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Version finale

32e législature, 5e session
(16 octobre 1984 au 10 octobre 1985)

Le mardi 26 mars 1985 - Vol. 28 N° 41

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures quatre minutes)

Le Président: À l'ordre!

Nous allons nous recueillir quelques instants.

Veuillez prendre vos places.

Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration ministérielle. À la présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Je vous demanderais, M. le Président, d'appeler l'article a) du feuilleton.

Projet de loi 26

Le Président: M. le ministre délégué aux Forêts présente le projet de loi 26, Loi sur les mesureurs de bois.

M. le ministre délégué aux Forêts.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Ce projet de loi propose une réforme complète de la Loi sur les mesureurs de bois. Ce projet remplace la loi actuelle qui remonte, pour l'essentiel, à 1941. Ce projet de loi a pour objet d'assurer la compétence des mesureurs de bois.

La section I détermine le champ d'application de la loi et l'étend à tout mesureur de bois titulaire d'un permis.

La section II traite des fonctions et pouvoirs du mesureur de bois.

La section III institue un nouveau bureau d'examinateurs des mesureurs de bois composé de trois membres dont un sera choisi parmi les personnes recommandées par l'Association des mesureurs de bois licenciés de la province de Québec. Ce bureau a notamment pour fonction de tenir des séances d'examens et de délivrer les permis de mesureurs de bois.

La section IV contient les dispositions relatives aux permis. Elle détermine certaines sanctions administratives que peut imposer le bureau et prévoit un mécanisme d'appel à la Cour provinciale des décisions du bureau en ces matières.

La section V contient les pouvoirs réglementaires du gouvernement.

La section VI crée des infractions et en établit les sanctions.

Enfin, la section VII prévoit les dispositions transitoires et finales.

Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se saisir de ce projet de loi 26? Il en est donc ainsi décidé. Oui, M. le député d'Outremont.

M. Fortier: Je voudrais demander au leader si nous aurons l'occasion d'entendre en commission parlementaire la Fédération des producteurs de bois privés du Québec qui ont demandé à plusieurs reprises un projet de loi comme celui-là. Je n'en connais pas la teneur, peut-être qu'il répond à leurs attentes.

Le Président: M. le...

M. Fortier: À tous égards... Est-ce que c'est le moment, M. le Président?

Le Président: Non, ce n'est pas le moment, mais qu'à cela ne tienne, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: Je pense que mon collègue comprendra que je ferai les consultations nécessaires pour pouvoir répondre à sa question.

Le Président: Dépôt de documents. M. le leader du gouvernement.

Rapport annuel du Conseil des collèges

M. Bédard: M. le Président, au nom du ministre de l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, je voudrais déposer le cinquième rapport annuel, 1983-1984, du Conseil des collèges.

Le Président: Rapport déposé.

Au dépôt de rapports de commissions, M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Consultation particulière sur le projet de loi 13

M. Marquis: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 20 et 21 mars 1985 pour procéder à une consultation particulière sur le projet de loi 13, Loi sur les parcs nationaux.

Le Président: Rapport déposé. Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Examen des orientations, des

activités et de la gestion de

la Régie du logement

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 27 novembre 1984 afin de procéder à l'examen des orientations des activités et de la gestion de la Régie du logement.

Étude détaillée du projet de loi 21

J'ai également l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 21 mars 1985 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 21, Loi modifiant la Loi sur le Régime de rentes du Québec et la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes. Le projet de loi a été adopté avec amendements.

Le Président: Les deux rapports sont déposés.

Au dépôt des pétitions, M. le député de Vanier.

Droits réclamés pour les accidentés du travail

M. Bertrand: M. le Président, j'ai deux extraits de pétitions à déposer conformément à l'article 64 des règles de procédure.

Premièrement, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée par 767 pétitionnaires regroupés sous le nom de Coalition pour le droit de négocier, invoquant les faits suivants: "Considérant que le projet de loi 42 n'offre pas de solutions aux problèmes soulevés par les victimes d'accidents et de maladies du travail; "Considérant que le projet de loi 42 enlève aux victimes des droits existants concernant les rentes à vie pour compenser les incapacités permanentes et la diminution de capacité de travail ainsi que les rentes à vie pour les conjoints survivants; et concluant à ce que: "Premièrement, soit réaffirmé le principe des rentes à vie qui tiennent compte de l'évaluation de la diminution de capacité de travail, article 38.4 de la Loi sur les accidents du travail; "Deuxièmement, soit réaffirmé le droit des victimes d'accidents et de maladies du travail d'aller en appel devant la Commission des affaires sociales; "Troisièmement, soit amendée la Loi sur les accidents du travail."

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Vanier.

Retrait demandé de l'avant-projet

de loi sur le régime de négociation

dans le secteur public

M. Bertrand: Comme je me suis engagé à le faire, je dépose aujourd'hui l'extrait d'une autre pétition reçue à mon bureau de comté et transmise par 10 181 pétitionnaires regroupés sous le nom de la Coalition pour le droit de négocier, invoquant que: "Tout régime de négociation du secteur public doit: "Premièrement, garantir aux travailleurs et travailleuses du secteur public le droit à la négociation de toutes leurs conditions de travail, y compris les salaires; "Deuxièmement, maintenir le droit de grève en permettant aux syndiqués d'assumer de façon responsable les services essentiels; et concluant à ce que: "Pour maintenir et développer la qualité des services dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et de la fonction publique, les pétitionnaires exigent le retrait de l'avant-projet de loi sur le régime de négociation du secteur public."

Le Président: Pétition déposée. M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer une pétition signée par 7000 pétitionnaires du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec qui invoquent les faits suivants: "Pour maintenir et développer la qualité des services dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et de la fonction publique, nous exigeons le retrait de l'avant-projet de loi sur le régime de négociation du secteur public et, pour permettre le règlement des problèmes qui se posent dans le milieu de travail, les règles du jeu doivent être convenues entre les deux parties, concluant à ce que tout régime de négociation du secteur public doive, premièrement, garantir aux travailleurs et aux travailleuses du secteur public le droit à la négociation de toutes leurs conditions de travail, y compris les salaires; doive aussi maintenir le droit de grève en permettant aux syndiqués d'assurer de façon responsable les services essentiels."

Le Président: Pétition déposée.

Intervention sur une question de fait personnel

Aux interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel, j'ai reçu dans les délais de la part du ministre des Communications une lettre dans laquelle il m'informe qu'il désire se prévaloir de l'article 71 de notre règlement concernant un article de la Presse canadienne diffusé dans certains journaux du Québec et portant sur la publicité gouver-

nementale. M. le ministre des Communications.

Article de la Presse canadienne sur la publicité

M. Jean-François Bertrand

M. Bertrand: M. le Président, me conformant au règlement de l'Assemblée nationale, je désire effectivement rectifier un certain nombre de faits relatés, hier, dans quelques journaux et qui ont été transmis par la Presse canadienne où on faisait état d'une hausse faramineuse du budget de publicité du gouvernement du Québec et où on indiquait qu'il y avait eu, au cours de l'année 1984-1985, une hausse de plus de 10 000 000 $ dans les campagnes de publicité du gouvernement du Québec.

Une voix: C'est cela.

M. Bertrand: Je veux donc donner les faits suivants, M. le Président, et vous verrez qu'il n'y aura pas de débat.

Premièrement, en 1983-1984, la somme des avis préalables autorisés par le ministère des Communications et le Conseil du trésor pour des campagnes de publicité gouvernementale a été de 12 477 948 $...

M. Blank: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: II y a un rappel au règlement. M. le député de Saint-Louis.

M. Blank: L'article 71 est pour rectifier des faits personnels. Jusqu'à maintenant, on n'a aucune indication...

Le Président: Allons, allons, allons.

M. Blank: ...que le député de Vanier a été mal cité. Il dit que les chiffres utilisés ne sont pas exacts. C'est une question de débat, une question d'opinion. Ce n'est pas ses privilèges, son honnêteté ou ses paroles mal citées qui sont en cause. Ce n'est pas cela du tout.

Le Président: Si nous lisons l'article 71, je conviens d'emblée avec vous que la question de fait personnel, depuis qu'elle existe dans notre règlement, soit depuis une quinzaine d'années maintenant, n'a jamais fait l'objet de balises très précises, ce qui complique la vie du président à cet égard, mais l'article 71 se lit ainsi: "Tout député peut, avec la permission du Président, s'expliquer sur un fait qui, sans constituer une violation de droit ou de privilège - ce qui est le cas - le concerne en tant que membre de l'Assemblée. Il peut, notamment mais il y a "notamment" - relever l'inexactitude du compte rendu d'un de ses discours, nier des accusations portées contre lui dans une publication ou expliquer le sens des remarques qui ont été mal comprises. Ses explications doivent être brèves et formulées de façon à ne susciter aucun débat." Il doit, une heure avant, me faire parvenir un avis.

Je conviens avec vous que jusqu'à maintenant, les explications du ministre des Communications ne corrigent pas des propos qui ont été mal cités. J'attire votre attention sur le fait que l'article 71 dit: "II peut, notamment..." Le mot "notamment" veut dire quelque chose. C'est donc une liste de choses qu'il peut faire mais elle n'est pas exclusive.

M. Blank: M. le Président, je ne veux pas contester votre décision mais si vous lisez les mots juste avant cela, cela parle de lui comme membre de l'Assemblée. Cela ne parle pas des politiques de son ministère ni des politiques du gouvernement, c'est lui, affaires personnelles.

Le Président: Vous savez que j'accorde une certaine importance à la distinction entre l'exécutif et le législatif mais je dois bien reconnaître que, dans ce cas-ci, lorsqu'il s'agit d'une question de fait personnel, il est toujours très difficile de faire cette distinction de manière absolue.

Depuis que je suis président, j'ai eu l'occasion de baliser la question de privilège de manière à éviter qu'on en fasse l'abus que l'on connaissait auparavant. J'ai reçu un certain nombre de remarques, de part et d'autre, des parlementaires, et parmi les plus expérimentés, indiquant qu'à défaut d'avoir la question de privilège qu'on utilisait à mauvais escient auparavant, il fallait quand même qu'il y ait en quelque sorte un mécanisme par lequel un député, fût-il membre du gouvernement, puisse s'expliquer sur une question qu'il estimait être de fait personnel.

En ce sens, à défaut de meilleure balise dans le règlement et dans la jurisprudence, encore une fois je reviens là-dessus, la question de fait personnel est très mal balisée dans la jurisprudence. À défaut de ce faire, j'ai, jusqu'à maintenant, à moins que ce soit une manière évidente qu'on ne corrige pas des faits qui ont été cités dans les journaux, le cas échéant, à défaut de ce faire, jusqu'à maintenant, j'ai permis les questions de fait personnel d'où qu'elles viennent sur un sujet comme celui-là. M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, me conformant au règlement et réitérant que cet article contient une grande majorité de faits qui sont totalement exacts, mais qu'il y en a certains qui sont inexacts, et je tiens à

rétablir un certain nombre de faits afin que l'article puisse être exact à 100%. Premièrement...

M. Gratton: Question de règlement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: M. le Président, à l'instar de mon collègue de Saint-Louis, je pense qu'on doit insister là-dessus. L'article 71 du règlement n'est sûrement pas là pour permettre à un membre du cabinet de rectifier des faits relatés dans un article de journal et qui pourraient être erronés, partiellement ou même complètement. Il me semble que l'article 71 est là pour régler le cas d'une discussion ou d'un discours qui a été fait ici à l'Assemblée nationale, qui a été mal rapporté dans les journaux, qui porte atteinte à la crédibilité ou à la véracité des propos d'un membre de l'Assemblée prononcés ici à l'Assemblée. Mais, de la même façon, on ne permet pas une question de fait personnel à un député qui est mal cité dans un discours qu'il prononce à l'extérieur de l'Assemblée nationale. On ne le permet pas de façon régulière ici. On ne peut pas permettre à un membre du cabinet de rectifier des faits qui comportent un jugement ou une appréciation de ce qui se passe dans son ministère. Ce n'est pas ici à l'Assemblée nationale que les faits que veut évoquer le ministre se sont produits, mais entre son ministère et le journaliste. Il me semble qu'à ce moment-là, il y a d'autres façons pour le ministre de rectifier les faits, et ce n'est sûrement pas par le biais de l'article 71 du règlement.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, j'inviterais le leader de l'Opposition à lire commplètement l'article 71. Il se rendra compte que, manifestement, cela ne touche pas seulement des corrections qui peuvent être faites par rapport à un discours qui a été prononcé à l'Assemblée nationale, mais également, l'article le dit: on peut "nier des accusations portées contre lui dans une publication ou expliquer le sens de remarques qui ont été mal comprises". Je pense que le sens de l'article 71 est beaucoup plus large que ne veut le laisser paraître le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Très brièvement, M. le Président.

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Je pense que la clef de tout l'article se retrouve aux troisième et quatrième lignes: "une violation de droit ou de privilège le concerne en tant que membre de l'Assemblée", non pas en tant que député du comté de Vanier ou en tant que membre du cabinet, ou en tant que ministre des Communications, mais en tant que membre de l'Assemblée. Or, ce que le ministre veut évoquer présentement, ce sont des interprétations des chiffres qu'un journaliste a données, non pas de déclarations faites ici à l'Assemblée nationale, mais d'un document dont l'Assemblée nationale n'a jamais été saisie. D'ailleurs, je vous dirai tout de suite, M. le Président, que j'aimerais avoir copie du document dont il a été question dans l'article. Cela n'a pas été déposé ici, à l'Assemblée nationale. Ce n'est donc pas en tant que membre de l'Assemblée nationale que le député veut rectifier des faits présentement, mais strictement en tant que membre du cabinet, ce qui n'est pas couvert par l'article 71.

Le Président: M. le député de Saint-Louis. Je m'excuse, M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, il me semble que le leader de l'Opposition veut circonscrire un peu trop vite le débat.

Le Président: J'avais vu le député de Saint-Louis se lever avant vous, M. le leader du gouvernement mais...

M. le député de Saint-Louis. (14 h 20)

M. Blank: M. le Président, si on lit l'article 71 on voit pour commencer une règle générale. La règle générale dit à la quatrième ligne: "...en tant que membre de l'Assemblée nationale", après quoi il y a trois exemples: "...relever l'inexactitude du compte rendu d'un de ses discours - c'est celui qui fait un discours qui doit s'opposer à l'interprétation de son discours - nier des accusations portées contre lui dans une publication - contre lui, non pas contre son ministère - ou expliquer le sens de remarques..." Ses remarques, non pas les remarques des communiqués de presse de son ministère. Cela doit être une affaire personnelle. C'est pour cela qu'on appelle cela des faits personnels. Ce ne sont les affaires de son ministère. Il peut faire une déclaration ministérielle, un communiqué de presse, un discours sur les crédits ou n'importe quoi, mais pas en vertu l'article 71.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Bédard: M. le Président, je voudrais simplement mentionner qu'on voulait limiter

ce qui a été dit concernant ce sujet puisqu'on sait très bien que sur le sujet dont traite à l'heure actuelle le député de Vanier, ministre des Communications, des questions lui ont été posées, ici à l'Assemblée nationale, et il a eu l'occasion d'y répondre. Il veut également apporter des corrections sur d'autres faits qui lui semblent inexacts, ce qui lui est permis par l'article 71.

Le Président: Sur la question de fond je veux bien prendre en délibéré ce qui est une question de fait personnel - je ne parle pas de celle-ci aujourd'hui - et revenir à l'Assemblée nationale ultérieurement avec une déclaration qui chercherait à baliser davantage ce qu'est cette question de fait personnel. J'attire toutefois l'attention des députés sur le fait qu'à la sous-commission sur la réforme parlementaire lorsque nous avons en quelque sorte revu et réécrit en bonne partie le règlement de l'Assemblée nationale, nous n'avons pas réussi à baliser mieux la question de fait personnel qu'elle ne l'était dans l'ancien règlement. Je conviens avec les députés qui soulèvent la question de règlement que c'est imprécis. On donne des exemples, on dit "notamment", ce qui ne veut pas dire que c'est exclusif; cela peut donc être autre chose. À partir du moment où on dit que cela peut être autre chose et qu'on ne précise pas, il est très difficile pour le président de restreindre la portée de la question de fait personnel. En vérité, il aurait peut-être été mieux d'enlever le "notamment" et de restreindre la question de fait personnel à des cas bien précis, à ce moment-là cela aurait été très clair. Mais à partir du moment où il y a le "notamment", je vois mal au nom de quoi je peux interdire à un député de soulever une question de fait personnel s'il estime, lui, qu'il s'agit d'une question de fait personnel. Au fond c'est lui qui le sait beaucoup mieux que moi jusqu'à ce que j'aie entendu complètement sa déclaration.

Sur ce, je veux donc bien prendre en délibéré la question de fond qui a été évoquée pour que ce soit mieux balisé, si tant est que c'est possible et peut-être par le biais de la sous-commission de la réforme, la question de fait personnel, mais pour l'instant, je vais accorder au ministre des Communications la permission de faire une question de fait personnel. Tant et aussi longtemps qu'il ne l'a pas terminée, je ne vais pas porter un jugement sur le fait si c'est, oui ou non, une question de fait personnel compte tenu des règles très larges qui existent dans notre règlement à cet égard.

M. le ministre des Communications.

M. Bertrand: M. le Président, dans l'article il était fait état qu'il y avait eu, entre les deux exercices financiers 1984-1985 et 1983-1984, une hausse de plus de 10 000 000 $ dans les campagnes de publicité gouvernementale. Je veux donc rectifier les faits, M. le Président. Premièrement, en 1983-1984, la somme des avis préalables autorisés par le ministère des Communications et le Conseil du trésor pour la réalisation de campagnes de publicité gouvernementale était de 12 477 948 $. Deuxièmement, les avis préalables autorisés par le ministère des Communications et le Conseil du trésor pour l'année 1984-1985 ont été de 18 097 148 $. Donc, une différence entre les deux exercices financiers de 5 600 000 $ et non pas de 10 000 000 $.

Cette différence est essentiellement attribuable au fait qu'en 1983-1984, la publicité touristique hors Québec était de 2 000 000 $ et qu'elle est montée en 1984-1985, hors Québec, à 4 900 000 $, donc une différence de 2 900 000 $ et aussi au fait qu'en 1984-1985, les événements ponctuels, tels la visite du pape et les fêtes du 450e anniversaire ont requis des dépenses de près de 1 000 000 $.

M. le Président, le 16 mars dernier, dans le Financial Post, le gouvernement du Québec se classait au 21e rang des annonceurs canadiens

Des voix: Ah!

M. Bertrand: ...comparativement au sixième rang pour le gouvernement de l'Ontario en 1983.

M. Gratton: M. le Président, il y a une limite:

Le Président: À l'ordre! À l'ordre! La question de fait personnel a pour but de corriger des faits erronés ou des citations erronées - j'y reviendrai ultérieurement dans les prochains jours - elle n'a pas pour but de reprendre le débat ou de lancer un débat sur la question, si bien que l'article du Financial Post n'étant pas en cause, on se demande ce qu'il vient faire dans la question de fait personnel et je vous prierais de conclure.

M. Bertrand: Je conclus, M. le Président, avec une seule phrase, puisqu'il a été question de hausse faramineuse: Pour l'année 1984-1985, sur le budget de l'État qui est de 25 900 000 000 $, la publicité représentait 0,0007.

M. Gratton: ...

Le Président: Je vous ai dit, M. le leader parlementaire de l'Opposition, en réponse à une de vos interventions tantôt -puisque vous revenez à la charge de votre fauteuil - que j'aurai à communiquer à la Chambre dans les meilleurs délais et dans la mesure du possible des normes visant à

mieux baliser la question de fait personnel. M. Bertrand: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le député de Vanier.

M. Bertrand: Tel que je m'y suis engagé face au député de Louis-Hébert la semaine dernière en réponse à certaines de ses questions, je dépose en deux copies la liste de tous les avis préalables de l'année 1984-1985 autorisés par le Conseil du trésor et le ministère des Communications.

M. Doyon: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: ...pourrais-je demander au ministre, étant donné qu'il est en train de déposer le document, de déposer aussi le CT du Conseil du trésor concernant les dépenses de son ministère, tel qu'il est fait mention dans l'article? Pourrait-il faire ce dépôt dès maintenant aussi?

Le Président: Le dépôt aurait dû être fait au dépôt de documents. Il intervient à un moment inorthodoxe, si bien que vous avez entendu la question du député de Louis-Hébert. Je ne veux pas poursuivre sur le sujet puisque nous sommes complètement en dehors des règles à l'heure actuelle. Nous arrivons, toutefois, à la période des questions des députés, mais la vraie, celle-là. M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

La position constitutionnelle du gouvernement du Québec

M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question s'adresse à l'honorable premier ministre. À plusieurs reprises au cours des derniers mois, le premier ministre a évoqué la réouverture imminente des pourparlers constitutionnels. En décembre dernier, lors du passage à Québec du premier ministre du Canada, il a reconnu que la balle était dans le camp du Québec et qu'il fallait, par conséquent, que le gouvernement fasse connaître à l'ensemble de ses partenaires canadiens ses conditions d'acceptation de la nouvelle constitution. Il a déclaré que ces conditions d'acceptation seraient connues autour de Pâques ou, avait-il ajouté, si ma mémoire est fidèle, entre Pâques et la Trinité. Comme nous arrivons à Pâques très bientôt, puis-je demander au premier ministre qui aurait, dit-on, pris en main lui-même le dossier constitutionnel, quand il sera en mesure de dévoiler la position du gouvernement dans ce dossier?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est exact qu'au mois de décembre - on a d'ailleurs eu l'occasion d'en reparler par-çi par-là, M. Mulroney et moi - un échéancier approximatif avait été établi entre nous qui devait nous mener à ceci. Vers Pâques, qui est très bientôt, le 7 avril - donc, ce n'est pas à une journée près, normalement, c'est-à-dire qu'en avril, il n'est pas trop tard - le Conseil des ministres aurait d'abord, c'est normal, la primeur du travail qui est en train de s'achever en ce qui concerne la position éventuelle du Québec en matière constitutionnelle et que dans les plus brefs délais le premier ministre fédéral serait mis au courant et que quelque part entre Pâques et la Trinité... Bien Seigneur! c'est vieux comme la religion catholique, je pense que c'est huit semaines après, la Trinité...

Une voix: Les élections?

M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas à la Pentecôte?

Une voix: Non, non.

M. Bédard: II ne le sait pas.

Une voix: Des élections au printemps? (14 h 30)

M. Lévesque (Taillon): Enfin... Je n'ai pas eu le temps de vérifier complètement, mais je crois que c'est à peu près huit semaines, ce qui ne veut pas dire qu'on irait jusque là, mais ce qui signifie simplement ceci: D'ici à la fin d'avril, sûrement, le Conseil des ministres aura pris position. Le premier ministre fédéral sera mis au courant et on espère que quelque part avant la fin du printemps, pour être plus simple, il y aura possibilité au moins de rencontres constitutionnelles. Je ne peux pas aller plus loin pour l'instant.

Le Président: M. le chef de l'Opposition.

M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre voudrait-il nous dire à quel moment il entend soumettre à cette Chambre ses propositions?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je suis absolument incapable de le dire au chef de l'Opposition sauf, bien sûr, que ce sera avant le mois de juin, le cas échéant. On revient après Pâques.

Une voix: Oui? Des voix: Ah!

Le Président: M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

La valeur du dollar canadien et la dette publique

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre des Finances. Il y a environ un mois, le premier ministre s'était montré, ma foi, satisfait de la perte de valeur du dollar canadien, indiquant à cette occasion que la dévaluation de 0,01 $ du dollar canadien par rapport au dollar américain représentait la création éventuelle de 6000 emplois. Je ferai remarquer au ministre des Finances qu'avec un raisonnement comme celui-là, cela prendrait un dollar canadien à 0,48 $ pour régler le problème des 130 000 jeunes chômeurs au Québec.

On pouvait également se demander si c'était là une politique du gouvernement de souhaiter une dévaluation additionnelle du dollar canadien jusqu'à ce que le conseiller économique du bureau du premier ministre ait également récidivé dans cette veine en fin de semaine, souhaitant une dévaluation de 15% du dollar canadien à 0,62 $.

Le ministre croit-il que ce soit là une approche qui doit tenir lieu de politique de création d'emplois pour le gouvernement? Est-ce que le ministre se rend compte que cela signifie une augmentation de l'encours de la dette publique du Québec de 2 500 000 000 $, des chiffres comme ceux-là? Est-ce que le ministre se rend compte que cela représente une augmentation possible de 15% des tarifs d'Hydro-Québec? En d'autres termes, est-ce que le ministre trouve que cela a du bon sens, une politique comme celle-là?

Le Président: Avant de céder la parole au ministre des Finances, j'attire votre attention sur le fait qu'il y avait quatre questions dans la vôtre et qu'il serait préférable de fonctionner une question à la fois, cela simplifie la longueur des réponses.

M. le ministre des Finances.

M. Duhaime: Pendant la conférence des premiers ministres, à Regina, sur l'économie, notre gouvernement a réitéré la position qui avait été annoncée en 1981 ou en 1982. Nous l'avions dit ici, à l'Assemblée nationale, en 1981 et cela a été dit lors d'une rencontre des premiers ministres du Canada alors que M. Trudeau était premier ministre, à savoir que nous ne souhaitions pas voir grimper vers le haut les taux d'intérêt et que, par voie de conséquence, nous souhaitions que la Banque du Canada ait une politique monétaire plus souple qui ne consistait pas essentiellement à intervenir, dans un premier temps, sur le marché des changes et, deuxièmement, à augmenter systématiquement le taux d'escompte.

Le député de Vaudreuil-Soulanges demande aujourd'hui si nous souhaitons un dollar plus bas et quel en serait le niveau. Je serais assez embêté moi-même d'en fixer le niveau. Tout ce que je puis dire cependant c'est que, compte tenu de l'inflation et des taux d'intérêt que nous connaissons aujourd'hui, il y a une marge qui pourrait être avantageusement utilisée pour faire en sorte que notre dollar canadien puisse refléter un peu mieux la réalité économique de tout le Canada.

En cela, le Québec ne défend pas une position isolée. C'était, sauf erreur, l'unanimité en 1982 et c'était encore l'unanimité il y a quelques semaines à Régina.

En d'autres mots, M. le Président, notre choix à nous est de faire en sorte que les taux d'intérêt restent bas, quitte à sacrifier quelques dizièmes de cents sur le dollar, mais que les investissements se fassent et que l'emploi vienne. Si j'ai bien compris les propos du député de Vaudreuil-Soulanges, qui est un peu le porte-parole de son chef ici, celui-ci souhaite un dollar très fort mais en même temps un chômage élevé. Nous nous choisissons l'option contraire.

