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Version finale

33e législature, 2e session
(8 mars 1988 au 9 août 1989)

Le mardi 8 mars 1988 - Vol. 30 N° 1

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures huit minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Un moment de recueillement!

Veuillez vous asseoir! Nous allons suspendre les travaux quelques instants.

Je demanderais la collaboration de tous en attendant l'arrivée de M. le lieutenant-gouverneur.

(Suspension de la séance à 14 h 9)

(Reprise à 14 h 10)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant recevoir Son Excellence le lieutenant-gouverneur.

Une voix: Son Excellence, le lieutenant-gouverneur.

Le Président: Veuillez vous asseoir.

Allocution d'ouverture Le Lieutenant-gouverneur

Le Lieutenant-gouverneur: Mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, en inaugurant les travaux de cette deuxième session de la 33e Législature, je me dois tout d'abord de rappeler à votre mémoire le souvenir d'un illustre Québécois, prématurément disparu, M. René Lévesque. Élu à l'Assemblée nationale avec l'équipe du premier ministre Jean Lesage et, par la suite, fondateur du Parti québécois, M. René Lévesque a été pendant plus de 25 années, dont 9 à titre de premier ministre du Québec, l'un des artisans de la naissance et de l'affirmation du Québec moderne. Le Québec tout entier lui a rendu un hommage ému et reconnaissant pour son respect des institutions et son attachement aux valeurs démocratiques de notre société et pour cette idée haute, noble et généreuse qu'il a toujours eue à l'égard du Québec et du peuple québécois.

L'ouverture des travaux de la présente session coïncide avec la Journée internationale de la femme. Vous commencerez d'ailleurs la session par un débat sur la condition féminine, témoignant ainsi de l'intérêt soutenu de la société québécoise pour les droits de la femme et sa volonté de la voir occuper de façon équitable la place qui lui revient.

The opening of this Session coincides with the International Women's Day. The fact that you are opening this Session with a debate on the status of women testifies to the continuing concern of all levels of society in Québec for the promotion of women's rights and for women's atteinment of their rightful place.

Mesdames et messieurs, je voudrais m'asso- cier aux voeux qui ont été déjà adressés au nouveau chef de l'Opposition officielle, le député de Joliette, M. Guy Chevrette, dont votre Assemblée connaît l'expérience et le dévouement et aussi dire, une nouvelle fois, toute l'amitié et la gratitude du peuple québécois à M. Pierre-Marc Johnson pour toutes les années qu'il a consacrées au service du Québec.

Mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, le Québec peut avoir l'ambition d'être, au sein du Canada, une société distincte, fière de son identité culturelle et linguistique particulière, mais encore, il peut avoir cette distinction additionnelle d'être le coin du pays où le développement économique et le progrès social et humain comptent parmi les plus élevés au monde.

Mesdames et messieurs de l'Assemblée nationale, je vous informe aujourd'hui des orientations législatives et parlementaires que le gouvernement soumettra à votre intention au cours de la session. À l'échelle internationale, le Québec existe, c'est une société maintenant largement ouverte sur le monde. Des hommes et des femmes d'ici, beaucoup de jeunes, oeuvrent de plus en plus à l'étranger. Nos entreprises sont à l'affût de nouveaux marchés et de nouvelles technologies; nos artistes, nos créateurs et nos chercheurs témoignent à l'échelle du monde de la vitalité de la société québécoise. Aussi, le gouvernement croit le moment venu de beaucoup mieux planifier, organiser et diriger l'action extérieure du Québec autant dans sa dimension proprement politique que dans celle des échanges d'ordre économique, social et culturel.

Le développement des programmes de coopération, le renforcement de l'aide aux entreprises cherchant à conquérir de nouveaux marchés, ainsi que la recherche d'investissements à l'étranger et la consolidation et l'élargissement de nos rapports, en particulier avec la France et le monde francophone, tels seront les principaux objectifs du nouveau ministère des Affaires internationales.

Le présent Secrétariat aux affaires canadiennes continuera d'être attaché au ministère du Conseil exécutif. Le gouvernement va cependant vous inviter à donner à ce secrétariat des responsabilités plus précises relatives au suivi de l'impact de certaines politiques fédérales sur le Québec, à la défense et à la promotion des intérêts fondamentaux du Québec et au renforcement du rôle du Québec en tant que partenaire économique majeur de la Fédération canadienne.

Fort des résultats concrets déjà obtenus au niveau du taux de croissance de l'économie, des investissements et de la création d'emplois, le gouvernement demandera à l'Assemblée nationale d'approuver les grandes lignes de force de sa politique économique, soit une collaboration positive et créatrice avec le gouvernement canadien, la reconnaissance du rôle capital de l'entreprise privée et des petites et moyennes entreprises et le maintien d'un climat sain aux

relations du travail.

Le gouvernement demandera à l'Assemblée nationale de poursuivre ses efforts au titre de la rigueur administrative et financière de l'État, sur la base des principes suivants: le maintien d'un taux de croissance des dépenses budgétaires inférieur à l'augmentation en valeur de l'économie, la réduction du déficit jusqu'au niveau des dépenses en capital en vue d'éliminer le financement par emprunt des dépenses courantes et le raffermissement de la marge de manoeuvre financière de l'État pour satisfaire aux nouveaux besoins et permettre à l'État de faire face aux aléas de la conjoncture.

Également, le gouvernement indique à cette Assemblée que vous aurez à compléter la réforme fiscale. Vous aurez également à participer à l'effort de transparence, de simplification et d'humanisation des pratiques et procédures du ministère du Revenu.

Le gouvernement déposera devant l'Assemblée nationale une nouvelle politique énergétique pour le Québec. Les objectifs de cette politique seront ceux du renforcement de la sécurité de nos approvisionnements, de la stimulation de la concurrence entre différentes formes d'énergie et de la maximisation de la rentabilité économique du potentiel énergétique et ceci en termes de revenu, de création d'emplois et de développement régional. Cette politique précisera également la façon dont le Québec entend maintenir un juste équilibre entre le développement énergétique et la protection de l'environnement et le respect des droits autochtones.

Le gouvernement saisira l'Assemblée nationale d'un plan d'action majeur en faveur des régions qui comportera plusieurs volets visant à favoriser l'entrepreneurship local et régional, entre autres dans le domaine technologique; ce plan d'action constituera également la première véritable politique de modulation des programmes gouvernementaux en conformité avec les caractéristiques propres à chacune des régions. Le gouvernement va étendre par ailleurs à l'échelle de tout le territoire québécois la pratique de la conclusion avec les régions d'une entente-cadre de développement pour mieux sceller l'association du gouvernement et des intervenants des régions. Cette nouvelle politique de développement régional va également comporter des éléments spécifiques pour Montréal et Québec.

Dans le domaine du transport, l'Assemblée nationale sera appelée à étudier la question cruciale de la révision du plan de transport de la région métropolitaine de Montréal. Vous aurez également à adopter des projets de loi concernant la publicité le long des routes et le régime d'indemnisation de l'assurance automobile. La question du camionnage en vrac retiendra également votre attention. (14 h 20)

Avec les producteurs agricoles, le gouvernement suivra évidemment de très près le dossier de la libéralisation des échanges. Le gouverne- ment proposera par ailleurs à cette Assemblée une nouvelle politique de conservation des sols ainsi qu'un ambitieux programme de gestion des résidus agricoles nécessaires à l'assainissement des eaux en milieu rural. De nouvelles mesures seront présentées à cette Assemblée pour protéger le droit de produire des agriculteurs ainsi que pour garantir le paiement des sommes dues par les acheteurs. Après consultation avec les milieux concernés, le gouvernement vous proposera d'améliorer les mécanismes actuels des plans conjoints. Également, vous serez invités à confier de nouveaux mandats à la Société québécoise d'initiatives agro-alimentaires. Enfin, le gouvernement s'assurera d'une première participation québécoise au régime tripartite de stabilisation du gouvernement fédéral.

Des amendements à la Loi sur les forêts et des moyens en vue d'améliorer la voirie forestière vous seront également soumis.

Le gouvernement invitera l'Assemblée nationale à poursuivre son travail dans le domaine des institutions financières, en particulier en ce qui concerne le décloisonnement de l'activité des intermédiaires et l'encadrement des holdings. D'importants amendements à la Loi sur les valeurs mobilières et à la Loi sur les assurances vous seront également proposés. Enfin, l'Assemblée nationale sera appelée à adopter une loi-cadre concernant les caisses d'épargne et de crédit.

Un plan d'action d'envergure dans le domaine du développement technologique vous sera soumis et sera suivi de la tenue d'un sommet de la science et de la technologie. Ce plan d'action consacrera le rôle dominant du secteur privé et il sera l'occasion d'un élargissement considérable des programmmes d'aide et de soutien au développement technologique.

An important plan of action in the field of science and technology will be submitted to you, and will be followed by a summit on science and technology. The plan of action will sanction the pre-eminent role of the private sector and it will be the opportunity for a considerable broadening of aid and support programs for technical development.

