossier des heures d'ouverture des commerces retiendra également l'attention du gouvernement qui s'appuiera sur les critères fondamentaux que sont l'équité entre les commerçants, la satisfaction des besoins réels des consommateurs ainsi que la qualité de vie de la population, notamment celle des travailleurs et des travailleuses.

La famille constituant la pierre d'assise de notre société, le gouvernement est d'avis qu'une prise de conscience collective s'impose sur la valeur de la famille et que notre choix de société à cet égard doit traduire une grande confiance en l'avenir.

Il va donc vous inviter à prendre dès à présent des mesures concrètes qui donneront des fondements solides à sa politique en matière de population.

L'Assemblée nationale aura à adopter d'importants projets de loi qui viendront confirmer la volonté du gouvernement de contribuer au soutien de la famille.

La réconciliation des responsabilités parentales et professionnelles fera également l'objet d'actions concrètes. À cet effet, les parlementaires seront invités à modifier la loi sur les normes minimales de travail et à examiner des mesures visant à garantir un meilleur niveau de remplacement du revenu pendant le congé de naissance.

À la suite de la publication d'une nouvelle politique en cette matière, la révision de la loi et des règlements sur les services de garde occupera une partie des travaux de cette Assemblée.

Par ailleurs, les réalités sociales actuelles démontrent que la promotion de la famille ne peut se faire au détriment des droits des individus qui la composent et doit être basée sur des rapports égalitaires entre les hommes et les femmes.

La situation économique des femmes et la place qu'elles occupent sur le marché du travail continueront d'être des priorités pour le gouvernement.

De plus, vous serez appelés à donner suite aux dispositions prévues à la loi qui a institué le patrimoine familial, dont le contenu regroupe notamment des droits accumulés au titre d'un régime de retraite.

Ces régimes devront prévoir des mesures visant l'établissement, l'évaluation et l'acquittement des droits attribués aux époux.

De plus, compte tenu de sa volonté d'accroître l'immigration et de favoriser le rapprochement avec les communautés culturelles, le gouvernement entend soumettre un important énoncé de politique sur l'immigration et l'intégration des immigrants.

Cet énoncé sera accompagné de mesures concrètes en matière de recrutement et de sélection des immigrants de même qu'en matière d'intégration des immigrants et des membres des communautés culturelles à la communauté francophone.

Le gouvernement invitera également cette Assemblée à prendre des mesures décisives de manière à soutenir les communautés culturelles du Québec et à développer des relations interculturelles plus fécondes.

Il logera ses actions à l'enseigne des intérêts particuliers de la jeunesse québécoise, notamment au niveau de sa formation et de la qualité de l'éducation.

En ce qui a trait plus particulièrement à l'intégration de nos jeunes, il réitère sa ferme volonté de réduire le décrochage scolaire.

Par ailleurs, le gouvernement entend accroître ses efforts de négociation avec les nations autochtones afin de faciliter le développement économique et social de leurs communautés et de poursuivre l'harmonisation de ses relations avec chacune des nations concernées.

Poursuivant l'affirmation de l'identité culturelle québécoise, il entend travailler à améliorer l'accessibilité des Québécois et des Québécoises à la culture et à poursuivre son aide et son soutien aux créateurs.

C'est ainsi qu'il continuera d'améliorer et d'élaborer l'infrastructure d'équipements nécessaires à une plus grande diffusion des oeuvres et

des produits culturels.

Il saisira également l'Assemblée nationale d'un projet de révision de la Loi sur les bibliothèques publiques qui fera suite au rapport de la commission Sauvageau sur le sujet. De même, il soumettra des propositions d'orientation en matière de cinéma pour actualiser l'action gouvernementale en fonction de l'évolution du milieu cinématographique.

Dans une monde marqué par une ouverture de plus en plus grande des frontières politiques, économiques et sociales, les communications constituent des enjeux stratégiques. Le secteur des technologies de pointe revêtant, dans ce contexte, une grande importance, le gouvernement "priorisera" des actions susceptibles d'accroître son expertise ainsi que les retombées en cette matière, notamment dans les secteurs de l'informatique et des télécommunications.

Outre la protection et la promotion de sa spécificité culturelle, il informera cette Assemblée des actions qu'il prendra afin de contribuer à la consolidation de l'espace francophone international.

Le défi environnemental exige du gouvernement qu'il assure à tous les citoyens et citoyennes une qualité de vie sans cesse meilleure, notamment par le maintien et l'accroissement de la salubrité publique. Pour ce faire, tout en favorisant la convergence des actions de tous les intervenants concernés vers le développement durable, le gouvernement est fermement résolu à privilégier une approche globale en matière environnementale et ' à concrétiser l'application rigoureuse du principe du pollueur-payeur. Il saisira cette Assemblée des moyens qu'il compte adopter pour renforcer substantiellement le secteur de l'environnement, notamment par l'addition de ressources humaines et financières ainsi que d'éventuelles modifications aux structures administratives internes du ministère.