Le Président: M. le député de Vaudreuil-Soulanges.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En demandant au ministre à quel endroit il a vu le chef du parti réclamer un chômage élevé, je demanderais au ministre des Finances s'il croit que cette politique de dévaluation souhaitée manifestement par le premier ministre n'est pas inflationniste, ne réduit pas le niveau réel de revenu des Québécois et des Canadiens et essentiellement ne remplace pas une politique cohérente de l'emploi. A quel moment est-ce que cette approche simpliste sera abandonnée pour que le gouvernement se donne une politique cohérente de création d'emplois?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Duhaime: J'ai hâte d'entendre la réaction de M. Miller, premier ministre sortant en Ontario, qui vient de se faire qualifier de simpliste de même que M. Lougheed. J'ai cru comprendre aussi que dans les semaines qui ont suivi Regina on a cru sentir, sans que l'on puisse l'affirmer en toute vérité, M. le Président, qu'il y a eu un peu plus de sensibilité je dirais au niveau de la Banque du Canada. Peut-être que M. Bouey et M. Wilson se sont parlé. Ce genre de discussion reste secrète mais l'effet net est là.

J'ajouterais que oui, c'est un risque que nous courons dans cette direction mais il ne

faut pas s'affoler non plus. Sur l'ensemble de la dette il est évident qu'il y a un encours qui est augmenté, mais vous connaissez très bien comme moi la ventilation de la dette du gouvernement qui est pour à peu près 76% à 77% en dollars canadiens, pour tout près de 7% à 8% sur ce qu'on appelle le marché exotique et, pour le reste, en devises américaines, soit 15% à 16%.

La dette d'Hydro-Québec est à peu près pour la moitié en devises américaines, mais parce que nous avons signé d'excellents contrats d'exportation d'électricité nous recueillons cette année 400 000 000 $ US et nous recueillerons dans trois ans 800 000 000 $ US, de sorte qu'à l'horizon 1990 je pense pouvoir risquer de dire que les revenus d'Hydro-Québec en dollars américains seront suffisants pour couvrir les intérêts de la dette américaine d'Hydro-Québec.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En terminant, est-ce qu'il n'est pas question, lorsqu'on parle au bureau du premier ministre, d'une dévaluation de 15% - donc de 0,10 $ - de plus que de quelques dixièmes de cent, est-ce qu'il n'est pas question de favoriser une politique monétaire? Est-ce qu'on va commencer à parler à la Banque du Canada et au gouvernement fédéral ou si on va se donner une politique de l'emploi au Québec?

Le Président: M. le ministre des Finances.

Une voix: Elle est bonne, celle-là!

M. Duhaime: M. le Président, je pense que si le député de Vaudreuil-Soulanges fait un effort, il va comprendre bien facilement ce que je vais lui dire. Si notre dollar se dévalue, on va se mettre d'accord pour dire que cela va donner une poussée à nos exportations, n'est-ce pas? En poussant nos exportations qui sont à un niveau incomparable en regard de n'importe quel pays membre de l'OCDE et même, si vous allez jusqu'au Japon, c'est 40% de la production intérieure brute qui est exportée chaque année. Sur la base d'un PIB qui fait à peu près une centaine de milliards, vous vous rendez compte que c'est tous les jours que chacune des entreprises du Québec exporte. Est-ce que ce n'est pas de l'emploi? Si vous vérifiez votre traité d'économie de première année aux HEC de l'Université de Montréal, vous allez voir que c'est écrit à l'intérieur.

Le Président: Dernière question complémentaire, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, suivi du député de Rosemont.

M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En se vantant des exportations avec un dollar à 0,62 $ recommandé par le bureau du premier ministre, à ce moment-ci, est-ce que le ministre des Finances peut nous indiquer de quel pourcentage l'inflation monterait, à combien les coûts de production de ce qu'on doit importer se répercuteraient, de quel montant on serait défavorisé, finalement, avec une telle politique?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président. Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît:

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, est-ce que je pourrais vous poser la question suivante? Dans un cas comme celui-là où quelqu'un qui est conseiller - et Dieu sait qu'il est extraordinairement utile au bureau du premier ministre quelques jours par semaine - mais qui garde sa liberté d'action à titre de professeur d'université et d'économiste reconnu à l'extérieur, est-ce qu'on peut attribuer - Dieu sait que je la respecte dans toute sa perspective - au bureau du premier ministre une opinion émise, je pense, en public par quelqu'un qui est purement contractuel et qui garde sa pleine liberté de parole? Est-ce que je peux le souligner, M. le Président?

Le Président: Oui, mais je pense que de poser la question, c'est un peu y répondre. M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Justement, je voulais m'enquérir auprès de vous, M. le Président, si on doit interpréter ce que vient de dire le premier ministre comme étant une affirmation, une reconnaissance qu'il a maintenant rapatrié le dossier de son conseiller économique? (14 h 40)

Le Président: M. le député de Rosemont, en complémentaire.

M. Paquette: M. le Président, en complémentaire au ministre des Finances. Depuis le 14 mars, moment où le gouvernement du Québec a fait savoir au gouvernement fédéral qu'il souhaitait une politique monétaire expansionniste, comment le ministre des Finances peut-il expliquer que la banque centrale ait dépensé autour de 2 000 000 000 $ pour soutenir la monnaie et que les taux d'escompte aient augmenté de 10,31% à 11,81% le 7 mars? Qu'est-ce qui lui fait croire que le gouvernement fédéral va se rendre à cette demande d'une politique expansionniste?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Duhaime: M. le Président, je serais assez embêté de vous expliquer ce qui se passe à l'intérieur de la Banque du Canada et les décisions d'intervention qu'ils prennent sur le marché des changes. Il faudrait possiblement vous adresser ailleurs pour poser cette question.

Ce que je constate, cependant - et je rejoins en cela une des interrogations qui m'était venue sur la base d'une pure hypothèse du député de Vaudreuil-Soulanges -il faut faire attention de ne pas tout lier ensemble. À l'époque où le dollar était à 0,80 $ américains, vous vous souviendrez que l'inflation se balladait autour de 11,5%, 12%, 13% et même davantage. Aujourd'hui l'inflation a été ramenée ici autour de 4% et vous avez un dollar qui est à 0,7274 $ hier soir aux nouvelles.

Il faut bien comprendre aussi que tout cela se lit dans une conjoncture d'ensemble. Je suis très heureux de constater qu'il y a un assouplissement du côté fédéral. La dernière chose qu'on devrait souhaiter en cette Chambre, c'est une politique braquée, comme on l'a connue dans le passé, qui consisterait à sauver le dollar à tout prix et à retrouver des taux d'intérêt de 18%, 19%, 20%, 22%, jusqu'à 22,5%. C'est dans ce temps que l'investissement arrête et c'est dans ce temps que les emplois cessent d'être créés.

Si on y pense sérieusement de l'autre côté, on va faire comme l'ensemble de tous ceux qui sont intervenus à la conférence de Regina, ils vont rejoindre notre position qui ne consiste pas systématiquement à dire: On veut un dollar au plus bas à tout prix. Notre position consiste essentiellement à dire de ne pas faire que le seul choix d'une politique monétaire consisterait à relever le taux d'escompte et faire grimper vers le haut dans une spirale affolante les taux d'intérêt. C'est là notre position.

Le Président: M. le député d'Outremont, dernière question complémentaire.

M. Fortier: M. le Président, sur le même sujet au ministre de l'Énergie et des Ressources, je voudrais qu'il nous dise s'il a lu les documents d'Hydro-Québec et s'il se rend compte que la baisse d'un cent du dollar canadien coûte à Hydro-Québec 30 000 000 $ et que la baisse de 0,10 $ coûterait 300 000 000 $. Est-ce qu'il est d'accord avec ses collègues sur un dollar plus faible qui rendrait le fardeau d'Hydro-Québec extrêmement élevé?

Le Président: M. le ministre des Finances. M. le ministre de l'Énergie et des Ressources.

Une voix: On peut tous vous répondre.

Une voix: On pourrait tous vous répondre.

Le Président: Allons, allons! Il y a une question qui a été posée.

M. Rodrigue: M. le Président, mon collègue a certainement eu un vieux réflexe étant donné qu'il était au ministère de l'Énergie et des Ressources, il n'y a pas longtemps. Effectivement, lorsque le dollar canadien chute d'un cent par rapport au dollar américain, il en coûte en intérêt additionnel... Il n'en coûte pas... il faut comptabiliser, dans les dépenses d'Hydro-Québec annuellement, 30 000 000 $ par cent de baisse du dollar canadien; et c'est le taux de change du 31 décembre qui permet à Hydro-Québec de fixer dans ses livres les sommes d'argent qu'elle doit prévoir pour compenser la baisse du dollar canadien. Cependant, cela n'entraîne pas un déboursé immédiat de la part d'Hydro-Québec. Cela n'entraîne même pas un déboursé au cours de l'année qui vient. Cela indique tout simplement que, si les taux de change demeurent ce qu'ils sont le 31 décembre, cela coûtera 30 000 000 $ du point à Hydro-Québec lorsqu'elle devra rembourser ses emprunts. C'est strictement une écriture comptable.

D'autre part, Hydro-Québec vend de l'énergie aux Américains en dollars américains. Comme il y aura un accroissement important de ses ventes au cours des prochaines années...

Une voix: De quel ordre?

M. Rodrigue: ...nous allons en venir éventuellement à un équilibre entre ce que Hydro-Québec reçoit...

Une voix: C'est cela.

M. Rodrigue: ...des Américains pour ses ventes d'énergie et ce qu'elle paie, d'autre part, pour l'intérêt sur les emprunts qu'elle a faits...

Une voix: Bravo!

M. Rodrigue: ...en dollars américains également, de sorte que tout cela va s'équilibrer et le flottement du dollar canadien, à ce moment-là, n'aura aucun effet sur l'équilibre financier d'Hydro-Québec.

Des voix: Bravo!

Le Président: Question principale, M. le député de D'Arcy McGee. M. le député de D'Arcy McGee.

Le dossier de la Sûreté du Québec

M. Marx: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre. Étant donnné que les négociations avec l'Association des policiers provinciaux du Québec durent maintenant depuis plus d'une année; étant donné que les négociations entre le ministère de la Justice et l'Association des policiers provinciaux sont rompues depuis cette nuit; étant donné que le ministre de la Justice a dit, il y a quelques jours, que la situation n'était pas grave, mais qu'elle le serait avec l'arrivée du printemps... Le ministre de la Justice a ajouté, et je cite la page 1 de la Presse du 22 mars 1985: "Le gouvernement n'a pas l'intention de fermer les yeux et d'attendre qu'il y ait des centaines de morts." M. le premier ministre, le printemps est déjà arrivé, et j'espère qu'on n'attend pas qu'il n'y ait même un seul mort. Ma question est à deux volets. Est-ce que le premier ministre entend rapatrier le dossier de la Sûreté du Québec comme il l'a fait pour d'autres dossiers dans divers ministères et comme il l'a fait aujourd'hui avec le dossier économique, les finances? Deuxièmement, si ce n'est pas le cas, le premier ministre...

M. Duhaime: C'est le dossier du...

M. Marx: ...a-t-il l'intention, comme cela a été indiqué dans le journal La Presse, de scinder le ministère de la Justice en deux pour nommer un ministre à temps complet qui aurait la responsabilité du dossier des policiers à temps complet?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): En dépit, M. le Président, de tout le plaisir que j'aurais à faire plaisir non pas au député de D'Arcy McGee, mais à son chef qui m'a fraternellement conseillé de faire ce que vient d'évoquer le député tout à l'heure, je crois que la question s'adresse au ministre de la Justice.

Une voix: Très bien!

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Johnson (Anjou): M. le Président, effectivement, les négociations ont été interrompues cette nuit, vers 1 heure. Malgré l'apparence de ce qui semblait être un climat d'ouverture à la réunion syndicale de l'Association des policiers provinciaux du Québec, nous avons constaté, à la table de négociation, une contre-offre qui a été qualifiée par le président du syndicat de finale, en lettres majuscules, nous a-t-il dit. Cette contre-offre demandait au gouvernement de verser, à compter du 1er janvier 1987, c'est-à-dire le lendemain de l'expiration des conditions fixées par décret, les sommes qui seraient revenues aux policiers provinciaux du Québec si la recommandation d'un arbitre avait été acceptée, si le gouvernement n'avait pas pris le type de décision qu'il a dû prendre en assumant ses responsabilités en fonction de la loi. Deuxièmement, le syndicat demande le maintien de l'extension des conditions de retraite pour cinq années additionnelles. Troisièmement, le syndicat demande le retrait de toutes les mesures disciplinaires.

Ayant qualifié cette offre de finale, M. le Président, le syndicat a, à toutes fins utiles, amené le président du comité paritaire à constater qu'il y avait là une absence de souplesse qui permettait de continuer quelque pourparler que ce soit.

Quant à l'avenir de ce dossier, je dirai qu'il sera évalué non seulement en fonction des paramètres que nous avons déjà évoqués quant à la nécessité pour le gouvernement, en termes d'équité sociale, de maintenir sa position sur la rémunération, mais également aussi en termes de la nécessité de retenir la notion qu'un corps policier ne peut pas fonctionner sans qu'on obéisse aux ordres.

Par ailleurs, il nous apparaît évident que ce sont des conditions en termes de sécurité publique et de maintien de la discipline et de l'ordre à la Sûreté du Québec qui nous amèneront à prendre les décisions que nous devrons prendre dans les heures qui viennent.

Le Président: M. le député de D'Arcy McGee, en complémentaire.

M. Marx: M. le Président, j'aimerais corriger le premier ministre, premièrement. J'ai déjà suggéré, depuis... (14 h 50)

Le Président: En complémentaire, M. le député. La question.

M. Marx: Est-ce que le premier ministre se souvient que j'ai déjà proposé que le ministère de la Justice soit scindé? Est-ce qu'il se souvient que j'ai suggéré cela en 1981, en 1983, en 1984 et en 1985? Le premier ministre va-t-il répondre à cette question? N'est-il pas vrai qu'il y a un conflit au niveau du ministre de la Justice, étant donné qu'il est responsable des négociations avec les policiers, qu'il est responsable des policiers qu'il répond pour ce dossier en Chambre et aussi que ce sera lui qui va poursuivre - le cas échéant - un jour ces policiers? N'est-il pas vrai qu'il y a un conflit? C'est une raison pour scinder le ministère.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je vide simplement la question de fond que pose le

député. Le cas échéant, cela pourra toujours être examiné, ce qu'on doit faire avec n'importe quel ministère. On l'a déjà fait, on le fera encore. Mais le député admettra que ce n'est pas d'ici 24 heures ou 48 heures, alors que d'ici 24 heures ou 48 heures il va falloir que des choses se fassent, qu'on va commencer à élaborer des remaniements de ministères.

Le Président: Une question principale, M. le député de Shefford.

L'administration des programmes d'aide aux PME

M. Paré: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. Je voudrais savoir s'il est exact, comme on le voit dans les journaux de ce matin, que les programmes d'aide au financement des PME vont être transférés d'Ottawa à Québec.

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Biron: Oui, M. le Président. Cela fait déjà passablement longtemps, de nombreuses années, que le gouvernement du Québec demande d'être beaucoup plus maître d'oeuvre de sa politique de développement économique. On a déjà signé une entente vis-à-vis des grandes entreprises, hier, à l'occasion d'une conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Industrie. Il fut convenu que toutes les provinces canadiennes pourraient bénéficier du rapatriement chez elle de l'administration des programmes qui concernent l'aide à l'investissement, la recherche et le développement pour la PME. Bien sûr, il faudra être prêts et, au Québec, grâce à la Société de développement industriel et aux actions du gouvernement du Québec au cours des dernières années, les négociations bilatérales entre Québec et Ottawa devraient commencer au cours des prochaines semaines. Nous espérons qu'avant la fin du printemps, dans le courant du mois d'avril ou du mois de mai, nous pourrons conclure ces négociations. Toutes les PME québécoises pourront dorénavant faire appel à un guichet unique au gouvernement du Québec pour avoir des réponses très précises et bénéficier en même temps des subventions qui viennent du gouvernement du Québec et de celles qui viennent du gouvernement fédéral.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Shefford.

M. Bisaillon: Le ministre a-t-il préparé une question additionnelle?

Le Président: M. le député de Sainte-Marie, si vous voulez prendre la parole vous savez que vous devez vous lever. M. le député de Shefford.

M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour, si on veut bien me laisser parler, deux petites questions supplémentaires. La première: Est-ce que tous les secteurs de l'activité industrielle doivent être inclus dans cette décision? Vous avez parlé des mois de mai et juin, mais est-ce qu'il y a un échéancier un peu plus précis du transfert de ces programmes qui a été établi hier?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Biron: Tous les secteurs industriels devraient être couverts. Les secteurs du tertiaire moteur et certains secteurs touristiques seront aussi couverts par cette entente. Comme je l'ai dit tout à l'heure, les négociations commenceront au cours des prochaines semaines et nous espérons qu'avant la fin de mai il y aura une entente officielle de signée. On parle de montants qui devraient tourner autour de 150 000 000 $ à 250 000 000 $ selon la forme d'entente à laquelle on en viendra et selon l'aide spécifique qui sera donnée aux entreprises québécoises.

Le Président: Une question principale... En complémentaire M. le député?

M. Pagé: Non, en principale.

Le Président: M. le député de Portneuf, d'abord.

Le conflit à Marine Industrie

M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au premier ministre et elle fait référence à un conflit qui est durement ressenti dans la région de Sorel-Tracy. Il comprendra que je me réfère au conflit à Marine Industrie, conflit qui affecte sévèrement, en termes économiques et en termes sociaux, la région, conflit où l'entreprise a perdu des montants importants en contrats et conflit en vertu duquel -parce qu'il dure depuis plus de sept mois -les travailleurs ont dû s'imposer des sacrifices exorbitants pour soutenir leurs revendications. M. le Président, je n'ai pas l'intention de réviser dans mon préambule chacune des étapes qui ont entouré ce conflit, mais je voudrais me référer, par ma question au premier ministre, à la déclaration jugée intéressante que formulait le député de Richelieu et aussi membre du gouvernement du Parti québécois en fin de semaine, et qui est reprise dans la Voie métropolitaine du lundi 25 mars. Celui-ci se référait à la possibilité que, tout le monde étant unanime à souhaiter que ce conflit se règle dans les

meilleurs délais, un moratoire soit imposé, en particulier en regard des congédiements. Ma première question s'adresse au premier ministre: est-ce que le député de Richelieu, le ministre du Revenu, lorsqu'il formulait une telle proposition qui a été jugée intéressante, au moins par une des parties, parlait au nom du gouvernement?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le député, ministre du Revenu, pourra préciser s'il le veut parce que, après tout, on prend son nom en vain. Mais une chose certaine est qu'il demeure vrai malgré le fait qu'on sait tous - on a eu l'occasion parfois de façon assez brutale de le constater encore ces jours derniers - à quel point cela peut faire mal après des mois et des mois; on sait tous aussi à quel point cela peut mettre en danger l'entreprise éventuellement si cela continue trop longtemps; on sait aussi que plusieurs centaines - je n'ai pas le chiffre exact - de travailleurs devaient être rappelés - c'est une sorte de fatalité qui est arrivée comme cela, mais quand même - au moment où la grève a éclaté. Ils devaient être rappelés à la suite de contrats additionnels qui arrivaient à Marine Industrie. Il est évident que personne ne souhaite autant que celui qui vous parle et ceux qui s'en occupent, y compris le ministre du Travail le premier bien sûr, qui souhaitent autant qu'on finisse par régler cela. Il reste essentiellement, d'après ce qu'on en sait, la question des sept congédiements; c'est une sorte de protocole de retour au travail si on veut. Seulement, je ferai remarquer au député - là-dessus s'il veut poser une question additionnelle au ministre du Revenu, il le pourra - qu'on ne se mêlera pas, comme gouvernement, d'aucune façon ni de la direction ni de l'administration, quelle qu'elle soit, d'une entreprise qui a sa pleine autonomie, qui connaît ses problèmes et qui, de toute façon, est responsable de les régler, sinon il n'y a plus de bon sens dans l'administration du secteur parapublic.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: ...l'essentiel de la question au premier ministre c'est de demander si lorsqu'un ministre parle, il parle au nom du gouvernement? Votre ministre a formulé une proposition dite intéressante et jugée intéressante en fin de semaine. Parlait-il au nom du gouvernement à ce moment-là? Aussi, le premier ministre pourrait-il non seulement pour le bénéfice des membres de la Chambre, mais aussi pour le bénéfice des gens dans la région nous dire: "Who is the boss?" Qui est le patron dans ce dossier? Est-ce le ministre du Travail? Est-ce lui qui est l'interlocuteur? Est-ce que c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce? Est-ce que c'est le ministre du Revenu qui est député de la région? Ou est-ce le ministre de la Justice qui est allé faire son petit tour en fin de semaine?

Le Président: M. le premier ministre. M. Martel: M. le Président.

Le Président: M. le ministre du Revenu, si la Chambre consent à vous entendre sur le sujet, je veux bien, seulement les règles de la période des questions sont très claires, les questions s'adressent au ministre dans le domaine de leur champ de compétence ministérielle. Qu'à titre de député ou au nom du gouvernement - je ne sais pas - vous ayez fait une déclaration, il faut bien comprendre que la question ne touche pas -il s'agit d'un conflit de travail - le ministère du Revenu et, par conséquent, c'est normalement au ministre responsable à y répondre, à moins que la Chambre ne consente à vous entendre. Y a-t-il consentement à entendre le ministre du Revenu? Bien. M. le ministre du Revenu, s'il y a consentement.

M. Martel: Comme député de Richelieu, contrairement à un candidat libéral qui dit que la grève est bonne pour la région parce qu'elle augmente les ventes des commerces au détail, le député de Richelieu essaie justement, depuis le début du conflit, depuis huit mois, de trouver des solutions c'est-à-dire de lancer des idées pour permettre aux deux parties de se rapprocher et d'en venir à une entente dans ce conflit qui paralyse cette industrie d'État depuis huit mois.

Il est évident, M. le Président, que j'ai lancé, comme député de Richelieu, différentes possibilités, par exemple, d'avoir cet arbitrage accéléré de façon à pouvoir trouver une solution à ce qui semble être ce qui achoppe dans ce conflit: les congédiements. Il est également évident que j'ai amassé des noms et, à ce moment-là, ce sont les deux parties qui devront juger si elles acceptent ou non cet arbitrage accéléré avec le nom qui a été avancé.

Comme député de Richelieu, je pense que nous ne pouvons rester insensibles à ce problème qui paralyse l'activité économique de notre région. Depuis le début de la grève, je suis intervenu comme député dans ce dossier et je suis intervenu au Conseil des ministres. Je pense qu'il serait grand temps que l'Opposition libérale et ses candidats éventuels jugent la situation comme étant grave et arrêtent de se faire du capital politique sur cette situation dans notre région.

(15 heures)

Le Président: M. le député de Portneuf.

M. Pagé: Question additionnelle au premier ministre, M. le Président. Le ministre du Revenu, le député de Richelieu, se réfère à sa contribution dans le dossier jusqu'à maintenant. Il se réfère, entre autres, à des idées qu'il a émises. Si on se réfère à l'arbitrage accéléré, cela a été refusé par les syndicats. Si on se réfère aussi au moratoire qu'il a proposé en fin de semaine, est-ce que le premier ministre est conscient que le directeur des relations publiques, M. Sarrazin, parlant pour et au nom de Marine, à midi, a réagi à la dernière proposition du ministre en disant qu'il n'en était pas question? Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait indiquer à cette Chambre si M. Pierre Carrier, qui est président du Parti québécois du comté de Richelieu, parlait au nom des péquistes du comté, dont le député, lorsqu'il a dit aujourd'hui même sur les ondes d'une station de radio que les informations fournies par la direction de Marine au ministre de l'Industrie et du Commerce sont biaisées et enfin, troisième volet, est-ce qu'enfin le premier ministre...

Le Président: Chaque question... Non, non, des questions à multiples volets qui se déploient... Une question à la fois - vous pourrez revenir en complémentaire - parce qu'il est impossible de contrôler la longueur des réponses. Lorsque des questions se multiplient, deviennent double question, triple question, quadruple question, à ce moment-là, comment voulez-vous qu'on contrôle le temps des réponses? M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais prendre seulement le dernier volet des multiples volets du député de Portneuf pour dire que ce que quelqu'un a pu dire, qui a pu être capté par le député de Portneuf et qui puisse émaner de quelqu'un qui est membre du Parti québécois, j'en suis absolument - pour l'instant - ignorant. Je vais vérifier et si, éventuellement, cela appelle une réponse, je la donnerai, mais disons que je prends avis de la présomption de fait que vient d'évoquer le député. C'est tout.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président: M. le député de Portneuf, complémentaire.

M. Pagé: ...compte tenu que le premier ministre n'a pas répondu au premier volet, à une des questions que j'ai posées, quel est l'interlocuteur dans ce dossier? Pourriez-vous nous le dire? Est-ce le ministre du Travail, le ministre de l'Industrie et du Commerce ou le ministre du Revenu? Et enfin, la véritable question: Quelles sont les dispositions que vous entendez prendre comme chef du gouvernement pour que le traumatisme vécu par ces travailleurs, par la compagnie et par la région se termine et que cette grève se règle? Cela fait huit mois.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Lévesque (Taillon): Je suis toujours ému jusqu'aux entrailles par les tons de sincérité successifs que le député de Portneuf, en particulier, peut employer. L'interlocuteur, c'est le ministre du Travail dans ce dossier. Peut-être qu'il pourra ajouter un mot.

Le Président: M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, j'espère que le député de Portneuf ne va pas s'étonner que plusieurs interlocuteurs particulièrement intéressés par le dossier fassent des suggestions, prennent des moyens pour essayer de mettre un terme à ce conflit qui, comme on vient de le dire, a duré maintenant à peu près neuf mois. Cependant, sur le fond de la question - et le premier ministre y a répondu tout à l'heure d'une façon qui me semble tout à fait claire - à partir des propositions dont les parties elles-mêmes ont discuté, à partir de certaines propositions qui ont fait l'objet de suggestions comme on vient d'en parler tout à l'heure, ce sont les parties elles-mêmes, à partir des mécanismes du Code du travail, qui vont prendre la décision d'en arriver à un règlement dans le dossier. Ce sur quoi je veux attirer l'attention du député de Portneuf. Les autres aspects du dossier qui font partie d'une convention collective ont fait l'objet de discussions et ont cheminé vers ce qui pourrait être une solution, laquelle solution est suspendue au règlement de ces sept congédiements qui, eux, normalement, font partie de ce qu'on est convenu d'appeler un protocole de retour au travail. Jusqu'à maintenant, les positions des parties sont telles qu'il semble difficile de les amener à un consensus quant à la possibilité d'un règlement, mais c'est à eux, encore une fois, à partir des mécanismes qu'on connaît, des mécanismes qui existent, à trouver cette solution. Je peux réitérer ici, pour l'utilité de ceux à qui cela peut s'adresser, qu'au ministère du Travail, autant le conciliateur qui a été affecté au dossier que les autres personnes qui le suivent quotidiennement sont à la disposition des parties et en aucun temps nous ne pourrions nous réimpliquer dans le dossier pour essayer de trouver la formule qui conviendrait aux deux parties.

Le Président: Dernière complémentaire, M. le député de Berthier.