La reconnaissance de la valeur des administrations régionales et municipales, le financement des services municipaux et le fardeau fiscal des contribuables sont des questions importantes. Au terme des discussions présentement en cours, l'Assemblée nationale sera appelée à étudier les mesures correctives qui s'imposent. Des projets de loi vous seront également soumis relativement à la rémunération des élus municipaux et à la poursuite de la refonte des lois municipales.

Dans la foulée des initiatives déjà prises, le gouvernement vous soumettra les grandes orientations d'une politique d'habitation déterminant la place des intervenants privés et du gouvernement marquant une préoccupation prioritaire pour la famille et les plus démunis.

Tout le Québec est maintenant engagé

résolument à préserver et à développer la qualité de son environnement. L'Assemblée nationale va, à cet égard, être associée à d'importantes mesures, surtout d'ordre réglementaire, financier et technique, en particulier dans le domaine des pluies acides et dans celui de la gestion des déchets, des sols contaminés, des réserves écologiques, des espèces menacées et de l'assainissement des eaux.

La pollution agricole déjà évoquée et la pollution industrielle feront l'objet de deux vastes programmes que le gouvernement compte soumettre à votre attention.

Une nouvelle politique des activités de plein air vous sera soumise et vous serez appelés à réviser les pouvoirs de la Régie de la sécurité dans les sports. Au cours de la session aura lieu le Sommet sur l'utilisation de la faune et un projet de loi vous sera proposé relativement à la protection des habitats fauniques et de certaines espèces fauniques.

Alors qu'entrera en vigueur la Loi sur les mines, le gouvernement vous demandera d'étudier des mesures qui permettront la relance de la prospection et de l'exploration minière et l'amélioration de la productivité de l'industrie minérale, en particulier en matière de recherche.

Dans le domaine du tourisme, le gouvernement vous proposera de prendre de nouvelles dispositions relatives à la mise en valeur du potentiel touristique des régions et des efforts additionnels seront consacrés au marketing.

L'accessibilité et la démocratisation de l'éducation demeurent des choses toujours aussi importantes. L'Assemblée nationale sera toutefois appelée à privilégier la formation des jeunes et les services offerts à tous les niveaux.

Vous aurez à revoir les formules de financement du niveau postsecondaire, à maintenir une place significative aux établissements privés et à favoriser l'accès des adultes au savoir.

Cette Assemblée aura à adopter deux importants projets de loi, l'un sur l'instruction publique, l'autre sur les élections scolaires. Des mesures vous seront proposées en vue d'améliorer l'enseignement de la langue seconde, des mathématiques et des sciences, de doter les analphabètes et les clientèles défavorisées d'une formation de base, d'améliorer les équipements pédagogiques et d'aider les élèves en difficulté d'adaptation.

Vous aurez également à vous pencher sur la réforme de l'aide financière aux étudiants et sur l'amélioration du taux de fréquentation collégiale et universitaire.

Le gouvernement soumettra à l'Assemblée nationale un important plan de développement en matière de culture scientifique. Par ailleurs, les fonds de formation de chercheurs et l'aide à la recherche seront accrus. En plus de poursuivre sa politique de formation professionnelle des jeunes, le gouvernement vous proposera, enfin, une nouvelle politique d'adaptation de la main-d'oeuvre pour permettre aux travailleurs de faire face aux changements actuels; cette politique comportera, entre autres, des volets spécifiques pour l'est de Montréal, les travailleurs âgés et le contexte du libre-échange.

Dans le domaine social, le gouvernement invite l'Assemblée nationale, en particulier, à articuler son action autour des trois axes prioritaires: le soutien à la famille, le renforcement de la protection sociale et l'amélioration des services de santé et des services sociaux.

Des mesures spécifiques significatives de l'intérêt du gouvernement pour la famille vous seront alors proposées.

La réforme de l'aide sociale axée sur laréinsertion au marché du travail des personnes aptes au travail et sur l'élimination de la discrimination en raison de l'âge des bénéficiaires se concrétisera par la présentation d'un projet de loi élaboré à la lumière des travaux de la commission parlementaire des affaires sociales.

Le gouvernement soumettra en outre à votre attention une révision du rôle de l'Office des personnes handicapées et un programme de développement des services à domicile, de manière à mieux aider les personnes handicapées.

Les personnes âgées désireuses de demeurer autonomes et de continuer de vivre dans leur milieu verront leur aide accrue, et le gouvernement vous proposera également de mettre de nouvelles ressources de manière à renforcer notre présent réseau de centres d'accueil et d'hébergement.

À la suite de la publication du rapport Harnois et des travaux de la commission parlementaire, l'Assemblée nationale sera appelée à doter le Québec d'une politique humaine et généreuse en matière de santé mentale, axée sur la désinstitutionnalisation, la réinsertion sociale et le développement des mesures de soutien et de support.

Le domaine de la condition féminine demeure toujours aussi prioritaire. Dans la réalisation des éléments du plan d'action à cet égard, le gouvernement vous demandera d'étudier un avant-projet de loi pour assurer une meilleure équité économique entre les conjoints. Un important programme de services de garde vous sera aussi soumis.

Un projet de loi vous sera également présenté pour faciliter la perception des pensions alimentaires. Le gouvernement continuera de développer les mesures déjà prises au titre de l'accès à l'égalité et de la conciliation des responsabilités professionnelles et familiales. Vous serez également appelés à adopter des éléments prioritaires d'une politique de sécurité du revenu, en particulier pour les femmes les plus démunies, les femmes au foyer et les femmes à la retraite.

Vous aurez enfin à étudier de nouvelles mesures contre la violence conjuguale.

De nouveaux moyens seront mis à la disposition de la Protection de la jeunesse, dont la loi sera d'ailleurs modifiée relativement au

problème de preuve applicable en matière d'abus sexuels sur les enfants. Un projet de loi vous sera également soumis pour mieux connaître les droits des victimes d'actes criminels.

La portée de la Loi sur la protection du consommateur sera étendue au domaine immobilier, en conformité avec les dispositions de la Loi sur le bâtiment.

La Loi sur la curatelle publique sera modifiée pour améliorer la situation des personnes concernées.

Au cours des deux dernières années, des sommes additionnelles très considérables ont été investies dans le secteur hospitalier et, d'une façon spécifique, en ce qui concerne la mise en oeuvre d'un programme triennal de redressement de la situation des services d'urgence.

Par ailleurs, le rapport de la commission Rochon a été rendu public et, au terme d'un processus nécessaire de consultation et d'évaluation de ce rapport, l'Assemblée nationale aura à donner suite a plusieurs importantes recommandations de cette commission en vue de consolider et de développer les services de santé et les services sociaux.

In another field, the Rochon Commission report has been made public. Once the report has been thoroughly examined and assessed, the National Assembly will be asked to give effect to several important recommendations the Commission has made with a view to the consolidation and development of health and social services. (14 h 30)

Vous aurez également à suivre de près la réforme des services ambulanciers et des mesures vous seront proposées pour combler la pénurie de la main-d'oeuvre infirmière.

Une société se distingue par le dynamisme et l'originalité de sa culture. Des mesures vous seront soumises pour mieux soutenir les grands secteurs de l'activité culturelle, dont les bibliothèques publiques, le marché de l'art, les équipements culturels et les arts d'interprétation.

Vous serez également appelés à réviser la Loi sur les biens culturels en vue de mettre en oeuvre une nouvelle politique en matière de protection du patrimoine. Des mesures vous seront soumises pour mieux soutenir, en collaboration avec le secteur privé, l'industrie cinématographique. Des projets de loi vous seront présentés pour intégrer l'Institut québécois de recherche sur la culture au réseau universitaire et pour établir un statut juridique distinct pour la Bibliothèque nationale.

Vous serez appelés à étendre la définition du statut de l'artiste aux secteurs des arts visuels, des métiers d'art et des écrivains et à considérer le régime fiscal des artistes.

Le gouvernement demandera à l'Assemblée nationale de créer la Régie des télécommunications afin de consolider la juridiction québécoise en la matière, et la Régie des services publics sera ainsi remplacée. L'Assemblée nationale procédera également à la révision de la loi sur l'accès à l'information et la Loi sur le ministère des Communications.

Le gouvernement proposera à cette Assemblée d'étudier les éléments d'un vigoureux plan de redressement et de consolidation du français langue maternelle dans les écoles primaires et secondaires.

Le gouvernement, par aBleurs, demandera à l'Assemblée nationale d'étudier, après consultation, de nouvelles dispositions relatives au renforcement de l'usage du français en mlieu de travail et il y aura aussi, à la suite du jugement de la Cour suprême, la question de l'affichage public de la publicité commerciale.

Le gouvernement va soumettre à l'attention de cette Assemblée un important énoncé de politique en matière d'immigration qui prendra en compte, entre autres, l'impératif absolu de l'intégration des immigrants à la majorité francophone et l'amélioration des relations interculturelles.

Le gouvernement informe l'Assemblée qu'l poursuit présentement l'étude de la façon dont l'État devrait se structurer pour garantir le maximum d'efficacité à son action relativement au problème démographique, entre autres, dans ses dimensions natalité, immigration et famille.

L'Assemblée nationale aura à adopter des amendements à la Loi électorale de nature à faciliter le droit de vote.

