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(Dix heures cinq minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants.
Veuillez vous asseoir.
Aux affaires courantes, il n'y a pas de déclaration
ministérielle, ni de présentation de projets de loi.
Au dépôt de rapports de commission, M. le
vice-président de la commission de l'agriculture.
Étude détaillée des projets de
loi 73, 82 et 74
M. Dupré: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'agriculture, des
pêcheries et de l'alimentation qui a siégé le 8 juin 1984
afin de procéder à l'étude détaillée du
projet de loi 73, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-récolte et
diverses dispositions législatives. Le projet de loi a été
adopté avec amendements.
J'ai l'honneur, également, de déposer le rapport de la
commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a
siégé le 6 juin 1984 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 82, Loi sur la
commercialisation des produits marins. Le projet de loi a été
adopté avec amendements.
J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de
l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a
siégé le 6 juin 1984 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 74, Loi sur le
crédit aquacole. Le projet de loi a été adopté avec
amendements.
Le Président: Rapports déposés. M. le
vice-président de la commission de l'économie et du travail.
Étude détaillée des projets de
loi 87 et 70
M. Fortier: En l'absence de Mme la Présidente, il me fait
plaisir de déposer le rapport de la commission de l'économie et
du travail qui a siégé le 7 juin dernier afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 87, Loi sur
les permis de distribution de bière et de boissons gazeuses. Le projet
de loi a été adopté sans amendement.
Également, il me fait plaisir de déposer le rapport de la
commission de l'économie et du travail qui a siégé
également le 7 juin dernier afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 70, Loi sur la location
de forces hydrauliques de la rivière Péribonca à Aluminium
du Canada, Ltée. Le projet de loi a été adopté avec
amendements.
Le Président: Rapports déposés. Dans le cas
du projet de loi 87, on me signale que la motion de déférence
avait été faite à la mauvaise commission. C'est en effet
la commission de l'économie et du travail qui l'a étudié,
mais, à l'origine, la motion de déférence avait
été faite à la commission de l'aménagement et des
équipements. J'imagine que la Chambre ne verra pas d'objection à
ce que nous corrigions la motion de renvoi? Bien, adopté. M. le
Président de la commission de l'aménagement et des
équipements.
Étude détaillée des projets de
loi 76 et 86
M. Fallu: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'aménagement et des
équipements qui a siégé le 7 juin 1984 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 76, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
transports. Le projet de loi a été adopté sur division
avec amendements.
Également, je dépose le rapport de la commission qui a
siégé le 6 juin 1984 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 86 Loi modifiant la Loi
sur la qualité de l'environnement. Ce projet de loi a été
adopté sur division, avec amendements.
Le Président: Rapports déposés. Au
dépôt de pétitions, M. le député
d'Argenteuil.
Demande de pension des religieux enseignants
sécularisés après 1965
M. Ryan: M. le Président, en conformité avec
l'article 64 de nos règles de procédure, j'ai l'honneur de
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assembée par huit cent trente-deux pétitionnaires membres et
dirigeants du Comité provincial pour la défense des religieux
enseignants sécularisés après 1965 agissant avec l'appui
de nombreux corps politiques, sociaux et éducatifs, dont
l'Assemblée des évêques du Québec, la Centrale de
l'enseignement du Québec, le Conseil du statut de la femme et de
vingt-neuf mille neuf cent quatre-vingt-quatorze citoyens et citoyennes
signataires d'une pétition analogue adressée aux autorités
concernées et jointe à la présente pour en illustrer le
sérieux et l'ampleur, invoquant
les faits suivants:
À savoir que les enseignants sécularisés depuis
1965 se sont vu enlever le droit qu'ils possédaient jusque là
à une pension égale à celle de leurs collègues
laïques sécularisés avant 1965 et que, malgré leurs
nombreuses démarches, toutes les tentatives de règlement faites
jusqu'à ce jour ont donné des résultats insatisfaisants,
et concluant ainsi: 1° "À âge égal et à
années de services égales, il doit y avoir égalité
de droits en matière de retraite pour tous les enseignants
sécularisés du Québec; et "2° Les enseignants
sécularisés depuis 1965 affirment compter sur le sens de la
justice qui doit animer les membres de l'Assemblée nationale pour
obtenir, grâce à leur intervention active dans ce dossier, une
réponse prochaine, équitable et satisfaisante à leurs
justes revendications."
Le Président: Je rappelle à nos visiteurs, pour la
forme, qu'il est interdit dans les tribunes de manifester quelque approbation
ou quelque désapprobation. Ce qui nous mène à la
période des questions des députés.
M. le député de Jean-Talon.
Questions et réponses orales
Le gouvernement du Parti québécois et
l'option de souveraineté
Une voix: Comment ça va?
M. Rivest: Ma question s'adresse au ministre des "Affaires
canadiennes". Peut-être que la meilleure question serait justement cela:
cela va bien ce matin? Oui.
Une voix: Le chef des "nationaleux".
M. Rivest: Vendredi dernier, à l'Assemblée
nationale, vous avez souligné le caractère profondément
démocratique de la définition des orientations de votre formation
politique. Ma question est la suivante: Dans le contexte de la crise
économique qui a frappé de très nombreux travailleurs et
de très nombreux Québécois, en particulier les jeunes, des
difficultés au niveau des investissements et de la relance
économique qui tarde à poindre, qu'est-ce que le ministre des
"Affaires canadiennes" entend communiquer comme interprétation du
congrès de la fin de semaine dernière à ses interlocuteurs
canadiens avec qui il doit négocier de bonne foi pour améliorer
la situation? D'ailleurs, M. le ministre, je vous rappelle qu'au moment de
votre désignation comme ministre des "Affaires canadiennes" vous aviez
souligné que les chicanes stériles et négatives, vous
entendiez enfin les réduire à leur minimum. Je vous demande
quelle crédibilité, aujourd'hui, vous aurez, lorsque vous allez
vous adresser à un ministre du gouvernement canadien ou à
ministre d'une autre province, pour essayer de développer des projets
concrets pour les Québécois.
Le Président: M. le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, trois choses.
D'abord, au niveau du préambule du député, je dirai que,
s'il est exact que le Québec, comme la plupart des autres
sociétés occidentales, a connu une période
extrêmement difficile sur le plan économique, de la même
façon, à mon avis, il est exact que nous ne pouvons envisager que
l'avenir nous réserve au Québec, pas plus qu'ailleurs dans la
plupart des sociétés occidentales, un paysage social et
économique qui sera très différent. Il faudra que les
sociétés, y compris la nôtre, prennent un certain nombre de
moyens pour aménager cet avenir. C'est dans cette perspective d'un
aménagement québécois des nouvelles réalités
sociales et économiques qu'un parti auquel j'appartiens et auquel je
suis fier d'appartenir a préparé substantiellement un programme
et des perspectives sociales et économiques qui pourront continuer
d'être approfondis, mais qui sont un cheminement extrêmement
important.
Deuxièmement, je dirai qu'il est vrai que le Québec a
connu ses difficultés et qu'on ne saurait en imputer l'existence au
gouvernement. Il est aussi vrai qu'au moment de la reprise qui s'est fait
connaître depuis quelques mois le Québec a mieux "performé"
en termes relatifs sur le plan économique que le reste du Canada - il
faut s'en souvenir - sous ce gouvernement dont on connaît l'orientation
et l'option fondamentale à l'égard de la défense de
l'idée force que nous formons un peuple qui, un jour, pourra s'assumer
entièrement sur le plan politique.
Quant à nos interlocuteurs et la crédibilité qu'on
rechercherait de celui qui vous parle ou de quelque représentant que ce
soit du gouvernement du Québec avec, notamment, les autorités
fédérales, je vous dirai que le problème de
crédibilité ne repose pas, en ce moment, au niveau du
gouvernement du Québec, il repose au niveau du Parti libéral
fédéral qui est dans une course à la "chefferie" qui donne
lieu à une semence complètement hystérique de
pseudo-projets économiques sur notre territoire.
Le Président: M. le député de Jean-Talon.
À l'ordre! À l'ordre!
M. Rivest: Le ministre des Relations internationales
déclarait, hier soir, à la télévision que s'il
était un temps où, à
l'intérieur du Parti québécois et du gouvernement,
on pouvait penser que le Parti québécois, tout en étant
autonomiste, pouvait être en quelque sorte une certaine Union Nationale
moderne et adaptée, ce temps-là au lendemain du congrès
était maintenant terminé, ce qui change, à mon avis,
substantiellement...
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: ...les conditions. Alors, je voudrais demander au
ministre si un ministre fédéral avec qui vous discutez, quand il
parle à un ministre québécois, qui veut la fin du
régime fédéral et qu'il y a en cause des projets de
développement et des projets économiques créateurs
d'emplois, que pensez-vous que le ministre fédéral va vouloir
faire ou dire alors qu'il sait très bien que vous êtes contre le
régime fédéral? C'est le problème fondamental dans
lequel vous inscrivez le Québec pour le reste du mandat que vous avez
à faire.
Le Président: M. le député. M. le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, à
l'égard de nos interlocuteurs fédéraux, je rappelle qu'il
y en a la moitié dans une course à la "chefferie" et qui sont
trop occupés pour s'asseoir assez longuement aux tables de
négociation.
Deuxièmement, ce à quoi nous aspirons et pour quoi, en ce
moment, nous devons nous battre constamment et déployer une
énergie considérable ou exigeante, c'est de mettre fin aux
incursions constantes de l'État fédéral dans la vie du
Québec.
Troisièmement, ce que nous souhaitons, M. le Président, et
ce qui, à mes yeux, reste souhaitable pour le peuple
québécois, c'est de pouvoir un jour traiter d'égal
à égal avec le reste du Canada.
M. Rivest: M. le Président.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Je voudrais dire au ministre que ce que le
congrès souhaite, ce n'est pas de traiter d'égal à
égal, c'est l'indépendance du Québec. Le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
est-il d'accord avec cela?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Johnson (Anjou): M. le Président, la notion de
souveraineté implique, par définition, l'égalité
des interlocuteurs, quelle que soit leur dimension.
M. Rivest: M. le Président, question additionnelle.
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: Le ministre est-il au courant que son parti a
maintenant complément abandonné l'idée d'association,
d'où le vocable d'égal à égal?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Johnson (Anjou): Au contraire, M. le Président. Le
député de Jean-Talon, qui a tendance à couper les coins un
peu rond quand il cite, quand il évoque des textes, des discussions ou
des déclarations, saura qu'au contraire le congrès de fin de
semaine du Parti québécois n'a pas écarté
totalement cette dimension. Cependant, comme j'ai eu l'occasion de lui
répondre jeudi ou vendredi dernier, la question de l'association du
Québec avec le reste du Canada ou d'une association économique
avec les États-Unis n'est pas une affaire idéologique mais, de
fait, est une affaire qui touche les intérêts du Québec.
C'est à partir des intérêts du Québec que nous
voulons déterminer le type d'association que nous ferons avec les
autres.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, après
avoir entendu le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes tourner autour du pot, comme c'est sa
spécialité, puis-je demander au premier ministre, la
stabilité politique étant un facteur important et essentiel au
développement économique, si, après les décisions
et orientations prises en fin de semaine, il écarte la
possibilité ou l'opportunité d'aller au peuple, d'avoir des
élections générales le plus tôt possible?
Le Président: M. le premier ministre. (10 h 20)
M. Lévesque (Taillon): Oui, M. le Président, pour
la bonne et simple raison -j'enchaîne assez directement sur ce que vient
de dire le ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes -que, à mesure que se développe
un plan de relance qu'on a bien mis au point et qu'on a fait démarrer
laborieusement, à mesure qu'on constate que les efforts du gouvernement
-c'est évidemment, d'abord, le dynamisme du
milieu lui-même qui a "performé" comme ça - qui sont
en plein déploiement ont aidé quand même à ce qu'en
1983, le Québec se relève de la crise plus rapidement, au point
de vue de l'emploi, surtout, que n'importe où au Canada,
qu'actuellement, on prévoit, et en grande partie grâce aux
politiques du gouvernement, qu'il va y avoir 38% d'augmentation
d'investissement industriel, le plus stratégique de tous, alors qu'il y
a une certaine baisse dans le reste du pays, je crois que ce n'est pas le
moment de laisser le navire entre les mains d'un parti qui ne sait même
pas s'il va avoir un programme ou pas, qui ne sait même pas quelle
attitude prendre sur quoi que ce soit.
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, maintenant que
lui, le premier ministre, et son gouvernement savent exactement où ils
veulent amener le Québec, n'est-il pas essentiel d'aller au peuple et de
poser cette question le plus rapidement possible pour éviter justement
l'instabilité politique qui est très néfaste au bien des
citoyens du Québec, particulièrement à ceux qui sont
privés d'emploi à l'heure actuelle?
Le Président! M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): C'est comme si j'avais
répondu à un sourd il y a un instant. C'est évident qu'il
y a encore beaucoup de gens ici... Avez-vous vu les chiffres pour le reste du
pays? Avez-vous vu les chiffres à propos des jeunes, par exemple, sur
lesquels vous versez des larmes de crocodile, après avoir
été ceux, dans votre gouvernement, qui ont
décrété la discrimination à propos de l'âge,
qui l'ont empirée pendant six ans, qui ne l'ont même pas
indexée et qui n'ont jamais eu ni le courage, ni le bon sens de mettre
au point les programmes de réinsertion qui étaient prévus
dans votre décision?
Cela étant dit, il n'y a pas de cachette, ça fait quatorze
ans, depuis la première élection - en fait, cela avait
commencé avant, parce qu'il fallait s'entraîner - que le Parti
libéral du Québec répète sans arrêt, entre
les élections et pendant toutes les campagnes électorales, qu'un
vote pour nous est un vote non pas pour la souveraineté, mais un vote
pour le séparatisme, et on essaie de donner la couleur la plus sinistre
possible à ce vote. Je ne vois pas de quoi se plaignent nos adversaires
si on dit: Oui, positivement un vote pour nous serait un vote pour l'avenir du
Québec dans le sens de vraiment lui donner toutes ses chances,
c'est-à-dire la souveraineté.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président. Si j'ai bien
compris le premier ministre, un vote pour un candidat péquiste c'est un
vote pour la séparation du Québec, pour l'indépendance du
Québec. Dans ces circonstances-là, n'est-il pas d'avis qu'on ne
peut pas vivre des mois et des mois avec ce climat d'incertitude,
d'insécurité et d'instabilité politique sans affecter le
bien-être des citoyens du Québec, des Québécois et
des Québécoises qui attendent d'avoir un véritable
gouvernement en avant d'eux et un gouvernement qui va s'occuper de leurs
intérêts?
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Avant de laisser le premier ministre répondre, puis-je inviter les
députés, lorsque c'est le chef de l'Opposition qui a la parole,
tout particulièrement, à respecter son droit de parole et,
inversement, lorsque c'est le premier ministre, le chef du gouvernement,
à respecter également son droit de parole?
M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, c'est vrai,
il me semblait que c'était une sorte de cassette parce que je retrouvais
à son meilleur - ou à son pire, comme on le voudra - le chef de
l'Opposition dans ses discours électoraux. Cela étant dit, vous
savez qu'il y a une tradition qui est qu'on doit rejoindre les chefs des autres
partis. C'est normal, la courtoisie. D'abord, je dois dire que je ne sais pas,
introuvable comme il l'est, si je pourrais rejoindre M. Bourassa dans un cas
comme celui-là actuellement. De toute façon, j'aimerais mieux
attendre que le chef libéral ait eu lui-même le sens
démocratique au moins d'essayer d'entrer dans cette Chambre et d'y tenir
son rôle, après quoi on pourra examiner la question ensemble.
M. Bédard: M. le Président...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
M. Rivest: M. le Président, question additionnelle au
premier ministre. Si la décision du congrès est à ce point
claire et qu'elle s'inscrit dans la continuité dans ce qui a
été l'histoire du Parti québécois, est-ce que le
premier ministre, au lieu de parler du chef du Parti libéral du
Québec, ne pourrait pas simplement tenter de rejoindre ses ministres qui
sont dissidents sur la question, soit le ministre des Affaires culturelles, le
ministre des "Affaires canadiennes" et combien d'autres, et d'éliminer
l'instabilité profonde de son gouvernement?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): M. le Président, est-ce que
nos amis libéraux ne devraient pas se préoccuper de leur
côté - parce que chacun a ses problèmes - d'un certain
flottement en ce qui concerne les élections fédérales? Il
semble que dans la filiale rouge de la maison mère d'Ottawa il commence
à y avoir des dissensions. J'entendais parler de certaines choses dans
l'Ouest de Montréal en ce qui concerne l'appui aux conservateurs.
Qu'est-ce qui vous prend?
Le Président: M. le député de
Jean-Talon.
M. Rivest: M. le Président, je regrette de devoir
répéter ma question au premier ministre. Je pense qu'il l'a mal
saisie. Il y a, à l'intérieur du Conseil des ministres, des
ministres qui se sont exprimés publiquement et qui émettent des
réserves très sérieuses quant aux orientations du parti et
du gouvernement. Est-ce que le premier ministre conçoit que cela ajoute
au facteur souligné par le chef de l'Opposition, c'est-à-dire
l'instabilité d'un gouvernement qui, maintenant, ne sait plus où
il va?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): C'est vraiment parler de la paille
dans l'oeil de l'autre quand on a la poutre dans le sien. Quand je regarde
l'état de désarroi de la pensée -autant qu'on puisse
appeler cela une pensée -quand je regarde le flottement complet hors de
la Chambre comme celui à la Chambre, du Parti libéral du
Québec sur des problèmes centraux, constitutionnels,
post-scolaires etc. et que je regarde ce que cela promet au Québec, je
pense qu'il faut laisser le temps à ce parti de devenir quelque chose
d'à peu près convenable même simplement comme
opposition.
M. Gratton: Est-ce que je pourrais demander au premier ministre,
M. le Président, si on ne retrouve pas la vraie raison de son refus de
déclencher des élections le plus tôt possible dans les
propos du président du Conseil du trésor qui disait en fin de
semaine: Connaissez-vous beaucoup de dindes qui souhaitent un Noël
prématuré?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Lévesque (Taillon): Avant de laisser le
président du Conseil du trésor expliquer, s'il le peut, sa
recette, je dois dire que je connais tout de même beaucoup de chasseurs
qui vendent la peau de l'ours très vite, comme cela s'est
déjà vu.
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Clair: M. le Président, le député de
Gatineau est un pince-sans-rire un peu comme moi et si on utilise parfois des
allégories en faisant référence à des animaux en
politique pour mieux colorer ses propos, je vous dirai, en poursuivant sur les
allégories, que j'aimerais bien mieux passer pour une dinde que de
passer pour une couleuvre. Deuxièmement, une dinde est beaucoup plus
propre, plus respectable, plus généreuse qu'une couleuvre. La
dinde n'est peut-être pas le roi des animaux mais quand on ne l'aime
plus, généralement on la préfère à la
couleuvre qui est en face de nous. (10 h 30)
Le Président: Question principale, M. le
député d'Argenteuil.
À l'ordre! À l'ordre! Entre les dindes et la couleuvre, il
ne faudrait quand même pas confondre avec le poulailler. M. le
député d'Argenteuil.
À l'ordre, M. le ministre de l'Agriculture. C'est tout simplement
que, dans le concert de clameurs que j'entendais, votre voix est ressortie plus
clairement.
M. le député d'Argenteuil, question principale.
La cause des religieux enseignants
sécularisés après 1965
M. Ryan: M. le Président, ma question s'adresse au
président du Conseil du trésor que j'inviterais à revenir
aux problèmes des êtres humains qui sont bien plus importants.
Pour des raisons historiques qu'il serait trop long de rappeler, les religieux
engagés dans l'enseignement au Québec ont oeuvré pendant
très longtemps dans des conditions, au point de vue salarial, au point
de vue accès à la retraite, qui étaient d'un extrême
dénuement et pour lesquelles, nous leur devrons longtemps une dette de
gratitude dont le Québec ne pourra jamais s'acquitter
complètement.
Jusqu'à l'adoption de la loi 57, en 1965, l'enseignant religieux
qui revenait à la vie laïque avait cependant accès au
régime de retraite des enseignants et il avait le droit consacré
par la loi de racheter ses années antérieures d'enseignement
à des fins de retraite. La loi 57 de 1965 vint malheureusement abolir ce
droit acquis. Depuis ce temps, les enseignants religieux revenus à la
vie laïque se voient imposer des conditions de retraite inégales
suivant qu'ils sont revenus à la vie laïque avant 1965 ou
après 1965.
Devant l'échec des tentatives de solution qui ont
été mises de l'avant par deux gouvernements successifs, en 1973
et en 1978, ces citoyens ont multiplié leurs interventions depuis
quelques mois auprès des autorités concernées.
Aujourd'hui, je voudrais demander au président du Conseil du
trésor, à la lumière de la pétition que j'ai eu
l'honneur de déposer ce matin et pour l'information des nombreux
représentants de ce groupe qui sont dans les galeries aujourd'hui, s'il
est disposé à reconnaître au nom du gouvernement que ces
personnes défendent une cause juste? Deuxièmement, est-il
disposé à recommander au gouvernement d'agir afin que le droit
acquis, qui a été enlevé à ces personnes en 1965,
leur soit restauré dans les meilleurs délais?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Clair: M. le Président, quant à la question
fondamentale qui est posée par le député d'Argenteuil
à savoir si ces personnes défendent une cause juste, je pense
qu'on peut répondre affirmativement. En effet, elles défendent
une cause juste, mais il faut bien comprendre quelles sont les origines de la
situation actuelle. Comme le député d'Argenteuil l'a
lui-même souligné, ce problème a été
créé en 1965. Ni lui ni moi n'étions là à
cette époque, mais je pense qu'il reconnaîtra que c'est le
gouvernement de l'époque, le gouvernement dirigé par M. Lesage,
qui a créé cette situation problématique aujourd'hui.
Il sait sans doute aussi que les coûts rattachés à
quelque solution que ce soit à ce problème sont très
élevés. Selon qu'on essaie de régler le problème
des enseignants qui sont d'ex-religieux ou d'ex-religieuses, ou le
problème de ceux qui oeuvrent dans le secteur des affaires sociales ou
dans d'autres secteurs du gouvernement, de même que celui des religieux
enseignant aujourd'hui, les coûts peuvent varier entre environ 350 000
000 $ et 1 500 000 000 $. C'est donc beaucoup d'argent qui serait engagé
dans une solution globale de ce problème.
Récemment, j'ai eu l'occasion de rencontrer le président
de la CEQ et le président du Regroupement des enseignants ex-religieux
et ex-religieuses et nous avons convenu d'une chose. Dans un premier temps, on
a convenu de bien s'entendre sur les données financières du
problème. D'ores et déjà, nous sommes à travailler
avec les gens de la Commission administrative des régimes de retraite,
du secrétariat du Conseil du trésor et des représentants
de la CEQ à bien cerner les coûts de toute solution à ce
problème. En effet, il ne servirait à rien de discuter d'un
problème et de solutions théoriques sans bien connaître les
coûts qui y sont rattachés.
Enfin, on aura prochainement l'occasion de se revoir - je parle de la
Centrale de l'enseignement du Québec et celui qui vous parle - pour
faire le point, si on s'entend sur le plan actuariel et financier des
coûts rattachés à cette solution et, dans un
deuxième temps, pour envisager quelle pourrait être l'avenue de
solution. Quant à moi, j'ai d'ores et déjà indiqué
que le gouvernement avait déjà fait un premier pas en 1978, qu'il
pourrait éventuellement être prêt à en faire un, mais
j'ai également demandé à la Centrale de l'enseignement du
Québec, au nom des enseignants qu'elle représente, tant les
enseignants ex-religieux et ex-religieuses que les laïques, dans quelle
mesure, quant à eux, si le gouvernement était prêt à
faire un pas au nom de la collectivité en faisant appel à des
ressources financières fournies par l'ensemble de la
collectivité, la générosité des enseignants
pourrait également s'exprimer de manière concrète en
acceptant qu'une partie ou la totalité des coûts d'une solution
soit imputée aux cotisants actuels du Régime de retraite des
enseignants ou RREGOP.
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Le président du Conseil du trésor, ayant
invoqué l'exemple d'autres catégories de serviteurs de la
communauté qui pourraient être entraînées dans la
voie qui est demandée par les enseignants ex-religieux, est-il
prêt à reconnaître que, de toutes les catégories
qu'il a mentionnées, la catégorie des enseignants ex-religieux
sécularisés après 1965 est la seule qui détenait en
1965 un droit acquis consacré par la loi et qui n'était pas,
entre parenthèses, un privilège? Deuxièmement, pourrait-il
nous donner une idée de l'ordre de grandeur - je sais que cela doit
demeurer approximatif pour l'instant, mais quand même d'une solution qui
impliquerait expressément les enseignants ex-religieux
sécularisés après 1965, de manière que nous ne
soyons pas perdus dans les catégories qui sont tout à fait hors
de toute relation avec la réalité de ce problème-ci?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Clair: M. le Président, comme je ne connais pas
suffisamment tous les droits acquis qui auraient pu exister aux environs de
1965, je ne pourrais répondre à la question du
député d'Argenteuil.
Effectivement, je reconnais une chose, c'est que, par la loi de 1965 -
oui, c'est bien beau, de faire des signes de tête, mais qu'est-ce que
vous voulez - le gouvernement libéral a modifié les règles
du jeu et nous sommes aux prises, 20 ans plus tard, avec un problème que
vous avez créé et on essaie de le corriger.
Quant aux coûts afférents à une solution portant
uniquement sur le cas des enseignants et des enseignantes ex-religieux et
ex-religieuses, cela dépend - je l'ai indiqué tantôt au
député d'Argenteuil - de la nature de la solution qui serait
apportée. Un ordre de grandeur d'à peu près
350 000 000 $ est la meilleure prévision qu'on puisse faire
présentement, mais, encore une fois, il y a des travaux de raffinement,
des analyses qui sont en train de se faire présentement sur ces
questions.
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Le président du Conseil du trésor est-il
au courant que, dans une réponse qu'il me faisait l'an dernier à
ce sujet, son prédécesseur, qui est actuellement ministre de
l'Éducation, avait invoqué le cas des employés des
anciennes sociétés privées
d'hydroélectricité, nationalisées en 1964, et avait dit
que s'il fallait régler le problème des ex-religieux, il faudrait
également régler ce problème-là au coût
approximatif de 200 000 000 $? Le ministre sait-il que, depuis ce temps, le cas
des anciens employés des sociétés nationalisées a
été effectivement réglé par voie de
négociation collective au coût approximatif de 87 000 000 $? Le
ministre est-il prêt à rechercher activement une solution suivant
les mêmes principes qui ont présidé au règlement du
cas des anciens employés des sociétés
nationalisées?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Clair: M. le Président, il ne fait aucun doute que je
suis disposé à trouver une solution. Bien avant que le
député d'Argenteuil ne pose la question, dans les
premières semaines qui ont suivi mon arrivée au Conseil du
trésor, comme mon prédécesseur avait déjà
commencé à le faire, nous avons poursuivi des rencontres. Je le
dis publiquement, j'étais heureux de voir que la CEQ
s'intéressait à ce dossier, parce qu'il m'apparaît, s'il y
a une volonté de partage de la part de la Centrale de l'enseignement du
Québec, qu'il y aurait une possibilité de trouver une solution
à ce problème. Je n'ai pas attendu à aujourd'hui pour
commencer à travailler et à rechercher activement une solution.
(10 h 40)
Quant à la situation des nationalisés
d'Hydro-Québec, mon collègue, le ministre de l'Énergie et
des Ressources, qui connaît bien mieux que moi le dossier, pourrait
certainement vous donner les résultats des travaux qui ont
été faits à cet égard et la solution qui a
été trouvée.
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: M. le Président, je voudrais dispenser le
ministre de l'Énergie et des Ressources de toute intervention parce que
j'ai tous les textes de ces ententes qui ont été faites. S'il
voulait les résumer toutes ce matin, ce serait très long. Je
pense qu'on est d'accord sur le fait qu'il y a eu... Pardon? Le
Président: Question.
M. Ryan: Non, mais ce n'était pas nécessaire parce
que vous nous avez toujours dit qu'Hydro-Québec...
Le Président: Nous ne ferons pas de débat sur une
question qui est déjà réglée.
Question complémentaire, M. le député
d'Argenteuil.
M. Ryan: Question complémentaire à l'intention du
ministre de l'Éducation. Le ministre de l'Éducation est-il
prêt à s'engager à faire en sorte que les conditions qui
président à la mise à la retraite anticipée soient
assouplies et révisées de manière que l'accès des
ex-religieux enseignants à une retraite décente, normale, dans
les mêmes conditions que les autres, soit facilité au cours des
prochaines années de manière que soit également
favorisé le rajeunissement accéléré du personnel
enseignant?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Bérubé: M. le Président, d'une part, nous
avons effectivement mis en place toute une série, toute une gamme de
mesures visant à permettre une mise à la retraite
anticipée des enseignants plus âgés de manière
à dégager des postes et à permettre donc de donner du
travail à plus de nos enseignants mis en disponibilité
présentement. D'autre part, une somme de 40 000 000 $ avait
été prévue à cette fin lors de la discussion du
printemps dernier et, à la suite des accords Désilets, nous avons
retiré de ce montant de 40 000 000 $ environ 25 000 000 $ pour les
attribuer à une amélioration des conditions de travail des
enseignants. Ce qui a fait en sorte qu'il n'est resté que 15 000 000 $
à des fins proprement de mise à la retraite
prématurée.
Or, une mise à la retraite prématurée coûte
extrêmement cher. C'est le moyen le plus coûteux que nous ayons
à notre disposition pour créer de l'emploi en un sens et, par
conséquent, le nombre des enseignants pouvant profiter de ces mesures
est limité. Il me paraît donc difficile dans ce contexte
d'envisager un assouplissement généralisé de cette mesure
puisque, de toute façon, elle répond, compte tenu du budget,
relativement à un petit nombre de demandes.
Le Président: Question principale. M. le
député de Mont-Royal.
L'affaire Sonamar-Desgagnés M. Ciaccia: M. le
Président, ma
question s'adresse au ministre des Transports. Quand le gouvernement a
injecté une somme de 375 000 $ dans Sonamar, c'était pour
favoriser le développement d'une industrie de transporteurs maritimes
québécois afin de permettre à ces derniers d'avoir
accès à des contrats de plus grande importance. À
l'origine, il avait été convenu que, pour avoir un
équilibre, les actionnaires ne devaient pas avoir plus de 25% des
actions. Cela incluait le gouvernement et le ministère des
Transports.
Le groupe Desgagnés a effectivement pris 44% des parts de la
société et domine le conseil d'administration. Cela a eu des
conséquences négatives pour l'industrie. Par exemple, nous avons
vu la semaine dernière que le groupe Desgagnés a
préparé une soumission plus élevée pour Sonamar
afin de se faire accorder un contrat au prix que Desgagnés le voulait.
La compagnie Seleine, qui dirige une mine de sel aux
Îles-de-la-Madeleine, avait accordé un contrat de 5 000 000 $ plus
élevé à Sonamar. Desgagnés est l'administrateur de
la compagnie Seleine de même que de la compagnie Sonamar. Le but de
l'engagement était de mettre un navire québécois en
chantier et ainsi favoriser la mise en chantier de navires
québécois. Plus d'un an s'est écoulé et ce sont
encore les navires de Desgagnés qui font le transport. Cette condition
n'a donc pas été remplie.
Quelles sont les dispositions qu'entend prendre le ministre des
Transports pour éviter qu'au cours de l'assemblée
générale annuelle de Sonamar, qui doit se tenir aujourd'hui
même, M. Yvon Desgagnés favorise de façon exclusive les
navires de sa flotte personnelle et du groupe Desgagnés, étant
donné la domination qu'il exerce sur Sonamar?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Effectivement, il y a une rencontre ce matin
des actionnaires de Sonamar. Je voudrais simplement rappeler que M.
Desgagnés avait été nommé par le conseil
d'administration responsable de la gestion de l'entreprise sur une base
intérimaire; il a donc été nommé de façon
intérimaire et cette question sera sûrement débattue ce
matin, à l'assemblée générale des actionnaires.
Dans le contexte où nous étions, dans lequel Sonamar a
été créée, il y a plusieurs années, des
blocs d'actionnaires étaient à égalité, chacun
détenant, grosso modo, 25% des actions.
Une des choses à souhaiter serait que l'on revienne à une
certaine parité entre les actionnaires de sorte que l'on puisse prendre
des décisions négociées, mais sur lesquelles tout le monde
s'entend, afin que l'avenir du transport maritime pour les
Québécois puisse être vu dans un contexte d'harmonie et
aussi de progrès.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Quelles sont les dispositions qu'entend prendre le
ministre des Transports pour s'assurer que M. Yvon Desgagnés ne soit pas
en conflit d'intérêts vis-à-vis de ses propres
intérêts, de ses intérêts de gestionnaire de Sonamar
et de ses intérêts de gérant de transport chez Seleine?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Ce que je viens de dire indique la voie que
nous entendons suivre: des décisions importantes d'orientation de
l'entreprise Sonamar qui, je voudrais le souligner, est une entreprise
privée dans laquelle le gouvernement n'a que 25% des actions, seront
prises dans un esprit de progrès et de bonne entente plutôt que de
confrontation.
Quant à nous, il est normal que l'on puisse discuter du
rôle de M. Desgagnés comme responsable de l'administration et de
la gestion de Sonamar; ce sera sûrement un point à l'ordre du jour
de ce matin. Ce qui s'est passé lors du dépôt des offres de
soumissions, il y a quelques semaines déjà... Cela devrait se
faire dans un contexte où personne n'est en conflit
d'intérêts; donc, M. Desgagnés ne devrait pas l'être.
À ce moment-là, le conseil d'administration devrait être
impliqué, si jamais quelqu'un est responsable de l'administration en
même temps qu'il l'est aussi chez Sonamar.
Le Président: M. le député de
Mont-Royal.
M. Ciaccia: Si le ministre vient d'admettre qu'il y avait conflit
d'intérêts, serait-il prêt à retourner à
l'étape des appels d'offres quant au contrat octroyé au groupe
Desgagnés au détriment des autres actionnaires?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: J'ai dit, la semaine dernière, que le
gouvernement a signé le contrat avec celui qui avait fait l'offre la
plus basse. Il y avait aussi le groupe Logistec qui avait
présenté une offre plus basse que Sonamar, mais plus
élevée que la soumission conforme de M. Desgagnés.
À l'heure actuelle, il faut constater que le gouvernement a donné
le contrat à celui qui a présenté l'offre la plus basse.
C'est un point.
Par ailleurs, que quelqu'un, chargé de
l'administration de Sonamar, fasse une soumission au nom de Sonamar et
en fasse une en son nom propre, c'est une question qui doit être
débattue au sein du conseil d'administration de Sonamar et elle sera
sûrement évoquée d'abord au niveau de l'assemblée
générale des actionnaires; les décisions là-dessus
seront prises au niveau du conseil d'administration.
Le Président: M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Merci, M. le Président. Le ministre des
Transports sait-il que l'un des navires de la flotte Desgagnés, qui doit
être utilisé pour exécuter le contrat de la desserte du
Nord québécois, a un équipage composé de marins
n'ayant pas leur résidence au Québec? Le ministre a-t-il
l'intention de permettre que ce contrat soit exécuté quand
même, avec un équipage non québécois, alors que des
milliers de professionnels, dans le milieu maritime québécois,
sont en chômage et qu'il y a plusieurs navires inactifs? Le ministre
a-t-il l'intention d'intervenir à ce sujet?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Léonard: Je n'ai pas vérifié la
nationalité de tous les marins à bord des bateaux à
l'heure actuelle. S'il y a des gens de l'extérieur qui peuvent nous
aider, je pense qu'ils sont les bienvenus au Québec. La décision
du gouvernement est prise par rapport aux appels d'offres et aux offres qui
sont faites en soumissions et nous avons choisi la plus basse. Je pense qu'on
s'en tient à cela.
Le Président: M. le député de
Louis-Hébert.
M. Doyon: Le ministre est-il au courant que dans les contrats qui
ont été signés pour desservir le Nord
québécois, il y a une clause stipulant qu'on doit donner la
préférence aux marins et aux personnes ayant leur
résidence au Québec? Si le ministre n'est pas au courant de cette
clause, j'aimerais qu'il nous dise à quoi il sert de mettre une clause
semblable, s'il n'est pas prêt à faire les vérifications
nécessaires pour la faire respecter.
Le Président: M. le ministre des Transports. (10 h 50)
M. Léonard: M. le Président, je pense qu'il s'agit
d'une clause qu'on retrouve généralement, mais qui laisse aussi
la liberté à ceux qui font des appels d'offres d'engager les gens
qu'ils veulent dans le respect des lois et des règlements actuels du
Québec.
Qu'il y ait une préférence, je pense que cela se comprend,
mais cela laisse quand même une certaine liberté aux gens qui font
des appels d'offres et à ceux qui administrent une entreprise d'engager
les gens de leur choix.
Le Président: M. le député d'Ungava.
Les négociations avec les
autochtones au sujet du
droit de pêche au saumon
M. Lafrenière: On sait que le ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche négocie avec les autochtones au sujet des
quotas de saumon. Aux dernières informations, il semblait que les
négociations avec les autochtones soient dans une impasse. Est-ce que le
ministre peut nous indiquer où sont rendues les négociations avec
les autochtones pour ce qui est du droit de pêche au saumon?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Chevrette: M. le Président, les négociations
avec l'ensemble des bandes autochtones sont, depuis jeudi soir dernier,
à toutes fins utiles, terminées. Il ne reste qu'à
appliquer les ententes pouvant comporter certaines difficultés dans leur
application. Les deux dernières bandes à avoir signé sont
les Micmacs de Restigouche et les Montagnais de Natashquan.
En ce qui concerne Restigouche, nous nous sommes entendus sur un quota
annuel qui vise la portion de pêche pour fins d'alimentation, ou à
peu près. Les compensations que nous avons consenties, en contrepartie,
touchent la création d'emplois et, plus particulièrement, le
secteur du reboisement, où les autochtones pourront avoir une
cinquantaine d'employés qui travailleront soit au reboisement, soit
à d'autres projets propres à leur réserve.
Quant à Natashquan, c'est une expérience unique que nous
vivrons cette année. Étant donné que le ministère
des Travaux publics a procédé à l'expropriation des deux
pourvoiries de Natashquan, à savoir Natashquan Safari et Pourchape, la
bande indienne des Montagnais a accepté une expérience pilote de
cogestion pour la gérance de Natashquan Safari avec mon
ministère, de sorte que nous vivrons cette année une
période d'initiation. On pourra même se permettre d'initier les
autochtones à la gestion d'une pourvoirie proprement dite, en
collaboration avec le ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche.
J'ose espérer que cette année, dans l'ensemble du
Québec, on n'aura aucun problème et qu'on pourra, de part et
d'autre, autant les Blancs qui font de la pêche
sportive que les pêcheurs commerciaux et les autochtones... Toutes
les catégories auront contribué à faire en sorte qu'on
puisse travailler dans un même sens pour la sauvegarde de
l'espèce. Que cela plaise ou non au député de Richmond, je
pense que la population a le droit de le savoir.
Le Président: M. le député d'Ungava.
M. Lafrenière: Est-ce que le ministre peut nous indiquer
dans quelle mesure les ententes conclues avec les bandes autochtones respectent
l'esprit de restriction imposé aux pêcheurs
québécois pour la conservation du saumon?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Chevrette: Mathématiquement parlant, je ne vous dirai
pas que cela ne dépasse pas, à un endroit ou l'autre, de quelques
centaines de livres. L'esprit des négociations a toujours
été de demander aux autochtones le même effort qu'on
demandait aux pêcheurs sportifs. Par exemple, pour les pêcheurs
sportifs, là où on permettait quatre saumons par jour, ce sera
trois; là où c'était trois, ce sera deux; là
où c'était deux, ce sera un, en plus d'avoir une limite
saisonnière qui est de sept, sauf à l'île d'Anticosti
où elle sera de dix. Pour ce qui est de la pêche commerciale en
Gaspésie, il n'y en a pas. Quelques programmes d'aménagement
faunique seront offerts aux pêcheurs commerciaux de la Gaspésie
cette année, en plus de la mise sur pied d'un programme de rachat
d'équipement.
Pour ce qui est des autochtones, ils demandaient environ 30 000 livres
par année. Nous avons réussi, à Restigouche, à
signer une entente pour 15 390 livres, ce qui correspondait à la partie
normalement reconnue pour fins d'alimentation et, à Natashquan
également, 15 000 livres, avec un comité de surveillance pour la
remontée, en ayant toujours derrière la tête qu'on a le
pouvoir maintenant constant qu'on s'est donné avec la nouvelle
réglementation de mettre fin en tout temps à tout type de
pêche, parce que la gérance se fait par bassin et advenant que les
géniteurs ne remontent pas au rythme normal, il se peut qu'en pleine
saison, le ministre soit appelé à fermer toutes sortes de
pêches dans n'importe lequel des bassins.
Présentement, au tout début, je peux vous dire qu'on a
fermé douze rivières à saumon avant même
l'ouverture. J'ose espérer en tout cas que le braconnage se fera sur une
très faible échelle et que tout le monde collaborera à
faire en sorte que cette année en soit une d'efforts maximaux pour une
remontée maximale de géniteurs.
Le Président: M. le député de Duplessis,
question complémentaire.
M. Perron: Question additionnelle, M. le Président. Dans
le cas de la rivière Natashquan, est-ce que le ministre pourrait
informer cette Chambre et la population, puisqu'il y a cogestion, de quelle
façon se fera la répartition des emplois entre les Blancs et les
Indiens?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Chevrette: L'expérience pilote de cogestion que nous
menons nous a amenés, en tant que ministère, à demander
à la bande montagnaise de reconnaître l'embauche des Blancs, en
particulier au niveau des guides et de la cuisine. On a soumis une annexe aux
gens et l'objectif visé est à peu près de 50%-50% en
termes d'embauche.
Je pense qu'il y a plus que cela à Natashquan. Je voudrais dire
que, cette fois-ci, on a réussi à démystifier l'approche
entre Blancs et autochtones. C'est que la bande de Natashquan, qui administrera
conjointement, accepte que toute personne sans emploi à Natashquan
puisse bénéficier également d'une pêche quotidienne
et ce, sans paiement, dans la région ou dans la section de la
rivière où la pêche, normalement, pour fins d'alimentation,
était reconnue. Je pense que c'est un bon rapprochement entre les deux
communautés et je suis fort heureux de cette entente.
Le Président: M. le chef de l'Opposition.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, une question
additionnelle au ministre. Est-ce que le ministre négocie
présentement avec les pêcheurs commerciaux de la Gaspésie
en vue d'en arriver à une compensation qui, à mon sens, serait
justifiée afin qu'on traite tout le monde sur le même pied?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Chevrette: À deux reprises, jusqu'à maintenant,
j'ai rencontré les pêcheurs commerciaux. On leur a demandé
de nous présenter des projets qui serviraient de compensation, des
projets où ils pourraient travailler à l'amélioration
faunique. On a parlé de l'étang de Maria entre autres où
on pourrait introduire des géniteurs, faire du reconditionnement de
géniteurs dans l'étang de Maria. Dans un premier temps, on a
été déçu d'avoir si peu de projets, si bien qu'on a
demandé à nos employés du ministère de concevoir
des projets avec eux et de mettre sur pied certains projets qui
permettraient
précisément à certains de ces pêcheurs de
pouvoir travailler et obtenir une certaine forme de compensation comme
telle.
Cependant, l'approche que nous avons retenue, M. le Président,
n'est pas de verser un chèque sans que rien ne se fasse. L'approche,
c'est de payer pour un projet qui vise l'amélioration de
l'aménagement faunique en guise de compensation. Je pense que nous y
arriverons avec la collaboration des 49 pêcheurs commerciaux de la
Gaspésie.
Le Président: La période de questions est
terminée.
Aux motions sans préavis.
Aux avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Bédard: M. le Président, à partir de
maintenant et jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures,
à la salle 91, la commission du budget et de l'administration se
réunira afin de procéder à l'étude
détaillée des projets de loi privés suivants: 231, Loi
concernant l'Oeuvre des vocations tardives; 202, Loi concernant la Compagnie du
Trust Central et la Compagnie Crown Trust; 209, Loi concernant la Compagnie
minière Gaspésie limitée et Sembec Inc; 211, Loi
concernant l'Économie, Compagnie d'assurance sur la vie; 212, Loi
modifiant la Loi reconnaissant les Assemblées de la Pentecôte du
Canada comme corporation ecclésiastique dans la province de
Québec.
Cette même commission du budget et de l'administration poursuivra
ensuite ses travaux pour entreprendre l'étude détaillée du
projet de loi 75, Loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres
dispositions législatives. (11 heures)
Conformément à l'article 121 de notre règlement, le
ministre des Finances sera alors membre de la commission du budget et de
l'administration pour la durée de l'étude de ce projet de loi
détaillé. Ce sont les avis que nous avons à donner.
Le Président: Bien. Quant à moi, j'ai deux autres
avis à donner. Immédiatement après les affaires courantes,
la commission de la culture se réunira à la salle 80... Pardon?
À la salle 80, immédiatement après les affaires courantes,
la commission de la culture se réunira pour la vérification des
engagements financiers dans le domaine de sa compétence. Ce soir, de 20
heures à 22 heures, à la salle 91, la commission du budget et de
l'administration fera également la vérification d'engagements
financiers dans le domaine de sa compétence.
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le
député de Portneuf.
M. Pagé: En vertu de l'article 86, j'aimerais soulever au
leader du gouvernement deux questions ce matin qui portent sur la commission
parlementaire de l'économie et du travail. Dans un premier temps,
pourrait-il nous indiquer les dates auxquelles la commission parlementaire de
l'économie et du travail se réunira pour entendre les parties
directement concernées par le renouvellement du décret de
l'industrie de la construction? Deuxièmement, est-ce que le leader du
gouvernement pourrait nous indiquer vers quelle date le ministre du Travail
entend donner suite à l'engagement qu'il avait formulé lors de
l'étude des crédits de son ministère en avril dernier pour
que la commission puisse étudier et entendre les groupes
concernés par la question du renouvellement du décret de
l'industrie de la coiffure au Québec? C'est un engagement du
ministre.
M. Bédard: Les dates ne sont pas fixées. Dès
qu'elles le seront, nous en informerons le représentant de l'Opposition,
M. le député de Portneuf, dans les meilleurs délais.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
M. Vallières: Article 86, M. le Président;
plusieurs questions écrites au feuilleton. Est-ce que le ministre peut
nous donner son avis à savoir si on pourrait obtenir des réponses
à ces questions avant l'ajournement de juin?
Le Président: M. le leader parlementaire du
gouvernement.
M. Bédard: Je ferai toutes les représentations
nécessaires auprès de mes collègues de manière que
le plus de réponses possible soient données avant la fin de la
session jusqu'à maintenant, c'est quand même dans un délai
raisonnable que les réponses sont données. On comprendra que
certaines des réponses demandent des recherches assez fouillées.
Je verrai à faire en sorte que le plus de questions obtiennent
réponse d'ici la fin de la session.
M. Charbornneau: M. le Président...
Le Président: M. le député de
Verchères.
M. Charbornneau: Je voudrais demander le consentement des deux leaders
puisque mercredi la commission de l'éducation et de la main-d'oeuvre
doit entendre le fonds FCAC. On m'a dit qu'il y avait déjà trois
commissions parlementaires et comme ce serait la quatrième qui
siégerait il faut le consentement, semble-t-il, des membres. Je
pense qu'on serait mieux de régler cela aujourd'hui parce qu'on
invite des gens. Si les gens arrivent et qu'on ne peut pas siéger, je
pense...
Le Président: II s'agit de mercredi. Je conviens qu'il y a
des gens qui sont invités. La façon normale de procéder en
la matière c'est peut-être qu'il y ait des consultations en
coulisses avec les représentants des deux groupes parlementaires. Si tel
est l'accord des deux groupes parlementaires, de toute façon cela ne
pose aucun problème, plutôt que de poser la question sur le
parquet de la Chambre à brûle-pourpoint comme vous le faites.
Encore que rien nous empêche de le faire.
M. Charbonneau: D'accord, je vais m'arranger avec les deux
leaders.
M. Ryan: M. le Président...
Le Président: M. le député d'Argenteuil.
M. Ryan: Si vous permettiez, juste une remarque là-dessus.
Je voudrais souhaiter que des deux côtés on écoute la
requête qui a été faite, que les leaders puissent
l'accueillir favorablement parce que la commission avait invité un
groupe, le fonds de subventions pour la recherche, et ce serait dommage que
l'activité ne puisse pas avoir lieu maintenant.
Le Président: Aux affaires du jour. En vertu des
dispositions du règlement - c'est d'ailleurs inscrit au feuilleton
aujourd'hui - il devrait normalement y avoir un débat restreint sur le
rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de
l'alimentation qui a siégé le 1er juin 1984 afin de
procéder à la vérification des engagements financiers du
ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
pour les mois de février et mars 1984. En effet, la disposition du
règlement, l'article 94 prévoit qu'il y a un débat d'une
heure qui est prioritaire dans les quinze jours suivant le dépôt
d'un rapport de commission. Puisqu'il n'y a pas d'exception prévue au
règlement pour les engagements financiers, ils tombent donc sous la
coupe de cet article. À la commission de l'Assemblée nationale
nous avons convenu que cette disposition devrait être revue mais il faut
le consentement de la Chambre pour que celle-ci ne s'applique pas et qu'il n'y
ait donc pas, aujourd'hui, de débat sur ce rapport de commission en
attendant que la commission de l'Assemblée nationale propose à
l'Assemblée nationale des modifications au règlement. Y a-t-il
consentement?
Une voix: Consentement.
Le Président: Consentement, bien. Cela nous mène
donc aux autres affaires inscrites au feuilleton, à l'adoption du
principe du projet de loi 69, Loi modifiant la loi sur les impôts et la
Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts.
La parole est au ministre du Revenu.
Projet de loi 69
Adoption du principe
M. Robert Dean
M. Dean: M. le Président, nous entreprenons ce matin le
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 69, Loi modifiant la
Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les
impôts. Vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un projet de loi de
taille assez imposante; il s'agit de 160 pages et de 250 articles. C'est aussi
un projet de loi complexe et détaillé mais qui, normalement, ne
devrait pas susciter un long débat ni provoquer d'importantes
controverses.
Le projet de loi 69 a pour objet l'harmonisation de certains aspects des
régimes fiscaux fédéral et québécois. Le
dépôt de ce projet de loi donne suite à la
déclaration ministérielle du 17 décembre 1982 du ministre
des Finances du Québec ainsi qu'à l'annexe 1 du discours sur le
budget du 10 mai 1983 de ce dernier. Sans changer les orientations et principes
fiscaux du gouvernement du Québec, nous tentons par ce projet de loi
d'éviter l'apparition d'une jungle fiscale dont les contribuables
feraient nécessairement les frais.
Ce projet de loi modifie donc la Loi sur les impôts et la Loi
concernant l'application de la Loi sur les impôts en y apportant des
amendements semblables au projet de loi fédéral C-139
sanctionné le 30 mars 1983. En outre, M. le Président, ce projet
de loi contient des mesures d'harmonisation annoncées dans la
déclaration ministérielle du 17 décembre 1982 concernant
les projets de loi fédéraux suivants: C-95 concernant le gain ou
la perte en capital provenant de l'aliénation soit d'une chance de
gagner un prix ou un pari, soit d'un droit de recevoir un montant en prix ou
à titre de gain sur un pari; C-112 concernant l'exclusion du calcul du
revenu de certains montants assujettis à la taxe prélevée
en vertu de la Loi de l'impôt sur les revenus pétroliers et C-115
concernant le remplacement des expressions "allocation de formation
professionnelle des adultes" et "Loi sur la formation professionnelle des
adultes" par les expressions "allocation de formation" et "Loi nationale sur la
formation".
Enfin, ce projet de loi apporte des modifications techniques pour
corriger certaines dispositions actuelles de la Loi sur les impôts qui
n'étaient pas tout à fait conformes aux énoncés de
politique fiscale et la déclaration ministérielle du 3 mai 1984
du
ministre des Finances, M. Jacques Parizeau, notamment en ce qui concerne
le régime d'épargne-actions. Il s'agit ici, M. le
Président, de la seule contribution qu'on pourrait qualifier de
strictement québécoise dans ce projet de loi. (11 h 10)
Le projet de loi 69 est un projet de loi hautement technique qui
intéressera principalement les spécialistes de la
fiscalité et qui facilitera le travail de ces derniers par une
standardisation et une harmonisation de certains textes législatifs
provinciaux et fédéraux en matière fiscale. Le projet de
loi 69 porte, entre autres, sur les questions suivantes: les actions
privilégiées à terme, les actions
privilégiées à court terme et les obligations à
intérêt conditionnel, l'étalement du revenu, les travaux en
cours, les mines, le pétrole et le gaz, les intérêts courus
sur les créances, les polices d'assurance ou les rentes, les titres de
développement et obligations d'une petite entreprise, les filiales
étrangères et les fiducies étrangères, les gains de
capital, les règles à l'égard du décès du
contribuable, les fusions et les liquidations de corporations, les corporations
d'assurances sur la vie, les fiducies, les régimes sociaux, le
régime d'épargne-actions, le revenu gagné au Québec
par un non-résident et la Loi concernant l'application de la Loi sur les
impôts. Pour le contribuable québécois, cet exercice a pour
but d'éviter dans la mesure du possible et dans le respect de nos
orientations fiscales le dédoublement des dénominations pour un
même objet, de favoriser la concordance des textes de même nature
de façon que ce dernier puisse facilement passer d'un système
à l'autre.