M. Houde: Merci, M. le Président. Le 17 décembre 1984, j'ai demandé au premier ministre, étant donné que Marine Industrie touche mon comté et que le gouvernement détient 65% des parts, qu'il s'implique personnellement. Je ne demande pas qu'il fasse un miracle mais, bon Dieu! qu'il s'occupe de nos gens qui ont besoin de manger trois fois par jour.

Une voix: Ce n'est pas une question.

Une voix: Où est-il?

Le Président: Votre intervention était effectivement une intervention davantage qu'une question.

M. Bédard: Le premier ministre a répondu amplement à cette question.

Le Président: Question principale, M. le député de Deux-Montagnes.

Le sondage sur l'affichage bilingue au Québec

M. de Bellefeuille: M. le Président, ma question s'adresse au premier ministre dont le calme et la sérénité aujourd'hui font plaisir à voir. C'est une joie de l'interroger sur les intentions du gouvernement à propos de la Charte de la langue française. Est-il là? Est-ce qu'il est là?

M. Bédard: Pour vous, tout est possible. Une seconde.

M. de Bellefeuille: Merci beaucoup, M. le leader.

Une voix: Barrez les portes!

Une voix: Mettez un verre d'eau à côté de lui!

Une voix: Premier appel!

Une voix: C'est l'histoire de: Une fois! Deux fois! Trois fois! Vendu!

M. Bédard: Malheureusement, on me dit que le premier ministre est parti. Alors, je vous demanderais...

Des voix: Oh!

M. Bédard: Je suis convaincu qu'il est malheureux de se priver du plaisir de discuter avec notre collègue. Maintenant, on pourrait peut-être réserver la question pour demain.

M. de Bellefeuille: Non, M. le Président, avec votre permission, je poserai plutôt ma question au ministre responsable de la Charte de la langue française...

Le Président: Allez-y, M. le député.

M. de Bellefeuille: ... dont la sérénité est également une joie à constater. Le 16 mars, le ministre a informé les médias anglophones que le gouvernement avait commandité un sondage à travers le Québec pour déterminer si les Québécois étaient favorables à un affichage bilingue. Le ministre ajoutait que le gouvernement prendrait peut-être un beau risque dans le domaine de la langue comme à propos du régime fédéral. Le ministre peut-il nous dire s'il a pris connaissance des résultats du sondage et s'il a l'intention de les communiquer à la Chambre?

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: Ma réponse est non aux deux questions du collègue.

M. de Bellefeuille: En complémentaire, M. le Président.

Le Président: Oui, M. le député de Deux-Montagnes.

M. de Bellefeuille: Le ministre n'a pas pris connaissance des résultats du sondage; cela me paraît étonnant puisqu'il devait les recevoir avant la fin du mois. J'aimerais lui demander si le gouvernement a l'intention de proposer des modifications substantielles à la loi 101.

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: La consultation n'est pas terminée. Dès qu'elle sera terminée, il y aura sûrement des effets positifs sur les recherches que le gouvernement fait, sur ses études quant à l'attitude à prendre par rapport à ces questions vitales.

Le Président: M. le député.

M. de Bellefeuille: Vu l'importance de la question, est-ce que le ministre convoquera une commission parlementaire pour étudier la question? Si oui, à quel moment?

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: II est trop tôt pour répondre à cette question sur la tenue d'une commission parlementaire. Quand nous serons prêts, nous en informerons la Chambre.

Le Président: M. le député de D'Arcy

McGee, en complémentaire.

M. Marx: Additionnai question, Mr Speaker. In the future... is the Government telling us that in the future, minority rights, language rights or religious rights and other rights are going to be subjected to the result of Government surveys?

Le Président: M. le ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

M. Godin: Some people have stopped looking for solutions years ago, but we are always looking for solutions in every direction possible.

Le Président: Question principale, M. le député de Saint-Jacques.

M. Viau: Merci, M. le Président. J'ai reçu, en date du 1er mars dernier, une lettre d'un jeune homme de moins de trente ans de mon comté de Saint-Jacques.

Des voix: Ah!

Le programme de stage en milieu de travail

M. Viau: Ce jeune homme est bénéficiaire de l'aide sociale. Il m'écrit qu'il s'est inscrit au pseudo programme de relance de l'emploi Déclic, du gouvernement; malheureusement, les fonctionnaires lui ont dit que la région dans laquelle il se trouvait on n'avait pas d'employeur qui lui permettrait justement de participer à un programme qui pourrait l'employer. Ce jeune homme est technicien d'ajustage mécanique et il a une formation de soudeur. Il a donc deux formations. (15 h 10)

J'aimerais demander à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu si elle est capable de confirmer que près de 20 000 jeunes au Québec se trouvent dans une situation comparable à celle de ce jeune homme. Est-ce qu'elle pourrait nous dire si elle a l'intention, dans de très brefs délais, d'agir auprès de 20 000 jeunes qui sont simplement dans l'obligation de vivre de 156 $ par mois et, comme on l'a mentionné en fin de semaine, dans une situation qu'on considère une situation de misère?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: Oui, M. le Président. Si je comprends bien la question, le député de Saint-Jacques me demande si 20 000 jeunes sont dans la même situation que ce jeune qui lui a envoyé une lettre concernant l'impossibilité pour lui de participer à un stage qui semble assez spécialisé.

Pour ce qui est d'un cas très précis on essaie d'être très efficace. On reçoit les plaintes et on les traite rapidement. Ce que je peux vous dire c'est qu'il y a eu des problèmes d'ajustement au début du programme Stage en milieu de travail. À partir de maintenant c'est évident qu'il doit y avoir, à certains moments, pour certaines techniques ou certaines formations, encore des problèmes d'adéquation entre la formation que le jeune a et la demande d'un stage chez un employeur pour ce type de jeune. Cependant il ne s'agit sûrement pas de 20 000 jeunes puisque nous réussissons, de façon générale, à répondre à la demande des jeunes, qu'il s'agisse des stages, des travaux communautaires ou du rattrapage scolaire.

Il est évident qu'il y a sûrement à certains endroits quelques jeunes qui doivent attendre une réponse mais, de façon générale, on réussit à répondre à la demande.

M. Viau: Question additionnelle, M. le Pésident.

Le Président: Oui, M. le député.

M. Viau: Est-ce que la ministre ne pourrait pas nous confirmer, comme on l'a fait d'ailleurs en fin de semaine dans une conférence de presse par six corporations professionnelles, qu'il y a près de 20 000 jeunes Québécois de moins de 30 ans bénéficiaires de l'aide sociale qui ne sont couverts par aucun programme Déclic, que le gouvernement a décidé de sacrifier ces 20 000 jeunes en ne leur offrant pas des conditions de vie décentes et que le ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu n'a rien prévu pour ces 20 000 jeunes?

Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu.

Mme Marois: On a actuellement atteint 34 425 jeunes.

Des voix: Bravo! Bravol

Mme Marois: Je n'ai pas devant moi la ventilation du nombre, à savoir si c'est un jeune de 18 ans ou de 19 ans et s'il vit dans sa famille. Le député de Saint-Jacques fait référence aux 20 000 jeunes bénéficiaires de l'aide sociale de moins de 30 ans qui sont des jeunes autonomes, c'est-à-dire qui ne vivent pas chez leurs parents, chez un autre parent ou avec un conjoint.

Il est évident que chez les 34 425 jeunes rejoints, un certain nombre d'entre eux sont des jeunes autonomes. Au-delà de cela, j'ai demandé que dans les centres Travail-Québec on s'adresse d'abord aux jeunes qui avaient été plus longtemps à l'aide sociale parce

qu'ils risquaient de vivre une dépendance plus longue et à ceux qui étaient les plus mal pris et qui demandaient une intervention plus en profondeur, si on veut. Donc, une pointe ciblée vers ces jeunes plus en difficulté. Ils ne sont sûrement pas 20 000 actuellement puisqu'un certain nombre d'entre eux participent à l'une ou l'autre des mesures.

Des voix: Très bien!

Le Président: Fin de la période des questions.

Aux motions sans préavis, il n'y en a pas.

M. le député de Marquette.

Voeux à la communauté hellénique M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais obtenir le consentement unanime de cette Chambre afin que cette Assemblée exprime ses meilleurs voeux à la communauté hellénique du Québec à l'occasion de la fête nationale de la Grèce qui se célébrait hier le 25 mars.

Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion d'une telle motion?

Une voix: Consentement.

Le Président: II y a consentement. M. le député de Marquette.

M. Dauphin: Merci, M. le Président. C'est en 1821, après 400 ans d'occupation turque, que la Grèce obtint son indépendance, qui était désirée non seulement par la population grecque mais également par plusieurs autres pays.

Nous avons au Québec, et surtout dans la région de Montréal, environ 80 000 de nos concitoyens qui sont d'origine grecque et je me permets, comme porte-parole de notre formation politique, de célébrer avec eux la fête nationale grecque. Nous avons également dans notre formation politique le député de Laurier qui est d'origine grecque. Il s'agit du premier député de cette ethnie à représenter ses concitoyens à l'Assemblée nationale du Québec.

Je dirai simplement quelques mots. La communauté grecque représente une communauté extrêmement dynamique, une communauté qui apporte beaucoup à la société québécoise. J'aimerais, justement, souligner la célébration de la fête nationale grecque qui a eu lieu hier. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: M. le ministre des

Communautés culturelles et de l'Immigration. Une voix: En grec.

M. Gérald Godin

M. Godin: M. le Président, comme on dit en grec, kirié proédrè. Il me fait plaisir de me joindre à mon collègue, ainsi qu'à M. Sirros, député de Laurier, qui sera là bientôt, pour souligner unanimement le fait que les Grecs de Montréal ont célébré en fin de semaine ce qu'ils appellent la fête d'eleftheria, la fête de la liberté, la fête de l'indépendance de leur pays. Mais comme ils ont donné l'exemple de la démocratie aux Québécois, je souhaite qu'un jour, nous suivions leur exemple également dans ce domaine. Merci beaucoup, M. le Président, ef haristopoli.

Une voix: II ne parle pas l'anglais, lui?

Le Président: Mme la députée de Chomedey.

Mme Lise Bacon

Mme Bacon: C'est avec plaisir, M. le Président, que je me joins à mes collègues pour féliciter les membres de la communauté grecque du Québec et, spécialement, les membres de la communauté grecque du comté de Chomedey - ils sont nombreux dans Chomedey et ils sont nombreux aussi dans la ville de Laval, mais spécialement, dans le comté de Chomedey - et pour souligner les liens d'amitié qui existent entre les membres de cette communauté et les Québécois, ces gens qui sont venus ici travailler d'arrache-pied pour se tailler une place avec les autres Québécois. La communauté grecque vit ici et elle va rester avec nous afin de témoigner de son dynamisme et de sa fierté d'être parmi nous, d'avoir investi dans un avenir que ces gens préparent pour cette nouvelle génération qui est née ici au Québec.

J'aimerais en même temps exprimer toute ma fierté de représenter ces gens qui sont partie prenante de la vie québécoise et qui ont voulu, comme nous, être des témoins de ce que la démocratie doit être et peut être, puisque la Grèce est un pays qui a lutté et qui lutte pour la démocratie et pour les droits de l'homme. Je pense que c'est un pays qui a toujours été reconnu pour son respect de la démocratie. Il me fait plaisir de me joindre à mes collègues pour féliciter la communauté grecque et, en particulier, la communauté grecque orthodoxe de la ville de Laval.

Le Président: M. le ministre des Relations internationales.

M. Bernard Landry

M. Landry: Après ma collègue de Cho-medey, je veux aussi avoir une petite introduction lavalloise. Bien que je souscrive totalement aux paroles qu'elle a déjà prononcées, je voudrais ajouter que notre grande municipalité s'enorgueillit d'une école tenue par la communauté grecque, l'école Démosthène, qui est un des plus beaux fleurons du réseau pédagogique de notre ville.

Je voudrais élargir un peu aussi en dehors de notre île pour, à titre de ministre des Relations internationales, souligner l'excellente coopération qui existe entre le gouvernement grec et le gouvernement du Québec. Au cours de la dernière année en particulier, nous avons eu l'honneur de parapher une entente en matière de sécurité sociale qui fait que les ressortissants croisés des deux entités politiques jouissent maintenant d'une protection sociale qu'ils n'avaient pas auparavant.

Je veux aussi, à titre de ministre du Commerce extérieur, souligner le travail de cette grande communauté grecque de plus de 70 000 habitants avec laquelle j'ai eu l'honneur, d'ailleurs, de coopérer étroitement avant d'être député, en matière d'échanges et de commerce. Les Grecs issus d'une nation qui, en plus de ses autres vertus, a toujours pratiqué à un haut degré le commerce, la navigation, l'industrie de l'armement au sens maritime du terme, ont réussi, à partir de Montréal, à refaire des ponts avec leur mère patrie et, par ces ponts, transite maintenant un flot commercial de plus en plus abondant. Les Grecs donnent l'exemple à toutes les communautés de la façon dont ils peuvent contribuer à la balance des paiements du Québec. (15 h 20)

Je souhaite aussi, à l'instar de mon collègue des Communautés culturelles et de l'Immigration, qu'ils ne donnent pas l'exemple uniquement dans ces matières mercantiles puisque l'histoire même du peuple grec est un exemple pour l'aboutissement de l'histoire de tout peuple qui se respecte même s'il a connu une épreuve millénaire.

Le Président: M. le député de d'Arcy McGee.

M. Herbert Marx

M. Marx: Mr. Speaker, when this motion was tabled to congratulate the Greek community on the occasion of their independence, there are two thoughts that struck me. The first was that, when I was a young student I remember that everything that we studied in school really started with the Greeks: philosophy, the scientist Archimedes, the philosophers such as Plato and Aristotle and others; and a lot of our learning, and a lot of our language, both English and French, comes from Greek roots.

My second thought was that the Greeks have always fought for liberty, fought for the rights of man. Many people gave their lives for this freedom and liberty that the Greeks fought for, not only Greek people but also such notables as Lord Byron, the English poet who went to Greece in the 1820s to give his live for Greek independence.

So, I think that we have a lot to be thankful for to the Greek people and this is an occasion when we want to thank them for what we owe them and to congratulate them on their Day of Indépendance. Thank you, Mr. Speaker.

Le Président: M. le député de Laurier. M. Christos Sirros

M. Sirros: Je ne pouvais pas m'en passer, M. le Président. M. le Président, je veux d'abord dire que je suis très content et très heureux de voir qu'il y a eu tant de collègues qui ont et présenté la motion et décidé de parler à l'occasion de la fête nationale de la Grèce. Il faut que je vous dise que parfois, jusqu'à maintenant, je me suis senti un peu... Je ne sais pas trop comment le dire mais, étant donné que je suis d'origine grecque, je me sentais pas mal placé mais je ne voulais pas nécessairement forcer la chose sur les gens parce que je suis ici et que je suis d'origine grecque.

Je suis très content de voir que c'est quelque chose qui a été souligné ici à l'Assemblée nationale depuis au moins quatre ans maintenant, peut-être avant même que je sois venu, cinq ans. De voir aussi l'intérêt que les gens commencent à avoir et à prendre envers la communauté grecque au Québec, à Montréal en particulier, de voir non seulement que ce sont des personnes qui peuvent, certes, présenter un intérêt certain pour les partis politiques, mais qu'ils sont effectivement des citoyens et des gens qui ont un rôle, une place puis une position dans la société québécoise, étant donné que c'est ici qu'ils ont décidé de venir vivre et s'implanter.

La fête nationale de la Grèce, c'est effectivement le cent soixante-quatrième anniversaire de la journée où les Grecs, après 400 ans d'occupation turque, ont décidé de dire une chose, un cri de ralliement finalement: La liberté ou la mort! Il n'y avait pas de liberté, M. le Président et c'était effectivement leur cri de ralliement qui les a conduits à mener une longue guerre de huit ans, neuf ans avant de finalement réussir à avoir une petite part de ce qui était anciennement la Grèce pour pouvoir effectivement se retrouver parmi la communauté des nations.

Depuis toujours, les Grecs ont voyagé,

les Grecs sont allés s'installer ailleurs que simplement dans la Grèce. Dans ce sens, ce n'est pas seulement le coin du pays qui est important mais c'est aussi les valeurs et la culture. C'est une chose dans laquelle je reconnais, non seulement parmi les Grecs mais parmi, si je peux parler ainsi, le peuple québécois, les Européens, une certaine affinité parce que, comme cela a été souligné finalement, les racines ou les débuts des valeurs qu'on considère aujourd'hui nos valeurs dans le monde occidental ont effectivement commencé en Grèce avec la culture, la littérature, la philosophie, les arts, la médecine, les sciences, etc.

Je suis très content et très fier de faire partie de ce peuple, d'être d'origine grecque. Je suis également très fier de me retrouver ici aujourd'hui, M. le Président, à l'Assemblée nationale, au Québec, et de participer à cette motion de félicitations.

En terminant, étant donné qu'on a établi un petite tradition depuis quelques années et depuis que le ministre lui-même se permet d'intervenir en grec, vous me permettez de vous dire: Kirié progore epitrepste mou na po dio logia sta ellinika. Thelo prota apo olla na ephitho se olous tous simparikous hronia polla gia tin ethniki mas eorti, ke na poume zito I ellada, zito o ellinismos tou Quebec. Ef haristo poli.

Une voix: Vous êtes demandé au Journal des débats...

Le Président: Si vous souhaitez que ce soit dans le Journal des débats, M. le député, puis-je vous demander de le mettre par écrit, de manière qu'on puisse, sur cela, s'y retrouver, de même que les paroles de M. le ministre qui ont été prononcées en grec. Malheureusement, les fonctionnaires des services ne sont pas à ce point polyglottes qu'ils puissent se permettre de connaître toutes les langues. Si vous souhaitez que ce que vous avez dit en grec, de part et d'autre, soit dans le Journal des débats, nous aurions besoin du texte. Cela étant, la motion du député de Marquette est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Toujours aux motions sans préavis.

Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bertrand: Oui, M. le Président, mardi le 26 mars 1985, après les affaires courantes, donc à compter de maintenant jusqu'à 18 heures et de 20 heures jusqu'à 22 heures, à la salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 6, Loi modifiant diverses dispositions législatives pour favoriser la mise en valeur du milieu aquatique et, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec pour l'année 1985 et entendra à cette fin les membres du conseil de direction d'Hydro-Québec.

Je donne aussi avis, M. le Président, que mardi le 2 avril 1985, de 10 heures à 11 heures, à la salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements entreprendra l'étude détaillée du projet de loi no 226, Loi concernant la ville de Brossard.

Le Président: Cet après-midi, après les affaires courantes, donc dans quelques minutes, la commission de l'Assemblée nationale se réunira à la salle 101 de l'édifice Pamphile-Le May, afin d'étudier des modifications au règlement de l'Assemblée nationale qui sont proposées par la sous-commission sur les réformes parlementaires et d'entendre le Directeur général des élections afin d'étudier des règlements découlant de la Loi électorale. Il y aura un court Bureau de l'Assemblée nationale, une affaire de cinq minutes, à compter de maintenant, à la salle 193, immédiatement derrière l'Asemblée nationale.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Cela étant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Gratton: M. le Président...

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Oui, en vertu de l'article 34 du règlement, M. le Président, j'aimerais vous demander un renseignement sur le préavis inscrit au feuilleton au nom du député de Sainte-Marie. Il s'agit d'une motion de censure en vertu de l'article 296 des règles de procédure. Dois-je comprendre que cette motion sera débattue de façon prioritaire à la séance de jeudi de cette semaine?

Le Président: Si la motion est reçue... Non pas qu'elle pose quelque problème quant à sa forme, mais l'article pertinent du règlement, l'article 297 se lit: "Le Président répartit les motions de censure entre les groupes parlementaires d'opposition, en tenant compte de la présence de députés indépendants." J'ai pris connaissance du fait qu'il y avait une motion d'inscrite au feuilleton aujourd'hui. Vous me permettrez de rendre une décision à ce sujet demain.

Oui, M. le député de Sainte-

Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, tout en acceptant que vous rendiez une décision à ce sujet demain, j'ai toujours compris le règlement de la façon suivante: C'est que la répartition se fait en tenant compte de la présence de députés indépendants, mais à partir du moment où il y aurait deux motions inscrites simultanément. À partir du moment où une seule motion de censure apparaît au feuilleton, est-ce qu'elle ne devient pas automatique? Est-ce que sa discussion ne doit pas être appelée de façon automatique aussi?

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Gratton: Si cela devait vous faciliter la tâche quant à la décision que vous entendez rendre\ demain, M. le Président, j'aimerais vous indiquer, au nom de l'Opposition officielle que nous n'avons aucune objection à ce que la motion du député de Sainte-Marie soit débattue jeudi.

Le Président: Dans ce cas, je suis même prêt à prendre ma décision aujourd'hui. Elle sera effectivement débattue jeudi. Mais pour ce qui est de l'argument soulevé par le député de Sainte-Marie, j'aimerais quand même y répondre. Les motions de censure, comme vous le savez il y en a six dans une session, non pas dans une partie de session, dans toute une session et cela peut durer longtemps. Si on acceptait l'argument que vous avez soulevé, l'argumentation que vous avez faite, il y aurait une course à la motion de censure dès le début de la session, de manière à s'assurer que sa propre motion de censure ait priorité sur la motion de censure de qui que ce soit d'autre. Ce n'est pas pas le sens de l'article. De la façon dont j'interprète l'article, cela permet au président de refuser une motion, parce que, dans l'équilibre qu'il doit chercher à retenir entre le groupe ou les groupes parlementaires de l'Opposition et les députés indépendants, il y aurait un déséquilibre favorable à l'un ou à l'autre, soit le groupe parlementaire de l'Opposition, soit celui des députés indépendants. (15 h 30)

M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: Effectivement, je dois reconnaître que je faisais un peu l'âne pour avoir du son. L'admission du leader de l'Opposition me convient parfaitement.

Le Président: Ce qui nous mène aux affaires...

Oui, M. le député de Richmond.

M. Vallières: M. le Président, est-ce que le leader du gouvernement peut nous indiquer si la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation siégera cet après-midi?

Le Président: La réponse est négative parce qu'il n'y a pas d'avis qui a été donné.

M. Vallières: M. le Président... Le Président: Oui, M. le député.

M. Vallières: ...vous me permettrez d'indiquer que les groupes ont été convoqués, l'Office du crédit agricole est déjà en nos murs.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, il y a effectivement deux commissions dont le travail a été commandé par le leader du gouvernement. Je crois également que la commission de l'Assemblée nationale doit siéger, mais nous n'aurions aucune objection à ce que, également, la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation puisse tenir ses travaux si elle le désire.

Le Président: II faudra donc, en effet, puisque trois commissions doivent siéger, avoir le consentement unanime de l'Assemblée nationale pour que la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation puisse siéger. Y a-t-il consentement à cet effet?

Une voix: Consentement.

Le Président: Dans ce cas la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation - par défaut - siégerait à la salle 81 puisque c'est la seule salle qui est disponible.

Projet de loi 199 Adoption du principe

Ce qui nous mène donc aux affaires du jour et à l'adoption du principe du projet de loi 199, Loi modifiant la charte de la ville de Québec.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, il s'agit de l'article 19 du feuilleton. Il y a eu une entente à savoir que nous pouvions procéder à l'adoption du principe de ce projet de loi.

Le Président: Donc, le principe du projet de loi 199 est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Blouin: M. le Président, je présente donc une motion en vertu de l'article 236 des règles de procédure pour déférer ce projet de loi à la commission de l'aménagement et des équipements.

Le Président: La motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Blouin: Je précise que le ministre des Affaires municipales sera également membre de cette commission parlementaire.

Le Président: Cela fait partie de la motion.

M. Blouin: M. le Président, également, je présente l'avis pour que la commission de l'aménagement et des équipements entreprenne l'étude détaillée du projet de loi 199 dont nous venons d'adopter le principe. La commission se réunira à la salle 91 aux dates et aux heures suivantes: mardi, le 2 avril 1985, de 11 heures à 12 h 30 après les affaires courantes, ensuite jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures; mercredi, le 3 avril 1985, de 10 heures à 13 heures et après les affaires courantes jusqu'à 18 heures.

Le Président: M. le député de Sainte-Marie.

M. Bisaillon: M. le Président, j'avais compris, au moment où nous avions été consultés sur le projet de loi 199, qu'on acceptait que la deuxième lecture se fasse immédiatement sans discussion, mais que cela supposait aussi que la commission parlementaire entendrait au moins les représentants municipaux. Or cela n'apparaît pas dans l'avis que vient de nous faire le leader. Je voudrais lui demander si c'est toujours son intention de le faire.

Le Président: M. le député, c'est à la commission de décider de de procéder à une consultation particulière. Je crois comprendre que l'intention est là mais que la motion sera faite, le cas échéant, en commission.

Toujours aux affaires du jour, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Cette fois nous allons aborder l'article 5 de notre feuilleton et poursuivre la discussion sur la modification du Code civil du Québec.

Projet de loi 20

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Président: Nous reprenons donc le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. La parole est à Mme la députée de Jonquière.

Mme Aline Saint-Amand

Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de m'associer à cette Chambre pour discuter du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens, qui constitue l'aboutissement de 25 ans d'efforts afin de réformer en profondeur un Code civil dont le rajeunissement était rendu nécessaire. Rajeunissement ou plutôt souci d'ajustement aux nouvelles réalités sociales auxquelles est confronté le Québec. Le Code civil constitue les fondements de notre droit et pour cette raison il doit être le reflet des valeurs profondes qui sont les nôtres. Ces valeurs ont bien changé depuis quelques années. Ainsi a-t-on littéralement assisté à l'éclatement de la famille traditionnelle, caractérisée par une union religieuse stable et durable à laquelle venait se greffer, au cours des années, un nombre important d'enfants. La famille a dû évoluer à travers des crises économiques et sociales qui ont joué un rôle déterminant dans la transformation de sa structure, la condition de vie des femmes a, elle aussi, changé considérablement de visage au cours des dernières années, mais pas nécessairement pour le mieux.

La crise économique a rendu leur situation plus aiguë et les oblige à subir un état de pauvreté qu'elles n'ont aucunement demandé. Leur place plus grande dans la société doit être d'autant reconnue dans le Code civil si ce n'était que pour favoriser une amélioration de leur situation économique. Le Code civil doit donc évoluer dans le sens de ces situations et permettre tant aux familles qu'aux individus qui les composent de vivre le plus harmonieusement possible. Le Code civil est là pour appuyer ce développement en harmonie et les individus et leurs besoins sont au coeur de cette réforme qui a et aura des implications tant aux plans économique et social tout comme celles d'ailleurs du droit à la famille.

La réforme de notre Code civil a, en effet, commencé en 1980 avec l'adoption de la loi 89 portant sur ladite réforme du droit de la famille. Ce fut la première partie de toute cette réforme qu'on amorça dans la redéfinition de notre conception même du terme famille. Nous n'avions pas le choix, en

fait, compte tenu de l'évolution fulgurante qu'a connue la famille québécoise.