Tout en poursuivant les efforts d'une meilleure gestion des approvisionnements et services, le gouvernement vous invitera à vous pencher sur une nouvelle politique de régionalisation des processus d'adjudication des contrats gouvernementaux.

Des projets de loi seront présentés à votre Assemblée pour unifier les cours de justice, pour rationaliser les tribunaux administratifs et pour réformer le régime des cours municipales et le système des huissiers. Vous aurez enfin à poursuivre la réforme du Code civil.

En terminant l'énoncé des orientations législatives et parlementaires du gouvernement, je vous souhaite, messieurs et mesdames de l'Assemblée nationale, bon travail! J'ose espérer que tous, libéraux, péquistes, indépendant, vous travaillerez dans la plus grande harmonie possible pour le mieux-être de tous les Québécois et Québécoises.

Le Président: Nous allons suspendre les travaux quelques instants, afin de permettre au sergent d'armes de réintégrer l'Assemblée.

(Suspension de la séance à 14 h 35)

(Reprise à 14 h 39)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Que tous et chacun regagnent leur siège!

Tel que le prévoit le règlement de l'Assemblée nationale, je vais maintenant céder la parole

à M. le premier ministre du Québec pour son discours d'ouverture de la deuxième session de la trente-troisième Législature. M. le premier ministre.

Discours d'ouverture M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, on comprendra que je veuille, en tout premier lieu, souligner cette Journée internationale de la femme et réitérer à quel point cette Assemblée constitue un lieu privilégié pour ce faire, puisqu'elle compte présentement le plus grand nombre de femmes parlementaires de son histoire.

Je suis particulièrement heureux, M. le Président, que les députés des deux côtés de cette Chambre aient accepté de tenir aujourd'hui un débat sur une importante question d'avenir. En effet, ce long, patient et ardu combat des femmes est au coeur de l'évolution de notre société puisque l'égalité qu'elles revendiquent à juste titre en est la pierre d'assise.

Je tiens également à faire remarquer que notre gouvernement a, depuis le début de son mandat, nommé plusieurs femmes au sein de postes décisionnels des secteurs public et parapu-bfic et qu'il entend continuer dans cette voie tout comme il entend respecter les engagements qu'il a pris pour faire de l'égalité des femmes et des hommes une réalité durable.

Je sais, M. le Président, qu'il reste encore beaucoup à faire et que les interventions gouvernementales ne pourront à elles seules tout régler, mais nous avons la ferme intention de poursuivre avec détermination la réalisation de cet objectif d'égalité.

À la suite de l'énoncé par le lieutenant-gouverneur des intentions législatives, je voudrais, cet après-midi, traiter particulièrement de quelques priorités liées à l'avenir du Québec, notamment pour ce qui a trait à sa stabilité politique, à son progrès économique, en regard notamment du traité de libre-échange, à la question de l'énergie, où j'aurai une annonce très importante à faire, et à son développement socioculturel.

Bref, où allons-nous? Où allons-nous comme société, à la lumière des défis qui confrontent nos sociétés contemporaines?

En traitant de stabilité politique pour le Québec, comme pour le Canada, on ne peut que souligner l'importance de ratifier l'accord du lac Meech. Lors du référendum de 1980, le Québec a signifié au reste du Canada ce qu'il attendait de ses partenaires, c'est-à-dire participer à un Canada renouvelé. Depuis des décennies, on entendait partout au Canada anglais: What does Québec want? Eh bien, nous, une fois au pouvoir, en respectant notre programme pour lequel nous avions été élus, Maîtriser l'avenir, nous avons fait des propositions constitutionnelles qui représentaient les demandes du Québec. On doit constater que ces propositions, comme on le sait, ont été acceptées par tous les partenaires de la Confédération.

On dort aussi noter, en premier lieu, que neuf mois se sont écoulés depuis cet accord constitutionnel sans qu'aucune erreur n'ait été relevée. On sait que, de tous ceux qui ont témoigné à différentes commissions parlementaires, que ce soit à Ottawa ou dans d'autres provinces, plusieurs ont signalé jusqu'à quel point cette entente était une grande réussite pour l'unité canadienne. Elle n'est pas parfaite, évidemment, mais après 25 années d'affrontements, de négociations et de discussions, elle représente un progrès indéniable pour la stabilité politique de notre pays. L'accord comporte, de plus, un gain net pour l'ensemble des partenaires canadiens. Il garantit notamment une meilleure concertation entre Ottawa et les provinces, tout en civilisant les rapports internes au sein de la Fédération canadienne. C'est clair qu'une réouverture de l'accord ne garantit d'aucune façon que les acquis actuels seraient intouchés.

On sait que, jusqu'à la ratification de cet accord, toute réforme constitutionnelle est bloquée au Canada. Il est impensable politiquement qu'on puisse entreprendre de réformer, de modifier la constitution du pays sans que le Québec puisse être un partenaire. Tout ce qu'on peut souhaiter, c'est cette adoption de l'accord du lac Meech par tous les partenaires. Et plus vite l'accord sera adopté, plus il sera possible d'entreprendre cette deuxième ronde de négociations. La ratification de l'accord permettra au pays de débloquer cette impasse constitutionnelle découlant de l'exclusion politique du Québec et de reprendre la vie normale. Le Canada a déjà attendu cinq ans et il est clair, il est évident que si nous ne faisons pas cette ratification, nous aurons une nouvelle impasse avec très très peu de chance de pouvoir la dénouer au cours des prochaines années. Le renforcement de la fédération, c'est l'objectif qui nous unit et nous devons tous ensemble nous assurer de l'atteindre.

En mettant en relief l'importance de la stabilité politique, nous voulons aussi favoriser, puisque les deux sont intimement liés, le progrès économique du Québec. On connaît le bilan: Le taux de croissance des nouveaux emplois pour le Québec - pour donner simplement quelques chiffres très rapidement - a été de 3,5 % en 1987, dépassant nettement celui du Canada, 2,8 %, et également celui de l'Ontario qui était de 3,3 %. Depuis deux ans, les objectifs du gouvernement en matière de création d'emplois ont non seulement été atteints mais dépassés.

Nous avons présentement une situation encourageante pour l'avenir. La création d'emplois pour 1988 a très bien commencé, avec une création de 122 000 emplois de janvier 1987 à janvier 1988. Nous pouvons également espérer une stabilisation du taux de l'inflation, notamment avec un taux de change plus favorable au dollar canadien. Nous avons déjà fait des propo-

sitions pour qu'on puisse stabiliser le taux de change à un niveau de 0,80 $ ou inférieur à 0,80 $ parce que, déjà, cela constitue, par rapport à une quinzaine de mois, une augmentation de 10 % et comme l'ensemble des Canadiens et des Québécois consomment 25 % de biens qui viennent de l'extérieur, ceci contribuera substantiellement à stabiliser le taux de l'Inflation.

Également, la baisse internationale du prix du pétrole favorisera une réduction de la hausse des prix. Il y a aussi cette attitude très responsable de l'ensemble des travailleurs du Canada et du Québec pour ce qui a trait à l'augmentation des niveaux de salaires.

Donc, si nous voulons examiner l'avenir économique au cours des prochaines années, on doit constater et conclure que nous nous orientons vers une activité économique fort acceptable et des taux d'intérêt qui seront très probablement stables et qui pourraient même baisser.

Il y a aussi lieu de constater que l'économie américaine maintient un dynamisme qui est encourageant pour l'économie canadienne et l'économie québécoise, étant donné que nous exportons, comme vous le savez, 20 % de la production québécoise aux États-Unis.

Il y a aussi le développement de tous ces marchés européens et asiatiques. Si le taux de change du dollar canadien est favorable par rapport au dollar américain, s'est accru, par ailleurs, vis-à-vis des autres continents, les autres marchés qui existent, nous avons un avantage pour exporter et nous pourrons le développer. Nous pourrons tenir compte également, dans nos politiques économiques, du marché économique européen qui devrait commencer en 1992.

Dans ce secteur de l'économie et des finances, si nous examinons le secteur des finances publiques, nous voyons là aussi des résultats très concrets qui nous permettent de garder les impôts à un niveau acceptable ou même de les réduire.

L'objectif du gouvernement, on le sait, on l'a répété, est de réduire le poids du service de la dette. Nous avons là aussi, comme dans le domaine des emplois, des résultats très intéressants. Par exemple, pour l'année 1987-1988, nous avons des excédents budgétaires de 450 000 000 $ et ceci nous permet sûrement de préparer la prochaine année financière avec un déficit qui sera inférieur à 2 000 000 0000 $. (14 h 50)

M. le Président, si nous mettons tellement l'accent sur cette réduction du déficit et du service de la dette, c'est qu'elle nous permet d'établir des réductions d'impôt durables et, en même temps, de favoriser la croissance économique. Si nous avons des réductions d'impôt, nous avons une plus grande croissance économique. Nous voulons comme gouvernement - et après deux ans, je crois qu'on peut être fiers de nos résultats - briser ce cercle infernal d'une augmentation de la dette qui force à une augmentation des impôts et, par la suite, à une nouvelle augmentation de la dette. Je crois qu'on peut dire que, comme gouvernement, nous avons maintenant réussi à briser ce cercle vicieux touchant les dettes, les impôts et l'augmentation du service de la dette.