La gestion de la qualité de l'eau potable ainsi que celle des matières et des déchets dangereux vont faire l'objet de mesures spécifiques qui seront soumises à cette Assemblée, dont celles du renforcement des mécanismes de contrôle et de prévention, de même que des initiatives pour nettoyer les sites à risque, pour éviter leur prolifération et pour prévoir une capacité d'intervention efficace en cas d'accident écologique.

À ta lumière de travaux de la commission Charbonneau sur la gestion des déchets dangereux, le gouvernement vous proposera des choix socio-économiques et techniques pour solutionner les problèmes de transport, d'entreposage et d'élimination des déchets dangereux.

Enjeu majeur de la politique de développement économique, la protection de l'environnement passera également par la réduction des déchets et des effluents.

En matière d'eau potable, vous serez appelés à renforcer les normes de qualité et leur mise en application, en particulier en ce qui concerne les micro-polluants et la réglementation touchant l'eau embouteillée.

Les entreprises seront, par ailleurs, conviées à se joindre à l'État afin de modeler leurs habitudes et leurs décisions aux exigences inhérentes à la conservation et à la protection de notre patrimoine naturel.

Dans le cadre des travaux de la table ronde québécoise sur l'environnement et l'économie, le gouvernement participé actuellement à l'élaboration d'un plan d'action comprenant des projets qui intégreront les préoccupations qui caractérisent le développement durable. Compte tenu de l'expérience fructueuse vécue à cette table, il proposera de la rendre permanente.

De plus, afin de disposer des boues et régler le problème du débordement des réseaux d'égout, il évaluera la possibilité d'élargir, avec la collaboration des autres paliers de gouvernement, le programme d'assainissement des eaux.

Des mesures seront également privilégiées pour garantir une couverture environnementale basée sur une approche intégrée eau-air-sol et pour s'attaquer aux secteurs les plus polluants, soit les rejets industriels - incluant ceux des usines de pâtes et papiers - les pesticides, les déchets solides, l'évacuation des eaux usées et les polluants du milieu agricole.

As a major part of his environment policy, the Government will invite you to privilege the diffusion of adequate information, such as thorough assessments of the state of our environnement.

In this respect, it will make sure that enterprises take into account the environmental assessements wich concern them, detect the problems related to the environment and develop their own technologies.

De plus, les déchets biomédicaux et la gestion des pneux hors d'usage feront l'objet de mesures destinées à protéger l'environnement.

À la demande du gouvernement, le projet de mise en valeur du Saint-Laurent a été élaboré afin de redonner au fleuve sa qualité. Diverses interventions et actions découleront des propositions en vue de mettre à contribution tous les intervenants concernés.

À la suite du rapport du comité Lacoste, le gouvernement vous proposera de réviser la procédure environnementale. De plus, il tiendra compte de la dimension environnementale dans ses critères d'achat. Enfin, il continuera d'apporter des correctifs afin de contrer les perturbations environnementales découlant du drainage minier acide qu'occasionnent les sites principalement concentrés dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue. (15 heures)

Le gouvernement entend par ailleurs poursuivre ses efforts pour assurer aux Québécois et aux Québécoises des services sociaux et de santé efficaces et de qualité.

Ayant fait connaître ses orientations suite au rapport de la commission Rochon et déposé un

avant-projet de loi, il entend associer l'Assemblée nationale à la consultation des principaux intervenants avant de lui demander d'adopter le projet de réforme final.

Un projet de loi sur la pratique des sages-femmes dans le cadre de projets pilotes vous sera également soumis.

De plus, des modifications à la Loi sur la protection de la jeunesse dans le but d'assouplir la procédure permettant à des parents québécois d'adopter des enfants étrangers, vous seront proposées.

Les députés seront en outre appelés à étudier la création d'un conseil des aînés susceptible d'améliorer nos programmes d'aide aux personnes âgées.

Le gouvernement entend également créer une commission chargée d'étudier la mise sur pied éventuelle d'un fonds de compensation pour les personnes handicapées dans le but de favoriser une meilleure intégration sociale.

Vous serez appelés à réviser la Loi sur la protection du malade mental pour la rendre conforme aux orientations ministérielles énoncées en janvier dernier, de même que la Loi sur la protection de la santé publique pour la moderniser et assurer une meilleure concertation entre les divers intervenants.

Pour assurer son avenir, le Québec a besoin d'un développement harmonieux et dynamique de toutes ses régions.

Tel que mentionné dans la politique de développement régional rendue publique l'an dernier, le gouvernement ne veut pas se substituer à l'esprit créateur et entrepreneur de l'individu et des groupes en régions, mais plutôt l'encourager et créer des conditions favorables à son développement.

Afin que la prise en compte des spécificités régionales se manifeste dans l'élaboration des politiques et des programmes, le gouvernement renforcera les éléments de la modulation régionale de ses initiatives.