La seconde partie de cette réforme c'est celle que nous étudions aujourd'hui avec le projet de loi 20. Et encore davantage que le livre sur les personnes ou sur les biens, celui sur les successions se situe en continuité directe avec le livre sur la famille. Car l'évolution sociale de la famille y est encore une fois prise directement à partie. Il nous faut, en effet, nous demander qui, lorsqu'un membre d'une famille décède, constitue réellement sa famille et a ainsi droit de demander sa part d'héritage. Doit-on considérer les frères, soeurs, parents, neveux et nièces sur le même pied que le conjoint survivant et les enfants du défunt?

Deuxièmement, il nous faut nous interroger à savoir où, ou plutôt à quel niveau, se situent les responsabilités d'une personne qui décède à l'égard des personnes qui étaient à sa charge avant son décès. Finalement, quelle place doit occuper le conjoint survivant dans la succession d'une personne, compte tenu qu'une majorité des conjoints survivants sont des femmes parce que - il ne faut pas se le cacher - beaucoup plus de femmes survivent à leurs conjoints. On constate donc que la famille et la condition de la femme sont encore une fois au coeur de la question.

Ce projet de loi mérite donc de notre part une attention des plus détaillées pour éviter que, dans la précipitation d'une élection qui vient, tout comme en 1980, on n'examine pas, outre les principes, les mécanismes d'application qui décident dans la pratique de l'efficacité d'une mesure.

Comment ne pas oublier, et je dois dire que jour après jour les femmes de partout à travers la province s'empressent de nous le rappeler, plusieurs dispositions du Code civil portant sur la famille, dont deux plus particulièrement ne sont pas appliquées parce que inapplicables. Celles-ci sont les clauses concernant la déclaration de la résidence familiale et la prestation compensatoire.

En aparté à ce discours, j'en profiterais pour rappeler au gouvernement que bien peu de lois qu'il a adoptées en faveur des femmes fonctionnent bien actuellement. Mentionnons rapidement le partage des crédits de retraite au moment d'un divorce et la perception des pensions alimentaires. Mais pour revenir aux points précis de la prestation compensatoire et de la déclaration de résidence familiale, il me faut relever les propos du député de Vachon qui, le 13 mars dernier, parlant sur ce projet de loi, indiquait à cette Chambre: "Je peux dire que quatre ans après l'adoption de la première tranche du nouveau Code civil, le gouvernement du Québec a toutes les raisons de se féliciter des progrès accomplis dans ce domaine. Personne ne peut nier les bienfaits des dispositions relatives à la prestation compensatoire de même que celles qui touchent la résidence familiale. Cette étape, poursuit le député de Vachon, ayant été franchie et appliquée d'ailleurs avec succès, le gouvernement a maintenant l'intention de procéder à l'adoption, avant la fin de l'année en cours, de ce qui constitue la suite logique de la réforme du droit de la famille." (15 h 40)

Ou les députés ministériels sont aveugles, M. le Président, ou ils n'ont absolument rien compris de ce mécanisme du Code civil. De toute façon, ni l'un ni l'autre n'est excusable, surtout lorsque tous et chacun ne cessent de critiquer les procédures d'application de ces principes. L'idée de ces mesures était certes innovatrice, mais faut-il encore que cela fonctionne, et j'ai crainte qu'on ne répète la même erreur avec le livre du Code civil sur les successions, principalement en ce qui concerne la créance alimentaire. Le gouvernement a fait le choix de conserver la liberté de tester qui est chez nous un principe et, plus même, une coutume très difficile à abandonner pour un gouvernement, je le concède. Il a préféré adopter une solution mitoyenne qui surprend, elle aussi, par son caractère innovateur.

La situation économique dans laquelle se retrouvent plusieurs femmes ayant survécu à leur conjoint appelait une solution qui permette à ces dernières de bénéficier d'une part des biens que leur mari avait accumulés au cours de sa vie et, très souvent, grâce à elles. L'idée de la créance alimentaire n'est pas mauvaise en soi, mais elle soulève un certain nombre d'interrogations qui ne peuvent facilement être résolues. Et la première de ces interrogations consiste à se demander si le conjoint qui survit songera même à demander cette créance, si elle ne lui est pas accordée de facto. À ceux qui me répondront oui, je leur rappellerai l'exemple du partage des crédits de retraite au moment d'un divorce où seulement 6% des couples qui divorcent font une demande de partage de leurs crédits de retraite accumulés au cours de leur vie commune.

Est-ce la même situation qui se répétera? Dans l'alternative où l'on adopte le principe de la créance alimentaire, d'autres problèmes subsistent qui rendront, certes, son application difficile. Selon le projet de loi 20, c'est l'exécuteur testamentaire, nouvellement appelé le liquidateur, ainsi que les héritiers, qui ont la responsabilité de fixer le montant de la créance alimentaire, après consultation des descendants. Or, comme on le sait, dans la pratique en matière de succession, il est très souvent ardu d'en arriver à une entente et, en ne prévenant pas les abus de la liberté illimitée de tester, on oblige le conjoint à aller devant le tribunal pour faire valoir son droit dont il a le fardeau de la preuve. De plus, la mise en branle du système judiciaire est

décourageante pour le conjoint en deuil qui, d'une part, doit entreprendre des procédures contre la succession, très souvent composée des membres de sa famille, et, d'autre part, doit effectuer des démarches longues et coûteuses.

À notre avis, le recours au tribunal ne devrait être que l'exception. Or, la méthode d'application de la créance alimentaire risque d'en faire la règle. Et quelle règle, M. le Président? Une règle qui prolongera de deux à trois ans tout le règlement des procédures et qui retardera d'autant le paiement de la créance. De plus, le projet de loi rend complexe la détermination même de la valeur de la succession, en permettant un retour en arrière de trois ans sur tout ce que la personne décédée avait donné. Il y aura donc déjà un délai et des complications de départ dans la seule fixation du montant de la créance. Tout cela nous amène à nous interroger sérieusement sur les visées du gouvernement dans ce dossier. Veut-il répéter à l'infini l'expérience malheureuse du partage des crédits de retraite au moment d'un divorce ou de la prestation compensatoire ou désire-t-il mettre sur pied une mesure non seulement innovatrice, mais aussi applicable? En ce cas, n'y a-t-il pas lieu de rendre les modalités beaucoup plus abordables du fardeau de la preuve s'il refuse l'entente et en limitant peut-être de cette façon le recours judiciaire? Cette question ne doit sûrement pas être traitée rapidement. Elle mérite qu'on l'étudie plus profondément afin d'y donner tout l'impact qu'elle mérite dans la révision des droits des successions.

Le second point dont j'aimerais discuter concerne la dévolution successorale dans les cas de décès sans testament. Le projet de loi 20 propose que le conjoint survivant recueille la moitié de la succession s'il n'y a qu'un seul autre descendant au premier degré et que par contre il ne recueille qu'un tiers de la succession s'il y a plus d'un autre descendant au premier degré.

La majeure partie des groupes qui ont défilé en audition devant la commission parlementaire ont réclamé que le conjoint survivant recueille la moitié de la succession en tout temps. Nous croyons cette demande très justement formulée. Car lorsque les enfants atteignent leur majorité ou lorsqu'ils sont majeurs au moment de l'attribution de la succession, le conjoint survivant se retrouvera en situation d'insécurité financière beaucoup plus grande, et il n'est que trop juste envers celui-ci qu'on reconnaisse sa direction morale et matérielle de la famille par l'assurance d'une certaine sécurité économique particulièrement quand vient le moment de la retraite. D'autant plus que ceux qui ne font pas de testament et qui auront donc recours à cette procédure sont habituellement des personnes qui ont peu de revenus et qui seront par conséquent beaucoup plus désavantagées par un partage de la succession les défavorisant.

L'article 737 me laisse pour sa part encore plus sceptique. L'objet de cette réforme étant la modernisation du Code civil, je m'interroge sur le bien-fondé de laisser encore autant de prérogatives aux collatéraux privilégiés, soit les frères et soeurs du défunt ainsi que les neveux et nièces, s'il y a lieu.

Doit-on laisser encore autant de place aux membres de la famille élargie? Notre conception moderne de la famille ne doit-elle pas laisser au conjoint survivant toute la place qui lui revient comme pilier à part entière de la cellule familiale? Le Conseil du statut de la femme relève à propos que, de son vivant, le défunt n'a aucune obligation légale alimentaire ou d'entretien envers les membres de sa famille élargie. Pourquoi, une fois décédé, en aurait-il? D'ailleurs, dans le cas de décès avec testament, et sauf lorsque la succession est considérable, qui pense encore de nos jours à léguer des biens à ses neveux et nièces? Le Code civil portant sur les successions a la responsabilité de se demander quelles sont les personnes les plus importantes qui entourent le défunt. À ce titre, le conjoint ne peut être mis de côté et doit compter sur la complète collaboration du législateur.

Comment ne peut-on pas rappeler aux membres de cette Chambre que 70% des femmes âgées vivant seules ont des revenus qui se situent au dessous du seuil de la pauvreté? Le défi des années quatre-vingt pour les femmes c'est l'acquisition d'une plus grande autonomie économique. À cet égard, le rôle des successions est de plus en plus prépondérant et doit être examiné à fond. Le gouvernement a certes eu de bonnes intentions à l'égard des droits à accorder aux femmes, mais la timidité ou le caractère incomplet de certains articles rendent cette réforme très problématique pour les femmes.

Il ne sert absolument à rien, comme le font les députés de l'autre côté de cette Chambre, de se vanter des droits que leur gouvernement a accordés aux femmes mais qu'ils ne fonctionnent absolument pas. Comme le concluait d'ailleurs le Conseil du statut de la femme dans son récent rapport sur le projet de loi, les femmes ont appris, trop souvent à leurs dépens, les conséquences de laisser aux tribunaux le soin d'interpréter et d'encadrer certaines dispositions législatives.

Les femmes n'ont que faire de droits arrachés aux tribunaux après des poursuites continuelles et coûteuses; elles désirent une loi simple, cohérente, respectueuse des traditions et des valeurs modernes de notre société et surtout facilement applicable. Mon souhait le plus cher, en tant que parlementaire, est que nous soyons à même de leur offrir cette loi. Je vous remercie, M.

le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Affaires sociales. (15 h 50)

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je suis heureux de voir que le gouvernement passe à l'action. Car de 1955 à 1965, cela a été comité de travail par-dessus comité de travail. De 1965 à 1975, cela a été l'Office de révision du Code civil, mais sans jamais aboutir à rien. C'est le gouvernement actuel qui, en 1980, a commencé véritablement à réexaminer le Code civil et, en particulier, d'une façon plus spécifique, au cours de l'année 1980, le droit de la famille. Aujourd'hui, la réforme qu'on présente à la population québécoise vise essentiellement les droits de la personne et les droits des successions et des biens.

Je pense, en tant que ministre des Affaires sociales, que les droits de la personne doivent primer en ce qui regarde ma préoccupation comme ministre de la santé et des services sociaux et c'est plus particulièrement de cela que je voudrais parler aujourd'hui. Tout d'abord, je constate, à la lecture de la loi 20, que plusieurs articles parlent d'intégrité de la personne, notamment quant aux soins, par exemple, de garde en établissement, d'examens psychiatriques, du respect des droits de l'enfant, du respect de la réputation, de la vie privée et, également, du respect du corps après le décès.

Le Code civil vient donc asseoir dans une loi de portée générale les droits fondamentaux de l'individu, de la personne. C'est ce qui faisait écrire au frère Untel, M. Desbiens, cette semaine: "II est beaucoup plus important d'avoir des modifications au Code civil que d'avoir n'importe quel amendement à une loi sectorielle. Pourquoi? Purement et simplement parce que notre Code civil devient l'assise de base, celle qui sert à toute interprétation sur lequel code assoit toutes les législations sectorielles, quelles qu'elles soient." Je partage ce point de vue. Je pense qu'il est possible de réaliser des modifications axées fondamentalement sur cette valeur qui est l'intégrité et le respect de la personne.

Donc, nous sommes prêts aujourd'hui à agir, comme je le disais tantôt, après des années et des années de tergiversations, d'études de toute nature et, enfin, on peut présenter quelque chose qui se tient, quelque chose qui nous permettra de faire face aux situations actuelles de l'évolution du Québec et également de l'évolution future des Québécois.

Le gouvernement propose donc cette primauté de la personne humaine dans toute cette réforme. Il nous faut reconnaître que l'égalité et l'autonomie des personnes sont indispensables devant toute législation, quelle qu'elle soit. Cela suppose, pour plusieurs catégories de personnes, cependant, la mise en place de moyens soit judiciaires, de moyens administratifs pour qu'on puisse vraiment réaliser ce respect de l'intégrité, ce respect de l'égalité et de l'autonomie des personnes. C'est ce que proposent un tant soit peu les amendements proposés au Code civil.

Beaucoup d'individus et de groupes se sont prononcés en commission parlementaire. Je dénombrais personnellement au moins 23 représentations qui ont eu lieu au cours de la commission parlementaire durant laquelle onze groupes qui émanaient du secteur des services sociaux ou de la santé se sont exprimés d'une façon passablement intéressante sur l'intégrité de la personne comme telle.

Je pense que les groupes, tout en divergeant sur certaines modalités, en nuançant la portée de certains droits, ont quand même apporté quelque chose de positif quant à la réforme du Code civil. Je pense qu'en 1985 on ne peut soumettre une personne à des soins de santé, par exemple, sans que celle-ci n'y consente personnellement. Il me semble que les articles 23 et suivants du Code civil, dans les propositions d'amendements de la loi 20, démontrent clairement que l'individu doit donner son consentement à quelque traitement que ce soit. De plus, dans le domaine de la santé, l'individu, la personne, le bénéficiaire est en droit de savoir la nature même des soins qu'on lui prodigue. C'est un droit fondamental qu'on reconnaît maintenant par ces amendements et qui, je l'espère, contribuera à faire respecter davantage l'intégrité de la personne, à connaître quels soins on veut bien lui prodiguer et, également, à exiger de la part des professionnels de la santé le consentement de l'individu qui se présente pour tel ou tel soin, à qui on veut prodiguer tel ou tel type de soins.

Je pense aussi qu'en 1985, il est important de regarder l'évolution du respect de l'individu dans le domaine des soins de santé. Je pense, entre autres, à la maison Sarrazin qu'on vient de mettre sur pied à Québec, sans laquelle des bénéficiaires en phase terminale auraient séjourné dans des hôpitaux traditionnels, à qui on aurait injecté d'une façon très régulière une médication ou une drogue pour éviter la souffrance trop ponctuelle ou trop aiguë à certains moments. Au contraire, nous allons vivre une expérience qui, je l'espère pour nos bénéficiaires en phase terminale, sera des plus concluantes comme type d'expérience, parce qu'on permettra à ces gens, qui, lucidement, savent qu'ils n'en ont pas pour

longtemps à vivre, de vivre dans un décor dans lequel, au moins, ils aiment vivre, dans ce type de maison spécifique pour eux. Je pense que c'est humaniser les soins de santé; c'est permettre à ces gens, peut-être, de se gâter un peu. Quand on sait qu'on a peu ou presque pas de temps, on désire toujours au moins profiter pleinement des derniers instants qui nous restent. Ce type d'expérience que nous conduisons présentement à la maison Sarrazin devrait nous permettre, précisément, de donner à ces bénéficiaires cette dignité fondamentale qui leur revient de droit dans une phase terminale. Nous pourrons permettre, par ce type d'expérience, d'exaucer les dernières volontés de ces gens qui ont peu ou presque pas de temps à vivre.

Bien sûr, malgré ces amendements au Code civil, il n'en demeure pas moins que, dans des situations de cas précis, les corps médicaux ne perdent pas leur possibilité d'intervention. Dans le cas, par exemple, d'un accidenté grave où le type arrive inconscient à l'hôpital, où il doit y avoir intervention immédiate et qu'on n'a pas le temps d'obtenir le consentement du tuteur, des parents ou des enfants et qu'il y va de la vie même de l'individu, à court terme, le Code civil n'affecte pas ces situations. Il en est de même dans les cas, par exemple, de personnes dans le coma. Il est bien évident qu'à ce moment-là le corps médical conserve la possibilité d'une intervention immédiate. Je pense, cependant, qu'il nous faut, dans la mesure du possible et chaque fois que la chose est possible, aller chercher ce consentement qui, bien sûr, assure le respect de l'intégrité, ce respect qui assure la primauté de l'autonomie de la personne sur quelque loi que ce soit, sur quelque principe que ce soit.

Si on avait écouté fondamentalement tous les intervenants, on serait allé encore plus loin. Je lisais encore dernièrement le témoignage de l'Association des centres hospitaliers du Québec qui faisait primer le principe d'autonomie de la personne sur celui de la conservation de la vie. Je vous avoue que c'est aller passablement loin. Cela démontre qu'il y a beaucoup de personnes qui s'interrogent. Il y a des débats philosophiques, il y a des débats moraux qui se font sur ces sujets. Je pense que les mesures annoncées dans la loi 20 font en sorte qu'on puisse vraiment protéger l'individu.

Dans le Code civil, on parlera du consentement du mineur de 14 ans, qui est encadré, cependant, par des approbations. On parlera de la protection du malade mental, de la maladie mentale. Je suis heureux d'annoncer ici que, dans quelques semaines, mon ministère publiera un avant-projet de politique sur la santé mentale qui suscitera un large débat dans notre société et nous permettra, sans doute, de dégager des consensus. On parle de désinstitutionnali-sation, on parle de permettre à l'individu de vivre dans une société normale, dans un milieu naturel. Et on sait que cela peut provoquer toutes sortes de braquages dans notre société. On sait qu'il y a des gens qui, par manque d'information, se braquent à la seule idée de l'existence d'une maison pour malades mentaux sur telle ou telle rue. On a vu des citoyens se soulever, s'opposer alors que d'autres provinces et d'autres pays, beaucoup moins avancés que le nôtre ont réussi à désinstitutionnaliser, à faire en sorte que nos malades souffrant de handicaps mentaux puissent vivre dans un milieu naturel avec un encadrement, bien sûr. (16 heures)

II nous faudra donc faire un large débat là-dessus et dans quelques semaines cet avant-projet que mon ministère publiera pourra permettre à l'ensemble de la population de discuter de ces politiques, de les bonifier au besoin et de faire en sorte qu'on puisse, dans quelques mois, avoir une politique de santé mentale cohérente.

J'invite donc tous les citoyens intéressés, tous les syndicats de salariés, tous les conseils d'administration, les professionnels impliqués, à participer à l'élaboration d'une politique définitive. Cet avant-projet se voudra purement et simplement un déclencheur d'une discussion nous conduisant à une véritable politique de la santé mentale au Québec.

Je pense qu'on pourrait continuer à regarder ce qu'on propose dans la loi 20. On propose aussi le prélèvement d'organes dans le Code civil maintenant. Qu'est-ce qu'on dit concrètement? On aurait bien pu publier l'ensemble des législations, que ce soit dans les autres provinces canadiennes, que ce soit en France, que ce soit aux États-Unis. On sait très bien que dans certaines législations, par exemple, il s'agit qu'un individu consente avant son décès à donner un organe et, s'il décède, l'organe peut être prélevé.

Dans d'autres législations, c'est le contraire. C'est l'absence de consentement préalable qui fait qu'on peut utiliser les organes d'un individu. Pour d'autres, il faut qu'on s'oppose ou qu'on se prononce avant. Mais peu importe l'ensemble de ces législations, je pense que dans un respect de la personne, on introduit un nouveau mécanisme dans le Code civil qui nous permettra d'améliorer notre banque d'organes, que ce soit pour des transplantations rénales, du coeur ou d'autres organes. On sait pertinemment que la science n'a pas évolué au point d'avoir des organes artificiels encore et qu'il nous faut avoir une banque suffisamment importante, suffisamment imposante pour répondre aux besoins constants que nous avons dans ce secteur, et Dieu sait si l'expérimentation a franchi des

pas de géant depuis quelques années. Donc, cet aspect est nouveau. Il nous permettra de répondre à des besoins sans cesse grandissants.

Donc, en un mot, en ce qui regarde le domaine de la santé, le Code civil nous présente une réflexion nouvelle, du droit nouveau qui nous permettra tout en assumant le plein respect de la personne, de son intégrité, jusqu'au consentement préalable, je pense que cela dénote une volonté du gouvernement du Québec et même de l'Assemblée nationale parce que ce débat doit se faire au-dessus de toute partisanerie politique puisque cela devient l'assise de toutes nos législations sectorielles par la suite. Je pense que ce pas que nous nous apprêtons à franchir comme Assemblée nationale, comme gouvernement, nous permettra de faire évoluer notre société, d'asseoir nos futures législations sur un code qui reconnaît d'abord les droits fondamentaux de la personne et qui permettra d'évoluer sainement, de faire face aux situations actuelles et futures d'un Québec en pleine évolution. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il un autre intervenant?

M. Fallu: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des Relations avec les citoyens.

M. Élie Fallu

M. Fallu: M. le Président, je suis un peu pris de court puisque je croyais que le Code civil intéressait davantage nos amis du Parti libéral, mais enfinl

Je me permets de parler dans ce débat aujourd'hui d'une façon peut-être simple -j'espère ne pas être simpliste étant donné que je ne suis pas moi-même avocat - un peu comme le citoyen qui fait lecture de la proposition du Code civil que nous avons devant les yeux. J'observe que, d'après sa rédaction même, par sa facture, par l'organisation des chapitres, par le vocabulaire qui est utilisé, l'exercice qu'on nous propose à l'Assemblée nationale permettra de rapprocher le Code civil, qui est l'outil majeur dans une société, l'architecture de base de nos relations de droit dans notre société, du monde. Car les deux chapitres proposés du Code civil, à savoir les droits de la personne, les successions et les biens, simplifient l'ancien code, amènent, je dirais, une compréhension beaucoup plus facile. Sa structure interne, comme je le disais, amène une logique qui est plus contemporaine et, en somme, c'est une véritable modernisation. Mais je n'ai pas à faire cet éloge. Je pense que, déjà, notre collègue, le ministre de la Justice, l'avait très bien fait en reprenant l'histoire du code depuis des siècles et l'histoire de cette restructuration depuis vingt ans.

Permettez-moi plutôt de faire une lecture du code du point de vue du citoyen et de la citoyenne en fonction de cette simplification, de cette harmonisation et surtout de l'adaptation des droits, de la reconnaissance, je dirais, de nouveaux droits, pour l'exprimer très simplement, de l'harmonisation entre le droit et une morale sociale qui est nouvelle dans notre société, qui a évolué.

La première réflexion que je ferai portera sur la jeunesse, puisque dans le passé, et d'une façon systématique, les jeunes dans notre société étaient les enfants, c'est-à-dire, comme on dit en droit, n'étaient pas émancipés. On l'a dit d'ailleurs pendant longtemps des femmes, parce que, justement, les femmes, n'étant pas émancipées du point de vue du code, du point de vue de la loi, n'avaient pas leur majorité. Les enfants n'ont toujours pas cette majorité. Elle n'est acquise qu'à l'âge de 18 ans.

Néanmoins, il y ce début d'ajustement dans notre société qui, après avoir diminué la majorité en âge de 21 à 18 ans, va maintenant plus loin en rendant responsables les enfants. On sait maintenant que la proposition du code fait que, dans un certain nombre de cas, un enfant, à partir de 14 ans, pourra être considéré comme majeur, pourra lui-même prendre ses décisions comme, par exemple, à propos d'une intervention chirurgicale qui devrait être faite sur son propre corps. L'enfant pourra donc, au-delà de la tutelle parentale qui est exercée, s'exprimer. Il en était déjà de même - d'ailleurs, le Code civil le confirme - en ce qui a trait aux lois de protection de la jeunesse. Le Code civil entérine a posteriori les actions posées par l'Assemblée nationale reconnaissant des pouvoirs à l'enfant de 14 à 18 ans.

Je sais que notre ancien règlement ne nous permettait pas de faire lecture des articles de la loi, mais, néanmoins, permettez-moi, M. le Président, de faire lecture d'un alinéa d'un article de loi. Il en est maintenant de même de cette capacité juridique de siéger à un conseil d'administration d'un mineur, c'est-à-dire quelqu'un qui a moins de 18 ans: "Les mineurs et les majeurs en tutelle peuvent être administrateurs d'une association dont l'objet les concerne spécifiquement." Vous voyez l'intérêt notamment des jeunes en ce qui a trait à l'administration des maisons des jeunes. Actuellement, comme ils ne peuvent pas siéger, ils forment - c'est le cas chez moi - des sortes de conseils consultatifs auprès de la maison des jeunes dont ils sont eux-mêmes les bénéficiaires. Le Code civil leur reconnaîtra la capacité juridique de siéger à ces conseils d'administration et,

donc, d'y prendre des décisions comme les adultes eux-mêmes. (16 h 10)

II en va de même d'ailleurs à l'école, puisque la loi 3 que nous avons adoptée avant Noël permet déjà à des jeunes, des adolescents, de siéger, au niveau secondaire, au conseil de l'école. Donc, voilà toute une approche nouvelle dans notre société qui permet aux jeunes d'être plus responsables.

Un autre exemple si vous me le permettez, l'article 34 de ce projet de loi prévoit dans le respect justement des droits de l'enfance qu'un jeune puisse être entendu si son âge et ses capacités mentales le permettent. Entendu, c'est-à-dire entendu devant un tribunal, entendu par rapport à sa propre cause, par rapport à son avenir personnel. C'est le cas notamment dans les tribunaux de la jeunesse. Passons pour le reste puisque cela touche des aspects relatifs aux parents.

Un second aspect que j'aimerais aborder dans cette approche de simplification, d'humanisation du code, de modernisation du code, c'est l'aspect des nouveaux droits qui sont reconnus à la personne. Et - sans vous le dire, M. le Président, - je vais en faire la lecture. Il s'agit, à l'article 36, d'un certain nombre de dispositions sur la protection des personnes. Vous savez comment, dans notre société, à cause de l'électronique, des banques de données, à cause de la télévision, à cause de la radio, à cause de tous nos ciné-caméras, à cause de ces moyens d'écoute superperfectionnés qui peuvent nous amener à percer les murailles pour entendre les gens ou à répercuter dans cette salle le son de notre voix bien au-delà de nos murs, comment la liberté d'une personne peut être mise en cause à tout moment? Et ainsi le code aura comme nouvelle disposition qu'il sera interdit ou qu'il sera considéré comme une atteinte à la vie privée les actes qui seraient posés sans le consentement de ladite personne. Comme par exemple, capter ou utiliser son image, ou sa voix lorsqu'il se trouve dans un lieu privé.

Nous n'avions pas cette disposition alors que les Français avaient dans leur code civil renouvelé récemment un article relatif à ce droit à l'intimité personnelle. Un procès récent à Paris, d'ailleurs, a permis à une jeune femme qui, entrant dans le métro un jour, eut la surprise de constater que sa photo apparaissait à la hauteur même de la station... Et, jamais elle n'avait autorisé personne à utiliser ainsi son image. Au demeurant il nous faudra nous-mêmes politiciens et personnages politiques, peut-être être plus vigilants à l'avenir lorsque nous voudrions utiliser les photos de certains de nos commettants dans nos dépliants publicitaires sans avoir préalablement acquis leur consentement.