Il y a évidemment aussi, comme autre facteur de croissance économique, toute cette promotion des investissements étrangers où le gouvernement s'est révélé très actif. Un élément vital pour l'avenir économique du Québec a trait, comme vous le savez, au traité de libre-échange qui est un point tournant dans l'histoire économique du Québec et du Canada. Si l'accord du lac Meech est fondamental pour la stabilité politique du Canada et du Québec, le traité de libre-échange est, lui aussi, vital pour notre avenir économique. Le but de ce traité, comme vous le savez, est de maintenir et d'améliorer l'accès du Québec au marché américain, marché très important pour nos exportations.

Le Québec, on le sait, a négocié avec beaucoup de vigilance. Plusieurs conditions et propositions ont été faites. Conditions de l'appui du Québec: respect intégral de ses compétences législatives, respect intégral de ses lois, programmes et politiques dans les domaines de la politique sociale, des communications, de la langue et de la culture, maintien de la marge de manoeuvre nécessaire pour atteindre les objectifs de modernisation et de développement de son économie dans toutes les régions - on sait que nous pourrons continuer, en vertu de cette entente du libre-échange, de développer, de pratiquer et d'accroître nos politiques de développement régional - obtention de périodes de transition et mise sur pied de programmes d'assistance pour les entreprises et les travailleurs dans les secteurs les moins concurrentiels, mise en place d'un mécanisme de règlement des différends auquel seront associées les provinces, maintien d'un statut spécial pour l'agriculture et les pêcheries.

L'accord comporte suffisamment de gains importants pour le Québec et le Canada dans son ensemble pour mériter l'appui du gouvernement du Québec. A cet égard, le gouvernement avait aussi obtenu le respect d'exigences spécifiques au cours des négociations, comme l'inclusion de l'article 15 des accords du GATT pour donner une plus grande protection aux agriculteurs. Le système de soutien aux agriculteurs, notamment les agences de gestion et de l'offre et les plans de stabilisation, est donc maintenu.

Le Québec, bref, a donné son accord à cette entente de libre-échange afin de rendre son économie plus moderne, plus efficace et plus productive et, avec cet accord, le Québec peut être plus confiant vis-à-vis de son avenir économique en raison de plusieurs facteurs. Il peut faire confiance à cette concurrence accrue pour lui parce qu'il a des richesses naturelles abondâmes, parce qu'il a un développement de l'innovation technologique particulièrement rapide

depuis quelques années. Il y a le dynamisme, reconnu partout maintenant aux plans national et international, des gestionnaires québécois. Il y a aussi cette qualité exceptionnelle de notre main-d'oeuvre. D'ailleurs, le Québec a déjà l'habitude de la concurrence internationale qui lui a permis de trouver de nouveaux marchés. Il y a aussi le rôle de l'État québécois qui lui permet de développer plusieurs instruments permettant d'accorder à ceux qu'il a actuellement un soutien stratégique, comme dans le cas de la Caisse de dépôt, de la Société de développement industriel et de la Société générale de financement. Des programmes multiples seront offerts aux entreprises pour leur permettre de faire face à la concurrence internationale.

M. le Président, je n'ai pas l'intention de répondre très longuement aux critiques apportées au traité de libre-échange. La principale qui a été faite, c'est que le traité comme tel constitue une menace à l'indépendance canadienne. On peut facilement répondre à cette critique en disant que tous les pays industriels, les 22 ou 23 pays industriels de l'OCDE, sauf exception - comme dans le cas du Japon pour des raisons géographiques - font partie de zones de libre-échange ou, encore, de marché commun. Dans ces regroupements de nations ou de pays, que ce soit en Europe ou dans d'autres continents, on a pu avoir des programmes sociaux tout à fait différents. Les pays comparables au Canada, les pays industriels qui se comparent au Canada et au Québec, tous ces pays, quelles que soient leurs modalités d'entente pour la zone de libre-échange ou de marché commun, ont pu conserver l'originalité de leurs programmes sociaux.

Un autre aspect a été soulevé dans le cas de cet accord du libre-échange alors qu'on a dit que cet accord pouvait être une substitution à l'association économique que nous avons présentement avec le reste du Canada. Je ne crois pas qu'on puisse comparer d'aucune manière la zone de libre-échange ou le traité de libre-échange que nous avons actuellement avec les États-Unis et l'association économique que nous avons avec le reste du Canada.

Dans le cas de la zone de libre-échange, nous n'avons qu'une première étape de l'intégration économique alors que dans le cas de l'union économique que nous avons avec le reste du Canada nous avons non seulement une union douanière mais un marché commun, une union fiscale, une union monétaire. Vouloir comparer cette association économique avec le reste du Canada et l'association ou le traité de libre-échange avec les États-Unis, c'est d'une certaine façon comparer deux types d'association qui ne sont d'aucune façon comparables et qui ne peuvent pas se substituer l'une à l'autre.

M. le Président, dans cette entente sur le libre-échange il n'y a pas de doute qu'il y a un secteur qui est à l'avantage du Québec, celui de l'énergie. Sur cette question de l'énergie qui profite tellement au développement économique du Québec, il faut admettre que le libre-échange est particulièrement positif.

Plusieurs facteurs expliquent pourquoi il est avantageux pour nous d'avoir cette entente dans le secteur de l'énergie. Nous avons d'abord, pour les exportations d'énergie, un marché en pleine expansion alors que dans le cas du pétrole, il y a 50 % du pétrole qui est exporté aux États-Unis ou ailleurs; dans le cas du gaz naturel, 25 %; dans le cas de l'électricité, il n'y a que 8 % de notre production qui est exportée. Il y a aussi le fait que l'énergie hydroélectrique qui est la caractéristique du Québec sur le plan de l'énergie, est une énergie propre, accessible et un élément clé de la croissance économique.

Il y a également comme facteur favorable aux exportations d'énergie le fait que nous avons des surplus considérables qui se développent, plusieurs dizaines de milliers de mégawatts qui ne sont pas utilisés encore au Québec et qui constituent, étant donné que ces ressources sont renouvelables, une richesse qui ne profite pas à l'ensemble des Québécois. Si nous confrontons ces surplus énormes avec les besoins qui se développent chez nos voisins de l'Ouest ou du Sud, nous avons là un facteur très favorable pour nos exportations.

Il y a aussi le fait que dans le cas du développement hydroélectrique, il y a un impact pour l'emploi qui est très favorable. Alors que dans le cas du gaz, du pétrole, des centrales nucléaires, les retombées se situent entre 20 %, 50 % ou 60 %, dans le cas de l'hydroélectrique, on parle de 80 % des retombées qui se font sur le territoire québécois.

Il y a aussi, dans le développement de ces centrales hydroélectriques, un impact sur les finances publiques puisqu'il est bien connu, bien admis que dans dans toutes les dépenses qui sont faites pour ces constructions, il y a 20 % de l'ensemble des dépenses qui se trouvent à revenir au trésor public sous forme d'impôts directs ou indirects. (15 heures)

II y a aussi les profits qu'ils peuvent comporter pour les sociétés d'État comme HydroQuébec. On annonçait, comme on le sait, un contrat il y a quelques semaines avec l'État de New York. Le président d'Hydro-Québec mentionnait que, dans ce cas, le coût chargé au client new-yorkais était de deux à trois fois plus élevé que le coût qui serait imposé aux entreprises québécoises. Il y a là un potentiel de profits considérables. Ces développements hydroélectriques favorisent aussi le marché international pour les entreprises québécoises. On sait qu'à la suite des développements de la baie James, des entreprises québécoises, des entreprises montréalaises, ont pu trouver des marchés que ce soit en Chine, que ce soit en Afrique ou dans le Sud-Est de l'Asie. Il y a un potentiel pour les entreprises québécoises qui s'est développé avec la construction de ces barrages.

M. le Président, l'idée force qui supporte tous ces avantages: comment se fait-il que nous, nous puissions profiter tellement de cette richesse hydroélectrique en exportant des surplus dont nous n'avons pas besoin? Cette idée force repose tout simplement sur le concept du devancement du développement de ressources renouvelables. Donc, comme nous devançons, il n'est pas question de construire des barrages pour des fins uniquement extérieures, nous ne faisons qu'avancer la construction qui, de toute manière, serait nécessaire pour faire face aux besoins internes et comme il s'agit de richesses renouvelables, éternellement renouvelables, plus nous retardons ce devancement, plus nous gaspillons une richesse collective qui pourrait tellement aider à satisfaire des besoins du Québec.

C'est une idée, M. le Président, que je défends avec acharnement depuis plusieurs années. Le fait de pouvoir permettre à cette richesse du Québec de profiter à la collectivité québécoise était pour moi une forme concrète de patriotisme. J'ai eu l'occasion, dans plusieurs volumes, d'expliciter les avantages de cette question. J'ai toujours souhaité le moment où on pourrait relancer ces travaux, notamment en profitant des marchés d'exportation. Eh bien, M. le Président, ce moment est arrivé et c'est avec beaucoup de fierté et avec une profonde joie que j'annonce à l'Assemblée nationale le début des travaux de la phase 2 avec un développement très important de 7 500 000 000 $ et quelque 40 000 nouveaux emplois ou personnes-années.

