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(Quatorze heures quatre minutes)
Le Président: À l'ordre!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez prendre vos places.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration
ministérielle. À la présentation de projets de loi, M. le
leader du gouvernement.
M. Bédard: Je vous demanderais, M. le Président,
d'appeler l'article a) du feuilleton.
Projet de loi 26
Le Président: M. le ministre délégué
aux Forêts présente le projet de loi 26, Loi sur les mesureurs de
bois.
M. le ministre délégué aux Forêts.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Ce projet de loi
propose une réforme complète de la Loi sur les mesureurs de bois.
Ce projet remplace la loi actuelle qui remonte, pour l'essentiel, à
1941. Ce projet de loi a pour objet d'assurer la compétence des
mesureurs de bois.
La section I détermine le champ d'application de la loi et
l'étend à tout mesureur de bois titulaire d'un permis.
La section II traite des fonctions et pouvoirs du mesureur de bois.
La section III institue un nouveau bureau d'examinateurs des mesureurs
de bois composé de trois membres dont un sera choisi parmi les personnes
recommandées par l'Association des mesureurs de bois licenciés de
la province de Québec. Ce bureau a notamment pour fonction de tenir des
séances d'examens et de délivrer les permis de mesureurs de
bois.
La section IV contient les dispositions relatives aux permis. Elle
détermine certaines sanctions administratives que peut imposer le bureau
et prévoit un mécanisme d'appel à la Cour provinciale des
décisions du bureau en ces matières.
La section V contient les pouvoirs réglementaires du
gouvernement.
La section VI crée des infractions et en établit les
sanctions.
Enfin, la section VII prévoit les dispositions transitoires et
finales.
Le Président: L'Assemblée accepte-t-elle de se
saisir de ce projet de loi 26? Il en est donc ainsi décidé. Oui,
M. le député d'Outremont.
M. Fortier: Je voudrais demander au leader si nous aurons
l'occasion d'entendre en commission parlementaire la Fédération
des producteurs de bois privés du Québec qui ont demandé
à plusieurs reprises un projet de loi comme celui-là. Je n'en
connais pas la teneur, peut-être qu'il répond à leurs
attentes.
Le Président: M. le...
M. Fortier: À tous égards... Est-ce que c'est le
moment, M. le Président?
Le Président: Non, ce n'est pas le moment, mais
qu'à cela ne tienne, M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: Je pense que mon collègue comprendra que
je ferai les consultations nécessaires pour pouvoir répondre
à sa question.
Le Président: Dépôt de documents. M. le
leader du gouvernement.
Rapport annuel du Conseil des collèges
M. Bédard: M. le Président, au nom du ministre de
l'Enseignement supérieur, de la Science et de la Technologie, je
voudrais déposer le cinquième rapport annuel, 1983-1984, du
Conseil des collèges.
Le Président: Rapport déposé.
Au dépôt de rapports de commissions, M. le président
de la commission de l'aménagement et des équipements.
Consultation particulière sur le projet de loi
13
M. Marquis: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé les 20 et 21 mars 1985 pour
procéder à une consultation particulière sur le projet de
loi 13, Loi sur les parcs nationaux.
Le Président: Rapport déposé. Mme la
présidente de la commission des affaires sociales.
Examen des orientations, des
activités et de la gestion de
la Régie du logement
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a
siégé le 27 novembre 1984 afin de procéder à
l'examen des orientations des activités et de la gestion de la
Régie du logement.
Étude détaillée du projet de loi
21
J'ai également l'honneur de déposer le rapport de la
commission des affaires sociales qui a siégé le 21 mars 1985 afin
de procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 21, Loi modifiant la Loi sur le Régime de rentes du Québec et
la Loi sur les régimes supplémentaires de rentes. Le projet de
loi a été adopté avec amendements.
Le Président: Les deux rapports sont
déposés.
Au dépôt des pétitions, M. le député
de Vanier.
Droits réclamés pour les
accidentés du travail
M. Bertrand: M. le Président, j'ai deux extraits de
pétitions à déposer conformément à l'article
64 des règles de procédure.
Premièrement, je dépose l'extrait d'une pétition
adressée à l'Assemblée par 767 pétitionnaires
regroupés sous le nom de Coalition pour le droit de négocier,
invoquant les faits suivants: "Considérant que le projet de loi 42
n'offre pas de solutions aux problèmes soulevés par les victimes
d'accidents et de maladies du travail; "Considérant que le projet de loi
42 enlève aux victimes des droits existants concernant les rentes
à vie pour compenser les incapacités permanentes et la diminution
de capacité de travail ainsi que les rentes à vie pour les
conjoints survivants; et concluant à ce que: "Premièrement, soit
réaffirmé le principe des rentes à vie qui tiennent compte
de l'évaluation de la diminution de capacité de travail, article
38.4 de la Loi sur les accidents du travail; "Deuxièmement, soit
réaffirmé le droit des victimes d'accidents et de maladies du
travail d'aller en appel devant la Commission des affaires sociales;
"Troisièmement, soit amendée la Loi sur les accidents du
travail."
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Vanier.
Retrait demandé de l'avant-projet
de loi sur le régime de
négociation
dans le secteur public
M. Bertrand: Comme je me suis engagé à le faire, je
dépose aujourd'hui l'extrait d'une autre pétition reçue
à mon bureau de comté et transmise par 10 181
pétitionnaires regroupés sous le nom de la Coalition pour le
droit de négocier, invoquant que: "Tout régime de
négociation du secteur public doit: "Premièrement, garantir aux
travailleurs et travailleuses du secteur public le droit à la
négociation de toutes leurs conditions de travail, y compris les
salaires; "Deuxièmement, maintenir le droit de grève en
permettant aux syndiqués d'assumer de façon responsable les
services essentiels; et concluant à ce que: "Pour maintenir et
développer la qualité des services dans les secteurs de
l'éducation, des affaires sociales et de la fonction publique, les
pétitionnaires exigent le retrait de l'avant-projet de loi sur le
régime de négociation du secteur public."
Le Président: Pétition déposée. M. le
député de Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer une pétition signée par 7000 pétitionnaires
du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec qui invoquent les
faits suivants: "Pour maintenir et développer la qualité des
services dans les secteurs de l'éducation, des affaires sociales et de
la fonction publique, nous exigeons le retrait de l'avant-projet de loi sur le
régime de négociation du secteur public et, pour permettre le
règlement des problèmes qui se posent dans le milieu de travail,
les règles du jeu doivent être convenues entre les deux parties,
concluant à ce que tout régime de négociation du secteur
public doive, premièrement, garantir aux travailleurs et aux
travailleuses du secteur public le droit à la négociation de
toutes leurs conditions de travail, y compris les salaires; doive aussi
maintenir le droit de grève en permettant aux syndiqués d'assurer
de façon responsable les services essentiels."
Le Président: Pétition déposée.
Intervention sur une question de fait
personnel
Aux interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel, j'ai reçu dans les
délais de la part du ministre des Communications une lettre dans
laquelle il m'informe qu'il désire se prévaloir de l'article 71
de notre règlement concernant un article de la Presse canadienne
diffusé dans certains journaux du Québec et portant sur la
publicité gouver-
nementale. M. le ministre des Communications.
Article de la Presse canadienne sur la
publicité
M. Jean-François Bertrand
M. Bertrand: M. le Président, me conformant au
règlement de l'Assemblée nationale, je désire
effectivement rectifier un certain nombre de faits relatés, hier, dans
quelques journaux et qui ont été transmis par la Presse
canadienne où on faisait état d'une hausse faramineuse du budget
de publicité du gouvernement du Québec et où on indiquait
qu'il y avait eu, au cours de l'année 1984-1985, une hausse de plus de
10 000 000 $ dans les campagnes de publicité du gouvernement du
Québec.
Une voix: C'est cela.
M. Bertrand: Je veux donc donner les faits suivants, M. le
Président, et vous verrez qu'il n'y aura pas de débat.
Premièrement, en 1983-1984, la somme des avis préalables
autorisés par le ministère des Communications et le Conseil du
trésor pour des campagnes de publicité gouvernementale a
été de 12 477 948 $...
M. Blank: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: II y a un rappel au règlement. M. le
député de Saint-Louis.
M. Blank: L'article 71 est pour rectifier des faits personnels.
Jusqu'à maintenant, on n'a aucune indication...
Le Président: Allons, allons, allons.
M. Blank: ...que le député de Vanier a
été mal cité. Il dit que les chiffres utilisés ne
sont pas exacts. C'est une question de débat, une question d'opinion. Ce
n'est pas ses privilèges, son honnêteté ou ses paroles mal
citées qui sont en cause. Ce n'est pas cela du tout.
Le Président: Si nous lisons l'article 71, je conviens
d'emblée avec vous que la question de fait personnel, depuis qu'elle
existe dans notre règlement, soit depuis une quinzaine d'années
maintenant, n'a jamais fait l'objet de balises très précises, ce
qui complique la vie du président à cet égard, mais
l'article 71 se lit ainsi: "Tout député peut, avec la permission
du Président, s'expliquer sur un fait qui, sans constituer une violation
de droit ou de privilège - ce qui est le cas - le concerne en tant que
membre de l'Assemblée. Il peut, notamment mais il y a "notamment" -
relever l'inexactitude du compte rendu d'un de ses discours, nier des
accusations portées contre lui dans une publication ou expliquer le sens
des remarques qui ont été mal comprises. Ses explications doivent
être brèves et formulées de façon à ne
susciter aucun débat." Il doit, une heure avant, me faire parvenir un
avis.
Je conviens avec vous que jusqu'à maintenant, les explications du
ministre des Communications ne corrigent pas des propos qui ont
été mal cités. J'attire votre attention sur le fait que
l'article 71 dit: "II peut, notamment..." Le mot "notamment" veut dire quelque
chose. C'est donc une liste de choses qu'il peut faire mais elle n'est pas
exclusive.
M. Blank: M. le Président, je ne veux pas contester votre
décision mais si vous lisez les mots juste avant cela, cela parle de lui
comme membre de l'Assemblée. Cela ne parle pas des politiques de son
ministère ni des politiques du gouvernement, c'est lui, affaires
personnelles.
Le Président: Vous savez que j'accorde une certaine
importance à la distinction entre l'exécutif et le
législatif mais je dois bien reconnaître que, dans ce cas-ci,
lorsqu'il s'agit d'une question de fait personnel, il est toujours très
difficile de faire cette distinction de manière absolue.
Depuis que je suis président, j'ai eu l'occasion de baliser la
question de privilège de manière à éviter qu'on en
fasse l'abus que l'on connaissait auparavant. J'ai reçu un certain
nombre de remarques, de part et d'autre, des parlementaires, et parmi les plus
expérimentés, indiquant qu'à défaut d'avoir la
question de privilège qu'on utilisait à mauvais escient
auparavant, il fallait quand même qu'il y ait en quelque sorte un
mécanisme par lequel un député, fût-il membre du
gouvernement, puisse s'expliquer sur une question qu'il estimait être de
fait personnel.
En ce sens, à défaut de meilleure balise dans le
règlement et dans la jurisprudence, encore une fois je reviens
là-dessus, la question de fait personnel est très mal
balisée dans la jurisprudence. À défaut de ce faire, j'ai,
jusqu'à maintenant, à moins que ce soit une manière
évidente qu'on ne corrige pas des faits qui ont été
cités dans les journaux, le cas échéant, à
défaut de ce faire, jusqu'à maintenant, j'ai permis les questions
de fait personnel d'où qu'elles viennent sur un sujet comme
celui-là. M. le ministre des Communications.
M. Bertrand: M. le Président, me conformant au
règlement et réitérant que cet article contient une grande
majorité de faits qui sont totalement exacts, mais qu'il y en a certains
qui sont inexacts, et je tiens à
rétablir un certain nombre de faits afin que l'article puisse
être exact à 100%. Premièrement...
M. Gratton: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, à l'instar de mon
collègue de Saint-Louis, je pense qu'on doit insister là-dessus.
L'article 71 du règlement n'est sûrement pas là pour
permettre à un membre du cabinet de rectifier des faits relatés
dans un article de journal et qui pourraient être erronés,
partiellement ou même complètement. Il me semble que l'article 71
est là pour régler le cas d'une discussion ou d'un discours qui a
été fait ici à l'Assemblée nationale, qui a
été mal rapporté dans les journaux, qui porte atteinte
à la crédibilité ou à la véracité des
propos d'un membre de l'Assemblée prononcés ici à
l'Assemblée. Mais, de la même façon, on ne permet pas une
question de fait personnel à un député qui est mal
cité dans un discours qu'il prononce à l'extérieur de
l'Assemblée nationale. On ne le permet pas de façon
régulière ici. On ne peut pas permettre à un membre du
cabinet de rectifier des faits qui comportent un jugement ou une
appréciation de ce qui se passe dans son ministère. Ce n'est pas
ici à l'Assemblée nationale que les faits que veut évoquer
le ministre se sont produits, mais entre son ministère et le
journaliste. Il me semble qu'à ce moment-là, il y a d'autres
façons pour le ministre de rectifier les faits, et ce n'est
sûrement pas par le biais de l'article 71 du règlement.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, j'inviterais le leader
de l'Opposition à lire commplètement l'article 71. Il se rendra
compte que, manifestement, cela ne touche pas seulement des corrections qui
peuvent être faites par rapport à un discours qui a
été prononcé à l'Assemblée nationale, mais
également, l'article le dit: on peut "nier des accusations
portées contre lui dans une publication ou expliquer le sens de
remarques qui ont été mal comprises". Je pense que le sens de
l'article 71 est beaucoup plus large que ne veut le laisser paraître le
leader de l'Opposition.
M. Gratton: Très brièvement, M. le
Président.
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Je pense que la clef de tout l'article se retrouve
aux troisième et quatrième lignes: "une violation de droit ou de
privilège le concerne en tant que membre de l'Assemblée", non pas
en tant que député du comté de Vanier ou en tant que
membre du cabinet, ou en tant que ministre des Communications, mais en tant que
membre de l'Assemblée. Or, ce que le ministre veut évoquer
présentement, ce sont des interprétations des chiffres qu'un
journaliste a données, non pas de déclarations faites ici
à l'Assemblée nationale, mais d'un document dont
l'Assemblée nationale n'a jamais été saisie. D'ailleurs,
je vous dirai tout de suite, M. le Président, que j'aimerais avoir copie
du document dont il a été question dans l'article. Cela n'a pas
été déposé ici, à l'Assemblée
nationale. Ce n'est donc pas en tant que membre de l'Assemblée nationale
que le député veut rectifier des faits présentement, mais
strictement en tant que membre du cabinet, ce qui n'est pas couvert par
l'article 71.
Le Président: M. le député de Saint-Louis.
Je m'excuse, M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, il me semble que le
leader de l'Opposition veut circonscrire un peu trop vite le débat.
Le Président: J'avais vu le député de
Saint-Louis se lever avant vous, M. le leader du gouvernement mais...
M. le député de Saint-Louis. (14 h 20)
M. Blank: M. le Président, si on lit l'article 71 on voit
pour commencer une règle générale. La règle
générale dit à la quatrième ligne: "...en tant que
membre de l'Assemblée nationale", après quoi il y a trois
exemples: "...relever l'inexactitude du compte rendu d'un de ses discours -
c'est celui qui fait un discours qui doit s'opposer à
l'interprétation de son discours - nier des accusations portées
contre lui dans une publication - contre lui, non pas contre son
ministère - ou expliquer le sens de remarques..." Ses remarques, non pas
les remarques des communiqués de presse de son ministère. Cela
doit être une affaire personnelle. C'est pour cela qu'on appelle cela des
faits personnels. Ce ne sont les affaires de son ministère. Il peut
faire une déclaration ministérielle, un communiqué de
presse, un discours sur les crédits ou n'importe quoi, mais pas en vertu
l'article 71.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Bédard: M. le Président, je voudrais simplement
mentionner qu'on voulait limiter
ce qui a été dit concernant ce sujet puisqu'on sait
très bien que sur le sujet dont traite à l'heure actuelle le
député de Vanier, ministre des Communications, des questions lui
ont été posées, ici à l'Assemblée nationale,
et il a eu l'occasion d'y répondre. Il veut également apporter
des corrections sur d'autres faits qui lui semblent inexacts, ce qui lui est
permis par l'article 71.
Le Président: Sur la question de fond je veux bien prendre
en délibéré ce qui est une question de fait personnel - je
ne parle pas de celle-ci aujourd'hui - et revenir à l'Assemblée
nationale ultérieurement avec une déclaration qui chercherait
à baliser davantage ce qu'est cette question de fait personnel. J'attire
toutefois l'attention des députés sur le fait qu'à la
sous-commission sur la réforme parlementaire lorsque nous avons en
quelque sorte revu et réécrit en bonne partie le règlement
de l'Assemblée nationale, nous n'avons pas réussi à
baliser mieux la question de fait personnel qu'elle ne l'était dans
l'ancien règlement. Je conviens avec les députés qui
soulèvent la question de règlement que c'est imprécis. On
donne des exemples, on dit "notamment", ce qui ne veut pas dire que c'est
exclusif; cela peut donc être autre chose. À partir du moment
où on dit que cela peut être autre chose et qu'on ne
précise pas, il est très difficile pour le président de
restreindre la portée de la question de fait personnel. En
vérité, il aurait peut-être été mieux
d'enlever le "notamment" et de restreindre la question de fait personnel
à des cas bien précis, à ce moment-là cela aurait
été très clair. Mais à partir du moment où
il y a le "notamment", je vois mal au nom de quoi je peux interdire à un
député de soulever une question de fait personnel s'il estime,
lui, qu'il s'agit d'une question de fait personnel. Au fond c'est lui qui le
sait beaucoup mieux que moi jusqu'à ce que j'aie entendu
complètement sa déclaration.
Sur ce, je veux donc bien prendre en délibéré la
question de fond qui a été évoquée pour que ce soit
mieux balisé, si tant est que c'est possible et peut-être par le
biais de la sous-commission de la réforme, la question de fait
personnel, mais pour l'instant, je vais accorder au ministre des Communications
la permission de faire une question de fait personnel. Tant et aussi longtemps
qu'il ne l'a pas terminée, je ne vais pas porter un jugement sur le fait
si c'est, oui ou non, une question de fait personnel compte tenu des
règles très larges qui existent dans notre règlement
à cet égard.
M. le ministre des Communications.
M. Bertrand: M. le Président, dans l'article il
était fait état qu'il y avait eu, entre les deux exercices
financiers 1984-1985 et 1983-1984, une hausse de plus de 10 000 000 $ dans les
campagnes de publicité gouvernementale. Je veux donc rectifier les
faits, M. le Président. Premièrement, en 1983-1984, la somme des
avis préalables autorisés par le ministère des
Communications et le Conseil du trésor pour la réalisation de
campagnes de publicité gouvernementale était de 12 477 948 $.
Deuxièmement, les avis préalables autorisés par le
ministère des Communications et le Conseil du trésor pour
l'année 1984-1985 ont été de 18 097 148 $. Donc, une
différence entre les deux exercices financiers de 5 600 000 $ et non pas
de 10 000 000 $.
Cette différence est essentiellement attribuable au fait qu'en
1983-1984, la publicité touristique hors Québec était de 2
000 000 $ et qu'elle est montée en 1984-1985, hors Québec,
à 4 900 000 $, donc une différence de 2 900 000 $ et aussi au
fait qu'en 1984-1985, les événements ponctuels, tels la visite du
pape et les fêtes du 450e anniversaire ont requis des dépenses de
près de 1 000 000 $.
M. le Président, le 16 mars dernier, dans le Financial Post, le
gouvernement du Québec se classait au 21e rang des annonceurs
canadiens
Des voix: Ah!
M. Bertrand: ...comparativement au sixième rang pour le
gouvernement de l'Ontario en 1983.
M. Gratton: M. le Président, il y a une limite:
Le Président: À l'ordre! À l'ordre! La
question de fait personnel a pour but de corriger des faits erronés ou
des citations erronées - j'y reviendrai ultérieurement dans les
prochains jours - elle n'a pas pour but de reprendre le débat ou de
lancer un débat sur la question, si bien que l'article du Financial Post
n'étant pas en cause, on se demande ce qu'il vient faire dans la
question de fait personnel et je vous prierais de conclure.
M. Bertrand: Je conclus, M. le Président, avec une seule
phrase, puisqu'il a été question de hausse faramineuse: Pour
l'année 1984-1985, sur le budget de l'État qui est de 25 900 000
000 $, la publicité représentait 0,0007.
M. Gratton: ...
Le Président: Je vous ai dit, M. le leader parlementaire
de l'Opposition, en réponse à une de vos interventions
tantôt -puisque vous revenez à la charge de votre fauteuil - que
j'aurai à communiquer à la Chambre dans les meilleurs
délais et dans la mesure du possible des normes visant à
mieux baliser la question de fait personnel. M. Bertrand: M. le
Président...
Le Président: Oui, M. le député de
Vanier.
M. Bertrand: Tel que je m'y suis engagé face au
député de Louis-Hébert la semaine dernière en
réponse à certaines de ses questions, je dépose en deux
copies la liste de tous les avis préalables de l'année 1984-1985
autorisés par le Conseil du trésor et le ministère des
Communications.
M. Doyon: M. le Président...
Le Président: Oui, M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: ...pourrais-je demander au ministre, étant
donné qu'il est en train de déposer le document, de
déposer aussi le CT du Conseil du trésor concernant les
dépenses de son ministère, tel qu'il est fait mention dans
l'article? Pourrait-il faire ce dépôt dès maintenant
aussi?
Le Président: Le dépôt aurait dû
être fait au dépôt de documents. Il intervient à un
moment inorthodoxe, si bien que vous avez entendu la question du
député de Louis-Hébert. Je ne veux pas poursuivre sur le
sujet puisque nous sommes complètement en dehors des règles
à l'heure actuelle. Nous arrivons, toutefois, à la période
des questions des députés, mais la vraie, celle-là. M. le
chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
La position constitutionnelle du gouvernement du
Québec
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ma question
s'adresse à l'honorable premier ministre. À plusieurs reprises au
cours des derniers mois, le premier ministre a évoqué la
réouverture imminente des pourparlers constitutionnels. En
décembre dernier, lors du passage à Québec du premier
ministre du Canada, il a reconnu que la balle était dans le camp du
Québec et qu'il fallait, par conséquent, que le gouvernement
fasse connaître à l'ensemble de ses partenaires canadiens ses
conditions d'acceptation de la nouvelle constitution. Il a
déclaré que ces conditions d'acceptation seraient connues autour
de Pâques ou, avait-il ajouté, si ma mémoire est
fidèle, entre Pâques et la Trinité. Comme nous arrivons
à Pâques très bientôt, puis-je demander au premier
ministre qui aurait, dit-on, pris en main lui-même le dossier
constitutionnel, quand il sera en mesure de dévoiler la position du
gouvernement dans ce dossier?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est exact
qu'au mois de décembre - on a d'ailleurs eu l'occasion d'en reparler
par-çi par-là, M. Mulroney et moi - un échéancier
approximatif avait été établi entre nous qui devait nous
mener à ceci. Vers Pâques, qui est très bientôt, le 7
avril - donc, ce n'est pas à une journée près,
normalement, c'est-à-dire qu'en avril, il n'est pas trop tard - le
Conseil des ministres aurait d'abord, c'est normal, la primeur du travail qui
est en train de s'achever en ce qui concerne la position éventuelle du
Québec en matière constitutionnelle et que dans les plus brefs
délais le premier ministre fédéral serait mis au courant
et que quelque part entre Pâques et la Trinité... Bien Seigneur!
c'est vieux comme la religion catholique, je pense que c'est huit semaines
après, la Trinité...
Une voix: Les élections?
M. Lévesque (Taillon): Ce n'est pas à la
Pentecôte?
Une voix: Non, non.
M. Bédard: II ne le sait pas.
Une voix: Des élections au printemps? (14 h 30)
M. Lévesque (Taillon): Enfin... Je n'ai pas eu le temps de
vérifier complètement, mais je crois que c'est à peu
près huit semaines, ce qui ne veut pas dire qu'on irait jusque
là, mais ce qui signifie simplement ceci: D'ici à la fin d'avril,
sûrement, le Conseil des ministres aura pris position. Le premier
ministre fédéral sera mis au courant et on espère que
quelque part avant la fin du printemps, pour être plus simple, il y aura
possibilité au moins de rencontres constitutionnelles. Je ne peux pas
aller plus loin pour l'instant.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): Le premier ministre voudrait-il nous
dire à quel moment il entend soumettre à cette Chambre ses
propositions?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je suis absolument incapable de le
dire au chef de l'Opposition sauf, bien sûr, que ce sera avant le mois de
juin, le cas échéant. On revient après Pâques.
Une voix: Oui? Des voix: Ah!
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
La valeur du dollar canadien et la dette
publique
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Ma question s'adresse au ministre des Finances. Il y a environ un mois, le
premier ministre s'était montré, ma foi, satisfait de la perte de
valeur du dollar canadien, indiquant à cette occasion que la
dévaluation de 0,01 $ du dollar canadien par rapport au dollar
américain représentait la création éventuelle de
6000 emplois. Je ferai remarquer au ministre des Finances qu'avec un
raisonnement comme celui-là, cela prendrait un dollar canadien à
0,48 $ pour régler le problème des 130 000 jeunes chômeurs
au Québec.
On pouvait également se demander si c'était là une
politique du gouvernement de souhaiter une dévaluation additionnelle du
dollar canadien jusqu'à ce que le conseiller économique du bureau
du premier ministre ait également récidivé dans cette
veine en fin de semaine, souhaitant une dévaluation de 15% du dollar
canadien à 0,62 $.
Le ministre croit-il que ce soit là une approche qui doit tenir
lieu de politique de création d'emplois pour le gouvernement? Est-ce que
le ministre se rend compte que cela signifie une augmentation de l'encours de
la dette publique du Québec de 2 500 000 000 $, des chiffres comme
ceux-là? Est-ce que le ministre se rend compte que cela
représente une augmentation possible de 15% des tarifs
d'Hydro-Québec? En d'autres termes, est-ce que le ministre trouve que
cela a du bon sens, une politique comme celle-là?
Le Président: Avant de céder la parole au ministre
des Finances, j'attire votre attention sur le fait qu'il y avait quatre
questions dans la vôtre et qu'il serait préférable de
fonctionner une question à la fois, cela simplifie la longueur des
réponses.
M. le ministre des Finances.
M. Duhaime: Pendant la conférence des premiers ministres,
à Regina, sur l'économie, notre gouvernement a
réitéré la position qui avait été
annoncée en 1981 ou en 1982. Nous l'avions dit ici, à
l'Assemblée nationale, en 1981 et cela a été dit lors
d'une rencontre des premiers ministres du Canada alors que M. Trudeau
était premier ministre, à savoir que nous ne souhaitions pas voir
grimper vers le haut les taux d'intérêt et que, par voie de
conséquence, nous souhaitions que la Banque du Canada ait une politique
monétaire plus souple qui ne consistait pas essentiellement à
intervenir, dans un premier temps, sur le marché des changes et,
deuxièmement, à augmenter systématiquement le taux
d'escompte.
Le député de Vaudreuil-Soulanges demande aujourd'hui si
nous souhaitons un dollar plus bas et quel en serait le niveau. Je serais assez
embêté moi-même d'en fixer le niveau. Tout ce que je puis
dire cependant c'est que, compte tenu de l'inflation et des taux
d'intérêt que nous connaissons aujourd'hui, il y a une marge qui
pourrait être avantageusement utilisée pour faire en sorte que
notre dollar canadien puisse refléter un peu mieux la
réalité économique de tout le Canada.
En cela, le Québec ne défend pas une position
isolée. C'était, sauf erreur, l'unanimité en 1982 et
c'était encore l'unanimité il y a quelques semaines à
Régina.
En d'autres mots, M. le Président, notre choix à nous est
de faire en sorte que les taux d'intérêt restent bas, quitte
à sacrifier quelques dizièmes de cents sur le dollar, mais que
les investissements se fassent et que l'emploi vienne. Si j'ai bien compris les
propos du député de Vaudreuil-Soulanges, qui est un peu le
porte-parole de son chef ici, celui-ci souhaite un dollar très fort mais
en même temps un chômage élevé. Nous nous choisissons
l'option contraire.