Voilà donc une protection qui est nécessaire, à mon avis, puisqu'il y avait, non pas il y aurait eu, mais il y avait abus dans certains cas. Je ne veux parler particulièrement des politiciens d'ailleurs. Dans le même esprit, le consentement d'une personne sera nécessaire pour qu'on surveille sa vie privée par quelque moyen que ce soit, surveiller sa vie privée, les caméras cachées, les caméras avec des zooms etc. qui font qu'on va piéger littéralement les gens dans leur intimité. D'utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public. J'imagine que cela ne concerne pas ici les imitateurs ni les caricaturistes. Que Dieu les protège! De la même façon, comme notre société a évolué et qu'à peu près partout nous sommes fichés, nous sommes inscrits, nous sommes dans des banques électroniques, sur des cartes, sur des disques, ce que nous appelons des banques de données... Nous savons fort bien que, souvent, ce n'est pas par choix que nous sommes fichés. Certes, nous savons ce qu'il en est dans le domaine public puisque nos lois, depuis déjà un certain temps, ont été très précautionneuses pour qu'il n'y ait pas de diffusion des informations requises pour l'administration de l'État: incompatibilité de transfert d'une banque de données à l'autre, non disponibilité au public des bandes et, enfin on le sait, la loi 65 sur la protection de l'information.

Le Code civil permettra au citoyen d'affirmer ses droits à ne pas être fiché comme cela sans qu'on ait acquis son autorisation. Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle doit, dans la constitution du dossier et l'utilisation qu'elle en fait, agir de bonne foi et avec prudence, de façon à ne pas porter atteinte à la réputation et à la vie privée d'autrui. En conséquence, toute personne -c'est-à-dire tout individu ou chacun de nous, sachant que nous sommes fichés à gauche et à droite - peut consulter et faire reproduire à ses frais un dossier qui la concerne et qu'une personne a constitué ou détient sur elle dans le but d'en informer un tiers. Enfin, c'est la capacité de rectifier les informations inexactes qui se trouveraient dans de telles banques. Ce principe, dans le Code civil, est tout à fait nouveau et il tient compte des développements modernes, notamment dans l'informatique. Certes, à ces articles 37 et 38, il restera au ministre de la Justice ou au ministre des Communications de compléter l'application de ces principes reconnus dans le Code civil par un certain nombre de lois spécifiques et cela viendra un peu plus tard.

Sont également affirmées dans le Code civil un certain nombre de pratiques qui ont cours dans notre société. Tout à l'heure, mon collègue le ministre des Affaires sociales a évoqué l'un de ces mécanismes sur lequel il

fallait que le Code civil s'arrête par quelque grand article pour mieux encadrer le vécu de notre société; je veux parler notamment de ces banques d'organes, de ces dons d'organes, de cette autorisation qu'un individu a, possède, sur sa propre personne au-delà même de sa mort physique, c'est-à-dire la libre disposition de son corps après le décès. La pratique veut, d'une façon générale, qu'on fasse appel à nous tous pour les prélèvements d'organes, les dons d'organes en vue de sauver ou d'améliorer, pour le moins, des vies humaines ou encore pour permettre des recherches scientifiques. Le code - il faut se le rappeler - était presque muet sur ces pratiques. Il n'y avait que la tradition pour nous guider. On disait simplement que le corps était inviolable - cela faisait sans doute partie de notre héritage moral, de nos traditions religieuses également, sans doute, que le corps était inviolable - il fallait donc l'ensevelir, ou l'incinérer à la limite, selon les époques et les changements de tradition morale, notamment de l'Eglise.

Le code reconnaît maintenant très officiellement ces mécanismes qui permettent à l'individu de disposer de son corps au-delà du décès, donc d'en disposer librement, et voire même de permettre à la société dans certaines circonstances, notamment lorsque le prélèvement doit être effectué dans des délais extrêmement restreints et surtout lorsqu'on peut avoir l'espoir sérieux d'épargner une vie humaine ou d'en améliorer considérablement la qualité, de faire un prélèvement avec l'autorisation de deux médecins qui attesteraient par écrit l'impossibilité d'obtenir en temps utile l'autorisation soit, par exemple, des conjoints ou encore des parents, c'est-à-dire des père et mère ou encore des tuteurs ou des curateurs. (16 h 20)

Le Code civil va simplifier également la vie d'un peu tout le monde. Il y a cette vieille tradition au Québec qui a fait, historiquement, que le curé de la paroisse était également un fonctionnaire de l'État par il devait remplir en double tous les registres, celui du baptême et un second qui était celui de la naissance, un autre registre portant sur le mariage, donc mariage religieux et confirmation de ce geste juridique que constitue le mariage en vertu du code. C'était également le curé de la paroisse qui enregistrait les décès, mais notre société a changé. Il est un peu difficile de demander au curé de la paroisse d'enregistrer les séparations légales ou d'enregistrer les divorces et encore plus difficile de lui demander d'enregistrer les naissances si elles ne sont pas accompagnées du baptême. Donc, une société a changé. Il faut donc savoir s'adapter et, en conséquence, adapter le Code civil, faire en sorte que les mécanismes puissent être distincts. Dois-je avouer, M. le Président, qu'en tel cas ce ne sont pas nos curés qui vont regimber puisque c'était une charge considérable qu'on leur donnait. Depuis fort longtemps, ils avaient hâte de se débarrasser de ce rôle de fonctionnaire du registre civil. Comment dirais-je? De toute façon, ils étaient tellement mal payés pour le faire que ce seul critère suffisait à les dissuader de continuer ce rôle.

Cette transformation du Code civil va également, comme je le rappelle toujours, le rapprocher du monde dans un autre domaine. Souvenons-nous de ce qui se passait en cas d'absence, l'individu qui se noie en mer, en excursion de pêche, l'enfant qui s'enfuit ou qui est victime d'un rapt et qui disparaît sans que jamais on ne le retrouve, ce père de famille, ce conjoint qui disparaît sans laisser de trace. Est-il rendu dans un nouveau Klondike, un Pérou quelconque ou une côte ouest ou est de l'Atlantique ou du Pacifique? On ne sait trop puisque jamais on ne le revoit, mais néanmoins il y a des survivants. Il y a les gens qui restent et la tradition inscrite dans le code voulait qu'on ne puisse le déclarer absent et en conséquence, récupérer ses biens pour les descendants, les enfants, l'épouse, etc., qu'après 30 ans. Comme le disaient les vieux chez moi, dans mon village: Quelqu'un qui disparaît, il faut compter jusqu'à ce qu'il ait l'âge de 100 ans avant de pouvoir toucher à sa fortune. Il faut donc penser à ceux et celles qui continuent d'exister, celles notamment avec qui il a des dépendances. La proposition qui est faite est de ramener à sept ans ce délai d'absence pour qu'on puisse déclarer le décès judiciaire, c'est-à-dire constater que l'individu n'a plus d'existence judiciaire et qu'en conséquence sa famille peut disposer de ses biens pour la survie du ménage ou la survie des descendants. Voilà un peu.

Je pourrais comme cela... Laissez-moi donner encore un cas qui m'apparaît important car on pourrait à travers tout le Code civil - je n'ai pris ici que le chapitre des personnes - indiquer en quoi le Code civil, par son approche et sans compter ses techniques d'écriture, va faire en sorte d'être non seulement plus moderne, plus articulé, plus lisible, mais aussi va s'adapter à la vie de tous les jours, au siècle présent, et va faire preuve d'une plus grande modernité.

Laissez-moi évoquer un autre cas, M. le Président, si vous me le permettez, qui a trait à la Curatelle publique. Actuellement, nommer un curateur public, c'est relativement simple, c'est même caricatural. D'ailleurs, même si tel n'est plus vraiment le cas maintenant, vous savez la caricature qu'on en faisait il y a encore 25 ans ou 30 ans au Québec. La caricature dans mon village était à peu près la suivante, et je le

dis entre guillemets. Lorsque la "bonne femme" était tannée de son mari, elle n'avait qu'à le faire déclarer fou par le médecin du village, et il disparaissait...

Mme Lavoie-Roux: C'était surtout l'inverse qui arrivait.

M. Fallu: Ou l'inverse, oui. Lorsque le bonhomme décidait de faire déclarer folle sa "bonne femme", il n'avait besoin que d'un billet du médecin et on l'enfermait à Saint-Michel ou à Saint-Jean-de-Dieu.

Le Code civil prévoit toujours, aujourd'hui encore, une telle disposition. Nous voudrions introduire un mécanisme qui, certes, sera une étape de plus, mais qui amènera un peu plus de sérieux, sérieux qui, d'ailleurs existait déjà dans la Curatelle publique. Il s'agit de faire en sorte qu'après la nomination d'un curateur, dans les 48 heures, il se présente devant un tribunal pour que celui-ci reconnaisse la nécessité d'une telle curatelle.

Vous l'avez vu, je n'ai fait qu'effleurer là un certain nombre de points qui touchent les droits de la personne, c'est-à-dire à peine une centaine d'articles. Cette proposition d'amendements au Code civil, me semble-t-il, va simplifier la vie au monde. C'est le message tout simple que j'ai à passer cet après-midi, sans prétention, dans une lecture obvie, je dirais, d'un citoyen profane. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la députée de L'Acadie.

Mme Thérèse Lavoie-Roux

Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je dois vous dire que c'est avec une... j'allais dire une certaine modestie, mais je devrais dire beaucoup de modestie que je me lève pour faire des commentaires sur le Code civil. Si je le fais, c'est peut-être dans le but de tenter de convaincre mes concitoyens qui, comme moi, à l'égard du Code civil, ont des appréhensions dans le sens qu'il s'agit d'un code extrêmement difficile à décortiquer, qu'on doit laisser seulement aux initiés: les avocats, les juges. Sauf pour savoir que notre Code civil découle du code napoléonien, qu'il remonte aux années 1800, ce qui le rend encore plus mystérieux. Nous sommes très ignorants du contenu du Code civil. En ce sens, je suis sûre de m'associer à un certain nombre de mes collègues, qui doivent être dans la même position que moi, et peut-être d'une bonne partie de la population.

N'eût été ma présence à l'Assemblée nationale, probablement que pour moi, le Code civil serait resté un instrument que l'on regarde de loin et avec une certaine méfiance parce que nous n'avons pas la compétence ni l'autorité pour en discuter. Je ne prétends pas aujourd'hui, même avec ma présence à l'Assemblée nationale, être devenue compétente en la matière. Loin de moi cette idée mais, au moins, peut-être que ceci m'a ouvert une porte vis-à-vis d'un inconnu que je craignais beaucoup. C'est dans ce sens que je veux m'adresser à mes concitoyens. (16 h 30)

Le Code civil, comme plusieurs l'ont dit avant moi, c'est une loi fondamentale, c'est l'assise d'un grand nombre de nos législations sectorielles qui doivent s'inspirer et respecter les principes qui sont à l'intérieur de ce code qui touchent des domaines absolument fondamentaux tels la personne, la famille, le mariage, les biens, etc. Peut-être que si on l'envisage de cette façon-là et qu'on y réfère par des problèmes concrets, il devient un peu moins difficile de s'y arrêter.

M. le Président, c'est la deuxième fois qu'à l'Assemblée nationale nous avons une discussion sur certains livres du Code civil. Comme on le sait, le Code civil est composé de plusieurs livres. Nous avons eu l'occasion, tout juste avant la dernière élection, en 1980, de discuter d'une loi portant sur le livre de la famille. Chose étrange ce livre-là nous avait été présenté par le gouvernement à la toute veille des élections. Le ministre d'alors, qui est aujourd'hui leader du gouvernement, avait beaucoup insisté pour que ce livre soit adopté avant l'élection de 1981 croyant sans doute, comme il apportait des réformes importantes bien que même encore aujourd'hui, trois ans après, on réalise que la discussion de fond n'a pas toujours été aussi bonne qu'elle aurait dû l'être... On revient aujourd'hui avec trois livres fort volumineux, l'un portant sur les personnes, l'autre sur les biens et l'autre sur les successions, à la toute veille de l'élection.

Nous nous étions dit en 1981 qu'il s'agissait sans doute là d'un calcul électoral du gouvernement qu'à la toute veille des élections il présente la réforme du Code civil en ce qui a trait à la famille, pensant que ceci pourrait lui attirer l'appui de la population. On se rend bien compte aujourd'hui que même si le gouvernement, à première vue, peut faire le même calcul, il s'agit vraiment d'un dossier ou d'un débat qui dépasse ou qui devrait dépasser les calculs électoraux parce que c'est vraiment un débat très précis, très spécialisé et qui, dans le fond, nous touche tous et que si le gouvernement, devant l'échéancier très serré où il se trouve, tente de faire passer cette réforme de ces chapitres que je viens de mentionner d'une façon trop rapide, ce sera l'ensemble de la population qui en subira les conséquences.

À cet égard, je ne donnerai qu'un exemple d'une question qui avait été discutée

au moment du débat sur la réforme du Code civil touchant la famille. Ce débat avait porté, entre autres, sur une foule d'aspects mais il y avait une disposition touchant la déclaration de la résidence familiale pour les conjoints et ce qu'il advenait s'il y avait séparation du conjoint, divorce, etc., mais surtout sur cette notion de résidence familiale. De nombreuses interventions nous avaient été faites particulièrement par des associations féminines à ce moment-là. Je dois dire à regret aujourd'hui que même si nous avons été en commission parlementaire pendant plusieurs semaines, sinon peut-être quelques mois sur cette réforme de la famille, on regarde aujourd'hui la définition que nous avons faite ou l'application qu'on peut faire de cette notion de résidence familiale telle que contenue dans le Code civil et on s'aperçoit que déjà il y a des failles.

Si je rappelle ces événements, M. le Président, c'est pour inciter le gouvernement, devant des livres nouveaux du Code civil que nous examinons, à la plus grande prudence, c'est-à-dire qu'il donne aux membres de cette Assemblée, qu'on soit d'un côté de la Chambre ou de l'autre, le temps nécessaire pour faire ces discussions à fond.

Faut-il rappeler que depuis le début des années mil huit cent, au moment où nous adoptions le Code civil, qu'il n'y a jamais eu de réflexion complète sur l'ensemble du Code civil? Vous vous imaginez facilement qu'avant qu'on refasse une réflexion en profondeur sur le Code civil, il se pourrait fort bien, sans être pessimiste, qu'il y en ait peu d'entre nous qui soient encore aux environs de l'Assemblée nationale.

Sans aucun doute, au cours des ans, il y a eu de petits ajustements pour tenir compte d'impératifs qu'on ne pouvait ignorer. On me signalait tout à l'heure que, dans le cas des locations, il y avait eu certains amendements au Code civil, mais jamais une réflexion en profondeur qui donne des orientations nouvelles ou qui permette d'incorporer dans la loi des valeurs qui ont évolué et qui sont différentes, aujourd'hui, de celles qui existaient dans les années mil huit cent. Pour ces raisons, c'est à la plus grande prudence et à la plus grande patience que j'invite le gouvernement dans la discussion des trois chapitres qui se trouvent devant nous.

Compte tenu qu'il y a près de 1500 articles dans ce projet de loi, il n'est pas dans mon intention cet après-midi de toucher à plusieurs de ces articles. Je voudrais quand même en signaler quelques-uns au passage qui, à mon point de vue, même s'ils ont été modifiés par rapport à ce qui existait auparavant, n'apportent pas une réponse satisfaisante aux besoins des personnes. Je pense qu'on devrait prendre le temps nécessaire pour qu'ensemble on puisse les modifier pour apporter la meilleure réponse aux besoins qui existent aujourd'hui.

Le premier point, c'est l'article 1. M. le Président, vous allez me dire que je ne dois pas énumérer les articles, mais c'est vraiment parce que l'article 1 touche la personnalité juridique. Dans le projet de loi 106, on parlait de cette personnalité juridique en disant: "Tout être humain possède la personnalité juridique et la pleine jouissance des droits civils, de la naissance à la mort." Cela a fait un débat assez houleux - c'est peut-être un terme exagéré - mais un débat assez intéressant en commission parlementaire parce qu'à ce moment-là, comme nous savions que, traditionnellement, les enfants à naître, par exemple, au point de vue des droits successoraux étaient reconnus comme des héritiers - évidemment, s'ils naisssaient - en limitant par les termes "de la naissance à la mort", on excluait ce qui était le foetus. Est venu se greffer à ce problème celui de l'avortement. Si on reconnaissait de la naissance à la mort, on en concluait qu'on ne reconnaissait pas le foetus comme une entité viable et cela semblait contredire les autres dispositions du Code civil qui reconnaissent les enfants à naître comme pouvant être des héritiers légaux. Aussi, comme je le disais tout à l'heure, est venu se greffer à cela le problème de l'avortement.

Je sais que c'est une question extrêmement fragile, extrêmement difficile à discuter. Mais je ne suis pas sûre que le gouvernement n'ait pas voulu éviter le débat de fond en retournant au statu quo ante, c'est-à-dire qu'on a éliminé les termes "de la naissance à la mort" pour revenir à ce qui existait auparavant: "Tout être humain possède la personnalité juridique et la pleine jouissance des droits civils." La controverse entourant la définition de l'être humain demeure donc par le fait même et celle, évidemment, entourant la question de l'avortement.

Un deuxième point sur lequel je voudrais attirer l'attention, c'est celui du consentement aux soins. L'article 12 ne tient pas compte du respect de l'individu en laissant préséance à la décision du médecin quant aux soins médicaux requis en cas d'urgence. Il est vrai qu'on peut imaginer des situations où l'état du patient ou du bénéficiaire ou de la victime ou des circonstances absolument affolantes, ou encore l'inconscience de la victime empêchent que, justement, le médecin puisse s'enquérir du consentement de la personne. Mais il y a des cas où, même dans une situation d'urgence, même dans des conditions difficiles, le bénéficiaire ou la personne, parce qu'on doit parler de la personne ici, serait en mesure de donner son consentement. Par l'article 12, automatiquement, on ne fait pas obligation au

médecin de requérir ce consentement. Il n'aura qu'à décider que c'est une situation d'urgence, que les circonstances le requièrent et il pourra procéder, même si la personne était dans un état où elle pourrait donner ou non son consentement. (16 h 40)

Là-dessus, plusieurs intervenants avaient demandé que le consentement de la personne soit nécessaire sauf s'il ne pouvait être obtenu en temps utile, ce qui va de soi. Ce ne sont pas les moindres organismes qui avaient demandé cette chose: il s'agissait de l'Association des hôpitaux du Québec, la Chambre des notaires et plusieurs autres.

Puisque de part et d'autre on parle beaucoup du respect de la personne, du respect de ses droits, je pense que le droit le plus fondamental c'est peut-être quand on est conscient de ce qui se passe autour de nous, qu'on est capable d'user de discernement, qu'on peut donner ou non son consentement.

Maintenant, je voudrais dire un mot sur la stérilisation des déficients mentaux. Le tribunal devient le seul compétent pour donner son autorisation si une intervention doit entraîner des effets permanents. Certains groupes avaient demandé que ce recours au tribunal ne soit pas systématique mais qu'on puisse faire appel, par exemple, à des gens qui vivent auprès de l'individu ou à des spécialistes de la question. Sans doute que le tribunal pourra faire appel à leur compétence et doit prendre l'avis d'experts, du titulaire de l'autorité parentale, du tuteur ou du curateur. Et on ajoute: II peut aussi prendre l'avis de toute personne qui manifeste un intérêt particulier pour la personne concernée par la demande.

M. le Président, il faut avoir travaillé dans un hôpital pour savoir comment la tentation est grande, à partir de bonnes intentions de faire avancer la science, de permettre qu'une expérience serve à d'autres et que, trop facilement, on fasse fi des droits de la personne et qu'on s'accorde, au nom de bons motifs ou du moins de motifs qui en apparence semblent bons, le droit de faire un accroc aux droits des personnes. Là-dessus, nous aurions souhaité, à la suite de la demande d'organismes parentaux en particulier et d'autres associations de bénéficiaires, qu'on soit un peu plus précis ou qu'on permette ou qu'on rende plus exigeante cette permission de consentement pour intervenir sur l'intégrité physique des personnes.

Je voudrais également dire quelques mots sur la garde en établissement, et ceci particulièrement dans le cas du malade mental. D'autres ici dans cette Chambre en ont parlé avant moi mais, encore une fois, je pense que même si le Code civil prévoit un recours au tribunal, en opposition à la description que nous faisait le député de

Groulx quand il décrivait des situations d'il y a peut-être pas tellement d'années malgré tout, et qu'il y a progrès. Il reste qu'encore une fois les personnes qui ont fait des séjours dans des hôpitaux psychiatriques ou qui ont des parents dans des hôpitaux psychiatriques, d'une façon permanente ou temporaire, avaient demandé que ce jugement qui est porté par le psychiatre ne soit pas le jugement d'une seule personne et que plutôt, pour décider de garder quelqu'un en cure fermée ou de le mettre en tutelle, on fasse appel à une équipe multidiscipli-naire.

Sans vouloir ici faire allusion à des événements tragiques qui nous ont touché l'an dernier, on se souvient du procès qui s'est déroulé il y a quelque temps. Je comprends que c'était dans un autre contexte. C'était un contexte de défense; c'était un contexte d'accusation, mais il y a une certaine analogie quand même entre un jugement qui est porté par des spécialistes du comportement humain, en l'occurrence des psychiatres, à savoir si une personne doit être mise sous la Curatelle publique, en cure fermée ou en cure ouverte et, à cet égard, on a recours à un seul spécialiste des sciences humaines. La demande qui avait été faite d'avoir recours à une équipe multidisciplinaire dans laquelle se retrouveraient évidemment des psychologues, des travailleurs sociaux, des thérapeutes, des infirmiers et des infirmières qui connaissent l'individu me semble relever de la sagesse, M. le Président. Le comportement humain est peut-être la chose la plus difficile à analyser sur un plan strictement scientifique, c'est extrêmement complexe, et plus on fait appel à des personnes compétentes ou qui connaissent le fonctionnement de l'individu dans un milieu donné, moins on a de risques de faire d'erreurs.

À l'égard des malades psychiatriques, je voudrais ici reprendre quelques demandes qui ont été formulées en commission parlementaire par plusieurs, mais qui sont maintenant reprises par le groupe qu'on appelle Autonomie des psychiatrisés, connu sous le nom de Auto-psy. Ce groupe parle de ce problème dont je viens de parler, du trop grand pouvoir accordé à une seule personne, le psychiatre, comme celui de procéder à l'examen qui détermine le degré de dangerosité d'un malade, mais il parle aussi du manque de dispositions qui assureraient au malade mental un droit de recours normal devant le tribunal, le droit, par exemple, d'être représenté devant le tribunal, le droit d'avoir recours à la Commission des affaires sociales. Je comprends que certains me diront: Écoutez, cela, c'est dans la Loi sur la protection du malade mental.

Tout à l'heure, j'entendais le ministre des Affaires sociales nous dire qu'il en était fort heureux, parce que, d'ici à quelques

semaines, il rendrait publics les grands éléments d'une politique qui serait discutée largement et qui, éventuellement, établirait les jalons ou les principes d'une politique de la santé mentale au Québec. Je pense que tout le monde est d'accord avec cela, parce que cela fait tellement longtemps qu'on l'attend, M. le Président, mais cela fait au moins aussi longtemps - et c'est beaucoup moins vaste, beaucoup moins considérable -qu'on attend une révision de la Loi sur la protection du malade mental. Je pense que cela fait au moins huit ans que, de ce côté-ci de la Chambre, on demande une telle chose. Ce n'est pas encore arrivé. Il n'y en a pas à l'horizon, parce que, au moins, de celle-là, le ministre n'a pas parlé. Tout ce qu'on retrouve dans le Code civil, c'est sans doute des références à la Loi sur la protection du malade mental alors que l'on sait fort bien que les dispositions réclamées par le groupe Auto-psy n'ont pas été mises à jour. C'est depuis longtemps que la Commission des droits de la personne et d'autres organismes demandent que cette Loi sur la protection du malade mental soit mise à jour.

J'admets fort bien que le Code civil contient des grands principes et qu'il y a des lois d'application, mais nous sommes encore devant l'absence d'une loi d'application qui pourrait résoudre les problèmes que je viens de mentionner.

Un autre problème qui a souvent été soulevé dans ce domaine, dans les cas de curatelle, c'est de savoir s'il faut exercer une curatelle sur la personne et non sur l'administration de ses biens. On n'a jamais encore jusqu'à maintenant fait de différence, compte tenu que les lois n'ont pas été modifiées en conséquence, si bien qu'aujourd'hui une curatelle, même si vous pouvez exercer des fonctions administratives d'une façon tout à fait correcte sur vos biens, est générale. On vous impose à la fois une curatelle sur votre personne et sur vos bien, sans aucune possibilité de tenir compte des différences dans les situations.

M. le Président, je pourrais continuer longtemps sur tous ces sujets touchant les personnes. Je voudrais qu'on me comprenne bien. C'est évident que le Code civil, qu'on révise à ce moment-ci, est une amélioration par rapport à un code qui est absolument désuet et qu'on n'a pas touché depuis des décennies, mais comme on ne pourra pas le refaire ou, normalement, qu'on ne le refera pas avant très longtemps, compte tenu que ce sont des principes de base qui sont établis, je pense, que toutes ces questions doivent être étudiées dans les détails pour bien s'assurer qu'on a un Code civil -compte tenu du contexte actuel, compte tenu des valeurs d'aujourd'hui - qui soit étanche à l'égard de ces valeurs et des personnes que l'on veut protéger.

(16 h 50)

Je vais faire une petite digression en terminant - si j'ai encore une minute, M. le Président, ce ne sera pas très long et c'est plutôt d'un autre ordre. Si je le fais c'est parce que j'ai eu des représentations à mon bureau de comté et assez étrangement, trois dans une même semaine alors que je n'en avais jamais eu durant disons huit ans. C'est sur ce qu'on appelle la copropriété divise et que les gens connaissent plus familièrement sous le nom des condominiums. Là je pense que beaucoup de questions se posent de plus en plus. Il y a des hausses et des baisses qu'on peut observer et les gens deviennent propriétaires d'un condominium et à ce moment il s'agit d'une administration qui devient commune des propriétaires, comme tout le monde le sait et surtout ceux qui sont dans les condominiums le savent encore mieux que moi. Les points qu'on a fait valoir devant moi sont que de plus en plus et, ce n'est pas nécessairement relié au nombre de condominiums dans une propriété, c'est relié par exemple aux problèmes relatifs à l'administration, au fonctionnement du conseil d'administration, à la façon dont le vote est assuré, et à une foule de dispositions avec lesquelles - encore une fois j'en conviendrai - même dans ce domaine, je ne suis pas très familière. Je voudrais simplement demander au gouvernement ou à ceux - parce qu'à ce moment on devra travailler la main dans la main - qui seront en commission parlementaire d'examiner quelles sont les règles d'administration qui devraient être en application? Quel est vraiment le rôle du syndicat? Quelles sont les dispositions relatives au développement par phase, un tas de dispositions qui vont faire que ce nouveau mode de propriété satisfera ou non les propriétaires? On sait que par exemple pour les personnes âgées qui recourent de plus en plus à ce mode de propriété parce que les responsabilités d'une certaine façon sont moins lourdes que dans la propriété unifamiliale on devrait autant que possible examiner tous les aspects afin que ce qu'ils espéraient être pour eux une retraite plus facile, ou des responsabilités moins grandes le soient vraiment et ne soient pas un handicap à ce qu'ils recherchaient.