De plus, dans la continuité de son action de partenariat avec les régions, le gouvernement participera à la préparation et à la tenue de conférences socio-économiques et prolongera cette démarche de concertation et de partenariat au niveau local.

Ainsi, d'autres contrats de relance seront conclus avec des municipalités régionales de comté et des municipalités à économie simple.

Pour la région de Québec, le gouvernement a déjà procédé à l'implantation d'un Secrétariat à la capitale et prévu la mise sur pied d'une table de concertation Québec-capitale.

Le gouvernement améliorera la coordination de ces interventions et contribuera à l'élaboration d'un plan de mise en valeur de sa capitale.

Pour la région de Montréal qui est, de toute évidence, la locomotive du développement économique du Québec tout entier, l'implantation du Comité ministériel permanent du développe- ment de la région métropolitaine de Montréal permettra de favoriser une juste évaluation de la situation socio-économique de la région et de formuler une stratégie ainsi que des propositions concrètes pour assurer son développement dynamique et équilibré.

L'Assemblée nationale sera également amenée à étudier un projet de loi sur l'assurance-responsabilité des municipalités afin que ces dernières soient davantage prémunies contre les cycles du marché de l'assurance et contre les problèmes de disponibilité de certaines protections.

De plus, la refonte des lois municipales sera poursuivie.

Dans la foulée de la récente annonce de la mise en place d'une table de concertation en habitation, le gouvernement entend poursuivre les efforts qu'il a entrepris dans ce domaine, notamment, afin de répondre adéquatement aux besoins de logements pour les personnes et les ménages financièrement démunis.

Outre l'aide à la restauration du parc immobilier et à l'accès des jeunes familles à la propriété, le gouvernement compte maintenir, en collaboration avec les autres paliers de gouvernement, le rythme de ses interventions en matière d'habitation sociale.

De plus, compte tenu du rôle majeur du tourisme dans l'économie québécoise, le gouvernement vous informera des efforts qu'il entend déployer afin de soutenir ce secteur de première importance pour le développement économique du Québec et de ses régions.

Dans le domaine de la voirie et des transports, le Québec a des défis particulièrement exigeants à relever et le gouvernement entend associer à cette tâche les membres de l'Assemblée nationale. À cet effet, des mesures concernant le réseau routier et les ponts seront dévoilées.

La sécurité routière fera également l'objet d'une attention particulière.

Par ailleurs, cette Assemblée aura à poursuivre sa tâche en ce qui concerne le problème de la réglementation sur le camionnage ainsi que sur le transport par autobus et par taxi.

Des mesures vous seront également soumises dans le domaine du transport en commun.

Enfin, le gouvernement invitera cette Assemblée à étudier un projet de loi sur la création d'un organisme régional de transport dans la région de Montréal afin de favoriser l'intégration et le financement des services sur le territoire de la communauté urbaine de Montréal, de Laval et de la rive sud métropolitaine.

Le gouvernement est déjà engagé activement dans la poursuite des objectifs énoncés dans La politique énergétique rendue publique en 1988.

Hydro-Québec a déposé un plan de développement qui comporte des investissements de 47 000 000 000 $. Ce plan prévoit des sommes

importantes pour améliorer la qualité des services et la fiabilité du réseau de distribution.

Cette Assemblée sera informée des mesures qui seront privilégiées en vue d'assurer que ces travaux auront le plus de retombées économiques possible au Québec et qu'ils s'effectueront dans le respect des exigences environnementales.

Furthermore, the government intends to establish measures of harmonization in the procedure of examination of the environmental impacts and to ensure the respect and the implementation of the agreements with the Aboriginals.

Il vous informera d'un programme d'aide à la recherche et au développement en technologie énergétique et favorisera davantage la valorisation de la biomasse.

De plus, il continuera à promouvoir les exportations d'électricité.

Cette Assemblée sera informée des dispositions que le gouvernement prendra au cours des prochains mois pour permettre l'acheminement au Québec, à un coût compétitif, des liquides de gaz naturel en provenance de l'Ouest canadien et, de ce fait, pour assurer la concrétisation du projet Soligaz et des autres investissements majeurs qui y sont reliés.

Le Québec se dirige ainsi vers une véritable renaissance de son industrie pétrochimique et vers la revitalisation de l'est de Montréal.

Le cadre de gestion du nouveau régime forestier sera complété par la signature de 175 contrats d'approvisionnement et d'aménagement forestiers.

De plus, ie gouvernement entend appuyer la mise en valeur des forêts ainsi que leur reboisement. Toujours dans la perspective du développement durable, des dispositions seront prises pour permettre au Québec d'accroître sa capacité en matière de désencrage.

Finalement, le gouvernement invitera les principaux intervenants de l'industrie des pâtes et papiers à se pencher sur des questions d'actualité, dont la modernisation des installations existantes, le contrôle de la pollution, l'élimination graduelle du flottage du bois et l'utilisation accrue des fibres secondaires.