Nous sommes conscients que les contribuables ont à faire face
à des lois fiscales complexes et nous avons à coeur, dans les
objectifs d'humanisation des services qui sont les nôtres, de ne pas les
compliquer davantage, mais, au contraire, de les simplifier dans la mesure du
possible. C'est ce que nous tentons de faire par le projet de loi 69. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Saint-Louis.
M. Harry Blank
M. Blank: M. le Président, le projet de loi 69, Loi
modifiant la Loi sur les impôts et la Loi concernant l'application de la
Loi sur les impôts, est une telle brique - comme le ministre l'a dit,
c'est une brique de 160 pages et de 250 articles - et c'est quelque chose de
tellement compliqué que, même si je suis avocat depuis 34 ans, je
ne le comprends pas. J'ai dû faire appel à des experts en
fiscalité pour me le faire expliquer. C'est un problème. On fait
face à des lois de l'impôt - et je parle de la population en
général - que personne ne comprend.
On peut dire que, oui, il y a des choses compliquées, comme le
ministre l'a mentionné, des filiales de compagnies
étrangères, des compagnies pétrolières, etc., mais
il a aussi mentionné dans son discours les PME du Québec. Cela
veut dire que les petits commerces aussi... Ce ne sont pas tous les petits
commerces qui peuvent engager de gros fiscalistes pour leur faire comprendre la
loi. Ici, on fait face à des lois qui sont tellement compliquées
que ce sont seulement des fiscalistes ou des experts en taxation qui peuvent
les comprendre. Parfois même, des comptables agréés ont
besoin de la recherche d'experts dans certains domaines pour comprendre la loi.
Je me demande s'il ne serait pas temps que le gouvernement du Québec et
le gouvernement d'Ottawa fassent quelque chose pour simplifier ces lois, pour
que ce ne soient pas seulement des avocats, des fiscalistes et des comptables
qui puissent les comprendre, mais pour que messieurs les contribuables les
comprennent aussi. Personne ne s'oppose à payer des taxes raisonnables,
mais on veut comprendre pourquoi et comment on les paie. Il n'y a personne qui
peut comprendre les lois de l'impôt actuellement. C'est trop
compliqué, c'est trop long et je me demande pourquoi on ne peut pas les
simplifier. Depuis des années, on a essayé de simplifier les
formules et on en est arrivé à les faire simplifier passablement
mais, malgré cela, on ne les comprend pas. On nous dit de faire une
soustraction de tel article et de tel article, de faire une addition de tel
autre avec tel autre, mais on ne sait pas pourquoi c'est dans la loi. On ne
comprend pas la loi. Pourquoi ne pas faire un effort, comme je l'ai dit, des
deux côtés, pour simplifier davantage cette loi.
En passant, le Québec est la seule province qui ait sa propre loi
sur l'impôt. Les neuf autres provinces n'ont pas leur propre loi sur
l'impôt. Elles paient leur impôt directement au
fédéral et le fédéral, à son tour, retourne
une portion aux provinces. Ici, on remplit deux déclarations
d'impôt. Cela est un peu historique. Je n'entrerai pas dans ce domaine,
mais le fait est là; au Québec, nous avons une double imposition,
par la loi fédérale et par la loi provinciale.
Le député de Lac-Saint-Jean dit qu'on aura la
séparation, la souveraineté. C'est ce que je voulais demander au
premier ministre aujourd'hui. Il fait tellement de distinction entre les mots
"séparation" et "souveraineté" que je voudrais vraiment en
connaître la différence. Pour être souverain, on se
sépare. Si on se sépare, on est souverain. Je ne comprends pas
qu'on recommence les jeux de mots.
Il y a une autre chose dans la loi ici que je trouve un peu curieuse
comme
législateur et avocat et que je trouve même mauvaise. Le
ministre dit que cette loi est en concordance avec la loi
fédérale et avec certaines déclarations du ministre des
Finances du Québec. Quand cela vient de la loi fédérale,
comme pour toutes les lois fiscales, c'est rétroactif au discours sur le
budget. C'est normal. On accepte cela. Les lois sur l'impôt sont
normalement rétroactives à la date du discours sur le budget. Ce
qui est curieux dans la présente loi, c'est qu'on a au moins des
dizaines de paragraphes de dispositions qui sont rétroactives même
à la date du discours sur le budget fédéral. Cela veut
dire que le gouvernement du Québec fait une loi rétroactive sans
raison. Peut-être qu'il a raison mais il est mauvais de faire des lois
rétroactives, point. Les lois fiscales rétroactives à la
date du discours sur le budget ou d'une déclaration
ministérielle, cela va. C'est dans les coutumes ou dans les moeurs
parlementaires. Mais faire des lois rétroactives de quelques
années ou de quelques mois avant le discours sur le budget, je trouve
que c'est de la mauvaise législation. À la commission
parlementaire, je demanderai des explications au ministre pour me convaincre
que c'est vraiment nécessaire. Concernant les autres aspects de cette
loi, comme l'a dit le ministre, c'est tellement technique que nous allons
vérifier cela auprès du ministre. Accompagné de mes
fiscalistes, nous allons étudier les 250 articles de cette brique, de
cette loi de 160 pages. Merci.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. M. le
député de Roberval et adjoint parlementaire au ministre des
Finances.
M. Michel Gauthier
M. Gauthier: Merci, M. le Président. Comme ceux qui m'ont
précédé l'ont souligné, il est évident qu'un
projet de loi à caractère fiscal est toujours un peu aride. Le
député de Saint-Louis peut bien dire qu'il n'y comprend rien,
soit, mais je trouve cela un peu inquiétant par rapport au travail des
parlementaires justement, ici, en cette Chambre, face à un projet de loi
comme celui-là, dont l'application quotidienne influencera de
façon quelconque la vie de nos concitoyens. Je pense que le
député de Saint-Louis aurait dû, comme ses
collègues, probablement mettre au travail les recherchistes du Parti
libéral - on sait qu'il en a plusieurs - afin de gratter chacun des
articles de ce projet de loi pour essayer de voir quelles en seront les
implications sur la vie des citoyens.
De fait, la plupart des articles de ce projet de loi sont des
ajustements de concordance avec certaines mesures fiscales
fédérales annoncées dans le budget. Il aurait
peut-être été intéressant qu'un des
députés de l'Opposition puisse expliquer aux citoyens dans quelle
mesure les annonces fédérales avaient changé des choses et
de quelle manière il fallait que le gouvernement du Québec
s'harmonise avec ces changements. (11 h 20)
M. Blank: Faites-le!
M. Gauthier: Le député de Saint-Louis me dit de le
faire. Mais, certainement, je vais le faire! Certainement, je vais expliquer
aux citoyens du Québec un aspect du projet de loi 69 qui apporte des
modifications, celui concernant le régime d'épargne-actions.
Malheureusement, dans le temps qui m'est imparti, je ne pourrai pas faire le
tour du projet de loi; c'est dommage, j'aurais cru que mes collègues
d'en face en auraient fait un peu plus.
Nous devrons revenir un peu en arrière pour expliquer aux gens
que le ministre des Finances du Québec, mettant sur pieds, lors d'un
récent budget, le régime d'éparge-actions, voulait
permettre à l'ensemble des citoyens du Québec d'atteindre trois
objectifs principaux.
D'abord, à ceux dont les revenus sont particulièrement
élevés et dont on dit qu'ils paient trop d'impôt de
façon générale, on voulait permettre, par une mesure qui
pourrait être excellente, stimulante pour l'économie du
Québec, de réduire quelque peu l'impôt à payer en
investissant. Voilà un premier objectif du régime
d'épargne-actions.
Un deuxième était de permettre aux sociétés
d'accroître leur capital permanent. Quand on parle de
développement économique, l'essentiel, la base de ce qu'il faut
faire, c'est de permettre aux entreprises de bénéficier d'un
capital permanent qui leur permette de se développer et de soutenir une
croissance qui est parfois difficile lorsque l'on manque d'argent.
Le troisième objectif, et non le moindre, était
d'accroître l'intérêt des Québécois et des
Québécoises, des petits épargnants, pour le marché
des valeurs mobilières en les incitant à devenir
propriétaires de leurs entreprises. Voilà un troisième
objectif poursuivi par le ministre des Finances.
Il s'est produit un certain nombre de choses depuis ce temps. Il y a eu,
bien sûr, des entreprises qui ont scruté les mesures
extraordinaires annoncées par le ministre des Finances, mesures qui ont
d'ailleurs favorisé dans une très grande mesure l'implication des
Québécoises et des Québécois, petits
épargnants, dans l'achat d'actions et, selon l'objectif du ministre des
Finances, dans l'acquisition d'entreprises. Le système financier
étant, j'oserais dire, fort complexe, il existait, bien sûr,
différents types d'actions et voilà que certains hommes
d'affaires, dans la perspective de ne pas
perdre le contrôle de l'entreprise qu'ils dirigent et voulant
bénéficier de l'apport de capitaux permanents que permet le
régime d'épargne-actions, voulant garder une espèce de
contrôle des décisions sur leur entreprise - dans certains cas,
c'était peut-être louable - ont commencé à
distinguer, de façon assez importante dans certains cas, les
différents types d'actions offertes en vente. Plusieurs exemples ont
été remarqués et il fallait apporter un correctif à
cette situation, il fallait apporter certaines précisions par la loi
69.
Par exemple, certaines personnes favorables à ce système
à actions différenciées disaient qu'il était
impossible de financer une PME autrement qu'à l'aide du régime
d'épargne-actions. Si le ministre des Finances empêchait de rendre
admissible l'achat d'actions sans droit de vote, par exemple, ou d'actions avec
droit de vote très limité dans certaines circonstances, les gens
qui voulaient qu'on soutienne le système disaient qu'il était
impossible pour les entreprises de se financer autrement que par le
régime d'épargne-actions. On veut bien croire que cela a
été la mesure du siècle dans le monde financier au Canada,
mais, tout de même, il existe d'autres endroits au Canada où les
entreprises se financent sans cela et réussissent à tenir le
coup. Ce n'était donc pas un argument majeur de dire: Si vous excluez du
régime d'épargne-actions les entreprises qui offrent au public
des actions sans droit de vote, ou a droit de vote extrêmement
limité, vous allez les empêcher de se financer, donc de se
développer. C'est vrai que c'est un régime formidable. C'est vrai
que c'est un outil puissant pour les entreprises du Québec qui veulent
en profiter. Mais ce n'est pas le seul moyen pour ces entreprises de trouver
des ressources financières.
La deuxième raison qu'on apporte, c'est que les fondateurs des
entreprises risquent de perdre le contrôle s'ils ouvrent des
émissions d'actions importantes, et qu'il est possible qu'ils perdent le
contrôle de leur entreprise. Je pense qu'il est nécessaire pour un
propriétaire d'entreprise qui détient le contrôle de son
entreprise de garder en quelque sorte les rênes de cette compagnie. Mais
imaginez le sort qui est fait à ceux ou celles, petits
épargnants, qui veulent concourir à l'objectif du ministre des
Finances de les rendre propriétaires, les constituer partie prenante
à la gestion des entreprises. Que le propriétaire puisse
bénéficier du capital apporté par ces investisseurs sans
partager d'aucune façon ou à peu près pas son pouvoir,
c'est assez anormal. Il nous semble qu'il faille, non pas seulement faire
profiter les épargnants des avantages fiscaux, mais aussi leur permettre
de profiter de ces investissements, non seulement dans le sens du rendement de
l'investissement, mais leur donner la capacité de prendre des
décisions dans l'entreprise. On veut garder au petit épargnant
qui se fera attirer par les avantages fiscaux du régime la
possibilité de contrôler d'une certaine façon l'entreprise
dans laquelle il investit ses économies. Cela me semble tout à
fait normal et c'est une protection qu'il m'apparaît essentiel de
conserver.
Il y a eu certains abus flagrants du régime. Il y a eu des
entreprises qui, voulant profiter du régime d'épargne-actions,
voulant profiter du système, ont inventé une façon de
faire quelque peu critiquable. C'est pour cela qu'aujourd'hui, le projet de loi
69 apporte des corrections ou des précisions devenues
nécessaires. À titre d'exemple, l'ultime trouvaille: une
entreprise dont les propriétaires du capital ont créé et
acheté 5 000 000 d'actions privilégiées à 0,01 $
comportant chacune un droit de vote. Pour 50 000 $, les propriétaires
actionnaires de base d'une entreprise avaient le contrôle total et
complet de l'entreprise, alors qu'ils offraient sur le marché, sur une
base de 6 $ l'action, des actions différenciées comportant un
droit de vote seulement. C'était là une façon fort
intelligente pour des hommes d'affaires voulant garder le contrôle de
l'entreprise, mais fort peu équitable et fort peu compatible avec les
objectifs du régime d'épargne-actions que de prendre le
contrôle de l'entreprise pour 50 000 $ et de mettre en vente des actions
qui coûtent 6 $ l'action, comportant un droit de vote moins important
qu'une action de 0,01 $.
Il était facile de voir que de ne pas apporter les
précisions requises, aurait été, de la part du ministre
des Finances, et du ministre du Revenu qui parraine le projet de loi, un geste
reprehensible, parce que l'un des objectifs du régime
d'épargne-actions qui est de permettre aux Québécoises et
aux Québécois, petits épargnants, de prendre le
contrôle, de s'initier à la propriété des
entreprises, de jouir de leur participation dans ces entreprises et non pas de
confier tout bêtement leur capital sans aucun droit de regard, n'aurait
pas été atteint. (11 h 30)
Lorsque le ministre des Finances a fait sa déclaration
ministérielle le 3 mai 1984 concernant cet aspect particulier du
régime d'épargne-actions, il disait qu'il avait dû
considérer, d'une part, les arguments en faveur - parce que le
système s'explique lorsqu'on l'utilise correctement - de l'admission au
régime d'épargne-actions d'un certain nombre d'actions à
droit de vote limité. Il avait considéré les arguments des
uns, le système qui existe et qui n'est pas nécessairement
mauvais en soi puisqu'il répond à des nécessités,
à des obligations du monde financier.
D'autre part, il avait dû considérer les objectifs du
régime qu'il avait mis en place,
ces objectifs étant de permettre aux Québécoises et
aux Québécois de devenir des investisseurs et de profiter, d'une
certaine façon, de la propriété des entreprises, de les
intéresser à la gestion de ces entreprises. Il avait dû
considérer également les points de vue de ces gens afin, par la
suite, d'évaluer, comme c'est son rôle de ministre des Finances,
l'importance des arguments des uns et l'importance des arguments des autres
pour finir par préciser que les actions ordinaires ou
privilégiées convertibles en actions ordinaires, émises
par les corporations en voie de développement, seront admissibles selon
certaines données. Mais, pour les actions ordinaires avec plein droit de
vote, c'est-à-dire des actions comportant un nombre de droits de vote en
toute circonstance, indépendamment du nombre d'actions
possédées, qui ne doit pas être inférieur à
celui des actions de toute autre catégorie, le ministre des Finances a
choisi d'accorder, de rendre admissibles au régime
d'épargne-actions les actions comportant un droit de vote normal, non
pas un droit de vote réduit, un droit de vote qui empêche le
citoyen de profiter pleinement, de gérer pleinement l'entreprise dans
laquelle il investit son argent. C'est là un aspect du projet de loi 69
que je tenais à couvrir et qui comporte, je pense, pour chacun des
citoyennes et citoyens une espèce de protection.
À tous ceux qui ne seraient pas satisfaits d'une telle
orientation prise par le ministre des Finances et le ministre du Revenu dans le
projet de loi 69, il reste toujours les mécanismes traditionnels de
financement qui existent ailleurs dans les autres provinces au Canada, qui
existaient au Québec avant que le ministre des Finances n'implante ce
régime d'épargne-actions. Tous ceux et celles qui veulent
profiter du régime d'épargne-actions sauront dorénavant
qu'ils sont protégés. Toutes les entreprises qui voudront, par le
programme d'épargne-actions, avoir cet apport de capital
nécessaire au développement de leurs affaires et au soutien de
leur croissance pourront en profiter, sachant cependant qu'elles devront
consentir à ceux et à celles qui investissent dans l'entreprise
une part du pouvoir, un droit de vote équivalent à ce
qu'elles-mêmes possèdent.
M. le Président, c'est un projet de loi qui, pour un de ses
aspects, est éminemment important pour les citoyens du Québec qui
nous écoutent. C'est vrai que c'est technique, c'est vrai que la lecture
article par article de ce projet de loi n'est guère inspirante pour
autre chose que des fiscalistes experts ou des avocats
spécialisés dans le domaine. Je pense que tout parlementaire qui
se donne la peine de gratter un des aspects de ce projet de loi peut
présenter à ses concitoyens, de façon vulgarisée,
les intentions gouvernementales qui sont derrière ce projet de loi.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre des
Affaires municipales.
M. Alain Marcoux
M. Marcoux: M. le Président, si j'interviens sur ce projet
de loi, mes premiers mots seront pour dire mon accord avec le
député de Saint-Louis une fois de plus sur certaines de ses
remarques. Ce que nous allons adopter aujourd'hui comme loi fait écho
à un projet de budget fédéral -écoutez bien la date
- déposé en novembre 1981. Nous sommes en juin 1984, presque
trois ans. C'est dire que le monde des comptables, le monde des entreprises, le
monde de ceux qui ont à vivre les conséquences des lois fiscales
a été en attente durant trois ans de l'adoption d'une loi
définitive qui clarifie l'ensemble des lois fiscales du Québec en
harmonisation avec celles du gouvernement fédéral. Si je souligne
ce si long délai, presque trois ans avant cette harmonisation, il faut
bien rappeler les événements. Le ministre des Finances, M.
McEachen, il y a trois ans, a déposé un projet de budget
fédéral qui a soulevé tellement de hauts cris dans
l'ensemble du milieu des affaires, du milieu commercial, du milieu financier,
qu'il a été obligé complètement de "tabletter" son
projet de changement.
Déjà en février ou mars 1982, quelques mois
après, M. McEachen, encore ministre des Finances, annonçait de
multiples changements et de multiples comités d'étude sur
plusieurs aspects contestés. Peu après, survenait la nomination
d'un nouveau ministre des Finances, M. Lalonde, qui, en juin 1982
annonçait lui-même d'autres changements à la suite des
changements annoncés par M. McEachen. À la suite de consultations
durant l'été et à l'automne 1982, M. Lalonde, le nouveau
ministre des Finances, annonçait encore là des choses
définitives, mais d'autres projets d'étude sur des choses qui
avaient été annoncées en novembre 1981. En somme,
l'adoption... Quand on parle d'harmonie avec le fédéral...
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je pense que vous pouvez y
aller pour cinq minutes.
M. Marcoux: Ce que je voudrais dire, c'est que si on n'a jamais
vu un tel cafouillis dans l'adoption d'un budget du gouvernement
fédéral annoncé en 1981, amendé à de
multiples reprises à la suite de la création de comités
d'étude, à des avis d'experts du milieu financier, du milieu
commercial, du milieu des affaires, on en a eu un bel exemple depuis trois ans.
C'est ce qui explique que c'est seulement aujourd'hui
que nous avons étudié ce projet de loi visant à
harmoniser les lois fiscales du Québec avec les lois fiscales du
gouvernement fédéral qui ont été adoptées
l'an dernier, mais annoncées très longtemps auparavant.
Évidemment, ceci a certainement causé certaines
difficultés au milieu de la comptabilité, au milieu des affaires,
mais des difficultés relatives, dans le sens que le ministre des
Finances, procédant très rapidement, contrairement a son
vis-à-vis fédéral, avait déjà indiqué
la volonté du gouvernement du Québec de s'harmoniser avec
l'essentiel, presque l'ensemble du projet de budget ou du projet de loi fiscal
du gouvernement fédéral.
Le problème, c'est qu'on ne pouvait pas s'harmoniser d'une
façon définitive parce qu'on ne savait pas quel changement
viendrait. Or, le gouvernement fédéral a annoncé à
trois reprises des changements majeurs. Même que, la dernière
fois, après l'adoption du projet de loi, le lendemain de l'adoption du
projet de loi en 1983, le ministre fédéral des Finances
annonçait 68 amendements au projet de loi qui venait d'être
adopté. C'est pour dire qu'au niveau de la fiscalité au sein du
gouvernement fédéral, on a nagé en pleine confusion durant
les deux dernières années et demie. À partir du moment
où cette confusion existait, il fallait que le gouvernement
fédéral ait le temps de faire le ménage dans sa cour avant
que nous puissions adopter une loi qui s'harmonise avec la dernière
version définitive du gouvernement fédéral. C'est ce qui
explique ce délai de trois ans ou presque avant que cette loi soit
présentée à l'Assemblée nationale.
Je suis convaincu qu'elle sera adoptée d'ici la fin de nos
travaux, d'ici la fin de cette session, parce que le milieu financier, le
milieu de la comptabilité en général, a hâte de
savoir de façon définitive, parce qu'il y a toujours des
détails importants souvent pour le travail des milieux financiers, des
milieux de la comptabilité dans l'application des lois fiscales. En ce
sens, je suis convaincu que l'Opposition va concourir avec l'ensemble de mes
collègues à l'adoption rapide de cette loi. C'est pourquoi mon
discours sera très bref pour souhaiter que cette Assemblée
nationale adopte en deuxième lecture dès aujourd'hui ce projet de
loi. (11 h 40)
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Vaudreuil-Soulanges.
M. Daniel Johnson
M. Johnson (Vaudreuil-Soulanges): Merci, M. le Président.
Au niveau du débat de l'adoption de principe d'un projet de loi comme
celui-ci, qui modifie la Loi sur les impôts et la Loi concernant
l'application de la Loi sur les impôts, il faut retenir la
complexité grandissante que les citoyens, contribuables et les
entreprises ont devant eux à chaque modification de la Loi sur les
impôts, à chaque discours sur le budget, à chaque
déclaration ministérielle pour ajuster le tir. Je ne parle que du
Québec parce qu'il se produit exactement la même chose mais en
pire - cela a été illustré à certains égards
par le député de Rimouski - la tâche a été
cafouilleuse et compliquée au fédéral depuis trois ans. On
voit ainsi des victimes extrêmement concrètes qui sont les
citoyens, les entreprises, qui ne peuvent plus planifier. Qu'il s'agisse
d'investissements, qu'il s'agisse d'un programme pour ajuster la structure
corporative, qu'il s'agisse d'achat d'entreprise, qu'il s'agisse de
transmission de l'entreprise à d'autres actionnaires, quand on veut
élargir l'actionnariat, etc., les gens ont devant eux des projets de loi
comme celui-ci - plus de 150 pages - qui nous arrivent à ce moment-ci,
c'est presque inévitable.
Le ministre nous dit qu'il a fallu trois ans au fédéral
pour se faire une idée; ici même, au cours de l'évolution
que le ministère du Revenu doit suivre afin de s'ajuster sur le
ministère fédéral, on n'a pas pu bouger avant l'adoption
du projet de loi C-139 en mars 1983, il y a déjà quinze mois. Il
est évident que si le projet final a été adopté en
mars 1983, la session se terminant un peu avant la fête nationale, cela
ne donnait pas le temps d'arriver avec un tel projet de loi. L'automne dernier,
le gouvernement a été pris avec autre chose; il y a eu des
ajustements additionnels, notamment au chapitre du régime
d'épargne-actions dont le député de Roberval nous a
entretenu. J'y reviendrai.
D'une présentation à l'autre, d'un examen à
l'autre, d'une déclaration ministérielle à l'autre, la loi
de l'impôt qui devrait n'avoir qu'une seule caractéristique,
c'est-à-dire la clarté pour les entreprises et les contribuables,
nage dans la plus parfaite confusion. Il y a des professionnels qui gagnent
très bien leur vie à essayer d'interpréter les raisons
pour lesquelles les virgules ou les points-virgules sont à un endroit ou
à un autre dans les lois de l'impôt. On voit jusqu'à quel
niveau - je ne dirais pas de ridicule car la loi de l'impôt n'est quand
même pas ridicule - de complexité absurde les lois de
l'impôt en sont venues. Cela retarde essentiellement le
développement économique, comme je l'ai expliqué, des
entreprises; c'est la même chose pour un individu qui essaie de
planifier, dans la mesure où cela l'intéresse, le genre
d'investissements qu'il veut faire. À titre d'exemple, s'il s'agit d'un
courtier d'assurances ou de gens qui ont besoin de leur voiture pour voyager
à l'occasion de leur travail, ils doivent toujours se demander comment
la loi de l'impôt traitera les dépenses de voiture. On en arrive
à la
situation où, au fédéral, ce n'est pas la
même chose qu'à Québec.
Il y a une complexité grandissante qui doit faire l'objet d'une
recherche obsessive de simplifier notre système fiscal de la part des
ministères responsables de tout cela. Simplifier est une tâche;
l'autre tâche est de refléter au moins la réalité et
de s'assurer que les politiques gouvernementales sont conformes à la
réalité qu'attendent le monde des affaires et les citoyens qui
sont des contribuables. Je donne comme exemple de la difficulté à
laquelle les contribuables ont eu à faire face le cafouillage - pas du
gouvernement fédéral - du ministre des Finances avec son
régime d'épargne-actions depuis plus d'un an. Le
député de Roberval nous a expliqué qu'il fallait rendre le
régime d'épargne-actions conforme aux attentes des contribuables,
conforme à la politique du gouvernement, qu'il y avait des abus
invraisemblables qui s'étaient manifestés dans le marché
financier à l'occasion de l'adoption du régime
d'épargne-actions depuis son adoption originale. Pourquoi parle-t-on du
régime d'épargne-actions dans le projet de loi 69 qui est devant
nous? C'est très clair. C'est dans les notes explicatives: "Le projet de
loi apporte certaines modifications de nature technique ayant pour but de
préciser ou de corriger certaines dispositions actuelles de la Loi sur.
les impôts qui n'étaient pas tout à fait conformes aux
énoncés de politique fiscale ayant servi de base à leur
introduction, notamment en ce qui concerne le régime
d'épargne-actions."
Qu'est-ce que cela veut dire, de façon claire? Cela veut dire que
le ministre des Finances s'est levé ici en Chambre et a dit: Le
régime d'épargne-actions va être modifié de telle
façon. Ensuite, on a eu une loi, la loi 44, qui a été
approuvée par le ministre des Finances, rédigée, oui, par
les légistes ou les spécialistes du ministère du Revenu.
C'est ainsi que cela se passe. On a éclairci cela en commission
parlementaire et ensuite, cela retourne au ministre des Finances à qui
on demande: Êtes-vous d'accord? Là, vous vous êtes
levé en Chambre et avez dit: Le régime d'épargne-actions
devrait être de telle façon. Le ministère du Revenu,
fidèle à son mandat, a rédigé les amendements
à la Loi de l'impôt. Il est retourné chez le ministre des
Finances et lui a dit: C'est bien ce que vous vouliez? Le ministre des Finances
lui a répondu: Certainement C'est ce que je vous ai demandé.
C'est ce que j'ai dit dans mon discours sur le budget et dans mes
déclarations ministérielles. C'est correct. On arrive ici en
Chambre, fort de l'approbation de tout ce beau monde, comme quoi des
dispositions extrêmement techniques que seuls des professionnels avertis
qui font cela tous les jours et qui gagnent leur vie à faire cela
peuvent comprendre. On adopte ce projet de loi, le projet de loi 44, pour
s'apercevoir qu'il y avait des trous qui ont permis à des gens de se
comporter d'une façon parfaitement conforme à la loi, mais qui
était, selon ce qu'a prétendu le député de
Roberval, une façon abusive de se servir du régime
d'épargne-actions. On a donné, en vertu de la loi qui existait
à la suite des déclarations du ministre des Finances, des
façons de faire les choses ou des droits à des gens qui se sont
prévalus de ces droits. Là, on a beau jeu de venir ici et de
dire: Ces gens-là ont abusé de notre confiance. Ils ont fait ceci
et ils ont fait cela.
La réalité des choses, c'est que dans le monde de
l'entreprise, si la loi qui doit être interprétée
très étroitement et restrictivement quand il s'agit d'une Loi sur
les impôts, si elle permet de faire certaines choses, d'une part, y
compris de s'assurer que les promoteurs et les propriétaires d'une
entreprise en conservent le contrôle tout en élargissant la base
de capital en faisant appel à l'épargne des gens qui veulent
acheter des actions, si cela se passe, si cela est conforme à la loi, ce
qui est important, c'est que dans chaque cas, conformément à ce
que la Commission des valeurs mobilières demande, conformément
à ce que la Bourse de Montréal demande, la divulgation totale et
entière de la situation qui se présentait a été
faite. Les gens qui achètent des actions à 6 $, alors que
d'autres gens ont payé 0,01 $ et ont le même droit de vote, ils le
savent, quand ils achètent une action. C'est la divulgation. C'est la
vérité. C'est ce qui est important quand on regarde ce qui se
passe sur le marché financier.
On ne peut pas accuser les gens de s'être prévalus des
dispositions de la loi. Si la loi a été mal faite à cause
du ministre des Finances ou pour d'autres raisons, ce n'est pas une raison pour
se tourner de bord aujourd'hui et commencer à accuser tout le monde. La
réalité des choses, c'est que les raisons pour lesquelles le
régime d'épargne-actions a été adopté -
c'est le ministre des Finances qui a dit cela - c'est pour retenir les
sièges sociaux pour s'assurer que les gens qui paient trop
d'impôts au Québec - et c'est vrai - trouvent un moyen de
réduire leurs impôts et que les entreprises puissent avoir plus
facilement accès à du financement public.
Aujourd'hui, on nous arrive avec une quatrième raison dont on n'a
jamais entendu parler pour permettre aux Québécois et aux
Québécoises d'avoir des actions dans des compagnies et de
s'assurer, s'ils prennent des actions, qu'il n'y aura personne d'autre qui va
les contrôler et que les promoteurs n'auront pas une meilleure situation.
Les promoteurs et les propriétaires ont fondé cette entreprise.
Ils veulent la faire grandir. Les gens veulent s'associer aux efforts de ces
gens-là. Ce qui est divulgué, c'est qu'il y a des gens qui ont
plus de droits de vote
que d'autres. On y va les yeux ouverts. C'est écrit noir sur
blanc. La Commission des valeurs mobilières protège les gens qui
investissent dans des actions.
Qu'on ne vienne pas nous dire aujourd'hui que les entreprises
québécoises sont constituées de gens qui commettent des
abus de confiance et des exagérations en se servant de la loi. La loi
était mal faite. C'est clair. Ce n'est pas l'Opposition qui a fait la
loi. C'est le ministre des Finances qui a déclaré quelque chose.
Il a fait une demande à des légistes qui ont tenté, au
meilleur de leur connaissance, de traduire dans la loi ce que le ministre des
Finances voulait. Ils lui ont retourné le projet de loi et le ministre
des Finances a dit: C'est parfait. C'était loin d'être parfait.
C'est pour cette raison qu'on revient ici aujourd'hui et que le régime
d'épargne-actions appelle des modifications. Donc, simplicité,
d'une part. Donc, c'est une question de principe. Il faut vraiment essayer de
retrouver la simplicité et la clarté dans nos lois sur
l'impôt. (11 h 50)
Deuxièmement, le régime d'épargne-actions,
notamment, est encore une illustration de la façon un petit peu rapide,
un petit peu amateur avec laquelle le ministre des Finances veut intervenir
dans le marché financier. Ce sont autant de choses qui devront
être corrigées. Le problème de la simplicité ne me
semble pas réglé par la loi 69. Le régime
d'épargne-actions qui appelait des précisions va connaître
ces précisions. On peut simplement souhaiter qu'on adopte cette loi le
plus rapidement possible, parce que quinze mois et demi, c'est pas mal
long.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre du Revenu,
votre droit de réplique.
M. Robert Dean (réplique)
M. Dean: M. le Président, nous terminons le débat
sur le principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts
et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts.
J'ai insisté dans mes remarques, et le député de
Saint-Louis, à juste titre, l'a confirmé dans les siennes, sur le
fait que cette loi fiscale, qui veut harmoniser nos lois fiscales
québécoises aux lois fiscales fédérales
amendées à la suite d'une série de discours du ministre
des Finances du Canada, est complexe. Les deux parties sont d'accord
là-dessus. Toutes les lois fiscales, malheureusement ou heureusement,
sont complexes parce que ces lois doivent répondre aux problèmes
sans cesse plus nombreux tant des citoyens et citoyennes que des entreprises.
Lorsqu'il s'agit d'harmoniser deux lois fiscales complexes, je soutiens
respectueusement que cela peut difficilement être une opération
simple.
Les lois de concordance fiscale entre les lois québécoises
et les lois fédérales font partie de notre vie législative
dans notre régime fédéral depuis toujours, quel que soit
le parti ou le gouvernement au pouvoir. Pour bien s'encourager, si on
n'harmonisait pas les lois fiscales du Québec pour tenir compte des
modifications aux lois fiscales d'Ottawa, cela deviendrait véritablement
une jungle fiscale encore plus compliquée que chaque loi fiscale prise
séparément. De toute façon, que les citoyens et citoyennes
qui nous écoutent se rassurent. Lors de l'étude
détaillée des 250 articles de ce projet de loi, les
législateurs des deux côtés de la Chambre seront
accompagnés et conseillés par des experts fiscalistes qui,
d'ailleurs, ont déjà étudié en détail, de
part et d'autre des deux formations politiques en cette Chambre, les
stipulations de ce projet de loi. En passant, je ne peux que me permettre la
réflexion suivante: Ne serait-il pas beaucoup plus facile si on n'avait
qu'un système fiscal au Québec, contrôlé,
proclamé et légiféré par le gouvernement du
Québec, quel qu'il soit, pour les hommes, femmes et entreprises du
Québec et selon les seules priorités du Québec?
Dans son intervention, le député de Saint-Louis a aussi
souligné, toujours à juste titre, le fait que dans le
présent projet de loi, en certains de ses articles, il y a des dates
antérieures au discours sur le budget du ministre des Finances d'Ottawa
ou des dates qu'il a prévues pour l'entrée en vigueur de ses
lois. On revient à la date des changements apportés par le
gouvernement fédéral rétroactivement avec notre loi
d'harmonisation; cela fait partie de nos traditions, de nos habitudes. Comme
l'a souligné le député de Saint-Louis, si on revient, dans
certaines stipulations du projet de loi 69, à une date antérieure
à l'annonce par le ministre fédéral des Finances, de ses
propres amendements, c'est parce qu'il avait lui-même annoncé des
dates rétroactives dans sa déclaration ministérielle. Je
suis heureux de voir, par les signes de tête du député de
Saint-Louis, qu'il est d'accord avec moi, ce qui facilitera, j'en suis certain,
l'adoption éventuelle du présent projet de loi.
Avant de terminer, j'aimerais expliquer un peu plus en détail les
éléments de ce projet de loi qui touchent le régime
d'épargne-actions du Québec. Le régime
d'épargne-actions du Québec est en application depuis
l'année d'imposition 1979; c'est donc une innovation du présent
gouvernement et de son ministre des Finances. Contrairement à d'autres
régimes, comme les régimes enregistrés
d'épargne-retraite, qui ne permettent que de différer
l'impôt à une date ultérieure, le régime
d'épargne-actions
permet aux particuliers de réaliser de réelles
économies d'impôt.
Un contribuable particulier peut déduire de son revenu de 50%
à 150% de la valeur des actions qu'il a acquises selon le type de
corporation et l'année d'acquisition. Par l'établissement du
régime d'épargne-actions, le gouvernement du Québec visait
aussi à rendre disponible aux entreprises un capital susceptible de
favoriser leur développement. À ce chapitre, le REA répond
pleinement aux attentes puisque, en 1981, 33 530 particuliers ont investi 120
378 000 $ dans les entreprises québécoises.
Les chiffres pour 1982 montrent une très nette progression alors
que près de 43 596 particuliers ont acheté pour 170 309 000 $
d'actions dans les entreprises québécoises. Le REA répond
donc à l'objectif de la constitution de capital pour favoriser le
développement d'entreprises et, de ce fait, stimuler notre
économie et contribuer à la création d'emplois permanents
et productifs. L'engouement des citoyens et citoyennes du Québec pour le
régime d'épargne-actions n'a pas fini de se manifester et de
s'amplifier. En 1983, le nombre d'investisseurs, hommes et femmes du
Québec, a augmenté à 124 000; les comptes de placement
détenus au nom de ces différents investisseurs ont
augmenté à 140 000 par rapport à 65 000 en 1982 et le
montant total de placement des Québécois et des
Québécoises a atteint en 1983 le chiffre de 635 000 000 $, soit
entre trois fois ou quatre fois plus qu'en 1982.
Le troisième objectif du gouvernement était la
participation des citoyens du Québec à la gestion des entreprises
par l'exercice du privilège de votation que confère la
propriété des actions. À cet égard,
l'expérience de l'application du régime d'épargne-actions
a incité le ministre des Finances à apporter des correctifs
à la Loi sur l'impôt, correctifs contenus dans le présent
projet de loi. Ces modifications visent à favoriser l'achat par les
particuliers d'actions comportant des privilèges maximaux en
matière de droit de vote. Ainsi, le maximum de déductions
prévu au REA s'appliquera désormais aux actions avec plein droit
de vote. (12 heures)
Dans sa déclaration ministérielle du 3 mai 1984, le
ministre des Finances a déclaré, et je cite:
"Premièrement, les actions ordinaires, ou les actions
privilégiées convertibles en actions ordinaires émises par
des corporations en voie de développement, continueront à donner
droit à une déduction égale à 150% de leur
coût d'achat et, le cas échéant, à une subvention
pouvant atteindre 410 000 $ pour les aider à défrayer les
coûts d'entrée sur le marché, mais seulement à
l'égard des actions ordinaires à plein droit de vote,
c'est-à-dire aux actions comportant un nombre de droits de vote en toute
circonstance, indépendamment du nombre d'actions possédé
qui ne doit pas être inférieur à celui des actions de toute
autre catégorie."
Je continue: "Deuxièmement, les actions ordinaires émises
par des corporations qui ne sont pas des corporations en voie de
développement, ni des corporations dont l'actif excède 1 000 000
000 $, continueront à donner droit à une déduction
égale à 100% de leur coût d'achat, mais seulement à
l'égard des actions ordinaires à plein droit de vote.
"Troisièmement, les actions subalternes à droit de vote,
c'est-à-dire les autres types d'actions votantes, ou les actions
privilégiées convertibles en actions subalternes à droit
de vote selon le cas, qui seront émises par les corporations en voie de
développement, donneront droit dorénavant à leurs
détenteurs à une déduction égale à 100% de
leur coût d'achat alors que celles qui seront émises par des
corporations qui ne sont pas des corporations en voie de développement,
ni des corporations dont l'actif excède 1 000 000 000 $, donneront
droit, quant à elles, à une déduction égale
à 75% d'ici là."
Cette modification apportée par le projet de loi 69 au
régime d'épargne-actions du Québec répond aux
attentes des milieux intéressés. La Bourse, la Commission des
valeurs mobilières, les courtiers en valeurs et les entreprises
émettrices ont participé à la préparation de ces
amendements. Ces amendements favorisent la participation des particuliers
à la gestion des entreprises dans lesquelles ils investissent.
En terminant, j'espère - et j'en suis convaincu après
l'unanimité manifestée par mes collègues de l'autre
côté de la Chambre dans leurs interventions sur ce projet de loi -
que nous allons rapidement procéder à l'adoption du principe du
projet de loi 69, et passer, le plus rapidement possible, à son
étude détaillée par les législateurs des deux
côtés de la Chambre. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Dois-je comprendre que le
principe du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les impôts et la
Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts est
adopté?
M. Gratton: On ne peut rien vous cacher.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, je propose que ce projet de
loi soit envoyé à la commission de l'économie et du
travail qui procédera à son étude détaillée.
Je vous signale, à l'intérieur de cette proposition, que cette
commission sera présidée par un président de
séance.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
M. Gratton: Adopté.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Blouin: M. le Président, nous allons maintenant parler
d'aquaculture et de pêcheries commerciales. À cet égard, je
vous demande d'appeler l'article 22) de notre feuilleton, s'il vous
plaît.
Projet de loi 48 Reprise du débat sur
l'adoption
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est donc la reprise du
débat sur l'adoption du projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et
l'aquaculture commerciales et modifiant d'autres dispositions
législatives. La parole est au député de Rousseau, leader
adjoint de l'Opposition - du pouvoir, excusez-moi.
M. Blouin: M. le Président, je cède donc la parole
à M. le député de Nelligan.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Nelligan.
M. Clifford Lincoln
M. Lincoln: M. le Président, nous terminons un
débat sur la loi 48 qui a commencé en novembre, soit il y a sept
mois. Je vous suggère très respectueusement que si cette loi
avait eu, comme l'affirme si souvent le ministre, l'assentiment de toute la
population et du milieu des pêches, elle ne serait pas encore au
feuilleton, sept mois après avoir été
déposée en Chambre par le ministre. La raison pour laquelle ce
débat a été tellement long, tellement acrimonieux parfois,
a impliqué tellement de gens de notre côté du Parlement et
ensuite du côté ministériel aussi, c'est que cette loi
reflétait une situation de controverse dans le milieu. Le gens n'en sont
pas satisfaits. Ils posent beaucoup de questions. Nous n'avons que
reflété les pensées et les angoisses du milieu
même.
Je regrette beaucoup ne pas avoir été en Chambre jeudi
soir lorsque le ministre a fait son discours de troisième lecture
concernant ce projet de loi parce qu'il a dit des choses qui sont tout à
fait fausses. Par exemple, il a dit que notre parti ne s'intéressait pas
au milieu de la pêche, qu'au cours d'un débat sur la loi 48 en
troisième lecture, ni le chef de l'Opposition, ni le
député de Saguenay qui est maintenant porte-parole en
pêcheries, ni le député de Nelligan, n'avaient même
pris la peine de venir assister au débat. En fait, la raison en est
très simple. Lorsque la loi 48 a été appelée, il
n'y a eu aucun préavis. C'est le gouvernement qui donne les
préavis des projets de loi qui sont appelés. Le chef de
l'Opposition avait des fonctions à remplir qui étaient
établies depuis bien longtemps; le député de Saguenay
était à Rimouski pour rencontrer des gens du milieu; encore une
fois, c'était quelque chose qui avait été établi
depuis assez longtemps. Moi-même, j'avais eu à aller voir des gens
du commerce extérieur dans mon rôle de porte-parole du commerce
extérieur, des gens des États-Unis qui nous avaient donné
des rendez-vous.
Donc, que le ministre dise qu'on ne s'intéresse pas aux
pêches et surtout de le dire pendant que nous ne sommes pas là
pour pouvoir lui donner la réplique et qu'il fasse croire aux gens que
le Parti libéral n'est pas présent dans ce milieu quand, depuis
le dépôt de cette loi et depuis la dernière année et
plus, nous avons multiplié nos rencontres et nos visites dans le secteur
des pêches... Depuis qu'il a été nommé porte-parole
du secteur des pêches, mon collège a été à
plusieurs reprises dans la région des pêches. En l'espace de
quelques heures, je sais que le ministre a fait des jeux de mots en pensant que
cela allait faire rire la galerie des gens qui l'écoutaient, que le
Parti libéral a la tradition d'aller aux Îles-de-la-Madeleine
pendant la saison du homard.
En fait, la dernière fois que mon collègue et moi avons
été ensemble aux Iles-de-la-Madeleine, le temps était
infernal et la saison du homard n'était pas commencée. Ce dont je
me souviens très clairement, c'est d'avoir rencontré des gens qui
en avaient assez du ministre. Ils nous ont énuméré pendant
presque une demi-journée, les préoccupations tout à fait
profondes qui rejoignent celles des gens de la Basse-Côte-Nord et celles
des gens de la Gaspésie; ils disent tous la même chose: Il est
temps que ce ministre change, que les pêches soient données
à quelqu'un de plus flexible, de plus humain et qui sait écouter
et consulter.
Par exemple, le ministre a dit: Il était temps que le
porte-parole des pêcheries change parce que celui qui était
là n'était pas très crédible. Il a fait croire aux
gens de la Gaspésie que concernant la loi 48, j'avais dit aux gens de la
Gaspésie au cours d'une réunion qu'on allait délimiter des
petits fonds marins, qu'on allait donner à chacun son petit territoire
en mer, ce qui est faux.
Je vais me permettre de citer, par exemple, les paroles du ministre en
commission parlementaire lorsqu'il parlait de cette même question
lorsqu'il nous disait lui-même qu'il fallait faire exactement ce quise faisait en Corée. Je cite les paroles du ministre, M. Garon, en
commission parlemen-
taire parlant de la loi 48 quand je lui demandais exactement ce qu'il
allait faire au sujet de la répartition de ces fameux fonds marins qu'il
va occuper maintenant sur la loi 48. Je cite M. Garon: "je vais vous dire une
chose. Vous pouvez regarder cela ainsi, sauf que je suis allé voir les
pêches en Corée. On pêche en Corée 2 800 000 tonnes
de poisson. Il y a 600 000 tonnes d'élevage. Tout le territoire marin
est quadrillé et attribué exactement comme du sol ou de la terre
ferme." Ensuite, il me disait que c'est ce qu'on allait faire ici. On allait
appliquer le genre de formule adoptée par les Coréens. On allait
quadriller et on allait attribuer le territoire en le délimitant
exactement comme s'il s'agissait du territoire terrestre.
Maintenant, il me dit que j'ai inventé ces choses. Pourtant c'est
bien lui qui nous a dit cela. C'est bien lui qui a cité ces choses en
commission parlementaire pour nous faire croire que, précisément,
on diviserait les fonds marins en donnant cela aux pêcheurs et aux gens
à qui le ministre attribuerait des permis lui-même. (12 h 10)
Il faudrait retourner un petit peu en arrière et faire un petit
résumé de ce qu'est cette loi 48. Pour le gouvernement, la loi 48
vise à s'approprier les fonds marins dans un territoire qu'on ne
connaît pas encore et qui, selon ce que le ministre nous a laissé
entrevoir, pourrait s'étendre de la moitié de la baie des
Chaleurs et tout le golfe Saint-Laurent jusqu'à l'est de I'Île
d'Anticosti. Ces territoires marins jusqu'à présent, dans le
milieu des pêches, sont de juridiction fédérale. Ils sont
considérés comme des eaux internationales. Le ministre va dire:
Nous assumons les fonds marins et quiconque dépose des engins de
pêche, quiconque fixe des engins de pêche dans ces fonds marins,
à l'est de l'île d'Anticosti jusqu'au large des
Îles-de-la-Madeleine, jusqu'à la moitié de la baie des
Chaleurs, du côté québécois, sera soumis à un
double permis: un permis fédéral et un permis
québécois.
Dans le territoire qu'il nous laisse entrevoir, il n'y a rien, qu'on
sache, qui soit délimité par règlement. Le ministre, dans
la loi 48, se donne des pouvoirs extraordinaires, des pouvoirs tellement
exceptionnels que lui-même a reconnu qu'ils vont au-delà de tout
pouvoir qu'un ministre s'est déjà donné dans une loi. Il a
le droit de faire des permis, de défaire des permis, de délimiter
des concessions de fonds marins, de les retirer s'il le veut. Il a le pouvoir
de saisir, il a les pouvoirs d'expropriation et de confiscation. Il a des
pouvoirs presque sans limite dans la loi, des pouvoirs discrétionnaires
qui sont tellement exceptionnels que lui-même admettait que
c'étaient des pouvoirs tout à fait extraordinaires. De plus,
cette loi 48 prévoit une page entière de réglementation;
douze articles de réglementation dont nous ne savons pas un
traître mot. Nous n'avons aucune idée de ce que va être ce
règlement. Plusieurs fois nous avons demandé en Chambre de
déposer les brouillons de ces règlements pour qu'on puisse les
lire, pour qu'on puisse savoir dans quelle aventure nous avançons. Le
ministre a refusé. En fait, il nous disait que la raison pour laquelle
on ne pouvait pas déposer la réglementation, on ne pouvait pas
tenir une commission parlementaire que nous-mêmes et des centaines et des
centaines d'intervenants, des associations, quelque chose comme seize
associations demandions, parce que, c'était une affaire d'argent. Je
cite le ministre: M. le Président, le député de
Bonaventure, qui a une longue expérience, sait qu'on ne peut pas se
comporter vis-à-vis d'un projet de loi comme s'il avait
été adopté. Je ne peux pas, avec les fonctionnaires,
commencer à fonctionner vis-à-vis des projets de règlement
avec des consultations et dépenser de l'argent en vue d'un projet de loi
qui n'a pas encore été adopté à l'Assemblée
nationale.
Est-ce que c'est dépenser de l'argent inutilement que d'avoir une
commission parlementaire? Est-ce que c'est dépenser de l'argent
inutilement que de faire savoir aux contribuables, aux gens mêmes qui
sont touchés par ce projet de loi, ce que ça va faire et ce que
ça va dire à l'avance? Est-ce que c'est avoir
dépensé de l'argent inutilement que d'avoir eu les commissions
parlementaires sur la loi 57, sur la loi 40 et sur la loi 43 et les autres
lois? Est-ce que c'est dépenser de l'argent inutilement que de faire
venir des gens qui sont impliqués par ces projets de loi et de leur dire
exactement où nous nous en allons?
En fait, toute l'opposition qui s'est faite autour de ce projet de loi,
ce n'est pas une opposition du Parti libéral du Québec, c'est une
opposition qui a exprimé les voeux du milieu. Que le ministre se dise
qu'aucun projet de loi ne reste sur la tablette pendant sept mois si cette
volonté de s'opposer n'est pas appuyée par une majorité de
gens du milieu. Comment le ministre peut-il croire que nous serions
crédibles si on s'était opposé avec tellement de vigueur,
d'insistance à ce projet de loi pendant sept mois? Si, par exemple, tout
le milieu était contre nous, on aurait commis le suicide. Pourtant, on a
visité le milieu des pêches plusieurs fois depuis et chaque fois
nous avons réalisé qu'on répondait à une
anxiété, à une constatation profonde du milieu.
J'écoutais le ministre dans tous ses discours sur la loi 82 et
encore l'autre jour sur la loi 48 nous parler de l'industrie de la pêche,
du progrès immense qu'elle a connu grâce à lui. Il parle
toujours de l'usine la plus moderne au monde qu'il va lancer à Newport.
Il nous parle de ses nouveaux bateaux avec des douches. Il nous parle de la
qualité du produit maintenant. Grâce à lui,
la qualité a décuplé, la qualité sera
tellement meilleure, notre poisson va être encore une fois le meilleur au
monde. Il nous parle de ses nouveaux inspecteurs qu'il nous a donnés
avec les lois 49 et 36. L'autre jour, je l'entendais dire qu'on serait
bientôt les premiers dans l'industrie du sucre et qu'on aurait la
première usine du monde. J'ai vécu dans ce milieu du sucre, que
je connais. Le ministre nous parlait de la rafinerie la plus moderne, quand
dans les autres pays comme la France on ferme des raffineries, quand le
processus du sucre est en train de se transformer - j'en sais quelque chose
parce que j'ai de nombreux amis qui sont dans le domaine du sucre. Il fait rire
le monde. Avec lui, tout est toujours pour le mieux dans le meilleur des
mondes; il ne peut jamais admettre qu'on a parfois quelque chose qui n'est pas
aussi bon que les autres et qu'il faudrait l'améliorer. Mais non,
l'usine de Newport sera l'usine la plus moderne du monde, la raffinerie de
sucre sera la plus moderne du monde. On aura la meilleure qualité au
monde, on aura les bateaux les plus modernes au monde. Tout est plus moderne,
tout est mieux que partout ailleurs.
Pourtant, quelle est la réalité? La réalité
est celle d'une incohérence totale dans le milieu des pêches, une
incohérence totale des politiques au pied levé, des politiques au
jour le jour, des contradictions fréquentes et continues. Le ministre
nous dit qu'il faut que le milieu se prenne en main, il faut que le milieu
lui-même fasse sa propre autonomie, il faut que les coopératives
se prennent en main, il faut que le milieu décuple la qualité de
ce produit qu'est la pêche et vive vraiment de ce produit. Pendant ce
temps-là, le ministre faisait main basse sur ce qu'il y avait de valable
dans le projet; il contrôle tout. On n'a jamais eu autant de lois, de
réglementation. Lors de la petite expérience que j'ai eue dans le
domaine des pêches comme porte-parole temporaire de cette industrie pour
l'Opposition, j'ai vu la loi 30; j'ai vu la loi 23; j'ai vu la loi 49; j'ai vu
la loi 48 et c'est maintenant les lois 82 et 74. C'est une loi après
l'autre. Le ministre croit que le progrès veut dire produire des lois,
produire de la paperasserie, produire des règlements.
Lorsqu'on cherche une politique cohérente dans tout cela...
Comment tout cela se rattache-t-il? Quelle est la politique d'envergure? Tout
cela est fait au pied levé; on dépose une loi à toutes les
semaines et on dit qu'il y a de grands progrès. Si on dépose une
loi sur la qualité, il y a donc de la qualité; si on
dépose une loi sur la transformation, il y a donc de la transformation;
si on dépose une loi sur les fonds marins, ce sera donc le grand
progrès; cela décuplera la pêche. On va tout
contrôler.