En terminant, je veux assurer le gouvernement - je suis convaincue que mes collègues l'ont fait avant moi - que l'étude de cette loi 20 du Code civil sera faite avec le plus grand sérieux possible. Je pense que sur ce Code civil la population n'attend pas moins de chacun d'entre nous d'un sens de responsabilité et d'un effort pour vraiment tenter de répondre le mieux possible à ce que les citoyens veulent et surtout à assurer le plus de cohérence possible et d'éviter la création de situations de conflits tout en respectant et en rendant justice à chacun. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre du Revenu

M. Raynald Fréchette

M. Fréchette: J'avais compris que compte tenu du fait que deux intervenants de suite s'étaient prévalus de leur droit de parole ici, le phénomène allait maintenant s'appliquer de l'autre côté. Je ne sais pas si...

Une voix: Ce n'est pas toujours comme cela.

M. Fréchette: Non, non je comprends que ce n'est pas toujours comme cela mais c'est à partir de ce que j'ai vu et je me demande s'il y a une entente ou s'il n'y en a pas, ou si cela crée des embêtements que ce soit cela.

Le Vice-Président (M. Brouillet):

Écoutez, s'il y a un porte-parole du Parti libéral qui est prêt immédiatement sinon le ministre du Revenu pourrait prendre la parole.

Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous sommes prêts à céder la parole au ministre du Revenu. Je sais qu'il y a de mes collègues qui doivent intervenir plus tard mais si le ministre veut... nous cela nous convient tout à fait.

Le Président: M. le ministre du Revenu.

M. Fréchette: M. le Président, ne serait-ce que pour les fins du Journal des débats, permettez que je vous siqnale qu'on parlerait du ministre du Travail et cela ferait exactement la même chose, voyez-vous.

Le Président: Je dois avouer que c'est moi qui ai mis les gens sur la fausse piste, je m'en excuse. M. le ministre du Travail.

M. Fréchette: M. le Président, puis-je vous signaler que c'est, évidemment, avec beaucoup d'intérêt que j'interviens dans le débat qui dure depuis maintenant quelques heures et qui a été consacré à cette importante question qu'est celle de la refonte ou de la révision de chapitres très importants de notre Code civil. J'interviens, M. le Président, très précisément à cause de l'importance du sujet que l'on traite, à cause également des changements tout à fait fondamentaux qu'il suggère dans notre vie quotidienne - et je vous dirai pourquoi tout à l'heure - à cause du fait qu'il procède à modifier, dans leur essence même, des dispositions - et on l'a dit tout à l'heure -qui ont, dans bien des cas, un caractère ancestral et qui, à plusieurs égards - on l'a souligné aussi - représente une espèce de phénomène qui a l'allure d'un aspect patrimonial. Je ne suis pas le premier à le dire, M. le Président, plusieurs dispositions du Code civil, particulièrement au chapitre des personnes, au chapitre des biens et au chapitre des successions, avaient de toute évidence besoin d'être réaménagées et, à mon avis, dans le sens que la loi 20 le suggère.

J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, M. le Président, l'intervention de Mme la députée de L'Acadie et je vous signale, sans aucune réserve, qu'à plusieurs égards je partage les préoccupations qu'elle nous a soumises. Je partage l'évaluation qu'elle a faite de certaines des dispositions que l'on retrouve dans le projet de loi.

J'ai remarqué, M. le Président, avec quelle précaution elle avait entamé son intervention pour dire que c'était avec beaucoup de modestie qu'elle intervenait avec les précautions dont elle nous a parlé. Puis-je lui dire que ce même sentiment existe même chez ceux qui ont été appelés à travailler quotidiennement avec cet instrument, cet outil qui s'appelle le Code civil? Est-il besoin, pour s'en convaincre, de rappeler que les dispositions actuelles du Code civil ont fait l'objet de discussions importantes devant les tribunaux, ont fait l'objet de débats très importants aussi devant les tribunaux et que vous pouvez retrouver des gens qui, comme je le disais il y a un instant, ont travaillé quotidiennement avec cet outil qu'est le Code civil, qui vont, par exemple, avoir deux interprétations tout à fait différentes du même texte? Vous allez avoir également de la jurisprudence qui, sur le même sujet, va être tout à fait contradictoire jusqu'à ce que, finalement, en dernière instance, la Cour suprême arrive à trancher le litige qui a été mû entre deux personnes?

Or, M. le Président, nous devons tous avoir cette modestie dont parlait Mme la députée de L'Acadie, et nous convaincre du fait que ce qu'on est en train de discuter est effectivement, parfois, fort difficile d'interprétation. Cela n'est pas simple, cela ne se tranche pas toujours au couteau, si on me passe l'expression, mais cela a besoin très souvent d'être arbitré par les juges. (17 heures)

M. le Président, l'occasion me semble bien choisie pour rappeler un certain nombre de choses. Cela rejoint également les préoccupations dont parlait Mme la députée de L'Acadie, quant à la nécessité de prendre le temps qu'il faut avant d'arriver à adopter une loi qui concerne le Code civil. Il est peut-être utile de rappeler que c'est autour de 1955, entre 1955 et 1960, qu'a été créé l'Office de la révision du Code civil. C'est à partir de cette époque, et avec beaucoup d'insistance, que des spécialistes ont

commencé à faire l'évaluation des dispositions actuelles de notre Code civil. Ils s'y sont consacrés pendant de nombreuses années. Ils ont procédé à une étude exhaustive de la jurisprudence qui concerne tous les articles des chapitres que nous sommes en train d'étudier, et c'est à partir de ce premier travail que je n'aurais pas d'hésitation à qualifier de travail de bénédictin que les premières vraies réformes, les premières réformes de fond sont intervenues. On y faisait référence tout à l'heure quand on a parlé de l'adoption du premier chapitre de la révision ou de la refonte du Code civil, ce chapitre qui concernait le droit de la famille.

Le dossier sur lequel nous travaillons actuellement, M. le Président, est la deuxième étape des recommandations soumises par l'Office de la révision du Code civil, cette deuxième étape qui touche spécifiquement les trois chapitres dont on a parlé depuis le début de l'étude sur l'adoption du principe: le droit des personnes, le droit qui concerne les biens et le droit des successions.

Ne serait-ce également que pour les fins de l'actuelle discussion, il faut rappeler que ce projet de loi 20 regroupe trois autres projets de loi qui avaient été déposés, mais qui ont par la suite été fondus pour en faire un seul. C'étaient les projets de loi 106, 107 et 58.

Dès que cette deuxième étape aura été franchie, que les travaux en commission parlementaire auront été complétés et que la loi - tout le monde l'espère, à ce que j'entends - aura été adoptée, il restera, pour que l'opération soit complète, pour que le code, selon l'expression qu'on utilise souvent, ait été révisé et réformé d'un couvercle à l'autre, une troisième et dernière étape et c'est celle qui concerne l'important chapitre des obligations à l'intérieur desquels on retrouve le phénomène des hypothèques, tout ce qui se rattache d'une façon ou d'une autre à ce concept, à cette notion qu'on appelle les obligations.

M. le Président, quelques remarques générales seulement. On l'a dit - en tout cas, pour la partie du débat à laquelle j'ai assisté - le Code civil est une espèce de table des lois dont l'objectif premier, dont la nature même de l'existence est en fonction de régir les rapports des individus entre eux. Et à cet égard, il n'y a aucune hésitation à souligner que les dispositions que contient le Code civil constituent la ou les lois qui sont le plus près de la personne. On pourrait, je pense, faire un résumé de ce dont je viens de parler en signalant que les dispositions du Code civil, autant celles que l'on retrouve dans le code actuel que celles que l'on retrouvera dans le code réformé ou révisé, sont celles, encore une fois, qui régissent les rapports des individus entre eux dans notre société. Si l'on me permettait de faire une analogie, par exemple, avec ce qu'est le Code criminel, peut-être me ferais-je mieux comprendre. Le Code criminel contient des dispositions qui ont pour but de permettre d'établir des rapports corrects, des rapports sociétaux, si vous me passez l'expression, et qui font en sorte que ce code régit les activités d'un individu vis-à-vis de l'ensemble de la société ou alors de la société, en général, vis-à-vis des individus que nous sommes dans cette même société, alors que, encore une fois, le Code civil contient des dispositions - cette table des lois - qui régissent les rapports les individus entre eux. En regardant la documentation qui a été préparée pour les fins du débat dans lequel nous sommes actuellement, j'ai été frappé par une remarque qu'on a retrouvée dans cette documentation et qui attire notre attention sur le fait que les dispositions du Code civil nous accompagnent tout au cours de notre vie, du moins très certainement les dispositions qui concernent le droit des personnes. Ce sont des dispositions, donc, qui nous accompagnent tout le temps de notre vie.

Permettez que je vous réfère à un ou deux et peut-être même trois exemples de ce que je suis en train de vous dire pour rappeler que notre naissance est accompagnée de certaines formalités qui procèdent des dispositions que l'on retrouve dans le Code civil. Ai-je besoin de rappeler la nécessité du registre ou des registres de l'État civil, la nécessité de leur conservation, la nécessité d'établir quel sera le contenu d'un acte de l'état civil, dans ce cas-ci, l'acte de naissance?

Donc, les dispositions du Code civil nous accompagnent dès notre naissance et, au fur et à mesure que les années passent, lorsque, par exemple, décision sera prise de contracter mariage, il faudra encore là se préoccuper des dispositions que le Code civil prévoit et qui accompagnent cette décision, dont je viens de parler, de contracter mariage. Faut-il là aussi parler du registre de l'état civil? Faut-il également parler de l'importante question, de la très importante question des régimes matrimoniaux? Ce sont les dispositions du Code civil qui, encore une fois, vont présider aux différentes conditions que l'on aura décidé de retenir dans une convention matrimoniale qu'ensemble des époux auront convenu de choisir.

Quand je dis que les dispositions du Code civil nous accompagnent tout au cours de notre vie, c'est le même phénomène que celui dont je viens de parler qui se produit au moment d'un décès, au moment de la mort, c'est-à-dire l'obligation de constater cette situation par un registre de l'état civil.

Quand on parle du droit des personnes dans le Code civil, on vient de voir par des exemples très rapides et les situations que

j'ai décrites, de façon forcément incomplète, combien sont importantes les dispositions de ce code qui régissent nos rapports comme individus vivant dans une même société.

Il y a un autre chapitre de cette loi qui est soumis à notre attention et qui, lui aussi, a une grande importance parce qu'il se réfère à des gestes, à des actes, à des décisions que chacun d'entre nous, dans sa vie quotidienne, peut être appelé à poser ou à prendre et à compléter. Par exemple, qui d'entre nous, qui de ceux qui nous écoutent n'ont jamais procédé à la vente d'un bien qui peut leur appartenir? L'on sait qu'à cet égard, pour que la vente soit complète, pour que les conditions que l'on veut mettre dans un acte de vente soient respectées, il nous faut de toute évidence inscrire des conditions qui procèdent et qui respectent ce que le code prévoit en cette matière au chapitre des biens. (17 h 10)

S'agirait-il, M. le Président, de l'importante décision de procéder à acheter des biens et particulièrement des biens à caractère immobilier qu'encore là il va nous falloir prendre la précaution, la sûreté et la sécurité que dans la transaction qui officialisera, si l'expression m'est permise, le contrat dont on parle, on ait respecté les conditions convenues au Code civil au chapitre des biens pour assurer que l'acte dans lequel nous intervenons aura toute sa valeur juridique, toute sa valeur légale.

Il y a un troisième chapitre que l'on soumet à notre considération, à notre attention, c'est celui qui suggère des changements importants quant au droit qui nous a régis jusqu'à maintenant en matière de succession. En matière de succession, M. le Président, la première préoccupation qui nous vient à l'esprit c'est celle d'essayer de savoir quels sont les moyens prévus par la loi qui me permettent de faire, par exemple, un testament qui soit tout à fait conforme aux dispositions de la loi. On le sait actuellement il y a ce testament sous forme olographe, ce testament qu'on appelle dérivé de la Loi d'Angleterre et un troisième testament qui est celui qu'on convient d'appeler testament notarié, mais les études menées par l'Office de la révision du Code civil, les travaux de la commission parlementaire qui ont permis d'entendre des invités à ce chapitre-là, ont mené à la conclusion certaine que les trois formes de testament que l'on connaît dans le Code civil actuel avaient de toute évidence besoin d'être revues, d'être réajustées et, pour parler le langage des années quatre-vingt-cinq, d'être ajustées aux conditions de vie de ces mêmes années quatre-vingt-cinq.

C'est également au chapitre des successions que l'on va retrouver du droit nouveau d'une importance capitale, je pense qu'on va tous en convenir. C'est ce droit qui imposera l'obligation de prévoir dans le testament que l'on fera ou que l'on ne fera pas, une obligation alimentaire pour le conjoint survivant. Vous savez que dans l'état actuel des choses, il ne s'agit que d'avoir eu l'occasion, par son travail ou autrement, de vivre des cas concrets de la nature de ceux dont je vous parle mais vous savez très bien que plusieurs cas, pour toute sorte de motifs sur lesquels il n'est sans doute pas utile d'insister, des conjoints survivants se sont retrouvés à un moment donné dans une espèce de situation de dénuement presque total parce qu'à partir d'un testament, sous quelque forme qu'il ait été, on a disposé de l'ensemble de ses biens vers ou vis-à-vis une personne vers qui nous n'avions aucune espèce d'obligation, quelle soit alimentaire ou de toute autre nature. Donc, le chapitre des successions, M. le Président, prévoit des dispositions qui permettront que de semblables situations ne puissent plus se répéter, ne puissent plus exister.

On l'a dit tout à l'heure, M. le Président, il s'agit d'un projet de loi qui contient presque au-delà de 1500 articles. Je présume qu'en commission parlementaire, lorsqu'on l'entreprendra article par article, il sera très certainement possible d'y ajouter des améliorations mais cela me semble faire l'unanimité de cette Chambre quant à la nécessité de procéder à ces changements, de le faire avec les précautions dont on a parlé tout à l'heure, mais d'arriver, finalement, après que les processus prévus par notre réglementation auront été suivis, à ajuster notre droit civil aux besoins des années que nous vivons actuellement.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le député de Robert Baldwin.

M. John O'Gallagher

M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Comme vous le savez, cela fait longtemps qu'on attend la révision du Code civil du Québec. Mes collègues de l'Assemblée nationale, les avocats et les notaires ont eu une discussion assez longue et valable concernant toute la matière qu'on trouve dans les 1400 articles de cette révision.

À titre d'arpenteur-géomètre, je voudrais restreindre mes remarques à quelques sections de ce projet de révision du Code civil. Depuis les 27 ans que je pratique à titre d'arpenteur-géomètre - d'ailleurs, avant moi, mon père exerçait déjà cette profession dans la province de Québec - on a toujours réclamé une révision de quelques sections du Code civil en ce qui concerne les vues, le bornage et, maintenant, les règles et les lois qui affectent les copropriétés. L'an dernier, lors de la présentation du projet de loi 58, venu un an avant la loi qui a été réimprimée sous la nouvelle forme du projet

de loi 20, on a eu le privilège de prendre connaissance d'un mémoire de l'Ordre des arpenteurs-géomètres. Sur le principe, je suis complètement d'accord avec le projet de loi. C'est une révision qu'on attend depuis très longtemps, surtout dans les domaines dont j'ai fait mention: les vues, le bornage et la copropriété.

Vous me permettrez, M. le Président, de pécher un peu contre nos règlements ou nos commandements, parce que je voudrais parler un peu en détail des articles que nous avons devant nous, surtout celui concernant les vues. Le mémoire présenté par l'Ordre des arpenteurs-géomètres, au mois de mars l'an dernier, a été assez direct, comprenant quelque 18 pages, mais le législateur et le gouvernement ont suivi presque à la lettre les recommandations de l'ordre, et je les en félicite. Cela va aider la situation dans le domaine de l'arpentage juridique.

Cependant, il reste encore un peu de confusion qui est, d'ailleurs, assez facile à comprendre car c'est une matière assez technique. Quand les avocats, les notaires et les arpenteurs se mettent à parler de vues illégales, cela devient assez difficile pour le propriétaire de comprendre exactement quels sont ses droits en cette matière. Aujourd'hui, avec le coût de la construction, le coût élevé des hypothèques, nous, les arpenteurs-géomètres, faisons souvent face à des décisions ou avons à porter un jugement sur des vues.

Pour faire comprendre la situation, dans le Code civil actuel, on n'a pas le droit d'avoir de vue directe sur notre voisin à moins d'être à six pieds. C'est autant pour des galeries ou des saillies que pour des ouvertures dans un mur de bâtiment. Dans le Code civil qu'on connaît présentement cette mesure de six pieds équivaut à six pieds en mesure française. Déjà il y a de la confusion, car hier on utilisait le pied anglais et aujourd'hui on utilise des mètres. (17 h 20)

Nous avons toujours eu ce problème. Quand on a une vue sur un voisin qui est à six pieds, six pieds français maintenant c'est six pieds et quatre pouces. Cela veut dire qu'il faut être à six pieds et quatre pouces du voisin pour être légal.

Le propriétaire qui veut vendre sa maison et demande un certificat de son arpenteur, l'arpenteur est forcément obligé de dire que même si le mur, la fenêtre, les galeries sont à six pieds anglais c'est illégal, car le Code civil dit qu'il faut être à six pieds et quatre pouces, soit six pieds en mesure française.

Nous, comme arpenteurs-géomètres, réclamons depuis longtemps que cette confusion entre les pieds français et les pieds anglais soit réglée. Ce projet de loi le fait. Le gouvernement et le projet de loi demandent que dorénavant nous ayons 150 centimètres pour que les ouvertures soient légales, c'est-à-dire quatre pieds et onze pouces, 4,92 pieds. C'est déjà une amélioration.

Cependant je pense que les écrivains du ministère ont mal compris les arpenteurs-géomètres. C'était dans le mémoire des arpenteurs-géomètres de faire enlever toute mention de galeries ou de saillies dans le projet de loi. Ceci a été fait, mais je crois qu'il y a une confusion et j'espère que le ministre va en prendre note, car à l'article 1050 il y a une confusion d'abord entre la version française et la version anglaise.

Deuxièmement, dans la version française l'article 1050 dit qu'"on ne peut avoir sur le fonds voisin des vues droites à moins d'un mètre cinquante de la ligne séparative." Très bien, mais on ne spécifie pas que ce sont des ouvertures dans des murs de bâtisses; et je trouve que cela est extrêmement important de le dire, car jusqu'à aujourd'hui toute la jurisprudence dit que des vues s'exercent en plus des ouvertures mais aussi des galeries et des saillies. C'est dans l'article 1050.

Dans la version anglaise de l'article 1050 il y a confusion complète. Il y a une traduction qui manque car il mentionne des balcons, "and other projections... Je vais vous le lire: "No person can have direct views, balcony or other projections less than one hundred and fifty centimeters from the division line." Là il mentionne les galeries puis, dans la version française, il ne le mentionne pas. Il y a confusion là.

Deuxièmement, au paragraphe 1 de l'article 1050... La version anglaise est beaucoup plus exacte ou selon les recommandations du mémoire des arpenteurs-géomètres, car on dit à l'article 1050.1: "This rule does not apply in the case of 1° Views on public thoroughfares, steps for entering and leaving a building, windows or doors with frosted glass." Dans la section 1050.1 en français, qui est l'article officiel, on dit: "Cette règle ne s'applique pas: 1 Lorsqu'il s'agit de vues sur la voie publique, de portes à pannneau plein, de fenêtres ou de portes à verre translucide." On ne mentionne pas les escaliers à l'entrée et à la sortie des édifices. C'est très important de l'ajouter, car, même aujourd'hui, s'il y a une porte dans un mur à plus de six pieds français du voisin, et qu'il y a une galerie ou une espèce de marche, comme arpenteurs-géomètres, nous devons émettre une opinion qu'il y a vue illégale à partir de cette galerie. Il y a là une confusion. Ce serait très important que le législateur prenne note de ce fait.

L'autre article dont il faudrait prendre note, c'est celui ayant trait aux condominiums ou la section qui décrit les droits et la manière d'administrer les condominiums. On fait mention de plans dans

tous ces articles, mais on ne spécifie pas les plans cadastraux. C'est extrêmement important que le ministre prenne note de l'importance d'ajouter le mot "cadastral" après tous les mots "plan", car, pour le public, pour l'acheteur, pour le propriétaire, c'est le seul plan qui démontre vraiment leurs droits, leur terrain exclusif et toutes les parties communes à tous les copropriétaires. Tous les autres plans, soit les plans des vendeurs, les plans des architectes rendent la situation extrêmement confuse. Nous voyons cela tous les jours. Le propriétaire qui vient d'acheter une unité dans un condominium faire face à des plans multiples, des plans de vente, des plans d'architectes, des plans de mécanique, des plans de toutes sortes. Or, les seuls plans qui sont vraiment rattachés à la partie exclusive dont il est propriétaire, dans toutes ses dimensions, sont les plans enregistrés au cadastre. Ces plans, en plus de montrer l'unité qu'il achète, montrent aussi en détail tous les murs, les galeries, les balcons, les endroits d'entreposage, les garages et tout le terrain autour du bâtiment avec les dimensions exactes de toutes les aires de stationnement et les aires récréatives.

À la section de la copropriété, il serait important d'ajouter à tous les endroits où c'est nécessaire, après le mot "plan", une référence au plan du cadastre.

En somme, M. le Président, je suis prêt à appuyer les sections qui révisent le Code civil existant. Mes collègues arpenteurs-géomètres et notaires seront très heureux de l'application de cette nouvelle révision du Code civil, finalement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: M. le Président, je ne tiendrai pas rigueur à l'intervenant précédent de ne pas avoir utilisé tout son temps, mais comme, normalement, son intervention aurait pu se terminer près de 18 heures, je vais suggérer tout de suite que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de suspension est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le leader adjoint du gouvernement, si vous voulez maintenant suspendre.

M. Blouin: M. le Président, oui, je propose donc maintenant que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont suspendus jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 17 h 30)

(Reprise à 20 h 2)

Le Vice-Président (M. BrouiUet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Veuillez vous asseoir.

M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Blouin: M. le Président, d'abord je vous indique tout de suite, puisqu'il y a eu une omission cet après-midi, que la commission de l'aménagement et des équipements entreprendra l'étude détaillée du projet de loi 226. Cela a été fait aujourd'hui. Je devais donc préciser - j'en ai parlé avec nos collègues de l'Opposition -que le ministre des Affaires municipales évidemment devait être membre de cette commission. C'est pour que les écritures soient corrigées en conséquence. Sur ce, M. le Président, je vous demande d'appeler le débat sur la poursuite de l'étude du Code civil s'il vous plaît.

Projet de loi 20

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons poursuivre le débat sur l'adoption du principe du Code civil. J'inviterais M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur à prendre la parole.

M. Rochefort: Merci, M. le Président...

M. Gratton: Sur une question de règlement, le ministre mériterait qu'on ait quorum avant qu'il ne commence son intervention.

Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien. Nous devons attendre quelques minutes pour avoir quorum. Il faudrait faire sonner les cloches pour appeler les députés.

Je constate que nous avons quorum. Je donne la parole à M. le ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.

M. Jacques Rochefort

M. Rochefort: Merci, M. le Président. Vous me permettrez, en tout premier lieu, de remercier mon collègue de Gatineau d'avoir demandé que le quorum soit réuni pour entendre mon intervention. Je veux, toutefois, soulever qu'il n'y a que trois députés libéraux pour constituer ce quorum. Toutefois, j'ai la conviction que beaucoup de Québécois et de Québécoises sont intéressés au sujet que nous aborderons ce soir puisque

je participe au débat sur le projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens.

On ne répétera jamais assez souvent toute l'importance particulière que revêt le Code civil dans notre société. Le Code civil, c'est ce qui établit le droit commun de tous les Québécois et de toutes les Québécoises. C'est ce qui régit les diverses manifestations de la vie sociale, ce qui règle les rapports quotidiens entre les personnes, ce qui gouverne nos actions, régit nos biens, détermine nos droits, prescrit et sanctionne nos devoirs et obligations. En résumé, c'est le Code civil qui fixe les règles de la plupart des instruments juridiques qui sont utilisés par la société québécoise pour régir ses activités. Mon collègue de la Justice a déjà indiqué à cette Assemblée toute l'importance et tout l'à-propos de la réforme de notre Code civil. La première tranche de cette réforme concernait le droit de la famille et a été adoptée en 1980. Nous abordons maintenant, avec le projet de loi 20, la deuxième tranche, soit celle portant réforme au droit des personnes, au droit des successions et au droit des biens.

Bien que ce volumineux projet de loi, qui contient plus de 1100 articles, traite de sujets aussi importants les uns que les autres, mes fonctions de ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur m'amènent naturellement à aborder le chapitre qui porte réforme au droit des biens. C'est à cet endroit que l'on traite de propriété d'un immeuble ou d'un logement et, particulièrement, de ces nouvelles formes de propriété que sont le condominium et la copropriété indivise. Le droit des biens et de la propriété fait partie de notre quotidien. Le droit des biens définit ce qu'est un bien, comment en retirer tous les avantages, mais cela, en suivant des règles qui respectent l'intérêt commun. Ces règles sont d'autant plus importantes lorsqu'il s'agit d'établir clairement les modalités d'exercice du droit de propriété, autant dans le cas de la copropriété indivise où chacun partage la propriété à la fois de l'immeuble et de son logement, que dans le cas d'un condominium où chacun possède en propre son logement et partage avec les autres la propriété des parties communes comme le garage, le hall d'entrée, etc.

Cette réforme du droit des biens et de la propriété touche chacun de nos ménages québécois qui veut acheter un logement en copropriété de même que ceux qui vivent déjà en copropriété. Nous voulons par cette réforme clarifier ce qu'est la copropriété, simplifier et uniformiser ces règles d'administration et surtout faciliter les relations entre les copropriétaires et leur assurer une meilleure protection. Cette réforme est d'autant plus nécessaire que le condominium et la copropriété indivise se sont développés de façon appréciable au cours des années et qu'il est essentiel maintenant de mettre à jour leur cadre juridique afin de s'assurer qu'il n'y ait pas d'obstacle de nature juridique à cette forme d'habitation.