Parce qu'elle est partie intégrante de nos ressources naturelles, le gouvernement entend aussi valoriser le potentiel économique de la faune. Il présentera un document d'orientation afin de préciser les modalités de la mise en oeuvre de la politique sur les espèces menacées ou vulnérables.

De plus, une politique de gestion intégrée des ressources dans les réserves sera élaborée afin d'assurer la pérennité de notre patrimoine faunique.

Le gouvernement entend améliorer de nouveau les programmes d'aide à la production agricole, après consultation des milieux concernés.

Cette Assemblée sera appelée à adopter une nouvelle législation sur la mise en marché des produits agricoles et alimentaires.

Dans une perspective de protection du territoire et de respect de l'environnement, une rationalisation de l'usage des produits chimiques agricoles sera instaurée tout en favorisant le développement de l'agriculture biologique et la mise en oeuvre de nouveaux programmes de contrôle de la qualité.

Pour le Québec, le secteur des pêches maritimes et de l'aquiculture constitue un outil de développement régional à fort potentiel. En raison des fluctuations des prix du marché et de la ressource au cours des dernières années, cette industrie fait face à des difficultés qui l'empêchent de relever efficacement les défis auxquels elle est conviée. Le gouvernement informera donc cette Assemblée des efforts qu'il entend déployer dans ce secteur afin de doter l'industrie des moyens lui permettant de rationaliser et de consolider ses assises et d'améliorer sa position économique dans l'Est canadien.

Finalement, en matière de justice, l'Assemblée nationale aura à adopter le projet d'ensemble de réforme du Code civil et à assurer la mise à jour du Code de procédure civile.

Le gouvernement vous soumettra également un important projet de réforme de la justice administrative et produira un document d'orientation sur la protection de la vie privée.

En terminant, le gouvernement tient à réitérer à cette Assemblée sa volonté de s'associer à elle afin que l'ensemble des députés puissent utiliser pleinement les outils qui sont à leur disposition, dont celui des commissions parlementaires.

(15 h 10)

À cet égard, il est important de rappeler que la réforme parlementaire entreprise depuis plusieurs années est une oeuvre perfectible et que, de ce fait, elle revêt un caractère perpétuel. C'est la raison pour laquelle le gouvernement invite tous les membres de cette Assemblée à poursuivre cette réforme qui s'inscrit dans la consolidation des acquis sur lesquels s'appuie la démocratie parlementaire.

Voilà donc, mesdames et messieurs les députés, les grandes lignes des actions que le gouvernement entend privilégier afin de mieux assurer l'avenir du Québec.

This is a demanding task, but it constitutes, for the Government, a duty which it intends to accomplish with the support of all Quebeckers, with respect to their capacity of paying as well as the highest interests of our society.

Cette tâche est certes exigeante, mais elle constitue, pour le gouvernement, un devoir qu'il a l'intention d'accomplir avec le concours des Québécois et des Québécoises dans le respect de leur capacité de payer ainsi que dans celui des intérêts supérieurs de notre nation.

Mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, en ouvrant cette première session de la 34e Législature, je forme le voeu que ce Parlement soit parmi les meilleurs qu'aura connus

notre province et que vous ferez en sotte qu'il soit permis au Québec de progresser et de se développer afin d'accroître la qualité de vie des citoyens et permettre à notre collectivité de continuer de s'affirmer. Que Dieu vous soit en aide.

Le Président: MM. les députés, nous allons suspendre nos travaux pendant quelques instants. Je vous invite toutefois à demeurer à vos places jusqu'à la reprise de la séance.

(Suspension de la séance à 15 h 12)

(Reprise à 15 h 13)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs les députés, vous êtes priés de vous asseoir. S'il vous plaît, mesdames, messieurs les députés, veuillez vous asseoir.

J'invite maintenant M. le premier ministre à prononcer le discours d'ouverture de cette première session de la 34e Législature. M. le premier ministre.

Discours d'ouverture M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, je voudrais tout d'abord féliciter les nouveaux élus de la 34e Législature et leur souhaiter un fructueux mandat, remercier également les députés de la 33e Législature en mentionnant, évidemment, comme l'a fait le chef de l'Opposition, le travail du président de l'Assemblée nationale. J'étais très heureux d'entendre ces éloges à son endroit, appuyés sans doute par tous ses collègues, y compris le leader parlementaire. Et je veux également souligner le travail qui a été fait- par la députée de Bellechasse comme vice-présidente.

Vous me permettrez, en ce début de mandat, de remercier une nouvelle fois les Québécois et les Québécoises qui, pour un quatrième mandat, assorti encore une fois d'une énorme majorité, m'ont fait confiance. Je voudrais aussi souligner l'entrée dans cette Assemblée nationale du chef de l'Opposition, que je veux saluer très chaleureusement. Je compte sur sa collaboration pour contribuer à la qualité des débats. En fait, le député de L'Assomption est le sixième chef de l'Opposition que j'ai l'honneur d'accueillir à titre de premier ministre en cette Assemblée nationale. Je ne peux présumer s'il sera le plus efficace, mais il ne sera certainement pas le moins intéressant.