Le Président: M. le député de
Vaudreuil-Soulanges.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En demandant au ministre
à quel endroit il a vu le chef du parti réclamer un chômage
élevé, je demanderais au ministre des Finances s'il croit que
cette politique de dévaluation souhaitée manifestement par le
premier ministre n'est pas inflationniste, ne réduit pas le niveau
réel de revenu des Québécois et des Canadiens et
essentiellement ne remplace pas une politique cohérente de l'emploi. A
quel moment est-ce que cette approche simpliste sera abandonnée pour que
le gouvernement se donne une politique cohérente de création
d'emplois?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Duhaime: J'ai hâte d'entendre la réaction de M.
Miller, premier ministre sortant en Ontario, qui vient de se faire qualifier de
simpliste de même que M. Lougheed. J'ai cru comprendre aussi que dans les
semaines qui ont suivi Regina on a cru sentir, sans que l'on puisse l'affirmer
en toute vérité, M. le Président, qu'il y a eu un peu plus
de sensibilité je dirais au niveau de la Banque du Canada.
Peut-être que M. Bouey et M. Wilson se sont parlé. Ce genre de
discussion reste secrète mais l'effet net est là.
J'ajouterais que oui, c'est un risque que nous courons dans cette
direction mais il ne
faut pas s'affoler non plus. Sur l'ensemble de la dette il est
évident qu'il y a un encours qui est augmenté, mais vous
connaissez très bien comme moi la ventilation de la dette du
gouvernement qui est pour à peu près 76% à 77% en dollars
canadiens, pour tout près de 7% à 8% sur ce qu'on appelle le
marché exotique et, pour le reste, en devises américaines, soit
15% à 16%.
La dette d'Hydro-Québec est à peu près pour la
moitié en devises américaines, mais parce que nous avons
signé d'excellents contrats d'exportation d'électricité
nous recueillons cette année 400 000 000 $ US et nous recueillerons dans
trois ans 800 000 000 $ US, de sorte qu'à l'horizon 1990 je pense
pouvoir risquer de dire que les revenus d'Hydro-Québec en dollars
américains seront suffisants pour couvrir les intérêts de
la dette américaine d'Hydro-Québec.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En terminant, est-ce qu'il
n'est pas question, lorsqu'on parle au bureau du premier ministre, d'une
dévaluation de 15% - donc de 0,10 $ - de plus que de quelques
dixièmes de cent, est-ce qu'il n'est pas question de favoriser une
politique monétaire? Est-ce qu'on va commencer à parler à
la Banque du Canada et au gouvernement fédéral ou si on va se
donner une politique de l'emploi au Québec?
Le Président: M. le ministre des Finances.
Une voix: Elle est bonne, celle-là!
M. Duhaime: M. le Président, je pense que si le
député de Vaudreuil-Soulanges fait un effort, il va comprendre
bien facilement ce que je vais lui dire. Si notre dollar se dévalue, on
va se mettre d'accord pour dire que cela va donner une poussée à
nos exportations, n'est-ce pas? En poussant nos exportations qui sont à
un niveau incomparable en regard de n'importe quel pays membre de l'OCDE et
même, si vous allez jusqu'au Japon, c'est 40% de la production
intérieure brute qui est exportée chaque année. Sur la
base d'un PIB qui fait à peu près une centaine de milliards, vous
vous rendez compte que c'est tous les jours que chacune des entreprises du
Québec exporte. Est-ce que ce n'est pas de l'emploi? Si vous
vérifiez votre traité d'économie de première
année aux HEC de l'Université de Montréal, vous allez voir
que c'est écrit à l'intérieur.
Le Président: Dernière question
complémentaire, M. le député de Vaudreuil-Soulanges, suivi
du député de Rosemont.
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): En se vantant des exportations
avec un dollar à 0,62 $ recommandé par le bureau du premier
ministre, à ce moment-ci, est-ce que le ministre des Finances peut nous
indiquer de quel pourcentage l'inflation monterait, à combien les
coûts de production de ce qu'on doit importer se répercuteraient,
de quel montant on serait défavorisé, finalement, avec une telle
politique?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président. Le
Président: À l'ordre, s'il vous plaît:
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, est-ce que
je pourrais vous poser la question suivante? Dans un cas comme celui-là
où quelqu'un qui est conseiller - et Dieu sait qu'il est
extraordinairement utile au bureau du premier ministre quelques jours par
semaine - mais qui garde sa liberté d'action à titre de
professeur d'université et d'économiste reconnu à
l'extérieur, est-ce qu'on peut attribuer - Dieu sait que je la respecte
dans toute sa perspective - au bureau du premier ministre une opinion
émise, je pense, en public par quelqu'un qui est purement contractuel et
qui garde sa pleine liberté de parole? Est-ce que je peux le souligner,
M. le Président?
Le Président: Oui, mais je pense que de poser la question,
c'est un peu y répondre. M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Justement, je voulais m'enquérir auprès
de vous, M. le Président, si on doit interpréter ce que vient de
dire le premier ministre comme étant une affirmation, une reconnaissance
qu'il a maintenant rapatrié le dossier de son conseiller
économique? (14 h 40)
Le Président: M. le député de Rosemont, en
complémentaire.
M. Paquette: M. le Président, en complémentaire au
ministre des Finances. Depuis le 14 mars, moment où le gouvernement du
Québec a fait savoir au gouvernement fédéral qu'il
souhaitait une politique monétaire expansionniste, comment le ministre
des Finances peut-il expliquer que la banque centrale ait dépensé
autour de 2 000 000 000 $ pour soutenir la monnaie et que les taux d'escompte
aient augmenté de 10,31% à 11,81% le 7 mars? Qu'est-ce qui lui
fait croire que le gouvernement fédéral va se rendre à
cette demande d'une politique expansionniste?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Duhaime: M. le Président, je serais assez
embêté de vous expliquer ce qui se passe à
l'intérieur de la Banque du Canada et les décisions
d'intervention qu'ils prennent sur le marché des changes. Il faudrait
possiblement vous adresser ailleurs pour poser cette question.
Ce que je constate, cependant - et je rejoins en cela une des
interrogations qui m'était venue sur la base d'une pure hypothèse
du député de Vaudreuil-Soulanges -il faut faire attention de ne
pas tout lier ensemble. À l'époque où le dollar
était à 0,80 $ américains, vous vous souviendrez que
l'inflation se balladait autour de 11,5%, 12%, 13% et même davantage.
Aujourd'hui l'inflation a été ramenée ici autour de 4% et
vous avez un dollar qui est à 0,7274 $ hier soir aux nouvelles.
Il faut bien comprendre aussi que tout cela se lit dans une conjoncture
d'ensemble. Je suis très heureux de constater qu'il y a un
assouplissement du côté fédéral. La dernière
chose qu'on devrait souhaiter en cette Chambre, c'est une politique
braquée, comme on l'a connue dans le passé, qui consisterait
à sauver le dollar à tout prix et à retrouver des taux
d'intérêt de 18%, 19%, 20%, 22%, jusqu'à 22,5%. C'est dans
ce temps que l'investissement arrête et c'est dans ce temps que les
emplois cessent d'être créés.
Si on y pense sérieusement de l'autre côté, on va
faire comme l'ensemble de tous ceux qui sont intervenus à la
conférence de Regina, ils vont rejoindre notre position qui ne consiste
pas systématiquement à dire: On veut un dollar au plus bas
à tout prix. Notre position consiste essentiellement à dire de ne
pas faire que le seul choix d'une politique monétaire consisterait
à relever le taux d'escompte et faire grimper vers le haut dans une
spirale affolante les taux d'intérêt. C'est là notre
position.
Le Président: M. le député d'Outremont,
dernière question complémentaire.
M. Fortier: M. le Président, sur le même sujet au
ministre de l'Énergie et des Ressources, je voudrais qu'il nous dise
s'il a lu les documents d'Hydro-Québec et s'il se rend compte que la
baisse d'un cent du dollar canadien coûte à Hydro-Québec 30
000 000 $ et que la baisse de 0,10 $ coûterait 300 000 000 $. Est-ce
qu'il est d'accord avec ses collègues sur un dollar plus faible qui
rendrait le fardeau d'Hydro-Québec extrêmement
élevé?
Le Président: M. le ministre des Finances. M. le ministre
de l'Énergie et des Ressources.
Une voix: On peut tous vous répondre.
Une voix: On pourrait tous vous répondre.
Le Président: Allons, allons! Il y a une question qui a
été posée.
M. Rodrigue: M. le Président, mon collègue a
certainement eu un vieux réflexe étant donné qu'il
était au ministère de l'Énergie et des Ressources, il n'y
a pas longtemps. Effectivement, lorsque le dollar canadien chute d'un cent par
rapport au dollar américain, il en coûte en intérêt
additionnel... Il n'en coûte pas... il faut comptabiliser, dans les
dépenses d'Hydro-Québec annuellement, 30 000 000 $ par cent de
baisse du dollar canadien; et c'est le taux de change du 31 décembre qui
permet à Hydro-Québec de fixer dans ses livres les sommes
d'argent qu'elle doit prévoir pour compenser la baisse du dollar
canadien. Cependant, cela n'entraîne pas un déboursé
immédiat de la part d'Hydro-Québec. Cela n'entraîne
même pas un déboursé au cours de l'année qui vient.
Cela indique tout simplement que, si les taux de change demeurent ce qu'ils
sont le 31 décembre, cela coûtera 30 000 000 $ du point à
Hydro-Québec lorsqu'elle devra rembourser ses emprunts. C'est
strictement une écriture comptable.
D'autre part, Hydro-Québec vend de l'énergie aux
Américains en dollars américains. Comme il y aura un
accroissement important de ses ventes au cours des prochaines
années...
Une voix: De quel ordre?
M. Rodrigue: ...nous allons en venir éventuellement
à un équilibre entre ce que Hydro-Québec
reçoit...
Une voix: C'est cela.
M. Rodrigue: ...des Américains pour ses ventes
d'énergie et ce qu'elle paie, d'autre part, pour l'intérêt
sur les emprunts qu'elle a faits...
Une voix: Bravo!
M. Rodrigue: ...en dollars américains également, de
sorte que tout cela va s'équilibrer et le flottement du dollar canadien,
à ce moment-là, n'aura aucun effet sur l'équilibre
financier d'Hydro-Québec.
Des voix: Bravo!
Le Président: Question principale, M. le
député de D'Arcy McGee. M. le député de D'Arcy
McGee.
Le dossier de la Sûreté du
Québec
M. Marx: Merci, M. le Président. Ma question s'adresse au
premier ministre. Étant donnné que les négociations avec
l'Association des policiers provinciaux du Québec durent maintenant
depuis plus d'une année; étant donné que les
négociations entre le ministère de la Justice et l'Association
des policiers provinciaux sont rompues depuis cette nuit; étant
donné que le ministre de la Justice a dit, il y a quelques jours, que la
situation n'était pas grave, mais qu'elle le serait avec
l'arrivée du printemps... Le ministre de la Justice a ajouté, et
je cite la page 1 de la Presse du 22 mars 1985: "Le gouvernement n'a pas
l'intention de fermer les yeux et d'attendre qu'il y ait des centaines de
morts." M. le premier ministre, le printemps est déjà
arrivé, et j'espère qu'on n'attend pas qu'il n'y ait même
un seul mort. Ma question est à deux volets. Est-ce que le premier
ministre entend rapatrier le dossier de la Sûreté du Québec
comme il l'a fait pour d'autres dossiers dans divers ministères et comme
il l'a fait aujourd'hui avec le dossier économique, les finances?
Deuxièmement, si ce n'est pas le cas, le premier ministre...
M. Duhaime: C'est le dossier du...
M. Marx: ...a-t-il l'intention, comme cela a été
indiqué dans le journal La Presse, de scinder le ministère de la
Justice en deux pour nommer un ministre à temps complet qui aurait la
responsabilité du dossier des policiers à temps complet?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): En dépit, M. le
Président, de tout le plaisir que j'aurais à faire plaisir non
pas au député de D'Arcy McGee, mais à son chef qui m'a
fraternellement conseillé de faire ce que vient d'évoquer le
député tout à l'heure, je crois que la question s'adresse
au ministre de la Justice.
Une voix: Très bien!
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, effectivement, les
négociations ont été interrompues cette nuit, vers 1
heure. Malgré l'apparence de ce qui semblait être un climat
d'ouverture à la réunion syndicale de l'Association des policiers
provinciaux du Québec, nous avons constaté, à la table de
négociation, une contre-offre qui a été qualifiée
par le président du syndicat de finale, en lettres majuscules, nous
a-t-il dit. Cette contre-offre demandait au gouvernement de verser, à
compter du 1er janvier 1987, c'est-à-dire le lendemain de l'expiration
des conditions fixées par décret, les sommes qui seraient
revenues aux policiers provinciaux du Québec si la recommandation d'un
arbitre avait été acceptée, si le gouvernement n'avait pas
pris le type de décision qu'il a dû prendre en assumant ses
responsabilités en fonction de la loi. Deuxièmement, le syndicat
demande le maintien de l'extension des conditions de retraite pour cinq
années additionnelles. Troisièmement, le syndicat demande le
retrait de toutes les mesures disciplinaires.
Ayant qualifié cette offre de finale, M. le Président, le
syndicat a, à toutes fins utiles, amené le président du
comité paritaire à constater qu'il y avait là une absence
de souplesse qui permettait de continuer quelque pourparler que ce soit.
Quant à l'avenir de ce dossier, je dirai qu'il sera
évalué non seulement en fonction des paramètres que nous
avons déjà évoqués quant à la
nécessité pour le gouvernement, en termes d'équité
sociale, de maintenir sa position sur la rémunération, mais
également aussi en termes de la nécessité de retenir la
notion qu'un corps policier ne peut pas fonctionner sans qu'on obéisse
aux ordres.
Par ailleurs, il nous apparaît évident que ce sont des
conditions en termes de sécurité publique et de maintien de la
discipline et de l'ordre à la Sûreté du Québec qui
nous amèneront à prendre les décisions que nous devrons
prendre dans les heures qui viennent.
Le Président: M. le député de D'Arcy McGee,
en complémentaire.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais corriger le premier
ministre, premièrement. J'ai déjà suggéré,
depuis... (14 h 50)
Le Président: En complémentaire, M. le
député. La question.
M. Marx: Est-ce que le premier ministre se souvient que j'ai
déjà proposé que le ministère de la Justice soit
scindé? Est-ce qu'il se souvient que j'ai suggéré cela en
1981, en 1983, en 1984 et en 1985? Le premier ministre va-t-il répondre
à cette question? N'est-il pas vrai qu'il y a un conflit au niveau du
ministre de la Justice, étant donné qu'il est responsable des
négociations avec les policiers, qu'il est responsable des policiers
qu'il répond pour ce dossier en Chambre et aussi que ce sera lui qui va
poursuivre - le cas échéant - un jour ces policiers? N'est-il pas
vrai qu'il y a un conflit? C'est une raison pour scinder le
ministère.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je vide simplement la question de
fond que pose le
député. Le cas échéant, cela pourra toujours
être examiné, ce qu'on doit faire avec n'importe quel
ministère. On l'a déjà fait, on le fera encore. Mais le
député admettra que ce n'est pas d'ici 24 heures ou 48 heures,
alors que d'ici 24 heures ou 48 heures il va falloir que des choses se fassent,
qu'on va commencer à élaborer des remaniements de
ministères.
Le Président: Une question principale, M. le
député de Shefford.
L'administration des programmes d'aide aux PME
M. Paré: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au ministre de l'Industrie et du Commerce. Je voudrais savoir s'il
est exact, comme on le voit dans les journaux de ce matin, que les programmes
d'aide au financement des PME vont être transférés d'Ottawa
à Québec.
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Biron: Oui, M. le Président. Cela fait
déjà passablement longtemps, de nombreuses années, que le
gouvernement du Québec demande d'être beaucoup plus maître
d'oeuvre de sa politique de développement économique. On a
déjà signé une entente vis-à-vis des grandes
entreprises, hier, à l'occasion d'une conférence
fédérale-provinciale des ministres de l'Industrie. Il fut convenu
que toutes les provinces canadiennes pourraient bénéficier du
rapatriement chez elle de l'administration des programmes qui concernent l'aide
à l'investissement, la recherche et le développement pour la PME.
Bien sûr, il faudra être prêts et, au Québec,
grâce à la Société de développement
industriel et aux actions du gouvernement du Québec au cours des
dernières années, les négociations bilatérales
entre Québec et Ottawa devraient commencer au cours des prochaines
semaines. Nous espérons qu'avant la fin du printemps, dans le courant du
mois d'avril ou du mois de mai, nous pourrons conclure ces négociations.
Toutes les PME québécoises pourront dorénavant faire appel
à un guichet unique au gouvernement du Québec pour avoir des
réponses très précises et bénéficier en
même temps des subventions qui viennent du gouvernement du Québec
et de celles qui viennent du gouvernement fédéral.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Shefford.
M. Bisaillon: Le ministre a-t-il préparé une
question additionnelle?
Le Président: M. le député de Sainte-Marie,
si vous voulez prendre la parole vous savez que vous devez vous lever. M. le
député de Shefford.
M. Paré: Merci, M. le Président. À mon tour,
si on veut bien me laisser parler, deux petites questions
supplémentaires. La première: Est-ce que tous les secteurs de
l'activité industrielle doivent être inclus dans cette
décision? Vous avez parlé des mois de mai et juin, mais est-ce
qu'il y a un échéancier un peu plus précis du transfert de
ces programmes qui a été établi hier?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Biron: Tous les secteurs industriels devraient être
couverts. Les secteurs du tertiaire moteur et certains secteurs touristiques
seront aussi couverts par cette entente. Comme je l'ai dit tout à
l'heure, les négociations commenceront au cours des prochaines semaines
et nous espérons qu'avant la fin de mai il y aura une entente officielle
de signée. On parle de montants qui devraient tourner autour de 150 000
000 $ à 250 000 000 $ selon la forme d'entente à laquelle on en
viendra et selon l'aide spécifique qui sera donnée aux
entreprises québécoises.
Le Président: Une question principale... En
complémentaire M. le député?
M. Pagé: Non, en principale.
Le Président: M. le député de Portneuf,
d'abord.
Le conflit à Marine Industrie
M. Pagé: Merci, M. le Président. Ma question
s'adresse au premier ministre et elle fait référence à un
conflit qui est durement ressenti dans la région de Sorel-Tracy. Il
comprendra que je me réfère au conflit à Marine Industrie,
conflit qui affecte sévèrement, en termes économiques et
en termes sociaux, la région, conflit où l'entreprise a perdu des
montants importants en contrats et conflit en vertu duquel -parce qu'il dure
depuis plus de sept mois -les travailleurs ont dû s'imposer des
sacrifices exorbitants pour soutenir leurs revendications. M. le
Président, je n'ai pas l'intention de réviser dans mon
préambule chacune des étapes qui ont entouré ce conflit,
mais je voudrais me référer, par ma question au premier ministre,
à la déclaration jugée intéressante que formulait
le député de Richelieu et aussi membre du gouvernement du Parti
québécois en fin de semaine, et qui est reprise dans la Voie
métropolitaine du lundi 25 mars. Celui-ci se référait
à la possibilité que, tout le monde étant unanime à
souhaiter que ce conflit se règle dans les
meilleurs délais, un moratoire soit imposé, en particulier
en regard des congédiements. Ma première question s'adresse au
premier ministre: est-ce que le député de Richelieu, le ministre
du Revenu, lorsqu'il formulait une telle proposition qui a été
jugée intéressante, au moins par une des parties, parlait au nom
du gouvernement?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, le
député, ministre du Revenu, pourra préciser s'il le veut
parce que, après tout, on prend son nom en vain. Mais une chose certaine
est qu'il demeure vrai malgré le fait qu'on sait tous - on a eu
l'occasion parfois de façon assez brutale de le constater encore ces
jours derniers - à quel point cela peut faire mal après des mois
et des mois; on sait tous aussi à quel point cela peut mettre en danger
l'entreprise éventuellement si cela continue trop longtemps; on sait
aussi que plusieurs centaines - je n'ai pas le chiffre exact - de travailleurs
devaient être rappelés - c'est une sorte de fatalité qui
est arrivée comme cela, mais quand même - au moment où la
grève a éclaté. Ils devaient être rappelés
à la suite de contrats additionnels qui arrivaient à Marine
Industrie. Il est évident que personne ne souhaite autant que celui qui
vous parle et ceux qui s'en occupent, y compris le ministre du Travail le
premier bien sûr, qui souhaitent autant qu'on finisse par régler
cela. Il reste essentiellement, d'après ce qu'on en sait, la question
des sept congédiements; c'est une sorte de protocole de retour au
travail si on veut. Seulement, je ferai remarquer au député -
là-dessus s'il veut poser une question additionnelle au ministre du
Revenu, il le pourra - qu'on ne se mêlera pas, comme gouvernement,
d'aucune façon ni de la direction ni de l'administration, quelle qu'elle
soit, d'une entreprise qui a sa pleine autonomie, qui connaît ses
problèmes et qui, de toute façon, est responsable de les
régler, sinon il n'y a plus de bon sens dans l'administration du secteur
parapublic.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: ...l'essentiel de la question au premier ministre
c'est de demander si lorsqu'un ministre parle, il parle au nom du gouvernement?
Votre ministre a formulé une proposition dite intéressante et
jugée intéressante en fin de semaine. Parlait-il au nom du
gouvernement à ce moment-là? Aussi, le premier ministre
pourrait-il non seulement pour le bénéfice des membres de la
Chambre, mais aussi pour le bénéfice des gens dans la
région nous dire: "Who is the boss?" Qui est le patron dans ce dossier?
Est-ce le ministre du Travail? Est-ce lui qui est l'interlocuteur? Est-ce que
c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce? Est-ce que c'est le ministre
du Revenu qui est député de la région? Ou est-ce le
ministre de la Justice qui est allé faire son petit tour en fin de
semaine?
Le Président: M. le premier ministre. M. Martel: M.
le Président.
Le Président: M. le ministre du Revenu, si la Chambre
consent à vous entendre sur le sujet, je veux bien, seulement les
règles de la période des questions sont très claires, les
questions s'adressent au ministre dans le domaine de leur champ de
compétence ministérielle. Qu'à titre de
député ou au nom du gouvernement - je ne sais pas - vous ayez
fait une déclaration, il faut bien comprendre que la question ne touche
pas -il s'agit d'un conflit de travail - le ministère du Revenu et, par
conséquent, c'est normalement au ministre responsable à y
répondre, à moins que la Chambre ne consente à vous
entendre. Y a-t-il consentement à entendre le ministre du Revenu? Bien.
M. le ministre du Revenu, s'il y a consentement.
M. Martel: Comme député de Richelieu, contrairement
à un candidat libéral qui dit que la grève est bonne pour
la région parce qu'elle augmente les ventes des commerces au
détail, le député de Richelieu essaie justement, depuis le
début du conflit, depuis huit mois, de trouver des solutions
c'est-à-dire de lancer des idées pour permettre aux deux parties
de se rapprocher et d'en venir à une entente dans ce conflit qui
paralyse cette industrie d'État depuis huit mois.
Il est évident, M. le Président, que j'ai lancé,
comme député de Richelieu, différentes
possibilités, par exemple, d'avoir cet arbitrage
accéléré de façon à pouvoir trouver une
solution à ce qui semble être ce qui achoppe dans ce conflit: les
congédiements. Il est également évident que j'ai
amassé des noms et, à ce moment-là, ce sont les deux
parties qui devront juger si elles acceptent ou non cet arbitrage
accéléré avec le nom qui a été
avancé.
Comme député de Richelieu, je pense que nous ne pouvons
rester insensibles à ce problème qui paralyse l'activité
économique de notre région. Depuis le début de la
grève, je suis intervenu comme député dans ce dossier et
je suis intervenu au Conseil des ministres. Je pense qu'il serait grand temps
que l'Opposition libérale et ses candidats éventuels jugent la
situation comme étant grave et arrêtent de se faire du capital
politique sur cette situation dans notre région.
(15 heures)
Le Président: M. le député de Portneuf.
M. Pagé: Question additionnelle au premier ministre, M. le
Président. Le ministre du Revenu, le député de Richelieu,
se réfère à sa contribution dans le dossier jusqu'à
maintenant. Il se réfère, entre autres, à des idées
qu'il a émises. Si on se réfère à l'arbitrage
accéléré, cela a été refusé par les
syndicats. Si on se réfère aussi au moratoire qu'il a
proposé en fin de semaine, est-ce que le premier ministre est conscient
que le directeur des relations publiques, M. Sarrazin, parlant pour et au nom
de Marine, à midi, a réagi à la dernière
proposition du ministre en disant qu'il n'en était pas question?
Deuxièmement, est-ce que le premier ministre pourrait indiquer à
cette Chambre si M. Pierre Carrier, qui est président du Parti
québécois du comté de Richelieu, parlait au nom des
péquistes du comté, dont le député, lorsqu'il a dit
aujourd'hui même sur les ondes d'une station de radio que les
informations fournies par la direction de Marine au ministre de l'Industrie et
du Commerce sont biaisées et enfin, troisième volet, est-ce
qu'enfin le premier ministre...
Le Président: Chaque question... Non, non, des questions
à multiples volets qui se déploient... Une question à la
fois - vous pourrez revenir en complémentaire - parce qu'il est
impossible de contrôler la longueur des réponses. Lorsque des
questions se multiplient, deviennent double question, triple question,
quadruple question, à ce moment-là, comment voulez-vous qu'on
contrôle le temps des réponses? M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, je vais
prendre seulement le dernier volet des multiples volets du député
de Portneuf pour dire que ce que quelqu'un a pu dire, qui a pu être
capté par le député de Portneuf et qui puisse
émaner de quelqu'un qui est membre du Parti québécois,
j'en suis absolument - pour l'instant - ignorant. Je vais vérifier et
si, éventuellement, cela appelle une réponse, je la donnerai,
mais disons que je prends avis de la présomption de fait que vient
d'évoquer le député. C'est tout.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président: M. le député de Portneuf,
complémentaire.
M. Pagé: ...compte tenu que le premier ministre n'a pas
répondu au premier volet, à une des questions que j'ai
posées, quel est l'interlocuteur dans ce dossier? Pourriez-vous nous le
dire? Est-ce le ministre du Travail, le ministre de l'Industrie et du Commerce
ou le ministre du Revenu? Et enfin, la véritable question: Quelles sont
les dispositions que vous entendez prendre comme chef du gouvernement pour que
le traumatisme vécu par ces travailleurs, par la compagnie et par la
région se termine et que cette grève se règle? Cela fait
huit mois.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Je suis toujours ému
jusqu'aux entrailles par les tons de sincérité successifs que le
député de Portneuf, en particulier, peut employer.
L'interlocuteur, c'est le ministre du Travail dans ce dossier. Peut-être
qu'il pourra ajouter un mot.
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, j'espère que
le député de Portneuf ne va pas s'étonner que plusieurs
interlocuteurs particulièrement intéressés par le dossier
fassent des suggestions, prennent des moyens pour essayer de mettre un terme
à ce conflit qui, comme on vient de le dire, a duré maintenant
à peu près neuf mois. Cependant, sur le fond de la question - et
le premier ministre y a répondu tout à l'heure d'une façon
qui me semble tout à fait claire - à partir des propositions dont
les parties elles-mêmes ont discuté, à partir de certaines
propositions qui ont fait l'objet de suggestions comme on vient d'en parler
tout à l'heure, ce sont les parties elles-mêmes, à partir
des mécanismes du Code du travail, qui vont prendre la décision
d'en arriver à un règlement dans le dossier. Ce sur quoi je veux
attirer l'attention du député de Portneuf. Les autres aspects du
dossier qui font partie d'une convention collective ont fait l'objet de
discussions et ont cheminé vers ce qui pourrait être une solution,
laquelle solution est suspendue au règlement de ces sept
congédiements qui, eux, normalement, font partie de ce qu'on est convenu
d'appeler un protocole de retour au travail. Jusqu'à maintenant, les
positions des parties sont telles qu'il semble difficile de les amener à
un consensus quant à la possibilité d'un règlement, mais
c'est à eux, encore une fois, à partir des mécanismes
qu'on connaît, des mécanismes qui existent, à trouver cette
solution. Je peux réitérer ici, pour l'utilité de ceux
à qui cela peut s'adresser, qu'au ministère du Travail, autant le
conciliateur qui a été affecté au dossier que les autres
personnes qui le suivent quotidiennement sont à la disposition des
parties et en aucun temps nous ne pourrions nous réimpliquer dans le
dossier pour essayer de trouver la formule qui conviendrait aux deux
parties.