Déjà, en 1979, le ministre de la Justice formait un groupe de travail pour inventorier les problèmes rencontrés dans le secteur de la copropriété, en chercher les causes et recommander les solutions appropriées. Les recommandations de ce groupe de travail visaient d'une part les problèmes reliés à la vie même en copropriété, phénomène assez récent au Québec, et d'autre part les problèmes liés à l'action du promoteur et à la protection des acheteurs. Ces recommandations devaient mener au dépôt, à l'Assemblée nationale en 1983 du projet de loi 58, Réforme au Code civil du Québec du droit des biens. Une commission parlementaire entendait ensuite les représentations de divers intervenants en mars 1984. (20 h 10)

Quant au projet de loi 20, qui fait l'objet de nos débats ce soir, au risque de me répéter, il reprend en un seul bloc les trois projets de loi déposés en cette Chambre à l'époque. Le titre troisième du livre sur les biens est consacré aux principales modalités de la propriété. Après avoir, dans un premier temps, défini la nature de la copropriété par indivision et de la copropriété dite divise ou condominium, trois chapitres organisent et énoncent notamment les régimes juridiques de celle-ci.

Dans un premier temps, voyons de plus près les questions concernant la copropriété indivise. La copropriété indivise utilisée couramment en matière commerciale s'est répandue ces dernières années comme mode de propriété immobilière à des fins résidentielles. Il existe par exemple à Montréal près de 10 000 logements détenus en copropriété indivise. La copropriété indivise, M. le Président, c'est un groupe d'individus qui décident d'acheter ensemble un immeuble. Ils sont tous ensemble à la fois propriétaires de l'immeuble et des logements. Cette situation peut soulever, dans notre droit actuel, à l'occasion, des difficultés particulières pour les copropriétaires. En effet, dans notre Code civil ce mode de propriété est un état de droit insatisfaisant.

L'article 689 du Code civil stipule que nul n'est tenu de demeurer dans l'indivision, si bien que les copropriétaires sont toujours sujets à la volonté d'un des leurs d'y mettre fin sous réserve d'une convention dont l'effet est limité dans le temps. Cette règle, conçue pour régler des partages successoraux, est mal adaptée à la copropriété indivise.

Par ailleurs, les copropriétaires indivis sont conjointement responsables relativement

aux dettes de la copropriété tels l'impôt foncier et l'hypothèque, d'où des difficultés importantes de financement, particulièrement dans les cas de revente de la part d'un des copropriétaires.

Enfin, les copropriétaires ne peuvent empêcher la vente en justice de l'immeuble par un créancier d'un des copropriétaires qui a obtenu jugement contre ce dernier, à moins de payer la note.

Dans la mesure où l'on reconnaît l'indivision comme un mode d'accès valable à la copropriété - elle représente souvent un coût moindre qu'une maison unifamiliale - il convenait donc de combler ces lacunes du Code civil, d'où les propositions qu'on retrouve au projet de loi 20.

En conséquence, le projet de loi 20 prévoit d'abord les modalités d'établissement de la copropriété indivise. Les copropriétaires peuvent, par convention, retarder le partage durant 30 ans et assurer ainsi une certaine stabilité à ce mode de propriété.

Une convention doit être établie par écrit et comporter la désignation du bien et l'indication des parts de chacun. Cette convention peut être renouvelable et opposable aux tiers si elle est enregistrée par dépôt.

Les droits et obligations des indivisaires sont précisés. Chaque copropriétaire a, relativement à sa part, les droits et obligations d'un propriétaire exclusif. Il peut, par exemple, l'aliéner et/ou l'hypothéquer.

Quant au bien commun, des règles sont énoncées relativement à son usage, à la disposition des fruits et revenus, à la répartition des frais d'administration et autres charges, au remboursement des dépenses de conservation et d'amélioration.

Un mécanisme permet aussi à un copropriétaire d'acquérir de façon prioritaire la part d'un autre copropriétaire. À ce sujet, dans les 60 jours où un copropriétaire apprend la vente d'une quote-part à une personne étrangère au groupe de propriétaires, il peut écarter cette personne en lui remboursant le prix payé et les frais qu'elle a acquittés, devenant ainsi propriétaire de cette quote-part. Des modalités sont prévues selon lesquelles un ou des copropriétaires peuvent désintéresser un créancier qui, en paiement d'une obligation, a l'intention de vendre la part d'un autre copropriétaire. Les modalités d'administration des biens indivis, quant à elles, sont prévues. Par exemple, la nomination d'un gérant. Enfin, le projet de loi 20 prévoit des règles relatives à la fin de l'indivision et au partage.

Le chapitre de la copropriété indivise vient donc combler une lacune du droit actuel qui ne contient aucune règle pour régir le cas où des personnes désirent continuer la copropriété. Le projet de loi 20 contient des dispositions minimales et généralement supplétives à la volonté des copropriétaires sur leurs droits, l'administration et le partage des biens. Ces règles s'inspirent généralement des dispositions de l'Office de révision du Code civil et de la réforme du Code civil français intervenue en 1976.

Par ailleurs, ces nouvelles règles sont de nature à favoriser cette forme de propriété d'un logement et de d'autres types de biens. La copropriété indivise peut donc s'avérer avantageuse pour se loger, pour rénover des logements ou pour permettre à de petits épargnants de faire de bons placements tout en bénéficiant de certains avantages.

Quant à la copropriété divise, voyons la situation actuelle. La copropriété divise, communément appelée condominium, constitue un phénomène assez récent au Québec et, particulièrement, dans le domaine de l'habitation. À ce sujet, on s'aperçoit que les tendances actuelles indiquent qu'elle sera de plus en plus privilégiée par bon nombre de ménages québécois dans l'avenir. Par exemple, le nombre d'habitations détenues en copropriété a déjà triplé entre 1976 et 1981, passant de 0,2% à 0,6% de l'ensemble du parc immobilier québécois qui comprend, faut-il le rappeler, 2 300 000 logements. Comme les constructeurs d'habitations doivent continuer à s'adapter aux transformations de la demande en produisant des habitations à des prix abordables, de dimensions plus petites et surtout plus rapprochées des centres urbains, on peut croire que le marché du condo est appelé à connaître une plus grande popularité. D'ailleurs, près de 21% des logements réalisés dans le cadre du programme Corvée-habitation étaient des condos et, à la fin de 1984, il y avait 26 900 condos au Québec, soit le double d'il y a quatre ans.

L'introduction du régime juridique de la copropriété divise dans notre droit remonte à 1969. On parle de copropriété divise, M. le Président, ou condominium lorsque le copropriétaire possède de façon exclusive son logement et partage avec les autres copropriétaires la propriété des parties communes.

En 1969 donc, la copropriété des immeubles établis par déclaration a fait l'objet d'une réglementation inscrite aux articles 441b et suivants du Code civil. On y abordait l'établissement de la copropriété comme telle, les droits et obligations des copropriétaires, la déclaration de copropriété, les administrateurs, l'assemblée des copropriétaires, la participation aux charges, etc.

Une décennie d'applications quotidiennes de cette législation a fait apparaître différentes difficultés auxquelles il faut maintenant remédier. Les principales propositions du projet de loi 20 visent les points suivants: la simplification de la déclaration

de copropriété; la possibilité de constituer des parties communes à usage restreint; l'opposabilité du règlement de copropriété aux locataires; l'octroi de la personnalité juridique à la collectivité des copropriétaires qui prendra dorénavant le nom de syndicat; et l'énumération des droits et obligations du syndicat: premièrement, l'obligation pour le syndicat ou groupe de propriétaires de constituer un fonds de prévoyance pour les réparations majeures et le remplacement des parties communes; deuxièmement, l'obligation pour le syndicat ou groupe de propriétaires d'assurer l'ensemble de l'immeuble détenu en copropriété; troisièmement, l'octroi d'un recours au syndicat au cas où le locataire ou un copropriétaire refuse de se conformer au règlement de la copropriété; quatrièmement, la possibilité pour le syndicat d'intenter toute action fondée sur les vices cachés, vices de construction ou vices du sol.

De plus, le projet de loi 20 prévoit des règles relatives à l'administration du syndicat et des règles régissant l'assemblée des copropriétaires. À ce sujet, on retrouve des modalités, notamment, quant à l'avis de convocation, au quorum, au nombre de voix requises; au pourcentage maximal des voix du promoteur qui vend les logements; la possibilité d'obtenir une ordonnance privant un copropriétaire en défaut de payer sa quote-part de son droit de vote; et aussi des modalités prévoyant le pourcentage des voix requises selon la nature des décisions à prendre, notamment le remplacement de la règle de l'unanimité par celle de la majorité de 90% des voix pour éviter les situations de blocage, la limitation du nombre de voix des propriétaires non résidents à 10% de l'ensemble des voix pour éviter les conflits d'intérêts entre copropriétaires investisseurs et copropriétaires résidents. On retrouve aussi finalement les modalités de transfert du contrôle du promoteur au syndicat des copropriétaires et aussi les règles régissant la fin de la copropriété.

De plus, M. le Président, des mesures de protection du consommateur, acheteur d'un logement détenu en copropriété, devraient être adoptées dans une loi d'application permettant de faire, au chapitre de la vente du Code civil, les ajustements nécessaires à ce nouveau droit des biens. Ces dispositions devraient, de façon générale, assurer à l'acheteur une information détaillée contenue dans l'offre de vente et le prospectus, un délai de résolution, des recours civils en cas d'informations trompeuses et la protection des sommes d'argent versées par le dépôt en fidéicommis jusqu'à un délai de 30 jours de la remise aux fidéicommissaires d'un certificat d'achèvement des travaux.

Après ce bref exposé des modifications proposées au projet de loi 20 en ce qui a trait à la copropriété, je tiens à indiquer, M. le Président, que ces modifications du régime juridique de la copropriété rejoignent parfaitement les préoccupations du ministère de l'Habitation et de la Protection du consommateur. D'ailleurs, une des 127 propositions d'action contenues au livre vert "Se loger au Québec", rendu public en novembre 1984 et pour lequel je fais actuellement une tournée de consultations dans l'ensemble des régions du Québec, vise à simplifier et à uniformiser le régime de la copropriété. Il est évident que l'encouragement à l'accession à la copropriété passe également par une meilleure accessibilité aux différentes formules de propriété. Dans la mesure où l'acquisition d'un logement détenu en copropriété constitue le choix d'un nombre grandissant de ménages québécois, il importe de prévoir un cadre juridique susceptible de régir adéquatement la vie en copropriété et d'assurer l'information des acquéreurs sur les implications de ce mode de propriété, lors de l'achat.

La législation régissant la copropriété divise sanctionnée en 1969 doit maintenant être adaptée pour tenir compte de l'évolution, tandis qu'une réforme du régime de copropriété indivise s'imposait. C'est donc sans hésitation aucune, M. le Président, que je concours à la réforme qui fait aujourd'hui l'objet de nos débats.

En terminant, M. le Président, je veux rassurer les locataires d'immeubles locatifs que le projet de loi 20 présentement débattu à l'Assemblée nationale du Québec n'a pas pour effet, et cela d'aucune façon, de lever le moratoire sur la transformation d'immeubles locatifs en copropriété. Il y a actuellement un débat important qui se tient au Québec sur cette question, qui doit se tenir et dont un des lieux privilégiés pour la tenue d'un tel débat est la consultation que je mène actuellement sur le livre vert sur l'habitation, "Se loger au Québec".

Je veux réaffirmer, M. le Président, que si la conversion en copropriété d'immeubles locatifs devait être permise, elle devrait nécessairement être bien encadrée, notamment quant à la protection des locataires qui occupent actuellement les logements qui seraient concernés.

Je veux, M. le Président, conclure sur cette question en réaffirmant mon souhait que nous puissions débattre, comme collectivité, comme société, de cette question, qu'aucune décision n'a été prise jusqu'à maintenant par le gouvernement quant à la levée éventuelle de ce moratoire et qu'il ne sera aucunement question qu'une décision soit prise à cet égard tant et aussi longtemps qu'un débat public, ouvert et important n'aura pas été tenu dans notre société. Actuellement, il n'y a pas de décision de prévue, je crois qu'il est opportun que nous puissions en discuter tous

ensemble et c'est ce à quoi, entre autres, nous convie la consultation que je mène actuellement sur le livre vert "Se loger au Québec".

Je veux donc conclure, M. le Président, par un appui à la réforme du Code civil, au projet de loi 20, à la réforme du droit des biens, aux nouvelles règles devant encadrer la copropriété, qui assureront à ceux et celles qui choisissent ce mode de propriété, notamment pour se loger, un régime approprié aux années quatre-vingt. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Brouillet): J'attends qu'un député se lève pour demander le droit de parole.

M. Marc-André Bédard M. Bédard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du gouvernement, vous avez la parole.

Des voix: Bravo!

M. Bédard: Merci, foule en délire!

M. le Président, quand on parle du Code civil, on parle évidemment d'une loi qui est de toute première importance. Le sujet peut paraître aride, même être difficile de compréhension au premier abord puisqu'il est essentiellement juridique, mais je crois qu'on ne saurait, malgré tout, insister trop sur l'importance de la réforme de notre Code civil entreprise il y a de cela plusieurs années.

Dès 1980, cette Assemblée a adopté une loi instituant un nouveau Code civil et portant réforme sur le droit de la famille. C'était une loi que j'avais déposée à titre de ministre de la Justice. Cette loi faisait suite au dépôt, au mois de juin 1978 devant l'Assemblée nationale, du rapport de l'Office de révision du Code civil, créé en 1955. Cela nous donne une idée de l'importance de la réflexion qui a pu être faite sur cette pièce juridique fondamentale de notre société que représente le Code civil, puisque ce que nous faisons aujourd'hui, cette réforme que nous continuons aujourd'hui avec certains chapitres concernant les personnes, les biens et les successions, tout cela a commencé en 1955 par la mise en place d'un groupe qu'on appelait l'Office de révision du Code civil qui, durant 23 ans, jusqu'en 1978, a travaillé, a consulté, a rencontré des groupes, etc. pour en arriver à déposer un rapport ici, à l'Assemblée nationale, en 1978. Deux ans plus tard, en 1980, comme je viens de le dire, nous avons fait adopter une loi instituant un nouveau Code civil et une réforme qui portait sur l'ensemble du droit de la famille. Aujourd'hui, nous sommes prêts à amorcer la discussion en vue de l'adoption du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens, donc, trois autres chapitres importants qui sont de nature à toucher chacune des activités ou des droits qui peuvent être dévolus selon le droit aux citoyens et aux citoyennes du Québec.

Notre Code civil, M. le Président, est un élément dynamique de notre culture et par conséquent, de notre identité. Ce n'est pas une simple loi parmi d'autres. C'est l'expression du droit courant du pays. C'est par notre Code civil qu'est établi le droit commun de tous et de chacun. Les divers aspects de la vie sociale, les rapports entre les personnes, les biens, les droits, les devoirs et obligations des citoyens, tous ces éléments sont réglés ou régis par le Code civil qui est, encore une fois, du point de vue juridique, une pièce fondamentale qui régit les relations des citoyens entre eux, leurs droits et leurs devoirs réciproques.

De nombreuses autres lois viennent nécessairement compléter ce Code civil et ce, dans des domaines particuliers ou dans certains secteurs de droit précis. C'est le cas, par exemple, des lois municipales, des lois sur le travail ou encore des lois concernant les transports, etc., mais le Code civil demeure la loi fondamentale de notre société avec la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. L'histoire a démontré clairement que le Code civil n'est pas un droit statique, même s'il est écrit et codifié. L'esprit qui s'en dégage a permis aux tribunaux de préciser le sens de ses termes, d'en élargir la portée dans bien des cas, de concrétiser certaines applications de cette législation globale que représente le Code civil et aussi, a permis de l'adapter à des situations nouvelles, à des réalités nouvelles du point de vue social. (20 h 30)

Depuis 1866, plus de 200 modifications au Code civil ont été apportées par le législateur, en vue d'ajuster le code juridique à l'évolution et aux besoins nouveaux de la société québécoise. Les plus importantes modifications furent la réforme des régimes matrimoniaux, le bail du logement et la concrétisation du principe de l'autorité parentale. Ce sont trois réformes plus mineures, naturellement, que celles que nous avons adoptées et qui portaient sur l'ensemble de la réforme du droit de la famille, plus mineures également que cette réforme que nous présentons concernant trois chapitres de notre code civil - les biens, les successions et les personnes - mais, même si ce sont des réformes mineures, elles étaient de nature, comme je l'ai dit tout à l'heure, à réajuster le Code civil dans certains secteurs à des réalités nouvelles.

Toutefois, il arrive un temps où la jurisprudence ne peut plus évoluer. Ne trouvant plus dans les textes toutes les ressources qui lui sont nécessaires et où le législateur ne peut plus se contenter d'interventions sporadiques ou d'interventions fragmentaires, des interventions ponctuelles, vient un temps où il y a une nécessité d'une réforme globale qui permet justement de rénover, de renouveler l'esprit global qui anime l'ensemble de cette législation fondamentale qu'est le Code civil afin de permettre encore une fois aux tribunaux de faire les interprétations, les élargissements qu'ils jugent à propos et de permettre aussi d'ajuster le Code civil d'une façon globale aux nouvelles réalités et aux nouvelles mentalités aussi, parce que celles-ci ont évolué. C'est alors qu'il y a nécessité d'une réforme de l'ensemble ou de secteurs entiers du droit civil, une réforme qui se révèle essentielle. C'est ce que nous avons entrepris avec, premièrement, la réforme sur le droit de la famille, et, maintenant, nous enchaînons avec la réforme sur les droits des personnes et les successions.

Une telle réforme, il va sans dire, doit se faire dans la prudence et le respect du rythme de l'évolution de la société afin de ne pas procéder à des modifications irréfléchies. C'est ainsi, dans cet esprit, que, pendant 18 années, l'Office de révision du Code civil a procédé aux analyses qui s'imposaient et a évalué les besoins et les solutions de rechange à la législation actuelle. C'est à partir de tout ce travail de consultation, d'évaluation de ce que sont les besoins de la société, de l'évolution des mentalités de la société dans différents secteurs d'activité juridique, tout ce travail qui a été fait par les membres de l'Office de révision du Code civil a abouti dans un rapport déposé devant cette Assemblée nationale, et c'est à partir de tout ce travail que l'on enchaîne avec les réformes portant sur les droits, les successions et les personnes.

Autrement dit, pour être bien clair, il ne s'agit pas pour le gouvernement d'essayer, en faisant la réforme du Code civil, de prendre le mérite de tout ce qui a été fait avec beaucoup de prudence, de sagesse par des gens qui ont travaillé, comme je l'ai dit tout à l'heure, des années au sein de l'Office de révision du Code civil. Il reste quand même que le gouvernement, afin de traduire ce rapport dans une loi bien précise, a quand même pas mal d'efforts à mener à terme.

Nous avons eu, en ce qui a trait au Code civil, comme on le sait, du point de vue gouvernemental, sur chacun des chapitres que nous étudions présentement, des commissions parlementaires qui ont permis d'entendre des groupes, d'entendre des personnes, de nouveaux points de vue de la part de personnes vivant maintenant et non pas en 1955, parce que certaines réalités sociales, certains besoins ont changé et il fallait trouver le moyen, de la façon la plus réfléchie possible, d'essayer de traduire dans la loi l'évolution de ces nouvelles mentalités ou de ces nouveaux besoins.

Tout cela pour vous dire que cette réforme ne vient pas d'une façon spontanée. Il n'y a pas de trait de génie de qui que ce soit d'une façon spéciale. C'est plutôt l'ensemble d'un travail de réflexion fait par de nombreux juristes, de nombreux groupes au sein de la population; ce qui fait que toute cette réflexion mise ensemble permet d'en arriver à une réforme globale de certains chapitres de notre Code civil pour le mieux ajuster.

M. le Président, à la suite du dépôt du rapport de l'Office de révision du Code civil, une action s'imposait: que le Québec se dote enfin de son propre Code civil. Immédiatement j'ai été confronté à une décision lorsque j'occupais les responsabilités de ministre de la Justice: de quelle façon devait-on procéder pour faire l'ensemble de cette réforme du Code civil, quand on sait que cela a pris 23 ans à un groupe pour accoucher d'un rapport sur lequel nous devions légiférer? De quelle façon devait-on procéder? Devait-on adopter un nouveau Code civil en bloc ou encore procéder par étapes? L'ampleur du travail de mise à jour d'une pièce aussi fondamentale que le Code civil m'a amené à vouloir procéder par étapes dans le renouvellement des grands secteurs prévus au Code civil.

Cette adoption progressive s'avérait nécessaire si l'on voulait tenir compte des réflexions et des discussions essentielles pour tous ceux et celles qui faisaient ou qui vivaient cette réforme. De même, la mise en oeuvre d'une telle réforme se devait d'être rapide. Il fut donc convenu de procéder par étapes et non en bloc afin que les juristes, les avocats, tous ceux qui, de près ou de loin, étaient touchés par des modifications apportées au code puissent être informés adéquatement.

Ce n'était pas une décision facile à prendre, mais je peux vous dire que lorsque je l'ai prise je l'ai prise à la suite d'une consultation de juristes au niveau du ministère de la Justice et également d'une consultation de certains organismes qui étaient intéressés d'une façon tout à fait particulière à la réforme du Code civil. C'est pour ça que dans une première étape il y a eu la réforme du droit de la famille. Cette deuxième étape c'est les successions, les personnes, les biens. L'ensemble de ces trois chapitres sera coiffé par une loi d'interprétation et les ajustements nécessaires, avec ce qui est déjà connu comme réforme, le droit de la famille. Ensuite je pense qu'il sera indiqué de procéder à la réforme de ce qui restera.

mais peut-être cette fois-ci moins par étapes, une dernière étape, une réforme de ce qui restera, en termes de chapitres, au niveau de notre Code civil.

Dès le départ, il nous était apparu prioritaire de procéder à la réforme du droit de la famille parce que, là peut-être plus qu'ailleurs, le vieillissement et l'éparpillement de la loi s'étaient fait sentir de façon plus aiguë; la loi était plus vieillie, moins ajustée, et répondait de moins en moins aux besoins des citoyens et citoyennes. Donc, elle pouvait même, dans certains cas, être très dépassée. (20 h 40)

C'était le cas d'ailleurs. Notre loi était très dépassée par les nouveaux besoins, les nouvelles mentalités qui se développaient. C'est là qu'au niveau de la réforme du droit de la famille, nous avons pu y aller de la mise en place de dispositions très importantes pour l'ensemble des femmes du Québec. Je pense, entre autres, à la protection de la résidence familiale. Je pense aussi à la reconnaissance de la part de la femme dans l'ensemble des biens amassés par un couple, la reconnaissance du travail fait par la femme et à bien d'autres dispositions qui répondent beaucoup plus que ce n'était le cas auparavant aux nouvelles mentalités et aux nouvelles réalités sociales.

Des ajustements s'imposaient dans ce secteur du droit de la famille et cela était devenu évident et nécessaire. Le législateur a dû procéder dans ce champ en vue d'ajuster les institutions familiales à l'évolution de la société québécoise et d'assurer le respect des droits fondamentaux des personnes qui composent la famille. C'est ainsi que - je peux le dire - j'ai été très fier de faire adopter à l'unanimité par l'Assemblée nationale la loi 89, qui constituait une vue d'ensemble de ce que serait le droit de la famille de l'avenir et devenait ainsi le premier chapitre de notre Code civil.

Cette loi fut adoptée après que des intervenants de tendances idéologiques les plus variées eurent été entendus. En effet, un nombre important de mémoires très substantiels avaient été présentés à la commission parlementaire de la justice qui avait procédé à la préparation du projet de loi et à sa mise en vigueur.

On retrouvait dans cette réforme du droit de la famille le respect constant de deux aspects qui m'étaient chers et dont l'application au niveau de la famille assure à cette cellule de base de notre société l'élan et le dynamisme qu'il importe de lui conférer. Ces deux préceptes fondamentaux étaient, premièrement, l'égalité dans la famille, l'égalité de l'homme et de la femme entre eux et devant la loi, parce que ce n'était pas le cas auparavant; deuxièmement, la liberté des personnes dans la façon d'organiser leurs relations familiales. Je pense que, sous cet aspect, tout n'a pas été fait, mais beaucoup d'améliorations ont été apportées par la réforme du droit de la famille.

Le principe de l'égalité des conjoints entre eux et devant la loi, de même que dans la direction morale et matérielle de la famille et dans la prise en charge de leurs responsabilités familiales constituait l'un des deux pivots de cette première tranche de la réforme de notre Code civil. En permettant de concrétiser cette aspiration des femmes du Québec - aspiration bien normale, bien légitime - d'agir en partenaires égales dans la direction et dans l'organisation de la vie familiale, le gouvernement du Québec avait le sentiment de rattraper ce qui était déjà la situation de la plupart des femmes. Cette affirmation du statut égalitaire des époux s'était inscrite comme une garantie supplémentaire que seraient assumées encore plus pleinement les responsabilités à l'égard des enfants, ce qui constituait notre premier souci.

L'esprit de la loi 89 était donc d'établir une responsabilité mieux partagée entre les époux d'abord, et entre les époux et la société ensuite. Le second grand principe était celui de la liberté des individus dans la façon d'organiser leurs relations familiales. Complément indispensable à l'énoncé d'égalité, l'application de ce principe permettrait véritablement de donner aux couples les moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs responsabilités familiales. C'est donc en s'appuyant constamment sur la réalisation des principes d'égalité et de liberté en fonction de la cellule familiale que l'ensemble des mesures prévues dans cette première tranche de la réforme du Code civil fut articulé.

Le droit de la famille est maintenant adopté. Nous entreprenons aujourd'hui l'étude de ce qui est la suite nécessaire normale de cette réforme du droit de la famille, c'est-à-dire le droit des personnes, le droit des successions et le droit des biens. En décembre 1982, j'avais déposé les projets de loi 106 et 107 sur la réforme du droit des personnes et des successions et, en décembre 1983, le projet de loi 58 sur la réforme du droit des biens. À la suite de ces dépôts, je l'ai dit tout à l'heure, des consultations publiques ont été faites; elles étaient nécessaires.

Je pense que le député de D'Arcy McGee qui est avec nous ici ce soir serait en mesure de dire que ce sont peut-être les chapitres sur lesquels le plus grand nombre d'organisme se sont fait entendre en commission parlementaire pour faire connaître leur point de vue. Lorsqu'on parle des personnes et de leurs droits, lorsqu'on parle des personnes et de leurs biens, des personnes et ce qui arrive à leur succession,

eh bien! on touche à énormément de choses qui concernent l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes.

Il était normal et il était agréable de constater que de nombreux organismes, même des individus, des personnes, s'étaient fait un devoir de venir se faire entendre devant ces commissions parlementaires que j'avais l'honneur de présider en compagnie de mon collègue de D'Arcy McGee. Ces organismes, je pense, ont apporté dans leur représentation énormément de lumières, énormément de points de vue qui ont permis - j'étais à même de le constater - de faire en sorte que le gouvernement, à l'occasion de la deuxième lecture, était en mesure de procéder à l'étude de ce projet de loi des trois chapitres avec des amendements qui répondaient en grande partie aux attentes et aux remarques qui nous avaient été faites par les groupes qui se sont fait entendre.