Le lieutenant-gouverneur, M. le Président, vient d'indiquer à cette Chambre le programme législatif détaillé du gouvernement et ses orientations. Pour ma part, je voudrais élaborer sur certains aspects de l'action du gouvernement. Si nous avons été réélus une nouvelle fois, c'est que, pour le Parti libéral, la toute première priorité est le développement économique. À cet égard, on constate actuellement, au Québec, plusieurs signes encourageants. Nous savons tous les atouts que nous possédons, notamment nos ressources naturelles abondantes, nos forêts, nos mines et l'hydroélectricité, dont les faibles coûts confèrent au Québec des avantages concurrentiels importants pour attirer des industries.

Il y a aussi la structure industrielle du Québec, qui est plus diversifiée qu'il y a quinze ans et qui a rendu notre économie moins dépendante des fluctuations du cours des matières premières que la majorité des autres provinces canadiennes. Il y a tous les investissements dans le secteur non résidentiel, en 1989 et en 1990, notamment, principalement par les alumineries et Hydro-Québec. Il y a quelques jours, on annonçait par exemple, qu'il y aurait à Sept-îles, au cours de l'été, 2000 travailleurs qui pourront se trouver de l'emploi. Il y a le dynamisme retrouvé de notre secteur manufacturier, en termes d'investissements et d'emplois, grâce à la modernisation et à l'expansion de l'appareil productif. Il y a également la renaissance de l'industrie pétrochimique avec le projet Soligaz et ses milliards de dollars en retombées.

Il y a aussi le secteur de services qui est bien développé et le secteur industriel qui peut s'appuyer sur un tertiaire moteur efficace et de calibre mondial. À cet égard, on n'a qu'à constater le succès de nos grandes firmes d'ingénieurs et de consultants qui peuvent non seulement conquérir des marchés sur le plan québécois et canadien, mais également sur le plan international. Il y a la disponibilité, au Québec, de travailleurs compétents et scolarisés, 40 % de notre main-d'oeuvre disposant d'un niveau de scolarisation supérieur à treize années d'études. Finalement, il y a la productivité des Québécois qui, depuis deux ans, augmente plus rapidement que celle des Ontariens et de la moyenne canadienne: alors qu'elle a augmenté, depuis deux ans, de 1 % en Ontario, la productivité au Québec a augmenté de 1,7 % il y a un an et de 2,4 % cette année. À ces signes très encourageants pour l'avenir s'ajoute notre marché financier efficace, bien organisé, comme en témoigne une réglementation avant-gardiste en matière de décloisonnement, à laquelle a évidemment contribué, d'une façon particulière, le chef de l'Opposition. Il y a l'augmentation de la disponibilité du capital de risque et la présence de sociétés comme la Caisse de dépôt et placement et la Société de développement industriel. Il y a l'émergence au cours des dernières années d'une nouvelle classe d'entrepreneurs compétents et dynamiques.

Il y a aussi notre régime fiscal, l'un des plus compétitifs, et les mesures que nous avons introduites pour favoriser la recherche et le développement, ainsi que l'accès au capital de risque. Il convient de souligner à cet égard que, selon des études très objectives, le Québec est l'un des meilleurs endroits en ce qui a trait aux

avantages fiscaux en matière de recherche et de développement, dépassant l'Ontario, l'État de New York, le Massachusetts et d'autres États américains. Il y a également la présence d'une grande métropole qui dispose de nombreux avantages en termes de coûts d'opération, de disponibilité de services, de présence multicul-turelle et de qualité de vie. Finalement, il y a l'amélioration des relations du travail qui, depuis le milieu des années quatre-vingt, assurent un climat plus stable et plus sain. On peut, à cet égard, mentionner la situation qui existe dans l'industrie de la construction. Depuis quatre ans, nous avons connu, dans le secteur de la construction, une paix ouvrière qui a favorisé sûrement le dynamisme économique du Québec.

(15 h 20)

Malgré ces acquis importants et ces signes encourageants, il n'en demeure pas moins qu'il y en a d'autres qui sont préoccupants. Je fais référence notamment au ralentissement de l'économie. Si nous comparons le niveau de la création d'emplois depuis quelques années avec le niveau de la création d'emplois depuis le début de l'année 1989, nous constatons, évidemment, une réduction importante. Il y a la dimininution des mises en chantier au Québec et son impact sur l'industrie de la construction, les taux d'intérêt très élevés qui sont pratiqués au Canada et la dépréciation du dollar canadien qui en découle, au point d'ailleurs de briser l'élan de l'économie. Sous le leadership du Québec, tous les premiers ministres sont d'accord pour réclamer du gouvernement fédéral une politique plus réaliste des taux d'intérêt, qui tienne compte du ralentissement de l'inflation que nous connaissons depuis quelques mois, qui tienne compte également du ralentissement de l'économie, qui tienne compte de l'écart entre les taux d'intérêt américains et les taux d'intérêt canadiens - qui sont maintenant presque à un sommet - et qui tienne compte, évidemment, des réserves de la Banque du Canada pour protéger le dollar canadien.