Le Président: Dernière complémentaire, M. le
député de Berthier.
M. Houde: Merci, M. le Président. Le 17 décembre
1984, j'ai demandé au premier ministre, étant donné que
Marine Industrie touche mon comté et que le gouvernement détient
65% des parts, qu'il s'implique personnellement. Je ne demande pas qu'il fasse
un miracle mais, bon Dieu! qu'il s'occupe de nos gens qui ont besoin de manger
trois fois par jour.
Une voix: Ce n'est pas une question.
Une voix: Où est-il?
Le Président: Votre intervention était
effectivement une intervention davantage qu'une question.
M. Bédard: Le premier ministre a répondu amplement
à cette question.
Le Président: Question principale, M. le
député de Deux-Montagnes.
Le sondage sur l'affichage bilingue au
Québec
M. de Bellefeuille: M. le Président, ma question s'adresse
au premier ministre dont le calme et la sérénité
aujourd'hui font plaisir à voir. C'est une joie de l'interroger sur les
intentions du gouvernement à propos de la Charte de la langue
française. Est-il là? Est-ce qu'il est là?
M. Bédard: Pour vous, tout est possible. Une seconde.
M. de Bellefeuille: Merci beaucoup, M. le leader.
Une voix: Barrez les portes!
Une voix: Mettez un verre d'eau à côté de
lui!
Une voix: Premier appel!
Une voix: C'est l'histoire de: Une fois! Deux fois! Trois fois!
Vendu!
M. Bédard: Malheureusement, on me dit que le premier
ministre est parti. Alors, je vous demanderais...
Des voix: Oh!
M. Bédard: Je suis convaincu qu'il est malheureux de se
priver du plaisir de discuter avec notre collègue. Maintenant, on
pourrait peut-être réserver la question pour demain.
M. de Bellefeuille: Non, M. le Président, avec votre
permission, je poserai plutôt ma question au ministre responsable de la
Charte de la langue française...
Le Président: Allez-y, M. le député.
M. de Bellefeuille: ... dont la sérénité est
également une joie à constater. Le 16 mars, le ministre a
informé les médias anglophones que le gouvernement avait
commandité un sondage à travers le Québec pour
déterminer si les Québécois étaient favorables
à un affichage bilingue. Le ministre ajoutait que le gouvernement
prendrait peut-être un beau risque dans le domaine de la langue comme
à propos du régime fédéral. Le ministre peut-il
nous dire s'il a pris connaissance des résultats du sondage et s'il a
l'intention de les communiquer à la Chambre?
Le Président: M. le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: Ma réponse est non aux deux questions du
collègue.
M. de Bellefeuille: En complémentaire, M. le
Président.
Le Président: Oui, M. le député de
Deux-Montagnes.
M. de Bellefeuille: Le ministre n'a pas pris connaissance des
résultats du sondage; cela me paraît étonnant puisqu'il
devait les recevoir avant la fin du mois. J'aimerais lui demander si le
gouvernement a l'intention de proposer des modifications substantielles
à la loi 101.
Le Président: M. le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: La consultation n'est pas terminée. Dès
qu'elle sera terminée, il y aura sûrement des effets positifs sur
les recherches que le gouvernement fait, sur ses études quant à
l'attitude à prendre par rapport à ces questions vitales.
Le Président: M. le député.
M. de Bellefeuille: Vu l'importance de la question, est-ce que le
ministre convoquera une commission parlementaire pour étudier la
question? Si oui, à quel moment?
Le Président: M. le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: II est trop tôt pour répondre à
cette question sur la tenue d'une commission parlementaire. Quand nous serons
prêts, nous en informerons la Chambre.
Le Président: M. le député de D'Arcy
McGee, en complémentaire.
M. Marx: Additionnai question, Mr Speaker. In the future... is
the Government telling us that in the future, minority rights, language rights
or religious rights and other rights are going to be subjected to the result of
Government surveys?
Le Président: M. le ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
M. Godin: Some people have stopped looking for solutions years
ago, but we are always looking for solutions in every direction possible.
Le Président: Question principale, M. le
député de Saint-Jacques.
M. Viau: Merci, M. le Président. J'ai reçu, en date
du 1er mars dernier, une lettre d'un jeune homme de moins de trente ans de mon
comté de Saint-Jacques.
Des voix: Ah!
Le programme de stage en milieu de travail
M. Viau: Ce jeune homme est bénéficiaire de l'aide
sociale. Il m'écrit qu'il s'est inscrit au pseudo programme de relance
de l'emploi Déclic, du gouvernement; malheureusement, les fonctionnaires
lui ont dit que la région dans laquelle il se trouvait on n'avait pas
d'employeur qui lui permettrait justement de participer à un programme
qui pourrait l'employer. Ce jeune homme est technicien d'ajustage
mécanique et il a une formation de soudeur. Il a donc deux formations.
(15 h 10)
J'aimerais demander à Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de
la Sécurité du revenu si elle est capable de confirmer que
près de 20 000 jeunes au Québec se trouvent dans une situation
comparable à celle de ce jeune homme. Est-ce qu'elle pourrait nous dire
si elle a l'intention, dans de très brefs délais, d'agir
auprès de 20 000 jeunes qui sont simplement dans l'obligation de vivre
de 156 $ par mois et, comme on l'a mentionné en fin de semaine, dans une
situation qu'on considère une situation de misère?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: Oui, M. le Président. Si je comprends bien la
question, le député de Saint-Jacques me demande si 20 000 jeunes
sont dans la même situation que ce jeune qui lui a envoyé une
lettre concernant l'impossibilité pour lui de participer à un
stage qui semble assez spécialisé.
Pour ce qui est d'un cas très précis on essaie
d'être très efficace. On reçoit les plaintes et on les
traite rapidement. Ce que je peux vous dire c'est qu'il y a eu des
problèmes d'ajustement au début du programme Stage en milieu de
travail. À partir de maintenant c'est évident qu'il doit y avoir,
à certains moments, pour certaines techniques ou certaines formations,
encore des problèmes d'adéquation entre la formation que le jeune
a et la demande d'un stage chez un employeur pour ce type de jeune. Cependant
il ne s'agit sûrement pas de 20 000 jeunes puisque nous
réussissons, de façon générale, à
répondre à la demande des jeunes, qu'il s'agisse des stages, des
travaux communautaires ou du rattrapage scolaire.
Il est évident qu'il y a sûrement à certains
endroits quelques jeunes qui doivent attendre une réponse mais, de
façon générale, on réussit à répondre
à la demande.
M. Viau: Question additionnelle, M. le Pésident.
Le Président: Oui, M. le député.
M. Viau: Est-ce que la ministre ne pourrait pas nous confirmer,
comme on l'a fait d'ailleurs en fin de semaine dans une conférence de
presse par six corporations professionnelles, qu'il y a près de 20 000
jeunes Québécois de moins de 30 ans bénéficiaires
de l'aide sociale qui ne sont couverts par aucun programme Déclic, que
le gouvernement a décidé de sacrifier ces 20 000 jeunes en ne
leur offrant pas des conditions de vie décentes et que le
ministère de la Main-d'Oeuvre et de la Sécurité du revenu
n'a rien prévu pour ces 20 000 jeunes?
Le Président: Mme la ministre de la Main-d'Oeuvre et de la
Sécurité du revenu.
Mme Marois: On a actuellement atteint 34 425 jeunes.
Des voix: Bravo! Bravol
Mme Marois: Je n'ai pas devant moi la ventilation du nombre,
à savoir si c'est un jeune de 18 ans ou de 19 ans et s'il vit dans sa
famille. Le député de Saint-Jacques fait référence
aux 20 000 jeunes bénéficiaires de l'aide sociale de moins de 30
ans qui sont des jeunes autonomes, c'est-à-dire qui ne vivent pas chez
leurs parents, chez un autre parent ou avec un conjoint.
Il est évident que chez les 34 425 jeunes rejoints, un certain
nombre d'entre eux sont des jeunes autonomes. Au-delà de cela, j'ai
demandé que dans les centres Travail-Québec on s'adresse d'abord
aux jeunes qui avaient été plus longtemps à l'aide sociale
parce
qu'ils risquaient de vivre une dépendance plus longue et à
ceux qui étaient les plus mal pris et qui demandaient une intervention
plus en profondeur, si on veut. Donc, une pointe ciblée vers ces jeunes
plus en difficulté. Ils ne sont sûrement pas 20 000 actuellement
puisqu'un certain nombre d'entre eux participent à l'une ou l'autre des
mesures.
Des voix: Très bien!
Le Président: Fin de la période des questions.
Aux motions sans préavis, il n'y en a pas.
M. le député de Marquette.
Voeux à la communauté hellénique
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci, M. le Président. J'aimerais obtenir le
consentement unanime de cette Chambre afin que cette Assemblée exprime
ses meilleurs voeux à la communauté hellénique du
Québec à l'occasion de la fête nationale de la Grèce
qui se célébrait hier le 25 mars.
Le Président: Y a-t-il consentement à la discussion
d'une telle motion?
Une voix: Consentement.
Le Président: II y a consentement. M. le
député de Marquette.
M. Dauphin: Merci, M. le Président. C'est en 1821,
après 400 ans d'occupation turque, que la Grèce obtint son
indépendance, qui était désirée non seulement par
la population grecque mais également par plusieurs autres pays.
Nous avons au Québec, et surtout dans la région de
Montréal, environ 80 000 de nos concitoyens qui sont d'origine grecque
et je me permets, comme porte-parole de notre formation politique, de
célébrer avec eux la fête nationale grecque. Nous avons
également dans notre formation politique le député de
Laurier qui est d'origine grecque. Il s'agit du premier député de
cette ethnie à représenter ses concitoyens à
l'Assemblée nationale du Québec.
Je dirai simplement quelques mots. La communauté grecque
représente une communauté extrêmement dynamique, une
communauté qui apporte beaucoup à la société
québécoise. J'aimerais, justement, souligner la
célébration de la fête nationale grecque qui a eu lieu
hier. Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Président: M. le ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration. Une voix: En
grec.
M. Gérald Godin
M. Godin: M. le Président, comme on dit en grec,
kirié proédrè. Il me fait plaisir de me joindre à
mon collègue, ainsi qu'à M. Sirros, député de
Laurier, qui sera là bientôt, pour souligner unanimement le fait
que les Grecs de Montréal ont célébré en fin de
semaine ce qu'ils appellent la fête d'eleftheria, la fête de la
liberté, la fête de l'indépendance de leur pays. Mais comme
ils ont donné l'exemple de la démocratie aux
Québécois, je souhaite qu'un jour, nous suivions leur exemple
également dans ce domaine. Merci beaucoup, M. le Président, ef
haristopoli.
Une voix: II ne parle pas l'anglais, lui?
Le Président: Mme la députée de
Chomedey.
Mme Lise Bacon
Mme Bacon: C'est avec plaisir, M. le Président, que je me
joins à mes collègues pour féliciter les membres de la
communauté grecque du Québec et, spécialement, les membres
de la communauté grecque du comté de Chomedey - ils sont nombreux
dans Chomedey et ils sont nombreux aussi dans la ville de Laval, mais
spécialement, dans le comté de Chomedey - et pour souligner les
liens d'amitié qui existent entre les membres de cette communauté
et les Québécois, ces gens qui sont venus ici travailler
d'arrache-pied pour se tailler une place avec les autres
Québécois. La communauté grecque vit ici et elle va rester
avec nous afin de témoigner de son dynamisme et de sa fierté
d'être parmi nous, d'avoir investi dans un avenir que ces gens
préparent pour cette nouvelle génération qui est
née ici au Québec.
J'aimerais en même temps exprimer toute ma fierté de
représenter ces gens qui sont partie prenante de la vie
québécoise et qui ont voulu, comme nous, être des
témoins de ce que la démocratie doit être et peut
être, puisque la Grèce est un pays qui a lutté et qui lutte
pour la démocratie et pour les droits de l'homme. Je pense que c'est un
pays qui a toujours été reconnu pour son respect de la
démocratie. Il me fait plaisir de me joindre à mes
collègues pour féliciter la communauté grecque et, en
particulier, la communauté grecque orthodoxe de la ville de Laval.
Le Président: M. le ministre des Relations
internationales.
M. Bernard Landry
M. Landry: Après ma collègue de Cho-medey, je veux
aussi avoir une petite introduction lavalloise. Bien que je souscrive
totalement aux paroles qu'elle a déjà prononcées, je
voudrais ajouter que notre grande municipalité s'enorgueillit d'une
école tenue par la communauté grecque, l'école
Démosthène, qui est un des plus beaux fleurons du réseau
pédagogique de notre ville.
Je voudrais élargir un peu aussi en dehors de notre île
pour, à titre de ministre des Relations internationales, souligner
l'excellente coopération qui existe entre le gouvernement grec et le
gouvernement du Québec. Au cours de la dernière année en
particulier, nous avons eu l'honneur de parapher une entente en matière
de sécurité sociale qui fait que les ressortissants
croisés des deux entités politiques jouissent maintenant d'une
protection sociale qu'ils n'avaient pas auparavant.
Je veux aussi, à titre de ministre du Commerce extérieur,
souligner le travail de cette grande communauté grecque de plus de 70
000 habitants avec laquelle j'ai eu l'honneur, d'ailleurs, de coopérer
étroitement avant d'être député, en matière
d'échanges et de commerce. Les Grecs issus d'une nation qui, en plus de
ses autres vertus, a toujours pratiqué à un haut degré le
commerce, la navigation, l'industrie de l'armement au sens maritime du terme,
ont réussi, à partir de Montréal, à refaire des
ponts avec leur mère patrie et, par ces ponts, transite maintenant un
flot commercial de plus en plus abondant. Les Grecs donnent l'exemple à
toutes les communautés de la façon dont ils peuvent contribuer
à la balance des paiements du Québec. (15 h 20)
Je souhaite aussi, à l'instar de mon collègue des
Communautés culturelles et de l'Immigration, qu'ils ne donnent pas
l'exemple uniquement dans ces matières mercantiles puisque l'histoire
même du peuple grec est un exemple pour l'aboutissement de l'histoire de
tout peuple qui se respecte même s'il a connu une épreuve
millénaire.
Le Président: M. le député de d'Arcy
McGee.
M. Herbert Marx
M. Marx: Mr. Speaker, when this motion was tabled to congratulate
the Greek community on the occasion of their independence, there are two
thoughts that struck me. The first was that, when I was a young student I
remember that everything that we studied in school really started with the
Greeks: philosophy, the scientist Archimedes, the philosophers such as Plato
and Aristotle and others; and a lot of our learning, and a lot of our language,
both English and French, comes from Greek roots.
My second thought was that the Greeks have always fought for liberty,
fought for the rights of man. Many people gave their lives for this freedom and
liberty that the Greeks fought for, not only Greek people but also such
notables as Lord Byron, the English poet who went to Greece in the 1820s to
give his live for Greek independence.
So, I think that we have a lot to be thankful for to the Greek people
and this is an occasion when we want to thank them for what we owe them and to
congratulate them on their Day of Indépendance. Thank you, Mr.
Speaker.
Le Président: M. le député de Laurier. M.
Christos Sirros
M. Sirros: Je ne pouvais pas m'en passer, M. le Président.
M. le Président, je veux d'abord dire que je suis très content et
très heureux de voir qu'il y a eu tant de collègues qui ont et
présenté la motion et décidé de parler à
l'occasion de la fête nationale de la Grèce. Il faut que je vous
dise que parfois, jusqu'à maintenant, je me suis senti un peu... Je ne
sais pas trop comment le dire mais, étant donné que je suis
d'origine grecque, je me sentais pas mal placé mais je ne voulais pas
nécessairement forcer la chose sur les gens parce que je suis ici et que
je suis d'origine grecque.
Je suis très content de voir que c'est quelque chose qui a
été souligné ici à l'Assemblée nationale
depuis au moins quatre ans maintenant, peut-être avant même que je
sois venu, cinq ans. De voir aussi l'intérêt que les gens
commencent à avoir et à prendre envers la communauté
grecque au Québec, à Montréal en particulier, de voir non
seulement que ce sont des personnes qui peuvent, certes, présenter un
intérêt certain pour les partis politiques, mais qu'ils sont
effectivement des citoyens et des gens qui ont un rôle, une place puis
une position dans la société québécoise,
étant donné que c'est ici qu'ils ont décidé de
venir vivre et s'implanter.
La fête nationale de la Grèce, c'est effectivement le cent
soixante-quatrième anniversaire de la journée où les
Grecs, après 400 ans d'occupation turque, ont décidé de
dire une chose, un cri de ralliement finalement: La liberté ou la mort!
Il n'y avait pas de liberté, M. le Président et c'était
effectivement leur cri de ralliement qui les a conduits à mener une
longue guerre de huit ans, neuf ans avant de finalement réussir à
avoir une petite part de ce qui était anciennement la Grèce pour
pouvoir effectivement se retrouver parmi la communauté des nations.
Depuis toujours, les Grecs ont voyagé,
les Grecs sont allés s'installer ailleurs que simplement dans la
Grèce. Dans ce sens, ce n'est pas seulement le coin du pays qui est
important mais c'est aussi les valeurs et la culture. C'est une chose dans
laquelle je reconnais, non seulement parmi les Grecs mais parmi, si je peux
parler ainsi, le peuple québécois, les Européens, une
certaine affinité parce que, comme cela a été
souligné finalement, les racines ou les débuts des valeurs qu'on
considère aujourd'hui nos valeurs dans le monde occidental ont
effectivement commencé en Grèce avec la culture, la
littérature, la philosophie, les arts, la médecine, les sciences,
etc.
Je suis très content et très fier de faire partie de ce
peuple, d'être d'origine grecque. Je suis également très
fier de me retrouver ici aujourd'hui, M. le Président, à
l'Assemblée nationale, au Québec, et de participer à cette
motion de félicitations.
En terminant, étant donné qu'on a établi un petite
tradition depuis quelques années et depuis que le ministre
lui-même se permet d'intervenir en grec, vous me permettez de vous dire:
Kirié progore epitrepste mou na po dio logia sta ellinika. Thelo prota
apo olla na ephitho se olous tous simparikous hronia polla gia tin ethniki mas
eorti, ke na poume zito I ellada, zito o ellinismos tou Quebec. Ef haristo
poli.
Une voix: Vous êtes demandé au Journal des
débats...
Le Président: Si vous souhaitez que ce soit dans le
Journal des débats, M. le député, puis-je vous demander de
le mettre par écrit, de manière qu'on puisse, sur cela, s'y
retrouver, de même que les paroles de M. le ministre qui ont
été prononcées en grec. Malheureusement, les
fonctionnaires des services ne sont pas à ce point polyglottes qu'ils
puissent se permettre de connaître toutes les langues. Si vous souhaitez
que ce que vous avez dit en grec, de part et d'autre, soit dans le Journal des
débats, nous aurions besoin du texte. Cela étant, la motion du
député de Marquette est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Toujours aux motions sans préavis.
Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Bertrand: Oui, M. le Président, mardi le 26 mars 1985,
après les affaires courantes, donc à compter de maintenant
jusqu'à 18 heures et de 20 heures jusqu'à 22 heures, à la
salle 91, la commission de l'aménagement et des équipements
poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 6, Loi
modifiant diverses dispositions législatives pour favoriser la mise en
valeur du milieu aquatique et, à la salle du Conseil législatif,
la commission de l'économie et du travail procédera à
l'étude de la proposition tarifaire d'Hydro-Québec pour
l'année 1985 et entendra à cette fin les membres du conseil de
direction d'Hydro-Québec.
Je donne aussi avis, M. le Président, que mardi le 2 avril 1985,
de 10 heures à 11 heures, à la salle 91, la commission de
l'aménagement et des équipements entreprendra l'étude
détaillée du projet de loi no 226, Loi concernant la ville de
Brossard.
Le Président: Cet après-midi, après les
affaires courantes, donc dans quelques minutes, la commission de
l'Assemblée nationale se réunira à la salle 101 de
l'édifice Pamphile-Le May, afin d'étudier des modifications au
règlement de l'Assemblée nationale qui sont proposées par
la sous-commission sur les réformes parlementaires et d'entendre le
Directeur général des élections afin d'étudier des
règlements découlant de la Loi électorale. Il y aura un
court Bureau de l'Assemblée nationale, une affaire de cinq minutes,
à compter de maintenant, à la salle 193, immédiatement
derrière l'Asemblée nationale.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Cela étant, aux renseignements sur les travaux de
l'Assemblée.
M. Gratton: M. le Président...
Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Oui, en vertu de l'article 34 du règlement, M.
le Président, j'aimerais vous demander un renseignement sur le
préavis inscrit au feuilleton au nom du député de
Sainte-Marie. Il s'agit d'une motion de censure en vertu de l'article 296 des
règles de procédure. Dois-je comprendre que cette motion sera
débattue de façon prioritaire à la séance de jeudi
de cette semaine?
Le Président: Si la motion est reçue... Non pas
qu'elle pose quelque problème quant à sa forme, mais l'article
pertinent du règlement, l'article 297 se lit: "Le Président
répartit les motions de censure entre les groupes parlementaires
d'opposition, en tenant compte de la présence de députés
indépendants." J'ai pris connaissance du fait qu'il y avait une motion
d'inscrite au feuilleton aujourd'hui. Vous me permettrez de rendre une
décision à ce sujet demain.
Oui, M. le député de Sainte-
Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, tout en acceptant que vous
rendiez une décision à ce sujet demain, j'ai toujours compris le
règlement de la façon suivante: C'est que la répartition
se fait en tenant compte de la présence de députés
indépendants, mais à partir du moment où il y aurait deux
motions inscrites simultanément. À partir du moment où une
seule motion de censure apparaît au feuilleton, est-ce qu'elle ne devient
pas automatique? Est-ce que sa discussion ne doit pas être appelée
de façon automatique aussi?
Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: Si cela devait vous faciliter la tâche quant
à la décision que vous entendez rendre\ demain, M. le
Président, j'aimerais vous indiquer, au nom de l'Opposition officielle
que nous n'avons aucune objection à ce que la motion du
député de Sainte-Marie soit débattue jeudi.
Le Président: Dans ce cas, je suis même prêt
à prendre ma décision aujourd'hui. Elle sera effectivement
débattue jeudi. Mais pour ce qui est de l'argument soulevé par le
député de Sainte-Marie, j'aimerais quand même y
répondre. Les motions de censure, comme vous le savez il y en a six dans
une session, non pas dans une partie de session, dans toute une session et cela
peut durer longtemps. Si on acceptait l'argument que vous avez soulevé,
l'argumentation que vous avez faite, il y aurait une course à la motion
de censure dès le début de la session, de manière à
s'assurer que sa propre motion de censure ait priorité sur la motion de
censure de qui que ce soit d'autre. Ce n'est pas pas le sens de l'article. De
la façon dont j'interprète l'article, cela permet au
président de refuser une motion, parce que, dans l'équilibre
qu'il doit chercher à retenir entre le groupe ou les groupes
parlementaires de l'Opposition et les députés
indépendants, il y aurait un déséquilibre favorable
à l'un ou à l'autre, soit le groupe parlementaire de
l'Opposition, soit celui des députés indépendants. (15 h
30)
M. le député de Sainte-Marie.
M. Bisaillon: Effectivement, je dois reconnaître que je
faisais un peu l'âne pour avoir du son. L'admission du leader de
l'Opposition me convient parfaitement.
Le Président: Ce qui nous mène aux affaires...
Oui, M. le député de Richmond.
M. Vallières: M. le Président, est-ce que le leader
du gouvernement peut nous indiquer si la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation siégera cet après-midi?
Le Président: La réponse est négative parce
qu'il n'y a pas d'avis qui a été donné.
M. Vallières: M. le Président... Le
Président: Oui, M. le député.
M. Vallières: ...vous me permettrez d'indiquer que les
groupes ont été convoqués, l'Office du crédit
agricole est déjà en nos murs.
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, il y a effectivement deux
commissions dont le travail a été commandé par le leader
du gouvernement. Je crois également que la commission de
l'Assemblée nationale doit siéger, mais nous n'aurions aucune
objection à ce que, également, la commission de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation puisse tenir ses travaux si elle le
désire.
Le Président: II faudra donc, en effet, puisque trois
commissions doivent siéger, avoir le consentement unanime de
l'Assemblée nationale pour que la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation puisse siéger. Y a-t-il
consentement à cet effet?
Une voix: Consentement.
Le Président: Dans ce cas la commission de l'agriculture,
des pêcheries et de l'alimentation - par défaut - siégerait
à la salle 81 puisque c'est la seule salle qui est disponible.
Projet de loi 199 Adoption du principe
Ce qui nous mène donc aux affaires du jour et à l'adoption
du principe du projet de loi 199, Loi modifiant la charte de la ville de
Québec.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, il s'agit de l'article 19 du
feuilleton. Il y a eu une entente à savoir que nous pouvions
procéder à l'adoption du principe de ce projet de loi.
Le Président: Donc, le principe du projet de loi 199 est
adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président: M. le leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'aménagement
et des équipements
M. Blouin: M. le Président, je présente donc une
motion en vertu de l'article 236 des règles de procédure pour
déférer ce projet de loi à la commission de
l'aménagement et des équipements.
Le Président: La motion est-elle adoptée?
Une voix: Adopté.
M. Blouin: Je précise que le ministre des Affaires
municipales sera également membre de cette commission parlementaire.
Le Président: Cela fait partie de la motion.
M. Blouin: M. le Président, également, je
présente l'avis pour que la commission de l'aménagement et des
équipements entreprenne l'étude détaillée du projet
de loi 199 dont nous venons d'adopter le principe. La commission se
réunira à la salle 91 aux dates et aux heures suivantes: mardi,
le 2 avril 1985, de 11 heures à 12 h 30 après les affaires
courantes, ensuite jusqu'à 18 heures et de 20 heures à 22 heures;
mercredi, le 3 avril 1985, de 10 heures à 13 heures et après les
affaires courantes jusqu'à 18 heures.
Le Président: M. le député de
Sainte-Marie.
M. Bisaillon: M. le Président, j'avais compris, au moment
où nous avions été consultés sur le projet de loi
199, qu'on acceptait que la deuxième lecture se fasse
immédiatement sans discussion, mais que cela supposait aussi que la
commission parlementaire entendrait au moins les représentants
municipaux. Or cela n'apparaît pas dans l'avis que vient de nous faire le
leader. Je voudrais lui demander si c'est toujours son intention de le
faire.
Le Président: M. le député, c'est à
la commission de décider de de procéder à une consultation
particulière. Je crois comprendre que l'intention est là mais que
la motion sera faite, le cas échéant, en commission.
Toujours aux affaires du jour, M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Cette fois nous allons aborder l'article 5 de notre
feuilleton et poursuivre la discussion sur la modification du Code civil du
Québec.
Projet de loi 20
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Président: Nous reprenons donc le débat sur
l'adoption du principe du projet de loi 20, Loi portant réforme au Code
civil du Québec du droit des personnes, des successions et des biens. La
parole est à Mme la députée de Jonquière.
Mme Aline Saint-Amand
Mme Saint-Amand: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de m'associer à cette Chambre pour discuter du projet de loi 20,
Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des
personnes, des successions et des biens, qui constitue l'aboutissement de 25
ans d'efforts afin de réformer en profondeur un Code civil dont le
rajeunissement était rendu nécessaire. Rajeunissement ou
plutôt souci d'ajustement aux nouvelles réalités sociales
auxquelles est confronté le Québec. Le Code civil constitue les
fondements de notre droit et pour cette raison il doit être le reflet des
valeurs profondes qui sont les nôtres. Ces valeurs ont bien changé
depuis quelques années. Ainsi a-t-on littéralement assisté
à l'éclatement de la famille traditionnelle,
caractérisée par une union religieuse stable et durable à
laquelle venait se greffer, au cours des années, un nombre important
d'enfants. La famille a dû évoluer à travers des crises
économiques et sociales qui ont joué un rôle
déterminant dans la transformation de sa structure, la condition de vie
des femmes a, elle aussi, changé considérablement de visage au
cours des dernières années, mais pas nécessairement pour
le mieux.
La crise économique a rendu leur situation plus aiguë et les
oblige à subir un état de pauvreté qu'elles n'ont
aucunement demandé. Leur place plus grande dans la société
doit être d'autant reconnue dans le Code civil si ce n'était que
pour favoriser une amélioration de leur situation économique. Le
Code civil doit donc évoluer dans le sens de ces situations et permettre
tant aux familles qu'aux individus qui les composent de vivre le plus
harmonieusement possible. Le Code civil est là pour appuyer ce
développement en harmonie et les individus et leurs besoins sont au
coeur de cette réforme qui a et aura des implications tant aux plans
économique et social tout comme celles d'ailleurs du droit à la
famille.