Ce qui nous amène, M. le Président, au projet de loi substantiel que nous avons devant nous, cette loi qui représente - je dis bien substantiel parce que c'est le cas étant donné que cela représente pas moins de 1150 articles de notre Code civil. Ces 1150 articles sont contenus dans trois livres du Code civil qui traitent, comme je l'ai dit, des droits des personnes, des successions et des biens. Ce qui doit attirer notre attention en ce qui a trait aux droits des personnes, c'est que le projet de loi 20 affirme la primauté de la personne et assure le respect de ses droits. C'est fondamental.

Auparavant, c'est malheureux de le dire, le Code civil du Bas-Canada mettait davantage l'accent sur le patrimoine de la personne que sur ses droits alors que notre nouveau droit, en respect des nouvelles mentalités et des nouveaux besoins qui se sont développés au niveau de la société, des nouveaux courants d'idée qui se sont développés, met surtout l'accent sur la primauté de la personne et le respect de ses droits plutôt que sur le patrimoine, sans nécessairement le négliger.

Ces nouvelles mesures ont été inspirées des mêmes principes fondamentaux qui ont guidé la réforme du droit de la famille, à savoir la reconnaissance de l'égalité et de l'autonomie de la personne, les grandes lignes de cette réforme du droit des personnes concernant la jouissance et l'exercice des droits civils qui sont les attributs essentiels de la personnalité juridique.

L'intégrité de la personne, le respect des droits de l'enfant, le respect de la vie privée, les questions relatives à l'absence et les questions relatives à l'état civil, voilà quelques-uns des chapitres, quelques-uns des sujets, quelques-uns des secteurs d'intérêt de ce projet de loi où des dispositions du Code civil ont été améliorées et clarifiées par des modifications substantielles. C'est là qu'on voit, M. le Président, l'importance de cette législation qui peut paraître abstraite dans un premier temps mais qui, au contraire, est très pratique parce qu'elle touche chaque personne dans ce qu'elle a de plus important, c'est-à-dire sa vie privée, ses droits, ses biens, sa succession et l'intégrité de sa personne. (20 h 50)

La réforme du droit des successions, elle, s'articule sur deux principes, à savoir, premièrement, la protection des membres de la famille et la conservation du patrimoine familial eu égard à la liberté de tester et, deuxièmement, la liquidation rapide de la succession sans porter préjudice aux héritiers. À cet effet, certaines mesures assureront un meilleur équilibre au sein de la famille dont les plus importantes sont celles-ci. D'abord, la reconnaissance pleine et entière des droits successoraux du conjoint survivant et le partage de la succession légale entre le conjoint, les enfants et les autres membres de la famille. Ce sont toutes des choses qui sont déjà réglementées par notre Code civil mais qui le seront ou pourront l'être différemment par le nouveau Code civil, la réforme que nous entreprenons maintenant, ce qui en montre l'importance.

Également, seront abordés les sujets concernant la survie de l'obligation alimentaire, la représentation en matière de legs, le partage des biens de la succession et l'effet du mariage et du divorce sur la validité d'une disposition testamentaire.

M. le Président, j'en aurais encore pour quelques minutes, parlant au nom du gouvernement à la fin de l'étude de ce projet.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien mais je crois qu'il y a encore un autre intervenant. S'il y a consentement pour que vous puissiez poursuivre... Votre temps est écoulé mais s'il y a consentement...

Une voix: J'aimerais poser une question au ministre, après.

Le Vice-Président (M. Brouillet): Après, oui, à la fin. Très bien. M. le ministre, vous avez encore la parole.

M. Bédard: M. le Président, comme je viens de le dire, il y a certaines mesures dans cette réforme qui vont assurer un meilleur équilibre au sein de la famille, entre autres, concernant les effets du mariage et du divorce sur la validité d'une disposition testamentaire.

La survie de l'obligation alimentaire constitue sans doute une mesure nouvelle importante dans le cadre de la protection de la famille. Cette exception - puisque c'en est une - au principe de la liberté illimitée de tester découle de la reconnaissance des liens essentiels entre le droit de la famille

et le droit successoral. C'est sous la forme d'une créance alimentaire en faveur des personnes qui ont ce droit que cette mesure s'applique. Cette créance pourra être exercée contre la succession et, dans certains cas, cette créance pourra entraîner la réduction de certaines libéralités faites avant le décès. Même si cette créance s'applique tant aux hommes qu'aux femmes, elle rencontre les besoins de centaines. Cette réforme, M. le Président, simplement sur l'angle de l'obligation alimentaire, rencontre les besoins de centaines de milliers de femmes dans le besoin et elle rétablit ainsi l'équilibre - nous l'espérons - nécessaire à la protection de la famille. Cela nous montre l'importance de cette disposition en termes de législation.

Au regard du droit des biens, le projet de loi clarifie certains points du droit actuel et il étend la portée de certaines institutions comme l'usufruit, l'usage et l'emphytéose. Il réglemente aussi des secteurs qui se sont développés au cours des ans alors que la législation était demeurée insuffisante. C'est le cas, par exemple, dans le domaine de la copropriété par indivision ou de la copropriété des parties communes dans les immeubles ou dans le domaine de la propriété superficiaire. C'est ce dont nous avons eu l'occasion de nous rendre compte peut-être plus en profondeur avec l'exposé qui a été fait par mon collègue ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur, ce qui nous permet de voir jusqu'à quel point le Code civil couvre chacun des aspects de la réalité que les gens ont à vivre chaque jour.

Des règles nouvelles sont aussi introduites pour répondre à des besoins actuels en matière de fiducie ou d'administration des biens d'autrui. Les dispositions sont très importantes au point de vue économique et auront également des incidences économiques importantes directes au Québec.

M. le Président, c'est l'essentiel des représentations que j'avais à faire concernant les trois chapitres dont nous avons à entreprendre l'étude et sur lesquels porteront cette deuxième étape de la réforme du Code civil. Je sais que bien d'autres points pourraient être abordés. Ils le seront, sinon en troisième lecture, sûrement au cours de l'étude détaillée de ce projet de loi en commission avec les collègues de l'Opposition.

Je souhaite, M. le Président, étant donné l'importance de cette loi, même si on est dans une période préélectorale, je souhaite, et je sais que mes collègues sont d'accord, étant donné l'importance de cette loi, je ne crois pas qu'il y ait un chemin politique plus important qu'il ne le faut à faire, il y a surtout beaucoup de choses importantes à régler pour nos concitoyens et concitoyennes avec les nouvelles dispositions.

Bien des secteurs d'activité vont être améliorés quant à leurs droits; leurs devoirs et leurs responsabilités seront précisés. On a tous avantage ici, tous les membres de l'Assemblée nationale, à faire l'effort nécessaire non partisan pour que cette partie de la réforme du Code civil concernant les biens, les personnes et les successions soit adoptée avant que nous allions rencontrer l'électorat.

Nous l'avions fait, M. le Président, lorsqu'il s'était agi du droit de la famille. Il n'y a pas eu d'exploitation éhontée du fait que des consentements avaient été donnés, un effort spécial avait été fait pour adopter cette réforme du droit de la famille. J'espère qu'il en sera ainsi pour la réforme de ces trois chapitres qui, si nous faisons notre travail, apporteront des améliorations à l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. BrouiUet): Le député de D'Arcy McGee aurait une question à poser au ministre. M. le ministre, acceptez-vous d'y répondre?

M. Marx: Cela fera plaisir au ministre, j'en suis sûr.

Le Vice-Président (M. BrouiUet): M. le député de D'Arcy McGee.

M. Marx: M. le Président, j'aimerais dire que j'ai aimé travailler avec le ministre sur ce projet de loi. Il a toujours eu la collaboration de l'Opposition, mais je ne suis pas prêt à le féliciter pour son travail, pas aujourd'hui de toute façon.

Ma question a deux volets: Premièrement, n'est-il pas vrai que depuis que ce gouvernement est au pouvoir, depuis neuf ans, nous avons adopté seulement un chapitre de notre Code civil? Les trois chapitres qu'on discute aujourd'hui, même si on les adoptait aujourd'hui, ne seront pas en vigueur pour encore quelques années parce que la loi d'application n'est pas encore déposée...

Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le député de D'Arcy McGee, c'est une question que vous posez au ministre et non pas une expression d'opinions successives.

M. Marx: M. le ministre - c'est le deuxième volet de ma question - n'est-il pas vrai que les avocats au Québec, parce que nous avons deux Codes civils - c'est un méli-mélo - ne se retrouvent pas dans nos codes? Si on continue l'adoption comme on l'a commencée, ce ne sera pas adopté avant le XXIe siècle.

M. Bédard: M. le Président, avant de m'adresser à mes collègues de l'Assemblée

nationale, j'avais pris la peine de lire le discours qu'avait fait le député de D'Arcy McGee, qui m'a précédé. Je vois que sa question n'est que le résumé du discours qu'il a fait. Je lui répondrai très rapidement; il n'est pas question de faire un débat. D'abord, le député sait très bien que, lorsque la décision a été prise de faire ce projet de loi, de s'aventurer dans la réforme du Code civil par étapes, elle a été prise après de nombreuses consultations. Je crois que cela a été une très bonne décision, parce que cela nous a permis d'y aller d'une réforme fondamentale, globale, du droit de la famille, là où c'était le plus nécessaire, où c'était le plus demandé, où l'urgence existait. (21 heures)

C'est grâce au fait que nous avons procédé à la réforme du droit de la famille qu'aujour'hui les femmes du Québec ont une protection concernant la résidence familiale, qu'elles ont vu leur apport reconnu concernant l'ensemble du patrimoine familial, qu'elles ont vu aussi disparaître de tout un secteur du Code civil toutes les discriminations qui s'y trouvaient. Le député de D'Arcy McGee sait cela. Je pense qu'on n'a qu'à se féliciter ensemble plutôt qu'à se dénigrer. On n'a qu'à se féliciter ensemble d'avoir pu faire en sorte que déjà, depuis quatre ans, les femmes du Québec ont profité de ce qui a été une amélioration très marquante concernant le Code civil, concernant le droit de la famille. Si nous avions procédé à toute la réforme dans son ensemble, nous serions encore en train d'en discuter et aucune partie de la réforme, aucun chapitre ne serait en vigueur. Donc, aucun des nos concitoyens et concitoyennes n'aurait été, depuis trois ou quatre ans, en mesure de profiter de certains amendements et améliorations juridiques, ce qui est le cas pour les femmes du Québec depuis quatre ans avec la réforme du droit de la famille.

Concernant la vitesse de croisière de la réforme, c'est évident que cela ne peut pas être rapide - je l'ai dit tout à l'heure -quand on parle de droits aussi fondamentaux que l'intégrité de la personne, en fait, les biens, les successions des gens. Ce sont toutes des choses qui, en fait, touchent de très près chaque citoyen et chaque citoyenne. Il faut y aller avec beaucoup de réflexion et beaucoup de prudence. Je pense qu'il faut adopter une vitesse de croisière qui nous permet de bien identifier les besoins de la société, parce qu'une réforme du Code civil, cela n'arrive pas tous les ans. Cela n'arrive pas tous les dix ans. Cela n'arrive même pas tous les 50 ans. Le Code civil existe depuis plus de 100 ans et nous sommes, à l'heure actuelle, à travailler ensemble, nous, membres de l'Assemblée nationale, à la première réforme du Code civil du Québec. Cela ne peut pas être aussi rapide qu'on le voudrait, d'autant plus qu'on sait - et je termine là-dessus - que cela a pris 23 ans à des membres de l'Office de révision du Code civil, non pas pour faire une loi, mais simplement pour déposer un rapport, ce qui a été fait en 1978. Or, depuis 1978 - cinq ans - il y a déjà quand même pas mal de choses de faites. Si nous travaillons ensemble, si nous continuons de travailler ensemble, trois autres chapitres auront été adoptés avant la fin de cette session et il restera, je crois, une autre étape, c'est-à-dire le reste du Code civil à réformer. C'est tout.

Une voix: Une autre question?

Le Vice-Président (M. Brouillet): La nature des questions appelait des réponses qui se présentaient beaucoup plus comme une justification. Vous comprendrez que j'ai dû laisser aller de part et d'autre.

J'inviterais M. le député de Nelligan, s'il vous plaît.

M. Clifford Lincoln

M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu parler de la question de la protection des droits et des libertés des déficients mentaux et des handicapés intellectuels, des malades mentaux dont on fait beaucoup état dans le projet de loi 20.

L'autre jour, je regardais un programme de télévision au sujet de la stérilisation des déficients mentaux. C'était assez instructif de le regarder parce que cela reflétait un peu le visage de la société. Tous les gens qui étaient des "panelists" étaient naturellement des gens qui, eux-mêmes, n'étaient pas des déficients mentaux. C'étaient des gens qu'on dit normaux dans la société. Ils semblaient prendre des positions qui étaient sympatiques à la cause de la déficience mentale, mais dans certains cas -on pourrait certainement le dire - ils étaient très peu sympathiques. Je me souviens de la personne qui soulevait le fait que la stérilisation pour les déficients mentaux devrait se faire beaucoup plus facilement, qu'on ne devrait pas mettre d'entraves, parce que la société ne pourrait pas supporter le coût d'enfants qui naîtraient de déficients mentaux et qui pourraient eux-mêmes être déficients mentaux. Ce sont des jugements très faciles à faire pour nous, qui ne souffrons pas de la maladie elle-même. C'est tellement plus facile pour nous, qui sommes dans des situations où nous ne pouvons pas réaliser ce que souffre la personne affligée de ce mal.

Il faut regarder en arrière, plusieurs générations en arrière où il fut un temps où ceux d'entre nous qui étaient, entre guillemets, "normaux" dans la société disaient: S'il y a une personne qui souffre d'une maladie mentale quelconque, s'il y a

une personne qui, selon nous, selon notre perception des choses d'alors, notre perception des choses selon la science médicale qui était connue alors, souffre d'une déficience ou d'une faiblesse mentale, on lui fait une lobotomie, on lui fait une abstraction d'une partie du cerveau pour rendre la personne tout à fait inoffensive.

Combien de gens, qui auraient pu avoir une place tout à fait complète dans la société, n'ont pas pu l'avoir parce que des personnes qui se disaient compétentes avaient décidé pour eux? Ils ont été changés complètement dans leur physionomie, dans leur capacité mentale, dans leur façon de vivre et dans leur personne même par des décisions qui ont été prises par d'autres personnes qui disaient avoir voix au chapitre par une connaissance plus approfondie de leur cas.

C'est pourquoi nous devons nous réjouir de toute loi, de toute amélioration dans une loi qui va rendre les droits et les libertés à toute personne humaine, qu'il s'agisse comme nous de personnes normales, que ce soit des personnes souffrant d'une déficience ou d'une débilité mentale, afin qu'elles soient tout à fait protégées dans notre société. Il faut que nous arrivions au fait, que nous donnions une présomption de compétence à toute personne humaine, qu'on dise que toute personne humaine, toute personne sur cette terre doit avoir les droits et les libertés de tout autre individu. Il faut que nous disions que nous ne sommes pas compétents, aucun de nous ici, pour juger du cas des autres sans le consentement de cette autre personne elle-même.

Si nous y allons dès la position de départ de la présomption de compétence de toute personne humaine, à ce moment-là, on ne prendra pas de décision pour d'autres personnes qui pourraient en souffrir après. Je crois avoir cité quelques cas déjà de déficients mentaux qui, au cours des années, ont vu leur vie changer complètement par l'apport de la science qui a progressé de façon presque draconnienne durant les dernières années. Si on compare cela au siècle dernier, si on compare cela à 300, 400 ou 500 ans en arrière, on se rend compte que des gens ont été traités presque comme des animaux dans un zoo alors qu'aujourd'hui ils vivraient des vies tout à fait normales.

Je pourrais vous citer le cas d'un jeune garçon de 14 ans qui est arrivé dans un atelier protégé où, pour la première fois de sa vie, il s'est vu entouré d'une affection quelconque de gens qui essayaient de le comprendre, qui sympathisaient avec lui. D'un coup, ce petit garçon a commencé à parler pour la première fois, a commencé à prononcer quelques mots et puis un flot de paroles est sorti. Il vivait dans une famille où les gens ne le comprenaient pas, où il se sentait totalement incompris, où sans doute toute sa capacité affective, toute sa capacité mentale affective ne pouvait pas s'exprimer. Un jour, après avoir reçu de son entourage de la sympathie, de l'affection, cet enfant s'est mis à parler.

Je pourrais vous parler du cas d'un homme de 38 ans qui, avant d'arriver dans un centre où il faisait de l'entraînement, ne pouvait pas changer ses vêtements, ne pouvait pas se raser, ne pouvait pas manger seul. Après six mois seulement d'entraînement, cette personne faisait ses emplettes dans les magasins, cette personne prenait l'autobus, cette personne s'habillait, se rasait et vivait une vie presque normale dans un atelier où il rendait des services sur une machine électronique. (21 h 10)

Je pourrais vous citer le cas de deux enfants qui étaient de réels "légumes", vivant dans un lit en fer, se faisant nourrir toute la journée par des infirmières. En l'espace de quelques années, dans un centre d'entraînement, ces personnes ont commencé à vivre une vie normale. Aujourd'hui, ces deux personnes - le garçon et la fille - ont 26 et 27 ans et sont mariés. Lui travaille tous les jours. Il prend l'autobus par lui-même, il se rend à son travail à 6 heures du matin. Il gagne sa vie. Ils vivent dans un appartement comme n'importe quel couple normal. Ils vont dans les restaurants, ils profitent de la vie. Pourtant, il y a des gens qui auraient dit, il y a seulement 20 ans, que ces gens étaient inutiles, qu'on devait décider pour eux. Qui sommes-nous pour pouvoir décider pour les autres?

Je pourrais vous citer le cas du professeur Lejeune que j'ai rencontré à Paris il y a peut-être une quinzaine d'années. C'est un homme d'une éminence et d'une humilité qui frappe réellement les gens. Il a fait des expériences médicales sur environ 2000 jeunes déficients mentaux. L'objectif de son traitement, c'est d'essayer de découvrir les composantes chimiques et médicales du chromosome anormal chez les déficients mentaux. S'il peut balancer ce chromosome additionnel et, par le fait même, régler le problème de la trisomie en balançant toutes les composantes chimiques et physiologiques du chromosome, à ce moment-là, il rendra la vie aux déficients mentaux presque normalisée. Leur intelligence sera certainement décuplée. Des gens qui ont un quotient intellectuel de 30 et 40 verront leur quotient intellectuel augmenter d'une façon presque radicale.

Le professeur Lejeune me disait que, par des expériences, même les premières qu'il avait faites, il commençait à découvrir des traitements médicaux qui, de nos jours, ont augmenté le quotient intellectuel d'enfants déficients mentaux. Il me disait: Le plus grand problème que j'ai dans la vie, c'est d'essayer de convaincre mes collègues

scientifiques dans les réunions de scientifiques que je ne suis pas fou moi-même, quand je leur dis qu'il y a quelque chose à faire, quand je leur dis qu'avant que Pasteur n'ait découvert la rage, personne n'avait dit que Pasteur le ferait un jour, avant que le docteur Salk ne découvre le vaccin de la poliomyélite, personne n'aurait pu savoir que c'était possible. Il m'a dit: Un jour, à force d'efforts, on va découvrir quelque chose qui va balancer le chromosome additionnel chez les déficients mentaux afin de les rendre peut-être des gens tout à fait normaux par rapport à l'intelligence, par rapport aux capacités de l'esprit.

Il m'a dit: Comment pouvons-nous juger des possibilités inestimables et presque illimitées de la science d'aujourd'hui? Si on compare ce qui s'est passé aujourd'hui par rapport à la maladie mentale, à la psychiatrie, aux déficients mentaux, à ce qu'il y avait il y a 1000 ans, les pas qui ont été faits sont presque extraordinaires.

Il n'y a que quelques années, mon propre fils qui est déficient mental n'aurait pas été à l'école, n'aurait pas été dans une piscine, n'aurait pas su manger, n'aurait pas su s'habiller; il n'aurait certainement pas marché jusqu'à une école par lui-même, mais aujourd'hui il le fait. Aujourd'hui, par rapport à une personne de sa capacité mentale - 30 ou 40 de quotient intellectuel - ses puissances de réalisation et de compréhension sont certainement décuplées par rapport à quelqu'un il y a seulement 25 années.

Pourtant l'autre jour, lorsque j'écoutais cette personne à la télévision, nous qui sommes tellement imbus de notre propre capacité, nous disons: Nous allons prendre des décisions pour les autres. Cette personne de dire: "Je pense que la loi 20 apportera trop de troubles, rendra trop difficile une décision par rapport, par exemple, à la stérilisation des déficients mentaux."

Je dis que tout ce qui pourra rendre plus difficiles des décisions que les gens soi-disant normaux prendront pour ceux qui sont déficients mentaux, c'est un grand pas en avant. Plus on rendra cela difficile et même si cela coûte de l'argent à la société, c'est la dette que la société doit payer pour, en un sens, éclairer sa propre conscience.

J'entendais un jour, dans une réunion où on pouvait entendre une mouche voler, parler Jean Vanier. Je ne sais pas si les gens qui m'écoutent ici et ceux qui m'écoutent à la télévision ont déjà écouté parler Jean Vanier. Mais si jamais Jean Vanier vient parler, je recommande à tous d'aller l'entendre. Il disait qu'il y avait une étudiante d'université à Paris qui était venue le voir et qui lui disait: Je veux faire une expérience, j'écris une thèse sur les gens anormaux - je crois que c'est le terme qu'il a employé. Lui, de se retourner et de dire à cette dame: Vous parlez de gens anormaux. Qu'est-ce que c'est être normal, à votre point de vue? Est-ce que, être normal, c'est vous et moi qui connaissons l'égoïsme, qui connaissons la vantardise, tout ce qu'il y a dans l'humain qui est négatif? Pourtant, pour moi qui ai travaillé depuis plusieurs années, presque 18 ans, avec les déficients mentaux, les handicapés intellectuels, ces gens ne connaissent pas l'envie des autres, la jalousie, la haine. Ils ne connaissent pas l'envie du prochain, l'égoïsme, l'ambition personnelle.

Ce sont peut-être des gens, comme le disait Jean Vanier, qui devraient servir d'exemples à nous tous. Eux qui sont soi-disant bien moindres que nous, pourraient nous apprendre beaucoup de choses, parce qu'on se fait la guerre dans la société, on se bat entre nous, on se donne des coups de fusil, on commet des meurtres. Il ne se passe pas un jour où on ne lit pas dans les journaux toutes sortes de choses qui se passent autour de nous: des accidents d'auto, des meurtres, des guerres à droite et à gauche. Et, on se dit: Est-ce que c'est cela, les gens intelligents? Est-ce que c'est cela, les gens normaux de la société qui vont, soi-disant, dicter la chose à d'autres qui sont moins intelligents qu'eux? Mais les moins intelligents, ils ne font pas de guerre, ils ne se tuent pas, ils ne s'envient pas, ils ne jalousent pas les autres. Peut-être qu'on devrait se poser de sérieuses questions à ce sujet.

L'autre jour j'entendais une personne à la télévision décider pour les autres que cela coûterait trop cher à la société si on avait trop de procédures juridiques, que la stérilisation devrait se faire plus vite. Je me disais: Si quelqu'un qui se disait beaucoup plus intelligent que vous, monsieur le paneliste, décidait que vous n'êtes pas assez intelligent et qu'on devrait faire une procédure médicale quelconque sur vous, quelle serait votre réaction? Est-ce que vous avez le droit, vous, de décider pour les autres qui sont tellement plus faibles que vous? Est-ce que vous avez le droit, vous, de décider pour quelqu'un qui, peut-être, n'a pas votre capacité mentale mais qui, en même temps, est un être humain, qui nous donne ici un exemple de courage, de conscience et sans lequel notre société deviendrait encore plus égoïste qu'elle ne l'est aujourd'hui? Qu'on soit du Parti québécois, du Parti libéral ou d'un parti indépendant, tout ce qui va apporter, aujourd'hui, à la société une conscientisation que la personne humaine -surtout la personne qui est moins intelligente que nous, surtout celle qui a moins de capacités intellectuelles ou physiques et qui est plus démunie que nous - a droit, avec beaucoup plus de raison, à une protection accrue de la société, à une protection beaucoup plus accrue de la Charte des droits et de tout ce que nous fabriquons comme

instruments de société pour protéger les plus faibles, ce sera un grand pas en avant. Pourquoi les forts ont-ils besoin d'une charte des droits et des libertés. Ce ne sont pas les forts qui ont besoin de charte. Ce ne sont pas les forts qui ont besoin de protection juridique. Ce ne sont pas les forts et les intelligents qui ont besoin des articles de loi. Ce sont toujours les plus faibles, les plus démunis. Ce sont toujours ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes. Si cela coûte quelque chose à la société, si les procédures sont lentes, s'il faut des curateurs, s'il faut des juges qui vont décider de ce que les curateurs décident, eh bien, si cela prend un peu plus de temps, si cela veut dire un recul par rapport à ce que nous pensons être de l'efficacité, si cela veut dire qu'on prend un peu plus de recul, si cela veut dire qu'on fait les choses un peu plus lentement afin de permettre une évolution des gens que nous disons aujourd'hui déficients, peut-être que d'ici là ces quelques années vont permettre une évolution de la science qui va permettre à ces gens de se tenir encore plus debout qu'ils ne le font actuellement.

Tout ce que nous faisons dans cette loi pour protéger les droits et libertés des plus faibles, je pense que c'est un grand pas en avant et je m'en réjouis tout a fait. C'est alors que je dis qu'il faut donner le temps au professeur Lejeune de persuader ses collègues scientifiques de continuer leur travail pour améliorer le sort de ceux qu'on traite aujourd'hui comme des débiles mais qui demain, peut-être, prendront une place entière dans la société. Si nous n'avons pas cet espoir que nous pouvons aujourd'hui, nous qui envoyons des gens dans l'espace, nous qui envoyons des gens sur la lune, régler le sort des malades mentaux, des déficients mentaux, faire en sorte qu'ils prennent une plus grande participation dans la société, nous ne partons pas au point de départ d'une présomption de compétence de la part de tous ces ignorés de la société, je pense que nous aurons tous à rendre beaucoup de comptes. Des lois comme la loi 20 nous font prendre conscience de nous-mêmes parce que cela nous donne l'occasion de réfléchir à toutes ces questions, de réfléchir à ce que nous sommes comme législateurs.

Je pense que nous devons ensemble être très satisfaits que des lois soient faites pour protéger les démunis, les faibles et les déficients de la société.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Blouin: M. le Président, je propose donc, en vertu de l'article 236, que ce projet de loi soit envoyé à la commission des institutions qui procédera à son étude détaillée. J'indique également que le ministre de la Justice sera membre de cette commission.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion de renvoi est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Blouin: Sur ce, M. le Président, je propose maintenant que nous ajournions nos travaux à demain matin, dix heures.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Donc, nos travaux sont ajournés à demain, dix heures.

(Fin de la séance à 21 h 23)

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