Il se plaint régulièrement des Pêcheries
Cartier, de l'implication du gouvernement fédéral dans les
pêches. Que fait-il? Il fait exactement la même chose aux
Îles-de-la-Madeleine. Madelipêche est devenue une grosse affaire,
aussi grosse que les Pêcheries Cartier; il a investi des millions. Nous
avons demandé au ministre de nous fournir les chiffres des sommes
investies. Il nous répond que les chiffres ne sont pas encore
prêts; il faut recalculer. Je sais pourquoi les chiffres ne sont pas
encore prêts; parce qu'avec ces chiffres on va savoir combien de millions
le ministre a engloutis. Nous avons des chiffres détaillés -
selon tout ce qu'on a pu voir sans avoir les chiffres du ministre - qui nous
disent qu'il s'agit d'environ 26 000 000 $. Si ce n'est pas vrai, M. le
ministre, déposez vos chiffres; laissez-nous voir les chiffres. Pourquoi
avez-vous tellement peur de nous laisser voir les chiffres?
Il nous parle de ces fameux bateaux modernes où il y a deux
douches, où tous les gens sont tellement contents, où la
pêche est salubre. Je vais lui rappeler les crédits du
ministère où il a dit qu'il voulait dépenser 90 000 000 $
en cinq ans pour refaire l'industrie de la pêche. Lorsqu'on a
vérifié les chiffres, ils étaient de 17 000 000 $
dépensés. Le fameux plan quinquennal de 90 000 000 $, il n'y aura
pas le tiers de cette somme qui sera dépensé lorsque les cinq ans
seront terminés. Ce n'est que des grands mots, des grandes promesses,
des politiques de propagande.
Il nous parlait de l'usine la plus moderne du monde qu'il construisait
à Newport. Pendant ce temps, pendant qu'il construit une usine, la plus
moderne du monde, en y mettant 15 000 000 $ - et ce sera plus, connaissant
l'estimation tellement folichonne du ministre - il y a des gens sur la
Basse-Côte-Nord qui attendent toujours le bon vouloir du ministre pour
avoir une usine promise depuis 1980 à Natashquan, qu'il a promise
à Blanc-Sablon depuis 1981. On a des écrits de son
ministère, de l'adjoint parlementaire d'alors, Mme Denise Le
Blanc-Bantey, qui disait qu'en 1980 il y avait déjà des
crédits alloués pour l'usine de Natashquan. En 1984, ce n'est
même pas encore commencé. On en est toujours au stade des
discussions. (12 h 20)
Le ministre disait à Blanc-Sablon, en février 1981, qu'il
y avait déjà des plans. Aujourd'hui, on attend toujours. Il y a
quatorze communautés sur la Basse-Côte-Nord qui vivent seulement
de la salaison des produits de pêche et qui demandent le transfert de
quelques lopins de terre de la province pour pouvoir prendre avantage des 10
000 000 $ que le gouvernement fédéral donnera à ces
associations pour créer des usines modernes de salaison afin de
répondre aux exigences de la loi 36 du ministre, qui refuse ce
transfert. Ces gens viennent ici le voir et ils ne peuvent même pas le
voir. Il y
en a deux qui ont passé cinq jours à Québec
à dépenser, dans de petits hôtels, de l'argent qu'ils
n'avaient pas et qui m'ont dit: Nous gagnons 5000 $ à 6000 $ par
année et le ministre ne veut pas nous voir.
Pendant ce temps, il fait des folies en dépensant 15 000 000 $
à Newport quand il y a déjà une usine presque neuve sur
place. Il fait installer une usine juste à côté et il
laisse là des familles - 2000 familles sur la Basse-Côte-Nord -
qui vont bientôt mourir de faim parce qu'il ne veut rien faire
là-bas. Le ministre rit. C'est cela. Mais eux, ils ne rient pas, ces
gens-là. Je peux vous assurer qu'ils ne rient pas quand ils viennent
nous voir. Ils ne plaisantent pas du tout. C'est ce qui manque en vous. C'est
ce manque d'humanité. C'est ce manque de flexibilité. Vous croyez
avoir toutes les réponses, que tout doit être plus moderne et le
mieux du monde. Pendant ce temps, les gens là-bas subissent ce qu'il y a
de pire au monde et vous ne faites rien pour cela. Tout ce que vous faites,
c'est d'écrire des lettres qui disent: En 1980, on va faire une usine.
En 1981, on va faire une usine. En 1982, on va faire votre usine. En 1983, on
va faire votre usine. En 1984, on va faire votre usine. En 1985, on fera votre
usine. Et tant que vous serez au pouvoir - et heureusement, ce ne sera pas pour
longtemps - vous ferez toujours des usines, des châteaux en Espagne.
Vous avez adopté la loi 49, l'autre jour. Les gens des
Îles-de-la-Madeleine - on ne l'a pas inventé - nous disent
même: Avant, il y avait des pêcheurs côtiers qui ramenaient
leurs prises. Maintenant, vos inspecteurs de la loi de la qualité sont
tellement rigides qu'ils ne veulent pas accepter le moindre homard, par
exemple, qui a une pince cassée... Tout cela allait en conserves avant.
Cela ne peut plus aller en conserves. Vous dites: Oui. Mais ce sont des gens
qui m'ont dit cela.
Une voix: Ce n'est pas vrai.
M. Lincoln: Ce n'est pas vrai? Oui, c'est vrai, c'est très
vrai. Là, vous allez faire adopter la loi 82 sur la commercialisation
forcée. Comment dire? S'il y a sept personnes qui s'associent, on va
commercialiser; on va faire un office de commercialisation. Et si moi, dans ma
science infuse, si moi, tellement intelligent, tellement malin, qui connais
tout, je décide que d'autres personnes devraient se joindre à
cela dans l'intérêt public - un intérêt public que
vous décidez - à ce moment-là, on va imposer à
d'autres de se joindre à l'office de commercialisation. C'est cela, la
démocratie, sous le ministre des Pêcheries. C'est cela, la
cohérence de vos politiques.
Je vais vous donner des exemples, si vous n'êtes pas convaincu.
L'autre jour, vous nous donniez des chiffres sur le budget des pêcheries
de cette année - lors de l'étude des crédits des
pêcheries, qui fut une farce monumentale parce que vous avez
refusé de nous donner quelque chiffre que ce soit - et vous nous disiez:
Là, on a augmenté le budget des pêcheries. Maintenant, ce
sera 40 000 000 $. Je vais donner 16 000 000 $, un quart du budget de 45 000
000 $, je vais donner presque le quart du budget pour la transformation, la
rationalisation et la modernisation des usines, ce qui est un projet
très louable. Il y aura environ 70 usines impliquées. Mais vous
refusez de nous dire quelles seront ces usines et combien d'argent va
être impliqué dans chaque usine. Ah non! c'est confidentiel.
Pourquoi est-ce confidentiel? C'est l'argent des contribuables du Québec
que vous mettez là-dedans. C'est confidentiel pour vous, parce que vous
ne voulez pas nous le dire. Oui, vous ne voulez pas nous dire quels sont les
amis du régime qui auront de meilleures subventions que d'autres. Ah
oui! Voyons donc! Oui, c'est cela. S'il n'y a rien à cacher
là-dedans, donnez-nous la liste. C'est l'argent des contribuables du
Québec. C'est l'argent de leurs taxes. Ils dépensent 16 000 000
$. Ils ont envie de savoir pourquoi. Il n'y a aucune raison qui justifie cette
confidentialité et ces cachotteries. Madelipêche... L'autre jour,
je faisais l'étude des engagements financiers avec vous. Vous me parliez
là encore de votre grande planification à l'avance et je vous
disais: Bon! Qu'est-ce que vous allez faire avec 2 700 000 $? Là, nous
ne savons pas si nous allons consacrer cette somme à la modernisation de
l'usine en place à Cap-aux-Meules ou bien si on va faire une usine de
crabe à Havre-Aubert. On le saura plus tard au cours de l'année.
À ce moment-là, on va savoir où on dirigera l'argent.
C'est cela, la grande planification à l'avance que vous faites.
Là, je vais relater aux gens qui nous écoutent et qui ne
connaissent pas le secteur des pêches, un petit exemple pour montrer dans
quel royaume de folie on vit. Je veux parler de General Motors. Tout le monde
connaît cela. Les gens vont comprendre ce que c'est.
Dans la compagnie General Motors, il y a plusieurs divisions: il y a
celle de Chevrolet, celle de Pontiac, celle de Buick, etc. Demain matin, dans
une toute petite ville, où il y a déjà une usine de
Chevrolet, la division de Pontiac, sans en parler à Chevrolet, sans en
parler à General Motors, va venir installer une usine à 100 pieds
de l'usine de Chevrolet pour faire le même produit, dans le même
village. Pendant ce temps-là, quantité de villes auraient
été enchantées de recevoir l'usine de Pontiac;
quantité de villes auraient été enchantées de
recevoir une usine qui fabrique un autre produit. Or, là, il y a deux
usines qui vont fabriquer la même automobile, côte à
côte,
sans en avoir parlé à General Motors.
Si cela arrivait demain matin, on dirait d'abord au président de
la division de Pontiac qui a créé cette seconde usine sans en
avoir parlé à General Motors: "Out!" Si cela arrivait comme cela,
on dirait qu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Les communications ne
fonctionnent pas. C'est une affaire de fou. Comment peut-on avoir dans une
même petite ville deux usines qui fabriquent la même chose
côte à côte, quand il y en a déjà une qui
fonctionne tout à fait correctement? C'est ce qui arrive à
Newport.
Newport est une toute petite ville de la Gaspésie où il y
a déjà une usine qui est en train d'être modernisée
à des coûts de 500 000 $, 1 000 000 $. Apparemment, l'usine
fonctionne très bien. Elle est modernisée selon la loi du
ministre lui-même. Or, ce qui arrive, c'est qu'elle a été
modernisée avec des fonds fédéraux. Donc, c'est de
l'argent sale. C'est de l'argent empoisonné. Remarquez que c'est de
l'argent que les citoyens du Québec ont versé dans une proportion
de 25% par leurs taxes, mais c'est quand même de l'argent
empoisonné et il ne faut pas toucher à cette usine. Qu'est-ce
qu'on fait alors? On bâtit une usine neuve, la plus moderne du monde,
pour un montant de 15 000 000 $, à côté; elles sont
côte à côte. Nous allons avoir deux usines. Il y aura une
surproduction de ces deux usines, le double de la capacité que les
bateaux de pêche peuvent livrer. C'est ce qui arrive.
C'est General Motors qui construit deux usines dans le même
village: Pontiac et Chevrolet côte à côte. Cela n'aurait
aucun sens. Mais ici, au Québec, le ministre est très habile; il
a fait construire une autre usine là où il y en avait
déjà une. On est censé le féliciter. Il nous dit:
Mais comment? Les gens du milieu, les gens de Newport sont enchantés de
leur usine. Ils vont diriger leur usine. Mais pourquoi pas? Le chef de file
s'appelle M. Lorenzo Albert. C'est le chef de file, le grand nouvel ami du
ministre. Bien sûr, si j'étais M. Lorenzo Albert, j'aurais
été aussi un grand ami du ministre. J'aurais été
enchanté de mon usine. L'usine va coûter 15 000 000 $. De ces 15
000 000 $, combien M. Lorenzo Albert investira-t-il de sa poche?
Ah oui! Là, il faut savoir que l'implication du gouvernement du
Québec est de 88% du coût. Le gouvernement du Québec va
accorder une subvention directe de 50%. En fait, l'autre jour, lors de
l'étude des engagements financiers, le ministre a déjà
engagé un montant de 8 000 000 $ et plus dans l'usine de Newport. En
plus, le gouvernement du Québec va prendre une autre petite part: le
tiers de la mise. Donc, 88% de l'argent des contribuables du Québec va
être investi là-dedans. Alors, si mes chiffres sont exacts, si on
prend 15 000 000 $, le gouvernement du Québec investira lui-même
un montant de 13 000 000 $.
Pour ma part, si, demain matin, je démarrais une petite affaire
de 15 000 000 $ - ce n'est pas une petite affaire! C'est une "petite grosse"
affaire - et que quelqu'un venait me dire que le gouvernement du Québec
va m'appuyer pour un montant de 13 000 000 $ que je n'ai qu'à
récupérer pour ma part d'environ 2 000 000 $, j'en serais
enchanté. C'est ce qui est en train de se passer là-bas, à
Newport. Le ministre est en train de financer ces gens-là pour qu'ils
lui disent: Ah! M. le ministre, vous êtes fantastique! La loi 48 est
formidable!
Quand nous allons les visiter là-bas, on voit qui est le chef de
file qui amène des batteurs pour faire peur aux gens, qui amène
une trentaine de batteurs pour nous faire peur, pour crier, pour dire les
mêmes paroles que le ministre nous dit en Chambre et qui sont sans doute
écrites par les fonctionnaires du ministre: c'est M. Lorenzo Albert. Il
essaie de nous faire peur, mais il ne nous fait pas peur. Moi, je lui dis qu'il
ne nous fait pas peur.
M. Lorenzo Albert est le même monsieur qui, en 1982 - il n'y a
même pas deux ans de cela - disait au ministre, lui et son association de
hauturiers, qui sont maintenant les grands amis du ministre, les plus grands
"pals" du ministre: "Nous comprenons les tiraillements de M. Garon".
C'était en 1982. Depuis lors, ils ont changé d'idée.
Soudainement, ils ont changé d'idée à coups de petits
millions de dollars. Ils disaient: "Nous comprenons les tiraillements de M.
Garon dans son superministère: un budget de 400 000 000 $, dont 25 000
000 $ pour les pêches. On nous compare aux producteurs de carottes, de
pommes, de fraises et de sirop d'érable". C'était le même
M. Lorenzo Albert et son association qui vous le disaient, en 1982. Maintenant,
vous êtes le roi; vous êtes formidable, maintenant, à petits
coups de millions. (12 h 30)
Je me souviens du rapport de 1982, de février 1982 - ce n'est pas
trop loin, il n'y a que deux ans - où on lisait: "Le seul plan issu du
Québec, et qui a de fortes chances de réussir, consiste à
gérer la stagnation." C'est ce qu'il vous disait et c'est la même
chose que nous vous disons; seulement, c'était lui qui vous le disait,
à ce moment-là. Il vous disait aussi: "Donc, la gestion de notre
industrie est lamentable et le développement inexistant." La gestion de
notre industrie est lamentable et le développement inexistant!
Soudain, les hauturiers, sous le leadership de M. Albert, ont maintenant
découvert des qualités précieuses au ministre, des
qualités secrètes qu'ils n'avaient pas
trouvées avant, dans tous les rapports qui ont été
envoyés. Ils ont découvert que le ministre est un génie,
je les comprends. Une association peut venir voir les libéraux pour leur
dire: Le ministre est un type formidable! La loi 48 est merveilleuse! Je
comprends, quand on a 13 000 000 $ pour les amis pendant que les pauvres gens
de la Côte-Nord ne peuvent rien avoir et attendent une usine depuis cinq
ans, je comprends qu'ils soient très contents! C'est une bonne
façon d'avoir des amis, à petits coups de 13 000 000 $ et de 15
000 000 $ de l'argent des contribuables du Québec.
Je lisais, l'autre jour, une lettre adressée au chef de
l'Opposition: "Je suis un citoyen de Newport. J'aimerais bien qu'une question
soit posée à M. Garon: si c'est vraiment lui qui est le ministre
des Pêches ou si c'est M. Lorenzo Albert." Moi aussi, je me le demande
parfois. "Pour les gens de Newport et des environs, c'est bien M. Albert qui
prend toutes les décisions. Il dit: "Un pêcheur qui veut un bateau
neuf, c'est lui qui décide. Si tu as le malheur de pêcher pour les
Pêcheries Cartier, la subvention n'est que de 35% au lieu de 50% comme
pour les autres de n'importe quelle compagnie." Ce n'est pas moi qui le dis, M.
le ministre, c'est quelqu'un qui nous écrit pour nous dire que les gens
du milieu sont très anxieux. "Deuxièmement, leur usine
ultra-moderne. C'est lui qui décide des employés a engager, que
ce soit sur la construction ou pour travailler à la glace ou au poisson.
Les employés sont déjà tous choisis. Si tu es le
frère d'un pêcheur des Pêcheries Cartier ou un enfant, si tu
es sur la liste noire... Ils ont séparé leur terrain par une
clôture de cinq à six pieds." Etc.
M. le ministre, tout ce que vous avez fait là-bas, c'est semer la
discorde parmi les gens. Tout ce qu'ils cherchent, c'est à gagner leur
vie humblement, gagner leur vie de la façon la plus réaliste
possible. Tout ce qu'ils cherchent, c'est un job, tout ce qu'ils cherchent,
c'est une façon d'améliorer leur qualité de vie pendant
que vous, vous gaspillez des millions pour faire de la petite politique comme
vous le faites maintenant.
Cela ne vous gêne-t-il pas d'avoir fait des promesses comme vous
en avez faites aux gens de la Basse-Côte-Nord? Je vous les ai lues
l'autre jour, mais je vais les relire, au cas où vous n'auriez pas
écouté. Je vais relire les promesses que vous faisiez aux gens de
la Basse-Côte-Nord le 23 mai 1980 par le biais de votre adjointe
parlementaire, Mme Denise Le Blanc-Bantey: "Je vous confirme sans aucune
espèce d'équivoque -ce sont les promesses péquistes - que
le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation
construira cette année une usine à Natashquan afin de
répondre à l'augmentation des débarquements qu'a connus la
région de Natashquan au cours des trois dernières années."
Ils attendent toujours!
Je vous citais aussi, l'autre jour, des extraits de
procès-verbaux des réunions que vous avez tenues à la
Basse-Côte-Nord au sujet de Blanc-Sablon. C'était le 14
février 1981: "M. le ministre, quand pensez-vous commencer
l'installation de l'usine de séchage à Blanc-Sablon? Nous
travaillons maintenant sur le projet, il est au stade préliminaire. Je
pense qu'il sera commencé dans les prochains mois." Les prochains mois,
c'est encore en 1981, ce sont des mois qui ont duré bien longtemps, qui
ont duré des années. "M. Garon, quels projets avez-vous pour
Natashquan? Il y a un projet d'une usine de salaison qui devrait être
prêt à annoncer lors de ma prochaine visite, en mars 1981." C'est
le même projet que vous avez annoncé en 1981 et que, sans doute,
vous allez annoncer d'année en année. Pourtant, à Newport,
vous vous pétez les bretelles et vous nous parlez de votre usine la plus
moderne du monde. Les 15 000 000 $ que vous allez enfouir là auraient
permis la survie de tous ces gens de la Basse-Côte-Nord qui vont
bientôt crever de faim, sans salaire et sans gagne-pain. Cela aurait
permis de leur donner une usine de salaison, cela aurait permis de leur donner
une usine à Natashquan et une usine à Blanc-Sablon. Ils attendent
toujours la réalisation de promesses vieilles de quatre ans,
bientôt cinq ans. Ce n'est pas étonnant.
Là, je vous cite à nouveau la lettre de ce monsieur qui
nous écrivait et qu'il vous écrivait aussi. Je vais citer cette
lettre, il faut que les gens l'entendent; ce n'est pas moi qui l'ai
écrite. "Dans ce climat d'austérité que nous traversons,
vous nous demandez de vous respecter alors que, par votre politique, vous nous
confisquez pour 1 200 000 $ d'améliorations pour cette région
tout à fait défavorisée. Peut-être qu'en
complétant votre rapport d'impôt -cela s'adresse à vous -
vous penserez à comparer vos revenus aux nôtres et, de ce fait,
vous cesserez peut-être de promouvoir un idéal sans distinction,
même quand cela se fait sur le dos des plus démunis."
C'est ce qu'on vous a dit depuis longtemps, que toute cette affaire de
pêche est avant tout un problème humain. Lorsqu'on se croit
infaillible, on croit avoir la science infuse, on croit avoir toutes les
réponses, on croit prêcher ex cathedra... Même les papes
commencent à se demander s'ils sont toujours infaillibles. Mais vous,
vous êtes infaillible: vous avez toutes les réponses sur les
usines, les bateaux, la constitution, les associations de pêcheurs, la
commercialisation. C'est cela, le grand problème.
Je vais vous montrer quelque chose que vous allez peut-être aimer
regarder, parce
que vous y êtes photographié et que vous aimez voir votre
photo. Qu'est-ce qui est arrivé avec vous depuis les pêches?
Voilà le "Smiling Minister" avec son sceptre d'empereur des
pêches! Voilà le gouvernement du Québec, c'est lui! Le
gouvernement du Québec, c'est moi! Mais oui, vous faites toutes vos
volontés; vous gagnez toutes vos batailles. Voilà ce qui est
arrivé: tout l'argent que vous avez enfoui dans les pêches. Tout
ce qu'il y a en bleu, ce sont les subventions et les prêts, par
l'intermédiaire du MAPAQ, la SDI - 7,4% dans Madelipêche - SOQUIA,
la SDC, que le gouvernement du Québec possède maintenant à
100% et, possédait à ce moment-là, à 88%. Vous
pouvez voir tout le tableau qui montre qu'à partir de
Madelipêche... J'espère que les gens qui écoutent sauront
que, pendant qu'on fait de la gloriole et que les péquistes
applaudissent, les gens de Natashquan attendent leurs usines, les gens de
Blanc-Sablon attendent leur usine, les gens de quatorze villages attendent leur
usine. Ils n'ont pas de gagne-pain; ils gagnent 5000 $ ou 6000 $ annuellement.
Nous, ici, on gagne 42 000 $ à l'Assemblée nationale et le
ministre, dans Madelipêche seulement -selon nos chiffres qu'il conteste,
naturellement, mais il ne veut pas produire ses propres chiffres - a englouti
26 000 000 $. J'espère que ces gens sauront toutes ces choses pendant
qu'ils applaudissent.
Combien d'argent a été mis là-dedans? Vous
possédez tout ce qui existe en termes de chalutiers. Vous avez saisi
tout ce qu'il y a par l'intermédiaire de votre Société
québécoise des pêches, la Société des
pêches nordiques, la Société des pêches Newport.
Ensuite, vous venez nous dire que les gens de Newport sont indépendants
et autonomes. Comment voulez-vous qu'ils soient autonomes quand vous donnez des
subventions à Newport du type dont je parlais tout à l'heure -
50% de subventions. Vous prenez, par le biais de la Société des
pêches de Newport, 33 1/3% du capital-actions. Toutes ces
sociétés sont sous le contrôle total du ministre.
Quand j'étais jeune, je me souviens que j'aimais beaucoup
l'histoire et je lisais l'histoire napoléonienne. Napoléon
nommait tous ses grands maréchaux; ils avaient des titres ronflants et
avec raison, parce qu'eux les méritaient. Il y avait le duc d'Enghien,
le prince de la Moskova, le roi de Naples. Si on était à
l'ère napoléonienne, ce que vous auriez voulu être, c'est
le roi du boeuf, le prince de la patate, le duc du sucre, l'empereur des mers,
l'empereur tout court. Vous voulez tout accaparer. Vous ne serez pas content
tant que vous n'aurez pas mis le grappin sur tout ce qui existe.
Pendant ce temps, je vous pose des questions que beaucoup de petites
gens se posent. Par exemple, les gens se disent -oui, je sais, il nous reste du
temps; j'ai droit à une heure. Cela vous fait mal, mais j'ai droit
à une heure - M. le ministre, les gens se demandent: Quel est ce
ministre qui parle ex cathedra comme s'il était le pape des pêches
qui connaît toutes les réponses. Pourquoi n'a-t-il pas un peu plus
de souplesse? Pourquoi n'a-t-il pas un peu plus d'humanité? Pourquoi ne
nous consulte-t-il pas? Je lisais l'autre jour le discours que vous avez fait
dans lequel vous qualifiez de "pétitions bidons" les pétitions
que j'ai déposées en Chambre. Est-ce que vous avez le droit
d'insulter les gens qui ont signé en bonne et due forme, avec toute la
capacité qu'ils avaient d'être des gens honnêtes et
intègres? Avez-vous le droit de juger de leur intégrité,
d'appeler cela des pétitions bidons? Si c'était le cas - il y en
a 700, je vais les produire... Pourquoi je ne l'ai pas fait? Parce que vous
faites de l'intimidation. (12 h 40)
Une voix: Ha! Ha! Ha!
M. Lincoln: Ah! Ah! Ah! Mais c'est vrai. Je ne vous ai pas
produit cette pétition, mais, si réellement votre cause
était tellement mieux fondée que la nôtre, pourquoi
n'avez-vous pas réussi à produire des pétitions? Le
député de Gaspé, votre adjoint parlementaire, en a
même sollicité, par lettres, des appuis à votre loi et il
n'a reçu que trois ou quatre télégrammes de quelques
petites municipalités qui avaient peur, mais personne n'a signé
de pétition. Les 700 pétitions que nous avons eues, les 16
télégrammes d'appui sont venus de gens du milieu, des gens
honnêtes et intègres, des gens qui se respectent et des gens qui
vous disent: On a envie de se faire écouter. Tout ce que ces gens vous
demandaient, c'était une commission parlementaire.
M. Garon: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Je m'excuse, M. le
ministre. Question de règlement en vertu de quel...
M. Garon: En vertu de l'article 55, paragraphe 8. Je pense que le
député de Nelligan fait de la diffamation. On dit: "diffamer un
député ou proférer des injures à l'encontre de ce
dernier." Quand il dit que j'intimide le monde, vous savez que
l'intimidation...
M. Gratton: Tout à l'heure, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre, vous avez
un droit de réplique. Vous avez la chance de l'utiliser.
Deuxièmement, il est vrai qu'on n'a pas le droit d'imputer quelque motif
que ce soit à des
personnes, mais cela suffit comme question de règlement. Il n'est
pas nécessaire que vous en disiez davantage. Effectivement, je pense que
le règlement doit s'appliquer. M. le député de
Nelligan.
M. Lincoln: Ce qui fait mal fait mal. Voilà le ministre,
lui qui me dit que je dis des paroles insultantes à son égard.
L'autre jour, il y a quelqu'un qui a été nommé
lieutenant-gouverneur de la province de Québec. Je sais que, comme
indépendantiste, vous n'êtes pas d'accord avec cela. Moi aussi, je
me passerais très bien de la monarchie. Personnellement, cela ne me fait
rien d'une manière ou d'une autre, mais on vit dans un système
parlementaire où c'est comme cela. Il faut l'accepter.
Mais voilà ce que le ministre disait, en parlant d'une
éventuelle contestation de la loi 48 devant les tribunaux - c'est la
distinction même: la loi 48, ce n'est pas une loi qui va péter.
C'est gracieux! Là, on saura que ce n'est pas une loi qui va
péter. Il dit: "Après son adoption, elle pourra être
sanctionnée par le lieutenant-gouverneur, notre spécialiste en
défense et en F-18 construits à l'étranger". C'est gentil
aussi.
L'autre jour, il ajoutait à cela: M. le Président, on
m'envoie un petit papier. J'ai l'impression que j'induis les gens en erreur
quand le lis cela, mais on me dit que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris
connaissance de ce projet de loi, ce qui me surprendrait grandement, et qu'il
en recommande l'étude à cette Assemblée. On sait
très bien, par exemple, quand il est fait référence au
président, que le président ne lit pas les projets de loi, que
tout cela ce sont des formules parlementaires traditionnelles qui vont dans le
système même.
Je donne cela comme exemple d'un ministre qui se croit réellement
au-dessus de tout, qui se croit devenu tellement fort, tellement puissant qu'il
peut se foutre du lieutenant-gouverneur. Il peut se foutre de celui-ci. Il peut
dire si les gens envoient des pétitions, que ce sont des
pétitions bidon. Puis, quand on lui dit qu'il intimide les gens, il nous
dit: Non, ce n'est pas vrai. Vous m'insultez.
Je vais lui citer quelques petits exemples. Je rapporte encore le cas de
Jean-Paul Paradis, un pêcheur qui a attendu un an et demi ou plus avant
qu'une subvention de prêt déjà acceptée par les gens
de votre ministère soit signée par vous. C'était sur votre
pupitre et vous ne l'avez pas signée. L'autre jour, je voyais la saisie
du ber de Saint-Joachim, puis je vois un pêcheur attendre son bateau.
J'ai été là à ce moment pour constater ce qui s'est
passé. Un pêcheur qui a manqué 10 000 $ de prise de poisson
parce qu'il ne pouvait aller en mer parce que son bateau était encore
sur le ber de Saint-Joachim, M. Jean-Clément
Vallée. Pourquoi? Parce que les gens de votre ministère
avaient fait une saisie de ce fameux ber parce que les gens de l'association
refusaient de signer un bail avec une nouvelle clause que vos fonctionnaires
avaient mise dedans pour dire: D'un jour à l'autre, on peut annuler le
bail. C'était le bail fait de façon ouverte avec les gens!
Je pourrais vous citer des cas qui nous ont été soumis. Un
autre pêcheur à qui il a été dit: Si vous
n'arrêtez pas de nous embêter avec votre affaire d'usine, votre
prêt ne va pas être signé bientôt. Je peux vous citer
des cas. Il y a beaucoup de cas semblables. Voilà pourquoi j'ai
refusé de vous passer ces pétitions.
On vous a demandé une commission parlementaire. Là vous
avez dit: On ne fait pas de commission parlementaire, cela coûte trop
d'argent. On ne fait pas de choses avant le projet. On va consulter les gens
après le projet de loi. Je vous demande ce qui s'est passé pour
la loi 40 sur l'éducation. Qu'est-ce qui s'est passé pour la loi
57 sur les langues officielles? Qu'est-ce qui s'est passé pour le projet
de loi 43, pour le projet de loi 38? Chaque fois qu'il n'y a pas eu de
consultation adéquate, comme cela a été le cas pour le
projet de loi 38, comme cela a été le cas pour le projet de loi
43, comme cela a été le cas pour beaucoup de projets de loi
où il n'y a pas eu de consultation adéquate des contribuables et
du peuple, qu'est-ce qui est arrivé? Cela vous a sauté à
la face. Pour la loi 40, ce que la commission parlementaire a
démontré, c'est que les gens n'en voulaient pas. La loi 40 a
été remise à plus tard. Alors que vous allez adopter une
loi avec des conséquences graves pour le Québec, vous avez le
culot de ne même pas consulter des gens qui demandent à être
consultés. C'est cela, un empereur. C'est cela, le roi des mers. C'est
cela, le duc du sucre. Il faut imposer, il faut toujours dire: Vous avez
toujours raison.
En fait, M. le ministre, ce qui arrive, c'est que vous et le ministre
fédéral, vous êtes tous les deux pareils. Les deux sont
têtus comme des mules, les deux ne veulent écouter personne et ils
ne veulent pas s'écouter. C'est un dialogue de sourds. Là, je
voyais l'article de votre grand ami, votre haut-parleur officiel, M. Florent
Plante - on ne peut pas croire qu'il est de mauvaise foi qui disait: Les
bouderies de Garon et de De Bané, les pêcheurs
québécois en ont ras le bol. Et il donne plusieurs exemples de
pêcheurs qui sont fatigués, qui sont tannés de toutes vos
bagarres inutiles d'enfants d'école. Voyez. La confrontation du dossier
des pêches: La CSN veut que cela cesse. Là encore, les gens ont
demandé que la confrontation cesse. Là-bas, le Syndicat des
pêcheries Cartier blâme le gouvernement. Je voyais un article le
samedi 9 juin, dans Le
Soleil; là aussi, c'était Florent Plante: "De
Bané veut signer un traité de paix avec Garon." Là,
il vous offre un traité de paix. Allez le rencontrer quelque part dans
un territoire neutre, allez le rencontrer sur l'île d'Anticosti; comme
cela, personne ne pourra dire que vous êtes allé à Ottawa
et que lui est venu à Québec. Allez vous rencontrer dans un petit
territoire neutre quelque part, à Saint-Pierre et Miquelon, personne ne
perdra la face. Allez causer ensemble, allez vous parler. Comment est-ce que
vous voulez que dans un territoire de pêche où le
fédéral est le principal intervenant on ne puisse pas se
parler?
En fait, le projet de loi 48, comme l'a dit le ministre Johnson des
Affaires canadiennes, c'est un projet de premier ordre pour nous sur le plan
politique, sur le plan intergouvernemental et sur le plan constitutionnel. Cela
répond à ce que le ministre de l'Éducation d'alors, le Dr
Laurin, disait dans un article de la Presse: C'est une étape pour nous
vers l'indépendance. C'est ce que c'est: une étape vers
l'indépendance. Tout ce que vous voulez, M. le ministre, c'est faire une
autre étape vers l'indépendance. Avant tout, vous êtes
souverainiste; après cela, vous êtes ministre de l'Agriculture et
en dernier lieu, vous êtes ministre des Pêcheries quand il vous
reste un peu de temps. Vous êtes toujours le ministre qui contrôle
tout; cela reste tout le temps dans le décor.
Au lieu du projet de loi 48, il nous faut penser à un plan
cohérent d'exploitation des ressources sous-exploitées, d'une
deuxième transformation et d'une troisième transformation,
à une politique de la flotte qui ne sera pas seulement de bâtir de
nouvelles douches, mais de faire des bateaux qui vont aller dans la zone de 200
milles afin que les usines travaillent plus longtemps qu'une saison très
restreinte de quelques mois. Il faudrait un système de renforcement des
associations; il faudrait surtout de la consultation. Au sujet de la gestion,
de la commercialisation et du marketing, il faudra sûrement une
coopération totale et continue avec le gouvernement
fédéral et les gouvernements des autres provinces parce qu'on ne
peut pas pêcher en vase clos; les poissons bougent.
Surtout, M. le ministre, il faudra de votre part un peu plus
d'humilité, un peu plus de souplesse, un peu plus de flexibilité,
un peu plus de démocratie et d'humanité. Il faudra écouter
les gens, s'occuper de leurs besoins. Il faudra penser qu'avant tout ces gens
qui gagnent le plus bas salaire au Canada et dont beaucoup sont en
chômage veulent vivre une vie respectable. C'est ce qu'on vous demande de
faire.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole
au chef de l'Opposition, je vais demander une correction au leader adjoint du
gouvernement.
Projet de loi 69
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Blouin: Juste quelques secondes, M. le Président, pour
vous signaler que le projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur les
impôts et la Loi concernant l'application de la Loi sur les impôts
doit être déféré non pas à la commission de
l'économie et du travail, mais à la commission du budget et de
l'administration. (12 h 50)
Le Vice-Président (M. Jolivet): Correction
apportée.
M. le chef de l'Opposition.
Projet de loi 48
Reprise du débat sur l'adoption
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, ce fameux
projet de loi de novembre 1983 - nous sommes en 1984, sept mois plus tard - ce
fameux projet de loi 48, Loi sur les pêcheries et l'aquaculture
commerciales et modifiant d'autres dispositions législatives, est encore
devant cette Chambre. Nous devons conclure, à ce moment-ci, alors que
nous procédons à la dernière étape de ce projet de
loi, que l'Opposition a fait son devoir. Je voudrais remercier d'une
façon particulière celui qui était responsable, le
porte-parole de notre côté, du projet de loi 48, le
député de Nelligan que nous venons d'entendre, pour le magnifique
travail de recherche, de consultation qu'il a fait au cours de tous ces
mois.
Nous avons fait l'impossible pour essayer de convaincre le ministre et
le gouvernement que ce projet de loi n'était pas dans
l'intérêt des pêcheurs, des travailleurs d'usine, de tout le
milieu qu'il va finalement affecter. Ce qui me trouble davantage lorsque je
songe à ce ministre, à ce gouvernement, c'est qu'il semble que
les autres membres de ce cabinet ne s'intéressent pas aux pêches,
ne s'intéressent pas au sort fait à la population du territoire
maritime. Autrement, il me semble que tout ce gouvernement, tous ces membres du
Conseil des ministres, tous ces députés ministériels
auraient pris connaissance de ce projet de loi, auraient écouté
notre porte-parole, le député de Nelligan, et tous les autres
députés libéraux qui, l'un après l'autre, ont
essayé de convaincre le gouvernement que ce projet de loi était
néfaste et qu'il ne constituait qu'un facteur parmi plusieurs de ces
conflits interminables qui sont nourris -
les conflits de juridictions entre le gouvernement fédéral
et le gouvernement provincial -par le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation qui, on le sait, est un
indépendantiste avoué, qui n'a qu'une obsession, celle de faire
l'indépendance du Québec et de faire en sorte que des projets de
loi comme celui-ci servent, justement, des fins qui sont devenues chez lui une
obsession, les fins de l'indépendance, comme on l'a vu, d'ailleurs, en
fin de semaine, comme on l'a entendu, d'ailleurs, de la part de l'ancien
ministre de l'Éducation qui disait que ce projet de loi était
justement l'expression - une expression - de la stratégie qui avait
été mise au point par le Comité sur la question nationale
eh bien, on aurait pu s'attendre à autre chose.
M. le Président, ce qui me trouble encore, c'est de voir le peu
d'intérêt que tous ces gens-là ont manifesté; ils
ont la responsabilité d'avoir laissé le ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation poursuivre son
obsession. Surtout lorsque l'on met ensemble les projets de loi 48, 36, 82 et
49, tous ces projets de loi ont un dénominateur commun:
premièrement, ils entretiennent des conflits entre le gouvernement
fédéral et le gouvernement provincial; deuxièmement, ils
entretiennent ces conflits sur le dos des pêcheurs, des travailleurs
d'usine et des gens du milieu.
Nous arrivons ainsi à la fin des sept mois pendant lesquels ce
projet de loi a passé les diverses étapes. Ce projet de loi
devait même franchir les dernières étapes en
décembre et il est encore devant nous. C'est dire la résistance
de l'Opposition et, en même temps, il faut admettre que le gouvernement
n'a certainement pas, dans son ensemble, saisi les implications de ce projet de
loi. Si le gouvernement les a saisies, c'est encore pire.
Qu'est-ce qui fait qu'au bout de sept mois, alors qu'il y a sept mois le
ministre nous disait en parlant des règlements... Parce qu'il s'agit
simplement d'une loi-cadre; tant qu'on ne connaîtra pas les
règlements, on ne connaîtra pas toute la vérité. Or,
le ministre a refusé systématiquement de déposer les
règlements parce qu'ils n'étaient pas prêts. Ils
n'étaient pas prêts en novembre, d'accord; mais en
décembre, en janvier, en février, en mars, en avril, en mai et
maintenant en juin, le ministre refuse toujours de faire connaître ses
intentions en déposant les règlements.
Deuxièmement, nous lui avons demandé de donner au moins
l'occasion au milieu de se faire entendre devant une commission parlementaire.
Le ministre a continuellement refusé au milieu la possibilité de
se faire entendre en commission parlementaire et cela, pendant sept mois
consécutifs.
Ce projet de loi est dangereux à plus d'un point de vue. Nous
avons dit, et combien de fois l'avons-nous répété, que ce
projet de loi est une source de conflits, de tracasseries pour le pêcheur
en particulier. Toute cette question d'avoir un double permis, un permis
provincial et un permis fédéral, va causer des tracasseries
inimaginables. Est-ce que le ministre veut intervenir à ce
moment-ci?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Levesque (Bonaventure): Si le ministre avait au moins le
désir d'aider les personnes concernées, il pourrait suivre
l'exemple de son collègue, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, qui, au bout de quelques heures de discussion avec son
collègue, M. De Bané, son homologue fédéral, a
réussi à arriver immédiatement à des ententes,
tandis que le ministre actuel refuse les offres du ministre
fédéral. Encore hier et aujourd'hui, je voyais dans les journaux
que le ministre fédéral offrait une collaboration que le ministre
actuel du Québec refuse et cela, sur le dos des pêcheurs.
Ce gouvernement a manqué continuellement à ses promesses,
d'ailleurs. J'étais heureux de voir le député de Nelligan
souligner toutes les promesses qui n'ont pas été tenues. On a
manqué à ses promesses. Lorsque le ministre dit non, il n'a
qu'à se rappeler que c'est ce gouvernement qui a annoncé un plan
quinquennal de 200 000 000 $, il y a quelques années; on n'en a pas vu
la couleur. Même le budget régulier et modeste n'a pas
été utilisé par le ministre à cause, justement, des
crédits périmés dont a parlé le
député de Nelligan. Le ministre actuel a refusé de donner
suite à toutes ses promesses sur la Basse-Côte-Nord, en
particulier, tel que le député de Nelligan vient de le rappeler
au ministre, que ce soit à Blanc-Sablon, que ce soit à Natashquan
ou à la baie des Chaleurs.
Il est venu, à la veille des dernières élections,
annoncer l'ouverture des chantiers maritimes; jamais cela ne s'est fait. Ce
ministre a fait plus de promesses non tenues qu'on n'en connaît dans
l'histoire du Québec. C'est sa spécialité de promettre:
promettre des millions, promettre des installations, promettre quoi que ce
soit. Mais il oublie une chose: lorsque l'on fait une promesse, on la tient.
C'est comme cela que j'ai compris la politique.
Ce ministre, que nous avons devant nous, est un spécialiste des
promesses non tenues. Il arrive maintenant avec une série de projets de
loi: 48, 49, 82, 36. Avec tout cela réuni, il réussit en quelque
sorte à nationaliser les pêches, à devenir lui-même
celui qui dicte de A à Z ce qui se passe dans le secteur des
pêches. Est-ce qu'il reste encore une usine libre? Est-ce qu'il
restera
des pêcheurs ou des travailleurs d'usine qui auront une certaine
liberté? Au contraire, cette série de projets de loi et de lois
fera en sorte que le ministre aura tous les pouvoirs; pas n'importe quels
pouvoirs, mais des pouvoirs excessifs, arbitraires, discrétionnaires,
qui sont extrêmement dangereux en soi et qui, entre les mains de celui
que j'ai en face de moi, deviennent absolument dictatoriaux et inacceptables.
Nous avons devant nous une situation extrêmement dangereuse et explosive.
Lorsque le ministre dit qu'il représente des gens...
M. le Président, je voudrais terminer mes dix minutes avant la
suspension de 13 heures, avec la permission du ministre; il ne me reste que
deux minutes.
Une voix: Deux minutes.
M. Levesque (Bonaventure): Oui, il me reste deux minutes, si vous
voulez bien que je termine.
Une voix: D'accord.
M. Garon: M. le Président, vous voyez que je ne suis pas
un dictateur, je vais donner deux minutes au député.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le ministre.
M. Garon: Je vais donner deux minutes au
député.
M. Levesque (Bonaventure): M. le Président, vous voyez la
générosité du ministre: il est prêt à me
donner deux minutes. Deux minutes! S'il donnait deux minutes aux pêcheurs
et aux travailleurs d'usine pour les entendre, ce seraient deux minutes
beaucoup mieux utilisées.
Des voix: Bravo!
M. Levesque (Bonaventure): Le ministre, pendant que je
n'étais pas en Chambre, a dit que nous étions aux
Îles-de-la-Madeleine. Oui, nous étions aux
Îles-de-la-Madeleine, oui nous étions en consultation. Nous
étions là, pas devant 75 personnes, comme le ministre l'a dit. Il
disait exactement le contraire de la vérité, parce qu'aux
Îles-de-la-Madeleine, lors du congrès du PQ récemment, il y
avait à peine 27 personnes. Il y avait plus de 250 personnes
présentes lorsque nous sommes allés, la semaine dernière,
aux Îles-de-la-Madeleine. Et, en même temps, au cours de la
journée, nous avons eu l'occasion de consulter. Nous avons
consulté aux Îles-de-la-Madeleine, nous avons consulté sur
la Côte-Nord, nous avons consulté en Gaspésie. Ce que nous
retenons de ces consultations, c'est un blâme non équivoque au
ministre que nous avons devant nous. Mais ces gens-là,
évidemment, étant les plus défavorisés de notre
société, ne peuvent se permettre vis-à-vis d'un ministre
qui utilisera n'importe quel moyen pour leur tordre les bras ou leur clouer le
bec... Ce ministre n'a aucun sens de la démocratie. Je le dis en pesant
mes mots.
Nous avons devant nous un projet de loi inacceptable. Nous l'avons dit
depuis le mois de novembre 1983. Nous arrivons aux dernières heures
avant l'adoption de ce projet de loi et, encore une fois, nous n'avons pas les
règlements qu'il nous faut; le ministre les cache. Nous n'avons pas une
commission parlementaire; le ministre ne veut pas donner de son temps, du temps
de cette Assemblée pour permettre d'entendre les
intéressés. Nous avons un projet de loi que nous allons continuer
de combattre, même dans ces dernières heures. Nous allons le
combattre; c'est un projet de loi qui provient d'un ministre et d'un
gouvernement qui, dans tous les sondages d'opinion, sont rejetés par la
population du Québec. Vous n'avez pas le droit d'imposer de telles
choses lorsque la population vous dit qu'elle ne vous croit plus, qu'elle n'a
plus confiance en vous et qu'elle demande des élections afin de mettre
fin à ce gouvernement et à ce régime totalitaire du
ministre actuel de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Jolivet): Compte tenu de l'heure,
nous allons suspendre nos travaux en disant que le député de
Saguenay aura le droit de parole à la reprise de la séance. Oui,
M. le leader de l'Opposition.
M. Gratton: M. le Président, si on me permettait de
demander au leader adjoint du gouvernement de nous indiquer quel sera le menu
de cet après-midi. Est-ce que je dois comprendre qu'on terminera
l'étude du projet de loi 48? Qu'est-ce qui viendra ensuite?
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, nous aborderons le projet de
loi sur les heures d'affaires, le projet de loi 59.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Merci. Suspension de nos
travaux jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise de la séance à 15 h 5)
Le Vice-Président (M. Jolivet): À l'ordre, s'il
vous plaît!
Veuillez vous asseoir.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: M. le Président, nous discuterons d'abord cet
après-midi des ressources forestières du Québec et,
à cet égard, je vous demande d'appeler l'article 7 de notre
feuilleton, s'il vous plaît!
Projet de loi 66 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Jolivet): II s'agit de l'adoption du
principe du projet de loi 66, Loi modifiant la Loi sur la Société
de récupération, d'exploitation et de développement
forestiers du Québec. La parole est au ministre de l'Énergie et
des Ressources.
M. le ministre.
M. Yves Duhaime
M. Duhaime: M. le Président, avant d'entamer ce discours
de deuxième lecture, on me prie de vous faire part du message suivant:
L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il
en recommande l'étude à l'Assemblée.
Aujourd'hui, nous entreprenons une étape fort importante dans
l'étude d'un projet de loi, puisqu'il s'agit de donner à une de
nos sociétés d'État un capital-actions additionnel qui
devrait lui permettre, au cours des années qui viennent, de
connaître la croissance et de connaître son
développement.
Nous avons pu, en commission parlementaire, mardi dernier, toute la
journée et jusqu'à tard en soirée, entendre le
président de REXFOR, M. Duchesneau, de même que ses principaux
collaborateurs, ses vice-présidents, nous expliquer pourquoi il
était nécessaire que le capital-actions de cette entreprise
d'État soit augmenté. Le projet de loi 66 vise à autoriser
le gouvernement à verser un capital-actions additionnel de 66 000 000 $
pour lui permettre de mener à terme quatre projets très
précis.
Auparavant, M. le Président, je pense qu'il serait
peut-être utile de situer exactement la place de cette
société d'État, REXFOR, dans l'ensemble de l'industrie
forestière au Québec, et je voudrais, si vous me le permettez,
donner quelques chiffres. Je dirai, au départ, que cette
société d'État est d'une taille modeste par rapport
à d'autres entreprises du secteur privé ou encore à une
entreprise comme la Société générale de financement
qui, sauf erreur, cette année, va atteindre un chiffre d'affaires global
de l'ordre de 1 000 000 000 $, la Société générale
de financement ayant des activités à la fois dans les usines de
fabrication et de production de pâtes et de papier journal et
également des activités dans l'industrie du sciage et des
produits forestiers. Mais REXFOR, à côté de la
Société générale de financement, est une petite
entreprise, en tout cas beaucoup plus modeste. Je vous donnerai comme chiffres
qu'en 1983, par exemple, la part du groupe REXFOR et ses participations
minoritaires représentaient 3,7% de l'ensemble des volumes de bois
récoltés au Québec. Moins de 4% de la récolte de
bois va à REXFOR, c'est-à-dire 1 250 000 mètres cubes sur
un total de 34 000 000 de mètres cubes. Les emplois créés
par l'activité de REXFOR constituent 4,5% de tous les effectifs
québécois qui travaillaient dans ce secteur en 1983.
Je voudrais dire maintenant, M. le Président, au début de
ce débat de deuxième lecture, que très souvent nous
entendons le reproche à l'endroit d'une société
d'État, que ce soit REXFOR ou autre mais très souvent le secteur
privé nous dit que REXFOR fait une concurrence inappropriée, que
sa place devrait être ailleurs. En certains cas, on va même
jusqu'à dire que la concurrence est déloyale. Je crois que ces
chiffres indiquent que la part de REXFOR dans l'ensemble de l'industrie
forestière est minuscule.
Ce matin, en conférence de presse, à l'occasion du
dépôt en public d'un document qui devrait servir de base à
une consultation sur une prochaine politique forestière, j'avais
l'occasion de donner quelques chiffres. L'ensemble de l'industrie de la
forêt au Québec, c'est, bien sûr, énorme. Cela veut
dire 260 000 emplois, directs ou indirects; cela veut dire une masse salariale
de 1 300 000 000 $; cela touche 60 usines de pâtes et de papiers; cela
touche également 1200 usines de transformation du bois dont la
majorité sont dans le sciage. Le secteur forestier, dans son ensemble,
contribue pour presque le quart de la valeur totale de nos exportations, 23%
pour être précis, pour un volume d'exportations globales de 3 000
000 000 $.
M. le Président, quand on dit que dans ce secteur REXFOR
représente moins de 5% des effectifs et représente aussi moins de
4% des volumes de bois, j'arrive mal à comprendre - peut-être que
j'ai mal saisi le dossier - l'argumentation de ceux qui prétendraient
que REXFOR, dans certaines de ses activités, nuit à l'entreprise
privée alors que, précisément, lorsqu'on va aux
états financiers de REXFOR - je les ai ici devant moi - on
s'aperçoit - et j'ai le rapport annuel de 1982-1983, celui de 1983-1984
sera disponible très bientôt. On se rend vite compte, à la
lecture des états financiers, que REXFOR, dans ses activités,
tantôt agit seule et très souvent aussi agit en association avec
l'entreprise privée, agit en partnership. Les exemples à cet
égard sont nombreux. Je pense qu'il serait peut-
être utile de rappeler, par exemple, que la Scierie des Outardes,
c'est un "partnership". Je crois que les rapports sont d'environ 60% pour
REXFOR et 40% pour la compagnie QNS. C'est l'illustration très claire et
très nette que REXFOR n'agit pas toujours seule.
On pourrait prendre le dossier Énerbois, également, qui
est en partnership. Il y en a beaucoup d'autres. REXFOR agit dans un secteur
très précis de notre économie. C'est une
société d'État de taille modeste qui agit en partnership
et agit seule également. Lorsque REXFOR agit seule, règle
générale, c'est parce que son actionnaire qui est le
gouvernement, que ce soit notre gouvernement du Parti québécois
ou le gouvernement libéral ou le gouvernement de l'Union Nationale,
comme auparavant, a le droit, de par la loi, de donner des mandats à
REXFOR. On se rend compte, aujourd'hui, que dans beaucoup de cas où
REXFOR a agi seule, c'est lorsqu'elle a reçu des mandats de son
actionnaire.
Je le dis pour rassurer en quelque sorte l'entreprise privée qui
voudrait se prémunir contre une concurrence que l'on ne souhaiterait
pas: notre intention n'est pas de placer REXFOR de façon
systématique en concurrence avec l'entreprise privée. Au
contraire, nous allons continuer de privilégier la voix de
l'association. J'ai un exemple qui me vient à l'esprit: Je pense aux
problèmes que nous avions il y a quelques années dans la
vallée de la Matapédia, par exemple. L'entreprise qui s'appelle
aujourd'hui PanVal, qui produit des panneaux dans la vallée de la
Matapédia et qui donne des centaines d'emplois à des travailleurs
de cette région; ce qui fait que la forêt de la vallée de
la Matapédia et de ce coin de pays est transformée sur place avec
le maximum de valeur ajoutée, c'est parce que REXFOR s'est
impliquée. REXFOR ne s'est pas impliquée seule. Elle s'est
impliquée avec un partenaire. Vous allez me dire: C'est un partenaire du
Québec, c'est un partenaire du Canada ou c'est un partenaire des
États-Unis. Je vous dis: Non, M. le Président. Ce sont des
Allemands d'Allemagne, de la République fédérale, qui sont
venus au Québec et qui ont trouvé que nous avions ici une
excellente politique sur le plan des tarifs hydroélectriques, parce que
les tarifs étaient concurrentiels, qu'ils ont été
satisfaits des garanties d'approvisionnement que nous accordions, qu'il y avait
dans cette région de la Matapédia une main-d'oeuvre hautement
qualifiée, que la ressource était sur place et que le
ministère de l'Énergie et des Ressources - que de temps à
autre on se plaît à appeler le ministère des Forêts,
mais c'est le ministère de l'Énergie et des Ressources dont on
parle - a garanti les approvisionnements, et les Allemands, la famille Kunz,
ont trouvé chez nous un partenaire qui s'appelle REXFOR et qui est une
société d'État. REXFOR n'a pas pris une position de
contrôle dans les industries PanVal et ne l'a même pas
exigé. C'est ce second exemple que je voudrais donner.