On comprendra, M. le Président, que faire cette annonce, pour moi, aujourd'hui, à l'Assemblée nationale, constitue l'un des meilleurs moments de ma carrière politique. Si nous examinons quelques secondes les raisons qui peuvent me permettre de faire cette annonce aujourd'hui, elles sont évidemment liées aux contrats que nous avons signés pour quelque 2500 mégawatts, depuis un an. Et comme nous entreprenons la construction de trois centrales, c'est-à-dire LG 1, Laforge et Brisay, pour une puissance de quelque 2500 mégawatts, on comprend facilement, avec des exportations qui nous donnent 40 000 000 000 $, le lien qui existe avec ces contrats ou ces ententes qui seront ratifiés, vraisemblablement, dans deux cas, d'ici à quelques mois, et ces nouvelles constructions. On sait que ces contrats vont rapporter des revenus jusqu'en l'an 2029, donc au cours des 30 prochaines années. Il y en aura d'autres qui suivront, M. le Président.

Puisque ces contrats vont produire des revenus pour les 30 prochaines années, j'ai déjà dit que ce sont essentiellement et surtout les jeunes d'aujourd'hui qui pourront profiter de cette augmentation de la richesse collective. À la construction de ces trois centrales s'ajoutera une construction de ligne de transport, en plus de l'impact dans plusieurs régions. Par exemple, les fabricants de turbines dans les régions du Québec pourront profiter de ces développements hydroélectriques. On peut ajouter, à la lumière de ce qui est déjà connu, qu'l y a d'autres négociations en cours qui paraissent très prometteuses et nous espérons vivement pouvoir faire des annonces similaires au cours des prochains mois ou des prochaines années.

Il n'y a pas de doute que cette annonce que je viens de communiquer à l'Assemblée nationale et à l'ensemble de la population est une raison de plus pour nous donner confiance dans l'avenir économique du Québec. Également, tout cela se fera en pleine conformité avec les exigences gouvernementales en matière de protection de l'environnement. C'est logique, puisque la qualité de l'environnement, je l'ai mentionné depuis plusieurs semaines, est devenue une grande priorité du gouvernement.

Dans cette question de l'environnement, on a aussi un impact économique indéniable. Dans cette question, le gouvernement privlégie une approche intégrée. Ainsi, concernant l'assainissement des eaux, nous pourrons coordonner les trois volets: urbain, agricole et industriel. Du côté urbain, nous investirons encore 3 500 000 000 $ d'ici à dix ans, pour un programme total de 6 000 000 000 $. Du côté agricole, nous investirons près de 400 000 000 $ d'ici à dix ans, 148 000 000 $ de la part des agriculteurs et 8000 emplois seront générés dans toutes les régions. Du côté industriel, nous comptons bientôt adopter une nouvelle politique d'assainissement industriel, ce qu'on appelle l'approche intégrée eau-air-sol, une première en Amérique du Nord, qui sera mise en place dès cette année. Ainsi, d'ici à dix ans, nous voulons redonner à la population l'usage de nos cours d'eau, notamment le fleuve Saint-Laurent, améliorer et garantir la qualité de nos sources d'approvisionnement en eau potable.

Il y a aussi, dans ce secteur de l'environnement, du développement de l'environnement, un autre secteur d'importance: la récupération par le recyclage. Ainsi, la récupération du papier conserve la ressource forestière. Deux multinationales considèrent maintenant l'implantation d'une usine de recyclage de papier où elles vont investir des sommes importantes. De plus, le programme éducatif que nous avons lancé dans les écoles en 1986, en coopération avec plusieurs intervenants, pour sensibiliser les jeunes au recyclage, impliquera, l'an prochain, 75 000 étudiants au Québec.

La qualité de vie est évidemment inséparable, dans cette question d'environnement ou de développement économique, de développement social et des soins de la santé, comme nous l'avons entendu il y a quelques instants. Des efforts énormes ont été faits et se poursuivront. En regard de l'avenir du Québec pour son progrès culturel, ceci demeure un objectif fondamental que nous voulons pleinement assumer, que ce soit avec des politiques d'immigration dont nous avons déjà parié, que ce soit dans la question de la langue, de la protection de ta

langue; on connaît les trois facteurs qui vont guider le gouvernement dans sa politique définitive, c'est-à-dire l'avenir de la collectivité francophone, le respect des libertés individuelles et la paix sociale. (15 h 10)

Je me permettrai, M. le Président, de noter au passage une déclaration d'une personne très respectable de cette Chambre, dont Son Excellence le lieutenant-gouverneur a fait l'éloge il y a quelques instants, et qui mentionnait la loi de la Californie pour ce qui a trait à l'affichage unHingue. Je lui demanderais ou je souhaiterais, de toute manière, qu'il y ait une personne charitable au sein de l'Opposition qui puisse mieux informer le chef de l'Opposition puisqu'il n'y a pas de telles restrictions dans la loi de la Californie, ni dans celle de la Suisse, ni dans celle de la Belgique. Mais nous aurons sûrement l'occasion de discuter de cette question avec l'Opposition

Je terminerai, M. le Président, par quelques mots sur un problème qui remet en cause directement l'avenir du Québec francophone, c'est-à-dire la démographie. L'État a sûrement sa responsabilité dans cette question. On sait que, durant des siècles, c'est le dynamisme familial qui nous a permis d'avoir une place dans l'histoire des peuples et si nous voulons regarder l'avenir avec confiance, nous devons retrouver ce dynamisme familial. Nous avons connu une diminution radicale des naissances au cours des trente dernières années. On connaît l'évolution du taux de fécondité: 3,9 % en 1956 et 1,4 % en 1986. Or, des moyens existent pour diminuer ce déficit démographique: une politique d'immigration dont on a parlé et une politique familiale.

Depuis deux ans, le gouvernement a fait des efforts en ce sens dont, entre autres, l'amélioration des services de garde à l'enfance, ajustement au régime d'imposition des familles à faible revenu, aucun impôt à payer pour les familles de deux enfants et plus gagnant moins de 21 000 $, adoption récente de l'énoncé des orientations et de la dynamique administrative pour une politique familiale, dépôt du projet de loi 94 sur la création d'un conseil de la famille. Il y a aussi des mesures qui doivent être prises: aide financière aux familles, consolidation et augmentation de cette aide financière par le biais de divers programmes. Lors du prochain budget, il y aura des mesures concrètes et importantes pour ce soutien à la famille: rendre plus compatibles les conditions de travail et les responsabilités parentales, après consultation du monde patronal; revoir la Loi sur les normes du travail en ce qui a trait notamment au congé parental non rémunéré avec garantie d'emploi; aménager le temps de travail, développer des garderies en milieu de travail et en milieu scolaire; assurer à chaque famille l'accès à un logement adéquat par la mise en place de programmes pour améliorer la sécurité financière et la stabilité du milieu familial par un programme d'accès à

la propriété.

Voilà donc, M. le Président, quelques-uns des objectifs qui nous paraissent essentiels au progrès de notre société. Je suis convaincu qu'en les réalisant, le Québec deviendra une société plus juste, plus prospère et plus dynamique. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

M. Gendron: M. le Président.

Le Président: Si vous me permettez, M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Oui, M. le Président, je voudrais poser une simple question au premier ministre. Puisque le lieutenant-gouverneur a eu, lui, l'amabilité et l'extraordinaire délicatesse de nous remettre une copie de son discours, considérant les orientations extraordinaires que vous avez énoncées dans votre discours, on aimerait...

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Votre question, s'il vous plaît. À l'ordre! À l'ordre! Votre question, s'il vous plaît!

M. Gendron: Ma question, M. le Président: Comme tous mes collègues voudraient aller dormir là-dessus et que c'est tellement volumineux, on aimerait savoir quand on va pouvoir prendre connaissance de la copie de votre extraordinaire discours.

Le Président: M. le leader du gouvernement. M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: M. le Président, je peux donner l'assurance au leader de l'Opposition que ce sera très bientôt, dans les quelques minutes qui suivent.

Le Président: Merci.

M. Gendron: Merci. Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Gratton: Avant que vous ne procédiez, tel que l'indique l'article 46 du règlement, à l'ajournement, à la levée de la séance, est-ce que je pourrais vous informer que nous avons convenu avec l'Opposition, comme l'ont d'ailleurs indiqué le lieutenant-gouverneur et le premier ministre, de tenir un débat à ce moment-ci qui sera engagé par Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Je vous prierais de noter que nous avons offert à l'Opposition de choisir entre la lettre du règlement en ce qui a trait à l'intervention du chef de l'Opposition qui doit nécessairement

commencer le débat sur le discours inaugural... Nous avons offert le choix entre le respect de la lettre du règlement qui veut que ce soit demain matin à 10 heures ou le respect d'une tradition qui voulait qu'on le fasse à compter de l'après-midi seulement. L'Opposition ayant indiqué sa préférence pour que le chef de l'Opposition intervienne demain matin, la séance, quand vous la lèverez, M. le Président, sera donc ajournée à demain, 10 heures.