La réforme de notre Code civil a, en effet, commencé en
1980 avec l'adoption de la loi 89 portant sur ladite réforme du droit de
la famille. Ce fut la première partie de toute cette réforme
qu'on amorça dans la redéfinition de notre conception même
du terme famille. Nous n'avions pas le choix, en
fait, compte tenu de l'évolution fulgurante qu'a connue la
famille québécoise.
La seconde partie de cette réforme c'est celle que nous
étudions aujourd'hui avec le projet de loi 20. Et encore davantage que
le livre sur les personnes ou sur les biens, celui sur les successions se situe
en continuité directe avec le livre sur la famille. Car
l'évolution sociale de la famille y est encore une fois prise
directement à partie. Il nous faut, en effet, nous demander qui,
lorsqu'un membre d'une famille décède, constitue
réellement sa famille et a ainsi droit de demander sa part
d'héritage. Doit-on considérer les frères, soeurs,
parents, neveux et nièces sur le même pied que le conjoint
survivant et les enfants du défunt?
Deuxièmement, il nous faut nous interroger à savoir
où, ou plutôt à quel niveau, se situent les
responsabilités d'une personne qui décède à
l'égard des personnes qui étaient à sa charge avant son
décès. Finalement, quelle place doit occuper le conjoint
survivant dans la succession d'une personne, compte tenu qu'une majorité
des conjoints survivants sont des femmes parce que - il ne faut pas se le
cacher - beaucoup plus de femmes survivent à leurs conjoints. On
constate donc que la famille et la condition de la femme sont encore une fois
au coeur de la question.
Ce projet de loi mérite donc de notre part une attention des plus
détaillées pour éviter que, dans la précipitation
d'une élection qui vient, tout comme en 1980, on n'examine pas, outre
les principes, les mécanismes d'application qui décident dans la
pratique de l'efficacité d'une mesure.
Comment ne pas oublier, et je dois dire que jour après jour les
femmes de partout à travers la province s'empressent de nous le
rappeler, plusieurs dispositions du Code civil portant sur la famille, dont
deux plus particulièrement ne sont pas appliquées parce que
inapplicables. Celles-ci sont les clauses concernant la déclaration de
la résidence familiale et la prestation compensatoire.
En aparté à ce discours, j'en profiterais pour rappeler au
gouvernement que bien peu de lois qu'il a adoptées en faveur des femmes
fonctionnent bien actuellement. Mentionnons rapidement le partage des
crédits de retraite au moment d'un divorce et la perception des pensions
alimentaires. Mais pour revenir aux points précis de la prestation
compensatoire et de la déclaration de résidence familiale, il me
faut relever les propos du député de Vachon qui, le 13 mars
dernier, parlant sur ce projet de loi, indiquait à cette Chambre: "Je
peux dire que quatre ans après l'adoption de la première tranche
du nouveau Code civil, le gouvernement du Québec a toutes les raisons de
se féliciter des progrès accomplis dans ce domaine. Personne ne
peut nier les bienfaits des dispositions relatives à la prestation
compensatoire de même que celles qui touchent la résidence
familiale. Cette étape, poursuit le député de Vachon,
ayant été franchie et appliquée d'ailleurs avec
succès, le gouvernement a maintenant l'intention de procéder
à l'adoption, avant la fin de l'année en cours, de ce qui
constitue la suite logique de la réforme du droit de la famille." (15 h
40)
Ou les députés ministériels sont aveugles, M. le
Président, ou ils n'ont absolument rien compris de ce mécanisme
du Code civil. De toute façon, ni l'un ni l'autre n'est excusable,
surtout lorsque tous et chacun ne cessent de critiquer les procédures
d'application de ces principes. L'idée de ces mesures était
certes innovatrice, mais faut-il encore que cela fonctionne, et j'ai crainte
qu'on ne répète la même erreur avec le livre du Code civil
sur les successions, principalement en ce qui concerne la créance
alimentaire. Le gouvernement a fait le choix de conserver la liberté de
tester qui est chez nous un principe et, plus même, une coutume
très difficile à abandonner pour un gouvernement, je le
concède. Il a préféré adopter une solution
mitoyenne qui surprend, elle aussi, par son caractère innovateur.
La situation économique dans laquelle se retrouvent plusieurs
femmes ayant survécu à leur conjoint appelait une solution qui
permette à ces dernières de bénéficier d'une part
des biens que leur mari avait accumulés au cours de sa vie et,
très souvent, grâce à elles. L'idée de la
créance alimentaire n'est pas mauvaise en soi, mais elle soulève
un certain nombre d'interrogations qui ne peuvent facilement être
résolues. Et la première de ces interrogations consiste à
se demander si le conjoint qui survit songera même à demander
cette créance, si elle ne lui est pas accordée de facto. À
ceux qui me répondront oui, je leur rappellerai l'exemple du partage des
crédits de retraite au moment d'un divorce où seulement 6% des
couples qui divorcent font une demande de partage de leurs crédits de
retraite accumulés au cours de leur vie commune.
Est-ce la même situation qui se répétera? Dans
l'alternative où l'on adopte le principe de la créance
alimentaire, d'autres problèmes subsistent qui rendront, certes, son
application difficile. Selon le projet de loi 20, c'est l'exécuteur
testamentaire, nouvellement appelé le liquidateur, ainsi que les
héritiers, qui ont la responsabilité de fixer le montant de la
créance alimentaire, après consultation des descendants. Or,
comme on le sait, dans la pratique en matière de succession, il est
très souvent ardu d'en arriver à une entente et, en ne
prévenant pas les abus de la liberté illimitée de tester,
on oblige le conjoint à aller devant le tribunal pour faire valoir son
droit dont il a le fardeau de la preuve. De plus, la mise en branle du
système judiciaire est
décourageante pour le conjoint en deuil qui, d'une part, doit
entreprendre des procédures contre la succession, très souvent
composée des membres de sa famille, et, d'autre part, doit effectuer des
démarches longues et coûteuses.
À notre avis, le recours au tribunal ne devrait être que
l'exception. Or, la méthode d'application de la créance
alimentaire risque d'en faire la règle. Et quelle règle, M. le
Président? Une règle qui prolongera de deux à trois ans
tout le règlement des procédures et qui retardera d'autant le
paiement de la créance. De plus, le projet de loi rend complexe la
détermination même de la valeur de la succession, en permettant un
retour en arrière de trois ans sur tout ce que la personne
décédée avait donné. Il y aura donc
déjà un délai et des complications de départ dans
la seule fixation du montant de la créance. Tout cela nous amène
à nous interroger sérieusement sur les visées du
gouvernement dans ce dossier. Veut-il répéter à l'infini
l'expérience malheureuse du partage des crédits de retraite au
moment d'un divorce ou de la prestation compensatoire ou désire-t-il
mettre sur pied une mesure non seulement innovatrice, mais aussi applicable? En
ce cas, n'y a-t-il pas lieu de rendre les modalités beaucoup plus
abordables du fardeau de la preuve s'il refuse l'entente et en limitant
peut-être de cette façon le recours judiciaire? Cette question ne
doit sûrement pas être traitée rapidement. Elle
mérite qu'on l'étudie plus profondément afin d'y donner
tout l'impact qu'elle mérite dans la révision des droits des
successions.
Le second point dont j'aimerais discuter concerne la dévolution
successorale dans les cas de décès sans testament. Le projet de
loi 20 propose que le conjoint survivant recueille la moitié de la
succession s'il n'y a qu'un seul autre descendant au premier degré et
que par contre il ne recueille qu'un tiers de la succession s'il y a plus d'un
autre descendant au premier degré.
La majeure partie des groupes qui ont défilé en audition
devant la commission parlementaire ont réclamé que le conjoint
survivant recueille la moitié de la succession en tout temps. Nous
croyons cette demande très justement formulée. Car lorsque les
enfants atteignent leur majorité ou lorsqu'ils sont majeurs au moment de
l'attribution de la succession, le conjoint survivant se retrouvera en
situation d'insécurité financière beaucoup plus grande, et
il n'est que trop juste envers celui-ci qu'on reconnaisse sa direction morale
et matérielle de la famille par l'assurance d'une certaine
sécurité économique particulièrement quand vient le
moment de la retraite. D'autant plus que ceux qui ne font pas de testament et
qui auront donc recours à cette procédure sont habituellement des
personnes qui ont peu de revenus et qui seront par conséquent beaucoup
plus désavantagées par un partage de la succession les
défavorisant.
L'article 737 me laisse pour sa part encore plus sceptique. L'objet de
cette réforme étant la modernisation du Code civil, je
m'interroge sur le bien-fondé de laisser encore autant de
prérogatives aux collatéraux privilégiés, soit les
frères et soeurs du défunt ainsi que les neveux et nièces,
s'il y a lieu.
Doit-on laisser encore autant de place aux membres de la famille
élargie? Notre conception moderne de la famille ne doit-elle pas laisser
au conjoint survivant toute la place qui lui revient comme pilier à part
entière de la cellule familiale? Le Conseil du statut de la femme
relève à propos que, de son vivant, le défunt n'a aucune
obligation légale alimentaire ou d'entretien envers les membres de sa
famille élargie. Pourquoi, une fois décédé, en
aurait-il? D'ailleurs, dans le cas de décès avec testament, et
sauf lorsque la succession est considérable, qui pense encore de nos
jours à léguer des biens à ses neveux et nièces? Le
Code civil portant sur les successions a la responsabilité de se
demander quelles sont les personnes les plus importantes qui entourent le
défunt. À ce titre, le conjoint ne peut être mis de
côté et doit compter sur la complète collaboration du
législateur.
Comment ne peut-on pas rappeler aux membres de cette Chambre que 70% des
femmes âgées vivant seules ont des revenus qui se situent au
dessous du seuil de la pauvreté? Le défi des années
quatre-vingt pour les femmes c'est l'acquisition d'une plus grande autonomie
économique. À cet égard, le rôle des successions est
de plus en plus prépondérant et doit être examiné
à fond. Le gouvernement a certes eu de bonnes intentions à
l'égard des droits à accorder aux femmes, mais la timidité
ou le caractère incomplet de certains articles rendent cette
réforme très problématique pour les femmes.
Il ne sert absolument à rien, comme le font les
députés de l'autre côté de cette Chambre, de se
vanter des droits que leur gouvernement a accordés aux femmes mais
qu'ils ne fonctionnent absolument pas. Comme le concluait d'ailleurs le Conseil
du statut de la femme dans son récent rapport sur le projet de loi, les
femmes ont appris, trop souvent à leurs dépens, les
conséquences de laisser aux tribunaux le soin d'interpréter et
d'encadrer certaines dispositions législatives.
Les femmes n'ont que faire de droits arrachés aux tribunaux
après des poursuites continuelles et coûteuses; elles
désirent une loi simple, cohérente, respectueuse des traditions
et des valeurs modernes de notre société et surtout facilement
applicable. Mon souhait le plus cher, en tant que parlementaire, est que nous
soyons à même de leur offrir cette loi. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Affaires sociales. (15 h 50)
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, je suis heureux de voir que
le gouvernement passe à l'action. Car de 1955 à 1965, cela a
été comité de travail par-dessus comité de travail.
De 1965 à 1975, cela a été l'Office de révision du
Code civil, mais sans jamais aboutir à rien. C'est le gouvernement
actuel qui, en 1980, a commencé véritablement à
réexaminer le Code civil et, en particulier, d'une façon plus
spécifique, au cours de l'année 1980, le droit de la famille.
Aujourd'hui, la réforme qu'on présente à la population
québécoise vise essentiellement les droits de la personne et les
droits des successions et des biens.
Je pense, en tant que ministre des Affaires sociales, que les droits de
la personne doivent primer en ce qui regarde ma préoccupation comme
ministre de la santé et des services sociaux et c'est plus
particulièrement de cela que je voudrais parler aujourd'hui. Tout
d'abord, je constate, à la lecture de la loi 20, que plusieurs articles
parlent d'intégrité de la personne, notamment quant aux soins,
par exemple, de garde en établissement, d'examens psychiatriques, du
respect des droits de l'enfant, du respect de la réputation, de la vie
privée et, également, du respect du corps après le
décès.
Le Code civil vient donc asseoir dans une loi de portée
générale les droits fondamentaux de l'individu, de la personne.
C'est ce qui faisait écrire au frère Untel, M. Desbiens, cette
semaine: "II est beaucoup plus important d'avoir des modifications au Code
civil que d'avoir n'importe quel amendement à une loi sectorielle.
Pourquoi? Purement et simplement parce que notre Code civil devient l'assise de
base, celle qui sert à toute interprétation sur lequel code
assoit toutes les législations sectorielles, quelles qu'elles soient."
Je partage ce point de vue. Je pense qu'il est possible de réaliser des
modifications axées fondamentalement sur cette valeur qui est
l'intégrité et le respect de la personne.
Donc, nous sommes prêts aujourd'hui à agir, comme je le
disais tantôt, après des années et des années de
tergiversations, d'études de toute nature et, enfin, on peut
présenter quelque chose qui se tient, quelque chose qui nous permettra
de faire face aux situations actuelles de l'évolution du Québec
et également de l'évolution future des
Québécois.
Le gouvernement propose donc cette primauté de la personne
humaine dans toute cette réforme. Il nous faut reconnaître que
l'égalité et l'autonomie des personnes sont indispensables devant
toute législation, quelle qu'elle soit. Cela suppose, pour plusieurs
catégories de personnes, cependant, la mise en place de moyens soit
judiciaires, de moyens administratifs pour qu'on puisse vraiment
réaliser ce respect de l'intégrité, ce respect de
l'égalité et de l'autonomie des personnes. C'est ce que proposent
un tant soit peu les amendements proposés au Code civil.
Beaucoup d'individus et de groupes se sont prononcés en
commission parlementaire. Je dénombrais personnellement au moins 23
représentations qui ont eu lieu au cours de la commission parlementaire
durant laquelle onze groupes qui émanaient du secteur des services
sociaux ou de la santé se sont exprimés d'une façon
passablement intéressante sur l'intégrité de la personne
comme telle.
Je pense que les groupes, tout en divergeant sur certaines
modalités, en nuançant la portée de certains droits, ont
quand même apporté quelque chose de positif quant à la
réforme du Code civil. Je pense qu'en 1985 on ne peut soumettre une
personne à des soins de santé, par exemple, sans que celle-ci n'y
consente personnellement. Il me semble que les articles 23 et suivants du Code
civil, dans les propositions d'amendements de la loi 20, démontrent
clairement que l'individu doit donner son consentement à quelque
traitement que ce soit. De plus, dans le domaine de la santé,
l'individu, la personne, le bénéficiaire est en droit de savoir
la nature même des soins qu'on lui prodigue. C'est un droit fondamental
qu'on reconnaît maintenant par ces amendements et qui, je
l'espère, contribuera à faire respecter davantage
l'intégrité de la personne, à connaître quels soins
on veut bien lui prodiguer et, également, à exiger de la part des
professionnels de la santé le consentement de l'individu qui se
présente pour tel ou tel soin, à qui on veut prodiguer tel ou tel
type de soins.
Je pense aussi qu'en 1985, il est important de regarder
l'évolution du respect de l'individu dans le domaine des soins de
santé. Je pense, entre autres, à la maison Sarrazin qu'on vient
de mettre sur pied à Québec, sans laquelle des
bénéficiaires en phase terminale auraient séjourné
dans des hôpitaux traditionnels, à qui on aurait injecté
d'une façon très régulière une médication ou
une drogue pour éviter la souffrance trop ponctuelle ou trop aiguë
à certains moments. Au contraire, nous allons vivre une
expérience qui, je l'espère pour nos bénéficiaires
en phase terminale, sera des plus concluantes comme type d'expérience,
parce qu'on permettra à ces gens, qui, lucidement, savent qu'ils n'en
ont pas pour
longtemps à vivre, de vivre dans un décor dans lequel, au
moins, ils aiment vivre, dans ce type de maison spécifique pour eux. Je
pense que c'est humaniser les soins de santé; c'est permettre à
ces gens, peut-être, de se gâter un peu. Quand on sait qu'on a peu
ou presque pas de temps, on désire toujours au moins profiter pleinement
des derniers instants qui nous restent. Ce type d'expérience que nous
conduisons présentement à la maison Sarrazin devrait nous
permettre, précisément, de donner à ces
bénéficiaires cette dignité fondamentale qui leur revient
de droit dans une phase terminale. Nous pourrons permettre, par ce type
d'expérience, d'exaucer les dernières volontés de ces gens
qui ont peu ou presque pas de temps à vivre.
Bien sûr, malgré ces amendements au Code civil, il n'en
demeure pas moins que, dans des situations de cas précis, les corps
médicaux ne perdent pas leur possibilité d'intervention. Dans le
cas, par exemple, d'un accidenté grave où le type arrive
inconscient à l'hôpital, où il doit y avoir intervention
immédiate et qu'on n'a pas le temps d'obtenir le consentement du tuteur,
des parents ou des enfants et qu'il y va de la vie même de l'individu,
à court terme, le Code civil n'affecte pas ces situations. Il en est de
même dans les cas, par exemple, de personnes dans le coma. Il est bien
évident qu'à ce moment-là le corps médical conserve
la possibilité d'une intervention immédiate. Je pense, cependant,
qu'il nous faut, dans la mesure du possible et chaque fois que la chose est
possible, aller chercher ce consentement qui, bien sûr, assure le respect
de l'intégrité, ce respect qui assure la primauté de
l'autonomie de la personne sur quelque loi que ce soit, sur quelque principe
que ce soit.
Si on avait écouté fondamentalement tous les intervenants,
on serait allé encore plus loin. Je lisais encore dernièrement le
témoignage de l'Association des centres hospitaliers du Québec
qui faisait primer le principe d'autonomie de la personne sur celui de la
conservation de la vie. Je vous avoue que c'est aller passablement loin. Cela
démontre qu'il y a beaucoup de personnes qui s'interrogent. Il y a des
débats philosophiques, il y a des débats moraux qui se font sur
ces sujets. Je pense que les mesures annoncées dans la loi 20 font en
sorte qu'on puisse vraiment protéger l'individu.
Dans le Code civil, on parlera du consentement du mineur de 14 ans, qui
est encadré, cependant, par des approbations. On parlera de la
protection du malade mental, de la maladie mentale. Je suis heureux d'annoncer
ici que, dans quelques semaines, mon ministère publiera un avant-projet
de politique sur la santé mentale qui suscitera un large débat
dans notre société et nous permettra, sans doute, de
dégager des consensus. On parle de désinstitutionnali-sation, on
parle de permettre à l'individu de vivre dans une société
normale, dans un milieu naturel. Et on sait que cela peut provoquer toutes
sortes de braquages dans notre société. On sait qu'il y a des
gens qui, par manque d'information, se braquent à la seule idée
de l'existence d'une maison pour malades mentaux sur telle ou telle rue. On a
vu des citoyens se soulever, s'opposer alors que d'autres provinces et d'autres
pays, beaucoup moins avancés que le nôtre ont réussi
à désinstitutionnaliser, à faire en sorte que nos malades
souffrant de handicaps mentaux puissent vivre dans un milieu naturel avec un
encadrement, bien sûr. (16 heures)
II nous faudra donc faire un large débat là-dessus et dans
quelques semaines cet avant-projet que mon ministère publiera pourra
permettre à l'ensemble de la population de discuter de ces politiques,
de les bonifier au besoin et de faire en sorte qu'on puisse, dans quelques
mois, avoir une politique de santé mentale cohérente.
J'invite donc tous les citoyens intéressés, tous les
syndicats de salariés, tous les conseils d'administration, les
professionnels impliqués, à participer à
l'élaboration d'une politique définitive. Cet avant-projet se
voudra purement et simplement un déclencheur d'une discussion nous
conduisant à une véritable politique de la santé mentale
au Québec.
Je pense qu'on pourrait continuer à regarder ce qu'on propose
dans la loi 20. On propose aussi le prélèvement d'organes dans le
Code civil maintenant. Qu'est-ce qu'on dit concrètement? On aurait bien
pu publier l'ensemble des législations, que ce soit dans les autres
provinces canadiennes, que ce soit en France, que ce soit aux
États-Unis. On sait très bien que dans certaines
législations, par exemple, il s'agit qu'un individu consente avant son
décès à donner un organe et, s'il décède,
l'organe peut être prélevé.
Dans d'autres législations, c'est le contraire. C'est l'absence
de consentement préalable qui fait qu'on peut utiliser les organes d'un
individu. Pour d'autres, il faut qu'on s'oppose ou qu'on se prononce avant.
Mais peu importe l'ensemble de ces législations, je pense que dans un
respect de la personne, on introduit un nouveau mécanisme dans le Code
civil qui nous permettra d'améliorer notre banque d'organes, que ce soit
pour des transplantations rénales, du coeur ou d'autres organes. On sait
pertinemment que la science n'a pas évolué au point d'avoir des
organes artificiels encore et qu'il nous faut avoir une banque suffisamment
importante, suffisamment imposante pour répondre aux besoins constants
que nous avons dans ce secteur, et Dieu sait si l'expérimentation a
franchi des
pas de géant depuis quelques années. Donc, cet aspect est
nouveau. Il nous permettra de répondre à des besoins sans cesse
grandissants.
Donc, en un mot, en ce qui regarde le domaine de la santé, le
Code civil nous présente une réflexion nouvelle, du droit nouveau
qui nous permettra tout en assumant le plein respect de la personne, de son
intégrité, jusqu'au consentement préalable, je pense que
cela dénote une volonté du gouvernement du Québec et
même de l'Assemblée nationale parce que ce débat doit se
faire au-dessus de toute partisanerie politique puisque cela devient l'assise
de toutes nos législations sectorielles par la suite. Je pense que ce
pas que nous nous apprêtons à franchir comme Assemblée
nationale, comme gouvernement, nous permettra de faire évoluer notre
société, d'asseoir nos futures législations sur un code
qui reconnaît d'abord les droits fondamentaux de la personne et qui
permettra d'évoluer sainement, de faire face aux situations actuelles et
futures d'un Québec en pleine évolution. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Y a-t-il un autre
intervenant?
M. Fallu: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Relations avec les citoyens.
M. Élie Fallu
M. Fallu: M. le Président, je suis un peu pris de court
puisque je croyais que le Code civil intéressait davantage nos amis du
Parti libéral, mais enfinl
Je me permets de parler dans ce débat aujourd'hui d'une
façon peut-être simple -j'espère ne pas être
simpliste étant donné que je ne suis pas moi-même avocat -
un peu comme le citoyen qui fait lecture de la proposition du Code civil que
nous avons devant les yeux. J'observe que, d'après sa rédaction
même, par sa facture, par l'organisation des chapitres, par le
vocabulaire qui est utilisé, l'exercice qu'on nous propose à
l'Assemblée nationale permettra de rapprocher le Code civil, qui est
l'outil majeur dans une société, l'architecture de base de nos
relations de droit dans notre société, du monde. Car les deux
chapitres proposés du Code civil, à savoir les droits de la
personne, les successions et les biens, simplifient l'ancien code,
amènent, je dirais, une compréhension beaucoup plus facile. Sa
structure interne, comme je le disais, amène une logique qui est plus
contemporaine et, en somme, c'est une véritable modernisation. Mais je
n'ai pas à faire cet éloge. Je pense que, déjà,
notre collègue, le ministre de la Justice, l'avait très bien fait
en reprenant l'histoire du code depuis des siècles et l'histoire de
cette restructuration depuis vingt ans.
Permettez-moi plutôt de faire une lecture du code du point de vue
du citoyen et de la citoyenne en fonction de cette simplification, de cette
harmonisation et surtout de l'adaptation des droits, de la reconnaissance, je
dirais, de nouveaux droits, pour l'exprimer très simplement, de
l'harmonisation entre le droit et une morale sociale qui est nouvelle dans
notre société, qui a évolué.
La première réflexion que je ferai portera sur la
jeunesse, puisque dans le passé, et d'une façon
systématique, les jeunes dans notre société étaient
les enfants, c'est-à-dire, comme on dit en droit, n'étaient pas
émancipés. On l'a dit d'ailleurs pendant longtemps des femmes,
parce que, justement, les femmes, n'étant pas émancipées
du point de vue du code, du point de vue de la loi, n'avaient pas leur
majorité. Les enfants n'ont toujours pas cette majorité. Elle
n'est acquise qu'à l'âge de 18 ans.
Néanmoins, il y ce début d'ajustement dans notre
société qui, après avoir diminué la majorité
en âge de 21 à 18 ans, va maintenant plus loin en rendant
responsables les enfants. On sait maintenant que la proposition du code fait
que, dans un certain nombre de cas, un enfant, à partir de 14 ans,
pourra être considéré comme majeur, pourra lui-même
prendre ses décisions comme, par exemple, à propos d'une
intervention chirurgicale qui devrait être faite sur son propre corps.
L'enfant pourra donc, au-delà de la tutelle parentale qui est
exercée, s'exprimer. Il en était déjà de même
- d'ailleurs, le Code civil le confirme - en ce qui a trait aux lois de
protection de la jeunesse. Le Code civil entérine a posteriori les
actions posées par l'Assemblée nationale reconnaissant des
pouvoirs à l'enfant de 14 à 18 ans.
Je sais que notre ancien règlement ne nous permettait pas de
faire lecture des articles de la loi, mais, néanmoins, permettez-moi, M.
le Président, de faire lecture d'un alinéa d'un article de loi.
Il en est maintenant de même de cette capacité juridique de
siéger à un conseil d'administration d'un mineur,
c'est-à-dire quelqu'un qui a moins de 18 ans: "Les mineurs et les
majeurs en tutelle peuvent être administrateurs d'une association dont
l'objet les concerne spécifiquement." Vous voyez l'intérêt
notamment des jeunes en ce qui a trait à l'administration des maisons
des jeunes. Actuellement, comme ils ne peuvent pas siéger, ils forment -
c'est le cas chez moi - des sortes de conseils consultatifs auprès de la
maison des jeunes dont ils sont eux-mêmes les
bénéficiaires. Le Code civil leur reconnaîtra la
capacité juridique de siéger à ces conseils
d'administration et,
donc, d'y prendre des décisions comme les adultes
eux-mêmes. (16 h 10)
II en va de même d'ailleurs à l'école, puisque la
loi 3 que nous avons adoptée avant Noël permet déjà
à des jeunes, des adolescents, de siéger, au niveau secondaire,
au conseil de l'école. Donc, voilà toute une approche nouvelle
dans notre société qui permet aux jeunes d'être plus
responsables.
Un autre exemple si vous me le permettez, l'article 34 de ce projet de
loi prévoit dans le respect justement des droits de l'enfance qu'un
jeune puisse être entendu si son âge et ses capacités
mentales le permettent. Entendu, c'est-à-dire entendu devant un
tribunal, entendu par rapport à sa propre cause, par rapport à
son avenir personnel. C'est le cas notamment dans les tribunaux de la jeunesse.
Passons pour le reste puisque cela touche des aspects relatifs aux parents.
Un second aspect que j'aimerais aborder dans cette approche de
simplification, d'humanisation du code, de modernisation du code, c'est
l'aspect des nouveaux droits qui sont reconnus à la personne. Et - sans
vous le dire, M. le Président, - je vais en faire la lecture. Il s'agit,
à l'article 36, d'un certain nombre de dispositions sur la protection
des personnes. Vous savez comment, dans notre société, à
cause de l'électronique, des banques de données, à cause
de la télévision, à cause de la radio, à cause de
tous nos ciné-caméras, à cause de ces moyens
d'écoute superperfectionnés qui peuvent nous amener à
percer les murailles pour entendre les gens ou à répercuter dans
cette salle le son de notre voix bien au-delà de nos murs, comment la
liberté d'une personne peut être mise en cause à tout
moment? Et ainsi le code aura comme nouvelle disposition qu'il sera interdit ou
qu'il sera considéré comme une atteinte à la vie
privée les actes qui seraient posés sans le consentement de
ladite personne. Comme par exemple, capter ou utiliser son image, ou sa voix
lorsqu'il se trouve dans un lieu privé.