Aujourd'hui, en faisant l'examen du projet de loi 66, on se rend compte,
premièrement, que c'est un projet de loi qui est très court. Je
pense que ces projets de loi qui sont brefs, lorsqu'on touche aux affaires de
l'économie, sont peut-être les meilleurs projets de loi. 66 000
000 $, c'est évident que c'est beaucoup d'argent. Ce que nos concitoyens
qui nous écoutent et qui suivent les travaux de l'Assemblée
nationale voudraient savoir, c'est ce que nous avons l'intention de demander
à REXFOR de faire ou de mettre en route avec un capital-actions de 66
000 000 $ de plus. Avant de vous le dire, je voudrais peut-être souligner
ce qui a scandalisé ce que j'appellerais l'Opposition libérale en
face de nous.
On nous a dit en commission parlementaire la semaine dernière:
Cela n'a aucun bon sens de venir à l'Assemblée nationale pour
demander 66 000 000 $, parce que REXFOR n'a pas de plan de
développement. On voudrait simplement savoir, nous, du côté
libéral, avant de voter avec le gouvernement sur le projet de loi,
où vous allez avec REXFOR, ce que vous avez l'intention de faire, quels
sont les critères de rentabilité, quelles sont les exigences du
gouvernement vis-à-vis de REXFOR dans un dossier comme celui-là.
Je répéterais essentiellement ce que je disais la semaine
dernière à l'Opposition: Je suis prêt, de mon siège
ici, à faire un aveu et un aveu cuisant. C'est que REXFOR,
effectivement, aujourd'hui le 12 juin 1984, n'a pas de plan de
développement qui ait été approuvé par son
actionnaire. Mais cela ne veut pas dire pour autant que REXFOR n'a pas son plan
de développement. On retrouve cela dans ce projet de loi. Avec 66 000
000 $ de capital-actions en plus, REXFOR, dans quatre projets précis, a
l'intention de rejoindre, de chercher et de retrouver des partenaires et
d'investir dans l'économie du Québec 486 000 000 $ au total.
C'est donc dire que des partenaires seront appelés à
répondre à l'invitation de REXFOR s'ils y trouvent leurs
intérêts, bien sûr, pour faire en sorte que dans la partie
nord de la Gaspésie, qui a connu au fil des années sa part
d'épreuves sur le plan économique et qui la connaît encore
aujourd'hui, on puisse relever le défi et faire en sorte que l'industrie
du sciage dans tout ce secteur de la région de la Gaspésie puisse
se remettre en marche.
Il y a six scieries qui sont visées par ce projet. Cela
représente quand même 900 personnes qui seront maintenues au
travail ou qui auront un emploi. C'est dans ce sens-là que nous allons
investir dans l'industrie du sciage - on avait parlé au départ
d'y mettre 26 000 000 $ - selon les derniers chiffres, si
on tient compte des probabilités d'intégrer dans la
réorganisation du secteur du sciage en Gaspésie les
activités qui, autrefois, étaient à Marsoui et à
Mont-Logan, je pense qu'il va falloir y ajouter 5 000 000 $ ou 6 000 000 $.
C'est donc 30 000 000 $ environ qui seront investis dans l'industrie du sciage
en Gaspésie.
Deuxième chose, la Papeterie de Matane. Cela va exiger plusieurs
centaines de millions de dollars. On parle aujourd'hui d'un investissement en
capital de 330 000 000 $. Le projet de loi qui est devant nous va permettre
à REXFOR d'apporter sa part de capitaux pour faire en sorte qu'avec des
partenaires, la Papeterie de Matane puisse commencer le plus tôt
possible.
J'ajoute également que dans le comté de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue il y a un projet de panneaux gaufrés.
REXFOR y est intéressée. Elle est intéressée
à discuter également avec des partenaires pour mettre ce projet
en route. C'est ce projet de loi qui va permettre à REXFOR, nous
l'espérons, le plus rapidement possible, de réaliser un
investissement dans le Témiscamingue qui fera qu'à bon droit nous
pourrons répondre aux attentes des citoyens du Témiscamingue qui
se plaignent depuis fort longtemps et à juste titre d'ailleurs. (15 h
20)
Mon collègue, le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, qui est avec moi, ici, je pense, sera
d'accord. Il est très légitime que les gens du
Témiscamingue veuillent donner une valeur ajoutée à une
richesse naturelle de leur région; c'est aussi légitime de le
faire au Témiscamingue que dans la vallée de la Matapédia
ou dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou encore dans la Beauce ou en Mauricie,
pour autant qu'on n'ira pas vers des scénarios de cloisonnements
régionaux. Nous allons pousser pour que REXFOR maximise dans chacune des
régions forestières du Québec les retombées
économiques des investissements. C'est le troisième projet.
Le quatrième, c'est le projet de construction de l'usine MDF
à Mont-Laurier. Là-dessus, je pense que l'Opposition
libérale sera d'accord. Il faut absolument que dans ce secteur et dans
ce coin du Québec, si j'ai bien compris les questions qui m'ont
été posées, entre autres, par le leader parlementaire de
l'Opposition, le député de Gatineau, qui est
intéressé par le dossier, on souhaite que REXFOR s'implique dans
un projet MDF. Jusqu'à présent, le député de
Gatineau nous a dit: Jusque là, on est d'accord; mais au lieu
d'être à Mont-Laurier, on voudrait que l'investissement aille
à Maniwaki. Là, notre désaccord n'est plus sur le principe
de l'intervention de REXFOR dans la mise en route du projet MDF. Notre
désaccord n'est que sur le lieu, et cela change la discussion.
Pour ceux qui ont une carte géographique devant eux - je ne suis
pas résident de cette région, mais j'ai eu l'occasion d'y aller
à plusieurs reprises -lorsque vous êtes à Maniwaki, vous
vous dirigez vers Grand-Remous et, de Grand-Remous, vous arrivez à
Mont-Laurier. Il y a à peine une quarantaine de milles entre les deux
endroits. Jamais je ne croirai que l'Opposition libérale va voter contre
un projet de loi de développement régional comme celui-là
pour 40 milles de distance; vous allez passer pour des chauvins. D'autant plus
qu'en commission parlementaire, le président de REXFOR, M. Michel
Duchesneau, a expliqué, en répondant aux questions du
député de Gatineau, pourquoi REXFOR avait décidé,
non pas de réaliser le projet de Mont-Laurier, mais de demander au
ministère de l'Énergie et des Ressources qu'on lui garantisse
pour six mois - cela s'est fait il y a quelques mois - des approvisionnements
de bois. On a mis en réserve des approvisionnements de bois,
nécessaires pour un projet MDF à Mont-Laurier. Autrement dit, si
REXFOR et son ou ses partenaires en viennent à la conclusion que nous
avons là un projet de développement économique
intéressant, que les investissements qui seront consentis dans ce projet
offriront un retour, c'est-à-dire une certaine rentabilité, que
des emplois seront créés, que cela va être bon pour
l'économie de la région de Mont-Laurier, je pense qu'on va
être tous d'accord pour aller de l'avant. Si, par malheur, on arrivait
à la conclusion que cet investissement qui est projeté
actuellement n'est pas assis sur des bases de rentabilité, j'ai
l'impression qu'on va mettre le frein. C'est comme cela que chacun des dossiers
est analysé. Que ce soit pour REXFOR ou pour toute autre
société d'État du gouvernement, nous tentons d'asseoir les
projets d'investissements sur des projections, sur des pro forma, bien
sûr, mais en étant moralement certains, en tout cas, que nous
prenons des risques financiers assis sur une problématique de
retour.
Je vous dirai à cet égard que, pendant deux ans dans le
dossier de Maniwaki - je dirais même plus, notre idée de
départ était, et c'était une des intentions très
fermes de mon prédécesseur à ce ministère - nous
avons envisagé de construire dans cette région du Québec
un premier centre intégré de transformation et d'utilisation de
la forêt, ce qui est devenu dans le jargon, un projet CITUF. Un projet
CITUF, cela veut dire environ 400 000 000 $ ou 440 000 000 $ d'investissements
et je n'ai jamais entendu le député de Gatineau se prononcer
contre ce projet; au contraire, et il a raison d'être d'accord.
Sur le plan du principe, mon ami, le collègue de Gatineau et
moi-même sommes d'accord quant à l'intervention de REXFOR
dans un projet MDF. Là où il y a un désaccord,
semble-t-il, c'est sur le lieu. Mais c'est un peu compréhensible puisque
le député de Gatineau, ici à l'Assemblée nationale,
représente la population de Maniwaki. J'ai entendu des commentaires
à la radio et à la télévision et j'en ai lus dans
les journaux où on nous accusait, de ce côté-ci, de prendre
des décisions qui étaient basées sur des
considérations politiques et non pas sur des considérations
d'ordre économique. Je répondrai à cela, M. le
Président, d'une façon très simple.
Dans le dossier de Maniwaki, REXFOR était et est toujours
intéressée. Encore faut-il que sa présence soit bienvenue,
que sa présence soit souhaitée par les investisseurs de la
région, par les intérêts du milieu. Or, il nous a
été dit en commission parlementaire, de façon très
claire et très nette, par le président de REXFOR, que cette
dernière n'était pas bienvenue à Maniwaki, que la
compagnie MacLaren n'était pas intéressée à faire
des affaires avec REXFOR même si REXFOR se plaçait, au
début des discussions, dans une position minoritaire. Toujours pour
Maniwaki, c'est dommage que le résultat soit celui-là, mais la
compagnie MacLaren était également intéressée
à un projet MDF à Maniwaki. Elle a fait des études. Elle a
dépensé plusieurs dizaines de milliers de dollars. J'ai
rencontré la compagnie à plusieurs reprises. Elle a fait des
vérifications de marché. Elle en est venue à la conclusion
que faire un projet MDF à Maniwaki n'était pas intéressant
pour son entreprise, pas plus à Mont-Laurier d'ailleurs et pas plus
à Jonquière, à Rouyn ou ailleurs.
La compagnie MacLaren nous a dit: Nous travaillons dans le secteur du
papier journal; nous travaillons dans le secteur des produits forestiers; or,
dans l'état actuel des choses que nous pouvons lire d'un dossier
d'investissements MDF, nous avons des craintes par rapport au marché;
nous avons des craintes par rapport aux panneaux-particules; donc, nous avons
des craintes par rapport à la concurrence et, en tout état de
cause, en faisant un investissement dans ce genre de projet, nous aurions moins
en termes de retour sur l'investissement que ce que nous pourrions
espérer recevoir dans les activités que nous poursuivons,
c'est-à-dire fabriquer du papier journal et faire tourner des moulins de
sciage. La compagnie MacLaren m'a dit et elle l'a dit également à
l'Opposition, elle l'a dit publiquement: C'est avec beaucoup de regret, mais,
pour l'instant, nous renonçons à mettre en route un projet MDF,
que ce soit pour Maniwaki, pour Mont-Laurier, pour le Témiscamingue ou
n'importe où ailleurs. REXFOR est actuellement en discussion avec un
partenaire. Les études sont en cours. Les études de
faisabilité, les études de préfaisabilité sont
déjà faites par les entreprises, et c'est le quatrième
projet que nous voudrions voir se réaliser.
Maintenant, je pense qu'on pourrait admettre que ce genre de
scénario d'investissement, règle générale, se fait
dans le cadre d'un programme ou d'un plan qui a été
arrêté, disséqué, ventilé et mis au point.
Puis, on dit à une entreprise: C'est dans cette direction qu'on s'en va.
Je sais que, tantôt, les libéraux viendront nous dire, dans leurs
discours: REXFOR n'a pas de plan de développement; nous sommes donc
contre ce projet de loi. M. le Président, nous ne sommes pas en train de
refaire le monde avec ce projet de loi. (15 h 30)
Je disais tantôt que REXFOR a des activités très
diversifiées dans l'économie d'énergie, dans la production
d'énergie, dans l'industrie du sciage, dans l'industrie de production de
panneaux. Lorsque REXFOR prend à son compte de relever l'industrie du
sciage en Gaspésie, d'aller en quelque sorte prendre la relève de
toutes les faillites de l'entreprise privée dans ce secteur, je n'arrive
pas à comprendre, après toutes les tournées et tous les
discours des libéraux qu'on a entendus, qu'ils vont se prononcer contre
cette intervention.
M. le Président, il y a un fond de vérité dans
l'argumentation du Parti libéral qui dit que REXFOR devrait avoir un
plan de développement. Cela m'a intéressé et, en
commission parlementaire l'autre jour, j'ai demandé au président
de REXFOR, M. Duchesneau qui, je crois, est en poste à REXFOR depuis
1980: Est-ce que, M. le président, à votre connaissance, REXFOR a
déjà eu un seul plan de développement depuis que cela
existe? Vous allez penser que je vais répondre oui, M. le
Président, mais la réponse est non. Pas un plan de
développement au sens où REXFOR aurait planifié sur dix
ans sa mission et qu'ensuite, sur cinq ans, on aurait dit: On fait tel projet,
tel projet, tel projet.
Peut-être que c'est une mauvaise habitude. Je n'en suis pas
convaincu parce que REXFOR est appelée à jouer au pompier. Par
exemple, on n'a pas eu un grand préavis lorsque les entreprises de la
Gaspésie comme Mont-Logan et Marsoui se sont écrasées dans
des faillites.
J'hésite toujours à avancer dans ce genre de dossier mais
je me dis: Je vais aller voir ce que nos prédécesseurs ont fait
avant nous, ceux qui, aujourd'hui, nous expliquent en quelque sorte leur
façon de voir les choses. Je me suis informé un petit peu et cela
va vous intéresser sûrement, M. le Président. REXFOR oeuvre
dans le domaine de la transformation du bois et dans celui aussi de la
fabrication du bois d'oeuvre, entre autres choses. Je me suis dit: Puisque M.
Bourassa ne vient pas nous parler ici à l'Assemblée nationale
mais qu'il parle dans
les régions et qu'il critique le gouvernement parce que REXFOR
n'a pas de plan de développement, parce que le député
d'Outremont n'a encore rien critiqué de ce que nous avons fait dans
REXFOR au nom de sa formation politique, c'est à relire dans nos annales
politiques. En commission parlementaire la semaine dernière, le
député d'Outremont a refusé de parler au nom de sa
formation politique. Il a parlé en son nom personnel. Je vous dirai que
les propos que je tiens aujourd'hui le sont à la fois en mon nom
personnel, au nom de mon parti et au nom de notre gouvernement. Je vous dirai
que nous avons l'intention d'aller de l'avant.
M. le député d'Outremont, vous devriez écouter
attentivement ce que je vais vous dire. Jamais REXFOR n'a eu un plan de
développement. Pourtant, les libéraux ont formé le
gouvernement à deux, trois, quatre reprises même, depuis 20 ou 25
ans et REXFOR existait. Vous le savez, vous, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. On vous l'a sans doute raconté.
Mais, M. le Président, dans le domaine de la transformation du bois, en
1973, sans plan de développement, à la demande de son actionnaire
- c'est le gouvernement libéral -REXFOR a fourni une assistance
financière et technique aux produits forestiers Tembec et sa filiale
Tembois Inc. du Témiscamingue. Je dis: Très bien, M. le
Président. Cela a été une bonne intervention. Cela ne veut
pas dire qu'on a besoin d'avoir un plan de développement à n'en
plus finir pour faire une intervention ponctuelle. C'était à la
demande de l'actionnaire. En 1974, l'établissement à
Rivière-du-Loup de la papeterie F.-F. Soucy qui installait une
deuxième machine à papier en garantissant, de concert avec le
gouvernement, l'approvisionnement en bois à cette entreprise et
également une participation dans le capital de risque. C'était en
1974. Deuxième intervention. Pas de plan de développement.
Toujours dans le secteur de la transformation du bois, en 1974, à
la demande de son actionnaire, REXFOR a contribué, avec une autre
société d'État à l'établissement de l'usine
de carton de Papiers Cascades Cabano Inc., où elle détient,
encore aujourd'hui, une participation de 30%. Troisième
intervention.
Dans le secteur de la fabrication du bois d'oeuvre, en 1975, trois
interventions. La première: REXFOR a participé au redressement de
la Scierie Taschereau dans le Nord-Ouest du Québec. REXFOR a pris,
à la demande de son actionnaire en 1975, sous un gouvernement
libéral, sur mandat du gouvernement, sur mandat donc de son actionnaire,
la scierie Taschereau, qui était en faillite. REXFOR, sous notre
gouvernement, l'a rentabilisée et l'a retournée ensuite à
l'entreprise privée. C'est la quatrième intervention.
En 1975, à la demande également du gouvernement de
l'époque, REXFOR est intervenue à Béarn au
Témiscamingue pour empêcher une coopérative de faire
faillite. Les scieries Béarn tournent encore. C'est la cinquième
intervention.
En 1975, à la demande de son actionnaire, pour éviter une
faillite, REXFOR s'est engagée dans l'entreprise Samoco à
Sacré-Coeur. Soit dit en passant, Samoco, qui est devenue Produits
forestiers Saguenay, avait été revendue par REXFOR à une
entreprise privée et l'entreprise privée est encore en panne
à Sacré-Coeur. L'entreprise n'est pas en faillite au sens
où c'est un syndic qui administre les biens, mais je crois que des
créanciers ont désigné un administrateur. Cette
entreprise, Produits forestiers Saguenay, devrait, dans les prochaines semaines
j'espère, connaître ce que j'appellerais un redémarrage.
C'est la sixième intervention entre 1973 et 1975 que le gouvernement
libéral fait avec REXFOR sans plan de développement. Je dis
qu'à chacune de ces interventions le gouvernement a bien fait
d'intervenir.
En 1976 - ce sera la septième intervention - sous le gouvernement
libéral, REXFOR a pris la relève d'entrepreneurs
québécois et a mis sur pied avec QNS le complexe de la scierie
des Outardes, dont je parlais tantôt. REXFOR détient une partie du
capital-actions. Plusieurs millions de dollars ont été consentis
à cette entreprise encore tout récemment et par QNS et par REXFOR
pour assurer la modernisation, l'expansion et les chances de croissance de
cette entreprise. C'est la septième intervention de l'actionnaire avant
nous, avant notre gouvernement.
Cela va peut-être vous surprendre, mais il y en a une
huitième. En 1976, dans le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie -
écoutez bien les endroits - à Grande-Vallée,
Sainte-Anne-des-Monts, à Cap-Chat, la société a
participé sur mandat du gouvernement à la relance d'une
entreprise de sciage en difficulté.
À huit reprises, le gouvernement libéral a donné le
mandat à une société d'État qui s'appelle REXFOR
qui vit, existe et respire encore aujourd'hui, d'intervenir. Question: Est-ce
que REXFOR avait, à cette époque, un plan de
développement? La réponse est non. Je serais prêt à
gager pas mal d'argent que, dans quelques minutes, les députés
libéraux qui vont parler vont reprocher à notre gouvernement le
fait que REXFOR... REXFOR a un plan de développement, mais un plan de
développement qui n'a pas été approuvé par son
actionnaire; donc, à toutes fins utiles, pour autant que l'actionnaire
est concerné, REXFOR n'a pas de plan de développement. On va nous
en faire le reproche? Je répondrai à l'Opposition que nous
faisons mieux. Nous avons ici un projet
de loi, et les travaux que nous menons dans ce dossier depuis plusieurs
semaines d'une façon particulière à l'Assemblée
nationale... La semaine dernière, en commission parlementaire, nous
avons commencé à 10 heures du matin jusqu'à 13 heures;
ensuite après la période des questions jusqu'à 18 heures;
nous avons repris ensuite en soirée à 20 heures jusqu'à 23
h 30, 23 h 45. Moi j'aurais été prêt à continuer
mais l'Opposition a demandé un ajournement. (15 h 40)
Nous avons donné à l'Opposition, en faisant
comparaître le président de REXFOR et ses vice-présidents.
Je voudrais demander au député d'Outremont s'il sait combien de
fois, avant 1984, à l'époque où M. Lesage était
premier ministre libéral, à l'époque où M. Bourassa
était premier ministre libéral, combien de fois le Parti
libéral du Québec a demandé à REXFOR, à son
président et à ses vice-présidents de venir en commission
parlementaire expliquer aux élus de la population ce qu'ils faisaient,
comme gestionnaires de cette société d'État, avec les
fonds publics qu'on leur confiait. Je serais porté à vous dire
peut-être... Mon Dieu! M. Lesage a été élu en 1960.
Il a été réélu en 1962. Il a été
défait en 1966. M. Bourassa a été élu en 1970. Il a
été réélu en 1973. Il pensait se faire
réélire en 1976 et il s'est fait battre. Cela fait treize ans et
en treize ans, sur chacune des huit interventions que j'ai mentionnées
tantôt et je ne les ai pas toutes mises sur la table...
Si vous vous rappelez, M. le Président, je vous ai donné
seulement les interventions du dernier mandat de M. Bourassa. S'il fallait
qu'on remonte à M. Lesage, on passerait la semaine. De 1973 à
1976 inclusivement, huit interventions. Combien de fois REXFOR est-elle venue
répondre à des députés élus à
l'Assemblée nationale aux questions légitimes que la population
est en droit de poser? Sur douze ou treize ans de régimes
libéraux, je serais tenté de répondre: Certainement
très souvent. Mais la réponse, c'est non seulement très
souvent, non seulement souvent, ni trois fois, ni cinq fois, ni une fois. La
réponse, c'est jamais! Jamais REXFOR, comme société
d'État n'a rendu de compte à qui que ce soit en commission
parlementaire, à moins que mon service de recherche soit bien mal
informé. Je sais que le service de recherche du Parti libéral a
d'excellents cerveaux au travail, mais le problème, c'est qu'ils ne
travaillent pas sur les bons dossiers. Je le leur dis en toute
amitié.
Si le Parti libéral qui est devant nous et qui, tantôt, va
nous faire des reproches, tantôt, va nous faire une critique ou encore,
à moins que depuis les cinq ou six derniers jours, le
député d'Outremont, après avoir consulté ses
collègues, après avoir entendu le président de REXFOR et
ses quatre ou cinq vice-présidents qui l'accompagnaient en soit venu
à la conclusion que nous sommes aujourd'hui au travail sur un projet de
loi qui a une portée économique... S'il y a quelqu'un qui nous
casse les oreilles avec l'économie, c'est bien l'absent ancien nouveau
chef du Parti libéral. On parle d'économie aujourd'hui. On parle
de projets concrets d'investissements dans le développement
économique de quatre régions du Québec. Si le
député d'Outremont vient me dire: Cela ne nous intéresse
pas parce que vous n'avez pas de plan de développement; cela ne nous
intéresse pas parce qu'on n'a pas eu de réponses à toutes
nos questions, mon Dieu! je ne comprends rien. Eux, quand ils étaient
là, comme les Français diraient: Eux, quand ils étaient
aux affaires, qu'ont-ils fait? Aucun plan de développement, aucune
commission parlementaire et je les soupçonne même - je suis pas
mal certain que je ne me tromperai pas - d'avoir décidé de faire
les investissements d'abord et d'être venus ensuite à
l'Assemblée nationale chercher de l'argent pour REXFOR. Cela s'est fait
comme cela, presque à tout coup.
M. le Président, on a ici un plan législatif de
développement dans le sens suivant. Nous disons aux membres de
l'Assemblée nationale: Voici une société d'État,
une société qu'on a massacrée passablement, parce que le
comptable ou l'apprenti sorcier qui a fait l'exercice futile de déposer
les tableaux 6, 6A, 6B, 6C, 6D et 6E en commission parlementaire, qui a refait
les chiffres de REXFOR, en est venu à la conclusion - ce grand cerveau -
que plutôt que d'avoir un bénéfice consolidé sur la
période, REXFOR avait un déficit consolidé. Il a seulement
enlevé du bilan financier de REXFOR les revenus de placement. Cela prend
un libéral mal intentionné - j'allais dire vicieux, M. le
Président - pour faire des choses semblables. Cela fait partie de ce que
j'appellerais la campagne de dénigrement systématique du Parti
libéral.
Quand le député d'Outremont est allé en
Gaspésie, cela lui a fait du bien. Il a rencontré du monde qui
avait les deux pieds sur la terre. À la période des questions,
l'autre jour, quand il a fait une intervention, il a pris la précaution
de nous dire, et j'en étais très heureux: J'ai une question
à poser au ministre de l'Énergie et des Ressources. Cela fait
déjà, mon Dieu! depuis 1981 je crois, que le député
d'Outremont me pose des questions. Moi, je pensais l'autre jour que cela
faisait depuis 1976. Voici ce qu'il dit le 31 mai 1984, à la
période des questions, à la page 14 du journal des Débats:
"Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Je
lui dis dès maintenant..." Écoutez cela, cela vaut la peine. Ce
n'est pas un député du Parti québécois qui parle,
ce n'est pas un social-démocrate qui vous parle. C'est un
libéral
qui pose une question. Qu'est-ce qu'il dit? "Je lui dis dès
maintenant que je ne mets nullement en question la nécessité pour
une société d'État comme REXFOR d'intervenir dans des
régions en difficulté telle la Gaspésie".
Moi, je suis obligé d'applaudir à une affirmation comme
celle-là et de dire au député d'Outremont que, s'il va
dans le Témiscamingue, en compagnie de mon collègue...
M.
Baril
(Rouyn-Noranda-Témis-
camingue): II ne viendra jamais.
M. Duhaime: II faudrait qu'il aille rencontrer la population.
Quand il reviendrait, il dirait très certainement: "Je lui dis
dès maintenant que je ne remets nullement en question la
nécessité pour une société d'État comme
REXFOR d'intervenir dans des régions en difficulté, tel le
Témiscamingue." Je suis aussi convaincu que si le député
d'Outremont acceptait l'invitation que lui fait mon collègue, qui est
ministre de l'Éducation et député de Matane, de
l'accompagner en tournée de comté ou en tournée
régionale à Matane pour aller demander aux gens de Matane si oui
ou non ils veulent la papeterie de Matane, il reviendrait m'en donner des
nouvelles et quand il reviendrait de Matane et me poserait une question, je
suis sûr que le député dirait dans son préambule:
"Ma question s'adresse au ministre de l'Énergie et des Ressources. Je
lui dis dès maintenant que je ne remets nullement en question la
nécessité pour une société d'État comme
REXFOR d'intervenir dans des régions en difficulté, telle la
région de Matane." Je suis certain de cela. J'espère que vous
allez vous y rendre au plus vite.
Je suis certain également que si vous acceptez l'invitation de
mon collègue, le député de Labelle, M. Léonard, qui
est ministre des Transports, de l'accompagner à Mont-Laurier, vous allez
aussi revenir en disant: "Je suis d'accord pour que REXFOR intervienne pour
assurer le développement économique dans cette
région."
Si c'est vrai, le député d'Outremont s'apprête
à prononcer cet après-midi un des meilleurs discours de sa
carrière. Il va être d'accord avec le projet de loi 66...
Des voix: C'est cela.
M. Duhaime: ...parce qu'il va être d'accord avec le
développement de l'industrie du sciage en Gaspésie. Il va
être d'accord avec l'implantation d'une papeterie à Matane. Il va
être d'accord avec l'implantation d'une usine de panneaux gaufrés
dans le Témiscamingue. Il va être d'accord aussi avec un projet
MDF à Mont-Laurier. Là, vous allez rendre service au Parti
libéral.
Pas comme l'autre jour en commission parlementaire.
Cela m'a scandalisé. J'en ai même parlé à ma
femme. J'ai dit: Est-ce que c'est possible? Après ma journée de
travail! Vous savez que la vie d'un député n'est pas toujours
drôle. Je suis arrivé chez moi très tard. J'arrive de
l'Assemblée nationale. Le député d'Outremont était
là. J'ai dit: On a perdu notre temps toute la journée. Le
député d'Outremont a parlé en son nom personnel. De deux
choses l'une: Ou bien le Parti libéral a changé son critique en
matière de forêts, ou bien le Parti libéral n'a rien
à dire, ou bien il n'avait pas eu le temps de parler à Robert
Bourassa. Un des trois. J'espère que le discours que nous allons
entendre tantôt du député d'Outremont va être un
discours où, quelque part, il va nous dire: Je parle aujourd'hui comme
porte-parole officiel du Parti libéral du Québec. Ensuite, il va
nous dire s'il est d'accord avec les objectifs du projet de loi. (15 h 50)
C'est une simple coïncidence que le projet de loi 66 comporte 66
000 000 $ d'investissements. Ces 66 000 000 $ ne sont que la part de REXFOR
dans chacun de ces projets. De mémoire, je pense que l'ensemble de ce
qui est attendu des partenaires éventuels de REXFOR dans chacun des
quatre projets se chiffre à 190 000 000 $. Le total des investissements
générés par ce projet de loi est de 486 000 000 $ en
dollars d'aujourd'hui, ce qui veut dire qu'au moment de leur
réalisation, on parle d'un demi-milliard de dollars.
Je suis certain que la préoccupation des libéraux, qui est
une préoccupation de développement régional... Quand
j'entends les discours du très éloquent et incomparable
député de Maskinongé, quand je l'entends parler du
développement économique de la région des
Trois-Rivières, de la Mauricie, des Bois-Francs, de Drummond, qu'est-ce
qu'il dit? Il faudrait que les gens s'impliquent, il faudrait que les
investissements viennent, il ne faudrait pas que les sociétés
d'État prennent la place de tout le monde. C'est exactement ce que l'on
fait, on donne le mandat à REXFOR, on va lui donner les crédits,
on va lui donner l'argent nécessaire et REXFOR sera en mesure de
discuter avec des partenaires et d'enclencher des projets d'investissements
créateurs d'emplois et de développement économique.
Une chose m'a amusé, l'autre jour, et il faut que je vous raconte
cela. Le député d'Outremont nous a fait beaucoup de reproches en
commission parlementaire et j'avoue que cela m'a chagriné. Il nous a
dit: Vous auriez dû prendre exemple sur la Société
générale de financement. Lorsqu'ils sont venus nous voir en 1980,
ils avaient un plan de développement entre deux "couverts", ils nous ont
expliqué cela et c'était
merveilleux.
Cela m'a chagriné parce que le député d'Outremont
aurait dû ajouter que le ministre qui pilotait le projet de loi qui a
donné à la Société générale de
financement 118 000 000 $ pour lui permettre de prendre de l'expansion, c'est
celui qui vous parle. Ce projet de loi avait été voté en
décembre 1980 à l'unanimité à l'Assemblée
nationale. Nous avions, dans ce projet de loi, bien sûr, un plan de
développement. Il y avait des intentions d'investissement, mais il y
avait un bloc de plusieurs dizaines de millions - si mon souvenir est bon, je
pense que c'est 60 000 000 $ ou 65 000 000 $ - pour faire des acquisitions.
C'était inscrit: X millions, acquisitions futures.
L'Opposition nous a demandé à cette époque, en
1980: Quelles sont les entreprises que vous avez l'intention d'acheter? On a
dit: On ne peut pas vous le dire, si on annonce cet après-midi que la
Société générale de financement va acheter telle
compagnie de papier, faire une OPA, une offre publique d'achat, ou encore une
compagnie dans le secteur manufacturier, j'ai l'impression que les chiffres
vont sauter un peu à la Bourse.
Les libéraux nous ont fait confiance, ils ont voté le
projet de loi sans savoir quelles étaient la ou les entreprises que la
Société générale de financement convoitait. Je vais
vous le dire, aujourd'hui, il y en avait deux: Hawker-Siddeley et Domtar. C'est
le projet de loi sur la Société générale de
financement qui a permis, dans les années qui ont suivi, à la
Société générale de financement de prendre une
participation suffisamment élevée dans Domtar, avec aussi la
participation de la Caisse de dépôt et placement dans cette
entreprise, que le contrôle effectif de Domtar est resté entre les
mains de Québécois.
Dans ce projet-ci, nous donnons plus de renseignements que dans le
projet de 1980. Si on nous a fait des félicitations pour le projet de
loi de 1980, sur la façon dont nous avons procédé, en en
donnant davantage, il me semble qu'on mériterait davantage de
félicitations. Dans le projet de loi, on dit: II y a quatre projets
très précis qui sont identifiés. Je ne le sais pas,
peut-être que le député d'Outremont a parlé à
Robert Bourassa, je sais qu'ils sont en négociations, à l'heure
actuelle. Est-ce que le député d'Outremont est en train de nous
faire vivre ses dernières heures ici, comme parlementaire? Comme on le
lirait dans Tintin: "mystère et boule de gomme". Mais tout le monde sait
que cet homme que l'on recherche tant, à propos duquel circulent
actuellement des avis de recherche et qui, ce matin, par la voix du leader de
l'Opposition, par la voix du chef parlementaire de l'Opposition,
réclamait au premier ministre des élections
générales, devrait peut-être commencer par se
présenter à une élection partielle.
M. Bourassa, je ne l'ai jamais connu; je ne le connais pas; je l'ai
rencontré une fois ou deux. Je ne l'ai jamais vu non plus à
l'Assemblée nationale. J'espère qu'on ne me privera pas trop
longtemps de ce plaisir, M. le Président. J'ai hâte qu'il arrive,
qu'il vienne nous voir, qu'il vienne nous expliquer... Le député
d'Outremont parlant en son nom personnel, il est assez difficile de savoir ce
que les libéraux pensent du projet de loi. Si M. Bourassa était
là... Je ne le blâme pas de viser le comté d'Outremont;
c'est un comté facile. C'est un comté facile, il a toujours
été libéral. Le vôtre, peut-être, le
comté d'Outremont; c'est un beau comté, il a un maire
libéral - c'est-à-dire qu'il était libéral. Il a
changé de parti, mais j'ai oublié son nom; je me demande si ce
n'est pas le parti de...
Une voix: Judéo-chrétien.
M. Duhaime: Je ne me souviens pas... Le parti qu'avait
fondé M. Choquette, cela avait duré un bon mois et demi. Il est
retourné à la mairie d'Outremont. C'est un homme respectable, un
ancien ministre de la Justice. Le seul reproche qu'on lui fait dans sa
carrière, c'est la Loi sur les mesures de guerre.
Une voix: C'est cela.
M. Duhaime: Le comté d'Outremont, c'est un beau
comté. Il me semble que M. Robert Bourassa, s'il était
député, ferait bien cela. Il serait élu tellement fort que
je me demande même si mon premier ministre présenterait un
candidat. Ce qui veut dire qu'il viendrait vite. On pourrait commencer au mois
de septembre ou octobre avec Robert Bourassa en face de nous, qui viendrait
nous expliquer...
Une voix: Ses vues.
M. Duhaime: ...son point de vue, qui viendrait mettre à
jour sans doute le petit livre rouge sur l'énergie - cela fait longtemps
que je ne vous en ai pas parlé; ils ne l'ont pas mis à jour; il
doit être dépassé, parce qu'il l'était
déjà il y a cinq ans -concernant les forêts, les mines, le
secteur manufacturier, la place des sociétés d'État dans
l'économie. J'aimerais que le futur député d'Outremont, M.
Bourassa, nous explique quelles sont ses vues sur REXFOR dans l'industrie de la
forêt, comment il voit l'avenir. M. Bourassa est venu dans ma
région il n'y a pas tellement longtemps et il a dit: Si cela continue,
le Québec va être un pays du tiers monde. J'ai hâte qu'il
arrive parce que je vais lui demander quelle va être notre ration de
nourriture. S'il nous ménage un avenir aussi gai que celui du
dernier pays du tiers monde, cela doit être triste dans ce parti
d'en face; cela doit être effrayant.
J'espère donc - et je terminerai là-dessus - que les
communications à l'intérieur de la formation politique
libérale ont été intenses, fructueuses, et que le Parti
libéral du Québec va appuyer le désir légitime de
la population de Matane, les désirs légitimes des populations de
Grande-Vallée, de Marsoui, du mont Logan, de Saint-Léon-le-Grand,
de Lac-au-Saumon, dans l'industrie du sciage; qu'il va appuyer aussi les
désirs légitimes de la population du Témiscamingue pour
une usine de panneaux; les désirs légitimes aussi de la
population de Mont-Laurier. J'ajoute que celle de Maniwaki ne sera pas
oubliée. Nous avons décidé pour Maniwaki, en attendant
mieux, de continuer la construction de cette route. Je sais aussi que nous
avons en main un projet de développement minier pour cette
région. Il n'y aura pas de discrimination. Vous allez me dire: C'est
facile, les mines ne se déplacent pas. C'est vrai. Mais nous allons le
subventionner, même si c'est un comté libéral...
Une voix: Encore des promesses!
M. Duhaime: ...parce que la population de Maniwaki et la
population de Gatineau ont le droit de vivre comme les autres...
Une voix: C'est cela.
M. Duhaime: ...et que notre gouvernement n'a jamais
pénalisé personne à ce sujet. La preuve, c'est qu'on a
perdu toutes nos élections partielles jusqu'à maintenant. Mais
attendons le 18 juin. J'espère qu'on va casser la glace une fois.
Je vous dirai que j'espère que ce projet de loi n'est qu'un
départ. J'espère que très bientôt nous reviendrons
devant l'Assemblée nationale avec un autre projet de loi pour REXFOR,
pour augmenter son capital-actions, pour augmenter sa force de frappe sur le
plan économique, pour être en mesure de reprendre ce que
j'appellerais des besoins vitaux, des besoins légitimes. (16 heures)
Vous savez, ces rouges-là, M. le Président, ils sont
incompréhensibles. Ils proposent de créer de l'emploi. Ils
proposent de créer de l'emploi pour les plus vieux, pour les plus
jeunes, pour les hommes, pour les femmes, pour tout le monde. Êtes-vous
capable de m'expliquer comment il se fait que, lorsque nous arrivons avec un
projet de loi qui va commander 486 000 000 $ d'investissements dans quatre
régions du Québec, le Parti libéral ne peut pas faire
mieux que de nous envoyer un député, d'Outremont...
Une voix: Où il y a beaucoup de bois.
M. Duhaime: ...qui par surcroît parle en son nom personnel?
Moi, M. le Président, je ne comprends pas. J'espère que je me
suis trompé...
Une voix: II ne comprend rien.
M. Duhaime: ...et je suis prêt à m'excuser, M. le
Président. Tout à l'heure, je vais rester ici, à
l'Assemblée nationale, et je vais écouter avec mes deux oreilles
le député d'Outremont. Je vais même prendre des notes et je
vais le faire avec beaucoup d'attention. Si le député
libéral vient nous rejoindre sur ce projet de loi, je vais les
féliciter tous, parce que je sais qu'ils seront également
félicités à Matane, en Gaspésie, à
Saint-Léon-le-Grand, entre autres, à Lac-au-Saumon, à
Grande-Vallée, dans le Témiscamingue, à Mont-Laurier, et
entretenir aussi l'espoir...
Une voix: Maniwaki.
M. Duhaime: ...que Maniwaki se développe, parce que ce que
les libéraux demandent, c'est que REXFOR investisse 50 000 000 $, 60 000
000 $ et 75 000 000 $ à Maniwaki. On est donc d'accord au moins sur une
chose. Nous sommes d'accord des deux côtés sur le principe
suivant: REXFOR - vous me corrigerez si je fais erreur - devrait investir dans
un projet de MDF, quelque part. Nous disons: Mont-Laurier. Les libéraux
disent: Ce devrait être Maniwaki. Je vous ai expliqué tantôt
pourquoi ce ne pouvait pas, pour l'instant en tout cas, être Maniwaki.
L'entreprise privée a dit non. Une société d'État,
REXFOR, a dit: Nous, on était prêt à y aller; personne veut
de nous autres; on est revenu chez nous. Il ne se fait pas de discrimination
sur des bases politiques dans un dossier comme celui-là. Il s'agit de
voir si l'investissement est sensé, s'il est raisonnable, s'il
répond à un besoin, s'il répond à l'attente d'une
population et s'il y a aussi à l'horizon un retour sur
l'investissement.
Dans ce sens-là, je suis assuré et j'ai la conviction que,
dans le dossier de l'industrie du sciage, nous pourrons commencer les
investissements dans quelques semaines, dès cet été,
aussitôt que les études de rentabilité et de
faisabilité dans les trois autres projets auront été
complétées et que nous aurons trouvé les partenaires que
nous souhaitons retrouver dans chacun de ces trois dossiers. Nous irons de
l'avant et ces 500 000 000 $ d'investissements qui seront
réalisés dans quatre coins du pays seront -j'en suis convaincu -
bienvenus chez la population, parce qu'ils sont grandement attendus. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant
d'accorder la parole au député d'Outremont, je veux
apporter une correction à ce que j'ai dit au départ. J'ai tenu
pour acquis qu'il y avait eu ajournement du débat sur le projet de loi
48, mais j'ai oublié de le faire entériner. Donc, il est inscrit
au journal des Débats.
M. le député d'Outremont.
M. Pierre-C. Fortier
M. Fortier: M. le Président, vous avez entendu comme moi
le ministre de l'Énergie et des Ressources traiter d'un sujet
extrêmement grave alors que nous avons énormément de
chômage dans toutes les régions du Québec, un chômage
comme nous n'en avons jamais connu ici. Vous avez entendu comme moi le ministre
de l'Énergie et des Ressources traiter de ce sujet d'une façon
superficielle, avec des répétitions, des attaques personnelles
contre moi-même et contre notre chef. Il ne faudrait pas être
surpris - j'espère que nos collègues d'en face ne sont pas
surpris - si, jour après jour, votre cote descend.
Vous devriez écouter un peu plus la population et savoir que ce
genre de discours, M. le ministre, vous a fait perdre au moins un autre point
ou deux points. Il ne faudrait pas être surpris si, mois après
mois, votre cote descend et que la population vous rejette. Les gens ont des
problèmes économiques. Les gens veulent réellement la
création d'emplois. Ils sont fatigués de ce genre de discours de
ministres et de députés fatigués sans aucune idée,
qui n'apportent absolument rien dans le débat et auquel nous voulons
apporter notre contribution. Les gens se posent des questions, M. le ministre,
sur le rôle des sociétés d'État; les gens se posent
des questions sur l'administration publique; les gens se posent des questions
sur l'intensité des déficits que vous avez encourus depuis quatre
ou cinq ans.
M. le Président, il ne faut pas se surprendre si c'est ainsi
qu'agit le gouvernement qui nous dirige. Référons-nous à
l'aveu même du vice-président du Parti québécois, M.
Sylvain Simard, qui a dit: Les ministres ne sont plus intéressés
à gouverner leur ministère; les ministres qui sont ici ne sont
plus intéressés à gouverner. M. le Président, s'ils
veulent avoir Robert Bourassa en Chambre, qu'ils déclarent des
élections et il sera ici.
J'entendais le ministre dire: Mais, depuis tout ce temps et durant tout
ce temps que vous avez été au pouvoir, comment y a-t-il eu de
commissions parlementaires pour entendre REXFOR? Il faut savoir que c'est nous
de l'Opposition qui avons demandé d'entendre REXFOR avant la discussion
de principe du projet de loi. C'est nous qui avons demandé et qui avons
négocié avec le ministre, qui a refusé d'ailleurs, parce
que nous voulions entendre non seulement REXFOR; mais aussi les gens qui sont
concernés par l'orientation de REXFOR. Nous voulions entendre
également les gens du secteur privé qui se plaignent de REXFOR.
Nous voulions entendre les gens des régions pour qu'ils puissent nous
dire ici ce qu'ils attendent de REXFOR, ce qu'ils veulent, et pour nous
permettre d'en redéfinir l'orientation.
Si, de 1970 à 1973, l'Opposition que vous dirigiez à ce
moment n'a pas demandé à entendre REXFOR, ce n'est pas notre
faute. Si l'Opposition qui existait du temps de Jean Lesage et auparavant n'a
pas demandé à entendre REXFOR, ce n'est pas notre faute, M. le
ministre. Nous, nous avons demandé à entendre REXFOR et nous
avons joué notre rôle pour que la population soit
écoutée et éclairée.
Le ministre nous dit: Bien sûr, faites-nous confiance. Tout ce que
nous voulons, c'est un montant de 65 000 000 $ pour quatre ou cinq projets. Je
ferai remarquer au ministre que, dans le projet de loi, il n'y a absolument
rien qui dise que cet argent va être dépensé en
Gaspésie, que cet argent va être dépensé à
Matane, que cet argent va être dépensé à
Mont-Laurier. Il n'y a absolument rien qui dise cela. S'il veut proposer un
amendement en ce sens, je vais être le premier à m'en
réjouir. Mais il n'y a absolument rien dans le projet de loi qui nous
dit que ce montant de 65 000 000 $ sera dépensé là
où il nous dit qu'il le serait.
Ce ministre n'a pas joué son rôle de contrôle
vis-à-vis de REXFOR - et je le démontrerai tout à l'heure
- dans le contrôle des dépenses et des budgets qu'on lui a
accordés; ce même ministre depuis deux ou trois ans, ne fout
absolument rien dans le dossier de la Société de cartographie, je
l'ai évoqué à plusieurs reprises: budget de la
Société de cartographie de l'ordre de 800 000 $ à 900 000
$, déficit de 500 000 $ à 600 000 $. J'ai posé des
questions au ministre il y a un an. Il m'a dit: Oui, c'est à
l'étude. J'ai posé des questions lors de l'étude des
crédits il y a un mois ou un mois et demi. Il m'a dit: Oui, c'est encore
à l'étude. Nous arrivons avec des recommandations. M. le
Président, mais qu'est-ce que c'est que ce gouvernement? Mais c'est de
la foutaise. Ces gens ne sont pas capables de contrôler la province. Pour
eux, gouverner une province, ce n'est pas suffisant. Ils veulent avoir un pays.
Gouverner un ministère de l'Énergie et des Ressources, cela n'est
pas assez. Si on était indépendant, cela serait plus
intéressant. En attendant, on s'ennuie dans tout cela. On n'est pas trop
intéressé. On fait des discours de platitudes. On s'attaque
à des individus au lieu de traiter des politiques dont nous devrions
traiter, au lieu de discuter de la place des sociétés
d'État dans l'économie
québécoise, au lieu de discuter du rôle de REXFOR
à l'intérieur de l'industrie de la forêt. M. le
Président, c'est cela le débat et c'est de cela que le ministre
n'a pas voulu traiter alors qu'il aurait dû le faire.
M. le Président, comme je l'ai indiqué tout à
l'heure, nous avions demandé d'entendre non seulement REXFOR mais
d'entendre également ceux qui se plaignent de REXFOR, ceux qui ont des
plaintes à faire sur REXFOR. Ceci nous a été
refusé. C'est malheureux, parce qu'il est difficile pour nous de faire
la preuve de leurs allégations. Mais il reste quand même que
c'était une chance que nous avons ratée puisque REXFOR n'est
venue qu'une seule fois en commission parlementaire en 20 ans d'existence. Mais
vous pouvez compter sur moi, cela ne se répétera plus. Si on a la
chance de le lui demander à nouveau, REXFOR reviendra une autre fois.
Mais il reste qu'on a manqué une chance précisément
d'entendre tous ceux qui étaient intéressés par
l'industrie de la forêt, l'industrie du bois, dans toutes les
régions. (16 h 10)
Bien sûr, je sais pertinemment, pour avoir fait le tout de la
province, que le nom de REXFOR ne dit peut-être pas grand-chose aux
habitants de Montréal ou peut-être de Québec, mais c'est un
nom qui est connu en région, que ce soit en Beauce, que ce soit en
Gaspésie, que ce soit sur la Côte-Nord, que ce soit en Abitibi,
que ce soit au Lac-Saint-Jean, au Témiscamingue, tous ceux qui sont en
région connaissent REXFOR et s'inquiètent justement du sort qu'on
lui réserve et de la place qu'elle va jouer dans le développement
économique du Québec.
Nous savons tous que l'industrie du bois s'est développée
considérablement depuis les 20 dernières années.
D'ailleurs depuis même 30 ans, l'industrie canadienne et
québécoise du sciage a connu une très forte expansion.
Cette expansion s'est faite surtout par la demande domestique, construction de
maisons, la demande qui s'est créée ici même au
Québec, au Canada, mais surtout par la demande de bois à
l'étranger et principalement aux États-Unis. Le taux de
croissance moyen de l'industrie québécoise durant la
période de 1973 à 1980 s'est situé à environ 6,5%.
C'est un développement qui était assez fantastique. Ce qu'il faut
savoir de cette expansion de l'industrie du bois, surtout dans le domaine des
scieries, c'est qu'elle ne s'est pas faite principalement à cause de
REXFOR, mais à cause des politiques forestières qui ont
été mises de l'avant surtout par le gouvernement libéral
de 1970 à 1976.
Auparavant, et même si la politique avait commencé quelque
peu avant cela, il n'y avait pas de politique très claire à
savoir que des approvisionnements en bois devaient être assurés
aux scieries; comme celles-ci ne pouvaient pas compter sur des
approvisionnements constants, continus, sur plusieurs années,
c'était difficile pour elles de se développer. Comme on peut le
constater par les statistiques de l'industrie du bois au Québec, et
selon les calculs en mètres cubes de bois qui a été vendu,
on réalise qu'en 1973, c'était 4 720 000 mètres cubes et
qu'en 1977, c'était 6 136 000 mètres cubes. C'est donc une
augmentation de près de 50% entre 1973 et 1977. Je crois que tous ceux,
qui ont étudié cette expansion phénoménale qui a
créé de l'emploi en région, se rendent compte que ceci
était dû à des politiques forestières mises de
l'avant en 1973 par le gouvernement de Robert Bourassa.
Il aurait fallu mettre à jour cette politique bien avant
aujourd'hui. Depuis déjà trois ans que je suis en politique, je
rencontre les gens dans les régions qui disent: II faudrait mettre
à jour la politique forestière. À ma connaissance,
à venir jusqu'à maintenant, le gouvernement a fait à peu
près rien. Le ministre nous disait tout à l'heure qu'il avait
fait une conférence de presse. Comme je n'en ai pas pris connaissance,
je ne peux la commenter. Je crois qu'il faisait allusion à ce qu'il nous
a dit lors de l'étude des crédits à savoir qu'il
déposerait un document qui serait non pas un énoncé de
politique gouvernementale, mais qui serait plutôt un énoncé
de faits, de statistiques permettant aux gens du milieu de s'exprimer. Avant
que cet énoncé de politique devienne une politique
gouvernementale, il se passera sûrement encore six mois, neuf mois ou
même un an et je ne peux que dénoncer ce retard à susciter
des politiques forestières qui auraient pu, justement, assurer la
continuité du développement économique et celui de
l'industrie de la forêt et surtout la création d'emplois en
région.
Ces politiques ont un impact très important. En effet, dans
l'industrie du bois en particulier il y avait 19 483 personnes qui
travaillaient dans le secteur du bois en particulier et en 1980, 29 000. C'est
donc dire encore là une augmentation de 50% dans la création
d'emplois dans l'industrie du bois. Il ne faut pas croire qu'il sera facile de
continuer ce rythme de croissance puisque l'industrie du bois
déjà fait face à plusieurs impondérables et fait
face à des difficultés nombreuses. On n'a qu'à faire
référence à une décision qui a avorté par la
suite, à savoir que le gouvernement des États-Unis
désirait mettre - ou certaines personnes du gouvernement - des quotas ou
des droits de douane sur le bois en provenance du Canada. On sait que ce genre
de politique pourrait de nouveau être suggéré et pourrait
créer des embarras certains à l'industrie du bois qui est si
importante en région.
Je crois que lorsqu'on étudie une
société d'État comme REXFOR, il faut se poser des
questions fondamentales parce que depuis la révolution tranquille,
depuis 1960, il est vrai que les gouvernements libéraux de Jean Lesage
ou de Robert Bourassa, les gouvernements de l'Union Nationale ont tous
créé de nombreuses sociétés d'État. Je crois
que cela était voulu par le milieu ou par les Québécois,
parce qu'on croyait qu'il était nécessaire que les
Québécois et les Canadiens français se donnent des outils
pour faire le développement économique du Québec.
Je crois qu'après 20 ans de cette politique, il est tout à
fait normal que nous nous posions maintenant des questions. Devons-nous
continuer dans cette lancée? Croyons-nous que les sociétés
d'État doivent jouer à l'avenir un rôle aussi important
qu'elles l'ont fait dans le passé? Devons-nous garder les
sociétés d'État qui sont déficitaires? Quel est le
rôle du secteur privé? Quel est le rôle de l'administration
gouvernementale? Vous avez sûrement entendu comme moi, M. le
Président, le discours du ministre de l'Énergie et des
Ressources, qui n'a pas du tout traité de ce genre de questions.
D'alleurs, dans un petit livre de Pierre Foumier de l'UQAM sur les
sociétés d'État et les objectifs économiques du
Québec, livre qui traite justement du rôle des
sociétés d'État - c'est une publication ou un travail qui
a été fait vers 1977 - on dit justement qu'il y a deux raisons
fondamentales pour lesquelles les gouvernements québécois qui se
sont succédé ont voulu créer de nombreuses
sociétés d'État. Le premier objectif, bien sûr,
était la transformation industrielle du Québec. On croyait et on
voulait que l'État, par l'entremise des sociétés
d'État, puisse changer fondamentalement l'industrie
québécoise et la structure de l'industrie du Québec
même.
Or une analyse des statistiques sur le nombre de personnes qui
travaillent dans le secteur industriel et dans toutes les industries du
Québec nous amène à constater que, de fait, les choses
n'ont pas tellement changé. Les Québécois travaillent
surtout dans les secteurs où ils prédominaient en 1960 ou en
1965.