Entre-temps, je vous prierais de reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Le Président: Si je comprends bien, M. le leader du gouvernement, il y a deux motions qui me sont présentées. Dans la première, vous faites une motion pour déroger à l'article 46 de notre règlement pour permettre l'audition et le débat d'une motion sans préavis présentée par Mme la ministre de la Condition féminine. Dans un deuxième temps, il y a consentement de cette Assemblée pour respecter le règlement et ajourner la séance à demain matin, 10 heures.

Je vais reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine sur la motion sans préavis, tel qu'entendu. C'est adopté, la dérogation, M. le leader de l'Opposition?

M. Gendron: Oui, M. le Président, c'est adopté.

Le Président: Adopté.

Mme la ministre, vous avez la parole.

Motion sans préavis

soulignant la Journée

internationale des femmes

Mme Gagnon-Tremblay: En cette journée de reprise des travaux parlementaires, je désire, M. le Président, offrir mes meilleurs voeux à toutes les femmes du Québec à l'occasion de cette Journée internationale des femmes qui est célébrée aujourd'hui, le 8 mars. Donc, je sollicite le consentement de cette Assemblée pour présenter la motion suivante: Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Journée internationale des femmes.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte de débattre cette motion? M. le leader de l'Opposition.

M. Gendron: Oui, M. le Président.

Le Président: Adopté. Mme la ministre, voulez-vous déposer copie de votre motion, s'il vous plaît? Je vais vous reconnaître, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine, sur votre motion.

Mme Monique Gagnon-Tremblay

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le 8 mars, Journée internationale des femmes, se veut un jour de célébration de solidarité et de visibilité pour les femmes. Il demeure néanmoins que le 8 mars est aussi une journée de réflexion pour celles et ceux qui souhaitent voir s'édifier des rapports vraiment égalitaires entre les hommes et les femmes de notre société.

Ainsi, le thème retenu cette année par le Conseil du statut de la femme, le 'pouvoir en soi", m'inspire les propos suivants: De tous les temps, les femmes ont été éloignées du pouvoir. Force, travail, leadership et prises de décision étaient la loi des hommes, tandis que le monde féminin se résumait à famille, enfants, soumission et dévouement. Ces croyances sont tellement enracinées dans notre culture que même à l'aube de cette décennie de ce siècle, les femmes expriment encore très pudiquement leurs idées sur le pouvoir et les désirs de pouvoir.

Pourtant, le pouvoir, on s'y bute tous les jours et dans tous les aspects de nos vies. À qui appartient-il, ce pouvoir? Est-il réservé aux seules femmes impliquées en politique? A cette question, je réponds "non". Car, bien que le pouvoir politique soit l'un des pouvoirs qui touchent le plus tous les citoyens, le pouvoir sous d'autres formes existe au fond de chacune d'entre nous. Il prend racine en nous puis s'affirme ensuite dans notre vie personnelle, sociale et professionnelle.

Il m'apparaît donc plus juste de parler des pouvoirs avec un 's", le pouvoir d'agir, le pouvoir d'influencer et le pouvoir de décider. Ces pouvoirs se traduisent sous de multiples facettes dans notre quotidien. C'est pourquoi nous avons une façon qui nous est tout à fait personnelle d'apprivoiser et de se donner des pouvoirs.

La façon la plus simple et la plus accessible d'explorer le pouvoir, c'est par l'information. Maîtriser l'information et savoir l'utiliser constitue la pierre d'assise de tous les pouvoirs, dont celui d'agir, être informé et connaître ses droits, c'est se donner le pouvoir de négocier, que ce soit avec son conjoint, avec son employeur, à titre de consommatrice ou d'utilisatrice de services publics.

Une autre forme de pouvoir que les femmes détiennent, c'est celui d'influencer. En se regroupant, les femmes se sont donné une force inouïe, une forme de pouvoir bien à elles. La mise en commun de leurs compétences et de leurs outils d'analyse, de même que le poids de leur membership, leur ont donné la capacité d'influencer les décisions. (15 h 20)

Je tiens à souligner ici le travai exceptionnel de ces milliers de Québécoises qui font partie de nombreuses associations féminines et qui, chacune à sa manière, fait avancer considérablement la condition féminine. Par leurs buts et objectifs distincts, les associations féminines

pilotent avec brio des dossiers aussi diversifiés que le partage de la richesse familiale, les conditions de travail, la formation professionnelle, la santé, la violence et les agressions sexuelles et combien d'autres encore. L'action concertée des femmes aura donc permis d'élever les questions en rapport avec la condition de vie des femmes au rang d'enjeux politiques importants et oblige nos formations politiques à s'ajuster à la présence grandissante de femmes comme partenaires dans le partage du pouvoir.

Il existe enfin cette autre forme de pouvoir, probablement plus visible que les deux autres, mais qui est cependant détenue par un nombre plus restreint de femmes, c'est le pouvoir de décider. Au cours des ans, les femmes ont affirmé davantage leur présence dans les lieux traditionnels de pouvoirs. Ainsi par leur accession à des postes décisionnels, tant politiques, dans les syndicats, au sein de conseils d'administration que comme entrepreneures, elles sont de plus en plus nombreuses à assurer un leadership et à participer à la prise de décisions. De plus en plus nombreuses, certes, mais encore grandement sous-représentées.

La progression des femmes au sein des postes de pouvoir se fait lentement, trop lentement. Bien que les femmes forment plus de la moitié de la population votante, elles constituent moins de 10 % des membres du Parlement et moins de 15 % des membres de l'Assemblée nationale. La haute direction de la fonction publique québécoise est encore très peu féminisée, à peine 16 % de femmes. Dans le secteur de l'enseignement où l'on retrouve cependant un personnel enseignant majoritairement féminin, à peine le quart des postes de direction sont occupés par des femmes. Dans les institutions financières, seulement 5 % des membres des conseils d'administration sont des femmes. La situation n'est guère plus brillante en ce qui concerne les syndicats. Le personnel exécutif est majoritairement masculin alors que la plupart des membres, dans l'ensemble, sont des femmes.

Ce qui semble être le plus prometteur, quant à l'accès des femmes à des postes de pouvoir, c'est le dynamisme croissant de l'entre-prenariat féminin. Au cours des récentes années, les femmes ont fait une percée significative dans le domaine économique puisque 60 000 d'entre elles sont à la tête d'entreprises participant activement au développement économique du Québec. Cette force montante que constitue les femmes dans l'économie oblige les mondes financier, politique, syndical, économique et de l'enseignement à leur faire une place plus importante. À cet égard il faut espérer que les programmes d'accès à l'égalité pour les femmes implantés dans les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux, du monde municipal, dans la fonction publique et dans l'entreprise privée sauront améliorer considérablement la situation afin d'atteindre une meilleure représentation des femmes à tous les niveaux de décision.

Je conclurai, M. le Président, en émettant le souhait qu'en cette Journée internationale des femmes, chacune des Québécoises prenne conscience de l'immense potentiel qu'elle porte en elle et que le pouvoir qui s'y loge, quand il est exploité, peut soulever des montagnes.

Merci, M. le Président.

Le Président: Merci, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine. Je vais maintenant reconnaître, sur la même motion, une autre intervenante, Mme la députée de Marie-Victorin. Vous avez la parole.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président, J'aimerais, à mon tour, au nom de ma formation politique, adresser à toutes les femmes du Québec mes meilleurs voeux à l'occasion de la Journée internationale des femmes.

Les femmes revendiquent une meilleure condition de vie depuis plus d'un siècle. En 1857, les travailleuses du textile des États-Unis sont descendues dans la rue pour manifester. Au Québec, les trois centrales syndicales, CSN, CEQ et FTQ, ont orchestré les événements de la première Journée de la femme en 1974. Notre lutte de femmes vers l'égalité de l'autonomie n'a pas été sans embûche, mais elle a porté ses fruits. Les réalisations gouvernementales, pour n'en citer que quelques-unes, sont bel et bien un exemple du progrès accompli.

En 1976, c'est la mise en place de cliniques de planning familial. En 1977, des subventions sont accordées aux maisons d'hébergement pour femmes victimes de violence. En 1978, le Conseil du statut de la femme élabore une politique d'ensemble de la condition féminine, soit: Pour les Québécoises, égalité et indépendance. Le gouvernement du Parti québécois institue un congé de maternité de 18 semaines. En 1979, date très importante, Mme Lise Payette devient la première femme ministre de la Condition féminine. A cette même époque, l'Office des services de garde est créé. En 1981, modification du Code civil: l'égalité entre les conjoints est reconnue. En 1982, amendement à la Charte des droits et libertés de la personne: interdiction de discrimination fondée sur l'état de grossesse. Un nouvel article interdit toute forme de harcèlement. En 1985, politique d'aide aux femmes violentées. En 1987, une politique d'intervention en matière de violence est préparée. Un service téléphonique permanent est mis sur pied à l'échelle du Québec afin de fournir à toute victime de violence l'information utile.