Nous n'avions pas cette disposition alors que les Français
avaient dans leur code civil renouvelé récemment un article
relatif à ce droit à l'intimité personnelle. Un
procès récent à Paris, d'ailleurs, a permis à une
jeune femme qui, entrant dans le métro un jour, eut la surprise de
constater que sa photo apparaissait à la hauteur même de la
station... Et, jamais elle n'avait autorisé personne à utiliser
ainsi son image. Au demeurant il nous faudra nous-mêmes politiciens et
personnages politiques, peut-être être plus vigilants à
l'avenir lorsque nous voudrions utiliser les photos de certains de nos
commettants dans nos dépliants publicitaires sans avoir
préalablement acquis leur consentement.
Voilà donc une protection qui est nécessaire, à mon
avis, puisqu'il y avait, non pas il y aurait eu, mais il y avait abus dans
certains cas. Je ne veux parler particulièrement des politiciens
d'ailleurs. Dans le même esprit, le consentement d'une personne sera
nécessaire pour qu'on surveille sa vie privée par quelque moyen
que ce soit, surveiller sa vie privée, les caméras
cachées, les caméras avec des zooms etc. qui font qu'on va
piéger littéralement les gens dans leur intimité.
D'utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre
fin que l'information légitime du public. J'imagine que cela ne concerne
pas ici les imitateurs ni les caricaturistes. Que Dieu les protège! De
la même façon, comme notre société a
évolué et qu'à peu près partout nous sommes
fichés, nous sommes inscrits, nous sommes dans des banques
électroniques, sur des cartes, sur des disques, ce que nous appelons des
banques de données... Nous savons fort bien que, souvent, ce n'est pas
par choix que nous sommes fichés. Certes, nous savons ce qu'il en est
dans le domaine public puisque nos lois, depuis déjà un certain
temps, ont été très précautionneuses pour qu'il n'y
ait pas de diffusion des informations requises pour l'administration de
l'État: incompatibilité de transfert d'une banque de
données à l'autre, non disponibilité au public des bandes
et, enfin on le sait, la loi 65 sur la protection de l'information.
Le Code civil permettra au citoyen d'affirmer ses droits à ne pas
être fiché comme cela sans qu'on ait acquis son autorisation.
Toute personne qui constitue un dossier sur une autre personne doit avoir un
intérêt sérieux et légitime à le faire. Elle
doit, dans la constitution du dossier et l'utilisation qu'elle en fait, agir de
bonne foi et avec prudence, de façon à ne pas porter atteinte
à la réputation et à la vie privée d'autrui. En
conséquence, toute personne -c'est-à-dire tout individu ou chacun
de nous, sachant que nous sommes fichés à gauche et à
droite - peut consulter et faire reproduire à ses frais un dossier qui
la concerne et qu'une personne a constitué ou détient sur elle
dans le but d'en informer un tiers. Enfin, c'est la capacité de
rectifier les informations inexactes qui se trouveraient dans de telles
banques. Ce principe, dans le Code civil, est tout à fait nouveau et il
tient compte des développements modernes, notamment dans l'informatique.
Certes, à ces articles 37 et 38, il restera au ministre de la Justice ou
au ministre des Communications de compléter l'application de ces
principes reconnus dans le Code civil par un certain nombre de lois
spécifiques et cela viendra un peu plus tard.
Sont également affirmées dans le Code civil un certain
nombre de pratiques qui ont cours dans notre société. Tout
à l'heure, mon collègue le ministre des Affaires sociales a
évoqué l'un de ces mécanismes sur lequel il
fallait que le Code civil s'arrête par quelque grand article pour
mieux encadrer le vécu de notre société; je veux parler
notamment de ces banques d'organes, de ces dons d'organes, de cette
autorisation qu'un individu a, possède, sur sa propre personne
au-delà même de sa mort physique, c'est-à-dire la libre
disposition de son corps après le décès. La pratique veut,
d'une façon générale, qu'on fasse appel à nous tous
pour les prélèvements d'organes, les dons d'organes en vue de
sauver ou d'améliorer, pour le moins, des vies humaines ou encore pour
permettre des recherches scientifiques. Le code - il faut se le rappeler -
était presque muet sur ces pratiques. Il n'y avait que la tradition pour
nous guider. On disait simplement que le corps était inviolable - cela
faisait sans doute partie de notre héritage moral, de nos traditions
religieuses également, sans doute, que le corps était inviolable
- il fallait donc l'ensevelir, ou l'incinérer à la limite, selon
les époques et les changements de tradition morale, notamment de
l'Eglise.
Le code reconnaît maintenant très officiellement ces
mécanismes qui permettent à l'individu de disposer de son corps
au-delà du décès, donc d'en disposer librement, et voire
même de permettre à la société dans certaines
circonstances, notamment lorsque le prélèvement doit être
effectué dans des délais extrêmement restreints et surtout
lorsqu'on peut avoir l'espoir sérieux d'épargner une vie humaine
ou d'en améliorer considérablement la qualité, de faire un
prélèvement avec l'autorisation de deux médecins qui
attesteraient par écrit l'impossibilité d'obtenir en temps utile
l'autorisation soit, par exemple, des conjoints ou encore des parents,
c'est-à-dire des père et mère ou encore des tuteurs ou des
curateurs. (16 h 20)
Le Code civil va simplifier également la vie d'un peu tout le
monde. Il y a cette vieille tradition au Québec qui a fait,
historiquement, que le curé de la paroisse était également
un fonctionnaire de l'État par il devait remplir en double tous les
registres, celui du baptême et un second qui était celui de la
naissance, un autre registre portant sur le mariage, donc mariage religieux et
confirmation de ce geste juridique que constitue le mariage en vertu du code.
C'était également le curé de la paroisse qui enregistrait
les décès, mais notre société a changé. Il
est un peu difficile de demander au curé de la paroisse d'enregistrer
les séparations légales ou d'enregistrer les divorces et encore
plus difficile de lui demander d'enregistrer les naissances si elles ne sont
pas accompagnées du baptême. Donc, une société a
changé. Il faut donc savoir s'adapter et, en conséquence, adapter
le Code civil, faire en sorte que les mécanismes puissent être
distincts. Dois-je avouer, M. le Président, qu'en tel cas ce ne sont pas
nos curés qui vont regimber puisque c'était une charge
considérable qu'on leur donnait. Depuis fort longtemps, ils avaient
hâte de se débarrasser de ce rôle de fonctionnaire du
registre civil. Comment dirais-je? De toute façon, ils étaient
tellement mal payés pour le faire que ce seul critère suffisait
à les dissuader de continuer ce rôle.
Cette transformation du Code civil va également, comme je le
rappelle toujours, le rapprocher du monde dans un autre domaine. Souvenons-nous
de ce qui se passait en cas d'absence, l'individu qui se noie en mer, en
excursion de pêche, l'enfant qui s'enfuit ou qui est victime d'un rapt et
qui disparaît sans que jamais on ne le retrouve, ce père de
famille, ce conjoint qui disparaît sans laisser de trace. Est-il rendu
dans un nouveau Klondike, un Pérou quelconque ou une côte ouest ou
est de l'Atlantique ou du Pacifique? On ne sait trop puisque jamais on ne le
revoit, mais néanmoins il y a des survivants. Il y a les gens qui
restent et la tradition inscrite dans le code voulait qu'on ne puisse le
déclarer absent et en conséquence, récupérer ses
biens pour les descendants, les enfants, l'épouse, etc., qu'après
30 ans. Comme le disaient les vieux chez moi, dans mon village: Quelqu'un qui
disparaît, il faut compter jusqu'à ce qu'il ait l'âge de 100
ans avant de pouvoir toucher à sa fortune. Il faut donc penser à
ceux et celles qui continuent d'exister, celles notamment avec qui il a des
dépendances. La proposition qui est faite est de ramener à sept
ans ce délai d'absence pour qu'on puisse déclarer le
décès judiciaire, c'est-à-dire constater que l'individu
n'a plus d'existence judiciaire et qu'en conséquence sa famille peut
disposer de ses biens pour la survie du ménage ou la survie des
descendants. Voilà un peu.
Je pourrais comme cela... Laissez-moi donner encore un cas qui
m'apparaît important car on pourrait à travers tout le Code civil
- je n'ai pris ici que le chapitre des personnes - indiquer en quoi le Code
civil, par son approche et sans compter ses techniques d'écriture, va
faire en sorte d'être non seulement plus moderne, plus articulé,
plus lisible, mais aussi va s'adapter à la vie de tous les jours, au
siècle présent, et va faire preuve d'une plus grande
modernité.
Laissez-moi évoquer un autre cas, M. le Président, si vous
me le permettez, qui a trait à la Curatelle publique. Actuellement,
nommer un curateur public, c'est relativement simple, c'est même
caricatural. D'ailleurs, même si tel n'est plus vraiment le cas
maintenant, vous savez la caricature qu'on en faisait il y a encore 25 ans ou
30 ans au Québec. La caricature dans mon village était à
peu près la suivante, et je le
dis entre guillemets. Lorsque la "bonne femme" était
tannée de son mari, elle n'avait qu'à le faire déclarer
fou par le médecin du village, et il disparaissait...
Mme Lavoie-Roux: C'était surtout l'inverse qui
arrivait.
M. Fallu: Ou l'inverse, oui. Lorsque le bonhomme décidait
de faire déclarer folle sa "bonne femme", il n'avait besoin que d'un
billet du médecin et on l'enfermait à Saint-Michel ou à
Saint-Jean-de-Dieu.
Le Code civil prévoit toujours, aujourd'hui encore, une telle
disposition. Nous voudrions introduire un mécanisme qui, certes, sera
une étape de plus, mais qui amènera un peu plus de
sérieux, sérieux qui, d'ailleurs existait déjà dans
la Curatelle publique. Il s'agit de faire en sorte qu'après la
nomination d'un curateur, dans les 48 heures, il se présente devant un
tribunal pour que celui-ci reconnaisse la nécessité d'une telle
curatelle.
Vous l'avez vu, je n'ai fait qu'effleurer là un certain nombre de
points qui touchent les droits de la personne, c'est-à-dire à
peine une centaine d'articles. Cette proposition d'amendements au Code civil,
me semble-t-il, va simplifier la vie au monde. C'est le message tout simple que
j'ai à passer cet après-midi, sans prétention, dans une
lecture obvie, je dirais, d'un citoyen profane. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Mme la
députée de L'Acadie.
Mme Thérèse Lavoie-Roux
Mme Lavoie-Roux: Merci, M. le Président. Je dois vous dire
que c'est avec une... j'allais dire une certaine modestie, mais je devrais dire
beaucoup de modestie que je me lève pour faire des commentaires sur le
Code civil. Si je le fais, c'est peut-être dans le but de tenter de
convaincre mes concitoyens qui, comme moi, à l'égard du Code
civil, ont des appréhensions dans le sens qu'il s'agit d'un code
extrêmement difficile à décortiquer, qu'on doit laisser
seulement aux initiés: les avocats, les juges. Sauf pour savoir que
notre Code civil découle du code napoléonien, qu'il remonte aux
années 1800, ce qui le rend encore plus mystérieux. Nous sommes
très ignorants du contenu du Code civil. En ce sens, je suis sûre
de m'associer à un certain nombre de mes collègues, qui doivent
être dans la même position que moi, et peut-être d'une bonne
partie de la population.
N'eût été ma présence à
l'Assemblée nationale, probablement que pour moi, le Code civil serait
resté un instrument que l'on regarde de loin et avec une certaine
méfiance parce que nous n'avons pas la compétence ni
l'autorité pour en discuter. Je ne prétends pas aujourd'hui,
même avec ma présence à l'Assemblée nationale,
être devenue compétente en la matière. Loin de moi cette
idée mais, au moins, peut-être que ceci m'a ouvert une porte
vis-à-vis d'un inconnu que je craignais beaucoup. C'est dans ce sens que
je veux m'adresser à mes concitoyens. (16 h 30)
Le Code civil, comme plusieurs l'ont dit avant moi, c'est une loi
fondamentale, c'est l'assise d'un grand nombre de nos législations
sectorielles qui doivent s'inspirer et respecter les principes qui sont
à l'intérieur de ce code qui touchent des domaines absolument
fondamentaux tels la personne, la famille, le mariage, les biens, etc.
Peut-être que si on l'envisage de cette façon-là et qu'on y
réfère par des problèmes concrets, il devient un peu moins
difficile de s'y arrêter.
M. le Président, c'est la deuxième fois qu'à
l'Assemblée nationale nous avons une discussion sur certains livres du
Code civil. Comme on le sait, le Code civil est composé de plusieurs
livres. Nous avons eu l'occasion, tout juste avant la dernière
élection, en 1980, de discuter d'une loi portant sur le livre de la
famille. Chose étrange ce livre-là nous avait été
présenté par le gouvernement à la toute veille des
élections. Le ministre d'alors, qui est aujourd'hui leader du
gouvernement, avait beaucoup insisté pour que ce livre soit
adopté avant l'élection de 1981 croyant sans doute, comme il
apportait des réformes importantes bien que même encore
aujourd'hui, trois ans après, on réalise que la discussion de
fond n'a pas toujours été aussi bonne qu'elle aurait dû
l'être... On revient aujourd'hui avec trois livres fort volumineux, l'un
portant sur les personnes, l'autre sur les biens et l'autre sur les
successions, à la toute veille de l'élection.
Nous nous étions dit en 1981 qu'il s'agissait sans doute
là d'un calcul électoral du gouvernement qu'à la toute
veille des élections il présente la réforme du Code civil
en ce qui a trait à la famille, pensant que ceci pourrait lui attirer
l'appui de la population. On se rend bien compte aujourd'hui que même si
le gouvernement, à première vue, peut faire le même calcul,
il s'agit vraiment d'un dossier ou d'un débat qui dépasse ou qui
devrait dépasser les calculs électoraux parce que c'est vraiment
un débat très précis, très spécialisé
et qui, dans le fond, nous touche tous et que si le gouvernement, devant
l'échéancier très serré où il se trouve,
tente de faire passer cette réforme de ces chapitres que je viens de
mentionner d'une façon trop rapide, ce sera l'ensemble de la population
qui en subira les conséquences.
À cet égard, je ne donnerai qu'un exemple d'une question
qui avait été discutée
au moment du débat sur la réforme du Code civil touchant
la famille. Ce débat avait porté, entre autres, sur une foule
d'aspects mais il y avait une disposition touchant la déclaration de la
résidence familiale pour les conjoints et ce qu'il advenait s'il y avait
séparation du conjoint, divorce, etc., mais surtout sur cette notion de
résidence familiale. De nombreuses interventions nous avaient
été faites particulièrement par des associations
féminines à ce moment-là. Je dois dire à regret
aujourd'hui que même si nous avons été en commission
parlementaire pendant plusieurs semaines, sinon peut-être quelques mois
sur cette réforme de la famille, on regarde aujourd'hui la
définition que nous avons faite ou l'application qu'on peut faire de
cette notion de résidence familiale telle que contenue dans le Code
civil et on s'aperçoit que déjà il y a des failles.
Si je rappelle ces événements, M. le Président,
c'est pour inciter le gouvernement, devant des livres nouveaux du Code civil
que nous examinons, à la plus grande prudence, c'est-à-dire qu'il
donne aux membres de cette Assemblée, qu'on soit d'un côté
de la Chambre ou de l'autre, le temps nécessaire pour faire ces
discussions à fond.
Faut-il rappeler que depuis le début des années mil huit
cent, au moment où nous adoptions le Code civil, qu'il n'y a jamais eu
de réflexion complète sur l'ensemble du Code civil? Vous vous
imaginez facilement qu'avant qu'on refasse une réflexion en profondeur
sur le Code civil, il se pourrait fort bien, sans être pessimiste, qu'il
y en ait peu d'entre nous qui soient encore aux environs de l'Assemblée
nationale.
Sans aucun doute, au cours des ans, il y a eu de petits ajustements pour
tenir compte d'impératifs qu'on ne pouvait ignorer. On me signalait tout
à l'heure que, dans le cas des locations, il y avait eu certains
amendements au Code civil, mais jamais une réflexion en profondeur qui
donne des orientations nouvelles ou qui permette d'incorporer dans la loi des
valeurs qui ont évolué et qui sont différentes,
aujourd'hui, de celles qui existaient dans les années mil huit cent.
Pour ces raisons, c'est à la plus grande prudence et à la plus
grande patience que j'invite le gouvernement dans la discussion des trois
chapitres qui se trouvent devant nous.
Compte tenu qu'il y a près de 1500 articles dans ce projet de
loi, il n'est pas dans mon intention cet après-midi de toucher à
plusieurs de ces articles. Je voudrais quand même en signaler
quelques-uns au passage qui, à mon point de vue, même s'ils ont
été modifiés par rapport à ce qui existait
auparavant, n'apportent pas une réponse satisfaisante aux besoins des
personnes. Je pense qu'on devrait prendre le temps nécessaire pour
qu'ensemble on puisse les modifier pour apporter la meilleure réponse
aux besoins qui existent aujourd'hui.
Le premier point, c'est l'article 1. M. le Président, vous allez
me dire que je ne dois pas énumérer les articles, mais c'est
vraiment parce que l'article 1 touche la personnalité juridique. Dans le
projet de loi 106, on parlait de cette personnalité juridique en disant:
"Tout être humain possède la personnalité juridique et la
pleine jouissance des droits civils, de la naissance à la mort." Cela a
fait un débat assez houleux - c'est peut-être un terme
exagéré - mais un débat assez intéressant en
commission parlementaire parce qu'à ce moment-là, comme nous
savions que, traditionnellement, les enfants à naître, par
exemple, au point de vue des droits successoraux étaient reconnus comme
des héritiers - évidemment, s'ils naisssaient - en limitant par
les termes "de la naissance à la mort", on excluait ce qui était
le foetus. Est venu se greffer à ce problème celui de
l'avortement. Si on reconnaissait de la naissance à la mort, on en
concluait qu'on ne reconnaissait pas le foetus comme une entité viable
et cela semblait contredire les autres dispositions du Code civil qui
reconnaissent les enfants à naître comme pouvant être des
héritiers légaux. Aussi, comme je le disais tout à
l'heure, est venu se greffer à cela le problème de
l'avortement.
Je sais que c'est une question extrêmement fragile,
extrêmement difficile à discuter. Mais je ne suis pas sûre
que le gouvernement n'ait pas voulu éviter le débat de fond en
retournant au statu quo ante, c'est-à-dire qu'on a éliminé
les termes "de la naissance à la mort" pour revenir à ce qui
existait auparavant: "Tout être humain possède la
personnalité juridique et la pleine jouissance des droits civils." La
controverse entourant la définition de l'être humain demeure donc
par le fait même et celle, évidemment, entourant la question de
l'avortement.
Un deuxième point sur lequel je voudrais attirer l'attention,
c'est celui du consentement aux soins. L'article 12 ne tient pas compte du
respect de l'individu en laissant préséance à la
décision du médecin quant aux soins médicaux requis en cas
d'urgence. Il est vrai qu'on peut imaginer des situations où
l'état du patient ou du bénéficiaire ou de la victime ou
des circonstances absolument affolantes, ou encore l'inconscience de la victime
empêchent que, justement, le médecin puisse s'enquérir du
consentement de la personne. Mais il y a des cas où, même dans une
situation d'urgence, même dans des conditions difficiles, le
bénéficiaire ou la personne, parce qu'on doit parler de la
personne ici, serait en mesure de donner son consentement. Par l'article 12,
automatiquement, on ne fait pas obligation au
médecin de requérir ce consentement. Il n'aura qu'à
décider que c'est une situation d'urgence, que les circonstances le
requièrent et il pourra procéder, même si la personne
était dans un état où elle pourrait donner ou non son
consentement. (16 h 40)
Là-dessus, plusieurs intervenants avaient demandé que le
consentement de la personne soit nécessaire sauf s'il ne pouvait
être obtenu en temps utile, ce qui va de soi. Ce ne sont pas les moindres
organismes qui avaient demandé cette chose: il s'agissait de
l'Association des hôpitaux du Québec, la Chambre des notaires et
plusieurs autres.
Puisque de part et d'autre on parle beaucoup du respect de la personne,
du respect de ses droits, je pense que le droit le plus fondamental c'est
peut-être quand on est conscient de ce qui se passe autour de nous, qu'on
est capable d'user de discernement, qu'on peut donner ou non son
consentement.
Maintenant, je voudrais dire un mot sur la stérilisation des
déficients mentaux. Le tribunal devient le seul compétent pour
donner son autorisation si une intervention doit entraîner des effets
permanents. Certains groupes avaient demandé que ce recours au tribunal
ne soit pas systématique mais qu'on puisse faire appel, par exemple,
à des gens qui vivent auprès de l'individu ou à des
spécialistes de la question. Sans doute que le tribunal pourra faire
appel à leur compétence et doit prendre l'avis d'experts, du
titulaire de l'autorité parentale, du tuteur ou du curateur. Et on
ajoute: II peut aussi prendre l'avis de toute personne qui manifeste un
intérêt particulier pour la personne concernée par la
demande.
M. le Président, il faut avoir travaillé dans un
hôpital pour savoir comment la tentation est grande, à partir de
bonnes intentions de faire avancer la science, de permettre qu'une
expérience serve à d'autres et que, trop facilement, on fasse fi
des droits de la personne et qu'on s'accorde, au nom de bons motifs ou du moins
de motifs qui en apparence semblent bons, le droit de faire un accroc aux
droits des personnes. Là-dessus, nous aurions souhaité, à
la suite de la demande d'organismes parentaux en particulier et d'autres
associations de bénéficiaires, qu'on soit un peu plus
précis ou qu'on permette ou qu'on rende plus exigeante cette permission
de consentement pour intervenir sur l'intégrité physique des
personnes.
Je voudrais également dire quelques mots sur la garde en
établissement, et ceci particulièrement dans le cas du malade
mental. D'autres ici dans cette Chambre en ont parlé avant moi mais,
encore une fois, je pense que même si le Code civil prévoit un
recours au tribunal, en opposition à la description que nous faisait le
député de
Groulx quand il décrivait des situations d'il y a peut-être
pas tellement d'années malgré tout, et qu'il y a progrès.
Il reste qu'encore une fois les personnes qui ont fait des séjours dans
des hôpitaux psychiatriques ou qui ont des parents dans des
hôpitaux psychiatriques, d'une façon permanente ou temporaire,
avaient demandé que ce jugement qui est porté par le psychiatre
ne soit pas le jugement d'une seule personne et que plutôt, pour
décider de garder quelqu'un en cure fermée ou de le mettre en
tutelle, on fasse appel à une équipe multidiscipli-naire.
Sans vouloir ici faire allusion à des événements
tragiques qui nous ont touché l'an dernier, on se souvient du
procès qui s'est déroulé il y a quelque temps. Je
comprends que c'était dans un autre contexte. C'était un contexte
de défense; c'était un contexte d'accusation, mais il y a une
certaine analogie quand même entre un jugement qui est porté par
des spécialistes du comportement humain, en l'occurrence des
psychiatres, à savoir si une personne doit être mise sous la
Curatelle publique, en cure fermée ou en cure ouverte et, à cet
égard, on a recours à un seul spécialiste des sciences
humaines. La demande qui avait été faite d'avoir recours à
une équipe multidisciplinaire dans laquelle se retrouveraient
évidemment des psychologues, des travailleurs sociaux, des
thérapeutes, des infirmiers et des infirmières qui connaissent
l'individu me semble relever de la sagesse, M. le Président. Le
comportement humain est peut-être la chose la plus difficile à
analyser sur un plan strictement scientifique, c'est extrêmement
complexe, et plus on fait appel à des personnes compétentes ou
qui connaissent le fonctionnement de l'individu dans un milieu donné,
moins on a de risques de faire d'erreurs.
À l'égard des malades psychiatriques, je voudrais ici
reprendre quelques demandes qui ont été formulées en
commission parlementaire par plusieurs, mais qui sont maintenant reprises par
le groupe qu'on appelle Autonomie des psychiatrisés, connu sous le nom
de Auto-psy. Ce groupe parle de ce problème dont je viens de parler, du
trop grand pouvoir accordé à une seule personne, le psychiatre,
comme celui de procéder à l'examen qui détermine le
degré de dangerosité d'un malade, mais il parle aussi du manque
de dispositions qui assureraient au malade mental un droit de recours normal
devant le tribunal, le droit, par exemple, d'être
représenté devant le tribunal, le droit d'avoir recours à
la Commission des affaires sociales. Je comprends que certains me diront:
Écoutez, cela, c'est dans la Loi sur la protection du malade mental.
Tout à l'heure, j'entendais le ministre des Affaires sociales
nous dire qu'il en était fort heureux, parce que, d'ici à
quelques
semaines, il rendrait publics les grands éléments d'une
politique qui serait discutée largement et qui, éventuellement,
établirait les jalons ou les principes d'une politique de la
santé mentale au Québec. Je pense que tout le monde est d'accord
avec cela, parce que cela fait tellement longtemps qu'on l'attend, M. le
Président, mais cela fait au moins aussi longtemps - et c'est beaucoup
moins vaste, beaucoup moins considérable -qu'on attend une
révision de la Loi sur la protection du malade mental. Je pense que cela
fait au moins huit ans que, de ce côté-ci de la Chambre, on
demande une telle chose. Ce n'est pas encore arrivé. Il n'y en a pas
à l'horizon, parce que, au moins, de celle-là, le ministre n'a
pas parlé. Tout ce qu'on retrouve dans le Code civil, c'est sans doute
des références à la Loi sur la protection du malade mental
alors que l'on sait fort bien que les dispositions réclamées par
le groupe Auto-psy n'ont pas été mises à jour. C'est
depuis longtemps que la Commission des droits de la personne et d'autres
organismes demandent que cette Loi sur la protection du malade mental soit mise
à jour.
J'admets fort bien que le Code civil contient des grands principes et
qu'il y a des lois d'application, mais nous sommes encore devant l'absence
d'une loi d'application qui pourrait résoudre les problèmes que
je viens de mentionner.
Un autre problème qui a souvent été soulevé
dans ce domaine, dans les cas de curatelle, c'est de savoir s'il faut exercer
une curatelle sur la personne et non sur l'administration de ses biens. On n'a
jamais encore jusqu'à maintenant fait de différence, compte tenu
que les lois n'ont pas été modifiées en
conséquence, si bien qu'aujourd'hui une curatelle, même si vous
pouvez exercer des fonctions administratives d'une façon tout à
fait correcte sur vos biens, est générale. On vous impose
à la fois une curatelle sur votre personne et sur vos bien, sans aucune
possibilité de tenir compte des différences dans les
situations.
M. le Président, je pourrais continuer longtemps sur tous ces
sujets touchant les personnes. Je voudrais qu'on me comprenne bien. C'est
évident que le Code civil, qu'on révise à ce moment-ci,
est une amélioration par rapport à un code qui est absolument
désuet et qu'on n'a pas touché depuis des décennies, mais
comme on ne pourra pas le refaire ou, normalement, qu'on ne le refera pas avant
très longtemps, compte tenu que ce sont des principes de base qui sont
établis, je pense, que toutes ces questions doivent être
étudiées dans les détails pour bien s'assurer qu'on a un
Code civil -compte tenu du contexte actuel, compte tenu des valeurs
d'aujourd'hui - qui soit étanche à l'égard de ces valeurs
et des personnes que l'on veut protéger.
(16 h 50)
Je vais faire une petite digression en terminant - si j'ai encore une
minute, M. le Président, ce ne sera pas très long et c'est
plutôt d'un autre ordre. Si je le fais c'est parce que j'ai eu des
représentations à mon bureau de comté et assez
étrangement, trois dans une même semaine alors que je n'en avais
jamais eu durant disons huit ans. C'est sur ce qu'on appelle la
copropriété divise et que les gens connaissent plus
familièrement sous le nom des condominiums. Là je pense que
beaucoup de questions se posent de plus en plus. Il y a des hausses et des
baisses qu'on peut observer et les gens deviennent propriétaires d'un
condominium et à ce moment il s'agit d'une administration qui devient
commune des propriétaires, comme tout le monde le sait et surtout ceux
qui sont dans les condominiums le savent encore mieux que moi. Les points qu'on
a fait valoir devant moi sont que de plus en plus et, ce n'est pas
nécessairement relié au nombre de condominiums dans une
propriété, c'est relié par exemple aux problèmes
relatifs à l'administration, au fonctionnement du conseil
d'administration, à la façon dont le vote est assuré, et
à une foule de dispositions avec lesquelles - encore une fois j'en
conviendrai - même dans ce domaine, je ne suis pas très
familière. Je voudrais simplement demander au gouvernement ou à
ceux - parce qu'à ce moment on devra travailler la main dans la main -
qui seront en commission parlementaire d'examiner quelles sont les
règles d'administration qui devraient être en application? Quel
est vraiment le rôle du syndicat? Quelles sont les dispositions relatives
au développement par phase, un tas de dispositions qui vont faire que ce
nouveau mode de propriété satisfera ou non les
propriétaires? On sait que par exemple pour les personnes
âgées qui recourent de plus en plus à ce mode de
propriété parce que les responsabilités d'une certaine
façon sont moins lourdes que dans la propriété
unifamiliale on devrait autant que possible examiner tous les aspects afin que
ce qu'ils espéraient être pour eux une retraite plus facile, ou
des responsabilités moins grandes le soient vraiment et ne soient pas un
handicap à ce qu'ils recherchaient.