Bien sûr, je serai le premier à avouer, étant
ingénieur et ayant oeuvré dans le domaine de l'énergie,
qu'il y a des sociétés d'État qui ont joué un
rôle primordial. Que l'on pense surtout à Hydro-Québec, qui
a permis à des bureaux de génie-conseil de se développer.
Que l'on pense à SNC, à Lavalin et à d'autres qui ont eu
des mandats d'Hydro-Québec qui leur ont permis de développer une
expertise qui, à leur tour, leur a permis d'aller chercher des contrats
à l'étranger. C'est donc dire que certaines
sociétés d'État ont joué un rôle essentiel et
que tout ce qui a été fait jusqu'à maintenant n'a pas
été négatif. Bien au contraire.
Mais il faut quand même constater que le désir avoué
ou inavoué de changer fondamentalement la structure industrielle du
Québec n'a pas été exaucé. Je me souviens
moi-même, lorsque j'étais jeune ingénieur, qu'on croyait
que SIDBEC deviendrait une deuxième Hydro-Québec ou une
troisième Hydro-Québec. On se rend bien compte maintenant que
cela n'a pas été le cas. Cet objectif - il faut l'avouer - nous
amène sûrement à nous poser des questions quant au
favoritisme qu'on a manifesté en voulant favoriser à tout prix
les sociétés d'État au lieu de miser sur le secteur
privé. Est-ce qu'un gouvernement québécois, quel qu'il
soit, doit continuer dans cette direction?
M. le Président, il y avait un deuxième objectif, tel
qu'en fait part M. Fournier, pour amener les gouvernements
québécois de la révolution tranquille et d'après
à susciter des sociétés d'État et à trouver
des façons de s'incruster dans l'activité économique du
Québec. C'était d'amener des Québécois et des
Canadiens français dans le domaine des affaires. Je crois, pour ma part,
que cet objectif a été réalisé. Qu'on regarde tous
ceux de la garde montante, comme le dit si bien le ministre des Finances, qui
maintenant ont leur mot à dire dans l'économie du Québec,
qui ont fait leur preuve et qui, dans plusieurs sociétés du
secteur privé... Qu'ils soient d'appartenance québécoise,
d'appartenance nationale ou internationale, plusieurs Québécois
ont fait leurs peuves et l'on peut dire que dans une très grande mesure
cet objectif a été atteint.
Il reste, comme en fait foi un document du Conseil exécutif -
j'ai ici un document du 3 novembre - que nous avons créé au cours
des ans de nombreuses sociétés d'État. J'en ai un total
ici de 277. Bien sûr, ce ne sont pas toutes des sociétés
d'État qui oeuvrent dans le domaine économique, mais il y en a
quelque 85 dans ce secteur. Je crois que lorsqu'on prend connaissance de
l'importance des sociétés d'État dans notre
économie et du rôle de l'État d'une façon
générale, que ce soit par sa réglementation, par sa
fiscalité, par tous les moyens qu'il a, par les politiques
forestières en particulier dans le domaine du bois, on doit se poser des
questions sur le rôle que l'on réserve à ces
sociétés en général et sur le rôle que l'on
doit réserver à REXFOR en particulier dans le domaine de
l'industrie du bois.
Il y a bien des raisons à cela, mais il y en a une en
particulier, c'est que l'État ne peut pas continuer à alimenter
tout le développement économique du Québec. Je me
réfère à une déclaration du premier ministre lors
du discours inaugural, il y a de cela environ 18 mois ou deux ans: que le
gouvernement se rend compte lui-même, même s'il avait une tendance
sociale-démocrate, que s'il voulait créer des emplois, il
fallait
favoriser le secteur privé.
Il y a des choix à faire dans la vie. Nous, de notre formation
politique, croyons qu'il faut favoriser le secteur privé puisque c'est
sûrement l'élément le plus dynamique face à la
concurrence étrangère et qui nous permettra dans l'avenir de
faire face à la concurrence qui nous vient non seulement des autres
provinces mais aussi d'ailleurs; nous devons favoriser le secteur privé
en priorité.
Y a-t-il quand même un rôle pour les sociétés
d'État? Je l'ai dit à plusieurs reprises et, comme je parle au
nom du Parti libéral du Québec cet après-midi, je le
répète. D'ailleurs, je rappellerai au ministre que le manifeste
du Parti libéral du Québec, qui a été adopté
en congrès il y a un an, le dit d'une façon très claire:
"Nous croyons qu'il y a un râle pour les sociétés
d'État mais il faut que ce rôle soit canalisé". La question
qui se pose, que le ministre n'a pas comprise, est celle-ci: Même s'il y
a un rôle pour les sociétés d'État qu'il faut
canaliser, il faut s'assurer qu'il y a des directives données par le
gouvernement et que ce rôle soit canalisé de façon qu'il
joue le rôle qu'on veut bien lui faire jouer.
J'évoquerai certaines statistiques. Nous avons ici en particulier
le rôle des gouvernements dans l'économie du Québec. Vous
verrez alors qu'en l960, l'Ontario et le Québec avaient à peu
près le même pourcentage du produit intérieur brut pour les
différents gouvernements - j'inclus là-dedans les gouvernements
municipaux, fédéral et provincial - qui était de moins de
30%. Avec les années, surtout à partir des années soixante
et d'une façon accélérée dans les années
soixante-dix - et cela s'est poursuivi par la suite - le rôle des
gouvernements s'est accru d'une façon considérable d'une
façon telle qu'au moment où l'on se parle, l'on peut dire avec
assurance que le pourcentage du produit intérieur brut,
c'est-à-dire tout ce qui se fait dans le domaine économique, de
tout ce qui est créé au Québec, est d'environ 50%. Les
gouvernements municipaux, fédéral et provincial occupent 50% du
produit intérieur brut, alors qu'en Ontario, ils n'occupent qu'environ
40%. On voit que cela a plafonné. L'Ontario a fait le correctif qu'on
aurait dû faire à partir de 1976 alors que le gouvernement qui
nous dirige a continué à favoriser une expansion du secteur
public.
Ce qu'il faut savoir, c'est qu'au Québec c'est 50% du produit
intérieur brut qui est dépensé par les trois paliers de
gouvernement. Mais il faut savoir aussi que ceci n'inclut pas les
sociétés d'État. C'est donc dire qu'au Québec,
environ 65% du produit intérieur brut est entre les mains des trois
paliers de gouvernement et surtout entre les mains des gouvernements municipaux
et provincial. Si on ajoute à cela les sociétés
d'État, les trois paliers de gouvernement ont un rôle
extrêmement large dans notre économie. C'est environ 65% qui sont
entre les mains des trois paliers de gouvernement. C'est énorme.
Si l'on veut corriger les déficits budgétaires que nous
avons, si nous voulons à l'avenir faire les correctifs qui s'imposent
dans l'administration gouvernementale, il faut absolument se poser des
questions à savoir si l'État va continuer à jouer le
rôle qu'il a joué durant les 20 dernières
années?
C'est cette question que j'ai posée en commission parlementaire.
Je crois que c'est celle-là qu'il faut poser. Il faut, chaque fois que
c'est possible, nous poser des questions sur la performance d'une
société d'État en particulier, corriger notre tir si c'est
nécessaire, rajuster l'orientation d'une société
d'État. C'est pour ces raisons que nous avons demandé si REXFOR a
un plan de développement.
Le ministre nous disait: Dans les années soixante-dix, il n'y
avait pas de plan de développement. Sûrement. Et je le remercie
d'avoir noté que les interventions qui avaient été
approuvées par le gouvernement libéral à l'époque
étaient de très bonnes interventions. Maintenant qu'on nous
demande de voter 65 000 000 $, alors même que ce montant pourrait servir
à toutes les sauces et, indépendamment de ce que pourra dire le
ministre, pourra servir à toute autre chose que ce dont il nous a
parlé cet après-midi, il faut quand même se poser des
questions.
Je sais que le ministre a voulu être rassurant envers le secteur
privé en disant: Ne vous inquiétez pas, nous n'avons pas
l'intention d'entrer en concurrence avec le secteur privé. Je me dois de
lui signaler, pour avoir été en Gaspésie et sur la
Côte-Nord, en Abitibi et ailleurs, que les gens du secteur privé
ne sont nullement rassurés; ils se posent justement des questions sur le
genre d'interventions qui pourraient être faites par le gouvernement une
fois le projet de loi adopté.
Il y a aussi d'autres raisons. La performance de REXFOR depuis 1977,
entre autres n'a pas été ce qu'elle aurait dû être.
Le ministre me critiquait tout à l'heure parce que, lors de la
commission parlementaire, nous avons voulu séparer la performance de
REXFOR qui venait de son propre fonctionnement et faire la différence
avec les revenus qui proviennent de ses investissements dans des
sociétés qu'elle ne contrôle pas. Il y a une bonne raison
à cela: il faut juger de la performance d'une personne ou d'une
compagnie sur ce qu'elle contrôle elle-même. Si vous me dites que
REXFOR a 30% d'une compagnie qu'elle ne contrôle pas, je ne vais pas
blâmer REXFOR nécessairement du déficit qu'elle pourrait
engendrer indirectement à cause du déficit d'une
société dans laquelle elle n'a pas de droit de gérance. Je
crois cependant qu'il est
tout à fait pertinent de poser des questions sur la performance
de REXFOR, sur les activités qu'elle dirige, qu'elle contrôle.
C'est ce que nous avons évoqué en commission parlementaire et qui
est résumé ici, sur ce tableau.
Vous voyez comme moi que, de 1977 à 1982, dans la colonne en
bleu, les ventes de REXFOR ont augmenté considérablement. De
fait, elles ont doublé de 1977 à 1982; elles sont donc de l'ordre
de 50 000 000 $ au moment où nous nous parlons. La performance de REXFOR
pour les activités qu'elle contrôle elle-même,
c'est-à-dire les activités où elle a plus de 51% et
qu'elle consolide dans son bilan financier, nous donne les résultats
suivants: une perte sèche de 1 600 000 $ en 1977, un léger profit
en 1978-1979, un profit de 1 400 000 $ en 1979-1980 et, ensuite, une perte de 4
300 000 $ en 1980-1981; de 11 900 000 $ en 1981-1982 et de 11 000 000 $
également en 1982-1983.
C'est donc dire que, durant cette période, REXFOR, dans les
activités qu'elle contrôle, a subi un déficit de 27 000 000
$. Bien sûr, le ministre nous dit: Regardez au bas de la ligne du bilan
financier de REXFOR. Si on déduit de cela les revenus qui proviennent de
placements dans les sociétés qu'elle ne contrôle pas, elle
fait un déficit cette année de 4 900 000 $ qui a
été effacé d'une certaine façon, mais le ministre
sera d'accord avec moi pour dire qu'il faut juger une personne, qu'il faut
juger une société sur les activités qu'elle contrôle
elle-même. C'est le résultat du contrôle de REXFOR sur les
sociétés d'État et sur les filiales qu'elle contrôle
elle-même.
Ce qui est plus grave, c'est que, durant ce même laps de temps,
les frais de vente et les frais généraux de REXFOR n'ont pas
été contrôlés. Quand on connaît la performance
du ministre de l'Énergie dans le contrôle de la
Société de cartographie, qui continue à faire des
déficits incommensurables, on n'est pas surpris de constater que, de
1977 à 1982, les frais d'administration et de vente ont quadruplé
et ont été augmentés par un facteur de 430% alors que le
chiffre d'affaires n'a augmenté que du double.
Quand on parle de la performance de REXFOR, c'est de cela que nous
parlons. C'est la question que nous posons au ministre de l'Énergie et
des Ressources. Le ministre nous dit: Faites-nous confiance, votez 65 000 000
$, ce n'est pas beaucoup. Ce n'est que 65 000 000 $. Votez 65 000 000 $ et
faites-nous confiance, vous allez voir ce qu'on va faire. Voyez, M. le
Président, ce qui s'est fait avec l'argent des contribuables. Je crois
qu'il est du devoir de l'Opposition de poser des questions au ministre et
c'était notre devoir de poser des questions à REXFOR pour leur
demander ce qu'ils font avec l'argent des contribuables. (16 h 30)
Comme je ne renie nullement le passé et comme je l'ai dit en
commission parlementaire j'étais d'accord avec certaines interventions
de REXFOR. Il reste que, dans certains cas, REXFOR a dû entreprendre des
travaux qui étaient marginalement rentables et qui influencent sa
performance. Dans d'autres cas, REXFOR a tenté d'acheter des
sociétés telle Bellerive-Ka'n'enda. Elles ont été
achetées, non par souci d'aider une région en particulier, mais
pour ajouter à la panoplie d'expérience et de "know-how" qu'elle
voulait avoir dans une région donnée. C'est
précisément là, le problème. C'est une question que
j'ai posée au ministre et au président de REXFOR en commission
parlementaire et pour laquelle je n'ai pas eu de réponse. Est-ce que
REXFOR est une société qui doit faire un profit, ou est-ce que
REXFOR est une société comme la Société de
développement industriel qui cherche à aider certaines
sociétés lorsqu'on peut les aider et lorsqu'elles peuvent
créer de l'emploi? Présentement, ces deux objectifs sont
mêlés et on ne sait pas à quoi s'attendre.
Le ministre a dit, et c'est vrai: Nous avons posé des questions;
nous avons demandé quel était le plan de développement.
Quel est le niveau de rentabilité que vous voulez atteindre? Est-ce que
votre rôle est uniquement d'aider les sociétés en
difficulté ou s'il est de bâtir un empire? Même le
président de REXFOR m'a avoué que c'était quelque peu
confus et que, malheureusement, il ne pouvait pas me donner de réponse
positive et définitive à ce sujet. ; Pourtant, le ministre des
Terres et
Forêts en 1978, M. Bérubé, dans un article du Soleil
du 22 août, disait ceci: "La société d'État REXFOR
devra se comporter comme une entreprise privée et c'est dans cette
optique que le gouvernement québécois a autorisé REXFOR
à vendre l'usine de sciage Samoco de Sacré-Coeur. Nous voulons
ramener, disait-il, nos sociétés d'État sur une base
concurrentielle et, conséquemment, elles devront présenter en
moyenne les mêmes coûts et le même niveau de
rentabilité qu'on retrouve dans le secteur privé." Ou bien M.
Bérubé, qui parlait au nom du gouvernement, savait de quoi il
parlait et à ce moment-là, il * demandait à REXFOR de
fonctionner sur les mêmes bases que les sociétés
privées, ou bien l'objectif a changé.
J'ai demandé au président de REXFOR: Est-ce que vous avez
reçu des directives, comme le permettait au gouvernement la nouvelle loi
de 1979, de changer l'orientation de REXFOR? Il m'a répondu: Non, on n'a
pas obtenu de directives spéciales. C'est la raison pour laquelle je
disais qu'il est tout à fait normal, à ce moment-ci, de
remettre
REXFOR en question, non pas parce que, personnellement, j'en veux aux
dirigeants de REXFOR - ce sont des gens très aimables avec qui j'ai eu
le plaisir de converser -mais parce que, si nous ici au Parlement, nous voulons
jouer notre rôle, il faut absolument définir le rôle des
sociétés d'État, voir si on ne pourrait pas
privilégier davantage le secteur privé et s'assurer que si on
donne des fonds provenant des contribuables à REXFOR, elle en fasse le
meilleur usage possible. Comme je le disais, nous n'avons pas eu de
réponse à ces questions et je crois que l'orientation qu'a
donnée M. Bérubé, à la lumière des
résultats de REXFOR, explique la contradiction dans laquelle nous sommes
présentement.
Il est bien certain que tous les gouvernements jusqu'à maintenant
ont voulu qu'il y ait de plus en plus de sociétés d'État.
D'ailleurs, le Parti libéral - je le dis d'une façon toute
candide - a été celui qui a créé plusieurs
sociétés d'État. Mais nous ne sommes plus en 1960, ni en
1970, ni en 1976. Nous sommes en 1984. On constate que, même les
gouvernements socialistes... Le gouvernement français par exemple, tout
en étant très socialiste, préconise des politiques qui,
dans une certaine mesure, vont briser le monopole de certaines
sociétés d'État dans certains domaines - je rencontrais
récemment un homme d'affaires qui m'en parlait - en particulier dans les
hôpitaux, alors que toute la question de l'hôtellerie et de
l'alimentation était gérée par des employés
d'hôpitaux même, depuis un an ou deux, le gouvernement
français a voulu, de façon à économiser des sous,
que ce soit dorénavant le secteur privé qui assume ces
responsabilités. Même un gouvernement socialiste comme le
gouvernement français, devant la montée des déficits
gouvernementaux, se pose des questions et cherche des solutions qui vont
permettre un meilleur équilibre entre le secteur privé et le
secteur public.
Il faut aussi constater que, jusqu'à maintenant, REXFOR avec
cette performance financière, avait des liquidités et des avoirs
largement supérieurs à tout ce que pouvait avoir le secteur
privé. Si l'on compare précisément, comme je l'ai fait en
commission parlementaire, l'avoir des actionnaires par rapport aux ventes,
c'est-à-dire le montant que les actionnaires ont investi dans la
compagnie divisé par le chiffre de vente, on s'aperçoit que
REXFOR, avec 50 000 000 $ de ventes, a un facteur de 146%, c'est-à-dire
qu'elle a un capital-actions d'environ 75 000 000 $ pour un chiffre de vente de
50 000 000 $. Même Normick-Perron, Donohue, Forex et toutes les autres
sociétés ont un capital-actions beaucoup inférieur
à leur chiffre de vente.
C'est donc dire que REXFOR a eu des avoirs du gouvernement qui
étaient de beaucoup supérieurs à ceux que le secteur
privé peut normalement avoir. Même si on déduit -
d'ailleurs, ce tableau a été corrigé pour déduire,
des avoirs et des bilans financiers de REXFOR les montants qui ont
été avancés pour ITT et Tembois - les investissements qui
ont été faits dans les compagnies associées, on
s'aperçoit que ce ratio de l'avoir des actionnaires sur les ventes est
de beaucoup supérieur à celui des sociétés
privées, dans le secteur du bois en particulier. D'ailleurs, on le voit
dans d'autres tableaux, par exemple celui du fonds de roulement. Pour ceux qui
connaissent la comptabilité, le fonds de roulement c'est le ratio des
actifs à court terme sur le passif à court terme. On
s'aperçoit qu'à court terme, REXFOR a toujours eu un fonds de
roulement très élevé, comparativement à l'industrie
privée, et également des liquidités extrêmement
élevées.
Année après année, REXFOR a toujours eu beaucoup de
liquidité. C'est ce qui inquiète précisément les
sociétés privées. Elles disent: Écoutez! Si,
jusqu'à maintenant, REXFOR a pu, dans certains cas, être notre
compétiteur avec des règles du jeu quelque peu
différentes, si cette société a des liquidités
considérables, quelle sera sa place dans le secteur du bois en
particulier? C'est la raison pour laquelle on se pose des questions. C'est la
raison pour laquelle il y a eu de nombreuses critiques. Vous avez lu comme moi
les critiques sur Les panneaux de la Vallée, qui a été
accusée de concurrence déloyale. Vous avez lu les critiques nous
venant du Témiscamingue, et je cite: "REXFOR travaille par en-dessous.
Plusieurs intervenants dénoncent la volonté monopolistique de
REXFOR." C'est dans la Frontière du mercredi 11 avril. Dans le Journal
du Témiscamingue, on dit: "Les volontés monopolistiques de REXFOR
sont dénoncées."
M. le Président, je crois que REXFOR a un rôle ambigu et
c'est la raison de toutes ces craintes et de toutes ces critiques. Si REXFOR
avait continué à jouer un rôle d'aide au secteur
privé, un rôle d'aide lorsqu'une société est en
difficulté, et si REXFOR ne s'était pas permis d'acheter des
sociétés pour augmenter son rôle monopolistique, je ne
crois pas qu'on aurait eu droit à des critiques aussi féroces, je
dirais, que celles que nous entendons lorsque nous rencontrons les gens du
secteur privé qui oeuvrent dans le secteur du bois, dans le secteur du
bois de sciage en particulier.
Je disais donc qu'une remise en question est nécessaire. Il est
malheureux que nous ayons aujourd'hui à voter sur un projet de loi alors
qu'il y a des besoins si grands en région et que nous devions faire
confiance à un gouvernement qui ne sait pas où il va, qui ne
s'est même pas posé de questions, qui nous dit: Faites-nous
confiance.
Je crois que l'analyse financière et les quelques plaintes que
j'ai évoquées nous permettent de constater que REXFOR n'a pas une
bonne réputation en région, qu'il est vrai qu'elle a joué
un rôle utile dans certains cas... Tembec en particulier a
été certainement une intervention tout à fait
légitime du gouvernement libéral de l'époque qui a permis
précisément à une société de reprendre pied
et à des gens des régions de reprendre confiance en
eux-mêmes et de développer une industrie dans leur propre
région. Ce sont les questions que les gens nous ont posées.
M. le Président, comme je l'évoquais en commission
parlementaire, il est curieux tout de même, et le ministre le disait:
Comment se fait-il que tout de même une société
d'État relativement petite comme REXFOR suscite tellement de craintes
dans différentes régions du Québec alors que la
Société générale de financement, je dirais la
section forestière de la Société générale de
financement, ne semble pas préoccuper les gens du secteur
privé?
Je l'évoquais en commission parlementaire à partir des
états financiers de la Société générale de
financement que nous venons de recevoir. On s'aperçoit que Donohue et
Domtar ont collectivement des actifs de l'ordre de 2 000 000 000 $ et des
ventes de 2 200 000 000 $. C'est donc beaucoup plus que les actifs de REXFOR
qui ne sont que de 100 000 000 $. À tous les gens à qui j'ai
parlé, ceux qui travaillent dans le secteur du bois en particulier,
jamais on n'a contesté la façon dont travaillait Donohue et
jamais on n'a contesté la façon dont travaillait Domtar. On dit:
Ces gens respectent les règles du secteur privé. Même si
certaines personnes du secteur privé n'aiment pas beaucoup les
sociétés d'État et nous disent: Pour autant que les
sociétés d'État respectent les règles du jeu, dans
la même mesure nous sommes prêts à les accepter comme
faisant partie précisément de notre économie.
Ce rôle ambigu de REXFOR, le rôle
moitié-moitié, c'est-à-dire rôle voulant, dans une
certaine mesure jouer le rôle de compétiteur du secteur
privé et un autre rôle qui est une aide au secteur privé,
M. le Président, il ne faut pas se le cacher: Si une
société est en difficulté et si elle croit que REXFOR est
son compétiteur, ces gens vont hésiter à aller se confier
à une société qui pourrait les assimiler
complètement, les acheter et en prendre le contrôle
précisément pour augmenter son empire.
C'est ce que nous n'avions pas permis, je crois. C'est ce qu'a fait le
gouvernement libéral de Robert Bourassa, de 1970 à 1976,
même s'il avait permis des interventions ponctuelles comme celles qu'a
évoquées le ministre de l'Énergie et des Ressources; ce
sont tout de même des interventions qui ne permettaient pas une prise de
contrôle total et qui allaient plutôt dans le sens de dire: On va
aider les gens en région qui veulent se sortir du trou.
Cela pose toute la question de la mission de REXFOR. Quelle est-elle?
Est-ce que REXFOR existe pour être en compétition avec le secteur
privé? Est-ce qu'elle doit aider les entreprises en difficulté?
Est-ce qu'elle doit prendre un contrôle majoritaire et absolu de ces
sociétés une fois qu'elle a remis en route des
sociétés qui étaient en difficulté? Est-ce qu'elle
doit en garder le contrôle d'une façon indéfinie? C'est la
confusion dans les rôles de REXFOR que nous avons évoqués.
J'attendais que le ministre nous parle cet après-midi de la mission de
REXFOR et qu'il nous dise qu'à la suite de ce projet de loi, il
était pour mettre en branle un processus qui permettrait à tous
les intervenants des régions de s'expliquer, un processus qui aurait
permis éventuellement de préciser la mission de REXFOR.
Malheureusement, il ne l'a pas fait. Pourtant, M. le Président, celui
qui a le premier évoqué cette nécessité de
préciser la mission de REXFOR, ce n'est pas moi. En toute
humilité, cela a été le ministre des Terres et
Forêts. Il faut d'ailleurs dire que M. Bérubé est
respecté de ceux qui travaillent dans l'industrie du bois et que,
malheureusement, depuis ce temps, les gens s'inquiètent de voir un
ministre qui papillonne des mines à l'énergie, de
l'énergie à la forêt et qui revient plus souvent à
d'autres dossiers que celui du bois qui intéresse pourtant tellement de
régions du Québec.
C'est la raison pour laquelle dans toutes les régions où
je vais, les gens me disent: Il nous faut un ministère des Terres et
Forêts séparé. Je comprends. Le ministre qui est devant
nous n'a pas pris la peine de préciser la politique forestière ou
de faire une mise à jour de la politique forestière que le
gouvernement libéral avait définie en 1973 et qui aurait
demandé d'ailleurs une mise à jour dès 1977 et dès
1978.
Le ministre a fait une conférence de presse - il faut bien le
noter, c'est aujourd'hui le 12 juin 1984 - alors que la mise à jour
aurait dû être faite en 1978 ou, au plus tard, en 1979. Nous sommes
rendus en 1984, le 12 juin 1984 - il va falloir noter la date - alors que le
ministre n'a même pas défini une politique gouvernementale dans le
domaine de la forêt. Il a donné des statistiques, il a
donné certaines orientations pour fins de discussion en espérant
que, dans six mois ou dans neuf mois, le gouvernement puisse se donner une mise
à jour de la politique forestière qui avait été
définie si brillamment par le gouvernement Bourassa de 1973.
Comme je le disais, c'était M. Bérubé, le
député de Matane, qui, lorsqu'il était
ministre des Terres et Forêts, avait dit exactement ce que j'ai
dit en commission parlementaire. Je vais le citer. C'était un
député de l'époque, M. Saint-Germain, qui lui posait la
question à savoir: Comment on allait contrôler REXFOR?
C'était au moment de l'adoption du projet de loi 97, la Loi sur la
Société de récupération, d'exploitation et de
développement forestiers du Québec. Et M. Bérubé de
dire ceci: "De plusieurs façons. D'une part, par des définitions
claires de mandat, pour nos sociétés d'État. À
titre d'exemple, nous prenons le cas de SIDBEC, où l'Assemblée
nationale a donné comme mandat à SIDBEC l'implantation d'un
complexe sidérurgique intégré. Une Assemblée
nationale saine d'esprit devait savoir, à ce moment, qu'un tel complexe
allait coûter plusieurs milliards de dollars. Et si telle était la
volonté de l'État à l'époque, il fallait,
dès le départ, consentir les sacrifices financiers
nécessaires et réaliser ce complexe sidérurgique." Il
revenait un peu plus tard sur cette nécessité de définir
l'orientation des sociétés d'État. Il ajoutait ceci, et je
le cite à la page B-1252 du 29 mars 1979: "Les premières
discussions que nous avons eues avec l'ensemble des présidents de nos
sociétés d'État ont toutes permis de conclure que la
principale défaillance que perçoivent les présidents des
sociétés d'État face au rôle et à
l'interaction entre l'État et les sociétés d'État,
c'est cette absence totale de volonté politique de la part d'un
gouvernement vis-à-vis de leur mandat. Les présidents de
sociétés d'État ont tous expliqué que s'ils ne
savaient pas ce que le gouvernement attendait d'eux, ils étaient
livrés à eux-mêmes et devaient, à ce
moment-là, élaborer leurs propres politiques..."
Ce que nous a dit le ministre tout à l'heure, c'est tout à
fait inacceptable. Le ministre nous dit: Oui, c'est bien vrai, après la
loi de 1979, le ministre de l'époque a demandé que REXFOR ait un
plan de développement. Je sais qu'en 1982, semble-t-il, cela a pris un
certain temps à REXFOR. Elle a soumis un plan de développement au
gouvernement. Voilà de cela cinq ans que la loi de 1979 a
été adoptée. Voilà deux ans que REXFOR a soumis son
plan de développement, qui aurait pu justement nous éclairer sur
l'orientation que REXFOR veut prendre. Le gouvernement n'a pas encore
trouvé le temps d'approuver le plan de développement de REXFOR
et, durant la commission parlementaire, nous en étions rendus à
faire des suppositions. M. Duchesneau, le président de REXFOR, nous
disait: "Vous savez nous, ce que nous aimerions bien, c'est de n'avoir qu'une
seule société d'État dans le domaine du bois, dans le
domaine des pâtes et papiers, des scieries en difficulté. Nous
aimerions rapatrier les actifs de Donohue dans REXFOR."
J'ai été surpris que le ministre ait dit: Oui, cela peut
avoir un certain bon sens. J'ai la citation exacte ici. Je crois qu'il a dit
-je le cite, pour être plus précis - "J'avoue honnêtement,
sans être ni doctrinaire ni dogmatique, qu'il n'y a pas de mal en soi
à ce qu'il y en ait deux qui oeuvrent dans ce secteur. Il n'y a pas de
mal à ce qu'il y en ait même trois." - Pourquoi pas quatre,
pourquoi pas cinq? Cela, il ne nous l'a pas dit. "Il n'y a pas de mal non plus
à ce qu'on fasse l'intégration et qu'il n'y en ait qu'une
seule."
Intégrer les actifs de Donohue dans REXFOR, c'est tout à
fait farfelu. Il faut savoir que Donohue est une société
publique, qui fait des profits, qui a des actions cotées en Bourse, qui
a des actionnaires minoritaires et sûrement que la Commission des valeurs
mobilières se serait opposée à ce qu'un
société cotée en Bourse, qui fait de l'argent, soit mise
entre les mains d'une société qui, elle, n'en fait pas, comme je
l'ai évoqué tout à l'heure. Je ne comprends pas que le
gouvernement prenne tant de temps pour répondre à des questions
comme celle-là. Si c'est bien là une des données du plan
de développement de REXFOR, je ne comprends pas que le ministre n'ait
pas trouvé le temps encore de convaincre le cabinet des ministres qu'il
devait donner une réponse claire à REXFOR qui veut, elle,
chercher à transposer ou accaparer les actifs de Donohue dans REXFOR. Il
me semble que, lorsqu'on vote 65 000 000 $ pour une société
d'État telle que REXFOR, et qui va doubler le capital-actions de REXFOR,
qui va passer de 58 000 000 $ à 125 000 000 $, le public, l'industrie
privée qui travaille dans le secteur du bois, les contribuables qui vont
payer cette augmentation de capital, sont en droit de connaître ce que le
gouvernement pense sur l'orientation que REXFOR veut se donner. (16 h 50)
Si je reprends les mots du député de Matane, qui
était, à ce moment-là, ministre des Terres et
Forêts, il disait clairement ceci: "Lorsque le gouvernement ne donne pas
l'orientation qu'il voudrait donner à une société
d'État, c'est celle-ci qui se la donne." Cela, c'est le monde à
l'envers. C'est ce que disait Sylvain Simard, celui qui était
vice-président du Parti québécois à venir
jusqu'à la semaine dernière: Les ministres ne sont plus
intéressés à gouverner le Québec, ils ne prennent
plus de décision, ils laissent les sociétés d'État
décider par elles-mêmes, ils possèdent 100% de la compagnie
mais en tant qu'actionnaires, non pas seulement majoritaires mais en
totalité, ils ne sont pas intéressés à donner des
directives précises, même après que REXFOR eut
exprimé certains désirs dans son plan de développement.
C'est cela qui est inacceptable, M. le Président.
Je crois que le débat sur REXFOR n'est pas terminé. Quant
à nous, nous allons continuer notre réflexion, nous allons
continuer à rencontrer les gens des différentes régions,
à les écouter, à connaître leurs désirs et
à susciter leurs commentaires pour nous permettre d'arriver avec une
politique qui sera annoncée en temps et lieu.
Ce que j'aimerais dire aujourd'hui, c'est que je crois qu'une
société d'État, qui ne reçoit pas de directive
très claire de son gouvernement et qui ne sait pas où elle va,
c'est "the blind leading the blind", comme dit l'expression anglaise. C'est un
gouvernement qui ne sait pas où il va, une société
d'État qui ne sait pas trop. Comme le dit le proverbe chinois, vous le
connaissez M. le Président: Quand on ne sait pas où on s'en va,
tous les chemins y mènent. C'est exactement l'orientation qu'a prise le
gouvernement du Québec dans le dossier de REXFOR. Je trouve que ce
proverbe chinois est tout à fait caractéristique de la politique
du ministre de l'Énergie et des Ressources et du gouvernement qui nous
dirige.
M. le Président, ce qui n'est pas pour nous rassurer, c'est que
lorsque nous avons posé des questions... Je terminerai sur ce qui suit.
Lorsque l'on prend note du chômage qui sévit en régions, je
crois que je l'ai évoqué tout à l'heure, ce chômage
est de beaucoup supérieur à celui qui existe à
Montréal en particulier. Si je peux retrouver mes statistiques, je les
ai ici, je pourrais vous les citer de façon plus précise. Alors
qu'à Montréal - je vous donne des statistiques de mai 1984 - le
chômage est de 12,6%, ce qui est très fort, on voit qu'en
Gaspésie-Bas-Saint-Laurent c'est 22%; au Saguenay-Lac-Saint-Jean, c'est
19%; en Mauricie-Bois-Francs, c'est 14,7%; dans l'Outaouais, 17%; dans le
Nord-Ouest québécois, 16,2%; sur la Côte-Nord, 16,5%.
Il est évident que les régions ont des besoins qui ne sont
pas satisfaits. Il y a des gens dans les régions qui cherchent de
l'emploi. Il est donc évident qu'un gouvernement libéral
s'assurerait qu'une société d'État ait une orientation
précise pour aider les gens des régions. Mais il faut encore que
cette direction soit connue. Comme je le disais au début,
l'Assemblée sera appelée à voter un budget de 65 000 000
$, le ministre nous dit qu'il fera telle et telle chose. Mais une fois que les
montants d'argent sont votés, le gouvernement est tout à fait
libre de faire ce qu'il veut. Sans connaître les orientations du
gouvernement, nous serons perdus en conjonctures.
Comme bien sûr il n'y a pas tellement d'urgence, la seule qui
existe présentement, c'est la réorganisation des scieries en
Gaspésie, ce qui demandera uniquement 9 000 000 $ de capital-actions sur
65 000 000 $. Il n'y a pas d'urgence pour elle parce que la papeterie de
Matane, cela fait trois ou quatre ans que vous travaillez là-dessus, M.
le ministre, et il n'y a rien qui a abouti. Malheureusement pour les gens de
Matane qui veulent cette papeterie, ils devront attendre. Ce n'est pas
le fait de voter ce genre de capital-actions qui va leur donner la scierie la
semaine prochaine. Mais il est vrai que, dans le cas de la Gaspésie, il
y a un besoin de restructurer l'industrie du bois de sciage et c'est la seule
urgence que je connaisse.
Nous allons voter pour ce projet de loi parce que nous croyons qu'il est
nécessaire d'aider la Gaspésie et que le gouvernement n'aura pas
le temps de dépenser les autres sommes d'argent. Nous aurons des
élections très bientôt, je l'espère. Ce
gouvernement, qui a déjà perdu trois ou quatre ans, pourra tenter
d'aller chercher une papeterie à Matane. S'il continue avec la
même efficacité qui a caractérisé ses actions
jusqu'à maintenant, lorsque nous arriverons au pouvoir, nous serons
encore libres des choix à faire dans l'avenir.
Étant donné, M. le Président, que les autres
projets sont à peu près de même nature, que la conjoncture
économique et que l'ardeur du gouvernement à développer
l'économie du Québec, se fait plutôt au pas ralenti, je ne
crois pas, malheureusement, que le gouvernement suscitera la création
d'emplois et des investissements qui viendront très rapidement.
C'est donc dire - et ceci pour que ceux qui nous écoutent en
soient assurés - que nous déplorons le manque d'orientation du
gouvernement et de REXFOR. Nous déplorons que l'orientation et les
définitions d'orientation ne soient pas données par le
gouvernement, et c'est là son rôle.
Nous déplorons le fait que le gouvernement n'exige pas de REXFOR
un contrôle plus strict des dépenses qui se font au niveau des
frais généraux et des frais d'administration. Il est tout
à fait inadmissible, pour ma part, que les ventes de REXFOR soient
doublées alors que les dépenses d'administration et de vente
soient quadruplées. C'est le monde à l'envers. Comment peut-on
comprendre que les frais d'administration et de vente soient multipliées
par 4,2 alors que le chiffre de vente est multiplié par 2? Si j'ai des
recommandations à faire au gouvernement, ce serait de s'assurer qu'un
contrôle plus efficace soit fait des frais généraux de
REXFOR et que, lorsqu'il fait des interventions, il s'assure que personne du
secteur ne soit brimé; qu'il s'assure que les sociétés
privées qui peuvent exister dans d'autres régions du
Québec ne pourront souffrir d'une intervention de l'État dans une
région en particulier.
En ce qui concerne la Gaspésie, je ne
crois pas que ce soit le cas. Je crois que la Gaspésie a un
chômage chronique et qu'il est nécessaire que le gouvernement
intervienne. Bien sûr, nous avons posé des questions sur la
qualité de l'intervention qui sera faite. Il faut savoir que le
gouvernement qui avait annoncé que le projet démarrerait subito
presto, est encore en train de se demander s'il va le faire.
Nous espérons qu'il le fasse, compte tenu du chômage
chronique qui sévit en Gaspésie. Quand même, j'oserais
espérer que dans le futur, le gouvernement prenne plus au sérieux
l'administration publique, qu'il prenne plus au sérieux le
développement économique du Québec, qu'il précise
les orientations de REXFOR et qu'il évite, justement, que cet argent
soit utilisé à des fins autres que celles d'assurer le
développement économique du Québec. Ceci, en prenant en
considération le rôle très important que doit jouer le
secteur privé, qui est contrôlé, dois-je le rappeler, par
les Québécois dans le domaine du bois de sciage, en
particulier.
C'étaient les commentaires que je voulais faire. Vous avez
compris que mon intervention se voulait dans le sens d'évoquer des
questions fondamentales sur le rôle de l'État, sur le rôle
des sociétés d'État en particulier. Nous avons posé
ces questions parce qu'il semble que le gouvernement qui nous dirige soit
à court d'idées et qu'il évite de se poser les questions
qu'il devrait se poser, des questions que tout le monde se pose, sauf lui. (17
heures)
Nous déplorons le fait que le gouvernement n'ait pas jugé
bon de donner une orientation précise à REXFOR qui permettrait de
continuer dans une direction qui favorise certaines régions du
Québec qui peuvent être en difficulté, tout en s'assurant
que les entrepreneurs locaux, les entrepreneurs des régions reprennent
la direction des entreprises lorsqu'ils le peuvent et que l'intervention de
REXFOR devrait se dérouler, somme toute, dans le meilleur
intérêt des entrepreneurs locaux des régions et non pas
dans le sens de brimer les entrepreneurs locaux qui peuvent exister et qui
existent d'ailleurs dans toutes les régions du Québec.
Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Abitibi-Est.
M. Jean-Paul Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Le projet de loi 66 que
nous étudions en deuxième lecture nous permet, bien sûr, de
pousser un peu plus la réflexion sur la société REXFOR.
Pour avoir entendu et écouté attentivement le
député d'Outremont, qui commençait lui-même son
intervention, il y a une heure, en disant qu'il était fatigué
d'entendre des ministres, des députés, placoter et être
superficiels sur certains projets de loi, je vous avoue qu'il m'a fallu une
heure pour comprendre que le Parti libéral finirait, après ses
tergiversations, par voter pour le projet de loi.
Je veux relever, bien sûr, quelques affirmations du
député d'Outremont qui nous dit, dans sa longue intervention
qu'il aurait voulu entendre les compagnies forestières qui ont des
critiques à apporter sur la société REXFOR. Je voudrais
simplement lui dire qu'après la petite tournée qu'il a faite dans
les régions, qui a permis justement d'alimenter certaines critiques
publiques - je pense que cela a servi à cela - les accusations
étaient déjà portées dans les journaux. C'est ainsi
que nous avons appris dans le journal Les Affaires que la société
Forex Leroy à Val d'Or accusait PanVal, etc. Donc les accusations
étaient déjà connues publiquement. La commission
parlementaire à cet effet-là a surtout servi à REXFOR
à se défendre justement contre ces attaques-là.
Là-dessus, le président de la société REXFOR nous a
apporté en commission parlementaire des réponses
intéressantes, détaillées également sur ces
accusations.
Lorsque le directeur général d'une société
de mon comté qui s'appelle Forex Leroy accuse REXFOR de faire du
dumping, je vous avoue que je suis sensible à ces accusations, parce que
moi non plus je ne voudrais pas qu'une société d'État
vienne faire une mauvaise concurrence à d'autres sociétés
privées qui existent, même s'il y a des capitaux de l'État
aussi dans Forex Leroy. Nous avons appris finalement, avec les réponses
de M. Duchesneau, que c'était plutôt l'inverse et qu'à
l'occasion, cela pouvait même être Forex Leroy qui réduisait
ses prix et qui venait faire du dumping ou en tout cas une mauvaise
compétition à la compagnie . PanVal. Cela me permet aujourd'hui
de dire justement que l'on ne peut pas non plus laisser des directeurs
d'entreprises privées dire n'importe quoi sur les sociétés
d'État telle REXFOR. Si REXFOR a tort, elle a tort bien sûr et
cela me dérangerait beaucoup. Si ce sont les sociétés
privées qui ont tort, à ce moment-là, on peut aussi
utiliser cette commission parlementaire, comme on l'a fait, pour justement
démontrer que REXFOR n'est vraiment pas un compétiteur
malhonnête.
Encore là, il ne faudrait pas se méprendre non plus quand
on voit, par exemple, le directeur général de la
société Forex Leroy faire les manchettes dans les journaux
même si l'Opposition, le Parti libéral a tendance à
reprendre cela, à son compte comme étant de bons amis. Je pense
qu'il y a des nuances à faire et cela ne permet pas... Quand M. Arcand,
par exemple,
parle, il ne parle pas au nom de l'Abitibi-Témiscamingue. Il peut
avoir certaines restrictions sur REXFOR, mais il y a d'autres intervenants en
Abitibi-Témiscamingue. C'est ce que je disais, d'ailleurs, au
député d'Outremont en commission parlementaire la semaine
dernière. Il est allé faire une tournée en région,
il a rencontré un certain nombre d'intervenants, je n'ai pas vu son
agenda, mais j'ai l'impression qu'il est surtout allé voir des grosses
sociétés, nos sociétés régionales, telle
Normick, probablement Forex Leroy peut-être le Groupe Saucier
également; et c'est normal, qu'à ce moment-là, il ait
reçu des critiques de la part de ces sociétés.
Encore-là, je pense que REXFOR, en Abitibi peut-être moins,
mais au Témiscamingue - mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue pourra vous en parler tantôt - la
société REXFOR a fait plusieurs interventions qui ont
été heureuses - M. le député d'Outremont, vous
l'avez souligné vous-même tantôt - il y a quelques
années, au niveau de Tembec; cela a été une intervention
importante qui a permis d'empêcher que le Témiscamingue ferme
à peu près complètement avec cette société
importante.
Je voudrais relever aussi une autre affirmation. M. le
député d'Outremont, en terminant son intervention, donnait des
chiffres sur le chômage. Oui, d'accord, les investissements de REXFOR
dans les régions peuvent aider à réduire le chômage.
Je voudrais simplement lui indiquer que, comme il mentionnait les chiffres de
l'Abitibi-Témiscamingue à 16,2% en mai 1984, en novembre 1976, on
ne parlait pas de 16,2% mais on parlait de 26,5% de chômage en
Abitibi-Témiscamingue. C'était sur la fin du règne du
régime Bourassa. Chez nous, bien sûr, on veut encore le
réduire. Quand on parle d'un taux de chômage de 16%, c'est pas mal
moins effrayant que celui de 26% qu'on avait il y a huit ans.
On dit qu'avec ce projet de loi 66, on fait des dépenses de
l'ordre de 66 000 000 $. Je voudrais resituer le contexte en disant que c'est
dans l'objet du projet de loi, que ce projet de loi augmente le fonds social de
REXFOR de 66 000 000 $. Ce n'est pas non plus un chèque qu'on vient de
signer cet après-midi après l'acceptation du projet de loi, mais
cela permet à REXFOR de pouvoir intervenir dans un certain nombre de
dossiers qu'on a déjà mentionnés en commission et ici
auparavant. Il y a quatre grands dossiers principaux - M. le ministre de
l'Énergie et des Ressources en a aussi parlé - qui vont permettre
des investissements d'environ 500 000 000 $ dans les régions
forestières pour améliorer la vie des citoyens de ces
régions.
À partir de toutes les interventions que REXFOR a faites depuis
un certain nombre d'années - encore là, on a parlé des
interventions qui avaient été faites sous le règne
Bourassa en 1973-1976, M. le ministre a eu l'occasion de les identifier - il y
en a eu huit de 1973 à 1976, sans plan de développement, comme
cela, le gouvernement donnait des mandats particuliers à REXFOR pour
récupérer dans certaines régions des industries
forestières qui étaient en train de faire faillite ou qui
étaient déjà en faillite.
Mais, après 1976, même sans plan de développement,
REXFOR a quand même continué à y aller avec de bonnes
interventions qui ont donné des résultats et qui ont
créé des emplois dans les régions. Je vous en donne
quelques-unes comme cela. En 1981 en particulier, quand REXFOR a fait
l'acquisition de deux entreprises familiales: Placage de Bellerive et
Ka'N'Enda, à Mont-Laurier, près d'où on s'apprête
à faire un nouvel investissement bientôt. En 1981 toujours, la
société a contribué au développement
économique de la vallée de la Matapédia en s'associant
avec un groupe allemand - le groupe dont on parlait - pour une usine de
panneaux-particules et de meubles. En 1982, en Abitibi-Témiscamingue,
avec la scierie Béarn, pour amorcer une diversification de ces
activités et en prenant des participations de capital-actions dans deux
entreprises soit Cèdre Fabre et Temfor au Témiscamingue toujours,
qui sont de petites entreprises importantes dans notre région. Plus
tard, cette année, REXFOR devenait propriétaire des entreprises
Matabois, Limitée, de Matane. Ce sont encore des interventions qui se
sont faites sans nécessairement avoir un plan de développement
mais qui ont été heureuses dans le milieu des régions, qui
ont permis de développer des régions. Je pourrais vous en donner
d'autres, mais je pense que la liste est déjà assez longue,
l'expérience prouve que ces investissements ont donné de bons
résultats.
Quant à moi, M. le Président, même si la
société REXFOR n'a pas de plan de développement, comme
nous l'indiquait M. le député d'Outremont tantôt, on ne
peut pas dire nécessairement que le gouvernement ou son actionnaire a
approuvé un plan d'investissement. Mais, en lisant certains documents
tantôt, je revenais sur la loi de REXFOR de 1979 où, dans les
objets de la société, il y a quand même trois points
importants qui précisent la mission ou le mandat de REXFOR. Je vous les
lis rapidement: 1° "La société a pour objet de
récupérer et d'exploiter toute agglomération de bois du
domaine public que lui désigne le gouvernement et d'exécuter ou
diriger les recherches nécessaires à ces fins." C'était le
premier mandat de REXFOR, lors de sa
création, de récupérer du bois qui ne l'aurait pas
été autrement. Deuxièmement, de "revaloriser par toute
mesure sylvicole appropriée, de conserver et de protéger les
forêts et les terrains à vocation forestière qui lui sont
indiqués par le gouvernement". Finalement, un troisième mandat
important, probablement le plus important, de "stimuler l'implantation et le
développement de l'industrie forestière ainsi que la
création d'emplois nouveaux. Je pense qu'avec cela, la
société REXFOR a un mandat pour accomplir pas mal de travail dans
les régions forestières du Québec." (17 h 10)
C'est ainsi qu'avec le projet de loi 66 que nous adopterons
aujourd'hui... Je suis content d'apprendre que le Parti libéral votera
pour, après avoir sûrement fait un certain nombre de discours; il
votera pour, selon ce que nous a dit M. le député d'Outremont...
J'ai peut-être mal compris. On verra. Il me fera plaisir de vous
entendre, M. le député de Saguenay, à ce sujet, mais j'ai
cru comprendre, aujourd'hui en particulier, que le député
d'Outremont nous a affirmé très clairement qu'il parlait au nom
de l'Opposition, alors qu'en commission, la semaine dernière, il nous a
plutôt dit que, n'ayant pas eu le temps de consulter son chef - en tout
cas, c'est ce que j'ai compris - il parlait en son nom personnel en commission
parlementaire.
Cela nous a surpris, nous, le ministre et les autres
députés de la commission. Mais je suis content d'apprendre au
moins que, puisqu'il parlait au nom de l'Opposition aujourd'hui, et qu'il nous
a dit, à la fin de son intervention d'une heure, qu'il voterait pour...
j'ai cru comprendre que le message était passé et que le caucus
serait unanime à ce sujet. Non? Il y aura des dissidents. Alors, tant
pis si le Parti libéral ne veut pas faire l'unanimité autour d'un
projet de loi économique comme celui-là.
Quoi qu'il en soit, M. le Président, je me réjouis
aujourd'hui d'avoir pu, en commission parlementaire, discuter avec REXFOR, ce
qui ne s'était jamais produit auparavant d'ailleurs et, même sous
les six dernières années du gouvernement Bourassa, où il y
a eu des interventions de REXFOR, cela n'a jamais été
discuté d'aucune façon en commission parlementaire. Mais on a eu
l'occasion de poser des questions au président et au
vice-président de la société REXFOR et d'avoir des
réponses satisfaisantes.
Je souhaite, M. le Président, que l'adoption de ce projet de loi
66 permette, comme je le disais au début, des investissements importants
qui créeront de nouveaux emplois dans nos régions
forestières du Québec, même si aucun projet n'est
prévu pour le moment dans la région de l'Abitibi ou de
l'Abitibi-Est, plus particulièrement. Il y en a un au
Témiscamingue, cependant et je souhaite que très prochainement,
à la suite de nouvelles études - on fait continuellement des
études sur l'utilisation du bois chez nous, sur le marché du
bois, et il y en a actuellement en marche... D'ici à quelques mois,
peut-être que certains groupes forestiers privés qui, à
l'occasion, dénoncent Forex lorsqu'elle devient compétitrice,
mais, lorsqu'ils ont besoin de liquidité, aiment bien pouvoir utiliser
le capital de REXFOR, dans ce sens, je veux souhaiter M. le Président,
cet après-midi qu'on revienne devant l'Assemblée nationale, d'ici
à quelques mois, avec une demande additionnelle de capital-actions pour
permettre d'autres investissements qui créeront d'autres emplois dans
nos régions et, en particulier, à ce moment-là
j'espère qu'il y en aura aussi pour le secteur de l'Abitibi ou de
l'Abitibi-Est.
Encore là, M. le Président, je me réjouis toujours
que REXFOR, la plupart du temps, intervienne, non pas seul, mais avec des
partenaires. Dans ce sens-là, je pense qu'il vient plutôt, au lieu
de concurrencer l'entreprise privée, combler un vide, un manque de
liquidité pour certains projets que les sociétés
privées ont en poche, mais pour lesquels elles n'ont pas toujours
l'argent dans l'autre poche. Tant que REXFOR viendra combler un manque de
liquidité ou d'argent pour investir dans de nouveaux projets, je pense
qu'elle aura vraiment sa place. Quant à moi, il me fait plaisir de
pouvoir participer et appuyer ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Pontiac.
M. Robert Middlemiss
M. Middlemiss: Merci, M. le Président. C'est certainement
un plaisir et, je pense, un devoir de parler du projet de loi 66 au stade de
cette deuxième lecture. Ce projet en soi, lorsqu'on lit les notes
explicatives, ne semble pas très important, si je lis: "Ce projet de loi
a pour objet d'augmenter de 65 250 000 $ le fonds social autorisé
à REXFOR. L'augmentation du fonds social vise à accorder à
REXFOR les ressources financières requises pour la réalisation de
ses projets de développement de l'industrie forestière.
M. le Président, on a vu que le ministre responsable de cette
société a passé presque tout son temps à critiquer
le porte-parole officiel de l'Opposition ou notre chef, au lieu de tenter de
nous convaincre, de nous démontrer qu'il a toute la confiance
nécessaire en REXFOR. J'ai eu l'occasion d'être un des membres de
la commission qui a entendu REXFOR la semaine dernière. Je dois dire
qu'à la suite de cette commission, les questions que j'ai réussi
à poser ne m'ont pas donné plus de confiance, si on regarde leur
carte de route, leur performance. Par
exemple, le projet de la Papeterie de Matane, qui est promis depuis de
nombreuses années: on a mis le blâme sur tout le monde pour le
fait qu'aujourd'hui elle n'existe pas. Toutefois, lorsqu'on pose la question
à REXFOR en lui demandant à quel endroit, sur le marché,
on va écouler les produits de l'usine de Matane, si jamais elle voit le
jour - je suis d'accord avec le ministre, parce que les gens de Matane veulent
l'avoir; on l'a tellement promise à ces gens qu'il ne faudrait pas leur
réserver le même sort qu'aux gens de Maniwaki - alors, en posant
la question à M. Duchesneau, il a répondu: On n'a pas fait
d'étude réelle à savoir quel sera l'effet sur le
marché québécois ou chez les producteurs
québécois de papier; on ne l'a pas fait. La seule raison qui
pouvait justifier son existence ou la construction de cette usine, c'est
qu'elle serait à la fine pointe de la technologie; on pourrait produire
plus de papier.