Il est difficile de concevoir qu'on puisse avoir une politique qui, à la fois, implique des taux d'intérêt élevés, un taux du dollar qui est également très élevé et, en même temps, un ralentissement économique. Il y a aussi les coupures budgétaires du gouvernement fédéral, sa politique fiscale, l'impact négatif de la taxe fédérale sur les produits et services et le coût de transition que cette réforme implique.

Le gouvernement du Québec, comme l'ensemble des gouvernements, se trouve devant une politique fédérale qui réduit l'espace fiscal et qui, en même temps, transfère aux provinces des sommes additionnelles dans des dépenses comme l'éducation et la santé.

En plus, on doit constater que cette taxe fédérale va certainement contribuer au niveau de l'inflation, au taux tel que proposé et de ce fait, participer à l'augmentation du déficit fédéral, à cause du service de la dette.

Ce qu'on peut donc aller chercher en revenus additionnels grâce à l'extension de la taxation ou de la fiscalité, on risque de le perdre dans la recherche des équilibres financiers, avec l'augmentation du service de la dette. tous ces défis sérieux auxquels nous devons faire face contraignent le québec à une mobilisation autour d'un grand objectif d'avenir. cet objectif, aux yeux de mon gouvernement, consiste à accroître la force concurrentielle du québec. il est évident que nous devrons continuer de gérer rigoureusement nos finances publiques, continuer d'améliorer nos relations du travail afin de consolider la viabilité de notre climat social, pouvoir compter sur une fonction publique encore plus productive, c'est-à-dire capable de rendre des services accrus à moindre coût, consolider la compétitivité de notre fiscalité, notamment par des sources de financement qui ne compromettent pas la force concurrentielle de notre économie, continuer à privilégier une approche pragmatique du rôle de l'état et non pas une approche étroitement idéologique et, finalement pouvoir compter aussi sur l'apport de capitaux internationaux.

Le gouvernement du Québec, depuis quelques années, a réussi à attirer d'importants capitaux internationaux et nous savons tous qu'il est préférable d'importer des capitaux plutôt que d'exporter des travailleurs. Ces capitaux internationaux apportent également des retombées fiscales au gouvernement du Québec par la création d'emplois qui s'ensuit. Ces capitaux internationaux favorisent également les entreprises du Québec avec toutes les filiales et toutes les entreprises associées à ces grandes entreprises qui investissent au Québec.

On pourrait donner des exemples d'investisseurs japonais, allemands ou autrichiens qui sont intéressés au Québec depuis quelques mois et qui constituent un réseau d'entreprises et de filiales qui peuvent favoriser des entreprises québécoises. Donc, un Québec plus concurrentiel. Voilà un grand défi de société à l'heure du libre échange, à l'heure du marché unique européen en 1992, à l'heure du bloc de l'Asie. La seule voie réaliste, c'est d'être productif pour augmenter la croissance économique.

Le Québec a démontré qu'il a de nombreux atouts pour être productif, et c'est dans ce contexte qu'il doit renforcer son économie. Il ne m'apparatt certes pas opportun de privilégier, dans un tel cadre, des solutions comme celle de l'augmentation du déficit qui constitue une . solution purement à court terme.

Donc, les objectifs sont simples. Si nous voulons créer des emplois, il nous faut exporter. Si nous voulons exporter, il nous faut être productifs. Si nous voulons être productifs, il nous faut une fiscalité responsable et compétitive. Autrement c'est l'impasse et le recul. Nous sommes d'avis que le véritable défi que doit relever le gouvernement consiste à respecter son objectif de déficit et de dépenses, mais à un

niveau qui maximise la croissance économique, particulièrement dans les régions les plus défavorisées. Ce défi consiste aussi à répondre aux besoins de la population tout en respectant la capacité de payer des contribuables québécois. Une gestion rigoureuse des dépenses gouvernementales s'impose donc pour offrir des services de qualité et produits de la façon la plus efficace possible.

Afin de limiter la croissance globale des dépenses, le gouvernement se doit de répondre aux nouveaux besoins en procédant d'abord par voie de réallocation des ressources existantes. En procédant de la sorte, le gouvernement évite un empilage improductif des programmes. Dans le budget de 1989-1990, par exemple, les activités prioritaires mises en oeuvre par mon gouvernement depuis 1986-1987 représentent près de 2 200 000 000 $. Une hausse du déficit est synonyme d'accroissement de l'endettement et donc d'augmentation du coût du service de la dette. Dans les faits, le gouvernement, qui devient plus vulnérable à une récession, à une hausse des taux d'intérêt, à un resserrement des marchés financiers voit sa marge réduite à moyen et à long terme.