En terminant, je veux assurer le gouvernement - je suis convaincue que
mes collègues l'ont fait avant moi - que l'étude de cette loi 20
du Code civil sera faite avec le plus grand sérieux possible. Je pense
que sur ce Code civil la population n'attend pas moins de chacun d'entre nous
d'un sens de responsabilité et d'un effort pour vraiment tenter de
répondre le mieux possible à ce que les citoyens veulent et
surtout à assurer le plus de cohérence possible et
d'éviter la création de situations de conflits tout en respectant
et en rendant justice à chacun. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le ministre du
Revenu
M. Raynald Fréchette
M. Fréchette: J'avais compris que compte tenu du fait que
deux intervenants de suite s'étaient prévalus de leur droit de
parole ici, le phénomène allait maintenant s'appliquer de l'autre
côté. Je ne sais pas si...
Une voix: Ce n'est pas toujours comme cela.
M. Fréchette: Non, non je comprends que ce n'est pas
toujours comme cela mais c'est à partir de ce que j'ai vu et je me
demande s'il y a une entente ou s'il n'y en a pas, ou si cela crée des
embêtements que ce soit cela.
Le Vice-Président (M. Brouillet):
Écoutez, s'il y a un porte-parole du Parti libéral qui est
prêt immédiatement sinon le ministre du Revenu pourrait prendre la
parole.
Mme Lavoie-Roux: M. le Président, nous sommes prêts
à céder la parole au ministre du Revenu. Je sais qu'il y a de mes
collègues qui doivent intervenir plus tard mais si le ministre veut...
nous cela nous convient tout à fait.
Le Président: M. le ministre du Revenu.
M. Fréchette: M. le Président, ne serait-ce que
pour les fins du Journal des débats, permettez que je vous siqnale qu'on
parlerait du ministre du Travail et cela ferait exactement la même chose,
voyez-vous.
Le Président: Je dois avouer que c'est moi qui ai mis les
gens sur la fausse piste, je m'en excuse. M. le ministre du Travail.
M. Fréchette: M. le Président, puis-je vous
signaler que c'est, évidemment, avec beaucoup d'intérêt que
j'interviens dans le débat qui dure depuis maintenant quelques heures et
qui a été consacré à cette importante question
qu'est celle de la refonte ou de la révision de chapitres très
importants de notre Code civil. J'interviens, M. le Président,
très précisément à cause de l'importance du sujet
que l'on traite, à cause également des changements tout à
fait fondamentaux qu'il suggère dans notre vie quotidienne - et je vous
dirai pourquoi tout à l'heure - à cause du fait qu'il
procède à modifier, dans leur essence même, des
dispositions - et on l'a dit tout à l'heure -qui ont, dans bien des cas,
un caractère ancestral et qui, à plusieurs égards - on l'a
souligné aussi - représente une espèce de
phénomène qui a l'allure d'un aspect patrimonial. Je ne suis pas
le premier à le dire, M. le Président, plusieurs dispositions du
Code civil, particulièrement au chapitre des personnes, au chapitre des
biens et au chapitre des successions, avaient de toute évidence besoin
d'être réaménagées et, à mon avis, dans le
sens que la loi 20 le suggère.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt, M. le
Président, l'intervention de Mme la députée de L'Acadie et
je vous signale, sans aucune réserve, qu'à plusieurs
égards je partage les préoccupations qu'elle nous a soumises. Je
partage l'évaluation qu'elle a faite de certaines des dispositions que
l'on retrouve dans le projet de loi.
J'ai remarqué, M. le Président, avec quelle
précaution elle avait entamé son intervention pour dire que
c'était avec beaucoup de modestie qu'elle intervenait avec les
précautions dont elle nous a parlé. Puis-je lui dire que ce
même sentiment existe même chez ceux qui ont été
appelés à travailler quotidiennement avec cet instrument, cet
outil qui s'appelle le Code civil? Est-il besoin, pour s'en convaincre, de
rappeler que les dispositions actuelles du Code civil ont fait l'objet de
discussions importantes devant les tribunaux, ont fait l'objet de débats
très importants aussi devant les tribunaux et que vous pouvez retrouver
des gens qui, comme je le disais il y a un instant, ont travaillé
quotidiennement avec cet outil qu'est le Code civil, qui vont, par exemple,
avoir deux interprétations tout à fait différentes du
même texte? Vous allez avoir également de la jurisprudence qui,
sur le même sujet, va être tout à fait contradictoire
jusqu'à ce que, finalement, en dernière instance, la Cour
suprême arrive à trancher le litige qui a été
mû entre deux personnes?
Or, M. le Président, nous devons tous avoir cette modestie dont
parlait Mme la députée de L'Acadie, et nous convaincre du fait
que ce qu'on est en train de discuter est effectivement, parfois, fort
difficile d'interprétation. Cela n'est pas simple, cela ne se tranche
pas toujours au couteau, si on me passe l'expression, mais cela a besoin
très souvent d'être arbitré par les juges. (17 heures)
M. le Président, l'occasion me semble bien choisie pour rappeler
un certain nombre de choses. Cela rejoint également les
préoccupations dont parlait Mme la députée de L'Acadie,
quant à la nécessité de prendre le temps qu'il faut avant
d'arriver à adopter une loi qui concerne le Code civil. Il est
peut-être utile de rappeler que c'est autour de 1955, entre 1955 et 1960,
qu'a été créé l'Office de la révision du
Code civil. C'est à partir de cette époque, et avec beaucoup
d'insistance, que des spécialistes ont
commencé à faire l'évaluation des dispositions
actuelles de notre Code civil. Ils s'y sont consacrés pendant de
nombreuses années. Ils ont procédé à une
étude exhaustive de la jurisprudence qui concerne tous les articles des
chapitres que nous sommes en train d'étudier, et c'est à partir
de ce premier travail que je n'aurais pas d'hésitation à
qualifier de travail de bénédictin que les premières
vraies réformes, les premières réformes de fond sont
intervenues. On y faisait référence tout à l'heure quand
on a parlé de l'adoption du premier chapitre de la révision ou de
la refonte du Code civil, ce chapitre qui concernait le droit de la
famille.
Le dossier sur lequel nous travaillons actuellement, M. le
Président, est la deuxième étape des recommandations
soumises par l'Office de la révision du Code civil, cette
deuxième étape qui touche spécifiquement les trois
chapitres dont on a parlé depuis le début de l'étude sur
l'adoption du principe: le droit des personnes, le droit qui concerne les biens
et le droit des successions.
Ne serait-ce également que pour les fins de l'actuelle
discussion, il faut rappeler que ce projet de loi 20 regroupe trois autres
projets de loi qui avaient été déposés, mais qui
ont par la suite été fondus pour en faire un seul.
C'étaient les projets de loi 106, 107 et 58.
Dès que cette deuxième étape aura été
franchie, que les travaux en commission parlementaire auront été
complétés et que la loi - tout le monde l'espère, à
ce que j'entends - aura été adoptée, il restera, pour que
l'opération soit complète, pour que le code, selon l'expression
qu'on utilise souvent, ait été révisé et
réformé d'un couvercle à l'autre, une troisième et
dernière étape et c'est celle qui concerne l'important chapitre
des obligations à l'intérieur desquels on retrouve le
phénomène des hypothèques, tout ce qui se rattache d'une
façon ou d'une autre à ce concept, à cette notion qu'on
appelle les obligations.
M. le Président, quelques remarques générales
seulement. On l'a dit - en tout cas, pour la partie du débat à
laquelle j'ai assisté - le Code civil est une espèce de table des
lois dont l'objectif premier, dont la nature même de l'existence est en
fonction de régir les rapports des individus entre eux. Et à cet
égard, il n'y a aucune hésitation à souligner que les
dispositions que contient le Code civil constituent la ou les lois qui sont le
plus près de la personne. On pourrait, je pense, faire un
résumé de ce dont je viens de parler en signalant que les
dispositions du Code civil, autant celles que l'on retrouve dans le code actuel
que celles que l'on retrouvera dans le code réformé ou
révisé, sont celles, encore une fois, qui régissent les
rapports des individus entre eux dans notre société. Si l'on me
permettait de faire une analogie, par exemple, avec ce qu'est le Code criminel,
peut-être me ferais-je mieux comprendre. Le Code criminel contient des
dispositions qui ont pour but de permettre d'établir des rapports
corrects, des rapports sociétaux, si vous me passez l'expression, et qui
font en sorte que ce code régit les activités d'un individu
vis-à-vis de l'ensemble de la société ou alors de la
société, en général, vis-à-vis des individus
que nous sommes dans cette même société, alors que, encore
une fois, le Code civil contient des dispositions - cette table des lois - qui
régissent les rapports les individus entre eux. En regardant la
documentation qui a été préparée pour les fins du
débat dans lequel nous sommes actuellement, j'ai été
frappé par une remarque qu'on a retrouvée dans cette
documentation et qui attire notre attention sur le fait que les dispositions du
Code civil nous accompagnent tout au cours de notre vie, du moins très
certainement les dispositions qui concernent le droit des personnes. Ce sont
des dispositions, donc, qui nous accompagnent tout le temps de notre vie.
Permettez que je vous réfère à un ou deux et
peut-être même trois exemples de ce que je suis en train de vous
dire pour rappeler que notre naissance est accompagnée de certaines
formalités qui procèdent des dispositions que l'on retrouve dans
le Code civil. Ai-je besoin de rappeler la nécessité du registre
ou des registres de l'État civil, la nécessité de leur
conservation, la nécessité d'établir quel sera le contenu
d'un acte de l'état civil, dans ce cas-ci, l'acte de naissance?
Donc, les dispositions du Code civil nous accompagnent dès notre
naissance et, au fur et à mesure que les années passent, lorsque,
par exemple, décision sera prise de contracter mariage, il faudra encore
là se préoccuper des dispositions que le Code civil
prévoit et qui accompagnent cette décision, dont je viens de
parler, de contracter mariage. Faut-il là aussi parler du registre de
l'état civil? Faut-il également parler de l'importante question,
de la très importante question des régimes matrimoniaux? Ce sont
les dispositions du Code civil qui, encore une fois, vont présider aux
différentes conditions que l'on aura décidé de retenir
dans une convention matrimoniale qu'ensemble des époux auront convenu de
choisir.
Quand je dis que les dispositions du Code civil nous accompagnent tout
au cours de notre vie, c'est le même phénomène que celui
dont je viens de parler qui se produit au moment d'un décès, au
moment de la mort, c'est-à-dire l'obligation de constater cette
situation par un registre de l'état civil.
Quand on parle du droit des personnes dans le Code civil, on vient de
voir par des exemples très rapides et les situations que
j'ai décrites, de façon forcément
incomplète, combien sont importantes les dispositions de ce code qui
régissent nos rapports comme individus vivant dans une même
société.
Il y a un autre chapitre de cette loi qui est soumis à notre
attention et qui, lui aussi, a une grande importance parce qu'il se
réfère à des gestes, à des actes, à des
décisions que chacun d'entre nous, dans sa vie quotidienne, peut
être appelé à poser ou à prendre et à
compléter. Par exemple, qui d'entre nous, qui de ceux qui nous
écoutent n'ont jamais procédé à la vente d'un bien
qui peut leur appartenir? L'on sait qu'à cet égard, pour que la
vente soit complète, pour que les conditions que l'on veut mettre dans
un acte de vente soient respectées, il nous faut de toute
évidence inscrire des conditions qui procèdent et qui respectent
ce que le code prévoit en cette matière au chapitre des biens.
(17 h 10)
S'agirait-il, M. le Président, de l'importante décision de
procéder à acheter des biens et particulièrement des biens
à caractère immobilier qu'encore là il va nous falloir
prendre la précaution, la sûreté et la
sécurité que dans la transaction qui officialisera, si
l'expression m'est permise, le contrat dont on parle, on ait respecté
les conditions convenues au Code civil au chapitre des biens pour assurer que
l'acte dans lequel nous intervenons aura toute sa valeur juridique, toute sa
valeur légale.
Il y a un troisième chapitre que l'on soumet à notre
considération, à notre attention, c'est celui qui suggère
des changements importants quant au droit qui nous a régis
jusqu'à maintenant en matière de succession. En matière de
succession, M. le Président, la première préoccupation qui
nous vient à l'esprit c'est celle d'essayer de savoir quels sont les
moyens prévus par la loi qui me permettent de faire, par exemple, un
testament qui soit tout à fait conforme aux dispositions de la loi. On
le sait actuellement il y a ce testament sous forme olographe, ce testament
qu'on appelle dérivé de la Loi d'Angleterre et un
troisième testament qui est celui qu'on convient d'appeler testament
notarié, mais les études menées par l'Office de la
révision du Code civil, les travaux de la commission parlementaire qui
ont permis d'entendre des invités à ce chapitre-là, ont
mené à la conclusion certaine que les trois formes de testament
que l'on connaît dans le Code civil actuel avaient de toute
évidence besoin d'être revues, d'être
réajustées et, pour parler le langage des années
quatre-vingt-cinq, d'être ajustées aux conditions de vie de ces
mêmes années quatre-vingt-cinq.
C'est également au chapitre des successions que l'on va retrouver
du droit nouveau d'une importance capitale, je pense qu'on va tous en convenir.
C'est ce droit qui imposera l'obligation de prévoir dans le testament
que l'on fera ou que l'on ne fera pas, une obligation alimentaire pour le
conjoint survivant. Vous savez que dans l'état actuel des choses, il ne
s'agit que d'avoir eu l'occasion, par son travail ou autrement, de vivre des
cas concrets de la nature de ceux dont je vous parle mais vous savez
très bien que plusieurs cas, pour toute sorte de motifs sur lesquels il
n'est sans doute pas utile d'insister, des conjoints survivants se sont
retrouvés à un moment donné dans une espèce de
situation de dénuement presque total parce qu'à partir d'un
testament, sous quelque forme qu'il ait été, on a disposé
de l'ensemble de ses biens vers ou vis-à-vis une personne vers qui nous
n'avions aucune espèce d'obligation, quelle soit alimentaire ou de toute
autre nature. Donc, le chapitre des successions, M. le Président,
prévoit des dispositions qui permettront que de semblables situations ne
puissent plus se répéter, ne puissent plus exister.
On l'a dit tout à l'heure, M. le Président, il s'agit d'un
projet de loi qui contient presque au-delà de 1500 articles. Je
présume qu'en commission parlementaire, lorsqu'on l'entreprendra article
par article, il sera très certainement possible d'y ajouter des
améliorations mais cela me semble faire l'unanimité de cette
Chambre quant à la nécessité de procéder à
ces changements, de le faire avec les précautions dont on a parlé
tout à l'heure, mais d'arriver, finalement, après que les
processus prévus par notre réglementation auront
été suivis, à ajuster notre droit civil aux besoins des
années que nous vivons actuellement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Robert Baldwin.
M. John O'Gallagher
M. O'Gallagher: Merci, M. le Président. Comme vous le
savez, cela fait longtemps qu'on attend la révision du Code civil du
Québec. Mes collègues de l'Assemblée nationale, les
avocats et les notaires ont eu une discussion assez longue et valable
concernant toute la matière qu'on trouve dans les 1400 articles de cette
révision.
À titre d'arpenteur-géomètre, je voudrais
restreindre mes remarques à quelques sections de ce projet de
révision du Code civil. Depuis les 27 ans que je pratique à titre
d'arpenteur-géomètre - d'ailleurs, avant moi, mon père
exerçait déjà cette profession dans la province de
Québec - on a toujours réclamé une révision de
quelques sections du Code civil en ce qui concerne les vues, le bornage et,
maintenant, les règles et les lois qui affectent les
copropriétés. L'an dernier, lors de la présentation du
projet de loi 58, venu un an avant la loi qui a été
réimprimée sous la nouvelle forme du projet
de loi 20, on a eu le privilège de prendre connaissance d'un
mémoire de l'Ordre des arpenteurs-géomètres. Sur le
principe, je suis complètement d'accord avec le projet de loi. C'est une
révision qu'on attend depuis très longtemps, surtout dans les
domaines dont j'ai fait mention: les vues, le bornage et la
copropriété.
Vous me permettrez, M. le Président, de pécher un peu
contre nos règlements ou nos commandements, parce que je voudrais parler
un peu en détail des articles que nous avons devant nous, surtout celui
concernant les vues. Le mémoire présenté par l'Ordre des
arpenteurs-géomètres, au mois de mars l'an dernier, a
été assez direct, comprenant quelque 18 pages, mais le
législateur et le gouvernement ont suivi presque à la lettre les
recommandations de l'ordre, et je les en félicite. Cela va aider la
situation dans le domaine de l'arpentage juridique.
Cependant, il reste encore un peu de confusion qui est, d'ailleurs,
assez facile à comprendre car c'est une matière assez technique.
Quand les avocats, les notaires et les arpenteurs se mettent à parler de
vues illégales, cela devient assez difficile pour le propriétaire
de comprendre exactement quels sont ses droits en cette matière.
Aujourd'hui, avec le coût de la construction, le coût
élevé des hypothèques, nous, les
arpenteurs-géomètres, faisons souvent face à des
décisions ou avons à porter un jugement sur des vues.
Pour faire comprendre la situation, dans le Code civil actuel, on n'a
pas le droit d'avoir de vue directe sur notre voisin à moins
d'être à six pieds. C'est autant pour des galeries ou des saillies
que pour des ouvertures dans un mur de bâtiment. Dans le Code civil qu'on
connaît présentement cette mesure de six pieds équivaut
à six pieds en mesure française. Déjà il y a de la
confusion, car hier on utilisait le pied anglais et aujourd'hui on utilise des
mètres. (17 h 20)
Nous avons toujours eu ce problème. Quand on a une vue sur un
voisin qui est à six pieds, six pieds français maintenant c'est
six pieds et quatre pouces. Cela veut dire qu'il faut être à six
pieds et quatre pouces du voisin pour être légal.
Le propriétaire qui veut vendre sa maison et demande un
certificat de son arpenteur, l'arpenteur est forcément obligé de
dire que même si le mur, la fenêtre, les galeries sont à six
pieds anglais c'est illégal, car le Code civil dit qu'il faut être
à six pieds et quatre pouces, soit six pieds en mesure
française.
Nous, comme arpenteurs-géomètres, réclamons depuis
longtemps que cette confusion entre les pieds français et les pieds
anglais soit réglée. Ce projet de loi le fait. Le gouvernement et
le projet de loi demandent que dorénavant nous ayons 150
centimètres pour que les ouvertures soient légales,
c'est-à-dire quatre pieds et onze pouces, 4,92 pieds. C'est
déjà une amélioration.
Cependant je pense que les écrivains du ministère ont mal
compris les arpenteurs-géomètres. C'était dans le
mémoire des arpenteurs-géomètres de faire enlever toute
mention de galeries ou de saillies dans le projet de loi. Ceci a
été fait, mais je crois qu'il y a une confusion et
j'espère que le ministre va en prendre note, car à l'article 1050
il y a une confusion d'abord entre la version française et la version
anglaise.
Deuxièmement, dans la version française l'article 1050 dit
qu'"on ne peut avoir sur le fonds voisin des vues droites à moins d'un
mètre cinquante de la ligne séparative." Très bien, mais
on ne spécifie pas que ce sont des ouvertures dans des murs de
bâtisses; et je trouve que cela est extrêmement important de le
dire, car jusqu'à aujourd'hui toute la jurisprudence dit que des vues
s'exercent en plus des ouvertures mais aussi des galeries et des saillies.
C'est dans l'article 1050.
Dans la version anglaise de l'article 1050 il y a confusion
complète. Il y a une traduction qui manque car il mentionne des balcons,
"and other projections... Je vais vous le lire: "No person can have direct
views, balcony or other projections less than one hundred and fifty centimeters
from the division line." Là il mentionne les galeries puis, dans la
version française, il ne le mentionne pas. Il y a confusion
là.
Deuxièmement, au paragraphe 1 de l'article 1050... La version
anglaise est beaucoup plus exacte ou selon les recommandations du
mémoire des arpenteurs-géomètres, car on dit à
l'article 1050.1: "This rule does not apply in the case of 1° Views on
public thoroughfares, steps for entering and leaving a building, windows or
doors with frosted glass." Dans la section 1050.1 en français, qui est
l'article officiel, on dit: "Cette règle ne s'applique pas: 1 Lorsqu'il
s'agit de vues sur la voie publique, de portes à pannneau plein, de
fenêtres ou de portes à verre translucide." On ne mentionne pas
les escaliers à l'entrée et à la sortie des
édifices. C'est très important de l'ajouter, car, même
aujourd'hui, s'il y a une porte dans un mur à plus de six pieds
français du voisin, et qu'il y a une galerie ou une espèce de
marche, comme arpenteurs-géomètres, nous devons émettre
une opinion qu'il y a vue illégale à partir de cette galerie. Il
y a là une confusion. Ce serait très important que le
législateur prenne note de ce fait.
L'autre article dont il faudrait prendre note, c'est celui ayant trait
aux condominiums ou la section qui décrit les droits et la
manière d'administrer les condominiums. On fait mention de plans
dans
tous ces articles, mais on ne spécifie pas les plans cadastraux.
C'est extrêmement important que le ministre prenne note de l'importance
d'ajouter le mot "cadastral" après tous les mots "plan", car, pour le
public, pour l'acheteur, pour le propriétaire, c'est le seul plan qui
démontre vraiment leurs droits, leur terrain exclusif et toutes les
parties communes à tous les copropriétaires. Tous les autres
plans, soit les plans des vendeurs, les plans des architectes rendent la
situation extrêmement confuse. Nous voyons cela tous les jours. Le
propriétaire qui vient d'acheter une unité dans un condominium
faire face à des plans multiples, des plans de vente, des plans
d'architectes, des plans de mécanique, des plans de toutes sortes. Or,
les seuls plans qui sont vraiment rattachés à la partie exclusive
dont il est propriétaire, dans toutes ses dimensions, sont les plans
enregistrés au cadastre. Ces plans, en plus de montrer l'unité
qu'il achète, montrent aussi en détail tous les murs, les
galeries, les balcons, les endroits d'entreposage, les garages et tout le
terrain autour du bâtiment avec les dimensions exactes de toutes les
aires de stationnement et les aires récréatives.
À la section de la copropriété, il serait important
d'ajouter à tous les endroits où c'est nécessaire,
après le mot "plan", une référence au plan du
cadastre.
En somme, M. le Président, je suis prêt à appuyer
les sections qui révisent le Code civil existant. Mes collègues
arpenteurs-géomètres et notaires seront très heureux de
l'application de cette nouvelle révision du Code civil, finalement.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, je ne tiendrai pas rigueur
à l'intervenant précédent de ne pas avoir utilisé
tout son temps, mais comme, normalement, son intervention aurait pu se terminer
près de 18 heures, je vais suggérer tout de suite que nous
suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Cette motion de
suspension est-elle adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, M. le leader
adjoint du gouvernement, si vous voulez maintenant suspendre.
M. Blouin: M. le Président, oui, je propose donc
maintenant que nous suspendions nos travaux jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Nos travaux sont
suspendus jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 30)
(Reprise à 20 h 2)
Le Vice-Président (M. BrouiUet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le leader du gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Blouin: M. le Président, d'abord je vous indique tout
de suite, puisqu'il y a eu une omission cet après-midi, que la
commission de l'aménagement et des équipements entreprendra
l'étude détaillée du projet de loi 226. Cela a
été fait aujourd'hui. Je devais donc préciser - j'en ai
parlé avec nos collègues de l'Opposition -que le ministre des
Affaires municipales évidemment devait être membre de cette
commission. C'est pour que les écritures soient corrigées en
conséquence. Sur ce, M. le Président, je vous demande d'appeler
le débat sur la poursuite de l'étude du Code civil s'il vous
plaît.
Projet de loi 20
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Brouillet): Nous allons poursuivre
le débat sur l'adoption du principe du Code civil. J'inviterais M. le
ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur à prendre
la parole.
M. Rochefort: Merci, M. le Président...
M. Gratton: Sur une question de règlement, le ministre
mériterait qu'on ait quorum avant qu'il ne commence son
intervention.
Le Vice-Président (M. Brouillet): C'est très bien.
Nous devons attendre quelques minutes pour avoir quorum. Il faudrait faire
sonner les cloches pour appeler les députés.
Je constate que nous avons quorum. Je donne la parole à M. le
ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur.
M. Jacques Rochefort
M. Rochefort: Merci, M. le Président. Vous me permettrez,
en tout premier lieu, de remercier mon collègue de Gatineau d'avoir
demandé que le quorum soit réuni pour entendre mon intervention.
Je veux, toutefois, soulever qu'il n'y a que trois députés
libéraux pour constituer ce quorum. Toutefois, j'ai la conviction que
beaucoup de Québécois et de Québécoises sont
intéressés au sujet que nous aborderons ce soir puisque
je participe au débat sur le projet de loi 20, Loi portant
réforme au Code civil du Québec du droit des personnes, des
successions et des biens.
On ne répétera jamais assez souvent toute l'importance
particulière que revêt le Code civil dans notre
société. Le Code civil, c'est ce qui établit le droit
commun de tous les Québécois et de toutes les
Québécoises. C'est ce qui régit les diverses
manifestations de la vie sociale, ce qui règle les rapports quotidiens
entre les personnes, ce qui gouverne nos actions, régit nos biens,
détermine nos droits, prescrit et sanctionne nos devoirs et obligations.
En résumé, c'est le Code civil qui fixe les règles de la
plupart des instruments juridiques qui sont utilisés par la
société québécoise pour régir ses
activités. Mon collègue de la Justice a déjà
indiqué à cette Assemblée toute l'importance et tout
l'à-propos de la réforme de notre Code civil. La première
tranche de cette réforme concernait le droit de la famille et a
été adoptée en 1980. Nous abordons maintenant, avec le
projet de loi 20, la deuxième tranche, soit celle portant réforme
au droit des personnes, au droit des successions et au droit des biens.
Bien que ce volumineux projet de loi, qui contient plus de 1100
articles, traite de sujets aussi importants les uns que les autres, mes
fonctions de ministre de l'Habitation et de la Protection du consommateur
m'amènent naturellement à aborder le chapitre qui porte
réforme au droit des biens. C'est à cet endroit que l'on traite
de propriété d'un immeuble ou d'un logement et,
particulièrement, de ces nouvelles formes de propriété que
sont le condominium et la copropriété indivise. Le droit des
biens et de la propriété fait partie de notre quotidien. Le droit
des biens définit ce qu'est un bien, comment en retirer tous les
avantages, mais cela, en suivant des règles qui respectent
l'intérêt commun. Ces règles sont d'autant plus importantes
lorsqu'il s'agit d'établir clairement les modalités d'exercice du
droit de propriété, autant dans le cas de la
copropriété indivise où chacun partage la
propriété à la fois de l'immeuble et de son logement, que
dans le cas d'un condominium où chacun possède en propre son
logement et partage avec les autres la propriété des parties
communes comme le garage, le hall d'entrée, etc.
Cette réforme du droit des biens et de la propriété
touche chacun de nos ménages québécois qui veut acheter un
logement en copropriété de même que ceux qui vivent
déjà en copropriété. Nous voulons par cette
réforme clarifier ce qu'est la copropriété, simplifier et
uniformiser ces règles d'administration et surtout faciliter les
relations entre les copropriétaires et leur assurer une meilleure
protection. Cette réforme est d'autant plus nécessaire que le
condominium et la copropriété indivise se sont
développés de façon appréciable au cours des
années et qu'il est essentiel maintenant de mettre à jour leur
cadre juridique afin de s'assurer qu'il n'y ait pas d'obstacle de nature
juridique à cette forme d'habitation.