Je me pose la question. C'est que l'étude du marché est
bien importante. Il faut savoir... C'est bien beau de construire une usine,
mais il faut savoir quelles seront les répercussions sur les usines
existantes. On dit que déjà on avait considéré
d'écouler notre produit sur le marché européen. Lorsqu'on
parle de marché européen, cela nous ramène à un
autre projet, l'usine Les panneaux de la Vallée. Je pense que les gens
de la vallée sont bien heureux de l'avoir. Cela était basé
sur une étude de marché: on devait écouler le produit sur
le marché européen à 80%. Mais aujourd'hui, même M.
Duchesneau nous a dit: Si ce n'avait été du marché
extérieur, il est fort probable que l'usine n'aurait pas
été construite dans la vallée, parce qu'on veut avoir
l'usine le plus près possible des marchés.
Donc, M. le Président, si on s'est fié... Je pense que M.
Duchesneau a même admis que REXFOR n'avait pas fait d'étude. On
s'était fié strictement à leurs partenaires qui trouvaient
que le marché était adéquat. Cela n'inspire pas tellement
confiance aux gens qui sont prêts à investir de l'argent s'ils
s'aperçoivent que les marchés qu'on s'attendait d'avoir ne sont
pas là. J'aimerais voir le sort réservé à
l'entreprise privée qui irait s'embarquer dans un tel projet et qui
n'aurait pas l'aide financière de REXFOR pour tenter de se sortir du
pétrin dans lequel elle se trouve. Je crois que cela ne m'a pas
inspiré. Je dis: tant mieux si on peut développer des
marchés pour écouler les produits et rendre l'usine Les panneaux
de la Vallée rentable et créer de l'emploi. Je pense que le
besoin y était. Mais est-ce qu'une décision prise par REXFOR nous
inspire tellement confiance qu'on devrait leur donner carte blanche? Est-ce
qu'on ne devrait pas questionner ses dirigeants sur son passé et
s'assurer qu'elle a appris une leçon de ses erreurs afin de ne pas les
répéter? Il semblerait... Si on fait des erreurs, on devrait
être capable de les reconnaître et de s'assurer que si on
s'embarque dans un autre projet, on ne les répétera pas. (17 h
20)
Il y a aussi, dans un des projets, l'usine de sciage de
Grande-Vallée. Si on se souvient bien, il y a un an et demi
déjà, les gens de Grande-Vallée, pour se faire entendre du
gouvernement, ont été obligés malheureusement de prendre
des moyens que nous ne recommandons pas mais il semble que la seule chose qui
fasse bouger ce gouvernement c'est de descendre dans la rue et de
démontrer qu'on est malheureux. Au moment de cette crise et au moment
où on décidait d'un nouveau projet de scierie en Gaspésie,
il y avait un fonctionnaire de REXFOR qui disait: nous avons commis une grosse
erreur en 1977 lors de la relance de la scierie de Grande-Vallée. Il
aurait mieux valu investir davantage et adapter l'usine au bois de sa
forêt.
J'ai posé cette question à M. Duchesneau qui a admis
qu'ils avaient fait une erreur. La seule justification qu'il pouvait donner
pour cette erreur était les fonds disponibles. Je crois que si les gens
étaient responsables et que s'il s'agissait de leur argent à
dépenser,' ils auraient fait une analyse et ils auraient vu qu'ils
étaient mieux de ne pas procéder. On a peut-être
procédé pour des raisons politiques, pour calmer les gens, mais
ce n'est sûrement pas un bon investissement. On a investi 1 000 000 $
pour s'apercevoir, après un an ou deux, qu'on était encore dans
la même situation. J'ai même demandé si l'usine de
Grande-Vallée aurait pu traverser la crise d'une meilleure façon
si les travaux qui s'imposaient à ce moment-là avaient
été faits. On m'a dit: oui, on aurait peut-être eu des
difficultés mais non celles qu'on a connues.
Encore une fois, si REXFOR prend des décisions parce qu'on lui
dit de le faire parce que c'est politiquement rentable, même si elle sait
très bien que ce n'est pas la méthode de procéder et que
cela ne donnera pas le rendement attendu, je pense que REXFOR aurait dû
avoir le courage de ses convictions et dire au gouvernement: on est mieux de ne
pas faire miroiter des promesses et des attentes à ces gens-là;
on devrait retarder le projet, aller chercher les fonds nécessaires et
faire les changements qui s'imposent. C'est une autre raison pour laquelle cela
ne nous inspire pas vraiment confiance. On pourrait dire au ministre: oui, vous
êtes fin, vous êtes joli, REXFOR est fine, REXFOR est jolie; on va
vous laisser avoir tout l'argent que vous voulez et on va endosser un
chèque en blanc. Je ne crois pas que ce soit notre rôle ici.
On est heureux d'avoir entendu les gens de REXFOR. Il y a longtemps,
dans le domaine de la forêt, qu'on demande au
ministre ou à REXFOR de venir parce qu'il y a des
problèmes. Ce ne sont pas seulement les problèmes qu'on
soulève aujourd'hui, il y a de nombreux problèmes dans la gestion
de la forêt au Québec. L'an dernier on posait la question au
ministre de l'Énergie et des Ressources relativement au reboisement au
Québec. On disait: le reboisement au Québec est environ 5% de ce
qu'on coupe; en d'autres provinces, c'est 34%. Le ministre nous disait: ne vous
en faites pas, tout le monde du milieu est heureux.
Toutefois, au mois de novembre 1983 -je ne sais pas s'ils ont eu une
vision - on a décidé de faire cinq fois plus de reboisement.
C'est ce qu'ils disent, c'est peut-être une autre promesse; des
promesses, on est habitué d'en avoir. Qu'est-il survenu entre juin 1983
et novembre 1983? Le ministre nous a dit: non, on va très bien; il n'y a
pas de problème dans le reboisement, tout le monde est heureux. Tout
à coup, la grosse relance économique et on décide que
c'est cinq fois plus. Qu'est-il arrivé? Est-ce qu'on a
réalisé qu'on était déficitaire dans le
reboisement? Est-ce qu'on a retardé pour des raisons politiques pour
tenter de jeter de la poudre aux yeux des citoyens? Je pense que les citoyens
en ont assez des promesses des ministres et de ce gouvernement.
M. le Président, j'aimerais parler du CITUF, un complexe
forestier qui devait être à Maniwaki. Je dis "devait" parce que
cela faisait partie de l'usine MDF dont le ministre vient de nous dire
carrément qu'elle est maintenant rendue à Mont-Laurier. On a
abordé ce problème et pour vous montrer que le ministre...
À un an d'intervalle, on obtient tous des réponses
totalement différentes. Au moment de l'étude des crédits
au mois de juin 1983, j'ai posé une question au ministre quant à
l'échéancier pour la construction du complexe forestier du CITUF
de Maniwaki. J'ai dit au ministre qu'en temps d'élection et en temps de
référendum, on faisait ces promesses, et je lui ai demandé
si on était obligé d'attendre encore à la prochaine
élection générale pour que s'accomplisse la construction
de ce complexe? Je lui ai posé la question quant à
l'échéancier. Il nous a donné la réponse et je
pense que cela vaut la peine de la lire: "M. Duhaime: Si on veut parler
sérieusement du projet du CITUF, il va pouvoir démarrer dans la
mesure où, dans cette région du Québec, nous pourrons
trouver une entente cordiale entre les différents utilisateurs de la
matière ligneuse. J'ai refusé, pour ma part, comme il m'arrive
à l'occasion de refuser des demandes qui nous sont faites par des
sociétés d'État, de donner le contrôle,
c'est-à-dire une position majoritaire, à 51%, à REXFOR. Je
veux limiter la participation de REXFOR à 50%, mais le problème
que nous avons, c'est de trouver un porteur de ballon. Vous êtes de cette
région, vous le savez, je ne sais pas si le monde est chicanier de
naissance ou autrement dans ce coin-là, mais je n'ai jamais vu un enfer
semblable pour asseoir des gens autour d'une table et essayer de faire une
répartition équitable des approvisionnements sur un financement
de ce projet. Pour être bien honnête avec vous, je ne me tromperais
pas beaucoup en vous disant que mon sentiment, c'est que le dossier est en
panne actuellement et il faudra, bien sûr, une volonté
régionale pour que ce dossier pousse dans la bonne direction, et je
compterais sur les bons efforts du député de Pontiac pour nous
aider dans cette voie."
Comme vous le voyez, M. le Président, à ce
moment-là - il y a un an - REXFOR ne pouvait pas participer pour plus de
50%, mais à ma surprise, pour l'usine de panneaux MBF qu'il y aura
à Mont-Laurier, la participation de REXFOR est de 55%, un an
après. Est-ce l'année ou est-ce l'endroit? Je crois que c'est
peut-être l'endroit. Je ne voudrais pas prêter de mauvaise
intention au ministre, mais on a appris, il y a un ou deux mois, que
Mont-Laurier était l'endroit choisi pour l'usine de panneaux MBF.
Cela, c'est un ministre, mais, il y a à peine deux semaines, on a
aussi annoncé une usine d'hydrogène dans le comté du
ministre de l'Énergie et des Ressources. Était-ce un
échange à ce moment-là? Est-ce qu'on a dit: Aide-moi et je
t'aiderai? Gratte-moi le dos et je vais te le gratter plus tard.
Des voix: Ha! Ha!
M. Middlemiss: Je ne voudrais pas lui prêter de mauvaise
intention, mais on peut se poser de sérieuses questions à ce
sujet.
Une voix: Là, on voit clair.
M. Middlemiss: Oui. Pour revenir à cette usine, pourquoi
l'usine sera-t-elle à Mont-Laurier? C'est parce qu'au mois de mars 1981
- ce sont les réponses qu'on nous donne - on a acheté l'usine de
Bellerive-Ka'N'Enda. C'est REXFOR qui achète cela. Pourquoi l'a-t-on
achetée? Cela ne faisait pas partie de sa mission telle quelle, mais
c'était à vendre. On l'a achetée. Donc, on voulait
apprendre beaucoup de choses dans un domaine où REXFOR n'avait pas
beaucoup d'expertise, mais le hasard permet que, deux ou trois ans plus tard,
parce qu'on est propriétaire de ces deux usines, on enlèvera
l'usine de panneaux MBF de Maniwaki et on la déplacera à
Mont-Laurier. On le justifie de cette façon. Parce qu'on est
propriétaire des usines à Mont-Laurier, on va maintenant aller
chercher ce qu'on avait promis à tour de bras. Je suis convaincu que mon
collègue de Gatineau pourra vous donner énormément de
détails sur la publicité qui a été faite
pendant deux ou trois ans au temps des élections concernant le
complexe forestier à Maniwaki. Il pourra vous dire que ce n'est pas
étonnant que les gens réagissent aujourd'hui quand on leur fait
des promesses de ce genre et que, lorsque le moment propice arrive, on prend la
décision, on met toutes ces choses de côté en tentant de
prouver que l'achat d'une usine en 1981 sans raison justifie aujourd'hui que
l'usine de panneaux MBF soit localisée à Mont-Laurier. (17 h
30)
On nous a aussi dit: Dans l'Outaouais, on a tenté de créer
une société forestière. Ce sont les grosses compagnies qui
ne veulent pas nous avoir là. D'accord. On va parler des
sociétés de gestion de la forêt. On voulait en créer
une. La condition première est que REXFOR aurait 51% des actions. On en
parlait avec des gens qui ne sont pas des nouveaux venus dans ce domaine. On
parle de compagnies comme la compagnie MacLaren, la Consolidated Bathurst, E.B.
Eddy. Ce sont des gens qui travaillent la forêt depuis longtemps. On
refusait que REXFOR récolte 51% des actions.
Parce que ces gens ont refusé, parce qu'ils avaient les
capacités, les connaissances nécessaires pour faire bien
fonctionner cette société, aujourd'hui REXFOR s'en
détourne. On ne veut pas les avoir. Si on ne veut pas les avoir, elles
s'en vont. C'est la seule justification. Toutefois, j'ai demandé
à M. Duchesneau: Pourquoi vous êtes-vous opposés à
ce que REXFOR fasse partie de cette société forestière? On
retournait dans le passé. On a dit: Parce que la façon dont les
grosses compagnies avaient le contrôle sur les forêts et que,
malheureusement, les petites n'en avaient pas.
Mais c'est le problème du ministre. Cela fait longtemps qu'on
demande au ministre une politique de gestion de la forêt. Pour lui, ce
n'était pas tellement important. Ce n'est certainement pas un sujet
important parce qu'il y a encore un an, j'avais l'occasion de demander au
ministre à quel moment on aurait une nouvelle politique
forestière au Québec.
Pour ne pas qu'on dise que je dis des choses que le ministre n'a pas
dites, je lui posais cette question: "Est-ce que le ministre peut nous indiquer
à quel moment il a l'intention de présenter un plan
intégré de gestion de la forêt du Québec?" "M.
Duhaime: Grande question. Environ dix ans d'ouvrage." Donc, au mois de juin
l'an passé on parlait de dix ans et REXFOR, société dont
est responsable le ministre, est concernée par le fait qu'il y a des
grosses compagnies qui sont les seules partenaires dans une
société forestière. Si le ministre veut rassurer REXFOR
que les grosses compagnies ne reviendront pas à leurs mauvaises
habitudes, c'est à lui de nous présenter une politique de gestion
de la forêt et qu'on leur donne les conditions à remplir. Qu'on
leur dise: Voici les conditions auxquelles vous devrez vous soumettre et, en
retour, voici les droits que vous aurez. Donc, M. le ministre, si vous
êtes intéressé à ce que REXFOR puisse être
exclue de certaines sociétés forestières, organisez-vous
pour avoir une politique de gestion de la forêt.
Je pourrais continuer là-dessus. Le ministre a dit: "Maintenant,
votre question semblait théorique et ne retient pas pour l'instant
toutes les énergies des effectifs du ministère. Il y a des gens
qui font une réflexion, bien sûr. On verra ce que l'on peut
faire". Donc, pour le ministre, une gestion de la forêt n'est pas
importante. Pourtant, il y a d'autres provinces du Canada qui n'ont
peut-être pas un rôle aussi important ou qui n'ont peut-être
pas une forêt aussi importante que celle du Québec, mais ces gens
ont aussi tenté de procéder de la façon qu'on
procède aujourd'hui au Québec, et ils ont finalement
trouvé un moyen. Après avoir fait une tentative dans ce sens, ils
se sont aperçu que cela ne fonctionnait pas. Donc, je dis que pour
intéresser les grosses compagnies, je crois qu'il devrait y avoir une
politique forestière qui va établir exactement quels sont leurs
droits et, en retour, ce que le gouvernement exigera de ces gens-là,
mais qu'on établisse cette politique forestière.
Donc, en conclusion, je dois dire que même à la suite de
cette commission de REXFOR, d'après les cas que je viens de citer, qu'on
ne nous a certainement pas donné cette confiance dont le ministre
parlait pour signer un chèque en blanc finalement sans avoir l'occasion
de démontrer au moins que des changements s'imposent dans la
société REXFOR. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet); M. le ministre de
l'Éducation.
M. Yves Bérubé
M. Bérubé: Merci, M. le Président. Une
voix: Lui, c'est un bon ministre!
M. Bérubé: II est rare qu'on ait l'occasion
d'entendre, venant de l'Opposition et à mon égard: Lui, c'est un
bon ministre. Je tiens à le souligner, puisque je viens de l'entendre
venant des banquettes de l'Opposition. Je ne mentionnerai pas le nom du
député, de peur que l'Opposition ne lui fasse un mauvais
parti.
J'ai eu à travailler pendant de nombreuses années avec la
société REXFOR et j'ai appris, avec les années, à
en apprécier l'extraordinaire utilité pour la
société québécoise. J'ai pensé qu'il
vaudrait
peut-être la peine d'abord de brosser un tableau de ce qu'a
été REXFOR pour un grand nombre de ministres des Terres et
Forêts de l'époque, de l'Énergie et des Ressources
maintenant, de ce qu'a été REXFOR pour un grand nombre de nos
concitoyens qui ont souvent fait face à des situations difficiles sur le
plan économique.
REXFOR est née de ce qu'à un moment donné un
gouvernement a senti que l'entreprise privée ne pouvait pas
régler certains problèmes. Exemple: nous avions
décidé, dans les années soixante, de construire le grand
barrage de Manicouagan où, pour l'une des premières fois, des
firmes d'ingénieurs-conseils de chez nous ont commencé à
se faire la main sur des barrages de grande taille. À ce moment, on se
rendait bien compte qu'en construisant le barrage, on inonderait toute la
rivière et on créerait un gigantesque lac que l'on peut visiter
aujourd'hui.
Qu'allait-on faire de tout ce bois qui allait se perdre? Est-ce qu'on
allait laisser ces millions d'arbres périr sous l'eau - ce qui
représentait un gaspillage d'argent - ou si on allait tenter de
l'exploiter? Le gouvernement de l'époque, le gouvernement de l'Union
Nationale, avait décidé de créer cette
société de récupération forestière qui avait
comme mandat d'aller sur les terrains qui allaient être inondés et
de récupérer le maximum d'arbres, pour que l'on puisse soit les
vendre à nos entreprises soit les exporter purement et simplement, afin
que ce ne soit pas une perte totale pour la collectivité
québécoise.
On aurait voulu amener une entreprise privée à faire ce
travail. Cette entreprise y aurait vu à l'époque quantité
de risques, quantité d'inconnus, aurait manqué
d'intérêt. Et même si on s'était mis à deux
mains pour essayer de la forcer à prendre une décision qui ne
cadrait pas avec ses objectifs, en toute probabilité - et je me doute
que c'est ce qui s'est produit à l'époque - on n'aurait pu avoir
une entreprise capable de faire cette exploitation de
récupération. On devait donc créer REXFOR, ce qui nous a
permis de sauver des millions de mètres cubes de bois, d'exporter ce
bois, de le vendre, de le transformer. Finalement, les Québécois
en ont profité sur le plan économique à la fois à
cause des emplois qui se sont créés en forêt à
l'époque et aussi à cause des rentrées d'argent provenant
de la vente du bois. On avait un problème, l'entreprise privée ne
voulait pas le régler parce qu'elle n'y avait pas intérêt.
L'État s'est doté de cette société de
récupération forestière.
Subséquemment, REXFOR s'est davantage orientée vers
l'expérimentation. Par exemple, il arrive que certaines de nos
forêts soient des forêts mêlées,
mélangées, où nous avons plusieurs essences, avec comme
conséquence que vous aurez un exploitant qui va aller chercher le
cèdre, un autre le merisier pour du déroulement, l'érable
et, un autre, certaines espèces de résineux. Vous avez donc
plusieurs exploitants forestiers, chacun avec son intérêt
particulier. Celui qui fait du déroulage, par exemple, voudra du
merisier; il n'est pas intéressé à faire toute la
récolte. Donc, chacun allait à tour de rôle chercher
l'arbre qui l'intéressait. Mais avec une conséquence, par contre:
si vous laissez en arrière uniquement les essences d'arbre qui
n'intéressent personne, les semences qui vont tomber chaque saison ou au
printemps dans le sol, pour le fertiliser, seront des semences d'essences qui
ne sont pas désirables. Et la forêt, tranquillement, va se
dégrader. C'est ce que l'on a observé dans l'Outaouais, c'est ce
que l'on a observé dans le Témiscamingue: notre forêt,
parce qu'elle est exploitée par un grand nombre de petites entreprises,
chacune allant chercher le bois qui l'intéresse, a tranquillement,
progressivement, perdu de sa valeur commerciale et ne se
régénère plus. Elle ne peut plus soutenir
l'activité économique qu'elle soutenait autrefois. (17 h 40)
Il fallait donc penser en termes d'aménagement
intégré et à nouveau - c'est à l'époque du
gouvernement libéral qui nous a précédés - on a
demandé à REXFOR de s'intéresser, dans le cas des
Appalaches, par exemple, à faire une récolte
intégrée; non seulement à faire une récolte
intégrée, mais également de s'intéresser à
l'aménagement de la forêt, parce que, contrairement à ce
que les pays européens font depuis des années, ce que les
États-Unis dans le sud ont commencé à faire à
l'époque du "new deal", au Québec, on n'aménage pas nos
forêts. On les coupe, on ne s'occupe pas de la
régénération, on ne s'occupe pas de s'assurer que nos
forêts vont se renouveler et qu'elles pourront soutenir, année
après année, des générations successives de
Québécois qui pourront vivre de la forêt. On récolte
quand c'est à maturité, mais on ne s'occupe pas de savoir ce que
nos enfants auront comme patrimoine forestier plus tard.
REXFOR a donc commencé à s'intéresser à
l'aménagement forestier sous mandat du gouvernement, parce qu'on n'avait
pas d'autre instrument que cette société. On aurait
demandé à des entreprises privées de le faire; on se
serait mis à quatre pattes ou à genoux devant elles, elles n'y
avaient pas d'intérêt. Elles se contentaient d'exploiter
directement la forêt, sans s'occuper de la
régénération.
Aujourd'hui, évidemment, le ton change, parce qu'on constate que
notre forêt ne soutient plus nos industries, qu'il fauts'éloigner de plus en plus de nos usines pour aller récolter
le bois et là, cela coûte cher. Aujourd'hui, on regrette de ne pas
avoir
aménagé il y a 30 ou 40 ans, mais il fallait commencer et
on a donc demandé à REXFOR de le faire. Ce qui nous a,
d'ailleurs, amenés à demander également à REXFOR
d'expérimenter de nouvelles technologies. Utiliser d'énormes
équipements, par exemple, pour écraser le bois impropre à
la régénération pour pouvoir planter en arrière.
C'est ainsi qu'on a demandé à REXFOR, à l'époque
où j'étais ministre de l'Énergie et des Ressources, de se
doter d'équipement moderne, d'expérimenter différentes
technologies pour que se développe chez nous une expertise dans
l'aménagement des forêts en utilisant des instruments un peu plus
modernes. On aurait demandé cela à n'importe quelle entreprise
privée au Québec et on aurait attendu puisque aucune ne voulait
le faire. On a demandé à REXFOR et elle l'a fait. Aucune autre
société au Québec ne s'est engagée dans une telle
activité.
On a expérimenté autre chose. Par exemple, on constatait
que, pour des raisons d'économie et de protection de l'environnement, il
serait intéressant de récolter les écorces de nos scieries
et de les faire brûler dans un fourneau, de produire de la vapeur
grâce à une bouilloire et de vendre cette vapeur. C'est ainsi que
REXFOR a commencé à s'intéresser aux énergies
nouvelles et est membre participant de plain-pied à notre
société Nouveler qui, avec Hydro-Québec, SOQUEM, la
Société générale de financement, développent
de nouvelles technologies dans ce domaine. REXFOR a innové en implantant
une telle installation de fabrication de vapeur à Cabano même et
elle vend la vapeur à l'usine de Cabano. C'est d'ailleurs une
activité extrêmement rentable. Je pense que cet exemple a servi
puisque, à Rivière-du-Loup, on a implanté une bouilloire
suivant l'exemple que REXFOR avait donné.
REXFOR a d'abord, je pense, expérimenté pour le
Québec. Elle est allée dans des sentiers où l'entreprise
privée refusait de s'engager. REXFOR a été le fer de lance
de l'innovation et a fait en sorte que, progressivement, les gens ont
examiné ce qui se faisait et ont peut-être eu l'idée
d'imiter. Je pense que c'est une des fonctions capitales de la
société REXFOR.
Il faut dire que REXFOR a eu une autre vocation. En effet,
développant une expertise en forêt, étant un mandataire du
gouvernement, de l'État, à qui on pouvait confier des
tâches, souvent quasi impossibles, on s'est mis à demander
à REXFOR de se porter au secours d'entreprises en difficulté.
Quand les coopératives de Béarn, de Taschereau, en Abitibi,
étaient en réelle situation de faillite, que les travailleurs
risquaient de perdre leur gagne-pain, que tout ce qu'ils avaient
travaillé à bâtir, tout le risque qu'ils avaient pris
à se doter d'usines pour transformer la ressource chez eux, tout cela
risquait de se perdre, à ce moment-là, qui est venu donner un
coup de main aux gens de Béarn, de Taschereau, pour reprendre leurs
usines, pour leur permettre de rester participants, dans l'espoir que quand,
effectivement, on retrouverait la rentabilité, ils puissent à
nouveau redevenir propriétaires, ayant profité de
l'expérience de REXFOR? D'ailleurs, on a observé la même
chose à Sacré-Coeur, l'usine dont on parle depuis quelque temps
dans les médias, où REXFOR s'était vu confier le mandat
d'essayer de reprendre une usine qui avait été mal conçue,
mal construite, ce qui avait fait en sorte qu'elle n'était pas rentable.
Donc, beaucoup d'entreprises au Québec ont profité de REXFOR.
Dans mon comté, je me souviens qu'en pleine campagne
électorale, en 1976, l'actuel député de Charlesbourg avait
produit un décret gouvernemental mandatant REXFOR pour reprendre
l'exploitation des usines de la Richardson, qui étaient en faillite
depuis deux ans. Il n'y en a pas de solution quand on regarde
Gaspé-Nord, de solution en termes d'emploi. Tout ce que nous pouvons
espérer chez nous, c'est vivre soit de la mer, soit de la forêt.
Lorsque vous avez un secteur comme le secteur de Gaspé-Nord où
toutes les usines font faillite les unes après les autres, vous n'avez
pas beaucoup d'entrepreneurs du secteur privé qui s'offrent pour aller
les reprendre. Deux années, donc, où les usines étaient
fermées. Je comprends l'actuel député de Charlesbourg, qui
était député de Matane à l'époque, d'avoir
fait pression sur le ministre de l'époque pour que REXFOR s'occupe de la
Richardson. Donc, on a demandé beaucoup à REXFOR. On lui a
demandé de prendre des usines que personne d'autre ne réussissait
à faire fonctionner de façon rentable et on lui a demandé
de les rendre rentables. Je ne vous dirais pas, M. le Président, qu'il
s'agissait de faire des gros profits, mais c'est quand même
intéressant de regarder le rapport des exercices financiers de la
société REXFOR. Je ne dis pas que la société a fait
beaucoup d'argent. Non. En 1979, les fonds générés par
l'entreprise étaient d'environ 6 000 000 $. En 1980, elle a fait 11 000
000 $. Elle a fait 7 000 000 $ en 1981. Puis, est survenue la crise dans le
secteur du sciage qui a fait qu'en 1982, cela a baissé à environ
700 000 $, et il y avait une perte d'environ 2 400 000 $ en 1983. Oui, M. le
Président, elle a quand même fait certains revenus. Elle a
généré des fonds de l'ordre de presque 20 000 000 $ ou 22
000 000 $ depuis 1979.
Pourtant, qu'est-ce qu'on leur a demandé? On leur a
demandé de prendre des entreprises qui avaient fait faillite, où
le secteur privé avait démontré qu'il n'était pas
capable de les rentabiliser et REXFOR a réussi à dégager
des profits. Ohl souvent, ce ne sont pas des gros profits car il y a eu
des missions quasi-impossibles. À Sacré-Coeur, pendant des
années, REXFOR s'est escrimée à essayer de faire
redémarrer cette usine. Il fallait transformer l'usine elle-même;
on avait des problèmes d'approvisionnement en bois; on avait des
problèmes de relations du travail; on avait des problèmes de
gestion. C'est un cas où REXFOR a échoué et où
j'avais dû demander, comme ministre de l'Énergie et des
Ressources, de voir si on ne pourrait intéresser quelqu'un de
l'entreprise privée à la reprendre.
Malheureusement, celui qui a repris l'exploitation, le groupe
Lévesque de l'Ontario, a, lui aussi, avant de déclarer forfait,
dû abandonner l'exploitation. Je dois dire cependant à sa
décharge qu'il l'a reprise au moment où le marché du bois
de sciage s'est littéralement effondré. Je pense bien qu'on ne
peut pas tellement le blâmer de l'échec de son effort.
Donc, REXFOR a repris les usines qui étaient fermées;
REXFOR a réussi à les rentabiliser. Mais également REXFOR
s'est associée à la population pour démarrer de nouveaux
projets. C'est ainsi que Cabano a vu le jour, c'est ainsi que Tembec a pu
redémarrer. Il s'est donc développé chez REXFOR une
expertise qui - et c'est spécial, M. le Président. Souvent, en
économique, on est froid. On regarde les bilans et on s'occupe
relativement peu des gens qui sont pris au milieu des faillites et qui risquent
de tout perdre. REXFOR a développé cette conscience sociale qui a
fait qu'elle n'a pas cherché à éviter ses
responsabilités et elle a accepté effectivement de s'impliquer
dans ce dossier qui était difficile. (17 h 50)
Je me souviens quand la Société d'exploitation de la
Vallée, groupe de travailleurs érigés en
coopérative, s'est trouvée en difficultés
financières, c'est REXFOR qui a pris livraison de son bois et lui a
permis de s'en sortir. Je me souviens aussi quand le député de
Bonaventure est intervenu auprès de moi pour demander que REXFOR donne
un coup de main dans le dossier de Québec Land pour que l'on puisse
éventuellement vendre l'usine effectivement au groupe Blanchet.
REXFOR s'est impliquée dans Richardson à la demande
même de l'ex-député de Matane. Subséquemment, nous
avons demandé à REXFOR, dans la mesure du possible, une fois que
l'entreprise était redémarrée, de chercher à se
retirer, de ne pas tarir le dynamisme de l'entreprise privée de jouer un
râle social, de redémarrer une entreprise et une fois qu'elle est
consolidée, par exemple, de pouvoir la passer au secteur privé ou
de rester partenaire. C'est ainsi que Québec Land a été
cédé à des intérêts, que la
Coopérative des Appalaches a pu prendre naissance et développer
une partie de l'amé- nagement forestier que l'on réservait
à REXFOR dans la forêt des Appalaches.
C'est ainsi qu'un groupe d'intérêts privés de
travailleurs de la région de Cap-Chat et de Sainte-Anne-des-Monts a pu
reprendre mont Logan. Donc, tranquillement, REXFOR a servi de bougie d'allumage
pour faire démarrer des projets industriels. Ce n'est pas facile
d'ailleurs, M. le Président. Cela demandait souvent beaucoup de
désintéressement de la part de la société. Elle a
développé entre-temps une expertise qui lui a permis de
s'associer à la Québec North-Shore pour construire une usine, Les
Outardes, superbe usine de sciage, une des plus belles au Québec du
côté de Baie-Comeau et à Mont-Laurier tout récemment
elle s'impliquait.
Peut-être que le projet le plus intéressant - c'est
celui-là que traite finalement le projet de loi aujourd'hui - c'est ce
projet d'exploitation un peu intégrée de la forêt de la
Gaspésie. Le problème que nous avons en Gaspésie est
très simple. Notre bois pousse dans les hauteurs. Il est donc court, il
est trapu, il se prête mal au sciage, il a été durement
attaqué par des épidémies d'insectes et, malheureusement,
nous n'avons pas de grande industrie de sciage sur notre territoire qui
pourrait bénéficier d'une économie d'échelle et
être véritablement rentable. Ce qui fait que nos usines, les unes
après les autres, ont périclité. Elles n'ont pas pu se
moderniser et, éventuellement, elles ont dû abandonner la partie.
Ce que REXFOR est à faire en ce moment c'est ceci: Reprenant une
à une chacune de ses usines, en partant de Grande-Vallée, en
passant par Marsoui, Sainte-Anne-des-Monts, Cap-Chat, Matane où elle est
déjà propriétaire de Matabois, dans la vallée de la
Matapédia, à Lac-au-Saumon, à Saint-Léon-le-Grand,
REXFOR a récupéré des usines fermées qu'aucun
entrepreneur du secteur privé ne voulait exploiter.
Deuxièmement, pour arriver à atteindre cette
économie d'échelle, ce que REXFOR fait c'est construire un centre
de transformation, de finition du bois de sciage venant de ces usines de
préparation qu'elle va implanter tout le long de la côte. Pour la
première fois, nous allons commencer à avoir un véritable
volume important de bois transformé en un seul site, sur un port de mer,
à des fins d'exportation, ce qui va donc permettre la rationalisation de
l'exploitation du sciage et une rentabilisation. Ceci représente 1000
emplois dans notre région, de la vallée de la Matapédia
jusqu'à Gaspé-Nord.
Il faut également intégrer en aval. C'est ce qui a
amené REXFOR à prendre les copeaux, les résidus de ces
scieries et à les transformer dans une première usine, une usine
de 400 employés. C'est le projet du siècle dans la vallée
de la Matapédia, l'usine
Les panneaux de la Vallée où on fabrique un produit qui.
sert à la fabrication de meubles, de ces panneaux à particules,
panneaux agglomérés; et nous restons toujours avec 200 000 tonnes
de fibre qu'il nous faut transformer, éventuellement, en pâte, en
papier de telle sorte que nous ayons une exploitation intégrée
dans toute cette partie de la Gaspésie.
C'est un remarquable projet que REXFOR a conçu, car il va
permettre à la fois d'investir des ressources importantes dans
l'aménagement de nos forêts et d'intégrer l'exploitation
industrielle autour de ces exploitations forestières dans une
première transformation au niveau des scieries. De plus, les scieries
pourront prendre le bois de nos cultivateurs, de telle sorte qu'on pourra en
faire une première transformation. Les résidus de bois vont
servir soit à la fabrication de panneaux de meubles, soit à la
fabrication de pâtes. Voilà un projet qui peut représenter
en termes d'emplois dans les usines, en forêt, en transport, 1000 emplois
associés aux scieries; et, dans le domaine du panneau et du papier c'est
près de 700 emplois. Déjà, il y en a 400 en place. Nous
sommes à consolider les scieries, on en aura bientôt 1000 de plus
et ce que j'espère, c'est que nous aurons également bientôt
une papeterie.
Voilà ce qu'une société d'État qui a un
objectif économique de rentabilité et aussi un objectif de
défense de la société, de défense de nos
travailleurs peut faire pour le développement économique du
Québec. C'est la raison pour laquelle je voterai pour le projet de
loi.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Avant d'accorder la parole
au député de Saguenay pour propablement demander de suspendre le
débat jusqu'à 20 heures, je vais avertir les deux formations
politiques qu'il y a une sanction de plusieurs projets de loi à la salle
103, de l'édifice Hôtel du Parlement, à 18 heures, soit
dans quelques minutes.
M. le député de Saguenay.
M. Maltais: Étant donné l'heure tardive et le long
discours du ministre de l'Éducation, je demanderais la suspension des
travaux jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est adopté? M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Blouin: Alors M. le Président, nous allons
effectivement suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Donc, nous allons
suspendre nos travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 17 h 58)
(Reprise de la séance à 20 h 1)
Le Vice-Président (M. Rancourt): À l'ordre, s'il
vous plaît; Veuillez prendre place.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Fréchette: Oui, M. le Président. Je comprends
que c'est M. le député de Saguenay qui avait demandé
l'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Donc, nous allons
reprendre le débat sur le principe du projet de loi 66, Loi modifiant la
Loi sur la Société de récupération, d'exploitation
et de développement forestiers du Québec. M. le
député de Saguenay.
M. Ghislain Maltais
M. Maltais: Merci, M. le Président. Nous voilà
rendus à la deuxième lecture de ce projet de loi. Après
avoir suivi attentivement la commission parlementaire qui a eu lieu la semaine
dernière et, aussi, après avoir écouté
religieusement cet après-midi le discours du ministre de
l'Énergie et des Ressources, ainsi que celui de l'ex-ministre de
l'Énergie et des Ressources, il y a quand même quelques questions
qu'on doit se poser, des questions fondamentales concernant le rôle de
REXFOR vis-à-vis de la société québécoise et
vis-à-vis de ces prémisses dans le projet de loi qui, il y a
plusieurs années, avaient créé REXFOR. Faut-il les
rappeler, M. le Président? on les retrouve très bien dans le
rapport que REXFOR a soumis à la commission parlementaire,
c'est-à-dire de récupérer et d'exploiter toute
agglomération de domaine public.
REXFOR avait un rôle bien déterminé.
Malheureusement, au cours des dernières années, avec des
politiques provenant des ministres en titre, REXFOR a complètement
délaissé le rôle qui lui avait été
dévolu. Après avoir écouté attentivement le
ministre de l'Énergie et des Ressources cet après-midi, on ne
peut que constater une chose: il y a longtemps que le ministre aurait dû
écouter REXFOR en commission parlementaire et il y a longtemps aussi
qu'il aurait dû se rendre en région et regarder ce qui se passe.
On l'a entendu nous donner la liste des réussites de son
ministère, mais il a quand même oublié une chose. Il a
quand même oublié là où cela a mal
été, là où, à cause principalement des
interventions de REXFOR et du ministre de l'Énergie et des Ressources,
cela a tourné au désastre. Lorsque j'entendais le ministre de
l'Éducation et député de Matane cet après-midi
discuter du cas des produits forestiers à Sacré-Coeur, cela me
faisait sourire. Parce que si j'avais
été producteur d'illusions ou de nuages, je l'aurais
engagé immédiatement comme vendeur. Force est de constater que
l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources vend bien sa salade,
cependant, il n'y a plus d'acheteur pour sa salade. On n'a qu'à regarder
ce qui se passe en région présentement et particulièrement
dans le comté de Saguenay. Je profite de l'occasion peut-être pour
rappeler au ministre de l'Énergie et des Ressources, qui brille par son
absence, de regarder ce que lui-même est venu semer dans le comté
de Saguenay. Je me réfère à la dernière campagne
électorale. Le ministre est arrivé dans la région de
Baie-Comeau pour rencontrer les travailleurs d'Hydro-Québec concernant
Manic 5 puissance additionnelle.
Alors qu'il savait très bien que les budgets
d'Hydro-Québec seraient transférés ailleurs, il venait
promettre honteusement aux travailleurs d'Hydro-Québec que Manic 5
puissance additionnelle allait se continuer. Première promesse. Il a
trompé 250 travailleurs. Même à des questions que j'ai
posées en Chambre ici, il ne savait même pas que ces travailleurs
existaient. Pourtant, pendant la campagne électorale, il est venu leur
promettre un emploi garanti pour trois ans. Promesse du ministre de
l'Énergie et des Ressources. Le plus drôle c'est que l'usine des
produits forestiers était fermée pendant cette fameuse campagne
électorale d'il y a à peine un an dans quelques jours.
Or, le ministre avait tellement peur d'affronter les travailleurs
forestiers et les travailleurs d'usine qu'il avait délégué
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour
venir promettre d'ailleurs, il était le parrain du comté de
Saguenay et il a très bien réussi sa campagne électorale
en faisant battre le Parti québécois. Il aurait envoyé un
émissaire de première classe et il n'aurait pas mieux
réussi. Donc, messieurs du Parti québécois, n'envoyez plus
le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation dans les
élections partielles car il vous fait un tort épouvantable.
Gardez-le chez vous, c'est le mieux que vous puissiez faire - à une
foule aussi nombreuse que 25 personnes que le gouvernement du Parti
québécois rouvrirait immédiatement au mois de septembre
1983 les produits forestiers, que la vente était conclue, que tout
allait très bien, que les travailleurs seraient retournés
à leur emploi d'ici à quelques semaines.
Force est de constater que le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation dans ce dossier ne savait pas de quoi il
parlait. Cet après-midi, on écoutait l'ex-ministre de
l'Énergie et des Ressources, le député de Matane: si je me
mets dans la peau des travailleurs du secteur forestier qui ont
écouté ce discours, une population de 400 travailleurs, ils
devaient avoir envie de manger la télévision, de lui tordre le
cou pour avoir dit des choses aussi insensées.
Il a sorti des statistiques: 15% de chômage en 1976, 13% en 1973.
Il y a un record qu'il a oublié de mentionner: à
Sacré-Coeur, présentement, il bat tous les records, c'est 100% de
chômage. Jamais un gouvernement n'avait réussi, depuis que le
Québec existe, à amoindrir une population de la façon dont
l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources l'a fait. Comme solution,
le ministre propose des petits programmes à la pige: on va vous donner
la permission de vous livrer à des activités forestières
sur un territoire québécois qui vous appartient si on le
désire et si on pense que c'est rentable pour vous. Quand un ministre
parle de cette façon à une population, déjà, il
n'est plus digne d'être ministre.
Si on regarde la façon dont l'ancien ministre de l'Énergie
et des Ressources a vendu la compagnie Samoco, qui était
propriété à 100% du gouvernement du Québec via la
société REXFOR, on constate qu'il l'a vendue pour un montant de 5
000 000 $ dont il n'a jamais, pour ainsi dire, encaissé un cent. Non
seulement il a vendu la compagnie, mais il a vendu son chef de cabinet avec, et
la population de Sacré-Coeur est prise aussi avec. Quand un ministre
fait une vente de débarras, au moins, il devrait gaYder ses hommes dans
son bureau.
Les Québécois et les Québécoises de
Sacré-Coeur ne l'oublieront pas "celle-là", parce qu'ils sont aux
prises avec un problème réel dont le ministre de l'Énergie
et des Ressources se fout éperdument. Alors que REXFOR avait un
rôle bien déterminé, c'est-à-dire aller dans un
endroit où l'entreprise n'allait pas, ils ont fait le contraire. REXFOR,
étant donné les difficultés des usines de sciage, s'est
départie pour une bouchée de pain, pour moins de 30 deniers -si
je me rappelle bien, c'est Judas qui avait vendu Notre-Seigneur à ce
prix - d'une usine qui valait 15 000 000 $, dont elle n'a jamais reçu
un cent, dont est propriétaire son créancier
hypothécaire présentement et sur laquelle le ministre n'a
même pas payé ses taxes. Dans deux jours, cette entreprise sera
vendue sur la place publique par le conseil de comté, par la MRC, faute
d'avoir payé ses taxes. Lorsque le gouvernement du Québec est
vendu sur la place publique, c'est parce que les propriétaires ne valent
pas cher. Le propriétaire actuel, c'est le ministre de l'Énergie
et des Ressources.
Je pense que depuis la fondation de REXFOR, celle-ci s'est
drôlement éloignée de ses objectifs. Alors que cette
société avait un rôle primordial à jouer parmi une
population désespérée, elle a vendu pour une
bouchée de pain, pour moins de 30 deniers, à des investisseurs
qui ne sont même pas québécois, des investisseurs
ontariens... Elle
n'a pas reçu un sou et elle est en faillite actuellement,
faillite dans laquelle le gouvernement du Québec perdra, à cause
du manque de consistance du ministre, à cause de son manque de prudence
et de celui de l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources, une somme
évaluée à 15 000 000 $. Lorsqu'on administre de cette
façon et qu'on a le culot de venir à l'Assemblée nationale
demander des crédits supplémentaires de l'ordre de 66 000 000 $,
je pense qu'on n'a pas le visage à la bonne place.
Actuellement, si le ministre daignait se promener en région,
particulièrement sur la rive sud et sur la Côte-Nord, je pense que
les travailleurs forestiers de Nazaire Gagnon, les travailleurs forestiers des
Produits forestiers du Saguenay remettraient à la bonne place le visage
du ministre. Malheureusement, le ministre ne fait que de grands
énoncés, de grands projets.
Le ministre parlait cet après-midi d'investissements de 500 000
000 $ au cours des prochaines années dans le domaine de la foresterie et
il n'est même pas capable de payer des taxes de 150 000 $ à une
usine qui appartient à plus de 50% au gouvernement du Québec et
qui sera vendue sur la place publique. Je pense qu'un ministre qui agit de
cette façon et qui a le culot de venir demander des crédits
supplémentaires, c'est rire, d'abord de l'institution qui s'appelle
l'Assemblée nationale; c'est rire aussi de l'institution des
travailleurs d'usine, des travailleurs en forêt. Je pense que tant et
aussi longtemps qu'il existera de ce côté de la Chambre des
personnes qui s'élèveront contre les tractations que le ministre
fait présentement... Je pense que la population a une grande hâte
de voir, au sein d'un gouvernement du Québec, des personnes qui auront
un sens des responsabilités beaucoup plus large et beaucoup plus profond
vis-à-vis des travailleurs de la forêt.
Faut-il rappeler que nos forêts de la Côte-Nord sont en
danger à 70% à cause de la tordeuse des bourgeons de
l'épinette, M. le Président? Faut-il rappeler que, si la
société REXFOR avait eu un rôle à jouer concernant
la protection, ce que le ministre n'a jamais voulu lui donner, un rôle
à jouer concernant le reboisement, on ne serait pas pris dans une
situation aussi dramatique? Lorsque je parle de 70% de la forêt, il y va
d'environ 4000 emplois sur la Côte-Nord et ce sont des chiffres qui
peuvent être vérifiés n'importe quand. REXFOR aurait eu un
rôle prédominant à jouer dans ce domaine, mais elle a
manqué le bateau. Qu'est-ce qu'elle a fait depuis les cinq
dernières années concernant la protection de nos forêts?
Qu'est-ce que REXFOR a fait au cours des cinq dernières années
concernant le reboisement? Lorsqu'on met cela dans la balance des
réalisations, on s'aperçoit que c'est très minime.
Je pense qu'une société d'État se doit avant tout
à l'État. Elle doit, comme son rôle lui en a
été donné au départ, suppléer l'entreprise
privée lorsque cette dernière fait défaut. Contrairement
à son rôle, surtout à cause des politiques gouvernementales
à partir de 1976, REXFOR est devenue un compétiteur pour
l'entreprise privée. Là où elle avait un rôle social
à jouer, elle a abandonné ses responsabilités. Là
où elle avait fait le redressement de certaines entreprises qui,
normalement, auraient dû retourner à l'entreprise privée,
elle est devenue un compétiteur régional, un compétiteur
provincial. Je pense que c'est néfaste pour l'entreprise privée.
On comprend très bien l'entreprise privée de ne pouvoir
concurrencer l'État québécois. Que ce soit dans le domaine
des pêcheries, que ce soit dans le domaine forestier ou autre, il est
impossible de penser qu'une entreprise privée puisse concurrencer
l'État. Or, le rôle de REXFOR aurait dû être un
rôle de supplément, de pallier là où l'entreprise
privée n'allait pas, particulièrement dans les régions
éloignées comme la Côte-Nord, que j'ai le plaisir de
représenter, la Côte-Sud, la Gaspésie. Pourtant, je me
souviens qu'au printemps le premier ministre annonçait un programme de
relance de 23 000 000 $. Les gens de la rive sud, les gens de Matane, les gens
de la Gaspésie attendent encore ces millions. Promesse sur promesse.
Dans ce domaine, les statistiques ne mentent pas: le gouvernement actuel est le
premier dans les promesses. Je lui donne 100%. Dans le domaine des
réalisations des promesses, zéro. M. le Président, il y a
une différence de 100% entre la réalité et les promesses.
Pourtant, ce sont d'excellents vendeurs. Je fais référence cet
après-midi au ministre de l'Énergie et des Ressources qui, tout
bonnement, faisait l'autocritique du chef du Parti libéral, M. Bourassa,
du député d'Outremont qui, lui, a eu le courage de lui sortir les
véritables statistiques, les véritables données, lui qui a
eu le courage de demander cette commission parlementaire.
Cela a pris sept mois au ministre pour réagir, alors qu'il se
vantait d'être le premier gouvernement à avoir convoqué
REXFOR en commission parlementaire. Je comprends. Ce sont eux qui l'ont mis
dans le trou. Ce n'est pas du temps du gouvernement libéral que
c'était le temps de convoquer REXFOR. Tout allait très bien et
REXFOR jouait son véritable rôle. Dès qu'on a eu le
député de Matane comme ministre de l'Énergie et des
Ressources, c'est là que REXFOR n'a pas joué son rôle. Les
problèmes qu'on rencontre aujourd'hui au niveau des scieries, c'est sa
faute. Il en est le principal responsable. S'il gère l'éducation
de la même façon qu'il a géré le ministère de
l'Énergie et des Ressources, nos enfants d'école ne sont pas
sortis du bois
avec lui, c'est le cas de le dire.
M. le Président, une société comme REXFOR a un
rôle déterminant à jouer vis-à-vis des
Québécois en région éloignée. Il est naturel
que REXFOR supplée à l'entreprise privée lorsqu'elle n'y
va pas puisqu'elle a un rôle social à jouer également. Mais
son rôle social lorsqu'elle met les clés sur les portes d'usines,
lorsqu'elle vend à perte les biens de l'État ou lorsqu'elle
néglige de faire son devoir de bon citoyen, c'est-à-dire de payer
ses taxes pour éviter d'être vendue sur la place publique, il y a
quelqu'un qui est responsable.
J'avais l'occasion de demander au président de REXFOR lors de la
commission parlementaire si la vente des produits forestiers à une
entreprise que les gens du Parti québécois appelaient
"étrangère" puisqu'elle vient de l'Ontario, avait
été une bonne vente. Il m'a répondu: Je ne connais pas le
dossier. Je connais très mal le dossier; je n'étais pas
là. Mais si le ministre a fait la vente, c'est parce que cela devait
être une bonne vente. Cela me fait penser, à chaque automne, la
majorité des grands magasins des villes et des campagnes font une vente
pour les habits qu'ils n'ont pas vendus, c'est-à-dire qu'ils en donnent
trois pour un, deux pour un. C'est le cas de l'usine des produits forestiers
qui a été vendue sur la place publique par le ministre de
l'Énergie et des Ressources pour moins de 30 deniers, une aubaine dont
le gouvernement n'a même pas été capable de se
débarrasser de l'hypothèque. Il n'a jamais reçu un sou et
on est obligé de constater que dans deux jours le gouvernement du
Québec sera vendu sur la place publique comme mauvais contribuable.
C'est inacceptable. Quand un ministre a le front de revenir à
l'Assemblée nationale pour proposer des crédits
supplémentaires ou proposer un amendement, pour faire son petit projet
de loi... il n'est pas épais, il n'a que quatre articles, mais il en dit
long. Quand on n'est pas capable de gérer la première, on ne
demande pas les trois autres. (20 h 20)
À une rencontre entre les syndicats des travailleurs
affiliés à la CSN et les officiers du ministère de
l'Énergie et des Ressources qui avait lieu il y a deux semaines, on
donnait cette solution: Accréditez-vous à une petite
société formée par l'ancien chef du cabinet du ministre de
l'Énergie et des Ressources, M. Marc Gilbert puisqu'il faut le nommer,
qui a fondé une société qui s'appelle la
Société d'exploitation des travailleurs - et de patronage - de
Sacré-Coeur. Lorsqu'on connaît ce personnage et qu'on
connaît ses infiltrations dans le ministère de l'Énergie et
des Ressources, alors que le ministre demande que les négociations dans
le moment demeurent secrètes et que ce personnage, l'ancien chef de
cabinet de l'ex-ministre de l'Énergie et des Ressources se
promène partout et annonce déjà les politiques du ministre
avant que celui-ci ne les ait annoncées ici à l'Assemblée
nationale, on peut se demander qui est le ministre de l'Énergie et des
Ressources. Ce n'est pas de la démagogie. C'est une
réalité quotidienne que les gens, les 400 travailleurs de
l'ex-usine de Produits forestiers ont à vivre.
Lorsqu'on appelle une petite société d'exploitation de
travailleurs pour retourner aux années 1925, je pense que les
travailleurs de cette usine ne peuvent accepter une telle diminution au sens
humain, au sens large comme travailleurs. Je pense que je ne suis pas plus
syndicaliste que n'importe quel député ici en cette Chambre, mais
il y a une chose qu'il faut respecter, le droit fondamental... M. le
député, quand ce sera votre tour, vous aurez l'occasion de vous
exprimer en toute liberté et on vous écoutera.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député, vous devez conclure.
M. Maltais: En conclusion, je pense comme le député
d'Outremont et le député de Pontiac, qui l'ont si bien fait. Je
pense que le ministre n'a pas prouvé, par son administration
antérieure, qu'il mérite le projet de loi qu'il présente;
il n'a pas prouvé que l'orientation qu'il veut donner à la
société REXFOR sera avantageuse pour les Québécois
et c'est pour cela qu'on votera contre ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Gilles Baril
M.
Baril
(Rouyn-Noranda-Témis-
camingue): M. le Président, c'est un énorme plaisir
d'intervenir en tant que député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue et bien sûr, représentant d'une
population qui vit essentiellement au Québec d'une richesse aussi
fondamentale qu'on appelle la forêt. Tout d'abord, je suis content
d'intervenir -et j'en profiterai tantôt pour reprendre les arguments du
député de Saguenay et bien sûr, les arguments du
député d'Outremont -concernant les activités de la
société d'État REXFOR au Québec et tout
particulièrement dans les régions de la Gaspésie, de
Mont-Laurier et du Témiscamingue, un coin de pays que je
représente dans cette Chambre.
En tout premier lieu, je voudrais mentionner que l'histoire
économique forestière du Témiscamingue n'est pas
nécessairement rose. Avant l'arrivée au pouvoir du Parti
québécois en 1976, il faudrait mentionner que le
Témiscamingue, sur le plan forestier, était voué aux
intérêts
étrangers, était sous la domination de multinationales des
États-Unis ou du Canada anglais, pour ne mentionner ici que la compagnie
UOP, United Oil Products, une multinationale américaine qui
développait à partir de ses bureaux de Washington la forêt
témiscamienne et bien sûr, tout le monde aura connu sous le nom de
CIP, la fameuse Compagnie internationale de papier qui a
développé notre richesse pendant fort longtemps sans se soucier,
comme son vis-à-vis ou sa voisine, c'est-à-dire United OU
Products, de l'avenir de cette richesse qui est actuellement un secteur
déterminant pour l'avenir économique du Témiscamingue.