Nous avons aussi quelques statistiques réconfortantes qui nous permettent de constater que les femmes occupent de plus en plus la place qui leur revient dans la société québécoise. Le nombre de femmes inscrites au niveau du baccalauréat dépasse celui des hommes. Le taux d'activité des femmes sur le marché du travail

atteint plus de 50 %, alors qu'il était à peine de 30 % il y a une décennie. Dans deux cas sur trois, les femmes créent les petites et les moyennes entreprises.

Le portrait des vues réalisées par les femmes ne résume pas seulement ce que je viens de vous décrire. Toutefois, il est important de se tourner vers l'avenir et de dire à l'ensemble de la population que tout n'est pas accompli. Nos luttes pour l'égalité ne sont pas terminées et elles doivent se poursuivre. Pensons à la pauvreté qui frappe particulièrement les femmes chefs de famille monoparentale. On dit que 40 % des familles monoparentales, dont le chef de famille est une femme, vivent sous le seuil de la pauvreté. Pensons également aux inégalités salariales. En général, les femmes ne gagnent que 60 % du salaire des hommes. Une récente étude menée par nos centrales syndicales, la CSN, pour ne pas la nommer, nous pose cette question. Je vous la pose également: Pourquoi la titulaire d'un poste de commis ou de réceptionniste, pour lequel un secondaire V est exigé, gagne-t-elle moins qu'un préposé à l'entretien ménager, poste qui ne requiert aucune qualification? Pourquoi? Laissez-moi vous donner un indice. Les femmes occupent plus de 88 % des postes de commis ou de réceptionniste alors que les hommes, eux, occupent les postes de préposés à l'entretien ménager à plus de 90 %.

Les femmes et le pouvoir maintenant. Seulement un peu plus de 7 % des femmes occupent des postes de direction et d'administration en 1985. À l'Assemblée nationale, il n'y a que 15 % des députés élus qui représentent une population à 52 % féminine. Les emplois stratégiques sont encore trop souvent occupés par des hommes. Certes, il y a eu du progrès. Toutefois, notre société a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d'atteindre l'égalité et l'autonomie. Nous, les femmes, devons continuer notre lutte. Le gouvernement doit être sensible aux problèmes de ce groupe. Plutôt que de pénaliser les femmes chefs de famille monoparentale ayant des jeunes enfants, en diminuant leur prestation si elles désirent retourner à l'école, comme le propose le rapport sur la réforme Paradis, l'État doit soutenir davantage les familles ayant des enfants à charge. Au lieu de forcer les femmes assistées sociales à retourner sur le marché du travail, même si elles n'y retrouvent pas l'amélioration de leur situation, le gouvernement doit mettre en place des mesures incitatrices et doit surtout préparer une politique de plein emploi et des structures de travail tenant compte des attributs féminins. (15 h 30)

Les problèmes d'égalité, d'autonomie et de pauvreté surgissent encore aujourd'hui. Il est temps que le gouvernement respecte ses promesses. Qu'on pense à la promesse faite en 1985 quant à la participation des femmes au Régime de rentes du Québec. Il est plus que temps que le gouvernement soit conséquent dans ses actions. Comme je l'ai mentionné plus tôt les femmes ont fait un pas de géant au cours des dernières années. Toutefois, au rythme où vont présentement les choses au Québec, le 8 mars, Journée internationale des femmes, a plus que jamais sa raison d'être. Nos revendications et nos exigences actuelles seront légitimes et justifiées tant et aussi longtemps qu'au-delà des mots nous n'aurons pas atteint l'égalité dans les faits. C'est dans le respect et la solidarité des groupes que nous atteindrons cette réalité. Cette journée doit être utilisée pour indiquer à l'ensemble de la collectivité québécoise, et plus spécialement aux dirigeants politiques, qu'l reste encore beaucoup à faire pour atteindre ce but. Bonne journée à toutes!

Avant de terminer, M. le Président, j'aimerais saluer l'ensemble des femmes qui sont venues ici porter un témoignage, toutes ces femmes qui militent et qui prennent une part active dans l'avancement de la cause des femmes. Merci.

Le Président: Je vous remercie, Mme la députée de Marie-Victorin. Maintenant, je vais reconnaître une autre intervenante sur la même motion, Mme la députée de Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je veux, moi aussi, m'associer à ma collègue de Marie-Victorin pour souhaiter, en ce 8 mars, bonne fête à toutes les femmes de cette Assemblée, ainsi qu'à celles qui nous accompagnent dans les galeries cet après-midi, de l'Intersyndicale des femmes. Je veux également souhaiter le meileur 8 mars qui puisse être à l'ensemble des femmes du Québec, y compris les femmes pauvres.

Cet après-midi, M. le Président, puisque le 8 mars est le 8 mars de toutes les femmes, y compris celui des femmes pauvres, c'est d'elles dont j'aimerais vous parler. Il me revient en mémoire les paroles récentes de la présidente de la Fédération des femmes du Québec, lors de la présentation du mémoire de la fédération contre la réforme de l'aide sociale du ministre Paradis. La présidente de la fédération disait ceci: "Les mots générosité, solution dynamique, outil efficace, action concrète, ainsi que les mots dignité, autonomie, justice et équité brillent de mille feux dans la bouche du ministre et de son document. Bref, on a les mots pour le dire. Le problème, c'est qu'on ne se donne pas les moyens pour le faire. La plupart de ces mots, ajoute-t-elle, font partie du vocabulaire courant de la Fédération des femmes, particulièrement les mots autonomie et incitation au traval. Ce que nous désavouons, ajoutait la présidente, c'est l'utlisa-tion trompeuse qui en est faite dans le document d'orientation libérale, c'est tout ce qui se cache derrière cette façade."

Ainsi parlait la fédération sur cette réforme qui doit devenir un projet de loi, comme nous

avons pu l'apprendre cet après-midi, dès ce printemps. Ainsi parlaient et ainsi vont parler unanimement, sans exception, tous les groupes de femmes qui vont venir se présenter en commission parlementaire, qui l'ont fait depuis le 22 février et qui vont venir jusqu'au 1er avril. Qu'en dit la ministre déléguée à la Condition féminine? Il serait inacceptable qu'elle demeure sans voix quand il s'agit de défendre la cause des femmes les plus pauvres.

M. le Président, je voudrais me faire l'écho ici même, dans ce Parlement, d'une grande assemblée de femmes qui se tient aujourd'hui à Montréal, des femmes de tous les milieux, de toutes les générations, des femmes de douzaines d'organismes qui ont décidé de réclamer solidairement, à l'occasion de ce 8 mars, justice et équité pour les femmes assistées sociales. Ces femmes mettent en garde l'opinion publique contre le vocabulaire récupérateur du gouvernement pour masquer des mesures coercitives et discriminatoires à l'égard des femmes.

Durant le court laps de temps qui m'est imparti, j'aimerais porter à la connaissance des parlementaires de cette Assemblée et à la connaissance de nos concitoyens le sort qui sera réservé aux 245 000 femmes qui dépendent de l'aide sociale. Il n'est quand même pas superflu de parler de ce quart de million de femmes pauvres qui, loin d'obtenir la sollicitude et l'attention qu'elles méritent, font l'objet d'une campagne de discrédit, d'abord, de la part du ministre Paradis. Il faut connaître l'humiliation de ces femmes continuellement épiées dans leur vie privée, discriminées sur la base de leur vie maritale, pour comprendre quelles difficultés elles rencontrent tous les jours.

Près de 80 % des fameuses coupures de l'aide sociale leur ont été faites pour le motif d'une vie maritale appréhendée. Contrairement aux autres définitions que l'on retrouve dans les autres lois du Québec, aux autres définitions de conjoint de fait que l'on peut retrouver, par exemple, dans la Loi sur l'assurance automobile, dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, dans la Loi sur le Régime de rentes du Québec qui prévoient, sans exception, une résidence commune de trois ans pour établir la notion de conjoint de fait, le projet propose un an de vie commune pour décréter que le conjoint est maintenant responsable des obligations financières à l'égard de la conjointe.

M. le Président, vous me permettrez d'insister particulièrement sur le sort réservé aux femmes seules. Ce sont plus de 105 000 femmes seules, dont 25 000 femmes de 55 à 64 ans qui se voient offrir... Contrairement à l'engagement libéral durant la campagne électorale et je le cite: "Le PLQ a promis de combler, pour les célibataires et les personnes divorcées, âgées de 60 à 64 ans, bénéficiaires de l'aide sociale, la différence entre le montant perçu de l'aide sociale et la rente équivalente à l'allocation au conjoint à laquelle sont admissibles seulement les veufs et les veuves de 60 à 64 ans."... Pour tout de suite, M. le Président, dans le document d'orientation, ce qui est proposé à ces femmes seules de plus de 55 ans, c'est une diminution de prestation mensuelle de 43 $ sur le système actuel, les plaçant dans une catégorie dite "non disponible".