Déjà, en 1979, le ministre de la Justice formait un groupe
de travail pour inventorier les problèmes rencontrés dans le
secteur de la copropriété, en chercher les causes et recommander
les solutions appropriées. Les recommandations de ce groupe de travail
visaient d'une part les problèmes reliés à la vie
même en copropriété, phénomène assez
récent au Québec, et d'autre part les problèmes
liés à l'action du promoteur et à la protection des
acheteurs. Ces recommandations devaient mener au dépôt, à
l'Assemblée nationale en 1983 du projet de loi 58, Réforme au
Code civil du Québec du droit des biens. Une commission parlementaire
entendait ensuite les représentations de divers intervenants en mars
1984. (20 h 10)
Quant au projet de loi 20, qui fait l'objet de nos débats ce
soir, au risque de me répéter, il reprend en un seul bloc les
trois projets de loi déposés en cette Chambre à
l'époque. Le titre troisième du livre sur les biens est
consacré aux principales modalités de la propriété.
Après avoir, dans un premier temps, défini la nature de la
copropriété par indivision et de la copropriété
dite divise ou condominium, trois chapitres organisent et énoncent
notamment les régimes juridiques de celle-ci.
Dans un premier temps, voyons de plus près les questions
concernant la copropriété indivise. La copropriété
indivise utilisée couramment en matière commerciale s'est
répandue ces dernières années comme mode de
propriété immobilière à des fins
résidentielles. Il existe par exemple à Montréal
près de 10 000 logements détenus en copropriété
indivise. La copropriété indivise, M. le Président, c'est
un groupe d'individus qui décident d'acheter ensemble un immeuble. Ils
sont tous ensemble à la fois propriétaires de l'immeuble et des
logements. Cette situation peut soulever, dans notre droit actuel, à
l'occasion, des difficultés particulières pour les
copropriétaires. En effet, dans notre Code civil ce mode de
propriété est un état de droit insatisfaisant.
L'article 689 du Code civil stipule que nul n'est tenu de demeurer dans
l'indivision, si bien que les copropriétaires sont toujours sujets
à la volonté d'un des leurs d'y mettre fin sous réserve
d'une convention dont l'effet est limité dans le temps. Cette
règle, conçue pour régler des partages successoraux, est
mal adaptée à la copropriété indivise.
Par ailleurs, les copropriétaires indivis sont conjointement
responsables relativement
aux dettes de la copropriété tels l'impôt foncier et
l'hypothèque, d'où des difficultés importantes de
financement, particulièrement dans les cas de revente de la part d'un
des copropriétaires.
Enfin, les copropriétaires ne peuvent empêcher la vente en
justice de l'immeuble par un créancier d'un des copropriétaires
qui a obtenu jugement contre ce dernier, à moins de payer la note.
Dans la mesure où l'on reconnaît l'indivision comme un mode
d'accès valable à la copropriété - elle
représente souvent un coût moindre qu'une maison unifamiliale - il
convenait donc de combler ces lacunes du Code civil, d'où les
propositions qu'on retrouve au projet de loi 20.
En conséquence, le projet de loi 20 prévoit d'abord les
modalités d'établissement de la copropriété
indivise. Les copropriétaires peuvent, par convention, retarder le
partage durant 30 ans et assurer ainsi une certaine stabilité à
ce mode de propriété.
Une convention doit être établie par écrit et
comporter la désignation du bien et l'indication des parts de chacun.
Cette convention peut être renouvelable et opposable aux tiers si elle
est enregistrée par dépôt.
Les droits et obligations des indivisaires sont précisés.
Chaque copropriétaire a, relativement à sa part, les droits et
obligations d'un propriétaire exclusif. Il peut, par exemple,
l'aliéner et/ou l'hypothéquer.
Quant au bien commun, des règles sont énoncées
relativement à son usage, à la disposition des fruits et revenus,
à la répartition des frais d'administration et autres charges, au
remboursement des dépenses de conservation et d'amélioration.
Un mécanisme permet aussi à un copropriétaire
d'acquérir de façon prioritaire la part d'un autre
copropriétaire. À ce sujet, dans les 60 jours où un
copropriétaire apprend la vente d'une quote-part à une personne
étrangère au groupe de propriétaires, il peut
écarter cette personne en lui remboursant le prix payé et les
frais qu'elle a acquittés, devenant ainsi propriétaire de cette
quote-part. Des modalités sont prévues selon lesquelles un ou des
copropriétaires peuvent désintéresser un créancier
qui, en paiement d'une obligation, a l'intention de vendre la part d'un autre
copropriétaire. Les modalités d'administration des biens indivis,
quant à elles, sont prévues. Par exemple, la nomination d'un
gérant. Enfin, le projet de loi 20 prévoit des règles
relatives à la fin de l'indivision et au partage.
Le chapitre de la copropriété indivise vient donc combler
une lacune du droit actuel qui ne contient aucune règle pour
régir le cas où des personnes désirent continuer la
copropriété. Le projet de loi 20 contient des dispositions
minimales et généralement supplétives à la
volonté des copropriétaires sur leurs droits, l'administration et
le partage des biens. Ces règles s'inspirent généralement
des dispositions de l'Office de révision du Code civil et de la
réforme du Code civil français intervenue en 1976.
Par ailleurs, ces nouvelles règles sont de nature à
favoriser cette forme de propriété d'un logement et de d'autres
types de biens. La copropriété indivise peut donc s'avérer
avantageuse pour se loger, pour rénover des logements ou pour permettre
à de petits épargnants de faire de bons placements tout en
bénéficiant de certains avantages.
Quant à la copropriété divise, voyons la situation
actuelle. La copropriété divise, communément
appelée condominium, constitue un phénomène assez
récent au Québec et, particulièrement, dans le domaine de
l'habitation. À ce sujet, on s'aperçoit que les tendances
actuelles indiquent qu'elle sera de plus en plus privilégiée par
bon nombre de ménages québécois dans l'avenir. Par
exemple, le nombre d'habitations détenues en copropriété a
déjà triplé entre 1976 et 1981, passant de 0,2% à
0,6% de l'ensemble du parc immobilier québécois qui comprend,
faut-il le rappeler, 2 300 000 logements. Comme les constructeurs d'habitations
doivent continuer à s'adapter aux transformations de la demande en
produisant des habitations à des prix abordables, de dimensions plus
petites et surtout plus rapprochées des centres urbains, on peut croire
que le marché du condo est appelé à connaître une
plus grande popularité. D'ailleurs, près de 21% des logements
réalisés dans le cadre du programme Corvée-habitation
étaient des condos et, à la fin de 1984, il y avait 26 900 condos
au Québec, soit le double d'il y a quatre ans.
L'introduction du régime juridique de la
copropriété divise dans notre droit remonte à 1969. On
parle de copropriété divise, M. le Président, ou
condominium lorsque le copropriétaire possède de façon
exclusive son logement et partage avec les autres copropriétaires la
propriété des parties communes.
En 1969 donc, la copropriété des immeubles établis
par déclaration a fait l'objet d'une réglementation inscrite aux
articles 441b et suivants du Code civil. On y abordait l'établissement
de la copropriété comme telle, les droits et obligations des
copropriétaires, la déclaration de copropriété, les
administrateurs, l'assemblée des copropriétaires, la
participation aux charges, etc.
Une décennie d'applications quotidiennes de cette
législation a fait apparaître différentes
difficultés auxquelles il faut maintenant remédier. Les
principales propositions du projet de loi 20 visent les points suivants: la
simplification de la déclaration
de copropriété; la possibilité de constituer des
parties communes à usage restreint; l'opposabilité du
règlement de copropriété aux locataires; l'octroi de la
personnalité juridique à la collectivité des
copropriétaires qui prendra dorénavant le nom de syndicat; et
l'énumération des droits et obligations du syndicat:
premièrement, l'obligation pour le syndicat ou groupe de
propriétaires de constituer un fonds de prévoyance pour les
réparations majeures et le remplacement des parties communes;
deuxièmement, l'obligation pour le syndicat ou groupe de
propriétaires d'assurer l'ensemble de l'immeuble détenu en
copropriété; troisièmement, l'octroi d'un recours au
syndicat au cas où le locataire ou un copropriétaire refuse de se
conformer au règlement de la copropriété;
quatrièmement, la possibilité pour le syndicat d'intenter toute
action fondée sur les vices cachés, vices de construction ou
vices du sol.
De plus, le projet de loi 20 prévoit des règles relatives
à l'administration du syndicat et des règles régissant
l'assemblée des copropriétaires. À ce sujet, on retrouve
des modalités, notamment, quant à l'avis de convocation, au
quorum, au nombre de voix requises; au pourcentage maximal des voix du
promoteur qui vend les logements; la possibilité d'obtenir une
ordonnance privant un copropriétaire en défaut de payer sa
quote-part de son droit de vote; et aussi des modalités prévoyant
le pourcentage des voix requises selon la nature des décisions à
prendre, notamment le remplacement de la règle de l'unanimité par
celle de la majorité de 90% des voix pour éviter les situations
de blocage, la limitation du nombre de voix des propriétaires non
résidents à 10% de l'ensemble des voix pour éviter les
conflits d'intérêts entre copropriétaires investisseurs et
copropriétaires résidents. On retrouve aussi finalement les
modalités de transfert du contrôle du promoteur au syndicat des
copropriétaires et aussi les règles régissant la fin de la
copropriété.
De plus, M. le Président, des mesures de protection du
consommateur, acheteur d'un logement détenu en
copropriété, devraient être adoptées dans une loi
d'application permettant de faire, au chapitre de la vente du Code civil, les
ajustements nécessaires à ce nouveau droit des biens. Ces
dispositions devraient, de façon générale, assurer
à l'acheteur une information détaillée contenue dans
l'offre de vente et le prospectus, un délai de résolution, des
recours civils en cas d'informations trompeuses et la protection des sommes
d'argent versées par le dépôt en fidéicommis
jusqu'à un délai de 30 jours de la remise aux
fidéicommissaires d'un certificat d'achèvement des travaux.
Après ce bref exposé des modifications proposées au
projet de loi 20 en ce qui a trait à la copropriété, je
tiens à indiquer, M. le Président, que ces modifications du
régime juridique de la copropriété rejoignent parfaitement
les préoccupations du ministère de l'Habitation et de la
Protection du consommateur. D'ailleurs, une des 127 propositions d'action
contenues au livre vert "Se loger au Québec", rendu public en novembre
1984 et pour lequel je fais actuellement une tournée de consultations
dans l'ensemble des régions du Québec, vise à simplifier
et à uniformiser le régime de la copropriété. Il
est évident que l'encouragement à l'accession à la
copropriété passe également par une meilleure
accessibilité aux différentes formules de
propriété. Dans la mesure où l'acquisition d'un logement
détenu en copropriété constitue le choix d'un nombre
grandissant de ménages québécois, il importe de
prévoir un cadre juridique susceptible de régir
adéquatement la vie en copropriété et d'assurer
l'information des acquéreurs sur les implications de ce mode de
propriété, lors de l'achat.
La législation régissant la copropriété
divise sanctionnée en 1969 doit maintenant être adaptée
pour tenir compte de l'évolution, tandis qu'une réforme du
régime de copropriété indivise s'imposait. C'est donc sans
hésitation aucune, M. le Président, que je concours à la
réforme qui fait aujourd'hui l'objet de nos débats.
En terminant, M. le Président, je veux rassurer les locataires
d'immeubles locatifs que le projet de loi 20 présentement débattu
à l'Assemblée nationale du Québec n'a pas pour effet, et
cela d'aucune façon, de lever le moratoire sur la transformation
d'immeubles locatifs en copropriété. Il y a actuellement un
débat important qui se tient au Québec sur cette question, qui
doit se tenir et dont un des lieux privilégiés pour la tenue d'un
tel débat est la consultation que je mène actuellement sur le
livre vert sur l'habitation, "Se loger au Québec".
Je veux réaffirmer, M. le Président, que si la conversion
en copropriété d'immeubles locatifs devait être permise,
elle devrait nécessairement être bien encadrée, notamment
quant à la protection des locataires qui occupent actuellement les
logements qui seraient concernés.
Je veux, M. le Président, conclure sur cette question en
réaffirmant mon souhait que nous puissions débattre, comme
collectivité, comme société, de cette question, qu'aucune
décision n'a été prise jusqu'à maintenant par le
gouvernement quant à la levée éventuelle de ce moratoire
et qu'il ne sera aucunement question qu'une décision soit prise à
cet égard tant et aussi longtemps qu'un débat public, ouvert et
important n'aura pas été tenu dans notre société.
Actuellement, il n'y a pas de décision de prévue, je crois qu'il
est opportun que nous puissions en discuter tous
ensemble et c'est ce à quoi, entre autres, nous convie la
consultation que je mène actuellement sur le livre vert "Se loger au
Québec".
Je veux donc conclure, M. le Président, par un appui à la
réforme du Code civil, au projet de loi 20, à la réforme
du droit des biens, aux nouvelles règles devant encadrer la
copropriété, qui assureront à ceux et celles qui
choisissent ce mode de propriété, notamment pour se loger, un
régime approprié aux années quatre-vingt. Je vous
remercie.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Brouillet): J'attends qu'un
député se lève pour demander le droit de parole.
M. Marc-André Bédard M. Bédard: M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le leader du
gouvernement, vous avez la parole.
Des voix: Bravo!
M. Bédard: Merci, foule en délire!
M. le Président, quand on parle du Code civil, on parle
évidemment d'une loi qui est de toute première importance. Le
sujet peut paraître aride, même être difficile de
compréhension au premier abord puisqu'il est essentiellement juridique,
mais je crois qu'on ne saurait, malgré tout, insister trop sur
l'importance de la réforme de notre Code civil entreprise il y a de cela
plusieurs années.
Dès 1980, cette Assemblée a adopté une loi
instituant un nouveau Code civil et portant réforme sur le droit de la
famille. C'était une loi que j'avais déposée à
titre de ministre de la Justice. Cette loi faisait suite au dépôt,
au mois de juin 1978 devant l'Assemblée nationale, du rapport de
l'Office de révision du Code civil, créé en 1955. Cela
nous donne une idée de l'importance de la réflexion qui a pu
être faite sur cette pièce juridique fondamentale de notre
société que représente le Code civil, puisque ce que nous
faisons aujourd'hui, cette réforme que nous continuons aujourd'hui avec
certains chapitres concernant les personnes, les biens et les successions, tout
cela a commencé en 1955 par la mise en place d'un groupe qu'on appelait
l'Office de révision du Code civil qui, durant 23 ans, jusqu'en 1978, a
travaillé, a consulté, a rencontré des groupes, etc. pour
en arriver à déposer un rapport ici, à l'Assemblée
nationale, en 1978. Deux ans plus tard, en 1980, comme je viens de le dire,
nous avons fait adopter une loi instituant un nouveau Code civil et une
réforme qui portait sur l'ensemble du droit de la famille. Aujourd'hui,
nous sommes prêts à amorcer la discussion en vue de l'adoption du
projet de loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du
droit des personnes, des successions et des biens, donc, trois autres chapitres
importants qui sont de nature à toucher chacune des activités ou
des droits qui peuvent être dévolus selon le droit aux citoyens et
aux citoyennes du Québec.
Notre Code civil, M. le Président, est un élément
dynamique de notre culture et par conséquent, de notre identité.
Ce n'est pas une simple loi parmi d'autres. C'est l'expression du droit courant
du pays. C'est par notre Code civil qu'est établi le droit commun de
tous et de chacun. Les divers aspects de la vie sociale, les rapports entre les
personnes, les biens, les droits, les devoirs et obligations des citoyens, tous
ces éléments sont réglés ou régis par le
Code civil qui est, encore une fois, du point de vue juridique, une
pièce fondamentale qui régit les relations des citoyens entre
eux, leurs droits et leurs devoirs réciproques.
De nombreuses autres lois viennent nécessairement
compléter ce Code civil et ce, dans des domaines particuliers ou dans
certains secteurs de droit précis. C'est le cas, par exemple, des lois
municipales, des lois sur le travail ou encore des lois concernant les
transports, etc., mais le Code civil demeure la loi fondamentale de notre
société avec la Charte québécoise des droits et
libertés de la personne. L'histoire a démontré clairement
que le Code civil n'est pas un droit statique, même s'il est écrit
et codifié. L'esprit qui s'en dégage a permis aux tribunaux de
préciser le sens de ses termes, d'en élargir la portée
dans bien des cas, de concrétiser certaines applications de cette
législation globale que représente le Code civil et aussi, a
permis de l'adapter à des situations nouvelles, à des
réalités nouvelles du point de vue social. (20 h 30)
Depuis 1866, plus de 200 modifications au Code civil ont
été apportées par le législateur, en vue d'ajuster
le code juridique à l'évolution et aux besoins nouveaux de la
société québécoise. Les plus importantes
modifications furent la réforme des régimes matrimoniaux, le bail
du logement et la concrétisation du principe de l'autorité
parentale. Ce sont trois réformes plus mineures, naturellement, que
celles que nous avons adoptées et qui portaient sur l'ensemble de la
réforme du droit de la famille, plus mineures également que cette
réforme que nous présentons concernant trois chapitres de notre
code civil - les biens, les successions et les personnes - mais, même si
ce sont des réformes mineures, elles étaient de nature, comme je
l'ai dit tout à l'heure, à réajuster le Code civil dans
certains secteurs à des réalités nouvelles.
Toutefois, il arrive un temps où la jurisprudence ne peut plus
évoluer. Ne trouvant plus dans les textes toutes les ressources qui lui
sont nécessaires et où le législateur ne peut plus se
contenter d'interventions sporadiques ou d'interventions fragmentaires, des
interventions ponctuelles, vient un temps où il y a une
nécessité d'une réforme globale qui permet justement de
rénover, de renouveler l'esprit global qui anime l'ensemble de cette
législation fondamentale qu'est le Code civil afin de permettre encore
une fois aux tribunaux de faire les interprétations, les
élargissements qu'ils jugent à propos et de permettre aussi
d'ajuster le Code civil d'une façon globale aux nouvelles
réalités et aux nouvelles mentalités aussi, parce que
celles-ci ont évolué. C'est alors qu'il y a
nécessité d'une réforme de l'ensemble ou de secteurs
entiers du droit civil, une réforme qui se révèle
essentielle. C'est ce que nous avons entrepris avec, premièrement, la
réforme sur le droit de la famille, et, maintenant, nous
enchaînons avec la réforme sur les droits des personnes et les
successions.
Une telle réforme, il va sans dire, doit se faire dans la
prudence et le respect du rythme de l'évolution de la
société afin de ne pas procéder à des modifications
irréfléchies. C'est ainsi, dans cet esprit, que, pendant 18
années, l'Office de révision du Code civil a
procédé aux analyses qui s'imposaient et a évalué
les besoins et les solutions de rechange à la législation
actuelle. C'est à partir de tout ce travail de consultation,
d'évaluation de ce que sont les besoins de la société, de
l'évolution des mentalités de la société dans
différents secteurs d'activité juridique, tout ce travail qui a
été fait par les membres de l'Office de révision du Code
civil a abouti dans un rapport déposé devant cette
Assemblée nationale, et c'est à partir de tout ce travail que
l'on enchaîne avec les réformes portant sur les droits, les
successions et les personnes.
Autrement dit, pour être bien clair, il ne s'agit pas pour le
gouvernement d'essayer, en faisant la réforme du Code civil, de prendre
le mérite de tout ce qui a été fait avec beaucoup de
prudence, de sagesse par des gens qui ont travaillé, comme je l'ai dit
tout à l'heure, des années au sein de l'Office de révision
du Code civil. Il reste quand même que le gouvernement, afin de traduire
ce rapport dans une loi bien précise, a quand même pas mal
d'efforts à mener à terme.
Nous avons eu, en ce qui a trait au Code civil, comme on le sait, du
point de vue gouvernemental, sur chacun des chapitres que nous étudions
présentement, des commissions parlementaires qui ont permis d'entendre
des groupes, d'entendre des personnes, de nouveaux points de vue de la part de
personnes vivant maintenant et non pas en 1955, parce que certaines
réalités sociales, certains besoins ont changé et il
fallait trouver le moyen, de la façon la plus réfléchie
possible, d'essayer de traduire dans la loi l'évolution de ces nouvelles
mentalités ou de ces nouveaux besoins.
Tout cela pour vous dire que cette réforme ne vient pas d'une
façon spontanée. Il n'y a pas de trait de génie de qui que
ce soit d'une façon spéciale. C'est plutôt l'ensemble d'un
travail de réflexion fait par de nombreux juristes, de nombreux groupes
au sein de la population; ce qui fait que toute cette réflexion mise
ensemble permet d'en arriver à une réforme globale de certains
chapitres de notre Code civil pour le mieux ajuster.
M. le Président, à la suite du dépôt du
rapport de l'Office de révision du Code civil, une action s'imposait:
que le Québec se dote enfin de son propre Code civil.
Immédiatement j'ai été confronté à une
décision lorsque j'occupais les responsabilités de ministre de la
Justice: de quelle façon devait-on procéder pour faire l'ensemble
de cette réforme du Code civil, quand on sait que cela a pris 23 ans
à un groupe pour accoucher d'un rapport sur lequel nous devions
légiférer? De quelle façon devait-on procéder?
Devait-on adopter un nouveau Code civil en bloc ou encore procéder par
étapes? L'ampleur du travail de mise à jour d'une pièce
aussi fondamentale que le Code civil m'a amené à vouloir
procéder par étapes dans le renouvellement des grands secteurs
prévus au Code civil.
Cette adoption progressive s'avérait nécessaire si l'on
voulait tenir compte des réflexions et des discussions essentielles pour
tous ceux et celles qui faisaient ou qui vivaient cette réforme. De
même, la mise en oeuvre d'une telle réforme se devait d'être
rapide. Il fut donc convenu de procéder par étapes et non en bloc
afin que les juristes, les avocats, tous ceux qui, de près ou de loin,
étaient touchés par des modifications apportées au code
puissent être informés adéquatement.
Ce n'était pas une décision facile à prendre, mais
je peux vous dire que lorsque je l'ai prise je l'ai prise à la suite
d'une consultation de juristes au niveau du ministère de la Justice et
également d'une consultation de certains organismes qui étaient
intéressés d'une façon tout à fait
particulière à la réforme du Code civil. C'est pour
ça que dans une première étape il y a eu la réforme
du droit de la famille. Cette deuxième étape c'est les
successions, les personnes, les biens. L'ensemble de ces trois chapitres sera
coiffé par une loi d'interprétation et les ajustements
nécessaires, avec ce qui est déjà connu comme
réforme, le droit de la famille. Ensuite je pense qu'il sera
indiqué de procéder à la réforme de ce qui
restera.
mais peut-être cette fois-ci moins par étapes, une
dernière étape, une réforme de ce qui restera, en termes
de chapitres, au niveau de notre Code civil.
Dès le départ, il nous était apparu prioritaire de
procéder à la réforme du droit de la famille parce que,
là peut-être plus qu'ailleurs, le vieillissement et
l'éparpillement de la loi s'étaient fait sentir de façon
plus aiguë; la loi était plus vieillie, moins ajustée, et
répondait de moins en moins aux besoins des citoyens et citoyennes.
Donc, elle pouvait même, dans certains cas, être très
dépassée. (20 h 40)
C'était le cas d'ailleurs. Notre loi était très
dépassée par les nouveaux besoins, les nouvelles
mentalités qui se développaient. C'est là qu'au niveau de
la réforme du droit de la famille, nous avons pu y aller de la mise en
place de dispositions très importantes pour l'ensemble des femmes du
Québec. Je pense, entre autres, à la protection de la
résidence familiale. Je pense aussi à la reconnaissance de la
part de la femme dans l'ensemble des biens amassés par un couple, la
reconnaissance du travail fait par la femme et à bien d'autres
dispositions qui répondent beaucoup plus que ce n'était le cas
auparavant aux nouvelles mentalités et aux nouvelles
réalités sociales.
Des ajustements s'imposaient dans ce secteur du droit de la famille et
cela était devenu évident et nécessaire. Le
législateur a dû procéder dans ce champ en vue d'ajuster
les institutions familiales à l'évolution de la
société québécoise et d'assurer le respect des
droits fondamentaux des personnes qui composent la famille. C'est ainsi que -
je peux le dire - j'ai été très fier de faire adopter
à l'unanimité par l'Assemblée nationale la loi 89, qui
constituait une vue d'ensemble de ce que serait le droit de la famille de
l'avenir et devenait ainsi le premier chapitre de notre Code civil.
Cette loi fut adoptée après que des intervenants de
tendances idéologiques les plus variées eurent été
entendus. En effet, un nombre important de mémoires très
substantiels avaient été présentés à la
commission parlementaire de la justice qui avait procédé à
la préparation du projet de loi et à sa mise en vigueur.
On retrouvait dans cette réforme du droit de la famille le
respect constant de deux aspects qui m'étaient chers et dont
l'application au niveau de la famille assure à cette cellule de base de
notre société l'élan et le dynamisme qu'il importe de lui
conférer. Ces deux préceptes fondamentaux étaient,
premièrement, l'égalité dans la famille,
l'égalité de l'homme et de la femme entre eux et devant la loi,
parce que ce n'était pas le cas auparavant; deuxièmement, la
liberté des personnes dans la façon d'organiser leurs relations
familiales. Je pense que, sous cet aspect, tout n'a pas été fait,
mais beaucoup d'améliorations ont été apportées par
la réforme du droit de la famille.
Le principe de l'égalité des conjoints entre eux et devant
la loi, de même que dans la direction morale et matérielle de la
famille et dans la prise en charge de leurs responsabilités familiales
constituait l'un des deux pivots de cette première tranche de la
réforme de notre Code civil. En permettant de concrétiser cette
aspiration des femmes du Québec - aspiration bien normale, bien
légitime - d'agir en partenaires égales dans la direction et dans
l'organisation de la vie familiale, le gouvernement du Québec avait le
sentiment de rattraper ce qui était déjà la situation de
la plupart des femmes. Cette affirmation du statut égalitaire des
époux s'était inscrite comme une garantie supplémentaire
que seraient assumées encore plus pleinement les responsabilités
à l'égard des enfants, ce qui constituait notre premier
souci.
L'esprit de la loi 89 était donc d'établir une
responsabilité mieux partagée entre les époux d'abord, et
entre les époux et la société ensuite. Le second grand
principe était celui de la liberté des individus dans la
façon d'organiser leurs relations familiales. Complément
indispensable à l'énoncé d'égalité,
l'application de ce principe permettrait véritablement de donner aux
couples les moyens nécessaires à l'accomplissement de leurs
responsabilités familiales. C'est donc en s'appuyant constamment sur la
réalisation des principes d'égalité et de liberté
en fonction de la cellule familiale que l'ensemble des mesures prévues
dans cette première tranche de la réforme du Code civil fut
articulé.
Le droit de la famille est maintenant adopté. Nous entreprenons
aujourd'hui l'étude de ce qui est la suite nécessaire normale de
cette réforme du droit de la famille, c'est-à-dire le droit des
personnes, le droit des successions et le droit des biens. En décembre
1982, j'avais déposé les projets de loi 106 et 107 sur la
réforme du droit des personnes et des successions et, en décembre
1983, le projet de loi 58 sur la réforme du droit des biens. À la
suite de ces dépôts, je l'ai dit tout à l'heure, des
consultations publiques ont été faites; elles étaient
nécessaires.
Je pense que le député de D'Arcy McGee qui est avec nous
ici ce soir serait en mesure de dire que ce sont peut-être les chapitres
sur lesquels le plus grand nombre d'organisme se sont fait entendre en
commission parlementaire pour faire connaître leur point de vue.
Lorsqu'on parle des personnes et de leurs droits, lorsqu'on parle des personnes
et de leurs biens, des personnes et ce qui arrive à leur succession,
eh bien! on touche à énormément de choses qui
concernent l'ensemble de nos concitoyens et concitoyennes.
Il était normal et il était agréable de constater
que de nombreux organismes, même des individus, des personnes,
s'étaient fait un devoir de venir se faire entendre devant ces
commissions parlementaires que j'avais l'honneur de présider en
compagnie de mon collègue de D'Arcy McGee. Ces organismes, je pense, ont
apporté dans leur représentation énormément de
lumières, énormément de points de vue qui ont permis -
j'étais à même de le constater - de faire en sorte que le
gouvernement, à l'occasion de la deuxième lecture, était
en mesure de procéder à l'étude de ce projet de loi des
trois chapitres avec des amendements qui répondaient en grande partie
aux attentes et aux remarques qui nous avaient été faites par les
groupes qui se sont fait entendre.