Je dois vous dire que c'est sous le règne libéral tout
particulièrement que ces deux multinationales ont véritablement,
sans se soucier de l'avenir de cette richesse fondamentale, vidé les
forêts témiscamiennes. Je voudrais vous mentionner que depuis
1976, avec une stratégie d'intervention extrêmement
planifiée du gouvernement du Québec par l'entremise de REXFOR,
nous avons vu au Témiscamingue et surtout par l'entremise de mon
collègue, le député de Matane qui était alors
ministre de l'Énergie et des Ressources, remettre pour la
première fois cette richesse fondamentale, c'est-à-dire la
forêt, aux mains de la population des Témiscamiens et des
Témiscamiennes.
Je voudrais aussi vous mentionner que la société
d'État REXFOR intervient chez nous depuis 1975 au niveau de près
de quatre projets. Il y a, bien sûr, la scierie Béarn, la scierie
Temfor à Ville-Marie qui attire plus particulièrement l'attention
des parlementaires aujourd'hui concernant le projet de loi 66 et celle de
Cèdre Fabre dans la municipalité de Fabre où REXFOR joue
un rôle tout particulièrement important.
Je trouve malheureux que le député de Saguenay vote contre
le projet de loi puisque voter contre le projet de loi, c'est voter contre la
création d'emplois, parce que cela veut tout simplement dire au
Témiscamingue, avec le projet de loi d'aujourd'hui - qui sera
adopté, j'en suis convaincu - une injection de capitaux d'au-delà
de 40 000 000 $, ce qui équivaudra à plus de 200 emplois
permanents pour les familles du Témiscamingue, 200 emplois permanents
pour les gens de Laurinville, de Ville-Marie, de Fabre, de Saint-Eugène
et des municipalités du Témiscamingue. Et M. le
député de Saguenay votera contre le projet de loi. Il votera
contre la création d'une intervention économique qui va donner
des emplois permanents, tout particulièrement à Mont-Laurier. Le
député de Saguenay votera contre un projet de loi qui va
intervenir sur le plan économique pour permettre une restructuration du
développement forestier en Gaspésie.
Au-delà des tergiversations du député de Saguenay,
je voudrais quand même amener cette Assemblée à
réfléchir et à constater à la fois le
véritable visage des libéraux. On se rappellera que M. Fortier,
lors d'une récente apparition éclair, quasiment aussi rapide que
sa venue... Il est venu le matin et il s'en est retourné le soir. Qui
est-il allé voir au Témiscamingue, dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue? Qui M. le député d'Outremont
est-il allé voir dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue
pour essayer de se donner un constat personnel ou politique de l'intervention
économique de la société REXFOR en
Abitibi-Témiscamingue? Qu'est-ce que le député d'Outremont
a fait? Eh bien, naturellement, il ne pouvait pas résister à la
tentation d'aller voir ses anciens fournisseurs de la caisse électorale
du Parti libéral.
Le député d'Outremont n'est pas venu au
Témiscamingue pour rencontrer les véritables intervenants
socio-économiques qui auraient pu, au ras du sol, parler
véritablement avec lui et analyser objectivement l'intervention de la
société d'État REXFOR au Témiscamingue. Je parle
ici de la Chambre de commerce du Témiscamingue. Je parle de la
municipalité régionale de comté qui regroupe
au-delà de 32 maires. Je parle aussi de la Corporation de
développement économique du Témiscamingue. Je parle aussi
de la Société de gestion et d'exploitation forestière du
Témiscamingue. On retrouve là-dedans - il aurait
intérêt à aller les voir - des membres de l'exécutif
du Parti libéral du comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Ce sont des gars qui connaissent mauditement plus la forêt que M.
Fortier. Mais non! On fait un constat de REXFOR à partir...
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, à deux
occasions, vous avez manqué à l'article 35, paragraphe 1, qui dit
qu'on ne peut appeler un député autrement que par le nom de son
comté. S'il vous plaît!
M. Baril (Rouyn-Noranda-Témiscamingue): M. le
Président, je m'en excuse auprès du député
d'Outremont. J'invitais le député d'Outremont justement à
rencontrer ses confrères qui connaissent le développement
économique et forestier du Témiscamingue et qui sont aptes
à lui apporter une critique positive, objective sur l'intervention de
REXFOR chez nous.
Naturellement, le député n'a pas trahi la tradition
libérale, il est encore allé voir les mêmes intervenants,
les gros, les profiteurs, ceux qui, déjà, comme le disait mon
chef et député de Taillon en fin de semaine, sont tous
empressés de s'abreuver à ce vase d'eau ou cette grande
rivière qui pourrait certainement leur donner beaucoup de choses en
retour. C'est malheureux parce que là où on aurait pu, de
façon positive et
constructive, fournir une réflexion ou une analyse sur
l'intervention de REXFOR, c'était bien au Témiscamingue. Encore
là on voit le véritable visage des libéraux provinciaux du
Québec.
Je voudrais reprendre les paroles du député d'Outremont
qui, ce matin, à partir d'un article du "Témiscamien", disait que
la population du Témiscamingue dénonçait la volonté
monopolistique de REXFOR. Je voudrais dire à cette Chambre,
premièrement, que ce n'est pas la population qui l'a dit. C'est un
ancien et probablement futur candidat du Parti libéral dans
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, M. Pierre Bonin, qui a essayé de
jouer les grands développeurs de l'entreprise privée à
Belleterre. À défaut de savoir compter, après avoir
volé la population, il a "sacré son camp"; il a commencé
à dénoncer la société d'État REXFOR parce
que, supposément, elle aurait constitué des obstacles à la
mise en place de Scierie Belleterre qui a reçu tout l'appui
économique, tout l'appui du côté des approvisionnements de
la part du gouvernement du Québec pour faire démarrer cette usine
qui donnera au-delà de 300 jobs. (20 h 30)
Encore là, sur ce problème du secteur forestier, le Parti
libéral du Québec est demeuré silencieux, le Parti
libéral du Québec a agi en "perron de porte" vis-à-vis de
la maison mère d'Ottawa qui, elle, a instauré un moratoire dans
le secteur du bois de sciage au Québec. Naturellement, je n'ai jamais vu
le parti de l'Opposition, ici, en Chambre, se lever et dénoncer ce
moratoire qui fait effectivement mal au développement économique
forestier du Témiscamingue, du Saguenay-Lac-Saint-Jean et de la
Gaspésie. On voit le véritable visage du Parti libéral du
Québec, un visage qui défend les gros, un visage qui
défend les profiteurs et un autre visage qui est véritablement
soumis au diktat des libéraux fédéraux.
Deuxièmement, je voudrais reprendre un peu l'argumentation de
fond de ce débat. Depuis tantôt, j'entends dire: REXFOR vient
prendre la place de l'entreprise privée. Je veux vous dire une chose: au
Témiscamingue, chaque fois qu'une compagnie faisait faillite,
premièrement, les hommes d'affaires, pour la plupart membres de votre
parti, venaient me voir à mon bureau pour me supplier afin que REXFOR
intervienne pour faire fonctionner les usines. C'est la réalité
des gens du Témiscamingue et je défie n'importe quel
libéral de venir chez nous pour faire un débat public
là-dessus; on verra quel sera le constat de la population. Encore
là, on fera des petits voyages vites, rapides en
Abitibi-Témiscamingue pour aller voir les anciens amis du pouvoir. C'est
cela que l'on fait dans les régions au lieu d'essayer de faire des
constats ou des analyses constructives sur le développement
économique du Québec.
Autre phénomène. Je voudrais revenir à ce que je
disais tantôt sur l'entreprise privée quant au
développement économique du Témiscamingue et
particulièrement en ce qui concerne l'intervention de REXFOR.
J'écoutais le député de Saguenay parler des usines de
Grande-Vallée et de Sacré-Coeur. Pourquoi M. Johnson ne
demanderait-il pas à Power Corporation de prendre les usines de
Sacré-Coeur et de Grande-Vallée en main? On ne les veut pas plus
qu'il ne le faut. Les voulez-vous? Pourquoi l'entreprise privée n'y
va-t-elle pas? Pourquoi l'entreprise privée ne va-t-elle pas à
Calibois, dans le Témiscamingue? Si l'entreprise privée veut y
aller, pas de problème;
La vraie raison, le vrai débat est que justement l'entreprise
privée ne veut pas y aller. C'est pour cela que la population fait
appel, dans les régions périphériques surtout, à
cet instrument de développement qu'on appelle REXFOR et qui peut
véritablement amener un objectif de création d'emplois maximal.
Si on attend les grosses compagnies et les multinationales d'avant 1976, on va
attendre longtemps. Le problème, c'est qu'au Témiscamingue, les
gens ont décidé de grouiller; à défaut de voir le
Parti libéral du Québec faire des propositions concrètes,
ou peut-être faire des lobbys auprès de certains amis, les magnats
de la finance, qui pourraient venir s'implanter au Témiscamingue et
créer une usine de panneaux gaufrés, par exemple, à
Ville-Marie en collaboration avec Tembec. Mais non, ce n'est pas ce qui se
passe. On pète pas mal de broue sur l'entreprise privée, mais on
ne fait pas grand-chose.
M. Daniel Johnson, le député de Vaudreuil-Soulanges,
disait à Granby: On veut mettre la hache dans les sociétés
d'État. M. Johnson, le député de Vaudreuil-Soulanges, a de
grandes connaissances chez Power Corporation. Je l'incite fortement à
inviter ses anciens "chums", ses anciens amis à venir faire un tour au
Témiscamingue; on leur laissera toute la place voulue, justement...
M. Fortier: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député d'Outremont, un appel au règlement.
M. Fortier: Vous avez cité l'article du règlement
qui ne permet pas à un député d'appeler un de ses
collègues par son nom. Il faudrait bien que le député s'en
souvienne. C'est vrai qu'il est un peu jeune, mais il faudrait quand même
qu'il apprenne le règlement.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Effectivement, il y a
quelques minutes, j'ai rappelé le député à l'ordre.
Je demanderais à chacun ici à cette Assemblée, de
quelque
côté qu'il soit, de bien vouloir se rappeler l'article
35.
M. Baril (Rouyn-Noranda-Témis- camingue): Merci au
député d'Outre-mont pour ses leçons. Je voudrais quand
même, moi aussi, lui donner les miennes et reprendre,
précisément, les paroles du député de
Vaudreuil-Soulanges qui dit qu'il veut mettre la hache dans les
sociétés d'État. Je ne sais pas s'il veut donner une
"égouine", une "buck saw", ou une "chain saw" à l'ensemble du
caucus libéral pour qu'il vienne prendre la place de REXFOR au
Témiscamingue, mais le problème, c'est que le contenu de
l'article, comme l'ensemble des interventions, ne proposent rien en
matière de remplacement. On dit l'entreprise privée, mais je ne
veux pas commencer à réciter des chapelets chez nous et à
attendre les investisseurs de l'extérieur, parce qu'ils ne viendront
pas. La réalité, c'est qu'on n'a pas le temps d'attendre. Il faut
développer, il faut développer Temfor comme on veut le faire avec
le projet de loi 66 et injecter 40 000 000 $ en donnant 200 emplois permanents
à Ville-Marie dans mon comté.
Je n'ai pas à attendre, je n'ai pas non plus à tirer des
leçons hypocrites du Parti libéral du Québec qui se
pense... et qui vient ici à la défense des régions. Encore
là, M. le Président, on ne retrouve pas dans le programme du
Parti libéral du Québec une véritable stratégie
d'intervention dans le domaine de la forêt au Québec. Tout ce
qu'on dit, c'est qu'on va mettre la hache partout. Pour remplacer par quoi? On
va abolir la scierie Béarn, on va abolir Calibois on va abolir
Cèdre Fabre, on va abolir Temfor? Pour les remplacer par quoi? C'est
cela, la réalité du Parti libéral du Québec, et
c'est ce qui anime ses députés, depuis trois ans, ici. Même
en période difficile au Québec, on a tout critiqué; on a
essayé de rapetisser tous les efforts gouvernementaux; on a
essayé d'amenuiser les actions du gouvernement en période
difficile. Le problème, c'est qu'on n'a jamais eu de proposition
concrète de la part de ce parti. On n'en a pas eu dans le domaine des
mines, ni dans le domaine de la forêt, ni pour les jeunes, ni pour
l'agriculture. On n'en aura pas non plus en matière de
développement régional.
Ce que je veux vous dire, encore une fois, c'est que le Parti
libéral du Québec, vis-à-vis de ce projet de loi, a
démontré son vrai visage. Je veux le rappeler aux gens du
Témiscamingue. Rappelez-vous le temps où nos forêts
étaient misérablement assassinées, exploitées par
les multinationales de l'extérieur, jusqu'à l'arrivée au
pouvoir du Parti québécois en 1976, le seul gouvernement qui
s'est occupé de soutenir correctement, positivement, concrètement
le développement économique forestier du Témiscamingue en
rétrocédant les concesssions forestières, en remettant
cette richesse fondamentale qu'est la forêt entre les mains des
Témiscamiens et des Témisca-miennes.
L'autre phénomène, c'est, bien sûr, le
véritable visage du Parti libéral du Québec qui vient se
promener comme un éclair en région et qui, encore là,
rencontre les ex-amis du pouvoir de M. Bourassa. C'est une
réalité. Si le Parti libéral du Québec voulait
faire un véritable débat sur l'intervention des
sociétés d'État dans les différents coins du
Québec, on viendrait et on prendrait le temps de rencontrer les vrais
intervenants, les vrais développeurs de l'entreprise privée, les
véritables intervenants socio-économiques, que ce soient les MRC,
les chambres de commerce ou la population en général. Ce n'est
pas cela que le Parti libéral du Québec a voulu faire. Ce qu'il a
voulu faire, à la dernière minute, parce qu'il n'avait
peut-être pas de choses à discuter en cette Chambre, c'est
d'essayer de saisir au vol, par l'entremise du député
d'Outremont... Pour les gens du Témiscamingue, je vous dis que cela a
une grosse crédibilité dans le domaine quand le
député d'Outremont se lève pour parler du
développement de la forêt au Québec: il connaît bien
celai C'est cela, le Parti libéral du Québec: ce sont les gars
d'Outremont qui vont venir dire aux gars du Témiscamingue comment
développer leurs forêts! C'est le député de
Vaudreuil-Soulanges qui dit qu'il faut mettre la hache dans les
sociétés d'État. (20 h 40)
Mais en conclusion, qu'est-ce que ce parti a à proposer aux
Québécois et aux Québécoises? Je dirais que ce
parti a quelque chose à proposer par rapport à la présence
de son chef ici même en cette Chambre: rien. C'est vide. On n'a rien
à dire. Tout ce qu'on a à dire, c'est que c'est l'entreprise
privée qui devrait développer la forêt au Québec. Eh
bien, M. le Président, tout ce que je constate, c'est que ce Parti
libéral est précisément contre un développement
économique qui donne 200 jobs dans mon comté, et c'est cela que
je trouve répugnant. Je pense que la population du Témiscamingue,
les Témiscamiens et les Témiscamiennes qui m'écoutent ce
soir sauront juger ce parti qui ne croit pas aux régions, ce parti qui
n'est pas un parti pour défendre les intérêts de la
population des régions comme celle que je représente et pour
laquelle, par mon droit de député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue en cette Assemblée, je vais continuer
à me lever pour démontrer le véritable visage de ce Parti
libéral du Québec qui est celui d'avant 1976, celui de l'absence
de position vis-à-vis du développement des régions et,
bien sûr, de soutien économique d'une région comme le
Témiscamingue que je représente. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député...
M. Fortier: M. le Président, le député de
Charlesbourg devait être ici il y a un instant, mais peut-être
qu'on peut passer à un député ministériel.
Le Vice-Président (M. Rancourt); Je reconnaîtrai
celui qui se... M. le député de Bellechasse. Je m'excuse, c'est
M. le député de Montmagny-L'Islet.
M. Jacques Le Blanc
M. Le Blanc: Merci, M. le Président. Tout au cours de son
existence, la société REXFOR a été mandatée
par le ministère des Terres et Forêts d'abord, ensuite par celui
de l'Énergie et des Ressources, pour intervenir au nom de i'État
dans le domaine de l'exploitation forestière et de la transformation de
l'une de nos ressources naturelles les plus importantes.
La Société de récupération et d'exploitation
forestière du Québec a été créée en
1969, mais la loi n'entra en vigueur qu'en 1970 et son mandat correspondait en
tous points à son nom, récupération et exploitation, avec
la précision d'exercer son action sur les terrains du domaine public
surtout où des quantités de bois étaient menacées
de perdition. Depuis 1969, REXFOR a vu son mandat élargi et, dès
1971, on lui demandait de s'impliquer dans l'aménagement forestier par
l'exécution de travaux sylvicoles.
En 1973, l'État lui assignait une responsabilité de
développement dans le domaine forestier au Québec, faire des
expériences, de nouvelles méthodes de coupe, en lisière,
etc. L'élargissement progressif du mandat de la société
REXFOR commandait que l'on augmente son capital pour le porter de 25 000 000 $
à 58 075 000 $ en 1977. Il n'a pas été modifié
depuis, M. le Président, et je pense que cela justifie le
dépôt du projet de loi d'aujourd'hui. Ce projet de loi que l'on
discute présentement a pour objet de porter le fonds social de REXFOR
à 125 000 000 $ en autorisant le ministère des Finances à
souscrire 66 025 000 $ supplémentaires en capital-actions dans
REXFOR.
Ces modifications au statut de cette société
spécialisée dans le secteur forestier de l'économie
québécoise ont été apportées -et je pense
que personne ne met cela en doute - pour lui permettre de jouer pleinement son
rôle en s'adaptant à l'évolution des méthodes
d'exploitation et en s'adaptant également à la structure
financière des entreprises oeuvrant dans la transformation des produits
forestiers en s'y impliquant comme partenaire.
La présentation de ce projet de loi découle d'une logique
évidente entre les intentions du gouvernement et les actions qu'il doit
poser pour les concrétiser de façon pratique. Lorsque l'on donne
le mandat à REXFOR de réaliser ou de participer à la
réalisation de certains grands projets dans le domaine forestier, il
faut lui en donner les moyens financiers. Que ce soit la tâche de
réorganiser les activités de l'industrie du sciage dans le
territoire forestier de la péninsule gaspésienne, dans le
Bas-Saint-Laurent ou ailleurs dans le Québec, ou encore de participer
à la réalisation de ce projet longuement discuté d'une
papeterie à Matane ou par son action à travers ses filiales
associées au secteur privé, s'intéresser à la
transformation des dérivés du bois, REXFOR assume, à la
mesure de ses moyens, les responsabilités qui sont siennes.
REXFOR a joué un rôle important dans le
développement de l'industrie forestière et pas toujours d'une
façon agréable puisqu'elle a dû, plus souvent qu'autrement
et plus souvent qu'elle ne l'aurait voulu, agir comme sauveur d'industries en
difficulté, comme partenaire dépanneur dans des régions
où les investisseurs n'étaient pas pressés de risquer des
investissements d'importance ou encore là où des industries
avaient carrément fermé leurs portes faute de rentabilité.
REXFOR allait et l'énumération a été faite par des
orateurs précédents de ces endroits où REXFOR a dû
prendre la relève pour sauver des jobs à ces endroits et faire
une relance dans des municipalités où la seule activité
économique était la forêt, l'exploitation forestière
et la transformation dans les usines de sciage.
L'augmentation de capital-actions dont REXFOR a besoin lui permettra
d'agir non seulement comme pompier ou sauveur de service, en étant une
agence de messagerie pour transmettre aux entreprises, aux prises avec des
problèmes de toute nature, des subventions gouvernementales, mais la
principale mission de REXFOR doit être autant sa participation dans les
entreprises de développement de l'industrie forestière du
Québec, facteur important de création d'emplois.
Cette participation de REXFOR dans des entreprises en voie de
développement, son implication dans de vieilles usines
transformées pour se conformer à l'évolution de
l'industrie et pour survivre... En commission parlementaire
dernièrement, lorsque REXFOR est venue faire rapport pour la
première fois au gouvernement de ses activités, on a
rappelé cette participation de REXFOR dans l'entreprise F.-F. Soucy de
Rivière-du-Loup où Bato avait investi de la machinerie nouvelle.
Pour garantir cet
investissement, il fallait absolument - et l'entreprise privée ne
pouvait le faire -garantir un approvisionnement de 100 000 cordes par
année en provenance tant des terrains privés que du domaine
public. REXFOR a dû assumer cette tâche et garantir, de ces 100 000
cordes de bois de pulpe, 25 000 cordes en provenance des forêts publiques
du Bas-Saint-Laurent et de la côte du sud.
M. le Président, si j'en avais le temps, je pourrais allonger la
liste de ces interventions de REXFOR dans le domaine privé et parler,
dans ses quatorze années d'existence, de l'histoire de son action dans
le domaine forestier. Je crois que tout le monde connaît les principales
réalisations de cette société d'État, mais, ce qui
est peut-être moins connu, c'est son implication dans ce que l'on
pourrait considérer comme le début d'une exploitation rationnelle
et beaucoup plus complète de la ressource forêt.
Dans le domaine de la recherche des énergies nouvelles, entre
autres, REXFOR s'est engagée résolument par une participation
financière dans la société Nouveler, qui est une
société de la couronne, une société d'État
québécoise. Cette société, en association avec
Canertech, une société d'État fédérale, a
formé la société Biosyn et c'est cette
société qui construit actuellement l'usine expérimentale
de Saint-Juste-de-Bretenières. À cet endroit, l'objectif de ce
projet est de développer une technique de transformation des
résidus des scieries, principalement le bran de scie et l'écorce,
pour en faire un gaz de synthèse et, par la suite, du
méthanol.
Aujourd'hui, cette usine ne peut peut-être pas prétendre
à une concurrence, au moment où on se parle, avec l'essence que
l'on emploie dans nos véhicules, mais ce qui se passe actuellement dans
le golfe Persique peut nous amener à nous interroger sur ce que sera
l'approvisionnement dans les années à venir. Ce n'est
peut-être pas aussi loin qu'on peut le penser parce que, lorsqu'on parle
d'approvisionnement énergétique dans le domaine de l'essence, on
fait toujours référence à des approvisionnements
épuisables. Ce qu'on pourra fabriquer d'énergie combustible avec
nos résidus forestiers provient d'une source inépuisable et
renouvelable. (20 h 50)
Je crois que la recherche que l'on fait dans ce domaine servira non
seulement à l'utilisation plus complète de notre forêt,
mais servira également à développer une technique qui,
comme la technique qu'on a développée dans le domaine
hydroélectrique, pourra aussi être exportée dans d'autres
pays du monde. Nous devons admettre que nous avons jusqu'ici dans une
très large mesure gaspillé notre ressource forestière. La
tordeuse des bourgeons de l'épinette détruisant des milliers
d'hectares de notre précieuse ressource, ajoutant ainsi aussi au passif
du bilan, il est de toute nécessité que des
sociétés comme REXFOR soient financièrement bien
outillées pour poursuivre leur implication au nom de l'État dans
le développement de l'exploitation de notre ressource
forestière.
C'est cette perspective d'avenir qui doit nous préoccuper soit
celle de récupérer dans son entier l'arbre que l'on coupe compte
tenu des besoins que le Québec a en papier, en bois de sciage, mais
également en énergie. Que l'on prône avec force que
l'entreprise privée doit être la seule sur laquelle le
Québec peut se fier pour prendre en charge tout ce domaine forestier, on
a beau le faire, mais la réalité des dernières
années nous donne une image fort différente dans ce domaine. La
modernisation de nos papeteries ne s'est pas faite sans l'aide de l'État
et ne se complétera pas sans son aide non plus.
En terminant, je suis convaincu que cette augmentation de capitaux
réclamée et accordée par le projet de loi 66 à
REXFOR est un geste positif qui lui permettra de continuer sa participation
dans des entreprises provoquant ainsi l'investissement privé, la
création d'emplois et une meilleure utilisation et une meilleure gestion
de notre ressource forestière. Merci.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le ministre des
Transports.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: II me fait plaisir de participer à ce
débat de deuxième lecture sur le projet de loi 66 concernant le
rôle de REXFOR et l'augmentation de son capital-actions. Je voudrais,
pour reprendre ce qui a été dit par des députés de
l'Opposition notamment, traiter un peu de ce que fait REXFOR. Je voudrais
simplement rappeler que la vitalité du secteur forestier et son
importance chez nous dépend en bonne partie de la capacité
concurrentielle de REXFOR. En particulier parce que nous exportons 70% de notre
production forestière ailleurs, en dehors du Québec, vers le
reste du Canada ou vers les États-Unis, notamment. C'est donc qu'il faut
sans arrêt s'attaquer à des gains de productivité qui
soient importants sur tous les plans si on veut rester dans le marché.
Pour cela, il ne faut négliger aucun moyen, des moyens privés,
mais aussi des moyens publics. Je pense que REXFOR se situe dans le contexte
des moyens publics pour garder notre capacité concurrentielle sur le
marché et en particulier pour l'exportation. Dans ce contexte, je
voudrais reprendre simplement une conclusion du président de REXFOR en
commission parlementaire dans les documents qu'il a
déposés, d'ailleurs, qu'une société telle
que REXFOR est en mesure de fournir une contribution non négligeable et
soutenue à la recherche qui est une condition des gains de
productivité, à l'amélioration de la mise en valeur de la
forêt, à l'innovation, dans les moyens de la transformer et dans
les moyens susceptibles d'accroître les exportations de nos produits.
Dans ce rôle, la société REXFOR ne peut être
réduite ou encore limitée à certaines fonctions. Elle ne
peut être un distributeur de subventions. Ce n'est pas sa raison
d'être. Elle ne peut non plus être limitée à une aide
de dernier recours aux entreprises en difficulté ou à celui de la
relance d'entreprises fermées. La collectivité a besoin de plus
que cela. On ne peut pas non plus penser que REXFOR peut être
activée par intervalles quand le besoin s'en fait sentir, comme
l'interrupteur qui actionne l'éclairage d'un appartement, ou être
toujours l'investisseur de dernier recours quand personne n'est
intéressé. Que ce soit pour sa capacité de remplir des
mandats gouvernementaux ou encore pour l'expertise qu'elle a
développée autant comme entrepreneur forestier d'appoint que par
son expérience acquise dans les milieux industriels où elle a
oeuvré, REXFOR est nécessaire au développement du
Québec. C'est une partenaire qui a permis la réalisation de
certains projets un peu partout, mais qui demeure disponible en tant que
suppléante, comme elle peut assumer des risques que d'autres ne peuvent
pas assumer. C'est le rôle de REXFOR au Québec. Il y a des
exigences à cela. Il faut que REXFOR soit une société
solide, qu'elle soit souple aussi dans ses interventions, et l'entreprise
privée doit aussi accepter qu'elle existe à côté des
autres. Je pense que les deux sont complémentaires et c'est dans ce
contexte que nous nous apprêtons à augmenter le capital-actions de
REXFOR.
M. le Président, encore une fois, il me fait plaisir d'intervenir
ici pour donner mon appui à cette augmentation du capital-actions de 59
000 000 $ à 125 000 000 $, soit 66 000 000 $ de plus comme capital.
C'est donc, finalement, en termes de capital autorisé, un doublement du
potentiel de REXFOR auquel nous assistons ou participons. Il s'agit du
développement économique dont nous parlons. Il s'agit de la
relance, et les immobilisations totales des investissements dont nous parlons
se totalisent à 460 000 000 $, donc, à presque 500 000 000 $.
Cela va créer quelque 1300 emplois directs et indirects et REXFOR va
traiter 1 000 000 de mètres cubes de bois qui n'étaient pas
traités jusqu'ici. Il s'agit d'un projet considérable auquel nous
devons souscrire comme Québécois. Je suis heureux de le faire
aussi pour une raison; c'est que l'un de ces projets touche une région
de mon comté dans le nord.
Il y a, depuis fort longtemps, une entreprise de déroulage et de
transformation de bois feuillu dans la région de Mont-Laurier. À
l'origine, cette usine était installée sur les bords du lac
Nominingue à Bellerive-sur-le-lac, mais elle a
déménagé à Mont-Laurier et les propriétaires
d'alors, dont le Dr Toussaint Lachapelle, l'ont développée
graduellement au cours des années. Ils en ont fait la principale usine
de transformation de Mont-Laurier. Ils l'ont améliorée. Ils ont
multiplié les transformations et il faut dire que cette usine, pour
certaines de ses composantes, transforme déjà quatre fois plus la
matière qu'on ne le fait ailleurs; c'est-à-dire qu'au-delà
du sciage et du déroulage, on fait jusqu'aux panneaux de porte que l'on
expédie, que l'on vend et que l'on exporte pour une grande partie de la
production. Il y avait déjà une intégration des fonctions
faite à Mont-Laurier. C'était une usine, compte tenu d'un certain
nombre de questions qui se posaient chez les anciens propriétaires, qui
était à vendre depuis longtemps. J'ai donc eu à traiter de
ce dossier comme député et à m'impliquer dans les
transactions par lesquelles REXFOR est venue acquérir des usines de
Mont-Laurier.
Il y a un certain nombre d'éléments qui jouaient en faveur
de l'acquisition par REXFOR de ces usines qui étaient là en
fonction. Par exemple, il y avait la qualité du bois dans la
région. Il y avait cette centrale hydroélectrique qui est
là depuis fort longtemps et qui alimente les usines de REXFOR ou de
Bellerive-Ka'N'Enda à l'origine. Il y avait aussi l'effort que les
citoyens de Mont-Laurier ont fait pour l'épuration des eaux de la ville.
Donc, ils s'étaient donné un équipement qui pouvait amener
chez eux des investissements majeurs et il y avait aussi cette
intégration plus poussée des activités de l'usine. C'est
dans ce contexte que REXFOR a acquis ces usines en bloc à Mont-Laurier
et qu'elle a pensé, pour les rentabiliser, pour améliorer leur
situation concurrentielle, à développer une autre usine en aval
de cette production qui serait ce projet de panneaux MDF. (21 heures)
M. le Président, vous me permettrez simplement de donner une
définition à l'aide d'un article de M. Michel Gauthier, du
journal "Le Droit", de ce qu'est le panneau MDF, parce que beaucoup de gens
peuvent se poser une question de cette nature. Je cite son article dans "le
Droit" du 10 mai dernier: "Le panneau de MDF entre principalement dans la
fabrication de meubles et de composantes de meubles, d'armoires de cuisine, de
contre-plaqués. Sa haute qualité et l'uniformité de sa
surface permettent de l'utiliser dans les finitions décoratives sans
qu'il ne subisse de distorsion. Il accepte
mieux les vis que les autres panneaux, notamment celui de particules, et
il est possible d'en façonner les coins sans qu'il ne soit
nécessaire d'y appliquer un recouvrement. On retrouve aussi le MDF,
entre autres, dans la parqueterie, les panneaux publicitaires, les jouets et
les composantes de fenêtres". Voilà ce qu'est le panneau MDF qui
se traduit aussi en français par panneau-fibres de densité
moyenne.
L'augmentation du capital-actions de REXFOR, dont nous parlons, va
permettre ce projet de fabrication du panneau MDF. REXFOR va pouvoir le faire
par le biais de sa société filiale, Les produits forestiers
Bellerive-Ka'N'Enda, qui va installer cette usine et à laquelle vont
s'ajouter des partenaires potentiels qui ont déjà d'ailleurs
manifesté leur intérêt à s'associer à la mise
en oeuvre de cette usine. Elle aura une capacité annuelle de production
de 132 000 140 mètres cubes de panneaux. On pense qu'elle va fonctionner
pendant quelque 320 jours par année à raison de 24 heures par
jour. Il y aura deux raffineurs qui seront nécessaires pour
défibrer annuellement les 105 200 tonnes métriques-année
de bois requises.
Ce que cette usine va utiliser, ce sont des bois de trituration
feuillus. Qu'est-ce que sont des bois de trituration feuillus? Ce sont des bois
qu'on ne peut pas utiliser pour faire des planches ou pour faire du
déroulage. Donc, quasiment des bois de rebuts qu'on pourrait autrement
laisser dans la forêt et qu'on va pouvoir apporter pour faire ces
panneaux. Donc, de toute façon, des bois qui ne sont pas utilisés
à l'heure actuelle. Nous allons utiliser un volume approximatif de ces
bois de 50 000 tonnes, soit en copeaux, en sciures et en planures qui sont
déjà disponibles dans la région. Évidemment, des
bois de meilleure qualité pourront continuer à être
transformés dans la région; ils seront sciés et
déroulés.
Selon les études réalisées jusqu'à
présent, c'est dans cette région de Mont-Laurier finalement
où l'on a les possibilités forestières nécessaires
à l'approvisionnement de l'ensemble du complexe. La possibilité
de consolider les activités des différentes unités de
production a constitué d'autre part un facteur prédominant dans
la localisation du projet à Mont-Laurier. Tout en intégrant les
besoins en matière ligneuse des usines de Bellerive-Ka'N'Enda avec ceux
de l'usine MDF, on va consolider les 270 emplois actuels des entreprises
Bellerive et Ka'N'Enda. On va ajouter en plus quelque 140 autres emplois dans
l'usine qui va fabriquer le MDF. Donc, ce sont des emplois directs qui vont
s'ajouter aux autres pour un investissement total d'environ 70 000 000 $.
Je pense qu'il s'agit là d'un investissement majeur.
Mont-Laurier, par rapport à ce projet, ne manque pas d'attraits en ce
qui concerne la localisation de l'usine par rapport au marché cible
qu'elle va desservir. Selon les études de marché jusqu'à
ce jour, les panneaux MDF vont être écoulés à plus
de 70% dans les marchés de l'Est canadien, c'est-à-dire
principalement au Québec et en Ontario, et le reste de la production
devrait être vendu dans le Nord-Est ou le Nord-Centre des
États-Unis.
L'industrie du meuble du Québec va donc profiter d'un produit de
qualité à un prix relativement bas. Ce sont les projets de
REXFOR. Sa position concurrentielle devrait s'en trouver grandement
améliorée, particulièrement sur les marchés
d'exportation. Pour souligner aussi un dernier facteur, cette usine sera la
première usine de ce type au Canada, parce qu'elles existent surtout aux
États-Unis présentement. Toute la consommation que nous en
faisons à l'heure actuelle provient de la production américaine.
Voilà des données techniques que je tenais à transmettre
là-dessus.
Je voudrais simplement dire qu'au-delà de cela il y aura tous les
emplois indirects qu'on va retrouver dans la réalisation de politiques
de sylviculture du gouvernement et qui peuvent intéresser REXFOR en
plus. Nous voulons favoriser une utilisation maximale des feuillus de la
forêt de chez nous. Au moment où on se parle, REXFOR et ses
partenaires sont à mettre la dernière main aux études et
nous devrions avoir les conclusions définitives au début de
l'automne.
Au-delà des emplois directs qui sont créés, je
voudrais souligner en plus les impacts que cela a pu produire sur une
région, comme cela va se produire pour d'autres régions du
Québec. Par exemple, le bois qu'on va ajouter devra être
bûché par des bûcherons ou coupé sur des
boisés privés et même des terres d'agriculteurs, de
producteurs agricoles. Je pense qu'il importe de souligner de tels facteurs
pour des éléments de l'arbre qui restent sur le terrain au moment
où on se parle et qui pourront être amenés à
Mont-Laurier. Je dirais aussi qu'en termes de sous-traitance, une usine de
cette nature intéresse particulièrement les gens de la
région ou va en amener d'autres à s'installer pour fournir
certains éléments de la production qui vont contribuer au produit
fini, comme l'entretien des usines qui sont ajoutées au complexe
présentement. Ce sont toutes des choses qui favorisent le
développement économique d'une région.
Nous avons peut-être plus d'espoir -non seulement des espoirs,
mais des assurances qu'il faudra manifester un de ces jours - que la ligne de
chemin de fer Mont-Laurier - Sainte-Agathe - Saint-Jérôme devrait
demeurer puisque l'on ajoute des capacités industrielles importantes et,
compte tenu du transport dont nous aurons besoin, il est à
considérer qu'il n'y a plus de raisons -et qu'il n'y en aura plus - pour
lesquelles le
Canadien Pacifique se retirerait de cette région. Pour ce faire,
j'inviterais des gens à se manifester lors des audiences de la
Commission canadienne des transports, au début de juillet, dans la
région.
Je voudrais souligner que ce projet arrive après des initiatives
prises par le milieu pour favoriser son développement. Il y a eu, dans
tout cela, la collaboration de REXFOR, sur laquelle je reviendrai, mais il y a
eu aussi l'intérêt des gens qui ont travaillé à
intéresser REXFOR, qui ont travaillé avec REXFOR pour concevoir
ce projet. Je voudrais simplement souligner ce qui a été fait, en
particulier par la municipalité régionale de comté
d'Antoine-Labelle, par la ville de Mont-Laurier, et toutes les
municipalités qui sont autour. Je voudrais aussi mentionner le travail
qui a été fait par le CIDEL, le Comité intermunicipal de
développement économique de la région de Labelle, qui a
travaillé fort sur. ce dossier, ainsi que d'autres organismes, par
exemple, les clubs Richelieu de la région et le club Richelieu de
Mont-Laurier en particulier.
Dans ce dossier, nous avons là un des éléments dont
le schéma d'aménagement que la MRC est en train de commencer va
devoir tenir compte; je pense que c'est dans leur intérêt et avec
leur intérêt qu'on va le faire. Lorsque l'on va planifier le
développement de cette région, il est évident que l'on
devra tenir compte de cet apport majeur d'une entreprise importante dans la
région qui va aussi drainer des ressources naturelles, des richesses
naturelles importantes. Je crois que c'est l'un des éléments
majeurs qui interviennent dans la confection du schéma, du plan de
développement de la région. (21 h 10)
Je dirai aussi que pour nos jeunes, c'est l'un des espoirs que nous
avons de leur apporter du travail chez eux. Il faut mentionner que la
région de Mont-Laurier a grandement souffert du chômage, notamment
au cours de 1981 et que ce qui est amené ici va être au moins un
espoir pour nos jeunes et va nous amener à les garder davantage dans la
région.
C'est avec un esprit positif que nous avons envisagé ce projet,
que nous avons travaillé à ce projet. C'est avec la collaboration
de REXFOR et celle du ministère de l'Énergie et des Ressources
qu'il a pu être rendu à terme. Je voudrais aussi dire simplement
que le milieu est très heureux que, finalement, un tel projet puisse
voir le jour puisque, évidemment, on statuera définitivement au
mois de septembre ou octobre sur son avenir. Je voudrais simplement souhaiter
que cette bonne collaboration continue. Je porte à ma boutonnière
un macaron où il est dit "REXFOR en expansion, bienvenue dans la
région de Mont-Laurier". Je voudrais que l'esprit avec lequel on aborde
ce projet se continue, qu'il se continue même dans les difficultés
parce qu'il n'y a pas de projet qui ne connaisse pas, à un moment ou
l'autre, certaines difficultés. Je veux simplement souhaiter qu'il y ait
les meilleures retombées économiques possible pour ce projet. Je
pense bien aussi que c'est à l'avantage de la région de
Mont-Laurier, de la région de Labelle de même qu'à
l'avantage de l'ensemble des Québécois. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Matapédia.
M. Léopold Marquis
M. Marquis: M. le Président, je crois qu'il aurait
été difficile pour le député de Matapédia de
laisser passer l'occasion d'intervenir dans l'étude du principe de ce
projet de loi. Ceci, pour plusieurs raisons, ne serait-ce que pour
défendre la société d'État en cause, puisqu'elle a
été fondée vers 1961 alors que le député de
Matapédia du temps était ministre des Terres et Forêts. Je
pense qu'à ce moment-là, l'honorable Bona Arsenault, que nos amis
de l'autre côté ont sûrement connu ou dont ils ont
sûrement entendu parler, était ministre des Terres et Forêts
alors c'était au cours de ses premières années comme
député; ce furent ses meilleures, d'ailleurs. C'est à ce
moment que REXFOR - avec pas tout à fait les mêmes mandats - a
été fondée.
J'ai beaucoup d'autres raisons pour parler de cette demande
d'augmentation d'actions que nous étudions. La société
d'État REXFOR est propriétaire à 100% de deux scieries
situées dans la vallée de la Matapédia, celle de
Saint-Léon-le-Grand que plusieurs intervenants ont mentionnée et
celle de Lac-au-Saumon. REXFOR est également actionnaire minoritaire de
l'usine la plus moderne au Québec, ou même en Amérique du
Nord, qu'on appelle Les panneaux de la Vallée, ou sous son sigle
commercial PanVal, qui a été, à mon avis, injustement
attaquée tout récemment dans le journal "Les Affaires"; je
pourrai y revenir.
Une autre raison pour laquelle je désire intervenir dans ce
projet de loi, c'est que, dans le projet de consolidation d'usines de sciage
situées au nord de la Gaspésie et dans la vallée de la
Matapédia, évidemment la majorité des scieries
concernées sont dans le comté de Matane ou dans le comté
de Gaspé et que l'usine centrale de préparation de bois sera
située à Matane et que cela ne fait pas nécessairement
l'affaire du député de Matapédia ni de la population de la
vallée. Mais il vaut mieux, je pense, si on est réaliste dans les
années que nous traversons, accepter qu'il y ait des usines qui
fonctionnent, par exemple à Saint-Léon-le-Grand et
à Lac-au-Saumon dans mon comté, même si on doit transporter
ce bois et le faire finir à Matane, que d'assister impuissants - parce
que l'entreprise privée ne pourrait pas prendre la relève -
à la fermeture définitive de Lac-au-Saumon, ce qui surviendrait
nécessairement si REXFOR n'était pas là, et
peut-être assister éventuellement, dès le premier mauvais
coup du sort, à la fermeture de Saint-Léon-le-Grand. Cela prouve
que la société d'État REXFOR a joué un rôle
important dans la région, chez nous, et est appelée
également à en jouer un dans l'avenir.
Puisque j'ai parlé de Saint-Léon et de Lac-au-Saumon, je
vais vous expliquer ce qu'étaient ces usines avant que REXFOR s'en porte
acquéreur. Lac-au-Saumon, c'est une municipalité d'environ 1000
habitants où il y a eu des scieries qui ont fonctionné depuis 100
et 125 ans. Il y a une couple d'années, il y avait une scierie qui
fonctionnait un certain nombre de mois par année; une autre avait
été construite et était administrée par un
organisateur politique de l'ancien député, mais n'arrivait pas
à fonctionner d'une façon régulière, de sorte que,
lorsque est venu le moment où on devait assister à une fermeture
prochaine, la société d'État REXFOR s'en est portée
acquéreur pour la réorganiser et la remettre en marche. Cela n'a
pas été nécessairement, jusqu'à présent,
très heureux puisque cette usine, depuis deux ans, a fonctionné
à peu près trois ou quatre mois. Mais avec le plan de relance qui
a été proposé au début de cette année, je
pense qu'on peut espérer que cette usine pourra être
modernisée puisque, dans le plan de relance, il est prévu un
montant de 800 000 $ pour la rénover et la remettre en marche.
C'est la même chose à Saint-Léon-le Grand. L'usine
avait été construite il y a un certain nombre d'années, a
fait faillite, a été reprise par un groupe d'industriels de la
région, a connu, par la suite, des difficultés financières
et a dû être rachetée par REXFOR afin de consolider les deux
usines ensemble, Lac-au-Saumon et Saint-Léon, en vue de l'arrivée
soit de la papeterie de la Matapédia, soit de la papeterie de Matane
maintenant, et également pour fournir une certaine quantité de
copeaux à l'usine Les panneaux de la Vallée, à
Sayabec.
REXFOR s'est impliquée dans Les panneaux de la Vallée et
j'aimerais vous expliquer un peu ce qu'est l'usine de PanVal, Les panneaux de
la Vallée, qui, comme je l'ai mentionné antérieurement, a
été critiquée dans le journal Les Affaires. C'est une
usine qui a coûté de 70 000 00 $ à 75 000 000 $, parce
qu'il y a eu des dépassements. C'est une usine qui avait prévu
donner de l'emploi à 370 personnes, des emplois directs, dans la
vallée de la
Matapédia. Pour vous donner le degré d'importance dans une
région comme Sayabec où cette usine est construite, mentionnons
qu'à Sayabec, depuis le départ d'une compagnie forestière
il y a une quarantaine d'années, il n'y avait eu aucun projet industriel
d'importance même secondaire et encore moins de grande importance dans
cette région. Pendant 40 ans, tous les bons éléments qu'il
y avait dans cette petite région de la vallée ont dû
quitter Sayabec et les paroisses avoisinantes pour s'en aller dans des plus
grands centres, sur la Côte-Nord, de sorte qu'il restait à peine
30 emplois industriels. Dans les autres sous-régions de la
vallée, Causapscal et Amqui, il y avait quand même environ 300
emplois industriels, ce qui veut dire qu'à Sayabec, pour une population
à peu près équivalente, il y avait dix fois moins
d'emplois. Or, en décidant que l'usine de PanVal serait construite
à Sayabec, cela ramenait les emplois industriels dans la vallée
à peu près au même niveau entre les trois secteurs. Et 300
emplois et plus qui arrivent dans une région comme la vallée de
la Matapédia, ce n'est pas à dédaigner, surtout que cette
usine a été construite en pleine crise économique alors
qu'il ne s'en construisait pas ailleurs, mais que plutôt il y en a eu des
dizaines et des dizaines qui ont fermé. Et cette usine a pu se
construire en pleine crise économique parce que REXFOR tout en
étant actionnaire minoritaire, était présente dans le
dossier. (21 h 20)
Lorsque les Allemands, les frères Kunz qui sont les investisseurs
majoritaires avec 60% ont voulu emprunter de l'argent, il a fallu que REXFOR
puisse leur garantir ces prêts. Même si les frères Kunz, en
Allemagne ou en Europe, sont bien cotés, il reste qu'au Canada et au
Québec, ils n'étaient pas connus au point de vue financier et il
a fallu que REXFOR soit capable de garantir les prêts que les Kunz
devaient fournir. Et si REXFOR n'avait pas été présente
dans le dossier pour être capable de garantir ces prêts, il n'y
aurait pas aujourd'hui d'usine de panneaux ni à Sayabec, ni ailleurs
dans la vallée, ni ailleurs au Québec.
Lorsqu'on accuse, comme je l'ai entendu en commission parlementaire,
REXFOR et qu'on la compare à la SGF ou à d'autres
sociétés d'État, je voudrais rappeler une chose. Les
représentants d'une autre société d'État qui
étaient sur le dossier avant que REXFOR ne s'en occupe ont
accompagné les Kunz dans leur voyage un peu partout pour regarder
d'autres sites au Québec. Les Kunz, après avoir visité le
Saguenay-Lac-Saint-Jean, après avoir visité l'Abitibi,
après avoir visité le Nord-Ouest ou d'autres régions, sont
retournés en Allemagne sans avoir décidé d'investir. Il a
fallu que le ministre des Terres et Forêts du temps qu'on
a beau déprécier, le député de Matane, qui
était titulaire, qui était responsable de la
société REXFOR, il a fallu que la société
d'État et le ministre mettent la main sur les Allemands, les
amènent à leur bureau et leur proposent de venir s'installer dans
la vallée de la Matapédia. C'est REXFOR qui a été
capable de le faire sans enlever aucunement les mérites d'autres
sociétés d'État.
Je le dis, ici même à l'Assemblée nationale, parce
qu'en commission parlementaire, on a mis en concurrence d'autres
sociétés d'État avec REXFOR en laissant supposer que
REXFOR n'avait pas les capacités pour mener à bon terme des
projets d'importance dans la transformation du bois.
Alors, M. le Président, je pense qu'on doit rendre hommage
à la société d'État sans nécessairement
reconnaître que tout ce qu'elle a fait a réussi et que tout a
été fait à la perfection. Il n'y a pas de gens parfaits,
il n'y a pas de sociétés ou de compagnies qui sont parfaites
quand on s'occupe de transformation du bois ou d'autres domaines. Pourquoi
exiger davantage de la société REXFOR que l'on exigerait d'autres
sociétés d'État ou d'autres compagnies privées?
Dans la région de Matapédia, si on commence à voir un peu
de soleil au bout du tunnel, c'est qu'on espère encore beaucoup de la
consolidation des usines de sciage avec l'usine de préparation de bois
à Matane qui demandera 32 000 000 $ d'investissements de la part de
REXFOR, si le gouvernement fédéral ne s'implique pas, comme c'est
son habitude. Si REXFOR n'est pas là non plus pour réaliser la
papeterie - cela me fait encore mal au coeur de dire la papeterie de Matane,
mais la papeterie de la Matapédia est devenue la papeterie de Matane -
je pense que les chances sont très minimes et que cela ne se
réalisera sans doute jamais. Nous avons besoin, dans le
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, d'une autre usine de pâtes et papiers
pour écouler les copeaux, non seulement de la région de
Gaspé et de Matane, mais également de la vallée de la
Matapédia et d'une partie de Bonaventure.
Les gens de Bonaventure, en particulier, où il y a quatre ou cinq
usines de sciage qui fonctionnent mal, aimeraient bien que REXFOR soit capable
de se libérer et réussisse à réaliser tous les
projets sur lesquels elle travaille ailleurs que là, et si REXFOR
était capable d'aller dans le comté de Bonaventure, dans la baie
des Chaleurs, pour donner un coup de main aux usines de sciage qui sont en
difficulté.
M. le Président, vous comprendrez facilement que je suis pour
l'adoption de ce projet de loi et que je suis confiant que lorsque nous aurons
donné à la société d'État REXFOR les moyens
financiers de réaliser les projets qu'elle a en tête et sur
papier, dans les plans au sujet de la région chez nous, cette
société sera également capable d'aller en
Abitibi-Témiscamingue, elle sera capable d'aller à Mont-Laurier
et aussi dans d'autres régions qui demandent instamment que cette
société d'État fasse quelque chose pour eux parce que des
usines qui fonctionnent plus ou moins bien, des usines qui ont besoin des
compétences de REXFOR il y en a aussi à d'autres endroits au
Québec. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Jolivet): M. le député
de Maskinongé et whip adjoint de l'Opposition.
M. Picotte: Merci. Tel que convenu avec le leader adjoint du
gouvernement je vais demander l'ajournement de ce débat. Demain il y
aura possibilité d'avoir un ou deux intervenants dans une même
enveloppe de temps qui est de 20 à 22 minutes.
Le Vice-Président (M. Jolivet): Cette motion, M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Fréchette: Oui. C'est précisément le sens
de l'entente qui est intervenue entre les leaders. Je vous demanderais
d'appeler l'article 6) du feuilleton.
Projet de loi 59 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Jolivet): Nous en sommes à
l'adoption du principe du projet de loi 59, Loi modifiant la Loi sur les heures
d'affaires des établissements commerciaux (Réimpression),
présenté par le ministre de l'Industrie, du Commerce et du
Tourisme. M. le ministre, vous avez la parole. Un instant. M. le leader
adjoint.
M. Fréchette: Seulement pour faire une situation claire au
niveau de l'entente qui est également intervenue quant à ce
débat-ci. Je pense qu'il est convenu que le ministre fasse son
intervention, le député de Laporte, par la suite et ce serait la
fin de nos travaux pour ce soir.
Le Vice-Président (M. Jolivet): C'est cela. M. le whip.
Donc, M. le ministre, vous avez la parole.
M. Rodrigue Biron
M. Biron: C'est à la fois avec plaisir et soulagement que
je vous présente ce soir ce projet de Loi modifiant la Loi sur les
heures d'affaires des établissements commerciaux. Je dis avec plaisir
parce que c'est à la demande de beaucoup d'intervenants au
Québec. Au Québec, il faut savoir qu'il y a environ 50 000
établissements commerciaux
qui emploient 350 000 personnes environ. 50 000 établissements
commerciaux dans le domaine du commerce en détail qui emploient 350 000
personnes, cela veut dire 17% à 18% des travailleurs et des
travailleuses du Québec. Sur ces 350 000 personnes qui travaillent dans
les commerces au détail au Québec, il y a une grande
majorité de femmes. Règle générale,
malheureusement, c'est beaucoup plus de gens qui travaillent au salaire
minimum, ou à très bas salaire et aussi à temps partiel.
C'est une masse salariale de 3 000 000 000 $ et on compte que les ventes
totales du commerce en détail, cette année au Québec,
seront d'environ 30 000 000 000 $. Il y a beaucoup d'argent, beaucoup de
travailleurs et beaucoup d'établissements commerciaux.-Je pense que
c'est dans ce sens que je dis que c'est avec plaisir qu'on peut apporter une
loi qui permettra à la fois aux établissements commerciaux
d'être un peu mieux ordonnés et de répondre à leur
demande puisqu'il y a eu un consensus et un front commun en faveur de
l'adoption de ce projet de loi.
Le front commun pour l'adoption du projet de loi regroupait, la semaine
dernière, environ une cinquantaine d'associations et d'organismes
à la fois de porte-parole des associations de consommateurs et de
consommatrices, de syndicats affiliés, de travailleurs et de
travailleuses, de même que d'associations de commerçants et des
associations de commerce. C'est rare qu'on puisse voir un projet de loi qui
présente un front commun et un consensus. C'est dans ce sens que je dis
que je suis très heureux de présenter ce soir ce projet de loi et
de répondre à la demande d'un grand nombre de personnes qui
travaillent dans des commerces de détail de même que d'un grand
nombre de propriétaires de commerces de détail puisque, comme je
l'ai dit tout à l'heure, il y a 50 000 établissements
commerciaux, cela veut dire en moyenne sept personnes par établissement
commercial de commerce de détail. C'est donc la grande majorité.