Le Conseil du statut de la femme, par la voix de sa présidente, Mme MacKenzie, disait en commission: "Le projet de réforme est synonyme de privations excessives pour les femmes seules qui constituent le groupe le plus nombreux de prestataires féminines. En effet, celles qui réussiront à n'affecter que 250 $ par mois à leur logement, en 1989, y compris électricité, chauffage et téléphone, ne disposeront pour tous les autres besoins que de 5,17 $ par jour si elles sont prestataires depuis moins de dix mois et de 5,67 $ par jour après ces dix mois." Alors vous comprendrez M. le Président, que la situation de ces femmes doit retenir notre attention particulièrement à l'occasion de ce 8 mars où le premier ministre annonce un projet de loi, dès ce printemps, qui irait dans le sens du document d'orientation.

Qu'en-est-il pour les femmes chefs d'une famille monoparentale? Je reprends les propos de la présidente du Conseil du statut de la femme: "Prenons l'exemple, disait-elle, d'une responsable de famille monoparentale qui aurait un enfant de moins de six ans et qui serait prestataire depuis moins de neuf mois." Elle ajoutait: "II ne lui restera que 13,17 $ par jour, une fois son loyer payé, pour elle et son enfant, pour satisfaire tous les autres besoins, que ce soient ceux du logement, de la nourriture, des vêtements, des soins personnels, de l'entretien ménager, du transport, des loisirs." Je le répète, M. le Président, 13,17 $ par jour, une fois le loyer payé. Ces neuf premiers mois écoulés, cette prestataire verra son revenu augmenter et c'est de 14,34 $ par jour dont elle disposera à partir de ce moment-là pour elle-même et son enfant. Alors, M. le Président, c'est une attitude qui va aggraver la situation déjà pénible, déjà difficile, convenons-en, de ce quart de million de femmes pauvres au Québec. (15 h 40)

Le refus de participer aux mesures prévues dans le document pour les chefs de famille monoparentale qui voudraient, par exemple - c'est leur choix, c'est une décision dont elles ne sont redevables qu'à elles-mêmes - continuer à assumer l'éducation d'un enfant de plus de deux ans, réduira leur prestation de 99 $ par mois, si elles ont un enfant, et de 53 $ par mois, si elles en ont deux. Le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail du Québec disait, à ce sujet, en commission: "Celles qui sont identifiées aujourd'hui comme une charge pour l'État et pour la société sont aussi des chargées d'enfants avec tout ce que cela implique d'énergie donnée et de présence quotidienne

gratuite. Hier, la maternité était leur seule fonction sociale reconnue; aujourd'hui, toute l'utïlté sociale de cet investissement humain est méprisée."

En terminant, M. le Président, nous avons entendu parier de politiques soutenant la famille, renforçant la protection sociale et favorisant la natalité. M. le Président, il ne faudrait pas oublier le sort des femmes pauvres et qui sont enceintes. Je rappelle quelques chiffres rendus publics en janvier de cette année par une imposante étude qui a été remise à la ministre de la Santé et des Services sociaux. Cette étude rappelle qu'une grossesse sur six au Québec est vécue par des bénéficiaires de l'aide sociale à qui on prévoit une réduction de prestations pour être non disponibles aux mesures du ministre Paradis, qu'une Québécoise enceinte sur cinq vit dans un état de pauvreté durant sa grossesse et que 7000 à 9000 Québécoises vivent dans des conditions d'extrême pauvreté durant leur grossesse. Il ne faudrait pas s'étonner, M. le Président, que des bébés de petit poids, des bébés de poids insuffisant naissent au Québec dans une proportion plus grande - les chiffres nous le révèlent - que ceux du Pérou ou du Maroc.

M. le Président, en terminant, je voudrais simplement rappeler ce que disait le Conseil d'intervention pour l'accès des femmes au travail: Sommes-nous en train de considérer les enfants comme un bien de consommation exclusivement réservé à ceux et à celles qui en ont les moyens? M. le Président, je souhaite qu'à l'occasion de ce 8 mars, nous nous portions solidaires aussi de ces femmes pauvres du Québec. Je vous remercie.

Le Président: Je remercie Mme la députée de Maisonneuve.

Pour son droit de réplique, je vais reconnaître Mme la ministre déléguée à la Condition féminine.

Mme Monique Gagnon-Tremblay (réplique)

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, cette Journée internationale des femmes en est une de réflexion, de sensibilisation et de solidarité, solidarité envers toutes les femmes des autres pays qui vivent dans la pauvreté, qui vivent l'injustice et qui vivent aussi de la discrimination. Donc, nous nous devons d'être solidaires avec ces femmes afin de les aider dans leurs démarches.

Vous comprendrez, M. le Président, que je ne pourrais clore ce débat sans faire part à cette Assemblée des principales réalisations du gouvernement libéral en matière de condition féminine depuis les deux dernières années.

Nous avons débuté par l'élaboration d'orientations triennales 1987-1990 et des plans d'action gouvernementaux 1986-1987 et 1987-1988; la mise en place d'un mécanisme permanent d'information et de concertation avec les groupes de femmes; publication du bulletin À la une, au gouvernement; tenue de la rencontre annuelle groupes de femmes-gouvernement; tenue de séances d'information thématique auprès des groupes de femmes.

Pour les femmes victimes de violence conjugale: financement accru pour les maisons d'hébergement et de transition, pour les femmes en difficulté et victimes de violence conjugale. En 1990, l'aide apportée aux maisons d'hébergement aura plus que doublé. Adoption et mise en oeuvre d'une politique d'orientation et de poursuites judiciaires plus énergique; lancement d'une campagne de sensibilisation visant à convaincre la population que la violence conjugale, c'est un crime, qu'il ne faut pas se taire; mise sur pied d'un service téléphonique permanent à l'échelle du Québec pour fournir à toute victime l'information utile dans son cas; réévaluation de l'administration, de l'application et de la portée de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels afin de rendre celle-ci plus efficace et plus accessible.

Pour la femme sur le marché du traval: augmentation substantielle des crédits aux services de garde; augmentation de la subvention de fonctionnement et de logement aux garderies; création d'un groupe de travail, le comité Presser, étape préalable à l'élaboration d'une véritable politique des services de garde; les deux hausses du salaire minimum qui touchent particulièrement les femmes, celles-ci constituant la majorité des personnes travaillant au salaire minimum.

En matière de formation professionnelle: une plus grande accessibilité aux femmes déjà sur le marché du travail ou désireuses d'y entrer; des programmes de recyclage leur permettant de s'adapter aux nouvelles réalités du monde du travail; l'injection de 6 500 000 $ sur trois ans pour l'implantation des programmes d'accès à l'égalité dans les municipalités, les réseaux de l'éducation, de la santé et des services sociaux ainsi que dans l'entreprise privée; l'adoption d'un programme d'accès à l'égalité dans la fonction publique permettant qu'à compétence égale soient préférées les femmes afin d'augmenter leur représentation là où la situation demande d'être corrigée; l'adoption de l'obligation contractuelle obligeant les entreprises de 100 employés et plus contractant avec le gouvernement québécois ou recevant des subventions pour un montant de 100 000 $ et plus à implanter des programmes d'accès à l'égalité.

Pour les femmes entrepreneures, la définition d'orientations triennales par le ministère de l'Industrie et du Commerce afin d'appuyer les femmes entrepreneures dans leur démarche d'intégration au monde des affaires et de définir des outils pour favoriser la croissance de leur entreprise; la mise sur pied d'un réseau de femmes d'affaires sur une base locale, régionale et nationale; l'organisation d'ateliers sur le

financement d'entreprises et les possibilités de concilier vie professionnelle et vie familiale; l'ouverture du programme Nouveaux entrepreneurs aux femmes collaboratrices.

Pour les femmes immigrantes, la mise en oeuvre du programme d'aide à la francisation des immigrantes, PAFI, auquel on a alloué 400 000 $ pour 1987-1988 et qui permettra notamment de faciliter l'intégration des femmes immigrantes au marché du travail et à la société québécoise. L'aide financière offerte peut aussi servir à offrir des services de garde éducatifs en français pour les enfants d'âge préscolaire des mères inscrites à ces cours.

Pour les agricultrices, la hausse de 8000 $ à 15 000 $ de la subvention d'établissement et l'abolition de la clause discriminatoire permettant de bénéficier de cette subvention; le lancement, en août dernier, d'une campagne de prévention des maladies transmises sexuellement et la mise en place d'un service d'informations téléphoniques sur les MTS; l'indexation automatique des pensions alimentaires depuis le 1er janvier 1988 suivant l'indice annuel des rentes.

Je dois vous mentionner, M. le Président, que cette année sera une année de poursuite. Nous envisageons le déblocage de plusieurs dossiers dont la politique des services de garde, le partage des droits économiques des conjoints, le projet sur la perception automatique des pensions alimentaires et la poursuite des travaux sur les scénarios possibles de participation des femmes au Régime de rentes du Québec.

Au nom de l'Assemblée nationale, je voudrais réitérer mes hommages à toutes les femmes du Québec.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Je vous remercie, Mme la ministre.

J'aimerais citer la motion présentée par Mme la ministre déléguée à la Condition féminine: "Que l'Assemblée nationale du Québec souligne la Journée internationale des femmes". Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Les travaux de cette Assemblée sont ajournés à demain matin 10 heures.

(Fin de la séance à 15 h 45)

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