Ce qui nous amène, M. le Président, au projet de loi
substantiel que nous avons devant nous, cette loi qui représente - je
dis bien substantiel parce que c'est le cas étant donné que cela
représente pas moins de 1150 articles de notre Code civil. Ces 1150
articles sont contenus dans trois livres du Code civil qui traitent, comme je
l'ai dit, des droits des personnes, des successions et des biens. Ce qui doit
attirer notre attention en ce qui a trait aux droits des personnes, c'est que
le projet de loi 20 affirme la primauté de la personne et assure le
respect de ses droits. C'est fondamental.
Auparavant, c'est malheureux de le dire, le Code civil du Bas-Canada
mettait davantage l'accent sur le patrimoine de la personne que sur ses droits
alors que notre nouveau droit, en respect des nouvelles mentalités et
des nouveaux besoins qui se sont développés au niveau de la
société, des nouveaux courants d'idée qui se sont
développés, met surtout l'accent sur la primauté de la
personne et le respect de ses droits plutôt que sur le patrimoine, sans
nécessairement le négliger.
Ces nouvelles mesures ont été inspirées des
mêmes principes fondamentaux qui ont guidé la réforme du
droit de la famille, à savoir la reconnaissance de
l'égalité et de l'autonomie de la personne, les grandes lignes de
cette réforme du droit des personnes concernant la jouissance et
l'exercice des droits civils qui sont les attributs essentiels de la
personnalité juridique.
L'intégrité de la personne, le respect des droits de
l'enfant, le respect de la vie privée, les questions relatives à
l'absence et les questions relatives à l'état civil, voilà
quelques-uns des chapitres, quelques-uns des sujets, quelques-uns des secteurs
d'intérêt de ce projet de loi où des dispositions du Code
civil ont été améliorées et clarifiées par
des modifications substantielles. C'est là qu'on voit, M. le
Président, l'importance de cette législation qui peut
paraître abstraite dans un premier temps mais qui, au contraire, est
très pratique parce qu'elle touche chaque personne dans ce qu'elle a de
plus important, c'est-à-dire sa vie privée, ses droits, ses
biens, sa succession et l'intégrité de sa personne. (20 h 50)
La réforme du droit des successions, elle, s'articule sur deux
principes, à savoir, premièrement, la protection des membres de
la famille et la conservation du patrimoine familial eu égard à
la liberté de tester et, deuxièmement, la liquidation rapide de
la succession sans porter préjudice aux héritiers. À cet
effet, certaines mesures assureront un meilleur équilibre au sein de la
famille dont les plus importantes sont celles-ci. D'abord, la reconnaissance
pleine et entière des droits successoraux du conjoint survivant et le
partage de la succession légale entre le conjoint, les enfants et les
autres membres de la famille. Ce sont toutes des choses qui sont
déjà réglementées par notre Code civil mais qui le
seront ou pourront l'être différemment par le nouveau Code civil,
la réforme que nous entreprenons maintenant, ce qui en montre
l'importance.
Également, seront abordés les sujets concernant la survie
de l'obligation alimentaire, la représentation en matière de
legs, le partage des biens de la succession et l'effet du mariage et du divorce
sur la validité d'une disposition testamentaire.
M. le Président, j'en aurais encore pour quelques minutes,
parlant au nom du gouvernement à la fin de l'étude de ce
projet.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Très bien mais je
crois qu'il y a encore un autre intervenant. S'il y a consentement pour que
vous puissiez poursuivre... Votre temps est écoulé mais s'il y a
consentement...
Une voix: J'aimerais poser une question au ministre,
après.
Le Vice-Président (M. Brouillet): Après, oui,
à la fin. Très bien. M. le ministre, vous avez encore la
parole.
M. Bédard: M. le Président, comme je viens de le
dire, il y a certaines mesures dans cette réforme qui vont assurer un
meilleur équilibre au sein de la famille, entre autres, concernant les
effets du mariage et du divorce sur la validité d'une disposition
testamentaire.
La survie de l'obligation alimentaire constitue sans doute une mesure
nouvelle importante dans le cadre de la protection de la famille. Cette
exception - puisque c'en est une - au principe de la liberté
illimitée de tester découle de la reconnaissance des liens
essentiels entre le droit de la famille
et le droit successoral. C'est sous la forme d'une créance
alimentaire en faveur des personnes qui ont ce droit que cette mesure
s'applique. Cette créance pourra être exercée contre la
succession et, dans certains cas, cette créance pourra entraîner
la réduction de certaines libéralités faites avant le
décès. Même si cette créance s'applique tant aux
hommes qu'aux femmes, elle rencontre les besoins de centaines. Cette
réforme, M. le Président, simplement sur l'angle de l'obligation
alimentaire, rencontre les besoins de centaines de milliers de femmes dans le
besoin et elle rétablit ainsi l'équilibre - nous
l'espérons - nécessaire à la protection de la famille.
Cela nous montre l'importance de cette disposition en termes de
législation.
Au regard du droit des biens, le projet de loi clarifie certains points
du droit actuel et il étend la portée de certaines institutions
comme l'usufruit, l'usage et l'emphytéose. Il réglemente aussi
des secteurs qui se sont développés au cours des ans alors que la
législation était demeurée insuffisante. C'est le cas, par
exemple, dans le domaine de la copropriété par indivision ou de
la copropriété des parties communes dans les immeubles ou dans le
domaine de la propriété superficiaire. C'est ce dont nous avons
eu l'occasion de nous rendre compte peut-être plus en profondeur avec
l'exposé qui a été fait par mon collègue ministre
de l'Habitation et de la Protection du consommateur, ce qui nous permet de voir
jusqu'à quel point le Code civil couvre chacun des aspects de la
réalité que les gens ont à vivre chaque jour.
Des règles nouvelles sont aussi introduites pour répondre
à des besoins actuels en matière de fiducie ou d'administration
des biens d'autrui. Les dispositions sont très importantes au point de
vue économique et auront également des incidences
économiques importantes directes au Québec.
M. le Président, c'est l'essentiel des représentations que
j'avais à faire concernant les trois chapitres dont nous avons à
entreprendre l'étude et sur lesquels porteront cette deuxième
étape de la réforme du Code civil. Je sais que bien d'autres
points pourraient être abordés. Ils le seront, sinon en
troisième lecture, sûrement au cours de l'étude
détaillée de ce projet de loi en commission avec les
collègues de l'Opposition.
Je souhaite, M. le Président, étant donné
l'importance de cette loi, même si on est dans une période
préélectorale, je souhaite, et je sais que mes collègues
sont d'accord, étant donné l'importance de cette loi, je ne crois
pas qu'il y ait un chemin politique plus important qu'il ne le faut à
faire, il y a surtout beaucoup de choses importantes à régler
pour nos concitoyens et concitoyennes avec les nouvelles dispositions.
Bien des secteurs d'activité vont être
améliorés quant à leurs droits; leurs devoirs et leurs
responsabilités seront précisés. On a tous avantage ici,
tous les membres de l'Assemblée nationale, à faire l'effort
nécessaire non partisan pour que cette partie de la réforme du
Code civil concernant les biens, les personnes et les successions soit
adoptée avant que nous allions rencontrer l'électorat.
Nous l'avions fait, M. le Président, lorsqu'il s'était agi
du droit de la famille. Il n'y a pas eu d'exploitation éhontée du
fait que des consentements avaient été donnés, un effort
spécial avait été fait pour adopter cette réforme
du droit de la famille. J'espère qu'il en sera ainsi pour la
réforme de ces trois chapitres qui, si nous faisons notre travail,
apporteront des améliorations à l'ensemble de nos concitoyens et
concitoyennes. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. BrouiUet): Le député
de D'Arcy McGee aurait une question à poser au ministre. M. le ministre,
acceptez-vous d'y répondre?
M. Marx: Cela fera plaisir au ministre, j'en suis sûr.
Le Vice-Président (M. BrouiUet): M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Marx: M. le Président, j'aimerais dire que j'ai
aimé travailler avec le ministre sur ce projet de loi. Il a toujours eu
la collaboration de l'Opposition, mais je ne suis pas prêt à le
féliciter pour son travail, pas aujourd'hui de toute façon.
Ma question a deux volets: Premièrement, n'est-il pas vrai que
depuis que ce gouvernement est au pouvoir, depuis neuf ans, nous avons
adopté seulement un chapitre de notre Code civil? Les trois chapitres
qu'on discute aujourd'hui, même si on les adoptait aujourd'hui, ne seront
pas en vigueur pour encore quelques années parce que la loi
d'application n'est pas encore déposée...
Le Vice-Président (M. Brouillet): M. le
député de D'Arcy McGee, c'est une question que vous posez au
ministre et non pas une expression d'opinions successives.
M. Marx: M. le ministre - c'est le deuxième volet de ma
question - n'est-il pas vrai que les avocats au Québec, parce que nous
avons deux Codes civils - c'est un méli-mélo - ne se retrouvent
pas dans nos codes? Si on continue l'adoption comme on l'a commencée, ce
ne sera pas adopté avant le XXIe siècle.
M. Bédard: M. le Président, avant de m'adresser
à mes collègues de l'Assemblée
nationale, j'avais pris la peine de lire le discours qu'avait fait le
député de D'Arcy McGee, qui m'a précédé. Je
vois que sa question n'est que le résumé du discours qu'il a
fait. Je lui répondrai très rapidement; il n'est pas question de
faire un débat. D'abord, le député sait très bien
que, lorsque la décision a été prise de faire ce projet de
loi, de s'aventurer dans la réforme du Code civil par étapes,
elle a été prise après de nombreuses consultations. Je
crois que cela a été une très bonne décision, parce
que cela nous a permis d'y aller d'une réforme fondamentale, globale, du
droit de la famille, là où c'était le plus
nécessaire, où c'était le plus demandé, où
l'urgence existait. (21 heures)
C'est grâce au fait que nous avons procédé à
la réforme du droit de la famille qu'aujour'hui les femmes du
Québec ont une protection concernant la résidence familiale,
qu'elles ont vu leur apport reconnu concernant l'ensemble du patrimoine
familial, qu'elles ont vu aussi disparaître de tout un secteur du Code
civil toutes les discriminations qui s'y trouvaient. Le député de
D'Arcy McGee sait cela. Je pense qu'on n'a qu'à se féliciter
ensemble plutôt qu'à se dénigrer. On n'a qu'à se
féliciter ensemble d'avoir pu faire en sorte que déjà,
depuis quatre ans, les femmes du Québec ont profité de ce qui a
été une amélioration très marquante concernant le
Code civil, concernant le droit de la famille. Si nous avions
procédé à toute la réforme dans son ensemble, nous
serions encore en train d'en discuter et aucune partie de la réforme,
aucun chapitre ne serait en vigueur. Donc, aucun des nos concitoyens et
concitoyennes n'aurait été, depuis trois ou quatre ans, en mesure
de profiter de certains amendements et améliorations juridiques, ce qui
est le cas pour les femmes du Québec depuis quatre ans avec la
réforme du droit de la famille.
Concernant la vitesse de croisière de la réforme, c'est
évident que cela ne peut pas être rapide - je l'ai dit tout
à l'heure -quand on parle de droits aussi fondamentaux que
l'intégrité de la personne, en fait, les biens, les successions
des gens. Ce sont toutes des choses qui, en fait, touchent de très
près chaque citoyen et chaque citoyenne. Il faut y aller avec beaucoup
de réflexion et beaucoup de prudence. Je pense qu'il faut adopter une
vitesse de croisière qui nous permet de bien identifier les besoins de
la société, parce qu'une réforme du Code civil, cela
n'arrive pas tous les ans. Cela n'arrive pas tous les dix ans. Cela n'arrive
même pas tous les 50 ans. Le Code civil existe depuis plus de 100 ans et
nous sommes, à l'heure actuelle, à travailler ensemble, nous,
membres de l'Assemblée nationale, à la première
réforme du Code civil du Québec. Cela ne peut pas être
aussi rapide qu'on le voudrait, d'autant plus qu'on sait - et je termine
là-dessus - que cela a pris 23 ans à des membres de l'Office de
révision du Code civil, non pas pour faire une loi, mais simplement pour
déposer un rapport, ce qui a été fait en 1978. Or, depuis
1978 - cinq ans - il y a déjà quand même pas mal de choses
de faites. Si nous travaillons ensemble, si nous continuons de travailler
ensemble, trois autres chapitres auront été adoptés avant
la fin de cette session et il restera, je crois, une autre étape,
c'est-à-dire le reste du Code civil à réformer. C'est
tout.
Une voix: Une autre question?
Le Vice-Président (M. Brouillet): La nature des questions
appelait des réponses qui se présentaient beaucoup plus comme une
justification. Vous comprendrez que j'ai dû laisser aller de part et
d'autre.
J'inviterais M. le député de Nelligan, s'il vous
plaît.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, j'aurais voulu parler de la
question de la protection des droits et des libertés des
déficients mentaux et des handicapés intellectuels, des malades
mentaux dont on fait beaucoup état dans le projet de loi 20.
L'autre jour, je regardais un programme de télévision au
sujet de la stérilisation des déficients mentaux. C'était
assez instructif de le regarder parce que cela reflétait un peu le
visage de la société. Tous les gens qui étaient des
"panelists" étaient naturellement des gens qui, eux-mêmes,
n'étaient pas des déficients mentaux. C'étaient des gens
qu'on dit normaux dans la société. Ils semblaient prendre des
positions qui étaient sympatiques à la cause de la
déficience mentale, mais dans certains cas -on pourrait certainement le
dire - ils étaient très peu sympathiques. Je me souviens de la
personne qui soulevait le fait que la stérilisation pour les
déficients mentaux devrait se faire beaucoup plus facilement, qu'on ne
devrait pas mettre d'entraves, parce que la société ne pourrait
pas supporter le coût d'enfants qui naîtraient de déficients
mentaux et qui pourraient eux-mêmes être déficients mentaux.
Ce sont des jugements très faciles à faire pour nous, qui ne
souffrons pas de la maladie elle-même. C'est tellement plus facile pour
nous, qui sommes dans des situations où nous ne pouvons pas
réaliser ce que souffre la personne affligée de ce mal.
Il faut regarder en arrière, plusieurs générations
en arrière où il fut un temps où ceux d'entre nous qui
étaient, entre guillemets, "normaux" dans la société
disaient: S'il y a une personne qui souffre d'une maladie mentale quelconque,
s'il y a
une personne qui, selon nous, selon notre perception des choses d'alors,
notre perception des choses selon la science médicale qui était
connue alors, souffre d'une déficience ou d'une faiblesse mentale, on
lui fait une lobotomie, on lui fait une abstraction d'une partie du cerveau
pour rendre la personne tout à fait inoffensive.
Combien de gens, qui auraient pu avoir une place tout à fait
complète dans la société, n'ont pas pu l'avoir parce que
des personnes qui se disaient compétentes avaient décidé
pour eux? Ils ont été changés complètement dans
leur physionomie, dans leur capacité mentale, dans leur façon de
vivre et dans leur personne même par des décisions qui ont
été prises par d'autres personnes qui disaient avoir voix au
chapitre par une connaissance plus approfondie de leur cas.
C'est pourquoi nous devons nous réjouir de toute loi, de toute
amélioration dans une loi qui va rendre les droits et les
libertés à toute personne humaine, qu'il s'agisse comme nous de
personnes normales, que ce soit des personnes souffrant d'une déficience
ou d'une débilité mentale, afin qu'elles soient tout à
fait protégées dans notre société. Il faut que nous
arrivions au fait, que nous donnions une présomption de
compétence à toute personne humaine, qu'on dise que toute
personne humaine, toute personne sur cette terre doit avoir les droits et les
libertés de tout autre individu. Il faut que nous disions que nous ne
sommes pas compétents, aucun de nous ici, pour juger du cas des autres
sans le consentement de cette autre personne elle-même.
Si nous y allons dès la position de départ de la
présomption de compétence de toute personne humaine, à ce
moment-là, on ne prendra pas de décision pour d'autres personnes
qui pourraient en souffrir après. Je crois avoir cité quelques
cas déjà de déficients mentaux qui, au cours des
années, ont vu leur vie changer complètement par l'apport de la
science qui a progressé de façon presque draconnienne durant les
dernières années. Si on compare cela au siècle dernier, si
on compare cela à 300, 400 ou 500 ans en arrière, on se rend
compte que des gens ont été traités presque comme des
animaux dans un zoo alors qu'aujourd'hui ils vivraient des vies tout à
fait normales.
Je pourrais vous citer le cas d'un jeune garçon de 14 ans qui est
arrivé dans un atelier protégé où, pour la
première fois de sa vie, il s'est vu entouré d'une affection
quelconque de gens qui essayaient de le comprendre, qui sympathisaient avec
lui. D'un coup, ce petit garçon a commencé à parler pour
la première fois, a commencé à prononcer quelques mots et
puis un flot de paroles est sorti. Il vivait dans une famille où les
gens ne le comprenaient pas, où il se sentait totalement incompris,
où sans doute toute sa capacité affective, toute sa
capacité mentale affective ne pouvait pas s'exprimer. Un jour,
après avoir reçu de son entourage de la sympathie, de
l'affection, cet enfant s'est mis à parler.
Je pourrais vous parler du cas d'un homme de 38 ans qui, avant d'arriver
dans un centre où il faisait de l'entraînement, ne pouvait pas
changer ses vêtements, ne pouvait pas se raser, ne pouvait pas manger
seul. Après six mois seulement d'entraînement, cette personne
faisait ses emplettes dans les magasins, cette personne prenait l'autobus,
cette personne s'habillait, se rasait et vivait une vie presque normale dans un
atelier où il rendait des services sur une machine électronique.
(21 h 10)
Je pourrais vous citer le cas de deux enfants qui étaient de
réels "légumes", vivant dans un lit en fer, se faisant nourrir
toute la journée par des infirmières. En l'espace de quelques
années, dans un centre d'entraînement, ces personnes ont
commencé à vivre une vie normale. Aujourd'hui, ces deux personnes
- le garçon et la fille - ont 26 et 27 ans et sont mariés. Lui
travaille tous les jours. Il prend l'autobus par lui-même, il se rend
à son travail à 6 heures du matin. Il gagne sa vie. Ils vivent
dans un appartement comme n'importe quel couple normal. Ils vont dans les
restaurants, ils profitent de la vie. Pourtant, il y a des gens qui auraient
dit, il y a seulement 20 ans, que ces gens étaient inutiles, qu'on
devait décider pour eux. Qui sommes-nous pour pouvoir décider
pour les autres?
Je pourrais vous citer le cas du professeur Lejeune que j'ai
rencontré à Paris il y a peut-être une quinzaine
d'années. C'est un homme d'une éminence et d'une humilité
qui frappe réellement les gens. Il a fait des expériences
médicales sur environ 2000 jeunes déficients mentaux. L'objectif
de son traitement, c'est d'essayer de découvrir les composantes
chimiques et médicales du chromosome anormal chez les déficients
mentaux. S'il peut balancer ce chromosome additionnel et, par le fait
même, régler le problème de la trisomie en balançant
toutes les composantes chimiques et physiologiques du chromosome, à ce
moment-là, il rendra la vie aux déficients mentaux presque
normalisée. Leur intelligence sera certainement décuplée.
Des gens qui ont un quotient intellectuel de 30 et 40 verront leur quotient
intellectuel augmenter d'une façon presque radicale.
Le professeur Lejeune me disait que, par des expériences,
même les premières qu'il avait faites, il commençait
à découvrir des traitements médicaux qui, de nos jours,
ont augmenté le quotient intellectuel d'enfants déficients
mentaux. Il me disait: Le plus grand problème que j'ai dans la vie,
c'est d'essayer de convaincre mes collègues
scientifiques dans les réunions de scientifiques que je ne suis
pas fou moi-même, quand je leur dis qu'il y a quelque chose à
faire, quand je leur dis qu'avant que Pasteur n'ait découvert la rage,
personne n'avait dit que Pasteur le ferait un jour, avant que le docteur Salk
ne découvre le vaccin de la poliomyélite, personne n'aurait pu
savoir que c'était possible. Il m'a dit: Un jour, à force
d'efforts, on va découvrir quelque chose qui va balancer le chromosome
additionnel chez les déficients mentaux afin de les rendre
peut-être des gens tout à fait normaux par rapport à
l'intelligence, par rapport aux capacités de l'esprit.
Il m'a dit: Comment pouvons-nous juger des possibilités
inestimables et presque illimitées de la science d'aujourd'hui? Si on
compare ce qui s'est passé aujourd'hui par rapport à la maladie
mentale, à la psychiatrie, aux déficients mentaux, à ce
qu'il y avait il y a 1000 ans, les pas qui ont été faits sont
presque extraordinaires.
Il n'y a que quelques années, mon propre fils qui est
déficient mental n'aurait pas été à l'école,
n'aurait pas été dans une piscine, n'aurait pas su manger,
n'aurait pas su s'habiller; il n'aurait certainement pas marché
jusqu'à une école par lui-même, mais aujourd'hui il le
fait. Aujourd'hui, par rapport à une personne de sa capacité
mentale - 30 ou 40 de quotient intellectuel - ses puissances de
réalisation et de compréhension sont certainement
décuplées par rapport à quelqu'un il y a seulement 25
années.
Pourtant l'autre jour, lorsque j'écoutais cette personne à
la télévision, nous qui sommes tellement imbus de notre propre
capacité, nous disons: Nous allons prendre des décisions pour les
autres. Cette personne de dire: "Je pense que la loi 20 apportera trop de
troubles, rendra trop difficile une décision par rapport, par exemple,
à la stérilisation des déficients mentaux."
Je dis que tout ce qui pourra rendre plus difficiles des
décisions que les gens soi-disant normaux prendront pour ceux qui sont
déficients mentaux, c'est un grand pas en avant. Plus on rendra cela
difficile et même si cela coûte de l'argent à la
société, c'est la dette que la société doit payer
pour, en un sens, éclairer sa propre conscience.
J'entendais un jour, dans une réunion où on pouvait
entendre une mouche voler, parler Jean Vanier. Je ne sais pas si les gens qui
m'écoutent ici et ceux qui m'écoutent à la
télévision ont déjà écouté parler
Jean Vanier. Mais si jamais Jean Vanier vient parler, je recommande à
tous d'aller l'entendre. Il disait qu'il y avait une étudiante
d'université à Paris qui était venue le voir et qui lui
disait: Je veux faire une expérience, j'écris une thèse
sur les gens anormaux - je crois que c'est le terme qu'il a employé.
Lui, de se retourner et de dire à cette dame: Vous parlez de gens
anormaux. Qu'est-ce que c'est être normal, à votre point de vue?
Est-ce que, être normal, c'est vous et moi qui connaissons
l'égoïsme, qui connaissons la vantardise, tout ce qu'il y a dans
l'humain qui est négatif? Pourtant, pour moi qui ai travaillé
depuis plusieurs années, presque 18 ans, avec les déficients
mentaux, les handicapés intellectuels, ces gens ne connaissent pas
l'envie des autres, la jalousie, la haine. Ils ne connaissent pas l'envie du
prochain, l'égoïsme, l'ambition personnelle.
Ce sont peut-être des gens, comme le disait Jean Vanier, qui
devraient servir d'exemples à nous tous. Eux qui sont soi-disant bien
moindres que nous, pourraient nous apprendre beaucoup de choses, parce qu'on se
fait la guerre dans la société, on se bat entre nous, on se donne
des coups de fusil, on commet des meurtres. Il ne se passe pas un jour
où on ne lit pas dans les journaux toutes sortes de choses qui se
passent autour de nous: des accidents d'auto, des meurtres, des guerres
à droite et à gauche. Et, on se dit: Est-ce que c'est cela, les
gens intelligents? Est-ce que c'est cela, les gens normaux de la
société qui vont, soi-disant, dicter la chose à d'autres
qui sont moins intelligents qu'eux? Mais les moins intelligents, ils ne font
pas de guerre, ils ne se tuent pas, ils ne s'envient pas, ils ne jalousent pas
les autres. Peut-être qu'on devrait se poser de sérieuses
questions à ce sujet.
L'autre jour j'entendais une personne à la
télévision décider pour les autres que cela
coûterait trop cher à la société si on avait trop de
procédures juridiques, que la stérilisation devrait se faire plus
vite. Je me disais: Si quelqu'un qui se disait beaucoup plus intelligent que
vous, monsieur le paneliste, décidait que vous n'êtes pas assez
intelligent et qu'on devrait faire une procédure médicale
quelconque sur vous, quelle serait votre réaction? Est-ce que vous avez
le droit, vous, de décider pour les autres qui sont tellement plus
faibles que vous? Est-ce que vous avez le droit, vous, de décider pour
quelqu'un qui, peut-être, n'a pas votre capacité mentale mais qui,
en même temps, est un être humain, qui nous donne ici un exemple de
courage, de conscience et sans lequel notre société deviendrait
encore plus égoïste qu'elle ne l'est aujourd'hui? Qu'on soit du
Parti québécois, du Parti libéral ou d'un parti
indépendant, tout ce qui va apporter, aujourd'hui, à la
société une conscientisation que la personne humaine -surtout la
personne qui est moins intelligente que nous, surtout celle qui a moins de
capacités intellectuelles ou physiques et qui est plus démunie
que nous - a droit, avec beaucoup plus de raison, à une protection
accrue de la société, à une protection beaucoup plus
accrue de la Charte des droits et de tout ce que nous fabriquons comme
instruments de société pour protéger les plus
faibles, ce sera un grand pas en avant. Pourquoi les forts ont-ils besoin d'une
charte des droits et des libertés. Ce ne sont pas les forts qui ont
besoin de charte. Ce ne sont pas les forts qui ont besoin de protection
juridique. Ce ne sont pas les forts et les intelligents qui ont besoin des
articles de loi. Ce sont toujours les plus faibles, les plus démunis. Ce
sont toujours ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes. Si
cela coûte quelque chose à la société, si les
procédures sont lentes, s'il faut des curateurs, s'il faut des juges qui
vont décider de ce que les curateurs décident, eh bien, si cela
prend un peu plus de temps, si cela veut dire un recul par rapport à ce
que nous pensons être de l'efficacité, si cela veut dire qu'on
prend un peu plus de recul, si cela veut dire qu'on fait les choses un peu plus
lentement afin de permettre une évolution des gens que nous disons
aujourd'hui déficients, peut-être que d'ici là ces quelques
années vont permettre une évolution de la science qui va
permettre à ces gens de se tenir encore plus debout qu'ils ne le font
actuellement.
Tout ce que nous faisons dans cette loi pour protéger les droits
et libertés des plus faibles, je pense que c'est un grand pas en avant
et je m'en réjouis tout a fait. C'est alors que je dis qu'il faut donner
le temps au professeur Lejeune de persuader ses collègues scientifiques
de continuer leur travail pour améliorer le sort de ceux qu'on traite
aujourd'hui comme des débiles mais qui demain, peut-être,
prendront une place entière dans la société. Si nous
n'avons pas cet espoir que nous pouvons aujourd'hui, nous qui envoyons des gens
dans l'espace, nous qui envoyons des gens sur la lune, régler le sort
des malades mentaux, des déficients mentaux, faire en sorte qu'ils
prennent une plus grande participation dans la société, nous ne
partons pas au point de départ d'une présomption de
compétence de la part de tous ces ignorés de la
société, je pense que nous aurons tous à rendre beaucoup
de comptes. Des lois comme la loi 20 nous font prendre conscience de
nous-mêmes parce que cela nous donne l'occasion de
réfléchir à toutes ces questions, de
réfléchir à ce que nous sommes comme
législateurs.
Je pense que nous devons ensemble être très satisfaits que
des lois soient faites pour protéger les démunis, les faibles et
les déficients de la société.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Le principe du projet de
loi 20, Loi portant réforme au Code civil du Québec du droit des
personnes, des successions et des biens est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Blouin: M. le Président, je propose donc, en vertu de
l'article 236, que ce projet de loi soit envoyé à la commission
des institutions qui procédera à son étude
détaillée. J'indique également que le ministre de la
Justice sera membre de cette commission.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de renvoi est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Sur ce, M. le Président, je propose maintenant
que nous ajournions nos travaux à demain matin, dix heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Donc, nos
travaux sont ajournés à demain, dix heures.
(Fin de la séance à 21 h 23)