Ce sont de petites et moyennes entreprises.
Je dis aussi avec satisfaction puisque ce projet de loi que nous avons
devant nous, ce soir, a mérité, de la part de mes fonctionnaires,
d'une façon particulière et de ma part aussi deux ans et demi
d'efforts, de discussions, de rencontres, de négociations pour essayer
d'en arriver au meilleur consensus possible et de faire en sorte que les gens
se rejoignent à un endroit donné pour que finalement des
intérêts qui étaient au départ complètement
divergents puissent se réunir et dire qu'on accepte un tel projet de
loi. (21 h 30)
Comme je le disais tout à l'heure lorsque vous avez des
associations de travailleurs, de travailleuses, des associations de
commerçants, d'une part et des associations représentant des
consommateurs et des consommatrices d'autre part, vous avez vraiment fait le
tour de tous ceux et celles qui peuvent tirer dans des directions
opposées et différentes, mais qui, cette fois, à cause de
ce projet de loi, ont fait un front commun en demandant au gouvernement du
Québec d'adopter rapidement, avant la fin de la présente session,
ce projet de loi modifiant la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux.
C'est important, ce projet de loi. Il y a des gens qui m'ont
demandé pourquoi un projet de loi qui modifie une autre loi. D'abord,
faisons un peu d'histoire. La Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux au Québec date de 1970; avant cela, il
n'y a en avait pas.
En 1970, c'est le gouvernement de l'Union Nationale, avec M.
Jean-Jacques Bertrand, à l'époque, qui a proposé ce projet
de loi à la demande des municipalités, des intervenants du
commerce en détail, donc des travailleurs et des travailleuses, d'une
part, mais aussi des principaux intervenants dans le monde du commerce, les
associations de commerçants, qui disaient qu'il fallait mettre un peu
d'ordre dans ce qui existait en fait d'heures d'affaires dans le commerce au
détail.
Ce qui existait à l'époque, c'était que chaque
municipalité pouvait faire sa propre loi. Une municipalité comme
Québec, en particulier, pouvait dire: Nous, on ferme nos magasins
à 18 heures du soir; mais la municipalité voisine, celle de
Sainte-Foy pouvait dire: Nous, on ferme nos magasins à 21 heures. Vous
comprenez que tout le commerce pouvait partir de la municipalité de
Québec, s'en aller vers Sainte-Foy ou vice versa. Au
Saguenay-Lac-Saint-Jean, une municipalité comme Chicoutimi aurait pu
dire: Nous, on ouvre jusqu'à 21 heures et l'autre: Moi, je ferme
à 18 heures, puis, finalement, le commerce change de place, change de
municipalité, surtout avec la facilité que les gens ont de se
déplacer d'une municipalité à l'autre.
Dans ce sens-là, les intervenants ont demandé au
gouvernement du Québec de l'époque, il y a une quinzaine
d'années, d'avoir une loi pour réglementer les heures d'affaires
à travers tout le Québec, pour que tout le monde vive selon les
mêmes heures d'affaires et pour donner chance égale à tout
le monde. Cette loi des heures d'affaires s'appliquait six jours par semaine,
du lundi au samedi. Le dimanche était couvert par une autre loi sur les
heures d'affaires, mais celle-là sous le régime
fédéral qui s'appelait la Loi sur le dimanche, qui existe encore
et qui date de 1907. Elle a donc déjà 75 ans maintenant et
même un peu plus. C'est bien sûr que la loi qui s'appliquait en
1907 avec des amendes de 1 $ à 40 $ pour ceux qui
faisaient des infractions à la loi est désuète. Si
vous dites aujourd'hui: Vous faites une infraction à la Loi sur le
dimanche et que vous êtes condamné à 20 $ ou 40 $ ou 1 $
d'amende, c'était peut-être beaucoup 40 $ à
l'époque, mais, aujourd'hui, vous savez ce que 40 $ représentent
pour une entreprise, pour un commerce.
C'est enfin ce qui a fait qu'au cours des dernières
années, certains gros commerces en particulier ont essayé de
défier la Loi sur les heures d'affaires, mais surtout la Loi sur le
dimanche, la loi fédérale. C'est nous du Québec qui avions
à appliquer la loi fédérale. En appliquant la loi
fédérale, nous faisions des poursuites devant la cour. Le gros
commerçant, qui ouvrait toute la journée le dimanche,
était condamné à 40 $ d'amende, c'était le maximum
de la loi fédérale. Ceci a fait en sorte aussi qu'au cours des
dernières années, il y a eu des commerces qui ont
fonctionné illégalement le dimanche, alors que la grande
majorité des commerçants, les autres commerces, voulaient
fonctionner légalement, c'est-à-dire fermer le dimanche. Cela a
donné un avantage à des gens qui vivaient dans
l'illégalité. Bien sûr, pour eux, c'était de faire
plus de ventes, parce qu'ils étaient les seuls ou à peu
près, un faible pourcentage des établissements commerciaux
ouvraient le dimanche, ils étaient les seuls, mais la loi a quand
même été généralement respectée par
à peu près 95% des commerçants du Québec, de sorte
que chez nous, à cause de notre loi des heures d'affaires et de la Loi
sur le dimanche, qui a été généralement
respectée à 95%, il y a 68% des ventes au détail qui se
font au Québec par des magasins indépendants, 68% de ce qui se
vend dans l'alimentation et le commerce en détail, la lingerie, les
meubles, la bijouterie, tout cela se fait par des commerçants
indépendants, alors qu'en Ontario c'est un peu plus de 50%, tout
près de 51%. Chez nous, il y a plus de PME, plus d'indépendants
qui ont des commerces; en Ontario, avec une loi qui n'est pas comme la
nôtre, il s'en faut, il y a beaucoup plus de grosses entreprises qui font
commerce.
L'objectif du gouvernement du Québec, c'est de continuer à
faire que les petites ou moyennes entreprises puissent profiter au maximum du
commerce qui se fait au Québec, c'est-à-dire des 30 000 000 000 $
de ventes au détail que nous ferons au cours de l'année 1984.
M. le Président, c'est un peu rapidement l'histoire de ce qui
existe et c'est justement parce que des gens n'ont pas voulu respecter la loi,
ont voulu vivre dans l'illégalité que des associations de gens
d'affaires, des associations de travailleurs, et même des associations de
consommateurs et de consommatrices sont intervenues auprès du
gouvernement, il y a au-delà de deux ans et nous ont dit: II faut
absolument revoir la Loi sur les heures d'affaires des établissements
commerciaux, inclure le dimanche dans la loi provinciale et augmenter les
amendes pour faire en sorte que tout le monde puisse vivre selon les
mêmes lois; qu'il y ait une justice pour tout le monde.
Nous avons tenu dans le Québec une vaste consultation, qui nous a
amenés à présenter ce projet de loi. Le projet de loi 59,
qui est déposé en deuxième lecture devant
l'Assemblée nationale aujourd'hui, vient donc modifier l'ancienne Loi
sur les heures d'affaires des établissements commerciaux. Cette loi, qui
était entrée en vigueur, comme je l'ai dit tout à l'heure,
en 1970, est une des mesures gouvernementales qui ont contribué au
développement des entreprises commerciales québécoises.
Mais il semble maintenant nécessaire, après quatorze
années d'expérience et d'évolution, de lui apporter des
ajustements si l'on veut qu'elle puisse continuer à jouer un rôle
utile.
Les modifications proposées par le projet de loi 59 tiennent
compte des résultats d'une consultation générale faite au
printemps 1983. Le projet de loi 59 a été l'objet d'une
commission parlementaire tenue en février dernier. Ces récentes
audiences ont permis de dégager des consensus et d'apporter quelques
changements et ajustements au projet de loi 59. C'est pour cela qu'on a
déposé, il y a une dizaine de jours, un nouveau projet de loi,
réimprimé, qui tenait compte des ajustements et des changements
qui nous ont été suggérés à l'occasion des
audiences de la commission parlementaire.
Au départ, encore une fois comme je l'ai dit tout à
l'heure, il y avait deux lois, la loi provinciale et la loi
fédérale. La loi québécoise des heures d'affaires
cherche à maintenir un équilibre optimal entre les trois groupes
dont les intérêts sont touchés: les consommateurs, les
commerçants et les employés de commerce. Le législateur
veut ainsi assurer un service approprié aux consommateurs, la
rentabilité des commerces et une concurrence équilibrée
entre les petits et les gros commerçants, le droit des
propriétaires de petits commerces et de leurs employés de
participer à la société de loisirs, c'est-à-dire de
travailler à des heures raisonnables.
La loi établit donc une durée quotidienne d'exploitation
de commerce qui doit, d'une part, donner le temps aux consommateurs d'effectuer
leurs emplettes et, d'autre part, assurer aux commerçants une
exploitation plus rentable de leur entreprise. De plus, la fixation des
heures-cadres a une incidence sur les heures de travail et,
conséquemment, sur les conditions de travail des employés.
Je pense qu'il est important de
s'arrêter ici, parce qu'il y a des gens qui disent que si on
ouvrait beaucoup plus d'heures, cela donnerait plus d'activité
économique. Là-dessus, tous les intervenants ou en tout cas 90%
des intervenants nous disent: II n'y aura pas plus d'activité
économique, excepté qu'au lieu de vendre nos 30 000 000 000 $ sur
65 heures par semaine, si on les vend sur 80 ou 85 heures par semaine, c'est
sûr qu'il y a des entreprises qui vont devoir rester ouvertes beaucoup
plus longtemps; pour faire le même chiffre d'affaires, cela va
coûter plus cher pour toutes sortes de raisons. Finalement, même
les travailleurs vont y perdre parce que si on laisse la bride sur le cou
à n'importe quel commerce pouvant intervenir à n'importe quelle
heure, si véritablement on laissait trop d'heures ouvertes, les gros
commerçants vont l'emporter, un peu comme en Ontario, et il y a beaucoup
de petites ou de moyennes entreprises qui vont disparaître. C'est
déjà très difficile pour un propriétaire de PME de
devoir travailler 62 heures par semaine ou à peu près, à
l'heure actuelle, selon les heures d'affaires; s'il fallait ouvrir à 80
heures, ce serait à peu près impossible pour lui d'avoir des
heures raisonnables. Et s'il fallait ouvrir le dimanche la plupart des
établissements commerciaux, cela veut dire que la plupart des
propriétaires d'entreprises de PME - on a dit, tout à l'heure,
que, en moyenne, c'est sept employés - devraient sacrifier leur vie de
famille et devraient s'occuper de leur commerce le dimanche, ce qui ferait des
chambardements majeurs dans la vie sociale des chefs d'entreprise et des
travailleurs et des travailleuses.
Alors, la loi sur les heures d'ouverture comporte certaines mesures
d'exception. Ainsi, elle ne s'applique pas aux établissements
commerciaux, ni aux parties distinctes et cloisonnées de ceux-ci,
où l'activité principale est la vente de produits d'usage
courant, tels que l'essence, les produits pharmaceutiques, les journaux, le
tabac et les denrées pour consommation sur place. De plus, pour
accommoder les consommateurs et dans le but de favoriser les petits
commerçants du secteur de l'alimentation, la loi permet à toute
heure de la journée la vente de denrées alimentaires par des
établissements dont le fonctionnement est assuré par un effectif
total d'au plus trois personnes par période de 24 heures. Cela
était dans l'ancienne loi, avec laquelle nous vivons
présentement. La nouvelle loi permettra trois personnes en même
temps dans l'établissement, c'est-à-dire que cela pourra
augmenter le nombre d'employés, théoriquement jusqu'à huit
ou neuf, mais, en pratique, ce sera cinq ou six employés, incluant le
patron, qui pourront travailler dans le dépanneur. Mais au maximum, il
ne pourra y en avoir plus de trois en même temps s'il y a deux
"chiffres", comme on dit, une fois ce sera trois et une autre fois deux, le
soir.
En cas d'infraction à cette loi, le législateur a
prévu des amendes d'au plus 1000 $ - c'est l'ancienne loi - dans le cas
des propriétaires ou du locateur de l'établissement et de 100 $
dans le cas d'un employé autre que le gérant. C'étaient
les amendes maximales de la loi provinciale, la loi fédérale,
c'était 40 $. Présentement, nous changeons les amendes pour les
augmenter d'une façon considérale, ce qui fait en sorte qu'en cas
d'infraction à la loi, ce sera 200 $ au minimum pouvant aller
jusqu'à un maximum de 10 000 $ en cas de récidive pour s'assurer
que tout le monde respecte la même loi. (21 h 40)
Au cours des années, la structure commerciale du Québec
s'est développée de façon différente de celle des
provinces avoisinantes. Dans les provinces maritimes, en raison de
l'éloignement des producteurs de biens de consommation, le commerce au
détail s'est principalement organisé autour de nombreux et
importants commerces de gros et de détail.
En Ontario, en raison de la proximité des fabricants canadiens et
des grands commerçants américains, le commerce de détail
s'est structuré autour d'entreprises commerciales à succursales
multiples.
Au Québec, une multitude de petits commerçants
indépendants dans la plupart des secteurs d'activité se sont
graduellement formés en groupements volontaires et coopératifs.
Plusieurs de ces groupements sont devenus maintenant des entreprises
commerciales aux chiffres d'affaires imposants.
Ce phénomène des regroupements allié à
certaines mesures à caractère protectionniste, comme la Loi sur
les heures d'affaires et la vente de bière et de vin chez les
épiciers, ont permis aux commerçants indépendants de se
développer en parallèle et en concurrence avec les grandes
chaînes. Par contre, les progrès réalisés par les
commerçants indépendants, particulièrement par ceux qui
exploitaient les boutiques spécialisées, ont été
ralentis à partir des années soixante par l'implantation des
centres commerciaux un peu partout au Québec. Plusieurs barrières
coupaient l'accès des indépendants aux locaux dans les centres
commerciaux. L'une de ces barrières, et non la moindre, était la
grande difficulté de rentabiliser l'investissement d'un commerce dans un
centre commercial sans mettre en danger la mise de fonds déjà
faite dans le premier commerce, situé au centre-ville
celui-là.
La disparité des heures d'ouverture entre centres commerciaux de
banlieue et de commerces des centres-villes défavorisait ces derniers.
La Loi sur les heures d'affaires entrée en vigueur au début de
1970 est
venue corriger partiellement le déséquilibre concurrentiel
en faveur des petits commerçants indépendants. De plus, en ce qui
concerne les jours fériés et, par extension le dimanche, la Loi
sur les heures d'affaires s'inscrit dans le même sens que les normes du
travail et les dispositions de nombreuses conventions collectives qui
reconnaissent le droit des employés d'avoir une vie familiale ou de
loisir convenable. Ainsi, la Loi sur les heures d'affaires a une portée
humaine et sociale en sus de jouer son rôle d'équilibre
économique.
Les problèmes d'application de la loi et l'évolution du
milieu commercial. À la suite du ralentissement économique que
nous avons connu, particulièrement en 1982, plusieurs commerçants
ont tenté de relancer leurs affaires en ouvrant illégalement leur
commerce, particulièrement le dimanche. D'ailleurs, la très
grande majorité des plaintes reçues au ministère de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme concernaient les infractions commises
contre la Loi sur le dimanche, la loi fédérale. Les amendes
-faibles - prévues par cette loi constituaient, selon les conclusions
mêmes d'une commission d'étude fédérale, un permis -
et je cite - "de violer la loi". Il s'avérait nécessaire dans
l'intérêt même de l'ensemble des commerçants et
à leur demande de réviser les mesures légales
régissant les périodes d'ouverture. Quant à faire cette
révision, aussi bien vérifier par la même occasion si les
conditions qui avaient dicté la teneur de la loi étaient encore
d'actualité. Certaines situations semblaient avoir changé non
seulement du côté des commerçants et des employés de
commerce, mais également du côté des consommateurs.
C'est ainsi qu'au début de 1983, il fut décidé de
procéder à une vaste consultation auprès des organismes et
personnes concernés par les heures d'ouverture des établissements
commerciaux. Cette consultation publique et l'analyse des 172 mémoires
qui en ont résulté ont permis d'effectuer les constats suivants:
premièrement, la majorité des commerçants reconnaissent le
bien-fondé d'une loi sur les heures d'affaires, mais se plaignent de
nombreuses infractions commises le dimanche en contravention de la Loi
fédérale. Les employés de commerce se sont très
majoritairement déclaré favorables au maintien de la plupart des
dispositions de la loi actuelle. Les consommateurs et consommatrices qui se
sont exprimés ont émis l'opinion que les changements dans les
structures familiales de même que l'augmentation du nombre des femmes au
travail devaient amener sinon un bouleversement du moins un ajustement des
heures d'ouverture des commerces de détail. La consultation
générale nous avait aussi indiqué que même si les
commerçants avaient recommandé majoritairement le maintien
à peu de choses près des heures d'ouverture actuelles, plusieurs
entreprises ou groupes d'entreprises importantes s'étaient
carrément prononcés pour un élargissement du cadre des
heures d'ouverture. Plusieurs secteurs favorables à une
libéralisation totale avaient demandé d'être exclus de
l'application de la loi. Il semblait tout à fait normal de vouloir
apporter un élargissement à la loi en raison même de
l'évolution de l'activité commerciale et des besoins des
consommateurs et des consommatrices.
Le projet de loi 59 qui a été déposé en
première lecture résultait de cette consultation
générale et venait modifier la Loi sur les heures d'affaires des
établissements commerciaux. Il proposait d'inclure notamment le
dimanche, jusqu'à présent couvert par la loi
fédérale en 1907, dans la liste des jours couverts par la loi
québécoise. Également, il dispensait de l'application de
la loi des catégories de commerces vendant des produits d'horticulture,
des produits d'art, d'artisanat ou des antiquités, des piscines et
accessoires nécessaires à leur fonctionnement et des monuments
funéraires.
Enfin, ce projet de loi 59 prévoyait une augmentation du montant
des amendes à imposer et permettait d'accélérer les
procédures légales en facilitant la tâche des responsables
de l'application de la loi. Le projet de loi 59 a été
déposé au Conseil des ministres à la fin de
décembre 1983. Celui-ci acceptait de soumettre le projet de loi à
l'Assemblée nationale et recommandait la tenue d'une commission
parlementaire sur ce projet de loi, avant sa présentation en
deuxième lecture.
La commission parlementaire a reçu le dépôt de 40
mémoires. 37 organismes ou personnes se sont présentés aux
audiences. Les audiences ont permis de constater qu'un fort consensus se
dégagait en faveur de l'inclusion du dimanche dans la loi
québécoise et de l'augmentation des amendes, afin que la loi soit
appliquée avec plus de rigueur. L'augmentation des heures le samedi
durant la semaine de Pâques ne ralliait pas les opinions, la
préférence allant plutôt à l'addition d'une
demi-heure les jeudi ou vendredi soir. Les opinions étaient
partagées quant à l'ouverture ou à la fermeture des
établissements les lendemains de Noël et du Jour de l'an.
Nonobstant les objections exprimées par des propriétaires
de pharmacies ou de marchés publics, il semblait équitable de
rendre universel le maximum de trois employés en tout temps pour
exempter de la loi les établissements vendant des produits alimentaires.
Des élargissements pourraient être consentis dans le cas des
détaillants de produits horticoles et des coopératives en milieu
scolaire.
La forme de l'article 5 est plus claire
dans le texte de la loi actuelle. Certains cas particuliers, comme
l'exemption des expositions agricoles, les heures d'ouverture de la ville de
Hull et des environs et la permission d'ouvrir le dimanche pour les commerces
qui auraient été fermés le samedi pour des motifs
religieux pourraient être traités par règlement ou par des
dispenses occasionnelles, tel que prévu à l'article 5.1.
Quant aux marchés publics d'alimentation, le texte
révisé du projet de loi, en ce qui concerne indirectement ou
directement le commerce au détail des denrées alimentaires,
contient les principales dispositions suivantes: le dimanche est maintenant
inclus dans la loi québécoise et les amendes ont
été substantiellement augmentées; la limite des trois
employés aux 24 heures a été modifiée pour
permettre désormais trois employés en tout temps, ce qui permet
la rotation de personnel. Les pâtisseries et les confiseries continueront
à ne pas être limitées quant au nombre d'employés.
Par contre, si elles vendent en sus des produits alimentaires, elles devront se
conformer à la règle de trois ou fermer hors les heures.
L'application quasi universelle de la règle de trois,
alliée à des amendes beaucoup plus fortes pour les ouvertures
illégales le soir en début de semaine et les dimanches,
convaincra la plupart des commerçants oeuvrant présentement dans
l'illégalité de se conformer à la loi, incluant ceux
situés dans les marchés publics. À cette mesure
additionnelle pour assurer le respect de la loi, nous avons ajouté une
clause disant que, si un propriétaire d'immeuble laisse un
commerçant locataire faire affaires dans l'illégalité, il
sera, lui aussi, passible de poursuite et de condamnation.
Toutes ces mesures et modifications ont été
incorporées au projet de loi 59 à la demande de
commerçants oeuvrant dans la légalité. L'Association des
détaillants en alimentation, de même que l'Association des petits
détaillants du Québec, d'une manière plus
particulière et avec une vigueur soutenue, nous ont formulé des
suggestions spécifiques quant aux situations prévalant dans des
pharmacies et dans les marchés publics.
Le projet de loi 59 modifié répond, à notre avis,
à toutes les demandes formulées par l'Association des
détaillants en alimentation et par l'Association des petits
détaillants québécois pour faire cesser les ouvertures
illégales, y compris celles commises régulièrement dans
les marchés publics. Les propriétaires de marchés publics
et les commerçants qui y oeuvrent ont allégué diverses
raisons pour expliquer la situation d'illégalité de 20% des
commerces qui y oeuvrent. Comme plusieurs commerçants ont
commencé avec deux ou trois employés, mais ont dû augmenter
leur nombre à cinq, six ou huit en raison de l'affluence
particulièrement le dimanche, des promoteurs et des commerçants
ont escompté que la loi du dimanche ne serait jamais appliquée
avec rigueur. Il y avait aussi la grande faiblesse des amendes de la loi
fédérale, de 1 $ à 40 $, et l'ignorance de la loi par
plusieurs autres.
Pour certains, ces raisons sont des circonstances atténuantes.
Pour le ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, ces
raisons peuvent expliquer les situations d'illégalité où
se retrouvent les commerçants, mais elles ne peuvent certainement pas
venir les excuser. Par contre, dans les marchés publics, se retrouve une
situation qui nous semble particulière. C'est celle de
l'interdépendance de commerces légaux et illégaux: 80% de
légaux et 20% d'illégaux.
Les petits commerçants d'alimentation ont le droit d'y ouvrir
leur commerce le dimanche avec trois employés ou moins. Or, il est
certain qu'ils seraient affectés dans leur chiffre d'affaires si le
marché public se retrouvait édenté de ses principaux
commerces si ceux-ci, parce qu'illégaux, étaient fermés
soudainement le dimanche. L'attrait du marché et, par voie de
conséquence, les recettes des petits commerçants baisseraient
considérablement pour un bout de temps, sans parler des pertes d'emplois
pour les salariés qui y travaillent. (21 h 50)
De fait, ceux-ci n'ont rien à dire quant à la
légalité ou à l'illégalité des commerces de
leur patron. Ils comprendont difficilement que le projet de loi 59 vienne
soudainement leur faire perdre des emplois occasionnels ou même
permanents. Il faut aussi constater que déjà certains
marchés publics et les commerçants qui s'y retrouvent connaissent
des problèmes financiers. Au ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme, il ne nous paraît pas souhaitable que le projet
de loi 59, modifié à la demande de commerçants, vienne
créer des déboires à d'autres commerçants et
à leurs employés, surtout si, après discussion avec les
divers groupes d'hommes d'affaires concernés, un délai peut
permettre de les éviter, du moins en partie.
Comme solution proposée, le texte de loi est sans
équivoque. Il soumet les commerces d'alimentation dans les
marchés publics aux mêmes règles que ceux situés
n'importe où ailleurs. Il n'y aura pas d'exception pour les
marchés publics. Là comme ailleurs s'appliquera la règle
de trois, de sorte que les commerces non exemptés qui y oeuvrent le
dimanche continueront d'être illégaux comme ils le sont
présentement. Toutefois, par souci pour les petits commerçants
oeuvrant légalement dans les marchés publics, qui seraient
négativement affectés par la fermeture soudaine, le dimanche, des
commerces
illégaux et par souci, également, pour les employés
de commerces dans ces marchés publics, il est suggéré
d'accorder, aux quelque 100 commerces non exemptés, donc
illégaux, dans huit marchés publics de la région de
Montréal et deux de la région de Québec, un délai
pour se conformer à la loi, délai qui pourrait aller au maximum
jusqu'au 31 décembre 1986. En d'autres termes, le délai serait
progressif, c'est-à-dire qu'on pourrait demander, d'ici au 31
décembre de cette année, à tous ceux et celles qui ont
plus de dix employés de s'y conformer; l'an prochain, ce serait de dix
à cinq employés et, la dernière année, ce serait de
cinq à trois. On pourrait y aller par étapes; les
propriétaires de marchés publics pourraient investir leur argent
sur une période de trois ans et, finalement, les 100 commerces
illégaux qui sont dans les marché publics pourraient, avec le
temps, devenir des commerces légaux.
Ces commerces non exemptés après enregistrement au
ministère de l'Industrie, du Commerce et du Tourisme, avant le 1er
septembre 1984, ne pourront augmenter leur superficie durant le délai
prévu par la disposition transitoire inscrite au texte de la loi et
devront diminuer le nombre de leurs employés progressivement sur une
période de deux ans. Cette façon de procéder et surtout le
délai accordé évitent que la loi ne mitraille
aveuglément les commerçants oeuvrant légalement et veut
atteindre les commerçants oeuvrant illégalement dans les
marchés publics. C'est une mesure sélective d'autant plus
raisonnable et plus humaine qu'elle épargne aussi les employés
des commerces de ces marchés.
Certains ont suggéré que le projet de loi 59, en ce qui
concerne le secteur alimentaire, remplace la règle de trois
employés par une limite basée sur la superficie du magasin. On a
même parlé de 5000 pieds carrés, s'appuyant sur une norme
utilisée par l'Association des détaillants en alimentation, pour
distinguer entre le commerçant de grande surface et le dépanneur
à l'occasion du concours de l'épicier de l'année. Accepter
5000 pieds carrés reviendrait, à toutes fins utiles, à
permettre à un très grand nombre de magasins d'alimentation
d'ouvrir le soir et le dimanche. Généralement, un
dépanneur occupe une base de 800 à 1200 pieds carrés, s'il
fonctionne avec trois employés. Porter la limite à 5000 pieds
carrés, c'est porter la limite du nombre d'employés à 20,
25 ou 30. C'est un changement trop grand et trop brusque qui bouleversera pour
un bout de temps les structures du commerce d'alimentation.
Après consultation avec l'Association des détaillants en
alimentation et l'Association des petits détaillants du Québec,
il ne nous a pas semblé acceptable d'inscrire dans la loi cette nouvelle
délimitation, cette suggestion de 5000 pieds carrés.
L'Association des détaillants en alimentation et l'Association des
petits détaillants du Québec nous ont fortement
recommandé, encore une fois, de continuer avec trois employés au
maximum sur le plancher, en même temps, pour permettre à tout le
monde de fonctionner selon les mêmes normes.
Dans l'ensemble, la commission parlementaire et les négociations
qui en ont découlé auront servi à dégager un bon
nombre de consensus sur des modifications apportées au projet de loi 59.
En particulier, tout le monde a été d'accord ou à peu
près avec la fermeture le dimanche et avec l'augmentation des amendes.
Il y a eu aussi certains consensus comme revenir à la forme
utilisée dans l'article 5 de l'ancienne loi de façon à
éviter de nouvelles définitions ou interprétations qui
pourraient entraîner des litiges inutiles: permettre aux commerces de
produits horticoles de vendre, en sus, de menus articles; permettre la vente,
hors les heures permises, d'artisanat et d'oeuvres d'art uniquement si
celles-ci sont produites par des auteurs québécois, ceci afin
d'encourager les artisans et les artistes québécois, tout en
astreignant aux heures d'ouverture la vente de tableaux et de souvenirs de tout
acabit et de toute provenance, inclure dans la liste des établissements
exemptés de la loi les coopératives en milieu scolaire, à
la condition que celles-ci ne concurrencent pas de façon déloyale
les commerces environnants qui doivent respecter les heures. Finalement, il y a
aussi une certaine forme de consensus pour certaines régions
frontalières du Québec, comme la région de l'Outaouais en
particulier, ou pour les expositions agricoles, où on devrait permettre,
pour une période donnée, d'allonger les heures d'ouverture dans
une région donnée.
Concernant le cas particulier des pharmacies, nous avons reçu
beaucoup d'opposition au fait que les pharmacies s'étaient nettement
développées au-delà de l'esprit initial de la loi en ce
qui concerne la vente des produits alimentaires. En effet, ces pharmacies qui,
tout à fait légalement, selon l'ancienne loi avaient obtenu la
permission de vendre des produits alimentaires en raison d'une situation de
fait qui existait dans des villes et villages éloignés des grands
centres se sont graduellement développées en
super-dépanneurs, particulièrement dans les villes les plus
importantes du Québec.
Des négociations que nous avons eues avec les principaux
intéressés nous ont amenés à l'arrangement suivant:
à l'avenir, les pharmacies devront se soumettre à la règle
de trois employés si elles vendent des
produits alimentaires. Celles qui vendent actuellement des produits
alimentaires avec plus de trois employés conserveront leurs droits
acquis, mais ne pourront agrandir l'espace consacré aux produits
alimentaires. Celles qui voudront vendre des produits alimentaires avec plus de
trois employés devront ou se cloisonner ou fermer en dehors des heures.
Quant aux pharmacies qui, tout à fait légalement, vendent des
produits alimentaires, elles ont jusqu'au 1er septembre pour s'enregistrer afin
que leurs droits acquis continuent au cours des années.
En ce qui concerne les marchés aux puces, il s'agit
principalement de marchés aux puces situés dans des immeubles qui
s'apparentent à des mini-centres commerciaux. Ceux-ci consistent en des
locaux fermés, loués par des propriétaires immobiliers, un
peu selon la formule de petits centres commerciaux. Ces marchés aux
puces sont ouverts à longueur d'année. À cause du
phénomène de l'interdépendance expliqué
précédemment, il a été décidé de
donner un délai qui pourra aller jusqu'au 31 janvier 1985, date à
laquelle la plupart des baux auront pu être renégociés.
Finalement, les marchés aux puces pourront continuer de faire ce qu'ils
faisaient légalement autrefois, c'est-à-dire laisser vendre par
des commerçants artisans des produits usagés. Pour ceux et celles
qui ont commencé, au cours des dernières années, à
vendre des produits neufs le dimanche, ils auront jusqu'au 31 janvier 1985 pour
se conformer à la nouvelle loi.
Il y a des questions particulières qui nous sont venues des gens
de ces marchés aux puces, par exemple les bouts de ligne. Quand la
première chemise est-elle le début de la ligne et la
deuxième, le bout de la ligne? Ce sont des questions qu'on doit se
poser. C'est très difficile à reconnaître. On a convenu
avec des représentants des marchés aux puces de former un
comité auquel participeraient le ministère de l'Industrie, du
Commerce et du Tourisme et les producteurs, les manufacturiers de
vêtements du Québec, de même que les représentants
des marchés aux puces pour pouvoir définir certaines lignes de
produits qui seraient vraiment démodés et qui devraient
être vendus dans ces marchés aux puces. Nous reconnaissons que
certains produits québécois fabriqués dans des entreprises
québécoises, dans le textile en particulier, après un an
ou deux, sont démodés; ce sont des articles neufs, mais qui
devraient être vendus comme des articles démodés. Dans ce
sens-là, on va essayer, d'ici au 31 janvier 1985, avec les
représentants des marchés aux puces, de trouver des formules
très faciles et très simples qui permettraient d'écouler
ces stocks d'inventaire d'entreprises québécoises, de
manufacturiers québécois qui seraient démodés et
qui devraient être écoulés par des marchés aux puces
ou des établissements de ce genre.
Ces divers ajustements auront permis, nous l'espérons,
d'éliminer un certain mécontentement qu'avait soulevé le
projet de loi 59 auprès des petits commerçants de marchés
aux puces et des marchés publics en général. Il y a aussi
eu une question particulière à l'égard des gens de
religion juive qui, eux, à cause de leur religion, ferment le vendredi
soir et le samedi. La plupart - ce sont de petits commerçants qui nous
en ont fait la demande - étaient forcés de fermer le dimanche
selon la loi des heures d'affaires; c'était donc fermé environ
deux jours et demi. J'ai convenu avec les représentants du
Congrès juif canadien et avec le député de D'Arcy McGee de
trouver des façons pour permettre à certaines personnes de
religion juive qui ouvraient véritablement leur commerce cinq jours par
semaine et qui devaient le fermer le vendredi soir et le samedi, par les
diverses réglementations et les diverses exemptions que nous pouvons
trouver dans la loi de répondre à la demande de ces petites
entreprises, ces très petites entreprises, dans le fond, qui, pour des
raisons religieuses, ne peuvent ouvrir le samedi. (22 heures)
Les nombreuses consultations effectuées auprès des divers
intéressés par les heures d'ouverture des établissements
commerciaux ont démontré le bien-fondé du principe
même d'une loi sur les heures d'affaires. Le Conseil
québécois du commerce de détail et la Chambre de commerce
de la province de Québec l'ont, d'ailleurs, mentionné dans leurs
mémoires. De leur côté, les employés de commerces se
sont prononcés catégoriquement pour le maintien non seulement de
la loi, mais aussi des pratiques actuelles d'ouverture, particulièrement
en ce qui concerne le dimanche.
Avant de terminer, M. le Président, je voudrais dire que
l'étude de ce projet de loi s'est faite par les parlementaires à
l'Assemblée nationale des deux côtés de la Chambre d'une
façon très objective. Comme je l'ai dit, d'ailleurs, à
l'occasion de la commission parlementaire plusieurs députés
à la fois du Parti québécois et du Parti libéral y
ont participé - ce n'est pas un problème facile à
résoudre, mais je pense que tous ceux et celles qui ont touché
à ce projet de loi ont essayé de le faire d'une façon non
partisane et ont essayé de répondre le mieux possible aux besoins
et aux aspirations des chefs d'entreprise, des consommateurs et des
consommatrices, des travailleurs et des travailleuses. Cela a été
assez long pour en venir à un consensus à peu près
général et à un front commun, mais je pense qu'on a
essayé, des deux côtés de la Chambre, d'apporter les
meilleures solutions et surtout
les meilleures idées possible pour répondre aux demandes
de la grande majorité des citoyens du Québec.
Le projet de loi 59 et les modifications proposées que nous
déposons en deuxième lecture aujourd'hui rallient, à notre
avis, l'assentiment de la majorité des organismes et des personnes
concernés par les heures d'ouverture des établissements
commerciaux. Avec les améliorations à la Loi sur les heures
d'affaires que nous proposons aujourd'hui, j'ose espérer que les PME du
Québec qui ont, comme je le disais au départ, 68% du commerce au
détail du Québec, que les 50 000 entreprises dans le domaine du
commerce qui sont à peu près toutes des PME, puisqu'elles
créent 350 000 emplois au Québec, seront satisfaites et qu'elles
continueront à bien servir, d'abord au point de vue de la qualité
des services, leurs clients, les consommateurs et les consommatrices et,
d'autre part, qu'elles pourront aussi continuer à être profitables
et à répondre aux demandes de leurs travailleurs et de leurs
travailleuses qui veulent des heures de travail convenables. C'est la
même chose pour les chefs d'entreprise qui demandent des heures de
travail convenables et quelques heures le dimanche pour pouvoir profiter d'une
vie de famille un peu normale.
Dans ce sens, je pense que le projet de loi 59 essaie de répondre
à la majorité des demandes et de faire un consensus des
organismes et des individus qui ont comparu devant la commission parlementaire,
qui ont déposé des mémoires, qui ont travaillé ou
qui nous ont fait des suggestions appropriées concernant
l'amélioration de la Loi sur les heures d'affaires.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Laporte.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Le ministre de
l'Industrie, du Commerce et du Tourisme nous revient avec un projet de loi
réimprimé sur les heures d'affaires. Cela démontre
à la fois qu'il s'était lancé un peu précipitamment
dans sa réforme, somme toute assez sommaire, et aussi qu'il a su se
montrer perméable à certaines critiques que plusieurs
commerçants lui ont adressées. Dans son nouveau projet de loi,
certaines modifications sont heureuses, alors que d'autres étonnent.
Enfin, il faut déplorer, encore une fois, une assez faible
préoccupation pour les consommateurs eux-mêmes. Le ministre n'aura
pas réussi à faire l'unanimité autour de son projet de
loi, même s'il a reculé sur plusieurs aspects et cherché
à temporiser en introduisant des mesures transitoires sur lesquelles je
reviendrai tout à l'heure.
Parlons, d'abord, des améliorations. Globalement, le ministre
s'est rapproché du statu quo, tout en maintenant une plus grande
efficacité au niveau du contrôle et du respect des heures
d'affaires. Dans ce sens, il satisfait plus de commerçants puisque, dans
l'ensemble, c'est peut-être davantage l'incurie gouvernementale au plan
des contrôles que les heures d'ouverture elles-mêmes qui a fait
problème par le passé. Le ministre a ainsi laissé tomber
l'espèce de ruée de magasinage qu'il espérait sans doute
provoquer en permettant une prolongation des heures d'ouverture des magasins
dans la semaine précédant Pâques. Or, à peu
près personne ne le lui avait vraiment demandé. En se rapprochant
donc du statu quo, il améliore son projet de loi. Si le ministre avait
abordé ce sujet avec des objectifs bien précis en tête, en
regard des divers intérêts qui s'opposent sur cette question des
heures d'affaires, et s'il avait recherché d'abord un certain consensus
à ce niveau en étayant les fondements de ses objectifs, il aurait
semé moins de division entre groupes de commerçants, de
travailleurs et de consommateurs. Le ministre s'interrogeait sur
l'à-propos d'une déréglementation ou d'une
libéralisation des heures d'affaires. Ce sont là des
thèmes à la mode parce qu'on y voit un retour à une plus
grande productivité, mais, en même temps, le ministre nous affirme
qu'il faut protéger nos petits commerçants qui sont l'armature de
notre commerce de détail. Finalement, le ministre ne sait pas où
donner de la tête. Il nous émet cette position magnifique voulant
que la libéralisation s'en vienne et disant qu'elle se fera "dans une
étape ultérieure, et, si les conditions le permettent. On peut
forcer un peu une évolution, mais on ne peut tout bousculer. Il
faut être prudents, suivre l'évolution des mentalités".
Devant une phrase aussi révolutionnaire, je ne peux
m'empêcher de faire le lien avec d'autres propos du ministre selon
lesquels il entend cultiver chez les dirigeants de nos PME le goût du
risque pour leur donner le goût de l'indépendance, alors que ce
ministre, à l'instar de tous ses collègues, n'a qu'une
idée fixe souverainiste, dont à peu près personne ne veut,
alors que ce ministre n'a d'autre ambition que d'exclure les
Québécois de leur propre pays.
C'est le même ministre qui, après avoir semé un peu
plus la division, vient nous dire qu'il ne faut rien bousculer, qu'il faut
être prudents, suivre l'évolution des mentalités. Mais
c'est la mentalité même du ministre et de ses collègues qui
se voit incapable d'évoluer. Le ministre avance et recule avec son
projet de loi. Il est à l'image de tout le gouvernement et de son option
avance-reculé.
L'Association des consommateurs du Canada et celle du Québec
redoutaient qu'une libéralisation des heures d'affaires
trop importante ne se fasse sur le dos des consommateurs. On notait un
sentiment partagé chez les consommateurs. L'enquête sur l'opinion
publique démontrait que ceux habitant les villes étaient plus
ouverts à une certaine libéralisation que ceux vivant en milieu
rural. Si le ministre avait vraiment voulu suivre l'évolution des
mentalités, il aurait pu chercher à donner plus de souplesse
à son projet de loi. Le conseil provincial des employés de
commerce s'est élevé contre l'ouverture des magasins le dimanche,
car, selon lui, cela empirerait les conditions de travail d'employés
déjà désavantagés par l'obligation de travailler le
soir et jusqu'à six jours par semaine au salaire minimum.
M. Laberge, de la FTQ, estimait que le fait de permettre l'ouverture des
magasins le dimanche allait entraîner des pertes d'emplois. Il priait le
gouvernement de résister au lobbying des pharmacies et des grands
marchés publics. La FTQ jugeait que, pouvant ouvrir leurs portes le
dimanche, les pharmacies imposaient une concurrence déloyale aux
magasins d'alimentation puisqu'elles vendaient maintenant bien plus que des
médicaments. La FTQ soutenait des propos semblables au sujet des grands
marchés publics.
Sans que l'on sache trop pourquoi, le ministre nous propose dans son
projet de loi un système tout aussi contradictoire qu'arbitraire. Les
pharmacies, travaillant avec plus de trois personnes, vendant des
denrées alimentaires et des menus objets, à la date
d'entrée en vigueur du projet de loi, ne seront pas tenues de
réduire leur personnel à trois personnes ou de cloisonner la
partie où s'effectue la vente des denrées alimentaires à
la condition - c'est là l'arbitraire - qu'elles obtiennent une
autorisation du ministre et que l'espace total réservé à
la vente des denrées alimentaires ne soit pas augmenté. (22 h
10)
Mais, augmenté par rapport à quoi? Le projet de loi ne le
dit pas. Augmenté par rapport à quelle époque? Le projet
de loi n'en parle pas, non plus. Le ministre exige que la demande en ce sens
lui parvienne avant le 1er septembre 1984. En termes clairs, cela
veut dire que les pharmacies ont jusqu'à cette date pour
développer leur service d'alimentation et cela, sans restriction quant
aux superficies en cause. Le ministre a donc choisi d'exercer une sorte de
discrimination en faveur d'établissements auxquels il consacre un
avantage concurrentiel pour l'avenir.
Le résultat que l'on obtient est qu'à compter de
maintenant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, seules les
pharmacies auront le droit de vendre le dimanche des denrées
alimentaires à partir de grandes surfaces alors que tous les autres, les
marchés publics, les Provigo, les Métro-
Richelieu, les Steinberg devront fermer le dimanche. Allez donc
comprendre la logique derrière tout cela! II faut croire que les grands
marchés publics, en argumentant qu'ils satisfaisaient les besoins des
consommateurs, qu'ils suscitaient des investissements faisant l'orgueil de
certains députés et ministres péquistes qui n'ont pas
hésité à aller présider l'ouverture des grands
marchés publics, à lever la première pelletée de
terre, qu'ils créaient par surcroît des emplois, n'ont pas su
s'attirer les mêmes privilèges de notre bon ministre.
Pourquoi cette inéquité? Le ministre voulait-il se faire
pardonner d'avoir laissé mettre en vente la bière dans les
supermarchés et convaincre l'Association des détaillants en
alimentation qu'il n'était pas nécessairement sourd? En fait, le
ministre leur donne raison et laisse entendre aux grands marchés publics
qu'ils auront, eux aussi, leurs passe-droits s'ils savent taire leurs
récriminations et lui demander, en douce, un délai pouvant aller
jusqu'au 31 décembre 1986 pour se conformer à la loi.
La proposition de ne permettre d'ouvrir le soir et le dimanche qu'aux
commerces ayant moins de trois employés ne satisfait pas, non plus, les
petits commerçants, les petits dépanneurs. L'Association des
petits détaillants s'est opposée à ce système parce
que les magasins à chaîne, tels les Provisoir, les Perrette et les
Maisonnée, ont à leur service une armée d'employés
qui ne sont jamais présents au magasin; ces gens s'occupent, entre
autres, de comptabilité, de marketing, des achats et de l'empaquetage.
Le ministre refuse de reconnaître la légitimité de ces
craintes et s'en tient à sa formule de ne considérer que la
présence de trois personnes sur le plancher de l'établissement
comme critère d'évaluation de l'importance et de la force
relative des commerces qui sont en concurrence.
On pourra effectivement se retrouver avec des établissements
ayant des surfaces relativement importantes, dont la gestion dégagera
des économies d'échelle et qui laisseront les entreprises de type
artisanal non spécialisées avec un marché qui ira en se
rétrécissant. Avec un peu d'imagination, le ministre aurait pu y
aller de certains critères complémentaires, telles la
localisation ou la surface de plancher, mais il redoutait sans doute de pousser
à bout sa logique vascillante.
Encore là, il pourra toujours se rabattre sur le pouvoir qu'il
s'est réservé de faire des exceptions jusqu'au 31 décembre
1986. D'une certaine façon, cela transforme son projet de loi en une
vaste invitation à lui écrire des lettres, qu'il lira avec toute
l'attention dont est capable un ministre dont le parti politique a de la
difficulté à remplir sa caisse électorale, qui se
prépare à aller en élection alors que la cote de
popularité de
son gouvernement est désespérément basse.
Qu'adviendra-t-il de la légitimité des contrôles et
des amendes qu'il impose par son projet de loi si tous et chacun peuvent
requérir l'exemption du ministre qui ne fournit dans son projet de loi
aucun des critères sur lesquels il fondera ses décisions? Si le
ministre n'a d'autre ambition que de refiler la patate chaude au prochain
gouvernement et de protéger entre-temps ses arrières, si lui
aussi s'est transformé en chasseur d'irritants, qu'il demande à
son chef de prendre la décision de déclencher des
élections générales. Comme cela, le sort du plus important
irritant que doivent subir les Québécois sera
réglé.
J'ai souligné, dès ma première intervention
à la commission parlementaire, que le gouvernement se lançait
à l'aveuglette dans ce dossier. L'Opposition libérale croit
profondément que cette question des heures d'ouverture aurait dû
être abordée en coiffant l'initiative gouvernementale d'une grande
préoccupation pour les consommateurs eux-mêmes. L'encadrement
qu'il importe de donner aux heures d'ouverture aurait dû s'inspirer moins
de l'allure des futurs chevaliers de l'indépendance ou de la
déréglementation à tout prix que du souci d'offrir aux
consommateurs une accessibilité adéquate aux
établissements fournisseurs de biens et de services là et quand
ils les recherchent.
Les besoins et les attitudes des consommateurs sont en constante
mutation. Ils imposent ainsi leur désir de changement au secteur du
commerce au détail. De profonds changements sociaux sont en cours et se
traduisent par un impact majeur sur les attitudes face aux heures d'ouverture.
En voici quelques-uns tirés des données de recensement de
Statistique Canada. Près d'une femme mariée sur deux a
actuellement un emploi. En 1981, 47% des femmes mariées étaient
actives sur le marché du travail, comparativement à des
proportions de 28% en 1971 et de seulement 14% en 1961. La proportion des
familles monoparentales a augmenté. En 1981, la proportion de familles
monoparentales était de 12,5% en comparaison à une proportion de
9,9% en 1971. La taille des ménages a diminué de façon
significative passant de 4,2 personnes par ménage en 1961 à 2,9
personnes par ménage en 1981. Le revenu moyen du ménage a connu
une augmentation réelle de 16,5% de 1971 à 1981. La proportion
des 15 ans et plus ayant complété des études
universitaires est passée de 2,9%, en 1961, à 7,1% en 1981.
Ces changements sociodémographiques ont contribué à
modifier considérablement les comportements de l'ensemble des membres de
la famille et ont donné naissance à de nouvelles tendances.
Ainsi, le nombre des repas pris à l'extérieur du foyer a
augmenté d'une façon importante. Plus d'un repas sur trois, en
fait, deux sur cinq, est pris hors du foyer. Les membres de la famille ne se
retrouvent plus à des heures fixes. Chacun a ses propres
activités et son horaire particulier. En moyenne, les gens consacrent
plus de temps aux activités sportives et culturelles. La demande pour
les produits de luxe et plus personnalisés s'est accentuée. Du
"walkman" aux abonnements Nautilus, en passant par les salons de bronzage et
les chocolatines, les consommateurs ont adopté de nouveaux modes de
consommation en changeant ainsi leur style de vie.
Ces nouvelles caractéristiques socio-économiques qui se
modifient continuellement ont obligé le commerce de détail
à se fragmenter afin de mieux répondre aux besoins nouveaux et
aux horaires irréguliers des gens. Qu'on parle de dépanneurs, de
pharmacies à escompte, de marchés aux puces ou de marchés
publics, on s'aperçoit que les consommateurs ont démontré
leur intérêt accru pour ces nouveaux types de commerces qui leur
offrent une plus grande flexibilité et qui, par conséquent,
s'adaptent mieux à leur nouveau style de vie.
Les pressions exercées sur les commerçants varient,
toutefois, selon les secteurs et selon les régions. De façon
générale, elles sont plus marquées dans les grandes
agglomérations urbaines qui sont usuellement les premières
à connaître les nouveaux types de commerces. Les
différences sectorielles sont aussi importantes. On peut, sommairement,
classer les commerces en deux grandes catégories pour les fins
d'analyse: ceux qui vendent des biens de consommation régulière
et habituelle, appelés des "convenience goods", et ceux qui vendent des
biens achetés de manière plus délibérée et
planifiée; on les appelle des "shopping goods" en anglais.
Les commerces vendant des produits et des services de consommation
régulière et habituelle, soit avant tout l'alimentaire et des
secteurs, telles les tabagies, les stations-service et, à un moindre
degré, les pharmacies, se voient accorder une grande flexibilité.
Par exemple, dans l'alimentaire, les exigences des consommateurs ont
considérablement augmenté depuis dix ans et les nouvelles
exigences sont exprimées dans leur choix quotidien. L'horaire de neuf
à six, par exemple, du lundi au samedi, convient de moins en moins et la
fréquentation des nouveaux types de commerces qui offrent des heures
plus flexibles le démontre bien.
Les commerces de la seconde catégorie sont l'objet d'achats plus
délibérés et planifiés dans le cadre des
activités régulières des consommateurs. Le consommateur
manifeste donc plus de souplesse, étant donné un processus
décisionnel beaucoup plus long. Que ce soit pour acheter une automobile,
des vêtements
ou des matériaux de construction, le consommateur consent
à planifier ses achats en fonction des disponibilités des
marchands. D'ailleurs, le fait que très peu de marchands aient
trouvé profitable de déroger à la Loi sur les heures
d'affaires témoigne du fait que les consommateurs ne manifestent pas des
exigences aussi sévères dans leur besoin de flexibilité
pour ces types de biens de consommation; sinon, ils auraient encouragé
la transgression qui se serait multipliée. Dans certains secteurs tels
l'automobile et les matériaux de construction, le consommateur
s'accommode d'un horaire plus restreint que ne le permet même la loi
actuelle.
Le ministre n'a pas voulu faire de consultations populaires,
établir les consensus sur les besoins des consommateurs et penser son
système en fonction de leurs besoins et de leur caractère
évolutif, du cadre particulier dans lequel ils sont appelés
à planifier leurs achats et des conventions sociales qu'ils souhaitent
voir respectées. Le ministre a plutôt choisi la voie d'un certain
paternalisme et se retrouve avec un système de privilèges.
On n'a qu'à consulter le projet de loi qu'on a devant nous, le
projet de loi 59, pour voir combien il contient de clauses arbitraires. Je ne
veux en citer que quelques-unes. Prenons, par exemple, la clause 5.2 qui dit
qu'une pharmacie qui vend des denrées alimentaires et qui a plus de
trois employés à la date de l'entrée en vigueur de la
présente loi n'est pas tenue de restreindre son personnel à trois
personnes ou de cloisonner la partie où s'effectue la vente des
denrées alimentaires à la condition qu'elle obtienne une
autorisation du ministre. Voilà, M. le Président, une clause
arbitraire comme on peut en trouver dans les projets de loi de ce gouvernement.
La clause 5.3: "Le ministre peut autoriser des établissements
commerciaux à exercer leurs activités pendant des périodes
où ces activités sont interdites par la présente loi."
Autre clause arbitraire. La clause 6 qui dit: "Le ministre peut, aux conditions
qu'il détermine, accorder à un établissement commercial un
délai pour se conformer aux dispositions de la présente loi. En
aucun cas, ce délai ne peut excéder..." Est-ce le 31
décembre 1984? Non, M. le Président. Serait-ce le 31
décembre 1985? Non, M. le Président. C'est le 31 décembre
1986, soit bien après les prochaines élections et bien
après qu'on aura changé de gouvernement. Voilà le genre de
clauses discriminatoires qu'on retrouve dans ce projet de loi.
Le devoir est à reprendre à zéro. L'Opposition ne
peut cautionner une approche genre rapiéçage
avance-reculé. Le principe fondamental de ce projet de loi réside
dans les décisions arbitraires du ministre jusqu'en 1986. L'Opposition
n'a pas à lui donner bonne conscience. Elle ne peut qu'espérer
que ces mécanismes de passe-droit seront utilisés avec le maximum
de prudence et de discernement. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Rancourt): M. le
député de Châteauguay.
M. Dussault: M. le Président, je demande la suspension du
débat.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
de suspension du débat est adoptée? Adopté. M. le leader
adjoint.
M. Fréchette: M. le Président, cela complète
le menu dont il avait été question pour aujourd'hui. Je fais donc
motion pour que la Chambre s'ajourne à demain matin, 10 heures.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Est-ce que cette motion
d'ajournement est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Rancourt): Adopté. Nos
travaux sont ajournés à demain, 10 heures.
(Fin de la séance à 22 h 25)