Il ne faut pas oublier que de 1976 à 1986, le coût du service de la dette est passé de quelque 500 000 000 $ à 3 400 000 000 $, soit de 5,2 % à 14 % des revenus budgétaires. Au cours de la même période, le pourcentage de la dette par rapport au produit intérieur brut est passé de 13 % à 29 %. À la suite de l'importante réduction du déficit que nous avons opérée au cours des dernières années, cette proportion a commencé à diminuer. Outre l'exemple du passé récent, celui du gouvernement du Canada est tout aussi révélateur et doit nous inciter à la plus grande vigilance dans l'augmentation du déficit. En effet, le gouvernement fédéral, contrairement au Québec, n'a pas encore réussi à enrayer la progression de sa dette, cette dernière étant susceptible de représenter 35 % du produit intérieur brut en 1989-1990. C'est pourquoi le coût de son service de la dette continue d'augmenter en proportion de ses revenus.

Je crois que la démonstration est claire, M. le Président: recourir à l'augmentation du déficit pour faire face au ralentissement économique, c'est hypothéquer l'avenir de la jeunesse québécoise, puisque ce sont nos jeunes qui devront assumer ces impôts. Parce que nous croyons aux vertus du pragmatisme, nous sommes bien conscients que les recettes miracles n'existent pas pour faire face au ralentissement de l'économie.

Essentiellement, mon gouvernement continuera à privilégier l'approche dont j'ai parlé il y a quelques minutes et qui consiste à ne pas compromettre nos équilibres financiers. Nous déploierons principalement nos efforts vers une gestion rigoureuse et efficace des finances publiques, un ciblage de nos priorités d'intervention ainsi que des sources de financement qui ne mettent pas en danger la force concurrentielle de notre économie. Pour ce faire, mon gouvernement va privilégier, notamment, une augmentation des investissements publics aussi importants que ceux d'Hydro-Québec, de Soligaz ou des alumineries. De plus, nous procéderons vraisemblablement à une accélération de certains investissements publics dans les secteurs de la santé et des services sociaux, de l'éducation, de l'environnement et des affaires culturelles. (15 h 30)

Comme vous pouvez le constater, nous sommes prêts à assurer le maintien du dynamisme économique du Québec. Ce dynamisme économique étant également subordonné à la question constitutionnelle, M. le Président, je crois que la ratification de l'accord du lac Meech aura une influence positive sur le développement économique du Canada, notamment en nous permettant de concentrer nos énergies sur les éléments essentiels à ce développement.

Il convient d'ailleurs, à ce stade-ci, de rappeler l'origine de l'accord du lac Meech. Essentiellement, cet accord a pour but de réparer des erreurs historiques: la première, commise en 1981, alors que le droit de veto du Québec sur la réforme des institutions fédérales, notamment le Sénat et la Cour suprême, a été maladroitement abandonné. Dans ce cas, cette réparation consiste à récupérer ce droit de veto abandonné. La seconde, commise en 1982, alors que la constitution canadienne a été rapatriée unilatéralement sans l'accord du Québec; une démarche qui, il convient de le rappeler, a été condamnée par tous les partis à l'Assemblée nationale, y compris les partis fédéralistes.

Compte tenu du contexte démographique qui prévaut présentement au Québec et compte tenu des difficultés que représente l'intégration des immigrants à la société québécoise, la ratification de l'accord du lac Meech revêt également une grande importance parce qu'il permet, en matière d'immigration, de sécuriser les pouvoirs que le Québec détient en vertu de l'entente Cullen-Couture. Il ne sera plus possible, si l'accord du lac Meech est ratifié, de subordonner ces pouvoirs au bon vouloir d'un gouvernement. Il y aura donc une sécurité absolue pour l'avenir de la francophonie québécoise. Toujours dans le même contexte, cet accord est également important parce qu'il confère au Québec des pouvoirs additionnels qui permettent un contrôle et une planification de l'immigration compatibles avec ses besoins.

Quand on examine de près l'évolution de ce dossier, on est inévitablement frappé par la logique pour le moins imparfaite de quelques-uns des opposants de l'accord.

En premier lieu, il est ironique de constater que certaines personnes, qui ont proposé ou accepté l'inclusion de la clause "nonobstant" dans la constitution (qui, rappelons-le, est un moyen qui permet de suspendre l'article 2 de la charte qui a trait à la liberté d'expression), s'opposent à la clause de la société distincte qui, elle, est

une clause d'interprétation qui ne permet pas de suspendre un des articles de la charte.

En second lieu, il est encore plus singulier de constater le paradoxe de la position de ceux qui s'opposent, au nom de la nécessité d'un gouvernement central fort, à l'article sur le pouvoir de dépenser de l'accord et qui, en même temps, réclament une réforme du Sénat qui, elle, risque de se faire au détriment du gouvernement central.

En troisième lieu, il est fort difficile de suivre ceux qui s'opposent à la reconnaissance du caractère distinct du Québec, alors qu'en cas de non-ratification de l'accord, le Québec sera, dans les circonstances, sur le plan politique, plus distinct et isolé du reste du Canada.

De plus, il convient de souligner que fa population québécoise sera moins portée à appuyer des ententes ou des mesures favorisant la solidarité canadienne, alors que des revendications légitimes du Québec auraient été refu-

Pourquoi le Québec tient-il tant à cet accord du lac Meech? D'abord, parce qu'il modernise le fédéralisme canadien, c'est-à-dire qu'il l'adapte à la réalité contemporaine du pays. Ensuite, parce qu'il permet la réintégration du Québec ainsi que la poursuite de la réforme constitutionnelle. Finalement, parce qu'il respecte intégralement la déclaration d'Edmonton, laquelle disait qu'avant d'aborder d'autres questions ayant trait à une éventuelle réforme constitutionnelle, on doit régler la question du Québec.

Dans les faits, l'accord du lac Meech constitue sans aucun doute la plus importante entente de l'histoire constitutionnelle de notre pays. Or, il a fallu 122 ans pour arriver à cette entente. On peut dès lors s'interroger sérieusement sur le temps qui sera nécessaire pour en conclure une autre, si cette première devait échouer.

Quant à la reconnaissance du caractère distinct du Québec, il convient de rappeler qu'elle ne fait que traduire la réalité déjà consacrée par la loi constitutionnelle actuelle, notamment aux articles 92, 93, 94, et qu'elle n'est nullement la recherche d'un privilège.

La non-ratification de l'accord du lac Meech constituerait, sans le moindre doute, une erreur historique aux conséquences imprévisibles. Il est cependant clair que le Québec ne pourra pas accepter, avec passivité et indifférence, le rejet de sa volonté politique de réintégrer la fédération canadienne avec des demandes particulièrement modérées.

Évidemment, ces questions ne doivent pas nous faire oublier la qualité de vie des Québécois. Cette qualité réside aussi dans une justice sociale de mieux en mieux assurée. Il a été fait référence à la volonté très ferme du gouvernement de combattre, entre autres, les déséquilibres régionaux, la pauvreté et l'incapacité d'un trop grand nombre de citoyens de lire et d'écrire. Cette volonté est d'autant plus ferme que je ne puis accepter, comme premier ministre, que des gens soient présentement privés de toit et de nourriture ou que d'autres ne puissent avoir accès à l'appareil judiciaire pour revendiquer leurs droits, tout comme je ne puis accepter qu'un nombre grandissant de jeunes consomment des drogues de plus en plus nocives et qu'ils se marginalisent encore davantage. Les multiples conséquences de la consommation et du trafic de drogues de même que les coûts considérables qu'ils engendrent pour la société nous obligent à mettre en place les ressources et les structures nécessaires pour empêcher la détérioration de notre tissu social. La justice sociale est donc un défi de société qui consiste aussi à éliminer les fléaux qui compromettent à la fois notre qualité de vie collective et l'avenir personnel des plus démunis de notre société. Beaucoup plus qu'un défi de société, elle est donc, en pareille circonstance, un devoir de solidarité que mon gouvernement entend bien remplir.

En terminant, M. le Président, je ne puis m'empêcher de constater avec beaucoup de satisfaction le rayonnement sans cesse grandissant des valeurs fondamentales que constituent l'égalité et la liberté des citoyens, ces pierres d'assise de la démocratie. Je pense notamment aux citoyens de l'Europe de l'Est qui vivent présentement une période cruciale de leur histoire. Cet exemple remarquable, M. le Président, met de nouveau en évidence l'importance de la démocratie comme fondement de notre civilisation. Or, cette valeur que nous tenons pour acquise depuis fort longtemps, des citoyens commencent à peine à la retrouver. C'est la raison pour laquelle il me semble opportun, en ce début de session, de rappeler la chance que nous avons, à titre de parlementaires et de citoyens, de pouvoir compter sur la présence de cette institution qui est le symbole même de cette démocratie que nous chérissons tous.

Je viens de vous décrire brièvement, M. le Président, quelques-unes des priorités qui retiendront l'attention de mon gouvernement. Ces défis, tout comme ceux qu'a soulignés le lieutenant-gouverneur, seront exigeants. Forts des acquis de notre premier mandat et de la détermination des députés ministériels, je suis convaincu que nous les relèverons avec succès et que nous répondrons adéquatement aux aspirations profondes des Québécois qui attendent de notre gouvernement qu'il assure leur avenir. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Alors, conformément à notre règlement, la séance est maintenant levée et les travaux de l'Assemblée sont ajournés à demain matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 15 h 40)

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